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2 FRANÇOIS-JEAN MARTIN L’Ancien Testament Les parties historiques du Pentateuque mettent d’abord en valeur le caractère positif des richesses : Dieu désirait bénir son peuple en lui accordant des biens matériels, en particulier dans le luxuriant pays de Canaan. Ayant reçu ces bénédictions, ils devaient pouvoir à leur tour bénir tous les peuples de la Terre. Les parties légales de ces mêmes livres préparaient les Israélites à obéir à Dieu et par conséquent à jouir de ses bénédictions. Mais dans le domaine matériel, ce sont surtout les restrictions impo- sées par la Loi concernant l’usage et l’accumulation des biens qui sont remarquables. Le peuple de Dieu ne doit pas oublier que tout appartient à Dieu et qu’Il veut que chacun puisse en bénéfi- cier. Dans les autres livres histo- Tout travail qui veut résumer en si peu de place un thème aussi important et riche du cor- pus biblique sera inévitable- ment réducteur et pauvre 2 . PAUVRETE ET RICHESSE, survol biblique 1 1 Pour écrire cet article, je me suis servi d’ex- traits du livre de Craig Blomberg « Ne me donne ni pauvreté ni richesse », Excelsis, Col- lection Terre Nouvelle, 2001, dont j’avais fait la recension pour « Servir » en le recomman- dant. 2 Mais il peut donner envie au lecteur d’aller plus loin. Je leur conseille alors la lecture du livre de Craig Blomberg. PAUVRETÉ-SOLIDARITÉ PAUVRETÉ-SOLIDARITÉ Pages Servir 5-2008 15/01/09 11:22 Page2

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FRANÇOIS-JEAN MARTIN

L’Ancien Testament

Les parties historiques duPentateuque mettent d’abord envaleur le caractère positif desrichesses : Dieu désirait bénirson peuple en lui accordant desbiens matériels, en particulierdans le luxu riant pays de Canaan.Ayant reçu ces bénédictions, ilsdevaient pouvoir à leur tourbénir tous les peuples de la Terre.Les parties légales de ces mêmeslivres préparaient les Israélites àobéir à Dieu et par conséquentà jouir de ses bénédictions. Mais

dans le domaine matériel, cesont sur tout les restrictions impo-sées par la Loi concernant l’usageet l’accumu lation des biens quisont remarquables. Le peuplede Dieu ne doit pas oublier quetout appartient à Dieu et qu’Il veutque chacun puisse en bénéfi-cier. Dans les autres livres histo-

Tout travail quiveut résumeren si peu deplace un thèmeaussi importantet riche du cor-pus bibliquesera inévitable-ment réducteuret pauvre2.

PAUVRETE ET RICHESSE,

survol bibl ique1

1 Pour écrire cet article, je me suis servi d’ex-traits du livre de Craig Blomberg « Ne medonne ni pauvreté ni richesse », Excelsis, Col-lection Terre Nouvelle, 2001, dont j’avais faitla recension pour « Servir » en le recomman-dant.2 Mais il peut donner envie au lecteur d’allerplus loin. Je leur conseille alors la lecture dulivre de Craig Blomberg.

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riques de l’Ancien Testament, lescycles d’obéissance et de désobéis-sance s’enchaînent, accompagnésdes conséquences du comportementdes Israélites à l’égard des lois de Dieu.

Avec l’avènement de la monarchie, lesmesures de « liberté et de jus ticepour tous » qui avaient pu être déve-loppées par les générations pré -cédentes vont progressivement dis-paraître. Le fossé entre riches etpauvres va se creuser et la premièrede ces catégories se réduire graduel -lement. La richesse sera de plus enplus concentrée entre les mains de lafamille royale et de ses courtisans. Unepoignée de riches propriétaires terriensva absorber une partie toujours plusgrande du pays. Il est difficile dedéterminer exactement l’extensionde ce processus durant la période vété-rotestamentaire, mais les dévelop-

pements intertesta mentaires ne ferontqu’exacerber ces inégalités. Il n’est passurprenant que cette injustice économiquesoit un des thèmes majeurs des prophè -tes, qu’elle soit également invoquéepour expliquer l’exil, puis l’absence devéritable restauration postexilique et lasituation de dépendance pro longée.Cependant, les péchés économiquesd’Israël ne sont jamais sans lien avec sonidolâtrie : l’adoration des faux dieuxconduit à l’égoïsme matériel.

Les écrits de sagesse et de poésie del’Ancien Testament développent deuxthèmes qui semblent s’opposer : larichesse comme récompense à la fidé-lité et au travail, et la critique des mau-vais riches et des richesses mal acquises.Job et l’Ecclésiaste sont un très fortrejet de la théologie de la prospérité : non,

la fidélité n’est pas synonyme de béné-diction. Donc la pauvreté et la maladiene sont pas signes d’infidélité ou depéché. Avec son corollaire : l’infidélitén’empêche pas la richesse, la réussite, lalongévité et la santé et donc la richessen’est pas signe de fidélité. Ces deux livresprotestent en particulier contre touteprétention humaine à la justice. Ces deuxouvrages, ainsi que les Psaumes et leLivre de Daniel, prépareront le terrain àune doctrine qui sera formulée plusprécisément durant la période intertes-tamentaire : le jour du jugement et lemonde à venir sont les seules solutionsvéritables et équitables à l’injustice dumonde.

La périodeintertestamentaire

La pensée juive, grecque et romainedes siècles précédant l’époque duNouveau Testament est si diverse qu’elleen est déroutante. Pourtant, dans l’en-semble, la pensée juive, plus qu’aucuneidéologie gréco-romaine, valorise lespauvres et insiste sur l’intérêt de Dieu pourleur situation. Parmi les apocryphes et lespseudépigraphes, seul le Siracide fait desbiens matériels un de ses thèmes majeurs.La diversité de sa contribution correspondà celle de son prédécesseur cano niquedu même genre littéraire, le livre desProverbes. Enfin, les Esséniens deQumrân cultivaient un idéal monastiqueet communautaire, tout en maintenant uncertain degré de propriété privée.

Le Nouveau Testament

Dieu veut que son peuple, l’Église,répartisse sa richesse plus équitable-ment. Pour Jésus, Dieu et Mammon sont

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des maîtres rivaux ; en fin de compte,on ne peut servir que l’un des deux. Leroyaume de Dieu a une composantefinancière importante, centrée sur l’au-mône. Jésus et ses dis ciples ont volon-tairement limité leurs revenus à cause deleur ministère, et l’Église du livre des Actesa adopté le principe de la bourse com-mune et créé, à Jérusalem, un méca-nisme provisoire de partage commu-nautaire en application des principesuniversels de protection des pauvres.Dans le livre des Actes, ces principesconduiront plus tard à l’institution plusdurable d’un « fond diaconal » pour aiderles veuves et les pauvres et à des collectesen faveur des croyants nécessiteux au-delà de la communauté locale.

À première vue, Jacques et Paul sem-blent aussi différents qu’il est possible del’être, y compris dans le domaine de lapauvreté et de la richesse. Ces termes sontd’ailleurs rarement employés par Paul,alors que la dénonciation des péchés desriches injustes occupe une grande par-tie de l’enseignement de Jacques. Maisune étude plus attentive des épîtres dePaul révèle que les questions d’argent fontégalement partie de ses préoccupations.Paul veille tout particulièrement à saperles prati ques hellénistiques de réciprocitéet la relation traditionnelle de patron àclient. Pour lui, tous les chrétiens doiventdevenir des bienfaiteurs, même si c’estmodestement. La collecte en faveur despauvres de Jéru salem donne l’occasionà Paul d’énoncer en détail ces principeset d’autres du même ordre (2 Co 8-9).

Les écrits de Paul et de Luc sont lesmeilleurs indicateurs de la pré sencecroissante d’une classe moyenne, voiremême supérieure, dans l’Église chrétienne

naissante. Aucun de ces deux auteursn’appelle les croyants riches à échangerde place avec les pauvres ; ils doivent sim-ple ment donner de leur superflu, maisaussi être honnêtes en définissant ce quiest superflu. Le reste des épîtres duNouveau Testament et l’Évangile selonJean n’ajoutent aucun nouvel élément,mais reproduisent occa sionnellementles précédents. Cependant, le livre del’Apocalypse clôt le canon en décrivantune situation extrême, dans laquelle lemonde déchu est tellement corrompu queles disciples fidèles devront se séparer dusystème et des pratiques économiquesdu reste de l’humanité.

Le Nouveau Testament prolonge lesgrands principes de l’Ancien Testamentet du judaïsme intertestamentaire, avecnéanmoins une omis sion manifeste : larichesse matérielle n’y est jamais promisecomme récompense systématique àl’obéissance spirituelle ou au travailappli qué. Cette omission provient direc-tement du fait que le peuple de Dieu n’estplus défini comme un groupe ethniquevivant sur un territoire donné par Dieu.Cela ne signifie pas que les promessesde l’Ancien Tes tament soient entièrementspiritualisées. Le peuple de Dieu del’Ancien et du Nouveau Testamentsjouira un jour des bénédictions de la terre,étendues au monde entier et finale-ment à l’univers restauré. Mais dans letemps présent, avant la venue du Christ,on ne peut rien dire du niveau de pros-périté que Dieu accordera à un croyantdonné. Cependant, tous les chrétiensdevraient avoir accès à des maisons età des terres, « cent fois plus dès à pré-sent », grâce à la générosité des chrétiensqui partagent les uns avec les autres (voirMc 10.29-30). F-J.M.

