surprise au bout du fil (the bourbon street boys t. 1...

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ÉditionoriginaleparueauxÉtats-Unisen2015sousletitreWrongNumber,RightGuyparMontlakeRomancePublishing,Seattle.

PubliéparAmazonCrossing,AmazonMediaEUSàrl

5ruePlaetis,L-2338,LuxembourgJuin2016

Copyright©Éditionoriginale2015parElleCasey

Tousdroitsréservés.

Copyright©Éditionfrançaise2016traduiteparÉlisabethBataille

Conceptiondelacouverturepar:PEPEnymi,MilanoPhotos:©PeopleImages©ChrisTobin/GettyImages

ISBN:978-1-50393-662-1

www.apub.com

TABLESDESMATIÈRES

CHAPITRE1CHAPITRE2CHAPITRE3CHAPITRE4CHAPITRE5CHAPITRE6CHAPITRE7CHAPITRE8CHAPITRE9CHAPITRE10CHAPITRE11CHAPITRE12CHAPITRE13CHAPITRE14CHAPITRE15CHAPITRE16CHAPITRE17CHAPITRE18CHAPITRE19CHAPITRE20CHAPITRE21CHAPITRE22CHAPITRE23CHAPITRE24CHAPITRE25CHAPITRE26CHAPITRE27CHAPITRE28CHAPITRE29CHAPITRE30CHAPITRE31CHAPITRE32CHAPITRE33CHAPITRE34CHAPITRE35CHAPITRE36

CHAPITRE37CHAPITRE38CHAPITRE39CHAPITRE40CHAPITRE41CHAPITRE42CHAPITRE43CHAPITRE44CHAPITRE45CHAPITRE46CHAPITRE47CHAPITRE48CHAPITRE49CHAPITRE50CHAPITRE51CHAPITRE52CHAPITRE53CHAPITRE54ÀPROPOSDEL’AUTEUR

CHAPITRE1

Masœurestauboutdurouleau,voilàquin’estpasnouveau.Sestroisgaminslarendentfolleàlongueurdejournée.J’attrapemonportablepourliresonderniertexto.

Masœur:J’enaiplusquemarre.J’emmènemespeccadillesàl’Arcade1.Je fronce les sourcils. Depuis quand est-ce qu’on appelle ses gosses des peccadilles ? Ils

l’empoisonnentàlongueurdetemps,d’accord,maisquandmême…Moi:Despeccadilles?Saréponsearrivequelquessecondesplustard.Masœur:Jevoulaisdirepécules.C’estl’écritureintuitive!Etdeuxsecondesaprès,lasuites’inscritsurmonécran:Masœur:Zut!Pasdespécules!Dessecrets!Jevaistuerlebienquisouillemapeloteparce

queçalarendtoutejeune.Çamefaittellementrirequejenepeuxpasm’arrêter.Masœur(encore):Merde!Écritureintuitivemerdique!J’emmènelespeccadillesàl’Arcade

etjevaistuerlechienquichiesurmapelouseparcequeçalarendtoutejaune.S’ilteplaît,vue-moivousquitte.

Ma sœur (à nouveau) : TUE-MOI TOUT DE SUITE ET PAS VUE-MOI VOUS QUITTE.

QU’EST-CE QUI TE PREND, SALETÉ D’ÉCRITURE INTUITIVE ??? POURQUOI T’ES AUSSIMERDIQUE???

J’arriveàpeineàtrouverlesbonnestouchessurleclavier.Jeriscommeunefolle.Moi:Appelleleurpapaetprendsuncachet.Jevaisvenirtoutàl’heure.

Masœur:Ilmefautunnouveautéléphone.Jevaisalleràlabouilloireenacheterun.Moi:Çadevraitêtreintéressantcommetransaction.Elleprendlescartesdecrédit?Masœur : BOUTIQUE PASBOUILLOIRE. Et je vaisme débarquer aussi de cette écriture

intuitive.Moi:Lol.Débarque-moiçaaussi,grandesœur.Débarquetoutça!Masœur:Laferme.Jevaism’endébarrasser,pasdébarquer.Foutuesautomobiles.Elle a dû abandonner, parce que je n’ai plus eu de nouvelles de son automobile

incontrôlable…Euh,écritureintuitive.Je ris souscapeen regardantmonécranaprèsavoir fermé lesmessages ; jem’allongesur

moncanapéetsavouremasituationdecélibatairesansenfant.MasœurJennyaprissonindépendancedebonneheure;commemoi,elleétaitimpatientede

quitterlamaison.Elleattendaitdepouvoiroublierleterriblegâchisfamilialcrééparnotrepèreavecsesmensonges et son infidélité. Jenny a eu sonpremier enfant à vingt-deux ans et s’est arrêtée autroisième, six ans plus tard. Aujourd’hui, elle en a trente-deux, elle est divorcée et pratiquementdevenuefolleàjouerlerôlededeuxparentsavecunboulotàpleintemps.Pendantcetemps,sonexcroit qu’il a encore dix-huit ans et sort avec des femmes bien trop jeunes pour faire autre chosequ’alleràlafac.Pitoyable.

Pas question que je suive son exemple : jamais, au grand jamais. J’en connais lesconséquences.Ohlàlà,mercibien!C’estbiendes’engager,maisilfautquecesoitaveclebon;j’aivumesamies.Ilyenaquiontdelachance.Mais,pourlemoment,jenesuismêmepascertainequ’ilyaitquelquepartuntypequimeconvienne.Quandjesoupçonneuntantinetsoitpeuunmensongeoumêmeunedemi-vérité,jemetirevitefait.Salut,àplus!Faisattentionànepasteprendrelaporteensortant.Menteur,menteur,t’esrienqu’unmalfaiteur!

Jesuiscélibataireetheureusedel’être,j’aivingt-neufansetjetravailleàmoncomptecommephotographe ; je fais lesmariages oudes portraits et je ne recherche absolument pas une relationamoureuse.Jeviensjustedemettreuntermeàunelongueliaisonquiauraitdûêtrecourteetjemesuisjuréequejen’allaispasrecommencerdesitôt.Encequimeconcerne,jepensequ’ilvautmieuxnepasavoiraimédutoutqu’avoiraiméetavoirététrompée.J’aibesoind’unpeudetempspourmoiet, commemon emploi du temps est plutôt vide, ça va le faire parfaitement.Mon plan consiste àtravailleraustudioouenextérieurquandjepeuxavoirduboulot,àfairedessiestesoudujardinage,ouencoreàmebaladerlesoirverslarivière.Çam’apaise;etjeboispasmaldevinentrechacunedecesactivités.Riennem’empêcheradegoûtercettedernièreannéeavantdefêtermestrenteans.Rien,pasmêmelespetitespeccadillesetleurfolledemère.

Cela fait quelque temps que j’envisage ce retour forcé au programme de la véritableMayWexler. Je suis partie à l’autre bout dupayspour préparerma licence et, lorsque j’ai obtenumondiplômedephotographeàl’universitédeNewYork,jemesuisefforcéedemedétacherdeschosesquim’ontécartéedemafamille.Mais,aprèscinqans,jenemesuispasrapprochéed’unpoucedecetobjectifapparemmentinatteignable.

Jesavaisbienqu’ilfallaitquej’exorcisemesdémonspendantquelquechosecommedeuxans,etc’estpourçaquejesuisrevenuedansleSud,habiteràquelqueskilomètresdemasœuraînéeàlaNouvelleOrléans,oùelleaatterriaprèsl’université.

Jennyestmonrocher.L’épaulesurlaquellejepeuxtoujoursm’appuyer.Maisdéménagerprèsd’ellen’apasremisémagiquementaugrenierlesvalisesquejetraînepartout.Lesfantômesdemonpassé familial continuent àme suivre, àme poursuivre, influent toujours sur la façon dont jemeregardeetregardelavie;maiségalementchaquehommequejerencontrepourunflirt.Enfait,c’estvraimentassezpitoyable.

Jennysedébrouilletouteseulebeaucoupplusfacilementquemoi.Elleagérél’échecdesonmariage:çaamaltournéaprèsl’infidélitédesonexetelleaétéhonnêteavecelle-mêmeàcesujet.Ellesesentresponsabledesonproprebonheur,sansavoirbesoindesetrouverdesexcusesquandçanevapas.Demoncôté,j’aiencoreducheminàfaire.Jerejettetoujourslafautesurmonpère.Jenesuispasprêteàpardonnerniàlâcherprise.

Alors,maintenant,j’ail’intentiondem’ymettre.Voilàmonplanfantastique.Àpartquejen’aipas la moindre idée de la façon dont je vais y arriver. J’espère que quelques bouteilles de vinm’aiderontàdémarrerleprocessus.Jedoisdéciderunebonnefoispourtoutesquijeveuxêtrequandjeseraiadulte;etensuite,d’unefaçonoud’uneautre,devenircettepersonne,mêmesiçaveutdirequejeneprendraiplusdephotosdecouplesheureuxdesemarieretdefamillesenchemisesblanchesetjeansassortis.Detoutefaçon,cen’estpascommesiçaavaitétélerêvedemaviequandj’aifinimesétudes.Jesuis juste tombée là-dedansparceque jene trouvaispasd’autreboulot.Faudraitpasque jemeplaigne,d’ailleurs.Avant la crise économiquequi a commencé il y adeuxans, jem’ensortaisvraimentbien.

Unautretextoarrive,illuminantmonécran.Jeclignedesyeuxplusieursfoispourchasserlesommeil.Ilfautcroirequejem’étaisassoupieparcequemonréveilafficheuneheuredeplus.

Numéroinconnu:Tutelaissesaller.Moi:Vraiment?Jesourisintérieurement.Masœurvam’accuserdequelquechosequis’estpassépendantque

jedormais.Ondiraitqu’elleaachetéunnouveautéléphoneavecunnumérotemporaire,letempsquel’anciensoitraccordé.Sonpremiertextoestpourrouspétercontremoi.Excellent!

Moi:C’estqui?Jenotelenumérodansmescontacts.Jen:C’estmoi,voilàquic’est.Ilfautquetuviennesiciauplusvite.Moi:Non.Jedors.Tunem’entendspasronfler?Zzzzzzzz.Jen:Oublie !Arrive ou c’estmoi qui viens et je ne serai pas seule.Tu es censée êtrema

doubluredeprotection,non?J’imaginelespetitsmonstrescourantdanstouslessenssurleparquetquejeviensdenettoyer,

mettantdestrucspoisseuxpartout,etjesourisdecettemenaceinutile.Jepardonneàpeuprèstoutàcespetitsanimaux. Ils sontpeut-êtredevrais sauvages,maisabsolumentadorables. Jedisçaparcequejenelessupportequequelquesheuresd’affilée.

Moi:Amène-les.Jepeuxmedébrouilleraveccequetespeccadillesmeferont.

Jen:Tuessérieuse?Despeccadilles?Viensicivitefait!Jenerigolepas,conasse!Moi:Tuviensdemetraiterdeconasse?C’estunpeufortça,non?Etmerevoilààrireautantquejepeux.Jen:J’appelleunchatunchat.Viensiciillico.Jem’assois sur le canapéen soupirant.Ondirait qu’elle avraimentbesoinde souffler. J’ai

bienenviedeluienvoyerunautretexto,maisjedécidedenepaslefaire.Asseztournicoté.Ellenevapastarderàpéterunplombetladernièrefoisquec’estarrivé,jemesuisretrouvéeaveclesgossesunesemaineentièrependantqu’ellepartaitdansnotremaisondecampagnepourrécupérer.Ilfautquejeprennelesdevants,cettefois-ci.

Moi:D’accord.Oùest-cequetuesexactement?Jen:Aupub.ChezFrankie.Centreville,Lexington.Je rapprochemon portable demes yeux pour voir si j’ai bien lu. Pas de doute, c’est écrit

«ChezFrankie».Moi:C’estpasunbarpourmotards?Tuessûrequec’estunebonneidéed’yemmenerles

enfants?Jen:Situlesappellesencoreunefoismesenfants,jevaistetuer.Jeregardefixementmonécranuninstantetdécidedenepasfairelamaligneenrépondant.Si

masœurenestaupointde renier sesenfants, tanteMay feraitbiendesepointeretdeprendre leschosesenmains,unefoisdeplus.

Jemelève,soupirantàl’idéededevoirrevêtirleshabitsdupèrefouettard,ettapemaréponsetoutentraversantlapièceendirectiondelaported’entrée.

Moi:D’accord.Jesuislàdansvingtminutes.Jen:AmènelePhoenix.Jem’arrête,lesdoigtssurlaserrure.Phoenix?Commes’ilpouvaitcomprendre,mapetitebouledepoil,moitiéchihuahua,moitiéchiende

Poméranie, lève le museau et sort de son panier pour me rejoindre dans le salon. Ses griffesminusculescliquètentsur leparquet.FélixestparfaitpouroccuperlesenfantspendantqueJennyetmoi parlons.Elle le demande souvent lorsqu’elle a besoindedécompresser et neveut pas que lesgossesécoutent.

—Jecroisqu’elleveutquejet’emmène,Félix.Jedécrochemongrandsacpenduàlapatèredelaporteetj’yfourremonportefeuille,mes

clésetmonpistoletTaser.Mêmesijen’allaispasdansunbaràmotards,j’ajouteraiscedernierobjet

àmonsac.Jemesuisfaitattaquerunefoisquandj’étaisàlafacetjenemelaisseraiplusjamaisfaireaussifacilement.Etsiçadevaitarriver,j’électrocuteraisunsalopardavant.

—Allez,monvieux:sautelà-dedans.Félix attend patiemment que je le prenne dans mes bras pour le mettre dans le sac, en

commençant par ses pattes arrière.Quand il est bien installé, il passe sa tête par l’ouverture et salanguesortdansunhalètementheureux.

—Nefaispaspipidansmonsac,Félix.Jeneplaisantepasaujourd’hui.Jeglissemespiedsdansmesespadrillesrosesetinspectemonrefletdanslafenêtre.Jelisse

mescheveuxbrunscoupésauxépaulesetm’assurequ’ilssontbienretenusparlepetitserre-têteenplastique bleu qui s’est un peu déplacé pendant que je dormais. Mon chemisier bien classique àrayuresbleuesetmonpantalonbeigesontencoreimpeccables,commesijen’avaispasfaitunepetitesiesteaprèsma journéede travail. J’étaisàmonstudiodephotographie, sibienque jen’aipaseubesoindememettreentailleurouenrobe:jeneportejamaisdejeanpourallertravailler.Jeneveuxpasquemesclientspensentquejesuisuneminable.Jeprendsmontravailausérieux,mêmesic’estparfoisaussiennuyeuxquederegardersécherlapeinture,alorsilfautquejememetteenvaleur.Jen’aipasbesoindeplusdemaquillagequecequejeported’habitude;unpetitpeudebrillantsurleslèvres, de l’eyeliner et dumascara pour soulignermes yeux bleu clair etme voilà prête.Dans lavoiture,jevérifieraiqu’ilsn’ontpascoulépendantmasieste,avantquequelqu’und’autrequeFélixmevoie.

NousquittonslamaisonàborddemonadorableChevySonic2 rougeceriseet jemedirigevers un bar du centre ville où je suis absolument sûre quema sœur n’aurait pas dû aller avec sesenfants.EspéronsquejenedétonneraipastropdansmonensembleBCBG.JenesuisjamaisentréeChez Frankie, mais j’imagine bien que ce n’est pas le genre d’endroit où j’aimerais allerrégulièrement.On en parle aux informations de temps à autres et jamais parce qu’il s’y est passéquelquechosedebien.

Moi:Onarrive.Tiensbon.Netuepersonneavantquejesoislà.Jen:Jeneprometsrien.

1.SalledejeuxdelaNouvelleOrléans.2.PetitevoituredelamarqueChevrolet.

CHAPITRE2

Jemesuisgaréeaumilieudemotosquidatentpourlaplupartdutempsoùleurpropriétaireétaitencoreàlafacetdegrossesberlinesquiauraientdûfiniràlacasseilyabellelurette.Jevoisdeux camionnettes, l’une d’elles flambant neuve. À part ma voiture, c’est le seul véhicule où onpourrait me retrouver morte et, Dieu du ciel, il s’agit d’une camionnette. J’ai horreur descamionnettes.Ellessonttellement…grossesetploucs.

Jepensequec’estlapiredécisionparentalequ’aitjamaisprisemasœur.Qu’est-cequiluiestarrivé?Çanepeutpasêtreseulementl’écritureintuitivedesonportable.Cettefois-ci,sonex-mariadûlapoussertroploin.

J’ouvre laportedubar et jem’arrête avecFélix juste sur le seuil, pour avoir une idéedeslieux.J’essaiedenepasêtrenerveuse–aprèstout,jesuisunefemmeadulteetjesuisentréedanspasmaldebars;jen’aiaucuneraisondecraindrequelqu’unici.Maisj’aibeaufaire:j’ailesmainsdeplus en plus moites. Je scrute la salle à la recherche d’une silhouette de femme désespérée, lescheveuxhirsutesettroisjeunesenfantsquisebalanceraient,accrochésauxlustres.

Mais je ne vois que des tabourets de bar avec de grosses fesses masculines dessus, lesportefeuillesretenuspardeschaînesàleurspoches;destablesdejeuxavecdesgroupesd’hommesdebout tout autour, armés de queues de billard, tous vêtus de vestes et de jambières en cuir ; etquelquesfemmesperchéessurdestabouretsdansuncoin,quidoiventsûrementêtrepayéesàl’heurepourfaireleplusvieuxmétierdumonde.

Jemedemandeuntrèscourtinstantsiquelqu’uniciauraitbesoind’unephotographepourunmariage.C’estpardésespoir,cettepartiedemoiquin’arrêtepasdepenseràmoncompteenbanquepresquevide.Puismoncerveauraisonnableseremetàfonctionneretjemedisque,silesclientsdecebarsemariaient,ilsiraientplusquevraisemblablementàlamairie,debonnesrasadesdewhiskyscellant lecontrat.Desgensquicélèbrent lesgrandsévénementsde leurviedecette façonne fonthabituellementpasappelàunphotographeprofessionnelquiimmortaliseradeshabitsdefête.

Pourêtrehorsdemonélément,onpeutdirequej’ysuis!Jeregardemespieds.Peut-êtrequelesespadrillesrosesn’étaientpasunebonneidée.Lesmotardsmelancentdesregardsdetraversetcelan’améliorepasdutoutmesmainsmoites.

Ilyaunevoûtede l’autrecôtéde la sallequimèneàuneautrepièce, semble-t-ilpublique,maisdont jenepeuxdevinerd’ici laspécificité.Nevoyantpas lesmembresdemafamilledans lapremière salle, je suppose qu’ils doivent s’y trouver. Je ne peux qu’imaginer ce qu’il y a là-bas.Probablementdeladrogue.Sansdouteencoreplusdecuiretdeportefeuillesattachéspardeschaînes.

Jetranspirejusquesouslesbrasmaintenant.Fantastique.Àquoi songema sœur ?Elle est entréedans cebar et est alléedans la salle arrière ?Cela

n’augureriendebon.Prenonslameilleurehypothèse:desjeuxdepoker.Sonexenferaittoutunplat.Ilesttoujourstellementheureuxdesoulignersesfaiblessesentantquemère.S’ilajoutejoueuseàlaliste, ce ne serait vraiment pas bien. Maintenant, je me reproche d’avoir déconné avec elle autéléphone. Elle était visiblementmal dans sa peau, hésitant entre «maman stressée » et «mamancomplètement siphonnée » ; et, maintenant, je sais qu’elle a franchi cette ligne dans un endroitmanifestementpeurecommandable.Mapauvresœur.Sespauvresenfants!

Jen’aijamaisencorereprochéquoiquecesoitàJennyausujetdeseschoixmaternels.Elles’est énervée, ça c’est sûr,mais elle n’a jamais dépassé les bornes comme aujourd’hui.Quand leschosesontétévraimentdifficilespendantsondivorceelleaprisunpeudetempspourréfléchir,maiselleavait toutarrangéavecmoiet lesenfantsà l’avanceet s’était assuréeque toutallaitbienpournousavantdepartirunesemaine.

Jen’ensuispascertaine,maisj’espèreintervenirdefaçonefficacetouteseule:lesgensicinedoiventpassavoirqu’àmesyeuxilsnesontpaslameilleurecompagniepossiblepourmasœur.Mapauvresœur,aînéecertesmaismalconseillée,etquivaenprendrepoursongradedem’avoirattiréedanscetendroit.

Mes pieds sont littéralement englués dans le sol. Pour pouvoir avancer, il faut que je lesdécolledu…duquoi?Tapis?Linoléum?Impossibleàdire.Jefrissonneenpensantaunombredebactériesquejerécolteencemoment.C’estcertain:aprèscetteéquipée,jelaisseraimeschaussuresdevantmaporte.Jedevraisprobablementlesbrûlerpourempêcherlacontagion.Çam’attristeparcequej’aimebienmesespadrillesroses.

Plusieurstêtessetournentetmesuiventattentivementduregardtandisquejerecommenceàavancer.

JeremontelesacdeFélixsurmonépaule;satêtesortetilregardeautourdelui.—T’enpensesquoi,Félix?Jeluiaiposélaquestiondoucement,mavoixunpeutrophautecependant.—T’asenvied’unepetitebière?Aulieudefaireirruptiondanslasallearrière,ordonnantàmasœurdepartirimmédiatement,

jedécidequelajouercoolestlameilleurefaçondeprocéder.Parfois,ellepeutêtrebutée.Jel’aivueplusd’unefoisdansunecolèrenoiretournéecontreelle-même,etjeneveuxpasqueçameretombedessuspourfinirdansunedecessituationsoùquelqu’un-appelle-les-flics-parce-qu’une-divorcée-est-devenue-dingue. Je vais rester au bar uneminute ou deux et rassembler assez de courage avant laconfrontationquinevapasmanquerdesuivre.

Toutexcité,Félixhalète. Jeprendsçacommeun«peut-être»en réponseàmaquestionausujetd’unebière.

Montéléphonesemetàsonneraumomentoùjemefrayeuncheminverslebar,m’annonçantl’arrivéed’unnouveautexto.

Jen:Oùdiablees-tu?Moi:Tedéshabillepas.Jesuislà.Jen:Où?Toutcequejevois,c’estunebimboavecunchiendanssonsac.Ma bouche part de travers pendant que je relis sonmessage. Elle a vraiment perdu la tête

maintenant.Bimbo?Depuisquandest-cequejesuisunebimbo?Ellesaitquej’aieumondiplôme,

mentiontrèsbienavecfélicitations.Mesdoigtsvolentsurleclavier.Moi:Tuferaisbiendetedétendreunpeuoutonéquipedesecoursnevapastarderàvenirte

sonnerlesclochesettuesdéfinitivementsurlalistedeceuxquej’aienviedetuer.Jen:Tupeuxconsidérerquetuesunhommemort.Jet’aiprévenuausujetdescloches.Jegrogne.Elledoitêtrecomplètementpartie.J’abandonnemesplansausujetd’unebièreet

metourneendirectiondelasalleàl’arrière.Lanervosités’estajoutéeàl’indignation.Machèresœurvientjustedemetraiterdebimboetd’hommemort.Elleestmanifestementivredevantsesenfants:alorsoublions les interventionsde lapetite sœur toutegentille et aimante.Onestvraimentdans lamerde.Jefléchislesdoigts,m’apprêtantàluiservircequejeviensdeluipromettre.

Lasallearrièreestplussombrequecelledonnantsurlarue.Iln’yapasdepistededanse,pasdecouplesetrienquiressembleàundécor,àmoinsdeconsidérerquedevieillespublicitéspourdelabièreetdesmursteintésàlanicotinesoientdeladécorationd’intérieur.L’endroitestabsolumentvide,maisjevoiscequiressembleàdesportesdetoilettesdanslecoinleplusreculédelasalle.Ilsdoiventêtrelà-dedans.

Jemetrouvejusteentrelebaretlasallearrièrelorsquej’entendsungrandbruitderrièremoi.Jen’aimêmepasletempsdemeretournerquejereçoisunefortepousséedanslacolonnevertébrale.

—Bonsang!Lesmotsontfusépendantquej’effectueunpetitsaut,trébucheettombeenavant.Ça sent la fumée. L’adrénaline déferle dansmes veines pendant que jeme remets surmes

pieds.Félixaboiecommeunchihuahuafurieuxquiauraitétésaisiparlediable.Jecroisquejevaisavoirunecrisecardiaque.

La personne qui m’a poussée m’attrape par les bras et me soulève pratiquement du sol,m’obligeantàentrerdanslasallearrière.

—Qu’est-cequevousfaites?Jecrieetmedémènepouréchapperàsaprise.Jesuiseffrayéemaintenant,etfurieuse.Jen’ai

aucuneidéedecequisepasse,maisjen’aimepasqu’onmemalmène.Celamerappelletroplafoisoùj’aiétéagresséeetmesuisretrouvéeavecunœilaubeurrenoir,ungenouécorchéetunsacvolé.

Quand j’arrive enfin à me retourner, je vois un type grand comme une montagne deboutderrièremoi,toutenbarbenoireetmassesombredecheveuxfrisés,serrésdansunbandanableu.Ilpeutavoirentre trenteet soixanteans ; impossibleàdireparcequesonvisageet toutesa têtesontcachéspar…euh…unefourruredigned’ungrizzli.

—Dégagezd’ici!gronde-t-ilenmepoussantsurlecôté.Jeperdsquelquesmètresdeterrainavantd’arriveràenfoncermestalonsdanslesol.—Ilfautquejetrouvemasœuretsesenfants!Jemedébatscontresonétreinte,essayantd’attrapermonTaserdansmonsacpourapprendreà

cettebruteuneoudeuxchosesausujetdelamanièredetraiterunedame.Audiablelapanique.Masœur est quelque part ici et elle a besoin de moi. La chimie interne de mon cerveau fou m’atransforméeenunesortedesuperhéroïne.J’aimêmeunsecondcouteauavecmoi,quiapournomFélix.Ondevraitporterdescapesassorties.

—Yapasd’enfantsici–vousêtesfolle?Iln’acceptepasquejedisenon.Jesuisaumilieudelasalledufondquandjecomprendsenfincequ’iladit.J’abandonnelarecherchedemonTaser,quidoitse trouversous lafourrurepelucheusedeFélix ; jedoisprivilégier lecontrôlede lasuitedesévénements.

Ilaraison.Jen’aipasencorevumasœur,maisçaneveutpasdirequ’ellen’estpasici.Elleest

peut-êtredanslestoilettesouàunautreendroitdubarquejenevoispasdelàoùjemetrouve.Ellem’aenvoyéuntextoetjesuisvenue;etjenereparspassanselleetsespetits.

—Pourquoiest-cequevousmepoussez?J’essaied’attraperl’arrièred’unechaiseàhautdossierquisetrouvesurmonchemin,maisje

lâchepriseetelletombederrièrenousàgrandfracas.Lebruitdegensquicrientdansl’autrepiècesefait plus fort. Des hurlements dans le bar donnant sur la rue s’y ajoutent, et ils ne sont pas tousféminins.

—Sortez,ordonnel’homme.Ilfautquevouspartiez.J’attrape le bord d’une table qui est heureusement vissée dans le sol, arrêtant ainsi notre

avancée.Jenevaisnullepart.Jegrognetoutenmepliantendeuxtandisqu’ilessaiedemesouleverparlataille.—Ilfautquejetrouvemasœur.Jeluienvoiedescoupsdepiedetl’atteinsautibia.—Aïe!Surprisparladouleur,ilsepencheenavantetmelâche.J’entendsunedétonationetunsonmétallique.Mesyeuxs’ouvrent toutgrandsquandjevois

apparaître un énorme trou dans lemur à côté demoi, là où, l’instant d’avant, il n’y avait qu’unesurfacepratiquement lisse.Lorsque je lève lesyeux, jevoisunhommequi se tientà l’entréede lasalledufondavecunearmepointéedansnotredirection.Moncœurs’arrêtedebattrependantuneoudeuxsecondesetmapoitrinesembleserétracterdepeur.

Jen’aipashontededirequej’aicriéassezfortàcemoment-là,etcen’étaitpasl’undecespetitscrisadorablesquepoussentlesdames.Plutôtunpouletfouquel’onessayeraitd’étrangler.

L’hommegrandcommeunemontagnequi a essayédeme faire sortirdubarm’attrapeparmonsacetmeprojettesurlesol.Jem’écroulesurlesgenouxetjetremblesanspouvoirm’arrêter.

Félixleremercieenlemordantàlamain.—Espècede…!Letypefourresablessuredanssaboucheuneseconde,puisl’enretire.—Onyva!Pliéendeux,ilmeprendparlebrasetm’entraînehorsdelapièce,seservantdestablesetdes

chaises pour s’abriter. Je cours et trébuche tout à la fois, essayant demettre davantagededistanceentremoietlecingléquiosevraimentmetirerdessus.

D’autresdétonationsetdeuxsonsmétalliquesnouspoursuivent,envoyantvolerdesmorceauxdeboisquiviennentmefrapperauvisage.Çamefait immédiatementunmaldechien,commeunebrûlure.

J’aiététouchée!Mamainlibrevoleversmajoueetytrouvequelquechosed’humideetdepoisseux.Lorsque

jeretiremesdoigtsetlesregarde,jevoisqu’ilssontenduitsdequelquechosedefoncé.Nomd’unchien!Serait-cedusang?Oh,monDieu,est-cequejesaigne?

J’entends comme un bourdonnement dans mes oreilles à présent, mais ça ne vient pas del’extérieur.Jecroisquemoncœurvaexploser.C’estlepiresauvetagedesœurqu’onaitjamaisvu!

—Continuezàcourir!criemonsauveurenmepoussantdehors.Jetombeàquatrepattesdansunealléepuante,gluanteetsaleetmonsacatterritàcôtédemoi.

Félix en est éjecté et se remet sur ses pattes, aboyant comme si le diable en personne avait prispossessiondesoncorps.Jesaisexactementcequ’ilressent.Jecroisquejevaisvomir.

Laporteserefermederrièremoiàtoutevolée.—Faitestairecechien!hurleletype.Vousêtesencorelà?Jecrie.Jesuisfurieuseparcequejesaisquecesballes luiétaientdestinéesetpasàFélixouàmoi.

Nousn’avonsjamaisinspiréàpersonneceniveaudehaine.Peut-êtrequelquesparolesunpeuvivesausujetdecrottesminusculeslaisséesparmonchiensurlapelouseduvoisin…d’accord,maisdesballes ? Jamais. Ce type est dangereux. Tout le monde peut se rendre compte qu’il s’agit d’ungangsteràmotooud’unvendeurdedrogueetjen’enveuxpasavecmoi.

Ensuite,jereniflecequi,j’ensuispresquesûre,estlecontenudel’estomacdequelqu’un.Parterre. L’instant d’après, je fais un vol plané et je suis un instant désorientée lorsque mes piedsreprennentcontactaveclesoletquejemeretrouvedebout.

—Qu’est-cequis’estpassé?Jepensemurmurer,maismavoixestbientrophautepourapparteniràunêtrehumainnormal.

Unedemi-secondeplustard,jecomprendsque,sijesuissurmespieds,c’estparcequeletypem’aremisedeboutaussifacilementquesij’étaisunesimplefeuilledepapier.

—Prenezvotrechienetpartons.Samainestposéesurlaportearrièredubar,surmontéed’unsignelumineux«Sortie».Illa

tientfermée.Sijen’avaispaslapeurdemavie,jeseraisimpressionnéeparsonespritchevaleresque.Ilauraitprobablementpusetrouverdéjààunkilomètred’icis’ilnes’étaitsouciéquedesapropresécurité.

Toutmoncorps–voixcomprise–tremble.—Viensici,Félix.Montedanslesac.Félixaboiecontretoutettoutlemonde,réelouimaginaire.Toutsoncorpsestsecouéparune

énergiecoléreuse.—Viensici,Félix!Ilfautqu’onparte!Quandjeparviensfinalementàl’attraper,jesuispresqueimpressionnéeparcettefureurquile

possède toutentier ; ilvrombitcommeunecordedeguitarequ’onvientdefairevibrer.Jem’étaisdéjàmiseenmouvementavantmêmed’avoirpuvoiroùsetrouvaitFélix.Cebarbuaraison.Masœurn’estpasdanscebar.Pourquoiest-ceque j’aipu lepenser?Peut-êtrequ’elleesten traindeboirechezelleetm’envoiedestextosd’ivrogne.Jevaislatuer.

—Allons, Félix.Monte dans le sac. Arrête de faire l’imbécile. Je le fourre dedans tête lapremièreetlemaintiensenserrantmonbrascontremescôtes.

Ilesttempsdeficherlecampd’ici.Etdelaissercegangsterderrièremoi.Jemarcheleplusvitequejepeuxversleboutdel’allée,maisonmesaisitunefoisdeplusparlecoude.

—Quoi?Jememetsàcrier,meretournantd’unblocpourmetrouvernezànezaveccettebrutequinecroitcertainementpasàl’hygiènecorporelleniauxbonnesmanières.

—Qu’est-cequevousvoulezencore?Moncœurcognedeplusbelledansmapoitrinetandisquemesyeuxbalaientfurtivementlesalentours,dubaràmonravisseur.Jesaisqueledingueavecl’armevaarriveràcetteported’unesecondeà l’autre,et jen’aipasenviedem’attarderdavantagedansl’allée.

—Vousnepouvezpasallerparlà–ilsvousyattendront.Suivez-moi.Jemesensunpeucoupabled’avoireudesmauvaisespenséesàsonsujet,ilestévidentqu’il

essaiedem’aider.Mais,quandilpartautrot,melaissantplantéelà,j’oubliecesentiment.Tuparlesd’unespritchevaleresque!Ilneregardemêmepasderrièreluipourvoirsijesuis,lesaletype.

Mespiedssemettentd’eux-mêmesenmouvement.—Quic’est“ils”?Pourquoiest-cequ’ilsm’attendent?Ilnerépondpas,maisilbifurqueàquelquesmètresdevantmoietmelaisseseuledanscette

allée jonchée de déchets et sentant le vomi. Lorsque je regarde derrière moi, vers la rue où mavoitureestgarée,jeseraisprêteàjurerquejevoislasilhouetted’unbanditavecunearme.Alors,jememetsàcourirpourrattraperletypeavecsabarbehorrible,espérantnepasavoiràregrettercettedécision,commejeregretted’êtrevenueapporterunsecoursdontonn’avaitnulbesoin.

CHAPITRE3

Lorsque je réussis à rattraper le bandit barbu, il me laisse tremblante dans l’ombre d’unebenne à ordures, quatre rues plus loin, etme promet de revenir. Félix ne se soucie plus de rien àprésent. Il se promène autour de moi, laissant des messages odorants à l’attention de tout chiensusceptibledepasserparicidanslesprochainsjours;j’envoieuntextoàmonivrognedesœuretmarespiration reprend lentement un rythme normal. Je peux imaginer ce que disent lesmessages deFélix.Quelque chose du genre : « Salutmon vieux, tu ne devineras jamais ce quim’est arrivé cesoir!»Jesaisquejesuispasmalsonnéeaprèstoutçaetjenesuismêmepascroiséechihuahua.Jem’aplatisdansuncoinoùpersonnenemeverraetjeprêtel’oreillepourentendredespas.Pendantunmoment, la seulechosequi trouble le silence, c’est lemartèlementdemonproprecœurquibat lachamade,maisensuitearriventdessirènesetellessontcommeunemusiqueàmesoreilleslorsquejeréalisequ’ellesviennentdubar.

Je fais une prière pour quema sœur aille bien. Je ne l’ai pas vue, ni les enfants et çamerassure un peu. Mais elle n’a répondu à aucun de mes derniers messages. Je regarde à nouveaul’écran,histoired’enêtresûre.Touslestextosquiapparaissentencoresontlesmiens.Sesmessagesdedinguen’arriventplus.Elleadûs’endormirsur soncanapé.Çane lui ressemblepasdu toutdefairequelquechosecommeça.Ilfautquej’aillechezelledèsquejelepourraipourm’assurerquetoutlemondevabien.

Moi:Oùes-tu?Es-tuensécurité?J’espèrequetun’espasdanscebar.Jevaistetuerpourm’avoirentraînéelà-bas.S’ilteplaît,réponds-moi.Jecommenceàm’inquiéter.Lagrossecylindréequiétaitstationnéelàoùjemesuisgaréetoutàl’heures’arrêteaubord

dutrottoiretleslumièresintérieuresdelacabines’éclairent;labrutebarbueestàl’intérieur.Çamesurprendquandmêmeunpeuqueletypeleplusmaldégrossidel’endroitpossèdelavoiturelapluschère.Monportablesonne,m’alertantdelaréceptiond’untexto.JemepenchepourattraperFélixetjelis:

Jen:Ona étédécouverts.Ne retournepas en arrière.On se retrouveauprochainpointde

chutedanstrenteminutes.Je regarde fixement l’écran, arrêtée devant la porte du côté passager. Elle s’ouvre de

l’intérieuretjelèvelesyeuxpourvoirlevisagedemonsauveur.—Montez,dit-il.Iljetteunœilàsontéléphoneetattendquejem’exécute.—Euh,nonmerci.Jeregardepar-dessusmonépaule.Toutcomptefait,l’obscuritérassurante

delabennenemeparaissaitpassimal.—Vousnepouvezpasresterici:quelqu’unpourraitvousvoirenpassantenvoiture.— Mais je devrais monter en voiture avec un gangster qui vend de la drogue, qui va

probablementmetueretsedébarrasserdemoncorpsdanslefleuveMississipi?Ilsoupired’énervement.—Jenevendspasdedrogueetjenesuispasungangster.Allons–arrêtezdetournicoter.Je

neveuxpasqu’onmevoieici.—Parcequevousvendezdeladrogue.Savoixestunmodèledepatienceexagérée.—Non. Parce que ceux qui vendent de la drogue vontme voir sur leurs terres et ils n’en

serontprobablementpasravis.Je regardeautourdemoi, ànouveau submergéepar lapeur, commesiquelqu’un tentaitde

m’étouffer.—Onestsurleterritoiredesdealers?Ilfaitunsigneendirectiondelafenêtre.—Regardezautourdevous.Vousenpensezquoi?Je vois des gens qui rôdent au coin des rues et boivent dans des gobelets en carton. Des

hommesdeboutformantdesgroupesetquinousregardent.Ouais.Pastropagréable.Jememordslalèvre en considérantmes possibilités. Je pourrais appeler la police et attendre dans un coin qu’onvienne me chercher, mais dans combien de temps – des heures selon mon expérience ? Et, dansl’intervalle, je serai une cibleparfaite.Oubien, jepourraismonterdans lavoiture avec ce type etpeut-êtremefairevioleretvoleretmêmeassassiner.Est-cequej’aid’autreschoix?Iln’yapasdeboutiquesapparemmentrassurantesdanslecoinetiln’estpasquestionquejeremontelarueàpied.C’estcommed’avoiràchoisirentreCharybdeetScylla.

Jeréponds:—JeprendslerisqueettiensFélixplusfermementsousmonbras.Letypesesoulèvesurunefesse:—Tenez.Regardezça.Jemerecule,certainequejevaisdécouvrirunearmepointéecontremoi.Maisilsortunportefeuille.Duportefeuille,iltireunecarteetmelatend.Je liscequiestécritsurunecartedevisiteblanche. Ilya juste lenomd’unesociétéetune

adresse.Pasdenomdepersonne.«LesBourbonStreetBoys».Je lève la têtevers luietplisse lesyeux.

—Est-cequevousêtesentraindemedirequevousêtesuntypebien?—Toutàfait.Etmaintenant,montez.Tenantlacarteàboutdebras,j’enprendsunephotoetm’envoieuncourrielenyattachantla

photo.— D’accord, monsieur le Bourbon Street Boy. Je viens d’envoyer un courriel avec votre

adresse professionnelle à ma sœur et à moi ; si quelque chose m’arrive, vous en serez tenuresponsable.

—Formidable.Montez.

Jesaisquemonplannevapastrompergrandmonde,maisc’estlemeilleurquej’aie.Jevoisencoredansmatêtecelledutireur,etellemesembleplusmenaçanteàchaquesecondequipasse.

Jeprendsd’abordmonTaseretjelepassesubrepticementsousmaceinture.Ensuite,jedéposemon sac, avec Félix dedans, à l’intérieur du véhicule et, m’aidant de la porte elle-même et de sapoignée intérieure, je me hisse dans l’habitacle. Une fois installée, j’attache la ceinture et écrisrapidementuneréponseaumessagedemasœur.Jepensaisquejem’étaiscalmée,maismonpoulscontinueàbattreàtoutevitesse.Jepeuxlittéralementl’entendrefrappersescoupsdansmanuque.

Moi:Est-cequetuesivre?Oùsontlesenfants?J’entends un bip à côté demoi et, après une pause de deux secondes pendant que la brute

regardesontéléphone,ilsemetàriretrèsfortetappuiesurl’accélérateur.Lacartedevisitequ’ilm’adonnéenesignifieriendutout.J’aisautéhorsdelapoêleàfrire

pouratterrirenpleindanslefeu.Est-cequ’ilestdérangé?Ilfautcroire!Quiest-cequidémarresavoitureaumomentoùilreçoituntexto?Etaprèsquiena-t-iltellement?Unepetiteamiesansdouteou je ne sais qui, encore que je n’arrive pas à imaginer quel genre de fille sortirait avec un typepareil. Peut-être une de ces culturistes qui soulèvent des poids, ont un cou de taureau et des poilspartout à force demettre des stéroïdes dans leursmélanges protéinés. Je tire tout doucementmonpistoletTaserdemaceintureetledéposeàcôtédemajambe.S’ilfaitunseulgestepourmefairedumal,jevaisl’illuminercommeunsapindeNoël.

Il lance son portable sur le tableau de bord et souffle l’air de ses poumons dans un longsifflement.Puisilpasselapremièrevitesse.

—Oùhabitez-vous?Jevaisvousreconduirechezvous.Jememetsàrire,maisjetremble.Jepensequec’estàcaused’unstressaccumuléouquelque

chosedecegenre:peuimporte,c’estquelquechosedefort.Jen’arrivepasàmecontrôler.Jepenseque jevaisenfairepipidansmaculotte.Faceàunemort imminente, ilsemblequemessphincterssoientsurlepointdelâcher.

Ils’arrêteàunfeurouge.—Jenevoispascequ’ilyadesidrôle:jevousdemandevotreadresse.Sa barbe se soulève à chacune de ses paroles, ce qui rend les choses encore pires. Ou

meilleures.Mais,finalement,j’arriveàmaîtrisermontremblement.Jem’arrêteetessaiederespirernormalement.

—Cequiestdrôle,c’estquevousayezpupenserquej’allaisvousdonnercerenseignement.Mon nez émet un grognement. D’accord. « Voilà. Monsieur l’Homme des Montagnes

Ressemblant à unGrizzly, pourquoi ne viendriez-vous pas chezmoi pourm’assassiner dansmonsalon ?Çame plairait assez. » J’en louche tellement c’est ridicule et regarde droit devantmoi autraversdupare-brise.

—Vousdevezpenser que je suis la femme la plus bête dumondepour tomber dansun telpanneau.

Oublionslemomentoùjesuisréellementmontéedanssacamionnettesurlafoid’unecartedevisiteprofessionnellequin’estprobablementmêmepasà lui.Bonsang!Ellepourraitmême,pourautantquejelesache,avoirappartenuauderniertypequ’ilatué!Ilfautquejemefasseexaminerlecerveau.Parcequejesuisperdueetquejenesaispasquoifairedemavie,çamerendcomplètementstupide.Dieumerci,j’aimonTaser.

Lefeupasseauvertetilappuiesurl’accélérateur.Lemoteurrugit,maisnousrestonssouslavitesselimiteautorisée.Ildoitêtreunesortedeboy-scout.Oupeut-êtreunmeurtrierquineveutpasêtrearrêtéparlesflics.C’estlescénarioleplusprobable.

—Est-cequej’auraisprislapeinedevoussauverlaviedanslebarsij’avaisl’intentiondevoustuer?

—Commentsuis-jecenséelesavoir?Jenesuispasfolle.—Moinonplus.—J’auraispum’ytromper.Jemurmureçalesdentsserrées.Jedésignedudoigt,auboutdela

rue,unebrasserieouvertelanuit.Laissez-moilà-bas.Jecommanderaiuntaxipourretourneraubarcherchermavoiture.

Commevousvoulez.Ilchangedefilepourallersegarersurleparking.Lesentimentdesoulagementquim’envahit

est enivrant. C’est comme d’être sur des montagnes russes et d’arriver enfin au bout d’un tourabsolumentaffreux.Çadonnemêmeunpeuletournis.

Monportablebipeaumomentoùnousnousgarons.Masœur:Salutmignonne.Çatediraitunverredevin?J’aienfinmislespeccadillesaulit.Jefixel’écranpendantunbonboutdetemps.Levacarmedumoteurmemetdansunesortede

transe ; je continue à me demander ce qui va de travers chez ma sœur. Est-ce qu’elle a undédoublement de personnalité à présent ? L’angoisse d’être une mère seule a-t-elle finalement euraisondesasantémentale?Devrais-je l’appelerSybille ladevineresse?Pourquoiest-cequemonportableindique«masœur»àprésent?Sonnuméroa-t-ilétéreconnectédepuistoutàl’heure?

—Qu’est-cequisepasse?demandeletype.Vousavezdemauvaisesnouvelles?— Pourquoi dites-vous ça ? Je détache difficilement les yeux de mon portable pour le

regarder.—Parcequevotrevisageal’airderapetisser:vousfroncezlessourcilssifort.Jemeremetsàfixermonécran.Cen’est rien.Justemasœurquiperd lespédales.Oubien,

c’estmoiquiaiperdulesmiennes.Riendetoutcecin’adesens.Jepensequelapeurquej’aieueenmefaisanttirerdessusadétraquémoncerveau.Jen’arrivepasàpensercommeilfaut.Qu’est-cequisepasse,bonsang?

Félixsortlatêtedemonsacetmelèchelementon.—Merci,monvieux.Jesoupire.Bien.J’yvais.Jemetsmamainsurlaportièreettâtonnepourtrouverlapoignée.Jesupposequejen’aipas

étéassezrapideparcequel’hommedelamontagnesepencheau-dessusdenousetm’ouvrelaporte.Jesursautetellementjesuissurprise,pensantpendantunquartdesecondequ’ilvamefrapper.

Etpuis,dèsquejevoisqu’ilétaittoutsimplementpoli,jepensequesaproximitévamerépugner;mais, toutaucontraire, jememetsàinspireràfond,inhalantsonparfumjusqu’auplusprofonddemoncerveau.Ohlàlà.Délicieux!

C’estcomplètement insensé,bienévidemment. Il ressembleàunpréparateurunpeu foudesrestaurantsDuckDynastyquiauraitdisjonctédepuisunbonpetitmoment,maisilsentboncommeuncitadinsoucieuxdesonapparencequiserendraitàunesoirée.Etalors?

Cetypeavraimentquelquechosedespécial,maisjenesuispassuffisammentintéresséepourvouloirdécouvrircequec’est.Jeveuxjusteallerchezmasœuretm’écroulersursoncanapé.Unefoisquej’auraicompriscequiabienpusepasser,jedécideraisijememetsàl’engueulerpendantdixbonnesminutespouravoirfaillimefairetuer.

—Merci.Jemelaisseglisserdusiègesurleparking,entraînantFélixetmonsacavecmoi.—Jevousenprie.JefermeviolemmentlaportederrièremoietremonteFélixdanssonsacsurmonépaule.La

vitre côté passager descend dans un miaulement électrique. Lorsque je regarde à l’intérieur ducamion,toutcequejevois,c’estl’obscurité.

—Prenezuntaxipourrentrerchezvous.N’allezpascherchervotrevoitureavantdemain.—Pourquoi?—Parcequejevousledis,voilàpourquoi.Jegrogneànouveau.Cesoir,ondiraitquejesuismoitiéêtrehumain,moitiéanimal.—D’accord.Bonnecontinuation.Je commence àmarcher en direction de la brasserie brillamment éclairée qui propose des

petitspâtés,d'aprèscequejepeuxvoirdanslavitrineprèsdelaported’entrée.Monsauveurneditrien.Soncamiondémarredansunnuagedepoussièreetdegravillonsetje

meretrouvetouteseulesurleparkingavecFélix,quis’estremisàaboyercommes’ilvoulaitfaireexplosersatêteminuscule.

Allons,Félix.Entronscommanderunpâtéetensuitenousironscherchermavoiture.Mes pieds font crisser les gravillons qui parsèment l'asphalte. Je ferais sans doute bien

d’appelerlapolicepourleurracontertoutcequivientd’arriver,maisjesaisqu’ilssontdéjàdanslebar.J’aientendulessirènes.Enplus,jepeuxleurdiretoutçademainmatin,n’est-cepas?Aprèstoutcequejeviensdesubir,meretrouverassiseaupostependanttouteunenuitestladernièrechosedontj’aie envie. Je sais comment ça marche. Lorsque j’ai été attaquée, on n’a guère fait cas de monangoisse,maisjesuisrestéecoincéependantdesheuresavecdesinterrogatoiresetdesrapportset,aprèstoutça,ilsn’ontjamaisretrouvéletype.C’étaitunepertedetempstotale.

Non.Pasdeflics.Entoutcas,pasmaintenant.Ilfautquej’aillevoirmasœur.Quejeluiparleetquejecomprennelesévénements,avantdepouvoirlesexpliqueràuninspecteur.

Ma conscience me reproche ce plan tardif tandis que les paroles de l’homme grizzlyreviennent commeunéchodansmoncerveau,medisantdenepas retourner cherchermavoiture.«Cetypen’apasàmecommander.»Voilàcequejememurmuretandisquenousnousapprochonsdel’entrée.Jepeuxallercherchermavoiturequandçameplaît.Pasbesoind’attendredemain.Ceneseraitvraimentpaspratique.

Félix lanceunaboiementapprobateur. Je leprendscommeunaccord tacitequenousallonsrécupérernotrevoiturepourrentrercheznous.Oublionscequecetypeadit.

—C’estvrai,Félix.Jesuisunegrandefille.Tuesundemi-chihuahuaadulte.Nouspouvonsnousdébrouillerseuls.Nousn’avonspasbesoinqu’untypebizarre,toutjustehumanoïde,nousdisecequenousdevons faireetquand le faire,hein?Tous lesbanditsquiétaientChezFrankie serontpartisdepuisunbonmomentlorsquenousauronsfininotrepâté.Lestireursnes’attardentpassurleslieuxunefoisleurcrimeaccompli,n’est-cepas?Ceseraitdusuicideet,d’aprèscequejecomprendsdumonde,lesbanditsviventéternellement.

Félixgémitetdisparaîtàl’intérieurdemonsac.—Voyou.On peut parler de loyauté chez l’ami le plus fidèle de l’homme. J’entre dans la

brasserieethumel’odeurdubaconquivientd’êtrefrit.—Miam-miam,tusensça,Félix?C’estdubacon.Dommagequetunepuissespasenavoirà

causedetesproblèmesdigestifs.Jesourisdecespenséesvengeresses.Çaapprendraàcepetitgredincequ’ilencoûtedenepasmesoutenir.

Jelesensquicherchequelquechosedansmonsac.Mavoixsetransformeenungrognementsourd.—Félix,situfaispipidansmonsac,tuesunchienmort,tum’entends?Il gronde. Et puis, il fait pipi. J’entends le bruit que cela fait en touchant la petite serviette

hygiéniquequejeconservedansmonsacàtouteéventualité.Etvoilàpourlepâtéetlebacon.Jepassecinqminutesdanslestoilettesetressorsparlaporte

principale ; j’extraisbrusquementmonportableetdemande les renseignements.Avantque j’aiepufinirdecomposerlenumérodestaxis,ilyenaquis’arrêteauborddutrottoirderrièremoi.Jesuissidéréeparcettecoïncidenceextraordinaire,puisleconducteursortetsemetàcrierpar-dessusletoitdesontaxi:

—C’estvousladameaveclechienquiveutrentrerchezelle?Très bien.Mon cœur se réchauffe un peu à l’idée quemon sauveur a vraiment fait un bon

boulotpourm’aideravecFélix.Ilauraitpusecontenterdepartiravecsacamionnetteetnouslaisserdehorsàséchersurpied,maiscen’estpascequ’ilafait. Ilnousaappeléuntaxi.Uneautrechosesurprenantechezl’hommegrizzlyquisentaussibonqu’unrêve.

Quoi?Jevienstoutjustedepenserça?Ehbien!—Oui,c’estmoi.Jem’avancedansl’alléeetm’arrêteàlaportearrièredutaxi,déposemon

sacavantdegrimpermoi-mêmedanslavoiture.Lechauffeurmonteàsontouretmetsaceinturedesécurité.—Adresse?Jeréponds:—AubarChezFrankie.Àdeuxoutroiskilomètresparlà.Jefaisunsignedansladirection

approximatived’oùjemesouviensêtrevenue.—Désolé,madame,j’peuxpas.Onm’aditdevousreconduirechezvous,pasd’vousramener

aubar.Mesoreillescommencentàchauffer.Cechauffeurdetaxipensequejesuisuneivrogneque

l’onaprivéedesonmécène.Sacrébonsang.Jepatientequelquesprécieusessecondesavantdeparler,pourêtresûrequejenevaispaslâcherquelquesjuronschoisis.

— Jeme fiche pasmal de ce que cet homme deNéandertal vous a dit… il faut que j’aillerécupérermavoitureetellesetrouvesurleparkingdeChezFrankie.Amenez-moiauFrankie.

Lechauffeursegrattelatêtenerveusement.—Ilaététoutàfaitspécifique,fautdire.—Çam’estégalqu’ilaitétévraimentspécifique.Sivousvoulezavoirunecliente,vousme

conduisezChezFrankie.— Ilm’adéjà réglé la course.M’a ajoutéunpourboire.Le typeme fait un souriredans le

rétroviseur.—Commenta-t-ilpupayerlacourses’ilnesaitpasoùj’habite?Letypesemetàrireetregardeànouveauautraversdupare-brise.—Ils’estditquecedevaitêtrequelquepartdanslecentreville,àenjugerparlafaçondont

vous êteshabillée. Ilm’adonnédequoi couvrir un tour complet et retour. Il se retournepourmeregarderenface:ilétaitbizarre?

Je lève les yeux au ciel tellement çam’énerve qu’onpuisse deviner si facilement ce que jepense. Je me demande si je ne devrais pas déménager en banlieue, juste pour que les chosescontinuent à être intéressantes. Ensuite, jem’énerve contremoi-même parce que jeme soucie, neserait-cequ’unpeu,decequ’unstupideoursbarbupensedemavie.

—Non,iln’étaitpasbizarre.Maissivousimaginezquejevaisvouslaissergarderleprixdelacoursesansfairecequejevousdemande,vousferiezmieuxd’yréfléchirànouveau.Oubienvousm’amenezChezFrankie,oubienvousrendezl’argent.Àprendreouàlaisser.Jeleregarded’unairfurieux.

Lechauffeursourit:—Ilm’aprévenuquevousmedonneriezpeut-êtredufilàretordre.—Commenta-t-ilpufaireunechosepareille?Jecrie,maispeum’importe.Ilnemeconnaît

nideslèvresnidesdents!

Letypesepermetderigoler.—Vousenêtessûre?Ilseretourneverssonvolantetmetlemoteurenroute.—Vousmedonnezl’adresse,ouiounon?Ilmeregardeànouveaudanslerétroviseur.J’aienviedepassersurlesiègeavantetd’arrêterlavoituremais,aulieudeça,jedécidedela

joueràladéloyale.Àtempsdésespérés,mesuresdésespérées.Ilm’yauraforcée.Jen’aipasd’autrechoix.C’estlemomentdesgrandeseaux.

Degrandssanglots,façonpleurercommeunveau,sortentduplusprofonddemonêtre,mesépaulestremblentetmapoitrinesesoulève.JefaissemblantdepleureretondiraitquejeviensjustedevoirdemespropresyeuxleTitanicentraindesombrer.Jepenseàquelquechosedetrèstriste,àun sentiment que je n’ai jamais encore éprouvé et je le vis de façon absolue. En cet instant, jemériteraistoutàfaitunOscarsionlesdécernaitpourdesrôlessurlabanquettearrièredestaxis.

—Ahnon,nepleurezpas!Ilal’airaussibouleverséquejeprétendsl’êtredemoncôté.Ilfautquejefasseuneffortpournepasesquisserunsouriredejoietriomphante.

—Jedétestequandlesdamespleurent!Allons,détendez-vous,cen’estpassiterrible?C’estpourvotrebien.Iladitquel’endroitn’estpassûrpourvousencemoment.

Maisj’aibesoindemavoiturepourallertravailler!Jecontinueàsangloter.—Jevaisperdremonboulotetensuiteilfaudraquejedéménageetjen’ainullepartoùaller.

Etpersonnenem’aideraetjen’aiplusquevingtballesentoutetpourtout.Alors,jenepourraipasprendreuntaxidemainmatinetmonchienestmaladeetilvapeut-êtresetrouvermaldansmonsacparcequ’ilamangédubaconetilnesupportepaslebaconet…

—Ohlà!Là!Toutvabien.Jevaisvousameneràvotrevoiture,d’accord.Etensuite,je…jevoussuivraisimplementjusqu’àchezvousoubienoùvousvoudrez,pourêtresûrquevousêtesbienrentrée, d’accord ? Ça vous va comme ça ? Il se retourne et passe un bras sur le dossier de sonfauteuil.

D’accord,çamevacommeça.Onpeutfaireça.Jefaisouidelatête,laissantencoreentendrequelquessanglotsafinqu’ilnesedoutepasque

jenesuispassidévastéequecelaàl’idéequemonchienpuissefairesesbesoinsdansmonsac.Oui,ceseraitunetragédie,maispastellequejememetteàpleurerpourça.J’aid’autressacs.Etenplus,lesbesoinsdeFélixsontàpeuprèsdelatailledescrayonsdechezIkea.

Nous sortons du parking de la brasserie et j’en fais des tonnes à essuyermes larmes et àrenifler.Jenem’arrêtequ’aumomentoùnousarrivonsdevantlebarChezFrankie.Ilyadesvoituresdepolicearrêtéeslelongdutrottoir,maisonnevoitpasunseuluniformeàl’extérieur.

—Merci.Jetapotel’épauleduchauffeuretmeglissesurlabanquettepoursortir.—Pasbesoindemesuivrejusqu’àchezmoi.Çairatoutàfaitbien.Vousvoyez?Jepointeun

doigtverslarue.—Lesflicssontlà.—Ouais, d’accord.Àplus tard. Il semble stressé. Jene saispas si c’est dû àmaprestation

digned’unOscarouparcequ’ilne faitpas cepourquoi il a étépayé,mais çam’est égal. Jevaisrécupérermavoitureetrentreràlamaison.

Je referme la porte derrière moi et ouvre mon sac pour y prendre mes clés. L’odeurcaractéristiquedupipidechienmefrappeauvisage.

—Oh,bonsang,Félix.Fallaitvraimentquetufassesça?Ilmelèchelamain.Jesoupire,serrantmesclésdansmesmains.—JevaisvraimenttuerJennyquandjelaverrai.Unverredevin,monœil.Jevaisyalleren

voitureetluiservirmonpoingenguisedesandwich.

CHAPITRE4

Jemetrouveàmi-chemindelamaisondemasœur,quandjetournebrusquementàdroiteetmedirigeaucontrairevers chezmoi. Je suis fatiguée,Félix sentmauvais etmoi, jedois faire lesportraits de touteunegrande familledemain alorsquemon studiodephoton’est pasprêt pour larecevoir.Ilfautquejemecouchetôt.C’estleseulboulotquej’aiesurmoncarnetpourtoutlemois;jenepeuxdoncpasm’écrouleretratercerendez-vous.

Monespritvagabondetandisquejerouledanslesruesavoisinantes.Lestextosquej’aireçusde Jenny n’ont aucun sens. Comment aurait-elle pu passer d’un état qui lui est complètementinhabituelàunautreoùellem’écrit:«Viensprendreunverredevinavecmoi»?Ondiraitqu’elleestdeuxpersonnesdifférentes.Oubienquequelqu’unadétournésontéléphone.

C’est alors que l’évidencem’apparaît.Mais oui !On lui aura volé son téléphone !C’est laseuleexplicationquiaitlemoindresens.Masœurn’estpasunealcooliquecomplètementfolle.Ellenemetjamaissesenfantsendangeretcen’estpasellequ’onretrouveraitmortedansunbarcommeleFrankie.Quelqu’unadûluiprendresontéléphoneouencoresaligneaétécourt-circuitéeparuneautrequandelleaachetéunnouveauportableaujourd’hui.

Je suis tellement soulagée que j’en pleurerais. C’est tellement mieux que de l’imaginerinternéeetqu’onluiprennesesenfants.

Quandonparleduloup…monportablebipeànouveau.J’inclinel’écranversmoi;ilestsurletableaudebord,àcôtédelaradio.

Jen:Jet’avaisditdelaissertavoituresurleparking.À peine ai-je lu ces mots qu’un feu d’artifice éclate dans mon cerveau, des explosions de

lumièresetdesons,unfatrasdepensées,demotsetd’images.Çan’aaucunsens.Cemessagenepeutvenir que du Barbu, mais comment se fait-il qu’il utilise le nouveau portable de ma sœur pourm’envoyeruntexto?

Etpuisjecomprendsd’uncoup.Iln’utilisepaslenouveautéléphonedemasœurpourm’envoyerunmessage.Ilsesertdesonportable.Ilatoujoursutilisésontéléphone.OhmonDieu.OhmonDieu,monDieu,monDieu.Jenepeuxpas…jen’aipas…il…ohnon!C’étaitunfauxnuméro!Unmauvaisnuméroetunevraiecatastrophe!Zut!

J’arrêtemavoituredansuncrissementdepneusetjemegareleplusvitequejepeux.J’attrapemontéléphoneetjefaisdéfilerlesmessagesdepuisledébut.Touts’éclairepourlapremièrefoisdelajournée.

—Bon sang de bois, Félix. Je regardemon tout petit copain qui, tête penchée,me fixe duregard,assissurlesiègepassager.Ilsembleaussiperplexequemoi.

— Je pense que je n’ai pas arrêté d’envoyer des messages à quelqu’un que je ne connaisabsolumentpas.

Je suispresque soulagée.C’estbienplus compréhensibleque sima sœur avait emmené sesenfantsdansunbarpourmotards.Maismasituationn’enestpasmeilleurepourautant.

Onpeutdirequejenem’ensuispassortieindemne.Jeregardedanslemiroiretj’envoislapreuve;j’aidescoupuresauvisage,ondiraitquej’aiétéattaquéeparuntroupeaudetoutpetitschats.Ilvafalloirquej’inventeunesacréeexcusepourexpliquerçaàmesclientsdemain.Monrefletdanslerétroviseurmeditquetoutlemaquillagequejepourraisemployern’effacerapaslefaitquej’aifrôlélamort.

Desphareséclairent soudain l’intérieurdemavoiture, interrompantmespensées. Je froncelessourcilsettâchedevoirdanslemiroirquellevoituresetrouvederrièrelamienne.Jesuisdansunquartiertranquille,maisilsepeutquejebloquel’alléequimèneàunemaisonouquelquechosedecegenre.

Lorsque les phares s’éteignent, je vois une voiture garée plusieurs mètres derrière moi.J’attends,maispersonnen’ensort.Jesaisqu’ilyaquelqu’undanslavoitureparcequejedistingueunesilhouette.Ondiraitunhomme,sij’enjugeparlataille.

—Hum.Jehausselesépaules,presqueconvaincuequemonimaginationmefaitentrevoirunesituationsinistre.

—Oh,non!pasdansmonquartier.Jen’aipasàmepréoccuperdelaprésencedecinglésquitraînentavecleurvoiture,hein?JeparleàhautevoixàFélixetcelamerassurecommesijen’avaisàm’inquiéterderien.Jesuisjusteunefillenormale,conduisantencompagniedesonchiendepoche;jemedétendsdansuncoinsombre.Rienàvoirparici,lesgars…Circulez.

Jepasselapremièrevitesseetreprendsmaroute.Jepensequetoutvabienjusqu’aumoment

oùunregarddanslerétroviseurmeglacelesang.Lavoiturederrièremoiadémarréelleaussi,maisleconducteurn’apasallumésesphares.

Ouah!J’aimaltellementmonmusclecardiaquesecontracteàcemoment.Ilbatvraimentfortà plusieurs reprises, puis accélère.Mesoreilles brûlent à cause de la terreur quim’envahit.Est-cequ’il faut que j’appelle la police ?Qu’est-ce que je leur dirais ?Que quelqu’un semble suivremavoiture ? Ilsme raccrocheront probablement au nez. La police de laNouvelleOrléans doit gérerquotidiennementdesmeurtresetdesattaquesàmainsarméesetilsiraientsesoucierd’unefemmequiestparanoenrevenantd’unbaroùellen’auraitjamaisdûaller?Oui,c’estsûr,jeperdraismontempset le leur. Je vaismedébrouiller avec cenon-événement.Tout simplement continuer à conduire etarrêterdepenserquetoutlemondeveutmetuer.Cen’estpasparcequ’untypeatiréquelquesballessurquelqu’unàcôtédemoiqu’àprésentilenaaprèsmoi,n’est-cepas?

J’essaiedemecalmerenparlantàFélix.—Jenevoispascommentquelqu’unpourraitmesuivre,Félix.Nesoispasidiot.Aumoins,

deça,jesuisassezconvaincue.Regardonsleschosesenface:jesuis«personne»pour99,99%desgens sur la terre. Pas du gibier pour un chasseur à l’affût d’une proie. Tout ce que j’ai de plusprécieux,c’estmonappareilCanon,unRebel,quejen’aimêmepasemportécesoir.

Leseffortsquejefaispourmecalmern’ontguèred’effet.Laparanoïapasseenmodeaccéléréetjemeconvaincsrapidementquejesuisbeletbienpourchassée.Jepeuxdirequelavoiturequime

suitn’estpaslagrossecamionnettedanslaquellejesuismontéetoutàl’heure;ilnes’agitdoncpasdemonsieurGrizzlyquiveutmegronderparcequejen’aipasobéiàsesordres.Etquicelapourrait-ilêtresicen’estpaslui?

Personne.J’expulse lentement l’air de mes poumons, laissant doucement la tension diminuer dans le

même temps. Bien sûr, ce n’est personne. Ha ha ! C’est tellement fou ! Je suis une simplephotographe,avecunchiencroiséchihuahuainstalléàlaplacedumortdansunsacoùilafaitpipi.Pourquoi quelqu’un voudrait-il me suivre, hein ? Je veux dire, tousmes ex sortent avec d’autresfemmesets’entrouventfortbienetjen’aiencorejamaiscroisélechemind’unpsychopathe.L’idéeest complètement absurde. Je suis tout à fait en sécurité dansma voiture rouge cerise, uneChevySonicquejeconduisdansmonquartier.

Jepoursuismaroute,mesyeuxfixantalternativementleurattentionsurlarueetlerétroviseur.Mais,aulieud’allerdirectementchezmoi,jetourneàgauchequatrepâtésdemaisonsplusloin.Aucasoù.Çanefaitpasdemald’êtreprudente,hein?Mêmesijen’aiaucuneraisondem’inquiéter.Mavie est ennuyeuse. Les poursuites de voitures, on ne voit ça que dans les films. Les assassins s’enprennentauxprésidentsetauxbaronsdesgangsdedrogueetjesuisàpeuprèsaussiéloignéedel’unoul’autrequepeutl’êtreunefille.

Lavoiturederrièremoiallumesespharesettournecommejeviensdelefaire.Un frisson étrange secoue toutmoncorps, depuis la pointedemespieds jusqu’aubout des

cheveuxquisedressentsurmanuque.Puis,jecommenceàtranspirerdepartout.Jefrissonnecommesi la températurevenaitbrusquementdebaisser,mais je suis sûreque jene faisque l’imaginer. Jerésisteàuneforteenviedemettrelechauffage.

—Félix,jecrainsquenoussoyonssuivis.Est-cequeçatesembleassezparano?J’essaiederirepourmedétendre,maisFélixneritpasavecmoi.Ilsautesurlabanquettearrièreet,delà,surlaplageau-dessusducoffre.Plusieursaboiementssecsm’informentqu’ilestd’accordavecmoietqu’ilsepassequelquechosedepasnormalavecletypederrièrenous.

—Iln’yaqu’unmoyendelesavoiraveccertitude.Jemesensridicule,commesij’avaisunrôledansunmauvaisfilmd’espionnage.Jetournebrusquementàdroitedansuneruequi,jelesais,estuncul-de-sac.

Mespaumessontmoitesetj’aidesdifficultésàtenirfermementlevolant.J’essuieunedemesmainssurmonpantalonpuisjefaislamêmechoseavecl’autre.Çanesertpasàgrand-choseenfait.J’arrivepresqueauboutdelarueetj’ail’impressionquejevaisvomir.J’étaiscertained’avoiruneexcellente idée lorsque j’ai tourné dans l’impasse,mais à présent j’ai l’impression que jeme suisfourréemoi-mêmedansunguêpier.Commentest-cequejepeuxêtreaussistupidecesoir?

Ilfautcroirequejelesuisvraiment.Leslampesdejardinalluméesdansunecontre-alléemefontpenserquenoussommesarrivés

auboutdenotrecourse,maisjen’aipasl’intentiondem’arrêterici.C’estunpiège,unpiège,c’estunpiège!Moncerveaugalopeetmereprocheamèrementd’avoiragicommesi j’étaisvéritablementuneécervelée.Pourquoiai-je tournédansune impasse?Est-ceque je suis folle?J’aienvied’êtrevioléeetdévalisée?Seigneur,ilvafalloirquej’aillemefaireexaminerlatêtequandtoutceciserafini.J’espèreseulementqu’elleseraencoreattachéeàmoncorpsdemain.

Commej’arriveaurond-pointauboutdel’impasse,jeralentispourpermettreàlavoiturequimesuitdemerattraper,espérantquejepourraiapercevoirleconducteuraumomentoùjerepartiraidansl’autresens.Àprésent,lespharessontallumés.

Je fais lentement, lentement le tour du rond-point, priant pour qu’il tourne dans l’une despetites contre-allées, arrête savoiture, sorte et sedirigevers laportede samaison.Si ça sepassecommeça,jepourraienriretoutlelongducheminquimeramènerachezmoi,jeprendraiunbon

bainavectoutpleindemousseavantd’allerdormir.Jepourraimêmedonneruncoupdeklaxonenlecroisantpourleremercierdecettebaladesiagréabledanslequartier.

L’autrevoiturerouletoujours.Ellenes’engagepasdansunecontre-allée,ellecontinueàserapprocher.

Mespharesbasculentet,autraversdupare-brise,jevoisenfinl’hommederrièresonvolant.Etl’armequ’ilpointedansmadirectionàhauteurd’épaule.

Je hurle et baisse la tête sous le tableau de bord, j’enfonce l’accélérateur au plancher ; lavoiture fait un bon en avant comme une chauve-souris fuyant hors de l’enfer. Lemoteur protestetandisqu’ilprenddelavitesseetjepasselatroisième;cequiredonnedelapuissanceàlavoitureetmepermetdefileràtoutealluredansladirectionopposée.Jepriepourquejecontinueàroulertoutdroit,etpasenpleindanslaboîteauxlettresdequelqu’un.

Uncraquementsonoreparvientàmesoreilles,puisuncoupsourdvientfrappermaportière.Jenemetspasune secondepourconnecter lesdeuxchoses.Félixcommenceà aboyer aumomentmêmeoùjememetsàhurler.

—Oh,monDieu, ilme tiredessus !Cet enfoirévientvraiment deme tirer dessus avecunrevolver!

Il faut que jeme redresse si je veux voir et conduire,mais jeme tasse autant que je peux,espérantquemonappuie-têteempêcherauneballed’atteindremoncerveau.J’ail’airdeQuasimodoconduisantlavoitured’unfugitifaprèsqu’uneattaquedansunebanques’estmalterminée.

—Situtiressurmonchien,jevaistedétruire!Jerugis,rétrogrademesvitessesmaisprendsuntournanttroprapidement.Ilestévidentquetoutecettehistoirem’aunpeudéséquilibrée.

— Félix, descends de cette fenêtre immédiatement ! Viens ici ! Viens ici, espèce de clebsgaleux!

Mespneuscrissentlorsquejetourneunefoisdepluspourquitterl’endroitetm’éloignerdechezmoiautantqueje lepourrai.LesgriffesdeFélixs’accrochentdésespérémentausiège.Quandj’entendssonpetitcorpsatterrirsurlescoussins,jesaisqu’ilaabandonné.Maisjesuisheureusequ’ilsoitàprésenthorsd’atteinteetjecontinueàrouler,passantlaquatrièmequandj’arrivesurunevoiepluslarge.

Lorsquej’aiachetémaChevySonicfamilialeavechayonilyaquelquesmois,j’avaispenséquec’étaitunedécisionpratiqueet responsable ;mais, àprésent, je remercie lesdieuxdeGeneralMotorsd’avoireulabonneidéedemettreautantdechevauxsouscecapot.

Ladistancequime séparede ce foudangereuxaugmente rapidement.Après troisvirages àconduire commesi j’étais surun circuit deFormule1, jemedisque j’ai assezd’avancepourmepermettredesortirmontéléphoneetappuyersurleboutonRappel.Cen’estpaslesflicsmais,dansmonespritprisdepanique,c’estpresqueaussibien.

Unevoixbourruemerépond:—Vousavezintérêtànepasm’avoirdérangépourrien.—Est-cequevousêtesletypeavecunebarbehorrible?Mavoixsortcommesiellemanquait

de souffle et elle est vraiment trophautperchée.Félixgémit. Jedois sûrementblesser sesoreillessensibles:pauvrepetitbonhomme.

—Qu’est-cequevousdites?Bon.Ilal’airdenepasmecomprendre.L’idéequejenesuispaslaseuleidiotedanslecoin

mefaitplaisir.—VousfaitespartiedesBourbonStreetBoys,non?Ehbien,jesuislabimboaveclechien

danslebaret,entreparenthèses,jenesuispasunebimbo.J’aibesoindevotreaide.Encoreunefois.—Qu’est-cequisepasse?Ilestarchi-sérieuxmaintenant.—Ilyauntypequimesuitdanssavoitureetquim’atirédessus.Avecunrevolver.

—Oùêtes-vous?—Jenesaispas.Jerentraischezmoietpuisjemesuisrenducomptequ’ilmesuivait.Alors

jenesuispasalléechezmoi.Jemesuisplusoumoinsperduedansunautrequartier.—Bravo.Raccrochez,maintenant.Jevousrappelle.Et,laseconded’après,iln’yapluspersonneenligne.Tuparlesd’uneéquipedesecours.Je passe une vitesse, puis une autre, tout en jetant un coup d’œil à mon téléphone à deux

reprises.JenesaispascequiabienpusepasseravecleBarbu,maisjesuisàpeuprèssûred’êtrecoincéepourdeboncettefois.Imbéciledegrippe-souquejesuis,jen’aipassautésurleGPSquandj’aiachetémavoitureetmaintenant,jesuisincapablederetrouvermonchemindanscedédaledelabanlieue.Etletypequipouvaitm’aidervienttoutjustedemeraccrocheraunez.

Bonsang!Pourquoiest-cequeçam’arriveàmoi?Montéléphonesonne,ouvrantcommeuneéclairciedanslabrumedemonespritpaniqué.Je

répondsetmanquedelâchermonportabledansmahâtedeleporteràmonoreille.Jehurle:—Allô!—Prenezàgaucheauprochaincarrefour.Ilestbeaucouppluscalmequemoi.—Jeprendsàgauche…?Je tendsmonportabledevantmoipour leconsidérerpendantune

secondeavantdelerapprocherànouveaudemonoreille.—Qu’est-cequevousdites?—Prenezàgauche!Lavoixrugit.J’attrapemonvolantàdeuxmains,monportablecoincécontrel’enveloppeencuirduvolant

etjetournebrusquementàgauche.Jerétrogradeetnousvoiciroulantmaintenantverslenord,simoncompasnumériquesurletableaudebordfonctionnecorrectement.

—Commentsavez-vousqu’ilfallaitquejetourneàgauche?J’arriveàpeineàvoirclairtellementj’ailesoufflecoupé.Marespirationaffoléemedonnele

tournis.Jeregardedanslerétroviseurmaisnevoisquelenoir.J’entendsunsifflementtrèsfortdansmesoreilles.Jepensequematensionartériellevafaireexplosermesveines.

—Jevoussuisgrâceausignaldevotreportable,ditunevoixfaibledepuismon téléphone.PrenezàdroitedansWilsonAvenue.Lerugissementdansmesoreillesdiminueuntoutpetitpeu.

Des lettres lumineuses blanches sur fond vert apparaissent sur une plaque de rue, juste au-dessusdemoi.J’aiàpeineletempsderalentirpourpouvoirtourner.Mespneusabandonnentunpeudecaoutchoucderrièreeux.

— Continuez à rouler sur un petit kilomètre et vous arriverez sur Lincoln, me dit monsauveur.Prenezalorsàgauche.

—Vousm’emmenezoù?Jenesuispassûreàcentpourcentdedevoirsuivresesindications,maisc’estlaseuleoptionquejevoisclairementpourlemoment.Monespritsetrouvedansunétatdepaniqueaveugle.

—Chezmoi.Vousyserezensécurité.Ilditçadesavoixunpeufatiguée,maisapaisante,etjesuispresqueprêteàlecroire,malgré

sabarbe.

CHAPITRE5

Vingtminutesplustard,jem’arrêtedevantunimmeubledansunquartierquin’apasunetrèsbonneréputationenville : leportde laNouvelleOrléanssur la rivièreMississipi.Pourquoiest-cequejenesuispasàunpostedepolice?Ehbien,parcequejenesaispasoùilyenaun.Detouteévidence, jesuis folle.Jecontinueàpenserquesi je roule toujoursauhasard, jevaisatterrir justedanslesbrasdecetassassin.Ilfautquejetrouveunrefugesûr.Cetypebarbuest-illaréponsequejecherche?Jenepourraispasvraimentledire.Çameparaîtjustebien.Mieuxquederentrerchezmoi,mieuxqued’appelerlesflicsetdécidémentmieuxqued’allerchezmasœur.

—Çanepeutpasêtrebien,dis-jetouthaut.Jemeparlaisàmoi-même,maisleBarburépond.—Çava.Jevousvoisdemafenêtre.Entrezdanslegarage.Aumomentoùilditça,uneporteimmensedansl’entrepôtenfacedemoicommenceàglisser

surlecôté.Jenepensepasqu’unepersonnel’activemanuellement,parcequ’elleglissedoucementetj’entendsunchuintementélectriquequivientdequelquepart:lesonm’arriveàtraversl’éclatdanslavitredemavoiture.

Il fait chaud et humide ce soir et, en temps normal, j’auraismis l’air-conditionné ;mais ilfallaitquejepuisseentendrelesinstructionsqu’ilmedonnaitdansmonportable,alorsjenel’aipasallumé.Maintenant,jemedisquej’auraismieuxfaitd’augmenterlevolumeparcequejesuiscertainequelatranspirationamarquémesvêtementsauxaissellesetprobablementpartoutailleursaussi.

J’attends que la porte soit suffisamment ouverte pour que je puisse passer avec Félix etj’essuielasueurquiperlesurmestempes.J’aidûperdrequelquechosecommeunlitreetdemid’eautellementj’aieupeurdanslademi-heurequivientdes’écouler.Jenesuistoujourspassûredesavoircequiestentraindesepasser,maisj’aimessoupçons.Jedevinequejemesuisretrouvéeaumilieud’unetransactionàproposdedroguequis’estmalpasséeouquelquechosecommeça.Jepriepourquecetypeaveclabarbenesoitpasundealer.Jenelepensepas.

Jene saispasvraimentpourquoi j’ai finiparcroirequec’estquelqu’undebien. JedevraisprobablementêtreplusprudenteetnepasfaireentrermavoituredanscequiressembleàunecavepourBatmanetlaisserlaporteserefermerderrièremoi.Maisilaessayédemesauverlorsquelesballesontcommencéàsifflerautourdenous.Ilauraitvraimentpumelaisserlàjusqu’àcequejesoiscribléedeprojectiles.Ilfautqueçaaitunsens,non?

—Jenepensepasquejevaisentrerlà-dedans.Jeregardeàgauchepuisàdroite,essayantdedécidersijeneferaispasmieuxdem’enalleretd’essayerderetrouverlechemindemamaison.Ou

bienjepourraisalleràl’hôtel.J’yseraisensécurité.Plusensécuritéqu’ici,probablement.Çaal’airde l’endroit idéalpourassassinerquelqu’un. Iln’yapersonneauxalentours,c’estassez tranquille.Monmeurtrierpourraitlancerunmoteurbruyantquicouvriraitmescris.Oupeut-êtrequejen’auraispasletempsdehurler.Peut-êtrequeceseraitfinienuninstant.

Je recommence à paniquer. Je pourrais jurer que je sens ma transpiration maintenant.Seigneur!

—Vousn’êtespasobligéed’entrersivousnelevoulezpas,maisjeleferaissij’étaisvous.—Pourquoi?—Parcequevotrevoitureestfacilementrepérableparquiconquepourraitlarechercher.Jerismaisoncroiraitunaboiementbref.Çadevientridicule.—Commesiquelqu’unpouvaitme retrouver ici. J’ai seméce typeenbanlieue ilyavingt

minutes.Jeregardedanslerétroviseur,justepourenêtresûre.—Cetypen’estpasseul.Iladescomparsespartoutenville.Toutcequ’ilaàfairec’estde

direauxautresdecherchervotrevoitureetonvoustrouvera.Cerougeceriseestdifficileàrater.Mon cœur se serre etma voix semble ne plus pouvoir fonctionner correctement. Elle sort

commeunpetitcriaigu.—Vousêtes sérieux?C’estqui ?Pourquoiveut-ilme trouver ? Jene suispersonne. Jene

fumemêmepasdel’herbe.Jenefumeriendutoutd’ailleurs,grandsdieux!Félixgémit.Jetendslamainetlegrattesoussonmentonminuscule.—Détends-toi,monvieux.Toutvabienfinir.—Est-cequevousmeditesdemedétendre?Lavoixparaîtunpeuincrédule.—Non,jedisàFélixdesedétendre.—QuiestFélix?Jepensaisquevousétiezseule.—Félix,c’estmonchien.J’entredanslegarage.JedécidedelefairepourFélix.Ilnemérite

pasd’êtrepourchassécommeunchien,mêmes’ilestuntoutpetitangevêtud’uncostumecanin.Je passe la première vitesse et roule lentement, franchis la grande porte qui a terminé de

s’ouvrir.Dès quemes pare-chocs arrière sont passés, elle commence à se refermer. Je la regardeglisser derrière moi, reprenant sa position initiale, et j’essaie de conserver un rythme cardiaquenormalenrespirant,maisc’estdifficile.Jecrainsbiend’avoirscellémondestinenvenantici.Jejetteuncoupd’œilrapidedansmavoitureetcelameconfirmelefaitque jenedisposed’aucunearme.Toutceque jepeuxespérerc’estqueFélixmorde lachevilledeceluiquim’attaqueraavantd’êtreenvoyéeavecluiauparadis.

Jetaperapidementunmessageàmasœur.Moi:Peuxpasvenirprendreunverre.Suisdansimmeublesurleport.Sansnouvelledemoi

demainmatin,appellelesflics.Jesuissurlepointd’appuyersurlatouche«Envoi»,maisj’hésiteuninstant.Jepenseàelleet

àsesenfantsetaufaitqu’ellen’apersonnepourlaseconderlorsqu’ils’agitdelesgarder;parfois,aussi,c’estàpeinesiunfill’empêchededevenirfolle.Ladernièrechosedontelleabesoindanssaviec’estquejeperdelespédales.

