surprise au bout du fil (the bourbon street boys t. 1...
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ÉditionoriginaleparueauxÉtats-Unisen2015sousletitreWrongNumber,RightGuyparMontlakeRomancePublishing,Seattle.
PubliéparAmazonCrossing,AmazonMediaEUSàrl
5ruePlaetis,L-2338,LuxembourgJuin2016
Copyright©Éditionoriginale2015parElleCasey
Tousdroitsréservés.
Copyright©Éditionfrançaise2016traduiteparÉlisabethBataille
Conceptiondelacouverturepar:PEPEnymi,MilanoPhotos:©PeopleImages©ChrisTobin/GettyImages
ISBN:978-1-50393-662-1
www.apub.com
TABLESDESMATIÈRES
CHAPITRE1CHAPITRE2CHAPITRE3CHAPITRE4CHAPITRE5CHAPITRE6CHAPITRE7CHAPITRE8CHAPITRE9CHAPITRE10CHAPITRE11CHAPITRE12CHAPITRE13CHAPITRE14CHAPITRE15CHAPITRE16CHAPITRE17CHAPITRE18CHAPITRE19CHAPITRE20CHAPITRE21CHAPITRE22CHAPITRE23CHAPITRE24CHAPITRE25CHAPITRE26CHAPITRE27CHAPITRE28CHAPITRE29CHAPITRE30CHAPITRE31CHAPITRE32CHAPITRE33CHAPITRE34CHAPITRE35CHAPITRE36
CHAPITRE37CHAPITRE38CHAPITRE39CHAPITRE40CHAPITRE41CHAPITRE42CHAPITRE43CHAPITRE44CHAPITRE45CHAPITRE46CHAPITRE47CHAPITRE48CHAPITRE49CHAPITRE50CHAPITRE51CHAPITRE52CHAPITRE53CHAPITRE54ÀPROPOSDEL’AUTEUR
CHAPITRE1
Masœurestauboutdurouleau,voilàquin’estpasnouveau.Sestroisgaminslarendentfolleàlongueurdejournée.J’attrapemonportablepourliresonderniertexto.
Masœur:J’enaiplusquemarre.J’emmènemespeccadillesàl’Arcade1.Je fronce les sourcils. Depuis quand est-ce qu’on appelle ses gosses des peccadilles ? Ils
l’empoisonnentàlongueurdetemps,d’accord,maisquandmême…Moi:Despeccadilles?Saréponsearrivequelquessecondesplustard.Masœur:Jevoulaisdirepécules.C’estl’écritureintuitive!Etdeuxsecondesaprès,lasuites’inscritsurmonécran:Masœur:Zut!Pasdespécules!Dessecrets!Jevaistuerlebienquisouillemapeloteparce
queçalarendtoutejeune.Çamefaittellementrirequejenepeuxpasm’arrêter.Masœur(encore):Merde!Écritureintuitivemerdique!J’emmènelespeccadillesàl’Arcade
etjevaistuerlechienquichiesurmapelouseparcequeçalarendtoutejaune.S’ilteplaît,vue-moivousquitte.
Ma sœur (à nouveau) : TUE-MOI TOUT DE SUITE ET PAS VUE-MOI VOUS QUITTE.
QU’EST-CE QUI TE PREND, SALETÉ D’ÉCRITURE INTUITIVE ??? POURQUOI T’ES AUSSIMERDIQUE???
J’arriveàpeineàtrouverlesbonnestouchessurleclavier.Jeriscommeunefolle.Moi:Appelleleurpapaetprendsuncachet.Jevaisvenirtoutàl’heure.
Masœur:Ilmefautunnouveautéléphone.Jevaisalleràlabouilloireenacheterun.Moi:Çadevraitêtreintéressantcommetransaction.Elleprendlescartesdecrédit?Masœur : BOUTIQUE PASBOUILLOIRE. Et je vaisme débarquer aussi de cette écriture
intuitive.Moi:Lol.Débarque-moiçaaussi,grandesœur.Débarquetoutça!Masœur:Laferme.Jevaism’endébarrasser,pasdébarquer.Foutuesautomobiles.Elle a dû abandonner, parce que je n’ai plus eu de nouvelles de son automobile
incontrôlable…Euh,écritureintuitive.Je ris souscapeen regardantmonécranaprèsavoir fermé lesmessages ; jem’allongesur
moncanapéetsavouremasituationdecélibatairesansenfant.MasœurJennyaprissonindépendancedebonneheure;commemoi,elleétaitimpatientede
quitterlamaison.Elleattendaitdepouvoiroublierleterriblegâchisfamilialcrééparnotrepèreavecsesmensonges et son infidélité. Jenny a eu sonpremier enfant à vingt-deux ans et s’est arrêtée autroisième, six ans plus tard. Aujourd’hui, elle en a trente-deux, elle est divorcée et pratiquementdevenuefolleàjouerlerôlededeuxparentsavecunboulotàpleintemps.Pendantcetemps,sonexcroit qu’il a encore dix-huit ans et sort avec des femmes bien trop jeunes pour faire autre chosequ’alleràlafac.Pitoyable.
Pas question que je suive son exemple : jamais, au grand jamais. J’en connais lesconséquences.Ohlàlà,mercibien!C’estbiendes’engager,maisilfautquecesoitaveclebon;j’aivumesamies.Ilyenaquiontdelachance.Mais,pourlemoment,jenesuismêmepascertainequ’ilyaitquelquepartuntypequimeconvienne.Quandjesoupçonneuntantinetsoitpeuunmensongeoumêmeunedemi-vérité,jemetirevitefait.Salut,àplus!Faisattentionànepasteprendrelaporteensortant.Menteur,menteur,t’esrienqu’unmalfaiteur!
Jesuiscélibataireetheureusedel’être,j’aivingt-neufansetjetravailleàmoncomptecommephotographe ; je fais lesmariages oudes portraits et je ne recherche absolument pas une relationamoureuse.Jeviensjustedemettreuntermeàunelongueliaisonquiauraitdûêtrecourteetjemesuisjuréequejen’allaispasrecommencerdesitôt.Encequimeconcerne,jepensequ’ilvautmieuxnepasavoiraimédutoutqu’avoiraiméetavoirététrompée.J’aibesoind’unpeudetempspourmoiet, commemon emploi du temps est plutôt vide, ça va le faire parfaitement.Mon plan consiste àtravailleraustudioouenextérieurquandjepeuxavoirduboulot,àfairedessiestesoudujardinage,ouencoreàmebaladerlesoirverslarivière.Çam’apaise;etjeboispasmaldevinentrechacunedecesactivités.Riennem’empêcheradegoûtercettedernièreannéeavantdefêtermestrenteans.Rien,pasmêmelespetitespeccadillesetleurfolledemère.
Cela fait quelque temps que j’envisage ce retour forcé au programme de la véritableMayWexler. Je suis partie à l’autre bout dupayspour préparerma licence et, lorsque j’ai obtenumondiplômedephotographeàl’universitédeNewYork,jemesuisefforcéedemedétacherdeschosesquim’ontécartéedemafamille.Mais,aprèscinqans,jenemesuispasrapprochéed’unpoucedecetobjectifapparemmentinatteignable.
Jesavaisbienqu’ilfallaitquej’exorcisemesdémonspendantquelquechosecommedeuxans,etc’estpourçaquejesuisrevenuedansleSud,habiteràquelqueskilomètresdemasœuraînéeàlaNouvelleOrléans,oùelleaatterriaprèsl’université.
Jennyestmonrocher.L’épaulesurlaquellejepeuxtoujoursm’appuyer.Maisdéménagerprèsd’ellen’apasremisémagiquementaugrenierlesvalisesquejetraînepartout.Lesfantômesdemonpassé familial continuent àme suivre, àme poursuivre, influent toujours sur la façon dont jemeregardeetregardelavie;maiségalementchaquehommequejerencontrepourunflirt.Enfait,c’estvraimentassezpitoyable.
Jennysedébrouilletouteseulebeaucoupplusfacilementquemoi.Elleagérél’échecdesonmariage:çaamaltournéaprèsl’infidélitédesonexetelleaétéhonnêteavecelle-mêmeàcesujet.Ellesesentresponsabledesonproprebonheur,sansavoirbesoindesetrouverdesexcusesquandçanevapas.Demoncôté,j’aiencoreducheminàfaire.Jerejettetoujourslafautesurmonpère.Jenesuispasprêteàpardonnerniàlâcherprise.
Alors,maintenant,j’ail’intentiondem’ymettre.Voilàmonplanfantastique.Àpartquejen’aipas la moindre idée de la façon dont je vais y arriver. J’espère que quelques bouteilles de vinm’aiderontàdémarrerleprocessus.Jedoisdéciderunebonnefoispourtoutesquijeveuxêtrequandjeseraiadulte;etensuite,d’unefaçonoud’uneautre,devenircettepersonne,mêmesiçaveutdirequejeneprendraiplusdephotosdecouplesheureuxdesemarieretdefamillesenchemisesblanchesetjeansassortis.Detoutefaçon,cen’estpascommesiçaavaitétélerêvedemaviequandj’aifinimesétudes.Jesuis juste tombée là-dedansparceque jene trouvaispasd’autreboulot.Faudraitpasque jemeplaigne,d’ailleurs.Avant la crise économiquequi a commencé il y adeuxans, jem’ensortaisvraimentbien.
Unautretextoarrive,illuminantmonécran.Jeclignedesyeuxplusieursfoispourchasserlesommeil.Ilfautcroirequejem’étaisassoupieparcequemonréveilafficheuneheuredeplus.
Numéroinconnu:Tutelaissesaller.Moi:Vraiment?Jesourisintérieurement.Masœurvam’accuserdequelquechosequis’estpassépendantque
jedormais.Ondiraitqu’elleaachetéunnouveautéléphoneavecunnumérotemporaire,letempsquel’anciensoitraccordé.Sonpremiertextoestpourrouspétercontremoi.Excellent!
Moi:C’estqui?Jenotelenumérodansmescontacts.Jen:C’estmoi,voilàquic’est.Ilfautquetuviennesiciauplusvite.Moi:Non.Jedors.Tunem’entendspasronfler?Zzzzzzzz.Jen:Oublie !Arrive ou c’estmoi qui viens et je ne serai pas seule.Tu es censée êtrema
doubluredeprotection,non?J’imaginelespetitsmonstrescourantdanstouslessenssurleparquetquejeviensdenettoyer,
mettantdestrucspoisseuxpartout,etjesourisdecettemenaceinutile.Jepardonneàpeuprèstoutàcespetitsanimaux. Ils sontpeut-êtredevrais sauvages,maisabsolumentadorables. Jedisçaparcequejenelessupportequequelquesheuresd’affilée.
Moi:Amène-les.Jepeuxmedébrouilleraveccequetespeccadillesmeferont.
Jen:Tuessérieuse?Despeccadilles?Viensicivitefait!Jenerigolepas,conasse!Moi:Tuviensdemetraiterdeconasse?C’estunpeufortça,non?Etmerevoilààrireautantquejepeux.Jen:J’appelleunchatunchat.Viensiciillico.Jem’assois sur le canapéen soupirant.Ondirait qu’elle avraimentbesoinde souffler. J’ai
bienenviedeluienvoyerunautretexto,maisjedécidedenepaslefaire.Asseztournicoté.Ellenevapastarderàpéterunplombetladernièrefoisquec’estarrivé,jemesuisretrouvéeaveclesgossesunesemaineentièrependantqu’ellepartaitdansnotremaisondecampagnepourrécupérer.Ilfautquejeprennelesdevants,cettefois-ci.
Moi:D’accord.Oùest-cequetuesexactement?Jen:Aupub.ChezFrankie.Centreville,Lexington.Je rapprochemon portable demes yeux pour voir si j’ai bien lu. Pas de doute, c’est écrit
«ChezFrankie».Moi:C’estpasunbarpourmotards?Tuessûrequec’estunebonneidéed’yemmenerles
enfants?Jen:Situlesappellesencoreunefoismesenfants,jevaistetuer.Jeregardefixementmonécranuninstantetdécidedenepasfairelamaligneenrépondant.Si
masœurenestaupointde renier sesenfants, tanteMay feraitbiendesepointeretdeprendre leschosesenmains,unefoisdeplus.
Jemelève,soupirantàl’idéededevoirrevêtirleshabitsdupèrefouettard,ettapemaréponsetoutentraversantlapièceendirectiondelaported’entrée.
Moi:D’accord.Jesuislàdansvingtminutes.Jen:AmènelePhoenix.Jem’arrête,lesdoigtssurlaserrure.Phoenix?Commes’ilpouvaitcomprendre,mapetitebouledepoil,moitiéchihuahua,moitiéchiende
Poméranie, lève le museau et sort de son panier pour me rejoindre dans le salon. Ses griffesminusculescliquètentsur leparquet.FélixestparfaitpouroccuperlesenfantspendantqueJennyetmoi parlons.Elle le demande souvent lorsqu’elle a besoindedécompresser et neveut pas que lesgossesécoutent.
—Jecroisqu’elleveutquejet’emmène,Félix.Jedécrochemongrandsacpenduàlapatèredelaporteetj’yfourremonportefeuille,mes
clésetmonpistoletTaser.Mêmesijen’allaispasdansunbaràmotards,j’ajouteraiscedernierobjet
àmonsac.Jemesuisfaitattaquerunefoisquandj’étaisàlafacetjenemelaisseraiplusjamaisfaireaussifacilement.Etsiçadevaitarriver,j’électrocuteraisunsalopardavant.
—Allez,monvieux:sautelà-dedans.Félix attend patiemment que je le prenne dans mes bras pour le mettre dans le sac, en
commençant par ses pattes arrière.Quand il est bien installé, il passe sa tête par l’ouverture et salanguesortdansunhalètementheureux.
—Nefaispaspipidansmonsac,Félix.Jeneplaisantepasaujourd’hui.Jeglissemespiedsdansmesespadrillesrosesetinspectemonrefletdanslafenêtre.Jelisse
mescheveuxbrunscoupésauxépaulesetm’assurequ’ilssontbienretenusparlepetitserre-têteenplastique bleu qui s’est un peu déplacé pendant que je dormais. Mon chemisier bien classique àrayuresbleuesetmonpantalonbeigesontencoreimpeccables,commesijen’avaispasfaitunepetitesiesteaprèsma journéede travail. J’étaisàmonstudiodephotographie, sibienque jen’aipaseubesoindememettreentailleurouenrobe:jeneportejamaisdejeanpourallertravailler.Jeneveuxpasquemesclientspensentquejesuisuneminable.Jeprendsmontravailausérieux,mêmesic’estparfoisaussiennuyeuxquederegardersécherlapeinture,alorsilfautquejememetteenvaleur.Jen’aipasbesoindeplusdemaquillagequecequejeported’habitude;unpetitpeudebrillantsurleslèvres, de l’eyeliner et dumascara pour soulignermes yeux bleu clair etme voilà prête.Dans lavoiture,jevérifieraiqu’ilsn’ontpascoulépendantmasieste,avantquequelqu’und’autrequeFélixmevoie.