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IsraëlL’Ancien Testament appelle les

membres du peuple de Dieu àpratiquer la justice et l’équité.Bien plus : à aimer son prochainet l’étranger comme soi-même (Lv19.33-34). Or l’amour, au sensbiblique, n’est pas d’abord unsentiment. C’est un engagementen faveur d’autrui et il se traduitpar des actes définis par les nom-breux commandements bibliquesconcernant les réalités de la viequotidienne. Etre attentif à ladétresse d’autrui, protéger lesplus faibles, les vieillards et les han-dicapés, partager son pain aveccelui qui a faim, lui ouvrir samaison, vêtir celui qui est nu, avoirégard à tous ceux que les cir-constances de la vie ont frappés.Dans ce domaine, la trilogie de lafragilité revient comme un refrain :la veuve, l’orphelin, l’étranger1. Iln’y a aucune place dans le peuplede Dieu pour l’égoïsme et l’in-

Le problème de la pauvreté apparaît defaçon si permanente dans la Bible – Ancien etNouveau Testaments – qu’il faudrait de nom-breuses pages de cette Revue pour faire uninventaire des textes qui s’y rapportent. Pouréchapper au piège d’une massive énumérationde références bibliques, nous avons opté pourune approche plus synthétique de la question.

Précisons que la notion biblique de pauvretén’est pas uniquement une question pécu-niaire, mais concerne tous les domaines del’existence : pauvreté économique (famine,maladie), pauvreté sociale (exclusion, esclavage,solitude), pauvreté psychologique (sentimentd’infériorité, d’insécurité), pauvreté spirituelle(culpabilité, éloignement de Dieu, crainte dela mort). Dans les Evangiles, les deux versionsde la première béatitude mettent en évidencecette double dimension de lapauvreté : « Heureux lespauvres en esprit » (Mt 5.3) et« Heureux vous qui êtespauvres » (Lc 6.20).

JACQUES

BLANDENIER

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PAUVRETÉ & PARTAGE

PAUVRETÉ & PARTAGE

1 Dans l’Antiquité, l’étranger n’est pas untouriste au portefeuille bien garni, maisun réfugié fuyant la famine ou l’oppres-sion ; dépourvu de tout soutien, il est trèsvite réduit à l’esclavage.

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différence au sort de son prochain – pasplus que Dieu lui-même n’est indifférentà la souffrance de son peuple (Exode3.7… entre beaucoup d’autres).

Cet amour actif est la substance det o u s l e s c o m m a n d e m e n t sbibliques comme Jésus l’exprimera parle sommaire de la loi ; c’est ainsi quel’apôtre Paul, ancien pharisien et grand

connaisseur des Ecritures, envisage luiaussi l’éthique vétérotestamentaire (Ga5.14 : « Toute la loi est accomplie dansune seule parole, celle-ci : Tu aimeras tonprochain comme toi-même », ou Rm13.8-10).

L’Ancien Testament exhorte à pratiquerla miséricorde à titre personnel envers lesindigents, mais on y trouve aussi unelégislation dont l’objectif est préventif (onse situe alors à un niveau plus politiquequ’individuel) : pour prévenir la pau-périsation, pour empêcher que les richesprofitent de leur situation de force pourexploiter ceux qui sont sans défense. Les

lois d’Israël interdisent aux maîtres d’ex-ploiter leurs ouvriers : un juste salaire estune exigence biblique (Dt 24.14-15).L’épître de Jacques retentit d’un échoexplosif à ce commandement (Jc 5.1-6) !Des règles strictes encadrent le prêt et l’en-dettement. Le créancier a l’interdictionde mettre son débiteur sous pression enconservant des gages dont ce dernier a

besoin pour sur-vivre (Dt 24.10-13). L’année sab-batique, tous les7 ans, « remet lescompteurs à zéro »en libérant ceuxque l’endettementa réduits en escla-vage. Les lo i sconcernant le gla-nage sont intéres-santes à plus d’untitre et peuventêtre actualisées :d’une part, ellessignalent un refusde la « maximali-sation du profit »sans égard pourceux qui sont auchômage, d’autre

part elles n’incitent pas les paresseux àfaire l’aumône : glaner n’est pas mendier,mais obtenir le droit de travailler, commel’illustre le livre de Ruth (ch. 2).

Le message des prophètes poursuit lemême objectif. En fait, ils ne prêchent riend’autre que les prescriptions des loismosaïques, mais les actualisent d’aprèsce qu’ils ont sous leurs yeux – ce qui lesconduit à une grande sévérité dans l’an-nonce du jugement qui frappera lepeuple et surtout ses dirigeants, qui ont

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bafoué les droits des pauvres et négligéde secourir les plus faibles parmi eux.

Depuis Esaïe jusqu’à Malachie, en pas-sant par Jérémie, Ezéchiel, Amos, Michée,les accents courageux et sans concessiondu message social des prophètes envoyéspar l’Eternel à son peuple sont uneconstante qui retient trop peu l’attentiondes lecteurs actuels de la Bible.

Pour résumer, relevons quatre moti-vations à l’engagement dans cecombat : 1o) Le souvenir : lescommandements à Israël pourqu’il prenne soin des pauvres ontpour levier une phrase quirevient plus de quatre-vingts foisdans l’Ancien Testament : « Tute souviendras que tu étaisesclave en Egypte et que l’Eternelton Dieu t’a fait sortir du paysde la servitude. » Que ceux quiont été secourus apprennent àsecourir ; 2o) La gratitude enversDieu suscite l’amour pour Lui etpour ses commandements ; 3o) La res-semblance : le peuple d’Israël est appeléà refléter devant les nations le caractèrede son Dieu saint et miséricordieux.« Vous serez saints car je suis Saint, ditl’Eternel » ; 4o) L’espérance : les prophètesannoncent la venue d’un monde nou-veau où la justice régnera, où il n’y aurani pauvreté ni violences ; ce qu’Israëlaurait dû vivre dans la Terre promisedevient une attente jalonnée par dessignes qui l’anticipent2.

L’Eglise

Le peuple de Dieu de la NouvelleAlliance, dispersé, minoritaire et persé-cuté parmi les nations, ne peut imposer

aux Etats les lois sociales du Pentateuque.Mais il faudrait une lecture superficielledu Nouveau Testament pour ne pasremarquer que le thème de la pauvretéy est sans cesse présent.

Jésus de Nazareth ne fut pas unréformateur social, mais sa vie et sonenseignement sont une radicale remiseen question des valeurs prônées par unesociété impitoyable envers les plus fra-

giles. Il serait bien troplong d’évoquer toutesles situations où on levoit proche des exclus,attentif aux plus petitsd’entre eux, manifes-tant une compassionact ive envers cespauvres auxquels ils’identifie totalement,lui le Fils de Dieu. Lacompassion de Jésusne connaît pas de fron-tière. Si l’Eglise pre-

nait vraiment au sérieux le Sermon surla montagne, quel contraste sauterait auxyeux entre sa manière de vivre et lesnormes de la société !

C’est précisément ce qui s’est produitavec les premiers chrétiens de Jérusalem,selon les chapitres 2 et 4 du livre desActes. Leur mise en commun des biensn’était pas, comme on le pense souvent,dictée par l’euphorie des premiers jours.C’était l’expression d’une volonté devivre, déjà sur la Terre, la réalité duRoyaume de Dieu où il n’y aura ni richesni pauvres. Un programme hérissé de dif-ficultés certes, mais l’institution des

« L’information doit êtretransformée en connais-sance, la connaissance ensensibilité et la sensibilitéen engagement. »

(Elie Wiesel, « Le cas Sonderberg », ...)

2 Pour aller plus loin, nous conseillons vivement la lecture de :Christopher J.H. Wright : Ethique et Ancien Testament (Excelsis2007).

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diacres (Actes 6.1-6) prouve que lesApôtres ne se sont pas laissé rebuter parles obstacles et ont voulu inscrire dansle temps la mise en œuvre d’une réellesolidarité entre les membres de l’Églisedu Messie-Jésus.

Le sens d’une responsabilité mutuelles’étend très vite, au-delà de la commu-nauté locale, aux relations entre Eglises :voyez l’initiative des chrétiens d’Antioche,suite à une parole de Dieu (prophétie)de secourir leurs frères de Judée touchéspar la famine (Ac 11.27-30). Mais cetengagement s’étend aussi hors de l’Église.Les rédacteurs des Évangiles prouventque les premiers chrétiens se sont sou-venus des appels de leur Seigneur àl’amour sans frontière – y compris de l’en-nemi – illustré entre autres par la para-bole du bon Samaritain portant secoursà celui qui n’est pas de sa race.

L’étonnante insistance de l’apôtrePaul à propos de la collecte pour lespauvres de Jérusalem (qu’il appelle koi-nônia : communion) montre que le pro-blème de la pauvreté n’était aucunementune question annexe à ses yeux (cf. 2 Co,ch. 8 et 9, mais aussi Rm 15.26-27, Ga2.10 ; 1 Co 16.1-2). L’éthique pauliniennemet clairement en garde contre l’illusionde l’accaparement des richesses et touteforme d’égoïsme qui est un péché contrele corps de Christ.

Quant à l’apôtre Jean, son « épître del’amour » (1 Jean) est un plaidoyerpour que cet amour, bien loin d’être unvague sentiment, soit un engagement actifen faveur des frères défavorisés : « Si quel-qu’un possède les biens du monde,qu’il voie son frère dans le besoin et qu’illui ferme son cœur, comment l’amour deDieu demeurerait-il en lui ? » (1 Jn 3.17)

Nous avons déjà mentionné l’appel

ardent de Jacques pour des salaireséquitables. Rappelons aussi son indi-gnation : « Vous avez déshonoré lepauvre ! » (Jc 2.6)

Ces quelques paragraphes ne pré-tendent pas présenter une étude duthème de la lutte contre la pauvreté dansla Bible. Plus modestement, elles ouvrentquelques pistes pour inciter les lecteursà les explorer eux-mêmes – le parcoursqu’ils découvriront les stimulera par sarichesse et leur interdira d’échapper à uneinterpellation personnelle.

J.B.