Jerelismonmessage,medemandantsijedevraisl’envoyer.Nan!Jenepeuxpasfaireça.Elleliraletextoetseraterrorisée,c’estabsolumentcertain.Jene

peuxvraimentpasl’envoyercommeça.Jetapesur«Effacer»etrecommence,essayantdepenseràuneformulequin’évoquerariendemauvais,maisquimegarantitqu’onsemettraàmarechercheplustôtqueplustardsijeneréapparaispasenchairetenosdansunlapsdetempsraisonnable.

Moi : Peux pas venir prendre un verre. Suis avec quelqu’un au port de Nouvelle Orléans.

Viendraidemainmatinvers08heures.Voilà. Cela semble assez inoffensif. Et, si je n’appelle pas, elle saura dire aux flics où

commencer à chercher. Je l’envoie et tourne la clé de contact, coupant le moteur. Il s’arrêteimmédiatement et je n’entendsplus que le tic-tac demamontreSwatch. Il va à peuprès deux foismoinsvitequelesbattementsdemoncœur.

Félix saute surmesgenoux,met sespattesdedevant surmapoitrineetme lèche lementoncommes’ilétaitdevenufou.

—Seigneur!Tuasunehaleinehorrible,Félix!Arrête.Jelefaisredescendreàcôtédemoipourpouvoirattraperlalaissequejegardedanslecompartimentàgantsetjel’attacheàsoncollier.NousattendonsensemblequeleBarbuarrive,quelquesoitl’endroitd’oùilenvoyaitsesinstructions.Jepriepourqu’ilnedébarquepasl’armeaupoingetuneidéedemeurtredanslesyeux.

CHAPITRE6

J’appuiesurlatouche«Journal»etlenumérodemadernièreconversationapparaît.J’appuieànouveaupourlerecomposer.

J’attendsdixbonnesminutesavantdemedécideràdéfairemaceinturedesécurité.—Est-ce que vous allez venirme chercher, oui ou non ? Je regardemon téléphone etme

souviensquenotreconversationaétéinterrompueilyaunmoment.D’accord.Alorsjeparletouteseulemaintenant.Excellent.—Oui?répondleBarbu.Jepensequec’estlui,entoutcas.—Alors, qu’est-ce qui se passemaintenant ? Je vais dormir dansma voiture cette nuit ou

quoi?—Sivousvoulez.Jelaisseéchapperunlongsoupir.Jesuisvraimentfatiguéedecejeudecapeetd’épée.Jene

plaisantepasdutout.Onnepourraitpasjoueràêtredespersonnesnormales,àprésent?—Enfait,cequejeveux,c’estrentreràlamaisonetdormirdansmonlit,maisilsembleque

votrepetitvendeurdedrogueoulapersonnequisetrouvaitChezFrankiesoittombésurunbecetjeme suis trouvée aumilieu de tout ça. Etme voilà coincée dans un hangar sombre, près d’un portnauséabondetmonchienaenvied’allerfairesesbesoins.

Ilnerépondpas.Jeregardemontéléphoneetvoisquel’appelaétédenouveauinterrompu.—Merde!Je regardeau traversdupare-brisemaiscelanemerenseignepas.L’endroitest

éclairé,maispresquevide,àpartunetableenboisabiméeavecdeschaisesautour,unsacdefrappedeboxependuàune solivedansuncoin,deséquipementsdemusculation,une rangéedeplacardscommedansunvestiaireetunescaliermétallique.Ilyadelaplacepeut-êtrepoursixvoitures,maislamienneestseulepourlemoment.Est-cequecetypehabiteici?Celapourraitexpliquerlabarbe,maispasgrandchosed’autre.

Pendantque je réfléchis àdes choixpossibles, la grandeportederrièremoi recommence às’ouvrir.Jemetslamainsurlaclédecontact,prêteàlancermaSonicetàfilerd’iciàtoutevitessesilebesoins’enfaitsentir.

La grande camionnette noire dans laquelle je suis montée tout à l’heure s’arrête surl’emplacementàcôtédumien.Jenepeuxpasvoirleconducteuràcausedesvitresteintées.

Mevoilàabsolumentperdue.LeBarbum’aditqu’ilpouvaitmevoirdesafenêtreet j’avaispenséqu’ilparlaitdel’entrepôt.Est-cequ’ilétaitdehorstoutcetemps?Etpourquoiaurait-ilattenduàl’extérieur?Pourquoipasàl’intérieur?Etpourquoiest-illàmaintenant?Etqu’a-t-ilfaitdepuis,

assis dans sa voiture ? Peut-être est-ce qu’il a peur de moi. Peut-être est-ce pour ça qu’il a mistellementdetempsavantdesedécideràentrer.Ilpensemêmepeut-êtrequejesuislebandit.

Legrondementdumoteur s’arrête et laporte s’ouvreun rien.Ellebougeuneoudeux foislégèrement,puispivoteentièrement.Moncerveaun’arrivepasà intégrercequejevoisen traindesortir.

Toutd’abord,iln’yapasdebarbe.Etilmanqueenvirondixcentimètresdehauteur.Etquinzecentimètresdelargeurd’épaules.Ilnes’agitdéfinitivementpasdemonsauveur.

Letypesepencheetregardeparlafenêtrepassagerdemavoiture.«Salutlà-dedans,»fait-ilavant de m’offrir un grand sourire. Des dents parfaites. Bien sûr. Pourquoi des types comme luidevraient-ils avoir des dents parfaites, hein ? Est-ce qu’ils ne devraient pas avoir des dents enkryptonite3,tachéesparlacaféineoudesincisivestorsadées?

D’accord.Donc,sicetypeestlàpourm’assassiner,jenesuispassûredelafaçondontjevaispouvoirm’yprendre.J’avaistoujourspenséquelesassassinsétaientgrands,poilus,grossiers.GenreleBarbu.Maiscetype?Vraimentpaslegenre.Ilpourraitêtremannequinpourdesdéfilés.S’ilessaiedemetuer,jevaisêtreverte.Jeseraisfurieusedem’êtretrompéetoutemavieàcesujet.Destypesaussibeauxnedevraientpasêtredescriminels.Dequoidétruirel’équilibredel’universouquelquechosedanscegenre.

— Salut. Je ne suis pas sûre de connaître les règles quand il s’agit de saluer des hommesinconnusdansdeshangarsaprèsavoiréchappéàdescoupsdefeutirésdansunbarpourmotards.

—Vousallezmonter?demandel’hommeenfaisantunsigneverslesmarches.Je regardedans ladirectionqu’ilmontredudoigtet fronce les sourcils.Est-ceque jeveux

monterdansl’antredeceshommesetm’offrirpourlatuerie?Non,jenepensepas.—Non,çava.Jecroisquejevaisresterici.Ilhausselesépaulesetsortdelavoitureunsacquisemblevenird’uneépicerie.—Faitescommevousvoulez.Jeleregardepartiràgrandesfoulées:iltraversel’espaceendirectiondel’escalieretmonte

lesmarchestroispartrois.Sonshortlargemontredesmolletsetdesfessesmusclés,quilaissebienaugurer de ce qui se trouve sous son T-shirt. C’est lui qui doit se servir de l’équipement demusculation.

Félixgémitànouveauenmeregardant.—Bon.Jevais te laissersortir. S’il faitsesbesoins, j’aides lingettes. Ilsontsûrementune

poubelle dans un coin. J’ouvre à moitié ma portière et dépose Félix sur le sol, espérant qu’il secontenterad’examinerl’endroit.

Pendantquelquesinstants,jenefaisplusattentionàlui.Jeréaliseseulementqu’ilm’aéchappélorsquejetiresansdifficultésurlalaisse:l’extrémitéatterritsurmesgenoux.

—Bonsang…!Félix!Jechuchoteetcrieenmêmetemps.—Reviensici,espècedepetitvoyou!Jevoisuneombreminusculequicourtàtoutevitesseà

côtédusacdefrappepourlaboxe.—Félix!Jem’arrête,pensantentendredespattesminiaturesseprécipiterversmoi.Félix!Toutcequejeperçois,c’estlebruitd’unchihuahuaquiexamineunendroitnouveau.Ils’est

transforméenchienaudacieuxaupiremomentpossible.Monpetitcompagnonpeutêtretrèscurieuxetdéborderd’ardeurquandilledécidedanssoncerveaupasplusgrosqu’unenoixdecajou.

Merde.Maintenant,ilfautquejesortedelavoiture.S’ilyaduliquidepourradiateurrépanduenflaquessurlesol,Félixvacroirequec’estduGatorade4etlelécherajusqu’àladernièregoutte.Masœurditquec’estunaspirateurminiature.Iln’aurapasunechancedes’ensortir.

Ilfaitbeaucoupplusfraisdansl’entrepôtquedansmavoituremalaérée.Jemetsàprofitles

quelquesmomentsquej’aidanscettedemi-fraîcheurpourôtermonchemisieretlesecouerunpeu.L’odeurquimefrappeauvisagen’estpasagréable.Magnifique.

—Félix,allons,arrêtedefouillerpartout.Ilm’ignore,biensûr.Ilseprendpourunchihuahuaenmissionetjenesuisqu’unefemmequi

lenourrit,luidonnesonbain,lecâlineetleflatteàlongueurdejournée.—Tuserasprivédefriandises,Félix.Pasdefriandisespendantunesemaine.Jeneplaisante

pas.Jebraquemonregarddanslecoinleplussombreduhangar,espérantapercevoirunboutdesonvilainpetitderrière.

Jevoisunéclairdesafourrurebrunetcrèmeprèsdel’unedesmachinesdemusculationetjechange de trajectoire pour l’intercepter quand il bougera à nouveau. Il avance vers la porte parlaquellenoussommesentréstoutàl’heure.S’ilsortetsemetàcourirautourduport,jevaispleurer.Je le juredevantDieu, jepleurerai àgrands sanglots commeunbébé.Dehors, il se fera sûrementécraserparunchariotélévateurouunautrevéhiculetoutaussimeurtrier.Leportn’estpasunendroitpouruncorniauddechihuahuaquipèsetroiskilos.

Ilestoccupéàreniflerlapartiedelamachineoùsontstockéslespoidsenmétalnoiretjesaisexactementcequ’ilestentraindepenser.

—Non,Félix!Non!Net’avisepasdefaireça!Illèvelapattearrièreetfaitpipisurlastructuremétallique.Paniquée,jeregardepar-dessusmonépaule,certainequequelqu’unvadescendrel’escalieret

tuermonchienparcequ’ilalespiresmanièresqu’unclebspuisseavoir.Effacezcequejeviensdedire.Mettez«lespresque-piresmanièresqu’unchienpeutavoir».

Félix s’estmaintenant accroupi à côté de l’endroit où il a fait ses petits besoins.Un deux-en-un !HourrapourFélix!Jevaisletuerdèsquej’auraimislamainsurlui.

Jecoursversmavoitureetattrapemonsac.Jefouillel’intérieuretenretireunpetitsachetetdeslingettespourbébé.Félixestjusteentraindeterminersonaffairequandj’arrivesurleslieuxducrime.

Jelesaisisavantqu’iln’aitletempsdes’enfuiretlefourredansmonsac.Jelemaintiensentremeschevillespendantquejem’occupedecequ’ilvientdelaisserderrièreluicommesaleté.Quandj’aifini,jeregardeautourdemoiàlarecherched’unepoubelle.

Zut. Où est-ce qu’ils mettent leurs ordures ici ? Je me dirige vivement vers la porteautomatique et dépose le sachet en plastique dans le coin, tenant mon sac coincé sous mon bras.Lorsquejepartirai,jeprendrailespiècesàconvictionavecmoi,maisjenevaistoutdemêmepaslesmettredansmavoitureenattendant.

J’ouvremonsacetjeretourneverslavoiture.—Tunerecommencesplustesbêtisescesoir,Félix,tum’entends?Turestesavecmoi.Reste.

Reste.Je le regarded’unair furieux. Il sourit et essaiedeme lécher. Jedétestequand il fait ça. Je

n’arrivejamaisàresterfâchéecontreunchihuahuasouriant.Jem’arrêtedevantlaportièredemavoiture.Ilfaittellementchaudlà-dedans.Jen’aivraiment

pasenvied’yretourner.Maisqu’est-cequejepeuxfaired’autre?Appelerlapolice?Ceseraitunpeuidiotmaintenant.Dormirsurlesolenciment?Jeregardel’équipementdemusculation.Jenepensepas que j’arriverais à dormir sur le banc demuscu’. Je roulerais surmoi-même et tomberais,mecassantprobablementquelquechoseparlamêmeoccasion,lenezparexemple.Etjetiensbeaucoupàcequemonnezrestecommeilaététoutemavie,petitetdroit.

Mamontreditqu’ilestpresque23heures.Mesclientsarriventà09heuresdemainaustudioetje vais avoir besoin d’une heure pour préparer la prise de vues. Celame laisse sept heures pourdormir,uneheurepourrentrerchezmoietmedoucheretensuite ilsera tempsdepartir travailler.

Qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire pendant sept heures ? Parce que, pour le moment, jecommence àme faire à l’idée qu’on ne va pasme tuer ici, mais que le type qui m’a tiré dessuspourraitbienêtreencoreen trainde rôderdans lequartierprèsdemamaison. Je suis sûreque leBarbuetHollywoodm’auraientdéjàexpédiéesitelleétaitleurintention,non?Jesuisprobablementensécurité.J’ensuiscertaineàquelquesoixante-cinqpourcent.

La grande porte de l’entrepôt commence à s’ouvrir une fois de plus et je me baisseimmédiatement,utilisantmavoiturepourmedissimuler.Quidiablepeutarriveràprésent?Encoreuntypeincroyable?Uneautrebrutedemotard?Unmeurtrierouunsauveur?

3.Lakryptoniteestunmatériauimaginairedel’universdescience-fiction.4.Boissonénergétiqueaméricainenongazéifiéededifférentessaveurs.Elleestconsomméeàl’occasiond’uneactivitéphysiqueintense.

CHAPITRE7

Il s’agit d’un SUV cette fois, noir, vitres teintées. Il me fait penser à un véhicule du FBI,commeonenvoitdanstouslesfilms.Unefoissurdeuxilyadesgensbienàl’intérieur,maisdansl’autrecas…ilsnesontpassibienqueça.Jejetteuncoupd’œilrapidepar-dessuslereborddemaportièrepouressayerdevoirparleursfenêtres.LeSUVsegaredel’autrecôtédelacamionnette.Ilvafalloirquej’attendequelespassagerssortentdelavoitureets’enéloignentavantquejepuissemerendrecomptedequoiquecesoit.

J’entendsdesvoix,unhommeetunefemme.—Cequ’ilditm’estégal.Jenesuispasintéresséparl’affaire,ditlavoixmasculine.—J’aimeraisbienvoirquetuluidisesnon,répondlavoixféminine.—Alors,regarde.Regardeetprends-endelagraine,petitesauterelle.Lafemmerit.—Bon.O.K.Montéléphoneestrechargé.Jeprendraiunevidéopourlapostérité.—Vaaudiable,dit-ilenguisederéponse.—J’aiétélà-bas,j’aifaitcequ’ilfallait,j’aieuceT-shirt,continuelafemme.Jen’yretourne

pas.Pascettenuit,entoutcas.Ilssemettenttouslesdeuxàrire.C’est alors que je peux la voir. Petite, mince, elle a de longs cheveux, noir de jais. Je ne

pourraispasdiresisonpantalonestenjeanouencuir,maisilestdiablementserré.Elleleporteavecunhautléger,blancauxfinesbretelles,etdesbottesàhautstalonsquiluidonnentl’aird’avoiràpeuprèsdix-neufans.Jesupposeque,sij’avaisuncorpscommelesien,jeporteraisaussidesvêtementsajustés.Jenepeuxpasluienvouloirdes’arrangeraussibien.Mais,accroupiedansmoncoin,jemesenscommequidiraitmalfagotéedansmonensembleAnnTaylor.

L’homme est derrière elle. Il est plutôt petit lui aussi, trapu et avec la même couleur decheveux,peut-êtrelégèrementplusclairs.Ilporteunjeanetunechemisenoiredontlesmanchessontroulées aux coudes. Ses chaussures sont noires, ce que j’associerais plus volontiers à un type serendantàunesoirée.Touslesdeuxontl’accentcajun,unedeschosesquejepréfèreaumonde.C’estenpartiecequim’aattiréeiciàlaNouvelleOrléansalorsquejevivaisàNewYorkilyadeuxans.Çaetmasœur.NotremaisonfamilialeenFlorideacessédem’intéresserquandjel’aiquittéeàl’âgededix-huitans.

Jeme redresse un peu lorsqu’ils commencent àmonter lesmarches, j’essaie demieux lesvoir;ilfautaussipermettreàmonsangdecirculerau-delàdemesgenoux.

—Vousmontez?demandel’hommeenseretournantdansmadirection.Jeregardederrièremoi.Nenni.Iln’yapersonneparlà.JusteFélixquipuelestoilettesetmoi.—Qui,moi?Jeposelaquestion,aucasoù.—Ouais,vous.Àquid’autrepourrais-jeparler?Ilritgentiment.D’ici,jejureraisquejepeux

voirsesyeuxquipétillent.Ildoitsourirebeaucoup.Jejouel’indifférence,maisjemesensaffreusementstupide.LeBarbuadûlesappelerettout

leurraconteràmonsujet.Ilmefaitsigne,m’invitantàlesrejoindre.—Venez.Ledînerestprêt.Jefroncelessourcils.Ledîner?Monestomacsemetàgronderetmerappellequejen’airien

mangédepuisledéjeuner.Lafilleestarrivéeàlaporteenhautdesescaliersetl’aouverte.L’hommeattendmaréponse.—Non,merci.Jene sais toujourspas si jene figurepasaumenude la soirée,mais jevoisbienquecette

éventualitéestdemoinsenmoinscrédibleàmesurequeplusdegensseretrouventici.Lesmeurtresensériesontpassésdemodedanslesannées70,n’est-cepas?

—Sivouschangezd’avis,vousn’aurezqu’àfrapperàlaporte.Ildisparaîtàlasuitedelafilleetlalourdeporteserefermebruyammentderrièrelui.Félixpousseunnouveaugémissementenmeregardant.—Qu’est-cequ’ilya?Tuveuxallerlà-haut?Félixhalète,lesyeuxbrillantsettoutexcités.—Tun’asaucuneidéedequiilssont.Sansdoutedescriminels.Noussommespeut-êtredans

unrepairedelaMafia.Sijemonteetquejesuistémoindetropdechoses,ilfaudraquejedevienneleurcomplice.Ensuite,onmedonneraunsurnom,commeMayWexler“boulettedeviande”.Oubienilsme forceront àutiliserune sorted’armededinguepourmon initiation.Puis ils l’associeront àmonnometjedeviendraisMayWexler“lahache”ouencoreMayWexler“lamachette”.Tusaisquejenesupportepas lavuedusang.Çanemarchera jamais.Jenepasseraipas lestadedesépreuves,alorsilsmejetterontdanslesfondationsd’unimmeubleenconstruction,menoyantdansducimentencorehumide.Moncorpsne sera jamais retrouvé. Jenny enmourra, le cœurbrisé.Mesneveu etniècesn’aurontpasd’endroitoùallerlorsqu’ilsvoudrontfugueraumomentdeleuradolescence.

Félixpenchelatêteetmeregardeattentivementpendantquelquessecondes.—Nemeregardepascommeça.Çapourraitarriver.Monvieux,tupourraisbienteretrouver

couchédanslecimentàcôtédemoi.Laporte derrièrenous avait commencé à se refermer,mais elle s’arrête à présent et repart

dansl’autresens.Despharesannoncentquelqu’unquis’apprêteàrejoindrelegroupe.Ilnepeutpass’agird’uneréuniond’assassins,n’est-cepas?N’est-cepas?

Jeneprendspaslapeinedemecachercettefois-ci.Jeregardedepuismaportièreouverte.Jepourraismesauverassezvitede làoùjesuis.Jesuisencorerelativementprotégéedequipourraitvenirm’attaquer.

Un vieux véhicule qui aurait dû être abandonné dans les années 70 entre, ralentissantdoucementavantdes’arrêteràcôtéduSUV.Ilestd’unecouleurdorée tirantsur l’orangeavecdesjantesblanches.L’hommequiconduital’avant-brasappuyésurlereborddelafenêtreouverte.Ilmefaitunseulsigneavantdedisparaîtredemavue.

Lesfreinscouinentquandl’hommearrêtelavoiture.Jeretiensmonsouffleetattendsdevoirce qui va se passer ensuite. Va-t-il m’ignorer lui aussi, monter les marches et me laisser à medemander ce qu’il y a pour le dîner ?Ou passera-t-il à l’attaque et, venant de derrière le SUV, se

jettera-t-ilsurmoi?Jeregardepar-dessusmonépaule,justepourêtresûre.Iln’yapersonne.Uneportièredevoitureclaque.Despasécrasentlesgravillonssurlesolenciment.Ensuite,aprèsavoircontournésonSUV,l’hommeleplusgrandquej’aiejamaisvudetoute

maviesedirigedroitsurmoi.Je reculed’unpas,mais çanem’avance à rien. Il n’abesoinquede trois enjambéesqu’on

diraitmontéessurdeséchassesetlevoilàquisetientjustedevantmoi.—Salut,dit-il.Ilmetendlamainpourserrerlamienne.—JesuisDevon.Vouspouvezm’appelerDev.Toutd’abord, je regarde fixement cettemaingigantesque,de la tailled’unegrandeassiette,

puis son visage. Je veux dire quelque chose,mais aucunmot neme vient à l’esprit. Il est glabre.Chauve de cheveux,mais il n’a pas davantage de poils. Pas de sourcils, pas de cils, pas de barbe,mêmepasdepoilsaumentonquirepousseraientaupetitmatin.Est-cequecelafaitpartied’uncultereligieux?Vais-jeêtreinitiéeaumouvementHareKrishna?

Ilfaitunegrimaceetmontresatête:—Alopécie.Pasdecheveux.Jenelesrasepasetjenelesarrachepasnonplus,sic’estceque

vousvousdemandez.Jesecouelatête.Jenesuismêmepassûredesavoircequejepenseencemoment.J’avanceet

prends lamainqu’ilme tend,parcequ’ilsemblerait impolidenepas le fairemaintenantqu’ilm’aconfiésonhistoiremédicalepersonnelle.

—Vousmontezdîner?C’estsoiréeBurgoo5.Qu’onappelleégalementRundownSoup6.Ilnefautpasraterça,croyez-moi.Ozzieestlemeilleurdescuisiniersetc’estluiquiestauxcommandescesoir.

—Jenesuispassûredevouscomprendre.C’esttellementbiendepouvoirleconfesseràuncompletétranger.

Illâchemamainetmefaitsignedelesuivre.—Venez.Jevaisvousprésenteraugroupe.—Groupe?Oui,l’équipe.Ilhésiteenbasdesmarchesetseretournepourmeregarder.—VousavezdéjàrencontréOzzie,n’est-cepas?—Sivousparlezdelabrutegéanteaveclabarbe,alorsoui.LesyeuxdeDevs’ouvrenttoutgrands.—Ohlàlà.Jem’inquiètetoutd’uncoup.—Ohlàlà?Qu’est-cequeçaveutdire?Ilrit,sonsourirereprenantledessus.—Rien.Riendutout.Venez.Jeneveuxpasêtreenretardetraterunesecondeportion.Ilmontelesmarchesdeuxàdeux,s’attendantvisiblementàcequejelesuive.—Etqu’est-cequejefaispourFélix?—QuiestFélix?demande-t-ilsansmêmenousregarder.—Monchien.JesorsFélixdemonsacetlesoulèvepourqu’onlevoie.Devestenhautdesmarches.Iltapedeschiffressurunpavétactileetouvrelaporte.—Emmenez-le.Ilaimelessaucisses?J’avanceetposeunpiedsurlapremièremarche.—Ilaimelessaucisses,maisjenesuispassûrequelessaucissesluiconviennent.—Onvatrouverquelquechose,merassureDev.Sonestomacnedoitpasêtrebiengros.

—Oh,vousseriezétonné.Jesuisarrivéeaumilieudel’escalier.Unjour,ilamangétouteunechaussuredesport.—Gardez-leseulementunpeuloind’Oz.Iln’estpasfan.—Pasfan?deFélix?Jesuissurlepalier,àcôtédeDev.Jeregardemonchienminusculeet

jemedemandecommentquelqu’unpourraitnepasl’aimeràl’instantmêmeoùilleverrait.—Despetitschiens.Ilpréfèrelesgrandschiens.Vousvoyezcequejeveuxdire.JesuisDevà l’intérieur,enmedemandantdansquelpétrin jesuisen traindememettre.Je

n’aipasvraimentenviequ’onm’appelleMayWexler«boulettedeviande»et iln’estpasquestionquejetoucheunemachette.

5.LesrestaurantsBurgooontétéfondésàVancouver,maissontaujourd’huirépanduspluslargementauxÉtats-Unis:ilsserventdesplatstraditionnels,façonpot-au-feu,dansuneambiancechaleureuseetrelativementbonmarché.6.Soupeprincipalementàbasedepoissons,avecdesmorceauxdedans.

CHAPITRE8

—Ouh.Quellesbellesmachettes!J’entredansunepiècequidoitêtreunsalon.Ilyadescanapés,untapisaumilieuetunetable

basse.Maislàs’arrêtelaressemblanceavecunintérieurd’appartement.Lalourdeportemétalliqueserefermederrièremoiavecunbruitsec.

Ilyadesarmesvisiblespartout:quelques-unesprésentéescommes’ils’agissaitd’objetsdecollection, d’autres ont l’air d’être utilisées tous les jours. J’ai dumal à avaler parce que la peurm’envahitànouveau.Quiest-cequisesertd’armescommeça?desninjas?Paslesgenshonnêtes,jelesais.Certainementpas.Jen’aipasvud’Asiatiquesencoredanslecoin,alorsilfautquecesoitunrepairemafieux.Jeregardederrièremoietjevoisunclaviernumériquesurlemuràcôtédelaporteparlaquellejesuisentrée.Jesuisenfermée.Priseaupiège.

Jesuisdansdetelsennuispourlemomentquecen’estmêmepasdrôle.Peut-êtreest-cequejevaispouvoirdemanderd’allerauxtoilettesetenvoyeruntextod’urgenceàJennyouàlapoliceouencoreàlaGardeNationale.

—Cen’estpasunemachette,m’expliqueDev.C’estuneépéedeSamouraï.MayWexler, « la Samouraï ».Hum…Non. Je n’aime toujours pas l’idée de rejoindre leur

gangmafieuxoupeuimportecequec’est.Est-cequejevaispouvoirrentrerchezmoi?J’hésiteauseuildelapièce,essayantdedécidercequejedevraisfaireàprésent.Riennemevientàl’esprit.Toutceque jevoisme terrorise,àpartce type.J’auraisenvied’acheterdespopcornsetderegarderunfilm avec lui, un type plus comme un frère-ami, pas unmeurtrier.Cette penséeme permet demeremettreàrespirernormalement.

Félixsembles’êtrefatiguéd’attendrequejeprenneunedécisionsurcequ’ilconviendraitdefaire et la prendpourmoi. Il saute d’unbonddemon sac, se sauve à toute vitesse, tournedans lecouloiretdisparaîtdansuneautrepièce.

—Félix!Jehurle,craignantpoursavieminuscule.—Oh,merde ! faitDev.Puis ilmet sesmainsenporte-voixautourde saboucheethurle :

Attention!Unchihuahuaenliberté!J’entends desmeubles qu’on déplace, des aboiementsminuscules et puis quelque chose qui

ressembleraitauxchiensdel’enferlâchéspourlaisserfondreleurfuriemeurtrièresurnostêtes.JepassedevantDevencourant,l’écartantdemonpassage,sanspenseràmapropresécuritétandisquejemeprécipitepoursauverlaviedemonbébé.

—Félix,nooon!

Jedébouchedans l’autrepièce,priantpournepasdécouvrirmonchiendéchiquetéenpetitsmorceaux répandus à présent sur le sol. Je ne saurais dire qui va le plus vite :mes jambes ou lesbattementsdemoncœur.

Maiscequejevoisquandj’entredanslapiècem’arrêtenet.Jepensequelesautressontàpeuprèsaussisidérésquejelesuis.

Ilyaunchienplusgrandqu’aucunanimaldomestiquequej’aiejamaisvu,deboutaumilieud’unegrandecuisinecommeonenvoitdanslesentreprises,quirestelàsansbouger,laqueuedroiteetdresséecommeuni.Lespersonnesquej’aivuesarrivertouràtoursetiennentcommepétrifiéesetregardentfixementleschiens.Unhommeprèsdel’évieralevélesmainsdansungesteapaisant;ilauntorchonjetésursonépaule.

Oh là, il est sacrément sexy. Je n’ai jamais vu d’aussi beauxmuscles ailleurs que dans unmagazinedesanté.Ilfaudraquejelesobservedeprèsunpeuplustard.Lorsquej’auraisauvémonchiend’unpérilcertain.

Félixn’apasl’airdesesoucierlemoinsdumondedelatailledecechien.Illuitourneautourcommes’ildansait,essayantdeluilécherlatête,lescôtes,lederrière–toutcesurquoiilpourraitmettresapetitelangue.Malgrésesefforts,iln’arrivepasàatteindreautrechosequeleboutdespattesduchienetildécidebientôtqu’ilenaassez.

Laqueuede l’énormechien retombedansunepositionplusnaturelle et il penche la tête endirectiondeFélix,luidonneuncoupdelanguegentil,maissuffisantpourenvoyerroulermonpetitchien sur le côté.Félix se redresse aussitôt, bien sûr, et s’installe comme s’il était chez lui sur lespattesdugrandchien.Le lèche, lècheet relèche.Ondiraitqu’il s’estmis sur lemodeautomatiquepourlemoment.Jenel’aijamaisvumettreautantd’enthousiasmeàlécherdeschevilles.

—Ehbenmerde,dit lepetitquiconduisait leSUVens’adressantà l’hommedeboutdevantl’évier.Tonchienestunvraiminou.

Letypelanceviolemmentletorchonetl’atteintenpleinvisage.—Disencoreçaettuverrascequivaarriver.Moncœurfaitunsautdansmapoitrinelorsquejereconnaislavoix.Jeleregardefixement,oublianttoutlereste.Ildoitêtredelamêmefamillequemonsauveur.

Même voix,mêmes yeux,même corps de géant,mais tout le reste est différent. Les cheveux sontcourts,rasésàlamanièremilitaire.Sonvisageestdépourvudebarbe,sessourcilsbientaillésetjenevoisnibandananivesteencuir.IlporteunjeanetunT-shirtnoirscommesonamiàl’autreboutdelapièceetsesbicepstendentsesmanchesaupointquejecrainsqu’ilsnefassentéclaterlescoutures.Ilyaunpetit emblème imprimésur lecôtégauchedesapoitrineetcesmots :«BSB7 Spécialistes deSécurité».

—Quelchienadorable,ditlafilleenmeregardant.Elleestmagnifique,commeàpeuprèstoutlemondedanscettepièce;j’auraisdûaumoins

mebrosser lescheveuxavantdepartirdechezmoicesoir.Jepeuxseulementimaginercequecesgensdoiventpenserencemoment,enmevoyantdesespadrillesauxpieds.

—Merci.Jereportemonattentionsurleschiens.—Viens ici,Félix.Arrêtede l’embêter.Monpouls estpluscalmeàprésent car jevoisque

monchiennevapasmouriraujourd’hui.Le grand chien se laisse tomber sur ses pattes de devant et roule sur le côté. Jeme rends

comptequ’ilnes’agitpasd’unchienmaisd’unechienne.Jenesaispaspourquoij’avaisdanslatêtequegrandchiensignifiaitmâle,parcequej’enaiundetroiskilosquejetransportedansmonsacetquin’estassurémentpasunefille.

Félixgrimpesurlacagethoraciquedelafemelle,tourneplusieursfoissurlui-même,puissecouche, posant sa tête sur ses pattes.Comme s’il avait confondu ce loup géantmangeur d’homme

avecuncoussindecanapé.—Tu temoquesdemoi, intervient lecuisinierquisemblesérieusementoffensé.Sahara,un

peudefierté,veux-tu?Elleredressela têtepourleregarder,puis lareposeetpousseunlonggémissementintense.

Elle cille àplusieurs reprisesmais, àpart cela,nebougepas.Ondiraitqu’elleveutqueFélix soitconfortablementinstalléetqu’elleestprêteàselaissertorturers’illefaut.

Moncœurfondenlaregardant.C’estvraimentunechiennetoutàfaitétonnante,mêmesisescrottessontprobablementaussigrossesqueFélixlui-même.

—Mangeons!s’exclameDevavecenthousiasme.Avecunautretorchon,lecuisinierfaitungesteendirectiondufourneau.—Allez-y.Lepainestdanslefour.Iljetteletorchonsurleplandetravailetsortdelacuisine,

quittantlapiècepourdesendroitsquejeneconnaispas.Toutlemondesemetàbougerenmêmetempsendirectiondel’évierpoursesaisird’unbol

sur le plan de travail et se dirige ensuite vers la marmite sur le fourneau. Une file se formerapidement.

—Quesepasse-t-il?J’interrogequivoudrabienmerépondre.—Ledînerestservi.Bonappétit8,expliquelepetitCajunensouriant.Jeregardetoutlemonderemplirsonbol,sesaisird’uneoudeuxtranchesdepainjustesorti

dufouretplacésurunegrille,puiss’asseoirautourd’unelonguetableenmétalàl’autreboutdelacuisine.

Quandilssonttousassis,quelqu’unréciteuneprièrerapideetilsplongentdansleurbol.Ilestpossible qu’ils n’aient pas mangé depuis un moment ; dire qu’ils montrent de l’enthousiasme endégustantleconsomméestpeudire.

—Miam-miam, c’est tellement bon ! s’exclameDev la bouche pleine de quelque chose. Jeregardeailleurspournepasvoircequis’ytrouveexactement.

—Ilneleratejamais,continuelafille.—Jevaismechercherunsecondbol,renchéritletypebeau-comme-un-acteur-d’Hollywood.

J’aiétéoccupétoutelajournée.—Premierarrivé,premierservi,coupeleCajun.Etl’amied’Ozzien’apasencoremangé.Jepensequ’ilsparlentdemoi.—Est-cequ’Ozzie,c’estceluiquiaunebarbehorrible?J’aiposélaquestionavantdepenser

àtrouverunautrequalificatifpoursespoilsfaciaux.Oups.—Ouais,répondlafille.Luietluiseul.—Jepensaisqu’Ozzieétaitlecuisinier.Maintenant,jesuisabsolumentembrouillée.—Oui.Lemeilleur.Devestoccupéàingurgitersonplatetjepensequesesmotssortentun

peuplusimbibésqu’ilnel’auraitvoulu.—Ilexistedeceschosesqu’onappelledesserviettes,ditlafille.Etelleluienenvoieuneàla

figure.Ill’attrapejusteavantqu’ellen’atterrissesursonfront,sansmêmequittersacuillèredesyeux.—J’aimesavourermasoupeetjemeserviettelementonàlafin.Jen’aijamaisencoreentendulemotservietteutilisécommeverbe,maisjevoiscequ’ilveut

dire. Il aura besoind’un sérieux serviettage lorsqu’il aura fini. Je ne suismêmepas certainequ’ilreprennesonsouffleentresesbouchées.Comment fait-ilpournepass’étrangler?Jepenseque jevoisunegouttedesoupesursajoue,justesoussonœil.

—Vous feriez bien de vous servir un bol avant qu’il n’y en ait plus, conseille leCajun endésignantl’évieravecsacuillère.Luckysebattraitavecsapropregrand-mèrepouravoirledernier

morceau.J’endéduisquelenomdeHollywoodestLucky.Iln’apasl’aird’êtreendésaccordaveccette

appréciationdesoncaractère.Jemedirigelentementverslesbols,monesprit tourbillonnanttellementjesuisdésorientée.

Qui sont ces gens ? Est-ce qu’ils vivent ensemble ici ? Comment Ozzie peut-il être à la fois lecuisinieretletypeaveclabarbe?Etquiétaitletypesexydevantl’éviersicen’étaitpasOzzie?Ilestévidentquelanourrituren’estpasempoisonnée,parcequ’ilsenmangenttous.Qu’est-cequejefaisici?Pourquoinemeposent-ilspasdequestions?Commentsefait-ilqueFélixdormesurunloup?

Riendetoutcecin’adesens;sibienquejemedécideetversedelasoupedansmonbol.Êtreconfuseetaffaméeàlafois,çanefaitpasbonménage.Maisjenetouchepasaupain.J’envoudraisbienunmorceaumaisjen’arrêtepasd’imaginerquelqu’unquim’attaqueraitpendantquej’auraisledos tourné. Me baisser pour prendre quelque chose dans le four me rendrait trop vulnérable. SiseulementFélixvoulaitbienêtremoinscalme.Nous sommes toujoursdansune situationdedemi-urgence,dumoinsc’estcequejecrois.

Jem’approchede la tableavecmonbolsansoublierque jedoisêtreprudente. Ilyaquatresiègesvides,maisunseulmeparaîtprésenterunebonnepossibilitéde fuiteparcequ’il est leplusprès de la sortie. Je m’apprête à m’asseoir et je manque avoir une crise cardiaque quand tout lemondeautourdelatablesemetàcrierenmêmetemps.

—Paslà!Jemelèveetfaisunbondenarrière.—C’est la chaise d’Ozzie. Prenez celle-ci. Lucky tapote le siège à côté de lui. Je vaisme

retrouverpileentreluietlafille.Jepensequejepourraislutteravecelle.Aveclui,jen’ensuispasaussisûre.

Jevousassurequenousnemordonspas,fait-elle.—Pasbeaucoup,ajouteLucky.Ellereniflemaisnelecontreditpas.Monestomacmedictemadécisioncarilgrognecommeunoursencolère.Jeposed’abord

monboletjelâcheensuitemonsacenbandoulière.Lafillefroncesonnezquandmonsacatterritsurlesol.—Jesensuneodeurdepisse.Ellesetourneetregardeleschiensaveccolère.—Tuescenséenepasfairetesbesoinslàoùilnefautpas,Sahara.—Cen’estpaselle,c’estmoi,dis-je.Ils s’arrêtent tous de manger en même temps et me regardent fixement. Mon visage

s’empourpre.—Enfait,c’estmonsac.Pasmoi.Félixafaitpipidedanstoutàl’heure.Lafillemedévisagependantquelquessecondes,uneexpressiondedégoûtsurlevisage.—Oh.C’estbeaucoupmieuxquesic’étaitvous.Mesmâchoiress’ouvrenttoutesseules.Jenesaispassielleessaied’êtredrôleoutoutàfait

impolie.LetypeCajunmedonnelaclédumystère.—Ne sois pas siméchante,Toni.Elle est unpeu commotionnée.Tu le serais à saplace. Il

secouelatête,peut-êtreparcequ’ilestdéçuetretourneàsasoupe.Ilfaitungrandbruitenaspirantleliquidedelacuillèredanssabouche.

Toninerépliquepas.Ellesecontentedemordredanssonpaincommesiellenevenaitpasenquelquesortedemesupplierdelafrapperavecmonsacsentantlepipi.

Comme je suismanifestement ennombre inférieurpar rapport auxmusclesqui se trouventautourde la tableetquisemblentquasimentdesa famille, jedécideque jevaisaumoinssavourermonrepas.Quisait?Ilpourraitêtremondernier.

Lapremièrebouchéem’expliqueclairementpourquoiLuckyseraitcapabledesebattreavecsagrand-mèrepourenavoirunsecondbol.

—Oh!dis-je,savourantunmorceaudesaucisseépicée.C’estdélicieux.—Jevousl’avaisdit.Devm’adresseunsourire.AttendezdegoûteràsonJambalaya.9C’est

divin.LeCajunlèvelesyeuxauciel.—Ohlàlà,10 jevaisfaireunedemandespécialepour lasemaineprochaine,vouspouvezy

compter.Ilclignedel’œildansmadirection.—C’estmonanniversaire.J’opine et retourne à mon bol. Après trois bouchées, je suis encore plus amoureuse de

l’hommequiapréparécerepas.—D’ailleurs,oùestdoncOzzie?Ilnevapasvenirmanger?Jenesuispastrèsimpatientede

revoircettebarbe,maisjevoudraisleremercier.Nonseulementilnem’apastuée,maisilvientdemesauverd’unharceleuretilmenourrit.Celamériteaumoinsunecertainegratitude.

—Ilaprobablementdéjàdîné.Ilnemangepassouventaveclegroupe,répondLucky.—Commentcelasefait-il?Jecontinueàfixersonmorceaudepain,medemandants’ilvale

manger.J’auraisdûenprendreunetranchedanslefourquandjelepouvais.Devselèveetsedirigeverslefourneau.Jel’entendsderrièremoiquiseressertdesoupe.—Ilabeaucoupdetravailadministratif,expliqueLucky.—C’estunsolitaire,ditToni.Etpasqu’unpeu.—Ah ! Jenevoispasquoi répondre.Toutceque je sais, c’estqu’il est excellentcuisinier.

Cependant,j’espèrequ’iln’yapasdepoildebarbedanslamarmite.Devdéposeunmorceaudepaingrilléfrottéd’ailàcôtédemonbol.—J’aivuquevousregardiezlemorceaudeLucky.Jenevoulaispasquevousvousfassiez

mordreetarracherlesdoigts.—Tais-toi, imbécile, j’ai faim.Tu serais pareil si tu avais suivi cemoinsque rienpendant

douzeheures.Devouvrelabouchepourrépondre,maisilestarrêtéparunevoixcoléreusevenantduseuildelaporte.

—Pasunmot,ditOzzie.Ellenerestepas.Jelèvelatêteetvois,deboutdansl’encadrementdelaporte,l’hommequialancéletorchon

decuisinetoutàl’heure.—Oh, allons,Oz,ne jouepas legranddur, intervient leCajun.Ellepeut resterunpeu.Tu

nousasdittoi-mêmequ’ellepouvaitêtreendanger.C’estalorsquejefaislelien.Lemagnifiquemorceaudeviandehumainequisetientlà,faisant

montredesesmusclesdevantnous,n’estpaslefrèred’Ozzie.C’estOzzie.Ilest leBarbu.C’est letypequim’aditdenepasretournercherchermavoitureetquim’aensuiteguidéeiciquandjenel’aipasécouté.Etc’est luiquiestplussexyqu’aucunhommenedevraitavoir ledroitd’être,avecdesmuscles saillant sous sa chemise et lesmâchoires contractéesdemécontentementpendantqu’ilmeregarded’unairfurieux.Ilesttotalementetcomplètementdifférent.

—Qu’est-ilarrivéàvotrehorriblebarbe?Jeposelaquestionavantderéfléchir.

7.BSBpourBourbonStreetBoys.8.Enfrançaisdansletexte.9.Spécialitéculinaireàbasederizetdeviande,traditionnelleenLouisiane.10.Enfrançaisdansletexte.

CHAPITRE9

LeCajun semet à riremais ne dit rien ; il regarde fixement sa soupe et tourne sa cuillèrededans.

Ozzie neme répond pas.Au lieu de ça, il traverse la pièce, se saisit d’un bol et le remplitjusqu’aubord.Jebalaielatableduregardtandisqu’ils’enrapprocheetprendunsiège.Personnenesemble pressé d’expliquer cette complète transformation physique qu’Ozzie a réalisée, je ne saiscomment,enmoinsd’unedemi-heure.

—Fameux,Oz,complimenteLuckyenparlantdurepas.Tut’esencoresurpassé.Ozziegrogneetprendunebouchéedepain.Ilneregardepersonne.—Écoute,monvieux,àproposdecesoir…commenceDev.Ozzielâchesacuillèrequifaitunbruitsecdanssonbol.—Onn’enparlepluspourlemoment.Ilfixelecentredelatable,faisantmanifestementun

effortpournepaslaisserlibrecoursàsacolère.—Jevoulaisjustetedirequej’auraisvouluvenir.—Poursûr.confirmeLucky.Jenepeuxpasdires’ilesténervéouamusé.—ToutjustecommetuvoulaisêtrechezRoscoelasemainedernièreetsurBeatStreet,celle

d’avant.—Hé,lesamis,voussavezbienquej’aidesresponsabilités.Ozziefinitparleverlesyeux.— Nous avons tous des responsabilités, Dev. Chacun de nous. Seulement, les tiennes

t’empêchentdefairetonboulotplussouventquecelanedevrait.Latensionquiflotteau-dessusdelatableesttroplourde.Jenepeuxpaslasupporter.—Àpropos,vouspourriezmedirecequevousfaites,exactement?J’essaiedeprendreun

tondétaché,maisjen’yarrivepasvraiment.Mavoixesttropaiguë,troptendue.Toutlemondemeregarde,Ozziecompris,cequimeforceàm’expliquer.—Cequejeveuxdire,c’estquej’aivuvotreraisonsociale,alorsvousn’êtesévidemmentpas

des assassins. Du moins je l’espère. J’imagine que vous ne me donneriez pas à manger si vousl’étiez?

Personnenerépond.Ilssecontententdemedévisager.—Vousn’êtespaslaMafia,j’espère.D’ailleurs,jeneconstituepasundangerpourvous,vous

voyezbien?Jeneparleraiàpersonnedevotrerepaire.—Notrerepaire?s’étonneToni.

Jeregardeautourdemoi.—Ouais.CetteBatcaveoujenesaiscommentvousl’appelez.LeCajunsemetàriredoucement.—Tais-toi,Thibault.Ozzieestdenouveaumécontent,jelevois.Jesoupire.— Sérieusement, est-ce que quelqu’un pourrait justeme dire où nous sommes ?Qui vous

êtes?Parcequemonimaginationestentraindepartirenvrilleetcen’estpasunebonnechose.—Quecrois-tu11quenoussommes?demandeLucky.Ilreposesacuillèreetsecarresursa

chaisepourfocalisersonregardsurmoi.Jeregardelespersonnesautourdelatable.Leblasonsurlachemised’Ozzieattireànouveau

monattention.—Sijedevaisexclurel’idéed’ungroupedetueursensérie,jediraisquevousêtesoubien

quelquechosecommeunesociétéprivéedesécuritéouquevousêtesfansdel’uned’elles.Ouencore,cesontdesdealersetilsutilisentcesT-shirtsetcartesdevisitepourtromperles

gens.Maisça,jenevaispasledireàhautevoix.Luckym’adresseunclind’œil.—Bienvu.Puisilmefaitunpetitsignedumenton:qu’est-cequetuvoisd’autre?C’estcommesi j’étaisdansunjeutélévisé,genreQuizz.Jereposemacuillèreet jeregarde

plus attentivement ce quim’entoure,me servant demonœil de photographe professionnelle pourabsorber les détails. C’est plus facile à présent que je ne me sens plus autant menacée. Pour lemoment,personnen’adirigédepistoletoudecouteauversmoialorsqu’ilyenatouteunecollectionici.

—Eh bien, je vois un groupe de personnes qui agissent comme s’ils faisaient partie de lamêmefamille,maiscen’estpaslecas.Saufpeut-êtrepourvousdeux.

Je désigne du doigt Toni et le Cajun ; je suppose que son nom est Thibault. Il opine,confirmantainsimonsoupçon.

—Ilestévidentque…hum…vousvoussouciezdevotreformephysique.J’imaginequesivousêtesdanslesecteurdelasécurité,c’estimportant.

Jeregardelachienne.—Vousavezunchiendegardequiestcenséêtreredoutable,maisquinel’estpasvraiment.

Ellem’atoutl’aird’unegrandesentimentale.Félixs’étireetSaharanebougepasd’unpoil,sicen’estpourclignerunœil.Deux personnes gloussent légèrement, mais lorsque je lève la tête pour voir qui c’est,

personnenerevendiquecetteréaction.Ozzieal’airsurlepointd’explosertellementsonvisageestrouge.

—Ilyadescamérasdanstouslescoins,icietenbas,alorsilfautquevousygardiezquelquechosedeprécieux;oubienquevousredoutiezlavenuedequelqu’unquivousenveut.J’aivuenbasdespetitesarmoiresquipourraientcontenirdesobjetsdevaleur.Peut-êtredesfusils,parcequej’airemarqué que l’une d’elles ressemblait à un coffre pour armes à feu. Et vous semblez avoir unevéritablecollectionàl’étageaussi.

Jeme rendscompteque je suis en traindedécrire avecprécisionaussibienune sociétédesécuritéquel’antred’ungangdedealers.

Jepensequej’enaisansdoutetropditlorsqueDevhausselessourcils.Iln’aaucunpoilàcetendroit,mais ça n’empêche pas son arcade sourcilière de se soulever comme s’il ne souffrait pasd’alopécie.

—Eteuh…vousavezdesépéespartout,alorsj’imaginequel’und’entrevousestdinguedes

ninjas.Thibaultsemetàrire,plaçantsamainsursonestomac.—Oh,Seigneur, jen’enpeuxplus. Il se lèveet fait le tourde la tableavecsonbolpour le

mettredansl’évier.—Quoi?Jeregardeautourdemoi.Qu’est-cequej’aidit?—Elleestassezobservatrice,intervientLuckyenhaussantlesépaules.Laplupartdesgensne

remarquentpaslescaméras.Jesouris.—Enfait,jesuisphotographe,alorsj’aitendanceàmefocalisersurcegenredechoses.—Focaliser,hein?Tunefaisaispasunjeudemots?interrogeToni.Sonexpressionestplutôtdifficileàlire,maisjepensequec’estpeut-êtreunsourire.Jedécide

surlechampquej’yregarderaitoujoursàdeuxfoisavantdelafrapperavecmonsacd’urine.Jerougis.—Bien sûr, aucunde jeudemots. Je serre fortementmesmains surmesgenoux.Ehbien,

Ozzie,est-cequetuvasfinirparm’expliquercequiestarrivéàtonextraordinairepilosité?Quelqu’unsiffledoucement:jepensequec’estLucky.Jeregardeautourdemoi.—Quoi,j’aiditquelquechosequ’ilnefallaitpas?Ilnepouvaitpasvraimentaimercetruc,

n’est-cepas?La ligne où devrait se trouver les sourcils de Dev est toujours proche de la racine de ses

cheveux.Jefroncelesmiens,inquièteàl’idéed’avoirfâchélecaïddelabande.—Oh ! Il n’aime pas qu’on parle de sa pilosité ? Je regarde Ozzie dont l’expression est

indéchiffrable.—Tuyétaisattaché?Jesuisdésolée.Jenevoulaispast’offenser.Maisçafaisaitquandmême

unsacrévolume,n’est-cepas?Et…hirsute?—Cettebarbemepermettaitderesterdanscebaraveclesgensquis’ytrouvaient.Jefaisunsourire.—Oh,alors.Ehbien,tun’avaisqu’àlagarder.—Non,jenepouvaispas.Ilmefusilleduregard.— Oh. Mon sourire disparaît. Alors, tu n’es pas content d’avoir coupé ta barbe et, du

coup…coupéaveccesgens-là?JeregardeToni.Ellefaitsignequeoui.Etça,jenepeuxpaslecomprendreparcequetoute

femme, où que ce soit dans lemonde, aurait considéré cette pilosité de lamême façon quemoi :grossière,malsaineet,disons-le…grossière.Etquandjerepenseauxgensdanslebar,ehbien!L’und’euxnousatirédessus.Alors,jenevoispasbiencommentlapertedeleuramitiéestsiterrible.

—Perdremabarbe,celaveutdireperdremacouvertureetdesmoisdetravail.NousrevoilààlacasedépartavecleSixièmeWard.

Jemeretrouveprisedepanique,aussifacilementqueça.—LeSixièmeWard?Commedans leSixièmeWardD-Block12?Est-cequ’ilnes’agitpas

d’ungang?Mavoixs’éteinten terminantmaquestion.Jemesouviens trèsbiend’avoir luqu’unesériedemeurtresleuravaitétéimputéeiln’yapassilongtemps.

—L’undespiresdelaNouvelleOrléans,confirmeDevquis’estlevé,sonbolàlamain.Ilal’airvraimentfierendisantça.

Jemetasselentementsurmachaise.—Oh,merde.Jesavaisquej’étaistombéedansunrepaire.J’attendsquelasentencetombeencequimeconcerne.Jeregardemonboletuneidéestupide

vientflotterdansmatête:Aumoins,j’auraisprisundernierrepascorrect.

—Cen’estpasunrepaire,répliqueOzzieenprenantsonpain.C’estd’iciquenoustravaillons.Nousnesommespaslesmembresd’ungang;noussommesunesociétéprivéedesécurité.C’esttoutcequetuasbesoindesavoir.Ilseremetàsonrepas,avalantplusdepainquejenel’auraisjamaisimaginépossible.

—Vous travaillezparfoisen freelance?medemandeThibaultquiest revenus’asseoirà latable.

—Jenefaisqueça,jesuismonproprepatron.—Hum.IlsecouelatêteetjetteunregardàOzzieavantdecontinuer.Vousavezdéjàeudes

missionsdesurveillance?J’ouvrelabouchepourrépondre,maisOzziemecoupe.—Non.Ellen’enajamaisfait,etellenevapascommencer.Jemeredressesurmachaise.— Pardon, mais je dois vous informer que j’ai déjà accepté des missions comme ça.

D’accord,enfaitj’exagèreunpeumonexpérience,maisilsnelesaurontpas.—Vraiment?interrogeThibault.Dequelgenre?Àprésent,toutlemondeautourdelatable

meregarde.Monvisagerositànouveau.— Je… euh… j’ai pris des photos d’un homme qui trompait sa femme. Je me dépêche

d’ajouter:«Dansunparc.»Detellemanièrequ’ilsnesefigurentpasquej’espionnais,cachéedansl’armoiredelachambreàcoucherdequelqu’un.Ouquelquechosed’aussirépugnant.

—Tul’ascoincé?demandeToni,commesielles’intéressaitpersonnellementàmaréponse.—Oui, ilsetrouvequeoui.J’airéalisédesclichésformidables.Jel’aiprislamaindansle

sac,commeondit.Je souris avec fierté. Oui, c’était un boulot embarrassant. Mais, parfois, lorsque les

commandespourunmariageoulesportraitsdefamilles’espacentvraiment,ilfautquejesoismoinsregardantesurlegenredetravailquej’accepte.Jeneleurparleraipasdesphotosérotiquesquej’aiprises d’une femme l’hiver dernier. Ce n’est pas un sujet qui va les enthousiasmer autant.Moi, jen’arrivetoujourspasàoubliercertainesdecesimages.Ladernièrechosedontj’aibesoinseraitderavivercessouvenirs.

—Tunet’espasfaitpincer?demandeLucky.—J’aidumalàlecroire,intervientOzzie,nemelaissantmêmepaslapossibilitéderépondre.Messourcilsserapprochentànouveautandisquejefoudroielecuisinierduregard.—En fait, j’aipris lesphotos juste sous sonnez. Je relève lementonavec fierté. Je faisais

semblant de photographier les fleurs près de l’endroit où il était assis. Il nem’a pas suspectée uninstant.

Luckymedésignedelamainaveclaquelleiltientsonmorceaudepain:—SielleportaitcetensembledeLittleBoPeep13,jen’auraisriensoupçonnénonplus.Tusais

ce qui est le plus difficile avec le recrutement,Ozzie.Nous n’avons pas une seuleBoPeep parminous.

Ilmefaitunsourire,maisjeneleluirendspas.—Qu’est-cequetuveuxdire?Ozzieselèveetsavoixexploseau-dessusdelatable.—Çaveutdirequetunefaispaspartiedenotreéquipe.Ilesttempsd’yaller.Lesautresleregardent.Devparaîtspécialementperplexe.—Oùest-cequ’ellevaaller?Tuavaisditqu’elleseraitcoincéeicipendantquelquetemps.—J’aichangéd’avis.Ozzierapportesonbolàmoitiépleindansl’évieretregardeceuxqui

sontencoreattablés.Ellenepeutpasrester.

—Qu’est-cequisepasse?Mavoixn’estqu’unfaiblemurmure.Personnenemerépond.IlsregardenttousThibault.

—OnvavoterditThibaultquisembledéterminé.—Surquoiallons-nousvoterexactement?interrogeToni.Ellemeregardeavantdereporter

sonattentionsurletypequisembleêtresonfrère.Ilmedésigned’ungestedumenton.—Surcequenousallonsfaired’elle.Est-cequ’elleresteouest-cequ’ellepart?J’avaledifficilementparcequejemerendscomptequejevaispeut-êtreassisteràmapropre

condamnationàmort.

11.L’anglaisutiliseuniquementle«you»;ilnousasemblédevoirpassericidu«vous»au«tu»,lefaitdedîneràlamêmetableayantbrisélaglace.12.CélèbregangderuedelaNouvelleOrléans.13.Dunomd’unecomptineanglaisetrèspopulairequimetenscèneunejeunebergère.

CHAPITRE10

—Onn’apasbesoindevoterparceque j’aiditqu’elles’enallait.Ozzieest revenuauhautboutdelatable,maisilnes’assoitpas.

—Dis donc, tu tenais plus à ta pilosité que tu ne l’as jamais admis ! Toni lui fait un petitsouriretaquin.

Sonfrèrelaconsidèred’unairfurieux,maisc’estcommesiellen’enavaitrienàfaire.Ellel’ignoreetluitourneledospourregarderOzzieenface.

—Tu le sais aussi bien que tout lemonde ici : je cultive ces contacts depuis longtemps.Àprésent, les voilà tous fichus à cause de cette LittleBo Peep et nous sommes revenus au point dedépart.Tupeuxmedirecommentjevaispouvoirmettrelamainsurleurlistemaintenant?

— La liste de qui ? J’ai posé la question. Plus ils parlent et plus les choses deviennentintéressantes.Ainsi,cen’estpaseuxlesméchants,pourtantilsessayentd’infiltrerungang?Qu’est-cequeçasignifie?

—Peuimportequelleliste,répondOzziequimelanceunregardfuribond.Jenesaispasdutoutpourquoimais,quandilmeregardecommeça,celamefaitsourire.Au

lieuderestertranquille,jem’arrangepourquelalumièreviennejouersurmesbellesdentsblanches.Ilmefaitpenseràsachienne:onladiraiteffrayanteetviolentemais,toutcomptefait,c’estjusteuncoussingéantquisertdecanapéàunchienminuscule.Jeparieraisqueleventred’Ozzieestparfaitcommeappuie-têtequandonregardeunfilm.

Qu’est-cequej’aidit?Est-cequejeviensvraimentdepenserça?Jesuisentraindeperdrelatête.Jesuisprobablementenhypoglycémie.Àtouthasard,j’avale

unegrandecuilleréedesoupe.— Il s’agit d’une liste des membres du gang avec leurs coordonnées et des statistiques,

m’expliqueDev.Desstatistiques?Jeregardeautourdemoidanslapièceetj’essaiededeviner,d’aprèsleurlangagecorporel,ce

queveutdirecepetitboutd’information.Maispersonnenem’aideàyvoirplusclair.Ilscontinuentàéchanger des regards entre eux, et ils ne font pas attention àmoi. Tout ce à quoi je peux penserlorsquequ’onparlede«statistiques»,c’estqu’ils’agitdesmatchsdebaseballetdesmoyennesdebutsréussis.Lesgangsterssenotent-ilslesunslesautres?

— Ouais, des statistiques, confirme Lucky. Sur les meurtres, les quantités concernées, lenumérodelarueoùsetrouvelamarchandise,etc.

Jesecouelatêteparcequejemesensunpeuperdueaveccejargon.—Jen’aipaslamoindreidéedecedontvousparlez.Unfrissonparcourtmoncorps.—J’espèrequevousneparlezpasdemeurtresausenslittéral,commes’ils’agissaitdevraies

personnesoudequelquechosecommeça.Jeprendsuneautrebouchéedemonconsommé.—Quiest-cequitiendraitdesstatistiquesàcesujet?La pièce est absolument silencieuse. Je lève la tête et vois Thibault et Lucky échanger des

regardséloquents.—Quoi?jelesinterroge.—Tucherchesdutravail?demandeThibault.—Non!hurleOzzieavantquej’aieeuletempsdeseulementouvrirlabouche.—Elleadel’expérience,répliqueLucky,plaidantauprèsdeceluiqui,jelesuppose,estson

patron.Jecomprendsàprésentqu’ilessaiedefairebaisserlapression.— C’est pas une grande expérience, je te l’accorde, mais c’est une photographe

professionnelleetellesefaufilerapartout.Ilmedésigne:—Regarde-launpeu.—Prendreun jourdansunparcdesphotosd’un salaudqui trompe sa femme, cen’estpas

commeavoiruneexpériencedanslasurveillance.Latêted’Ozziesemblesurlepointd’exploser.Je ne suis pas vraiment intéressée par une mission de surveillance, mais la façon dont il

n’arrêtepasdemelancerdespavésàlafigureestplutôtblessante.Ilestbeaucouptropautoritaireàmongoût.Jeseraisprobablementtrèsbonnepourdelasurveillance.Discrète,jesuisuneexcellentephotographeet j’ai lematériel,dumoinspourprendredesphotosetdesvidéos.Dedéfi, je relèvemonmenton,tandisquel’expressionsurlevisaged’Ozziesefaitplussombre.

Devmedésigned’ungeste.—Ellesefondraitcomplètementdanslafoule.PascommeToni.—Hé!Toniluilanceunecuillère.Ill’attrapeàmi-course,sansmêmebougerunciletévitelebruitmatd’unchocsursonfront.—Êtes-vousentraindedirequejesuisquelconque?Jeposelaquestionparcequejesuisà

peuprèscertainequejedevraismesentiroffensée.Jesaisquejenesuispasuntopmodel,maisjen’iraispasnonplusjusqu’àdirequejesuislaide.

—Ellen’estpasdutoutquelconque;regarde-la!Ozziemedésignedudoigtetnousrendtouslesdeuxridicules.

—Justemaintenant,ellepourraittoutaussibienavoirsurelleuneinscriptionaunéondisant:“Regardez-moi”.

Touteslestêtesautourdelatablepivotentdansmadirection.Puisilssedévisagententreeux,manifestementperplexes.

—Désolé,Oz,maisjenevoispasça,intervientLucky.Ilsepenche,metlebrassurledossierdemachaiseetmeditàl’oreille:—Tuasenviedegagnerunpeud’argentpourquelquesphotos?Nouspayonsàréceptionde

facture.Il s’est trop rapproché pour que jeme sente à l’aise. Jeme recule autant que je peux sans

tomberdemachaiseoum’allongersurlesgenouxdeToni.—Toutdépenddusujet.Luckysemetàrire,seredressesursachaiseetmerendmonespacevital.—Tonstylemeplaît.

Jereprendsmapositioninitiale,sansêtrecertainequ’ils’agissaitd’uncompliment.—Ehbien,jenesuispasd’accordetc’estmoiquidécide.Ozziecroiselesbras,cequiapour

effetdefairesaillirencoreplussesmuscles.Ondiraitvraimentqu’iladesnichonsetpasdesoutif.Dev a un sourire narquois et désigne la poitrine d’Ozzie. Il parle afin que nous soyons les

seulsàl’entendre:—Regarde.Lespeccadilles.Luckyessaiedenepassourireetfixeleplafond.Jesupposequ’ilsparlentdespectorauxd’Ozzie.Ilssontvraimentimpressionnants.C’estalors

quenotreconversationparSMSmerevientàl’esprit :uneautrepartiedenotreéchangeprendsonsens.Lorsquej’écrivaispeccadilles,jeparlaisdemonneveuetdemesdeuxnièces.Ilpensaitquejeparlaisdesespectoraux.Pasétonnantqu’ilsoitdevenusibizarre.J’essaiedenepassouriremoinonplus.

— Il ne s’agit pas d’être dictatorial, objecte Thibault sur un ton neutre. Nous allons voter.C’étaitnotreaccordlorsquenousnoussommesengagésilyacinqansetiltienttoujours.

Ilposedoucementsonpoingsurlatable.—Commençonsparledébut…quefaisons-nousd’elle?Ildéplieundoigtetledirigeversmoi.—Onlagardeouonlarenvoie?—Jepensequevousdevriezmedemanderd’abordcequejeveuxfaire.J’aidumalàcontenir

lemécontentementdemavoix.LessourcilsdeThibaultsesoulèvent.—Tuveux retournerchez toipour servirdecible facile àundealerquiveut temettreune

balledanslatête?Monvisagedevientblême.—Euh.Non.Cen’estpascequejeveux.—C’estbiencequenouspensions.Ilbalaielatabledesyeux.—Elleresteici;vousêtestousd’accord?Illèvelamain.Jeregardeautourdemoitandisquetouteslesmainsselèvent,saufcelled’Ozzie,biensûr.Et

celledeToni.Ellesecontentedefixerlatabledesyeuxcommesiellen’avaitpasconsciencedecequiestentraindesepasser.

Laréactiond’Ozziememetencolère.—Tuveuxqu’onmetireuneballedanslatête?C’esttoutàfaitblessantqu’Ozzievotemondépart.Jepensaisquenousavionsvécuquelque

choseensembledanscetteallée.Ilm’asauvée…j’aiétésauvée…çaveutdirequelquechose,non?Bon sang, ilm’amêmeappeléun taxi, il l’apayépourmoi.Alors, pourquoime jette-t-il à la ruemaintenant?

Sonexpressionvireàlacontrariété.—Biensûrquenon,jeneveuxpasqu’ontetireuneballedanslatête…Devl’interromptavantqu’ilaitfini.—Excellent!Donc,elleresteici.Maintenant,votonssurlaquestiondeluidonnerdutravail.Ozzieetmoiétendonstousdeuxnosmainsdevantnous,commesiellesétaientdespanneaux

destop.—Uninstant…,ditOzzie.—Attendezunpeu,dis-je.Nousnousarrêtonsensemble,nousentre-regardant.Ilal’airfurieux.Jeplisselesyeux.— D’accord. Allez-y, votez ! Je dis ça en faisant un geste des mains comme si j’étais

absolumentindifférenteàtoutcequisepassemaintenant.—Jeseraiscontented’avoirdutravail.Iln’yapasbeaucoupdemariagesencemoment.Je

suisplutôtsérieuseet jenarguejusteOzzie.Unpeud’argentserait lebienvenu.Maisjenesuispassûrequeprendredesphotosdedealerssoitlemeilleurchoixdecarrièrepourmoi.

Ozziemetoiseaveccolèretandisqu’ilfaitjouersesmâchoires.Pourquelqueraison,celameréjouitdeconstaterqu’ilalesboulesdemevoirici.Est-cequ’ilapeurdemoi?Ha!Çadoitêtreça.Jem’étaissuperbiendébrouilléeensemantletypequiavaitessayédemetuer,mêmeavantqu’Ozzienem’aide.Onpourraitsûrementdirequejesuisbrave.Jel’aiemmenéauboutd’uncul-de-sac.

Peut-être que j’ai blessé son amour-propre à propos de sa barbe. Mon sourire faiblit. Jesupposequesijerestedansl’entreprise,jedevraiprobablementluiprésentermesexcusesàcesujet.

—Écoute, Ozzie, je suis désolée pour ce que j’ai dit au sujet de ton horrible barbe. C’estseulement… qu’elle était vraiment plus fournie qu’une barbe doit l’être. Je n’ai pas pu m’enempêcher.

Thibaultprendmadéfensetoutensemoquantdemoi.—Oh,Seigneur…ceuxquisontd’accordpourprendreàl’essaiLittleBoPeep,dites“oui”.Il

continueàmesourire.— Oui. J’entends le mot trois fois. Ensuite, il y a un long silence. J’ignore Toni et, au

contraire,jemetourneversOzzie.Jesourisavantdedire«Oui.»Ilsembleêtresurlepointdedirequelquechose,maisilnelefaitpas.Aulieudecela,ilquitte

lapiècecommeunouragan.Ilhurle«Sahara!»Lachiennegéantesemetlentementsursespattesetquittelacuisined’unpastranquille,Félixsurlestalons.

CHAPITRE11

Onmedonneunlitdecamp,unsacdecouchageetuncoindelacuisinepourmoitouteseule.C’est ça ou risquer de rentrer chezmoi et deme faire repérer par ce type quime suivait dans unquartier trop proche du mien pour que je me sente tranquille. J’examine attentivement moncampementetjemedemandesijevaisréussiràdormirneserait-cequ’uneminutecettenuit.Toutçan’apasl’airparticulièrementengageant.Jenesuispasdugenresacàdos.Plutôtdutypechambre-d’hôtel-et-repos-au-bord-de-la-piscine,enfait.J’aitrèsenvied’appelermasœur,maisjesaisqu’ellepartiraenvrilleàforcedepaniquersijelefais.Ellen’accepterajamaisdesdemi-explicationsetdesexcuses.Ilfautquej’attendelemomentoùjepourraim’asseoirettoutluiraconterdanslesmoindresdétails.

—Çavaaller?medemandeLucky.Iln’apasvraimentl’airdes’ensoucier.Plutôtamusé.—Jepense.Jeregardelapièce.ÀpartOzziequin’apasréapparudepuisqu’ils’estruéhorsdelapièce,

Luckyestleseulàêtreencorelà,maisilsedirigeàprésentverslasortie.—Tunerestespas?J’aidumalànepasfaireentendredansmavoixquejevaismesentirabandonnée.Lapièceest

pleined’épéesdesamouraïs.Etsijetrébuchesurl’uned’ellesaubeaumilieudelanuitetmecoupeunmembre?J’aiabsolumentbesoindetousmesmembres,dechacund’euxsansexception.

—Nan.Ilfautquejenourrissemonpoissonrouge.Onsereparledemain.Ilsedirigeverslaportequiouvresurlapiècedesninjas.

—Est-cequ’ilyaquelqu’unquiresteicicettenuit,oubienest-cequejeseraitoutseule.—Oz sera ici. Il ne sort jamais, sauf pour aller travailler. Sa chambre est juste au bout du

couloir.Ildésignedudoigtl’endroitverslequelOzzieafoncé,ilyaunedemi-heure.—Situasbesoindequelquechose,tun’aurasqu’àcrier.Jeramasselesacdecouchageetletienscontremoi.Jesoupire:—D’accord.Merci.Pasdesouci.BienvenueauBedandBreakfastdesBourbonStreetBoys.Ilmefaitunclind’œiletquittelapièce,éteignantlalumièreprincipaleensortant.Jel’entends

qui rigole, et puis les bips du pavé numérique. Enfin, le bruit d’une lourde porte enmétal qui seferme.

—LesBourbonStreetBoys.Jemarmonnetandisquej’essaied’étalermonsacdecouchagesurlelitdecamp.Seulelalumièreau-dessusdupoêlemeguideencore.

—Est-ceunnompourune société de sécurité ?Nousne sommesmêmepas surBourbonStreet.C’estàdeskilomètresd’ici.

Jeregardel’entréeducouloiroùsetrouvelachambreàcoucherd’Ozzie.Félixn’enestpasencoresortietjecommenceàm’inquiéter.Est-cequejedevraismefairedusouci?Oui,jedevrais.Félixpourraitfairepipid’unmomentàl’autre.Savessiealatailled’ungrainderaisin.Ilfautqu’ilsoitàcôtédemoipourquejepuisselirelessignesavant-coureursd’uneenviedesortiravantqu’ilnesoittroptard.

—Félix.Jemurmureaussifortquejepeux.Pasderéponse.Paslemoindrecliquetisdegriffessurlescarreauxneparvientàmonoreille.— Félix ! Je murmure plus fort, tendant l’oreille et focalisant toute mon attention pour

percevoird’éventuelsbruitsd’unchihuahuaenapproche.Rien.—Bonsang,Félix!Vienstoutdesuite!Mavoixestplusfortequejenel’auraisvoulu.D’abord,jen’obtiensaucuneréponse.Maisensuite,j’entendsquelquesjurons.—Oups.Jem’assoissurleborddemonlitetj’attendsquelegrandméchantloupOzziesorte

etm’enguirlandeparcequejel’aitirédesonsommeilbienfaisant.Jereniflebruyammentàcetteidée.Avant,lorsqu’ilavaitcettehorriblepilositésurlafigure,

j’aurais pensé qu’il lui faudrait quelque chose comme six mois de sommeil réparateur pours’améliorer ;mais,maintenant, jediraisqu’ildevraitprobablement rester éveillépendantquelquessemainesd’affilée.Desmois,peut-être.Avec le corpsqu’il a, il estplusbeauqu’aucunhommenedevrait être. Son visage,même s’il avait l’air dur et furieux ce soir,m’a fait penser à des chosesauxquelles je n’aurais pas dû songer. J’ai toujours eu un faible pour les pommettes hautes et lesmâchoirespuissammentdessinées.Lacicatricequ’ilasurlajouedroitesuffitpourluidonneràtoutlemoinsunebeautérude.Zut!Rienquedepenseràlui,çaréchauffevraimentlapièce.

Jamais,augrandjamaisjen’auraispenséquecettebruterencontréeChezFrankierévéleraitlevéritableOzziequisetrouvaitcachéen-dessous.Tuparlesd’unecouverture!Jecomprendspourquoiilestsifurieuxd’avoirdûl’abandonner,parcequemaintenantonpeutdirequ’onleremarque.Avant,ilétaittoutauplusunautredecesgrandsmotardschevelus;maintenant,c’estcommeunrêvedevenuréalité.Undecesjours,jeluidemanderaisic’étaitunebarbeposticheoubiens’ill’avraimentlaisséepoussercommeçaetaétéobligédelaraser.

Soudain,ilapparaîtsurlepasdelaportedelacuisineetmeregardeavecmauvaisehumeur.—Tum’appelles?—Non,saufsitut’appellesFélix.—QuiestFélix?Jesecouelatête.—Pourunprofessionneldelasécurité,tun’esvraimentpastrèsobservateur.Jeterépètepour

latroisièmefoisqueFélixestmonchien.Tusais…lechihuahuaquidoitprobablementêtreentraindedormirdanstonlitencemoment?

Il croise les bras sur sa poitrine. Pas le moins du monde intimidant, d’ailleurs. Despeccadilles!J’enrirais.

—Leschiensnedormentpasdansmonlit,déclare-t-il.EssaiededireçaàFélix.Jet’assure,ilarrivetoujoursàtrouverlemoyen.J’aiarrêtédel’éjecterdemonlitdepuislongtemps.Enfait,ilestformidableenhivercomme

bouillote pour les pieds. Il préfère dormir sous les couvertures au pied du lit que n’importe oùailleurs.Jenesaispascommentiltrouveassezd’oxygènepoursurvivre,maisilseréveillechaquematinenpleineforme,commesiderienn’était.

Ozzierepartet,quelquessecondesplustard,jel’entendshurler.

—Filsdepute!Sorsdemonlit,espècedeclébard!Onentendensuiteungrognementsourd,affreux.Jesaisquecen’estpasmonpetitbébé.Ozzieestmanifestementfroissé.—Oh,tuveuxplaisanter…Hé!jeunedame!Viensici,toutdesuite!Je devine qu’il doit s’adresser àmoi. « Jeune dame ».MayWexler, la « jeune dame ». Je

soupire.—LittleBoPeep!J’aibesoindetoiiciuneseconde!Jepensequejepréfère«jeunedame»àcesurnom.Jeme lève et prends le couloir le long duquel se trouvent les photographies encadrées des

gensavec lesquels j’aidîné ;égalementquelques lettresmisessousverre.Jem’arrêtedevant l’uned’ellespourlaparcourir.C’estunelettrederemerciementduchefdelapolicedelaNouvelleOrléansauxBourbonStreetBoyspouravoiraidéàattraperuncriminel.

Hum.Voilàunepreuvesupplémentairequejesuisdanslerefugedegenshonnêtes.Délicieux.C’est une vraieBatcave. Je me sens beaucoupmieux à l’idée de fermer les yeux et d’essayer dedormirunpeucettenuit.Peut-êtrequejen’auraipasd’affreuxcernesdemainpourmaprisedevues.Unefillepeutbienrêver.

J’arrivedevantunepiècedontlaporteestouverteetlalumièreinondelecouloir.Endeuxpas,jefranchisleseuild’oùjepeuxvoirl’intérieurdelachambreàcoucherd’Ozzie.Elleressembleàcequ’onattendraitd’untypecommelui:froide,nue,dumétalpartoutetunécranplatdetélévisionsurlemuravecquelquesgrosamplis,unordinateursurunetableenverreetuneconsolequisupporteuntéléphone.Lesdrapsdulitsontnoirs.Lefaitqu’ilssoientensatinauncertaineffetsurmoi.Jenem’yattendaispasdutout.Aprèsça,jemedemandecombiendefemmesontpuenprofiteraveclui.Etpuisjedevienstouterougeparcequejemerendscompteque,danslascènesuivantedemonrêve,ilesttoutnu.

Ohlàlà.Cerveaudemalheur!Arrêteçatoutdesuite.Pasunpasdeplus.—Qu’est-cequisepasse?Jeposelaquestiontoutenm’appuyantauchambranledelaporte;jefaiscommesij’étaistout

àfaitàl’aiseetpaslemoinsdumondetroubléeàl’idéedemetrouverdanssachambreauxdrapsdesatinnoir.Etcettemusculature…l’effetqu’elleasurmoi!

Ozziemontresonmatelasdudoigt.—Tonchienestdansmonlit.Jel’ignore.Félixesttellementaudacieux.Enfait,jesuisunpeujalousedeluiàl’heurequ’il

est.Jevoudraismeretrouverdanssesdrapsensatin,àroulersurmoi-même,glissantsurledessusdecelit.

Ah!Cerveaudemalheur,arrêteça!Arrêteimmédiatement!—Etalors?Commesiderienn’était.Tellementdétendue.Pasdutoutbouleverséepartoutce

satin.—Fais-lesortir.J’aiessayé.Ilmeregarded’unairfurieuxpendantunesecondeavantdesedirigerverslelit.Uneénormetêterousseémergeprèsdumatelas.Sahara.Ellegrondeetquandellefaitça,elle

ressemblevraimentàunedecesbêtesdel’enfer.Super.—Est-cequetutefichesdemoi?Ozzieavraimentl’airfâché.PauvreOzzie. Jepeuxàpeine imaginer ceque celame ferait simonpetitFélix se tournait

contremoi.Et c’est enpartiema faute si tout ceci arrive.Ouplutôt, c’est la faute deFélix qui esttellementadorable.Etjesuissacomplicepuisquec’estmoiquil’aiemmenéicienpremierlieu.

Ça ne marchera jamais. Je ne peux pas être tenue pour responsable parce qu’un chien se

détournedesonmaître.Jeressensuneindignationjustifiéequimonteenmoietmeprivedemonbonsens.

Jesecouelatêteetavanceàtraverslapièce.—Arrête.Jeprendsuntonfermeetc’estàpeinesijeprêteattentionàl’énormebête.— Félix, sors ton derrière pelucheux de ce lit. Immédiatement ! Félix baisse la tête et me

regardedesesminusculesyeuxbruns.Ilsaitqu’ilatortetutilisesaruse:Je-suis-trop-mignon-pour-être-puni.

Saharacontinueàgronder.—Laferme!Jeluihurledessus.Ellesetaitimmédiatementetbaisselatête.Ehbien!Jevaisavoirdumalàlapunirelleaussi.

Elleestmignonnequandellesesentcoupable.—Putain,murmureOzzie.JeprendsFélixsurlelitetlecoincesousmonbras.— Je t’avais dit qu’il aime dormir dans les lits. Tu devrais m’écouter plus souvent. En

principe,j’airaison,tusais.Je m’arrête parce que je me rends compte que j’ai pris l’air de ce que Jenny appelle

«susceptible».Jenesaispaspourquoi,maisqu’Ozziepuissepenserquej’aicetraitdecaractèremerendtriste.Etçasuffitàm’embrouiller.Pourquoidevrais-jemesoucierdecequ’ilpensedemoi?Ilesttempsdequitterlenavire.

Jefaisunsignedetête,mettantuntermeàl’épisode.—Bonnenuit.Jesorsde lachambresansunregardenarrière, refusantdecéderà l’instinctquimeditde

courir.

CHAPITRE12

J’installe Félix au bout demon lit de camp et j’essaie d’arrangermon coin aumieux.Meschaussuresserangentsouslelitetmonserre-têtevasousletoutpetitoreillerqu’onm’adonné.Jem’allongesurledos,lesacdecouchagesurmoietjeregardefixementleplafond,tâchantd’évaluermasituation.

Jedevraissansdouteêtrepluseffrayée,maisjen’arrivepasàrassemblerenmoil’adrénalineouleréflexedepeur.Peut-êtremonsystèmeest-ilbloqué?Pendantunebonneheureoudeuxcesoir,jemesuisretrouvéetétaniséedefrayeur.J’aiprobablementutiliséaucoursdelasoiréechaquegouttedepeurquiétaitenmoi.Toutcequimeresteàprésent,c’estlafacultéd’analyser;etc’estcequejecomptebienfaire.

Jemâchonneuncoindema lèvrequiest sècheet examine les faits attentivement.Ces typestravaillentaveclapolice,alorscesontdesgenshonnêtes.Ilssontdemoncôté.S’ilsontdesarmesici,c’estprobablementpourfaireleurboulot.Riendeplus.J’étaisuneproietoutetrouvéepoureuxs’ilsont l’habitudede tuerdesfemmes innocentes ;mais,au lieude tirersurmoi,demettremoncorpsdansuncongélateur,puisde lepasserdansunedéchiqueteuse, ilsm’ontdonnéde la soupe.Etpasn’importequelpotage…unesoupeextraordinaire.

Etàpartça?Ozzieestunesortedechef impressionnant !Hum.Jenem’yattendaispas. Jesourisenpensantàtoutcequin’aaucunsenspourmoi.Ilestcommeunebrutegéante,maispersonnen’apeurde lui,mêmequand il semetàhurler. Ils le respectent,maispasparcequ’ilsenontpeur.Maintenantquej’yréfléchis,j’imaginequej’éprouveaussidurespectpourlui.Ilsembleévidentqu’ilneveutrienavoiraffaireavecmoi,maisilm’asauvé.Pasjusteunefois.Deuxfois.Et,àprésent,ilm’aprocuréunendroitoùpasserlanuit,sibienquejepourrairentrerchezmoiquandilferajoursansdevoircraindreunbanditquimesuivraitdanssavoiture.Lesvoyousfontprofilbaspendantlajournée,non?Ceseraitbienplusrisquépoureuxdemepoursuivrequanddesgenspeuventlesvoir.Peut-êtresuis-jenaïve,maisc’estdel’obscuritéquilesprotègedontj’aipeur.

Zut!Peut-êtrequejepourraisdemanderàl’undecesBourbonStreetBoysd’allervérifiercequi sepassechezmoi avantque j’y retournedemain ;pour être sûrequ’iln’yapasdeproblème.Cetteidéemeréchauffelecœuretmeconfirmeégalementquejesuisfatiguée.Lasécurité.Degrandshommes musclés pour me protéger. Ouais. Il faut croire qu’il est minuit passé ; la pièce estconfortable,cequimesurprendvraiment.Ilsontunairconditionnéformidableici:justeassezfraispourquecenesoitpashumide,maispastropfroid,cequim’empêcheraitdem’endormircommeunpetitbébédanslesbrasdesamaman.

Jesuisjustemententraindem’assoupirquandl’odeurmefrappe.—Oh,monDieu!dis-jedansunmurmure,inspirantlargementpourêtrecertainequejene

suispasentraindefaireuncauchemar.Félix,c’esttoi?Mesyeuxs’ouvrentd’uncoup.Etpuis j’entendsungémissement,unglissementsur le soletungrognement. Je réaliseque

Félixetmoinesommespasseulsdanslapièce.Tournantlatêtesurlecôté,jevoisl’énormebête,lapetiteamiedeFélix,étendueàcôtédemonlitdecamp.

—Dieuduciel,Sahara,est-cequetonmaîtreadesmasquesàgazquelquepart?Parcequ’illedevrait.Bonsangdebois!