NousquittonslamaisonàborddemonadorableChevySonic2 rougeceriseet jemedirigevers un bar du centre ville où je suis absolument sûre quema sœur n’aurait pas dû aller avec sesenfants.EspéronsquejenedétonneraipastropdansmonensembleBCBG.JenesuisjamaisentréeChez Frankie, mais j’imagine bien que ce n’est pas le genre d’endroit où j’aimerais allerrégulièrement.On en parle aux informations de temps à autres et jamais parce qu’il s’y est passéquelquechosedebien.
Moi:Onarrive.Tiensbon.Netuepersonneavantquejesoislà.Jen:Jeneprometsrien.
1.SalledejeuxdelaNouvelleOrléans.2.PetitevoituredelamarqueChevrolet.
CHAPITRE2
Jemesuisgaréeaumilieudemotosquidatentpourlaplupartdutempsoùleurpropriétaireétaitencoreàlafacetdegrossesberlinesquiauraientdûfiniràlacasseilyabellelurette.Jevoisdeux camionnettes, l’une d’elles flambant neuve. À part ma voiture, c’est le seul véhicule où onpourrait me retrouver morte et, Dieu du ciel, il s’agit d’une camionnette. J’ai horreur descamionnettes.Ellessonttellement…grossesetploucs.
Jepensequec’estlapiredécisionparentalequ’aitjamaisprisemasœur.Qu’est-cequiluiestarrivé?Çanepeutpasêtreseulementl’écritureintuitivedesonportable.Cettefois-ci,sonex-mariadûlapoussertroploin.
J’ouvre laportedubar et jem’arrête avecFélix juste sur le seuil, pour avoir une idéedeslieux.J’essaiedenepasêtrenerveuse–aprèstout,jesuisunefemmeadulteetjesuisentréedanspasmaldebars;jen’aiaucuneraisondecraindrequelqu’unici.Maisj’aibeaufaire:j’ailesmainsdeplus en plus moites. Je scrute la salle à la recherche d’une silhouette de femme désespérée, lescheveuxhirsutesettroisjeunesenfantsquisebalanceraient,accrochésauxlustres.
Mais je ne vois que des tabourets de bar avec de grosses fesses masculines dessus, lesportefeuillesretenuspardeschaînesàleurspoches;destablesdejeuxavecdesgroupesd’hommesdebout tout autour, armés de queues de billard, tous vêtus de vestes et de jambières en cuir ; etquelquesfemmesperchéessurdestabouretsdansuncoin,quidoiventsûrementêtrepayéesàl’heurepourfaireleplusvieuxmétierdumonde.
Jemedemandeuntrèscourtinstantsiquelqu’uniciauraitbesoind’unephotographepourunmariage.C’estpardésespoir,cettepartiedemoiquin’arrêtepasdepenseràmoncompteenbanquepresquevide.Puismoncerveauraisonnableseremetàfonctionneretjemedisque,silesclientsdecebarsemariaient,ilsiraientplusquevraisemblablementàlamairie,debonnesrasadesdewhiskyscellant lecontrat.Desgensquicélèbrent lesgrandsévénementsde leurviedecette façonne fonthabituellementpasappelàunphotographeprofessionnelquiimmortaliseradeshabitsdefête.
Pourêtrehorsdemonélément,onpeutdirequej’ysuis!Jeregardemespieds.Peut-êtrequelesespadrillesrosesn’étaientpasunebonneidée.Lesmotardsmelancentdesregardsdetraversetcelan’améliorepasdutoutmesmainsmoites.
Ilyaunevoûtede l’autrecôtéde la sallequimèneàuneautrepièce, semble-t-ilpublique,maisdont jenepeuxdevinerd’ici laspécificité.Nevoyantpas lesmembresdemafamilledans lapremière salle, je suppose qu’ils doivent s’y trouver. Je ne peux qu’imaginer ce qu’il y a là-bas.Probablementdeladrogue.Sansdouteencoreplusdecuiretdeportefeuillesattachéspardeschaînes.
Jetranspirejusquesouslesbrasmaintenant.Fantastique.Àquoi songema sœur ?Elle est entréedans cebar et est alléedans la salle arrière ?Cela
n’augureriendebon.Prenonslameilleurehypothèse:desjeuxdepoker.Sonexenferaittoutunplat.Ilesttoujourstellementheureuxdesoulignersesfaiblessesentantquemère.S’ilajoutejoueuseàlaliste, ce ne serait vraiment pas bien. Maintenant, je me reproche d’avoir déconné avec elle autéléphone. Elle était visiblementmal dans sa peau, hésitant entre «maman stressée » et «mamancomplètement siphonnée » ; et, maintenant, je sais qu’elle a franchi cette ligne dans un endroitmanifestementpeurecommandable.Mapauvresœur.Sespauvresenfants!
Jen’aijamaisencorereprochéquoiquecesoitàJennyausujetdeseschoixmaternels.Elles’est énervée, ça c’est sûr,mais elle n’a jamais dépassé les bornes comme aujourd’hui.Quand leschosesontétévraimentdifficilespendantsondivorceelleaprisunpeudetempspourréfléchir,maiselleavait toutarrangéavecmoiet lesenfantsà l’avanceet s’était assuréeque toutallaitbienpournousavantdepartirunesemaine.
Jen’ensuispascertaine,maisj’espèreintervenirdefaçonefficacetouteseule:lesgensicinedoiventpassavoirqu’àmesyeuxilsnesontpaslameilleurecompagniepossiblepourmasœur.Mapauvresœur,aînéecertesmaismalconseillée,etquivaenprendrepoursongradedem’avoirattiréedanscetendroit.
Mes pieds sont littéralement englués dans le sol. Pour pouvoir avancer, il faut que je lesdécolledu…duquoi?Tapis?Linoléum?Impossibleàdire.Jefrissonneenpensantaunombredebactériesquejerécolteencemoment.C’estcertain:aprèscetteéquipée,jelaisseraimeschaussuresdevantmaporte.Jedevraisprobablementlesbrûlerpourempêcherlacontagion.Çam’attristeparcequej’aimebienmesespadrillesroses.
Plusieurstêtessetournentetmesuiventattentivementduregardtandisquejerecommenceàavancer.
JeremontelesacdeFélixsurmonépaule;satêtesortetilregardeautourdelui.—T’enpensesquoi,Félix?Jeluiaiposélaquestiondoucement,mavoixunpeutrophautecependant.—T’asenvied’unepetitebière?Aulieudefaireirruptiondanslasallearrière,ordonnantàmasœurdepartirimmédiatement,
jedécidequelajouercoolestlameilleurefaçondeprocéder.Parfois,ellepeutêtrebutée.Jel’aivueplusd’unefoisdansunecolèrenoiretournéecontreelle-même,etjeneveuxpasqueçameretombedessuspourfinirdansunedecessituationsoùquelqu’un-appelle-les-flics-parce-qu’une-divorcée-est-devenue-dingue. Je vais rester au bar uneminute ou deux et rassembler assez de courage avant laconfrontationquinevapasmanquerdesuivre.
Toutexcité,Félixhalète. Jeprendsçacommeun«peut-être»en réponseàmaquestionausujetd’unebière.
Montéléphonesemetàsonneraumomentoùjemefrayeuncheminverslebar,m’annonçantl’arrivéed’unnouveautexto.
Jen:Oùdiablees-tu?Moi:Tedéshabillepas.Jesuislà.Jen:Où?Toutcequejevois,c’estunebimboavecunchiendanssonsac.Ma bouche part de travers pendant que je relis sonmessage. Elle a vraiment perdu la tête
maintenant.Bimbo?Depuisquandest-cequejesuisunebimbo?Ellesaitquej’aieumondiplôme,
mentiontrèsbienavecfélicitations.Mesdoigtsvolentsurleclavier.Moi:Tuferaisbiendetedétendreunpeuoutonéquipedesecoursnevapastarderàvenirte
sonnerlesclochesettuesdéfinitivementsurlalistedeceuxquej’aienviedetuer.Jen:Tupeuxconsidérerquetuesunhommemort.Jet’aiprévenuausujetdescloches.Jegrogne.Elledoitêtrecomplètementpartie.J’abandonnemesplansausujetd’unebièreet
metourneendirectiondelasalleàl’arrière.Lanervosités’estajoutéeàl’indignation.Machèresœurvientjustedemetraiterdebimboetd’hommemort.Elleestmanifestementivredevantsesenfants:alorsoublions les interventionsde lapetite sœur toutegentille et aimante.Onestvraimentdans lamerde.Jefléchislesdoigts,m’apprêtantàluiservircequejeviensdeluipromettre.
Lasallearrièreestplussombrequecelledonnantsurlarue.Iln’yapasdepistededanse,pasdecouplesetrienquiressembleàundécor,àmoinsdeconsidérerquedevieillespublicitéspourdelabièreetdesmursteintésàlanicotinesoientdeladécorationd’intérieur.L’endroitestabsolumentvide,maisjevoiscequiressembleàdesportesdetoilettesdanslecoinleplusreculédelasalle.Ilsdoiventêtrelà-dedans.
Jemetrouvejusteentrelebaretlasallearrièrelorsquej’entendsungrandbruitderrièremoi.Jen’aimêmepasletempsdemeretournerquejereçoisunefortepousséedanslacolonnevertébrale.
—Bonsang!Lesmotsontfusépendantquej’effectueunpetitsaut,trébucheettombeenavant.Ça sent la fumée. L’adrénaline déferle dansmes veines pendant que jeme remets surmes
pieds.Félixaboiecommeunchihuahuafurieuxquiauraitétésaisiparlediable.Jecroisquejevaisavoirunecrisecardiaque.
La personne qui m’a poussée m’attrape par les bras et me soulève pratiquement du sol,m’obligeantàentrerdanslasallearrière.
—Qu’est-cequevousfaites?Jecrieetmedémènepouréchapperàsaprise.Jesuiseffrayéemaintenant,etfurieuse.Jen’ai
aucuneidéedecequisepasse,maisjen’aimepasqu’onmemalmène.Celamerappelletroplafoisoùj’aiétéagresséeetmesuisretrouvéeavecunœilaubeurrenoir,ungenouécorchéetunsacvolé.
Quand j’arrive enfin à me retourner, je vois un type grand comme une montagne deboutderrièremoi,toutenbarbenoireetmassesombredecheveuxfrisés,serrésdansunbandanableu.Ilpeutavoirentre trenteet soixanteans ; impossibleàdireparcequesonvisageet toutesa têtesontcachéspar…euh…unefourruredigned’ungrizzli.
—Dégagezd’ici!gronde-t-ilenmepoussantsurlecôté.Jeperdsquelquesmètresdeterrainavantd’arriveràenfoncermestalonsdanslesol.—Ilfautquejetrouvemasœuretsesenfants!Jemedébatscontresonétreinte,essayantd’attrapermonTaserdansmonsacpourapprendreà
cettebruteuneoudeuxchosesausujetdelamanièredetraiterunedame.Audiablelapanique.Masœur est quelque part ici et elle a besoin de moi. La chimie interne de mon cerveau fou m’atransforméeenunesortedesuperhéroïne.J’aimêmeunsecondcouteauavecmoi,quiapournomFélix.Ondevraitporterdescapesassorties.
—Yapasd’enfantsici–vousêtesfolle?Iln’acceptepasquejedisenon.Jesuisaumilieudelasalledufondquandjecomprendsenfincequ’iladit.J’abandonnelarecherchedemonTaser,quidoitse trouversous lafourrurepelucheusedeFélix ; jedoisprivilégier lecontrôlede lasuitedesévénements.
Ilaraison.Jen’aipasencorevumasœur,maisçaneveutpasdirequ’ellen’estpasici.Elleest
peut-êtredanslestoilettesouàunautreendroitdubarquejenevoispasdelàoùjemetrouve.Ellem’aenvoyéuntextoetjesuisvenue;etjenereparspassanselleetsespetits.
—Pourquoiest-cequevousmepoussez?J’essaied’attraperl’arrièred’unechaiseàhautdossierquisetrouvesurmonchemin,maisje
lâchepriseetelletombederrièrenousàgrandfracas.Lebruitdegensquicrientdansl’autrepiècesefait plus fort. Des hurlements dans le bar donnant sur la rue s’y ajoutent, et ils ne sont pas tousféminins.
—Sortez,ordonnel’homme.Ilfautquevouspartiez.J’attrape le bord d’une table qui est heureusement vissée dans le sol, arrêtant ainsi notre
avancée.Jenevaisnullepart.Jegrognetoutenmepliantendeuxtandisqu’ilessaiedemesouleverparlataille.—Ilfautquejetrouvemasœur.Jeluienvoiedescoupsdepiedetl’atteinsautibia.—Aïe!Surprisparladouleur,ilsepencheenavantetmelâche.J’entendsunedétonationetunsonmétallique.Mesyeuxs’ouvrent toutgrandsquandjevois
apparaître un énorme trou dans lemur à côté demoi, là où, l’instant d’avant, il n’y avait qu’unesurfacepratiquement lisse.Lorsque je lève lesyeux, jevoisunhommequi se tientà l’entréede lasalledufondavecunearmepointéedansnotredirection.Moncœurs’arrêtedebattrependantuneoudeuxsecondesetmapoitrinesembleserétracterdepeur.
Jen’aipashontededirequej’aicriéassezfortàcemoment-là,etcen’étaitpasl’undecespetitscrisadorablesquepoussentlesdames.Plutôtunpouletfouquel’onessayeraitd’étrangler.
L’hommegrandcommeunemontagnequi a essayédeme faire sortirdubarm’attrapeparmonsacetmeprojettesurlesol.Jem’écroulesurlesgenouxetjetremblesanspouvoirm’arrêter.
Félixleremercieenlemordantàlamain.—Espècede…!Letypefourresablessuredanssaboucheuneseconde,puisl’enretire.—Onyva!Pliéendeux,ilmeprendparlebrasetm’entraînehorsdelapièce,seservantdestablesetdes
chaises pour s’abriter. Je cours et trébuche tout à la fois, essayant demettre davantagededistanceentremoietlecingléquiosevraimentmetirerdessus.
D’autresdétonationsetdeuxsonsmétalliquesnouspoursuivent,envoyantvolerdesmorceauxdeboisquiviennentmefrapperauvisage.Çamefait immédiatementunmaldechien,commeunebrûlure.
J’aiététouchée!Mamainlibrevoleversmajoueetytrouvequelquechosed’humideetdepoisseux.Lorsque
jeretiremesdoigtsetlesregarde,jevoisqu’ilssontenduitsdequelquechosedefoncé.Nomd’unchien!Serait-cedusang?Oh,monDieu,est-cequejesaigne?
J’entends comme un bourdonnement dans mes oreilles à présent, mais ça ne vient pas del’extérieur.Jecroisquemoncœurvaexploser.C’estlepiresauvetagedesœurqu’onaitjamaisvu!
—Continuezàcourir!criemonsauveurenmepoussantdehors.Jetombeàquatrepattesdansunealléepuante,gluanteetsaleetmonsacatterritàcôtédemoi.