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Du fait que « la façon par-faite de pratiquer la reli-gion » consiste, entre

autres, à « prendre soin desorphelins et des veuves dans leurmalheur » (Jc 1.27), l’aide socialea toujours eu sa place dans la viede l’Église. Dans la France du 19e

siècle, le courant évangélique duprotestantisme a fait preuve d’uncer tain dynamisme dans cedomaine, son fleuron étant sansdoute l’action de l’Armée duSalut, implantée à partir de 1881.

Alors que les évangéliquessont encore très marginaux dansla société française en 1945 (seu-lement 50.000, selon SébastienFath, Du ghetto au réseau, p.214), leurs œuvres socialesconnaissent une extensionimpressionnante au cours de ladeuxième moitié du 20ème siècle.Avec d’importantes subventionspubliques à l’appui, l’Armée duSalut devient l’un des partenairesprincipaux de l’État dans la luttecontre l’exclusion et la précarité

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Églises évangéliqueset oeuvres

sociales

1 Professeur de théologie pratique à l’Insti-tut Biblique de Nogent-sur-Marne et secré-taire de l’Action Sociale Évangélique (ASEV)ANDRÉ POWNALL1

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(les figures actuelles de la pauvreté). Lesassemblées mennonites multiplient leursétablissements au service des handica-pés et des personnes âgées en régionparisienne (Amis de l’Atelier et DomaineEmmanuel) et dans l’Est de la France.L’Association Baptiste pour l’Entraide etpour la Jeunesse (ABEJ) développe desstructures importantes dans le Nord, laPicardie et l’Île-de-France. Les assem-blées dites « de Frères » ne restent pasles bras croisés, non plus, que cela soitpar le biais de l’Association Culturelle etde Bienfaisance de l’Entraide Évangé-lique (Maison de retraite La Clairière,etc.) ou par des initiatives locales,comme dans la création de l’Entraide-leRelais à Strasbourg.

Plus de 120 associations carita-tives sont listées dans le chapitre« Œuvres sociales » de l’Annuaire Évan-gélique 2007. Certaines poursuivent leuraction à l’extérieur de l’Hexagone,quelques-unes sur le plan purementlocal, mais d’autres ont un rayonnementrégional ou national. Les unes viventde dons et mobilisent surtout des béné-voles, les autres reçoivent des subven-tions et emploient des équipes de pro-fessionnels. On trouve dans ce chapitrede l’Annuaire la mention d’une ving-taine de Centres d’Hébergement et deRéinsertion Sociale, destinés à répondreaux besoins de personnes en grandedifficulté. Les maisons de retraite ainsique les foyers de divers types sont unpeu plus nombreux, témoins de l’enga-gement des chrétiens évangéliques enfaveur de leur prochain.

Souvent à l’initiative d’hommeset de femmes visionnaires, qui mobili-

sent des équipes de chrétiens engagésautour d’eux, les œuvres sociales onttendance à s’institutionnaliser peu à peuet à perdre leur caractère distinctementchrétien. C’est une quasi constante del’Histoire, et dans la mesure où les chré-tiens ouvrent la voie à l’intervention despouvoirs publics, on ne peut que s’enréjouir... et prier que Dieu suscite denouveaux visionnaires pour ouvrir denouvelles voies de soulagement de lamisère humaine !

Le principe de la séparation del’Église et de l’État serait-il un facteuraggravant de cette tendance à la sécu-larisation ? L’État ne subventionne quedes actions ayant des objectifs culturels.Le maintien du témoignage chrétienorganisé dans une œuvre sociale sub-ventionnée passe obligatoirement parune structure parallèle, s’appuyant surdes fonds privés. Cela passe par desvoies différentes. Par exemple... la direc-tion du Domaine Emmanuel finance leposte à mi-temps d’un aumônier évan-gélique (Thierry Seewald) par des fondsassociatifs. L’équipe de responsables dela Mission Évangélique parmi les Sans-Logis, en partie issue de l’assemblée deParis-Nation, a fait une sorte de vœu de« modestie », afin de limiter la dépen-dance de la Mission par rapport auxfonds publics et pouvoir garder le lienentre le social et le spirituel.

D’une seule voix, semble-t-il, lesœuvres évangéliques déplorent la diffi-culté de recruter dans les Églises évan-géliques le personnel qualifié nécessairepour animer leur action. Pourquoi leschrétiens évangéliques ne considèrent-ils pas les métiers du service social

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comme un domaine prioritaire de leurengagement professionnel ? Et le servicesocial comme une belle occasion d’en-gagement chrétien bénévole ?

Comment comprenons-nous la parolede Jésus à ses disciples, « Vousaurez toujours des pauvres avecvous » (Jn 12.8) ? Comme unefatalité à subir, car il n’y a rien ày changer ? Comme la preuve del’ineptie des pouvoirs publics ?Comme une réalité à éloignerautant que possible de notreroute ? Comme une croix à por-ter et un moyen éventuel pournous racheter ? Comme le refletde notre propre pauvretéhumaine (à refuser et à fuir, ou àaccueillir humblement) ? Commeun cadeau de Dieu (car lespauvres sont ses « précepteurs »...ils nous donnent une heureuseoccasion d’exprimer notre amourpour lui) ? Voulons-nous prati-quer notre religion de manièreparfaite ?

Comment donc améliorerles relations entre les Églisesévangéliques et les œuvres sociales d’ins-piration évangélique (ou non) et encou-rager l’engagement chrétien dans lesocial ? Les travailleurs sociaux chré-tiens remplissent une mission difficile etparfois usante, et ils ont besoin desprières, du soutien et de l’accompagne-ment de l’Église. Afin de faire face auxproblèmes sociaux qu’elles rencontrent,les Églises, à leur tour, peuvent faireappel aux conseils des « professionnels »dans leur sein (tout en évitant de leurimposer des charges supplémentaires).

Les œuvres sociales sont un lieu de for-mation et de service pour les chrétiens,et les Églises sont bien sûr une sourcepotentielle très précieuse de dons en

argent et en nature, ainsi que de béné-voles, pour les œuvres. Cela présup-pose, cependant, des occasions pourfaire connaissance ensemble, et celapasse idéalement par la mise en place devéritables partenariats entre Églises etœuvres.

Jésus nous dit : « Cherchezd’abord le royaume de Dieu... » (Mt6.33). Églises et œuvres, travaillons-yensemble !

A.P.

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Voilà une prescription de Jésus dont la radicalité pose problème : je ne suispas prêt à l’appliquer et j’ai le sentiment qu’elle est une condition du salut.

Il convient tout d’abord de s’intéresserà l’évènement que Marc nous relate (Lc18.18-27). Il est communément appelé

l’épisode du « jeune homme riche2 ». C’estlui qui vient à la rencontre deJésus. Répondant à sa quête dela vie éternelle – par rapport àlaquelle cet homme a le sentimentd’avoir fait tout ce qui lui semblaitpossible sans trouver l’assurancedu salut – Jésus propose la seulechose nécessaire : le suivre enrenonçant à tout.

Cet ordre est l’épreuve qui fait tomberses illusions et révèle en fait où était l’at-tachement de son cœur, son idoleinavouée. Et cette exigence divine, pour-tant assortie d’une promesse – « tu aurasun trésor au ciel » – est insurmontable pourlui.

La relation à l’argent et aux biensmatériels a été maintes fois abordée parJésus3. La parole la plus forte étant : « Nulne peut servir deux maîtres […] Vous nepouvez servir Dieu et Mammon »4. Eclairéspar cette parole nous comprenons clai-rement que c’est le 1er commandement5

que cet homme avait transgressé. Il a mal-heureusement persisté dans sa transgres-sion et n’a pas vu le gain que représen-tait la confiance placée en Jésus seul etla communion avec Dieu.

Plus encore, l’invitation de Jésus n’étaitpas seulement d’abandonner sa confianceen ses richesses mais aussi de distribueraux pauvres le produit de la vente. Làencore, cet homme est en porte-à-fauxavec la Loi divine : il ne pratique pas lecommandement - qui est semblable au pre-mier - « d’aimer son prochain comme soi-même »6 et les pauvres, les plus défavo-risés en particulier. Sa richesse ne l’a pasrendu plus généreux mais plus avare.

En voyant l’homme s’en aller touttriste, Jésus dit : « Qu’il est difficile à ceuxqui ont des biens d’entrer dans le royaumede Dieu ! » (v. 24). Il identifiait ainsi larichesse et la sécurité qu’elle procure,comme l’un des plus grands obstacles àl’engagement par la foi…

Avant de tirer une conclusion pra-tique à notre usage, il faut encore releverqu’il n’y a pas, dans l’ensemble de la Bible,de condamnation de la richesse par prin-cipe. La richesse est légitime si elle est lefruit du travail ; même du travail d’ouvriers

MARCEL

REUTENAUER

1 Voir aussi les textes parallèles : Mt 19.16-22 ; Mc10.17-222 D’après les précisions de Mt 19.20 et 223 Dans l’Evangile de Luc par exemple : 12.13-15et 16-34 ; 16.1-13 ; 16.19-26 ; 18.18-27 ; 21.1-44 Mt 6.24 ; Lc 16.135 Ex 20.3 ; Dt 5.76 Lv 19.18 ; Mt 22.39 ; Mc 12.31

Vends tout ce que tu possèdes, distribue le produit de la vente aux p(Luc 18.22)1

Grain à moudre PAUVRETÉ-SOLIDARITÉPAUVRETÉ-SOLIDARITÉ

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s’ils ont été rémunérés par un salairejuste. Par contre, le principe de la solida-rité, que celui qui possède des biens doitexercer envers ceux qui en sont dénués,est maintes fois rappelé.7

La parole de Jésus à l’adresse del’homme riche ne constitue donc pasl’énoncé d’un principe général d’aprèslequel tous les chrétiens devraient néces-sairement se dépouiller de tous leursbiens. Mais par cet exemple, il enseigneà tous ses disciples qu’ils doivent vivre dansun renoncement du cœur qui leur permettede tout sacrifier quand Dieu le demandera.