Jetirelesacdecouchagesurmonvisageetj’essaiederespirer.Oublionslesentimentquej’avaisd’êtreconfortablementauchaudetprêteàm’endormir.Je

suistoutcequ’ilyadepluséveilléemaintenant,aubeaumilieud’uncauchemarquipuelesgazd’unchiendel’enfer.

—Seigneur,qu’est-cequ’ilstedonnentàmanger,tupeuxmeledire?J’entendsunautrebruitettournelatêteverslecouloir.Unefaiblelumière,quelquepartdans

lacuisine,tombesurlatêteetlesépaulesd’Ozzie.—Jepeuxt’aideràquelquechose?Maquestionpasseàtraverslesacdecouchagequimesertdemasqueàgazpastrèsefficace.

J’espèrequ’ilnevapaspenserquec’estmoiquisensmauvaiscommeça.Ilpousseungrandsoupir.—Viensdansmonlit.Jeclignedesyeuxàplusieursreprises,nesachantpassijel’aibienentendu.Lapuanteurapu

affectermonaudition;çasentvraimenttrèsmauvais.J’aicruentendreuneinvitationàmonteraucieltomberdeseslèvres,maisçanepeutpasêtreça.

—Pardon?—Jevoulaisdireprendsmonlit.Jenepeuxpastelaisserdormirsurcelitdecamp.Desvisionsdesesdrapsensatinmedonnentlasueurfroide.—Hum.Non,merci.Pasquestion.Jenesuispasnymphomane,maisonnepeutpasmedemanderdesupporterça.

Êtredanssonlit,danscesdraps-là,etluiaveccetorseetcesbras.Non.Toutsimplement…non.—Jeprendrailelitdecamp,reprend-il,ensauveurinfatigablequ’ilest.Mavoixmontejusqu’àunregistreélevétellementjefaisuneffortpourparaîtreinsouciante.—Non.Toutvabien.J’adorecamper.Celitestabsolumentparfait.Vraiment.Gardeletien.Je

seraibienici.Ilavanceunpeuplusdanslacuisine.—Thibautvam’engueulersijetelaissedormirici.Allons,jeprometsquejeneviendraipas

t’ennuyer.Prendslelit,toutsimplement.Lesdrapsontétélavésaujourd’hui.J’aidumalàavaler.Monespritsefiguresiclairementsoncorpsnu.CommeilporteunT-

shirt serré, ça ne m’aide pas à effacer ces images. Parfois, je regrette vraiment d’être unephotographe.Toutcedontj’aibesoin,c’estducontourdesmusclesetmoncerveauremplitlereste.

—JediraiàThibaultquej’airefusé.Net’enfaispas.J’attendsqu’Ozzieparte.C’estpratiquementcommesij’avaisfaitgraveruneinvitationpour

qu’ildécamped’iciàl’instant.Ilpenchelatêteetilmefaitpenseràunchienpaumé.—Jenecomprendspas.Qu’est-cequetunecomprendspas?

Jefaisredescendrelesacdecouchagedequelquescentimètres,libérantunpeumonvisage.Jehumel’airetsensquejepeuxprobablementrespirerànouveausanscrainte,cequiestsuperparcequ’ilcommençaitàfairediablementchaudlà-dessous.

—Jeteproposeunvrailitdansunechambreavecuneportequetupeuxfermeràcléettumedisquetupréfèresdormirsurcelitdurdanslacuisine?

Illèvelenezenl’air.—Ondiraitqueçasentlessaucissesici.Je soupire, sachant que même s’il peut être difficile d’en faire usage, une petite dose

d’honnêtetéseratrèsefficacepourquecetypes’enaille.J’ail’impressionqu’Ozzieestvraimentdugenreclairetnet,maisjepeuxtoujoursessayer.

—Écoute,Ozzie.Jeteremerciedetonhospitalité,maisjenevaispasallerdormirdanstonlit.Cen’estpaslefaitquelesdrapssoientsalesouquelelitdecampsoitconfortablequimefaitdirenon,d’accord?C’estparcequ’ilssontensatin.Etcesontlestiens.Alors,retourneaulit,tuveux?Etemmènetachiennepuanteavectoi,parcequecenesontpasdessaucissesquetusensici;elleadesgaz.

Ilnebougepasetmefixedesyeux.Lachaleurdesonregardcommenceàs’infiltrerdansmesos. Le temps de l’honnêteté est passé. Passé, passé, passé. Maintenant, il faut vraiment que je medébarrassedelui.

—Honnêtement,Ozzie,encemoment,tumefais…commequidirait,peur.—C’estàcausedelabarbe?Ilal’airsivulnérablequejenepeuxpasm’empêcherdepouffer.Jecroisquej’aivraiment

touchéunecordesensibleavecça.Oups.—Non,cen’estpaslabarbe.O.K.?Tabarbeétaithideuse,maisellenefaisaitpaspeur.Ce

n’estpasçaquim’empêcheraitd’allerdanstonlit.Quelleconnerie. Jenepeuxpascroireque j’aieditunechosepareille.Mesoreillessonten

feu.Voilàpourl’honnêteté!—Jesuisdésolésij’aipuêtreimpolitoutàl’heure.Dieumerci, iln’apassaisi l’allusionquej’avaisservieavecmadernièreréflexion.Jepeux

respirerànouveaunormalement.Presquenormalement.—Tun’aspasétéimpoli.Enfin,d’accord,peut-êtrequetul’asétéunpeu,maiscelanem’a

pasgênée.—Pourquoi?Jehausselesépaulesparcequejenesaispastrèsbienpourquoimoi-même.—Jenesaispas.Justecommeça.Unbonmomentsepasseavantqu’ilneparle.—Tun’espascommejelecroyais.Ah?Jebâillevraimentbruyamment,mesyeuxsefermenttoutseuls.L’heureoùjemecoucheest

passéedepuislongtempsetàprésentOzzieestgentil.J’auraispresqueenvied’allermeglisserdanssonlitetdem’yendormir.Demain,j’auraidel’énergiepourmedisputerencoreaveclui.

—P’têtebenpasquej’suisLittleBoPeep.Jesuisunvraicaméléon.Jemeretrouveentraindepenseraujouroùj’aiprisdesphotosdecesalauddeDonJuandans

un parc et je souris dans mon demi-sommeil. Je l’avais vraiment bien chopé. J’ai pris plus decinquanteclichésdeluiavecsonbraspasséautourdecettefillequiétaitdeuxfoisplusjeunequelui,l’embrassantdanslecou,luioffrantuncadeaudansuneboîteàbijoux.C’estpeut-êtreluiquiatirésurmavoiturehiersoir.Jefronceunpeulessourcilstandisquemonespritsemetàvagabonderdanscecauchemarpossible.

—J’imaginequetupourraisunpeujouerlescaméléons,ditunevoixgravesurmadroite.Jesuistropfatiguéepoursavoird’oùellevient.—Allez,vacomptertesmoutons,LittleBoPeep,continuelavoix;elleauntimbreetunton

apaisants.Àdemain.J’imagineuntroupeaudemoutonsblancsetduveteuxsautantpar-dessusunebarrière.Bong,

bong, bong ! Si paisibles. Si agréables. Et fatigants. C’est alors qu’un bélier noir géant, avec descornesrecourbéessurlatête,arriveprèsdelabarrière,s’yarrêteetmeregardeaveccolère.

— Eh bien ? Je marmonne, agacée parce qu’il m’empêche de dormir. Allez, finissons-en.Sautedonc,espècedebêtepoilue.

Quelqu’unricane.Etc’estladernièrechosedontjemesouviensquandjemeréveilledansunecuisinequejene

connaispas, complètementperdue et regardant fixement le textodema sœurqui vient deme tirerd’unprofondsommeil.

Masœur:Si tunem’appellespasdanslesdixprochainesminutes, j’appelle lesflics.Jene

plaisantepas.Appelle-moi.Toutdesuite.

CHAPITRE13

—SalutJenny.Lacoquedemontéléphoneportableestfraîchecontremajoue.—Saluttoi-même.Oùétais-tupassée?J’aiessayédetejoindretoutelamatinée.Je bâille, essayant de m’étirer un peu. Le lit de camp n’était pas une bonne idée. J’ai des

courbaturesdanstouslesendroitssensibles.—Tunemecroiraispassijeteracontais.Quelleheureest-il?Jeplisselesyeuxendirectiondufourneau,maisjenepeuxpaslireleschiffressurlapendule

numériquedelàoùjesuisassise.—Ilest8h45.Tun’aspasuneprisedevuesaujourd’hui?Oùes-tu?Cheztoi?Putain!Jenesuispaschezmoi.Mêmeplutôtloin.Je saute surmespieds et tourne en rondà la recherchedemes chaussures. Je lesdécouvre

repousséestrèsloinsouslelit.—Merdealors.Tuveuxquej’yaillepourteremplacer?—Oui!Fonce!Jeserailà-bas…jenesaispas.Bientôt.J’essaiedemerappeleroùjesuisexactement.Leport.O.K.Maintenant,jem’ensouviens.Jeserailàdansvingtminutes.Masœursemetàrire.—Unenuitblanche,c’estdur,hein?—Cen’estpascequetucrois.Jem’écrouleparcequej’aiessayéd’enfilermesespadrillesdebout.Cequejedissortplutôt

commedesgrognements.— D’ailleurs, pourquoi tu n’es pas au travail aujourd’hui, à coder des programmes

informatiquesjusqu’àt’userlesdoigts?—Cesontdesapplis,May,desapplications.Etjesuislibreceweek-end.Enplus,Sammyest

malade.Jenepourraispasl’envoyeràlagarderiemêmesijelevoulais.Jem’assoissurlelitdecamppournepasmefairemal,glissemespiedsdansmesespadrilles

enpassantundoigtàl’arrièredutalonpourqu’ellesacceptentdecoopérer.—D’accord.Vaaustudioetoccupe-toidesclients.—Jem’enoccupe.Trèsbien.Etcommentjem’yprendsexactementpourça?—Jenesaispas:tuleurlaissesentendrequeleurscheveuxsontébouriffésouquelquechose

danscegenre-là.Installe-lesdanslevestiaire,dis-leurquejesuispartiechercherunnouvelobjectif

pourmonappareiletquej’arriveraipour09h30.— Cinq sur cinq. Et j’attends une explication complète de ta soirée quand tu auras fini ta

journée.—Tul’auras.Touslesdétailscroustillants,jetelepromets.Jesuislàdansunedemi-heure.—Àtoute.Elle raccrocheet jebalance leportable sur le lit. «Félix !»Je suisdésoléede te réveiller,

Ozzie,maisilfautquej’yaille,vraiment.Jesuischausséeetcoifféeavecmonserre-tête.Lesacdecouchageestrepliéetposésurlelit.

Alors,jem’aperçoisquepersonnen’aréponduàmonappel.—Félix!Viensici,monbébé.Ilesttempsdepartir!Rien.Jeregardefixementlecouloirquimèneàlachambred’Ozzie.Est-cequejedevraisyaller?

Ets’ilétaitnu?Mespiedsbougentsansquejem’enrendevraimentcompte.Uninstantjemetrouveprèsde

monlitetlaminuted’après,mevoilàsurleseuildesachambreetiln’yaaucunenuditéàregarderoùquecesoit.Zut!Lelitestsibienrefaitquejepourraisprobablementfairerebondirunepiècededixcentimesdessus.Iln’yapasplusdechiensqued’êtreshumainsici.

Jepasserapidementauxtoilettesetreviensdanslacuisineoùjetrouveunenotesurleplandetravail.

Emmenélesclebsenpromenade.Reviensbientôt.T’accompagneraicheztoi.Jeconsultelapenduledanslacuisine.Ilestdéjàpresque9heures.Jeneseraijamaisàl’heure

austudios’ilfautquej’attendeFélixetjenepeuxpasmepermettredeperdreceboulot.—Putain!Je retourneencourantàmon téléphoneetenvoieunmessageàOzzie.Mais lasonneriequi

annoncelaréceptiondutextovientdesachambre.Mevoiciaucourant:ilestpartisanssonportable.—Putaindemerde!Jesaisislestyloquiaserviàmelaisserunmotetgriffonneuneréponseaudosdelafeuille.J’ai dû y aller, des clients m’attendent.Mon studio de photos se trouve 1001 boulevard du

MémorialdesVétérans.SeraireconnaissantesitupouvaismeramenerFélix.Maisjepeuxrevenirlechercher en fin de journée, si nécessaire. Merci pour ton hospitalité. J’ai essayé de t’envoyer unmessage,maistuaslaissétontéléphoneici.

J’espéraisqu’Ozzieseraitderetourpendantquejerédigeaislemessage,maisjen’aipascettechance.Jesuissurlepointdesortir,maisquelquechosemefaitalorsrevenirsurmespasetajouterunmotàcequejeviensd’écrire.Jeneveuxpasqu’ilmegarderancunedecequejeluiaidithiersoir,paspendantqu’ilgardemonFélixenpeluche.

Pardonausujetdelabarbe.Ellen’étaitpastropaffreuse,maistuesbeaucoupplusbeausans.Voilà.Çadevraitapaisersasusceptibilitéàcesujet.Jesourisenfonçantdanslasalledesninjas

etjecontinuedesourirelorsquejevoisqu’ilalaissélaporteuntantinetouvertepourquejepuissesortir.Àprésent, iln’ypasdecodeélectroniquequimeretienne.Laportedugarageestégalementgrandeouverte. Je ne fais que jeter un coupd’œil à l’impact de la balle qui a fait un troudans laportière,côtéconducteuretjemontedansmaSonic.Jequitteleportàtouteallure,commesij’avaisundealeràmestrousses.

CHAPITRE14

La famille, fort contente et photographiée sous toutes les coutures, n’a pas quitté le studiodepuistrentesecondesqueJennymebombardedequestions.

—O.K.Accouche,petitesœur.Jeveuxtoutsavoir,dudébutjusqu’àlafin.N’oublierien.Jem’assoissurmontabouretetattrapeunebouteilled’eau;j’aiunpetitfrigidairelogédans

uncoin.Jedévisselebouchonetsoupire.—C’étaitfou.Complètementettotalementfou.J’avaled’untraitlamoitiédelabouteillependantquemasœurdigèremonentréeenmatière.Du coin où il joue,monneveudéclare : «Plètement fou. »Ses sœurs ont été invitées à un

anniversaire,Dieumerci.On a assez à faire avec lui,même quand il est tout seul.Heureusement,l’heuredesasieste tombaitpendant laprisedevues,sinonJennyetmoiserionsépuiséesà l’heurequ’ilest.

Jebaisselavoix,sachantquetoutcequ’ilentendpeutêtrerépétédevantsonpère.—Tutesouvienshierquandtuesalléechercherunnouveautéléphone?—Oui.Elleleprendetl’agitedevantmoi.Tuaimes?Oui.Jefaislesgrosyeuxenvoyantl’étuid’unvioletbrillant.Masœuradorecettecouleur,depuis

qu’elleesttoutepetite.—Voilà.J’aireçuuntextohiersoiretj’aicruqu’ilvenaitdetonnouveautéléphone.Elleleregarde.—Maisjet’aienvoyéunmessage.Jesais.Maisquelqu’und’autreaussi.Jetiremonportabledemapocheetleluimontre.—Tuvois?Regarde.Ellefroncelessourcilsenparcourantlesmessages.—Jenecomprendspas.— J’ai pensé que cette personne, c’était toi. J’ai cru que tu avais un portable temporaire et

qu’il s’agissait d’un numéro éphémère. Alors, quand j’ai lu que tu me demandais d’aller ChezFrankie, j’y suis allée. J’imaginais que tu y étais avec les enfants et que tu avais perdu la tête ouquelquechosedecegenre.

J’attendsqu’elleenregistrel’explicationpendantqu’ellecontinueàlire.—Oh.Ehbien!

—Tupeuxledire.Ellelèvelatêteetmeregarde.—Alors,qu’est-cequis’estpassé?TuesalléeChezFrankieetjen’yétaispas,évidemment.À

propos, je n’arrivepas à croire que tupourrais vraiment penser que j’iraisChezFrankie avec lesenfants.Cetendroitestunvraicoupe-gorge.

— Je veux allerChezFrankie ! » hurle Sammy. Il est trop occupé à arracher la tête d’unepoupée Barbie pour nous regarder, mais cela ne veut pas dire que ses oreilles ne sont pascomplètementbranchées.

— Oh, Seigneur. Ma sœur ferme les yeux et respire profondément, laissant ensuite l’airressortirtrèslentement.Elledétendsoncorps.Elleestentraindeselivrerautrucdelaméditationapaisantequil’empêched’exploser.Cequ’ellefaisaitavantunefoisparjour.Àprésent,elleexploseaumoinsunefoistouteslesheures.

—Onn’apasdit“ChezFrankie”;onadit“auMcDonald”.Jeparlebienfortetadresseunclind’œilàJenny.

EllelèvelesyeuxaucielquandSammybonditsursespiedsetcommenceàcourirautourdustudio.

—AuMcDonald,auMcDonald,hip-hip-hip,pou’McDonald.—Super.Elle lèvesamain libre.Allonsgavercetenfantdegraissessaturéesetdesodium.

Excellentplan,May.Ellefermelesyeuxetsecouesatêtequis’estaffaissée.Jeluidonneunepetitetapesurlajambe.—Net’enfaispas.Ilpeutattendre.D’ailleurs,jenebougepasavantd’avoirrécupéréFélix.Jennybalaielesolduregard.—Pourquoiest-cequejeviensseulementdemerendrecomptequ’iln’estpasici?Satêteserelèved’uncoup.—Oùest-il?—Ilestlàoùj’étaislanuitdernière.LesyeuxdeJennyretrouventleuréclat.—Etoùest-cequec’est,dis-moi?Jedésignelestextossurmonportable.Jesuisalléeàl’endroitquiestindiquéici,quin’estpasunMcDonald,etpendantquejepartais

àtarecherchedanslasallearrière,quelquechoses’estpassé:uncoupdefeuaététiréouquelquechosecommeçaetuntype,ungrandmotardchevelum’apousséeparlaportedufondjusquedansuneallée.

Quoiiii?!!Jennym’agrippelebrasetmesecoue.Tun’asrien??!!Sonvisagesetrouveàdixcentimètresdumien,lesyeuxpleinsd’uneinquiétudequeseuleune

sœurpeutavoir.Jemetortillepouréchapperàsapoigne.—Jevaisbien,commetupeuxlevoir.J’essaied’aplatirquelquesplissurmonchemisiertoutencontinuantmonhistoire.—Donc,j’aiessayéderentreràlamaison;maisensuite,quandj’aicomprisquequelqu’un

m’avaitsuiviedepuislebar,j’aifaitundétouretjel’aisemé.Après,letypeàquij’avaisenvoyédesmessagesm’aguidéejusqu’àl’adressedesonentreprisedesécuritéetj’aipassélanuitlà-bas.

Elleplisselesyeuxetm’examine.—Etpourquoiest-cequej’ail’impressionquetunemeracontesqu’unetoutepetitepartiede

cettehistoire?Jefaisunlargesourire.—Parcequetuascetteimpression?

Ellemedonneungrandcoupsurlebras.—Raconte!Tusaiscommemavieestennuyeuse.Ellejetteunregardàsonfilsquis’efforcedeseglisserdansunerobe.Iladéjàchaussédes

sandalesrosesàtalonshauts.Monstudiodephotographieestformidablepourjoueràsedéguiser.— Je crois que je suis tombée sur quelque chose comme une descente de police ou une

infiltrationpardesprivés.Letypequiatirédanslebaradûpenserqu’ildevaitmesuivre.Dumoins,c’estcequejecroisdeviner.

—Oh,monDieu,c’estterrible.Sesyeuxseremplissentdelarmes.—Non,toutvabien.Jenesaispaspourquoijepensequ’ellevamecroire.Jenesaismêmepassij’ycroismoi-

même.Cen’estpascommesicetireurallaitdisparaître.J’imaginequej’aidelachance:aumoins,ilneconnaitpasmonadresseprivée.

—Biensûrquenon:çanevapas.Ellem’examineplusattentivement.—Tuasétéblessée?—Non,pasuneégratignure.Ellemontremonvisagedudoigt.—J’envoispourtant.—D’accord,quelqueségratignuresderiendutout.Jemesuisprisdescopeauxdebois.Elleattendquejeluiendisedavantage,maisjen’enfaisrien.—Descopeauxdebois!Unevraiepince-sans-rire.— Oui, des copeaux de bois qui ont volé en éclats et m’ont touchée au visage. Rien

d’extraordinaire.— Je ne comprends pas comment tu pouvais être dans un bar et te retrouver blessée à la

figure.Elleestentraindesemettreencolèreàprésent.Jeluidistout,oujechoisisdememettreà

montourencolère.Pourm’ensortir.Questiondetactique.—Tupeuxtoutmeraconter.Ellesoupireprofondément.Tusaisquemavien’enestpasune.

Ettusaisquesiquelquechoset’arrive,ceseraàmoideramasserlesmorceaux.—Enfait,voilàdeuxraisonsparticulièrementconvaincantespourneriendire.—D’accord.Tuveuxemployerlesgrandsmoyens?Moijepeuxemployerlamanièreforte.

Qu’est-cequetudisdeça?Situnemeracontespastout,jepartiraiunesemainedansnotremaisondecampagneetjetelaisseraiavecmesenfants.

Lapeurmetranspercelecœur.—O.K.,d’accord.Jevaisteraconter.Maiscen’estpasparcequejen’aimepasmesnièceset

monneveu.Ellesouritd’unairentendu.—C’estd’accord.—Bien.Alorsjesuisalléedanscebar,jemesuissauvéedansunealléeaprèsqu’uneballea

faitvolerunéclatd’unetableprèsdelaquellejemetrouvais…—Uncoupdefeu?Masœurattrapemonbrasetsesongless’enfoncentdansmachair.Jelèvemamainlibrepour

l’empêcherdeflipper.—Attends.Gardeunpeutesquestionspourlafin.— May, oh mon Dieu, on t’a tiré dessus ? Comment veux-tu que je ne réagisse pas en

entendantunechosepareille?

Jedétacheavecprécautionsamaindemonbras.—Écoute…laisse-moiteracontertoutel’histoireettupourrasréagirautantquetuvoudras.—D’accord.Maisjemeréserveledroitdeflippercomplètementlorsquetuaurasfini.Lorsque j’ai terminé de la régaler avec les détails, Jenny se contente de me dévisager. Je

demeuresilencieuse,luilaissantletempsdedigérertoutcela.C’estalorsquesonregardpivotepourseposerquelquepartau-delàdemonépaule.

—Ohpunaise14!finit-ellepardirelesoufflecourt.Elleregardefixementparlabaievitréedemonstudiodephotographie.

—Oh,punez,répèteSammy.Ohpunezsurunbâton.Laclochettedelaporterésonnetandisqu’onlapousseversl’intérieur.Jemelève,nerveuse

toutd’uncoup,lorsquejevoisquiestlà.Jetiresurlebasdemonchemisierpouressayerdegommerlesplisquienmarquentlecoton.

—Saluttoutlemonde,claironneOzzietandisquesesyeuxexaminentlapièce.Sasilhouettemassiveemplitl’entrée.

14.Enanglais(US)«holymacaroni»,unedesexpressionsfavoritesdeHomerSimpson.

CHAPITRE15

Jennyserapprocheenhâtedemoi.— Bonjour, dit-elle avant que j’aie pu répondre. Elle tire sur son T-shirt pour cacher ses

poignéesd’amour,puiss’essuienerveusementlesmainssurseshanches.Quiêtes-vous?C’estvousquiavezgardéFélix?

Illaregardebrièvementenfronçantlessourcils,puisreportesonattentionsurmoi.—Jet’airamenétonchien.— Comment s’appelle-t-il ? Je le taquine avec cette question pour sortir de ce moment

embarrassant.—Clebs.Ozzienesourcillepas,mais jepourrais jurerquej’aivucommeunéclairpétillerdansson

œil.IldéposeFélixsurlesoletrestedebout.FélixseprécipiteversSammy.—Fee-Fee!s’écrielepetitgarçonensepenchantpourprendrelechiendanssesbras.Ilsait

qu’iln’estpascenséleprendreainsi,maiscetterèglen’interditpasdeserrerunchiencontresoiaurisquedel’étrangler.Félixfaitsondevoiretacceptecetémoignaged’affectionsansmordre.

—Ilne s’appellepasClebs ;maisFélix. Je faisungestepourprésenter Jenny.Etvoicimasœur,Jennifer,etsonfils,Sammy.Jenny,voilàOzzie.

Nous nous retournons à temps pour voir Sammy fourrer Félix dans un sac à bandoulièresbrillantqu’ilsuspendàsonbras.LespattesarrièreetlaqueuedeFélixdépassentdel’ouverture,satêteestinvisible.

Jemehâted’intervenirtandisquemasœurprendlecontrôledelaconversation.—Voyons,laissez-moideviner…Vousêtesletypequiasauvémapetitesœurhiersoir,n’est-

cepas?—Jeluiaidonnéunendroitoùpasserlanuit.Ellecroiselesbrassursapoitrineetsecouelentementlatête.—Eeeeetvousluiavezgardésonchien.—Enfait,j’aiétépromenersonchienetelleestpartieavantquejenerentre.Jereviensparmilesadultes.—J’ensuisvraimentdésolée.J’avaisunrendez-vouspouruneprisedevuesetjenepouvais

pasladécommander.Jenesavaispasoùtuétaisparti.—Oh,monDieu!crieJenny.Sonvisageaprisunmasquehorrifié:ellefaitquelquespasen

arrièreenregardantànouveauparlabaievitrée.

Unegrossetêterousseetunetraînéedebaveapparaissentàmaported’entrée.—Sahara!hurleOzzie.Jet’avaisditderesterdanslacamionnette!JennycourtversSammyetl’attrape,lesoulevantdanssesbrasleplushautpossible.—Hé!Repose-moiparterre,maman!Zeveuxzouer!Il tentederedescendre,maisellele

tientd’unemaindefer.—Qu’est-cequec’estquecettechose?demande-t-elle,visiblementterrifiée.Jevaisverslaporteetl’ouvre.—Cettechoses’appelleSahara.C’estlanouvellepetiteamiedeFélix.Lachiennegéante entrenonchalammentdans le studio, regardeautourd’ellepuisdécouvre

Félixentraindeléchersespartiesintimes.Ilsetientdevantledécordeprairieinstallépourlafamilledontjeviensdefairelesportraits.Saharas’approcheets’étalesurledrapoùsetrouveFélix;elleposesatêtesursespattes.

—Oh,Dieuduciel!Enfait,ilestplutôtmignon.JennylaissedoucementglisserSammylelongdesajambe.—Onnerisquerien?ElleregardeOzzie.—Ilaimelesenfants?—Cen’estpasunmâle,c’estunefemelleetjepensequ’ellelesaime.Je regarde Ozzie pour avoir confirmation. Il est trop occupé à froncer les sourcils pour

répondre par oui ou par non. J’ai l’impression qu’il voudrait affirmer qu’elle est un monstremangeur d’enfants.Mais Sahara ne ferait probablement que péter et s’endormir ; et il aurait l’airidiot.Alorsilnerépondpas.C’estunhommeintelligent.

Ilsoupire,commes’ilbaissaitlesbras.—Viens,Sahara.Ilesttempsdepartir.J’attrapemonappareilphotoetmedirigeversleschiens.Ilssonttropadorablespournepas

avoirenviedeprendrequelquesclichéspendantquejelepeux.Félixtourneenrondjusteàcôtéduventre de Sahara, manifestement à la recherche de la meilleure couchette pour chien sur le drap.Quandilestinstallé,jecommenceàpresserledéclencheur,cequiactionnel’obturateuràplusieursreprises.

—Tuveuxquej’allumeleslumières?demandeJenny.—Oui.Jemedéplacepour avoir unmeilleur angle.L’expressiondeSahara est impayable.Elle est

amoureuse.—Non.Ilfautqu’onyaille,déclareOzzie.—Çavajusteprendreuneseconde,intervientJennyàvoixbasse.Attendezetvousallezvoir.

Masœurestungénieavecsonappareil.MajoueetmonnezsontcollésaudosdemonCanon.—J’aimebiencequetuasditaveclemotappareil.Jelaisseéchapperungrognement.— En fait, tu as eu une note épouvantable en physique. Je pense que pour être traitée de

véritablegénie,ilfautfairemieuxqueça.—C’étaitaulycéeetj’aieulamoyenne,pasunenoteépouvantable.J’écartemon appareil photo demonœil etme déplace pour trouver un autre angle de vue

avantderegarderànouveaudansleviseur.—Àl’université,j’aieumentiontrèsbien,alorstuferaismieuxdelaissertomber.Ellenemepermettradoncjamaisd’oublierl’uniquemauvaisrésultatquej’aieu?Jeregardel’écrandemonappareiletfaisdéfilerlesdernièresphotosprises.Magnifique!Je

pourraisenfaireuncalendrier.Jevaislesmettresurmonsiteweb,çac’estsûr.—Çanet’embêtepassijelesutilisepourmapublicité,n’est-cepas,Ozzie?Ilne répondpas,mais jecontinueàprendredesphotos.Les lumières s’allument,cequiest

encoremieux.—Ohlàlà,jesuisauseptièmecielencemoment.Et,soudainement,quelquechosedegrandetdenoirvients’encadrerdansmonviseur;alors,

lamiseaupointautomatiques’enclencheetjeréalisequecettechose,c’estunpostérieur.Enfait,untrès beau postérieur. J’en prends deux clichés, juste pour m’amuser. Ozzie est penché en avant etessaiedeconvaincresachiennequ’ilesttempsdepartir.

—Debout,Sahara,debout.Iltiresursoncollier,maisellenebougepasd’unpoil.—Est-cequetupeuxteretourneruneseconde,s’ilteplaît?Ozzie se relève avec l’intention de discuter et je l’ai avec un éclairage parfait. Je prends

quelquesphotosavantqu’ilaitletempsdesortirducadre.J’écartel’appareilphotodemonvisage.—Qu’est-cequinevapas?—Jenesuispasvenuicipourmefairephotographier.Jesuisvenuteramener tonchienet

t’escorterjusqu’àcheztoi!Onentendraitvolerunemouche.Lediscretchevalierdanssonarmurebrillante.J’aime!Jennysouritd’uneoreillejusqu’àl’autre.Nouslaregardonstouslesdeuxd’unairmauvais.Moi,parcequ’àlavoirondiraitquejen’ai

d’yeux que pour lui ou quelque chose comme ça ; et lui, je ne sais pas. Peut-être est-il en colèred’avoirencoreàs’occuperdemoi.

Jennybougelapremière.— Peu importe, amusez-vous bien, les enfants. Il faut que j’aille chercher de quoi faire

déjeunerSammyavantqu’ilnemefasseunecrised’hypoglycémie.Elle l’attrape : robe, talons et tout le tintouin, puis se dirige vers la porte.Au passage, elle

prendsonsac.Jeluicrietandisqu’ellesort:—Jepensaisqu’ondéjeunaitensemble.—Ilvautmieuxdemanderàtonescortedet’emmener.J’aidescoursesàfaire.Salut!Jesuissurlepointd’ouvrirlabouchepouranticiperlemécontentementévidentd’Ozziequi

doitànouveaumesecourir,maisjelarefermeprécipitammentlorsquel’odeurmefrappe.—Seigneur!J’attrapeunechemisequeSammyavaitprisesurlescintresetlaisséesortie:jel’appliquesur

monnez.Ozziefroncelesienencomprenantcequivientdesepasser.—Oh,pourl’amourduciel,Sahara!Qu’est-cequetuas?— Tant qu’à deviner, je dirais des saucisses. Je fais un clin d’œil à Ozzie, par-dessus la

chemise.Ilessaiederesterfâché,maisn’yarrivepas.Sonvisagerougitjusteuntout,toutpetitpeu,et

sedétend.—Impossibledenepass’énerverquandellefaitça.Jeluidonneunpetitcoupespièglesurlebras.—Ne t’inquiète pas si tu n’arrives pas à garder ton calme avecmoi. Il faut beaucoup plus

qu’unpetdechiennepourmefairefuir.Toutmoncorpssefigeaumomentoùjeréalisecequejeviensdedire.ÀOzzie.Avectousses

muscles.Etsachemisenoireetsonjeanmoulant.Oh,Seigneur!Lorsqu’il renverse la têteenarrièreetpartd’unrire tonitruant, jepeuxenfinmeremettreà

respirer.

CHAPITRE16

—Alors,c’esticicheztoi.Ozzie traverse le vestibule sur lequel s’ouvre la porte d’entrée demamaison, puis pénètre

danslesalon,l’œilintéressé.Jenepeuxpasdires’ilaimecequ’ilvoitounon:sonexpressionestneutre.Sonoffredevenirs’assurerquetoutbaignaitchezmoiétaittroptentantepourquejelarefuse.Jevaisprétendrequej’aiditouiparcequejem’inquiétaispourlasécuritédemondomicile,etpasparcequejevoulaisencorelevoirfairejouersesmusclessoussonT-shirt.

—Oui!“Qu’onestbienchezsoi”!Jetraverselesalonetpassedanslacuisine.Jeprendsdelanourriturepourchiendansl’undes

placardsmurauxetremplisdeuxbols:untrèsgrandetuntoutpetit.Saharaavalesaportionencinqsecondes-chronoetfaitentendreunrotsonoreavantdes’affalersurlesol.Félixprendentresesdentsquelquespetitescroquettes,lestransporteàl’autreboutdelacuisineetlesdégustedansuncoindelapièceavantderevenirenreprendredanssonbol.

—Qu’est-cequ’ilfait?demandeOzzie,fixantFélixavecuneexpressionmédusée.Jeregardemoiaussi,enchantéeparl’idiosyncrasiedemonbébé-chien.—Onappelleça“platàemporterpourchien”.Félixnemangejamaisdanssonbol.Ilpense

quec’estgrossier.Sahara s’assoie sur ses pattes arrière et regarde Félix aller et venir, et recommencer.C’est

presquecomiquedevoirsatêtetourneràdroitepuisàgauche,commesielleregardaitunmatchdetennisauralenti.

Ozzieexaminelapiècederrièrelui.—Est-cequequelquechoseparaîtavoirétédéplacé?Jemetsquelquessecondesavantdecomprendrecequ’ilveutdire.—Hein?Pourquoidis-tuça?L’instantd’avant, j’étais fascinéeparnosadorableschiens,maintenant je reprendspeur.Les

événementsdelanuitprécédenteserappellentàmamémoire.Iln’enparaîtguèreaffecté.—Onnesaitjamais.Justepourenêtresûr.Jeposelamainsurleplandetravailpournepastomber.J’aiunpeulevertige.—Es-tuentraind’insinuerqueceluiquiaessayédemetuerauraitpuvenirici?Ozziequittelacuisineetsedirigeversl’escalier.

—Jevaisjustefaireuntourd’inspection,situveuxbien.—Biensûr.Regardetoutcequetuveux.Mon esprit s’emballe. Je ne suis pas rentrée chez moi hier soir, alors comment le tireur

pourrait-ilsavoiroùj’habite?Ilnelepourraitpas,n’est-cepas?Jenefaispasdepublicitépourmontravailsurmavoiture.J’avaisl’intentiondelefaire,maisilfautdirequejenesupportaispasl’idéedecollerquelquechosesurmabellepeinturerougebrillant.Jem’étaisditque,lorsquejemeseraisun peu lassée dema voiture, jemettrais un panneau dessus. À présent, je suis contente de ne pasl’avoirfait.L’anonymatasesavantages,toutparticulièrementpoursemerdesmeurtriers.

J’entendsdespasau-dessusdematête.Jecrie:—Toutvabienlà-haut?—Jepense.Jen’aipasdécouvertd’hommesbizarrescachés.Hihi!Cen’étaitpasdutoutdrôle.Ilnedevraitpasplaisantersurcesujet:jepourraisêtreattaquée.

Quelgenred’expertdelasécuritéest-ildonc?Enhâte, jegrimpe l’escalier. Jemedemandesi j’aipenséà refairemon lit.Croyez-moiou

non : lapeurquemapiètre façondem’occuperduménagesoit remarquéeestplus fortequecelled’êtresuivieparunmeurtrier.Surtoutaprèsavoirvucommel’appartementd’Ozzieestimpeccable.Oui, j’ai un problème, c’est évident. C’est la faute auxmuscles d’Ozzie. Il porte une autre de ceschemisesajustéesavecleblasonBSB.Latailleau-dessusn’existepas?

Quand j’arrivedansmachambre, je suisdépitée.Évidemment, jen’avaispas refaitmon lit.Maintenant,ilsaitquejesuisbordéliqueetquejedorsdansdesdrapsàfleurs.Ildétesteprobablementça,puisqu’ilestgenresatinnoir.Jenesaispaspourquoi,maisçamegêne.Toutàcoup,c’estcommesiunautobusm’avaitrenversée:jeveuxqu’ilaimetoutdemoi,mêmemesdraps.Jesuisdingueou,aumoins,suffisammentenmanquedesexepourêtredevenuecomplètementdéraisonnable.

Ilsortdelasalledebaincontiguëàmachambreets’arrêtesurleseuil.— Tu avais laissé des boucles d’oreille en diamant sur la tablette. D’expérience, même

quelqu’unquin’apasl’habitudedevoler,maisentreavecdemauvaisesintentionsdansunemaison,lesauraitempochées.Jepensequetupeuxêtretranquille.

L’airquejeretenaissortd’uncoup,dansunsoufflelongetsonore.—Oh,mercimonDieu.Ilfroncelessourcils.—Sérieusement,tuesaussiinquiètequeça?—Tuneleseraispas?Ilparaîtindifférent.—Non,maisjevisdansunentrepôtsécurisé.Ilbalaiemachambreduregard.—Tun’asaucunéquipementdesécuritéici,n’est-cepas?Jefaisnondelatête.Àprésent,celamesemblevraimentstupided’avoirvouluéconomiserlà-

dessus.—Jevaist’envoyerquelqu’un.Ilquittemachambresansunautremot.Jemeprécipitederrièrelui,angoisséeàl’idéedelevoirdisparaîtresivite.—Quelqu’un?Qui?Pourquoi?Ilcourtpresqueendescendantlesmarches.—Thibault.Peut-êtreToni.Ilst’installerontquelquechosedebasique,justepourquetusois

rassurée.Arrivéenbas,ilregardedanslacuisine:—Sahara!Onyva!

Ozzieetmoi sommesdeboutdans levestibule.Direque l’atmosphèreestpesanteseraitunelitote.Ilavumachambre.Ilavumesdraps.Ilaétédansmasalledebainset jesuiscertainequ’ildevaityavoiruneboîtedetamponssurlatablette.Ilvam’envoyerquelqu’unpourfairel’installation.Ilesttellementsexyquejemesensbrûlerdanslesendroitsintimes.Ah!

La chienne sort nonchalamment de la cuisine, traverse le salon et retrouve sonmaître à laported’entrée.

—As-tubesoindequelquechosed’autre?interrogeOzzie.Et,pourlapremièrefois,ilmeregardedroitdanslesyeuxenattendantmaréponse.Letemps

s’arrêtetandisquemevoilàentranseàcausedesesyeuxd’unvertbrillant.Monsangcommenceàbouillir,maispasdecettechaleurquivientdelacolère;c’estquelquechosedetotalementdifférent.

Oui,Ozzie,pensé-jeenmoi-même,j’aibesoindequelquechose.Quelquechosequejen’aipaseudepuistrèslongtemps.Dusexe,etenquantité.

Ozziepenchelatête.—Tuvasbien?Jefaissignequeoui,essayantderedescendredemonnuage.—Hein?Oh,çava.Franchement.Jeposemamainsursonbras,faisantuneffortpourmecalmeretdistrairesonattentiondema

réactionbizarreàunequestionsimple.Oups!Erreur.Jesenssachaleuretlesmusclesbougeantsoussapeau.Ilfautquejem’éclaircisselagorge

pourpouvoirparlernormalement,maiscen’estpasuneréussitecomplète.—Mercipourtout,Ozzie.Vraiment.Tuesunprinceparmileshommes.Ilnesedégagepasbrusquement.Ildevrait,maisilnelefaitpas.Lachaleuraugmenteentre

nousàl’endroitoùnospeauxsetouchent.—C’estcommeçaquejesuis.»Jeris,puissouris.—Tuviensausecoursdesdemoisellesendétresse?—Non,commentjesuis.Jefaiscequ’ilfaut,mêmesiçam’estdifficile.Aïe. Tu parles d’une douche froide. Ouah, est-ce que j’ai mal compris ce qui vient de se

passer?Mamainquittesonbrasetjemeretrouvemaladed’embarras.—Désoléedet’avoircauséautantd’ennuis.Ilal’airperdupendantuneseconde,puisilsesaisitdemamainetlaprenddanslasiennequi

est si grande. La sensation de chaleur reprend, deux fois plus forte. Il me tient la main et j’ai ànouveauseizeans!

—Non,non.Jenevoulaispasdirequetuesunennui.Ilhochelatêteetsecouelégèrementmamain.

—Bonsang,jesuisentraindetoutgâcher.Ilsoupirebruyammentetrecommence.Jevoulaisdirequejetenaisàm’assurerqueturentraischeztoisansproblème,quec’étaitcequ’ilfallaitfaire.Etmêmesijedevraisfairedixautreschosesencemoment,jesuiscontentd’êtrelàpourvérifierquetamaisonestsûre.

Je fais un large sourire. Ce n’est pas une demande enmariagemais, de toute façon, ça nem’intéressepas.

—Ohlàlà,Ozzie.C’étaitpresquegentil.Illâchemamainetfroncelessourcils.—Appelle-moisituasdesennuis.Ilseretourneetouvrelaportesansunmotdeplus.

Jesuissaisiedepaniqueparcequejepensequec’est ladernièrefoisquejeleverraidemavie. Vite, mon cerveau ! Pense à quelque chose de charmant, de spirituel et d’intéressant que jepourraisdire!

—Est-ceàcausedesdrapsàfleurs?J’ignorepourquoicesmotsviennentdesortirdemabouche.Privationdesommeil.C’estune

choseterrible.Terrible,terrible,affreuse.Ils’arrêtesurlesmarchesduperronettournelentementlatête.—Desdrapsàfleurs?—Est-cepourçaquetutesauves?Parcequemesdrapsàfleurssontabsolumentaffreux?Oups!Toutmoi!Jecontinueàparleralorsquejedevraismemordrelalangue.Monvisage

est brûlant et tout rouge : je comprends que je ne peux pas revenir en arrière. C’est comme si jen’avaisjamaisétéprèsd’unhommejusqu’àprésent.Aufait,depuiscombiendetempsn’ai-jepasfaitl’amour?

—J’aiplutôtaimélesdraps.Ilsouritavecgêne,commes’ilétaitaussiembarrasséquemoiàcesujet.Alorsqu’ilm’aconquisedesorteilsjusqu’auboutdescheveux.Iln’apasditquejeperdaislaboule.

Sans unmot, il descend lesmarches et s’engage sur les pavés quimènent à l’allée. Saharamanquedemerenverserquandellemedépassed’unbondpourlerejoindre.

JeleregardemonterdanssacamionnetteetpartirenmarchearrièredansmonalléeaprèsqueSaharas’estinstalléeàl’arrière.Etjemedemandesijelereverraiunjour,cequejesouhaitebienévidemment.

CHAPITRE17

J’aimisdespopcornsdanslefourquandlasonnettedemaporteretentit.Jecrie:—C’estouvert!par-dessuslebruitdesgrainsdebléquiéclatent.Laporteserefermeetj’entendsdespas.Quandjeremarquequ’ilssontbruyantsetrapides,je

merendscompteque jedevrais fermermaporteàcléetnepasdireauxgensd’entrer,alorsqu’ilpourraityavoirunmeurtrierentrainderôder.Jesaisisuncouteaudansleblocsurleplandetravailetmeretournepourfairefaceàmonvisiteur.

—Çasentbonici.Thibaultarriveàlaporteetconsidèremoncouteau.Ilralentit.—Ouh.Sesmainsselèventcommes’ilétaitprêtàserendre.—Jeviensenpaix.Moncœurquis’étaitemballésecalmeenquelquessecondes.—Oh,salut!C’esttoi.Lecouteaudescendauniveaudemataille.—Ouais,c’estmoi.Tuattendaisqui?Ozzie?Ilrigoledesaplaisanterie,maisjenepourrais

pasdires’ilinsinuequej’aimeOzzieetquej’espéraisqu’ilviendrait–ouquejeveuxlepoignarder.Jereposelecouteaudanssonrangementavantderépondre.

—Jenesavaispasquiviendrait.Tuveuxdespopcorns?—Volontiers.Maisaprèsletravail.Letravailpasseavantleplaisir.Ilregardelacuisineautourdelui.—Tuveuxbienquejejetteuncoupd’œil?— Je t’en prie. Je travaille sur mon ordinateur dans le salon. Sur des photographies. Tu

n’aurasqu’àcriersituasbesoindemoi.Je nem’inquiète pas à l’idée d’être jugée à présent ; j’ai pris soin de refairemon lit et de

nettoyerlasalledebainsaprèsledépartd’Ozzie.—Jevaiscomptertouslespointsd’entréeetvoircedontonabesoinpourlessécuriseretles

branchersurleréseau.— Réseau ? Je mâchonne ma lèvre, me demandant ce que cela va me coûter. Je n’ai pas

beaucoupd’économies.Madernièrepériodesècheressemblaitplutôtàundésert.—C’estunsystèmedesurveillance.S’ilsemetenmarche,tuaurasquelqu’unenlignedans

les vingt secondes. Système de pointe. Sans fil. Tu peux utiliser ton portable pour le contrôler et

changerlesréglagessituveux.— Super. Je n’ai pas l’air aussi enthousiaste que je devrais l’être, mais Thibault ne le

remarquepas.Ilsortdusalonetmontel’escalier.Jeprendsunpetitbolquejeremplisdepopcorns.Quandjepanique,jemangedespopcorns.J’enfourreunepleinepoignéed’uncoupdansmabouche.Desmorceauxvolentets’éparpillent.

Jemeretrouvedevantl’ordinateur,essayantdemeconcentrerpourtravaillersousPhotoshop:des cheveuxqui dépassent oudes petits boutons sur les portraits de famille que j’ai pris cematin.Mais jen’yarrivepas.Monesprit revient toujoursausystèmed’alarmeque jesuisen traindemefaire installer. Je ne suismême pas certaine d’en vouloir un. En ai-je besoin ? Lemeurtrier avaitlargementletempsdemeretrouveretilnes’estrienpassédetoutl’après-midi.

Mêmesic’estunepenséeraisonnable,ellenemerassurepaspourautant.Danslesfilms,lesmeurtrierssonttoujourstrèspatientsquandilstraquentleurproie.

Je me redresse sur ma chaise et lève les yeux pour examiner attentivement le plafond. Del’argent, de l’argent, de l’argent. J’ai besoin d’argent. Quand l’économie est en crise, lesphotographes sont parmi les premiers à en pâtir. Les gens n’ont pas de moments précieux àimmortaliser quand la vie estmoche.Regarde !Voici papa avec ses cheveux qui grisonnent parcequ’ilaperdusontravail!Etvoilàmamanquiaprisdixkilossupplémentairesàforcedecompenserenmangeant!

Non. Le commerce des portraits n’est pas au rendez-vous en temps de crise et il metlongtemps à se rétablir.Dans l’intervalle, il faut que je sois créative. Pour lemoment, je n’ai pastrouvé grand-chose pour boucher les trous dans ma trésorerie. Même les commandes pour desmariagessefontplusrares.

Unmouvement, dehors, attire monœil. Je penche la tête et regarde une voiture descendrelentementlarue;ellepassedevantmamaison.Jem’assoisplusdroitesurmachaise.Est-celetypequimesuivaithiersoir?

Jesuisprisedepanique.Jemelèveprécipitammentetm’éloignedelafenêtre.Leconducteurcontinueàrouler,maisilcherchemanifestementquelquechose:satêtepivotedegaucheàdroite.Ils’arrête lorsqu’il regarde juste dansma direction.Non, non, non, non, non !Ne tirez pas surmamaison!

Quandilseremetàrouler, jemedétendsunpeu.Jerendsgrâceauxétoilesd’avoirmismavoiture dans le garage aujourd’hui. Je la laisse souvent dans l’allée, mais je me disais que siquelqu’unvenaitm’aideraveclasécuritéilnepourraitpassegarer:ilfallaitquejelibèrelaplacedansmonallée.Jecommenceàmedemandersij’oseraiencoremegarerdehors.

Thibaultredescendl’escalieretmefaitsursauter.—Nerveuse ? Il s’approche et reste debout àmon côté, regardant par la fenêtre. Tu as vu

quelquechosedehors?—Jenesuispassûre.Jemerapprochede lui.J’aipenséquec’étaitpeut-être lavoiturequi

m’asuiviehiersoir,maisjemetrompesansdoute.—Constructeuretmodèle?Monvisageseplissesousl’effortquejefaispourmesouvenir.Grosse?Ford?Cadillac?Buick?Jeleregarde.— Désolée, je suis nulle avec les modèles anciens. Interroge-moi sur les petites voitures

sortiesen2014etjepourraiterenseigner.—C’esttonviolond’Ingresouquoi?Ilsourit.— Non.Mais il fallait que j’achète une voiture il y a quelques mois. J’ai fait pas mal de

recherchesavantdeprendremadécision.

—Ah!unemorduedevoitures.—Non,c’estplutôtquejefaisattentionàmonbudget.Jevoulaislemeilleurrapportqualité-

prix.Jeretourneàmonordinateuretjem’assois.LesfaçonstranquillesdeThibaultontfaitbaisser

monniveaudestress.Etpuis, lavoiturequim’inquiétait estpartieàprésent ; la rueestànouveauvide.

—Tonaidepourraitvraimentnousêtreutilesiturecherchesdutravail.Ils’approcheetsetientàcôtédemoi,meregardantmanipulerunephotosurl’ordinateur.—Jesuisbonpourorganiser leschoses,mais incapablede fairequoiquecesoit lorsqu’il

fautregarderàtraversunobjectif.Jelèvelatêteetluisouris.—Jenepensepasqu’unemissiondesurveillancedemandetantdetalentartistiquequeça.— Tu serais étonnée. Il désigne mon écran. Tu utilises un programme, n’est-ce pas, pour

travaillerlesphotographies?—Oui.Photoshop.J’effacerapidementuncheveuquidépassaitd’unetête:celledelamaman.— Je ne peux pas te dire le nombre de fois où nous avons pris quelqu’un en photo et la

lumièreétaittellementmauvaisequ’onnevoyaitriensurlapellicule.Tupeuxarrangerça,hein?Jehausselesépaules.—Jusqu’àuncertainpoint.Jepeuxéclairerouassombrir,retirerdeschoses,enajouter.Mais

jenepeuxpasobtenirl’impossible.Silaphoton’apasétépriseaveclebonangle,iln’yapasgrand-chosequ’onpuissefaire.

—Voilà.Ilnousmanquecetalent-là.Nouscouvronsàpeuprèstouteslesspécialités,maispascelle-là.

Mamainquittelasourisetjetournelégèrementmachaisepourmetrouverdavantagefaceàlui.

—Dequellespécialitéparles-tu?Thibault attrape une des chaises qui entourent la table toute proche et l’attire à lui pour

s’asseoirprèsdemoi.Ilsemetàcomptersursesdoigts.— Eh bien, voyons… nous avons Dev pour les arts martiaux. Il s’occupe de tout ce qui

concernenotreentraînementphysique,avecl’aidedeToni.Luckyestlematheux.Ilestcapabledeliredesdonnéesfinancièresetderepérertoutcequelesgenssouhaitentcacher.Iln’estpasmauvaisnonplusavecunearme.Jem’occupedelasécuritéetOzzieestlecerveauderrièretoutça.C’estluiaussiquiestlevisagepublicdenotreentreprise.Iltravailleaveclapoliceouceluiquinousengagepourdéterminer ce que lamission implique et en assembler toutes les pièces. Il rédige aussi le rapportfinal.Ildétestecettepartie-làduboulot,maispersonnenelefait,alorsiln’ycoupepas.

J’ai trèsenviedeluidirequej’adoreécriredesrapportsetdesétudes,etc.Maisjegardeçapourmoi.Cen’est pas ce qui l’intéresse.Au lieude cela, je décide de le questionner à proposdequelquechosequej’airemarquéhiersoiretquim’estrevenuaujourd’hui.

—J’ail’impressionquevousvousconnaissezd’avant.Jepliemonbraspar-dessusledossierdemachaiseetappuielatêtesurmamain,attendantsaréponse.

— Nous avons grandi ensemble. Nous avons tous eu quelques ennuis sur Bourbon Streetlorsquenousétionsplusjeunes.Ilfaitungrandsourire.Ozzieestentrédansl’arméeet,quandilenestsorti,ilnousarassemblésetnousafaitunepropositionquenousnepouvionspasrefuser.

—Etc’était…?—Rappliquezoujevousbotteletrain.Ladécisionaétévraimentfacileàprendre.Jesourisparcequejevoistrèsbiencommentcesmotsontpusortirdelabouched’Ozzie.

—Ilessaietellementd’êtrepuretdur.—Essaie?LessourcilsdeThibaultselèvent.Ettupensesqu’iln’yparvientpas?Je joue l’indifférence ;mavue devient trouble lorsque jeme représenteOzzie, essayant de

restersérieux,maissouriantlorsquesachiennefaitl’imbécile.—Jenesaispas.J’imagine.Maisilnemesemblepasaussieffrayantqu’ilveutleparaître.—Laplupartdesgenspensentqu’ilestlepiresalaudqu’ilsaientjamaisrencontré.Jerenifle.—Ah,oui.Paspossible!Thibaultmedévisage,unvaguesourireauxlèvres.—Quoi?J’aipeut-êtredeséclatsdepopcornssurlafigureouquelquechosecommeça.—Rien.Ilreporteaussitôtsonattentionversleblocdepapierqu’ilajetésurlatableaprèsavoirfaitle

tourdemamaison.—Alors,allons-y…Voicimonestimationdetesbesoinsensécurité.Jemepenchepourvoircequ’ilaécrit,maisjenepeuxpasdéchiffrersonécriture.J’attends

qu’iltraduise.—Tuascinqfenêtresàl’étage,deuxdanschaquechambreetunedanslasalledebain.Ilyen

a trois en bas et deux portes d’entrée, une sur le devant, l’autre à l’arrière. Sans compter celle dugarage.Celafaituntotaldeonzepointsd’entréequidoiventêtreéquipés.

—Équipés?—Avecdesdispositifsdesécurité.Jerecommanderaisaussiuncapteurencasdebrisdevitre

pourlesfenêtressurlarueetlaportecoulissantedupatioàl’arrière.Desdétecteursdemouvementdanslevestibuleetcettepièce.Iltefaudraitaussiunsystèmed’immunitépourlechien.

Ilprendquelquesnotessursonbloc.—Qu’est-cequec’est?—Unsimpledispositifquipermetdes’assurerquetonchiennevapasdéclencherledétecteur

demouvement.Illèvelesyeuxetsurprendmonexpression.—Quelquechosequinevapas?Jeregardelesol,essayantd’atténuermonembarras.—Jemefaisjustedusoucipourcequeçavamecoûter.—Pasuncentime!Ilselèveetattrapelachaise,luifaitfairedemi-tourpourlaremettrelàoù

ill’avaitprise.—Ah?Jememetsdebout,sansêtresûredesavoirdequoiilparle.—Çanevapastecoûteruncentime.Celafaitpartiedesavantages.—Unavantage?Unavantagepourquoi?— Les Bourbon Street Boys installent un système de surveillance chez les personnes qui

travaillentpoureux.Celafaitpartieducontrat.—Oh.C’est…généreux.J’imagine.Jenemesouvienspasd’avoirditàquiconquequej’allais

travailler pour eux, mais je pense que j’avais plaidé assez vigoureusement en faveur de mesqualifications.Pourquoidiableai-jefaitça?

—Nan,pasgénéreux.Intelligent.Dansnotresecteurd’activités,onn’estjamaistropprudent.Jemerembrunis.—Cen’estvraimentpaslemeilleurmoyendemevendrel’idéed’allertravailleravecvous

autres,tusais.Ilsegrattelatête.—Probablementpas.Maisquoi,prendredesphotos?Cen’est rien. Iln’yapresqueaucun

risque.Aucundecestypesdontnousnousoccuponsneferaseulementattentionàtoi.Tuserascommel’hommeinvisible.

— L’homme invisible… Je pense aux risques qui peuvent l’attendre lorsque Thibaultinterromptlecoursdemesréflexions.

— Le travail est payé trois cents balles de l’heure, plus les frais. La plupart des missions

comportentunminimumdecinqheuresdesurveillance,plusoumoins.Etnousavonsenmoyennecinqmissionsparmois.Dumoins,c’estcequemeditLucky.

Les yeux me sortent presque de la tête. J’en suis toujours à la première partie de sonexplication.J’aisûrementmalentenduletarif.

—Qu’est-cequetuasdit?Ilsourit.—Troiscentsballes,plusfrais.—Etjesuiscenséecroirequ’iln’yapasderisques?Mapressionsanguineestentraind’exploser.Jesauraisquoifairedecettesomme,mêmesice

n’estquepouruneheuredanslemois.Maispassijedoismefairetuerpourça.— Pas pour l’équipe de surveillance. Mais son rôle est essentiel. Sans elle, quand nous

sommes sur place, nous sommes aveugles et sourds.Nous facturonsbeaucoup lorsqu’unemissionimpliquedelasurveillance.

Ilsedirigeverslaporte.— Tu devrais venir regarder le matériel que nous avons. Pour voir si tu a besoin de

commanderquelquechosed’autre.—Commander?Queveux-tudire?—Situdoisfaireceboulot,tuaurasbesoind’unbonéquipement,n’est-cepas?—J’aidesappareilsphotographiques.—Ozzieveutquetoutlematérielappartienneàl’entreprise.C’estpourquoi,s’iln’apasdéjà

cedonttuasbesoin,ill’achètera.Jemetiensàlaported’entréependantqueThibaultdescendlesmarchesetsedirigeversson

SUV.—Ilattendquejel’appelle?Peut-être.Thibaultouvresoncoffrearrièreetensortungrandsac.Unsecondsuitdanssonautremain.

Illesdéposeparterreetvachercherencorequelquechoseàl’intérieurduvéhicule:unegrandeboîteencarton.

Jesorsencourantpourl’aider.—Qu’est-cequec’estquetoutça?Jesoulèvesurmonépaulel’undessacsmarins,fortlourd.—Lematérieldontj’aibesoinpourinstallertonsystème.—Maisjen’aimêmepasencoreditquej’étaisd’accordpourleboulot.—Tudirasoui.Fais-moiconfiance.PersonneneditnonàOzzie.

CHAPITRE18

Unbipm’annoncel’arrivéed’untextosurmonportable.Jesuisdevantleboîtierdel’alarme,à côté dema porte d’entrée et j’essaie deme remémorer toutes les instructions que Thibaultm’adonnéesilyauneheure.Siquelqu’unarriveàmaporteet insistepourquejedésactivelasécuritéafinqu’ilpuissemevoleretm’assassiner,jesuiscenséetaperquatrechiffres:maislesquels?

Ozzie:Jepeuxpasservers19heures?J’imaginequ’ilal’intentiondemefairecettepropositiondetravailquejenesauraisrefuser.

Maisj’aidéjàprismadécision.Jenevaispastravailleraveceux.Jenesuispasuneespionne;jesuissimplementunephotographequiauntalentspécialpoursaisirquelquechosesurdelapellicule.Pourtoutdire,jenesuispastrèsexcitéeàl’idéedememettreendanger.Unenuitàêtresuivieetàdormirdansunhangarm’asuffi.

Moi:Situveux.Maisjeneveuxpasquetuperdestontemps.Ozzie:Àtoutàl’heure.Iln’apascompriscequej’insinuais.Soupir.Jeregardeautourdemoietdécideque,s’ilvient

chezmoi,jepourraisaussibienfairedisparaîtrequelquespetiteschoses.Commeleschaussettesquej’ailaisséestraînerparterreàcôtédemonbureau.Pourcommencer.Jedevraisprobablementaussiallerchercherunebouteilledevin.Jenepensepasquenousallonsprendreunverre,dînerouDieusait quoi,mais je voudrais pouvoir lui proposer quelque chose à boire ; ce seraitmieux, n’est-cepas?Jemedirigerapidementvers laporte,glissemespiedsdansmessandalesetattrapemonsacquej’avaislaisséparterredanslevestibule.

L’alarmebipe,merappelantqu’ilfautquejelaprogramme.Jerefermelaporteetcontempleleclavier.Thibaultaprisladatedesonanniversairepourinitialisermoncode;decettefaçon,jesuiscenséen’oubliernil’unnil’autre.C’estdansunepetitesemaine,qu’ilm’adit.

Jecomposelesquatrechiffresdont jecroismesouveniretquitte lamaison,nonsansavoir

fermé la porte à clé derrière moi. J’attends quelques secondes et, comme je n’entends rien, jeprésumequejepeuxpartirtranquillement.

Laboutiqueaucoindemaruen’apaslameilleuresélectiondevinquisoit,maisjen’aipasletempspourautrechose.Ilyauratropdemondeausupermarchépourespéreryfairemescoursesetenressortirenmoinsd’unquartd’heure.

Jecommenceavecunebouteilledemerlotetdécideensuiteque jedevraisenprendredeux,juste au cas où. Juste au cas où quoi ? Je n’en ai pas lamoindre idée. Peut-être juste au cas où ilviendraitavecunami.Jenepensepasqu’ilresteraletempsdeboiredeuxbouteilles.Celalaisseraitàpenserquejepourraisêtrejolimentpompetteetmêmemettremesmainsunpeupartout.Etcen’estpas du tout ce que je veux dire. Pas question. Cette simple idée me rend nerveuse ; d’une façonérotique.

Jerentremavoitureaugarageetpénètredanslamaisonparlaporteintérieure.L’alarmesedéclencheimmédiatement.Jesaisquej’aiquelquessecondespourladésactiver,maisest-cequecelavam’empêcherdepaniquer?Non.J’ail’impressiond’avoircambriolémapropremaison.

C’étaitquoicecode?Jeronchonnetoutenfixantleclavierdesyeux.Lasonneriedel’alarmeestvraimentgênante.

Jen’arrivepasàmesouvenir!J’extraismonportabledemonsacetcherchelecalendrier.Quandesttonanniversaire,Thibault?!Jeregardedésespérémentlesjoursdelasemaine,maisjenepeuxpasmerappelers’iladitsamedioudimanche.Jetentemachanceetcomposelecode.

Unesirènesemetenmarche.—Zut!Félix arrive de toute la vitesse de ses pattes, aboyant autant qu’il peut.Mieux vaut tard que

jamais,j’imagine.Unevoixsortd’unhaut-parleurquejenevoispas:—BSBSecurity.Mercid’entrervotrecode.Jehurle:—Jenemesouvienspasdemoncode!Montéléphonesonne.—Bonjour!Jecontinueàhurlerpourêtreentenduepar-dessuslasirène.— Bonjour, je suis Amy des Bourbon Street Boys, service du contrôle de la sécurité des

maisons.Quiestàl’appareil?—C’estMay.May.Lapropriétairedecettemaison.J’appuie sur d’autres touches du pavé numérique, essayant la deuxième date possible,mais

riennesepasse.MestympanssontmeurtrisparlasirèneetlesaboiementsdeFélix.—Toutvabien?—Oui!Simplement,jen’arrivepasàmesouvenirdecefichucode.Zut!—Est-cequevousvoussouvenezdevotremotdepassesecret?Monespritpédale.Thibaultm’aditdenepasutiliserlenomduchien.Tropfacileàdeviner,

d’aprèslui.Unanimaldomestiqueavantcelui-ciferaitl’affaire.Lenomd’unamiégalement.Lenomd’unpersonnagedeDisneyestunchoixassez fréquent.Lequelest-ceque j’aichoisi? J’aipenséàtellementdepossibilitésquandilétaitavecmoi,maisjenepeuxpasmerappelerpourlaquellejemesuisfinalementdécidée…

—Sahara!Jecrie.Sahara!C’estlemodedepassesecret!—Super.Jevaiséteindrelasirèneetannulerl’appellancéauxforcesdepolice.Lasirènesetaitetjem’adosseaumurpourmecalmer.—Est-cequevousavezbesoindequelquechosed’autre?demandeAmy.—Oui,d’unedosedetéquila.Ellesemetàrire.—Peut-êtreunetassedethéserait-elleunmeilleurchoix.

—Sivousledites.Merci!—Jevousenprie.Passezunebonnesoirée.—Vousaussi.Aurevoir.Jeraccrocheetglissemonportabledansmonsac;puisjemepenche

pourprendreFélixdansmesbrasetlecalmer.Ilvibred’énergiecontenue.Tandisquejel’embrassesurlatête,ilseretourneetessaiedemelécher.— Du calme, petit bonhomme. Tout va bien. Les méchants ne viendront pas chez nous

aujourd’hui.À présent que j’ai vu le système fonctionner, je suis plutôt impressionnée. Je ne crois pas

vraimentqu’unmeurtrier soit toujours àma recherche,mais toutdemême…Mieuxvautprévenirqueguérir,non?Sicen’étaitqueça,lasirènelerendraitsourd.

Lasonnettede laporte retentitetmetànouveauFélixdansdesspasmesd’indignation.Je leposeparterrepourqu’ilpuissecourirverslaporteetfaireunepeurbleueàl’arrivant.Jeconsultemamontre.C’estprobablementOzzie,mêmes’iln’estque18h50.

Je dépose les bouteilles de vin sur la console et me dirige vers la porte. L’œilleton meconfirmequemonvisiteurestenavance.Jefaistournerlaclé.

—Salut!— Salut ! répond-il, les bras serrés autour de deux sacs en papier. Sahara se fraye sans

vergogneuncheminentrenousetpénètredanslesalon,laqueueenbalancier.Félixentamesadansede«bienvenuedansmoncoindecélibataire»,pendantqu’elletourneencerclesétroits,essayantdemettresonnezcontrelederrièredeFélix.

—Tum’asapportédescadeaux,dis-je.J’essaieuncoupd’œilverslepaquetleplusproche.—J’aiapportédequoidîner.J’espèrequetuasfaim.Je tiens laporteouverte tandisqu’il la franchit,puis la refermederrière lui. Ilpoursuit son

cheminàtraverslesalonetentredanslacuisinecommes’ilétaitchezlui.Hum.Jenesaispasquoipenserdecedînerimpromptu.Ilenavaitparlédanssontexto?Je

vérifie:iln’endisaitrien.—Comment fonctionne le systèmede sécurité chez toi ? interroge-t-il tout endéballant les

sacs.Desboîtesblanchesdetaillesdifférentesapparaissentetviennents’empilersurleplandetravail.Lesdeuxchienssontànospieds,avecl’espoirqu’illaisseratomberquelquechose.—Super.J’aidéjàeumonpremierincident.Ils’arrêteetmeregarde.—Incident?Quelqu’unestentrécheztoi?Jeris,unpeugênée.—Non, àmoins deme compter comme cambrioleuse lorsque j’essaie de rentrer dansma

propremaisonetquej’aioubliélecode.Sonvisages’assombrituntantinet.—Tuétaiscenséechoisiruncodequetupourraisretenirfacilement.—Ilétaitfacile.Plutôt.—C’étaitquoi?—L’anniversairedeThibault.Ozziesoupired’unairdésabusé.—Jetejure!Il continue à déballer ses courses.Tout à coup, il regarde sévèrementSahara et désigneun

coindelapièce.—Vacoucherlà-bas!Elleobéitimmédiatementàsonordre.Félixlasuitets’installeenbouleàcôtéd’elle.Je suis carrément stupéfaite de voir comment il maîtrise nos chiens,mais également de la

quantitédenourriturequ’ilaapportée.Est-cequelerestedelabandedoitnousrejoindre?—Tuchoisisquatrechiffresquetupeuxterappeler;jetelesprogrammeraitoutàl’heure.Ilfautcroirequejemesensd’humeurunpeuimpertinenteparcequejeluirépondsd’un:—Qu’est-cequitefaitcroirequejeveuxtedonnermoncodesecret?Ilcontinueàsortirdesboîtes;ilnebougepasmêmeuncil.—Jenesuispasunemenacepourtoi.—Oui,biensûr.Celam’estvenuavantquej’aieletempsdem’arrêter.J’étaisentraind’imaginersamainsur

moi,jeperdraistotalementlecontrôledemoi-mêmesicelaarrivait.Mais,Dieumerci, ilnelesaitpas.

Ilprendladernièreboîteetfaitunebouleaveclesachetenpapier.—Qu’est-cequec’estcensévouloirdire?J’ignoresaquestionetréponds:—Rien.Jevoulaisen faitdirequ’il étaitunemenacepotentiellepourmonbonsens ;mais s’ilveut

comprendre que je le trouve effrayant, je ne vais pas le détromper. Peut-être que ça gonfleraagréablement son ego.Deplus, je ne vais sûrement pas admettre que j’ai le béguinpour lui alorsqu’ilnes’intéressepasdutoutàmoidecettefaçon.

Ilsetournepourmeregarderenfaceetondiraitqu’iladumalàtrouverlesmotsjustes.Sabouches’ouvre,maisaucunmotnesort.Ilregardequelquesinstantsautourdeluietessaieànouveau.

—Je…euh…jevoulaisdire…hum…J’attrapeunebouteilledevinposéesurleplandetravailetlaluimetssouslenez.—Quelqu’unveutduvin?—Oui,biensûr.Unverre.Ilal’airsoulagé.Etmaintenant, c’est qui le super-héros ? Je souris tandisque j’ouvre labouteille. Jeprends

deuxverresetlesremplisàmoitié.Jenepeuxpaspromettrequ’ilestbon,maisilyadel’alcooldedans.Jeluitendsunverreet

lèvelemien.Ils’arrêteetmeregardeattentivement.Puisilm’imiteetnoustrinquons.—Santé.Jenetrouveriendeplusprosaïqueàdire,alorsjefaiscequ’onattenddemoi:—Santé.Jeprendsunebonnegorgéeetvide lamoitiédemonverred’unseulcoup. Jemedétourne

pourqu’ilnevoiepaslesyeuxmesortirdelatêtetandisquej’endurelabrûluredel’alcooldansmagorge.

—Assiettes?demandeOzzie.J’ouvreunplacardetensorsdeux.Puis,jem’arrêteavantderefermerlaporte.—Combiendepersonnesnousrejoignent?—Aucune.Ceserajustenousdeux.Savoixestbourrue.Moncœurbat lachamade…dans tous les sens. J’arrive,Dieusaitcomment,à sortir lebon

nombredecouvertsetdeserviettes,malgrémonespritquiestailleurs.Enpilotageautomatique, jedresselatabledansmaminusculecuisine.

Pourquoia-t-ilapportéledîner?Est-ceunrendez-vousgalantouest-cequ’ilmetdubeurresurma tartine pour que j’accepte le boulot ? Je n’ai pas l’intention de le prendre, peu importe laquantitédegrasquivaavec.

—J’espèrequetuaimeslehomard?—Nomd’unchien ! Je laisse tomber ledernier couvert sur la tableoù il ricoche :binget

bang.

Samainsefigeau-dessusdel’unedesboîtes.—Tuesallergique?—Non,jenesuispasallergique.Jesuisfurieuse.Il fait un pas en arrière et ses bras tombent le long de son corps. Je peux tout à faitme le

représenterenuniformemilitaire,s’apprêtantpourunsalut.—Tuesfâchée?Jefaisunepetitemoue.Cehomardmefaitdessignesavectoutessesqualitésnutritives,riches

etappétissantes.—Non,pasfâchée.Frustrée.Tum’asbattue.—Battue?—Oui.Battue.Commeaujeud’échecs.Àrevers.Ilsedétendunpeu.—Tuaimeslehomard,sijecomprendsbien.—Jen’aimepaslehomard,espèced’idiot;j’adorelehomard!J’enmangeraistouslesjours

sij’avaisdel’argent.Jem’écroulesurmachaise.—Maisjenevaispastravaillerpourtoi.Peuimportelaquantitédesauceaubeurreclarifié

quetuasdanscespetitsbols.Il y en a plusieurs.Zut !Mais flûte de flûte ? Il pense que je vais venir travailler pour lui

seulementparcequ’ilm’achèteduhomard?Çapourraitêtredangereuxcommetravail.C’estàçaquesertlesystèmedesécurité,non?

Ilapportelesboîtessurlatableetcommenceàlesouvrir.—J’aiaussidescitronsfrais.—Maisbiensûr!Forcément.Ilrigole.—Je pense que c’est la première fois que jemets une femmeen rogneparceque je lui ai

achetéduhomard.Ilmélangelerizpilafavantdenousenserviruneassiettéeàchacun.Jegrogne:—Jenecomprendspaspourquoicelaterendsiheureux.—Moinonplus.Émerge un énorme homard qui atterrit dans mon assiette. Sa carapace rouge comme un

camiondepompiersbrilleencoredel’étuvedanslaquelleelleaétéplacée.FélixquittesoncoinaucôtédeSaharaets’installeàmespieds.Lasalepetitebêtemeconnaîtbien.Ilfinirapargoûteràtoutcequ’ilyadansmonassiette;maispasparcequejeluidonneconsciemmentdespetitsmorceaux.J’aitendanceàfairetomberleschoses.

—Oùas-tutrouvécesmonstres?Jeluiposelaquestionaumomentoùlesecondapparaîtet

atterritdanssonassiette.—JelesfaisvenirparavionduMainedetempsentemps.J’aiunamilà-haut.—Waouh.Voilàunbonami.J’avaleencoreunelonguegorgéedevin.Monverreestpresquevideetjem’ensersunautre.—Ilaunedetteenversmoi.Jemedemandecequ’ilvoudraitenretoursi je luidevaisunefaveur.Cetteseulepenséeme

rendànouveautoutenerveuse.Jesaisbiencequejepourraisluioffrir.Waouh!Calme-toi,espècedenymphomane!Ilvienttoutjusted’arriver.Seigneur!Ozzies’assoitetrapprochesachaise.

—Bonappétit15.Ilcasseunepinceavantquej’aieeuletempsdelevermafourchette.

15.Enfrançaisdansletexte.

CHAPITRE19

Nousmangeons dans un silence agréable pendant quelquesminutes ; j’ai ainsi le temps deplonger unmorceau de homard dans un peu de sauce au beurre. Je ferme les yeux, soupirant debonheur.Jen’aipassavouréunenourriturepareilledepuisuneéternité.Jepensequeladernièrefoisquej’aimangéduhomardremonteautempsoùjesortaisaveccetavocatnomméAlfred.C’étaitunconnard,mais ilaimaitvraiment les restaurantsde luxe.J’ai finipar rompreavec lui,malgré tout,parcequ’ilavait refusédemangermonbakedziti16.Lesnobismealimentairen’estpas toléréchezmoi.DemandezplutôtàFélix.

Lavoixd’Ozzieinterromptbrusquementmespensées.—Thibaultm’aditquevousaviezparlétouslesdeuxaujourd’hui.Àproposduboulot.Ladernièrebouchéedehomardsecoincedansmagorge.Jesifflelerestedemonvinpourla

fairepasser.—Oui.

Mavoixestforcée.Jetranspireàprésent.Bonsangdebois.Jesuistropnerveusepourluidiredebutenblancquejenesuispasintéressée.

Ozzieremplitànouveaumonverredevin.Latêtemetournependantquejeleregardeverserleliquided’unrougesombre.Peut-êtreque,sijeboisdavantage,celameseraplusfaciledeluidirenon.Deneplusjamaislerevoir.Ohlà!Quiest-cequej’essaiedetromper?Jesaisqueceneserajamaisfaciledefaireça.

—Ilditquetut’inquiètespourtapropresécurité.J’opine du chef. Cet argument n’était pas trop difficile. Tout le monde s’inquiéterait à ma

place.C’estabsolumentnormal.—Vouais.Beaucoup.Jen’aipasenviedemouriravantd’avoiraumoinsquatre-vingtans.Si

jepeux.Entoutcas,pasd’uneballe.Ilboitsonvinetmeregardepar-dessussonverre.—Qu’est-cequ’ilya?Mevoilàparanodenouveau.J’aiquelquechosesurlafigure?Iltenduneserviette.—Unpetitpeudebeurresurlementon.Ilm’essuieavantquej’aiereculé.Malgréleboutdetissuentresamainetmonvisage,jesens

encorelachaleurqu’ilyaapportée.Est-cequejenesuispaspitoyable?Jesensl’indignationm’envahir.C’estpeut-êtrelevin.

—Hé!Qu’est-cequetufais?—Faisquoi?demande-t-il.—Tudisquej’aiquelquechosesurlafigure.Jem’essuieàplusieursreprises,tantetsibienquelapeaumebrûle.Toutàfaitgênant.Depuis

combiendetempsest-cequejesuisassiselàavecunmentonpleindegraisse?Unevraietarée.Ilm’ignore.—D’accord.D’accordpourquoi?Ceconsentementinconditionnelm’énerve.Jenepensepasquecelasoituneréactionhabituelle

chezlui.Semoquerait-ildemoi?—D’accord.Parexemple,jenetediraipasquetuasdurizsurlafigure.—Durizaussi?!Zut!J’essuietoutemamâchoireinférieure,priantpourquelegrainderiznesoitpascollé

plushaut.Paspossible!Jemeflanqueraisaussidelanourrituredanslessourcilsmaintenant?Ilsemetàrire.—Tuesunidiot.Jeluilancemaserviette.Puislehomardrevientdansmonchampdevisionetjedécidequeje

préfèrelemangerplutôtquedemefairedusoucipourungrainderizsurmalèvre.S’ilfautjouerlestoquéesdevantlui,alorsallons-y!Cen’estpascommes’ildevaitjamaisrevenirici.Etcehomardestfichtrementtropbonpourfiniràlapoubelle.

Ilseremetàmanger;cettefois,ilcontinuedesourire.Je savoure les muffins de maïs découverts dans une autre boîte. Tellement doux.

Tellement…sentimental.—Écoute,ditOzziedeuxminutesplus tard. Je saisque j’aiparuplutôt catégoriquehieren

disantquejenetevoulaispasdansl’équipe.Maisj’aichangéd’avis.Jeveuxquetuviennestravailleravecnous.Ilmarqueuntempsd’arrêt.Jepeuxtegarantirquetunecourrasaucunrisque.

—Pourquoimoi?Etpourquoias-tuchangéd’avis?Je prends une bouchée demonmuffin et le déguste pendant que je le regarde, essayant de

détectersursonvisagelesigneindiquantunetromperie.Maisjesuisimmédiatementdistraiteparcequ’unnouveauparfumarrivesurmalangue.MonDieu,quelqu’unamisdelaciboulettelà-dedans!Un vrai génie. Waouh ! J’engloutis deux fois plus vite pour reprendre une nouvelle bouchée. Jepourraisaussibienmemettreàchantonner.

—J’aiétéregardertonsite.Poséquelquesquestions,faitdesrecherchesetainsidesuite.EtaprèsavoirparléavecThibaultàquijefaisconfianceplusqu’àquiconque,jepensequ’ilaraison.Tuserais unbon élémentdansnotre équipe. Je te prendrais à l’essai,mais çanedevrait pasposer deproblème.Jepensequetupourraistrèsbient’ensortir.

Mon muffin à moitié entamé glisse de ma main et tombe avec un petit bruit mat sur mafourchette,puisdansmonassiette.

—M’ensortir?Je postillonne quelquesmiettes, ce quim’oblige àmâcher rapidement et à avaler avant de

pouvoirfinirmaphrase.—Biensûrquejepourraism’ensortir.Laquestionestsijeveuxcommencer.J’aidesboutsdemaïscollésunpeupartoutdanslabouche.J’essaiedenepasavoirl’aird’une

vraiepsychopatheettentedelesrécupéreravecmalangue.—Biensûr,tuaurasbesoind’unpeudeformationaudébut.Tunepeuxpas,toutsimplement,

démarrerdemainetêtreprête.Maistuyarriveras.Ilme regardedehautenbaset sepenchemêmepour regarder lamoitié inférieuredemon

corpssouslatable.Jemelaisseallercontre ledossierdemachaiseetposelesmainssurmesgenoux,soudain

nerveuse.—Qu’est-cequeturegardes?—Tonphysique.—Qu’est-cequemonphysiquevientfairelà-dedans?Jesensmesoreillesquicommencentàbrûler.Jelèveunemain,lissemescheveuxetm’arrête

aussitôt.Dieuduciel!Iln’estpasentraind’examinermamiseenpli.Qu’est-cequinevapaschezmoi?Depuisquandest-cequejemanqueàcepointd’assurance?

—Dansl’équipe,nousdevonsêtreaptesautravail.Toujours.Nousn’acceptonspaslestire-au-flanc.

Je frotte mes mains l’une contre l’autre au-dessus de mon assiette et me débarrasse dequelquesmiettes.

—Etqueveutdireêtreapteautravail…?—ÇaveutdirequetuserasentraînéeparDev,commenoustous.—Parcequ’êtreassisdansunevoiturepourprendredesphotosestphysiquementexigeant?Jenevaispasadmettredevantluiqu’ilestenfaitdifficilederesterdebouttouteunejournée

pourprendredesphotosdepersonnesàquionauraitparfoisenviededonneruneclaque.Jeneveuxpasqu’ilpensequejesuismolle.

—Ilnes’agirapasd’êtreseulementassisedansunevoiture.Ilposesafourchette,s’essuielabouche,puislaissetombersaserviettesurlatable.—Le travail est proposé avec tous les avantages : assurance, salaire élevé, sécurisation du

domicile,voituredefonction,toutl’équipementdonttuasbesoinetdesréférencessituveuxaccepterunemissionàcôté.

J’aidumalàavaler.Iladéjàprononcélemotmagique,maisiln’apasfini.—Nousprévoyonsunevisitemédicalecomplètetouslesans,troissemainesdevacances,les

frais de voyage remboursés si la mission est un peu éloignée, des notes de frais pour lesdéplacementsetlagardedesenfantspendantletempsdelamission.

—Etpourleschiens?Illèveunsourcil.—Nouspouvonsnégocier.Jemâchonnemalèvreetexamineattentivementlaproposition.C’estvraimentunpeuidiotde

lefairepatientercommeça,parcequejesaisdéjàcequejevaisdire.—Alors,qu’est-ceque tuenpenses? fait-il, attendantma réponse.Tuveuxvenir travailler

avecnouspourBourbonStreetBoysSecurity?Jelèvemonverredanssadirectionetsouris.—Tum’aseueavecl’assurance.

16.Ils’agitdemacaroniavecdelasaucetomate,desboulettesdeviande,delamozzarella,desherbesetdesépices.

CHAPITRE20

Lorsqueledîneretledessertsontterminés,j’aibuaumoinsdeuxverresdetrop.Jemelèveetlapiècesemetàbougerautourdemoi.Heureusement,Ozzieestdevantl’évier,entrainderincerlesassiettes,etilnemesurprendpasdansunétatmanifested’ébriété.

—Jevaisallermerafraîchirunpeu.J’essaie tantbienquemaldemarcheren lignedroite jusqu’à lasalledebains,Félixsur les

talons. Ilvaessayerde se faufilerdans lapièceenmême tempsquemoiavantque je lui ferme laporteaunez.

Jecontemplemonimagedanslaglaceetjem’appuiedesdeuxmainssurlemeuble-lavabo.MayWexler!Reprends-toi,nomd’unepipe!Jem’asperged’eauetjedeviensdinguequandmonmascaracommenceàcoulerentraînées

noireslelongdemesjoues.—Zut!J’arrête!Félixgémitetmetsapattesurmajambe.J’entendsunpetitcoupfrappéàlaporte.—Toutvabienlà-dedans?OhmonDieu!OhmonDieu!Ilvacroirequej’aibesoindesecoursdanslestoilettes!—Oui,çava!Jemetsdansmavoixtoutelabonnehumeurfaussementdésinvoltequejepeuxtrouverenmoi.—Enfait,çavaonnepeutmieux!Tais-toi!Tais-toi!Maistais-toidonc,idiote!—J’arrivetoutdesuite!Félixaboie.Jemepencheetcaressesaminusculepetitetête,sesoreilles,soncou.Levoilàqui

partdansunetranseheureusependantquej’essaiederefairefonctionnermoncerveau.Ilfautquejemegalvaniseavantdesortirdelasalledebains,parcequejevaismeretrouverenfaced’Ozzie.