Félix en est éjecté et se remet sur ses pattes, aboyant comme si le diable en personne avait prispossessiondesoncorps.Jesaisexactementcequ’ilressent.Jecroisquejevaisvomir.
Laporteserefermederrièremoiàtoutevolée.—Faitestairecechien!hurleletype.Vousêtesencorelà?Jecrie.Jesuisfurieuseparcequejesaisquecesballes luiétaientdestinéesetpasàFélixouàmoi.
Nousn’avonsjamaisinspiréàpersonneceniveaudehaine.Peut-êtrequelquesparolesunpeuvivesausujetdecrottesminusculeslaisséesparmonchiensurlapelouseduvoisin…d’accord,maisdesballes ? Jamais. Ce type est dangereux. Tout le monde peut se rendre compte qu’il s’agit d’ungangsteràmotooud’unvendeurdedrogueetjen’enveuxpasavecmoi.
Ensuite,jereniflecequi,j’ensuispresquesûre,estlecontenudel’estomacdequelqu’un.Parterre. L’instant d’après, je fais un vol plané et je suis un instant désorientée lorsque mes piedsreprennentcontactaveclesoletquejemeretrouvedebout.
—Qu’est-cequis’estpassé?Jepensemurmurer,maismavoixestbientrophautepourapparteniràunêtrehumainnormal.
Unedemi-secondeplustard,jecomprendsque,sijesuissurmespieds,c’estparcequeletypem’aremisedeboutaussifacilementquesij’étaisunesimplefeuilledepapier.
—Prenezvotrechienetpartons.Samainestposéesurlaportearrièredubar,surmontéed’unsignelumineux«Sortie».Illa
tientfermée.Sijen’avaispaslapeurdemavie,jeseraisimpressionnéeparsonespritchevaleresque.Ilauraitprobablementpusetrouverdéjààunkilomètred’icis’ilnes’étaitsouciéquedesapropresécurité.
Toutmoncorps–voixcomprise–tremble.—Viensici,Félix.Montedanslesac.Félixaboiecontretoutettoutlemonde,réelouimaginaire.Toutsoncorpsestsecouéparune
énergiecoléreuse.—Viensici,Félix!Ilfautqu’onparte!Quandjeparviensfinalementàl’attraper,jesuispresqueimpressionnéeparcettefureurquile
possède toutentier ; ilvrombitcommeunecordedeguitarequ’onvientdefairevibrer.Jem’étaisdéjàmiseenmouvementavantmêmed’avoirpuvoiroùsetrouvaitFélix.Cebarbuaraison.Masœurn’estpasdanscebar.Pourquoiest-ceque j’aipu lepenser?Peut-êtrequ’elleesten traindeboirechezelleetm’envoiedestextosd’ivrogne.Jevaislatuer.
—Allons, Félix.Monte dans le sac. Arrête de faire l’imbécile. Je le fourre dedans tête lapremièreetlemaintiensenserrantmonbrascontremescôtes.
Ilesttempsdeficherlecampd’ici.Etdelaissercegangsterderrièremoi.Jemarcheleplusvitequejepeuxversleboutdel’allée,maisonmesaisitunefoisdeplusparlecoude.
—Quoi?Jememetsàcrier,meretournantd’unblocpourmetrouvernezànezaveccettebrutequinecroitcertainementpasàl’hygiènecorporelleniauxbonnesmanières.
—Qu’est-cequevousvoulezencore?Moncœurcognedeplusbelledansmapoitrinetandisquemesyeuxbalaientfurtivementlesalentours,dubaràmonravisseur.Jesaisqueledingueavecl’armevaarriveràcetteported’unesecondeà l’autre,et jen’aipasenviedem’attarderdavantagedansl’allée.
—Vousnepouvezpasallerparlà–ilsvousyattendront.Suivez-moi.Jemesensunpeucoupabled’avoireudesmauvaisespenséesàsonsujet,ilestévidentqu’il
essaiedem’aider.Mais,quandilpartautrot,melaissantplantéelà,j’oubliecesentiment.Tuparlesd’unespritchevaleresque!Ilneregardemêmepasderrièreluipourvoirsijesuis,lesaletype.
Mespiedssemettentd’eux-mêmesenmouvement.—Quic’est“ils”?Pourquoiest-cequ’ilsm’attendent?Ilnerépondpas,maisilbifurqueàquelquesmètresdevantmoietmelaisseseuledanscette
allée jonchée de déchets et sentant le vomi. Lorsque je regarde derrière moi, vers la rue où mavoitureestgarée,jeseraisprêteàjurerquejevoislasilhouetted’unbanditavecunearme.Alors,jememetsàcourirpourrattraperletypeavecsabarbehorrible,espérantnepasavoiràregrettercettedécision,commejeregretted’êtrevenueapporterunsecoursdontonn’avaitnulbesoin.
CHAPITRE3
Lorsque je réussis à rattraper le bandit barbu, il me laisse tremblante dans l’ombre d’unebenne à ordures, quatre rues plus loin, etme promet de revenir. Félix ne se soucie plus de rien àprésent. Il se promène autour de moi, laissant des messages odorants à l’attention de tout chiensusceptibledepasserparicidanslesprochainsjours;j’envoieuntextoàmonivrognedesœuretmarespiration reprend lentement un rythme normal. Je peux imaginer ce que disent lesmessages deFélix.Quelque chose du genre : « Salutmon vieux, tu ne devineras jamais ce quim’est arrivé cesoir!»Jesaisquejesuispasmalsonnéeaprèstoutçaetjenesuismêmepascroiséechihuahua.Jem’aplatisdansuncoinoùpersonnenemeverraetjeprêtel’oreillepourentendredespas.Pendantunmoment, la seulechosequi trouble le silence, c’est lemartèlementdemonproprecœurquibat lachamade,maisensuitearriventdessirènesetellessontcommeunemusiqueàmesoreilleslorsquejeréalisequ’ellesviennentdubar.
Je fais une prière pour quema sœur aille bien. Je ne l’ai pas vue, ni les enfants et çamerassure un peu. Mais elle n’a répondu à aucun de mes derniers messages. Je regarde à nouveaul’écran,histoired’enêtresûre.Touslestextosquiapparaissentencoresontlesmiens.Sesmessagesdedinguen’arriventplus.Elleadûs’endormirsur soncanapé.Çane lui ressemblepasdu toutdefairequelquechosecommeça.Ilfautquej’aillechezelledèsquejelepourraipourm’assurerquetoutlemondevabien.
Moi:Oùes-tu?Es-tuensécurité?J’espèrequetun’espasdanscebar.Jevaistetuerpourm’avoirentraînéelà-bas.S’ilteplaît,réponds-moi.Jecommenceàm’inquiéter.Lagrossecylindréequiétaitstationnéelàoùjemesuisgaréetoutàl’heures’arrêteaubord
dutrottoiretleslumièresintérieuresdelacabines’éclairent;labrutebarbueestàl’intérieur.Çamesurprendquandmêmeunpeuqueletypeleplusmaldégrossidel’endroitpossèdelavoiturelapluschère.Monportablesonne,m’alertantdelaréceptiond’untexto.JemepenchepourattraperFélixetjelis:
Jen:Ona étédécouverts.Ne retournepas en arrière.On se retrouveauprochainpointde
chutedanstrenteminutes.Je regarde fixement l’écran, arrêtée devant la porte du côté passager. Elle s’ouvre de
l’intérieuretjelèvelesyeuxpourvoirlevisagedemonsauveur.—Montez,dit-il.Iljetteunœilàsontéléphoneetattendquejem’exécute.—Euh,nonmerci.Jeregardepar-dessusmonépaule.Toutcomptefait,l’obscuritérassurante
delabennenemeparaissaitpassimal.—Vousnepouvezpasresterici:quelqu’unpourraitvousvoirenpassantenvoiture.— Mais je devrais monter en voiture avec un gangster qui vend de la drogue, qui va
probablementmetueretsedébarrasserdemoncorpsdanslefleuveMississipi?Ilsoupired’énervement.—Jenevendspasdedrogueetjenesuispasungangster.Allons–arrêtezdetournicoter.Je
neveuxpasqu’onmevoieici.—Parcequevousvendezdeladrogue.Savoixestunmodèledepatienceexagérée.—Non. Parce que ceux qui vendent de la drogue vontme voir sur leurs terres et ils n’en
serontprobablementpasravis.Je regardeautourdemoi, ànouveau submergéepar lapeur, commesiquelqu’un tentaitde
m’étouffer.—Onestsurleterritoiredesdealers?Ilfaitunsigneendirectiondelafenêtre.—Regardezautourdevous.Vousenpensezquoi?Je vois des gens qui rôdent au coin des rues et boivent dans des gobelets en carton. Des
hommesdeboutformantdesgroupesetquinousregardent.Ouais.Pastropagréable.Jememordslalèvre en considérantmes possibilités. Je pourrais appeler la police et attendre dans un coin qu’onvienne me chercher, mais dans combien de temps – des heures selon mon expérience ? Et, dansl’intervalle, je serai une cibleparfaite.Oubien, jepourraismonterdans lavoiture avec ce type etpeut-êtremefairevioleretvoleretmêmeassassiner.Est-cequej’aid’autreschoix?Iln’yapasdeboutiquesapparemmentrassurantesdanslecoinetiln’estpasquestionquejeremontelarueàpied.C’estcommed’avoiràchoisirentreCharybdeetScylla.
Jeréponds:—JeprendslerisqueettiensFélixplusfermementsousmonbras.Letypesesoulèvesurunefesse:—Tenez.Regardezça.Jemerecule,certainequejevaisdécouvrirunearmepointéecontremoi.Maisilsortunportefeuille.Duportefeuille,iltireunecarteetmelatend.Je liscequiestécritsurunecartedevisiteblanche. Ilya juste lenomd’unesociétéetune
adresse.Pasdenomdepersonne.«LesBourbonStreetBoys».Je lève la têtevers luietplisse lesyeux.
—Est-cequevousêtesentraindemedirequevousêtesuntypebien?—Toutàfait.Etmaintenant,montez.Tenantlacarteàboutdebras,j’enprendsunephotoetm’envoieuncourrielenyattachantla
photo.— D’accord, monsieur le Bourbon Street Boy. Je viens d’envoyer un courriel avec votre
adresse professionnelle à ma sœur et à moi ; si quelque chose m’arrive, vous en serez tenuresponsable.
—Formidable.Montez.
Jesaisquemonplannevapastrompergrandmonde,maisc’estlemeilleurquej’aie.Jevoisencoredansmatêtecelledutireur,etellemesembleplusmenaçanteàchaquesecondequipasse.
Jeprendsd’abordmonTaseretjelepassesubrepticementsousmaceinture.Ensuite,jedéposemon sac, avec Félix dedans, à l’intérieur du véhicule et, m’aidant de la porte elle-même et de sapoignée intérieure, je me hisse dans l’habitacle. Une fois installée, j’attache la ceinture et écrisrapidementuneréponseaumessagedemasœur.Jepensaisquejem’étaiscalmée,maismonpoulscontinueàbattreàtoutevitesse.Jepeuxlittéralementl’entendrefrappersescoupsdansmanuque.
Moi:Est-cequetuesivre?Oùsontlesenfants?J’entends un bip à côté demoi et, après une pause de deux secondes pendant que la brute
regardesontéléphone,ilsemetàriretrèsfortetappuiesurl’accélérateur.Lacartedevisitequ’ilm’adonnéenesignifieriendutout.J’aisautéhorsdelapoêleàfrire
pouratterrirenpleindanslefeu.Est-cequ’ilestdérangé?Ilfautcroire!Quiest-cequidémarresavoitureaumomentoùilreçoituntexto?Etaprèsquiena-t-iltellement?Unepetiteamiesansdouteou je ne sais qui, encore que je n’arrive pas à imaginer quel genre de fille sortirait avec un typepareil. Peut-être une de ces culturistes qui soulèvent des poids, ont un cou de taureau et des poilspartout à force demettre des stéroïdes dans leursmélanges protéinés. Je tire tout doucementmonpistoletTaserdemaceintureetledéposeàcôtédemajambe.S’ilfaitunseulgestepourmefairedumal,jevaisl’illuminercommeunsapindeNoël.
Il lance son portable sur le tableau de bord et souffle l’air de ses poumons dans un longsifflement.Puisilpasselapremièrevitesse.
—Oùhabitez-vous?Jevaisvousreconduirechezvous.Jememetsàrire,maisjetremble.Jepensequec’estàcaused’unstressaccumuléouquelque
chosedecegenre:peuimporte,c’estquelquechosedefort.Jen’arrivepasàmecontrôler.Jepenseque jevaisenfairepipidansmaculotte.Faceàunemort imminente, ilsemblequemessphincterssoientsurlepointdelâcher.
Ils’arrêteàunfeurouge.—Jenevoispascequ’ilyadesidrôle:jevousdemandevotreadresse.Sa barbe se soulève à chacune de ses paroles, ce qui rend les choses encore pires. Ou
meilleures.Mais,finalement,j’arriveàmaîtrisermontremblement.Jem’arrêteetessaiederespirernormalement.
—Cequiestdrôle,c’estquevousayezpupenserquej’allaisvousdonnercerenseignement.Mon nez émet un grognement. D’accord. « Voilà. Monsieur l’Homme des Montagnes
Ressemblant à unGrizzly, pourquoi ne viendriez-vous pas chezmoi pourm’assassiner dansmonsalon ?Çame plairait assez. » J’en louche tellement c’est ridicule et regarde droit devantmoi autraversdupare-brise.
—Vousdevezpenser que je suis la femme la plus bête dumondepour tomber dansun telpanneau.
Oublionslemomentoùjesuisréellementmontéedanssacamionnettesurlafoid’unecartedevisiteprofessionnellequin’estprobablementmêmepasà lui.Bonsang!Ellepourraitmême,pourautantquejelesache,avoirappartenuauderniertypequ’ilatué!Ilfautquejemefasseexaminerlecerveau.Parcequejesuisperdueetquejenesaispasquoifairedemavie,çamerendcomplètementstupide.Dieumerci,j’aimonTaser.
Lefeupasseauvertetilappuiesurl’accélérateur.Lemoteurrugit,maisnousrestonssouslavitesselimiteautorisée.Ildoitêtreunesortedeboy-scout.Oupeut-êtreunmeurtrierquineveutpasêtrearrêtéparlesflics.C’estlescénarioleplusprobable.
—Est-cequej’auraisprislapeinedevoussauverlaviedanslebarsij’avaisl’intentiondevoustuer?
—Commentsuis-jecenséelesavoir?Jenesuispasfolle.—Moinonplus.—J’auraispum’ytromper.Jemurmureçalesdentsserrées.Jedésignedudoigt,auboutdela
rue,unebrasserieouvertelanuit.Laissez-moilà-bas.Jecommanderaiuntaxipourretourneraubarcherchermavoiture.
Commevousvoulez.Ilchangedefilepourallersegarersurleparking.Lesentimentdesoulagementquim’envahit
est enivrant. C’est comme d’être sur des montagnes russes et d’arriver enfin au bout d’un tourabsolumentaffreux.Çadonnemêmeunpeuletournis.