Jésus n’enseigne pas non plus de faire« vœu de pauvreté » pour atteindre une per-fection spirituelle selon l’idée catholique. Cen’est pas le salut par les œuvres mais il s’agitde placer sa seule confiance en la providencede Dieu qui sait ce dont nous avons besoin.

La Parole de Dieu nous invite ici à nousexaminer nous-mêmes. Sa radicalité nousoblige à réagir et nous met en face de nossentiments qui sont révélateurs de réali-tés profondes :• elle nous permet de prendre conscience

du degré d’attachement aux biensmatériels qui est le nôtre,

• elle nous permet de prendre conscienceque, même en n’étant pas forcément dela catégorie des « nantis », nous sommestoutefois riches de toutes sortes debiens matériels,

• elle nous invite à faire l’inventaire deschoses – pas seulement matérielles(confort, habitudes, dépendances) – quenous devrions peut-être abandonner,

• elle nous oblige à nous questionner surnotre perception des pauvres. Ensommes-nous proches ?

• elle nous invite à examiner notre pra-tique de la libéralité. Quelle est lavaleur réelle de ce que nous donnonspour les pauvres et les œuvres carita-tives diverses ?

• elle nous questionne sur notre per-ception des réalités spirituelles. Est-ceque c’est « un trésor dans le ciel » ?

M.R.

7 Es 58.7 ; Ga 2.10 ; 1 Tm 6.188 Ep 2.8-99 Lc 12.22-34

x pauvres !

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De quoi s’agit-il ?

Selon cette doctrine, la mort deChrist a non seulement vaincu lamalédiction due à la Chute (Ga3.10-13) mais aussi, et dès à pré-sent, les effets de la Chute comme,par exemple, la maladie et lapauvreté. Aussi le chrétien doit-ils’attendre à recevoir par la foi, iciet maintenant, non seulement lavie éternelle mais aussi, et avecautant de certitude, la santé et laprospérité. Le chrétien maladeou pauvre déshonore Dieu par sonmanque de foi en donnant l’im-pression que Dieu ne tient pas sespromesses ou que Christ est morten vain. Pour bénéficier de laprospérité promise, il faut reven-diquer « par la foi » ce à quoi lecroyant a droit, puis remercierDieu de l’avoir déjà reçu et agiren conséquence, par exemple enadressant à une œuvre chrétienneun chèque pour une sommeimportante — même si on ne l’apas. Résultat : des « évangélistes »deviennent millionnaires… tout enruinant des croyants modestesqui se sont laissés prendre dans le

A la fin de sa vie, l’apôtre Paul

mettait en garde contre une fausse

doctrine selon laquelle « la piété est

une source de gain » (1 Tm 6.5).

De nos jours, une fausse doctrine du

même ordre pénètre au moyen

d’Internet et de chaînes de télévision

« chrétiennes » dans des millions de

foyers du monde entier. Il s’agit de

l’Evangile de la santé et de la

prospérité.

Dans le contexte de ce numéro, nous

nous en tiendrons essentiellement à

l’Evangile… de la prospérité.

PAUVRETÉ-SOLIDARITÉPAUVRETÉ-SOLIDARITÉ

PIERRE COLEMAN

L’Evangile de

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but soit de s’enrichir, soit de donnerencore plus généreusement à l’œuvre deDieu ou à des personnes dans le besoin.

Des bases bien fragiles

L’Evangile de la prospérité s’appuie surun petit nombre de versets interprétés defaçon contraire à l’enseignement géné-ral de la Bible. Prenons quelquesexemples. Dans Jos 1.8, l’Eternel ne pro-met pas à Josué la prospérité mais laréussite comme successeur de Moïse. Ps34.10-11 ne signifie pas qu’un croyantne connaîtra jamais la disette (cf. Ph4.12). La promesse de Mt 6.33 ne se rap-porte pas aux richesses, mais aux besoins(v 31). Celle de Mc 10.29-30 n’encou-

rage pas à donner dans le but de rece-voir (cf. Lc 14.12-14). L’abondance queJésus donne aux siens (Jn 10.10) n’estpas la richesse matérielle, mais la vie éter-nelle (v 28). Le fait que Jésus possédaitune (coûteuse) tunique tissée sans cou-ture ne prouve nullement qu’il vivait dansle luxe (cf. Lc 9.58). 2 Co 8.9 ne signi-fie pas que Jésus est mort pour nous enri-chir matériellement (cf. 8.2). 3 Jn 2 n’estpas une promesse, mais un simple sou-hait. Voilà quelques-unes des bases bienfragiles sur lesquelles a été érigé l’Evangilede la prospérité ! La gravité de l’erreurressort en passant en revue l’enseigne-ment global de l’Ecriture sur la béné-diction et la prospérité.

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La bénédiction divine

« Dans l’histoire biblique, la béné-diction apparaît dès le commencement :Dieu bénit ses créatures, en particulierAdam et Eve (Gn 1.28). Mais la malé-diction, introduite par le péché (Gn3.14, 17) empiète sur la bénédiction…[Après] le Déluge, la bénédiction divineest confirmée (9.1), mais elle demeureen lutte avec la malédiction (9.25-26).Lorsqu’il est appelé par Dieu, Abrahamse voit promettre non seulement d’êtrebéni, mais aussi de devenir “bénédic-tion”… Le renouvellement de la pro-messe indique que la bénédiction s’ac-compagne de promesses d’une terre, derenommée et de descendance (cf. 13.14-17 ; 15.5 ; 17.15-17). Le Deutéronome…affirme que la bénédiction divine est liéeau choix fondamental… d’obéissance oude désobéissance. La nécessité de cechoix, les prophètes ne cesseront de larappeler.1 » Ajoutons cependant qu’autemps présent le croyant jouit certes des« prémices de l’Esprit » (Rm 8.23)acquises par la mort de Christ, mais laplénitude de la santé et du bien-être maté-riel est réservée pour la vie sur laNouvelle Terre (Ap 21.4 ; 22.1-5).

La prospérité matérielle

Sous l ’Ancienne Al l iance, Dieupromet à Israël des bénédictions spiri-tuelles, mais surtout matérielles (Ps103.1-6), à condition que son peuplefasse preuve d’obéissance ; dans le cascontraire il s’attirera la malédiction (Dt28). Le livre des Proverbes inculque desprincipes élémentaires comme le faitque la paresse appauvrit tandis que le

travail enrichit (10.4 ; 13.4 etc.).Cependant il ne faut pas y voir des pro-messes s’appliquant en toute circons-tance. En effet, l’Ecclésiaste rappellequ’il existe de nombreuses exceptions àla règle, car des circonstances favo-rables ou défavorables jouent parfois unrôle déterminant (Ec 9.11-12). Le livrede Job dément nettement la théoriesimpliste selon laquelle la prospérité esttoujours le lot du juste et la pauvreté celuidu méchant. Même sous l’AncienneAlliance, les promesses et les avertisse-ments adressés par Dieu à Israël ne s’ac-complissent pas toujours à brèveéchéance. Même désobéissants, cer-tains Israélites jouissent parfois d’uneprospérité dont étaient privés des fidèlescomme Asaph et Jérémie (Ps 73.3-22 ;Jr 12.1-2). Cette dure « épreuve de la foi »est nécessaire pour que l’obéissance àDieu ne soit pas motivée par le désir d’ob-tenir un avantage matériel.

Sous la Nouvel le Al l iance, Dieuaccorde à l’Eglise des bienfaits matérielsfort utiles et destinés à être partagés avecceux qui en ont moins (Mt 6.33 ; 2 Co9.8 ; Ph 4.19 ; 1 Tm 4.3-5 ; 6.17) maissurtout des bénédictions spirituellesencore plus précieuses (Ep 1.3-12).Contrairement à Israël sous l’AncienneAlliance, l’Eglise ne constitue pas unenation habitant un pays particulier maiscomprend des membres dispersés dansle monde entier. Aussi le niveau de viedes chrétiens est-il tributaire, parfois engrande partie, de la situation économiquedu pays qu’ils habitent ou du degré depersécution à laquelle ils sont exposés.

PAUVRETÉ-SOLIDARITÉPAUVRETÉ-SOLIDARITÉ

1 Article « Bénédiction », Grand Dictionnaire de la Bible,Editions Excelsis,

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Les principes inculqués par le livre desProverbes (livre inspiré par Dieu etencore utile au chrétien, 2 Tm 3.16s) gar-dent certes leur valeur en tant que…règles générales ; mais sous la NouvelleAlliance Dieu ne promet nulle part derécompenser systématiquement l’obéis-sance par la santé et la prospérité. Aucontraire le NT nous apprend que cer-tains croyants peu consacrés sont riches(Ap 3.17) tandis que d’autres croyants,exemplaires, connaissent une extrêmepauvreté (Ap 2.9 ; 2 Co 8.2). Jésus lui-même possédait peu de biens terrestres(Lc 9.58), et les apôtres apparaissaientparfois comme n’ayant rien (2 Co 6.10).