—Respire,May.Allez, respire !C’est ton patron à présent.Alors, il faut que tu arrêtes depenseràjenesaisquoiquandtuleregardes.Çarisquederendrelesplanquesvraimentgênantes.

Jemerelèveprécipitammentetmurmure:— Planques ? En tout cas, j’espère que ce n’était qu’un murmure. Est-ce qu’on aura des

missionsdesurveillanceensemble?Jesoulagemavessie leplusvitepossible,me lave lesmainsetôtecequi restedemascara

avant de quitter la salle de bains. Je trouveOzzie dans le salon : il regarde des photos de famille

priseslorsquemagrand-mèrevivaitencore.Jeveuxenavoirlecœurnet:—Est-cequejeferaidesplanques?—Peut-être.—Super.Avecqui?J’espèreque jevais l’impressionnergrâceàmon incroyablemaîtrisede la langueanglaise.

Malgré la pièce qui tourne toujours autour de moi, j’arrive à placer correctement les sujets etcomplémentsd’objet.Etvlan.Prendsça,mademoisellelagrammairienne.Essaiedenepasêtretropjalousedemoi.

—Çadépend.Onyvatousàtourderôle.J’opine, comme si je savais de quoi on est en train de parler. En fait, non. Vraiment,

absolumentpas.Jen’arrivepasàmesouvenirpourquoij’aiacceptésapropositiondetravail.Jecroisquec’esttoutsimplementphysique.

—Tuvisseule?Jerougiscommeunepetitefille.—Tuveuxsavoirsijesorsavecquelqu’un?Laréponseestnon.Ilsetournepourmeregarder.—Jedemandaissituavaisunecolocataire.—Oh.Jeregardeailleurspourqu’ilnemevoiepasmemordrelalangue.Mevoilàrepartie:comme

simessentimentsétaientpartagés…Espèced’idiote.—Danscecas,laréponseestnon.Jevistouteseule.Jemetourneunpeuplus,sibienquejemeretrouveàregarderlesfenêtres:ilneverrapas

monexpressiondontlameilleuredescriptionserait«humiliée.»Toutàcoup,savoixs’estrapprochée.—Tusorsavecquelqu’un?Jemefige.Àprésent,jeluitourneledos.Est-ilderrièremoi?Est-cequ’ilvametoucher?

M’embrasser?Mevioler?—Non.Mavoixn’estqu’unmurmure.—Bien.D’aprèssavoix,ilestprèsdelaported’entrée:Çarendleschosesplusfaciles.Jemeretourneversluiaurisquedeperdrel’équilibre.—Plusfacilepourquoi?Ilouvrelaporteetfaitjouersesclésdanssamain.—Plusfacileencequiconcerneleshoraires.Noustravaillonsparfoistard.OzzieetSaharaontdéjàfranchilaporteetsontentraindedescendrelesmarchesduperron

lorsquequejeréalisequ’ilsserontbientôtpartis.Ils’enva!Pourquoisivite?!Jesuisencoreenétatd’effervescence!Halte!Lafêtevientjuste

decommencer!Jemeprécipiteverslaporteetl’ouvretoutegrande.—Attends!Ozzie!Tunepeuxpasvenirprendreunverreetdîneravecmoi…sans…sans…OhmonDieu!J’aifailliluidire«fais-moiunpetit69!»Zut!Alerte,ausecours!Appelez

lespompiers!Lamaisonbrûle!—Sansquoi ? Il estdeboutdevant savoiture etme sourit.Saharaestdéjà à l’arrièrede la

camionnette.—Sansmedireaurevoir!Jecrieavantqu’ilaitclaquésaportière.Merde!Jeretourneencourantausalonetmetirelescheveuxtantquejepeux.Oh,monDieu!Qu’est-cequej’aifait?

J’attrapeunoreillersurlecanapéetlelanceàtraverslapièce.Maisunseulnemesuffitpas;jesuistropmalàl’aise.J’enattrapeunautreetencoreunautreetlesfaisvoleraussiloinetaussivitequejelepeux.Félixcourtàl’abrietsecachesouslatablebasse.

Jem’empareensuitedescoussins, jelestournedansunsens,puisdansunautreetmêmedetravers.Dieuquec’estagréabledefoutreenl’airuncoussin!Ilfautquejecassequelquechose;maisje déteste briser les choses, parce qu’ensuite, il faut que je ramasse lesmorceaux.Alors, jem’enprendsàmescheveux.Quandj’aifini,jesuissûrequ’ilsontl’aird’êtrepassésaumixeur.Ouf!J’aimistellementd’énergieàsaccagermamiseenplisetledécordusalonquej’airéussiàmecalmeruntoutpetitpeu.

O.K.Toutvabien.J’essaiedem’enconvaincre,maiscontinueà respirercommeun taureaufurieux.Jen’aipasdit“69”;j’aidit“aurevoir”.Jemesuismontréeparfaitementraisonnable.Toutàfait normale, n’est-ce pas ? On devrait dire au revoir quand on s’en va après avoir partagé avecquelqu’ununhomardetduvin.Onboitensemble,ondîneensembleetensuiteonditaurevoir.C’estcequ’onfaitquandonestpoli.

J’arrête mes élucubrations lorsque j’entends la sonnette. Je me dirige vers le vestibule ettrébuche sur un demes oreillers. J’atterris contre la porte et parviens à l’ouvrir un peu. Je suis àmoitiépliéeendeux,haletantecommesijevenaisdecourirdeuxoumêmedixkilomètres.Quandjevoisquiestlà,j’ouvreplusgrand.

Ozzie se tient sur le seuil,montagne géante demuscles et de calme.Un de ses sourcils serelèvelorsqu’ilmevoitdansl’étatoùjemesuismise.

Jemeredresseetlèvelementon.Ilfautquej’arriveàsauverlepeudefiertéquimeresteenjouantlesfanfaronnes.

—Tuasoubliéquelquechose?Ilregarded’abordmescheveux,puismabouche.—Oui.J’aioubliédedireaurevoir.Ensuite,ilsepassequelquechosededingue.Iltendlamainetmeprendparlataille.Puisilm’attireàluisansdifficulté.Mes lèvres s’ouvrent pendant que son visage s’approche encore et encore. Je ne peux pas

respirer.Niparler.Encoremoinsgarderlesidéesclaires.— Au revoir, murmure-t-il contre ma bouche, juste avant d’appuyer ses lèvres contre les

miennes.Fondre.Jefonds,commecebeurredehomard,danssesbras,dansmoncorps.Toutdevient

brûlantetdisloqué.Lui,aucontraire,estaussisolidequ’unrocher.Totalementsolide.Qu’est-cequisepasse?J’aiàpeinepuygoûterunpeuetlevoilàquisereculeànouveau.Lorsquejemerendscompte

que j’ai l’air un peu trop saoule, jeme domine etme redresse. Samainme lâche et j’ai envie depleurerdesolitude.Fichueivrogne!

Mesmainstremblentlorsquejerepousselescheveuxquimetombentdanslafigure.Jepeuxêtrecalme.Etgérerça…quoiquecesoit.Peut-êtrequ’ilembrassetoutessesnouvellesemployées.Sic’estlecas,jenevaispasêtrelapremièreàenfairetoutunplat.

—Bon…alors,aurevoir.J’aiditcelaenregardantsonépaule.Jen’arrivepasàleverlesyeuxplushaut.

Ilpartàreculons,faitdeuxpas,puissedétourneetsedirigeverssacamionnette.—Àbientôt,LittleBoPeep.Ilmontedanssonvéhiculeetverrouillelesportes;enquelquessecondes,ilaquittémonallée

enmarchearrière.

J’attendsqu’ilaitdisparuavantderefermermaporteetm’écrouleparterrecommeuneloque.—MonDieu,ilm’aembrassée!

CHAPITRE21

Ozziemerenvoiedesinstructionspartextoetjemepointeàl’entrepôtdeuxjoursplustard,lelundi, pourma première journée de travail. J’ai laissé Félix à lamaison. Il a l’habitude. Je passesouventdesjournéesentièresaustudio.Jesuisàpeuprèssûrequ’ildorttoutelajournéequandilesttoutseul.

Je suisassez surprised’êtrecapablede retrouver lehangaraprèsces trois journéesquiontpasséenunclind’œil.Jemesuisdéjàcomplètementremisedubaiserd’Ozzie.J’avaisjustetropbu.Jenevaismêmepas le regarderd’undrôled’airen le retrouvant.C’estmonpatronmaintenantet,parcequ’ilestmonpatron,jenetoucheraiplusjamaisseslèvresousoncorpsmagnifique.

Lorsque j’arrive devant l’entrepôt, Thibault me fait signe de rentrer ma voiture. Tous lesautressesontgarésàl’extérieur.

Jebaissemavitre:—Ilyaquelquechosequinevapas?—Justepournepastefairerepérer.Gare-toilà-bas.Ilmedésigneuncoinsombreaufondàdroiteduhangar.Jenel’avaismêmepasremarquéla

premièrefois.Cetendroitestimmense.Quandjesorsdevoiture,toutel’équipeestlà.SaufOzziequejenevoisnullepart.Lesrayons

dusoleilcoulentàflotspar l’ouverture,mais lesgrandesportesdugarageglissentetserefermentlentement,oblitérantlalumière.

—Bienvenueàtoutlemonde,ditThibault.C’estlepremierjourdeMayavecnous.Aussi,j’aipensé que nous pourrions lui donner une petite introduction sur ce que nous faisons avant notreréunionmatinale.

J’adresseunsigneauxautres,quimesaluentàleurtour.DevmesouritainsiqueLucky.Toniresteplusfroide.Àcausedeça,ellem’enimposeunpeu.Elleal’airtoutàsonaffaireet,d’aprèsceque jevois, elle s’en sortbiendansunmondemasculin. Jemedemandeàquellehauteurellepeutfrapperquelqu’unaveccesbottesencuirnoir.

—Quiestlepremier?interrogeDev.—Toi.Thibaultluifaitsigne.Donne-luiseulementl’essentiel.Devfrottesesmainsl’unesurl’autre.—O.K.Allons-y.Ilfaitunsalutrapide.Jevaisêtretonprofesseurd’éducationphysique.Je souris enme rappelant un homme rondelet avec une calvitie naissante.Dansmon lycée,

M.Pritchardétaittellementgentil:ilportaittoujoursdespantalonsdesurvêtementtroplargesetun

ballondebasketsouslebras.L’expressiondeDevdevientsévère.—Simplement,jeneseraicommeaucundesprofesseursdegymquetuaseusjusqu’ici.—Tupeuxrépétercequetuviensdedire?marmonneToni.—Voyonscequetusaisfaire.Ilmefaitsigned’approcher.Viensicietattaque-moi.Jememetsàrireavantdecomprendrequ’ilestsérieux.Touslesautressontattentifs.—Tefrapper?Jetiensmonsacserrécontremoi,heureused’avoirlaisséFélixàlamaison

aujourd’hui.Félixn’aimepaslaviolencequellequ’ellesoitetjenel’enblâmepas.—Oui.Vas-y!Ilmontresapoitrine.Aussifortquetupeux.Jefroncelessourcils.—Jenevaispastefrapper.—Pourquoipas?Ilsepencheunpeuenavantversmoi:satêtearriveàpeuprèsàlahauteur

delamienne.—Parceque…jen’aimepascognerlesgens.—Etlesgensquis’apprêtentàtefairedumal?Il lève lebrasetattrapeune triquequise trouveàcôtéde lui, surune table. Il lebranditen

l’air.—Tuleslaissesfaire?—Situmefaismalaveccebâton,tuvasvraimentleregretter.Mamainseglisselentementdansmonsac.Jen’aipasvraimentpeurpourlemoment,parce

quejesuiscertainequeDevestgentiletfaitseulementl’imbécile,maisçaneveutpasdirequejenevaispasluienvoyeruncoupdeTasers’ilmefrappeaveccettearme.Etpuis,qu’est-cequec’estquececomitéd’accueil?Jem’attendaisplutôtàducaféetdesdonuts,pasàungrandcoupdebâton.

Ilsourit.—Bon.Elleadebonnesréactions.J’aimebien.Ilavanceversmoi.—Jeneplaisantepas,Dev.Jereculed’unpas.Ilal’airsérieux,maiscen’estpaspossible,hein?Jeregardelesautres,

maisilssecontententdenousobserver.Aucund’euxn’al’airbouleverséouamusé.Poureux,toutçaestprofessionnel.

Ilabougéplusvitequejenel’avaisprévu;endeuxpas,ilestjustefaceàmoi.Latriqueselève.

Jemerecroquevilledevantlacannequivas’abattresurmoi;jefermelesyeuxparcequejem’attendsaucoupqu’ilvameporter.S’ilteplaît,nemefrappepas,s’ilteplaît,nemecognepas,s’ilteplaît…

Lebâtons’arrêteàquelquescentimètresdemonbrasetj’ouvred’abordunœilpourêtresûrequejenerisqueplusrien.

—Tunet’espasdéfendue.Ilal’airfrustré.Àprésent,j’aiouvertlesdeuxyeuxetjemeredresse.—Non.Jen’aipasbougé.J’espèrequetuvasarrêtertoutçabienvite.Tonirenifle.L’expressionmoqueusesursonvisagememetimmédiatementencolère.Oublionscetteattitudede lionpeureux.Quediable!Jenesuispasvenueicipourqu’onme

frappeavecunetrique.Quicroit-ilêtre,àmemenacercommeça?Sait-ilseulementquej’aimangéduhomardaveclepatronilyadeuxjoursouencorequ’ilm’aembrasséefougueusementsurleseuildemamaison?

Devserapproche.

—Onnevapasarrêteravantquetuaiescomprisàquelpointc’estsérieux.O.K.Jeleregardedanslesyeux;mesdoigtsretirentlecrandesuretédemonTaserdansmonsac.

Salaud.M’obligeràmeservirdemonTaser.Lescartouchessontchères.Jelesaisparcequej’aidûenracheterunelorsquejemesuistirésurlepiedparmégarde.RecevoirunedéchargedeTaserfaitunmaldechienetDevnevasûrementpasêtrecontentdemoiaprèsça.

—Écoute bien, LittleBo Peep… je vais te frapper avec cette trique sauf si tu fais quelquechosepourtedéfendre.Ilmeregardedetoutsonhautavecdelapitiédanslesyeux.Lesautresrestentabsolument silencieux. Il ne s’agit pas d’un jeu.On fait ça pour de vrai.C’est comme cela que çamarche.Lesflemmardssefontblesseretjeneveuxpasqueçaarrivequandjesuisresponsable.

—Jeleregrettevraiment,dis-jeenmefaisantaussipetitequepossible.C’estenpartiedelacomédie,maisc’est aussicommeçaque jemesens. Jen’ai jamaisétéunedureàcuire. Jedétestedevoir faire ça.Pourquoi est-ceque ça sepasse commeçapourmonpremier jour ?C’est la pirejournéequej’aiejamaiseue.

—Jevaistâcherdenepastefaireuntropgrosbleu.Lebâtonselèvepresqueau-dessusdematêteetcommencesadescente.Cettefois,jesuiscertainequ’ilnevapass’arrêter.

JeretirebrusquementmamaindemonsacetdirigeleTaserverssapoitrine.Unesortedecrideguerre fousortdemes lèvres ; jemefaisencorepluspetitedans l’attentede ladouleurquevam’infligerlatrique.«Ahhhh!»

ToutmoncorpssetendetmondoigtpresseladétenteduTaser.L’électricitéjaillitdel’arme,etc’estcommesic’étaitlafindumonde.

LesyeuxdeDevluisortentdelatête.Illâchelatrique,quitombeavecfracasàsespiedssurlesol.Le tat-tat-tat-tat-tat dequelquesmilliers devolts accompagne en rythme les convulsionsqui

s’emparentdesoncorps.—Qu’est-cequec’estqueceraffut?hurleOzziequivientd’apparaîtreenhautdesmarches.—Lavache,ellevientdel’électrocuteravecsonTaser,lâcheLucky.Leschosessemblentse

passerdansunbrouillardconfus.Devgrogne,lesyeuxrévulsésetils’affaisselentement.Jefaisunbonddecôtépouréviterqu’ilneviennes’écrasersurmoi.Lesfilsélectriquesqui

sortentdemonTasers’étirentetm’accompagnentdansmonélan.LuckysepenchepourattraperlebrasdeDevetralentirsachute.Ilsseretrouventàterre,l’unsurl’autre:Devpar-dessussonfichubâton,LuckysurDevqui

gémitcommeunéléphantblessé.LesfilsélectriquesdemonTaseremmêlésaubeaumilieudetoutcela.

—Oh,monDieu,jelecroispas!Ellel’abeletbienélectrocuté!Tonisemetàrire.—C’estpasdrôle.Thibaultsecouelatête,regardetouràtourDev,puismoi.—Jesuisdésolée, je suisvraimentdésolée. J’arriveàpeineàm’exprimer tellement je suis

gênée.Jesuistrèsmalàl’aise.Lagâchetteestbeaucoupplussensiblequejenelepensais.Jevaislafairevérifier.C’estladeuxièmefoisquejel’enclencheaccidentellementetçanevapas.Jejurequejen’avaispasvraimentl’intentiondel’électrocuter.Jevoulaissimplementledissuaderdemefrapper.Seigneur!

LuckyserelèveetfaitroulerDevsurledos.LesfilsélectriquesdemonTasersonttoujoursconnectésà soncorps.Hum!Lescrochets sontmanifestementplantésdans sapeau,pas seulementdanssesvêtements.Fichtre!

—Quelqu’un peutme dire pourquoiDev est au sol avec des barbillons dans la poitrine ?Ozzies’estrapprochéetsetientàquelquespas,lesmainssurleshanches.

—Onétaitentraindeluifaireuneprésentationdel’entreprise,expliqueToni.Commetunousl’avaisdit.

—Jesuisbiensûrquejenevousaipasdemandédel’énerveraupointqu’ellesemetteàtirersurDev.Ilsefrottel’arrièredelatête.Çava,monvieux?

Devessaiede répondre,mais toutcequisortdesabouchecesontdesgémissementsetdesgrognements.Sesyeuxsontrévulsés.

—Ozzie,jesuisdésolée.Jeregardesonmenton.Passesyeux,maissonmenton.Ilestsiprèsde moi que probablement personne ne se rendra compte que je suis froussarde. Je n’avais pasl’intentiondeluifairemal.

Ilgrogne:—Pasbesoindet’excuser.IlregardesévèrementThibault.C’esttoiquidevraisdirequelque

chosemaintenant.—D’accord. Très bien, je le reconnais. Je suis seul responsable. Thibault a levé lesmains

comme s’il se rendait.Nous en avonsparlé avant son arrivée : nousvoulionsvérifier son instinctd’auto-défense.

—Etvousavezdécidéquoiàlasuitedevotrepetiteexpérience?Ozzieregardesesemployésl’unaprèsl’autre.

Tonihausselesépaules.—Jediraisqu’ellearéussiletest.Ellesedétournepourqu’Ozzienevoiepasqu’ellesourit.— Je pense que nous aurions probablement dû prendre les choses par un autre biais,

commenteLucky.—Oh, tu penses ça ?Ozzie fait un geste en direction deDev. Relevez-le et retirez lui ces

fichusbarbillons.Ets’ilseplaint,tapez-luisurlatête.—Tuasraison,patron.Luckys’arque-boutesursesjambespouraiderDevàserelever.Aprèsquelquespashésitants,

ils arrivent à se tenir tous les deux debout. Lucky a mis son bras sous l’épaule de Dev pour lesoutenir.JeretirelacartouchedemonTaseretladonneàLucky.Jelesregardes’enaller,maisilss’arrêtent aprèsquelquespas.Dev tourne la tête etparlepar-dessus sonépaule.Savoixestunpeupâteuse.

—Jevaislabriser.Elleatriché.Ozziegronde.—Conneries.Ellet’abienattrapé.Unpointpourelle.Çafaitunebelledifférence.Jeseraisprêteàjurerquej’aientendudelafiertédanssavoix,maisjenedoispasmemonter

latête.Jemesensvraimentmal.Jenepeuxpasimaginerunemanièreplusaffreusededémarrerdansunnouveauboulot.Devnemelepardonnerajamais.

Ozzietourneunpouceimpérieuxendirectiondel’escalier.—Quandvousaurezfinidefairelesidiotsici,nousavonsuneréunionlà-haut!—Riendemieuxqueletempsprésent.Tonim’adresseunsignedesamainlevéeenpassant

devantmoi.Cinqsurcinq,sœurette.Bienjoué.Jeluirépondsd’uneclaquesurlasienne,délicatement.Jeneveuxpasavoirl’airtropcontente

d’avoirfaitdestrousdanslapoitrinedeDev,nidel’avoirbombardéd’unedéchargeélectrique.Thibaults’approcheets’arrêtedevantmoi.—Tuveuxbienmeledonner?Ilalamaintendueetregardemonarmedélestéedesacartouche.JedéposemonTaserdanssa

paume.—Biensûr.Jesuisdésoléed’avoirtirésurtonami.

Thibaultsourit.—Net’excusepas.Ilaeucequ’ilavaitcherché.Laprochainefois,ilréfléchiraàdeuxfois

avantdeleversonbâtoncontretoi.—J’espèrequ’iln’yaurapasd’autreoccasion.—Oh,ilyenaura–tupeuxmefaireconfiance.Ils’éloigneversl’escalier.Quoi ? Il va essayer de me frapper à nouveau ? Il faut que je récupère mon Taser. Je me

demandesijepourraimettrelescartouchessurmanotedefrais.Jenedevraispasavoiràlespayersurmonsalairesiellesserventàmedéfendrecontredescollèguescinglés.

Noussommesàprésentseulsenbas,Ozzieetmoi,àquelquespasl’undel’autre.—Jepensequ’ilesttempsquejetesouhaitelabienvenueparmilesBourbonStreetBoyset

quejetediseoùtupeuxaccrochertonmanteau.J’aiunpetitrire.— Et je pense qu’à mon tour je suis censée dire que je suis heureuse d’être ici et très

impatientedememettreauboulot.Ilsourit.—Quedirais-tusionrecommençaitetqu’onfaisaitleschosesbiencettefois-ci?—Çameparaîtunebonneidée.Ildésignedudoigtleséquipementsdemusculation.—Tu peuxmettre tonmanteau là où tu trouveras un crochet.Bienvenue chez lesBourbon

StreetBoys.Suis-moi.Nousavonsuneréuniondanscinqminutes.Jemarchederrièrelui,levisageenfeu.Ilestgentiletpasfurieuxquej’aieélectrocutéunde

sesemployés!Peut-êtrequelajournéenes’annoncepassimalqueça.—Jesuistrèscontented’êtreici.Jesuisimpatientedecommencer.Il rigole,mais neme répond pas. Nous grimpons l’escalier ensemble et pénétrons dans la

pièceoùsetrouvelacollectiond’épéesninjas.

CHAPITRE22

Chacunestàsaplaceautourdelagrandetabledelacuisine.Ilyadesdossiersdevantchaquepersonneetunbrocd’eaufraîcheaumilieu.MonverreadéjàétérempliparDev.

—Engagedepaix,m’assure-t-ilenledéposantdevantmoi.Ilmefaitunclind’œil.—Demandedepaixacceptée.J’avaleunegorgéed’eauetjeluirendssonsigneamical.Mon

degrédenervositébaissed’uncran.Peut-êtrequ’endéfinitive,ilnem’envoudrapas.—O.K.Jetonsuncoupd’œilaudossierHarley,commenceOzzieenouvrantledossierdevant

lui.J’ouvremon exemplaire et y trouve unmémo. Je le parcours rapidement : la police de la

NouvelleOrléansaretenulesBourbonStreetBoysSecuritycommeconsultants.Ilsdoiventl’aideràinfiltrerunganglocal.Leurmissionseraderassemblerdesinformationssusceptiblesdemeneràdesarrestations.Elleseraconnuesouslevocable«opérationHarley»parcequec’étaitlesurnomprisparOzziequandilportaitlabarbeetdesvêtementsdecuir.

Je memords la lèvre pour empêcher un fou rire. Cette barbe était horrible. Je le regardesubrepticement pour voir si je peuxme souvenir de lui barbu, mais je n’y arrive pas. Il est tropmignonmaintenantpourressembleràcethommeaffreuxquim’asauvélavielasemainedernière.

—Commevouslesaveztous,enraisondefaitsimprévus–toutlemondemeregarde,saufOzzie – j’ai dû me retirer de cette mission. Thibault et moi pensions abandonner complètementl’affaire,maisnousavonsdécidéquecen’étaitpeut-êtrepasnécessaire.

Illèvelatête.— Si nous le pouvons, j’aimerais que nous continuions. Nous avons beaucoup investi là-

dedans.Je prends notementalement de demander à quelqu’un comment est-ce que j’ai pu ficher la

missionenl’air.Simplementparcequejemetrouvaisdanscebarquandleschosesontmaltourné?J’en doute. C’était probablement cette barbe. Même les criminels savent qu’on ne peut pas êtrevéritablementaussilaid.

Luckyprendlaparole:—Nousn’avonspluspersonnesurlecoup.Commentallons-nousobtenirdesinformations?Ozziefermeledossieretmeregarde.Ilposesesmainsàplatsurlatabledevantlui.—Nouspourrionspeut-êtreessayerd’enrassemblergrâceàdelasurveillance.Jesaisqueles

détectivesquisontsurl’affaireontdéjàessayé,maisjeseraisd’avisquenousyallouionsunepartiedenosressources.

Ehbien!J’imaginequec’est làquejevais intervenir.Est-cequeceseramapénitencepouravoirruinésonstupidedéguisementdebarbu?Jebougesurmachaise,touslesregardssonttournésversmoi.

—C’estpossible,admetLucky.Qu’as-tuentête?—La nuit où tu devais intervenir et venir en renfort (Ozzie regarde sévèrementDev), j’ai

apprisoùsetrouvel’unedeleursprincipalesadresses.C’estau-delàdeBurgundy.J’ysuispasséceweek-end.Ilyadespossibilités.

—Tusongesàdesphotosoudesvidéos?interrogeThibault.—Lesdeux.Peut-êtreaussiuneinterceptionaudio.Nousverrons.Jeveuxl’opiniondeToni.Elleopine.—O.K.Quand?Tupourraisallerlà-basavecBoPeep,aujourd’huisic’estpossible.IlregardeToni.Pasmoi.Jelèvelamain.Toutlemondemeregardecommesij’étaisfolle.—Tuveuxajouterquelquechose?demandeOzzie.— En fait, j’ai une question. Entre parenthèses, n’hésite pas à m’appeler May. Je fais un

sourire.Jemedemandaisseulement,sij’accompagneToniaujourd’hui,qu’est-cequejedevraisfaireexactement?

Jetraceun«M»invisiblesurlatabledevantmoietj’essaied’avoirl’airleplusdécontractépossible.S’ilfautquej’emporteunearme,jeneferaipascedontilparle,peuimportecequeçapeutêtre.

—Onpasserapidementdevantenvoiture.C’esttout,expliqueToni.Riendebiendifficile.Onsefaitjusteuneidéedeslieux,onregardequelgenredemaisonc’est,oùsontlesmeilleursendroitsd’oùonpeutsurveillerleschoses.Destrucscommeça.

—Etquandtudisqu’onyva,tusous-entends…?Jedessineun«A»etun«Y»invisiblessurledessusdelatable,histoiredecomplétermapetitemiseenscène.Jenevaispasmelaissereffrayer.Nidevenirrougecommeunecerise.

Elles’énerve.— Ce que nous verrons. S’il y a des gens qui entrent, des choses qui se passent, des

anniversairesqu’onfête–peuimporte.J’acquiesceetjemedemandesielleometvolontairementlessituationslesplusdangereuses

oubien s’iln’yenapas.Toutcelaparaît assez innocent.Onpassedevant.Çaprendracombiendetemps?cinqsecondes?

—J’imaginequejepeuxyarriver.J’opine,confiante.Ozziefaitapparaîtreunseconddossierquisetrouvaitsouslepremier.—Bien. On continue. Nous avons un nouveau projet ; il s’agit d’un commanditaire privé.

C’estl’opérationBleuMarinequisetrouvedansledossierdevantvous.Lucky,jetemetsdessuspourlemoment.Dis-moisinousdevonsengagerdupersonnelsupplémentaire.

—D’autrespersonnes?Jesuissurprise.—Desgensquiontdestalentsquenousn’avonspas,expliqueThibault.—Parexemple?— Principalement des experts en informatique, intervient Lucky. Je peux m’occuper des

donnéesfinancières,maisquandils’agitde…d’entrerdanslefonddeschoses…Ilfaitbougersessourcils.J’ensuisencoreàunniveaubasique.

Je suis d’accord. Ma sœur est super pour les ordinateurs, mais elle a tellement de travailqu’elle n’en accepte jamais en supplément. Elle menace toujours de donner sa démission et de

travailler en freelance, mais je sais qu’elle ne le fera jamais parce qu’elle a trop peur de ne pasgagnerassezd’argentetnedepaspouvoirfairevivrelesenfants.Ellenepeutpastoujourscomptersur son expour payer sa part des factures. Pas parce qu’il est en voyage,mais parce que c’est unvoyoudetrouduculquipréfèredépensersonargentavecsanouvellemaîtresseplutôtquepoursonexfemmeetsesgosses.

—Dequois’agit-il?demandeDev.—Malversationsenentreprise.Une sociétéd’équipementsmaritime.Pasbeaucoupd’argent

enjeu,àpremièrevue,maisonnesaitjamais.Ilsacquiescenttous,commes’ilsconnaissaientlesdessousdel’histoireetqu’iln’yavaitpas

besoindecommenter.—Quelquechosed’autre?interrogeThibault,reculantsachaise.—SeulementBoPeep.Vous savez tous qui elle est.Elle commence une période d’essai de

quatre-vingtdixjours.Faitesensortequ’ellesemetteaucourantaussivitequepossible.—Jeluimontrerailematériel,déclareTonienmefaisantunsigne.Jeluiretournelapolitesse,remettantàplustardmaremarqueàproposdeBoPeep.Jepense

quejepréfèreMayWexler«laboulettedeviande».C’estmoinshumiliant.Plusoumoins.Toutlemondeselève.Jemehâtedesuivrelemouvement.Ozziereprend:—May,resteunmoment.—O.K.Bien sûr.Mais, en fait, jem’inquiète à l’idée de rester seule avec lui quand tout le

monderedescendets’enva.Jefaiscommes’ilétaitd’uneimportancecrucialequetousmesdossierssoientparfaitement

alignés tandis que l’équipe sort en rangd’oignons.Thibault est le dernier à partir et il referme laportedelacuisinederrièrelui.

Ozzieseraclelagorge.Jeleregarde.—Écoute,jeneveuxpasteretarder,maisjevoulaisjuste…hum…m’excuser.Ilregrettecequ’ilafait.Jelesais.Unedouleurmefrappeaucœur.Boum!—T’excuser?Mavoixesttotalementneutre.Dequoi?—Pourl’autresoir.Sonexpressionestplussombrequejenelesouhaiterais.Flûte,cequeçafaitmal.—Ne sois pas idiot ; il n’y a rien à excuser. J’agite unemain entre nous et fronce le nez

commes’ilétaitfou.—J’aidépassélesbornesetjen’auraispasdûfairecequej’aifait.—Lehomardétaitunpeutrop,maisjetepardonne.Est-cequejepeuxyallermaintenant?Je

suisimpatiented’allerfairecerepérageavecToni.Jepensequ’elleetmoinousallonsnousentendreàmerveille.

J’abandonnemesdossierssurlatableetfaisunpasverslaporte.Jevaisgardermeslarmesamèrespourcesoirquandjeseraitouteseulepourboireduvin.

—Jeneparlepasduhomard.—Lehomard,levin,unbaiserpourdireaurevoir–peuimporte.Toutça,c’estpareilpour

moi.Jepasselaporteetlarefermederrièremoiavantqu’ilpuissevoirmonvisagesedéfaire.Lorsque j’arrive devant l’entrée qu’on actionne avec un clavier électronique, je me suis

presquereprise.Jesuisdéjàpasséeparlà:untypequis’amuseavecmoietleregretteensuite.Jesuissansdoute irrésistibleparfoisetc’est leprixàpayer.Bonsang!Jedoisdirequejecommençaisàbienl’aimeraussi.

Laportes’ouvreavantquej’aieeuletempsdepaniquerparcequejeneconnaispaslecode.Devestlà,surprisdemevoir.

—Tunevaspasmetirerencoredessus,hein?—Saufsituasl’intentiondemecogneravecunbâton.Jedésignelaserrure.—Est-cequej’ailedroitdeconnaîtrelecode?—Oh,oui,désolé.Jepensequ’iltefautcelui-cietceluiquiouvrecetteportedel’autrecôté.

Etpuislecodepourlagrandeportesurlarueetpourlecoffreauxarmesetl’armoiredesappareilsphotos.

Jechercheunstyloaufonddemonsac.—Tunepeuxpaslesécrire.Ilfautlesmémoriser.Ildésigneleclavier.—Ça,c’estmaporte,parcequec’estmoiquicollectionnelesépéesquisontdanscettepièce.

Donc,lecodeiciestDev1.Leslettressontsurlestouchesdeschiffres.Ilfermelaporteetfaitungesteendirectiondupavétactile.—Vas-y.Essaie.J’appuiesurlestouchesetlaportesedéverrouille.Ilmedonneunepetitetapedansledosqui

meprojetteenavant.— Bravo, Bo Peep. De l’autre côté de la porte, c’est le domaine de Thibault. Le code du

hangarprincipalestT.B.O.1.Tuascompris?Jefaisouidelatête.Noussortonsetfermonslaportederrièrenous.—Essaie,ordonneDev.JetapeT.B.O.1.etlaportes’ouvre.—Tuesparée,jeunefille.Devdéverrouillelaporte,maislalaissefermée.Delàoùnousnoustrouvons,ilmedésigne

unclavieràl’étageinférieur,prèsdelagrandeporteparlaquelleentrentlesvoitures.—CepavéestceluideToni.Pourquoi?Jenesaispas.LecodeestT.O.N.1.Tupeuxfermer

quand tu pars. Nous autres avons des passes électroniques. Tu n’en recevras un qu’à la fin de tapérioded’essai.

—Etpourlecoffreaveclesarmesetlesautreschoses?Jeposelaquestiontandisquenousdescendons.

—Tonipourratelesdonner.Ilfautquejemedépêche.—Quelqu’un attend dehors que tu lui donnes un coup de bâton sur la tête ? Je ris dema

méchanteblague.—Oui.Mon fils.Mamère ne pouvait le garder que deux heures aujourd’hui et il faut que

j’aillelerechercher.Jem’arrête,surpriseparsaréponse.—Tuasunfils?Quelâgea-t-il?—Quatreans,unpeuplusdequatreansetdemi.Ilsourit,toutfier.Jenevoudraispasqu’ilen

soitautrement.Tout s’éclaire dansma tête. C’était ce à quoi il faisait allusion quand il se justifiait auprès

d’Ozzie parce qu’il a des responsabilités. Pour autant que jem’en souvienne,Ozzie ne s’était pasmontrétrèscompréhensifàcesujet.IlsavaitsûrementqueDevparlaitdesonfils…

—Boncouragepourtoutàl’heure.Devlèveunemainetj’essaiedetoper-là.Raté!Ilmedonnedeuxbourradessurlebras.—Deuxàun.Essaieencore!J’yparviensmieuxlasecondefoisetilmefaitunclind’œil.—Tuvasyarriver.Ilpartaupetittrotavantquej’aieeuletempsderépondre.

—Nem’obligepasàmeservirencoredemonTaser!Il rit enmontant dans sa voiture et je souris en traversant la salle.Tonim’attend, le visage

renfrogné.

CHAPITRE23

—Quandtuaurasfinide jouer les idiotes, jepourrai temontrer lesarmoiresdont tuaurasbesoin.

Jesuissidéréeparsasortie.Jepensaisquenousallionsêtreamies.Ilsemblequejemesoistrompée.Merde.J’aihorreurdeshistoiresdefilles,surtoutautravail.

Elleme désigne le coffre qui contient les armes. Je l’avais remarqué lors demon premierpassageici.

—Cesontdesarmesquenousutilisonsdetempsentemps.Jen’enaipasforcémentavecmoi,maisquandc’estlecasjeprendscequimeconvientlà-dedans.LecodeestC.O.L.T.4.5.

—Original.Je suis trop grognon pourme laisser fairemaintenant. Pourquoi a-t-elle étémalpolie avec

moi?Est-cequ’elleaétésympaseulementparcequelesautresregardaient?Çavaêtregaisic’estlecas. Je vaisme retrouver coincéedans unevoiture avec elle pendant je ne sais combiende temps.Troplongtempsprobablement.

Elleouvrelaporte,cequimepermetdevoirunecollectioncommejen’enaijamaisvueendehorsd’unfilmd’action.

—Waouh.C’estunsacréarsenal.Ellelesdésignecommesiellemefaisaitunevisiteguidée.—Lesarmesdepoingici,lesfusilsetlescarabineslà.Celui-cin’estpasvraimentlégal,alors

nelesorspassansenparlerd’abordàOzzie.—Oh,net’inquiètepas.Jen’aipasl’intentiond’enprendreune.Jamais.—Biensûrquesi.Toutlemondeicisuitunentraînementautir.Nousavonsdesexercicesde

recyclagechaquemoisaprèsnotrecertification.—Certification?—Detireurd’élite.Ozzieinsistelà-dessus.Ilnevoudraitpasqu’ontiresurlamauvaisecible.Mavoixmanquesacrémentd’énergie.—C’estchouette.Enfin,jecrois.—Là,tuasdesgrenades…ellesnesontpasamorcéestantquelagoupillen’estpasretirée,

maisjeneterecommandepasd’ytoucher.—Pasdesouci,jenelesmanipuleraipas.Les yeux me sortent de la tête. Ces gens sont fous. Pourquoi suis-je encore ici ? Ah oui.

L’argent.

—Lesballes sont là.Lesboîtesontdes étiquettes.Commeça,onest sûrsd’avoir labonneboîtepourlebonfusil.

—Bon,d’accord.C’estfou.Commesijesavaisquelleballevaavecquelfusil.J’enrirais!Çaneleferapas.La

seulegâchettequejetouche,c’estcelled’unappareilphoto.Couteaux,nunchaku17,cannesdecombat,coupsdepoingaméricaindanscepetittiroir.Elleseretourneunpeuversmoipourmeregarder.—Desquestions?—Oui.Oùsontlesrampesdelancementpourlesmissiles?—Nouslesgardonsdansunendroitséparé.Elleme laisse plantée là, bouche ouverte comme une imbécile et continue à parler tout en

marchant.Jenesaispasdutoutsielleplaisantaitounon.—Ilyaencoredeséquipementsdanscesarmoireslà-bas.Elleouvrebrusquementunedesportes.—Masquesàgaz,giletspare-balleenKevlar,gants,casques,bottes.Ellefermelaporteetenouvreuneautre.—Équipementsdecampingpourplanqueslorsqu’ellesnesedéroulentpasenville.Laporteserefermeetellesedirigeversunplacardferméàclé.—Etvoicitondomaine.Luckyadéjàchangélecode.Elledésignelaserrureetsouritsournoisement.—Devinecequec’est.Jem’avance lentement, regarde cette serrure stupide : jeme demande quelle fine astuce se

cachederrière.—Combiendechiffres?—Quatre.Je soupire bruyamment. Son visage l’a trahie. J’appuie sur les touches, l’une à la suite de

l’autre:P.E.E.P.Laserrures’ouvreavecundéclicetlesouriredeTonidisparaît.—Ha,ha,trèsdrôle.J’ouvrelaporteetj’aiunhoquetenvoyantlecontenu.—Tuaimes?demande-t-elle.Ellerecommenceàsourire.—J’adore.Jetendslamainetprendsl’appareilquejerêvedeposséderdepuiscinqans,sans

avoirjamaispumel’offrir.Lavache…—Oui.Ozzienelésinepas.Ilditqu’unboncordonnierdoitavoirdebonsoutils.JesourisenpensantàDev.—Qu’est-cequinevapasaveclavoituredeDevalors?—LaPhoenix?Ellesourit.Tupeuxmettrequelquechosecommedixcadavresdanslecoffre.

Nousl’avonsbeaucouputiliséedepuisqu’ill’aachetéel’annéedernière.Jemanquedefairetomberlacaméra.Ellemelaprenddélicatementdesmainsetlareplacesur

l’étagère.—Doucement,BoPeep.Jeplaisantais.Plusoumoins.Ellerefermelaporteets’assurequelaserrureestrefermée.— Je te laisserai t’amuser ici tout à l’heure.Maintenant, il faut qu’on y aille avant que les

méchantsseréveillent.Jeresteàcôtédel’armoire.—Lesméchants?EllegrimpedansleSUVdeThibaultets’attendàcequejefasseletourpourmonterducôté

passager.Lemoteurtournedéjà.

—Est-cequ’onn’emportepaslacaméraouquelquechose?—Nan.Ellemerépondparlafenêtreouverte.C’estjusteunereconnaissancevisuelle,riende

plus.Jemetiensàlapoignéeau-dessusdelaportepourgrimperdansl’habitacle.LeSUVestplus

haut sur roues qu’il n’y paraît. Reconnaissance visuelle. Reconnaissance visuelle. Je répètel’expressionpourpouvoirl’utiliserplustarddanslaconversation.Jecommenceàm’impatienterdedétonnerautantdansl’équipe,commeunestupideBoPeep.Et,parcequej’aivutoutcetéquipementd’appareilphotoetvidéo,j’aisérieusementenviedel’essayer.

—Metstaceinture,prévientTonipendantqu’elleajustelerétroviseur.J’ai juste le tempsde l’attacher ; sur leschapeauxde roues,ellequitte l’entrepôtenmarche

arrière.Sijenem’étaispasaccrochéeàlapoignée,jeseraistombéesursesgenoux.—Lavache!Ilyalefeu?Lespneuscrissentunpeutandisqu’ellefaitdemi-tourpoursortir.—Non.Maisjenevoispasl’utilitédeconduirecommeunemamie.Jefroncelessourcilsetmerecroquevillesurmonsiège.Super.MevoicimamieBoPeep.Est-

cequejepeuxêtredavantagehorsdemonélément?

17.Armeblanche:deuxlourdsbâtonsenmousseouencaoutchoucreliésparunechaîne.Peutêtremortelleetsonportestinterditdansunlieupublic.

CHAPITRE24

Commeonvalevoir,j’ensuisplutôtloin.Jepeuxmeretrouvervraiment,maisvraimenttrèsloindemonélément,parcequejevaispasserlamoitiédelajournéeavecToni.

Cette histoire a commencédans unquartier plutôt lugubre de la ville où je ne souhaite pasremettrelespiedsetnousaboutissonsdansunendroitpireencore.Commentappelle-t-onunlieuoùonvoitlesdealerstrafiquerenpleinjour?L’enfer?

C’est l’endroit, croyez-le ou non, où je suis censéemettre en place une surveillance, avecl’aidedeToni,afinderassemblerdesinformationsausujetdesvoyousquihabitentparici.Oubienquivendentleurdrogueoutouteautreactivité.Ha!Quellevilledefous!Toutcequejesais,c’estquej’aivubeaucouptropdepantalonsportéstropbassurbeaucouptropdehanchesaujourd’hui.Ilsn’ontdoncpasdeceinturescestypes-là?

—Alors,qu’enpenses-tu ?medemandeToni tandisquenous revenonsvers le repairedesBourbonStreetBoysenpassantparleport,aumilieududédaledesimmeublescommerciauxetdeshangars.Faisable?

Jefaiscommesij’étaisblasée.—Jesuppose.Jen’aipasvraimentvutoutcequevousaviezcommematériel,maisenthéorie,

sûrement.Onpeutphotographier,surveilleretespionnern’importequelendroit.Sionpeutlefairesans

être tué, là est la question ! J’ai des doutes quant aux endroits par lesquels nous sommes passéesaujourd’hui,maisOzziem’agarantiquejeseraisensécurité,alorsjevaismefocaliserlà-dessusetnonsurlesarmesdepoingquej’aivuesàlaceinturedesgens.

—Attendsdevoirnotrecamionnette.Ellesouritetserrelevolant.Deuxsecondesplustard,elleletourneviolemmentversladroite

etnousprenonsleviragebeaucouptropvite.Lespneushurlent.Ànouveau.Elledoitlesfairechangertouslesdeuxmoisàenjugerparlafaçondontelleuselagomme.

—Quellecamionnette?—Ce sontnosyeuxmontés sur roues.C’estde làquenous contrôlons la situation lorsque

nousn’avonspasnospiedsausol.—Lespiedsausol?Elles’arrêtedevantlaportedel’entrepôtetattrapeunepetitetélécommandesurlaquelleelle

tapeunnombre.—Quandnoussommesàpiedetpasdanslacamionnette.

Ellesoupire,commesielleétaitfatiguéededevoirtoutm’expliquer.C’esttrèsdécourageantdecomprendrequejeladéçoisàcepoint.J’imaginebienquejen’ai

pas réussimon épreuve du jour avec elle. J’ai gagné un point en électrocutant son ami, et je l’aireperduparceque jene jouepas au conducteur fou avecdes idéesmeurtrières. Jenedevrais sansdoutepassortirtropsouventavecelle.

—Quiestchargédecetravail?Jeposelaquestion,histoired’entretenirlaconversation.Duboulotàpied?Jenevoispersonnedanslehangaretj’aipeurquenoussoyonslivréesl’uneàl’autrependantencoredeuxheures.

—ParfoisThibault,parfoismoi.Peut-êtretoiunjour.—Moi?Jenepeuxcacherlapaniquedansmavoix.—Pasmaintenant.Pasavantquetuaieseuuneformationsérieuse.Elleentredansl’entrepôt,

rétrograde et coupe lemoteur. Tu seras sans doute prête dans à peu près sixmois. Elle ouvre saportièreetsort.

—Sixmois?Jedescendsaussi,unpeuoffensée.Jen’aipasàcepointperdulaforme.Jemepincelecôtépourm’enassurer.Iln’yapasplusd’unoudeuxcentimètresentropàcet

endroit.Peut-êtrecinq,parcequejemesuisrécemmentgavéedeglacesBen&Jerry.Elleestentraindemonterl’escalier.—Tunepeuxpassavoiràquelpointtumanquesd’entraînementavantd’avoircommencéà

travailleravecDev.Tupeuxmecroire.Aucundenousnelesavait.Jefais jouermesbicepsetsourisavecfiertéensentant lapetiteboulequivientmefaireun

coucou.Toninemeconnaîtpas.Jesoulèvedesappareilsphototoutelajournéesansmeplaindre.Jesuis surmes jambes pendant des heures d’affilée. Troismois. C’est tout ce qu’il me faudra pourdevenirunedureàcuire.Super,monenfant!

Unedureàcuire?D’oùm’estvenuecetteidée?Jen’aipasenviededevenircommeça,n’est-cepas?Jelaisseretombermonbrasetmeremémorecethommequimesuivaitdanssavoitureetquim’atirédessus.Jesecouelatête.Si,jeveuxdevenirunedureàcuire.Pourl’amourduciel,jeveuxêtre quelqu’un qui n’aura pas peur en sortant de samaison si elle voit une automobile passer auralentidevantchezelle.Jeveuxêtrelegenrededureàcuirequ’Ozzietrouveattirante.

—Seigneur,dis-jeàvoixhaute.Puisjemarmonne:c’estvrai,May,tuasbesoinqu’ontefassel’amour.

—Qu’est-cequetudis?faitunevoixsurmadroite.Jeregardesurlagauche,exprès.Non!Jeneveuxmêmepasregarderducôtédelapersonne

quim’apeut-êtreentendue.Cen’estpaspossible.—Tumedisaisquelquechose?Ozziesortdel’ombreetsedirigeversmoi.Jetournebrusquementlatêtedesoncôté.—Qui,moi?Non,jen’airiendit.Jemerappelaisjustelescorvéesquejedoisfairetoutà

l’heure.Parexemple,allervoirunpsyparcequejesuisfolle.—J’aicrut’entendredirequetuvoulaisêtrepayée18.Jetendsundoigtdanssadirection.Ahoui!Oui,j’aiditça.Waouh,quellebonneouïe.Merci,monDieu!— Il faut seulement que je remplisse un formulaire avec les informations te concernant.

Ensuite,Lucky t’inscriradans le registredupersonnel.N’oubliepasdegarder tous les reçus. Il temontreralamanièredelesluiremettreàlafindumois.

J’acquiescede l’air leplussérieuxpossible. Il fautgarder toutçavraimentprofessionneleteffacerainsitouteslespenséessexuellesquicontinuentàsurgirdansmatêtequandilestprèsdemoi.Lepoètequiestenmoiprendlerelais:

Muscles,muscles,fessesetpectorauxbienfermesPourquoifaut-ilquedemalibidoilssoientleterme?Ah!Allezvous-en,penséestorrides!—Comments’estpasséetapremièrejournée?demandeOzzie.Trèsbien.Sefocalisersurletravail.—Bien,jepense.J’aifini?Jenesuislàquedepuistroisheures.Jenepeuxpascroirequ’ilpuisseconsidérerçacomme

unpleintemps.—Ilyaencoreunechosequ’ilfautquetufasses.Ensuitetupourraspartir.Jeremontemonsacsurmonépaule.—Super.C’estquoi?—Unentraînement.—Unentraînement…commedansunesalledesport?Ozziefaitunsigneendirectiondeséquipementsàl’autreboutdelapièce.—Notresalledesport,oui.—O.K.Jefrottemesmainsl’unecontrel’autreetregardeautourdemoi.OùestDev?C’est

luimonentraîneur,n’est-cepas?—Ildevraitl’êtrenormalement,maisaujourd’hui,ilrécupèreaprèsunefrappedeTaser.—Oh.Etrevoilàmonsentimentdeculpabilité.—Alors,c’estmoiquivaist’entraîneràsaplace.Etrevoicimesidéestorrides.Ilretiresonsurvêtement:endessous,ilporteunT-shirttrèsajustéetsansmanches.Quicolle

àlaperfectionavecsonshorttrèssuggestif.Vite!Ilfautquejetrouveunedérobade!—Je,hum.Jen’aipasmesvêtementsdegym.—Çan’apasd’importance.Onenapourtoi.Ildésigneunplacard.Là-dedans.Change-toi.Je

reviensdanscinqminutes.Etlà-dessus,ilm’abandonnetouteseuledanslehangar;jememetsdansunebellepanique.Je

nesaispascommentjevaispouvoirregardersesmusclessailliretnepasmejetersurlui.Çavaêtreunvéritabletestdevolonté.

18.Jeudemotsentre«togetlaid»et«togetpaid».

CHAPITRE25

Envérité,cen’estpassidifficilequeçadenepasmettremesmainssurOzziependantquenousnousentraînonsensemble.Àlaminuteoùilcommenceàmefaireforceretgrognerenappuyantlesjambessurdesappareilsouensoulevanttrèshautdestupideshaltères,toutcequim’attireenluidisparaît sous le côté déplaisant dumilitaire à tête dure. Je suis étonnée qu’il n’ait pas échangé sabarbepourunetoutepetitemoustachecarrée.

—Allez,encoreunefois!crieOzzie.Vas-y!Donne-toiàfond!—Arrgh!Jesaisquijen’inviteraipaspourmonpremieraccouchement.Donne-toiàfond,

moncul.—Encoreun.Allons:tupeuxlefaire.Vas-y!—J’enaidéjàfaitundeplus!Jesuisàboutdesouffle;lespoidspendentauboutdemesbras

ballants.Toutmebrûle.Tout.Jusqu’àmesmusclesfessiersquisontenfeu.—Tun’espasvidée.Vas-y:jevoisdanstesyeuxquetupeuxencoreenfaireun.Allez.Cequetuvoisdansmesyeux,c’estunemenacedemort.Maisj’essaiedesouleverlespoids.Surtoutparcequejeviensdevoirs’ouvrirlaporteenhaut

de l’escalieretDevquidescend.S’ildécèle lamoindrefaiblesse, j’aipeurqu’ils’enprenneàmoideux fois plus fort lorsqu’il aura récupéré.D’après ce que j’ai compris, ce sera demain. Il a déjàretrouvéunedémarchetoutàfaitalerte.

—Allez,soulève!hurleOzzieenpleindansmafigure.Lâche-moi!Je pousse un cri qui tient du grognement tandis que mes bras commencent à soulever les

poids. Je lui enverraisunboncoup si je lepouvais,mais jedoisconcentrer toute l’énergieque jepossède encore dans mes biceps. Mon corps se plie lentement vers l’arrière pour compenser lemanquedeforcedemesbras.

—Pascommeça!Tiens-toidroite!Denouvellesgouttelettesdesueurjaillissentdemonvisage:j’arrêtedemecourberetessaie

d’utiliserlaseuleforcedemesbraspoursouleverlespoidsdedixkilosau-dessusdemonnombril.—Jenepeuxpas…jenepeuxpas…Ilpasseunseuldoigten-dessousdechaquehaltère.—Voilà.Jevaist’aider.J’aienviedehurlerpourrefusersonoffreridiculedeprétendueaide,maisjenepeuxpas.Je

n’aiplusd’énergiepourquoiquecesoit. J’ai tellementpeurde lâcherunvent ; jeserre les fesses

autantque jepeux,cequime laisse trèspeude forcepoursoulevercespoids jusqu’àmesépaulespourlavingtièmefois.

—Eeerrr!—C’estça!crieOzzie.Tuyes!Arrivéàcôtéd’Ozzie,Devs’arrêteetfaitunsignedetête.—C’estça.Tuyes.Mesmuscles crient pitié,me supplient d’arrêter,mais je continue à les forcer à s’exécuter

parceque,sijenelefaispas,jepartiraid’icilatêtebaisséedehonte.JesaisquetouslesmembresdeBSBdonnenttoutcequ’ilsontdansleventreetjenepeuxpasjouerlesBoPeepindéfiniment.Mesbrastremblentsousl’effort.S’ilvousplaît,nemelaissezpaspéter,s’ilvousplaît,nemelaissezpas.

Lespoidsfinissentparobéiràmonordreetatteignentlesommetdelabarresupérieure.Ozzieme les retire des mains et les soulève au-dessus de ma tête comme s’ils étaient des plumes, melibérant de la prison qu’est son entraînement.On dirait quemes bras vont semettre à flotter dansl’atmosphèremaintenant que les haltères ont été enlevés.Ensuite, comme je les laisse retomber lelongdemoncorps,ilspèsentcommedespoidsdevingt-cinqkilosattachésàmespoignets.

—C’est bon pour ton premier jour, déclare-t-il. Il replace les poids sur un portant, à côtéd’autresdediverscalibres.

Dieumerci,jepeuxenfinrelâchermonfessier,maintenantquelacrainted’unventaccidentelestpassée.Jemepencheenavantetposemesmainssurmesgenoux.Matranspirationsuitlaloidelagravitéetcoulelelongdemonvisagejusquedansmesyeux.Aïe,çapique.Jememetsdeboutettentedechasserladouleurenclignantlespaupières.Jesuissûrequ’onpourraitcroirequejepleure,maisjesuistropfatiguéepouressuyermasueur.

—C’étaitunentraînementdur?demandeDev.Ondiraitqu’iladumalàs’empêcherderire.—Assezdur.Jehausselesépaulesetconstateàquelpointilestdifficiledelessouleverquandellesn’ont

pluslamoindreforce.Jeregardemavoitureetmedemandesijevaispouvoirlaconduireàprésent.Celevierdevitessevaêtreunproblème.Peut-êtrepourrais-jeappeleruntaxisansquepersonnes’enaperçoive. Si seulement je n’avais pas acheté une voiture d’une couleur aussi brillante. Ils nemanquerontpasderemarquerquejel’ailaisséeicipendantlanuit,dansuncoindeleurentrepôt.

Ozziemedonneunepetitetapesurl’épaule.—Nousallonstelaisserunjourpourrécupéreretonrecommenceramercredi.D’undoigttremblant,jefaisvolerunpeudesueurloindemonfront.—Pasbesoind’attendre.Jepeuxm’yremettredemain.Cecomportementdedureàcuirevientduplusprofonddemonêtreleplusprimitif.Jesuisà

peu près sûre que j’ai un plein seau d’adrénaline en train de courir dansmes veines. C’est dû ausentimentquej’avaisilyaencorequelquesminutes:j’allaismouriràforcedesouleverdespoids.

—On verra comment tu te sentiras demain.Devme donne une claque sur le dos et retireensuitesamain,dégoûtéquandilsentàquelpointjesuisennage.

Ozzieestànouveautoutàsesaffaires.—Demain,jeveuxquetuaillesdanslacamionnetteavecTonietThibaultpourvoircequetu

peuxarrangerlà-bas.Jedemande:—OpérationBarbeBleue?Devsemetàrireets’arrêteimmédiatementquandOzzieleregarded’unairfurieux.—Harley,reprendOzzie.C’estHarley,pasbarbebleue.Jegrommelleetattrapemaserviettetrempéedesueur.—J’auraispum’ytromper.

—Ehbien.Devest tout sourireet frotte sesmains l’unecontre l’autre. Jesuis impatientdepouvoirm’entraîneravectoi.

Sonbonheurestcontagieux.—Vraiment?Jem’essuielevisageetlecouaveclaserviette,essayantdenepasreculer.Elle

estvraimentrépugnante,avecuneodeurmétallique.Pourquoi?—Parcequetuasentoibeaucoupd’énergie.Jepensequejevaisprendreduplaisiràtebriser.Jerenifle.—Oui,biensûr.Commetuveux.Jeparlecommesij’étaispleined’assurancemais,enfait,jesuisauborddeslarmes.Pourquoi

faut-ilquejemeprésentecommeundéfipourl’entraîneurparticulierdel’équipe?Jusqu’àprésent,jen’aijamaispenséquej’étaistellementmasochiste,maisjemedemandemaintenantsijemeconnaisvraimentbien.Cetendroitvientdemerévélermavraiepersonnalité;oubienilm’atransforméeenquelqu’undedifférent.Enl’espaced’unejournée.Quellehistoire!

Montéléphonebipeetjeleprendssurlebancdemusculationpourvoirquic’est.Jenny.Ellem’alaisséuntextoquejenepeuxignorer.

Masœur:S’ilteplaît,appelledèsquetupeux.Sammyestmaladeetsuiscoincée.Coincéepourraitvouloirdiren’importequoiavecelle:tellequejeconnaismasœur,ellen’a

peut-êtrepasdebaby-sitteroubienelleestenferméedanslasalledebains.J’interrogeOzzie:—J’aifiniiciouest-cequ’ilyaquelquechosed’autrequejedoisfaire?— Non, ça va. Reviens demain avant 7 heures si tu peux. Il faut que tu aies le temps de

regarderl’équipementavantquevousnepartieztravailler.J’acquiesce,espérantque,sij’arrivedesibonneheure,celaveutégalementdirequejepeux

partirplustôt.Cen’estpasquejemeplaindraisicen’estpaslecas.Ceboulotn’arienàvoiravecceuxquej’aieusauparavant.Ilestvraimenttrop…différent.Décontracté.C’estcommedesebaladeravecunefamilleunpeufolle.Unefamillequiaimes’entraîneretselivreràdescombatsrapprochés.Desfous.Enfait,j’aimeassezlesfous.

—Jepeux teparleruneminute?medemandeDev tandisquenousnousdirigeons tous lestroisversl’escalier.

—Biensûr.Qu’est-cequ’ilya?Ils’arrêteetattendqu’Ozziesoitunpeuplusloin.Ilsetourneversmoietbaisselavoix.—Écoute,jesaisquetuasdonnétonmaximumaujourd’hui.Alors,situnetesenspasd’avoir

unautre entraînementpendantquelques jours, tun’asqu’à ledire.Tuneperdraspasdu toutnotreconsidération.Nousvoyonstousleseffortsquetufais.

Jefroncelessourcilsparcequejemedemandesicen’estpasunmauvaistourqu’onveutmejouer.

—O.K.—Demain,tuvasêtretoutendolorie.N’oubliepasdefairedesétirementsmaintenant,d’autres

cesoiretencored’autresdemainmatin.Tuasdéjàfaitduyoga?Jesecouenégativementlatête.—C’estledomainedemasœur,paslemien.—Tudevraiscommencer.Cela t’aideraàêtreplussouple.Peut-êtrequ’ellepeut temontrer

quelquesmouvements.—O.K.C’estnoté.Étirementsetyoga.Dev s’arrête devant la table en bois et arrange quelques armes qui s’y trouvent. Je ne suis

mêmepasinquièteàl’idéequ’ilpourraitluiprendrefantaisiedes’enservircontremoi.S’illefaisait,jem’étendraistoutsimplementparterrepourfaireunpetitsommeetjeluienseraisreconnaissante.Leseulfaitderesterdeboutdrainelepeud’énergiequimereste.

Je n’ai jamais été une sportive jusqu’à présent ; aussi, que quelqu’un m’y force estprobablementunebonnechose.Jepensequejepourraismepermettred’êtreunpeuplussouple.Jevaisbientôtavoirtrenteansetmasœurm’adéjàditunecentainedefoisquec’estl’âgeauquelsoncorpsacommencéàsedétériorer.

Jemesouviensdesontextoenpensantàelle.Jeluitaperapidementuneréponse.Moi:J’arrive.—Àdemain?demandeDevenmetendantunemain.Jeluirépondsd’unparfait«tope-là».Jenem’yreprendspasàdeuxfoiscecoup-ci.—Ouais.Àdemain.—Bienvenue dans l’équipe, conclut-il en se dirigeant vers l’escalier. Il attrape la rampe et

franchitd’unbondlestroispremièresmarches.—Merci.Jesuiscontented’êtreici.Aumoment où il arrive à la porte,Ozzie sort. Jemarche vraiment très lentement versma

voiture, au cas où il voudrait me dire au revoir. Je suis assise à l’intérieur et fais semblant deréorganisermaboîteàgantsquandj’entendssavoixàcôtédemoi.

Ilsepencheunpeuetsourit.—Bonnepremièrejournée?Je sourisaussi, soudainnerveuse.Lemilitairedésagréableadisparuet, à saplace, ilya le

charmantOzzie,àquelquescentimètresdemoncorpstranspirant.Letypequim’asauvélavieetm’aoffert un boulot plutôt sympa. Mon cœur se réchauffe en se rappelant les événements qui m’ontamenéeici.Peut-êtrequelapirechosequimesoitarrivéen’étaitpasqu’onmetiredessus.

—Tunevaspasabandonner,n’est-cepas?demande-t-il.—Tuplaisantes?Justeaumomentoùçadevientintéressant?Jenevoulaispassous-entendrequoiquecesoit,maisilsoulèvelégèrementsonsourcildroit

etcelamefaitprendreconsciencequ’ilpeutcroireçaréellement.— Tu as des projets pour ce soir ? interroge Ozzie d’une voix neutre qui ne laisse rien

deviner.—Jepensequeoui,enfait.Jeregardemonportable,unpeutristequemasœursetrouveensituationdecrise.Peut-être

Ozzieva-t-ilm’inviteràsortir?—Tantmieuxpourtoi.Faisattention.Ildonnedeuxcoupsavecsonpoingsurmonpare-brise

etserecule.Jeleregardes’enallertandisquejemedemandesijenedevraispasluidirequelssontmes

planspourlasoirée.Est-cequecelan’auraitpasl’airtropdésespéré?Ozzie,net’inquiètepas!Jenesorspasavecunhomme!Oh,monDieu,oui.Totalementdésespéré.Ilvautpeut-êtremieuxlelaisserpensercequ’ilveutàcesujet.C’estmieuxdelajouerdifficile-à-avoir,non?Etdepuisquandcelaa-t-ildel’importance?C’estmonpatron!Jenevaispascoucheraveclui,bonsang!

J’enfoncelaclédecontactavecplusdeforcequejenel’auraisvouluetmecasseunongleparlamême occasion. Je le suçote pendant quelques secondes avant de passer la première vitesse. Jedétesteêtreaussiesclavedemalibido.

Ozziemeregardedesesyeuxd’aiglependantquejefaismamanœuvredanslegrandhangaretdirigemavoitureverslaporteouverte.

—Àdemain.Jerouletranquillementdevantlui,aussidétenduequ’onpeutl’être.—Àdemain.IlmarcheàcôtédemavoiturequiroulelentementetmetendmonTaser.Rentre

tavoituredanslegaragecettenuit.JemetsleTaserdansmonsacetfaisunsalutenfranchissantlesportes.Mavoitureprotesteet

hésite parceque j’aimal passé l’embrayage. Jemehâtededébrayer et attrape le levier devitesse.J’essaiedepasserenseconde.Toutrentredans l’ordrequelquessecondesplus tard,maispasavantque je ne me sois rendue ridicule devant la seule personne que je voulais impressionner par mamaîtrise.C’esttoutmoi.Jenesaismêmepaspourquoijemedonneencorelemald’essayer.

Jepousseunlongsoupiretfaishurleruneautrevitesse.Enfin,jemeretrouvedel’autrecôtédelagrandeportequidonnesurl’extérieur.Aurevoir,BourbonStreetBoysetbonjouràlanuitdelaNouvelleOrléans.

CHAPITRE26

J’entendslehurlementavantmêmed’êtreentréedanslamaison,sibienquejemedemandesijen’auraispasmieuxfaitdeveniricidirectementaulieudepasserchercherFélix.Jemecrispeenvoyantlaportedemasœurs’ouvrirsansquej’aieeuàutiliserlacléquej’aimisesurmontrousseau.Elle devrait vraiment se montrer plus prudente pour la sécurité de sa maison. Je me prometsmentalementdevérifiercombien ilyadepointsd’entréechezelle.Jepourraipeut-êtrebientôt luioffrirunsystèmedesécurité.IlsepeutquelesBSBfassentuneréductionpourlesfamilles.

Félixseprécipitevers l’arrièredelamaisontandisquelavoixdemasœurpénètreavecunboumdansmestympans,dansunetonalitéquelquepeudéséquilibrée.

—Retourne sur le pot et ne te relève pas avant d’avoir fait la grosse commission ! Je neplaisantepas!J’aidutravailetilfautquejeprépareledîner!

Jepasselatêtedanslasalledebainsdurez-de-chaussée.Jem’assured’unrapidecoupd’œilqu’ils’agitbiendeSammyquejetrouveinstallésurlepot;sesdeuxsœurssonttouteslesdeuxdanslabaignoire.Desmontagnesdebullesmulticoloresaccompagnentchaquejouetquiflotteàbâbord.

Jenny a les mains dans les poches arrière de son pantalon et les cheveux en bataille. Sonchemisier est boutonné tout de travers, si bien qu’un des pans descend plus bas que l’autre. Sonpantalonesttrempéenplusieursendroitsetellen’aqu’unechaussette.Sonautrepiedarboreduvernisàonglesetjesuissûrequ’ilaétéposéilyaaumoinssixmois.

—T’enasmisdutemps,ronchonne-t-elleenrepoussantdesmèchestombéesdevantsesyeux;ellemeregardeavecsévérité.

Cequ’ilnefautabsolumentpasfairedansunetellesituation,c’estrépondreàsonattitudeparunénervementdemêmenature.Jelesaisd’expérience,c’estpourquoijemecontented’uneréponsedésinvolteetsimple.

—J’étaisauboulot.Qu’est-cequisepasse?—Boulot?Quelboulot?J’aiappeléàtonstudioettun’aspasdécroché.—Monnouveauboulot.Jeme glisse derrière elle etm’accroupis : je peux ainsim’amuser avec les jouets dans la

baignoire où sont les filles. Je rentre la tête entre mes épaules en attendant que les hurlementsrecommencent.

Sophie et Melody me regardent avec de grands yeux. Elles savent aussi que ça ne va pasmanquer.

—Nouveauboulot ?Quel nouveau boulot ?Fichtre,May !Tu as une autre vie et tume la

cachesàprésent?Etmaintenant vous savezpourquoi j’ai attendu avant de lui répondre. Je tourne la tête et la

regarde.J’aiprismavoixapaisantedethérapeute.—Tuaseuunemauvaisejournée,Jenny-chérie.Vateservirunverredevinett’asseoirdans

lecanapé.Jedonneleurbainauxfilles,jepersuadeSammyd’honorerlesdieuxdupotetquandilsseserontgentimentassispour ledînerque jevais leurpréparer, je te rejoindrai.Considèreque tueslibrepourlasoirée.

Ellemefusilleduregardpendantunedemiseconde,puissonvisagesedétendtoutàcoup.—O.K,fait-elled’unevoixfaible.Ellesortdelasalledebainsavantquenousayonsletempsdelavoirpleurer.Jesuis tristede lavoir traîner lespieds,commesiellenepouvaitpas lessoulever.Elleest

déjàgroggyetpourtantellen’apasencorebuunegoutted’alcool.J’aimemesniècesetmonneveuplusquetoutaumonde,maisilssontpourmoilameilleurecontraceptiondontj’aiejamaisentenduparler.Leslycéennesdevraientobligatoirementfairedubaby-sittingavantd’êtreautoriséesàsortirpourlapremièrefoisavecungarçon.

— Qu’est-ce qu’elle a, maman ? demande la cadette Melody, quand Jenny est partie. Onl’appelleparfoisMelody-du-milieu.Ellen’estpasencoreassezvieillepourdétestercesurnom.

—Chut,intervientSophie,duhautdeseshuitansavantquej’aiepurépondre.Elleesténervée.Soissagejusqu’àcequ’elleaillemieux.Après,tupourrasrefairedesbêtises.

Melodyaspergesasœur.—Jenefaispasdebêtises.—Hé!Jelèveunemainpacificatrice,maisjesuisincapabledelatenirenl’airplusdedeux

secondesà causedesmusclesdemonbrasqui sontdevenusmouscommedes spaghettis etquineveulentplustravailler.Arrêtezunpeu,touteslesdeux.VousnevoyezpasqueSammyadesennuis?

Nousnousretournonstouteslestroispourleregarderetvoirsonvisagetouttriste.Jeluidemande:—Tuesencoreconstipé?Ilfaitsignequeoui.—Contipéencore.Malàmonbedonetmonventre.—Neforcepas.Détends-toicommeça.—Voui.Détends-toi,répèteMelodyenpouffant.—Disdonc,dis-jeenpointantmondoigtverselle.Onnesemoquepasdesonfrère.C’estpas

drôled’êtreconstipé.—Voui.Contipé, pas drôle. Sammyattrapeunebrosse à dents sur lemeuble et le lance en

directiondesasœur.Jemelèveaussivitequejelepeuxetessaied’empêcherMelodydesevengerimmédiatement.—O.K.,lespetits.Écoutez-moi!Touslesenfantslèventlatêtepourmeregarder.Lasalledebainsdevientsuffisammentcalme

pourquenousentendionstouslesquatrelebouchonsauterhorsdelabouteilledanslacuisineàcôté.Jefaisungestelargeavecmesbrastrèsdouloureux.—TanteMayestici.Jebaisselesbraspourpouvoircomptersurmesdoigts.C’estbeaucoup

plus facile pourmesmuscles de cette façon. Ce qui veut dire qu’on ne jette pas les objets, on necrachepas,onnepètepas,onnesetraitepasdenomsd’oiseauxetonneseplaintpasdecequejevaispréparerpourledîner.D’accord?

Jelesregardetouràtourd’unairsévèreetreprendsunepositionassiseparcequelesmusclesdemesjambesnesontpastropcontentspourlemoment.

Ilséchangententreeuxdesregardssilencieux.

Onentendundrôledebruitducôtédestoilettes.Sammyessaiedenepassourirelorsquejelefusilleduregard.

—Oups.Z’aipété.‘Zolé.Ilssemettenttousàrigoler.Melodytendledoigtverssonfrère.— Il a enfreint la règle de ne pas faire des vents ! Elle serre ses coudes contre ses côtes,

pousseetforcetroispetitesbullesàremonterdansl’eau.Sophielaregarded’unairabasourdi.—Tuviensdefaireunventaussi!Oh!Pasdanslabaignoire!Elle se lève d’un bond et essaie de se ruer à l’extérieur, mais elle a tellement de mousse

partout qu’elle n’y arrive pas. Elle glisse et retombe dans l’eau, dans un chahut de bras, jambes,coudesetgenoux.Desflaquesdemoussecoulentpartout.

Lorsquejepeuxyvoirànouveauunpeuclair,lestroisenfantsn’enpeuventplusderire.—TanteMay,tuasdelamoussepartoutsurlatête!hurleMelody.—Oh!J’aiunbleusurlegenoumaintenant,gémitSophie.—Hé!Savezquoi,tou’monde?!crieSammy.Nousleregardonstous,attendantlagrandenouvelle.—J’aifaitpo-po!

CHAPITRE27

Lesenfantsmangentleursspaghettisdanslacuisine,Félixàleurspiedsquiattendquequelquechosetombejusqu’àlui.Ilssonttrèssagesdansl’attented’uneglacequejeleuraipromisepourledessert.Jemeverseunverredevin.Masœuradéjàvidélamoitiédelabouteille.

Quandjem’écrouledanslefauteuilàcôtéducanapé,ellemeregardefixementpar-dessussonverre.

Jeluirendssonregardtandisquej’avaleunegorgée.—Alors?Tuvasmeracontercettehistoiredenouveauboulot,ouiounon?J’envisagedepliermesjambessousmoimais,lorsquej’essaie,celamefaittropmaletjeles

laisseretombersurlesol.— Rien de bien sensationnel, en fait. Je dois seulement prendre quelques photos pour ces

gens-là.—Pourquoiai-jel’impressionqu’ils’agitdebeaucoupplusquedeprendresimplementdes

photos?Est-cequec’estquelquechosecommedesphotospornos?Ellejetteunregardpar-dessussonépauleendirectiondelacuisine,puisbaisselavoix.Tusaisqu’ilnefautpasmettrelepieddansl’industrieduporno.Ilspourraientterecruterpouryprendreunrôleactif!

Je me mets à rire. C’est tellement agréable d’être assise avec elle dans sa salle de séjour.J’aimemasœuretsonespritbizarre.

—Tuesfolle.Ettupeuxterassurer:çan’aabsolumentrienàvoiravecl’industrieduporno.C’estuneentreprisequitravailledanslesecteurdelasécurité.

Çaal’airtellementplusrassurantquandj’enparlecommeça.Aucunrisque.Ilvautmieuxquema sœur l’entende de cette façon ; autrement, elle va se transformer en mère poule et je vaiscommenceràdouterdemoi-même.

Elleclignedesyeuxàplusieursreprisespendantqu’elleretournel’informationdanssatête.—Tutesouviensdecetypequim’asortied’affairelorsquej’aiatterriaccidentellementChez

Frankie?—Celuiquiesttoutenmuscles?Ellesouritpourlapremièrefoisdepuisquejesuisarrivée.—Oui,celui-là.Ilm’aoffertunboulot.Jefaisdeseffortspournepassourire,maisc’estdur.—Alors,iltravailledansuneagencedesécuritéetilt’aproposéuntravailpourprendredes

photos?Quelgenre?J’ignoresaquestionetessaiedetrouverunefaçondeminimiserledanger.Depuistoujours,

Jennyseconsidèremaprotectrice.

—Jenesaispas.Desgens.Desendroits.Deschoses.—Drôledetravail.Elleplisselesyeuxpourmeregarder.Neplaisantepas,sœurette.Qu’est-

cequetunemedispas?Jejoueavecunfilquipenddemonsurvêtementdesport.— Pas grand-chose. Je dirais que c’est en fait quelque chose du genre… comme qui

dirait…untrucunpeudifficileàexpliquer.Elleboitunelonguegorgéedevinetvidepresquesonverre.Jemelèved’unbondpourprendrelabouteille;j’espèrequecelaluiferaoubliermesefforts

infructueuxpouratténuerlesaspectsnégatifsdemontravail.—TueslapirementeusequiaitjamaismarchésurlaplanèteTerre!s’écriemasœur.Ellerit,

lenezdanssonverrequ’elleachèvedeboire.—C’estmieuxqued’êtrelameilleurementeuse,non?Jemepenchepourremplirsonverre

etenprofitepourmeresserviravantdereposerlabouteillesurlatablebasse.—Peut-être.Alors,c’estquoicetteproposition?Sansmentir.Dis-lemoi.Jenemefâcherai

pas.—Sansmentir?D’accord.Cesontdesmissionsdesurveillance.Jedoisprendredesphotos

devoyousentraindesecomportercommedesvoyous.Ellelèvelesyeuxauplafondetémetungrognementlongetsonore.—Eeerrhhhhh!Puis,ellemeregarded’unairfurieux.May,commentas-tupu?!— Comment est-ce que j’ai pu quoi ? Je joue les innocentes. Trouver un boulot qui me

permettradepayermesfactures?—Depuiscombiendetempsest-cequejetedemanded’emménagericiavecmoi?Onferait

touteslesdeuxtellementd’économies.Sesyeuxs’emplissentdelarmes.—Oh,machérie…Jemelèveetm’assoisàcôtéd’ellesurlecanapé;j’ailaissémonverre

surlatable.Tusaisquejenepeuxpasfaireça.J’aibesoindemonespacevital.Etvous,vousavezbesoinduvôtrepourêtreunefamille.Jeneveuxpasquelesenfantssoientfâchéscontremoiparcequejesuistoutletempsgrincheuse.

—Tun’espascommeça.Elles’estmiseàpleurer.Tuestoujoursjoyeuse.—C’estparcequej’aimonespaceàmoi.—Tudisquesituvivaischezmoiouavecmoi,çaterendraitmalheureuse?C’estunequestionhonnête.Jemeledemandeplusoumoinsdepuisunan.— Non, ce que je dis, c’est que je suis une fille jeune et célibataire qui aime pouvoir se

promenerchezelleparfoistoutenue;etprendredelongsbainsaccompagnésdetempsàautred’unverredevin.

Jennysoupireetposesatêtecontrelamienne.—Ditcommecela,çaal’airbien.—Chaque foisque tuenasbesoin, tun’asqu’àm’appeler.Oum’envoyerun textocomme

aujourd’hui.Etj’arriveraiencourant.Jesuislàpourt’aider,tulesais.—Jelesaiseneffet.Ellemedonneunepetitetapesurlajambeetsiroteunpeuplusdevin.—Jemelamentesurmoi-même,c’esttout.Nefaispasattention.— Que s’est-il passé ? Est-ce que c’est Miles ? Son ex. Le crétin arrogant qui refuse de

prendresesresponsabilitésetd’êtreunvraipèrepoursesenfants.—Biensûrquec’estMiles;quid’autre?Lechèquedepensionalimentairequ’ilm’adonnéa

étérefusé,unefoisdeplus.Àprésent,plusieurspaiementsquej’avaisfaitsicietlànepourrontpasêtrehonorés.

Jemâchonnema lèvrecar jesaisque j’avanceen terrainminé.Si j’emménageaisavecelle,

celarésoudraitbonnombredesesdifficultés,maisjecrainsaussique,si jefaisça,Milesarrêtelepeu qu’il fait. Il me considérerait comme un père supplétif pour ses gosses et disparaîtraitdéfinitivement.Oublionslesproblèmesdechèquessansprovisions:masœurseretrouveraitaveclesenfantstroiscentsoixantecinqjoursparan.Elleperdraitlesdeuxsemainesdevacancesqu’ellepeutavoirlorsqu’illesprendunpeupendantl’été;etleweek-endmensuelqu’ilarriveencoreàorganiseraveceuxdanssonemploidutemps.

Nenni.JenepeuxpasvenirhabiteravecJenny.Mêmesicelaallégeaitconsidérablementsesproblèmes,jesuiscertainequecelaencréeraitdepires.Jenevoudraispasquequelquechoseviennenousséparer.Jel’aimeainsiquesesenfants;beaucouptroppourcela.

—J’auraiunsalairevraiment intéressantdanscettenouvelleentreprise.Jepourraipeut-êtreaideraveclesfactures.

—Ceneseraitpasjustepourtoi?Ellerenifleetmesourit.Commentpourras-tutepayertouscesbainsmoussants?

Jeluidonneunpetitcoupdecoude.—Jepeuxfabriquerlesmiens.Jeferaitoutsimplementcoulerl’eausurunpaindesavon.—Maisbiensûr!ricane-t-elleensereculantunpeupourmeregarder.Parle-moiunpeudece

type.—Queltype?J’essaiedefairecellequin’aaucuneidéedecedontonparle.Mais,d’aprèsson

expression,jepeuxdirequ’ellen’estpasdupe.—Benvoyons!Allons,tusaisdequijeparle.Grand,brunetbâticommeuntank.—Ozzie?—Nem’obligepasàt’étrangler.JesuissuffisammentfurieusecontreMilespourmevenger

surunbadaudinnocent.—Trèsbien.Onpeutdirequ’Ozziem’asauvélavie.Jerecommenceàtirersurlefildemonshort.— Et, comme tu t’en souviens peut-être, il a gardé Félix le jour d’après et puis il me l’a

ramenéaustudio,cequiétaitvraimentgentil.Jesirotemonvinpendantquejemerappellecebaiser.—Entoutcas,iln’yarienentrenous.C’estjustemonnouveaupatron.Riendeplus.—Hum,hum.Jennyboitencoreunpeudevin.Ettonvisagequidevienttoutrougeàprésentet

toiquit’escrimessurtonshort,c’estjuste…quoi?Lagrippe?Tuasattrapéunemaladie?Jefermelesyeuxetrenversematêtesurlecanapé.—Ons’estembrassés,O.K.?Ons’estembrassés.Ellem’envoieungrandcoupsurl’épaule.—Quand?!Elleal’airtoutàcouptrèsheureuse.—Samedisoir.Chezmoi.Ilavaitapportéledîner.— Oh mon Dieu. Que d’événements ! Et tu ne m’as rien dit ?! À présent, je comprends

pourquoituneveuxpasemménagerici.—Tais-toi. Je la regarde, sansbouger la têteducanapé. Ilne sepassera riendeplus.Nous

travaillonsensemblemaintenant.Ilestmonpatron.Ils’estexcusé.—Ahbon.—Oui.Ahbon.Alors,ilnes’estrienpassé,O.K.?Laissetomber…toutsimplement.—C’estdurdetravailleraveclui?Jesoupireenmesouvenantdemajournée.—Pasvraiment.Biensûr,jesuesangeteauàcausedelui,toutletemps,maisjenecroispas

qu’illesait.—Jevois,répond-elled’untonmoqueur.Tuestoujourstellementindifférenteàcegenrede

choses.Jenepeuxpasm’empêcherdesourire.Ellemeconnaîttropbien.— J’essaie d’être cool,O.K. ? Et aujourd’hui, ça a été vraiment plus facile lorsqu’il s’est

chargédemonstupideentraînement.—Entraînement?Est-cequ’ils’agitd’uncode?—Non.C’estcommedansunesalledesport.Unentraînement.Aujourd’hui,j’aisoulevédes

poidsavectouslesmusclesdemoncorpspendantuneheure.Elletendlamainetpincemonbiceps.—Aïe. Je trésaille de douleurmais je ne peux plus guère bouger.Moins je bouge sur son

canapé,plusjedeviensraide.—Ilfautquetufassesdesétirements.—C’estcequ’aditDev.—Dev?—Quelqu’unquitravaillelà-bas.L’entraîneur.—Jecroyaisquetum’avaisditqu’Ozziet’avaitentraînée.—Oui.Maislaprochainefois,ceseraDev.—Alors,tutranspirestantquetupeuxautravailavecunebandedemecs.Est-cequeDevest

aussisexyqu’Ozzie?Jememetsàrire.—Perverse.Cen’estpasça.—Laisse-moirêverunpeu.Ill’est?—Situaimesleshommesquimesurentdeuxmètres,complètementchauves!Alorsoui.Ilest

mignon.—Tuveuxrire?—Non,fais-moiconfiance.Jeneplaisantepas.—Hum.Ellefrotteleborddesonverre.Jelerencontreraipeut-êtreunjour.— Peut-être bien. Je m’assois et gémis tandis que mes muscles se rappellent à mon bon

souvenir.—Çava?demandeJenny.Elleposeunemainsurmondos.—Desmusclesendoloris.Jerespirepourdiminuerladouleur.—Tudevraisrentreretprendreundecesbainsdonttuparlais.Jemetourneunpeupourlaregarder.—Toi,çaira?Jeregardeendirectiondelacuisineoùj’entendslesenfantsmurmurer.Ilssontprobablement

entraindecomploteruneprisedepouvoirouuncoupd’État.—Oui,çavaaller.Levinm’aaidée.—Jeleuraipromisdelaglace.—J’aientendu.Net’inquiètepas.Jeteremplace.Ellesemetdeboutetmetendunemainpour

m’aideràfairedemême.Jelaprendsetmemetssurmespiedsavecdifficulté.—Mercid’êtrevenueetdem’avoirempêchéededevenirfolle.Jelaserrefortdansmesbrasetl’embrassesurlajoue.—Quelsquesoientl’heureoulelieu,jesuislà.—Pareilpourtoi,tulesais.Ellemecaresseledos.Situasbesoindemoi,jeseraitoujourslà.— Je sais. Je me détache d’elle et fais le tour des meubles avec précaution. Un seul faux

mouvementetjepourraism’étaler.Et,sijemeretrouveparterre,jen’arriveraiprobablementpasàmereleverdetoutelanuit.J’aitoutjusteassezderessortenmoipourrentreràlamaison,pointfinal.