Monportablebipeaumomentoùnousnousgarons.Masœur:Salutmignonne.Çatediraitunverredevin?J’aienfinmislespeccadillesaulit.Jefixel’écranpendantunbonboutdetemps.Levacarmedumoteurmemetdansunesortede
transe ; je continue à me demander ce qui va de travers chez ma sœur. Est-ce qu’elle a undédoublement de personnalité à présent ? L’angoisse d’être une mère seule a-t-elle finalement euraisondesasantémentale?Devrais-je l’appelerSybille ladevineresse?Pourquoiest-cequemonportableindique«masœur»àprésent?Sonnuméroa-t-ilétéreconnectédepuistoutàl’heure?
—Qu’est-cequisepasse?demandeletype.Vousavezdemauvaisesnouvelles?— Pourquoi dites-vous ça ? Je détache difficilement les yeux de mon portable pour le
regarder.—Parcequevotrevisageal’airderapetisser:vousfroncezlessourcilssifort.Jemeremetsàfixermonécran.Cen’est rien.Justemasœurquiperd lespédales.Oubien,
c’estmoiquiaiperdulesmiennes.Riendetoutcecin’adesens.Jepensequelapeurquej’aieueenmefaisanttirerdessusadétraquémoncerveau.Jen’arrivepasàpensercommeilfaut.Qu’est-cequisepasse,bonsang?
Félixsortlatêtedemonsacetmelèchelementon.—Merci,monvieux.Jesoupire.Bien.J’yvais.Jemetsmamainsurlaportièreettâtonnepourtrouverlapoignée.Jesupposequejen’aipas
étéassezrapideparcequel’hommedelamontagnesepencheau-dessusdenousetm’ouvrelaporte.Jesursautetellementjesuissurprise,pensantpendantunquartdesecondequ’ilvamefrapper.
Etpuis,dèsquejevoisqu’ilétaittoutsimplementpoli,jepensequesaproximitévamerépugner;mais, toutaucontraire, jememetsàinspireràfond,inhalantsonparfumjusqu’auplusprofonddemoncerveau.Ohlàlà.Délicieux!
C’estcomplètement insensé,bienévidemment. Il ressembleàunpréparateurunpeu foudesrestaurantsDuckDynastyquiauraitdisjonctédepuisunbonpetitmoment,maisilsentboncommeuncitadinsoucieuxdesonapparencequiserendraitàunesoirée.Etalors?
Cetypeavraimentquelquechosedespécial,maisjenesuispassuffisammentintéresséepourvouloirdécouvrircequec’est.Jeveuxjusteallerchezmasœuretm’écroulersursoncanapé.Unefoisquej’auraicompriscequiabienpusepasser,jedécideraisijememetsàl’engueulerpendantdixbonnesminutespouravoirfaillimefairetuer.
—Merci.Jemelaisseglisserdusiègesurleparking,entraînantFélixetmonsacavecmoi.—Jevousenprie.JefermeviolemmentlaportederrièremoietremonteFélixdanssonsacsurmonépaule.La
vitre côté passager descend dans un miaulement électrique. Lorsque je regarde à l’intérieur ducamion,toutcequejevois,c’estl’obscurité.
—Prenezuntaxipourrentrerchezvous.N’allezpascherchervotrevoitureavantdemain.—Pourquoi?—Parcequejevousledis,voilàpourquoi.Jegrogneànouveau.Cesoir,ondiraitquejesuismoitiéêtrehumain,moitiéanimal.—D’accord.Bonnecontinuation.Je commence àmarcher en direction de la brasserie brillamment éclairée qui propose des
petitspâtés,d'aprèscequejepeuxvoirdanslavitrineprèsdelaported’entrée.Monsauveurneditrien.Soncamiondémarredansunnuagedepoussièreetdegravillonsetje
meretrouvetouteseulesurleparkingavecFélix,quis’estremisàaboyercommes’ilvoulaitfaireexplosersatêteminuscule.
Allons,Félix.Entronscommanderunpâtéetensuitenousironscherchermavoiture.Mes pieds font crisser les gravillons qui parsèment l'asphalte. Je ferais sans doute bien
d’appelerlapolicepourleurracontertoutcequivientd’arriver,maisjesaisqu’ilssontdéjàdanslebar.J’aientendulessirènes.Enplus,jepeuxleurdiretoutçademainmatin,n’est-cepas?Aprèstoutcequejeviensdesubir,meretrouverassiseaupostependanttouteunenuitestladernièrechosedontj’aie envie. Je sais comment ça marche. Lorsque j’ai été attaquée, on n’a guère fait cas de monangoisse,maisjesuisrestéecoincéependantdesheuresavecdesinterrogatoiresetdesrapportset,aprèstoutça,ilsn’ontjamaisretrouvéletype.C’étaitunepertedetempstotale.
Non.Pasdeflics.Entoutcas,pasmaintenant.Ilfautquej’aillevoirmasœur.Quejeluiparleetquejecomprennelesévénements,avantdepouvoirlesexpliqueràuninspecteur.
Ma conscience me reproche ce plan tardif tandis que les paroles de l’homme grizzlyreviennent commeunéchodansmoncerveau,medisantdenepas retourner cherchermavoiture.«Cetypen’apasàmecommander.»Voilàcequejememurmuretandisquenousnousapprochonsdel’entrée.Jepeuxallercherchermavoiturequandçameplaît.Pasbesoind’attendredemain.Ceneseraitvraimentpaspratique.
Félix lanceunaboiementapprobateur. Je leprendscommeunaccord tacitequenousallonsrécupérernotrevoiturepourrentrercheznous.Oublionscequecetypeadit.
—C’estvrai,Félix.Jesuisunegrandefille.Tuesundemi-chihuahuaadulte.Nouspouvonsnousdébrouillerseuls.Nousn’avonspasbesoinqu’untypebizarre,toutjustehumanoïde,nousdisecequenousdevons faireetquand le faire,hein?Tous lesbanditsquiétaientChezFrankie serontpartisdepuisunbonmomentlorsquenousauronsfininotrepâté.Lestireursnes’attardentpassurleslieuxunefoisleurcrimeaccompli,n’est-cepas?Ceseraitdusuicideet,d’aprèscequejecomprendsdumonde,lesbanditsviventéternellement.
Félixgémitetdisparaîtàl’intérieurdemonsac.—Voyou.On peut parler de loyauté chez l’ami le plus fidèle de l’homme. J’entre dans la
brasserieethumel’odeurdubaconquivientd’êtrefrit.—Miam-miam,tusensça,Félix?C’estdubacon.Dommagequetunepuissespasenavoirà
causedetesproblèmesdigestifs.Jesourisdecespenséesvengeresses.Çaapprendraàcepetitgredincequ’ilencoûtedenepasmesoutenir.
Jelesensquicherchequelquechosedansmonsac.Mavoixsetransformeenungrognementsourd.—Félix,situfaispipidansmonsac,tuesunchienmort,tum’entends?Il gronde. Et puis, il fait pipi. J’entends le bruit que cela fait en touchant la petite serviette
hygiéniquequejeconservedansmonsacàtouteéventualité.Etvoilàpourlepâtéetlebacon.Jepassecinqminutesdanslestoilettesetressorsparlaporte
principale ; j’extraisbrusquementmonportableetdemande les renseignements.Avantque j’aiepufinirdecomposerlenumérodestaxis,ilyenaquis’arrêteauborddutrottoirderrièremoi.Jesuissidéréeparcettecoïncidenceextraordinaire,puisleconducteursortetsemetàcrierpar-dessusletoitdesontaxi:
—C’estvousladameaveclechienquiveutrentrerchezelle?Très bien.Mon cœur se réchauffe un peu à l’idée quemon sauveur a vraiment fait un bon
boulotpourm’aideravecFélix.Ilauraitpusecontenterdepartiravecsacamionnetteetnouslaisserdehorsàséchersurpied,maiscen’estpascequ’ilafait. Ilnousaappeléuntaxi.Uneautrechosesurprenantechezl’hommegrizzlyquisentaussibonqu’unrêve.
Quoi?Jevienstoutjustedepenserça?Ehbien!—Oui,c’estmoi.Jem’avancedansl’alléeetm’arrêteàlaportearrièredutaxi,déposemon
sacavantdegrimpermoi-mêmedanslavoiture.Lechauffeurmonteàsontouretmetsaceinturedesécurité.—Adresse?Jeréponds:—AubarChezFrankie.Àdeuxoutroiskilomètresparlà.Jefaisunsignedansladirection
approximatived’oùjemesouviensêtrevenue.—Désolé,madame,j’peuxpas.Onm’aditdevousreconduirechezvous,pasd’vousramener
aubar.Mesoreillescommencentàchauffer.Cechauffeurdetaxipensequejesuisuneivrogneque
l’onaprivéedesonmécène.Sacrébonsang.Jepatientequelquesprécieusessecondesavantdeparler,pourêtresûrequejenevaispaslâcherquelquesjuronschoisis.
— Jeme fiche pasmal de ce que cet homme deNéandertal vous a dit… il faut que j’aillerécupérermavoitureetellesetrouvesurleparkingdeChezFrankie.Amenez-moiauFrankie.
Lechauffeursegrattelatêtenerveusement.—Ilaététoutàfaitspécifique,fautdire.—Çam’estégalqu’ilaitétévraimentspécifique.Sivousvoulezavoirunecliente,vousme
conduisezChezFrankie.— Ilm’adéjà réglé la course.M’a ajoutéunpourboire.Le typeme fait un souriredans le
rétroviseur.—Commenta-t-ilpupayerlacourses’ilnesaitpasoùj’habite?Letypesemetàrireetregardeànouveauautraversdupare-brise.—Ils’estditquecedevaitêtrequelquepartdanslecentreville,àenjugerparlafaçondont
vous êteshabillée. Ilm’adonnédequoi couvrir un tour complet et retour. Il se retournepourmeregarderenface:ilétaitbizarre?
Je lève les yeux au ciel tellement çam’énerve qu’onpuisse deviner si facilement ce que jepense. Je me demande si je ne devrais pas déménager en banlieue, juste pour que les chosescontinuent à être intéressantes. Ensuite, jem’énerve contremoi-même parce que jeme soucie, neserait-cequ’unpeu,decequ’unstupideoursbarbupensedemavie.
—Non,iln’étaitpasbizarre.Maissivousimaginezquejevaisvouslaissergarderleprixdelacoursesansfairecequejevousdemande,vousferiezmieuxd’yréfléchirànouveau.Oubienvousm’amenezChezFrankie,oubienvousrendezl’argent.Àprendreouàlaisser.Jeleregarded’unairfurieux.
Lechauffeursourit:—Ilm’aprévenuquevousmedonneriezpeut-êtredufilàretordre.—Commenta-t-ilpufaireunechosepareille?Jecrie,maispeum’importe.Ilnemeconnaît
nideslèvresnidesdents!
Letypesepermetderigoler.—Vousenêtessûre?Ilseretourneverssonvolantetmetlemoteurenroute.—Vousmedonnezl’adresse,ouiounon?Ilmeregardeànouveaudanslerétroviseur.J’aienviedepassersurlesiègeavantetd’arrêterlavoituremais,aulieudeça,jedécidedela
joueràladéloyale.Àtempsdésespérés,mesuresdésespérées.Ilm’yauraforcée.Jen’aipasd’autrechoix.C’estlemomentdesgrandeseaux.
Degrandssanglots,façonpleurercommeunveau,sortentduplusprofonddemonêtre,mesépaulestremblentetmapoitrinesesoulève.JefaissemblantdepleureretondiraitquejeviensjustedevoirdemespropresyeuxleTitanicentraindesombrer.Jepenseàquelquechosedetrèstriste,àun sentiment que je n’ai jamais encore éprouvé et je le vis de façon absolue. En cet instant, jemériteraistoutàfaitunOscarsionlesdécernaitpourdesrôlessurlabanquettearrièredestaxis.
—Ahnon,nepleurezpas!Ilal’airaussibouleverséquejeprétendsl’êtredemoncôté.Ilfautquejefasseuneffortpournepasesquisserunsouriredejoietriomphante.
—Jedétestequandlesdamespleurent!Allons,détendez-vous,cen’estpassiterrible?C’estpourvotrebien.Iladitquel’endroitn’estpassûrpourvousencemoment.
Maisj’aibesoindemavoiturepourallertravailler!Jecontinueàsangloter.—Jevaisperdremonboulotetensuiteilfaudraquejedéménageetjen’ainullepartoùaller.
Etpersonnenem’aideraetjen’aiplusquevingtballesentoutetpourtout.Alors,jenepourraipasprendreuntaxidemainmatinetmonchienestmaladeetilvapeut-êtresetrouvermaldansmonsacparcequ’ilamangédubaconetilnesupportepaslebaconet…
—Ohlà!Là!Toutvabien.Jevaisvousameneràvotrevoiture,d’accord.Etensuite,je…jevoussuivraisimplementjusqu’àchezvousoubienoùvousvoudrez,pourêtresûrquevousêtesbienrentrée, d’accord ? Ça vous va comme ça ? Il se retourne et passe un bras sur le dossier de sonfauteuil.
D’accord,çamevacommeça.Onpeutfaireça.Jefaisouidelatête,laissantencoreentendrequelquessanglotsafinqu’ilnesedoutepasque
jenesuispassidévastéequecelaàl’idéequemonchienpuissefairesesbesoinsdansmonsac.Oui,ceseraitunetragédie,maispastellequejememetteàpleurerpourça.J’aid’autressacs.Etenplus,lesbesoinsdeFélixsontàpeuprèsdelatailledescrayonsdechezIkea.
Nous sortons du parking de la brasserie et j’en fais des tonnes à essuyermes larmes et àrenifler.Jenem’arrêtequ’aumomentoùnousarrivonsdevantlebarChezFrankie.Ilyadesvoituresdepolicearrêtéeslelongdutrottoir,maisonnevoitpasunseuluniformeàl’extérieur.
—Merci.Jetapotel’épauleduchauffeuretmeglissesurlabanquettepoursortir.—Pasbesoindemesuivrejusqu’àchezmoi.Çairatoutàfaitbien.Vousvoyez?Jepointeun
doigtverslarue.—Lesflicssontlà.—Ouais, d’accord.Àplus tard. Il semble stressé. Jene saispas si c’est dû àmaprestation
digned’unOscarouparcequ’ilne faitpas cepourquoi il a étépayé,mais çam’est égal. Jevaisrécupérermavoitureetrentreràlamaison.
Je referme la porte derrière moi et ouvre mon sac pour y prendre mes clés. L’odeurcaractéristiquedupipidechienmefrappeauvisage.
—Oh,bonsang,Félix.Fallaitvraimentquetufassesça?Ilmelèchelamain.Jesoupire,serrantmesclésdansmesmains.—JevaisvraimenttuerJennyquandjelaverrai.Unverredevin,monœil.Jevaisyalleren
voitureetluiservirmonpoingenguisedesandwich.