Des avertissementssignificatifs

La Bible comporte de nombreuxavertissements à propos des dangers spi-rituels de la prospérité matérielle. « Parmiles dangers de la richesse que signale déjàl’AT, mentionnons : l’orgueil (Pr 28.11),la vantardise (Jr 9.22), la confiancemise dans les biens matériels au lieu d’êtreplacée en l’Eternel (Ps 52.9), l’ingratitudeenvers Dieu (Dt 8.17-18 ; Os 2.8)… Dansle NT de nombreux avertissementsconcernent le danger que représententl’argent ou les biens. Dans le sermon surla montagne, Jésus… met en gardecontre l’avarice et l’inquiétude et dit quel’argent, érigé en idole (Mammon)détourne les affections, obscurcit la vue,dresse une barrière au service de Dieuet provoque la présomption… Il avertitses disciples qu’il est difficile à ceux quiont des richesses d’entrer dans leRoyaume de Dieu (Mc 10.23, 27). Lecœur s’attache aux biens matériels au lieu

de chercher à être « riche en Dieu » (Lc12.21 ; cf. Ap 3.17). Dans la paraboledu semeur, l’attrait des richesses étouffela Parole (Mt 13.22)… L’amour de l’ar-gent, dit Paul, est la source de tous lesmaux [- ou une source de toutes sortesde maux] (1 Tm 6.10). » [NouveauDictionnaire Biblique, Editions Emmaüs,sous « Richesse »]

Le mot de la fin

Cette dernière affirmation figure dansun passage (1 Tm 6.6-11) qui soulignele danger spirituel que représente, de nosjours, le soi-disant Evangile de la pros-périté : « C’est, en effet, une grandesource de gain que la piété avec lecontentement ; car nous n’avons rienapporté dans le monde et il est évidentque nous n’en pouvons rien emporter ;si donc nous avons la nourriture et levêtement, cela nous suffira. Mais ceuxqui veulent s’enrichir tombent dans la ten-tation, dans le piège, et dans beaucoupde désirs insensés et pernicieux quiplongent les hommes dans la ruine et laperdition. Car l’amour de l’argent est uneracine de tous les maux ; et quelques-uns, en étant possédés, se sont égarés loinde la foi, et se sont jetés eux-mêmes dansbien des tourments. Pour toi, homme deDieu, fuis ces choses, et recherche la jus-tice, la piété, la foi, l’amour, la patience,la douceur. »

P.C.

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Les crises mondialesLes crises que traverse le

monde actuellement, crise ali-mentaire, crise pétrolière, criseécologique, crise économique,ont mis à mal une croyance : lemarché se régule « tout seul ».C’est-à-dire que pour l’économiede marché, la loi de l’offre et dela demande, la libre concurrence,… font que les prix s’équilibrent

Cela fait bien longtemps que l’on ne

croit plus à la génération spontanée

en biologie, mais on y croit encore

dans beaucoup de domaines de

l’histoire et de la société.

Les mécanismes de

l’économie entre autres

peuvent-ils perdurer et

se maintenir en

équilibre « tout seuls » ?

PAUVRETÉ-SOLIDARITÉPAUVRETÉ-SOLIDARITÉ

THIERRY SEEWALD1

Economie de marché

et superstitions

Economie de marché

et superstitions

1 Coordinateur du Défi Michée France

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d’eux-mêmes2. Actuellement, pratique-ment tous les pays fonctionnent à desdegrés divers sur les bases de l’écono-mie de marché. Et beaucoup de chré-tiens adhèrent sans difficulté à cettecroyance.

Selon les théoriciens, pour que le sys-tème fonctionne, il faut que les acteurssoient rationnels.

Deux exemples suffi-ront pour montrer l’utopiedu système :

• Il se trouvera toujoursquelqu’un suffisam-ment plongé dans lamisère pour accepterun travail pour unerémunération plusbasse que son voisin.

• Il se trouvera toujoursquelqu’un dont lafamille est suffisam-ment affamée pour qu’il accepte detout sacrifier pour acheter une nour-riture à un prix exorbitant, espérantqu’un miracle suivra.

Et il se trouvera toujours quelqu’un(de rationnel ?) pour en profiter.

Les marchés sont aujourd’hui forte-ment influencés par les spéculateurs. Etl’appât du gain ne rend-il pas souventirrationnel ?

Le roiPour l’économie de marché, quand sa

logique est poussée à l’extrême, lesÉtats doivent intervenir le moins possible.

Le monde entier mange aujourd’huiles fruits amers de cette croyance3.

La Bible, elle, dit autre chose : Le roidoit faire « droit aux opprimés et aux mal-heureux de son peuple ! Qu’il sauve lesenfants des pauvres et qu’il écrase l’op-presseur ! … Il aura compassion desfaibles et des pauvres, il sauvera la vie

des pauvres. Il les arracheraà la violence, à l’oppression,ils seront précieux à ses yeux.»(Ps 72.4, 13-14 – Semeur).

Au Psaume 82, Dieu lui-même interpelle les rois dumonde : « Ah ! jusques àquand défendrez-vous lesinjustes et prendrez-vous leparti des méchants ? - Pause -Défendez le faible, l’orphelin ;soyez justes à l’égard dupauvre et du malheureux,libérez le faible et le misérable,délivrez-les de la main des

méchants. » (Ps 82.2-4).

Et quel est le constat divin ? « Maisils ne comprennent rien, ils ne savent rien,ils avancent tâtonnant parmi les ténèbres ;tous les fondements des pays du mondeen sont ébranlés. » (Ps 82.5). C’est ce quise passe aujourd’hui où les rois dumonde sont désemparés en regardant labête qu’ils ont créée.

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« C’est pour moi extraordinaireque les Etats-Unis puissent trou-ver 700 milliards de dollars poursauver Wall Street et que le G8tout entier n’arrive pas à trou-ver 25 milliards de dollars poursauver les 25 000 enfants quimeurent chaque jour de mala-dies que l’on pourrait préve-nir. »

Bono, rock star (U2); Sojo Mail, 25 Septembre 2008

2 L’économie de marché peut se pratiquer de différentesmanières en fonction de «systèmes de régulation » et de « mécan-ismes de répartition » voire de « protectionnisme » plus ou moinsimportants : ultralibérale, sociale-démocrate, etc. Ici c’estplutôt le modèle de type ultralibéral qui est mentionné.3 On trouvera une réflexion plus développée sur cette ques-tion dans la déclaration du Réseau Michée (Déclaration deQueretaro) sur notre site : http://www.defimichee.fr/spip.php?article20

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Il n’est pas question ici de miséricordeet de compassion, mais de droit : fairedroit, rendre justice, défendre, voilà lesmissions du roi. Le modèle économiqueactuel est idéaliste, rousseauiste, croyantque l’éducation amènera les hommes àagir avec raison.

Là encore la Bible s’inscrit en faux,elle parle d’hommes marqués par lepéché, et l’éducation n’enlève pas lepéché. Elle parle d’appât du gain, d’avi-dité, du méchant qui tord la justice etfausse les balances. L’avidité du méchantserait-elle magiquement contrôlée par lemarché ?

La main invisibleLe célèbre économiste politique Adam

SMITH envisage le marché comme uneinstitution qui s’autorégule grâce à une« main invisible », personnifiant ainsi lefonctionnement du système. Jésus apersonnifié la richesse, l’appelantMammon et montrant ainsi sa nature ido-lâtre. Ne donnerait-il pas aujourd’hui unnom à celui à qui appartient cette « maininvisible » ?

Le roi est nuLe chrétien osera-t-il pointer son

doigt vers cette superstition qu’est un« marché qui se régule tout seul » ets’écrier « le roi est nu » ?

Et les chrétiens oseront-ils demanderaux rois des nations de faire leur travail,d’encadrer le marché par des lois qui pro-tègent les faibles, d’intervenir lorsque lesdroits des pauvres sont lésés, de gou-verner en somme au lieu de laisser unsystème gouverner « tout seul » lemonde ?

Car s’il est du mandat du roi d’exer-cer la justice et d’intervenir pour proté-ger les faibles (Jr 22.3), il est du man-dat du chrétien d’interpeller son roipour l’appeler à la justice et au droit (Pr31.8-9). C’est-à-dire non seulement à agirde façon juste, mais aussi à promulguerdes lois qui protègent les personnes ensituation de faiblesse. Car si le gouver-nant ne le fait pas, il en rendra compte(Jr 22.4-5), et le croyant aussi, s’il ne l’apas averti (Ez 3.18).

Il est d’une triste ironie que les gou-vernants du Nord interviennent aujour-d’hui sur lesm a r c h é spour proté-ger le sys-tème et leursc i t o y e n sd ’ u n em a n i è r equ’ils cher-c h a i e n t àinterdire auxgouvernantsdu Sud, sousp r é t e x t ed’agir pour lebien de cesp e u p l e s .Nous, chré-t i e n s d uNord, sommes parmi les bénéficiaires decette injustice. Maintenant que le men-songe est patent, allons-nous dénoncerl’injustice et la refuser ?

T.S.

PAUVRETÉ-SOLIDARITÉPAUVRETÉ-SOLIDARITÉ

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CLAUDE MARTINAUD1

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PAUVRETÉ-SOLIDARITÉPAUVRETÉ-SOLIDARITÉ

La pauvreté en France, et si nous pouvionsquelque chose ?

La pauvreté en France, et si nous pouvionsquelque chose ?

1 Professeur en Classes Préparatoires desGrandes Ecoles, Docteur en Géographie2 Le seuil de pauvreté (monétaire) concerneles individus ou (les ménages) lorsqu’ils viventavec un niveau de vie inférieur au seuil depauvreté. A l’échelle du monde ce seuil estfixé à 1 dollar par jour. Pour les pays déve-loppés il est fixé à 2 dollars par jour.

La pauvreté dans lemonde est loin d’êtrevaincue.

On constate, d’une manière géné-rale, qu’il y a de plus en plus depauvres et qu’ils sont de plus en plusappauvris même si la richesse glo-bale a considérablement augmenté.Selon le PNUE (Programme desNations Unies pour l’Environne-ment) et malgré la croissance éco-nomique mondiale, l’écart entre lesriches et les pauvres, s’élargit entreles pays développés et les pays endéveloppement.

Il y aurait près de trois milliards2

de femmes et d’hommes, dans lemonde, qui vivent avec moins de2 dollars par jour. 8 millions d’en-fants meurent chaque année à cause

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de la pauvreté, 150 millions d’enfants demoins de cinq ans souffrent des méfaitsde la malnutrition.