—Appelle-moidemainaprèsletravailpourmeracontercequiseserapassé.Jennyouvrelaported’entréepourmoi.

—D’accord.Jerelèvelementonetparleplusfort.Àpluslesenfants!—Aurevoir,tanteMay!répondunchœurdepetitesvoix.—Merchipourlaglache!ajouteSammy.—Remerciezvotremaman!dis-jeavantdemedirigerverslasortie.JeramasseFélixetle

tiens sous mon bras. La nuit est douce, avec juste assez d’humidité pour que mon chemisierrecommenceàcolleràmapeau.

—IlfautaimerceclimatdelaNouvelleOrléans,commenteJenny.Ellefaitungesteavecsonverre,commesielleportaituntoastàlanuit.

—Iln’yanullepartoùjepréféreraisêtre.Jeluienvoieunbaiseretmontedansmavoiture;j’installe Félix sur le siège avant à côté demoi avant de faire doucementmarche arrière et de lalaisser avec ses dingues d’enfants. Je suis épuiséemais heureuse. Plus heureuse que je ne l’ai étédepuis bien longtemps. J’ai un nouveau travail, une famille formidable, un chien adorable ; et ungroupedepersonnesquiformentuneéquipe,àcequ’ilsdisent,etquim’ontaccueillieparmieux.Lavieestbelle.

CHAPITRE28

Mavie est affreuse.Mon corps est brisé.Nous sommesmardimatin et la sonnerie demonréveils’estdéclenchée,cequiveutdirequejedevraisallerprendremadouche.Aulieudeça,jeresteallongée dans mon lit, paralysée. Félix me lèche la joue et je n’ai pas assez d’énergie pour l’enempêcher.

Jegémistandisquej’essaiederoulersurmoi-mêmepourattrapermonportable.Félixmesuitparcequ’ilsaitquejenepeuxpasl’endéfendreet,àprésent,ilmelèchel’oreille.

—Oh,monDieu,qu’est-cequej’ai?Touslesmusclesdemoncorpsmefontmal.Jecroisquejelesaidéchirés.Çanepeutpasêtredesimplesdouleursmusculaires;c’esttropfort.

Laseulechosequinemefassepasmal,c’estmonpouce.JerepousseFélixetutilisecedoigt-là pour taper un texto. J’ai posémon portable sur le matelas : comme ça, je neme sers pas desmusclesdemonbraspourletenir.

Moi:Ozzie,jesuisentraindemourir.Quelquessecondesplustard,montéléphonesonne.—Allo?Jegémisetmetsmonportableàmonoreille:elleesthumided’avoirétéléchéepar

unpetitchien.—Quesepasse-t-il?Raconte-moi.Ozzieparleenhommed’affaires.Sait-ilqu’iln’estque6

heuresdumatin?—J’aimalpartout.Jepensequejesuisentraindemourir.Sa respiration sort comme un long sifflement et vient frappermon oreille. Puis il parle à

nouveau.—Es-tuentraindemouriràcausedel’entraînementouparcequ’ont’atirédessus?Jedétacheletéléphonedemonoreilleetleregarde.J’imagineque6heuresdumatinestune

heureoùl’onditn’importequoi.—Non,nesoispasidiot.Quiviendraitmetirerdessusdansmapropremaison?—Commentpuis-jesavoiroùtues?!Ilhurlecommes’ilétaitvraimentfurieuxcontremoi.—Excuse-moi,monsieurdemauvaispoil;maisjecroyaisquetuavaisuntrucpourlocaliser

les portables ! C’est àmon tour d’être en colère. Jem’attendais à de la compassion et jeme faisgronder!C’estquoitoutça?

—Quejenemetspasenmarchesaufsijepensequequelqu’unadesennuis,May!

Je clignedes yeux à plusieurs reprises tandis que je laisse cesmots faire leur chemindansmoncerveau.Celaprendunsensàprésentquejesuiséveilléedepuisplusdetroisminutes.

—O.K. D’accord. Je suis désolée si j’ai pu t’inquiéter en te disant que je suis en train demourir.

Ilneditrienpendantunlonginstant.—Ozzie?Tuesencorelà?—Oui,laisse-moiréfléchiruneminute.Tandisquelessecondess’écoulent,jesuisdeplusenplusconvaincuequejen’auraispasdû

utiliser mon portable ce matin. Ozzie n’est pas mon petit ami ; c’est mon patron. Mes musclesdouloureuxne l’intéressentpas ;cequ’ilveut,c’estque j’arriveavant7heuresau travailetque jeparteeffectuermamission.Pourquoiest-cequejen’arrêtepasd’agiravecluicommes’ilétaitmonpetitami?Qu’est-cequinefonctionnepasbiendansmoncerveau?

—Écoute,tuveuxprendretajournée?Tuassimalqueça?Jem’assoisaveceffort.«Non.» Jeprononce lemotcommesi j’étaisunedamedequatre-

vingtans.«Non.»Lasecondefoisestmeilleure.Jemesensplusforte.L’humiliationmedonnedesailes.

— Je ne veux pas une journée de congé ; ne sois pas ridicule. J’en suis seulement àmondeuxièmejourdetravail.

Félixgrimpesurmesgenouxetjejoueavecsesoreillessansypenser.—Maissituastropmal…—Non.Absolumentpas.Toutvabien.Jeserailàdansuneheure.Désoléedet’avoirappelé.Je

nerecommenceraipas.Ilneditrien.—O.K.Àtoutàl’heure.Salut.—Àtoutàl’heure…Ils’arrête…BoPeep.J’appuie sur fin et envoie mon portable dans les couvertures. Bo Peep. Bo Peep. Je t’en

donneraidesBoPeep.JepousseFélixpourqu’ildescendedemesgenouxetbalancemesjambeshorsdulit;cequimefaitgémir.Auparavant,jen’avaisjamaisimaginécombiendemusclesabdominaux,dorsaux,desbrasouducouétaientnécessairespouraccomplircesimplemouvement.Waouh!

Unedouchededixminutesetl’applicationgénéreusedecrèmesurmoncorpspourfaciliterunrapidemassagefontbeaucouppourmerendreunecertainemobilité.Enfait,j’arriveàmarcherenboitant seulement un petit peu. Mais chaque marche de l’escalier que je descends me tire ungémissement.Quandj’arriveenbas,jerisquevraimentdedégringoler.Jesaisislebasdelarampepournepasm’écroulersurlesol.Félixmerejointdetoutelavitessedesespattes:jepensequ’ilsesouciedemasanté.Ilnemequittepasdesyeuxetgémit.

—Net’inquiètepas,Félix.Jenevaispasmouriraujourd’hui.Jelelaissesortirdansmonpetitjardinpourqu’ilfassesesbesoins;jeremplissonbolavec

descroquettesetjelelaisselà,entraindejoueràtransportersonpique-nique.Quatreanti-inflammatoiresmeredonnentlapêcheet,unedemi-heureplustard,jesuisentrain

dechanterlajoiedesepromenerausoleilquandj’arriveàl’entrepôt.Jeperdsunpeudemabonnehumeur lorsque je voisDev debout aumilieu du garage ; il tient dans lamain une longue trique.Lorsquesesyeuxrencontrentlesmiens,ilfaitunevilainegrimaceetfrappesapaumeavecsonarme.

Trèsbien.Ilveutlajouercommeça?D’accord.Mieuxquebien!Jemerangedansuncoindel’entrepôt etmegare. Je sorsmonTaserdemon sac et descendsdevoiture. Jemedirigevers luiavantquemaportièreaiteuletempsdeserefermer.

—Tuessaiesseulementdeme toucheraveccette triqueet je t’envoie tellementd’électricitéque tu pourras alimenter tout l’immeuble enmettant ton doigt dans la prise. Je tiensmon pistolet

devant moi à deux mains, parce qu’un seul bras est trop faible pour y arriver tout seul. Je doisressembleràunduràcuireduFBI.

Toutlemondesemetàrire,Devcompris.Ilposelatriquesurlatableetouvrelesbras.—ViensembrasserPapa,BoPeep.Jesavaisquetuavaisçaentoi.Je soupire de soulagement et abaissemon arme, puis j’avance en boitillant pour rejoindre

l’équipe.

CHAPITRE29

—Fautquejetefélicite,ditToni.Elle tourne levolantde lacamionnettepourquenousnousgarions le longdu trottoir,àun

demipâtédemaisonsdulieuquenousdevonssurveiller.—C’étaitsuperlafaçondonttuasgéréDevcematin.—Ilnem’apaslaissélechoix.Je replace une mèche de cheveux derrière mon oreille et pivote sur mon siège pour la

regarder pendant qu’elle va et vient à l’arrière de la camionnette. C’est un minuscule centred’opérations,avecdeuxtabouretsbasinstallésdevantunmurd’écrans,etdeuxordinateursportablessuruneétagèretrèsétroitefixéesurunedesparois.J’aiétérassuréed’apprendrequetoutestblindé.

— Tu avais beaucoup d’autres possibilités. J’avais parié que tu ferais demi-tour et que tupartirais.

Monsourires’estompe.— Mais tu seras contente d’apprendre que tous les autres pensaient que tu resterais. Elle

trafiquedescâblessous l’étagèreet fronce lessourcilsparcequelquechosene répondpascommeellevoudrait.

Jen’aipasl’intentiondem’étendresurlepeudeconfiancequ’elleplaceenmoietjechangedesujet.

—Qu’est-cequetufaisparterre?—J’essaie (elle faitunegrimace)de trouver (elle tirede toutes ses forces surdescordons

d’alimentation) l’arrivée d’électricité (un fil lâche et lui arrive en plein sur la tête) pour lesordinateurs.

Elles’assoitetregardelefilensouriant.—Etvoilà.Tupeuxcourir,maistunepeuxpastecacher,salepetitvoyou.Ellebranchelesordinateursportablesetouvreceluiquisetrouvedevantelle.—Alors,dis-moicequenousdevonsfaireiciaujourd’hui?Je bouge surmon siège pour soulagermesmuscles.Mais, peu importe la position que je

choisis,çanefonctionnepas.Moncorpsestenmodecentpourcenthorsd’usage.—D’abord,ilfautquenousdéterminionsquelgenred’opérationestnécessairepourceque

nous devons surveiller dans cette rue ; ensuite, il faut que nous l’installions. Date limite depréparation:aujourd’hui.

Elleregardeparlepare-brise.

—Tudevraisvenirpariciavecmoiettirercerideau.Ellemedésigneunendroitderrièrelessiègesavant.Jeme retournevers l’arrièrede la camionnette et décroche le rideaunoirde son embrasse

derrièrelesiègepassager.Lerideaucourtd’uneparoiàl’autresurunraildemétalencastrédansleplafond.Quandilestenplace,lapartiearrièredelacamionnetten’estpluséclairéequeparl’écrandel’ordinateurportable.Tonisepencheenavantetappuiesurunetouchedumurd’écransenfaced’elle.Unepetitelumièrefrontales’allume.

Jemurmure:—Çafaitvraimentsuper-espion.— Si tu le dis. Elle est trop occupée à taper sur le clavier pour le quitter des yeux et me

regarder.Jemedétourneetattireàmoilamalletteenplastiquedurremplied’équipements.—Jevaisexaminertoutcela.—Bonneidée.Essaiequelquesobjectifs.Voissitupeuxarriveràzoomersurlamaison.Elle

s’arrêteetsepencheversmoipoursaisirlerideau.Tupeuxtirercepetitrabatetplacerl’objectifàcetendroit-là.Essaiedenepaslelaisserretomberavantd’êtreprêteàcomblerletrouavecl’objectif.

Lerideaunoircomporteuntroupourlacaméraespion.C’estsuper.Lepremierobjectifquejechoisisfaitl’affaire,autantqu’unobjectiflepuisse,enfait.Lorsque

jel’installedansletroudurideau,jepeuxsaisirdansleviseurlapetiteboîteauxlettresfixéeàcôtéde la porte d’entrée. La plaque est à peine lisible,mais je déchiffre le nom « Juarez ». Il semblevraimentqueceuxquinousintéressentn’ontjamaispenséàfaireleménagedepuisquelamaisonaété construite dans les années 60. C’est pourquoi nous n’arriverons probablement pas à voir autraversdesfenêtres.

—Jenesuispassûredevoirquoiquecesoit:lesfenêtressonttrèssales.ÇamerappelleMyCousinVinny19.

Ellesaisitlaballeaubond,cequimesurprend.—J’adorecefilm.Undemespréférés.Lesdeux“Djeuns”.Elleritetsecouelatêteensoupirant.Nousaimonslemêmegenredefilms,maisj’essaiedenepastropm’emballer.Àchaquefois

quejecommenceàpenserqu’elleetmoipourrionsêtreamies,ellemeprenddecourt.Parexemple,elleapariécontremoicematin.Jemedemandecequ’ilfaudraquejefassepourméritersonrespect.J’espèrequeçan’irapasjusqu’àmefairetuer.

Laportedelamaisons’ouvre.—Quelqu’unsort!Monpoulssemetàbattreàcoupsredoublésetj’aisoudaindumalàrespirer.Jesuistoutàla

foisexcitéeetmortedepeur.Qu’est-cequisepasseras’ilsnousvoient?S’ilssaventexactementcequenoussommesentraindefaire?Est-cequ’unecamionnetteblindéeestégalementàl’abrid’unebombe?

—Prendsdesclichés!—Oh,biensûr.Mondoigtappuiesurledéclencheur.Jefaisrapidementunemiseaupointsur

l’hommequivientdesortiretm’efforcedel’avoirdeprofiletdeface.Iltournedansnotredirectionpourmonterdanssavoiture,quisetrouveseulementàquelquesplacesdestationnementdel’endroitoùnoussommesgarées.

—Magnifique.Jevaisavoirdesphotossuper!—Continue.Onn’enajamaistrop.—Merciaunumérique,hein?—Ouais.Tonisedéplacederrièremoietj’essaied’imaginercequ’elleestentraindefaire.

—Écoute,s’ils’approcheencore,ilfaudraqueturedescendeslerideauetquetulerefermes.—Àquelledistance?Jecontinueàprendredesphotos.—Àmoinsdetroismètres.Jeprendsencorequelquesphotos,puisrecule.J’éloignel’appareildelafente;lerabattombe.Il fait à présent noir comme dans un four. Toni a dû éteindre la lampe pendant que j’étais

occupéeàprendrecentphotosendixsecondes.—Laprochainefois,préviens-moiavantdefaireça,grommelleToni.—Pourquoi?—Parcequec’estmieuxs’ilfaitnoiràl’intérieurquandturetiresl’appareil;commeça,ils

nevoientpasuncarrédelumièredanslerideau.—Oh.Désolée.—Net’enfaispas.Jemesuisdoutéequetuallaisfaireça,sibienquej’aiéteintlalumière.La

prochainefois,fais-moiseulementsigneavant.—C’estquoilesignal?—Lumières.—Oh.C’estfacile.—Nousessayonsdegarderleschosesaussisimplesquepossible;commecela,danslefeude

l’action,nousn’oublionsrien.Bonplan.J’imagine que je pourrais oublier un code plus compliqué que « lumières ». Je suis

secrètementadmirativedugéniequialaresponsabilitédescodesetdessignaux,quiquecesoit.Est-ceOzzie?Celameparaîtplausible.Ilsembleàlafoisréfléchietpragmatique.

—Tuenasdebonnes?demandeToni.Jepassel’appareilenmodepanoramaetfaisdéfilerlesphotos.—Oui.Plusieurs.Jeleluitends.—Tuconnaiscetype?—Non.Maisçaneveutriendire.Nouslepasseronsdansnotreprogrammedereconnaissance

facialeetverronscequenouspouvonstrouver.—Vousavezça?Ceprogramme,jeveuxdire?—Oui.Ondiraitqu’elleestsurladéfensive.— Pardon. C’est juste que… c’est un peu difficile de croire que vous avez quelque chose

d’aussisophistiquédansuneagencedesécurité.Vousn’êtespaslapoliceouquelquechosecommeça.

—D’abord,nousnesommespasn’importequelleagencedesécurité.Ozzienes’occupequed’opérationstrèsimportantes.Ensuite,noustravaillonsaveclapolice.Ilsnousdonnentaccèsàtoutessortesdebanquesdedonnées.Nousnepourrionspasvraimentfairedubontravailsanscela.

J’opineetréfléchisàcequ’ellevientdemedire.JesuisencoreplusimpressionnéeparOzzie.Si jene faispasattention, jenevaispas tarderàbaverd’envie toutes les foisqu’ilentreradans lapièceoùjesuis.

—C’estintéressant,continueTonienfixantsonécran.—Quoi?Elle se penche un peu vers la droite pour que je puisse regarder l’écran de son ordinateur

portable.Ilyaunephotographieaérienneduquartierquimontrelesmaisons,lesroutesetmêmelesvoitures.

—Qu’est-cequec’est?—Noussommesjusteici,explique-t-elleenmontrantdudoigtunpointsurlacarte.

—Jenevoispasnotrecamionnette.—Cettephotoaétépriseilyaquelquetemps.Ellenenousarrivepasendirect.Entoutcas,tu

voisça?Elledésigneunemaisondanslaruequisetrouveàcôtédecellequenoussurveillons.—Oui.—Tuaseul’impressionqu’elleétaitvidelorsquenoussommespasséesdevanthier?—Jenesaispas.Jenem’ensouvienspas.— Tu es censée te rappeler ces choses. Elle referme son portable et l’endroit est si étroit

qu’elledoitgrimperpar-dessusmoipourserapprocherdurideau.—Jesuisnavrée.Jecrainsd’avoirratéunautretestavecelle.Tonisoulèveunpandurideauetjetteunœilpendantquelquessecondes;puisellelerepousse

suffisammentpours’installerauvolant.—Allonsvoir.—Jepeuxveniràcôtédetoi?—Situveux.Ellefaitdémarrerlemoteuretquittel’endroitoùnousétionsgarées.Jegrimpeàl’avantetmetsmaceinturedesécurité.—Quevoulais-tudire:j’étaiscenséemesouvenirdecetteautremaison?—Lorsquenousfaisonsdelasurveillance,tonboulotconsisteàenregistrerlesdétails,àles

stockerdanstamémoirepourlesutiliserplustard.—Oh.Etquelsdétailsdois-jeenregistreretquelsautresdois-jenégliger?—Nenégligerien.Je neveuxpas répondrepar l’évidencequi serait :Oh, alors il faut que je fassemonter en

puissancemamémoirephotographique.—Situn’aspasl’espritfaitpourlesdétails,tuferaismieuxdeprendrebeaucoupdeclichés,

ajoute-t-elle.Jem’adossecontre le siègeetprendsunappareilpluspetit, avecunobjectifplusmaniable,

danslavalisequicontienttoutl’équipementquejesuiscenséeutiliser.—Trèsbien.Jepeuxprendredesphotos.Pastropdifficile.Unefemmeenvoituredansune

rue,quiprenddesphotosdechaquedétail:riendesuspectàça!—Tufinirasparapprendrecequiestimportantetcequinel’estpas.Elletournedanslarue

parallèleàlamaisonquinousintéresse.Ilfautquetuprennesdesclichésdelarueàpartird’ici.Lesmaisonsquiluisontcontiguës,leschosesinhabituellesquiteparaissentbizarres…

—Commequoi,parexemple?—Commeunefemmeassisesursonperron.Onn’envoitpasbeaucoupdans lecoin.Mais

quandc’estlecas,celapeutvouloirdiredeuxchoses.Soitc’estunegrand-mèredelavieilleécolequiaimesavoircequisepassedanssonquartier,soit ils’agitdequelqu’unquiestpayéparundealerpourfaireleguetaucasoùdespolicierssurviendraient.

—Lesgrands-mèresfontça?— Les grands-mères doivent manger. Toni ralentit lorsqu’elle s’approche de la maison

qu’ellearepéréesurlaphotosatellite.C’estbiencequejecroyais,continue-t-elle.Etellesourit.Jeprendsencorequelquesclichés,mêmesijenesaispastroppourquoi.—Qu’est-cequisepasse?Jel’interrogeetmepenchepourmieuxvoirlamaisonquandnous

arrivonsdevant.—Elleest inoccupée, j’ensuisàpeuprèssûre.Etunepartiede lapalissadeestcommuneà

celledelamaisonquenoussurveillons.Nouspourrionsavoirvuesurellesinousarrivonsàpénétrerdanscejardin.

—Est-cequecen’estpastroprisqué?—Jepariequenon.Viens,onvaallervoir.

Etvoilàquenosbleusdetravaildélavésprennentleursens.—Tuveuxdirequenousallonssortirdelacamionnette?—Oui.Relèvetescheveuxetmetstacasquette.Leslunettesdesoleilnesontpasobligatoires.Je suis trop stupéfaite pour protester. Je porte mes mains à mes cheveux et je suis ses

instructions;j’utilisel’élastiquequej’avaisaupoignet.J’aipeur,maisça,jepeuxlefaire.Jeneveuxpas que Toni soit outrée par ma couardise, même si je sais que les sentiments sont là pourm’empêcherd’avoirdesennuisaveclesvoyous.

L’ego.C’estparfoisunechoseterrible.J’enfonce ma casquette de baseball sur ma tête au moment où Toni sort de la voiture. Je

compte jusqu’à dix avant quemes doigts arrivent à saisir la poignée de la porte et à la tirer.Mesmuscleshurlentdedouleurquandjemelaisseglisserausoldepuislesiègehautperchédupassager.

—Amènetonappareil,maisqu’onnelevoiepas.Je leprendset leplacedansunedes largespochesdemacombinaisonde travail. Je le fixe

aveclesrabatsenVelcro.—Tiens,prendsça.Tonimetenduneboîteàoutils.—Qu’est-cequ’ilyalà-dedans?—Rienquipuisset’inquiéter.Faiscommesituétaiscenséeêtrelàettoutsepasserabien.Je transpiredéjà. Ilnefaitpassichaudqueça,maisqu’est-cequeçafait?Non.Cebleude

travail qui s’est transformé en sauna pour me faire transpirer n’est pas chaud à cause de latempératureextérieure,maisparcequejepanique.Jenesuispasblindée!

—Nous allons faire le tour par l’arrière.Nous sommesdesgéomètres-arpenteurs.Riendesuspectdevoirdeuxpoulettesfaireunboulotdegéomètres-arpenteuses.Ettoc.

JesuisToniquitourneaucoindelamaisonetremarquequelesfenêtressontcasséesou,aumoins, fêlées. L’odeur demoisissure est forte. Jeme demande si c’est l’une desmaisons qui n’ajamaisétéréparéeaprèsl’ouraganKatrina.Onm’aditqu’ilyenavaitencore.

Tonimarche,mètreenmain.Jelasuisdeprès.Laboîtequejeporterebonditcontremajambeetquelquechosedelourdetmétalliquecliquetteàl’intérieur.

—Ilvautmieuxêtrevraimentsilencieusespourlemoment,murmureToni.Moncœurfaitunbond.J’essaiedemarchersurlapointedespiedsdansl’herbe,maiscen’est

pasvraimentunsuccès.Elles’arrêteauboutdujardin,surlagauche.Jemerendscompteenlarejoignantquenous

noustrouvonsainsidevantlapalissadeàl’arrièredenotremaison-cible.J’aipeurdefairepipidansmonpantalon.

19.FilmréaliséparJonathanLynnen1992:deuxNewYorkaisysontaccusésdemeurtredansl’Alabama.Tonilesdésignedunomde‘yoots’,argotaméricainpour«youths».

CHAPITRE30

Tonisepencheetouvrelaboîteàoutilsqu’elleportaitsouslebras.Àl’intérieursetrouventuneperceuseetdifférentsforetsaumilieud’autresoutils.

—Ouvre la tienne,m’ordonne-t-elle.Elle sort la perceuse, dévisse l’embout et y insère unforet,lerevissefortementlorsquel’ensembleestenplace.

Jeretireleverroudemaboîteàoutilsetmoncœurmontedansmagorgelorsquejevoislepistoletqu’ellecontient.

Jemurmure:—Seigneur!Tonitendlamainetsortl’arme;ellelaplacedanslesmauvaisesherbesàsespieds.Ensuite

elleprendunepetiteboîtenoire.Jemurmureànouveau:—Qu’est-cequec’estqueça?—Regardeetinstruis-toi,BoPeep.Elleforeuntrouaubasdelapalissadequiséparelesdeuxpropriétés.Laperceuseabeauêtre

parfaitementinaudiblegrâceàuneespècedesilencieuxdedingue,d’autantqu’ellevasuffisammentlentement pour que le bois ne fasse qu’à peine un murmure, la sueur coule de mon front enminusculesrivières.Jesuisentrainderéfléchirsijenedevraispasramasserl’armeetl’avoirprêtepourTonisielleenabesoin.Iln’estpasquestionquejemeservemoi-mêmedecettechosestupide.

Laboîtenoire se trouve fixéesur lapalissadedeboisparquatre toutespetitesvis.Toni lesinsèremanuellement.Ellepoussesurunboutonetuneminusculelumièrevertes’allume.

—Trouve-moiunpeudevégétation.Jeclignedesyeuxplusieursfois:jenesaispasdequoielleparle.—Oudesdétritusouquelquechose.Ilfautquejerecouvrecetruc.Tout s’éclaire dansma tête et jem’empresse de rassembler quelques débris et des feuilles

mortes.Tonimelesprendetlesplacesurlesélémentsqu’ellevientd’assembler;puiselleensevelitlacamérasibienqu’elledevientinvisible,toutcommelalumièreverte.

—Parfait.Tonisemetdeboutetsourit.Prêteàpartir?—Certainement.Je suis fièred’avoir réussiàconservermoncalme.En fait, ceque jevoudrais, c’estcourir

jusqu’àlacamionnette.Maisj’emboîtelepasàTonid’unefaçonnaturelleetjetressailletandisquelasueurmedégoulinelelongdelacolonnevertébrale.

Lorsque nous sommes de retour dans la camionnette, Toni va vers l’arrière et allume sonportable.Ellecliquesurlepavétactileettournel’écranversmoi.

—Regardeça,regarde.Ellesouritdeplusbelle.Lacaméraquisetrouvedanslaboîtenoirepossèdeunobjectifàcentquatre-vingtdegrésqui

luipermetdevoirpresquetoutl’arrièredelamaisonainsiquelejardin.Laseulechosequenousnepouvons pas observer, c’est la pelouse qui se trouve sur la façade nord et l’autre partie du jardinarrière,parallèleàlacaméra.

—Pasmal.Jefaisunsignedetêteappréciateur.Decombiend’autonomiedisposelabatteriedecettecaméra?

—Quarante-huitheures,plusoumoins.—Waouh.C’estimpressionnant.—Lithium-ion.Elleestaussiétanche.J’aimelesgadgets.Ellefermesonordinateurportable

etselèvepourreveniràl’avantdelacamionnette.Jepivotepourqu’ellen’aitpasàpasserpar-dessusmesjambes.

Jedemande:—Onvaoùmaintenant?—Dernièrepartie.D’ailleurs,c’estcellequejepréfère.—J’aipresquepeurdeteposerlaquestion.Ellerit.—Tuvasaimer,jetelepromets.Ellequitte l’alléede lamaisonabandonnéeet revientvers l’autre rueoùnousétionsgarées

auparavant.Elles’arrêteaucoinetsegarelelongdutrottoirderrièreuneautrevoiture.Quandc’estfait,lemoteuréteint,elleretourneàl’arrière.Elleesttoutàfaitaufond,sibien

quejenepeuxrienvoircequ’ellefabrique.Savoixm’arriveassourdie.—Viensicipourjoueravecmoi,Polly.“Pollywantacracker?20”—Dis-moiquetun’aspasunperroquetlà-bas!Jemeretournedavantagepourmieuxvoir.—Oh,quesi!J’aiunperroquetici.Ellerigolecommeunsavantfou.Ellerevientversl’avantdelacamionnette;elletientquelquechosedenoirdevantelle.—Admireunpeu:voiciPolly.—Qu’est-cequec’estqueça?OndiraitunpetitXnoir,avecdespalesd’hélicoptèreenquatre

points.—C’estundrone,unParrot21.Ellegloussedejoie.Et,aujourd’hui,ilvaallers’installersur

unpylôneetespionnerpournous.Jetendslebrasetletouche,maisTonim’arrêteenmedonnantuncoupbrusquesurledosde

lamain.—Aïe!—Pastouche.Ilestàmoi.Jelèveunsourcil.—Ilaunecaméraincorporée.Jepensequeçaveutdirequ’ilestaussiàmoi.LesyeuxdeToniseplissent.—Nemetspastesgriffeslà-dessus,sinon…Mamâchoireentombedesurprise.Est-cequ’ellememenace?Ensuite,sonexpressionchangeetellesemetàsourire.— Je t’ai bien eue.Elleme fait signe de la rejoindre.Viens et aidemoi à faire voler cette

saloperie.

J’ai l’impression d’être un gosse dans un magasin de jouets. Je suis terriblement excitée.Depuis mon enfance, j’aime recevoir des gadgets pour Noël et mon anniversaire et celui-ci estextraordinaire.Jen’aijamaisrienvudesemblable.Jepensaisquetoutesceshistoiresqu’onprésenteauxinformationsausujetdedronesétaientdelascience-fiction.

Toni met en marche un programme sur son ordinateur et une fenêtre noire s’ouvre. Elleappuiesurunboutondudroneet,endeuxsecondes,lafenêtredel’ordinateursemetàtrembloter.Jediscernel’intérieurdelacamionnette,àl’endroitindiquéparledrone.

—Magnifique.Ellemeletend.—Tiens.Faisattention.Dansuneminute,jevaist’envoyeràl’extérieuraveclui.Monenthousiasmeestmodéréparlaréalitédenotresituation.—Àl’extérieurdelacamionnette,tuveuxdire?Ellearrêtedetapersurleclavierpourmeregarder.—Oùcroyais-tuqueceserait?Ellesecouelatête,manifestementdésappointée,puisseremet

à tapoter les touches de son ordinateur. Dès que je serai prête, tu sortiras de la camionnette et tuposeras Polly par terre. Je le ferai décoller. Ensuite, mon objectif sera de le faire atterrir sur leréverbère,justederrièrelacamionnette.

—Pourquoiest-cequetufaisça?— Parce que. Voir d’en haut, c’est formidable pour suivre l’activité de la journée, les

véhicules et parfoismême les personnes. Elle fronce les sourcils.C’est pas toujours fameux pouravoirlesvisages,maisdetoutefaçonçadonnedesinfosvalables.

Elle se penche et attrape une grande boîte noire. Avec des manettes de contrôle, de petitsmanchesàbalaietdesboutons.Elleabaisseuninterrupteuretçadémarre.

— O.K. Alors, tiens Polly par en-dessous et éloigné de ton visage. Je vais vérifier lesfonctions.

Jefaiscequ’onm’aditettienslachoseàboutdebras.Mesmusclessouffrentsousl’effort,alorsqueledronenepèseguèrepluslourdqu’uneplume.

Ilvibretandisquelespropulseurssemettentàbourdonner.Ilsvonttellementvitequ’onnelesvoitplus.

—Bien.Onestparées.Sorsetpose-lesurletrottoirderrièrelacamionnette.Prendsçaavectoi.Ellemetenduntalkie-walkie.Jeveuxquetum’informesdesdifficultéséventuelles.

—Desdifficultés?J’imaginedesvoyousavecdespistolets.—Ouais.Commedeslignesélectriquesquej’auraispunepasvoir,deschosescommeça.—Oh.D’accord.Compris.Dumoins,jelepense.Commenoussommesàpresqueunpâtéde

maisonsdenotreobjectif, jeme sensunpeuplus rassuréequedans le jardinà l’arrière,maispasbeaucoupplus.

—Vas-y.Ilfautqu’onrentrebientôt.Jejetteuncoupd’œilàmamontreetjem’aperçoisqueletempsfilequandonalapeurdesa

vie à l’idéed’êtredécouvertespendantunemissionde surveillance. Jen’en suispas trop contente.C’estpourtantmieuxqueletempsquipasseauralenti.

Jesorsde lacamionnetteavec ledronedansunemainetmontalkie-walkiedans l’autre.Endeuxsecondes,jesuisàl’arrièreduvéhiculeetjeposeledroneparterresurletrottoir.

Unevoixsortdelaradioémettrice,sibassequec’estàpeinesijel’entends.—Onestbien?demandeToni.J’inspecte l’appareil à la recherche d’un bouton et appuie sur le côté, à tout hasard. Les

parasitess’arrêtent.—Hum.Oui.Toutvabien.Jelâchelebouton.

—Bon.Maintenant,reculeunpeu.Jeneveuxpastecogneravecça.Jefaisdeuxpasenarrière,maiscen’estpassuffisant.Ledronedécolleàlaverticalesurtrente

centimètresenviron,puisviresurlecôtéets’écrasecontremacuisse.—Aïe,merde,putainde…Jesautillesurunejambeettented’empêchermoncridesortirde

mespoumons.—Qu’est-cequis’estpassé?Lavoixm’arriveparlehaut-parleur.Jeleserredansmesmainsetenfoncelebouton.—Tum’asenvoyéletrucdanslajambe!Jevaisavoirunbleu,jelesais.—Oh.Désolée.Jeréessaie.Encore?Jesuisquoi?Lemannequindeservicepourlesexercicesdecollision?Jegrommelleenramassantledronequiesttombédetraverssurlachaussée.Jeleremetssur

le trottoir et file de l’autre côté de la camionnette. De cette façon, je peux passer la tête derrièrel’anglemortetregarderàdistanceraisonnable.

Les pales reprennent leur ascension et l’engin se balance d’avant en arrière. Il s’élèvedoucementdusoletresteensuspensionàl’arrièredelacamionnette.Jereculeencore.Àprésent,jel’entends,mais jene levoisplus.Levrombissementdespalesn’estqu’un faiblemurmure. Je suissûrequ’aucundesriverainsnepeutl’entendre.

Toutàcoup,ledroneapparaîtsurlecôtédelacamionnette.—Ouch!Jerecule,jecours,maisilmesuit.Jemeruesurmontalkie-walkie.Arrêtedeme

pourchasseraveccetruc!Le drone effectue une sorte de bond dansma direction et, à la dernière seconde, repart en

arrièrepuissurlecôté,cogneleflancdelacamionnette,avantderetombersurlachaussée.J’ailesoufflepresquecoupétellementj’aieupeurd’êtreànouveaufrappée.J’appuiesurle

boutondemaradio.—Qu’est-cequetufous,Toni?Est-cequec’estunesorted’initiationàlanoix?Savoixm’arrivecommeungrondement:—Reprendscefoutuenginetrentre.Jem’enapprocheprudemmentet luidonnetoutd’abordunpetitcoupduboutdupied.Ilne

bougepas. Je le retournesur ledosetmepenchepour le ramasser. Ilvrombitune fois,mais je lesecouetrèsfortetils’arrête.

—Tunerecommencespas,Polly,espècedepetittrouducul.Jerentredanslacamionnetteaussivitequejepeux,tenantledroneàboutdebras.Derrière le volant, Toni a l’air furieuse ; elle regarde fixement au travers du pare-brise.

J’attendssonexplication.Cependant,ilnesemblepasqu’elleressentelebesoindem’endonnerune.Aucontraire,ellemetlaclédanslecontactetreculepoursortirdesoncréneau.

—Qu’est-cequisepasse,Toni?—Qu’est-cequisepasse,quoi?Elledébraye.—Jecroyaisqu’onallaitleposerenhautduréverbère.—Oui,moiaussi,maisçan’apasmarché,n’est-cepas?Ellemelanceunregardfurieuxet

retourneàsamanœuvre.Jemetsmamainsurlasiennepourl’arrêter.Ilyachezelleunevulnérabilitéquejen’avais

pasencoreremarquée.—Qu’est-cequinevapas?Elleprendunelongueinspiration,puislaissel’airressortird’uncoup.—J’aitoutfaitfoirer:jenesuispasarrivéeàfairevolerletruc.Jeregardel’engindansmesmainsetfroncelessourcils.—Tun’aspascomplètementraté.Tul’asfaitdécoller.

—Ilyaloinentrefairedécolleretarrimer.—Peut-êtrequenousdevrionsnousexercerailleursetrevenir.Elles’engagedanslarue.—Ozzienousattendpourlerapportdanspeudetemps.—Çanenousprendraguèreplusd’unedemi-heure. Jeconsultemamontre.Nousavons le

temps.Ellemâchesalèvrependantqu’elleconduitjusqu’aupâtédemaisonssuivant.—Où?Jedésigneunendroitquisembleabandonnéetparaîtavoirétéutilisécommedéchargeparla

population locale. Pour autant que toutes les bouteilles vides et les sacs en plastique qui y sontaccumuléspuissentêtredesindices.

—Là.Elle grimpe sur le trottoir et toute la camionnette se balance lorsqu’elle redescend sur la

chaussée.—Supercréneau.— La ferme. Elle gare la voiture et coupe le moteur. Elle me regarde et ses yeux sont

étrangementdénuésd’expression.Tuessûrequetuveuxfaireça?J’aifaillitecouperlajambetoutàl’heure.

Jesouris.—Raté.J’aidesréflexesdeninja.Ellegrogne.—Tiens,luidis-je,etjeluipasseledrone.TuvasposerPollyparterreetjevaisessayerdele

fairevoler.Ellefixeledronequ’elletientdanssamain.—Tucroisquetupeuxyarriver?—J’aidéjàeudesjouetstéléguidés.Çanepeutpasêtresidifficile,hein?—Raconteçaàtajambe.Ellemontremacombinaisondudoigt.Ilyaunetacherougeàl’endroitoùledroneapercuté

majambe.—MonDieu.Tum’asfaitsaigner!Ellesourit,maisavecunepointederemords.—Jet’aiditquej’aitoutfaitfoirer.J’ouvrelaporte.—Vas-y.Emporteleboîtierdecontrôle.Jevaisyarriver.Ellemesuitdehorsetnousnousplaçonsàl’entréedeladécharge.

20.Ou:«Pollyveutunbiscuit?».Ritournellebienconnueettrèsancienneenanglais.Elleapparaît,entreautres,dansTreasureIslanddeR.L.Stevenson(1883),maisestsouventutiliséeparlesSimpson.21.Parrot,marquefrançaisededrones,signifieperroquetenanglais

CHAPITRE31

—T’esuneemmerdeuse,tusaisça?Tonimeregarded’unairfurieux,lesbrascroiséssurlapoitrine.

Jemanœuvreledroneetlestabiliseàhauteurdesesyeux,àmoinsd’unmètred’elle.—Répèteunpeuettuvasvoircequivasepasser!Jerigoled’unejoiefoldingue.—Commentsefait-ilquetuarrivesàcontrôlercetrucavecseulementdixminutesd’exercice

etquejenepeuxpasfaireautrechosequeblesserlesgensaprèsdesheuresdepratique?—Jesuisunpiloteninja.Fautt’yfaire.Jeredescendsledrone,quis’arrêtedoucementàses

pieds.Onpeut y aller à présent ? Jemeurs de faim. Il est près de15heures et je n’ai rienmangédepuislebagelaufromageblancquenousadonnénotreemployeurcematin.

—Oui.Onpourrarentrerquandtuaurasplacéledrone.Mafanfaronnadepasseenmoderugissementsourd.—L’installer?Tucroisvraimentquejepeuxyarriver?—Ehbien,soittuyarrives,soittuleplantesettuanéantisl’undenosmeilleurséquipements

desurveillance.Ellerenifle.—Tumemetspaslapression.—Écoute,situveuxqueThibaultviennefaireletravailànotreplace,O.K.Jel’appelle.Elle

prendsonportable.—Non!Nel’appellepas.Onpeutlefaire.Jemonteàcôtéd’elledanslacamionnette.Laprise

depouvoirparlesfilles,hein?—Sûr!répondToni.Ellemetlemoteurenmarcheetnousrepartons.Situledis.Savoix est absolumentglacée. Jememords la lèvre tandisquenous retournonsversnotre

objectifet jemedemandesi jedevraisdirequelquechose. Jen’arrivepasàsavoirquellepourraitêtresaréaction;auboutdetroissecondes,jel’interroge.

—Disdonc,qu’est-cequetuas,Toni?J’aiditquelquechosepourtefâcheroubienest-cequetuasdécidé,toutsimplement,quetunem’aimespas?

Ellenerépondpastoutdesuite.Elleattendsilongtempspourlefairequejesuisconvaincued’unechose:ellevatoutsimplementignorermaquestion.Maiscelanemegênepas.Aumomentoùjevaism’excuser,ellerépond.

—Jenetedétestepasdutout.C’estseulementqueje…nesuispasunepersonnechaleureuseetprompteàs’amouracher.

—Ah!

—Jenem’entendspastrèsbienaveclesfemmes.Jeréfléchisquelquessecondes.—Est-cequetuasdessœurs?—Non.Troisfrères.Thibaultestl’und’eux.—Descousines?—Nan.Treizecousins.—Oh!C’estpasmaldetestostérone.Ellehausselesépaules.—J’ysuishabituée.Jen’aijamaisjouéavecdespoupées;jem’amusaisavecdessoldats.Je

préfèrelesbottesauxsandales.Je la regarde et lui souris. Elle est toute petite, avec des traits vraiment fins qui semblent

apparteniràunepoupéedeporcelaine.—Quoi?Ellemejetteuncoupd’œil,puisseconcentreànouveausurlaroute.Turegardes

quoi?—Jeregardeungarçonmanquéquiressembleàunefilletrèsféminine.—Oui,tuparles!ricane-t-elle.Unefilletrèsféminine.Ah,c’estmonjour.—Tumetsdes talons.Lesbottesque tuportais lapremière foisque je t’aivueavaientdes

talons.—C’estutilepoursedéfendrecontrelesvoyous.Jemerétracteintérieurement.—Quellehorreur!—Etmesjambesparaissentpluslongues.Jedétesteêtrepetite.Avecmonmètresoixante-dix,jenepeuxpasvraimentlaplaindre.—Dansnotreactivité,ilfautêtresolidepourmériterlerespect.Jefroncelessourcils.Voilàquin’augureriendebonpourmoi.Ellesetournedansmadirectionetcligneunœil.—Net’enfaispas,BoPeep.Pasbesoindecommenceràporterdesbottespourl’instant.Jerelèvelementon.—J’aidesbottes.Jeneprécisepasqu’ellesontdespaillettesdessus.Ellenerépondrienetcontinueàconduire.Moncœursemetàbattreplusvite lorsquenous

arrivonsànotredestination.Lamaison-cible.Touslesmouvementscompliquésquejefaisaisavecledroneprennentunnouveausensici.

— Prête ? demande Toni. Elle demeure assise, sans un mouvement. Elle attend que je luiréponde.

—Autantquejepeuxl’être.Elleouvrelabouchecommepourparler,maissecouelatêteetouvrelaporte.—Qu’est-cequ’ilya?Jemetsmamainsursonbraspour l’arrêter.Tuallaisdirequelque

chose.Ellesoupireetrépondsansmeregarder.—J’allaistedirequetoutallaitbiensepasser.Etquejesuiscontentequetusoisiciavecmoi.

Avecl’équipe.—Moiaussi.Jelepensevraiment.Vas-y.Qu’onmettel’enginsurcepylône.Elle se laisseglisser au sol,mais jevois son souriredans le rétroviseur.Moncœur faitun

bond de joie à l’idée que j’ai peut-être gagné une amie grâce àmon talent pour diriger des fousvolantsdedrones.

Jepasseàl’arrièrepourm’installerdevantl’ordinateur,lesmanettessurlesgenoux.

—O.K.,annonceToniparletalkie-walkie.Vas-ydoucement.Est-cequetuvoisquelquechosegrâceàlacaméra?

—Oui.Je repose la radio pour pouvoir utiliser mes deux mains. Je fixe des yeux l’écran de

l’ordinateurenfacedemoi.Ledronepossèdeunecaméraàl’avantquicaptetoutl’environnement,pratiquementavecunradiusdetroiscentsoixantedegrés.Vraimentimpressionnant.

— Il vient de décoller, continue Toni au moment où j’amène le drone au-dessus de lacamionnette.

Jemurmurepourmoiseule:—Doucement,doucement.Jevoislepylône.—Faisattentionàlaligneélectriquesurtagauche.Je peux imaginer la colère d’Ozzie si j’électrocutais son drone. Je serais pour toujours

« L’Exécutrice », j’en suis certaine. Et autant j’aimerais être débarrassée du surnom de Bo Peep,autantjepréféreraisquandmêmequelquechosedemoins…sévère.Ildevraityavoirunjustemilieuentreunpersonnagedecontedeféesetunemeurtrière.

—O.K.Surladroite,tuvoiscettepetiteplateforme?Tupeuxatterrirlà-dessusetdéployertescrochets.Cepetitdroneaunéquipementquiluipermetdes’agripperàdeschosescommecepylône:decettefaçon,ilnerisquepasd’êtreemportéparlevent.Hé-ho.

—Çaveutdirequoi,hé-ho?Jel’interrogedepuisl’intérieurdelacamionnette.Jenepeuxpasmeretourneretluirépondreparcequejeconcentremonattentionsurmesdeuxmainspourconduireledrone.

—Voyouprobableàdouzeheures.Soiscalme.Jepresse leboutonquidoit arrimer ledrone sur lepylône,puisme recroqueville surmon

tabouret.Cen’estpaspouruneraisondesécuritépuisquelerideauesttiré.Elleparledequoi?Puis je regarde l’écran de l’ordinateur et, grâce au drone, je vois exactement de quoi elle

parle.Untypeavancedansnotredirection,précédéd’unpitbullquitiresursalaisse.Est-cequ’ilvientdelamaison-cible?J’essaied’avaler,maisc’estdifficileàcausedelaboulequis’estforméedansmagorge.

J’entendsleursvoixparlaportearrièredelacamionnette.—Salut,qu’est-cequetufais?demandeletype.—Riend’intéressant.Ettoi?T’asunbeauchien.—Merci.Onestjustesortisfaireuntour.Qu’est-cequetufaisparici?Ildésignelepylône.

Tutravaillespourlacompagnied’électricité?Notrecamionnetten’aaucunemarqueapparente,endehorsd’unsignalmagnétiquequ’onm’a

ditêtreutiliséparlesentreprisesquitravaillentpourlacompagniedutéléphone.—Non.Téléphone.Toni fait un geste vers une boîte de dérivation proche. Je connecte des

nouvelleslignes.L’économierepart.—Bonnenouvelle.—Oui.Ehbien,j’aifini.Bonnejournée.Elleluifaitunsigne,faitletourdelacamionnetteet

monteàbord.—Nebougepas,murmure-t-elle.Je regarde l’écran pendant que nous quittons notre stationnement. L’homme se tourne pour

nousregarderdescendrelarue.—Jepensequ’ilnousarepérées,commenteToni.Jeleregarde:ilseretourneetcontinueàmarcherens’éloignantdenotreobjectif.—Jenepensepas.Ilpromènesonchienetneregardepasledrone.

Lentement,Tonilaisseéchapperl’airdesespoumons.—Dieusoitloué!Moncœurseremplitdefierté.—Onl’afait!—Oui,onl’afait.Nous sommes toutes les deux au septième ciel jusqu’à ce que nous arrivions à l’entrepôt.

Lorsquenousentronsdanslegarage,Thibaultnousattend,lesdeuxmainssurleshanches.—Ehbien?demande-t-ilavantmêmequelemoteursoitarrêté.Tonietmoidescendonsdelacamionnetteetellelerejointpourfaire«tope-là».—MissionaccompliegrâceàBoPeepquevoici.Jem’approche,unpeuintimidéeparcequ’ellemedonnetoutlecréditdel’affaire.—En réalité, je n’ai pas fait grand chose.Toni amis enplace la caméraqui surveille tout

l’arrièredelamaison.—Etelleafaitvolerledronejusqu’enhautdupylôneoùellel’afixé,ajouteToni.—Vraiment?Thibaultmeregarded’unairétonné.Commentçasefait?—Je…euh.JeregardeversToni.Ellefixelesoldesyeux.J’avaisenviedel’essayer.J’aime

lesautostéléguidéesetjepensaisqueceseraitamusantavecundrone.—Qu’est-ilarrivéàtajambe?demandeThibault.Ildésigneunetachedesangau-dessusde

mongenou.Jeregardemajambe.—Hum.Jenesaispas.Mêmemoi,jen’arrivepasàmetrouvercrédible.Ilestévidentqu’ilfautquej’amélioremes

talentsdementeuse.Thibaultsourit.—Tuneseraispasentréeencollisionavecundroneparhasard,hein?—Oh, tunevaspasrecommencer,Thibault?!Etmerde!Tonis’envacommeunouragan,

criant assez fort pour que tout le port de la Nouvelle Orléans l’entende. Encore une fois, O.K. ?Encoreunefoisetjetecogne!

Jenepeuxm’empêcherderirelorsqu’ilsoulèvesajambeetmemontreunepetitecicatricesursonmollet.

—Ellem’apincé.C’estunevraiefolledemaniaqueaveccetruc.Jesoulèveàmontourlajambedemonpantalon,révélantunepetitecoupuresurlacuisse.—Tum’endirastant.Thibaultrenverselatêteenarrièreetpartd’unriretonitruant.

CHAPITRE32

—Qu’est-cequ’ilyadesidrôle?demandeOzzie.Ilvientd’émergerdel’ombrederrièrelesappareilsdemusculation.Ilestennage.Mesaïeux!

Sahara le suit et elle sembleaussi épuiséeque je le suis.Est-cequ’il l’entraîneaussi ?Celanemesurprendraitpas.

—Toni a essayé de passer sa colère sur elle avec le drone.Thibault désignema jambe aumomentoùjelarecouvre.

—Encore?Ozziesecouelatête.Mec,elleestdangereuse.—Malgréça,BoPeeparéussiàarrimerledronesurlepylône.Cettefilleadestalents,jene

peuxpaslenier.Ozziemeregardecommes’ilmejaugeaitetjerosis.—Fais-moivoircettecoupureavantdemonter,décide-t-il.—Oh,c’estvraimentpasgrand-chose.Ellem’aàpeinetouchée.—Peuimporte…Vat’installerprèsdelatablelà-bas.Jeterejoinsdansuneminute.Jeboitilleverslachaise,nonàcausedel’accidentavecledrone,maisparcequ’àprésentque

l’adrénalinequittemonsystèmenerveuxjesensànouveaumesmusclesdouloureux.Merde!Quandest-cequemoncorpsvareveniràlanormale?

SaharaetThibaultmontentl’escalierensembleetdisparaissentdanslapiècedusamouraï.Jeprofitedecelapsdetempsoùjesuisseulepourmemasserlesbrasetlesjambes;j’attendsOzziequidoitregardermablessureoufairejenesaisquoid’autre.

Ilfautquej’empêchemoncerveaud’imaginerquesoninquiétudedépassecelled’unpatron;maisjeperdscettebataillelorsqu’ilredescend,s’assoitàcôtédemoietremontedoucementlajambedemonpantalon.Ilposesamainchaudesousmonmolletetsoulèvemonpiedpourledéposersursacuisse.

—Çafaitmal?Ils’inquiète,c’estévidentàenjugerparlesérieuxdesonexpression,sansmêmeparlerduton

desavoix.Iltouchetrèsdoucementlapeauautourdelablessure.Jesouhaitevraimentqu’ilarrêtedetournerautourdupotetqu’ilmetteplutôtsesgrandesmainssurmapoitrine.

OhmonDieu,qu’est-cequejeviensd’imaginer?!—Pasautantquetoutlereste.Jeplaisanteetessaiedeparaîtrebeaucoupplusàl’aisequejelesuisenréalité.Il lève les yeux vers moi, perplexe. Je remarque pour la première fois des mouchetures

ambréesdans sesyeuxverts. J’essaiedenepas les fixercommesi j’étais folle ;mais ils sont trèsbeaux.

—J’aiencoredescourbaturesaprèsnotreentraînement.— Ah. Désolé. Il débouche un désinfectant et en verse sur du coton. J’ai peut-être un peu

exagéré.—Non.Çava. Jeneveuxpasque tu fassesquelque chosede spécial pourmoi.Traite-moi

commetoutlemonde.Iltapotelacoupuresurmajambeaveclecoton.—Tusaisqueçanevapasêtrepossible,n’est-cepas?Ilnemeregardepas,maiscelan’empêchepasmapressionsanguinedegrimperjusquedans

lesétoiles.Non,biensûrquenon!Toutmoncorpsdevientchaudàcausedecetteseulephrase.Pourtant, je nedevrais probablement pas déduire qu’il pense à quelque chosede spécial. Je

suiscertainequ’ilditque jesuisplus faiblequesesautres recrues,cequi faitque j’aibesoind’unprogrammespécial,plusdoux,pourretrouverlaforme.

—Pourquoi est-ce que tu ne peux pasme traiter comme les autres ? Je te promets que jetravailleraiautantqu’illefaudrapourêtreauniveaudel’équipe.

Aprèslajournéequenousavonseueaujourd’hui,jesuiscertainedevouloirêtreici.JeveuxfairepartiedelafamilledesBourbonStreetBoys.Jen’aijamaisprisautantdeplaisirentravaillant.Enplus,ilyaOzzie.Etl’idéequejevaislevoirauboulot,c’estcommerecevoiruneprimedeNoëltouslesjours.

—Jen’aiaucundoutelà-dessus.Tut’esdéjàdonnéeàcentdixpourcent.Jenepeuxpast’endemanderdavantage.

—Alors,oùestleproblème?Jeretiensmonsouffleetattendssaréponse.Il fixema jambe, fait courir samain depuisma cheville jusqu’àmongenou tandis qu’il se

pencheencorepourexaminermacoupuredeplusprès.Avecceseulmouvement,sesdoigtstraînantainsilelongdemapeausensible,jesuisenfeu.Il

bougemajambeàgaucheetàdroite,regardemablessureetladouceurdesontouchern’estpascelledequelqu’unquijoueraitlerôled’unemployeurinquiet.Jenepeuxpasfairequ’imaginercela,n’est-cepas?

Ilmeregarde,lesyeuxplusnoirsqu’avant.—Jenepeuxpastetraitercommelesautres,parcequetun’espascommelesautres.Est-ce qu’il veut dire…?Non. Bien sûr que non. Il veut dire que je suis unemauviette. Et

regardonsleschosesenface,comparéeàToni,c’estcequejesuis.—Tuveuxdirequejesuisfaible,c’estça?BoPeep.Unefillequisepromènetoutelajournée

avecunehoulettepourgardersesmoutons.J’aihontedemoi-même.Pourquoiest-cequej’ainégligélasalledesports?Pourquoiest-ce

quejemangeautantdecheese-cake?Sonsourireestàpeinevisible,maisc’estunsourire.—Non,cen’estpascequejedis.Iltendlamainetpincemonbiceps.J’essaiedenepasreculer,maisn’yréussispastoutàfait.

Waouh!Mesmusclessonttellementendoloris.—Tuasdelaforce.Nousallonsseulementdéveloppercequetuasdéjà.Jesaisquetupeuxle

faire.Autrement,jenet’auraisjamaisembauchée.—C’estvrai?Ilyatellementdesignificationspossiblesauxmotsquenousavonséchangés,etellestournent

dansmatête.Est-cequ’onparled’uneemployéequifaitl’affaireoud’unefemmepourlaquelleiladessentiments?Parcequejesaisquej’enaipourlui.Jenepeuxpluslenier.Àchaquefoisquejeme

retrouveàsescôtés,jemesensplusprochedelui.Jeveuxleconnaîtremieux.Jemedemandesic’estmêmepossible:ilal’airdequelqu’undesiréservé.

Ilaffectel’indifférenceetseredresse.—Jenesaispas.—Tunesaispas?Quoi? Il sepassequoiencemoment? Ilétait tellementdoux ilyaun instantet le revoilà

devenuleOzziehabituel.Est-cequ’ilregrettedem’avoirdemandédetravailleraveclui?—Non,jenesaispas.Ilprendmajambeparlachevilleetlareposedoucementsurlesol.Ilse

rassoit,soupire,sepencheenarrièreetposesesmainssursescuisses.J’admetsquejesuisunpeuperplexeencequiteconcerne.

Jesouris.Finalement,jepensequenousvoilààégalitésurnotreterraindejeu.Peut-être.—Tuasl’aircontente.Ilfroncelessourcils.—Jelesuis,parcequemaintenantjenemesensplustouteseuledanscecas.—Tuesperplexe?—Onpourraitdireçacommeça.Pasquestionque je sois lapremièreà admettrequ’ilpourraity avoirune sortede réaction

chimiqueentrenous.Pourautantquejelesache,ilestpeut-êtreentraindeparlerdetoutautrechose.—Alors,noussommes réciproquementperplexes,conclut-il.Unsourireapparaîtauxcoins

desabouche.Jelepoussedupied.—Arrête.—Arrêtequoi?—Desourire.Illèvelessourcils.—Quej’arrêtedesourire?Monvisagedevientbrûlant.—Oui.Tumerendsnerveuse.Sonsouriredevientdécidémentsournois.—Nerveuse.Pourquoinerveuse?Jeluidonneunnouveaucoupdepiedsursabotte,cettefois-ci,plusfort.—Sérieusement,arrête.Jemelève,incapabled’ensupporterdavantage.Ilprendunedemesmainsetmeregarde.—Oùvas-tu?Sesdoigtssontsichauds.Tropchauds.Seigneur!—Ilfautque…j’yaille.Jenepeuxpasyarriver…jenesaismêmepasàquoi.Ilattendquejem’explique.Ah!Jenepeuxplussupporterça!Jen’aijamaisétébonneàcejeu.Ilesttempsd’êtreunpeu

honnête.Quelqu’undoitêtrelepremieràbriserlaglace,non?—C’estjuste…queçafaitunmomentpourmoietjen’aipaseubeaucoupd’expérienceparle

passé,d’ailleurs,alors…Jefrémisetfixelesolduregard.Ilnerépondpastoutdesuite,aussijerelèvelatêteetleregarde.Ilafroncélessourcils.—Dequoiparles-tuexactement?Frustrée,jelaisseéchapperunlongsouffled’airetensuite,lesmotssortenttoutseulsdema

bouche.Jenepeuxpaslescontenirpluslongtemps.—Sexe,monvieux.Dequoiest-cequetuparles?Ilselèvesansavoirlâchémamain.—Jeparlaisdetesentraînements.

Monvisagedevienttoutpâleetj’aisoudainvraimentdumalàrespirer.Mavoixsortcommesijecroassais.

—Oh,Seigneur.Jesuistellementgênée.Ilfautquej’yaille.J’essaiede libérermamainde lasienneetdem’éloignerde lui,mais ilneme lâchepas. Il

souritdenouveau.Nomd’unchien!Pourquoimesourit-ildecettefaçon?!—Tupeuxarrêter?!Sonsouriresetransformeenunpetitrire.Jeledévisageetjecomprendsqu’ils’estfoutude

moi.Toutletemps.Peut-êtredepuisledébut.—Oh,monDieu.C’estpaspossibled’êtreaussiaffreuxquetoi!Jesenslerougememonter

aux joues ; ilmontedepuismapoitrine,moncouetgagnemonfront.Personnenem’afait rougircommelui.

—Jesuisaffreux?Ilserapprochedemoi.—Tut’esabsolumentfichudemoi.Toutletemps.Jen’arrivepasàdécidersijedoischanter

dejoieoulefrapperàl’entre-jambes.Jenesaistoujourspasoùj’ensuis,maisàprésentjesaisqu’ilyadelachimieentrenous,des

deuxcôtés.Impossiblequej’imaginetoutça.—Nesoispasfâchée.Ilessaied’êtrecharmant,maintenant.—Fâchée?Moi?Tuveuxrire.Je me recule pour mettre un peu de distance entre nous. Surtout parce que je pense plus

clairementlorsqu’iln’estpastropprès.—Ilenfautbeaucoupplusqu’untypequim’enquiquinepourmemettreencolère.Jem’éloigneunpeu.—Oùvas-tu?demande-t-iltandisqu’illaissemamainglisserhorsdelasienne.—Jevaisallerdéjeuner.Ilsepenche,attrapemamain,m’attireànouveauversluialorsquejenem’yattendaispas.Je

trébucheettombesurlui.Ilmeprenddanssesbras,commesinousétionsdansionslerock.—Tuasoubliédemedireaurevoir.Ilsedresseau-dessusdemoi,lesyeuxpétillants.

CHAPITRE33

Lesouvenirdenotredînerauhomardetd’Ozziesurleseuildemaporte,medisantaurevoiravecunbaiser,revienttoutd’uncoup.Ill’aaimétoutcommemoi!Ilveutqu’onrecommenceautantquejelesouhaite!Jevaisavoirunecrisecardiaquependantlesheuresdetravail!

Uneportes’ouvreau-dessusdenous.Jepaniqueetmeredresserapidement;jemedégagedesesbras.Volerunbaiserdetempsentemps,c’estunechose;laisserlesautresemployésvoirqu’ilyaquelque chose entre nous, c’en est une autre. Pas question. Je perdrai jusqu’audernier grammedecrédibilitéauprèsdemescollègueset,quandce respectn’estdonnéquepardemi-gramme,chaquemilligrammecompte.

— Au revoir, Ozzie. Bon après-midi. Je m’éloigne, le menton fièrement levé et les jouesempourprées ; je rejettemes cheveux en arrière. Ça, je peux le faire. J’arrive àmimer un calmeparfait alors que je fonds à l’intérieur comme une barre de chocolat sous le chaud soleil de laLouisiane.

Luckydescendl’escalieretnousnousrencontronsalorsquejesuissurlapremièremarche.Ilaunetriquedanslamaindroite.

—Onmeditquetuessurlalistepourl’infirmerie,déclare-t-ilquandnousnoustrouvonsaumêmeniveau.L’armependàsoncôté.Iln’amêmepasl’airdesavoirqu’elleestlà:commesiellefaisaitpartiedesatenue,aumêmetitrequ’uneceintureouunemontre.

Hum,étrange.Ilss’enserventenhaut?Ondirait,sinonpourquoilatriqueserait-ellelà?Jenedis rien : c’est peut-être normal pour eux. Peut-être qu’ils se baladent comme ça, sans raisonparticulière.

—Nenni,pasd’infirmerieencequimeconcerne.Jeneveuxpenseràladouleurquicontinueàtenaillertousmesmuscles.Jevaisbien.

—Tuaspositionnél’appareildesurveillance?—Oui,nousavonsréussi.Jesouris,toutefièreetheureused’avoirunsujetdeconversation

autrequemesblessuresoumonmanquedesexeetledésird’enavoirbeaucoupavecOzzie.—Bravo!Ilmedonneuntrèslégercoupdepoingenguisede«toper-là».Jepensequec’est

lapremièrefoisdetoutemaviequ’onm’enfaituncommeça.Onsevoitdemain?—Tuasfinilajournée?— Il faut que j’aille au poste de police pour parler à des inspecteurs ; alors, je vais rater

l’excitationdel’après-midi.Jeregardepar-dessusmonépaule.Ozzienousregarde.«Excitation?»Jemeretournevers

Lucky: jenesuispassûrdecomprendre.Jepensaisquej’allaisàuneréunionlà-haut.Ladernièreétaitintéressante,maisjenesaispassijel’auraisqualifiéed’excitante,enelle-même.

Lucky regardeOzzie et fronce une seconde les sourcils avant de reporter son attention surmoi.

—Oui.Rapportpériodique.Nousenavonsnormalementuntouslesdeuxjours.Jefaisouidelatête.—Ah.O.K.Bien,alorsàdemain!—Hé,çanet’embêtepas?Ilmetendlatrique.—M’embêter…?—Remonterçalà-hautpourmoi.Jevoulaislalaisseràl’étageetpuisj’aidûêtredistraitpar

quelquechoseetjel’aigardéeàlamain.Jesouris.—Biensûr.Aucunproblème.Oùveux-tuquejelamette?Ilébaucheunsourireets’arrêteimmédiatement.—Donne-laàDev.—O.K.Je plisse les yeux en le regardant, et j’essaie de deviner pourquoi il fait tant d’efforts pour

paraîtresérieuxalorsqu’ilamanifestementenviedesourire.J’examinelatrique,maisjenevoisriende bizarre. Elle a l’air parfaitement normale, à peu près un mètre de long et six centimètres dediamètre,plusépaisseauboutquetenaitLucky.Jetrouveaussiqu’elleestplusfacileàmaniersijelatiens par l’extrémité plus large. C’est plutôt lourd, mais pas tant que je ne puisse la brandir. Jedemanderaipeut-êtreplustardàOzziecommentons’ensertcorrectement.

—Àplustard.—Ouais.O.K.Àplus.Je continue àmonter l’escalier etm’arrête devant le pavé tactile près de la porte.C’était le

nomdequipourlecodedececôté-ci?Toni?JetapeT.O.N.1,maisriennesepasse.O.K.Alors,cen’estpasToni.Donc,cedoitêtre…Thibault?J’essaieT.B.O.1etj’entendsundéclic.Mêmesijesaisque,d’enbas,Ozziem’avuemetromper,jesouris.Finalement,jem’ensuissortie,non?Jenesuispascomplètementnunuchequandils’agitdecetrucdesécurité.

Jepousselaporteetunmouvement,rapidecommel’éclair,passedevantmonœil.—Raaaaahhhh!hurleunevoixforte:unvraicrideguerre.Unelameargentéevoledevantmonvisageetuneénormebêteblanches’élanceversmoi.Jehurleaumeurtreetfaisunbondenarrière;jefermelesyeuxetbalancematriquedevant

moidetoutelaforcequemedonnelapeur.Audiablemesmusclesdouloureux.J’entrebrusquementencontactavecquelquechose.

—Aïe!faitunevoixsonoretandisquelatriques’abatsurquelquechose.J’ouvrelesyeuxetjevoisDev,pliéendeuxetsetenantleventre.Danssonautremain,ilserre

unegrandeépéequipendàprésentlelongdesajambe.—Est-ceque…?Est-ceque…?Jenepeuxmêmepascroirecequejevois.Etpuis,jeréalise

ce qui vient de se passer et ça me rend furieuse. Est-ce que tu m’as attaquée avec un épée desamouraï?!

—J’aiessayé,articule-t-ilavecdifficulté.Jelèvematriqueetjelefrappesurl’arrièredel’épaule.—Ahhhh,merde!hurleDev.Pourquoit’asfaitça?Sondoss’estarquéetpenchedecôté;il

setorddedouleur.—C’estparcequetum’asfaitunepeurbleue,espèced’idiot!Jelaissetomberlatriqueàses

piedsoùellefaitunbruitdecliquetis.Jelepousseetpassedevantlui.Voilàtonimbéciledetrique,

espècedepantin.Nerecommenceplusjamaisçaavecmoi!Ils’affaissesurlecôtéquandjelepousseets’écroulecontrelechambranledelaporte.Puisil

setasse,surleflanc,àterre.—Tesréflexessontbienmeilleursque jene l’avaispensé,grommelle-t-il,savoixchangée

parladouleur.Jesuispresquesortiedelapièceetpasséedanslacuisinelorsquejeluiréponds:—Tuviensdetefairebotterlesfessesparquelqu’unquetuaimestraiterdeBoPeep.Sij’étais

toi,jecommenceraisàm’interrogersurmafacultéàjaugerlesgens.Quandjepénètredanslacuisine,TonietThibaultsontassisàlatableetsourientd’uneoreille

àl’autre.—Tul’asflanquéautapis,hein?interrogeToni.Ellecontinuedesouriretandisqu’ellemord

danssonsandwich.—Non,jeluiaijustemisunepetitebaffe.—J’avaisl’impressionqu’ils’agissaitdeplusqueça.Dev entre en boitillant dans la cuisine ; il a retiré sa chemise. Il a une marque rouge sur

l’estomac.—Est-cequej’aiuneecchymose?demande-t-ilentournantledosàlatable.Jem’enfonce surmon siège et j’essaie de ne pas culpabiliser en voyant lamarque qu’il a

égalementsurl’épaule.Çavasûrementluifairemalpendantunmoment.—Pasencore,maisçanevapastarder,répondThibault.Jet’avaisditdenepaslaprendreen

traître.Je sens la fierté envahirmon âme.Thibault pense que je ne suis pas du genre àme laisser

impressionnerparuneattaqueavecuneépéede samouraï ?Super.Peut-êtrequ’en fait, je suisunedureàcuire.Jeprendsuneserviettedanslapileetchoisisunsandwichsurunplateauaumilieudelatable. Je n’ai pas la moindre idée de ce qu’il peut y avoir dedans, mais je suis bien décidée à lemanger.J’aiunefaimdeloup.Jesuisabsolumentaffaméeparcequej’aiétéattaquéeàl’épéeetj’yaisurvécu.

—Elleabesoind’uneformation,reprendDev.—Jetesuggèredel’essayersousuneautreforme.J’airépliquésansm’arrêterdemâcherce

quidoitêtreunsandwichàladinde.Pasd’attaquesurprise.—Ilfautquetugardestesréflexesaiguisés.Devs’assoitets’attribuesixsandwichs.Personne

neremueuncildevantsonappétit.—Ondiraitquetespropresréflexessontunpeurouillés,ironiseThibault.—Nan.J’avaisuneépée.Jeneveuxpasl’utilisercontreelle.Ellen’estpasprête.J’avale unmorceaudemon sandwich, qui s’est pratiquement transformé en sciure dansma

bouchelorsqu’ilarépondu.—Prête?Tupensesvraimentquejeseraiprêteunjourpourrépondreàuneattaquedecette

sorte?—Sijefaisbienmonmétier,oui.Labouchepleine,Devmefaitunclind’œil.Tuserastoutà

faitprête.Tupeuxfaireconfianceàl’entraînement.Jesecouelatêteetmordsànouveaudansmonsandwich.—Tuesfou.J’aidanslaboucheunmorceaudetomate,maiscelanem’empêchepasdeparler,bienquece

soitimpoli.Toutepersonnequimeprendentraîtreperdledroitàbénéficierdemesbonnesmanières.Jedoiscependantadmettrequejesuisplutôtexcitéeàl’idéed’arriveràuntelniveau.Maisiln’yarienenmoiqui souhaiteêtreattaquéeà l’épéepourdevrai.Dieuduciel ! J’ai rejointcetteéquipepourprendredesphotos,paspourcombattredesninjas.

Ozziearrivedanslapièceetprendsaplacehabituelleauboutdelatable.—Commentçaaétéaujourd’hui?IlregardeToni;jeconservedonclabouchefermée.Jesuisheureusequ’ilsefocalisesurelle

parcequej’aiunpeupeurqu’ils’adresseàmoidirectement.Jenesuispassûredenepasluifairelesyeuxdoux.

—Bien,répondToniquines’estpasrenducomptedemonmalaise.Onamisunecaméraàl’arrièredelamaison.Ilfaudraqu’onretournechangerlabatteriedansdeuxjours.Ledroneestsurlepylône, si bienquenousavonsunevuepanoramiquedes lieux.BoPeepaprisdes clichésd’unhommequiestsortidelamaisonpendantquenousétionslà-bas.

J’arrêtedemastiquer. J’auraisprobablementdûmonter la caméra à l’étagepour la réunionafinqu’ilspuissentregarderlesphotos.Flûte.Erreurdedébutante.Grrr.Jedéteste.

—Jepeuxvousmontrerlesphotossivousvoulez.Ilfautjustequej’ailleenbas…Ozziebalaiemapropositiond’ungeste.—Plustard.Qu’est-cequis’estpasséavecletype?Tonilèveuneépaule.—Ilpromenaitsonchien.—Quia-t-ilvu?Touteslesdeux?—Non.Moiseulement.—O.K.Jeneveuxpasquetuyretournespourlemoment.Tonilâchesonsandwichsursaserviette.—Merde,disdonc!Ilnes’estdoutéderien.Ozziesefige.—OnaperduHarley.Nousne sommespascertainsqu’ilsm’aient situé,mais s’ilsontdes

soupçonsnousnepouvonspasenvoyerlamêmepersonnedeuxfoisdanslevoisinage,compris?Elleprendunairrenfrogné,maisfaitouidelatête.—O.K.Entendu.—Tupeuxvisionnerlesphotosaufuretàmesureetvoirs’ilyaquelquechoseàentirer.Ellesecoueànouveaulatêteetretourneàsondéjeuner.Manifestement,ellen’estpascontente.—Qu’est-cequetuenpenses?demandeOzzieenmeregardant.Jebalayeduregardlesvisagesquiattendentquejerépondeetj’espèreyglanerunepossible

indication,mais ils restent impassibles. Je soupire,vaincue.Mevoilà sur la sellettedudébutant. Jedétesteêtredanscettepositionetjen’ysuisquedepuisdeuxjours.

CHAPITRE34

—Qu’est-cequejepensesurquelsujet?Jen’aimeguèrequ’onmemetteaupieddumur.Jenem’ysuispaspréparée.Etsi j’ai l’air

stupide?Jen’aipasencoreeudeformationàl’espionnage.Jen’enconnaismêmepaslevocabulaire.—Quepenses-tudecequevousavezfaitaujourd’hui?expliqueOzzie.Tuyassongé?—Ehbien…Jeréfléchisquelquespetitessecondesavantdecontinuer.Jepensequeças’est

bien passé. Une personne nous a vues, en effet, mais il croyait que nous faisions partie de lacompagnie d’électricité. Toni lui a dit qu’elle travaillait pour la compagnie des téléphones. Nousavonsvérifié:iln’apasdutoutregardéendirectiondudrone.

—Bien.Quelquechosed’autre?—Hmmm…bon,jemedemandaisseulement…çan’arienàvoiraveccequenousavonsfait

aujourd’hui,maiscommentont-ilsdécouvert ton identitéen tantqu’Harley?Dans lebaroù j’étaisavecFélix.Tuasditquec’étaitdemafaute.

—Letypequinousatirédessusfaisaitpartiedeleurbande.S’ilm’atirédessus,celaveutdirequ’ils’estdoutéqu’ilyavaitanguillesousroche.Ilfautcroirequeçaavaitquelquechoseàvoiraveclefaitquetusoisentréeavectonchiendanstonsac.Parcequ’avant,toutsemblaittranquille.Peut-êtrequejemetrompe,maisjeteregardaiset,quandils’enestaperçu,ilestdevenusoupçonneux.Quandjesuispartit’aider,çal’aconfirmédansl’idéequejen’étaispasceluiquej’étaiscenséêtre.Tun’espasprécisémentlegenredefillesqu’aimeraitHarley.

— Ce qu’il veut dire, c’est qu’il a réagi comme quelqu’un d’honnête et non comme unvoyou,m’expliqueToniquiadûremarquermaperplexité.

—C’estça,acquiesceOzzie.Voilà.Jesuissortidemonrôle.Mauvaiseidéeaumilieud’unebandepareille.Ilssontvraimentparanos.

J’essaiedemereprésenterlascène.JenemesouvienspasdutypeaveclequelHarleyétait.Est-cequec’estl’hommequinousatirédessus?

—Tuparlesdecetypechauveavecunemoustacheetuneénormeverruesurlajoue.—Tuasvutoutça?Ozziem’observeànouveauintensément.Bonsang,sonhumeurchange

commelevent.—Biensûr.Ilm’aregardéejusteaprèsavoirtiré.Tuessayaisdem’éloignerdelatable,mais

jepensaisquemasœurétaitlàetjenevoulaispaslâcherprise.J’étaisfaceàluipendanttoutcetemps.Thibaultpousseunlongsoupir.—Qu’est-cequ’ilya?J’observelesautresquiéchangentdesregards.Ilsontmanifestement

l’airinquiet.—Tudisqu’onl’asuiviejusqu’àchezelle,rappelleThibaultàOzzie.Cen’estpasbon.—J’aimonsystèmedesécuritémaintenant;d’ailleurs,personnen’estvenum’inquiéter.Jenesaispastropcontrequoijemedéfends,maisilestclairqu’ilssontentraindedécider

d’unplanentreeux.Toutlemondecomprend,saufmoi.— Elle ne devrait pas sortir d’ici, souligne Thibault. Puis, il fait un bond de surprise et

regardesasœurd’unairfurieux.Jelascruteparcequejevoudraiscomprendrepourquoielleluiadonnéuncoupdepiedsous

la table.Est-cequ’elleneveutpasdemoi ici?Est-elle inquiètepourOzzieetmoi?Est-cequ’ellel’aime?MonDieu,ceseraitterrible.QuandTonietmoiallionsdeveniramie!J’ensuissûre.

Untriangleamoureux.Zutdezut.Jedécidede les surveiller deplusprès.Pour rien aumonde jenevoudrais empiéter sur le

territoired’uneautrefemme,mêmes’ils’agitd’Ozzie.—Tu as raison.Ozzieme regarde et son expression est on ne peut plus déterminée. Je te

ramènecheztoipourquetupuissespréparerunevalise.—Tuveuxdurenfort?demandeToni,lementonunpeuplushautqued’habitude.—Non,nousavonscequ’ilfaut.Jelèveundoigt.Ozzielèveunsourcil.—Oui?Unequestion?Jesourispolimentetbaisselebras.—Plutôtuncommentaire.Jeneveuxpasdormirici.—Ellen’aimepaslelitdecamp,souritThibault.Tudevraisluilaissertonlit.—Cen’estpaslelitdecamp.Jeprécipitemesmotsetessaied’arrêtercetteconversationauplusvite.Laseuleidéedeme

retrouverdanslelitd’Ozziemedonnedessueursfroides.—C’estjustequ’ilyaFélixetjenepeuxpaslelaissertoutseul.Etc’estmamaison,alorsj’y

aitoutesmesaffaires.L’excuseparaîtnulle,mêmeàmespropresoreilles.—Ceseracommeallerenvacances,intervientToniquin’apasl’airtrèsimpressionnée.Ta

maison peut survivre sans toi pendant quelques jours ; le temps que nous évaluions le danger. Tut’inquiètesdequoilà-bas?Desplantes?

—Ehbien,oui.J’aidesplantes.Cen’estpasquejevaisleurmanquer.Ellesontbesoind’eauunefoisparsemainecarjelesai

toutesmises à l’ombre. Jem’inquiète seulement au sujet des choses idiotesque jepourrais dire etfairesijevisàproximitéd’Ozziependantplusieursjours.Mavolonténepourraysuffire.

—Ons’occuperadesplantessinécessaire.OzziefaitsigneàThibaultdeluipasserquelquechose.Thibaultluidonneunclasseur.

—Mais…Ozzielèvelatêtedudossierqu’ilétaitentraind’ouvrir.—Tuesune employéede cette société. Jenepeuxpas te renvoyer chez toi si l’endroit est

dangereux. J’espère que nous pourrons neutraliser les difficultés en quelques jours et tes plantesn’aurontpasletempsdemourirdesoif.

J’ouvrelabouche.Jemetrouveembarquéelà-dedans:l’idéedevivreavecOzzien’estcertespasdésagréable,maisjen’aimepasavoirlesentimentqu’onnemelaissepaslechoix.

— J’apprécie ce que tu as dis et te remercie de t’inquiéter pourmoi ;mais je ne vais pasacceptertonoffre.

Je hoche la tête pour qu’ils voient bien que je suis vraiment sérieuse. Je dormirai avecma

porteferméeàdoubletouretungrandcouteaudecuisinesousmonoreiller.Toutirabien.Peut-êtreDevmeprêtera-t-ilsatrique.Ilsemblequej’aieundonpourm’enservir.

ThibaultetToniregardentOzzie.Illeurfaitunsignedetête.Ilsselèvent,quittentlatableetsedirigentversl’escalierextérieurenpassantparlapièceauxépées.J’entendslaported’entréequiserefermederrièreeux.J’imagineque,pourOzzie,cehochementdetêteétaituncodepour:Sortez,quejepuisseluifaireentendreraison.

—Jenerestepasici,Ozzie.Etjenechangeraipasd’avis.Sesyeuxsontàl’oragemaissonexpressionresteimpassible.—J’iraiailleurssilefaitquejesoislàterendmalàl’aise.— Ce n’est pas ça. Je mâchonne ma lèvre après ce mensonge. Je ne trouve pas d’excuse

raisonnable.J’aimemapropredouche?Tonchienadesgaz?Monhibiscusvamemanquer?—Quoiquecesoit,jesuiscertainquejepeuxarrangerça.—O.K.Trèsbien!Jecontinued’unevoixbeaucouptropforte.—C’esttoi!Voilà.Tuescontentmaintenant?—Non.Je n’en suis pas sûremais, d’après son expression, je dirais que je l’ai blessé. J’essaie de

supplieraulieud’avoirl’airfrustrée.—Ozzie,voyons.Tudoispouvoircomprendrecequecelamefait.—Non,pasvraiment.Explique.—Jet’airencontréilyamoinsd’unesemaineet tuavaislabarbelaplushideusequ’onait

jamaisvuesurlafigured’unhomme.—Ellen’étaitpassiépouvantablequeça.—Si,jet’assure:vraimentaffreuse.Ilyavaitprobablementdepetitsoiseauxnichésdedans.

Puis, tu m’as sauvé la vie. Et tu t’es rasé et tu avais préparé un dîner extraordinaire et tu m’asembrassée!Etjenesuispasimmuniséecontrecegenredechosescharmantes,tucomprends?Pasdutout.Et,commeje l’aiadmisdefaçongênante toutà l’heure,ça faitunmomentque jen’aipaseud’amoureux.Alors,jesuiscommequidiraitprêteàexploserquandjepenseàtoi.Etjeneseraipastrèsàl’aisesijesaisquetudorsauboutducouloir.

Ilresteassisàmeregarderfixementpendantuntempsinfinimentlong.Çamerendfolle,maisjerefusededireunmotdeplusavantqu’ilaitrépondu.Personnenepeutêtreplusentêtéequemoilorsquejedécidedel’être.D’ailleurs,jemesuisdéjàassezhumiliéepouraujourd’hui.

—Alors, si je tecomprendscorrectement,ceque tudisc’est…que jesuis irrésistible.Sonexpressionnechangepas.