CHAPITRE4
Jemetrouveàmi-chemindelamaisondemasœur,quandjetournebrusquementàdroiteetmedirigeaucontrairevers chezmoi. Je suis fatiguée,Félix sentmauvais etmoi, jedois faire lesportraits de touteunegrande familledemain alorsquemon studiodephoton’est pasprêt pour larecevoir.Ilfautquejemecouchetôt.C’estleseulboulotquej’aiesurmoncarnetpourtoutlemois;jenepeuxdoncpasm’écrouleretratercerendez-vous.
Monespritvagabondetandisquejerouledanslesruesavoisinantes.Lestextosquej’aireçusde Jenny n’ont aucun sens. Comment aurait-elle pu passer d’un état qui lui est complètementinhabituelàunautreoùellem’écrit:«Viensprendreunverredevinavecmoi»?Ondiraitqu’elleestdeuxpersonnesdifférentes.Oubienquequelqu’unadétournésontéléphone.
C’est alors que l’évidencem’apparaît.Mais oui !On lui aura volé son téléphone !C’est laseuleexplicationquiaitlemoindresens.Masœurn’estpasunealcooliquecomplètementfolle.Ellenemetjamaissesenfantsendangeretcen’estpasellequ’onretrouveraitmortedansunbarcommeleFrankie.Quelqu’unadûluiprendresontéléphoneouencoresaligneaétécourt-circuitéeparuneautrequandelleaachetéunnouveauportableaujourd’hui.
Je suis tellement soulagée que j’en pleurerais. C’est tellement mieux que de l’imaginerinternéeetqu’onluiprennesesenfants.
Quandonparleduloup…monportablebipeànouveau.J’inclinel’écranversmoi;ilestsurletableaudebord,àcôtédelaradio.
Jen:Jet’avaisditdelaissertavoituresurleparking.À peine ai-je lu ces mots qu’un feu d’artifice éclate dans mon cerveau, des explosions de
lumièresetdesons,unfatrasdepensées,demotsetd’images.Çan’aaucunsens.Cemessagenepeutvenir que du Barbu, mais comment se fait-il qu’il utilise le nouveau portable de ma sœur pourm’envoyeruntexto?
Etpuisjecomprendsd’uncoup.Iln’utilisepaslenouveautéléphonedemasœurpourm’envoyerunmessage.Ilsesertdesonportable.Ilatoujoursutilisésontéléphone.OhmonDieu.OhmonDieu,monDieu,monDieu.Jenepeuxpas…jen’aipas…il…ohnon!C’étaitunfauxnuméro!Unmauvaisnuméroetunevraiecatastrophe!Zut!
J’arrêtemavoituredansuncrissementdepneusetjemegareleplusvitequejepeux.J’attrapemontéléphoneetjefaisdéfilerlesmessagesdepuisledébut.Touts’éclairepourlapremièrefoisdelajournée.
—Bon sang de bois, Félix. Je regardemon tout petit copain qui, tête penchée,me fixe duregard,assissurlesiègepassager.Ilsembleaussiperplexequemoi.
— Je pense que je n’ai pas arrêté d’envoyer des messages à quelqu’un que je ne connaisabsolumentpas.
Je suispresque soulagée.C’estbienplus compréhensibleque sima sœur avait emmené sesenfantsdansunbarpourmotards.Maismasituationn’enestpasmeilleurepourautant.
Onpeutdirequejenem’ensuispassortieindemne.Jeregardedanslemiroiretj’envoislapreuve;j’aidescoupuresauvisage,ondiraitquej’aiétéattaquéeparuntroupeaudetoutpetitschats.Ilvafalloirquej’inventeunesacréeexcusepourexpliquerçaàmesclientsdemain.Monrefletdanslerétroviseurmeditquetoutlemaquillagequejepourraisemployern’effacerapaslefaitquej’aifrôlélamort.
Desphareséclairent soudain l’intérieurdemavoiture, interrompantmespensées. Je froncelessourcilsettâchedevoirdanslemiroirquellevoituresetrouvederrièrelamienne.Jesuisdansunquartiertranquille,maisilsepeutquejebloquel’alléequimèneàunemaisonouquelquechosedecegenre.
Lorsque les phares s’éteignent, je vois une voiture garée plusieurs mètres derrière moi.J’attends,maispersonnen’ensort.Jesaisqu’ilyaquelqu’undanslavoitureparcequejedistingueunesilhouette.Ondiraitunhomme,sij’enjugeparlataille.
—Hum.Jehausselesépaules,presqueconvaincuequemonimaginationmefaitentrevoirunesituationsinistre.
—Oh,non!pasdansmonquartier.Jen’aipasàmepréoccuperdelaprésencedecinglésquitraînentavecleurvoiture,hein?JeparleàhautevoixàFélixetcelamerassurecommesijen’avaisàm’inquiéterderien.Jesuisjusteunefillenormale,conduisantencompagniedesonchiendepoche;jemedétendsdansuncoinsombre.Rienàvoirparici,lesgars…Circulez.
Jepasselapremièrevitesseetreprendsmaroute.Jepensequetoutvabienjusqu’aumoment
oùunregarddanslerétroviseurmeglacelesang.Lavoiturederrièremoiadémarréelleaussi,maisleconducteurn’apasallumésesphares.
Ouah!J’aimaltellementmonmusclecardiaquesecontracteàcemoment.Ilbatvraimentfortà plusieurs reprises, puis accélère.Mesoreilles brûlent à cause de la terreur quim’envahit.Est-cequ’il faut que j’appelle la police ?Qu’est-ce que je leur dirais ?Que quelqu’un semble suivremavoiture ? Ilsme raccrocheront probablement au nez. La police de laNouvelleOrléans doit gérerquotidiennementdesmeurtresetdesattaquesàmainsarméesetilsiraientsesoucierd’unefemmequiestparanoenrevenantd’unbaroùellen’auraitjamaisdûaller?Oui,c’estsûr,jeperdraismontempset le leur. Je vaismedébrouiller avec cenon-événement.Tout simplement continuer à conduire etarrêterdepenserquetoutlemondeveutmetuer.Cen’estpasparcequ’untypeatiréquelquesballessurquelqu’unàcôtédemoiqu’àprésentilenaaprèsmoi,n’est-cepas?
J’essaiedemecalmerenparlantàFélix.—Jenevoispascommentquelqu’unpourraitmesuivre,Félix.Nesoispasidiot.Aumoins,
deça,jesuisassezconvaincue.Regardonsleschosesenface:jesuis«personne»pour99,99%desgens sur la terre. Pas du gibier pour un chasseur à l’affût d’une proie. Tout ce que j’ai de plusprécieux,c’estmonappareilCanon,unRebel,quejen’aimêmepasemportécesoir.
Leseffortsquejefaispourmecalmern’ontguèred’effet.Laparanoïapasseenmodeaccéléréetjemeconvaincsrapidementquejesuisbeletbienpourchassée.Jepeuxdirequelavoiturequime
suitn’estpaslagrossecamionnettedanslaquellejesuismontéetoutàl’heure;ilnes’agitdoncpasdemonsieurGrizzlyquiveutmegronderparcequejen’aipasobéiàsesordres.Etquicelapourrait-ilêtresicen’estpaslui?
Personne.J’expulse lentement l’air de mes poumons, laissant doucement la tension diminuer dans le
même temps. Bien sûr, ce n’est personne. Ha ha ! C’est tellement fou ! Je suis une simplephotographe,avecunchiencroiséchihuahuainstalléàlaplacedumortdansunsacoùilafaitpipi.Pourquoi quelqu’un voudrait-il me suivre, hein ? Je veux dire, tousmes ex sortent avec d’autresfemmesets’entrouventfortbienetjen’aiencorejamaiscroisélechemind’unpsychopathe.L’idéeest complètement absurde. Je suis tout à fait en sécurité dansma voiture rouge cerise, uneChevySonicquejeconduisdansmonquartier.
Jepoursuismaroute,mesyeuxfixantalternativementleurattentionsurlarueetlerétroviseur.Mais,aulieud’allerdirectementchezmoi,jetourneàgauchequatrepâtésdemaisonsplusloin.Aucasoù.Çanefaitpasdemald’êtreprudente,hein?Mêmesijen’aiaucuneraisondem’inquiéter.Mavie est ennuyeuse. Les poursuites de voitures, on ne voit ça que dans les films. Les assassins s’enprennentauxprésidentsetauxbaronsdesgangsdedrogueetjesuisàpeuprèsaussiéloignéedel’unoul’autrequepeutl’êtreunefille.
Lavoiturederrièremoiallumesespharesettournecommejeviensdelefaire.Un frisson étrange secoue toutmoncorps, depuis la pointedemespieds jusqu’aubout des
cheveuxquisedressentsurmanuque.Puis,jecommenceàtranspirerdepartout.Jefrissonnecommesi la températurevenaitbrusquementdebaisser,mais je suis sûreque jene faisque l’imaginer. Jerésisteàuneforteenviedemettrelechauffage.
—Félix,jecrainsquenoussoyonssuivis.Est-cequeçatesembleassezparano?J’essaiederirepourmedétendre,maisFélixneritpasavecmoi.Ilsautesurlabanquettearrièreet,delà,surlaplageau-dessusducoffre.Plusieursaboiementssecsm’informentqu’ilestd’accordavecmoietqu’ilsepassequelquechosedepasnormalavecletypederrièrenous.
—Iln’yaqu’unmoyendelesavoiraveccertitude.Jemesensridicule,commesij’avaisunrôledansunmauvaisfilmd’espionnage.Jetournebrusquementàdroitedansuneruequi,jelesais,estuncul-de-sac.
Mespaumessontmoitesetj’aidesdifficultésàtenirfermementlevolant.J’essuieunedemesmainssurmonpantalonpuisjefaislamêmechoseavecl’autre.Çanesertpasàgrand-choseenfait.J’arrivepresqueauboutdelarueetj’ail’impressionquejevaisvomir.J’étaiscertained’avoiruneexcellente idée lorsque j’ai tourné dans l’impasse,mais à présent j’ai l’impression que jeme suisfourréemoi-mêmedansunguêpier.Commentest-cequejepeuxêtreaussistupidecesoir?
Ilfautcroirequejelesuisvraiment.Leslampesdejardinalluméesdansunecontre-alléemefontpenserquenoussommesarrivés
auboutdenotrecourse,maisjen’aipasl’intentiondem’arrêterici.C’estunpiège,unpiège,c’estunpiège!Moncerveaugalopeetmereprocheamèrementd’avoiragicommesi j’étaisvéritablementuneécervelée.Pourquoiai-je tournédansune impasse?Est-ceque je suis folle?J’aienvied’êtrevioléeetdévalisée?Seigneur,ilvafalloirquej’aillemefaireexaminerlatêtequandtoutceciserafini.J’espèreseulementqu’elleseraencoreattachéeàmoncorpsdemain.
Commej’arriveaurond-pointauboutdel’impasse,jeralentispourpermettreàlavoiturequimesuitdemerattraper,espérantquejepourraiapercevoirleconducteuraumomentoùjerepartiraidansl’autresens.Àprésent,lespharessontallumés.
Je fais lentement, lentement le tour du rond-point, priant pour qu’il tourne dans l’une despetites contre-allées, arrête savoiture, sorte et sedirigevers laportede samaison.Si ça sepassecommeça,jepourraienriretoutlelongducheminquimeramènerachezmoi,jeprendraiunbon
bainavectoutpleindemousseavantd’allerdormir.Jepourraimêmedonneruncoupdeklaxonenlecroisantpourleremercierdecettebaladesiagréabledanslequartier.
L’autrevoiturerouletoujours.Ellenes’engagepasdansunecontre-allée,ellecontinueàserapprocher.
Mespharesbasculentet,autraversdupare-brise,jevoisenfinl’hommederrièresonvolant.Etl’armequ’ilpointedansmadirectionàhauteurd’épaule.
Je hurle et baisse la tête sous le tableau de bord, j’enfonce l’accélérateur au plancher ; lavoiture fait un bon en avant comme une chauve-souris fuyant hors de l’enfer. Lemoteur protestetandisqu’ilprenddelavitesseetjepasselatroisième;cequiredonnedelapuissanceàlavoitureetmepermetdefileràtoutealluredansladirectionopposée.Jepriepourquejecontinueàroulertoutdroit,etpasenpleindanslaboîteauxlettresdequelqu’un.
Uncraquementsonoreparvientàmesoreilles,puisuncoupsourdvientfrappermaportière.Jenemetspasune secondepourconnecter lesdeuxchoses.Félixcommenceà aboyer aumomentmêmeoùjememetsàhurler.
—Oh,monDieu, ilme tiredessus !Cet enfoirévientvraiment deme tirer dessus avecunrevolver!
Il faut que jeme redresse si je veux voir et conduire,mais jeme tasse autant que je peux,espérantquemonappuie-têteempêcherauneballed’atteindremoncerveau.J’ail’airdeQuasimodoconduisantlavoitured’unfugitifaprèsqu’uneattaquedansunebanques’estmalterminée.
—Situtiressurmonchien,jevaistedétruire!Jerugis,rétrogrademesvitessesmaisprendsuntournanttroprapidement.Ilestévidentquetoutecettehistoirem’aunpeudéséquilibrée.
— Félix, descends de cette fenêtre immédiatement ! Viens ici ! Viens ici, espèce de clebsgaleux!
Mespneuscrissentlorsquejetourneunefoisdepluspourquitterl’endroitetm’éloignerdechezmoiautantqueje lepourrai.LesgriffesdeFélixs’accrochentdésespérémentausiège.Quandj’entendssonpetitcorpsatterrirsurlescoussins,jesaisqu’ilaabandonné.Maisjesuisheureusequ’ilsoitàprésenthorsd’atteinteetjecontinueàrouler,passantlaquatrièmequandj’arrivesurunevoiepluslarge.
Lorsquej’aiachetémaChevySonicfamilialeavechayonilyaquelquesmois,j’avaispenséquec’étaitunedécisionpratiqueet responsable ;mais, àprésent, je remercie lesdieuxdeGeneralMotorsd’avoireulabonneidéedemettreautantdechevauxsouscecapot.
Ladistancequime séparede ce foudangereuxaugmente rapidement.Après troisvirages àconduire commesi j’étais surun circuit deFormule1, jemedisque j’ai assezd’avancepourmepermettredesortirmontéléphoneetappuyersurleboutonRappel.Cen’estpaslesflicsmais,dansmonespritprisdepanique,c’estpresqueaussibien.
Unevoixbourruemerépond:—Vousavezintérêtànepasm’avoirdérangépourrien.—Est-cequevousêtesletypeavecunebarbehorrible?Mavoixsortcommesiellemanquait
de souffle et elle est vraiment trophautperchée.Félixgémit. Jedois sûrementblesser sesoreillessensibles:pauvrepetitbonhomme.
—Qu’est-cequevousdites?Bon.Ilal’airdenepasmecomprendre.L’idéequejenesuispaslaseuleidiotedanslecoin
mefaitplaisir.—VousfaitespartiedesBourbonStreetBoys,non?Ehbien,jesuislabimboaveclechien
danslebaret,entreparenthèses,jenesuispasunebimbo.J’aibesoindevotreaide.Encoreunefois.—Qu’est-cequisepasse?Ilestarchi-sérieuxmaintenant.—Ilyauntypequimesuitdanssavoitureetquim’atirédessus.Avecunrevolver.