L’insuffisance de ressources est sou-vent l’élément le plus visible de la pau-vreté. Le plus difficile étant de trouver àpartir de quel taux de privation, on peutêtre considéré comme pauvre… C’est àla fois une norme et une convention.

La pauvreté touche, à des degrésdivers, tous les pays du monde qu’ils’agisse des pays dits riches et des paysdits pauvres. Et de fait, il ne faut pas croireque notre pays, la France, n’ait pas enson sein des personnes en grande diffi-culté.

L’histoire montre effectivement que ledéveloppement d’un pays n’empêchepas parallèlement le développement dela pauvreté et de l’exclusion.

La pauvreté en FranceIl existe en France, ce que l’on appelle

le calcul du seuil de pauvreté3. Ce der-nier en hypothèse basse, est fixé par letrès officiel INSEE4 et calculé commesuit : il est déterminé par rapport à la dis-tribution des niveaux de vie de l’en-semble de la population. Le seuil depauvreté correspond généralement àdes ressources inférieures à 50 % durevenu moyen. En France, comme dansles pays de l’Union européenne, ce seuilest relatif et évolue dans le temps. Ainsi,par exemple, les exigences de logementactuelles ne sont plus celles de 1954. Lalocalisation géographique joue égale-ment un rôle non négligeable, le pro-blème du chauffage ne se pose pas dansles mêmes termes à Nice et dans le Nordde la France. Aussi la précarité semble

« presque impossible » à apprécier. Maisvoyons ensemble quelques chiffres.

Seuil de pauvreté 2005En France, un individu peut être

considéré comme « pauvre » quand sesrevenus mensuels sont inférieurs à 681euros, pour une personne seule, hypo-thèse basse, mais certains organismesparlent de 817 euros soit 60% du revenumédian, hypothèse haute.

Un couple avec deux enfants en basâge est « pauvre », hypothèse basse, sises ressources ne dépassent pas1 430 euros mensuels.

L’observatoire social des Bouches-du-Rhône nous donne, pour avril 2008, leschiffres suivants :

- 7 millions5 de pauvres en Francedont 2 millions d’enfants (hypothèsehaute).

- 2 millions de Français sont deman-deurs d’une aide alimentaire.

- 1,5 million de personnes sont destravailleurs pauvres (8% de la populationactive).

- 1,7 million de personnes sont en-dessous du seuil de pauvreté et 1,3 mil-lion perçoivent un des neuf minimasociaux. L’INSEE, quant à lui, nousdonne le chiffre d’environ 4 millions depauvres dont 400 000 personnesseules… selon la définition la plus res-

PAUVRETÉ-SOLIDARITÉPAUVRETÉ-SOLIDARITÉ

3 Alternatives économiques, n° 155, janvier 1998 (extrait) :« Le concept [de seuil de pauvreté] est beaucoup plus récenten Europe [qu’aux Etats-Unis] : il a fallu y recourir lorsquel’on a éprouvé le besoin de comparer la situation de la pau-vreté dans des pays aux pouvoirs d’achat assez différents. »4 INSEE : Institut National de la Statistique et des Etudes Eco-nomiques5 Les chiffres pour la France ont été communiqués par le HautCommissariat aux Solidarités actives contre la pauvreté.

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trictive de la pauvreté (hypothèse basse).On peut nuancer cette liste en pré-

cisant que 1,1 million de personnes per-çoivent le RMI alors que, lorsque la pres-tat ion a été créée, on at tendai tseulement 100 000 demandeurs ! Il fautajouter à cela les chômeurs : un chô-meur est une personne qui n’a pas d’em-ploi et qui en recherche un. Le nombrede chômeurs est, d’après les statistiquesof f ic ie l les , d’environ, « p lus oumoins » 2 millions de personnes, toutesne sont pas indemnisées.

Essayons à notre tour de synthéti-ser : la population française est désor-mais de 63 753 000 habitants au1er Janvier 2008. Sachant qu’il y a 7 mil-lions de pauvres, hypothèse haute, c’estplus de 10% de la population qui estconcernée par le problème : une per-sonne sur dix. 4 millions de pauvres ausens étroit, hypothèse basse, c’est 6% dela population. Ce sont là des chiffres quidonnent à réfléchir.

Les Eglises et la pauvretéLa vraie pauvreté n’est pas ostenta-

toire : elle est humble et discrète. Celadoit redonner à l’Eglise une motivationnouvelle pour intervenir en faveur decelui qui est proche, et ce dans nos vil-lages, nos villes et nos quartiers.

Dans quelques communautés, l’aideaux plus démunis prend le nom de dia-conat, peut-être dans votre commu-nauté y a-t-il un autre vocable ? Quoiqu’ilen soit, on ne peut vivre replié sur soisans tenir compte de la détresse qui està nos portes. Le diaconat remonte audébut de l’Eglise (voir le livre des Actes).Il y a mille et une façons de manifester

sa solidarité envers les autres : cela peutaller du bol de soupe l’hiver et… l’été,à la simple écoute de la détresse del’autre. La solitude n’est-elle pas aussi unfléau qui accable notamment les plusdémunis ?

L’exercice de la solidarité n’est pasoptionnel. Il relève de la nature même dela mission de l’Eglise. Il est vrai cepen-dant que quelques dangers nous guettent.La solidarité, d’abord, ne saurait tout légi-timer. Toute intervention auprès despauvres n’est pas, de soi, valide. En cesdomaines, il ne suffit pas de faire, encorefaut-il que ce qui est fait soit compétentet fécond, sinon, au lieu de charité,rôdent les dangers de complicité, d’as-sistanat, de paternalisme. Ces dangersbien réels ne sont pas cependant uneexcuse pour ne rien faire. Mais ne nouslaissons pas gagner par le découragement,ne disons pas : « Que faire ? Cela ne relèvepas de notre compétence ! » C’est vraipour beaucoup d’actions, mais nousavons tous la possibilité de faire un peu,chacun à notre niveau soit individuelle-ment soit en groupe.

Mt 25.37-40 : Alors, les justes luidemanderont : « Mais, Seigneur, quandt’avons-nous vu avoir faim, et t’avons-nous donné à manger ? Ou avoir soif,et t’avons-nous donné à boire ? Ouétranger et t’avons-nous accueilli ? Ounu, et t’avons-nous vêtu ? Quandt’avons-nous vu malade ou en prison etsommes-nous allés te voir ? Et le roileur répondra : Vraiment, je vous l’as-sure : tout ce que vous avez fait aumoindre de mes frères que voici, c’est àmoi-même que vous l’avez fait. »

C.M.

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Biblio graphie

Les pauvres avec nousLa lutte contre la pauvretéselon la Bible et dans l’his-toire de l’ÉgliseBLANDENIER JACQUES, ÉD. LA LIGUE,2006, 144 PAGES, PRIX : 7,00 €

L’auteur offre un pa-norama d’éthiquechrétienne sur lesquestions de pau-vreté. Après en avoirposé les fondementsbibliques, il opèreun survol de l’en-seignement et de lapratique de l’Église

depuis les Pères de l’Église jus-qu’aux actions menées et œuvresfondées au début du XXe siècle,en passant par la Réforme etles réveils protestants. Pourencourager les chrétiens à s’en-gager davantage dans toutesles formes déjà existantes d’ac-tion contre la pauvreté et lesinjustices.

Stop à la pauvretéActes du colloque de la

FLTECOLLECTIF, ÉD. LA

LIGUE, 2007, 162PAGES, PRIX : 8 €

Les chrétiens sontdans le monde maisn e s o n t p a s d umonde. Quel rap-port entretiennent-

ils avec le siècle dans lequel ilsvivent ? L’Église a-t-elle unrôle, un message spécifique ?Sa mission est-elle de changer

le monde ou alors d’inviterchacun à changer de monde ?Le royaume de Dieu est-il à ve-nir ? Appartient-il à l’aujour-d’hui ou n’est-il que du re-gistre de l’espérance ? Lechrétien doit-il s’engager dansle monde et dans la vie socialeou s’isoler ?

La responsabilité du chrétien face à la pauvretéQuel équilibre entre évan-gélisation et travail social CHESTER TIM, ÉD. FAREL, 2006,240 PAGES, PRIX 16 €

Comment aider ef-ficacement le sans-abri au coin de marue ? Mon argentsera-t-il vraimentutile à ces sinistrésaperçus aux infor-mations ? Dois-jeleur apporter l’évan-gile ou un bol de soupe ? Com-ment résoudre cette tensionentre donner la priorité à« l’évangélisation » ou à l’en-gagement social ? Riche de sagrande expérience dans cesdeux domaines, l’auteur pré-sente un engagement huma-nitaire sain, efficace et fondésur les Écritures. Un accompa-gnement essentiel à la ré-flexion de tous ceux qui sou-haitent se lancer ou sont déjàengagés dans la lutte contre lapauvreté.

La responsabilité du chrétien face à l’injusticeTémoignages d’espoir dansun monde souffrantHAUGEN

GARY, ÉD.FAREL, 2006,208 PAGES,PRIX : 16 €

Un sent i -ment d’im-puissancenous enva-hit lorsqueles médias décrivent la prosti-

tution enfantine, la per-sécution religieuse ap-puyée par les autorités, laviolence raciale, la tor-ture et les génocides. Deschrétiens ordinaires sont-ils en mesure de faire unedifférence ? Et Dieu ?Ayant dirigé l’enquête or-donnée par les Nationsunies sur le génocide du

Rwanda, Haugen apporte ici desconseils concrets sur la façondont nous pouvons nous leverpour réclamer la justice dansle monde. John Stott écrit danssa préface : « Je défie qui-conque de relever la tête in-demne après s’être plongédans ce livre. En fait, le conseilque j’adresserais aux candi-dats lecteurs est le suivant : Nelisez pas ce livre !... à moins d’êtreprêts à être choqués, remis enquestion, convaincus et trans-formés. »

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L’éthique et l’Ancien TestamentWRIGHT CHRISTOPHER, ÉD. EXCELSIS,2007, 608 PAGES, 38 €

Et si l’Ancien Testament avait deschoses à nous apprendre en cestemps où les questionnementsen matière d’éthique se fontde plus en plus nombreux, où l’onse rend compte de plus en plusdes limites de notre individua-lisme, de l’indifférence qu’ilpeut générer et des dégâts qu’ilpeut causer à autrui ? Survolanttout l’Ancien Testament, l’auteuraborde toutes les questions, no-tamment dedimension so-c i a l e , q u ip o u r c e r -taines sontles plus brû-l a n t e s d um o n d econtempo-rain, commel’écologie, lapauvreté, la politique, les lois etla justice ou encore la culture etla famille.