—Cesonttesmots,paslesmiens.—Sijeprometsdetedonnertonespacepersonnel,oùtupeuxfermerlaportepourquejene

puissepasvenir;etoùtupourrasfairecequetuveux,est-cequetuseraisd’accordavecça?—Non.Jen’aijamaisditça.J’aiditquejevoulaisdormirdansmonlit,dansmamaison.—Etrisquerquequelqu’unviennecheztoietfasseensortequetunepuissespasledécrireà

lapolice?Quandilprésenteleschosesdecettefaçon,j’aiplusdemalàrépondre.Maisjelefaismalgré

tout.—Oui.Jepeuxm’entirer.Ilhausselesépaules.—Trèsbien.Tuasdeuxchambresàcoucher.Jeviendraim’installeravectoidanslaseconde.—Non!—O.K.JevaisdemanderàThibaultdevenircheztoi.—Non.PasThibault.Çaempireau lieudes’améliorer.Depuisquandest-cequejesuisune

négociatriceaussipitoyable?—Lucky?Ilpourraitamenersonpoissonrougecheztoisanstropdedifficulté.—Non,iln’enestpasquestion.Jenepeuxpasimportunermescollèguescommeça.C’estvraimentgênant!Monsurnomne

changerajamaissij’aibesoind’unbaby-sitterdèsmapremièresemaine.D’ailleurs,jenepensepasdutoutquejesuisendanger.Sicetypeenavaitaprèsmoi,ilm’auraitdéjàtrouvée.

—Devnepeutpaslefaire,m’expliqueOzzie.EtjesuisàpeuprèscertainqueToniseraitunebelleemmerdeuse.Cequifaitqu’iln’yaplusquemoipourtoi.

Je relève le menton. Je suis d’accord pour Toni. Je pourrais me débrouiller si c’était unefemmeetnon l’undesgarçons. Jenesaispaspourquoi.Çan’aaucunsens ;unbaby-sittingestunbaby-sitting.Mais,aumoins,avecunefemme, j’aurais l’impressionqu’ils’agiraitdavantaged’unecolocataireéphémèrequed’ungardecorpstemporaire.

—TupréféreraisquecesoitToniquiveillesurtoiquemoi?Est-ceuneffetdemonimaginationoubienest-cequ’ilal’aird’enêtreblessé?Peut-êtreest-il

simplementoffensé.Elleestplutôtchétive.—Non, cen’est pas ça.C’est justequ’avecToni, jepeux restermoi-même.Et jeveuxêtre

moi-mêmequandjesuischezmoi.Maréponsesetransformeenplaidoyer.Tupeuxcomprendreça,non?

Jepensequejel’aipresqueconvaincu.Ilestprisaupiège.Jelesensquiestentraindecéder…—Non,déclare-t-il.Celan’aabsolumentaucunsens.Jem’installeavectoicettenuitetpour

l’avenirproche,jusqu’àcequenousayonsévaluélamenaceetdéterminésielleexistetoujoursousinousl’avonssupprimée.

Jemelève.—Etsijerefuse?—Jeconnaislecodedetonalarme.Ilparaîtsurlepointdesouriremais,heureusementpour

lui,ilestassezmalinpourseretenir.—Non,tuneleconnaispas.Ilnel’apaschangélorsqu’ilestvenuchezmoi.—L’anniversairedeThibault.J’aiperdualorsquejepensaislavictoireacquise:jemedégonflecommeunballon.—Merde.Ilfaitunpeumoinslefanfaron,luiaussi.—Çaseraitsimochequeçadem’avoiràtescôtésaprèslesheuresdetravail?Jecroiselesbrassurmapoitrine.—Jenesaispas.Est-cequetupourrassurveillertesmains?Ils’amuse.—Jepeuxsitulepeux.Jelèvelesyeuxauciel.— S’il te plaît. Laisse ton ego dehors, Oswald. Parce que je ne vais tomber amoureuse

d’aucunedecesqualitésquetuétalesautourdetoicommedubeurredecacahuètes.Ilsemetàriredoucement.—Commedubeurredecacahuètes,hein?Jeluilancemoncrayonàlatête.—Oh,laferme.Jesaisquetoutcequejepourraisdireàpartirdemaintenantneseraitquedéfensifetstupide;

jequittelapièce.Savoixmesuit.—Neparspassansmoi!—Jeparsdanscinqminutes,alorst’asintérêtàêtreprêt!

Enplus, j’enaibien l’intention.Jem’envaisqu’il soitavecmoiouque jesoisseule. Jenel’attendraipas.Queltypestupide,égoïste,autoritaire…unvraipatrontyrannique.

Jemedisquejedoismedépêcheretpartir,maismespiedsralentissent.Jemetsuntempsfoupourarriverjusqu’àmavoiture.Jesuisfurieusequandmoncorpsdéfiemoncerveaudecettefaçon.J’ai l’impression que c’est mon problèmemajeur lorsqu’Ozzie est dans le coin. Alors, commentdiablevais-jepouvoirécoutermoncerveauquimeditdemetenirloindelui,quandaucontrairemoncorpsveutconstammentserapprocherettouchersesmusclesmagnifiques?

Pouah,jefaisuneerreur.Çavaêtrehorrible.

CHAPITRE35

O.K.Enfait,cen’estpasaussiterriblequejel’avaispensé.OzziemesuitdanssacamionnetteavecSaharaattachéeàl’arrière,maisilm’appellesurmonportablepourmedemanderdefaireuncrochetenroute.Lorsquenousnousgarons l’unàcôtéde l’autre, ilm’expliquequ’ilyasurcetteplaceunesuperépiceriebio.Onytrouvelesingrédientsdontilabesoin:ilveutpréparerunpouletau curry pour notre dîner. Lorsque je lui ai dit que je ne voulais pas de lui chez moi, j’avaismomentanémentoubliéqu’ilestuncuisinierhorspair.

Quatre-vingt dixminutes plus tard, je termine la dernière bouchée du repas le plus exquisauquel j’ai jamais eu droit. Je gémis un peu parce quemon estomac proteste d’avoir tropmangé,maisjeneregretteaucunedescaloriesquejeviensdesavourer.

—C’était bon ? demandeOzzie tandis qu’il biberonne une bouteille de bière. Il en est à laseconde. Je me suis contentée d’eau parce que je ne veux pas me conduire comme une imbéciledevantlui.Monseulespoirrésidedanslasobriété.

—Bon?Non.Pasdutout.Excellent.Extraordinaire.Délicieux.Jemefrotteleventre.Tupeuxvenirmefairelacuisineaussisouventquetuveux.

—Alors,finalement,tun’espasfâchéequejesoisici?Saquestionestundéfi.Jemelèveetramasselesassiettes.Jemedemandesijedoisjouerle

jeuetêtretoutsimplementhonnête.Jemedécideàprendreleschosesdefront.S’amuseravecOzziepeutêtredangereux.J’aicommel’impressionquejeperdraisàchaquefois.

—Jecroisquejen’aijamaisétécontrelefaitquetuviennesici.Cen’estpaslabonnefaçond’expliquer ce que je ressens. Simplement, je n’aime pas qu’on pense de moi que je suis unemauviette.

—Cen’estpasparcequequelqu’unaputecritiqueràcesujetquetuesunemauviette.Encequiteconcerne,c’estplutôtparcequetut’estrouvéeaumauvaisendroit,aumauvaismoment.Çan’arienàvoiravectoietlefaitquetusoissolideounon.

Jelaissecoulerl’eaudurobinetpourrincerlesvestigesdenotredîneretanalysecequ’ilvientdemedire.

—Jenesaispas…Parfois,leschosesm’apparaissenttrèsclaireset,àd’autresmoments,complètementobscures.

Là,jesuisdansl’unedecessituationsconfuses.Àchaquefoisqueledestinsemblesemêlerdemavie,jem’interrogesurledegrédecontrôlequejepeuxavoir.

—Hum.J’imaginequej’aidumalàexplicitercequetuviensdedireparrapportàcequis’est

passé.J’ail’impressiondemeconfesserquandjeluidiscequejepense.—Qu’est-cequetuveuxdire?—Ehbien,j’aicommencéàteparlerparcequej’avaisunmauvaisnuméro.—Uneautreapplicationdufameux“mauvaisendroitaumauvaismoment”,répond-il.—Non.Pasvraiment.Il prend quelques plats sur la table etme rejoint dans la cuisine. Il se tient à côté du lave-

vaisselle et me prend des mains les assiettes et les couverts. Il les met avec précaution dans lescompartimentsdisponibles.

—Jepensaisque,mêmesiçaavaitl’airbizarreaucommencement,surtoutquetuavaisl’aireffrayantaudébutaveccettehorriblebarbeetlereste,rétrospectivementleschosessesontplutôtbienpassées.

—Tuveuxdirequetuescontented’avoireuunmauvaisnuméro?—Oui.Mauvaisnuméro,chictype.Jesouris.Tuesunbonpatron.Ilgrogne,sepencheau-dessusdulave-vaisselleetposeuneassiettetoutaufond.—Ahbon?—Oui.Tuasunbelespacepourtesemployés,tunousfaisbénéficierd’untasdechosesettu

t’inquiètespournotresécurité.Tuesici,chezmoi,enfait,pourt’assurerquejevaisbien.Iln’yapasbeaucoupdepatronsquiferaientça.

Ilserelèveetmeprenduneautreassiettedesmains.Maisilnesepenchepaspourlamettredanslelave-vaisselle.

—Tuasraison.Iln’yenapasbeaucoupquileferaient.Jesouris.—Tuvois?Unsuperpatron.Ilmelanceunregarddésabusé.—Il fautpourtantque jesoishonnête.Jenesuispassûrque jeferaisçapourLuckyetson

poissonrouge.J’oblige les papillons qui voltigent dansmapoitrine oumon estomac à s’envoler, à ne pas

s’installer.Ilplaisanteseulement.—Sûr.C’estunhomme.Etilaunhautniveaud’entraînement.Jeprendsl’assiettedesmainsd’Ozzieetlaplacemoi-mêmedanslelave-vaisselle.Jenevais

paslaissernotreconversationsetransformerenflirt.Nouspouvonsêtredesadultesquipartagentlemêmeespacesansqueleschosesdeviennentridicules.

—JenesuispascertainquejeleferaispourToninonplus,continue-t-il.Voilà!N’est-ilpasentraindedirequelquechosequinousconcerne?J’essaiemalgrétoutde

leprendrecommeuneplaisanterie.—Elleestsuperbienentraînée,elleaussi.—C’estvrai.Il dépose l’assiette suivante dans le lave-vaisselle. Puis, il se penche, attrape l’éponge que

j’avaislaisséesurleborddel’évieretquittelacuisinepouralleressuyerlatable.Sonodeurflottedanslapièceetjelarespiretranquillement.

Je suisdésoléequ’il ait abandonné laconversation,maisheureused’avoirunmomentpourrassemblermes esprits. Bon sang ! Il a dit que j’étais spéciale. Il n’a pas été jusqu’à avouer qu’ilm’aimaitbien,maisj’enaivraimentl’impression.

Alors,qu’est-cequejefais?Jel’ignore?Jel’élimine?Jeluifaiscomprendrequejenesuispasintéressée?Oubienquejelesuis?Ilfautvraimentquejeparleavecmasœur.Ellesauracequ’ilfautfaire.

—Çat’ennuiepassijemontepasseruncoupdefil?J’essuiemesmainssuruntorchon.Masœurpaniquesijeneluidonnepasdesnouvelleslesoir.

—Biensûr.Jetermineici.Ensuite,jevaistravaillersurmonordinateurdanslesalon,siçanetegênepas.

Jefaisungestedelamain.—Aucunproblème,vas-y.Moncodeestcollésurl’ordinateuràcôtédelafenêtre.Faisceque

tuasàfaire.Jereposeletorchonetessaiedemarchernormalementversl’escalier.Àdirevrai,j’aienvie

decourir,demonterlesmarchesquatreàquatreencomposantdéjàlenumérodemasœurpourluidonnerunrapportdétaillédetoutemajournée;jesuisaussiexubérantequ’unecollégienne.Maisilfaut que je me comporte comme l’adulte que je suis et que je me maîtrise. Ce n’est pas siextraordinaire que ça si Ozzie veut coucher avec moi. Nous sommes tous deux des adultesconsentants.Jenevaisquandmêmepastomberamoureusedelui!

Je ferme à clé la porte dema chambre etmets de lamusique, pour le cas où il essaieraitd’écoutercequejedis.Masœurdécrocheàlatroisièmesonnerie.

CHAPITRE36

—Tudevaism’appelerplustôt,mesermonne-t-elle.—Jesais.Lajournéeaétéfolleauboulot.Félixsautesur le litet semetenboulesurmesgenoux.Jecaressesa toutepetite têteet ses

oreilles,sansypenservraimentetjemeconcentresurcequeditmasœur.—J’imaginequecesontdebonnesnouvelles.Tuparlesdetonnouveautravail,n’est-cepas?—Oui.Comment vont les enfants ? J’ai besoinde tempspour trouver comment approcher

avec Jenny le fait qu’Ozzie est ici. Je vais la distraire en lui parlant des enfants pendant que jeréfléchis.

—Bien.Ellesoupire.Milesvientleschercherleweek-endprochain;dumoins,c’estcequ’ildit.

—Çateferadubien.—S’ilvient.—Queferas-tudecesdeuxjournéespourtoi?—Oh,jenesaispas.Jeprendraiunbainavecunebouteilledevin.J’iraivoirunfilm.Jeme

ferailesongles.Jedormiraidouzeheuresd’affilée.—Appelle-moi si tuveuxde la compagniepour l’uneou l’autre chose.Sauf lebain. Jene

veuxplusprendredebainavectoi.—Tupourraist’asseoirsurlesiègedestoilettesetmeremplirmonverre.—Hum.Jesupposequejepourraisfaireça.Jepourraisbientenircompagnieàmasœurpendantqu’elleprendsonbainetluiremplirson

verre.C’estlemoinsquejepuisseconsentirpourlafillequim’aapprisàfaireduvéloetàlacermeschaussures.

—Etde toncôté, qu’est-cequi sepasse ? interroge-t-elle.Comment çava avec lenouveauboulot?

—Pasmal,jesuisdesformations.Jedécidequejenevaispasluidonnertropdedétailsausujetdessurveillances,elleseferaitvraimentdusouci.J’aiprisdesphotos.J’aifaitunpeudecorps-à-corps…Oups.J’auraisprobablementaussidûgarderçapourmoi.

—Quoi,quoi?Tuasdiscorps-à-corps?JememetsàrireenpensantàDevécroulésurlesol.J’espèrequejenesuispassadiqueparce

quejetrouveçasuperamusant.—Ouais.Ilyauntype,Dev.Celuidontjet’aidéjàparlé.Quiestvraimentgrand…Ilaessayé

dem’attaquerparsurpriseaujourd’hui,maisj’avaisunearmeàlamain.Etc’estluiquiaperdu.UnlongsilencesefaitavantqueJennyréponde.—Sœurette,jesuisinquiète.Mabonnehumeurvacille.—Pourquoi?—Enfait,jenesuispassûred’êtreplusinquièteparcequetescollèguest’attaquentouparce

quetun’aspasl’airdetrouverçagrave.Cesontdeuxsituationsvraimenttrèstroublantespourtoutepersonnenormale.Etc’estainsiquejeteconnais.Qu’est-cequecetendroitt’adoncfait?

JemereprésenteOzzie,deboutlesbrascroiséssursespectoraux.Ozzie:voilàcequim’estarrivé,sœurette.Ils’appelleOzzie.

—Jemesensparfaitementbien,vraiment.Jet’assure.Enfait,j’aiquandmêmebesoindetonconseilpourquelquechose.

—Çaaunrapportavectonlieudetravaildedingue?Me voilà nerveuse à présent. Peut-être ai-je fait une erreur en l’appelant. Elle a déjà des a

priori.—Oui.—Jet’écoute.Il est trop tard pour fairemarche arrière. J’essaie de conserver un ton léger de façon à ce

qu’ellenepaniquepastrop.—Ozzieestvenus’installerchezmoitemporairement.Super!Pourunbonplan,c’enestun!Tevoilàdanslegrandbainsanséchauffement!—MonDieu!Tuessérieuse?!Ellen’apasl’airtropfurieuse:c’estdéjàça.—C’estunpeucompliqué.—Tul’aimes?Ilt’aime?Vousavezdéjàcouchéensemble?—Maisnon.Arrête!Écoute-moi.—O.K.J’attends.Maissouviens-toiquemavien’estpastropdrôle.Alors,toutcequit’arrive

vasansdoutemeparaîtrebeaucoupplusexcitantqueçanel’estenréalité.Jeris.—O.K.Bien.Mercidem’avoirprévenue:jeneprendraipastonenthousiasmetropàcœur.—Cen’estpascequejevoulaisdire,maisvas-y.Jesuisimpatiented’avoirlesdétails.—Tutesouviensdelanuitoùjeluiaienvoyédestextos:jepensaisquec’étaitàtoiquejeles

envoyais?—Oui.—Ehbien, l’hommequia tirécettenuit-làdans lebaravecun revolver, je suiscapablede

l’identifier.EtOzzieestinquietparcequecetypepourraittrouverquijesuis.Sibienqu’ilestvenus’installericijusqu’àcequ’ilspuissentdéterminerleniveaudemenace.

—Menace?—Nedispasçacommeça,Jen.Vraiment,cen’estpassigrave.—Jesuisaucontrairebiencertainequec’estvraimenttrèsgrave.—Mais non. Je t’assure. J’ai un super systèmede sécurité. Je suis avecOzzie et son chien

géant,j’aiFélix…—Quiseraitparfaitpourmordillerleschevillesd’unassassin,àconditionqu’onnel’envoie

pasvaldinguersurlemuraupréalable.—Nesoispasméchantemaintenant.— Ce n’est pas de la méchanceté, May. On appelle ça une inquiétude de grande sœur. Et

commejetel’aidéjàdit,jepensequetonnouveautravailt’afaitperdrelesensdesréalités.Quandun

tireurterechercheettetrouve,iltetue.Ilutilisedesballes.Ilneseprésentepasàlaporte.Ilnesonnepas,nedemandepasàteparleravant.Ilpeutmêmet’atteindreautraversd’unefenêtreoud’unmur.C’estvrai.Jel’aivuàlatélévision.

Savoixmeramèneàl’évidencedelasituation.Ellesonttouteslesdeuxlemêmetonettoutcequis’ensuit.

—C’estcommeça;c’estmavie,Jenny.J’aivucequej’aivuquandj’étaispartiepourvoussauver,toiettesgosses,etjenepeuxpasfairequeçanesoitpasarrivé.

—C’estvraimentinjustedemefaireporterlechapeau!—Maisnon,cen’estpasça.Jerespireàfondpourmecalmer.Entoutcas,cen’estpasceque

jeveuxdire.Jedisseulementquec’estledestin.Cetextoquiestarrivéparerreursurmonportable,aumomentoùtuachetaisunnouveautéléphone;lefaitquejemesoisrendueChezFrankieoùOzzieétaitenmission infiltrée ;que je soisphotographequand ilsen recherchaientun– toutça,c’est lafatalité.Celadevaitsepasserainsi.

—EttupensesquesiOzzies’installeencemomentdanstamaison,c’estaussiledestin?—Jenesaispas.C’estpourçaquejet’aiappelée.—Tuveuxquejetedisesic’estladestinéequiaenvoyéOzziecheztoi?—Enquelquesorte.—Tupensescoucheraveclui,n’est-cepas?Savoixperdunpeudesonintonationcoléreuse.

Espècedepetitedévergondée.—Arrête.C’estpasdrôle.—Non,tuasraison.Cen’estpasdrôle.Ilesttonpatron.Ilestlàpours’assurerquepersonne

nevatefairedumal.—Alors,tuesentraindemedirequejenedevraispascoucheraveclui.—Non.Jenedispasça.Jedisseulementcequejedis.—Jevois.Çan’aaucunsens.—Jedisquec’estcompliqué.Jelèvelamainetl’agitedanslapièce.—C’estpourquoijet’aitéléphoné!Félix lève lesyeuxversmoi, commes’il était inquiet. Je lui flatte ledoset il retourneà sa

sieste,reposantsatêtesurmacuisse.—O.K.Bien.Analysonsleschoses.—Oui.Jemesenssoulagée.Faisonsça.—C’esttonpatron.Jelèvelesyeuxauciel.—Onl’adéjàdit.—Ilestsexy.—Très.Je souris. Il est tellement, tellement, tellement,mais tellementmignon. Si j’avais à nouveau

seizeans,j’écriraissonnompartoutsurmescahiers.—Ilestdansdebonnesdispositions,jesuppose?—Ilm’adéjàembrasséedeuxfois.Ouplutôt,ilm’aembrasséeunefoisetafaillilefaireune

deuxièmefois.—Quiaempêchécettesecondetentative?—Moi.—Bien.—Pourquoiest-cebien?—Celatedonnelahautemaindanssonesprit.O.K.Quoid’autre?

— Je ne sais pas. Me voilà déprimée. Tout est si compliqué. Je n’arrive pas à pensernormalement quand il s’agit de lui. D’accord, il est mon patron ; il est ici pour des raisonsprofessionnelles;maisjeneveuxpasavoirlecœurbrisé.C’esttoutceàquoijepeuxpenser.

—Etpourlesexe?Tuyasréfléchi?— Pas vraiment. Mon visage s’empourpre à cette seule idée. Je veux dire : je suis

manifestementattiréeparlui,maisàchaquefoisquejem’approchedeluijesuistellementgênéequejedisdeschoses stupides ; et ensuite, il fautque jeparteencourantpourpouvoir recommenceràraisonnercorrectement.

—Ehbien.Décidément.Tuesmalbarrée.—Jesais!Jemelamenteetjemelaisseallersurmonlit.Jefixeleplafonddesyeuxtandis

queFélixgrimpesurmoipours’allongersurmapoitrine.Ilestintelligentetduretpassionnéetsexyetilfaitlacuisinecommeuncheftroisétoileset…

—Etilesttonpatron.Jeredescendssurterre,dégringolantdemonhautjusqu’àunbasplusbasquebas.—Oui.Etilestmonpatron.—Alors,qu’est-cequipeutarriverdepire?Situcouchaisaveclui,jeveuxdire.J’yréfléchisquelquessecondes.—J’imaginequeçapourraitnepasmarcher;etensuite,ceseraitembarrassantetilfaudrait

quejedémissionnedemonnouveautravail.—Ettuteretrouveraisexactementlàoùtuétaisauparavant:pasdemal,pasdeproblème.—Maisj’aimemonnouveautravail.—Biensûr.Jedisseulementquelepiredesscénariosnetelaissepasplusmalquetul’étais

avantdel’avoirrencontré.—Àpartuncœurbrisé.—Bof,lescœursguérissent.Fais-moiconfiance.—Jepourraiségalementperdrel’estimedemescollègues.—Que tu as rencontrés il y a peu de temps : quand ils te connaîtront, ils te pardonneront.

D’ailleurs,peut-êtrequ’ilsaimeraientvoirleurpatronavecuneamie.—Queveux-tudire?— Tout le monde sait que les patrons qui font l’amour régulièrement sont beaucoup plus

raisonnables.—Toutlemondesaitça?—Oui.—Pasmoi.—C’estparcequetuesjeune.—Tun’asquetrente-deuxans.—Jesuisplussagequemonâge.—D’accord.Alorstumedisquejedevraiscoucheraveclui,c’estça?—Jepensequetudevraissuivretoncœur,parcequesiçanemarchepas,tut’ensortiras;etsi

çamarche,tut’ensortirasencoremieux.Jesourisd’uneoreilleàl’autre.—Jet’aime,Jenny.Tuessifutée.—Tuvoulaiscoucheravecluidetoutefaçon,soupire-t-elle,peuimportecequej’auraisdit.—Cen’estpasvrai.Tonopinioncomptebeaucouppourmoi.—Ouais,maistul’asdanslapeau.Touttonbonsensn’empêcherapascetélanpassionné.Vas-

yetqu’onenfinisse.Jeprédisquetuserasheureusedel’avoirfait.Toutàcoup,j’aiterriblementenviedevoirOzzie.

—O.K.Ilfautquej’yaille.Ellesemetàrire.—Sivite?Tuneveuxpasparleravecmoidunouveauprogrammeinformatiquesurlequelje

planche?Tellementexcitant.— Je n’en doute pas. Elle travaille pour une société qui développe des applications pour

téléphones.Celles-làcomptentlescalories.Tumeraconterasçaceweek-end.—Est-cequejeteverraiceweek-end?Tuessûrequetuneseraspastropoccupéeàfairedes

galipettesavectonnouveaupetitami?—Iln’estpasmonpetitami.—Pasencore.—Jen,arrête!Tumemetslapressionmaintenant!—O.K.D’accord.J’arrête.Jet’aime.Nefaisrienquejeneferaispas.—Commesituétaisunevraiedévergondée.— Autrefois, je l’étais ! Amuse-toi bien ! Elle dit cela d’une voix chevrotante avant de

raccrocher.Jesoupiredebonheuretlaissemonportableretomberàcôtédemoi.Masœurm’adonnéson

feu vert dans cette histoire.Ma sœur et le destin ont parlé. Il est temps de dire àOzzie ce que jeressens.

CHAPITRE37

Je retrouveOzziedans le salon : il estpenchéau-dessusdesonordinateur. Il aplacésur lafenêtreunecouverturequ’ilaprisesurledossierdemoncanapé.Saharadortdanslevestibule.Félixl’yrejointetprendsesquartiersentresespattes.Lachienneluifaitdelaplacepourqu’ils’installeetmoncœurfondencoreunpeuplusquandjevoisça.Elleamaintenantledroitdefairedesventsdansmonsalon.

—Quesepasse-t-il?Jem’assoisàcôtéd’Ozzie.Jeprendsunmagazinepourluimontreràquelpointjesuiscalme

etdétendue.Ilnesaurajamaisquejebrûled’unfeuintérieur;jem’imagineluidiredemeprendredanssesbras.JesuisfurieuseparcequeBritneySpearsestentraindechanterçadansmatête.

Tandisquej’attendssaréponse,jedétournemoncerveaudecespenséesépuisantes,etj’essaiesilencieusementquelquesphrasesdésinvoltesd’entréeenmatière.

Tuasl’aird’avoirchaudavectachemise.Peut-êtrequetudevraislaretirer?Est-cequetuasunepetiteamie?Tuenvoudraisune?Jemesuistrompée,Ozzie.Terriblementtrompée.Emmène-moiaulitmaintenant.Est-cequetuvienssouventici?Sexe.J’aibesoindefairel’amour!—Riendebienparticulier,merépond-ilfinalement,sanssedouterdemesélucubrations.Je

vérifieseulementquelquescamérasquenousavonsplacéesenville.Ilfaitpivoterleportableversmoi.Ilyaplusieursfenêtresouvertessursonécran.Lorsqueje

reconnaislamaisonsurl’uned’elles,jeladésignedudoigt.—Hé!C’étaitnotreobjectifd’aujourd’hui!—Ouais.Ilagranditlafenêtre.Ondiraitqu’ilyadel’activité.Ilyadeuxvoituresgaréesdevantlamaisonetonenvoitunequiarrive.Lesimagesnesont

pas de très bonne qualité, les gens sont éclairés uniquement par les réverbères ; mais elles sontsuffisantespourunechose.

—C’estlui!Jemelèvedemachaiseetm’agenouilledevantl’ordinateur.Justelà.Lechauve.Jelemontredudoigtsurl’écran.

— Oui, c’est lui, répond Ozzie tandis qu’il tape à toute vitesse sur son clavier. L’images’agranditencore,commesilacaméradudroneétaitentraindefaireunemiseaupoint.

—Waouh,c’estdrôlementchouette.—Maispasautant,etdeloin,quecequejevaistemontrermaintenant.

Nouséchangeonsunrapidesouriredejubilation,puisilpasseàunautreécran.Sursadroite,ilaunemanettequejen’avaispasencoreremarquée,reliéeparuncâbleUSBàunefichedanssonordinateur.

Lesdoigtsdesamaingauchetapentsurleclavier.Samaindroitetientlamanette.Toutàcoup,nousvoyonsuneautrevuedelamaison,maiscelle-làvientd’unappareilquiestenmouvementetquibougebeaucoupplusvitequeleParrotquej’aieudanslesmainsaujourd’hui.

J’aipresquelevertigeàsurvolerl’endroitdecettefaçon.—Qu’est-cequisepasse?Ondiraitqu’Ozzieafaitdécollerledroneduhautdesonpylôneetqu’illefaitvoler.—Unedenosautresbestioles.—Bestioles?—C’estça.Unmicroélectroniqueutilisépourécouterlesconversations,etc.Sontonestdistraitparcequ’ilseconcentresurcequ’ilestentraindefaire.L’engindotéd’un

microquisedirigeaitverslamaisonpasseàprésentsurlecôté.—Oùest-cequ’ilva?—Attendsetregarde.Lorsquel’appareilatteintunepalissadedélabréeenboisquimèneàl’arrière-cour,ils’arrête.

Il y a plusieurs personnes à cet endroit qui semblent agréablement réunies autour d’un barbecue.Ozzieappuiesurl’unedestouches«F»quiactionnentlesfonctionsdel’ordinateur:lesonsorttoutàcoupduportable.Lesbruitsd’unefête.

—Seigneur!Ilyaunmicro!Commedanslesfilms!Jebatsdesmainscommeunenfant.QuandjemerendscomptequejeressembleàSammyqui

sefélicitelorsqu’ilestsurlepot,jem’arrête.—Oui,saufquecelui-ciestvrai.Ilappuiesurunautrebouton.Nousallonsdoncenregistrer

toutcelamaintenantetnousanalyseronslesinformationsplustard.—Jepourraiaider?—J’ycomptebien.Cela me remue un peu. Il se fie à moi. Chouette ! Espérons que cet engin va enregistrer

quelquechosedebien.Àconditionqu’ilnesoitpasdécouvert,biensûr.Jenevoispascomment ilpourraitnepasl’être.Enfait, je lesentendsquis’amusent,maiscen’estpaspourautantqueçalesrendaveugles.

—Ilsnevontpasremarquerundroneposésurleurpalissade?—Pascelui-ci.Ilalatailled’unelibelluleetondiraitquec’enestune.—Waouh ! Ça me donne presque la chair de poule. Je regarde autour de moi, et je me

demandes’ilyad’autresmicroscachésdanslapièce.Iltournelatêteetmeregarde,abandonnelamanetteetl’ordinateurenmêmetemps.—Est-cequetuvoulaismeparlerdequelquechoseilyauninstant?Toutd’uncoup, jeme rappelle laconversationque j’aieueavecmasœuret,de fascinéeet

impressionnéeparlatechnologiequej’étais,jeredeviensnerveuse.«Hum,euh,euh…»Zut!Moncerveauetmabouchenesemblentplusconnectés!

—Toutvabien?demandeOzziequifroncelessourcilsdevantlatêtequejefais.—Oui.Toutvabien.Ouf,Dieumerci,moncerveaufonctionneànouveau.Et,siseulementj’étaismoinsnerveuse,

jeseraisauparadis.Jeme lèveetme reculeunpeu ; jem’arrête lorsquemesmolletsentrentencontactavec le

bordd’unechaise.Jemelaissetomberdessus,espérantquejen’aipasl’airaussiénervéequejelesuis.

—Jeviensdeparleravecmasœur.J’aipensévenirvoircequetuétaisentraindefaire.Engénéral,jenemecouchepasavant22heures,dis-jeaprèsavoirjetéunregardàlapendule.

—Moi non plus. Il se renfonce dans le fauteuil de bureau qui grince un peu lorsqu’il sebalancedessus.J’imaginequ’onadeuxheuresdevantnous.

Ilmeregardedehautenbas.C’estcommes’ildisaitqu’ilétaitd’accord,cettemanièrequ’iladesebalancer.Tuparlesd’untruc!Jenepeuxpassoutenirsonregard.Mesyeuxparcourentlapièce.

—Ouais,deuxheures,quelquechosecommeça.Onpourraitregarderlatélé.Jejouel’indifférence.Façondétendue.Commesiderienn’était.Jepeuxregarderlatélévision

avecuntypesexypendantdeuxheuresetmaîtrisermesdoigts.Maisjeferaisbiendenousfairedespopcorns.Histoired’occupermesmains.

—Onpourrait.Ilopinelentement.Lachaisenebougeplus,etjesaisquec’estintentionnelcettefois-ci.Ilse

retientpeut-êtredesourire;difficileàdire.Jepropose:—Nouspourrions…jouerauxcartes.Ilarrêtedefaireouidelatête.—Nouspourrionsfaireça,oubien…Jem’énerveetmabouches’ouvre,laissantéchapperdesmots:—Oubiennouspourrionscoucherensemble.Qu’onenfinisse.Seigneur!Jeviensdedireçaàhautevoix!Ausecours!JecoulecommeleclowndeCrazy

Town!—Ona toujourscette solution, répondOzzieaussi calmementqu’il avaitditqu’onpouvait

jouerauxcartes.Et…mer…de!Jeleregardeetjevoisqu’ilsourit.—Arrêtedemeregardercommeça.J’aiparlécommesij’étaisunpeuessouffléeparcequeje

suisàboutdenerfs.Jesuisennageaussi,pournerienarranger.J’espèrequecelanesevoitpas.—Comment suis-je censé te regardermaintenant ? Tu viens deme faire une proposition,

hein?—Non,pasdutout.Jefroncelessourcilscommesic’était luiquiétaitdingueetpasmoi.Jedoutequecelasoit

trèsconvaincantparcequ’ondiraitpresquequejeporteunbandeauavec«Bonjour,jesuisFOLLE»écritdessus.Jedétournemonregard,certainequ’ilyaquelquechosedetrèsintéressantquirequiertmonattentionsurlesbibliothèques.

—Jesuispeut-êtreunpeurouillédanscedomaine,maisjesuistoutàfaitsûrquec’estcequetuasfait.

—Queldomaine?Il a toutemon attention à présent. Est-ce qu’il est en train deme confier qu’il n’a pas fait

l’amourdepuisunlongmoment,luiaussi?Toutcommemoi?Est-cequenoussortonstouslesdeuxd’unelonguepérioded’abstinence?

—Ledomaineoùlesfemmessejettentsurmoi.Jemelève,l’indignationcoulantdechacundemespores.—Jen’aijamaisfaitunechosepareille.Commentoses-tu?Jesuistellementgênée!Humiliée!C’estaffreux!Lepiredesscénariosquej’avaisimaginés

n’étaitrienencomparaisondecedésastre!Sauve-toi!Àsontour,ilselèved’unbondetfaitunmouvementbrusquedansmadirection,meserretrès

fortdanssesbrasavantquej’aieletempsdem’échapper.Ilrit,lesalaud.

—Je rigole ! Il enfouit sonvisage dansmon cou tandis que jemedébats pourme libérer.Calme-toi,BoPeep,tuvasblesserquelqu’un.

—Jevaismevengerdèsquetum’auraslâchée.Labrûluredesataquineriesurmonegocommenceàs’estomper,remplacéeparlachaleurde

soncontact.Noscorpssontreliésdelapointedesorteilsjusqu’auboutdunez.Bienévidemment,jevaisluidonnerdesclaques,maisjeferaisansdoutequelquechosed’autreaprès.

—Oh!Tunevaspasfaireça,hein?J’aipresquecessédemedébattre.—Peut-êtrebienquesi.Ilembrasselapeaudélicatedemoncou,cequiadéfinitivementraisondemarésistance.—Tuenessûre?murmure-t-il.Jepousseunsoupiroùsemêlentdéliceetdéfaite.—Jenesuiscertainederienencequiteconcerne,Ozzie.Sérieux!Dudiablesijesaisoùj’en

suisencemoment,toutçaàcausedetoi.Ilm’estcomplètementétrangeretpourtant,ilnel’estpas.Unemontagned’hommeavecune

barbehorrible,maisfinalementnon.Dangereux,etpourtantpastantqueça.Etzut!Quelquechosedebienvapeut-êtreémergerdetoutcela…

—Bon.J’aimeça.Ilgrondeetmordillemoncou.—Ouf!Attention!Jelerepousseetfaissemblantdevouloirpartir.Ilsaitquejejoueencorelacomédie.Nousensommeslàtouslesdeux.D’ailleurs,jen’aipas

l’intention de sortir de cette cage faite uniquement demuscles avant qu’il veuille bienme laisserpartir. J’espèreque cene serapas avantpasmalde temps.Lesmotspour toujours traversentmonesprit.

Ilm’embrasseànouveau,aspirantdoucementl’endroitqu’ilamordillé.Desfrissonsmontentetredescendentlelongdemacolonnevertébraleetj’ail’impressionquejesuisentraindeprendrefeu.Monsystèmesedétraque.Sesbaisers remontent le longdemoncou ; il lèche lapeauprèsdemonoreille,puischangededirectionets’envaversmonépaule.Monpoulsbatàtoutevitesseetmarespiration devient plus rapide. Mes mamelons durcissent sous mon soutien-gorge et d’autresendroitsdemonanatomiecommencentàmefairemal.

—Mm,tuassibongoût,grogne-t-il.Jemedemande…as-tupartoutlamêmesaveur?Àprésent,monentre-jambesestenfeuégalement.Super!Commentest-cequejevaispouvoir

luidirenonmaintenant?Samaingauchedescendlelongdemondosetattrapeunedemesfesses,lapressepuiss’en

sertpourm’attirercontrelui.Ilestaussidurqu’unroc.Jesenssonérectionautraversdetouteslescouchesdenosvêtements:ilestaussiimposantàcetendroit-làqu’ill’estpartoutailleurs.Seigneur!

Unsignalsonorebizarre,quejen’aiencorejamaisentendu,résonnedanslevestibule.Ozziesefigependantdeuxsecondes,puissesmainsquittentmoncorps.Ilserecule,ettoutes

lesfibresdesonêtrecrientqu’ilestenalertemaximale.Je ne bougepas plus que si j’étais unmannequin dans la fenêtre d’une sex-shop.Mes yeux

restent à demi-fermés pendant quelques secondes, puis je me rends compte qu’il s’est mis enmouvement.

—Qu…?—Chut.Ilmetundoigtsursaboucheetsedirigeversl’entrée.J’arrêtedejoueraumannequinetlesuisjusqu’aupavénumériqueplacéprèsdemaporte.Le

chiffre8s’afficheavecunelumièrerouge.C’estcommeunemenace,aussidinguequecettesonnerie.Ce que je ressens est amplifié parce qu’Ozzie, de potentiel amant, s’est changé en un homme desforcesspécialesprêtàfrapper.Levoirenactionestdiablementeffrayantetérotiqueàlafois.

—Nebougepas,m’ordonneOzzie.Ilmetireparlepoignetverslasalledebainsàcôtédelaporte.Entrelà-dedans,fermeàcléetnesorspasavantquejeteledise.

—Mais…?D’accord,cen’estplusvraimentérotique.C’esteffrayant.Jen’aiplusdutoutenviedejouer.—Faiscequejetedis.Dis-moiquetuascompris.Ilmeprendlementonetm’immobilise.Ilmeregarded’unemanièresiintensequejenepeux

faireautrechosequ’acquiescerdelatête.— Je t’ai entendu et je t’ai compris. J’ai du mal à articuler parce qu’il me tient toujours

fermementlamâchoire.Queveutdirecettelumièresurleclavier?—C’estpeut-êtrequelqu’unquiessaied’entrer.Moncœursetétanisedansmapoitrine.Est-cequ’onvametirerdessus?Jen’enaipasenvie.

Ozzieetmoivenionsjustedecommencer.—Pourquoilasirènen’a-t-ellepasdémarré?Jedisceladansunmurmurequiressembleàun

couinement.—Parcequ’ilsn’ontpas encorevioléune entréede tamaison.Cela indique seulementque

quelqu’unvientdepénétrerdanstonjardin.Jeremarquepourlapremièrefoisunelumièreextérieurequivientdes’allumerdevantchez

moi.Quandcetruca-t-ilétéinstallé?Jenemesouvienspasquej’enavaisunauparavant.—Quandest-ce…?Depuisquandest-cequej’ai…?—Onl’abranchécetaprès-midi.J’aidemandéàThibaultdeveniretd’installerlesystème.Il

sepencheetm’embrasse sur laboucheavantde lâchermonmentonetdeme laisser seuledans lasalledebains.

Quandilestparti,jemepencheàlaporte.—Félix,dis-jedansunmurmure.Viensici!Félixobéit et entredans la salledebains, sesminusculesgriffescliquètent sur lescarreaux

commedemicroscopiqueschaussuresdeclaquettes.Lorsque j’ai refermé laporte,nousenfermanttouslesdeuxàl’intérieur,jemelaisseglissersurletapisetcommenceàpaniquerautantquefairesepeut.

CHAPITRE38

Pendant une éternité, nous n’entendons rien.Puis la sirèned’alarme semet enmarche et jemanqued’étoufferFélixtellementjesuissaisiedepeur.Illaisseéchapperunjappementdedouleuretmemordaubras.

—Aïe,espècedepetitvoyou!Je le prends, grimpe dans la baignoire et tire le rideau de douche derrière nous. Félix est

honteuxparcequ’ilm’amordu;ilessaiemaintenantdesefairepardonnerendonnantàmonbrasunbainavecsalangue.Super.Jemerecroquevilleautantquejepeux,àcôtédesrobinets,etpriepourqu’Ozzienesoitpasblesséenessayantdenousprotéger,monpetitbébéenfourrureetmoi.J’entendschaquepulsationdemoncœur.Félixaussi.

Ensuite,lesaboiementsprofondsetmenaçantsdeSaharanousarriventàtraverslaporte.Félixlèvelatêteetsemetàaboyeràsontour.Jeluimaintienslaboucheferméeetsacolèresetrouveainsipartiellementétouffée.

—Ouah!Ouah!Vouaf!Wouf!Wouf!Lapetitechoseest furieuse,mais iln’estpasquestionun instantque je le laisse sortirpour

qu’ilsefasseenvoyercontrelemurd’uncoupdepied.Jennyavaitraison:Félixs’enprendraitauxchevillesdesméchantsetlepaieraitchèrement.

Aprèsuntempsquiparaîtvraimentlong,assezlongpourquejetrempemachemisedesueur,j’entends enfin la voix d’Ozzie par-dessus les grognements de Sahara. Il est en train de dire àquelqu’undelacompagnied’alarmequetoutestrentrédansl’ordre.Ensuiteilvientàlaportedelasalledebains.

—Quelesttonmotdepasse?demande-t-il.—Quiestlà?!Jeveuxqu’Ozziesachequejevérifieavantdefaireconfiancecommeçaàune

voix.Jesuisdéjàdevenuepresqueunespécialistedelasécurité.—C’estmoi,Ozzie.J’aibesoinducode.Sansça,ilsvontenvoyerlapolice.—Est-cequetuesseuloubienest-cequequelqu’untetientenjoueavecsonrevolver?—Ouvrelaporteettuverraspartoi-même.Ozzienemediraitjamaisunechosepareilles’ilyavaituntypedangereuxdel’autrecôtédela

porte. Jene le connaispas trèsbien,mais je sais cela. Je levois tout à faitprenantuneballepoursauvern’importequidanssonéquipe,etj’enfaispartie.Jesorsdelabaignoireetentrouvrelaportedequelquescentimètres.«Sahara.»J’aiditcelaaussidoucementquepossible,maispourqu’ilpuissem’entendremalgrélebruitdelasirène.

Ozzierépètedansmontéléphone:«Sahara.»Ilmeregardeetsesyeuxmedisentdeschoses,maisjenesaispastropcequec’est.Celapourraitêtredelanervosité: ilagérécequivientdesepasser,quoiquecesoit.Jeneleconnaispassuffisammentpourinterprétersonregard,etàprésentjenesuispascertainedepouvoirunjourleconnaîtrevraimentbien.

Ilneressembleàaucunhommequej’aiconnu.Ilyaquelquesinstantsàpeine,quandilapenséqu’unintrusétaitlà,iln’apashésité:ilm’apousséedanslasalledebainsetafoncépourréglerleproblème.Jenemesuisjamaissentieplusensécurité,pluschériequemaintenant.Jepensaisquemapassionpourluiétaitaumaximum,maisjemetrompais.Jeseraisprêteàfairel’amouravecluisurlesoldelasalledebainsàlasecondeoùilmeledemanderait.

—O.K.,merci. Ilparle à lapersonneauboutdu fil. Je réinitialiseàprésent.Vouspourriezmalgrétoutrecevoirunautreappelcettenuit.Ilhochelatêteàplusieursreprises.Merci.Àplustard.

Ilterminelaconversationetmetendmontéléphone.—Qu’est-cequis’estpassé,nomd’unchien?J’émergedemacachette,lesjambesencoton.Félixveutquejeleremetteparterre,maisjene

suispasd’accord.Saharaestàmespiedsetreniflelespattesdemonchien.—Desgenssontentrésdans ton jardin. J’aiactivé l’alarme ; ilsontprispeuret ils sesont

enfuis.—Tuasvuquelqu’un?—Non,maisjesuisprêtàparierqu’ils’agissaitdel’hommequetuasvudanslebar.—Pourquoipenses-tuça?Çaauraitpuêtreunchat,ouunchienouunraton-laveur.Jeneveuxpascroirequec’étaitunbandit.Jepréféreraisdebeaucoupunefaussealerte.Jesuis

certainequ’ilyauneexplicationtoutàfaitsatisfaisanteàlamiseenmarchedecettestupidealarme.—Tuasdesratons-laveurspariciquipeuventsedressersurleurspattesàunmètrevingtdu

sol?Parcequ’ilfautcettetaillepourdéclencherlesystème.Noussommesaumilieudusalon.Monindignations’esttransforméeenpeur.—Non.—L’alarmesedéclencheuniquementlorsqu’unobjetdelatailled’unêtrehumainentresurta

propriété.Malheureusement, peu importe ceuxquiont essayédepénétrer chez toi, et en supposantqu’ilsconnaissentquelquechoseauxsystèmesdesécurité,ilssaventàprésentquetuasbranchéunealarmesurtouttonpérimètre.

—Etcen’estpasbienparceque…?—Parcequ’àprésent,ilspeuventdésactiverlesystèmequineteprotégeraplus.—Maisjepensaisqu’ilétaitàlapointedelatechnologie.Jenepeuxpasm’empêcherdeme

lamenter.— Il n’y a pas de technologie, même d’avant-garde, qui puisse arrêter quelqu’un de

suffisammentbieninforméetdéterminé.Monvisages’allonge.—Oh.C’estterrible.—Jevoudraisvraimentquetuacceptesdevenirt’installerchezmoi.Jemâchemalèvrependantquejeréfléchisauxchoixpossibles:PlanA:resterici,êtremortedepeuretpeut-êtremettrelavied’Ozzieendangerparlamême

occasion…ou,PlanB:allerchezluietavoircetentrepôtgéantprotecteurautourdenous.Etlespistolets.Et

lesépées.Etlestriques.Etcelitaveclesdrapsensatinnoir…—D’accord.Jevaism’installercheztoi.Bon,cen’étaitpasdifficile.—Merci.Ilserapprocheetmetsesbrasautourdemataille.— À une condition. Je place mon doigt sur sa poitrine pour l’empêcher de s’approcher

davantage.—Laquelle?Jenepeuxmêmepaspenseràuneseulecondition.Jevoudraisluidirequ’ilnepourrapasme

piégerpourcoucheraveclui,maisalorsjememettraismoi-mêmedansunpurgatoiresanssexe.VoirOzziechaque joursanspouvoir le toucher?Nonmerci.D’ailleurs,cen’estpascommes’ildevaitm’entortillerpourquejecoucheaveclui.Jeleluiaidéjàproposé,commeilmel’afaitremarquerdefaçonsipeudélicatetoutàl’heure.

—C’est toiqui feras lacuisine.Jem’évited’avoir l’aird’une totale idioteen trouvantcettecondition.Jenesaispasfairelacuisineettuessuperdanscedomaine.

—Commesic’étaitfait.—Et…!Jeposemondoigtprèsdesonmenton.Sesyeuxpétillent.—Et?—Et…ilfautquetum’apprennesàmeservirdelatrique.—Devpourraittemontrer.—Maisjeveuxqueçasoittoiquilefasses.—O.K.Trèsbien.Jetemontreraicommentutiliserlatrique.—Et…!Jeplacedoucementmamainsursajoue.Savoixestàpeineplusfortequ’unmurmure.—Et?Ilsourit.—Jeneveuxpasquetutefassestropd’illusions.Voilà. Je l’ai dit.Maplus grandepeur flotte à présent entre nous. Je suis nulle au lit.Trois

hommesmel’ontditsuccessivementetc’estpourquoij’ensuispersuadée.Jen’aijamaisressenticequ’onpeutliredanslesmagazinesousurdesblogsérotiques.Etj’enaitirétouteslescertitudesdontjepouvaisavoirbesoin.Ilyadesfemmesquisontdestigressesaulit,maisjesuisplutôtdugenrepetitchatfragile.Cen’estpasquejen’essaiepas;c’estplutôtqueçanesertàrien.

Envérité,lachosequejeredouteleplus,cen’estpasunmeurtrierpotentielquiattendraitdepouvoirmetirerdessus;c’estd’êtrecondamnéeàunesexualitémédiocretoutemavie.Ilfautdoncquejetrouveunhommequiseraitd’accordavecçapourlerestantdesesjours.Oui,ilsepeutquemesprioritéssetrouventquelquepeubouleversées;maislafrigiditéestunétatplutôtaccablant.

Jecontinuemaconfession.— Je ne suis pas terrible au lit et je ne voudrais pas te décevoir. Alors je te préviens

maintenant.Jet’aitoutdit.Ilsourittoujours.—Cen’estpasuneplaisanterie,Ozzie.Jenesuispasunboncoup.—Pasdesouci.Monvisagedevientbrûlantquandjecomprendslejeudemotspossible.—Jenevoulaispasdirequejenesaispasdonnerdescoupsdetrique,littéralement22…Ilfaitlamoueparjeu.Jerigoleetçaal’airbizarrechezmoi,alorsjem’arrêteimmédiatement.—Biensûr,jepourraisapprendre…Jen’aipasplustôtditcela,quejemedéteste.Ilyaplusstupidequetoi,May?!Reprends-toi!

Vite!—Haha,jeveuxdirequejenesuispastalentueuseaulit.Douée.Jesuismauvaiseaulit.Mais

j’essaie.J’essaievraiment.Jemedécompose:jesaisquejeviensdem’assurerunlitsolitairequandilseraenville.Je

suisbiensûrequ’ilnevoudrapasresteravecquelqu’und’aussiempotéequemoi.

Ilsepenchesansdireunmotetm’embrasse.Toutd’abordlentement,puisavecdavantagededésir,seslèvrescontrelesmiennes.Jenesais

pas comment, mais nous allons parfaitement bien ensemble. Lorsqu’il fait un mouvement pourresserrer notre étreinte, je penche la tête vers la gauche et ça a un effetmagique. Sa langue vienttoucherlamienne.Salangueestcommetoutlereste.Puissante,chaude,humide,douce.Incroyable!

Depetitsfrissonsmeparcourentcommes’ilsétaientélectrifiés.Jemefondslittéralementenlui et je veux être encore plus près. Ilm’attire contre lui et j’aime la façondont sesmuscles dursappuientsurmespartiestendres.Celadevaitêtre.Ilfautquecelasoit.C’esttropbonpourquecesoitquelquechosed’autre.

Sesmains descendent jusqu’àma taille et s’y reposent pendant quelques instants tandis quenousjouonsdenoslangues.Ilattrapelamiennedoucemententresesdentsetj’aiunpetitrirebêteenmedégageant.Ensuite,ilappuieseshanchescontrelesmiennesetjesensànouveausonérection.Ilrenverselatêteetmesourit.

—Quelqu’unquiembrasseaussibienquetoinepeutabsolumentpasêtrenulleaulit.Etquandjedisnulle,jeveuxdirenepasêtrebonne.

Jesouristimidement,melaissantpratiquementsubmergerparladélicatesseetlespromessesquejelisdanssesyeux.

—Tuveuxseulementêtregentil.—Non,jesuisseulementexcitécommec’estpaspossibleetj’aivraimentenviedetoi.Ilme

donne une grande tape sur les fesses et se détache demoi.Mais pas pour lemoment.Les affairesavantleplaisir.

Jeresteplantéeaumilieudemonsalon,pétrifiée.Jesuistrèsémoustillée,moncorpsrésonned’unepassioninassouvieetmoncerveautourneencerclesconcentriques.Qu’est-cequis’estpassé?Ilaenviedemoi?Alléluia,jevaisfairel’amourcettenuit!

Cettepenséemerenvoieàmapanique.Bien sûr, il n’a pas conscience de l’agonie mentale dans laquelle je me trouve ; il n’a

probablementpassouffertuneseulenano-secondedesavied’unmanquedeconfianceenlui.Savoixmerappelleàl’ordrecommeunsergentàl’exercice.—Allez!Hop-hop.Active-toi!Nousdevonsemballernosaffaires!Ilestdéjàaumilieude

l’escalier.Jeregardeleschiens.Ilsdormenttouslesdeux.Ilsnesaventnil’unnil’autrequemonunivers

vientjusted’êtrebouleverséparunhommequiavaitlabarbelaplushorribledetoutelaplanètemaisqui,àprésent,sembleêtresortitoutdroitdurêvelepluschaud,leplusérotiquequej’aijamaisfait.

Dansmaprochainevie,jeveuxrevenirsouslaformed’unchien.Jepensequetoutseraalorsbeaucoupplussimplequecequisepassedanslemondededingueoùjevisencemoment.

Je soupire et cours rejoindre Ozzie. Avantmême que je sois arrivée dansma chambre, jel’entends ouvrir les tiroirs. J’ai l’impression d’avoir perdu lamaîtrise de toutes choses lorsque jevoisunevaliseouvertesurmonlitetdéjààmoitiérempliedemesvêtements.

—Tuessûrquec’estcequ’ilfautfaire?Jesuisappuyéecontrelechambranledelaporte.Maintenantquejenesuisplusdanssesbras,jevoisplusclairementceàquoijemeprépare.

Çapourraitvraimentmalseterminerpourtouslesdeux.Lorsqu’ilm’aembrasséecettefois-ci, je l’ai ressentidansmoncœur.Et,mêmesiJennyaraison– lescœursfinissentparguérir–, iln’endemeurepasmoinsqueçafaitunmaldechienlorsqu’ilssebrisent.

—J’ensuiscertain.Prendstoutcedonttuasbesoindanslasalledebains.Jem’occupedetonarmoireensuite.Nouspartironsdèsque j’aurai laissé sortir leschienspourune rapidepromenadedanslejardin.

J’entredanslasalledebains,espérantqueledestinabientoutenmains,parcequ’ilestévident

quecen’estpasmoncas.

22.Lejeudemotsenanglaisestdifficilementtraduisibleenfrançais.Maydit«Isuckinbed»,cequipeutsetraduirepar«jesuisnulleaulit»oubienpar«jefaisdespipesaulit».

CHAPITRE39

Leport est tranquille, oudumoins aussi tranquilleque leportde laNouvelleOrléanspeutl’être.Mêmeaucœurdelanuit,ils’ypassedeschoses,desgenscirculent,descargaisonsarriventetrepartent ; lesaffairesn’attendentpas.Nousentronsdans lehangaret jenesorspasdemavoitureavantquelaportesesoitreferméederrièrenousavecungrosboum.

Ozziebrancheunealarmesurlepavénumériqueàcôtédelaported’entréeavantderevenirversmavoiture;ilprendmesvalises.Ilyenatrois,ycomprisunpetitsacpourlesjouetsdeFélixetses bols. Mon chien en peluche saute de la voiture et rejoint Sahara. Ils grimpent devant nousl’escalierquimèneàl’appartementd’Ozzie.

—Tuprendrasmachambreetj’installerailelitdecamppourmoidanslacuisine.Jesoupireetretourneceplandansmatête.Sijem’installeici,celavaréellementcompliquer

unesituationdéjàpartropembrouillée.Jesuisvraimentdésoléequecesoitmafaute.—Tudevraisgardertonlit.Jesuistrèsbiensurlelitdecamp.—Navré.Rienàfaire.C’estmoiquidécidececoup-ci.—Cecoup-ci?Ondécideàtourderôle?Noussommesarrivésenhautdesmarchesetjetapelecodequ’Ozziem’adonnépourentrer.

Onentendundéclicetjepousselaporte.FélixetSaharaseprécipitentlespremiers.JetienslebattantpourOzziequiestchargéavectousmesbagages.Ilfautdirequecesmusclessontbienutilesparfois!C’estassezimpressionnantdeconstaterqu’ilsnesontpasuniquementlàpourlafrime.Jepensequ’ilpourraitmesouleveràboutdebras.Jesuiscommequidiraitfascinée:est-cequeceseralamêmechoseunefoisdanslachambre?Lederniertypeaveclequeljesuissortiepesaitàpeuprèslamêmechosequemoi.Jennyl’appelaitLaBrindille.

—Non,cen’estpaschacunnotretour,répondOzzietandisqu’iltraverselasalledesépées.Tupourrasdécidertoutletemps,saufquandjediraiquej’aibesoindefaireàmafaçon.

Jesouris.—J’imaginequeçadevraitm’aller.Tantque tuneprétendspasqu’il fautque tu fassesà ta

guiseplusd’unefoissurdeux.Ilrépondparungrognement.Dans le couloir, je ralentis presque sans le vouloir. C’est son domaine, pas le mien. Son

entreprise, sa maison et même sa cuisine. Qu’est-ce que je fais ici ? Est-ce qu’il va me détesterlorsqu’ilseréveilleraavecledosencompoteàcausedulitdecamp?Est-cequejeprofitedesonhospitalité,desonbesoindeveillersursesemployés?

Ildéposemesvalisesparterreprèsdulit.—Jepeux tedébarrasserdeux tiroirs ici.Commeça, tunevivraspasdans tesvalises. Il se

dirigeversunmeublehaut.Jesaisqu’avecdeux,tun’auraspasassez,maisjepeuxaussienleveruneétagèreettupourrasaccrocherdesvêtements.

Jemerapprochedeluietmetsmamainsursonbras.—Ozzie,arrête.Jelèvelatêteetleregarde,lesuppliantdesyeux.Sesmainsretombentlelongdesesflancs.—J’arrêtequoi?—Arrête…defairetoutça.Deprendresoindemoialorsquetutemetsàlaportedetapropre

chambre.Savoixsefaittrèsdouce,trèscalme.—Jenevaispasarrêter,May.Navré.Jesuiscommeça.Jetapedupiedtellementjemesensfrustrée.—Pourquoi?Ça risquedecondamnernotre relationou toutechanced’unehistoirequ’onauraitpuavoir

ensemble.Cen’estpasjuste!Ilprendunedemesmainsparleboutdesdoigtsetlasecouegentiment.—Tutefaisdusoucipourriendutout.J’aidormipar terreplusdenuitsquejepeuxm’en

rappeler.Celitdecampreprésenteuneénormeamélioration.Ilregardelelitpar-dessussonépaule.D’ailleurs,cematelasestbeaucouptropmou.Tumerendrasservice.

—Tumedisçajustepourquejedormeici.Ilserapproche,m’entouredesesbrasetposesonmentonsurmatête.J’essaiederefermerles

brasautourdesontorse,maisjenepeuxpas.Ilesttroplarge.Jem’accommodedesataille,quiestbeaucoupplusfine.Maintenant,j’arriveàcroisermesmainscommeilfautdanssondos.Jeleserreavectoutelareconnaissancequej’aienmoi.

—Tuestropgentil.J’aidelatristessedanslavoix.J’aipeurqueçaviennetoutgâcher.—Celan’arriverapas;jetetraitedelafaçondonttuméritesdel’être.Ilsedétachedemoiet

me regarde. Fais-tu partie de ces femmes qui, parce qu’elles n’ont pas été bien aimées, pensentqu’ellesnevalentrienouquelquechosecommeça?

Jesecouelatête.— Non. J’ai eu seulement quelques petits amis et ils étaient tous assez gentils. Mais… Je

continuecommesicelam’étaitindifférent.…ilsn’étaientpasfaitspourmoi.Il me serre à nouveau dans ses bras : on dirait qu’il est content, là, au beau milieu de sa

chambre,ànerienfairequ’essayerdememettreàl’aise.Jegoûtecetteforceenluiquejesens,passeulementautraversdesesmuscles;j’aimelamanièredontfonctionnesoncerveauetlabontéquianimesoncœur.Qu’Ozziesoitchargéd’assurerlasécurité,iln’yariendeplusévidentaumonde.Jemesensabsolumentensécuritédanssesbras.Etmêmechérie.

—Jenepeuxpastefairedepromesses,àpartcellequ’ilnet’arriverariendemalici.Iladitcelad’unevoixbourrue.

Ilpensequemaseulepeurrésidedansl’hommequiaessayédenousassassinerChezFrankie.Ilaraison,partiellement.J’aipeurdecemeurtrier.Maiscen’estpaslaseulechosequimetracasse.Jennyditquej’aiuncœurtendreetjenelacontrediraipassurcesujet.

—Maisqu’est-cequisepasserasiledangervientdetoi?J’aimurmurémaquestion.Moncœurse serredansmapoitrineparceque j’imagineque je

pourrais tomber amoureuse de lui et être ensuite rejetée. Si je m’engage dans une vraie histoired’amour, ce sera déjà difficile ;mais prendre ce risque etm’ybrûler les ailes ? Il faudrait que je

déménagechezmasœurpourqu’ellepuisses’occuperdemoipourlerestantdemesjours.Jeseraisabsolumentdésespérée.

—Tun’asrienàcraindredemoi,jetelepromets.—Jen’aipaspeurquetumefassesdumal.Jeparled’unetoutepetitevoix.J’aipeurquetume

briseslecœur.Il desserre ses bras autour demoi. Le chagrinm’envahit parce que j’imagine qu’il vame

rejeter.Mais,ensuite,cesentimentestbalayéd’uncouplorsqu’ilmeprenddanssesbrascommesij’étaisunpetitbébé.

—Qu’est-cequetudiraisqu’onailleaulitàprésentetqu’ons’inquiètedemaindetoutesleschosesquipourraientarriver?

Iléteintlalumièreavecsoncoude.Iln’yaplusqu’unelampealluméeprèsdulit.Elleprojetteunelueurdoucedanslachambre.C’estlegenredelumièreérotiquequim’avantagevraimentlorsquejesuisnue.Oudumoinsgrâceàlaquellejenesuispastropmochelorsquej’aiôtémesvêtements.C’estlemomentdel’amour.

Jelèvelamainpourlaglisserlelongdesapoitrine.—Çameparaîtunebonneidée.Matêteselèvetandisquelasiennesepencheetnousnousretrouvonsàmi-cheminpourun

baiser.Pourtant, celui-ci se termine beaucoup plus vite que je l’avais espéré. Je n’ai pas le temps

d’imaginerpourquoiças’estpassécommeça,parcequejesuistoutd’uncoupperdueetdésorientée.Mevoilàquivoledanslesairs:Ozzievientdemelancercommeunballonendirectiondulit.

Jevole!MonDieu!Suis-jesurlepointdemourir?!Boum! J’atterrissur ledosaumilieudumatelaset rebondisune foisavantdem’arrêterau

milieudescouvertures.Jefixeleplafondtandisquemoncerveautented’analysercequivientdesepasser.

Seigneur…Ilm’avraimentlancéedanslesairs!—Attends-moiici.Jerevienstoutdesuite.Ilmefaitunsourireetpartaugalop.—Ozzie!Je pousse un hurlement et tente de reprendre mon souffle après cette expérience de mort

imminente.Jetournelatêteàdroitepuisàgauche.Jesuistoujoursenvie.Riendecassé.J’aieulesoufflecoupéquelquesinstants,maisjerespireànouveau.J’ailittéralementfaitunbonddeplusd’unmètreenl’airquandj’airebondisurcelittropmou.Bonsangdebonsang!

—Jevais te tuerpourcequetuviensdefaire!Jebalaie lapièceduregard,à larecherched’unearme.Jesuisbiendécidéeàm’enservir.Iladel’entraînement.Ilpeutsedéfendre.S’ilveutmelaissergagner,tantpis,c’estsonproblème.

Jel’entendsquiritgaiementdanslacuisine,àl’autreboutducouloir.Et,aulieudecontinuermesplansdevengeance, jemepousseunpeuetme renverse sur lesoreillers ; jemedemandecequ’ilpeutbienêtreentraindefaire.J’aicommel’impressionquejevaisvraimentaimerçaetjenepeuxpasm’empêcherdesourireen tâchantde l’imaginer.Êtreavec lui,c’estcommeallerdansunparc d’attraction complètement dingue ; je ne sais jamais ce qui va se passer ensuite, mais c’esttoujoursamusant.

CHAPITRE40

J’entends des verres qui tintent avant de le voir apparaître au seuil de la chambre. Il a unebouteilledansunemainetdeuxlonguesflûtesàchampagnedansl’autre.

— J’avais gardé ça pour le prochain anniversaire,mais j’ai pensé qu’on pourrait en boiremaintenant.

Jem’assoislentement,quelquepeuabasourdieparcequejevois.Ozzieesthabituellementsiréservé!Cettepersonneenthousiasteetheureusen’estpascellequejeconnais.J’aidumalàcroirequ’unmembredel’équipel’aitjamaisvucommeça.J’enviensàcroirequ’ilsemontreseulementàmoisouscejouretcelamefaitdubien.Peut-êtrem’aime-t-ilvraiment?Unsourireidiots’étiresurmonvisage.

Ilposelesverressurlatabledenuitetdéroulelemuseletenferquimaintientlebouchon.—J’espèrequetuaimeslechampagne.Jeglissemesjambeshorsdulitjusqu’àcequ’ellestouchentlesol.—Biensûrquej’aimelechampagne.Jen’enboispastrèssouvent.— J’ai un ami qui possède un vignoble en France. Ilm’en envoie quelques caisses chaque

année.—Quevoilàunbonami!—Nousavonstravaillépourlui.— Quel genre de service un propriétaire de vignoble peut-il demander à une société de

sécurité?—Ehbien,ilsdevaientenvoyerdescuvéesraresauprésident.Nousnoussommesassurésque

lechargementarrivaitbienlàoùildevaitalleretdanslesconditionsattendues.—Leprésident?TuveuxdireleprésidentdesÉtats-Unis?—Luietluiseul.—Waouh.C’esttoutsimplement…fou.Le bouchon saute et vole à travers la pièce, si bien que je ne pense plus à la liste

impressionnantedesclientsd’Ozzie.Ilrentreuninstantdansmonchampdevisionlorsqu’ilrebonditsurlemuretatterritparterre.Félixpassesatêteauseuildelachambreet,enunéclair,sesyeuxsefixentsurlebouchon.Ill’attrapeetdisparaîtànouveau.Cequiveutdirequ’ilyauradelacharpiedebouchondechampagnequelquepartchezOzzieetque jedevrai la ramasser.Soupir.Aumoins, cepetitvoyouvaêtreheureuxetoccupépendantunbonboutdetemps.

Ozzieremplitunverreàrasbordetmele tendlorsquelamousseestàmoitiéredescendue.

Quandlesecondestservi,ildéposelabouteillesurlatabledechevetetlèvesaflûte.—Ànosnouveauxdébuts.Jefaisdemêmeetmedemandesinoustrinquonsparcequej’airejointl’équipeoupourfêter

monstatutdecolocataire.—Ànosnouveauxdébuts.J’aiparlédoucementetjefaisattentiondenepaschoquersaflûtetropfort.Mesnerfsétantce

qu’ilssontencemoment,jeseraisbiencapabledelesbrisertouteslesdeux.Mapremière gorgée envoie des bulles jusquedansmonnez.Cequime fait éternuer d’une

manièreassezbruyante.Ilsourit.—Tuaimesça.—Oui,oui.Jemefrottelenezpourl’empêcherdemechatouiller.Mesyeuxs’emplissentdelarmesparce

quej’essaiedenepaséternuerunesecondefois.—Celui-cin’estpastrèssucré.Jeboisuneautregorgéeetacquiesce.—Non, il est sec. Mais j’aime bien. Je n’ai plus envie d’éternuer à présent et je peux en

apprécierlasaveur.C’estcommesionbuvaitdesfeuxd’artifice,dis-jeensouriant.—Jen’avaisjamaisvuleschosescommecela.Ilvidesaflûteetgardeleliquideenbouche

pendantquelquessecondes.Ilpenchelatêtedegaucheàdroite,avaleetacquiesce.Tuasraison.C’esttoutàfaitcommedesfeuxd’artifice.

Nousbuvonsunautreverreenregardantautourdenous,sansparler.Plus le tempspasseetpluslagênes’installe.

——Alors, reprend-il, ça te dit de regarder la télévision ? Il pose sa flûte sur la table dechevet.

Lafaçonqu’iladedireçaestclaire: ilnemedemandepasvraimentsi jeveuxregarderlatélévision.Ilveutsavoirsicedontnousétionsentraindeparlerlorsquel’intrusadéclenchél’alarmedansmonjardinesttoujoursd’actualité.

Jeposedélicatementmaflûteetj’espèrequeletremblementdemamainn’estpastropvisible.—Jenesaispas.Peut-être.Ilyaunbonprogramme?Ilsecouelatêtevraimentlentement.—Non.Ilsnepassentriend’intéressant.—Nouspourrionslouerunfilm,dis-jepourletaquiner.Jeveuxvoircequ’ilrépondraàça.—Onpourrait.Maisiln’yaaucunbonfilmactuellement.—Vraiment?J’aidumalànepassourire.—Non.Aucun.Ilreculedequelquespasetdéfaitlentementsaceinture.Jesuissaisiedepanique:ellemontedansmapoitrine,magorgeetjenepeuxplusrespirer.—Que fais-tu ? J’ai posé la question dans unmurmure étranglé.C’est tout ce dont je suis

capablepourlemoment.—Jeretiremaceinture.—Oh.Jesecouelatête.Biensûrquec’estcequ’ilfait.Suis-jebête!Illaissetombersaceinturesurlesol,puisiltirelebasdesonT-shirthorsdesonpantalon.J’avalelaboulequiestdansmagorge.—Etmaintenant,qu’est-cequetufais?— J’ôte mon T-shirt. Il le passe par-dessus sa tête, puis dégage un bras avec une grande

aisance.Illaissetombersonvêtementparterreàcôtédesaceinture.J’ai le souffle coupéd’admirationquand je vois tous sesmuscles.Lavache !CeT-shirt en

cachaitencoreplusquejenel’auraispensépossible.Soncorpsestsculptéau-delàdel’imaginable.Ilressemble à Monsieur Patate23 avec un corps d’athlète. Des abdos rajoutés, des pectorauxadditionnels,desmusclesentrianglequidescendraientsurledevantdesonpantalon.

Ohlàlà,ilestentrainderetirersonpantalon!—Attends!J’aicriéenlevantunemaincommesic’étaitun«Stop».Sesmainss’arrêtentsursonbouton.—Tuveuxquej’arrête?Il lèvesonsourcildroitet lamoitiédesaboucheseplisseenune

petitegrimace.—Oui.Arrête.Arrêteimmédiatement.Sesmainsquittent sonpantalonet retombent le longde seshanches.Son sourire s’estompe

lentement.Jecroisemesmainsentremesgenouxetserreleslèvres.Ilfautquejesoissûredenepasdire

cequ’ilnefautpas.Jedoisréfléchiravantdecommencer.Cen’estpasquejen’aipasenviedelevoirnu;maisjenesuispascertained’êtreprêteàautrechosequ’àleregardercommeça.Ceseraitinjustedelelorgneretpuisdenepaslelaisserfairedemême.

—Jevaistropvitepourtoi?demande-t-il.—Onpourraitdireça.—TuveuxquejeremettemonT-shirt?—Non,pasvraiment.Jefrémisdemaproprehonnêteté.Jesuisvraimentbizarre.Jeveuxjuste

lereluquer.Ilsourit.—Maistuveuxquejegardemonpantalon.—Pourl’instant.Jepensequeceseraitunebonneidée.Ilfaitouidelatête.——O.K.Çameva.Ilsedirigeverssonbureau.—Etqu’est-cequetufaismaintenant?J’ai les nerfs à fleur de peau. J’ai envie de lui,mais j’ai peur de coucher avec lui.Le plus

grand succès de Madonna me traverse l’esprit, un peu décalé. « Like a virgin… » Oui. J’ail’impression d’être encore vierge. Comment est-ce possible, alors que j’ai fait l’amour aumoinsvingt fois, peut-être davantage, je ne sais pas. Mais c’est comme ça. « Touchée pour la premièrefois…»

Ilouvreuntiroirdesatableetenretirequelquechosedesuffisammentpetitpourtenirdanssamain.

Çadoitêtreunpréservatif.Qu’apporterait-ild’autresurlelitalorsquej’attendscommeuneviergepas-vierge?

—Onnepeutpasregarderlatélé,nifairel’amour,autantjouerauxcartes,dit-il.Ilmontesurlelitàquatrepattesets’arrêteaumilieu.Ils’assoit,ramènesesjambesetlespliesouslui.

Jeleregardeouvrirunjeudecartesetlesbattresursajambe.Jenepeuxpasm’empêcherderire.—Tun’espassérieux.—Pourquoipas?Illèvelesyeuxversmoietmefaitunclind’œil.Tuaspeur.— Qui, moi ? May Wexler, “le requin des cartes” ? Je ne crois pas. Je me retourne et

m’installeaumilieudulit,prèsdesoreillers.Jecroiselesjambesetramènemespiedssousmoi.Là,jepeuxm’entirer.Qu’est-cequetupréfères?Poker?Blackjack?

—Oncommenceparlepoker.

—Excellent.Jefrottemesmainsl’unecontrel’autre,soulagéequelapressionsoitmomentanémentlevée.

Lorsquenousauronsjouéetplaisantéunpeu,peut-êtrequejemesentiraiplusàl’aiseavecl’idéedecoucheraveclui.

Sonsourireestdécidémentunpeufourbe.—Ontireseptcartes.Avecjokers.Situperds,tuôtesunvêtement.Peut-êtrequejenevaisguèreêtreplusàl’aise.J’imaginequenousallonslesavoirbientôt.

23.Jouetaméricainenplastique.Ils’agitd’unetêteenformedepommedeterre,àlaquelleonpeutajouterdeséléments(yeux,nez,boucheetpartiesducorps…)

CHAPITRE41

Jeperds lapremièremainetmeschaussures. Ilperd les trois suivantes,et il se retrouveensous-vêtements.Ilportedescaleçons:noirs,bienentendu.Sesbrassontposéssursesgenouxet lamainquitientlescartesplaneentrenous.Ilmeregarde.

—Qu’est-cequ’onfait,MayWexler“lerequindescartes”?Tuveuxdescartes?J’aiunepairedetrois.Voilà.Jetranspire,parcequesijeperdscelle-ci,ilfaudraquej’ôtemon

haut ou mon pantalon. Il m’a déjà empêchée de retirer mes boucles d’oreilles. Uniquement lesvêtements,c’estlarègle.

—Hum,oui.J’enveuxquatre.Ilritdoucementetprendquatrecartessurledessusdujeu.—Disdonc,May.Jepensequetuesmalpartie.Jeregardelescartesqu’ilachoisiespourmoietsouris.—Peut-être.Peut-êtrequenon.Jebluffecomplètement. Je saisquemapairede trois avecunemainhautededixnevapas

m’apportergrand-chose.Monseulespoirestdel’ameneràplier.Leplidonneuneamende,maisonneretirepasdevêtement.

—Jevaisprendreunecarte,annonce-t-iltandisqu’ilenretireunedesonjeuetenprendunenouvelle.

Unecarte.Flûte!—Qu’est-cequ’onfait?medemande-t-il.Tuesprêteàabattre?Monvisages’échauffe.Abattre?Pasencore.—Jenevaispasplier.Maispeut-êtrequetuledevrais.Tuvasteretrouveràpoilsituperds

uneautremain.—Fautcroirequej’aienvied’êtreàpoil.Ilm’adresseunclind’œil.Jefroncelessourcils.—Est-cequetuasfaitexprèsdeperdre?— Qui, moi ? Il en fait un peu trop. Ne sois pas ridicule. J’ai bien trop le sens de la

compétitionpourperdreexprès.Oubien il est tropchevaleresque. J’essaiedemesouvenirdenosmainsprécédentes.Est-ce

qu’il a lâché de bonnes cartes pour en prendre de mauvaises ? Je n’y prêtais pas attention à cemoment-là, et il est trop tard à présent pourm’en assurer.Merde.Etmoi qui pensais être un vrai“requindescartes”alorsquej’étaisprobablementuneviergepas-viergequicroyaitàsachance.Zut

dezut.Ilabatsescartessurlelit.—Regardeetpleure.Ilaun«full»24.J’abatslentementlesmiennessurlelitdevantmoi.—Unepairedetrois,autrementditarchinulle.Ilsepencheetprendlepremierboutondemonchemisierentresesdoigts.—Qu’est-cequetufais?—Jet’aide.Illedéfait.J’écartesamaind’unetape.—Hé!Peut-êtrequejevoulaisenlevermonpantalond’abord!J’ai l’impression que je vais avoir une crise cardiaque juste au-dessus de ce stupide jeu de

cartes.Nousallonsnousretrouvernustouslesdeuxetjenesuispasprête!Ilsepencheenarrière.—Enlèvetonpantalond’abord,situpréfères.Ils’appuiesursesmainsetsourit.Jet’attends.

C’estàtontourdejouer,tusais.—Oui.J’aiparlésuruntonmaussade.Jemelèveetjeboutonnemonchemisierjusqu’enhaut,

puisjedéfaislepremierboutondemonpantalon.—Nerveuse?demande-t-il.Ilnesouritplus.—Non.—Menteuse.Jesoupire.—Oui,jemens.Jesuisnerveuse.Maisjefaisdescendremonpantalonjusqu’àmeschevilles.

Lejeu,c’estlejeu:j’aiperdulamain.—Onpeut s’arrêterquand tuveux. Il se laisse tomber sur ledosetparleen s’adressant au

plafond.D’ailleurs,j’enaiplutôtassezdescartes.Jeretiremonpantalonet jemedemandes’il joue toujoursaugentlemanoubiens’iln’ena

vraimentrienàfairedemevoirtoutenue.Jedevraispeut-êtreenêtresoulagée,maiscelamerendaucontraireunpeutriste.J’espèrequejen’aipastoutgâchéaveclui.

Jeluidemande:—Quevoudrais-tufaireàpartça?—Nouspourrionsregarderlatélévision.—Tuasditqu’iln’yavaitriend’intéressant!Jefaissemblantd’êtreindignée,maisenfaitjesuisheureuse.Jesuiscontentequ’ilaitvoulu

joueraustrippokeravecmoi.C’estuncompliment,non?Etilsourit:alorsçanevapeut-êtrepassetransformerencatastrophe.

—J’aimenti.Viens.Ilbonditdulitavecunsaltoarrièreetquittelapièce.—Attends-moi!Jesorsdelachambreencourant,avecjustemachemiseetmapetiteculotte.Ilm’attend,installésurlecanapé,télévisiondéjàallumée.Leschienssontenroulésl’undans

l’autresuruncoussingéantposésurlesolàcôtéducanapé.Sahararonfle.Félixestétalésurledos,lespattesenl’air.J’aienvied’allerleprendre,maisjem’abstiens.Ilvadormirtoutelanuitcommeçaet,d’ailleurs,maintenantjeveuxêtreavecOzzie.

—IlspassentModernFamily25.Çamefaitrire.Ilpointelatélécommandeversl’écranencastrédanslemuretchangedechaîne.Apparaissent

lesvisagesfamiliersdeClaireetPhil.—TuneressemblespasauxgensdeModernFamily,dis-jeenm’asseyantsur lecanapé.Je

laisseuncoussinentrenous.Jesuisàunbout,ilestaumilieu.Lesofaestprobablementassezgrandpoursixpersonnes.

Ilsetourne,s’allongesurleventre,etmetsatêtesurmesgenouxcommesic’étaitlachoselaplusnormaledumonde.Noussommestouslesdeuxentrainderegarderunesitcom,àmoitiénus,danslasalledesépées.IlestévidentquejesuisàCrazyTown.

Au lieude sur-analyserquelquechosequidéfie l’examen, jemedétendset regarde le film.Mesmainstrouventleurcheminverssatêteetjememetsàluimasserlecuirchevelu.Puisjelesfaisglisserlégèrementverssestempesetsajoue,etjejoueavecsesoreilles.Ellessontdoucesalorsquelesautrespartiesdesoncorpssontrésolumentfermes.Lorsqu’ilrit,toutlecanapéenestsecoué.Ilest adorable et charmant quand il regarde ce truc idiot. Ça va vraiment devenir mon émissionpréférée.

Pendantlapremièremoitiéduprogramme,unedesesmainsseglissesousmacuisse.Et,unpeu plus tard, l’autre main se lève et passe derrière mon dos. Il n’a pas l’air d’être installé trèsconfortablement mais, quand arrivent les publicités, j’en suis ravie parce qu’elles vont nous êtreutiles.Ilseretournesur ledoset lebrasquise trouvaitsousmacuissese libère.Samainflotteenl’air,etsedirigeverslepremierboutondemonchemisier,celuiquej’airefermétoutàl’heureprèsdemoncou.

JeprétendsêtrecaptivéeparlesexcellentescapacitésdenettoyageduTideStickdontonnouschante lesavantages ;pendantce temps, ildéfait troisboutons, laissantparaître lecontourdemonsoutien-gorge.Jerisd’unepublicitéoùl’onvoitunpetitchienpourchassantunchatquiluiaprissonjouet.Maisimpossiblecontinuercettemascaradequandsesdoigtstirentlehautdemonsoutien-gorgeverslebasetqu’ilprendmonseindanssamain.

Jepenchelatêteetleregardedanslesyeux.Ilneplaisanteplusàprésent.—J’aimequetusoissurmoncanapé,murmure-t-il.—Tun’aspaspeurquequelqu’undetonéquipeentre?—Non.J’aiunsystèmedesécurité, tu t’ensouviens? Il jetteunœilducôtéducouloirqui

mèneverslaporteextérieure.J’aidésarmélaserrure.Personnenepeutentrer.—Mêmeaveclecode?—Même avec le code. Tu pourrais courir ici, entièrement nue, et personne ne le saurait

jamais.Cetteidéememetlefeuauxjoues.—Toi,tulesaurais.—Maisjenelediraisjamais.Ilm’attireàluietm’embrassesurlabouche,salanguevenantàlarencontredelamienne.Ce

n’estpaslapositionlaplusconfortablequiexiste,maisc’estérotique.Ilaréussiàmedéshabilleràmoitiéet jenem’ensenspasgênée.Jepeuxvoirsonérectiondanssoncaleçon: jen’auraisqu’unmotàdireetilmeprendraittoutentière.Mais,aulieudecela,ilnemepressepasetsecontentedemeregarder.Ilattenddevoirmaréaction.

Jesuismoinsnerveusequetoutàl’heure.J’aienviequ’ilsachequej’appréciecequ’ilfait.—Bien.Tuveuxdespopcorns?Ilserassoit.—Jenesaispastrop.Ettoi?Ilsembleindifférent.—Pasvraiment.Mais,situenveux,jevaisenpréparer.Jesecouelatête.—Non,ilesttard.Jecroisquejevaism’enpasser.—Il se rencognedans le canapé, ledos contre les coussins etm’attire à lui.Lapeaude sa

cuisseestchaudecontrelamienne.Jesuiscontentedem’êtreraséeaujourd’hui.Lespoilssombreset

drusdesesjambeschatouillentlapeaudélicatedesmiennes.Etjepensequenouspourrionsêtreaulit,luietmoi,ensemble,noustouchantpartout,sansvêtementspournousgêner…

Il me serre fort dans ses bras et m’embrasse sur le dessus de la tête au moment où leprogrammereprend.

— Attends de voir cette partie, reprend-il. Il se détend et passe la télévision en modetéléspectateur.

Etvoilàpouruneviolenteérection ! Je lancedes regardssubrepticesverssoncaleçonet lavoisreprendreunetaillenormale:pourinformation,elleesttoujoursremarquableetjemedisqu’ildoitavoirdumalàtrouverdespantalonsquiluivont.Nomd’unchien!