—Oùêtes-vous?—Jenesaispas.Jerentraischezmoietpuisjemesuisrenducomptequ’ilmesuivait.Alors
jenesuispasalléechezmoi.Jemesuisplusoumoinsperduedansunautrequartier.—Bravo.Raccrochez,maintenant.Jevousrappelle.Et,laseconded’après,iln’yapluspersonneenligne.Tuparlesd’uneéquipedesecours.Je passe une vitesse, puis une autre, tout en jetant un coup d’œil à mon téléphone à deux
reprises.JenesaispascequiabienpusepasseravecleBarbu,maisjesuisàpeuprèssûred’êtrecoincéepourdeboncettefois.Imbéciledegrippe-souquejesuis,jen’aipassautésurleGPSquandj’aiachetémavoitureetmaintenant,jesuisincapablederetrouvermonchemindanscedédaledelabanlieue.Etletypequipouvaitm’aidervienttoutjustedemeraccrocheraunez.
Bonsang!Pourquoiest-cequeçam’arriveàmoi?Montéléphonesonne,ouvrantcommeuneéclairciedanslabrumedemonespritpaniqué.Je
répondsetmanquedelâchermonportabledansmahâtedeleporteràmonoreille.Jehurle:—Allô!—Prenezàgaucheauprochaincarrefour.Ilestbeaucouppluscalmequemoi.—Jeprendsàgauche…?Je tendsmonportabledevantmoipour leconsidérerpendantune
secondeavantdelerapprocherànouveaudemonoreille.—Qu’est-cequevousdites?—Prenezàgauche!Lavoixrugit.J’attrapemonvolantàdeuxmains,monportablecoincécontrel’enveloppeencuirduvolant
etjetournebrusquementàgauche.Jerétrogradeetnousvoiciroulantmaintenantverslenord,simoncompasnumériquesurletableaudebordfonctionnecorrectement.
—Commentsavez-vousqu’ilfallaitquejetourneàgauche?J’arriveàpeineàvoirclairtellementj’ailesoufflecoupé.Marespirationaffoléemedonnele
tournis.Jeregardedanslerétroviseurmaisnevoisquelenoir.J’entendsunsifflementtrèsfortdansmesoreilles.Jepensequematensionartériellevafaireexplosermesveines.
—Jevoussuisgrâceausignaldevotreportable,ditunevoixfaibledepuismon téléphone.PrenezàdroitedansWilsonAvenue.Lerugissementdansmesoreillesdiminueuntoutpetitpeu.
Des lettres lumineuses blanches sur fond vert apparaissent sur une plaque de rue, juste au-dessusdemoi.J’aiàpeineletempsderalentirpourpouvoirtourner.Mespneusabandonnentunpeudecaoutchoucderrièreeux.
— Continuez à rouler sur un petit kilomètre et vous arriverez sur Lincoln, me dit monsauveur.Prenezalorsàgauche.
—Vousm’emmenezoù?Jenesuispassûreàcentpourcentdedevoirsuivresesindications,maisc’estlaseuleoptionquejevoisclairementpourlemoment.Monespritsetrouvedansunétatdepaniqueaveugle.
—Chezmoi.Vousyserezensécurité.Ilditçadesavoixunpeufatiguée,maisapaisante,etjesuispresqueprêteàlecroire,malgré
sabarbe.
CHAPITRE5
Vingtminutesplustard,jem’arrêtedevantunimmeubledansunquartierquin’apasunetrèsbonneréputationenville : leportde laNouvelleOrléanssur la rivièreMississipi.Pourquoiest-cequejenesuispasàunpostedepolice?Ehbien,parcequejenesaispasoùilyenaun.Detouteévidence, jesuis folle.Jecontinueàpenserquesi je roule toujoursauhasard, jevaisatterrir justedanslesbrasdecetassassin.Ilfautquejetrouveunrefugesûr.Cetypebarbuest-illaréponsequejecherche?Jenepourraispasvraimentledire.Çameparaîtjustebien.Mieuxquederentrerchezmoi,mieuxqued’appelerlesflicsetdécidémentmieuxqued’allerchezmasœur.
—Çanepeutpasêtrebien,dis-jetouthaut.Jemeparlaisàmoi-même,maisleBarburépond.—Çava.Jevousvoisdemafenêtre.Entrezdanslegarage.Aumomentoùilditça,uneporteimmensedansl’entrepôtenfacedemoicommenceàglisser
surlecôté.Jenepensepasqu’unepersonnel’activemanuellement,parcequ’elleglissedoucementetj’entendsunchuintementélectriquequivientdequelquepart:lesonm’arriveàtraversl’éclatdanslavitredemavoiture.
Il fait chaud et humide ce soir et, en temps normal, j’auraismis l’air-conditionné ;mais ilfallaitquejepuisseentendrelesinstructionsqu’ilmedonnaitdansmonportable,alorsjenel’aipasallumé.Maintenant,jemedisquej’auraismieuxfaitd’augmenterlevolumeparcequejesuiscertainequelatranspirationamarquémesvêtementsauxaissellesetprobablementpartoutailleursaussi.
J’attends que la porte soit suffisamment ouverte pour que je puisse passer avec Félix etj’essuielasueurquiperlesurmestempes.J’aidûperdrequelquechosecommeunlitreetdemid’eautellementj’aieupeurdanslademi-heurequivientdes’écouler.Jenesuistoujourspassûredesavoircequiestentraindesepasser,maisj’aimessoupçons.Jedevinequejemesuisretrouvéeaumilieud’unetransactionàproposdedroguequis’estmalpasséeouquelquechosecommeça.Jepriepourquecetypeaveclabarbenesoitpasundealer.Jenelepensepas.
Jene saispasvraimentpourquoi j’ai finiparcroirequec’estquelqu’undebien. JedevraisprobablementêtreplusprudenteetnepasfaireentrermavoituredanscequiressembleàunecavepourBatmanetlaisserlaporteserefermerderrièremoi.Maisilaessayédemesauverlorsquelesballesontcommencéàsifflerautourdenous.Ilauraitvraimentpumelaisserlàjusqu’àcequejesoiscribléedeprojectiles.Ilfautqueçaaitunsens,non?
—Jenepensepasquejevaisentrerlà-dedans.Jeregardeàgauchepuisàdroite,essayantdedécidersijeneferaispasmieuxdem’enalleretd’essayerderetrouverlechemindemamaison.Ou
bienjepourraisalleràl’hôtel.J’yseraisensécurité.Plusensécuritéqu’ici,probablement.Çaal’airde l’endroit idéalpourassassinerquelqu’un. Iln’yapersonneauxalentours,c’estassez tranquille.Monmeurtrierpourraitlancerunmoteurbruyantquicouvriraitmescris.Oupeut-êtrequejen’auraispasletempsdehurler.Peut-êtrequeceseraitfinienuninstant.
Je recommence à paniquer. Je pourrais jurer que je sens ma transpiration maintenant.Seigneur!
—Vousn’êtespasobligéed’entrersivousnelevoulezpas,maisjeleferaissij’étaisvous.—Pourquoi?—Parcequevotrevoitureestfacilementrepérableparquiconquepourraitlarechercher.Jerismaisoncroiraitunaboiementbref.Çadevientridicule.—Commesiquelqu’unpouvaitme retrouver ici. J’ai seméce typeenbanlieue ilyavingt
minutes.Jeregardedanslerétroviseur,justepourenêtresûre.—Cetypen’estpasseul.Iladescomparsespartoutenville.Toutcequ’ilaàfairec’estde
direauxautresdecherchervotrevoitureetonvoustrouvera.Cerougeceriseestdifficileàrater.Mon cœur se serre etma voix semble ne plus pouvoir fonctionner correctement. Elle sort
commeunpetitcriaigu.—Vousêtes sérieux?C’estqui ?Pourquoiveut-ilme trouver ? Jene suispersonne. Jene
fumemêmepasdel’herbe.Jenefumeriendutoutd’ailleurs,grandsdieux!Félixgémit.Jetendslamainetlegrattesoussonmentonminuscule.—Détends-toi,monvieux.Toutvabienfinir.—Est-cequevousmeditesdemedétendre?Lavoixparaîtunpeuincrédule.—Non,jedisàFélixdesedétendre.—QuiestFélix?Jepensaisquevousétiezseule.—Félix,c’estmonchien.J’entredanslegarage.JedécidedelefairepourFélix.Ilnemérite
pasd’êtrepourchassécommeunchien,mêmes’ilestuntoutpetitangevêtud’uncostumecanin.Je passe la première vitesse et roule lentement, franchis la grande porte qui a terminé de
s’ouvrir.Dès quemes pare-chocs arrière sont passés, elle commence à se refermer. Je la regardeglisser derrière moi, reprenant sa position initiale, et j’essaie de conserver un rythme cardiaquenormalenrespirant,maisc’estdifficile.Jecrainsbiend’avoirscellémondestinenvenantici.Jejetteuncoupd’œilrapidedansmavoitureetcelameconfirmelefaitque jenedisposed’aucunearme.Toutceque jepeuxespérerc’estqueFélixmorde lachevilledeceluiquim’attaqueraavantd’êtreenvoyéeavecluiauparadis.
Jetaperapidementunmessageàmasœur.Moi:Peuxpasvenirprendreunverre.Suisdansimmeublesurleport.Sansnouvelledemoi
demainmatin,appellelesflics.Jesuissurlepointd’appuyersurlatouche«Envoi»,maisj’hésiteuninstant.Jepenseàelleet
àsesenfantsetaufaitqu’ellen’apersonnepourlaseconderlorsqu’ils’agitdelesgarder;parfois,aussi,c’estàpeinesiunfill’empêchededevenirfolle.Ladernièrechosedontelleabesoindanssaviec’estquejeperdelespédales.
Jerelismonmessage,medemandantsijedevraisl’envoyer.Nan!Jenepeuxpasfaireça.Elleliraletextoetseraterrorisée,c’estabsolumentcertain.Jene
peuxvraimentpasl’envoyercommeça.Jetapesur«Effacer»etrecommence,essayantdepenseràuneformulequin’évoquerariendemauvais,maisquimegarantitqu’onsemettraàmarechercheplustôtqueplustardsijeneréapparaispasenchairetenosdansunlapsdetempsraisonnable.
Moi : Peux pas venir prendre un verre. Suis avec quelqu’un au port de Nouvelle Orléans.
Viendraidemainmatinvers08heures.Voilà. Cela semble assez inoffensif. Et, si je n’appelle pas, elle saura dire aux flics où
commencer à chercher. Je l’envoie et tourne la clé de contact, coupant le moteur. Il s’arrêteimmédiatement et je n’entendsplus que le tic-tac demamontreSwatch. Il va à peuprès deux foismoinsvitequelesbattementsdemoncœur.
Félix saute surmesgenoux,met sespattesdedevant surmapoitrineetme lèche lementoncommes’ilétaitdevenufou.
—Seigneur!Tuasunehaleinehorrible,Félix!Arrête.Jelefaisredescendreàcôtédemoipourpouvoirattraperlalaissequejegardedanslecompartimentàgantsetjel’attacheàsoncollier.NousattendonsensemblequeleBarbuarrive,quelquesoitl’endroitd’oùilenvoyaitsesinstructions.Jepriepourqu’ilnedébarquepasl’armeaupoingetuneidéedemeurtredanslesyeux.
CHAPITRE6
J’appuiesurlatouche«Journal»etlenumérodemadernièreconversationapparaît.J’appuieànouveaupourlerecomposer.
J’attendsdixbonnesminutesavantdemedécideràdéfairemaceinturedesécurité.—Est-ce que vous allez venirme chercher, oui ou non ? Je regardemon téléphone etme
souviensquenotreconversationaétéinterrompueilyaunmoment.D’accord.Alorsjeparletouteseulemaintenant.Excellent.—Oui?répondleBarbu.Jepensequec’estlui,entoutcas.—Alors, qu’est-ce qui se passemaintenant ? Je vais dormir dansma voiture cette nuit ou
quoi?—Sivousvoulez.Jelaisseéchapperunlongsoupir.Jesuisvraimentfatiguéedecejeudecapeetd’épée.Jene
plaisantepasdutout.Onnepourraitpasjoueràêtredespersonnesnormales,àprésent?—Enfait,cequejeveux,c’estrentreràlamaisonetdormirdansmonlit,maisilsembleque
votrepetitvendeurdedrogueoulapersonnequisetrouvaitChezFrankiesoittombésurunbecetjeme suis trouvée aumilieu de tout ça. Etme voilà coincée dans un hangar sombre, près d’un portnauséabondetmonchienaenvied’allerfairesesbesoins.
Ilnerépondpas.Jeregardemontéléphoneetvoisquel’appelaétédenouveauinterrompu.—Merde!Je regardeau traversdupare-brisemaiscelanemerenseignepas.L’endroitest
éclairé,maispresquevide,àpartunetableenboisabiméeavecdeschaisesautour,unsacdefrappedeboxependuàune solivedansuncoin,deséquipementsdemusculation,une rangéedeplacardscommedansunvestiaireetunescaliermétallique.Ilyadelaplacepeut-êtrepoursixvoitures,maislamienneestseulepourlemoment.Est-cequecetypehabiteici?Celapourraitexpliquerlabarbe,maispasgrandchosed’autre.
Pendantque je réfléchis àdes choixpossibles, la grandeportederrièremoi recommence às’ouvrir.Jemetslamainsurlaclédecontact,prêteàlancermaSonicetàfilerd’iciàtoutevitessesilebesoins’enfaitsentir.
La grande camionnette noire dans laquelle je suis montée tout à l’heure s’arrête surl’emplacementàcôtédumien.Jenepeuxpasvoirleconducteuràcausedesvitresteintées.
Mevoilàabsolumentperdue.LeBarbum’aditqu’ilpouvaitmevoirdesafenêtreet j’avaispenséqu’ilparlaitdel’entrepôt.Est-cequ’ilétaitdehorstoutcetemps?Etpourquoiaurait-ilattenduàl’extérieur?Pourquoipasàl’intérieur?Etpourquoiest-illàmaintenant?Etqu’a-t-ilfaitdepuis,
assis dans sa voiture ? Peut-être est-ce qu’il a peur de moi. Peut-être est-ce pour ça qu’il a mistellementdetempsavantdesedécideràentrer.Ilpensemêmepeut-êtrequejesuislebandit.
Legrondementdumoteur s’arrête et laporte s’ouvreun rien.Ellebougeuneoudeux foislégèrement,puispivoteentièrement.Moncerveaun’arrivepasà intégrercequejevoisen traindesortir.
Toutd’abord,iln’yapasdebarbe.Etilmanqueenvirondixcentimètresdehauteur.Etquinzecentimètresdelargeurd’épaules.Ilnes’agitdéfinitivementpasdemonsauveur.