Ne me donne ni pauvreté ni richesseBLOMBERG CRAIG L., ÉD EXCELSIS,2001, 320 PAGES, PRIX : 20 €

Le chrétien occidental vit dansune société portée par les cou-rants de l’idéal matérialiste et del’égocentrisme hédoniste. Pourrésister à ces flots, il est tenté,en matière d’argent et de richesses,de s’accrocher aux deux bouées

percées quesont les spi-ritualités de laprivation et lathéologie dela prospérité.

Mieux vaut emprunter la voie éclai-rée par le phare de l’Écriture quetrace pour nous ce travailde théologie bibliquesans équivalent, menéavec équilibre et précision,sur l’argent et les pos-sessions matérielles etqui se termine par des ap-plications pertinentespour notre époque.

Capitalisme et richesseGRIFFITHS BRIAN, ÉD. EXCELSIS, 1997,132 PAGES, PRIX 11 €À une réflexion documentée etbiblique sur le but de l’écono-mie et l’arrière-plan philoso-

phique des théorieséconomiques, l’auteurjoint un appel à un en-gagement critique deschrétiens dans la vieéconomique, au ser-vice de Dieu et du pro-chain.

Création du « Réseau desScientifiques Evangéliques »Sous l’égide de l’AGBUF vientd’être créé le « Réseau desScientifiques Evangéliques ».Ce réseau, ouvert à tout scien-tifique chrétien, de rencontrerd’autres chrétiens engagés dansla recherche, l’enseignement etles études des sciences pourqu’ensemble, ils puissent :• élaborer une vision chrétienne

de la nature, de la portée etdes limites de la pratiquescientifique

• débattre des questions qui seposent à l’interface entrescience et foi

• réfléchir aux enjeux éthiques,sociaux et environnementauxdes sciences et de leurs ap-plications techniques

• mieux articuler leur pratiquescientifique et leur engagementreligieux

• s’encourager à être témoins duChrist dans leur milieu pro-fessionnel

• rendre disponible au publicune réflexion évangélique ri-goureuse sur les interactionsentre science et foi.

Une première journée d’étudeet de réflexion a eu lieu le17 janvier 2009. Plus d’infor-mations se trouvent sur le site: www.scientifiquesevangeliques.org

1 Association des Groupes BibliquesUniversitaires de France

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Débuts

Dans les quartiers miséreux de l’Estlondonien, BOOTH et son épouse évan-gélisent d’abord sous le nom de « Mis-sion Chrétienne ». Ils annoncentl’Evangile en appliquant le slogan :« Soupe, Savon, Salut ». Les BOOTH

se rendent compte qu’avant d’évan-géliser ils doivent pourvoir aux besoinsmatériels de leurs pauvres auditeurs.Ainsi l’œuvre sociale commence.

Développements

BOOTH un jour parle de sa Missioncomme d’une « armée de salut ». Le nomcolle. Du coup, BOOTH devient « le Gé-néral » ; les responsables, des officiers etofficières ; les postes d’évangélisation, descitadelles ; les membres, des soldats.Tout salutiste engagé revêt son uniforme.Le drapeau, portant les mots « Sang etFeu »1 révèle la motivation spirituelle decette armée « de rue ». Leur musique defanfare joue un rôle indéniable, attirantdes foules d’auditeurs en plein air, car lessalutistes saisissent les mélodies mondaines

en y mettant des mots chrétiens. « Pour-quoi le Diable aurait-il les meilleuresmélodies ? » s’amuse BOOTH.

Extension à l’étranger

L’Armée progresse rapidement en An-

William BOOTHet l’Armée du Salut

Un exemple pertinent d’engagement social évangélique, qui nous vient du passé etqui est toujours d’actualité, est celui de l’Armée du Salut. Cette « Armée », née en1865 du Méthodisme anglais (mouvement dû à l’évangélisation zélée de John et deCharles WESLEY, et de George WHITEFIELD au 18ème siècle) a été fondée par WilliamBOOTH (1829-1912), pasteur méthodiste, de Nottingham, GB.

PIERRE

WHEELER

1 Sang de Jésus-Christ et Feu du St-Esprit

WILLIAM BOOTH

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gleterre. Des postes s’ouvrentun peu partout. Le zèle des of-ficiers et des soldats est conta-gieux. On parle de « soldatesalléluia » et de « réunions ho-sanna » !! Et des œuvres so-ciales de suivre de près cetteévangélisation exubérante !Centres de soins, maisonspour handicapés, centres pourclochards voient le jour.

En 1880, l’Armée du Saluts’exporte. D’abord en Amériquedu Nord, puis en Inde, etc.

En FranceEn 1881, la fille de William

BOOTH, Catherine, appeléeplus tard la « Maréchale », ar-rive à Paris. Travail pionnier,s’il en est ! L’œuvre, peu ap-préciée par les Eglises protes-tantes alors existantes, reçoitl’estime de l’Eglise libre qui faitétat du « zèle superbe » du mou-vement et de son « héroïquedévouement pour le salut desâmes ». Des salles sont ouvertes,toujours plus grandes, et les

œuvres suivent : La Cité-Re-fuge, le Palais de la Femme, laMaison du Jeune Homme,etc. Dans d’autres villes : Va-lence, Nîmes, Lyon, Le Havre,Lille, Toulouse, Bordeaux, ...des centres prennent racine.

Deux organismes composentle témoignage salutiste au-jourd’hui : l a Fondat ion,possédant une cinquantained’établissements sociaux enMétropole et employant 2 000salariés. Sa devise : « Secou-rir, Accompagner, Recons-

truire ». Ensuite, la Congré-gat ion avec ses 25 postesd’évangélisation et une au-mônerie. Sa devise : « Avec Dieu,avec l’autre, avec soi ».

Dans le monde entier, l’Ar-mée du Salut est présentedans 113 pays et on compteun total de 2 millions et demid’engagés. Les œuvres sont fi-nancées principalement pardes dons et des legs.

Influence dans notre pays

L’une des victoires frap-pantes de l’Armée du Salut aété la suppression du bagne suiteau reportage d’Albert LONDRES

en 1923 concernant les cruau-tés affreuses que les bagnardssubissaient en Guyane. En1936 l’Enseigne Péan, repré-sentant l’Armée du Salut,(après déjà 3 ans de présencesalutiste en Guyane française)était en présence du Garde desSceaux et d’autres hauts fonc-tionnaires d’Etat, pour établirle projet de loi sur la suppres-sion du bagne en Guyane.L’Armée s’est alors engagée às’occuper de la réinsertion desbagnards rapatriés en Métro-pole. Ce qu’elle fit.

ConclusionPour terminer, une citation

pertinente de William BOOTH :« Certains aiment vivre près d’untemple ou d’une salle évan-gélique, moi, je veux ouvrir uncentre de secours tout prèsdes portes de l’enfer. »

P.W.

LA CITÉ-REFUGE

CATHERINE BOOTH

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Le commerce équitable, Le commerce équitable, un outil efficace contre la pauvreté

Voilà deux textes bienconnus de la Bible quinous amènent à regarder

notre prochain et qui résumentl’aventure dans laquelle nousnous sommes lancés, Alice etmoi, en créant une Association« Agir Autrement » il y a mainte-nant un an.

Cette association définit sona c t i o n p a r c e s l o g a n :« Développements durables par lecommerce équitable ».

Le fait d’écrire « développe-ments » au pluriel est volontaire.Le développement durable n’estpas uniquement écologique, ildoit être aussi et surtout facteurd’équilibre économique et d’épa-

nouissement social pour les per-sonnes les plus démunies despays du Sud.

Il s’agit de rendre à des êtreshumains (mes prochains) leurdignité, en leur permettant devivre de leur travail.

Pendant 20 ans (déjà) nousavons mené des actions ponc-tuelles d’animation CommerceÉquitable sur Saint-Maur et ledépartement du Val-de-Marnedans le cadre de l’Église.

À l’occasion d’un changementd’orientation quant à mon minis-tère à plein-temps dans l’Eglise, j’aicréé cette association pour faire del’information et de la sensibilisa-tion quant aux réalités du com-

CHRISTIAN HOUEL

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Témoignage

« Tu aimeras ton prochain »« Tu n’exploiteras pas ton prochain »

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merce équitable et à sonimpact sur les producteurs ; cesdeux aspects s’accompagnentde la diffusion de produitsalimentaires et artisanauxd’Artisanat SEL.

Un an d’exis-tence et d’actionssur le terrain m’ontconforté quant àla pe r t inenced’une telle action,tant au niveaude l’information,a u j o u r d ’ h u iencore néces-saire sur lest e n a n t s e taboutissantsdu commerceéquitable, quede l’importance d’une pré-sence régulière (sans magasin)auprès du public, non seule-ment pour parler, mais aussimontrer et faire goûter…

Les personnes reconnais-sent la qualité du travail dansl’artisanat et le bon goût desproduits alimentaires.

On est passé d’une actionponctuelle à une présencerégulière.