Plus le temps passe tandis qu’ilme caresse doucement le bras avec ses doigts, touchemescheveuxetm’attireàlui,plusjemesensàl’aise.Etaveccesentimentvientceluid’unefrustration.Nous sommes si prèsde faire l’amour,maisnous en retardons lemoment. Il se comporte envraigentlemanetcelamerendfolle.

Ilfautqu’onfassequelquechoseàcesujet.Etilfautqu’onlefassemaintenant.

24.Associationd’unepaire(deuxcartesidentiques,n’importelesquelles)etd’unbrelan(troiscartesidentiques,n’importelesquelles).Lavaleurdescartesdéterminelevainqueurencasde«full»chezlesadversaires.25.Sérieaméricainetournéesousformededocumentaireparodiquequiprésenteune«famillemoderne»,diffuséedepuisseptembre2009.

CHAPITRE42

J’attrapelatélécommandeetj’éteinslatélévision.Ozziesefigeetcessedecaressermonbras.J’attendsqu’ilfasseleprochainpas.

—Tuascoupél’émission.—Oui.Moncœurdevientfou.—Est-cequecelaveutdirequetuesprêteàallertecoucher?Toutdoux,May,toutdoux.Tuvasyarriver.—Pasvraiment.Ilpousseunlongsoupir.Pendantuneseconde,jecroisqu’ilestfâché.Maisalors,ilreprendla

parole.—Lève-toi,May.—Quejemelève?Jemesensperdue.—Oui,lève-toi.Vienslà,devantmoi.Ilselaisseallerdetoutsonpoidscontrelescoussins,

glisseunpeulebasdesoncorpsversl’avantets’affaissesurlecanapé.Jenesaispascequivasepasseràprésent,maisjemelève.—Tourne-toiversmoi.J’obéis.Ilprendmamaingaucheetm’attirejusqu’àcequejemetrouvedebout,entresesgenoux.—Enlèvetonchemisier.J’aidumalàavalermasalive.Nousallonsvraimentlefaire.Nousallonsfairel’amour,làtout

desuite.Danscettepièce.Surcecanapé.Ah,pauvredemoi!Jelèvedesdoigtstremblantspourdéfairelesderniersboutons.Maisjen’aipaslaforcepour

quoi que ce soit d’autre. Lorsque j’ai fini, mesmains retombent le long demes hanches. Je suiscommeunepoulemouillée,etjenesuismêmepasencoretoutenue.Jemedéteste!Matêtes’affaissesurmapoitrine.

Ozzieseredresseettiresurmamanche.Machemisetombedemonbras.—Enlève-moiça,dit-ild’unevoixcalme.Lefaitqu’iln’aitl’airniencolèrenieffrayantme

faitterriblementpeur.Ondiraitqu’ilestànouveaumonpatron,entraindemesoumettreàunesorted’exercice.Retiretonchemisier,May.Jenevaispasteleredire.

Unfrissondescendlelongdemacolonnevertébraleetarriveàunendroitbienprécisentremesjambes.Nomd’unchien!

Jefaiscequ’ilmeditparcequejenesuispasidiote.

—C’estbien,dit-ild’unevoixbassequisemblepresqueagressive.Etmevoilàdansmonsoutien-gorgepetite culotte assortis,unensemblepour lequel j’avais

fait une folie l’année dernière quand j’avais beaucoup de commandes pour des mariages. Je suiscontentede l’avoirmisaujourd’hui.Est-ceque jesavaisque j’allaismedéshabillerdevantOzzie?Peut-être.Jel’avaissansdouteespéré.Seigneur,jenesuisguèrefarouche.

—Retiretonsoutien-gorge.Il s’est renfoncé dans le canapé et ses yeux parcourentmon corps. La télévisionmarche à

nouveau,mais le son est coupé. La lumière danse derrièremoi. J’espère que çame donne un airmystérieusementérotiqueetqueçanemefaitpasparaîtregrosse.

Jefaistoutd’aborddescendrelesbretellesdemesépaules,raviedevoirsonérectiongonflersoncaleçon.Ilyposelamainetlapressetandisquesonpelvissesoulève.J’enreçoisunchocquitraversetoutmoncorps.Jen’avaisjamaispenséquevoirunhommesecaresserpourraitm’exciter,maisj’avaistort.Tort,tort,etencoretort.

Mesbretellespendentsurmesbrasàprésentetj’attrapelescrochetsdansmondos.Jecroisemesbrassurmapoitrineet je tiens levêtementdétachécontremoi.Montrer lehautdemoncorpsdanssanuditélaplustotalependantqu’ilresteassislà,etmoidebout,c’enesttrop.Ilvamefalloirbienplusdeconfianceenmoiqu’àprésentpourlâcherceboutdetissu.

—Retireça,May.—Jenepeuxpas.Jetrembleànouveau.Jenesaispassic’estdepeuroud’excitation.—Tupeuxettuvaslefaire.Jesecouelatêtepourdirenon,maisjenepeuxpasparler.Lapeuretlanervositém’ontliéla

langueetellesneveulentpluslalâcher.Il sepencheenavant etmet sesmains surmescuisses.Sesdoigts sont chauds surmapeau

fraîche.Ilsmontentlentementlelongdemeshanches,dematailleetjusqu’àmesépaules.—Donne-toiàmoi,May.Deslarmesfontbrillermesyeux.—Jenepeuxpas.—Biensûrquesi.Ilprendleborddemonsoutien-gorgeetletiredoucementdedessousmes

bras.Jeleluiabandonneparcequelaplusgrandepartiedemonêtrelesouhaite;jeveuxêtrenue

aveclui.L’autrepartdemoi,cellequiestcomplexéeettrouvequejenesuispasassezbien,voudraitsesauveràtoutesjambesetnejamaisregarderenarrière.Sijetombed’aussihaut,jevaismefairevraiment,vraimentmaletnousn’avonsmêmepasencorefaitl’amour.

Seulsmesbrascouvrentàprésentmapoitrine.Pourquoiest-cequ’ilssontsimaigres?Messeinsdépassentdepartout.

Ilselaisseànouveauallerdanslefondducanapé,portemonsoutien-gorgeàsonvisage.Ilfermelesyeuxetrespire.

—Ilsentcommetapeau.Sesyeuxs’ouvrentetilsourit.J’aifaillirire.—Tum’effraies.Ilenvoielesoutien-gorgeloindeluietseredresse.Sesmainscommencentàmesmolletset

grimpentdoucement;ellesmechatouillentetm’enflammenttoutàlafois.J’ailachairdepoulesurtoutlecorps.

—J’aimetonodeur,letoucherdetapeau,lamanièredonttumefixesaveccetterideentrelesyeux.

—Ride!Quelleride?

Je suis trop affoléepour comprendre cequ’il est en train de faire jusqu’aumoment où sesdoigtsarriventàlaceinturedemapetiteculotte.

Jepressemapoitrineavecunbras,tandisquel’autres’envaprotégermonderniervêtement.—Tufaisquoi?—Tuveuxlagarder?Ilnesourcillemêmepas.Çam’estégal.Ilsepencheetposesonvisage

surmapetiteculotte.Merde,qu’est-ceque…?Seigneur,c’est…agréaaable.Mamainsetrouvesursonchemin,iln’enacure,lacontourneetvientplacersaboucheentre

mes doigts. Son souffle chaud traverse le léger tissu soyeux, incendie la partie la plus sensible demoncorps.Jepensequ’onnepeutpasfaireplusérotique;puisilcommenceàfairedescerclesavecsaboucheetjemerendscomptequejem’étaistrompéedutoutautout.

Je gémis quandmes sensations se font trop fortes. Comment est-ce qu’il peut inventer deschoses pareilles ? Il gémit aussi tandis qu’il promène sa bouche surmoi et me réchauffe de sonsouffle;jepensequejevaisavoirunorgasmesansavoirenlevémapetiteculotte.Quem’arrive-t-il?Jenejouispas.Monappareilàfabriquerdesorgasmesestenpanneouquelquechosecommeça.Jem’ensuisrenducompteilyalongtempsetjel’aivérifiéavectouslespetitsamisquej’aieus.Jesuisdecesfemmesquin’enontjamais.

Mamainquiessayaitdeseprotégerdesoninvasionremonteversmapoitrine.C’estridiculedeprétendrequejeneveuxpasqu’ilfassecequ’ilaentrepris.Jenetrompepersonne.

IlprofitedemacapitulationpourbaissermaculotteetilplaquesonvisagecontremonmontdeVénus.Jenem’attendaisabsolumentpasàça.

J’halèteetjelaissetombermesmains,d’abordsursatêtepuissursesépaules.Ilfautquejemetienne à quelque chose pour ne pas m’effondrer. Sa langue s’est glissée dans les plis chauds ethumidesdemavulveet je criedeplaisir.Sansdoutedevrais-je être embarrasséedeme trouver silibéréeetouverte,maisàprésentjesuistropexcitéepourmesoucierdequoiquecesoit.

Je le sens qui fait quelque chose tandis qu’il continue à faire aller sa langue, mais je necomprendspascequec’estavantqu’ilneviennemettresesmainssurma tailleetqu’il reculesonvisage:ilaôtésoncaleçonetmisunpréservatif.

Jeregardeverslebasetvoissonérectiondardéeversmoi.Maculotteestdescenduesurmescuisses.Illèvelatêteetmeregarde,sabouchehumidedemonintimité.Jefaistombermaculottesurlesoletenlibèremespieds.

—Viensici.Ilmeguidepourquejem’assoiesurlui.Jemetsungenoudechaquecôtédesescuisses.—Prends-moientoi,dit-ild’unevoixquiestpresqueungrognementàprésent.Moncœurbatàtoutevitesse,maisjeveuxlesentirenmoi.Salangueaexacerbémessensau

maximum.Oublionsmagêne, oublionsque je suisnue à l’endroit où je travaille. J’en ai envie, etenvietoutdesuite.

Lorsquenoscorpssetouchent,jenesuispassûrequeçavamarcher.Ilesttropgrandetjesuistoutegonfléeaprèscequ’iladéjàfaitpourm’exciter.Maislorsqu’ilsepousseenmoi,ilmeprouvequejemesuis trompée, trompée, trompée.Unefoisdeplus.Jepeuxlecontenir,mais tout juste.Jedescendsversluietjegémistellementjesuisdistendue.

—Mm… Manifestement, il a aussi du plaisir. Je souris devant l’expression de son visagelorsquejemesoulèvepourredescendresurlui.May,tuesextraordinaire…

Jemepencheenavantetposemesmainssur lecanapé,parcequeçamepermetdebougerplusfacilementcommejeveuxlefaire.Messeinstouchentsonvisage.

Illesprenddanssesmainsetsucemesmamelonsl’unaprèsl’autre.Lesentiràl’intérieurdemoietquesesmainsetsabouchecaressentenmêmetempsmesseins,c’estincroyable.Jebougeplus

vitepoursatisfairemonenviegrandissante.Ilpresseetmalaxe.Leboutdemesseinsdurcitcommejamaisencore.

—Embrasse-moi,murmure-t-il.Jemepenchedumieuxquejepeux,maiscen’estpasfaciledemerapprocherdelui.Jesuis

surlepointd’abandonnerlorsqu’ilm’attrapeparlatailleetmeretournesurledos.Ilestau-dessusdemoi,placeungenousuruncoussinetl’autrejambeàterre.

—Quefais-tu?J’enailesoufflecoupé.Ils’enfoncecomplètementenmoi,encoreplusprofondément.—Jetebaise,May.Lesmotsgrossiersetsonregardmenaçantmefouettentd’uneénergieérotique.Mesmuscles

secontractentetmonvaginseresserreautourdelui.Sesyeuxs’élargissentlorsqu’illesent;puisilsemordlalèvreinférieureetpousseenmoijusqu’àcequ’ilnepuissepasallerplusloin.

—Seigneur…Jelèvemesjambesetlesenrouleautourdelui.Ozzie…Jel’implore.Jenesaispascequejequémandeainsi,maisj’espèrequ’ilvameledonnerbienvite.

Ses poussées commencent lentement et doucement. Nous nous embrassons, nos langues semêlent,noslèvress’écrasent,sabarbequiarepousségriffemonmenton.Jesenssesmusclesbougersous lapeaudesondos.Desmusclespuissants, tenduscommedescordesquiondulent tandisqu’ils’activedansunvaetvient ; il faitmonterenmoiune tensionquiaspireàêtre libérée.Mesmainsglissentlelongdeseshanchesetdesesfessespourquejepuissel’attirerplusfortementversmoi.Ilcomprendparfaitement ceque jeveux, ralentit lorsqu’ilmepénètre jusqu’au fond, frotte, se retirepourplongerànouveau.

Jesensquandilcommenceànepluspouvoirsemaîtriser.Sasueursemetàgouttersurmonventreetsemêleàlamienne.Sonsoufflesefaithaletant.Sonvisageaprisuneexpressionàlafoisdesouffranceetdeplaisir.

—Oh,Ozzie ! J’aicriéet je sensque jevaisbientôtexploser. Jenesaispasoùnous ironsensuite.Jesuiscertained’unechose:jeneveuxpasqueças’arrête.Jamais.

—Vas-y,machérie,m’encourageOzzie.Ilfautquejebougeplusvite.Moncorpsl’exige.Toutmonêtreinsiste.C’estlaseulefaçon.La

seulefaçonquecessecettedoucetorture.Etpuis,ils’arrêtetoutd’uncoup.Ilsefige.Ilestenfoncéjusqu’àlagarde,ils’arrêteetrespire

avecdifficultéau-dessusdemoi.—Qu’est-cequetufais?—C’estàtoidebougermaintenant,souffle-t-il.Allongéesouslui,jenesaisquefaire.—Commentest-cequejepeuxbougerquandtuessurmoi?Ilhausseuneépaule.—Jenesaispas.Voissitupeuxtrouverunmoyen.Siçapeutlerendreheureux,jevaisessayer.D’ailleurs,lasensationdesonpénis,énormeet

durenmoi,me rend folle. Jenepourraispas rester tranquillemêmesi je levoulais.Meshanchesbougentdéjà.

Je tendsmonpelvis vers lui.Avec ceminusculemouvement, j’éprouveune sensation aiguëmais extraordinaire dansmon intimité. Jeme recule et répète lemouvement ; et ça recommence.J’écartedavantagelesjambes.

—C’estça,machérie…Jen’aipasbesoindesesencouragements,maisquandilmeparlealorsquejem’écrasecontre

lui,jemesensdevenirbrutale.Primitive.Unpeusauvage.Jebougecontreluiavecplusd’insistance,répondantàl’exigencequivientdemonêtreleplusarchaïque.Àchacunedemespousséesverslui,je

leprendsplusentièrementenmoi,jusqu’àcequelapartielaplussensibledemonêtreviennefrottersoncorpsetquesonpénism’étirejusqu’àmeremplircomplètement.

—MonDieu.Jesensunebrûlurequim’envahitlentement.—Oh,oui!Vas-y,mabeauté,vas-y.Ilpoussecontremoiquandjemonteverslui.Nousnous

retrouvonsàmi-cheminetjelesensquigranditencoreenmoi.Puis,ilmesemblequejemenoie.Unfeuintensefaitrageentremesjambes.Illesentetsemet

à pousser encore plus fort, encore plus vite. Je lui rends coup pour coup, chaque va et vientm’amenantplusprèsdubut.

—Ozzie!Ozzie!Jem’accrocheàlui,j’aipeurd’êtreperdueàjamaissijelelaissealler.—Viensàmoi,machérie,viens!crie-t-il.Ilpoussejusqu’àlalimite,puissoncorpscommenceàtressaillirenmoi.Jen’enpeuxplus.Je

crieetm’accrocheà luicommeàunebouéedesauvetage.Jesuisen trainde tomberd’unefalaisetoutenoireetjen’airienàquoimeraccrocher.Jel’aienfintrouvé:l’orgasmequejen’avaisjamaiseuauparavantmaisdontlesromansparlenttoujours.

CHAPITRE43

Lorsqu’Ozzieajouietquej’arrêtedehurlercommeunefolle,ils’écroulesurmoi.—Raaah!C’estàpeuprèstoutcequej’arriveàdire.Magorgeestdouloureuse.Jepenseque

j’aidûm’éclaterunecordevocale.Ilsetourne,rouledecôtéettombeducanapésurledos.—Ouille.Ilal’airaussiépuiséquemoi.Jepouffe.—Toutvabien?—Jesurvivrai.Situn’essaiespasderecommencertoutdesuite.Jemepencheetluidonneunepetitetapeavecleboutdemesdoigts.—C’esttoiquil’asvoulu,pasmoi.Ilsesoulèveunpeu,prendmesdoigtsetlesembrasse.—Ilestl’heured’alleraulit,BoPeep.—Ontravailledemainmatin.—Quelleheureest-il?Jemeredressesurlecôtéetregardelapendule.—Minuit.Jesoupireetcontempleleplafond.Illâchemamainetjelaplacesurmapoitrine.—Heureuse?medemande-t-il.Jesourisetopine.—Heureuse.—Fatiguée?Jesecouelatête.—Paslemoinsdumonde.Jecroisquejepourraisvoler!—Tuesredoutable.J’adoreêtreredoutable.— C’est toi qui incites des jeunes filles parfaitement honnêtes à se déshabiller et à faire

l’amourd’unefaçontorridesurlecanapédeleurentreprise.—C’estfaux.C’esttoiquim’yaspoussé.Jerouleànouveausurmoi-mêmeetleregarde:ilesttoujoursallongésurlesol.—Commentça?Jefaissemblantd’êtreindignéedevantunepareilleaccusation.— Tu es entrée dans ce bar la semaine dernière, toute mignonne avec ce pantalon et ce

chemisier,avectonpetitchien.J’aipenséquetuétaisuneépousequis’ennuyait,venuechercherun

peud’action…etjedécouvrequetuesuneimpitoyablemaîtred’armesavecunetrique,capabledemanierunTaseretavecungoûtpourlesex-grognardsàbarbe.

Jen’enpeuxplusderire.Sadescriptionnepourraitpasêtreplusridicule.—Pourquoiris-tu?Tusaisquejedislavérité.—Turacontesdesbêtises.—Cite-moiuneseulechosequinesoitpasvéridique.—Jedétestelesbarbes.Il se relèved’unbondet, avantque je comprennecequim’arrive, jeme retrouve soulevée

danssesbras.—Qu’est-cequetufais?!J’aicrié,maisj’ail’airbeaucouptropheureusepourqu’ilpuisse

prendrecehurlementpouruneréactiondecolère.—Jevaistemettreaulitettedonnerunefessée.—Oh,unefessée!Jevoudraisvoirça.J’ai laissémonTaser dansmon sac, près de son lit. S’il songe seulement àme toucher les

fesses,jevaisleviseravecmonarme.Nousquittonslapièceàlavitesseduventetjen’arrêtepasderire.J’ail’impressiond’avoir

étémoi-mêmeélectrocutée,absolumentincapabledememaîtriser.C’estcommesi,depuistoujours,la lumièrequim’habiteavaitétééteinteetqu’Ozzieavait, jenesaiscomment, réussià larallumer.C’estbienmoi,lavraieMayWexler,etjesuisnuedanslesbrasd’Ozziequitraversel’appartementencourant.Jesuisvraiment,maisvraimentàCrazyTown.JesuisMayWexler«lareinedel’orgasme».

Jenesuispasdutoutsurprisecettefois-cilorsqu’ilmelanceenl’airetquej’atterrissurlelit.Maisjelesuislorsqu’ilmeretourneetmedonneuneclaquesurlesfesses.

—Tu…!Jehurle.Tuvasmelepayer!Jeroulesurlecôtéetessaied’attrapersonbras,maisiltranspiretellementquejen’arrivepasàm’yaccrocher.

Ilmepousseànouveausurlelit,latêtedanslesdraps.—Tunebougespas,fillette.Jevaist’apprendrelesbonnesmanières.Direquemabarbeétait

horrible.Commentoses-tu!Je soulève la têtepour ledéfierquand sesmainsmeprennentpar la taille et soulèventmes

hanches.—Quefais-tu…?Ettoutàcoup,ilestlà,derrièremoi.— Surprise ! dit-il avec un souriremauvais. Il presse sonmembre contremoi et le glisse

facilementdansl’humiditédemavulve.—Encore?Mavoixsortàpeinedemagorge.Déjà?Ilmefrappesurlesfesses,légèrementcettefois-ci.—J’arrive,machérie.Quetusoisprêteoupas.Oh,jesuistouteprêteàlerecevoir.Ilmetunpréservatifetjelèvemesfessesaussihautqueje

lepeux,soupirantdeplaisirquandilm’emplitànouveau.Il va lentement à présent, laissant la passion monter, attentif à ma sensibilité. Ses doigts

trouventleurcheminversmonclitorisetilmecaresseenrythmeavecsespoussées.—Tuaimesça?demande-t-ilensepressantfortementcontremoitandisqu’ilfaitpivoterses

hanches.—Humm…J’aifermélesyeux,maisjesouris.J’écartemesbrasetmeretiensauxdraps.Son

rythmes’accélèreetilm’enfoncedanslematelas.—C’estbien,plusfort!Jel’encourage.Etilmepénètredavantage,dansunvaetvientplusrapide,toujoursplusrapide.Jemepresse

versluipourqu’ilcomprennequej’enveuxencoreplus.

Ilsepencheetmetànouveausesdoigtsenmoi.—Vas-y,machérie.—Baise-moi,Ozzie.Lesmotssontsortiscommeça,maisjenelesregrettepas.—Dis-leencore,gronde-t-il.—Baise-moi…Ilfautquejereprennemonsouffle.…Ozzie.Il rugit commeun lionblessé etpousse si fortquenousnousécroulons tous lesdeux.Son

corpstressailleau-dessusdemoicommes’ilavaitétéélectrocutéetjelesensjouirenmoi.Samainesttoujourssousmoncorpsetjelasensquibougeànouveau.Jesaisquejeviensde

luidonnerduplaisirgrâceàmoncorpsetcequej’aiditetc’esttoutcequim’importe.Jecrieetmedébatstandisquel’orgasmeravagetoutmonêtre.J’aitotalementperdulecontrôledemoi-mêmeetcelan’aaucuneimportance.

Quand tout estbien fini,plusieursminutesaprès, j’ai l’impressionque je suismorteou,dumoins,quejeviensdecourirunmarathon.Jenepeuxpasbouger.

—Jesuiscontentquetuaiesdécidédet’installerici,medit-ilàl’oreille.Jepouffecommeunecollégienneavantdegrognerparesseusement:—Moiaussi.Ilroulesurledosàcôtédemoi.Jetournelatêtepourleregarder.—Heureuse?demande-t-il.Jesouriscommejepeux.Monvisageneveutplusrépondre.—Heureuse.—Bien.Ilsepencheetm’embrasseavantdeselever.—Oùvas-tu?—Salledebains.—D’ac’.Jemeréinstalledanslelit,souslescouvertures,matêtesurl’oreiller.Lelitestsiconfortable.

Jevaistoutsimplementmedétendreenattendantqu’ilrevienne.Peut-êtrevoudra-t-ilmeparleroujene sais quoi. Il faudrait sans doute que nous discutions : comment allons-nous nous comporterensembledemainautravail?Jeneveuxpasquelasituationdevienneembarrassanteet jesuissûrequeluinonplus.

C’estladernièrechosedontjemesouvienneavantqueleréveilnesedéclencheprèsdematête:ilest7h30.

CHAPITRE44

Ciel!J’aidormiici!Aveclui!Danssonlit!Etilfautquejemelèvepourallertravailler.Et

ilfautquejesorteFélix!Zut!Ondiraitbienquequelqu’unadormiàcôtédemoi.Est-cequ’Ozzieestrestélàtoutelanuitet

quejenem’ensuismêmepasrenducompte?Ehbien!Notrenuitm’avraimentmiseKO.Jelancemesjambeshorsdulitetregardeautourdemoi.Espéronsqu’OzzieaemmenéFélix

dehorsavecSahara.Sansquoi,jevaisavoirdunettoyageàfaire.Enfacedemoi, ilyauneportequin’ouvrepassurlecouloir.Sic’étaitcelledelasallede

bains,ceseraitbien:jen’aipasdutoutenviedepasserparlacuisineetquemescollèguesmevoientrevenird’unepartiedejambesenl’air.Enfait,dedeux.

Jesourisenprenantdesvêtementsdanslestiroirsquim’ontétéallouésetpassedanslasalledebainscontiguë.

Waouh!Çac’estunesalledebains:marbre,verreetmétaldonnentàcevasteespaceunaird’oasisdansunspa.Jemebrossed’abordlesdents,pourlecasoùOzziereviendraitets’approcheraitdemoi.Jeneveuxpasqu’ilmeplaqueparcequej’aiunehaleinedeputois.

La douche qui pourrait accueillir plusieurs personnes à la fois possède trois pommeauxpermettant des jets variés. J’utilise les produits d’Ozzie pourmedoucher etme laver les cheveux,maisjenetrouvepasd’après-shampooing.J’imaginequ’iln’enutilisepaspourlesépisqu’ilasurlatête. Je suis étonnée qu’il ne lui en reste pas du temps où il avait une barbe. Il fallait bien qu’ildisciplinecetteforêt!

Jesongeàcenidpouroiseauxquidécoraitsonvisagequandunbruitderrièremoiinterromptmarêverie. Jemeretourneet trouveOzzieenpersonne,debout,habilléetprêtpour le travail. Ilamêmedéjàenfilésesbottesdecombat.

Timidement, jecroisemesbrassurmesseins.Jenevaispasmanquerd’utilisercefantasmequandjem’ennuieraietquejeseraiseulelanuit.Moi,nueetmouillée.Lui,monpatron,debouttousmusclesdehors.Tuparlesd’unevisionérotique.

—Bonjour,fait-il.—Bonjour.Mevoilàembarrassée,cequiestridiculeaprèslanuitquenousavonspassée,maisjenesuis

pasmaîtressedemesémotions.Pourquois’est-ilendormihiersoirsansmeréveiller?A-t-ilmêmepassé la nuit auprès de moi ? Peut-être qu’il a été sur le lit de camp. Cette idée m’attriste. Cela

ressembleàunrejet.—Réuniondansquinzeminutes.—Quinze?Jemedépêchedemerincerlescheveux.O.K.J’espèrequ’ilnes’attendpasàme

trouverépoustouflante.Jen’aipasl’habituded’enfairedestonnes,maisunquartd’heurenevapassuffireàfaireunmiracle.

—Çava,Félix?J’auraisdéjàdûlefairesortir.—Toutvabien.Ilestallésebaladeravecsapetiteamie.Jesouris,maisnedisrien.Jeneveuxpasqu’Ozziepensequejeluimetslapressionpourqu’il

m’appellesapetiteamie,mêmesiriennepourraitmerendreplusheureuse.Jefermel’arrivéed’eauetsorsdeladouche.Ozziemepasseuneserviette,toutechauded’avoirétésurleportantélectrique.

Jelatienscontremoietclignedesyeuxpourenchasserl’eaudeladouche.Lachaleurdelaserviettes’insinuedansmapeauetjemedétends.Iln’yarienquipuissemerendrenerveuse,n’est-cepas?Nousnesommespeut-êtrepasuncouple,maisnousavonsétéintimes.Etjesuisuneadulte.J’aiassezdeconfianceenmoipourtournercettepage,pourlemeilleuroulepire,quelqu’ilsoit.

Zut!Pourquoi l’idéedevœuxmatrimoniauxest-elleen trainde tournerdansmoncerveau?Est-cequej’aicomplètementperdulatête?!

—Ilyaquelquechosed’autre?Jemedemandepourquoiilrestelàentraindemeregarder.Dieusaitquejen’arrivepasàliredanssespensées.

Ilsepencheversmoietm’embrassesurlajoue.—Nan.Ilseretourneets’apprêteàsortirdelasalledebains.Moncorpss’est réchauffé,etpasseulementgrâceà laserviette,maiségalementparcequ’il

m’atouchée,mêmes’ils’agissaitd’unbaisertrèschasteausortird’unedouche.—Ozzie?Ils’arrête,lamainsurlaporte.—Oui?Jen’aipaslamoindreidéedecequejepourraisluidire,maisj’ail’impressionquejedevrais

direquelquechose.N’importequoi.—Merci.Pourtout.Iltournelatêteetmeregarde.—Tout?Jenepeuxpas empêcherun sourire demonter àmes lèvres.Me revoilà viergepas-vierge.

Ridicule,puisquenousavonsfaitl’amournonpasune,maisdeuxfoislanuitdernière.—Oui,pourtout.Parcequetum’accueillesici,quetutefaisdusoucipourmoi,pourFélix,

pour…leprogrammeàlatélévision.Toutça.Laportepivotesursesgondstandisqu’ils’approcheetvientseplacerdevantmoi.Jeleregardeet jesuiseffrayéeparcequ’ilestsiprèset touthabilléalorsquejesuisnueet

mouillée. Allons-nous faire à nouveau l’amour ? Faire attendre tout le monde pour la réunionpendantquenoussoupirons,gémissonsetcrionsnotreplaisir?

Ilm’attireàlui,etmesbrassetrouventserréscontremapoitrine;laserviettequinoussépareempêcheleschosesdedevenirtropréelles.

—Pasdequoi.Ilsourituneseconde.Jesuisheureuxdepouvoirfaire“toutça”.—Çanevapasparaîtrebizarre?L’ombred’undoutem’envahit.Qu’est-cequenoscollèguesvontpenser?Est-cequ’ilsvont

medétesterparcequej’aicouchéaveclepatrondèsmapremièresemainedetravail?Ilsecouelentementlatête.—Iln’yaaucuneraison.

Sesyeuxvertssontclairsetdoux.Ilal’airtoutàfaitsûrdelui.—Qu’est-cequelesautresvontdire?—Jenepensepasqu’ilsvontdirequoiquecesoit.Pourquoileferaient-ils?Tuaspasséla

nuiticipourraisonsdesécurité.Thibaultl’asuggéré.—Oh.O.K.Ilveutdirequ’ilnevapassecomporterdifféremmentavecmoidevant lesautres,mêmesi

nous avons couché ensemble. Je ne devrais pas en être malheureuse parce qu’il vaut mieux quepersonnenesachecequenousfaisonsendehorsdutravail.Ilfautseulementquejedélogeenmoilacollégienneidiotequirêvedesebaladermaindanslamain.

—Bien.—Net’inquiètepas,dit-il,levisageimpassible.—Jenem’inquiètepas.—Tuenasl’air.—Non.—Tavoixl’est.Jefroncelessourcils.—Maisnon.Toutvabien.—Jet’aipréparéuneomelette.—Ahbon?Moncœurserassureànouveau.Tuenasfaitunepourtoutlemonde?—Non.Pourtoiseulement.Ilrestelàtandisquesesmotsfontleurchemindansmatête.Delafaçondontilmeregarde,je

pourrais jurer qu’il tient àmoi.Autrement, pourquoi est-cequ’ilme ferait uneomelette pourmoitouteseule?Quelquechosequiressemblebeaucoupàdel’amourenvahitmoncœurets’emparedemoi.

Ilsepencheetjelaissetombermaserviettepourpouvoirentourersoncoudemesbras;jeluidonnelebaiserqu’ilmérite.

Salangueetlamiennerecommencentleurdanse,celle-làmêmequenousavionscommencéeet perfectionnée la nuit dernière. Ses grandes mains chaudes couvrent presque tout mon dos. Lapassion se ranime entre nous en l’espacede quelques secondes. Je gémis tandis que les sensationsmontentenmoi.Jel’imaginemerenversantau-dessusdulavaboetmeprenantlà;maisilsedétachedemoi.

— Réunion. Il faut que j’y aille. Il me laisse plantée là, comme si j’étais à nouveau unmannequinérotique.Ilestarrivéàlaportelorsquejeretrouvelavoix.

—Ozzie?—Ouais?—Tumeplais.Jelaissetombermonmentonsurmapoitrineetramasselaserviettequejetiensensuitedevant

moi.Jemedétesteterriblementd’êtreunetellemauviette.C’estquoimonproblème?Pourquoiest-ceque je ne peux pas garder quelques-unes de mes pensées pour moi ? Ses baisers ramollissentvraimenttropmavolontéetmalangue.

—Tumeplaisaussi,BoPeep.Maisnevapaspenseruneseulesecondeque tuasgagnéunentraînementplusdouxaujourd’hui.

Jefaisuntrèsgrandsourirederrièremaserviette,priantpourqu’ilnesoitpasentraindemeregarder.Pasmoyendevérifier.Quand jemesuiscalmée, jedégagemonvisagede la servietteetcommenceàmesécherleventre.Jen’osepaslaretirerdemapoitrineetm’exposeràsavue;idiotedeviergepas-viergequejesuis.

—Onvas’entraîneraujourd’hui?J’essaiedeparaîtrelégèreetdécontractée.

—T’asintérêtàtetenirprête.LavisiondeDevavecsonépéetraversemonesprit.—Est-cequeDevm’attendlà-baspourm’attaquer?—J’imaginequetunevaspastarderàlesavoir.Ilouvrelaporte,sortetmelaisseseuledans

lasalledebains.Moncœur faitunbond. Je luiplaisaussi.Et ilvacontinueràm’entraîneretnous resterons

ensemble ! J’écarte les bras et tourne surmoi-même. C’était une bêtise parce quemes pieds sonttoujourshumidesetlesolestenmarbre.Jeglisseetmerattrapejusteàtemps.Jevoisquemontauxd’adrénalinerépondbien.J’envienspresqueàespérerqueDevestlà,prêtpourunedesesstupidesattaquessurprises.Jesuisplusqueparéepourlerecevoir.Super!«Atémi!26»

Jeterminedem’habillerenuntempsrecord,meglissehorsdelachambreexactementquinzeminutes après mon arrivée dans la salle de bains. Formidable. Je gère ma nouvelle vie vraimentcommeunechef.

26.Coupportéaveclepoing,lepiedouletranchantdelamain.

CHAPITRE45

Jemeglisselelongducouloir,m’attendantàuneattaque.Lorsquej’arrivesurleseuildelacuisine,jeprendslamesureduterrain.IlfautquejetrouveDevavantqu’ilnemevoie!

Toutlemondeestassisautourdelatable,mêmemonsieurAttaqueSurprise.Ilnemanquequemoi.L’omeletteestsuruneassietteàcôtédufour.Jelalaisselàoùelleest:pasquestiondem’asseoirdevant mes collègues et de plonger ma fourchette dans le petit déjeuner qu’on m’a spécialementpréparé.MesregardsàOzzie,quisontrien-moins-que-furtifs,ontdéjàl’airassezsuspects.

—’Jour,BoPeep.Lucky me sourit tandis que je les rejoins à la table. Il a l’air extraordinairement frais et

guilleretàcetteheurematinale.Est-cequ’ilvaallerposerpourunepublicitédedentifriceaprès laréunion?Sonsourireest-ilcomplice?Jelepense.J’essaied’avoirl’airnaturel.

—BonjourLucky.Commentvatonpoissonrouge?—Sunnyvatrèsbien.Merci!Jetiremachaise,m’assoisetbougelesdossiersdevantmoid’unairaffairé.Jenepeuxpas

leverlatêteversOzzie.JeleregarderaissûrementavecdesyeuxdemerlanfritetTonivoudramedonneruncoupdepoingdanslafigure.Ilfautquejetrouvecommentmecomporteravecelle.QuejesachesielletientàluiousielleaunproblèmeaveclefaitquejesoisrestéeicicettenuitavecOzzie.Hier,ellen’avaitpasl’airtrèsfavorableàcetteidée.

— ’Jour tout lemonde, commenceOzzie. Prenons tout d’abord l’opérationHarley.Depuishier soir, nous avons des oreilles sur l’objectif. Pour le moment dans le jardin à l’arrière de lamaison,maisj’aimeraispouvoirentreràl’intérieur.

—TudevraisessayerBoPeep là-dessus, intervientTonid’unevoixun toutpetitpeusèche.Elles’esttrèsbiendébrouilléeavecleParrot.

—Tuenpensesquoi,May?D’accordpourfaireunessai?Tuveuxessayerdefairevolerlalibelluleàl’intérieurdelamaison?Onpeuts’entraîneravecuneautrequenousavonsici.

Jeregardemonpatron,toutàsonaffaire.—Biensûr,Ozzie.J’enseraisravie.Je faisungrandsourireenthousiaste,mais jeme rendscompteque j’en fais tropparceque

toutlemondemedévisage.Monsourires’éteintetfaitplaceàdel’embarras.Merde!Est-cequeçaselittantqueçasurmonvisagequ’Ozzieetmoiavonsdrôlementjouéauxnaturisteshiersoir?

—Nousavonseuunautresouciavecl’opérationhiersoir,continueOzzie.Le souffle me manque. Va-t-il dire à tout le monde que nous avons fait l’amour ?Merde

alors!—IlyaeuunintruschezMayauxenvironsde21heures.Iladéclenchél’alarmedupérimètre

desécurité.J’aiprisuneprofonderespirationetjelaissesortirl’airtrèslentementpourquepersonnene

m’entendesouffler.—Çasentpasbon,faitThibaultenmeregardant.Toutvabienpourvousdeux?Jefaisouidelatête.Lemanqued’oxygènem’adonnélevertigeetjen’osepasparler.—Oui,répondOzzie,maisnoussommesrevenusicipourlanuit.J’envie vraiment sa capacité à dire cela d’une voix complètement détachée. Si c’était moi,

j’aurais pouffé et je serais devenue toute rouge. Déjà, j’ai du mal à garder mon sérieux. Il fautvraimentquejem’entraînepourmemaîtriser.UncoupdefilàJennys’imposeréellement.J’arriveraipeut-êtreàl’appelerrapidementdepuislestoilettesavantdecommencerlajournéedetravail.

—Tuferaismieuxdet’installericiletempsquenoussachionscequisepasse,déclareDev.Sesyeuxseposentsurquelquechosedel’autrecôtédelapièceetilfroncelessourcils.Quelqu’unva-t-ilmangercetteomelette?

Jesuissurlepointdeparler,maisOzziem’enempêche.—N’ytouchepas.Ellen’estpaspourtoi.Devplisselefront.—O.K,flûte.Jedemandaisseulement.Thibaultsecouelatête.—Tuesvraimentungouffre,l’ami.Devluidonneuncoupdecoude.—Laferme.Jen’aipaseuletempsdeprendremonpetitdéjeuner.—Ilyadescéréalesdanslegarde-manger,coupeOzzieavantd’ouvrirundossierdevantlui.

Nousavonsréuniàpeuprèsvingt-quatreheuresd’informations.Jepensequ’ondoitavoirquelquechosecommeuneheuredefilmvalableàvisionner.Unvolontaire?

Jelèvelamain.—Moiaussi.Çam’estégal,grogneTonienhaussantlesépaules.D’ailleurs,jesuisgrilléesur

lesite.—Bien. Toni etMay, vous vous y collez. Préparez-moi un rapport si vous voyez quelque

chosed’intéressant.Vousmeleremettrezenfindejournée.—Compris.Tonimefaitunsigneetjerépondsdemême.—Dev,emploidutempspourl’entraînement?—J’aiMaycematin,répondDev.Vousautres,vousfaitesleparcours.Desgrognementssefontentendreautourdelatable.—Pas de gémissements. Je l’ai changé cematin avant la réunion. Je pense que vous allez

aimer ceque j’ai fait.Regardez le protocole avant de commencer.Utilisez le chronomètre.Pasdetriche.Sijevousyprends,vousvousenrepentirez.

Jen’aiaucuneidéedecequepeutêtreleparcours,maisilnesembleguèreapprécié.—Jevaism’occuperdesentraînementsdeMaypourlemoment,continueOzzie.Savoixme

paraîtunpeubourrue. Je regardeautourdemoi,mais jenepeuxpasdire siquelqu’und’autre l’aremarquéounon.

—Pourquoi ?demandeDevvisiblementmécontent.Tupensesque jene suispas assezbonpourça?

—Si.Mais jeveuxquetu teconcentressur l’entraînementaucombat.Jevaism’occuperdesonrythmecardiaqueetlemettreàniveau.Aprèscela,nousnousoccuperonsdelamuscler.

Je me focalise sur les papiers qui sont en face de moi. J’ai envie de regarder Ozzie et

d’échangerdessouriresidiotsaveclui;mais,mêmemoi,jesaisquecen’estpasunebonneidée.Jeneveuxpaslegêneretqu’ilenvienneàmedétesteravantd’avoirpuluiplaireplusdevingt-quatreheures.Ceseraitunetragédiequ’ondécouvrequenousavonsfaitl’amourd’unefaçonextraordinairehiersoir.Pardeuxfois!

—O.K.Oncommenceaveclatrique.Jen’ai pas l’intentionde rappeler àOzziequ’ilm’apromisdem’apprendre à utiliser cette

arme. Il est en charge demon entraînement.Ce qui veut dire que je bénéficie déjà d’une attentionspéciale.Jeneveuxpasqu’onpuissepenserquejemeprendspourunesortedediva.

—Quoid’autre?demandeThibault.—J’aibesoindequelqu’unpourretrouverl’intrusd’hiersoir,répondOzzie.Ilaprisunair

mauvais.— J’ai bien compris, dit Thibault. Je ne suis pas sûr que je vais pouvoir trouver quelque

chose,maisjevaisessayer.—Ilyaurapeut-êtrequelquechosesurlesbandes,suggèreToni.—Soisattentiveàtoutcequetupeuxentendre,reprendOzzie.IlsetourneversLucky.Quoi

denouveauavecl’opérationBleuMarine?—Jenesaispas trop.Luckyparaît frustré.Jemesuispenchésur leursfinancesetellesont

l’airenordre…maisjesensqu’ilyaquelquechose.Ilsonteuraisondenousappeler.— Que veux-tu dire ? Ozzie s’est arrêté de jouer avec ses dossiers et regarde Lucky

attentivement.—Jenesuissûrderien.Ilfautquejemerendesurplaceetquejetâchededécouvrircequine

tournepasrond.—Vas-y.Mais neparle pas aux employés avant de rencontrer notre contact là-bas.Et, bien

évidemment,nedonnepastonnom,mêmepasànotrehomme.—Non,biensûrquenon.Jemerenseignepourdumatérieldepêche.—JemedemandecequevaenpenserSunny!Devaunsouriremalveillant.—CequeSunnyignorenepeutpasluifairedepeine.Luckyenvoiesesdossiersaumilieude

latable.Onafini?Ilfautquej’yaille.—Unrendez-vousgalant?demandeThibaultavecungrandsourire.—Situveuxsavoir,j’aiunrendez-vouschezlemédecin.Maismercidetesoucierdemavie

privée.Thibaultlèveunemain.—Àpropos, j’aibesoinde toutesvos feuillesdeprésenceavantce soir.N’oubliezpasque

vendrediestjourdepaie.Sivousvoulezêtrepayés,donnez-lesmoi.Pasd’excuses.Desgrognementssefontentendreautourdelatable.Jesuisunpeuinquiètemoi-même,parce

que je ne connais rien aux feuilles de présence. Faut-il que j’en fasse une aussi ou le fait d’être àl’essaim’endispense-t-il?

Thibaultlèvelesyeuxauciel.—Jelerépète,puisquenousavonsunnouveaumembredansnotreéquipe.Vousdevezremplir

votrefeuilledeprésencetouslesjoursenmêmetempsquevousréservezvosheures.Commeça,cen’estvraimentpaslameràboireenfindesemaine.

Ilmedésignedudoigt.—Jevaisremplirlatiennepourtoi,maisàpartirdelasemaineprochainetutedébrouilleras.Jefaisouidelatête.—Beuh,grogneDevenretournantsonpouceverslebas.Thibaults’énerve:—Bon sang, grandissez un peu. Il s’agit d’une feuille de présence, pas d’un test de calcul

infinitésimal.Ozzieselève.—Unechoseencoreavantquevousnepartiez.Jesuisprisedepanique.Jesaisquec’estirrationneletencomplètecontradictionaveclafaçon

dontilm’atraitéejusqu’ici,maiscequejecrainspar-dessustoutc’estqu’illeurparle.Va-t-ilrévélerquejesuisunedévergondéeetquej’aicouchéavecluiàpeinequelquesjoursaprèsl’avoirrencontrépourlapremièrefois?

—Nousavonsbesoind’unevoituredefonctionpourMay.Jesuisouvertàvossuggestionsquantàlamarqueetaumodèle.

Jesuistropstupéfaitepourpouvoirparler.Jevaisavoirunevoituredefonction?Est-cequecelaveutdirequejenesuisplusenpérioded’essai?Suis-jelaseuleàremarquerquec’estvraimentdelafolie?

—Quedirais-tud’unmonospace?proposeToni.Ellerenifle,satisfaitedesaplaisanterie.Jelafusilleduregard,oubliantmonappréhension.—Est-ce…quetuveuxdirequej’ail’aird’êtrelegenreàavoirunmonospace?Unemaman

avecuntasdegosses?Non,merci.Elles’énerve.— Tu es Bo Peep. Tu ferais aussi bien de travailler dans les conditions où tu peux être

naturelle.—Cen’estpasunemauvaiseidée,intervientOzzie.Letraître!Jeluifaisface.— Bien sûr que c’est une mauvaise idée. Horrible même. Je ne peux pas conduire un

monospace. Ils sont faits pour les mères de famille. Pour des femmes mariées, pas pour descélibataires.

Jen’aipasl’aird’uneconductricedemonospace,quandmême?J’aienviedepleurer.Jesaisquecevéhiculeestspacieuxetdisposed’unvastecoffre,sanscompterlaplacepourhuitpassagers,maisvoyons…Jevisseule,quediable!

—Tucrainsquecelacontrarietesoccasionsdesortieencélibataire?Impassible,Ozzieattendmaréponse.

Monvisagepasseparuneséried’expressions:frustration,embarras,tristesse,jalousie.—Commentsefait-ilqueTonipeutconduireunSUV?Oui, jefais l’enfant,maisquoi?Ellesebaladeavecunpantalonserréetdesbottesà talons

aiguilles. Je suis en espadrilles et j’ai droit à un monospace. Qu’est-ce que c’est que cesentourloupes?J’ensuisàmedemanderpourquoiOzzieacouchéavecmoi.Serait-ilbizarre,avecuncomplexed’Œdipe?

— J’ai un SUV parce que çame convient. Elleme fait un sourire dans lequel je sens unecertainesuffisance.Grrr,ellemériteraitvraimentuncoupdeTasermaintenant,ouauminimumunboncoupdesacdanslequelFélixauraitfaitpipi.

Jelaregarde,lesyeuxàdemi-fermés.—Unmonospacenemevapasdutout.—Etsijel’emmenaischoisirunevoiture?demandeDev.J’aidutempsunpeuplustarddans

lajournée.—D’accord,acquiesceOzzie.J’auraifiniavecellevers9heures.—Etmoi,avant14heures,ajouteToni.Jepensequ’elleprendtropsonaiseavecmonemploidutemps.Ilfaudraquenousayonsune

discussion à ce sujet toutes les deux. Je ne vais pas allerme plaindre àOzzie à propos de chosescommeça,surtoutmaintenantquenouscouchonsensemble.Jeneveuxpasbénéficierd’untraitement

spécial.Ouais,Tonietmoiallonsavoirunpetittête-à-têteenfindematinée;histoirederemettreleschosesenplace.

—Quedirais-tudemeretrouvericià14h30?medemandeDev.—Parfait.Tantquetun’aspasunearmesurtoiquetuprojettesd’utilisercontremoi.Ilsourit.—Jeneprometsrien.Jenesourcillepas.—D’accord.Moinonplus,d’ailleurs.—Oh,jeunefille,ondiraitunemenace!Thibaults’estmisàrire.Tuestombédansunnidde

guêpesavecelle,Dev.Jepensequ’ilvaudraitmieuxfairemarchearrière.—Cemot-là ne fait pas partie demonvocabulaire, répondDev. Il semet debout, avec ses

deuxmètrespresquedix.Jedoisadmettrequ’ilestassezimpressionnant.Maisjenevaispasdireàquiquecesoitque

celamefaitquelquechose.Jel’ignore.—Net’enfaispas,Thibault.Tusaiscequ’onditdestypescommelui.JedésigneDevd’uncoupdementon.LesyeuxdeThibaultrayonnentpresquedejoie.—Non,qu’est-cequ’ondit?—Plusilssontgrandsetplusilstombentdehaut.MêmeOzzieritlorsqueDevrépond:—Oh,paritenu,BoPeep.Onverraça,tupeuxycomptermaintenant.

CHAPITRE46

J’aimisdesvêtementsdesportet je retrouveOzziedans l’espacedegymde l’entreprise. Ils’estchangé,luiaussi,etjedétournelesyeuxdesonentrejambe.Jepourraisjurerqu’ilgrossitàvued’œil.Cen’estpascequivam’aideràmecalmer.Sontorseestmassifàlalumièredujouretjen’aipasoubliécettesensationdepuissancesousmesdoigtsnisanuditélanuitdernière.

—Jevais temontrer leparcoursd’entraînementdeDev,commeça tupourras le fairesansmoiparlasuite.

Monvisages’assombrit.J’oublieimmédiatementtoutesmespenséesérotiques.Leparcours?Personnen’aimeça.Jenesaismêmepasenquoiilconsisteetrienquecetteidéem’insupporte.

—Qu’est-cequetuas?medemandeOzzieenserapprochantdemoi.Jerecule.—Rien.Jeconsidèreleséquipementsetj’essaiedenepasavoirl’airtriste;essaie-t-ildéjàdenepas

tenirsapromessedem’entraîner?—Oncommenceparquoi?—Onnefait rienavantquetumedisescequej’aimalfait. Ilmeregardedetoutsonhaut,

l’airdenepasplaisanter.—C’est rien.Des trucsde fille. Idiotie.Allez,ons’entraîne. Il fautvraimentque j’arrêtede

geindrecommeça.Jecommenceàmedégoûtermoi-même.Ilresteimmobilependantquelquessecondes,puissedéplaceversmadroite.—Voilànotrefameuxaide-mémoire.Illeprendetmeleprésente.Sesmusclessetendentpourcesimplemouvement.Miam-miam.—Dev a répertorié ici une liste d’exercices qu’on doit exécuter sur telle ou tellemachine.

Chacundoitdureruneminuteetêtre répétéautantde foisqu’onpeut le fairesans troppeiner ;onlaissequinzesecondesentrechaque.Interdictiondes’arrêterpluslongtemps,sinonilsemetdansunecolèrenoire.

—Commentsait-ilsionsuitbiensonprogramme?—Parcequec’estunmonstre.Fais-moiconfiance,ilpeutdirerienqu’enteregardantsituas

triché.Jenesaispass’ilaunchronoets’ill’enclenchesansqu’onlesacheàl’autreboutduhangar,mais il sait. Si on triche sur le programme,on s’abuse soi-mêmeet on trompe l’équipe.Donc, net’avisepasd’essayer.Suislesindicationsduprotocole.

—Ça a l’air plutôt sinistre. J’essaie de plaisanter parce qu’une espèce de général nazi est

chargédemesexercices.Jenesuisplusaussisûredevouloirretrouverlaforme.—Nan.Tut’yhabitueras.D’ailleurs…çadonnedesrésultats.Ilmemontrel’aide-mémoire.— Voici le premier exercice. Dev a mis des numéros sur les machines. Le premier

entraînementsefaitsurlanuméro8.Tufaisdestractions,mainsderrièrelatête.Ilyadesschémaspourtemontrercommentfaire.Commeça,tupeuxvérifierpendantquetut’entraînes.

Ildésignelepapier,puissedirigeverslamachine.—Assieds-toi.Jeprendsplacesurunpetitbancd’exercice recouvertd’uncoussinnoiretattendsqu’Ozzie

continuecequ’ilaà faire. Ilmetunsélecteursur lespoidsque jevaisdevoirsoulever.Enfacedemoi, il y a le dessin dont il a parlé et qui décrit la façon de faire le mouvement. On y voit unepersonneabaissantlabarrejusqu’àlabasedesoncou;commeOzziemel’avaitannoncé.Jefaisouidelatête.Çaal’airassezfacile.

—Attrapecettebarreau-dessusdetoietdescends-laderrièretoncou.Faisdesmouvementslentsetmaîtrisés;autantquetupourrasavectesdeuxmainsbienécartées.

Il se penche et appuie sur le bouton d’uneminuterie attachée à lamachine avec des bandescollantes.

—Minuterieenmarche.Iltoucheunautrepoussoir.—Vas-y.Ledécomptedessecondesd’uneminutecommence.Jetirelabarreversmoietsourislorsquejemerendscomptequ’ilm’achoisiunpoidsqueje

peuxgérer.Jevaisyarriver.Jen’aimêmepasbesoindetrichersurletemps.Ozziefixedesyeuxlabarreentraindedescendre.Puisilmeregardeetmedévisage.—Tun’aspasmangétonomelette,remarque-t-ilàvoixplusbassepourqu’ellenes’entende

pasdanstoutl’entrepôt.—Jesais.J’attendsd’avoirfaitànouveaudescendrelabarreavantdecontinuer.Jenevoulais

pasquelesautreslevoient.Jesouffleparcequejedoisempêcherlabarrederemonterd’uncoupau-dessusdematête.Bon:cen’estpasaussifacilequejelepensais.

—Jet’aigênéeentelapréparant?Lespoidss’entrechoquentparcequej’aimalencontreusementperdulecontrôleduportique.—Doucement,intervientOzzie.Jetienslabarreplusfermementetcommenceuneautretraction.—Non. Jen’ai pasdu tout été embarrassée. J’étais contenteque tu l’aies fait.Mais… jene

voudraispasquelesautressachentleschosessitunelesouhaitespas.—Quoiparexemple?demande-t-il.Jeluttepourquel’axeneremontepastropvite.J’ail’impressionquelespoidsdeviennentplus

lourds,mêmesijevoisbienqu’Ozzienelesapastouchés.—Tusaisquoi.Jedevienstouterouge,enpartieàcausedel’effort,maisaussiparcequ’ilme

questionne.Nem’obligepasàledire.—Tuneveuxpasqu’ilssachentquenousavonscouchéensemble.Jelâchelabarrequiremonted’uncoupàsapositioninitiale,au-dessusdemoi.Lespoidsse

heurtentavecbruit.—Jen’aipasditça.Jem’essuielesmainssurmonshort;jesuisdéjàennage.Jenesaispassic’estl’entraînement

ounotreconversationquimefaittranspirer.—Situveuxquenousfassionsprofilbas,nouslepouvons,ditOzzieavecunhaussementdes

épaules.—Jepensesimplementque,silesautressavent,ilsvontpenserdumaldemoi.—Alors,ilsaurontaffaireàmoi,répondOzzie.Jenesaispass’ilenestconscient,maissa

poitrinegonfleunpeuquandilditça.Je souris parce que je vois que son instinct protecteur prend à nouveau le dessus. C’est

évidemmentl’unedesesqualitéslesplusattachantes.—Jepeuxmenermesbatailles,tusais.—Bien.Maistumeledissiquelqu’untecréedesennuis.Jesecouelatête.—Non,iln’enestpasquestion.—Tutriches!Del’autrecôtéduhangarunevoixs’estmiseàhurler,cequimefaitsursauter.Ozzieagiteleprotocolesousmonnez.—Allons,exercicesuivant.Ilsedirigeversuneautremachineetdésignelesiège.—Mets le minuteur en marche. Une minute. Ensuite, repose-toi quinze secondes avant de

recommencer.J’appuiesurcesnouveauxboutonscommel’afaitOzziesurlapremièremachine,puispose

mesmainssurmesjambes.Enfait,jesuisdéjàunpeuessoufflée.Quellepotiche!—Inscritstonpoidsàtrentekilos.—Jeferaiçapourtouslesexercices?Jemepencheetfaisglisserunsélecteurenmétalsur

lespoidspourarriveràtrente.Non.Devnousdonneunelistedecequenousdevonssoulever.Voicilatienne.Ozziedésigneundiagrammesurlapremièrepage:lespoidsdechacunpourchaquemachine

y sont inscrits. Ceux d’Ozzie sont importants, bien évidemment. Énormes si on les compare auxmiens.Ilestcensésoulevercentquatre-vingtkilossurcettemachine.Incroyable.Jeregardemieuxetvoisquelespoidsnevontquejusqu’àsoixante-dixkilos.

—Waouh!C’estunobsédédesentraînementsouquoi?Ozziemeréponddansunmurmure.—Disonsseulementqu’ilprendsonjobàcœur.— Tu triches, là-bas ! hurle Dev. Temps de récupération quinze secondes ! Pas un quart

d’heure!J’appuie sur laminuterieet commence l’exercice,mais j’ai tellementenviede rireque j’en

perdslamoitiédemesforces.Ozzieestobligédesedétournerpournepassemettreàrireaussi.—Dis-moi,qu’est-cequinevapasavecToni?Jemesensplusforteàprésentquemonesprit

seconcentresurlemystèrequereprésentesacolèrecontremoi.Lespoidsvolentpratiquementhorsdel’axe.

—Àquelsujet?—Toi.Vousavezcouchéensemble?Ozziegrimace.—Toni?etmoi?—Ouais.Jefaiscommesijen’enavaisrienàfaireetfixedesyeuxlespoidsquimontentet

descendentlentement,àmoncommandement.—Non.Jamais.—Alors,pourquoiest-ellefurieusecontremoiparcequej’aipassélanuitici?—Jenesaispas.Ilsecouelatête.Peut-êtrequ’elleesttropprotectrice.—Detoi?Jericane.C’estdrôle.

—Toniestloyale.Ellesefaitdusoucilorsqu’unétrangermetlapagailledanssafamille.—Etjesuisuneétrangère.Celamerendtristequ’onparledemoicommeça.Plusqu’aucuneautrechose,jeveuxavoir

maplace ici. Je n’ai pas pensé à faire des photos demariage depuis, disons, quarante-huit heures.Alorsquejen’aisongéqu’àçapendantlesseptannéesquiviennentdes’écouler.Liberté!Jeneveuxpasqu’onmelareprenneaumomentoùj’yaienfingoûté.Jepeuxbienm’avoueràprésentquejedétestaisceque je faisais. Il a falluque je rencontre lesBourbonStreetBoyspour lecomprendre,pourêtrehonnêteavecmoi-même.

—Jenediraispasça,pasexactement.Danssonesprit,tuesàl’essaipourlemoment.Maisnet’inquiètepas.Ellefinirapart’accepter.

—Sijesuisàlahauteur.—Tuleseras.Jepousselespoignéesdevantmoipourladixièmefoisaumomentoùleminuteurs’arrête.Je

grogne et soulève les poids qui me paraissent à présent quatre fois plus lourds que lorsque j’aicommencé.

—Argh!—C’estbien,majolie!hurleDev.Jerisetlâchelespoignéesavantquecesoitfini.Ozzieposesamainsurmonépaule.—Quinzesecondes.Repos.Tuvasenavoirbesoin.Jelèvelesyeuxverslui;lasueurcoulesurmonvisage.—Est-cequelesuivantestdur?Ilmesouritetbaissesavoixjusqu’àunmurmure.—Non,maisj’aidesplanspourcesoir.Jesuistoutàfaitincapabledemesouvenirdesexercicesquiontsuivi.J’avaislatêtevraiment

ailleurs,àmedemandercequ’ilallaitmefaireetcombiend’orgasmescelaimpliquerait.

CHAPITRE47

—Onappelleçarecherched’informations,m’informeTonienbranchantunordinateurquejen’avaispasencoreremarqué:ilsetrouvedansunensembledecabinesàl’autreboutdel’entrepôt,quenousatteignonsaprèsavoirtraverséundédaledeportesetcouloirs.

—Nousprenonstouteslesinformationsbrutes,nouslesinséronsdanscesdossiers,puisnousles examinons quand nous avons le temps. Parfois, nous utilisons des programmes informatiquespour nous aider, ou bien nous nous contentons de regarder les images en accéléré jusqu’à ce quequelquechosed’intéressantapparaisse.

Elleouvreundossieretcliquesurundocument.VoilàcequenousavonsrécoltéavecleParrothier.Nousavonsicil’enregistrementjusqu’à9

heurescematin.Elleselèveetvadansunecabineàcôtédecelleoùjemetrouve.Jevaiscommenceraveclalibellule;toi,tuprendsleParrot.NousregarderonslesimagesduGo-Pro27plustard.

Elle s’assoit devant le second ordinateur et ouvre un autre dossier ; puis elle prend des

écouteurssurlebureauetlesplacesursatête.Jeluidonneunpetitcoupsurl’épauleetellelèvelatête.—Donc…qu’est-cequejesuiscenséefaireexactement?Elleôtesesécouteursetsoupire:—Regardelavidéo.Marquel’heuredelaprisedevuesituvoisquelquechosed’intéressant.

Desclichésdefaces’ilyena.Elleestsurlepointderemettresesécouteurs,maisjel’arrêteavecuneautrequestion:—Qu’entends-tuparintéressant?Ellelèvelesyeuxauciel.—Seigneur,BoPeep.Tuveuxaussiquejetedonnelabecquéeaudéjeuner?Je me rassois et croise les bras. Je suis trop fatiguée après l’entraînement pour avoir la

patiencedesupporterça.Lespoidsquej’aisoulevésontdûépuisermoncorpsetmonesprit.—Bonsang!Peut-êtrequ’avantd’envenirlà,tupourraismedirecequetuascontremoi.Ondiraitqu’ellevasefâcher:—Jen’airiencontretoi.—Biensûrquesi.Ellehausselesépaulesetmeregardefroidement.—Tudeviensparano?Seigneur,BoPeep,détends-toi.Tuvashériterd’unmonospacetoutà

l’heure.Jetendslamainetluiretiredessienneslesécouteursqu’elleallaitremettreenplace.—Monospace,moncul.Jeneconduiraijamaisunstupidemonospace.Elleseretourned’unblocetmefusilleduregard.—Faisattentionàtoi,BoPeep.Iln’yapersonneicipourteprotégersitudisdesidioties.Jelèveunsourcil.—Etjesuiscenséeavoirpeur?Peut-êtreaurais-jeétéeffrayéehier,maisjenelesuispastantquecelaaujourd’hui,parceque

jesaisqu’Ozziemesoutiendra.Ilestévidentqu’ellem’enveut,etsijedoiscontinueràtravaillericiilvafalloirmettretoutçasurlatable.Sansdouteaussilafatiguedemonentraînementfait-ellequejenesenspluslapeur:jen’aiplusassezd’adrénalinepourrépondrecorrectementàlamenacedeToni.Enfait,jedevraisprobablementavoirsacrémentpeurmais,aulieudecela,jelaprendsdefront.

—Situétaismaligne,oui.Jeposemesmainssurlesbrasdufauteuil.—Disonsalorsquejenelesuispas.Quevas-tufaire?Mefrapper?m’attaquericiaumilieu

desordinateurs?medonneruneleçon?Ellefroncelessourcilscommesiellepensaitquej’étaisfolle.—Non.—Alors quoi ? Jene sourcillemêmepas.Qu’est-ceque tu as ?Pourquoi es-tugentille un

momentetlaseconded’aprèstuenvoiesuncoupdepiedsouslatableàThibault?Voilà.J’aidéballécequej’avaisàdire.Jepriepourquecenesoitpasunebêtise.—Dequoiparles-tu?—TuasenvoyéuncoupdepiedàThibaultparcequ’ilasuggéréquejeviennem’installerici

pourlanuit.—Cen’estpasvrai.—Si.Jel’aivu.—Monpiedadérapé.Cen’étaitpasvoulu.—Voyons!Arrêtetesconneries,etdis-moipourquoituasfaisça.Est-cequetuesamoureuse

d’Ozzie?Tuesjalouse?Elleenrestebouchebée.— Personne ne t’en tiendrait rigueur, tu sais. Il est beau, fort, célibataire, le patron d’une

affaireprospère.Ilestvraimentsuper!—Cen’estpasmontype.Tonidétournelatêteetreprendsesoreillettes.—Jenetecroispas.Tonim’ignoreetposesesécouteurssursesjoues.—Croiscequetuveux.Çam’estbienégal.Elletirelescoussinetssursesoreillesetappuiesurunetouchedesonordinateur.J’ai sur le bout de la langue de la traiter de p…mais jem’en abstiens.Au lieu de cela, je

prendsunstylosurlebureauetfaisglissermonbloc-notesverslagauchepourpouvoirécrire.Tonineveutpasdirequ’elle a lebéguinpourOzzie etmoinonplus. Il vapourtant falloir

qu’elleacceptelefaitqu’ilestàmoi.Àmoi,toutàmoi,rienqu’àmoi.C’estcommesij’étaisDaffyDuckdevenuavare:ilentasseuneénormepiled’oretcraintquequelqu’unviennelaluivoler.Bonsang!Jesuissacrémentamoureusedecethomme.

Jesoupireetappuiesur«Démarrer».Lavidéocommenceparmontrerlesarbresagitésparleventautourdelamaison.Riennipersonnenebouge,àpart lavégétation.Pasétonnantqu’aucunmembredel’équipen’aitmontréd’enthousiasmelorsquenousnoussommesportéesvolontaires.Jelancemonstylosurlebureauetmerenversedansmonfauteuil.Jemebalanceencadence,d’avanten

arrière,encoreetencore…—Tupeuxarrêterdefaireça?demandeTonienretirantsesécouteurs.—Quoi?Jecontinueàmebalancer.—Debouger.Elle saisit le bras de mon fauteuil et essaie de m’immobiliser. Je me dégage d’un coup

d’épauleetaccentuemonvaetvient.—Jepeuxmebalancersijeveux.Noussommesdansunpayslibre.Elle ne veut pas discuter avec moi de choses réelles, mais elle rouspète et pleurniche si

j’essaied’êtreunpeuplus confortabledans ce fauteuil tropdur ?Non, jene suispasd’accord. Jen’acceptepascesimbécilités.

Je fixe l’écran comme s’il requerrait toute mon attention. L’adrénaline bat fort dans mesveines.J’aitoutàfaitl’impressionqueTonis’apprêteàmesauterdessus.Sij’avaismonTaseravecmoi,j’auraisretirélasécurité.Enl’état,jeréfléchis,dansl’espaceconfinéoùnousnoustrouvons,àcequipourraitsetransformerenarmedéfensive.Devseraitfierdemoi,mêmesijenevois,commepossibilité,quelesécouteursdeToni.Qu’est-cequejepourraisfaireavecça?Luitaperlatêteetlesépaulesaveclescoussinets?

— Est-ce que tu t’écoutes un peu ? demande-t-elle. “Nous sommes dans un pays libre” ?Vraiment,tuesquoi?Unegaminededixans?

—Suffisammentvieillepourreconnaîtrelajalousiequandjelavois.Jefaislesgrosyeux,laprovoquant délibérément. Si elle se met suffisamment en rogne, elle finira peut-être par direpourquoiellem’enveut.

—Jalouse?Moi?Tupensesquejesuisjalousedetoi?— C’est évident. Sinon, pourquoi est-ce que tu te comporterais tout le temps comme une

salopeavecmoi?Jen’aipasletempsdemepréparer.Elleestassisedansunfauteuilàcôtédemoiet,laseconde

d’après,ellemesautedessus.Elle m’a cravaté une demi-seconde plus tard et mon fauteuil a été éjecté. Elle m’écrase à

moitiésouselle,lesdeuxgenouxparterre.—Commentoses-tumetraiterdesalope!hurleToni.Mesmainsessaientdesesaisirdequelquechose…n’importequoipourqu’elles’arrête.Jecrie:—Tumefaismal!etj’attrapesajambe.Ellemeserreplusfort.—Lâchemajambe,saletédeBoPeep!—Arrêtedem’appelerBoPeep!—Tupeuxtoujourscourir!—Etmaintenant,quiest-cequiadixans?—Laferme!Mes doigts cherchent à tâtons le fil des écouteurs, le trouvent et le tirent aussi fort que

possible.Jelafrappeaumentonaumomentoùjeparviensàmeremettresurmesjambes.Maiselleneveutpasmelâcher.Jelèvelamainaussihautquepossibleetattrapeunepoignée

desescheveux.J’assuremapriseettiredetoutesmesforces.—Aïe!Ellehurle:Veux-tulaissermescheveux!—Lâchemoncou.Jemanqued'étouffer.Mavuesetrouble.—Toid’abord.Ellesoufflecommeuntaureauencolère.Tupeuxycompter.C’estellequiacommencé,c’estàmoide terminer labesogne.Jeferme

monpoingsurlefiletlafrappeàlacuisse.

Sajambeseplietandisqu’ellehurlededouleur.Ouais,voilàunebelleriposte,salope.J’aiunesœuraînée,alorsjesaiscommentonselibère

d’unecravatemieuxquepersonne.Ellerelâchesapriseetjemerelève,lapoussantaussifortquejepeux.L’adrénalinedécuple

mapuissanceet,commeelleestunpoidsplume,jel’envoievaldinguer.Elleatterritsurledos,cognelecoindesonfauteuil.Iltombeetl’entraîneausol.

Jemejetteparterreàcôtéd’elle,surlesgenoux,j’attrapeunedesesmainsetenroulelefilàtoute vitesse autour de sonpoignet.Elle est commeunveaudans les rodéos.Avant qu’elle se soitremise demon coup à la jambe, jeme saisis de son autremain et ligote les deux ensemble. Lesécouteursviennentcognermamainquandj’arriveàl’extrémitédufil.

—Tufaisquoi?hurle-t-elle.Ellehalèteetjepensequejel’aifrappéeunpeutropfort.Elleal’aird’avoirvraimentmal.

—Jeteficellejusqu’àcequetutesoiscalmée.— Tu ferais mieux de partir en courant, gronde-t-elle, se débattant contre mon nœud

inefficace. Je ne peux pas le serrer, si bien qu’elle ne tardera pas à pouvoir s’échapper et elle vavouloirmetuer.

Je regarde autour demoi à la recherche d’une solution. Tout ce que je vois, ce sont deuxfauteuils.

J’enattrapeunetlerenverse,leluibalançantsurlatête;ledossierestsursadroite,lesbrasàgauche.Celaformeunpontau-dessusdesesmainsligotées.Jemeperchedessus,utilisantmonpoidspourl’empêcherdebougeretm’inclineau-dessusdesonvisagerougecommeunetomate.

—Dis“pouce”etjetelaisseteremettredebout.—Quandjet’auraimisuncouteausurlagorge.Pasavant.Ellecrachepresquetellementelle

esthorsd’elle.Je cligne des yeux à plusieurs reprises, essayant de savoir si elle est sérieuse.On le dirait

vraiment.—Tuferaisça?Jesuisblesséerienqu’àcetteidée.Etcertainequ’elleneprendraitpasune

armecontrequiconquedansl’équipe,mêmesielleétaitfurieusecontreeux.Ellene répondpas.Elleme regardeaveccolèreet continueàessayerde se libérer.Elleva

probablementyarriverbientôtmais,commejesuisassisesurcefauteuil,ellen’irapasbienloin.—Lâche-moi,dit-elled’unevoixpluscalme.Maisondiraitplutôtuncalmemortel,etjene

luifaispasdutoutconfiance.Jeluirépondsavecunsourire:—Peuxpas.Jen’aipasenviedemouriraujourd’hui.Toute cette affaire est vraiment ridicule. Nous sommes deux adultes et nous nous battons

commedesgosses.Surlelieudetravail!Jefaisdesvœuxpourqu’aucuncollèguenevienneicietnousprennesurlefait.

—Alors,tun’auraispasdûm’attaquer.Jefroncelessourcils.—Hé,cen’estpasjuste.Tuascommencé.Jemesuisdéfendue,toutsimplement.—Tul’avaischerché.Jesecouelatête.—Non,non.Jet’aidemandédem’expliquerpourquoituavaisl’airjalouseparcequejesuis

iciavecOzzie.C’étaitunequestionfondée.Ellemeregardependantuntempssilongquej’enviensàmedemandersiellenemanquepas

d’oxygèneouDieusaitquoi.Jefinispardemander:

—Tuvasmerépondre?—Jenesuispassûrequecesoitunebonneidée.Sonmentonserelèveunefractiondeseconde.—Pourquoinon?—Parceque.Tuneserasprobablementmêmeplusicilasemaineprochaine.—Quiest-cequiditça?—Moi.—Waouh.Mercipourtaconfiance.—Taplacen’estpasici.—Oh.Jemefrottelapoitrineavecunemain.Voilàquifaitplutôtmal.—Laferme.—Non.Jesuissérieuse.—Tuvois?Tuestropsensible.Taplacen’estpasavecnous.Pourquoiest-cequetunet’en

rendspascompteettiresgentimenttarévérence?—C’estcequetuferaisàmaplace?—Non,sûrementpas.—Alors,moinonplus.—Tun’espasmoi.Nousnenousressemblonspas.C’estfou!Jel’aiinsultéeenluidisant,plusoumoins,quejel’admire.Tuparlesd’ungâchis!—Peut-êtreque jeveux te ressemblerdavantage. J’essaiededire lavérité.Que jevoudrais

êtreplusdure,plusautonome.Ellemedévisage,sansdoutepourvoirsijenelamènepasenbateau.Manifestement,ellene

saitplustropoùelleenest.Jeviensdeluifaireunassezbeaucompliment,maisest-cequeceseraassezpourqu’ellenesoitplusencolèrecontremoi?Jecommenceàcomprendred’oùpeuventvenirsesémotions.

—Noussommestropdifférentes,finit-ellepardire.—Oh,jen’ensuispassûre.Jecommenceàmoinspesersurlefauteuil.Jesuisnouvelle,mais

j’aimetoutlemondeici.Jevousrespectetousénormément.Jesaisàquelpointvoustravaillezdur,etcommevousêtestousloyauxlesunsenverslesautres.Vousvouleztousqu’Ozziesoitfierdevousetc’estunpatronextraordinaire.Jesaisquetuétaislaseulefilledel’équipeavantmonarrivéeetqueleschosesvontêtredifférentesmaintenantquenoussommesdeux.

Elleregardeailleurset jesaisàprésentque je l’aipercéeà jour.Ou,dumoins,que jen’ensuispasloin.

—Mais cela ne veut pas dire que tu vas perdre quoi que ce soit. De tes résultats. De tescompétences.

—TuarrivesàfairevolerleParrotmieuxquemoi,murmure-t-elle.Deslarmesseformentaucoindesesyeux.Jevoisbienqu’elleestfurieusedemontrercette

petitefaiblesse.Sonvisagereprendunairmauvais.—Etalors?Tufichesdescoupsdepiedauculmieuxquemoi.J’essaiedesourire,maiselle

continueàmefusillerduregard.—C’est ce que dit la fille quime bloque en s’asseyant surmoi dans un fauteuil. Tum’as

ligotéeavecmespropresécouteurs,May!—Tum’asappelée“May”.Jemepencheetluidonneunpetitcoupsurlenez.Elleesttellementmignonnequandelleest

fâchée.Jesuisheureuseparcequ’ellenem’apasappeléeBoPeep.—Malangueadérapé.Elleveutcontinueràêtreencolère,maisjenevaispaslalaisserfaire.Jepropose:

—Etsinouspassionsunaccord?—Surquoi?—Jeteprometsdet’apprendreàfairevolercetrucstupideettumelaisseslapossibilitéde

gagnertonrespect.Elleregardeautourd’ellesansvouloirposer lesyeuxsurmoi.Unelarmes’échappedeson

œildroitets’envacoulerdanssescheveux.—Jen’aipasbesoind’uneautreamie,finit-ellepardire.Sesyeuxviennentàlarencontredes

miens;ilssesontadoucis.—Jenetedemandepastonamitié.Jevoudraisavoirtonrespect.Jesuistristededireça,maisc’estlavérité.Sielleneveutpasêtremonamie,jenepeuxpas

l’yforcer.Pourtant,jenesuispassûrequ’onm’aitjamaisrepousséedelasorte.Jeneplaisantaispas:çafaitmal.

—Situlemérites,tul’auras,reprend-t-elleenexpirantavecunsifflement.—Donne-moiunechance,c’esttoutcequejetedemande.—D’accord.Maintenant,laisse-moimerelever.Lediables’empareànouveaudemoi.—Pasavantquetuaiesdit“pouce”.Ellemejetteencoreunregardnoir,maisjecontinueàluisourire.Savoixsefaitbasseetmenaçante.— Si jamais tu dis à qui que ce soit que j’ai dit “pouce”, je te poignarderai pendant ton

sommeil.Jeris.—Dis-leouOzzieviendrateservirtondînersouscefauteuil.Sesdentsgrincentlesunescontrelesautrespendantquelquessecondesavantqu’ellesedécide

àparler.—“Pouce”.Etmaintenant,libère-moi,bonsang!Jerepousselefauteuiletmerecule,attendantquecettenon-amieréduiteàunpetittasdefureur

selèveetessaiedemetuer.Mais elle ne fait rien contremoi.Elle se contentede semettre sur ses pieds, d’installer les

fauteuilscorrectementetdedesserrerlefildesesécouteurspourlibérersespoignets.Lorsqu’elleafini,elles’assoit,ajustesonéquipementetretourneàl’enregistrement.

Jeprendsmonsiègeàcôtéd’elleavecprécautionetredémarrelavidéo.Jelasurveilleducoindel’œilenmemettantautravail.Durantlestroisheuresquisuivent,l’attaquesurprisefaçonninjaàlaquellejem’étaisattendueneseproduitpas.

27.Ils’agitd’unemarquedecamérasminiaturiséestrèsperformantes:ellespeuvents’attacheràdescasques,desskis,desplanchesàvoile…etfilmerlesportifenaction.

CHAPITRE48

—Tuesprête?demandeDevquandilarrive.Ilfrottesespaumesl’unecontrel’autre.JemetslamaindansmonsacetagrippemonTaser.—Prêtepourquoi?—Achatdevoiture.Ilal’airétonné.Cen’estpascequenousdevionsfaire?Jeressorsmamain.—Oui,biensûr.Tucroyaisquejeparlaisdequoi?Ilmemontredudoigtetfaitunclind’œil.—J’aimelesjeuxintellectuels.Tonstylemeplaît.Jelèvelesyeuxaucielpendantquenousnousdirigeonsverssavoiture.—Jen’aipasdestyleparticulier.—Oh,que si,BoPeep !Tupeuxme faire confiance ! Il rigole tandisqu’il plie songrand

corpspourentrerdanssagrosseguimbarde.Jemonteàcôtéde lui,étonnéepar lepoidsde laporte.Ceprogrammed’entraînementm’a

exténuée.Jevaisajouterdescourbaturesauxanciennes.Àsedemandersijepourraim’enremettre.Toutdansmoncorpsmefaitmal…chaquemuscle,chaqueosetjusqu’àladernièredemescellules.

Ilsortenmarchearrièreduhangaretjeréfléchisàcequ’ilvientdedéclarer,àcequeTonim’adit;àlamanièredontmescollèguesagissentavecmoi.MêmeOzzie.

—Vousautrescontinuezàm’appelerBoPeep;jedoistedirequejeneprendspasvraimentçapouruncompliment.

Dev braque le volant en le faisant tourner et tourner encore du plat de lamain. Il lui fautpresquecinqtourscompletspourfairepivoterlavoituredequatre-vingtdixdegrés.

—C’estuncompliment.Maisc’estpeut-êtreseulementsa façonde tedireque tu feraisuneexcellentecouverture.

—Queveux-tudire?Ilplisseleslèvres.—Hum,commentdireçasansquetusoisfâchée…—Net’inquiètepasàl’idéedepouvoirm’offenser.Tonis’enestchargée.—Hum.J’essaieseulementdetrouverunemanièredetemontrer…quejesais.Ilfaitungeste

enl’air.TupensesàquoilorsquetuvoisOzzie?Ilmeregardeetattendmaréponse.J’ailesyeuxquimesortentdelatête.Est-ceunequestionpiège?Unefaçond’aborderlesujet

demarelationaveclepatron?Merde!

—Queveux-tudire?Jefeinsuneindifférencequejen’aipas.—Ilestlà,àcôtédetoi,avecsonT-shirtetsonjean,bottesetcoupedecheveuxmilitaires…tu

pensesàquoiquandtuvoisça?O.K.En l’occurrence, je ne vais pas répondrebeautéextrême,même si c’est la vérité.Dev

essaiedem’entraînerdansuneautredirection.—Euh,commando?Jemesensrougir.Jeveuxdire,unmilitaire,jenepensepasà…untype

ensous-vêtements.Devsemetàrire.—Excellent.Ilmeregardeetsouritavantdereporterlesyeuxsurlaroute.Exactement.C’est

ceque tout lemondepensequandon le regarde.On le remarque toutde suite. Il a l’airmenaçant,commequelqu’unqu’ilnefautpasquitterdesyeux.Ilnepassenullepartinaperçu.C’estabsolumentimpossible.

JeregardelesjambeslonguesetmaigresdeDev.—Çadoitêtredifficilepourtoiaussi,non?—Ab-so-lu-ment.Onleremarqueetmoipareil.Pasmoyenquej’aillequelquepartincognito.

Jenesuisbonqu’àdéplacerdescorpsdansdescoffresdevoitureouàconduireunvéhiculepourquel’équipepuissesetirervitefait.Et,detempsàautres,pourfairedistraction.

—Ettuveuxdirequemoijepourraismerendreinvisible?Ilrit.—Bonsang,oui,toic’estsûr.Jesoupire,vaincue.—Tuesentraindem’expliquerquej’ail’aird’unemamandansunmonospacequin’arienà

sereprocher?Ilfroncelessourcils.—Euh,non.Pasexactement.Jeregardeparlavitre,etj’essaiedenepasmesentirblesséeparcequ’ilvientdedire.Jesais

qu’ilvautmieuxêtreunemamangâteauqu’unedureàcuire,maiscelaneveutpasdirequej’aienviedeledevenirdansunavenirproche.

—Cequejevoulaisdire,c’estquetupeuxtemêlerfacilementàungroupe.Situveuxjouerlesménagèresdebanlieue,tuferasçatrèsbien,aveclabonnecoupedecheveuxetlesvêtementsadhoc.Mais,situveuxjouerlesfemmesfatales,tuyréussiraségalement.

Jeleregardepourvoirs’ilsemoquedemoi,maisilsemblesérieux.Ilreprend:—Tupeuxavoirunpantalonencuir,destalons,changerdecoiffure…facile.Tudeviensune

autre.Etpourtant,personnenetepercevracommeundanger.—Parcequejesuisunefemme?—Parceque tu asquelquechosededésarmant. Il sourit et tend lamainpourme tapoter le

bras.Nesoispassitriste.C’estunavantageimmensedansnotremétier.Jehaussel’épaule,unpeurassérénée.—J’imaginequecen’estpastrophorrible.—Non,fais-moiconfiance…êtreunatout,c’esttop.LaseulefoisoùOzzieatravaillésous

couvertureavecnous,c’étaitpourl’opérationHarley.Ilyatropdegensimpliquésdanscetteaffaireen ville et il ne pourra pas recommencer de sitôt. Il ne peut plus rien faire pour lemoment… etpendant un bon bout de temps. Quant à moi, je n’ai jamais été sur le coup. Nous n’avions queThibault,TonietLuckyauparavant.Maintenant,tueslàaussi.

Unlégersentimentdepeurmepincel’estomac.

—Pourunemissiond’infiltration?Ilremueunpeu.—Disonsplutôtqu’ils’agiraitd’allerquelquepartetquepersonneneteremarque.Dev oblique vers la route principale, en direction de cette partie de la ville connue pour

rassemblerungrandnombredeconcessionnairesdevoitures.Jefaissignequejesuisd’accord.—O.K.Jepensequejepeuxacceptercetteprésentationdemonrôle.— Le monospace serait super parce que tu pourrais transporter tout l’équipement de

surveillancenécessaireetleschiens;et,bienévidemment,s’ilfautpasserinaperçue,rienn’estmoinsremarquablequ’unepoulettedansunmonospacepourfamillenombreuse.