Letypesepencheetregardeparlafenêtrepassagerdemavoiture.«Salutlà-dedans,»fait-ilavant de m’offrir un grand sourire. Des dents parfaites. Bien sûr. Pourquoi des types comme luidevraient-ils avoir des dents parfaites, hein ? Est-ce qu’ils ne devraient pas avoir des dents enkryptonite3,tachéesparlacaféineoudesincisivestorsadées?
D’accord.Donc,sicetypeestlàpourm’assassiner,jenesuispassûredelafaçondontjevaispouvoirm’yprendre.J’avaistoujourspenséquelesassassinsétaientgrands,poilus,grossiers.GenreleBarbu.Maiscetype?Vraimentpaslegenre.Ilpourraitêtremannequinpourdesdéfilés.S’ilessaiedemetuer,jevaisêtreverte.Jeseraisfurieusedem’êtretrompéetoutemavieàcesujet.Destypesaussibeauxnedevraientpasêtredescriminels.Dequoidétruirel’équilibredel’universouquelquechosedanscegenre.
— Salut. Je ne suis pas sûre de connaître les règles quand il s’agit de saluer des hommesinconnusdansdeshangarsaprèsavoiréchappéàdescoupsdefeutirésdansunbarpourmotards.
—Vousallezmonter?demandel’hommeenfaisantunsigneverslesmarches.Je regardedans ladirectionqu’ilmontredudoigtet fronce les sourcils.Est-ceque jeveux
monterdansl’antredeceshommesetm’offrirpourlatuerie?Non,jenepensepas.—Non,çava.Jecroisquejevaisresterici.Ilhausselesépaulesetsortdelavoitureunsacquisemblevenird’uneépicerie.—Faitescommevousvoulez.Jeleregardepartiràgrandesfoulées:iltraversel’espaceendirectiondel’escalieretmonte
lesmarchestroispartrois.Sonshortlargemontredesmolletsetdesfessesmusclés,quilaissebienaugurer de ce qui se trouve sous son T-shirt. C’est lui qui doit se servir de l’équipement demusculation.
Félixgémitànouveauenmeregardant.—Bon.Jevais te laissersortir. S’il faitsesbesoins, j’aides lingettes. Ilsontsûrementune
poubelle dans un coin. J’ouvre à moitié ma portière et dépose Félix sur le sol, espérant qu’il secontenterad’examinerl’endroit.
Pendantquelquesinstants,jenefaisplusattentionàlui.Jeréaliseseulementqu’ilm’aéchappélorsquejetiresansdifficultésurlalaisse:l’extrémitéatterritsurmesgenoux.
—Bonsang…!Félix!Jechuchoteetcrieenmêmetemps.—Reviensici,espècedepetitvoyou!Jevoisuneombreminusculequicourtàtoutevitesseà
côtédusacdefrappepourlaboxe.—Félix!Jem’arrête,pensantentendredespattesminiaturesseprécipiterversmoi.Félix!Toutcequejeperçois,c’estlebruitd’unchihuahuaquiexamineunendroitnouveau.Ils’est
transforméenchienaudacieuxaupiremomentpossible.Monpetitcompagnonpeutêtretrèscurieuxetdéborderd’ardeurquandilledécidedanssoncerveaupasplusgrosqu’unenoixdecajou.
Merde.Maintenant,ilfautquejesortedelavoiture.S’ilyaduliquidepourradiateurrépanduenflaquessurlesol,Félixvacroirequec’estduGatorade4etlelécherajusqu’àladernièregoutte.Masœurditquec’estunaspirateurminiature.Iln’aurapasunechancedes’ensortir.
Ilfaitbeaucoupplusfraisdansl’entrepôtquedansmavoituremalaérée.Jemetsàprofitles
quelquesmomentsquej’aidanscettedemi-fraîcheurpourôtermonchemisieretlesecouerunpeu.L’odeurquimefrappeauvisagen’estpasagréable.Magnifique.
—Félix,allons,arrêtedefouillerpartout.Ilm’ignore,biensûr.Ilseprendpourunchihuahuaenmissionetjenesuisqu’unefemmequi
lenourrit,luidonnesonbain,lecâlineetleflatteàlongueurdejournée.—Tuserasprivédefriandises,Félix.Pasdefriandisespendantunesemaine.Jeneplaisante
pas.Jebraquemonregarddanslecoinleplussombreduhangar,espérantapercevoirunboutdesonvilainpetitderrière.
Jevoisunéclairdesafourrurebrunetcrèmeprèsdel’unedesmachinesdemusculationetjechange de trajectoire pour l’intercepter quand il bougera à nouveau. Il avance vers la porte parlaquellenoussommesentréstoutàl’heure.S’ilsortetsemetàcourirautourduport,jevaispleurer.Je le juredevantDieu, jepleurerai àgrands sanglots commeunbébé.Dehors, il se fera sûrementécraserparunchariotélévateurouunautrevéhiculetoutaussimeurtrier.Leportn’estpasunendroitpouruncorniauddechihuahuaquipèsetroiskilos.
Ilestoccupéàreniflerlapartiedelamachineoùsontstockéslespoidsenmétalnoiretjesaisexactementcequ’ilestentraindepenser.
—Non,Félix!Non!Net’avisepasdefaireça!Illèvelapattearrièreetfaitpipisurlastructuremétallique.Paniquée,jeregardepar-dessusmonépaule,certainequequelqu’unvadescendrel’escalieret
tuermonchienparcequ’ilalespiresmanièresqu’unclebspuisseavoir.Effacezcequejeviensdedire.Mettez«lespresque-piresmanièresqu’unchienpeutavoir».
Félix s’estmaintenant accroupi à côté de l’endroit où il a fait ses petits besoins.Un deux-en-un !HourrapourFélix!Jevaisletuerdèsquej’auraimislamainsurlui.
Jecoursversmavoitureetattrapemonsac.Jefouillel’intérieuretenretireunpetitsachetetdeslingettespourbébé.Félixestjusteentraindeterminersonaffairequandj’arrivesurleslieuxducrime.
Jelesaisisavantqu’iln’aitletempsdes’enfuiretlefourredansmonsac.Jelemaintiensentremeschevillespendantquejem’occupedecequ’ilvientdelaisserderrièreluicommesaleté.Quandj’aifini,jeregardeautourdemoiàlarecherched’unepoubelle.
Zut. Où est-ce qu’ils mettent leurs ordures ici ? Je me dirige vivement vers la porteautomatique et dépose le sachet en plastique dans le coin, tenant mon sac coincé sous mon bras.Lorsquejepartirai,jeprendrailespiècesàconvictionavecmoi,maisjenevaistoutdemêmepaslesmettredansmavoitureenattendant.
J’ouvremonsacetjeretourneverslavoiture.—Tunerecommencesplustesbêtisescesoir,Félix,tum’entends?Turestesavecmoi.Reste.
Reste.Je le regarded’unair furieux. Il sourit et essaiedeme lécher. Jedétestequand il fait ça. Je
n’arrivejamaisàresterfâchéecontreunchihuahuasouriant.Jem’arrêtedevantlaportièredemavoiture.Ilfaittellementchaudlà-dedans.Jen’aivraiment
pasenvied’yretourner.Maisqu’est-cequejepeuxfaired’autre?Appelerlapolice?Ceseraitunpeuidiotmaintenant.Dormirsurlesolenciment?Jeregardel’équipementdemusculation.Jenepensepas que j’arriverais à dormir sur le banc demuscu’. Je roulerais surmoi-même et tomberais,mecassantprobablementquelquechoseparlamêmeoccasion,lenezparexemple.Etjetiensbeaucoupàcequemonnezrestecommeilaététoutemavie,petitetdroit.
Mamontreditqu’ilestpresque23heures.Mesclientsarriventà09heuresdemainaustudioetje vais avoir besoin d’une heure pour préparer la prise de vues. Celame laisse sept heures pourdormir,uneheurepourrentrerchezmoietmedoucheretensuite ilsera tempsdepartir travailler.
Qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire pendant sept heures ? Parce que, pour le moment, jecommence àme faire à l’idée qu’on ne va pasme tuer ici, mais que le type qui m’a tiré dessuspourraitbienêtreencoreen trainde rôderdans lequartierprèsdemamaison. Je suis sûreque leBarbuetHollywoodm’auraientdéjàexpédiéesitelleétaitleurintention,non?Jesuisprobablementensécurité.J’ensuiscertaineàquelquesoixante-cinqpourcent.
La grande porte de l’entrepôt commence à s’ouvrir une fois de plus et je me baisseimmédiatement,utilisantmavoiturepourmedissimuler.Quidiablepeutarriveràprésent?Encoreuntypeincroyable?Uneautrebrutedemotard?Unmeurtrierouunsauveur?
3.Lakryptoniteestunmatériauimaginairedel’universdescience-fiction.4.Boissonénergétiqueaméricainenongazéifiéededifférentessaveurs.Elleestconsomméeàl’occasiond’uneactivitéphysiqueintense.
CHAPITRE7
Il s’agit d’un SUV cette fois, noir, vitres teintées. Il me fait penser à un véhicule du FBI,commeonenvoitdanstouslesfilms.Unefoissurdeuxilyadesgensbienàl’intérieur,maisdansl’autrecas…ilsnesontpassibienqueça.Jejetteuncoupd’œilrapidepar-dessuslereborddemaportièrepouressayerdevoirparleursfenêtres.LeSUVsegaredel’autrecôtédelacamionnette.Ilvafalloirquej’attendequelespassagerssortentdelavoitureets’enéloignentavantquejepuissemerendrecomptedequoiquecesoit.
J’entendsdesvoix,unhommeetunefemme.—Cequ’ilditm’estégal.Jenesuispasintéresséparl’affaire,ditlavoixmasculine.—J’aimeraisbienvoirquetuluidisesnon,répondlavoixféminine.—Alors,regarde.Regardeetprends-endelagraine,petitesauterelle.Lafemmerit.—Bon.O.K.Montéléphoneestrechargé.Jeprendraiunevidéopourlapostérité.—Vaaudiable,dit-ilenguisederéponse.—J’aiétélà-bas,j’aifaitcequ’ilfallait,j’aieuceT-shirt,continuelafemme.Jen’yretourne
pas.Pascettenuit,entoutcas.Ilssemettenttouslesdeuxàrire.C’est alors que je peux la voir. Petite, mince, elle a de longs cheveux, noir de jais. Je ne
pourraispasdiresisonpantalonestenjeanouencuir,maisilestdiablementserré.Elleleporteavecunhautléger,blancauxfinesbretelles,etdesbottesàhautstalonsquiluidonnentl’aird’avoiràpeuprèsdix-neufans.Jesupposeque,sij’avaisuncorpscommelesien,jeporteraisaussidesvêtementsajustés.Jenepeuxpasluienvouloirdes’arrangeraussibien.Mais,accroupiedansmoncoin,jemesenscommequidiraitmalfagotéedansmonensembleAnnTaylor.
L’homme est derrière elle. Il est plutôt petit lui aussi, trapu et avec la même couleur decheveux,peut-êtrelégèrementplusclairs.Ilporteunjeanetunechemisenoiredontlesmanchessontroulées aux coudes. Ses chaussures sont noires, ce que j’associerais plus volontiers à un type serendantàunesoirée.Touslesdeuxontl’accentcajun,unedeschosesquejepréfèreaumonde.C’estenpartiecequim’aattiréeiciàlaNouvelleOrléansalorsquejevivaisàNewYorkilyadeuxans.Çaetmasœur.NotremaisonfamilialeenFlorideacessédem’intéresserquandjel’aiquittéeàl’âgededix-huitans.
Jeme redresse un peu lorsqu’ils commencent àmonter lesmarches, j’essaie demieux lesvoir;ilfautaussipermettreàmonsangdecirculerau-delàdemesgenoux.
—Vousmontez?demandel’hommeenseretournantdansmadirection.Jeregardederrièremoi.Nenni.Iln’yapersonneparlà.JusteFélixquipuelestoilettesetmoi.—Qui,moi?Jeposelaquestion,aucasoù.—Ouais,vous.Àquid’autrepourrais-jeparler?Ilritgentiment.D’ici,jejureraisquejepeux
voirsesyeuxquipétillent.Ildoitsourirebeaucoup.Jejouel’indifférence,maisjemesensaffreusementstupide.LeBarbuadûlesappelerettout
leurraconteràmonsujet.Ilmefaitsigne,m’invitantàlesrejoindre.—Venez.Ledînerestprêt.Jefroncelessourcils.Ledîner?Monestomacsemetàgronderetmerappellequejen’airien
mangédepuisledéjeuner.Lafilleestarrivéeàlaporteenhautdesescaliersetl’aouverte.L’hommeattendmaréponse.—Non,merci.Jene sais toujourspas si jene figurepasaumenude la soirée,mais jevoisbienquecette
éventualitéestdemoinsenmoinscrédibleàmesurequeplusdegensseretrouventici.Lesmeurtresensériesontpassésdemodedanslesannées70,n’est-cepas?
—Sivouschangezd’avis,vousn’aurezqu’àfrapperàlaporte.Ildisparaîtàlasuitedelafilleetlalourdeporteserefermebruyammentderrièrelui.Félixpousseunnouveaugémissementenmeregardant.—Qu’est-cequ’ilya?Tuveuxallerlà-haut?Félixhalète,lesyeuxbrillantsettoutexcités.—Tun’asaucuneidéedequiilssont.Sansdoutedescriminels.Noussommespeut-êtredans
unrepairedelaMafia.Sijemonteetquejesuistémoindetropdechoses,ilfaudraquejedevienneleurcomplice.Ensuite,onmedonneraunsurnom,commeMayWexler“boulettedeviande”.Oubienilsme forceront àutiliserune sorted’armededinguepourmon initiation.Puis ils l’associeront àmonnometjedeviendraisMayWexler“lahache”ouencoreMayWexler“lamachette”.Tusaisquejenesupportepas lavuedusang.Çanemarchera jamais.Jenepasseraipas lestadedesépreuves,alorsilsmejetterontdanslesfondationsd’unimmeubleenconstruction,menoyantdansducimentencorehumide.Moncorpsne sera jamais retrouvé. Jenny enmourra, le cœurbrisé.Mesneveu etniècesn’aurontpasd’endroitoùallerlorsqu’ilsvoudrontfugueraumomentdeleuradolescence.
Félixpenchelatêteetmeregardeattentivementpendantquelquessecondes.—Nemeregardepascommeça.Çapourraitarriver.Monvieux,tupourraisbienteretrouver
couchédanslecimentàcôtédemoi.Laporte derrièrenous avait commencé à se refermer,mais elle s’arrête à présent et repart
dansl’autresens.Despharesannoncentquelqu’unquis’apprêteàrejoindrelegroupe.Ilnepeutpass’agird’uneréuniond’assassins,n’est-cepas?N’est-cepas?
Jeneprendspaslapeinedemecachercettefois-ci.Jeregardedepuismaportièreouverte.Jepourraismesauverassezvitede làoùjesuis.Jesuisencorerelativementprotégéedequipourraitvenirm’attaquer.