C’est pour moi un servicepour Dieu, envers mon pro-chain, service qui demande dutemps, du travail, de la dis-ponibilité, pas mal de manu-tention, mais le résultat envaut la peine.

Quand vous voyez dansun reportage, comme ceuxqu’Artisanat SEL vous pro-posent sur le travail en Inde,au Népal et à Madagascar, ce

que l’on peut faire avec lesurplus du montant del’argent obtenu par lesventes de produits duCommerce équitable…alors vous avez envie defaire plus pour eux.

Association « Agir Autrement »Tél. : 06 80 90 60 44 Courriel : [email protected] Internet : www.agir-autrement.fr

Alors ! Pourquoi pas vous ? Lancez-vous dans l’aven-ture !!! Je veux bien vous y aider.

Christian HOUEL

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Dès l’origine, lechristianisme adéveloppé ce

que nous appelle-rons une actionsociale et invité

tout un chacun (ycompris les dirigeants) à

agir pour le bien et lesréveils ont toujourscomporté une dimen-

sion sociale. On pense à FINNEY et à ses

convertis qui lancèrentplusieurs réformes sociales

(notamment la lutte contrel’esclavage). On peut évoquer

aussi John BOST, le fondateurdes asiles du même nom ouWESLEY, tout autant prédicateur del’Evangile que prophète de la jus-tice sociale. Ou bien encore, HenriDUNANT, le fondateur de La Croix-Rouge, ou la multitude de ces mis-sionnaires qui ne se contentèrentpas d’annoncer le Salut en Jésus-Christ, mais travaillèrent à amé-

LECTURES CROISÉESLECTURES CROISÉES

La place du chrétien dans le monde :La place du chrétien dans le monde :évolution de la pensée évangélique au XXIe siècle1

1 Extraits, reproduits avec autorisation, d’un article disponibleen intégralité sur le site du Défi Michée : www.defimichee.fr/IMG/pdf/La_place_du_chretien-2.pdf2 Secrétaire Général de l’Alliance Evangélique Française

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STÉPHANE LAUZET2

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liorer les conditions de vie des peuplesvers lesquels ils étaient envoyés.

Le missiologue, R. PIERCE BEAVER,écrit : « on peut remonter le cours del’Histoire jusqu’aux apôtres pour serendre compte que l’action sociale a tou-jours accompagné l’effort missionnaire…Tout au long du XIXe siècle, ils tra-vaillèrent à l’implantation d’écoles… etd’industries locales… Ils s’opposèrent aucommerce des esclaves… Ils combatti-rent avec acharnement pour les droits del’homme en Chine… Ils s’opposèrent àl’esclavage social et économique desdémunis et des parias dû au système descastes, en Inde ».

On ne manquera pas de remarquerque les évangéliques ont baissé la gardeau XXème siècle et abandonné ce bel élan.Quelles sont les raisons de cet abandon ?Et quelles sont les étapes décisives quiont amené les chrétiens évangéliques àreconsidérer leur positionnement, leurprésence au monde ?

1. Quatre bonnes raisonspour ne pas se soucierdes questions sociales etpolitiques

Les quatre points suivants ont souventamené les chrétiens, pourtant soucieuxde fidélité, à négliger tel ou tel aspect dumessage de l’Evangile. • La lutte contre le libéralisme théolo-

gique et la nécessité de défendre unchristianisme biblique et historique, fai-sant porter tous ses efforts sur lespoints essentiels de la doctrine.

• La réaction à l’Evangile social, quis’oppose à l’Evangile du Salut. Sespropagateurs affirment qu’il ne faut

pas « conduire des individus au ciel,mais… transformer la vie sur terrepour qu’il y règne l’atmosphèrecéleste ». Ils identifient le Royaume deDieu à « la reconstruction de la sociétésur des fondements chrétiens ».

• Le pessimisme lié aux circonstancesdramatiques, guerres et autres. Cesévénements tragiques tendent à mon-trer qu’il est décidément impossible deréformer l’homme et la société, tel-lement l’être humain est dépravé.

• Une vision dispensationnaliste del’Histoire. Le monde court à sa perteet seule la seconde venue du Seigneurchangera quelque chose : à quoibon tenter quoi que ce soit puisquetout est appelé à disparaître ?

2. Quatre étapesdécisives

Dans les années 60, la société entradans une période de profondes muta-tions. Cette remise en cause touchaaussi l’Eglise et amena plusieurs à sequestionner sur la place des chrétiensdans le monde.• La Déc larat ion de Wheaton, en

1966, souligne « la priorité de la pré-dication de l’Evangile à toute créatureet le témoignage chrétien associé àl’action sociale évangélique ». Les par-ticipants de ce congrès missionnaireappellent les évangéliques à « prendreouvertement et fermement positionpour l’égalité sociale, la liberté ettoutes les formes de justice sociale depar le monde entier ».

• Le Congrès internat ional pourl ’évangé l i s a t i on m ondi a l e àLausanne en 1974 souligne que« l’évangélisation et l’engagement

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sociopolitique font tous deux partie denotre devoir chrétien » tout en affir-mant que l’ « Eglise doit accorder lapriorité à l’évangélisation ».

• La Consul tat ion sur le rapportentre l ’évangél isat ion et la res -ponsabil i té soc iale, organisée àGrand Rapids en juin 1982, sous lesauspices du Comité de Lausanne etde l’Alliance Evangélique, amène le

mouvement évangélique à préciser sacompréhension de la place du chré-tien dans le monde. « L’Evangile estla source dont découlent l’évangéli-sation et la responsabilité sociale ».L’engagement social du chrétien est àla fois une conséquence et une pré-paration de l’évangélisation ; tous deuxdoivent aller de pair.

• La déc l arat ion de Queret aro– Mondialisation et Pauvreté – 2003

• 185 dirigeants d’ONG chrétiennes,membres du Réseau Michée, ori-

ginaires d’une cinquantaine de pays,affirment qu’ « en tant que disciplesde Christ, nous devons remettre encause ce qui est au cœur de la mon-dialisation économique contempo-raine, à savoir l’idolâtrie de Mammon.La résistance aux pressions de lasociété de consommation – unesociété construite sur de fausses sup-positions et des valeurs biaisées – n’estpas facultative. Les problèmes quepose le capitalisme global ne sont pas

simplement,e t m ê m ed’abord, éco-nomiques out e chn ique smais morauxet spirituels ».Ils invitent lesE g l i s e s à« manifester[leur] préoc-cupation pourla justice etune gestionresponsabled e s r e s -sources ». Ladéclarat ion

manifeste la conviction des participantsd’être « appelés à la tâche prophétiqued’insister pour que les dirigeants dumonde remplissent le mandat queDieu leur a donné de se soucier despauvres ».

Ces rapports et déclarations témoi-gnent d’une prise de conscience et d’unsouci de cohérence. Leur lecture n’est passans soulever quelques questions qui tour-nent autour de la notion même de poli-tique et du rôle que l’on entend faire jouer

LECTURES CROISÉESLECTURES CROISÉES

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à l’Eglise en la matière. Cela conduit àpréciser les points suivants :

• Jésus ne s’est jamais engagé politi-quement au sens restreint du terme.Il n’a pas créé de parti ni tenté d’in-fléchir la politique de César oud’Hérode. Pourtant, son ministère aeu une dimension politique dans lamesure où les valeurs et les normesqu’il a mises en avant modifiaient lavie de ceux qui les ont suivies.

• Certaines situations personnelles nepeuvent être résolues que si le systèmechange. Aider les personnes en diffi-culté, sans chercher à intervenir surce qui est la cause de leurs pro-blèmes, n’est pas très réaliste (s’il y abeaucoup d’accidents à un carre-four, faut-il multiplier les ambulancesou installer des feux tricolores ?).

• L’enseignement de l’Ecriture a desrépercussions d’ordre social mais ilexiste un risque bien réel de politiserle christianisme et de réinterpréter lafoi selon des schémas d’actions socialeet politique. La foi chrétienne nepeut être réduite ou identifiée à un pro-gramme politique.

3. Quatre bémols• L’Eglise ne doit pas négliger, ou oublier

même, sa mission première, à savoirl’invitation lancée à chaque individud’être réconcilié avec Dieu en vue desa rédemption personnelle.

• La couleur politique de l’Eglise peut,quelquefois, n’être qu’un écho del’ « idéalisme moral et politique de laculture environnante ». Si le discoursde l’Eglise n’est qu’une déclinaison reli-gieuse des idées du monde, à quoi

cela rime-t-il ? (thermomètre ou ther-mostat).

• L’Eglise, en tant que telle, est-ellevraiment compétente ?

• On ne doit pas mésestimer la réalitédu péché, la corruption et la dépra-vation de l’homme.

En quelques décennies, nous avonspris la mesure de l’extrême fragilité dumonde que nous habitons. Nous avonsdécouvert que les autres humains et lesautres peuples ne sont pas les seuls à êtremenacés par nos entreprises et nos pro-jets. La planète elle-même est devenuevulnérable.

Bien sûr que nous attendons de nou-veaux cieux et une nouvelle terre où lajustice habitera !

Bien sûr que nous savons que rien nepeut vraiment changer si le cœur del’homme n’est pas changé !

Bien sûr que nous savons que lemonde privilégie le plus fort au détrimentdu plus faible, la rentabilité et le profitau détriment du bien-être de l’homme !

Nous n’avons pas le pouvoir, maisnous pouvons avoir de l’influence.

Nous n’avons pas forcément les solu-tions à tous les problèmes, mais nousavons une petite idée de ce qui est bienet mal, de ce qui est juste et injuste.

Témoigner de Jésus-Christ, c’est aussicela !

C’est inviter chacun à lever les yeux,à regarder au Créateur, à se situer dansune juste relation avec lui, à accepter deprendre sa place de créature et à aimerla dépendance dans laquelle il nousplace.

S.L.

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