Jesoupirebruyamment.—Et nous revoilà avecmoi dans le rôle de la promeneuse de chiens et de lamaman qui

emmènesesgossesàunmatchdefoot.Ilritmaisnerépondpas.Nous passons quelques minutes sans parler et je me rends compte que c’est maintenant le

meilleurmomentpoursoutirerdesinformationsàunevictimesansméfiance.—Alors…qu’est-cequinevapasavecToni,dis-moi?—Queveux-tudire?Ilposesonpoignetenhautduvolant.L’autrebrasestappuyésurlavitre

ouverte.—Est-cequ’elleestamoureused’Ozzie?Pourquoiest-ellesifâchéedem’avoiravecvous?—Ozzie?Ilrenifle.Iln’estpasdutoutsontyped’homme.Jefroncelessourcils.—C’estcequ’elleadit,mais…Jevoisqu’ilmeregardeducoindel’œil.—Qu’est-cequ’ilya?—Tunecomprendspas,n’est-cepas?—Comprendrequoi?Jen’aimepasquetoutlemondesoitdanslesecretetpasmoi.—PourquoiOzzien’estpassongenre.Alors,jecomprends.—Oh,C’est une…est-ceque…hum…Jen’arrivepas à le dire. Jeme sens complètement

idiotemaintenant.—Unequoi?Ils’amusemanifestementdemagêne.Lesmotssortentdifficilement.Serais-jesiprude?—Unelesbienne?Ilsemetàrire.Trèsfortettrèsbruyamment.—Quoi?Jemesensmalàl’aise.—Difficileàdirepourtoi,jelevoisbien.—Laferme.Jedétournelesyeuxetregardeparlavitre,monvisageestenfeu.Jepeuxtedire

quejeconnaisbeaucoupdepersonnesgays.J’aiplusieursamisquilesont.—J’ensuissûr.—Parfaitement!Jeleregarded’unairfurieux.Commentpeut-ilsavoirqu’enfaitj’aiunseul

amihomosexuel?M’aurait-ilespionnée?—Jetecrois.MaisTonin’estpaslesbienne.Pourautantquejelesache,entoutcas.Jeluidonneuncoupdanslescôtes.—Pourquoitum’aslaissépenserçaalors,espèced’idiot?Ilcontinueàrireetmetsamainsursescôtes,àl’endroitoùjel’aifrappé.Quandils’arrête,il

pousseunsoupirdeplaisir.

—Ah,disdonc,c’étaitformidable.Ilsetourneversmoietmeregarde.J’aimebienquandtunesaisplusoùtemettre,c’esttout.

—Tuesvraimentbizarre.Jesourispresque,maistentedem’enempêcher.Ilattenddepouvoirs’arrêterderire,puisilessaiedeparlerànouveau.— Elle a vécu des choses difficiles. Ozzie l’aide à s’en sortir. De toute façon, elle ne

s’intéresseraitpasàuntypecommelui,mêmepourtoutl’ordumonde.—Deschoses?quelgenredechoses?—Jenesuispassûrqu’elleaimeraitqu’onenparle.Maistupourraisleluidemander.Ilal’air

absolumentraviàcettepensée.—Pourqu’ellem’envoiebalader?Non,merci.—Jecroisquetuescapabledegérerça.Iladitcelasuruntonmystérieux.—Qu’est-cequetusous-entends?—Oh ! Un petit oiseaum’a dit qu’il y aurait eu comme un crêpage de chignon cematin

pendantlaséancederecherched’informations.Jemesensdéfaillir.—Quoi?Quit’aditça?Ilhennit.—PasToni,çajepeuxtel’assurer.—Alorsquelqu’unnousaregardéescematin?C’estpastrèsdélicat.—Hé,vousfaitesdufoin,alorslesgensviennentvoircequisepasse.Ilal’airdeprendreça

àlalégère.Jeplongemonvisagedansmesmainsetresteprostrée.—MonDieu,Tonivametuer.—Net’inquiètepaspourToni.Arrange-toipouravoirtoujoursdesécouteursavectoiettout

irabien.Jetourneetretournel’incidentdansmatêtetandisqueDevcontinueàconduire.Qu’est-ceque

jevaispouvoirfaireàprésent?Ellenemepardonnerajamaisdel’avoirpiégéesousunfauteuilsielleapprendquelesautresontvucequis’estpassé.

Devmetapotel’épaule.—Tefaispasdesouci.Personneneluidirarien.—Ellevamedétesterjusqu’àlafindestemps.Jerelèvelatête.Jesuisdéjàmalpartieavec

elle.—C’estpasgrave.Continueàtravaillerduretellefiniraparselaisseramadouer.Jerenifle.—Ouais,d’accord.—Elle est dure,mais elle n’est pas stupide. Elle va voir que tu es une bonne recrue pour

l’équipeetellesedétendra.—Tuessûrdeça?Jesuisunebonnerecrue?—Tuaseuledessussurmoideuxfoisdesuite.SurToni,unefois.Personnenet’aencore

battue. Il parle d’un air détaché. Et, comme je viens de le dire, tu peux prendre n’importe quelleapparence.Tuesuncaméléon.

Jemarmonne:—JepréfèrecesurnomàceluidecettestupideBoPeep.Il rit et continue à rigoler en entrant dans un parking où sont rangés, bien visibles, dix

monospaces.

CHAPITRE49

Deuxheuresplus tardetaprèsdes tasdecomparaisons,essaisdeconduiteetmarchandagessur les prix, je faismon entrée dans le hangar avecmonvéhicule de fonction.C’est uneoccasionrécente:uneToyotaSiennagold.Ah.Jeladéteste!Jesensquej’aiprisdixansrienqu’àmetrouverau volant. Je devrais probablement aller échanger Félix et choisir un golden retriever pour fairebonnemesure.

Lorsquejelevoisaccourirversmoidepuisl’autreboutdel’entrepôt,tellementheureuxqu’ilaprislaformed’unevirgule,jedécidequec’estuneidéeidiote.Félixestmonpetithomme.Peut-êtrequejepourraisluitrouverunsiègeautopourchienquejefixeraisàl’arrière.S’ilfautquej’aiel’aird’unemamanavecdesgossesquivontjoueraufoot,jepourraisaussibienavoirunsiègebébé,non?

Ozziedescend l’escalier et ferme laportièrecôtéconducteuràmaplacependantque jemebaisse pour prendre Félix dans mes bras. Je m’amuse de l’amour de mon chiot heureux pendantquelquessecondes,ettentedecalmerlesbattementsdemoncœurparlamêmeoccasion.Ozzieessaiedenepassouriredevantl’enthousiasmedeFélix.Jelesais.Sonvisageletrahit.

—J’aimebientanouvellevoiture,remarque-t-il.—Jeladéteste.Lorsquejevoissonexpression,jemedépêched’atténuermoncommentaire.—Jeveuxdire,jeneladétestepas,maisjenel’aimepas.Ohlàlà.Ilmedonneunevoituredefonctionetjeluidisqu’ellenemevapas.C’estgentil!Illèveunsourcil.Jesoupire.—J’aihorreurd’avoirl’aird’unemamangâteaualorsquejen’ensuispasune.Jenemesuis

jamaisimaginéecommeça.Lamouequejefaisn’estpassimulée.IlmedonneunepetitetapedansledosetmeprendFélix,joueavecsesoreillesminuscules.Le

petitvoyouessaiedeleléchercommesisavieendépendait.Jenepensemêmepasqu’ilcomprennecequ’ilfait.Moncœursecalmeetsefaittouttendre.Jeneluienveuxplusdem’obligeràconduireunmonospace.

—C’est une voiture de fonction, rien de plus. Si tu ne veux pas la conduire en dehors dutravail,c’estcommetuveux.Maisjepréféreraisquetut’encontentespourlemoment,jusqu’àcequenoussoyonssûrsquetoutvabiencheztoi.

Devdescenddesavoitureetnousrejoint.

—Tuesprêtepourtonentraînement,BoPeep?—Jecrois.IlfautjustequejefassefairesapromenadeàFélix.Jem’apprêteàprendremonchiendanslesbras,etprétendsfairefid’undangerpossibledans

lecasoùjeconduiraismavoiturerouge.Jeneveuxpascroireunechosepareille.—C’estdéjàfait,intervientOzzie.IlsedétournepourquejenepuissepasprendreFélix.Va

fairetesexercices.Jevousrejoinstoutdesuite.Jemedirigelentementversl’endroitoùDevaplacédesmatelassurlesol.Ozzies’éloigneet

déposeFélixàcôtédesapetiteamie.Lesdeuxchienss’envontversuneautrepartieduhangar,nouslaissantentrehumains.

Mon corps proteste énergiquement contre l’activité planifiée parDev et imaginée parmoncerveau.Mesmusclesmedisent : trop,c’est trop.Jen’aiplusenviedemebattreaujourd’hui.MaisOzziemesurveille, sibienque jenepeuxpasmedéfiler.D’ailleurs, si jeveuxqueTonimefasseconfianceetarrêtedem’embêter,ilfautquejem’entraîne.JedoisagircommeelleleferaitdansmasituationetjesuisbiensûrequeTonisebattraitjusqu’às’écroulerdefatigue.

Devsesaisitdeprotectionspourlesbras.—Mets-les.Jesuiscontentedelesavoir.—Ettoi?Ilsetientlàdeboutsansrienfaire.—Jen’enaipasbesoin.Jerenifle.Onvabienvoir.Ilseretourneversunetablederrièreluietyprenddeuxtriques;ilm’entendune.—O.K.Voilà.Lapremièrechosequ’ilfautquetuapprennes,c’estcommentlatenirici,parce

bout,aprèslapoignéeencuir.Jefaislesgrosyeux.—Ouais,commesijenepouvaispasm’enrendrecomptetouteseule.—Tuesunemarrante?D’accord.Trèsbien.Metstamaindroitederrièretoi.Pose-laenbas

detondos.J’imitesesmouvementsetjemesensplusvulnérableavecunseulbrasactif.Jedemande:—Pourquoiest-cequ’onfaitcommeça?—Çat’aideraàfortifierlesmusclesqu’onutilisepourl’équilibre.Etçaempêcheratonautre

brasd’êtrebriséparlebâton.— Oh ! Brisé ? Il est fou ? Je pense que je ne vais plus poser de questions à partir de

maintenant.—Tuaspeur?medemande-t-ilavecdesétoilesdanslesyeux.Jerelèvelementon.—Non.Ettoi?Je le taquine du bout de ma trique à deux reprises. Même à mes yeux qui n’en n’ont pas

l’habitude,ellemeparaîtrienmoinsquemoelleuse.Ilrit.—Àpeine.Devélèvelatriqueàlahauteurdemonvisage.—Metstamainplusloin.Ilfautlaisserdépasserunboutdubâton:ainsitupourrasl’utiliser

pourfrapperquelqu’unquis’approcheraitdetropprès.—Jepensaisdonneruneracléeaveclegrandboutàquiviendraitmechercherdesnoises.—Cen’estpastoujoursaussifacile,répond-ilsèchement.

Jeremonteunpeumamainlelongdumanche.—Nel’empoignepastropfort.Tuvasattraperunecrampe.—O.K.,pastropserré.Cetrucidiotmenacedem’échapper.—Plusfortqueçaquandmême.Ilfautquetuarrivesàletenirdefaçonstable.Situlatiens

tropfermement,tuvasm’indiquertesintentionscommesitum’envoyaisuntélégramme.Etcen’estpascequetuveux.

—Non,sûrementpas.—O.K.,premièrerègle:bougetatriquesansjamaist’arrêter.Ilsemetàlafairetournoyer

autourdesonvisage,desesépaules,puisdubasdesoncorps.Mesmouvementssontàl’évidencemoinsgracieux.—Pourquoi?—Parceque.C’estmieux.Tunedoispasbaisser tagarde.Par ailleurs, tes coupspartiront

plusrapidement.Ilbougeunpeusursespieds.Etn’arrêtepasdebouger,toinonplus.Jeneveuxpasquetumetombesendormiedanslesbras.

Ilsetendenavantetfrappematriqueassezfort;ilafaillimelafairesauterdelamain.—Hé!jen’étaispasprête!—Ilfauttoujoursl’être.Ondiraitpresquequ’ilvoitàtraversmoi,etjesuisvraimentcontented’avoirdesprotections

surlebras.—Souviens-toidel’acronymeBEDS.Ilfaitquelquespassurlecôté.Jecontresesmouvementsenpartantdansladirectionopposée.—BEDS?—Oui.BEDS.Cesonttespositionsdéfensives.Bloquer.Éviter.Détourner.EtSupprimer.Jelesrépètedansmatête.—O.K.Compris.BEDS.—Prêêêête….Bloque!Ilseruesurmoi,latriquelevéeau-dessusdesatête.—Ah ! J’esquive le coupet lèvema triquehorizontalement sansvraiment savoir ceque je

fais.Sonbâtons’abatsurlemien,faisantvibrerlesosdemonbras.—Bien!Recommence!Bloque!Satriquefondànouveausurmoi.Jelebloqueencore,maisjenecriepascettefois-ci.—Excellent!Évite!Ilbalancelebâtondecôtéversmoietjesautehorsdesaportée.Ilbouge

tropvitepourquej’aie le tempsdepenseretdesavoirquoifaireensuite.Jefonctionneà l’instinctpourlemoment.

—Parfait!Attention,merevoilà!Jefaisunnouveaubond,maismatriques’estabaissée.Sonarmelafrappeviolemment.—Hé!tum’auraisfaitmal!Jecrie,furieusequ’ilseprenneaujeusisérieusement.—Alors,mieuxvautnepasêtretouchée.Ilsedéplacetoutautourdutapis,essayantdetrouver

commentm’approcher.Moncœurbat follement tandisque jebrandismonarme.Nepasarrêter.Nepasarrêter.Ne

jamaisarrêter.Unepartiedemoidésirefuir l’entrepôtenhurlant,mais l’autreveut luidonneruneleçon.Commentunprofesseurose-t-ilsecomporterainsi?Qu’a-t-ilfaitdelaméthodedukaraté28?KaratéKidnes’estpasmisàfrapperlesgensdèslepremierjour.

— C’est quoi “détourner” ? Je hurle la question, et j’essaie de le distraire de son enviemeurtrière.

—Unmélangede“éviter”et“bloquer”.Veniràlarencontredubâton,maiss’enservirpourlerenvoyerparsaforcepropre,sansprovoquerlamort.

Jenesaispasdutoutdequoiilparle.Lapaniqueaugmenteenmoi.Jesuissûrequ’ils’apprête

àm’attaquerencore.Sijevomissurmonadversaire,est-cequej’aigagné?—Etledernier?Monsoufflesortparsaccades.Supprimer?—Celui-là n’a pas besoin d’explication, gronde-t-il. Sur cesmots, il se précipite surmoi,

triquelevée.J’esquisseunpasdecôtéetfaisfaceàsatriquequandelles’abat;j’essaiedelafairerebondir

loindemoi.Mais,aulieudecela,ellepartdansl’autresensetmetoucheàl’épaule.—Oh!Bonsang,cequeçafaitmal!Jemanquedem’écroulerenessayantdeluiéchapper.Le

brasaveclequeljedevraisfrapperestcommemortàprésent.Jen’arrivepresquepasàsoulevermonarme.

—Prépare-toiàdirebonsoir!s’exclameDevquicontinueàmetournerautouretàs’avancersurmoi.

Jesoulèvemonarmeauniveaudemacuisseetplacemonautremainsurledessus,formantunegrandelettre«P».

—Pause.—Pasdepause!Lamortauperdant!Ilpousseuncrideguerretonitruantetfoncesurmoi.Jebaissemamaindroiteetyfaitpasserlebâton.LebrasdeDevs’estlevéetilseprépareàbalanceruncoupquimemettraàterre.Detoutesmesforces, je lancedanssescôtes la triquequise trouveàprésentdansmamain

droite.Lorsquejel’atteins,sonvisageprenduneexpressioncomique.Choc.Douleur.Colère.Douleurànouveau.Jebondishorsd’atteinteaumomentoùiltrébucheets’écroulesurletapis.Samainlâchele

bâtonquirouleetrésonnesurlesoldecimenttandisqu’ilsemetenboule.—Oh,merde,gémit-il.Jecroisquetum’ascasséunecôte.Jem’appuiesurmonbâton,pliéeendeuxpourreprendremonsouffle.Jenesaispassijesuis

incapablederespireràcausedel’effortouparcequej’aieulapeurdemavie.Jenepeuxpascroirequejel’aiebattu.

—Désolée.Jesouffleavecdifficulté.—Net’excusepas.Ilgeintàplusieursreprises.Bonsang,jenet’aipasvuechangerdemain!—Ah?—Est-cequetuseraisambidextre?J’essaied’êtrecourtoise.—Unpeu?Ilgémit,etsemetàrire.Puisilgeintencore.—Oh,merde,cequeçafaitmal.Laporteenhautdesmarchess’ouvreetOzziedescendavecThibault.Lorsqu’ilsnousvoient,

ilsaccélèrentetsemettentàcourirversnous.—Ques’est-ilpassé?demandeThibault.—Ilditquejeluiaidéfoncéunecôte.ThibaultsedétournepourqueDevnelevoiepassourire.Ozzies’accroupitetmetunemainsurl’épauledeDev.—Tupeuxtemettredebout?—Simesamism’aidentunpeu,répond-il.Onentenddanssavoixqu’ilavraimentmaletje

mesensencorepluscoupable.—Jesuisdésolée,Dev.Vraiment.Jen’auraispasdûyalleraussifort.Ilsepenche,aidéparOzzie.— Ne t’excuse pas. Il tient sa main contre ses côtes. C’était formidable. Je te l’ai

dit…couvertureparfaite.Ilgrimacequandilessaiedebouger.—Hôpital?demandeThibaultàOzzie.—Onlemontelà-hautd’abord.Jevaisregarder.À eux deux, ilsmettentDev sur ses pieds.Ce n’est pas facile parce qu’ilmesure aumoins

trente centimètres de plus queThibault.Ozzie fait le plus gros de l’effort. Il passe doucement sesmainssurlacagethoraciquedumaîtred’armes.

Devsetientlégèrementpenchéenavant,levisagecrispédedouleur.—Ques’est-ilpassé,monvieux?luidemandeThibault.—Ellem’adupé.J’enailesoufflecoupé.—Quoi?J’aiétéparfaitementréglo.Jepointemonbâtonverslui.Ilestparticommeunfou

pour l’entraînement ! Pas de mise en train, rien. Seulement vlan, vlan et vlan ! Bloque, évade,défense…

—Détourne,pasdéfense,coupeDev.—Peuimporte!Tuesarrivésurmoitroprapidement!Jen’avaispaslechoix.Jebaisselesyeuxversletapis.Jemesenscoupable.Pourquoi,jenesaispas:jemedéfendais

seulement. Je suis presque contente de ne pas avoir eu mon Taser à portée de main. Je l’auraisélectrocuté,puisfrappéavecmatrique.

—Qu’est-cequisepasse?demandeTonidepuislehautdel’escalier.—BoPeepaeuledessussurDev,expliqueThibault.Écœurée,Tonisecouelatêteetrentredansl’appartement.Super.Toutàfaitcedontj’avaisbesoin.Toniestfurieusecontremoipourçaaussi.—Jen’aipasbesoind’alleràl’hôpital.Çava.Jepensequej’aiseulementunecontusion.Ilse

redressemais,immédiatement,ilseplieunpeuànouveau.Peut-êtrequesi.Ozziemontrelaportedel’entrepôt.—Ilfautquetupassesuneradio.Devs’envaentraînant lespieds.Lorsqu’ilafaitquelquesmètres, il regardepar-dessusson

épaule,autantqu’illepeut.—Gardelatrique.Exerce-toi.Tuneseraspasaussiveinardeunesecondefois.—Jevaisleconduire,proposeThibault.Ilvientversmoietmetsamainsurlehautdemon

bras.Bravo.Neculpabilisepas.Tuasgagnédanslesrèglesetsansl’ombred’undoute.J’essaiedesourire,maisjefaisplutôtunegrimace,commesij’avaismalauventre.—Merci,Thibault.Ilm’adresseunclind’œil.—Jet’enprie.Cen’estpassouventqu’onvoitungéantàgenoux.Jenevoudraispasmesentirtropfièred’avoirréussiàfaireça,maisc’estdifficile:ilaparlé

deDevcommed’ungéant.Ilestvraimentgrand.Notrecombatdevaitavoirl’airdelalégendairelutteàmortentreDavidetGoliath.

JesurprendsOzzieentraindemeregardertandisqueThibaultmonteenvoitureavecDev.Jedemande:—Qu’est-cequ’ilya?Ilsecouelatête,sonexpressionindéchiffrable.—Rien.—Jepeux rentrer chezmoimaintenant ?Mavoix est commeuneplainte. Je considèrema

Sonic.J’aibesoind’unedouche,dechangerdevêtementsetjesuisfatiguéedetouscescombats.Ilvientversmoi,metsamainàl’arrièredemoncouetsepencheversmoipourmeregarder

danslesyeux.

—C’esticicheztoiàprésent,tut’ensouviens?Je bats des cils à plusieurs reprises mais je ne réponds pas. Des émotions diverses me

submergent.Jesuisheureuse,effrayéeettristetoutàlafois.C’estpossiblequejesoisprochedemesrègles.

—Oh,j’avaisoublié.—Monte alors. Fais ce que tu as à faire. La réunion de l’après-midi commence dans une

heure.J’acquiesce.Ilvasansdoutevouloirparlerdecequej’aivusurlesenregistrementscematin,

cequiveutdirequemajournéen’estpasencoreterminée.Jemedirigeversmavoiture,maisc’estseulementpourydéposermatrique.Jem’entraîneraiplustard,quandjeneseraiplusici.Peut-êtreaurai-jeletempsd’allervoirJenny.EllenevapasvouloirentendreparlerdecettearmeprimitiveetjesuiscertainequeSammyauraenviedefrapperdesarbresoudesmeublesdejardinavec.

Monterl’escaliertientduvéritableexploit.Ilfautquejem’agrippeàlarampepouryarriver.J’aimanifestementexagéré.Pasdesexepourmoicettenuit.

QuevaenpenserOzzie?Est-cequ’ilaenviedefairel’amouravecmoimaintenant?Ysonge-t-ilaussi,commejel’aifaittoutelajournée?Ilestprobablementbeaucouppluscalmeàcesujetquejenelesuis.Jesuiscertainequ’ilpeutarriveràtravailleretàvivreavecmoisansperdrelaboule.Cen’estpasmoncas.

Lesémotionsm’envahissentetcommencentàdéborder.Qu’est-cequejefaisici,bonDieu?JenepeuxpasvivreavecOzzie!Jeneveuxpasmebattreàcoupsdebâtonavecmescollègues!C’estridicule!Jephotographielesmariages,bonsangdebonsang!

Jeprendsmonportabledansmapocheaumomentoùj’arriveenhautdesmarchesetouvrelaporte.J’aibesoindel’aidepsychologiquedemasœur.Immédiatement.

Jennydécrocheaprèsdeuxsonneries,mercimonDieu.—Salut,sœurette!Quesepasse-t-il?JetraverselacuisinesansadresserunmotàToni.—Unbrindecausette,c’esttout.J’attendsd’êtredanslachambre,portefermée,pourmemettreàpleurer.

28.Laméthode«wax-on-wax-off»estcélèbredanslekaraté.Elleconsisteàgagnerdelaforcedanslesbrasparadditiondelaforcedel’adversaire;ils’agitdemouvementscirculairesdanslesensdesaiguillesd’unemontre.BruceLeefutunfameuxKaratéKid(danslefilméponymedeJohnG,Avildsen,1984.)

CHAPITRE50

—Hé,hé,hé!C’estquoiceslarmes?interrogeJenny.Jepleureencoreplusfort.Chaquefoisqu’elle fait comme si elle était ma maman, c’est ce qui arrive. Je me transforme en nourrissonpleurnicheur,çaneratepas.

Jeparleentredeuxsanglots.—Jenesaispas.J’avaisseulementbesoind’entendretavoixetquetumedisesquejeneme

conduispascommeuneimbéciled’idioteici.—Oùc’est“ici”,machérie?Ellenesaitpascequis’estpassélanuitdernièreetjesuisbiensûrequejenedevraispaslelui

raconter.Ellemediraitdevenirchezelleetjenepeuxpas.Siunemenacepèsesurmoi–cedontjedoutevraiment–jenevaispaslaluiameneràdomicile.Elleestvraimentunemamangâteauavecdesenfants qui jouent au foot. Ou, dumoins, elle le sera quand un de ses gosses décidera qu’il veutcommencercesport.

Jeprécise:—Jesuisauboulot.—Pourquoiest-cequetupleuresàtontravail?Ilsontétédursavectoi?Jerisàtraversmeslarmes.—Non,pasdutout.Ilssonttrèsgentils.ÀpartToni,maisnousn’allonspasparlerd’elle.—Alors,qu’est-cequinevapas?Tuastesrègles?—Non.J’essuiemonnezd’unreversdemainavantderegardersijetrouveunmouchoir.J’enprends

undanslaboîtequisetrouvesurlatabledenuit.—J’aipassélanuiticietj’aicouchéavecOzzie.C’étaitfou!—Waouh!Unefollenuit?Cen’estpaslamêmechosequ’unecoucherienormale?— Idiote. Évidemment que non. Elle a déjà réussi à me faire sourire.Mes larmes coulent

toujours,maisjenesangloteplus.—O.K.Alorspourquoiest-cequeçatefaitpleurer?Jesoupire,etj’essaied’oubliermonchagrin.—Jepeuxêtrehonnêteavectoi?—Euh,biensûr.—Jeveuxdire,sansquetupaniquesàmonsujet.

Troissecondessepassentavantqu’elleneréponde.—Vousavezeuunrapportanal?C’estdeçaquetuveuxmeparler?JenniferAlexandriaWexler!Non!Cen’estpasçadutout!Quandjemeremetsdecequ’ellevientdesuggérer,jerisànouveau.Elleestfolle.—D’accord.Alors,c’estquoi?Dis-lemoibonsang!Ellerigoleelleaussi.Jenepeuxpasluiexpliquerpourquoijesuisbouleverséesielleneconnaîtpastoutel’histoire.

Jesuisnavréed’avoiràluidirequelquechosequipourraitl’inquiéter,maisjen’aipaslechoix.J’aibesoindesesconseils,parcequejenepensepaspouvoirdéciderraisonnablementtouteseule.Moncœurdevientpartiallorsqu’ils’agitd’Ozzie.

—Hiersoir,l’alarmes’estdéclenchéechezmoi.Ilyavaitunintrusdanslejardin.—Ohnon!Ellearrêtederire,toutdesuitesoucieuse.—Ozzie était avecmoi. Il a transféré l’alerte à la sociétéquigère les alarmes après s’être

assuréqu’iln’yavaitpluspersonne;maisiladitqu’ilfallaitquejeviennechezluietquej’yrestejusqu’àplusampleinformation.

—Benvoyons.J’entendslesouriredanssavoix.—Cen’estpasuneplaisanterie,Jen.— Bien sûr que non. Je suis heureuse que personne n’ait réussi à entrer par effraction et

qu’Ozzieaitétélàpourteprotéger.Continue.—Unechoseenamenantuneautre,nousavonsfaitl’amour.Àdeuxreprises.—Hum…—Etc’étaitvraiment,maisvraimentbien.—Maispasanal,hein?—Arrête ! Je ris derechef. Je ne peux pasm’en empêcher.De toute façon, c’est beaucoup

mieuxquedepleurer.—Désolée,jen’aipaspumeretenir.—Entoutcas…j’ensuisseulementàmondeuxièmejour.Alorsvoilà,jetravailleavecluiet

jepassemontempsàpenseràcequenousavonsfaitlanuitdernière.—Etjesuissûrequeluiaussi.—Tusaisça,toi?—Commentpourrait-ilenêtreautrement?Leshommespensentausexeplusdecentfoispar

jour.Oubienest-ceunmillier?Jenesaisplus.Maissûrementbeaucoup.Ettunecroispasqu’ilarevécu tous lesmoments passés avec toi ? Imaginant tous ceux qu’il veut connaître par la suite ?Voyons!Cetypeaprobablementeuuneérectioncontinuetoutelajournée?

—Jen’ensaisrien.— Eh bien moi, si. Sans l’ombre d’un doute. Fais-moi confiance. En ce moment, il doit

probablementêtreentraindet’imaginerdanslasalledebains.—Ohlàlà.C’estd’unérotisme!— Tu n’as pas idée de ce que les hommes peuvent trouver sexy. Ce sont de vrais chiots

malades.—Maiscommentest-cequetusaistoutcela?Tum’effraies.—Quepuis-jedire?Milesparlaittrop.—Beurk.TousleshommesnesontpascommeMiles.—Si.Ilslesonttous.Sansexception.Etàpartça?pourquoiest-cequetupleures?Jehausselesépaules.—Jenesuispassûre.—Tuvasavoirtesrègles.C’estforcé.—Non,pasdutout.Jepenseque…çafaittoutsimplementbeaucoupd’uncoup.Jechangede

boulot,jecommenceàtravailleravecdesgensvraimentbien,saufqu’ilssontunpeufous,jecoucheavecmonnouveaupatron…etj’habitechezlui.Tuterendscompte!Monchienestamoureuxdesachienne…c’estfou!Dingue!Quiest-cequifaitdeschosespareilles?!

—Çaal’airbeaucoupplusintéressantquemavie.Tusaiscequej’aifaitaujourd’hui?—Non.Ques’est-ilpasséaujourd’hui?Jem’essuieànouveaulenezetsoupirebruyamment.

Jemesensdéjàmieux.— J’ai retiré du siphon de la douche une pelote de cheveux grosse comme un ballon de

baseball.—Beuh.Jem’imaginelascène.Masœuradescheveuxtrèslongsetépais.C’estdégoûtant,

Jen.Jenesaispaspourquoitum’asracontéça.—J’avaisenviedel’envoyeràMiles,etpuisjenel’aipasfait.—Çavautprobablementmieux.Pasbesoinqu’ildemandeàtefaireinterner.—S’ilnevientpaschercherlesenfantsceweek-end,ilvasavoircequeveutdire“dément”

d’unpointdevuelégal.Fais-moiconfiance.—S’ilnetientpassapromesse,c’estmoiquileferai.Jesuistoutémueenpensantàmasœur

etàsesgosses.Aumoins,ilyadeschosesquinechangentjamais.Jepeuxtoujourscomptersurleuramour,emballédansbeaucoupdebruit.

—Etquepensel’hommedetaviedetoutceci?s’enquiertJenny.—L’hommedemavie?Quelhomme?—Félix.—Oh.Jel’imagineentraindedormiravecSahara.Ilestamoureuxdelachienned’Ozzie.Il

nevientmêmeplusdormiravecmoi.—Ehbien!C’estsérieux.—Jesais.—JepensequetudevraistefieràFélixenlamatière.—Vraiment ?C’est plutôt dingue,mais je trouve ça tout à fait sensé. Félix nem’a jamais

laisséetomber.—Jenesaispas.Est-cequeleschiensn’ontpasunsixièmesensquandils’agitdeshumains?Jeréfléchispendantuneseconde.—Ilasespréférences.—Ildétestaitundetespetitsamis,tut’ensouviens?Jerenifle.—Commentpourrais-jel’oublier?Cetypeétaituncriminel,chosequ’ilavaitoubliédeme

direlorsquejel’airencontré.—Heureusementquetasœurestunasdel’ordinateurpourpouvoirvérifierleschoses.Jesouris.—Tum’assauvée,unefoisdeplus.—Ouais,sûr.Jesuislàpourtoi.Toujours.—Merci,sœurette.—Alors,tuvastenirlecoup?Jehochelatête,etjemesensbeaucoupplusrassuréequ’ilyadixminutes.— Oui. J’ai peur que mon cœur soit brisé lorsqu’il verra que nous ne sommes pas

véritablementfaitsl’unpourl’autre,maisjusquelàautantquej’enprofite.—Ouais, amuse-toi.Excellente idée.Tune peuxpas passer ta vie à t’inquiéter pour ce qui

pourraitsepasserdemain.—C’estàpeudechosesprèscequ’ilm’adit.—Tuvois?Manifestement, ilestfort intelligent.Quandest-cequetul’emmènespourqu’il

fasselaconnaissancedesenfants?—Jepeux?!Jedevrais?!Cen’estpastroptôt?—Jenevoispascommentçapourraitêtre trop tôtsi tucouchesavec lui.J’imaginequeça

veutdirequetuessérieuseetc’estcequiestimportant.—Peut-êtrequejefaisl’amouravecluiparcequejesuisnaturelleetlibreetquejemènema

vieensuivantmesdésirs.—Ouais,d’accord.Combiendetempsa-t-ilfalluàtonderniercopainpourquetutelibèresen

sacompagnie?—Quatremois.—Tuvois.Ilestévidentquecetype,Ozzie,estdifférent.Amène-ledemainsituenasenvie.

Leslasagnessontdéjàprêtes.Jemordsmalèvreinférieureetréfléchisàsaproposition.—Jeteleconfirmerai.—D’accord.Écoute,Sammynefaitpasdebruitdepuisunbonmoment,alorsilvautmieux

quej’aillevoir.Ilestprobablementencoreentraindedécapitertouteslespoupéesdesessœurs.—Ehben.Voilàquin’estpasdutoutflippant.—C’estungarçon.Ellesoupire.Lesgarçonsnesontpascommelesfilles.—Bien.Tuferaismieuxd’allerl’enfermer.Merci,Jenny.Jetesuisvraimentreconnaissante

desupportermesdélires.—Cen’estpasdélirant.Tuesunefille,voilàtout.Ettuasledroitd’agircommetelle.—Jet’aime.—Etmoidavantage!Salut!Elleraccrocheavantquej’aieeuletempsderépondre.Bon sang. Je déteste quand elle gagne aussi facilement à notre petit jeu du « je t’aime

davantage».Jeluienvoieunpetittextoavantd’éteindremonportable.Moi:T’aimeplusencore!Na!

CHAPITRE51

J’utilise un gant de toilette humide pour effacer les signes de ma courte déprime. Puis, jeretournedanslacuisineavecunevigueuretunedéterminationnouvelles.JerejoinsOzzieetToniàlatable.LuckyarriveaumomentoùOzziecommenceàparlerets’assoitàcôtédemoi.

— Est-ce que l’une de vous deux a trouvé des informations intéressantes aujourd’hui ?demandeOzzieàToni.

—Passûre.J’ainotédeschoses.Ellesortunbloc-notesd’unclasseuretfaitcourirsondoigtjusqu’aubasdelapage.Jepensequequelqu’unadûouvrirunefenêtreàunmomentdonnéparcequej’airéussiàcapteraussidesconversationsàl’intérieurdelamaison.

—Bien.Ozzieapprouved’unsignedetête.—J’aientenduuncertainnombredegarsdeBourbonStreetquiparlaientdetoutetderien,

quiplaisantaient.Puisilyaeuunediscussionàproposd’unennuiqu’ilsontetquin’apasencoreétérésolu.

—Ont-ilsditdequoiils’agissait?—Non,maisilsrépétaientunnom:PetitRouge29.Commesic’étaitlapersonneoulachose

quiposaitproblème.Ilsdisaientqu’ilfallaityremédier.Ozzieacquiescelentement,lesyeuxdanslevague.—Qu’est-cequeçaveutdire?Jesuisperplexe.— Les gangs utilisent des codes tout le temps et pour tout. Petit Rouge pourrait être un

arrivage de drogues, des importations illégales, un gang rival, un dealer qui ne paye pas saredevance,unsimple individu…tantquenousnepouvonspas le situerdanssoncontexte,nousnesauronspascequec’est.

OzziefocaliseànouveausonattentionsurToni.—Dunouveaulà-dessus?Ellesecouelatête.—Non,mais je peux te dire que c’est presque toujours lemême typequi a parlé de ça. Je

pensequ’ilestarrivétardàcetteréunion.J’avaisl’impressionqu’ilcausaitd’unmembred’unebanderivale,àmoinsqu’ilnesesoitagid’affaires.

Lesyeuxd’Ozzieseplissent.—Àquelleheureas-tuentendusavoixpourlapremièrefois?Toniparcourtlespagesdevantelle.Elles’arrêtesurlaquatrième.—23h33,ouàpeuprès.

Ozziesetourneversmoi.—Regardecethorairedanstesnotes.Est-cequetuasvuquelqu’unarriverjusteavantça?Mon travail était plus facile que le sien, si l’on en juge par nos notes. J’en aimoins de la

moitiédessiennes.—Septpersonnessontarrivées.C’esttout.Etquatresontsorties.J’essaiedetrouversurlapagel’horairequicoïncideaveclesobservationsdeToni.—Deuxhommessontentrésavantqu’elleentendecetteconversation.Jecompulsecequej’aiettrouvelesdeuxpersonnesdontj’aiprisdesclichés.—Onnevoitpasleurfigure,simplementleurtêteetleurcorps.Ilfaisaitassezsombre.Je les passe à Ozzie qui les examine attentivement. Lorsqu’il regarde la deuxième

photographie,ilfroncelessourcils,laretourneetlatientdetellemanièrequejepuisselavoir.—Tureconnaiscelui-là?Toutcequejevois,c’estunesilhouettepenchéeenavant:l’hommeporteunmanteaufoncéet

lesommetdesatêtebrille.Soncrânereflètelalumièred’unréverbèreproche.— Pas vraiment. Je suis embarrassée comme si je devais m’excuser. Je n’avais pas pensé

qu’onmeposeraitdesquestions.Ozziereprendlaphoto,laretourneetlascrutependantquelquessecondessupplémentaires.—Jepensequec’estDoucet.TonitendlamainversleclichéetOzzieleluifaitglissersurlatable.Jedemande:—QuiestDoucet?Toniopine.—Jesuisd’accord.Ilyaplusieurspointsderessemblance.Carrure,stature.Têtechauve,bien

évidemment.Ozziesoupire,meregardeaveccequ’onpourraitpenserêtreduregret.—DavidDoucetestl’hommequinousatirédessusdanslebar.Unfrissontraversemoncorpsetmabouchedevientsèchetoutàcoup.—DavidDoucetestletireur?Rienquesonnommeglacelesang.—Oui.IlestlefrèredeGuyDoucet,celuiquimèneladansedanscettepartiedelaville.—Alorstupensesquec’estluiquiparledePetitRouge?demandeToni.—Peut-être.Ozzies’adresseàToni.Qu’as-tud’autresurlui?Ellefaitunemoue.—Jepourraisréécouter.Maintenantquejesaisàquiappartientlavoix,deschosesqu’ilaura

ditesprendrontdavantagedesens.—Oui.Trèsbien.Demain.Ilmeregarde.Tuasquelquechosed’autrepourlesarrivéesetles

départs?—Voyons… j’ai ces types qui arrivent ensemble. Je lui passe mes clichés.Mais seuls les

quatre premiers sont repartis. Ceux qui sont arrivés plus tard sont restés au-delà de la durée del’enregistrement.

—Etàquelleheures’est-ilarrêté?Jeregardeladernièrepagedemesnotes.02h14.OzzieretourneàToni.—ReprendslabandeduParrot.Jeveuxvoircequis’estpasséjusqu’à6heures.—Compris.Ellefaitminedeselever.—Demain.Tuasassezfaitpouraujourd’hui.—Sûr.Pasdeproblème.Toniserassoit.

—Ya-t-ilquelquechosed’autrequejedevraissavoir?Ilbalaielatabledesyeux.—J’aiachetédel’équipementaujourd’hui,répondLucky.—Et?—Etleschosesnes’additionnentpascorrectement.Aupropreetaufiguré.—Queveux-tudire?Luckysegrattelatête.—Jenesuispasabsolumentcertain.Ilal’airennuyéetcroiselesbrassursapoitrine.—Ilsontlesdépensestypiquesd’uneaffairedeventeaudétailquiassureégalementleservice

deleursproduits.Ilsvendentetilsréparentdesmoteursdebateaux,laplupartdutempsdansd’autresstructures.Avecdesconcessionnairesquitravaillentpoureux,surethorssite.Ilssalarientégalementdes vendeurs employés par ces mêmes concessionnaires. Mais si on consulte leurs rapportsfinanciers, on s’aperçoit qu’ils dépensent beaucoup d’argent dans des domaines qui ne devraientreprésenterqu’unpourcentageminimedeleursfraisdefonctionnement.

—Parexemple?OzzieécouteLuckytrèsattentivement.Tonietmoifaisonsdemême.—Prenons,sivouslevoulezbien,leurdispositifd’éliminationdesdéchets.Ilsontdumazout

usé dont il faut qu’ils se débarrassent lorsqu’ils vidangent lesmoteurs des bateaux.La plupart desentreprisespaientpourqu’onvienne les endéfaire etpour traiter les résidus.Rienquedenormal.C’estcequefaitBleuMarine.Leproblèmeestquecegenredeservicedevraitreprésentermoinsd’unpourcentdeleursfrais.PourBleuMarine?C’estpresquedixpourcent.

—C’estridicule.Ozzieal’airfurieux.—Jesais.Etilyamieux.Leserviced’entretienmonteaussiàdixpourcent!Jesuisallédans

leurmagasin.Ilyadelapoussièrepartout.Lestoilettesn’ontpaséténettoyéesdepuisdessemaines.Lesemployésquitravaillentsurlesitedisentquelespoubellessontvidéesetqu’ilsvoientquelqu’unvenirdetempsentempslanuit.Mais,pourlasommequelespatronsdéboursent,toutdevraitbriller.Ilspourraientpratiquementpayerunepersonneàpleintempsaveccequ’ilsontdépensécetteannée.

—Quoid’autre?—Lalisten’enfinitplus.Despiècesré-usinées,desretours,desservicesintermittents.Toutce

quevousvoulez:leurschiffressonttruqués.—Alors,qu’est-cequ’onfaitmaintenant?Ozziesecaledanssonfauteuil.Luckydécroiselesbrasetposesesmainsàplatsurlatable.—Il fautque jeprennecontactaveccesprestatairesetque jevoiecommentçasepasse.Si

c’estuniquementlefaitd’unchefd’entreprisearchinulquinesaitpascommentnégociersesachats,alorstoutvabien.Nouspouvonsyremédier.Maisjecrainsbienquecesoitplusquecela.Ilsecouelatêtecommes’ilétaitembêté.Voussavezcommeilestdifficiledeprouverunemalversationsansaveu.

—Bienévidemment,BleuMarinepenseaussiqu’ilyaquelquechosed’autre.C’estpourcelaqu’ilnousaembauché.Parleaveclesprestatairesdeserviceetdis-moicequetuaurastrouvé.Sinousavonsbesoind’aveuxàlafindenotreenquête,nouslesobtiendrons.J’aiseulementbesoindepreuvesquej’apporteraidanslaconversation.

—D’accord.Tuveuxquejem’ymettemaintenant?—Non.Demain.Toutlemondeafini.Ozzieselève.Vouspouvezpartir.JesuissûrqueDevet

Thibaultsontàl’hôpitalpourencoreaumoinsdeuxheures.Onreprenddemainmatin,8heures.Touslessiègesraclentleparquetenmêmetempstandisquenousnousmettonsdebout.—Turestes iciavecmoicettenuit,ajoute-t-ilenmeregardant. Ilparleavec l’autoritéd’un

patron,maisleregarddesesyeuxestceluid’unamant.JepensequeJennyavaitraison:ilapenséàfairel’amouravecmoi.Unetouteautresortedefrissonmeparcourtàprésent.

— Je peux te parler en privé uneminute ? lui demandeToni. J’ai l’impression qu’elle fait

exprèsdenepasmeregarder,alorsqu’elleenaenvie.Jesuisimmédiatementsoupçonneuse.—Biensûr.Jeteraccompagne.Je fais semblantd’êtreoccupéeparmespapiers tandisquemescollèguesquittent lacuisine

ensemble.Félixtraverselapièceencourantetsautesurmesgenoux;ilessaied’atteindremonmenton

pourmelécherfougueusement.—Oùétais-tupassé,espècedepetitfripon?Saharaentredanslacuisineàsasuite,avancelentementetvients’asseoiràcôtédemachaise.

Jelagratteunpeuderrièrelesoreilles,puisjemelèveetreposeFélixparterre.—Alors,qu’est-cequisepasse,leschiens?Jerigoletouteseule.L’humouridiotestunede

messpécialités.Vousavezpasséunebonnejournéeàvousreniflerl’unl’autreetàmangerlamêmechosequetouslesautresjours?

Ilslèventtouslesdeuxlatêteversmoietmeregardentavecdesétoilesdanslesyeux.—Jenevaispasvousdonnerdesfriandises.Nemeregardezpascommeça.Félixgémit.—D’accord.Peut-êtreunpetitquelquechose.Jemedirigeverslecellieretj’yentrepourvoir

ce que les étagères peuvent proposer. C’est assez fascinant de voir le cœur même de la cuisined’Ozzie.Toutest rangéavecdesétiquettes.Lesboîtesdeconservesontdansuncoin, lesboîtesencartondansunautre,sibienquelesingrédientspourlepetitdéjeuneretledînersontséparés.

J’entendsdubruitdel’autrecôtédelaporteetj’imagineuninstantquecesontleschiensquifontdesbêtises;mais,ensuite,jemefigeparcequ’ilyamaintenantdesvoix.Onvientd’entrerdanslacuisine.

—J’attrapececlasseuretjet’accompagne,ditOzzie.—Onpourrait aussi bienparler ici, répondToni d’un ton irrité.Lesmurs ont des oreilles

dansl’entrepôt.—Alorsvas-y.Qu’est-cequitepréoccupe?—Jeneveuxpasd’elledansmesmissions,voilà.Jedevinequejesuiscette«elle»qu’elleneveutpasavoiràbâbord.—Jecomprends,maisjepeuxt’assurerquetun’aspasdesouciàtefaire.Ellerenifle,sceptique.—Écoute, jesaisque tuveuxtecroire impartialet toutça,maiscen’estpas lecas.Tout le

mondevoitquetut’intéressesàelle.—Qu’est-cequitefaitdireça?—Allons. C’est évident. Tu lui donnes une période d’essai de quatre-vingt dix jours et le

lendemain,tuluiachètesunevoituredefonction!Tul’installesdanstonappartement!Seigneur,Oz,pourquoiest-cequetunevaspasluiacheterunefoutuebagueetlademanderenmariage?

—Tudépasseslesbornes.Ozzieal’airencolère.Jemereculeunpeuplusdanslefonddel’office.Laporteestlégèremententrebâilléeetjeprie

pour qu’ils ne puissent pas voir l’intérieur de là où ils se trouvent. Ils penseraient que je les aiespionnésexprès.

—Quoi,jenesuisplusautoriséeàdirecequejepenseici?—Tupeuxlefaire;mais,cequejen’appréciepas,c’estquetutemêlesdemavieprivée.Ou

decequetucroisêtremavieprivée.—S’ilnes’agitpasdeça,peux-tum’expliquerpourquoielleatouscestraitementsdefaveur?Jedétestecesmots-là.«Traitementdefaveur».Jesavaisbienqu’elleseraitfurieuseparceque

toutlemondemecajolebeaucoupici.Merde!—Jen’aipasàt’expliquerquoiquecesoit.Aucasoùtul’auraisoublié,c’estmoilepatron.

—Autrefois,tumedisaistout,Ozzie.Ques’est-ilpassé?Quenousest-ilarrivé?Toutallaitsibienentrenouspendantlongtemps.

Moncœurs’effondresurlui-même.Ilm’avaitditqu’ilsn’avaientjamaiscouchéensemble.Ilm’amenti!Dequoipourrait-elleparlerendehorsdeça?

Les larmesmemontent auxyeux.Des souvenirshorriblesdemonpère reviennent en fouledansmoncerveau. Je revoismamère, sanglotant, buvant, essayant d’oublier le chagrinqu’il lui acausé.Ses histoires censément vraisemblables.La souffrance pour nous tous. Je ne pourrai jamaisoubliercetteépoquedemavie.Etvoilàqu’ilmesemblelarevivre;mais,cettefois-ci,c’estmoiquisuismamèreetOzzieestlementeur.

Bien sûr qu’Ozzie a menti. C’était trop beau pour être vrai. Je l’ai imaginé comme unspécimen parfait d’homme, un super-héros.Rien que cela.Mais j’aurais dû savoir.Aucun hommen’estparfait,pasmêmeOzzie.Ilestexactementcommetouslesautres.

Je suis anéantie.Brisée, comme je l’avais bien prédit.Bien sûr, je pensais que la réalité neviendrait pas m’atteindre de plein fouet avant quelques semaines. Mais peu importe. C’est faitmaintenant.Merci beaucoup, espèced’enfoiré.Tum’as donnédes espoirs et puis tume fiches parterre.Bonsang, ilétait simignon!Etamusant !Etnousavonsvraimentpasséune follenuit.Moncœurmefaitmal.Littéralement.

Je peux supporter beaucoup de choses,mais pas lemensonge.Mon père n’était pas le seulsalauddementeur,ilyaeuaussilemarideJenny,Miles.C’estlaraisonpourlaquelleellel’afoutudehorsl’annéedernière.Jeregretted’avoirdéjàfait l’amouravecOzzie.Deuxfois.Jenepeuxpasrestericicettenuit.Pasquestion.Jechercheactivementcommentexcusermondépart.Àcemoment-là,ilrépond.

—Tuespasséeàautrechose,Toni.Tun’asplusbesoindemoidecettefaçon.—Quiditcela?—Moi.Ettoi.C’esttoiquit’eséloignée,pasmoi.Etjepensequec’étaitcequ’ilfallaitfaire.—Parcequ’elleestici.—Non,parcequec’estmieux.Ilesttempsd’allerdel’avant.Deregarderversl’avenir.—Monpasséestmonavenir.Sesmotsrésonnentd’untonméchant,mêmeaufondde l’officeoùjemetrouve.Lesbottes

qu’elleportefrappentdurementleplanchertandisqu’elles’enva.—Seulementsic’estcequetuveux!crie-t-il.Laportedel’entrepôtserefermeviolemment.—Merde.Ozzieal’airabsolumentabattu.Sespass’éloignentdanslecouloirendirectiondesachambre

tandisque jemerapprochede laportesur lapointedespieds. Il fautque jesorted’ici leplusvitepossible,avantqu’ilaitletempsdeserendrecomptequejenesuispasdanslachambreetquej’étaiscachéedanslecellierpendanttoutcetemps.

29.Enfrançaisdansletexte.

CHAPITRE52

Dieumerci,j’ailaissémonsacenbasdanslesvestiaires.Jedescendsl’escalierencourantetmeprécipiteversmoncasiermétalliquepourlerécupérerentoutehâte.Félixsedébatpouréchapperàmesbras,probablementparcequej’ailaisséSaharalà-haut.

Arrête,Félix.Ilfautqu’onyaille.Jesuisdésoléepourtapetiteamie.Leslarmesvoudraientcoulersurmesjoues,maisjemeretiens.Pasici.Jem’écrouleraidans

undélugedesanglotsplustard,lorsquejeserairentréechezmoi,avecunequantiténonnégligeabledevinpouraccompagnermonchagrin.

Je pars à la recherche demes clés au fond demon sac et les trouve aumomentmême oùj’arrivedevantmaSonic.Moinsd’uneminuteplustard,jesuissortiedel’entrepôt,heureusequeToniaitlaissélaporteouverte.Jen’avaispassaisiàquelpointl’immeubled’Ozziepouvaitressembleràuneprisonavantdemesouvenirque jen’aipasdecléélectroniquepourbiper laportedugarage.J’auraispupartirparlapetiteporte,maiscelaauraitvouludirequej’abandonnemavoitureetiln’estpasquestionquejeprennecemonospaceidiot.Ilmeresteàdécidersijevaismêmerevenirici.

Toutendescendantl’avenue,impatientederentrerchezmoiparlecheminlepluscourt,monespritsemetàdivaguer.Est-cequejepeuxtravaillerpourlesBourbonStreetBoyssiOzzieetmoinecouchonsplusensemble?Pouvons-nousreveniràunerelationpatron-employée?Jepensequejelepeux. Je le veux en tout cas. Il faudra d’abord que je fasse le deuil de cette presque-relationamoureuse,maisçanedevraitpasêtrelong,n’est-cepas?Deuxmois.Aumaximum?Retourneràmontravaildephotographepourmariagesestuneidéecomplètementdéprimante.AveclesBourbonStreet Boys, j’avais enfin l’impression d’avoir une vie excitante.Des gensm’admiraient pour deschosesquimesemblaientallerdesoichezmoi.Chaqueminutede la journée, il sepassaitquelquechosedenouveau.Mesmusclessontdouloureuxau-delàdecequ’onpeutimaginer,maisilsserontbientôtfortsetalors,jesauraicommentmeprotégerdansunmondeoùleschosespeuventdevenirfollementdingues.

Je hoche la tête.Ozzie etmoi pouvons y arriver.Nous pouvons décider d’agir commedesadultes et reconnaître que les choses seront plus faciles si nous n’avons pas de liens privilégiés.Alors, lui et Toni pourront se remettre ensemble et je garderai mon boulot. Elle arrêtera de medétester lorsqu’elle verra que je suis heureuse de le lui abandonner ; et nous pourrons peut-êtreapprendreàdeveniramies.

J’éclateensanglotsdéchirants.Pourquoia-t-ilmenti?Pourquoinem’a-t-ilpasdit lavérité,toutsimplement?Ilmeplaisaittellllllllement.Jesuisprobablementdéjàamoureusedelui.Oh,jeme

détestevraimentàprésent.Pourquoifaut-ilquejesoissicrédule?Çamerendtellementfurieusequemeslarmescessent.

RenonceràOzzie?Est-cequejevaisfaireça?Est-cequejepeuxmecomportercommesijenesavaispasqu’ilamenti;etmeconvaincrequecelam’estégal?Quandjem’imagineentraindeprononcer lesmotsadieupour toujours oubienentendreDésolé,mais ça ne va pasmarcher entrenous, j’ai envie de brailler à nouveau comme un bébé. Pourquoi ? Mais pourquoi, bon sang ?Pourquoifallait-ilqu’ilsoitsiextraordinaireet,enmêmetemps,untelmenteur?Pourquoilavéritéd’unhommenepeut-ellepasressembleràsonapparence,dumoinsdetempsentemps?

J’agrippe le volant de toutesmes forces et le secoue.En fait, c’estmon corpsqui tressauteainsi,maisçamefaitdubiendepassermaragesurunboutdesimilicuir.Jebraqueviolemmentversladroiteetentrebeaucouptropvitedansmonallée.

Jedoisécraser lesfreinspournepasveniremboutir laportedemongarage.J’aisûrementlaissé des traces de pneus sur le sol. Bien. J’aurai besoin dem’occuper à quelque chose dans lesjournées qui vont suivre. Je me mettrai à quatre pattes pour enlever le caoutchouc la semaineprochaine.Monalléeseralapluspropredetoutelaville.

Lavoitures’estarrêtéesibrusquementquemescheveuxvoltigentdevantmonvisage.Félixestprojetéhorsdusiègeetatterritsurlesol.Lorsqu’ilseremetsursespattes,illèvelatêteversmoietjepourraisjurerqu’ilyadeladéceptiondanssesyeux.

— Pardon, mon bébé. Je suis énervée, voilà tout. Tu sais que je conduis comme un piedlorsquejesuisdemauvaisehumeur.

Ilcontinueàmefixerduregard.—Ne t’en faispas.TureverrasSahara. Jevais trouverunesolution…(mavoixbutesur le

derniermot)d’unefaçonoud’uneautre.Jeremontel’alléeavecFélixsouslebrasetmespiedstraînentpresque.Jen’aipasenvied’être

toute seule ici, mais je ne veux pas retourner à l’entrepôt. Pour l’instant, je serais incapable deregarderOzzie.Ilfautquejeretrouvemoncalmeavantqu’ilsemetteàmentirdevantmoi.Etjenepeuxpasallerchezmasœur.Elleferatoutsonpossiblepourmedérideretjen’aipaslecœuràça.J’aibesoindepouvoirbercermonchagrinpendantunpetitmoment.Deme l’approprier.Devivreavecluicommesic’étaitunesecondepeaupourque,siOzziemesuppliedeluipardonner,jenecèdepas. J’ai tendance à faire ça trop facilement. Il faut que je m’endurcisse. Quelque chose me ditqu’Ozzieestcapablededéployerunimmensetalentdepersuasion.

Jepénètredanslamaisonetjettemesaffairessurlesol:monsac,latriquequeDevm’aditdegarder pourm’exercer et les dossiers que j’avais sur la table au travail.Mais, bien sûr, je déposedoucement Félix à terre. Il n’a rien fait demal. Il s’est rendu coupable dumême crime quemoi :aimertropfort,tropvite,tropfacilement.

Jenesaispaspourquoij’aiemportétoutçadubureau.J’imagineque,dansmonforintérieur,jeveuxpenserquejetravailleencorepourlesBourbonStreetBoys,mêmesimoncerveaumeditquejedevraisdémissionner.Cœurd’artichaut!Quiessaiedesefairepiétiner,commesiêtreterriblementmeurtrinesuffisaitpas.

J’aisortiunebouteilledevinetleverrequej’airempliestàmi-chemindemeslèvreslorsqueFélixsemetàaboyercommeunfrappadingue.

Etalors,laréalitémefrappe.L’alarmedelamaisonnes’estpasdéclenchéelorsquejesuisentrée.Pasdebiip,biip,biip!Jereposetrèslentementmonverresurleplandetravail,mesoreillesàl’affûtd’unbruitqui

pourraitexpliquerl’agitationdeFélix.Jen’entendsrien,maisilsembleêtrevraimentencolère.Sijenememéfiaispas,jesupposeraisqu’ilestàlaported’entrée,dontlesvitresvontdusolauplafond.Habituellement, il ymonte la garde, ce qui fait qu’il aboie contre des choses comme l’herbe qui

bougeouunevoiturequipassedanslarue–riendegrave.Maisilestvraimentdéterminécettefois-ci.Ilal’airfurieuxetiln’estpascommeçad’habitude.Engénéral,ilabandonneaprèstroisouquatreaboiements.

Tout à coup, il jappe très fort et s’arrête. Puis il gémit. Je ne l’ai entendu se plaindre ainsiqu’uneseulefois:ils’étaitclaquéunmuscledelapattearrièreensautantducanapéquandiln’étaitqu’unchiot.

Moncœurarrêtedebattre.Jesuispresquecertainequequelqu’unvientdedonneruncoupdepiedàmonchien.EtlapersonnequipourraitfrapperunadorablecroiséchihuahuacommemonFélixnepeutavoirqu’uncœurnoiretunecoquevideàlaplacedel’âme.J’aienvied’appelermonchienauprèsdemoietdelefourrerdansunearmoireoùonnepourrapasluifairedumal.Maisjeneveuxpasdonnerl’alerteausalopardquimaltraitelesanimauxchezmoi.

Je retire lentementuncouteaudans leblocduplande travail etmeglissevers laportequidonne sur l’arrière du salon. J’espère que l’intrus, quel qu’il soit, passera par le couloir et que jepourraifranchirlaporteencourant,Félixdansmesbras,avantmêmequ’ilnemevoie.

Jevousenprie,monDieu,faitesqueFélixn’aitrienetqu’ilsoitencoredansl’entréeprèsdelaporte.

Félix semet à gronder et celame réconforte un tout petit peu. S’il est assez fou pour êtrefurieux,c’estplutôtbonsigne.Jesuis lessonsquiviennentdesonminusculegosier. Ilestquelquepartdanslesalonet,jel’espère,seul.

CHAPITRE53

JemebaissepourprendreFélixsurletapisdusalonlorsqu’unevoixsefaitentendre.—Bien,bien,bien…sicen’estpasPetiteRouge,ditlavoixavecunaccentcréole.Moncerveauopèreunetraductionrapide.PetiteRouge.LittleRed.Alors,jecomprends.LePetitChaperonrouge!C’estmoi!JesuisPetiteRouge!Ilyaunfoumeurtrierdansmamaisonetilvametuer!D’ailleurs,pourquoicefichucontepourenfantsest-illiéàmapersonne?Jeluiadresseunsignedelatête,monlangagecorporelexprimantuncalmequinedépassepas

lasurfacedemapeau.—David.J’ai levé le couteau au niveau demon épaule,maismamain tressaute : toutmon corps est

secouécommeparuntremblementdeterre.Jenesuispasprêteàmourir.Ilyaencoretantdechosesque jevoudrais faire !QuedeviendraJennysansmoi?et lesenfants?sansparlerd’Ozzie !nideFélix!

Sicesalopardfaitunseulpasdansmadirection,jevaisplongercecouteaudanslapartiedesoncorpsquiseseralaplusprochedumien.Maisilaunrevolverdanslamain;ilestdouteuxquejepuissem’approchersuffisammentdeluipourutilisermonarme.J’auraisdûdemanderàOzziedememontrerenpremierlemaniementducouteau.Bonsang!Maintenant,ilesttroptard.Ilesttroptardpourtout.Jen’auraispasvouluquemavies’arrêtesurautantderegrets.

—Etvous connaissezmonnom,dit l’homme.Commec’est charmant.L’expressionde sonvisageestvraimentmenaçante.

—Pourquoi êtes-vous ici ? J’espère que, si je continue à le faire parler, quelqu’un pourravenir,metrouveraetmesauveraavantqu’iln’agisse.

— J’aurais pensé que c’était évident. Ça fait un moment que j’attends ici, en fait. Je medemandeoùvousêtesalléecommeçatoutelajournée.

Jejouel’indifférence.—Jesuisphotographe.Jevaisunpeupartout.Ilmedévisagependantunlongmoment.Jedéplacelepoidsdemoncorpssurmonautrepied.Majambes’estengourdietellementje

suisnerveuse.Aprèsmonentraînementdelajournée,jen’aipratiquementplusdeforcedansaucun

demesmembres.Jesuisfurieusededevoiraffrontercetypeavecl’énergied’unenfantdetroisans.Sammypourraitmebattresinousfaisionsunbras-de-fer.

—EtquefaisaitunephotographeChezFrankieavecHarley,jemeledemande?—Harley?Jeprendsmonairleplusahuri.J’ignoreabsolumentquiestHarley.Jesuisallée

danscebarpourretrouvermasœur.Jevaisprobablementmouriricicettenuitmais,sijepeuxquittercebas-mondeenrendantsa

couvertureàOzzie,peut-êtrepourra-t-ildécouvrircequ’ilsfontetaideràlesenvoyertousenprison.Ce n’est pas grand-chose comme revanche, mais c’est mieux que rien. Peut-être mettront-ils uneplaquedanslecouloirdesBourbonStreetBoys,avecmaphotodessus,àcôtédelalettreduchefdelapolice.

J’essaiedesourire.—Lebarmanamentionnévotreprénomparcequej’aiditquejevoustrouvaissympa.Monsourires’éteintaprèsceténormemensonge.Ilnevajamaisgoberça.Ilnepeutpasavoir

sipeuconsciencedesalaideur!Le typeme rendmon sourire, et soulève ses sourcils à plusieurs reprises pour faire bonne

mesure.Beurk, jememoquedequi? Ilpenseprobablementqu’il est envoyéparDieuaux femmes,

avecsatêtechauveetbosselée.—Alors,votresœur,hein?Etquiest-ce?Jelaconnaispeut-être.— Ça ne vous regarde pas qui est ma sœur. Et vlan. Comme si j’allais donner cette

informationàunassassin.IldoitpenserquejesuislaLittleBoPeepouDieusaitquoi.Il ne sourit plus et avanceversmoi lentement. Je faisunpasvers ladroite, essayantdeme

rapprocherdelaported’entrée.Monsac,monTaseretmatriquem’attendentlà-bas.Àtroismètresdemoi…

—Vousm’avezvudanslebar,continue-t-iltandisquesamainquitientlerevolversedéplacedanssondos.Vousn’avezpasvotreplacelà-bas.Sijenemetrompepas,Frankien’estpaslegenred’endroit où vous allez d’habitude. J’avais pas mal d’amis avecmoi l’autre soir, mais vous n’enfaisiezpaspartie.

—C’étaitplutôtdifficiledenepasvousvoir:vousaveztirésurmoi.—VousétiezavecHarley.N’essayezpasdementiretdemedirequecen’estpasvrai.J’aivu

lafaçondontilvousregardait.Ilvousaenvoyédestexto.Maisc’estsurluiquej’aitiré,passurvous.Jefaiscommesij’étaisrévoltée.—Pourladernièrefois,jen’étaispaslà-basavecceHarley.Jesuisvenuepourretrouverma

sœur.Unwookie30 immenseetchevelum’aempoignéeetavoulum’agresserquandj’étaisdans lapiècedufond.J’aipenséqu’ils’agissaitdel’undevosamis.

Illèvelessourcils.—JeluiaienvoyéuncoupdeTaserdansl’alléequandilmepoursuivait.—J’étaisdansl’alléeetjenevousaipasvuefaireça.—Jen’étaispasdansl’alléeàcôtédubar.Ças’estpasséàquelquesmaisonsdelàetjesuis

certainequenousétionsseuls.Cetidiotacouruaprèsmoi,sivouspouvezcroireunechosepareille.Crétin ! Je feins un rire complaisant. Il a dû penser que jem’essoufflerais et qu’il pourrait alorsm’attraperetfairecequ’ilvoudraitavecmoi,maisjeluiaimontré.JeluiaienvoyéuncoupdeTaserdanslesfesses.Ils’estécroulécommeungrandrocherpoilu,enpleinsursagrossefacestupide.

Sijemenscommeça,c’estquejesuispeut-êtreencorefâchéecontreOzzie.Celaexpliqueraitpourquoimestalentsdecomédiennesetrouventtoutàcoupbienaméliorés.

—J’ensuiscertain, répondDavidd’unevoixabsente tandisqu’ilme regarde fixement.Sesmainsreviennentsur ledevantdesoncorps :ellesne tiennentplus lerevolver.C’estétrange,mais

j’aiencorepluspeurmaintenantquelorsqu’iltenaitl’armeetquejepouvaislavoir.Pourquoil’a-t-ilrangée?Est-cequ’ilvamelaisserpartir?A-t-ilcruàmonhistoireboiteuse?

Ilfaitunpasversmoi.—Vous avez l’air si innocente. Sa voix s’est adoucie. Tellement… jolie dans ce chemisier

rose.Jeregardemapoitrine.Jeporteunpoloachetépourmondernieranniversaire.Àl’époque,il

mefaisaitpenseràduglaçagesurungâteau.—Hum,merci.Jefaisunpasdeplusversladroite.Jepense.—Pourquoinereposez-vouspascecouteau;nouspourrions…parler.Iltendsesmainsvers

moicommes’ilétaitinoffensif.J’airangémonrevolver,vousvoyez?Pasdemal,pasdeproblème.Il me sourit comme si j’étais vraiment le petit chaperon rouge et il me fait une peur

épouvantable.Que vous avez de grandes dents, père grand. Il a des incisives pointues comme unvampire.Jepeuxpresquecroirequecesmonstresexistentlorsquejelevoisdeboutdevantmoiavecsonjeannoir.Mais,dansl’histoire,ilyauraitdesdémons,etiln’yariend’érotiquedanscevampireavecunrevolveràlaceinture.Berk!

—Ouais.D’accord.Jeregardelaporte,puislesétagèresquisontàcôté.—Jepensequejepourraisdéposerlecouteausurlesrayonnageslà-bas.Jeluifaisunsourired’excuse.—Jelesaipayéstrèscheret,sivousn’yvoyezpasd’inconvénient,j’aimeraismieuxnepas

mettrecelui-cisurleparquet.Ilfaitungesteendirectiondesbibliothèques.—Allez-y.Jevousenprie.Ilmesouritànouveau,plusouvertementcettefois-ci.Jechangedepositioncommesijen’étaisplusaussiméfianteetjemedirigelentementversles

étagères;jefaiscommesijeneleregardaispasducoindel’œil.Continueàregardermonpolorose,psychopathe.Pooolorooose…

Ilseredresseetseplacederrièremoi.Iln’estqu’àunmètreoudeuxlorsquej’aperçoisFélix,allongédansl’entréeoùilaréussiàsetraîner.Ilgîtsurlecôté,haletant,satêtelevéedecôtépourmeregarder.Ilgémitquandilvoitquejeleregarde,bouleversée.

—Félix ! Je hurle, pose le couteau sur les rayonnages et cours vers lui. Jeme penche au-dessusdelui.Oui,j’aipeurpourlaviedemonbébéchien,maisj’essaieaussidemerapprocherdemesarmes.Jevoudraismevengeretrendreplusquelamonnaiedesapièceàl’hommequiablessémonbébé.

—Çava.J’aitrébuchésurluiquandj’aipénétrédanslehall,c’esttout.Je serre les dents pour ne pas répondre de la façon dont je le voudrais. Je touche avec

précautionlapetitetêtedeFélix,calculantàquellevitessejepourraissauterdecôtéetattrapermesarmesavantqueDavidserendecomptedecequejesuisentraindefaire,sortesonrevolveretmetiredessus.

Taseroutrique?Triqueoucoupdepieddanslestesticules?Décisions,décisions…—Levez-vous.Davidestàmoinsd’unmètredemoietsontonmeditqu’iladesprojetsence

quimeconcerne.Jesuisabsolumentcertainedenepasvouloirsavoirenquoiilsconsistent.—Monchienestblessé.Jepanique.Jen’arriveraipasàattrapermonsacàtemps.Çalaisselatrique,maiscen’estrien

faceàunrévolver!—Ils’enremettra.Levez-vous.Jemontremonsac.

—Vousvoulezbienquej’appellelevétérinairerapidement?Montéléphoneestlà-dedans.Ilrit:— Pour que vous preniez votre spray d’autodéfense, j’en suis sûr. Levez-vous. C’est la

dernièrefoisquejevaisledire.Jeme lève lentement, et fais enmême tempsunpasvers laporte ; jeboitilleunpeuetme

baissepourtouchermongenou.—Oh,zut!Unecrampe.Jefeinsdesdifficultéspourmassermajambe.Jefaisdeuxdemis-pasdecôté.Latriqueestà

maportée.—Crotte.J’aiunecontracture.Ilsouritdemonmot.Crétin.IlpensevraimentquejesuislaLittleBoPeepdanssonchemisier

rose.Celamerendencoreplusfurieusequelestupiderevolverqu’iladanssonpantalon.Bonsangdebois,jenesuispasunejeuneécerveléedansunchampquin’ariendemieuxfairequesurveilleruntroupeaudemoutonsentraindepaître!

—Vous savez, dit-il, si je vous avais rencontrée ailleurs et à un autremoment… Je croisqu’onauraitpubiens’entendre.Ilsepenche,attrapesonentre-jambesetlepresse.

Alors,jecomprendsqu’ilestexcité.Oh,Seigneur.Jecroisquejevaisvomir.Ilvamevioler,c’estsûr!Jeluirendssonsourire,faisantdemonmieuxpourquelapeuretledégoûtqu’ilm’inspirene

transparaissentpas.—Ahbon?C’estvraimentgentil.Non!Mêmepasdutout.C’estabsolument,maisalorslà,absolumenthorrible,connard!Mesyeuxs’agrandissentetjepousseunpetitcri,aussidramatiquequejelepeux.—Oh!majambe.Jetombesurlesoletatterrissurlatrique.LesgensdeDisneymerecruteraientsûrementpour

l’unedeleursreprésentationsdestinéesauxenfantss’ilspouvaientmevoirencemoment.Jesuissipeucrédible.

Ilgrogneetm’empoigne.—Assezd’entourloupes!Viensici!Ilm’aattrapéeparlajambedemonpantalonetmetraîneverslui.La trique semble géniale dans ma main, comme si j’étais née pour la faire tournoyer. Je

l’arrachedusoletlabrandisdevantmoiavectoutelaforcequimereste.—Raaaah!Jecrie,savourantlebruitsourdquej’entendsquandlebâtonarriveaucontactde

sajambe.Ilhurlededouleurtandisquesongenoucède.Bouge,bouge,n’arrêtepasdebouger.LesinstructionsdeDevgalopentdansmatête.Jelèvelatriqueetlefrappesurlefrontlorsqu’ilsebaissepourmesaisirànouveau.—Eerph!Iltombeenavantets’abatsurmesgenoux.Jesoulignechaquemotquisortdemabouched’unautrecoupdemonbâton,l’atteignantsur

latête,lesépaules,ledosetlesbras.—Dégage!Vlan!—De!Vlan!—Là!Vlan!—Espèce!Vlan!—D’ordure!Vlan!Ilarrêteenfindebougeretjecessedelefrapperpourm’extirperdedessouslui.Jememetspéniblementsurlesgenouxetmarcheàquatrepattesversmonsystèmed’alarme.

Jemesersdelapoignéedelaportepourmeremettredebout.Touteslesdiodessurleclaviersontéteintes.

Jehurle:—Bien sûr ! Je jette un regard en arrière àDavid. Tu as détruitmon système de sécurité,

espècedecon!Ilnebougepas.Oh,monDieu,pourvuqu’ilnesoitpasmort.Jem’approcheàpasfeutrésetôtelerevolverdesaceinture.Ilestbeaucouppluslourdqueje

nel’imaginais.J’ouvrelaported’entréeetlejettesurlapelouse.Àl’instantoùjevaisrefermerlaporte,lacamionnetted’Ozziearrivedansmonallée.Jefais

unpasversluimais,ensuite,jem’écroule:mesjambessedérobentsousmoi,pourdeboncettefois.J’atterrissurleperron,enlarmes.

Jepousseuncristrident:—Ozzie !et tendsunemainvers lui.Làencore, toutà faitdramatique,maisbeaucoupplus

crédible.SibienqueDisneynevoudraplusdemoiàprésent.Ilsautedevoitureetcourtversmoi,sonvisageestcramoisietsoncorpsparaîtdeuxfoisplus

grandqued’habitude.Saharaestsursestalons,grondant,aboyantetbavantcommeunchienfousortidel’enfer.

Meshéros.Je pleure de soulagement. Ils sont venus nous sauver, Félix etmoi. Je n’ai jamais été aussi

heureusedevoirquelqu’undetoutemavie.Çam’estégals’ilaimeToni.Àcemomentprécis,jesuisprêteàtoutluipardonner.

30.PersonnagedeStarWars:humanoïdedotéd’unefourrurebruneetressemblantàungrandsinge.

CHAPITRE54

Etpuis,enfait,iln’yarienàpardonner.Idiotequejesuis!—Commentas-tupucroireque jepourrais tementir?medemandeOzziealorsque jeme

trouvedanssesbrasetdanssonlit.Noussommestouthabillés,àpeinesortisdelafoliedupostedepolice.Onnousaquestionnés

pendantdesheurespoursavoircequis’étaitpassé;puisnoussommesalléschezlevétérinairepourtrouverFélixsortantd’uneopération.Onluiasoignéunejambecassée.Ilreviendraàlamaisondansdeuxjours,quandilsserontcertainsqu’ilpeutmarchersursonmembreplâtré.

—Si tuveuxmementir, tupeux.Jecaresseson torse impressionnant.Tum’assauvé lavieaujourd’hui.Jeregardelapendule.Hier,plutôt.Techniquementparlant.

—Tout d’abord, je ne veuxpas tementir. Jamais. Il prendmesdoigts et les embrasse.Lesmensongesnefontpasunebonnebasepourunerelationsolide.

JesouriscommelechatduCheshire31maisnedisrien.Ilacommencéàmeparleret jeneveuxpasl’interrompre.Unerelation!Youpi!

—Ensuite, j’aidemandéàTonisi jepouvaisteparlerdequelquechosequilaregarde.Ellem’adonnésonaccordtotal.

—Alors,tun’aspaseuuneliaisonavecelle?—Pasdans le sensoù tu l’entends,non. J’aiété sonmécènependantqu’elleétait en liberté

conditionnelle.Elleaterminécettepériodeilyaquelquesmois.Àprésent,elleestlibre.— Conditionnelle ? Je suis tellement étonnée que je me redresse, mais les bras puissants

d’Ozziemetiennentallongéesurlelit.—Oui.Probation.Elleaétéjugéepourunactecriminel.— Eh bien. J’aurais peut-être dû savoir ça avant de m’en prendre à elle de façon si vive.

Qu’avait-ellefait?—Elleatuéquelqu’un.Unhomme.—Je…euh…J’aidumalàexprimercequejepense.Jen’arrivepasàl’imaginerfaisantune

chosepareille.Jeveuxdire,elleestdifficileetelleestdure.Maisellenem’ajamaissembléecapabled’agirainsidesangfroid.

—Tuasraison.Elleaétévictimedemaltraitancesévèrechezelleàl’âgedequinzeans.Elleatué celui qui l’avait violée alors qu’il recommençait. Il s’agissait d’auto-défense, mais elle a étécondamnéepourmeurtre.

—Pourquoi?

—Parce qu’elle…Ehbien…Elle avait vraiment fait du beau travail en le tuant.Disons çacommeça.

—Waouh.Biensûr,jevoudraisconnaîtretouslesdétails,maisjenevaispasleforceràmelesdonner.Je

sais quel sacrifice cela a dû être pour elle, rien que pour l’autoriser à me raconter son histoire.D’ailleurs, cela n’a pas d’importance. Je la respecte parce qu’elle s’est défendue. Je suis heureusequ’ellel’aittuédelabellefaçon.

Enmêmetemps,jesuissoulagéedenepasavoirtuéDavidDoucet.Unecommotioncérébrale,c’estdéjàpasmal.Jenepensepasquejeseraiscapabledemettrefinàlaviedequelqu’unsansenêtrebourreléederemordspourlerestantdemesjours.Peut-êtreest-cepourcelaqueToniatoujoursl’airsi en colère. Il se peut qu’elle le vivemal également. Jeme promets à nouveau d’être son amie,maintenantquejesuissûrederesteraveclesBourbonStreetBoysetqu’ellenecouchepasavecmoncompagnon.

—Es-tumonamoureux,Ozzie?Jemetrouveidiotededemanderça,maisj’aibesoindelesavoir.

—Tuveuxquejelesois?— Oui. Mais ce que je veux n’a pas d’importance. Il faut que nous soyons tous les deux

partants.Ilritdoucement.—Jesuispartant.—Maisjeneveuxpasquenoscollègueslesachent.—Çameva.L’inverseaussi.—Parcequeceneseraitpasprofessionnel.—Qu’est-cequineleseraitpas?demande-t-ilenroulantsurlui-mêmeau-dessusdemoi.—Quenoussoyonsintimes.Autravail.Jenepeuxm’empêcherdesourireàsonvisagesibeau.Ilsepencheetm’embrasseavecune

extrêmedouceursurleslèvres.—Jesuisd’accordàcentpourcent.Jeglissemesmainslelongdesondosetmedélectedesentirtoussesmuscles.—Alors,ilfautsansdoutequetuarrêtesdem’embrasser.Ilm’embrasseànouveausurleslèvres.—Onn’estpasautravail.Onestcheznous.Jejetteunregardendirectiondelaporte.—JesuistoutàfaitcertainequeDevetThibaultsontjustedel’autrecôtédecetteporte.—Ilssontdanslacuisinequisetrouveàdixmètres.Etilsn’ontpasledroitd’allerau-delàde

lacuisine.—C’estlàqu’estlafrontière?Jeplaisante.—Enfait,oui.Personne,àparttoi,n’utiliselecouloirjusqu’àmachambre.—MêmepasToni?Jemesensidiote,maisjeposequandmêmelaquestion.Ondiraitqueje

suistoujoursaucollège.—Ellenonplus.Jeleserretrèsfortdansmesbras,etjel’attirecontremoi.—Jet’aime,Oswald.—Etsijemelaissepousserànouveaulabarbe?Monvisageseplissetandisquej’essaiedem’empêcherderire.—Nemetspasmonamouràl’épreuveaussivite,tuveux?Ilgrogneetplongesonvisagedansmoncou.

—Tuvasavoirdesennuis,jeunefille.Jerisetj’essaiedemelibérer.—Non!Tupiquesavectabarbed’hier!Ilfrottesonvisagecontremoijusqu’àcequejememetteàcrier.—Chut!Lesgensvontpenserquenoussommesintimesauboulot,murmure-t-il.J’attrapesonvisageàdeuxmainsetj’essaiedeleregarderaveccolère.—Tutefichesdemoi.Arrête.Monregardfurieuxfaitplaceàunsourire.J’adorequ’ilsoitsi joueur,maisseulementavec

moi.Touslesautreslevoientcommeuntypedansuncommando,grandetmauvais,quineplaisantejamais.Maisjesaisquiilestenréalité:ungrandnounoursquiferaitn’importequoipourprotégerceuxqu’ilaime.

—Est-cequetum’aimes?Jeleregardeaufonddesyeux.—Qu’enpenses-tu?Ilmefaitunsourireetsepenchepourm’embrasserencore.Jetournelatêtepourqu’ilnepuissepaslefaire.—Jepensequetuferaismieuxdemerépondresituneveuxpasquejeprennelavoiturepour

rentrerchezmoicettenuit.Il se met à rire très bruyamment et se retourne, m’entraînant avec lui. Je me retrouve à

califourchonsurlui.—Jet’aime,LittleBoPeep.J’espèrequetupourrasgérerça.Jemebaisseetappuiesurlafossettequ’ilaaumenton.—Arrêtedem’appeleraveccenomstupide.Maisjenepeuxpasêtrevraimentfâchéecontrelui.Ilvientdem’avouersonamour.Unamour

quejesavaisêtrelààlaminuteoùjel’aivudansmonallée,courantversmoipourmesauverlavie.—Quedirais-tudePetitChaperonRouge?medemande-t-il.Tupréféreraiscesurnom?Jemepencheetmesaisisdel’undesestêtons,prêteàletordre.—Qu’est-cequetuenpenses?Illèvelesmainsàsestempes.—Grâce!Jetesupplied’avoirpitié.Jet’appelleraicommetulevoudras,maisnemefaispas

mal.Jedesserremapriseetmerassoissurlui,satisfaite.—Jepensequejevoudraisqu’onm’appelle…Ils’assoitd’uncoupetmerenversesurledos.Ilmeregardedehautavec,danssesyeux,cette

lumièreérotiquedont jemesouviensdepuis l’autrenuit.Uncourantélectrique traversemoncorpstandisquej’attendscequ’ilvadireensuite.

—Jevaist’appelermienne.MayWexler“mienne”.—Jenepensepasquecelavatrèsbienpasseravecl’équipe.—Tantpis.Tuesmienneetjeprendscequejeveux.Jeluilanceunregardparen-dessous.—Etqueveux-tu,monsieurlepatron?Ilm’abandonneetvientsecouchersurlecôté,latêtesoutenueparunemain.—Jeveux…queturetirestoustesvêtements.—Etsij’aitropmalpartoutpourfairel’amour?—Jeseraidoux.—Etsij’aitroppeur?—Jeterassurerai.—Etsijecrainsquetumebriseslecœur?—Jeteprouveraiquetuesfolledepensercela. Il tendunemainet laposesurmajoue.Je

n’avouepassouventmonamour,tusais.—Ahbon?—Non.Seulement aux filles avec lesquelles je veux rester.Maintenant, lève-toi de ce lit et

retiretesvêtementsavantquequelquechosedefâcheuxnet’arrive.Ilfautquejememordelalèvrepournepassouriredefaçontropmarquée.—Quelquechosedefâcheux?Quoiparexemple?Ilgrondeetroulepourseretrouversurmoi.Jehurlederireetcelavientdelapartielaplus

profonde demon être. Je l’entoure demes bras. Je vais me laisser emporter par ce qu’il pourram’offrircettenuitetjemeréveilleraidemaindanssesbras.J’aiprismadécision.Ilavaitpeut-êtreunmauvaisnuméro,maisc’estassurémentlepluschicdestypes.

31.DansAliceaupaysdesmerveilles.

DUMÊMEAUTEUR

SÉRIEFAMILLEMACKENZIE

JebrillemaisnebrûlepointLefeudesMacKenzie

ÀPROPOSDEL’AUTEUR

ElleCaseyestuneauteureaméricaineprolifique,régulièrementsurlalistedesmeilleuresventesduNewYorkTimesetdeUSAToday.

EllevitdanslesuddelaFranceavecsonmari,sestroisenfantsetdesamisàquatrepattes.Elleécritdansplusieursgenresetpublieenmoyenneunromanchaquemois.