Un vieux véhicule qui aurait dû être abandonné dans les années 70 entre, ralentissantdoucementavantdes’arrêteràcôtéduSUV.Ilestd’unecouleurdorée tirantsur l’orangeavecdesjantesblanches.L’hommequiconduital’avant-brasappuyésurlereborddelafenêtreouverte.Ilmefaitunseulsigneavantdedisparaîtredemavue.
Lesfreinscouinentquandl’hommearrêtelavoiture.Jeretiensmonsouffleetattendsdevoirce qui va se passer ensuite. Va-t-il m’ignorer lui aussi, monter les marches et me laisser à medemander ce qu’il y a pour le dîner ?Ou passera-t-il à l’attaque et, venant de derrière le SUV, se
jettera-t-ilsurmoi?Jeregardepar-dessusmonépaule,justepourêtresûre.Iln’yapersonne.Uneportièredevoitureclaque.Despasécrasentlesgravillonssurlesolenciment.Ensuite,aprèsavoircontournésonSUV,l’hommeleplusgrandquej’aiejamaisvudetoute
maviesedirigedroitsurmoi.Je reculed’unpas,mais çanem’avance à rien. Il n’abesoinquede trois enjambéesqu’on
diraitmontéessurdeséchassesetlevoilàquisetientjustedevantmoi.—Salut,dit-il.Ilmetendlamainpourserrerlamienne.—JesuisDevon.Vouspouvezm’appelerDev.Toutd’abord, je regarde fixement cettemaingigantesque,de la tailled’unegrandeassiette,
puis son visage. Je veux dire quelque chose,mais aucunmot neme vient à l’esprit. Il est glabre.Chauve de cheveux,mais il n’a pas davantage de poils. Pas de sourcils, pas de cils, pas de barbe,mêmepasdepoilsaumentonquirepousseraientaupetitmatin.Est-cequecelafaitpartied’uncultereligieux?Vais-jeêtreinitiéeaumouvementHareKrishna?
Ilfaitunegrimaceetmontresatête:—Alopécie.Pasdecheveux.Jenelesrasepasetjenelesarrachepasnonplus,sic’estceque
vousvousdemandez.Jesecouelatête.Jenesuismêmepassûredesavoircequejepenseencemoment.J’avanceet
prends lamainqu’ilme tend,parcequ’ilsemblerait impolidenepas le fairemaintenantqu’ilm’aconfiésonhistoiremédicalepersonnelle.
—Vousmontezdîner?C’estsoiréeBurgoo5.Qu’onappelleégalementRundownSoup6.Ilnefautpasraterça,croyez-moi.Ozzieestlemeilleurdescuisiniersetc’estluiquiestauxcommandescesoir.
—Jenesuispassûredevouscomprendre.C’esttellementbiendepouvoirleconfesseràuncompletétranger.
Illâchemamainetmefaitsignedelesuivre.—Venez.Jevaisvousprésenteraugroupe.—Groupe?Oui,l’équipe.Ilhésiteenbasdesmarchesetseretournepourmeregarder.—VousavezdéjàrencontréOzzie,n’est-cepas?—Sivousparlezdelabrutegéanteaveclabarbe,alorsoui.LesyeuxdeDevs’ouvrenttoutgrands.—Ohlàlà.Jem’inquiètetoutd’uncoup.—Ohlàlà?Qu’est-cequeçaveutdire?Ilrit,sonsourirereprenantledessus.—Rien.Riendutout.Venez.Jeneveuxpasêtreenretardetraterunesecondeportion.Ilmontelesmarchesdeuxàdeux,s’attendantvisiblementàcequejelesuive.—Etqu’est-cequejefaispourFélix?—QuiestFélix?demande-t-ilsansmêmenousregarder.—Monchien.JesorsFélixdemonsacetlesoulèvepourqu’onlevoie.Devestenhautdesmarches.Iltapedeschiffressurunpavétactileetouvrelaporte.—Emmenez-le.Ilaimelessaucisses?J’avanceetposeunpiedsurlapremièremarche.—Ilaimelessaucisses,maisjenesuispassûrequelessaucissesluiconviennent.—Onvatrouverquelquechose,merassureDev.Sonestomacnedoitpasêtrebiengros.
—Oh,vousseriezétonné.Jesuisarrivéeaumilieudel’escalier.Unjour,ilamangétouteunechaussuredesport.—Gardez-leseulementunpeuloind’Oz.Iln’estpasfan.—Pasfan?deFélix?Jesuissurlepalier,àcôtédeDev.Jeregardemonchienminusculeet
jemedemandecommentquelqu’unpourraitnepasl’aimeràl’instantmêmeoùilleverrait.—Despetitschiens.Ilpréfèrelesgrandschiens.Vousvoyezcequejeveuxdire.JesuisDevà l’intérieur,enmedemandantdansquelpétrin jesuisen traindememettre.Je
n’aipasvraimentenviequ’onm’appelleMayWexler«boulettedeviande»et iln’estpasquestionquejetoucheunemachette.
5.LesrestaurantsBurgooontétéfondésàVancouver,maissontaujourd’huirépanduspluslargementauxÉtats-Unis:ilsserventdesplatstraditionnels,façonpot-au-feu,dansuneambiancechaleureuseetrelativementbonmarché.6.Soupeprincipalementàbasedepoissons,avecdesmorceauxdedans.
CHAPITRE8
—Ouh.Quellesbellesmachettes!J’entredansunepiècequidoitêtreunsalon.Ilyadescanapés,untapisaumilieuetunetable
basse.Maislàs’arrêtelaressemblanceavecunintérieurd’appartement.Lalourdeportemétalliqueserefermederrièremoiavecunbruitsec.
Ilyadesarmesvisiblespartout:quelques-unesprésentéescommes’ils’agissaitd’objetsdecollection, d’autres ont l’air d’être utilisées tous les jours. J’ai dumal à avaler parce que la peurm’envahitànouveau.Quiest-cequisesertd’armescommeça?desninjas?Paslesgenshonnêtes,jelesais.Certainementpas.Jen’aipasvud’Asiatiquesencoredanslecoin,alorsilfautquecesoitunrepairemafieux.Jeregardederrièremoietjevoisunclaviernumériquesurlemuràcôtédelaporteparlaquellejesuisentrée.Jesuisenfermée.Priseaupiège.
Jesuisdansdetelsennuispourlemomentquecen’estmêmepasdrôle.Peut-êtreest-cequejevaispouvoirdemanderd’allerauxtoilettesetenvoyeruntextod’urgenceàJennyouàlapoliceouencoreàlaGardeNationale.
—Cen’estpasunemachette,m’expliqueDev.C’estuneépéedeSamouraï.MayWexler, « la Samouraï ».Hum…Non. Je n’aime toujours pas l’idée de rejoindre leur
gangmafieuxoupeuimportecequec’est.Est-cequejevaispouvoirrentrerchezmoi?J’hésiteauseuildelapièce,essayantdedécidercequejedevraisfaireàprésent.Riennemevientàl’esprit.Toutceque jevoisme terrorise,àpartce type.J’auraisenvied’acheterdespopcornsetderegarderunfilm avec lui, un type plus comme un frère-ami, pas unmeurtrier.Cette penséeme permet demeremettreàrespirernormalement.
Félixsembles’êtrefatiguéd’attendrequejeprenneunedécisionsurcequ’ilconviendraitdefaire et la prendpourmoi. Il saute d’unbonddemon sac, se sauve à toute vitesse, tournedans lecouloiretdisparaîtdansuneautrepièce.
—Félix!Jehurle,craignantpoursavieminuscule.—Oh,merde ! faitDev.Puis ilmet sesmainsenporte-voixautourde saboucheethurle :
Attention!Unchihuahuaenliberté!J’entends desmeubles qu’on déplace, des aboiementsminuscules et puis quelque chose qui
ressembleraitauxchiensdel’enferlâchéspourlaisserfondreleurfuriemeurtrièresurnostêtes.JepassedevantDevencourant,l’écartantdemonpassage,sanspenseràmapropresécuritétandisquejemeprécipitepoursauverlaviedemonbébé.
—Félix,nooon!
Jedébouchedans l’autrepièce,priantpournepasdécouvrirmonchiendéchiquetéenpetitsmorceaux répandus à présent sur le sol. Je ne saurais dire qui va le plus vite :mes jambes ou lesbattementsdemoncœur.
Maiscequejevoisquandj’entredanslapiècem’arrêtenet.Jepensequelesautressontàpeuprèsaussisidérésquejelesuis.
Ilyaunchienplusgrandqu’aucunanimaldomestiquequej’aiejamaisvu,deboutaumilieud’unegrandecuisinecommeonenvoitdanslesentreprises,quirestelàsansbouger,laqueuedroiteetdresséecommeuni.Lespersonnesquej’aivuesarrivertouràtoursetiennentcommepétrifiéesetregardentfixementleschiens.Unhommeprèsdel’évieralevélesmainsdansungesteapaisant;ilauntorchonjetésursonépaule.
Oh là, il est sacrément sexy. Je n’ai jamais vu d’aussi beauxmuscles ailleurs que dans unmagazinedesanté.Ilfaudraquejelesobservedeprèsunpeuplustard.Lorsquej’auraisauvémonchiend’unpérilcertain.
Félixn’apasl’airdesesoucierlemoinsdumondedelatailledecechien.Illuitourneautourcommes’ildansait,essayantdeluilécherlatête,lescôtes,lederrière–toutcesurquoiilpourraitmettresapetitelangue.Malgrésesefforts,iln’arrivepasàatteindreautrechosequeleboutdespattesduchienetildécidebientôtqu’ilenaassez.
Laqueuede l’énormechien retombedansunepositionplusnaturelle et il penche la tête endirectiondeFélix,luidonneuncoupdelanguegentil,maissuffisantpourenvoyerroulermonpetitchien sur le côté.Félix se redresse aussitôt, bien sûr, et s’installe comme s’il était chez lui sur lespattesdugrandchien.Le lèche, lècheet relèche.Ondiraitqu’il s’estmis sur lemodeautomatiquepourlemoment.Jenel’aijamaisvumettreautantd’enthousiasmeàlécherdeschevilles.
—Ehbenmerde,dit lepetitquiconduisait leSUVens’adressantà l’hommedeboutdevantl’évier.Tonchienestunvraiminou.
Letypelanceviolemmentletorchonetl’atteintenpleinvisage.—Disencoreçaettuverrascequivaarriver.Moncœurfaitunsautdansmapoitrinelorsquejereconnaislavoix.Jeleregardefixement,oublianttoutlereste.Ildoitêtredelamêmefamillequemonsauveur.
Même voix,mêmes yeux,même corps de géant,mais tout le reste est différent. Les cheveux sontcourts,rasésàlamanièremilitaire.Sonvisageestdépourvudebarbe,sessourcilsbientaillésetjenevoisnibandananivesteencuir.IlporteunjeanetunT-shirtnoirscommesonamiàl’autreboutdelapièceetsesbicepstendentsesmanchesaupointquejecrainsqu’ilsnefassentéclaterlescoutures.Ilyaunpetit emblème imprimésur lecôtégauchedesapoitrineetcesmots :«BSB7 Spécialistes deSécurité».
—Quelchienadorable,ditlafilleenmeregardant.Elleestmagnifique,commeàpeuprèstoutlemondedanscettepièce;j’auraisdûaumoins
mebrosser lescheveuxavantdepartirdechezmoicesoir.Jepeuxseulementimaginercequecesgensdoiventpenserencemoment,enmevoyantdesespadrillesauxpieds.
—Merci.Jereportemonattentionsurleschiens.—Viens ici,Félix.Arrêtede l’embêter.Monpouls estpluscalmeàprésent car jevoisque
monchiennevapasmouriraujourd’hui.Le grand chien se laisse tomber sur ses pattes de devant et roule sur le côté. Jeme rends
comptequ’ilnes’agitpasd’unchienmaisd’unechienne.Jenesaispaspourquoij’avaisdanslatêtequegrandchiensignifiaitmâle,parcequej’enaiundetroiskilosquejetransportedansmonsacetquin’estassurémentpasunefille.
Félixgrimpesurlacagethoraciquedelafemelle,tourneplusieursfoissurlui-même,puissecouche, posant sa tête sur ses pattes.Comme s’il avait confondu ce loup géantmangeur d’homme
avecuncoussindecanapé.—Tu temoquesdemoi, intervient lecuisinierquisemblesérieusementoffensé.Sahara,un
peudefierté,veux-tu?Elleredressela têtepourleregarder,puis lareposeetpousseunlonggémissementintense.
Elle cille àplusieurs reprisesmais, àpart cela,nebougepas.Ondiraitqu’elleveutqueFélix soitconfortablementinstalléetqu’elleestprêteàselaissertorturers’illefaut.
Moncœurfondenlaregardant.C’estvraimentunechiennetoutàfaitétonnante,mêmesisescrottessontprobablementaussigrossesqueFélixlui-même.
—Mangeons!s’exclameDevavecenthousiasme.Avecunautretorchon,lecuisinierfaitungesteendirectiondufourneau.—Allez-y.Lepainestdanslefour.Iljetteletorchonsurleplandetravailetsortdelacuisine,
quittantlapiècepourdesendroitsquejeneconnaispas.Toutlemondesemetàbougerenmêmetempsendirectiondel’évierpoursesaisird’unbol
sur le plan de travail et se dirige ensuite vers la marmite sur le fourneau. Une file se formerapidement.
—Quesepasse-t-il?J’interrogequivoudrabienmerépondre.—Ledînerestservi.Bonappétit8,expliquelepetitCajunensouriant.Jeregardetoutlemonderemplirsonbol,sesaisird’uneoudeuxtranchesdepainjustesorti
dufouretplacésurunegrille,puiss’asseoirautourd’unelonguetableenmétalàl’autreboutdelacuisine.
Quandilssonttousassis,quelqu’unréciteuneprièrerapideetilsplongentdansleurbol.Ilestpossible qu’ils n’aient pas mangé depuis un moment ; dire qu’ils montrent de l’enthousiasme endégustantleconsomméestpeudire.
—Miam-miam, c’est tellement bon ! s’exclameDev la bouche pleine de quelque chose. Jeregardeailleurspournepasvoircequis’ytrouveexactement.
—Ilneleratejamais,continuelafille.—Jevaismechercherunsecondbol,renchéritletypebeau-comme-un-acteur-d’Hollywood.
J’aiétéoccupétoutelajournée.—Premierarrivé,premierservi,coupeleCajun.Etl’amied’Ozzien’apasencoremangé.Jepensequ’ilsparlentdemoi.—Est-cequ’Ozzie,c’estceluiquiaunebarbehorrible?J’aiposélaquestionavantdepenser
àtrouverunautrequalificatifpoursespoilsfaciaux.Oups.—Ouais,répondlafille.Luietluiseul.—Jepensaisqu’Ozzieétaitlecuisinier.Maintenant,jesuisabsolumentembrouillée.—Oui.Lemeilleur.Devestoccupéàingurgitersonplatetjepensequesesmotssortentun
peuplusimbibésqu’ilnel’auraitvoulu.—Ilexistedeceschosesqu’onappelledesserviettes,ditlafille.Etelleluienenvoieuneàla
figure.Ill’attrapejusteavantqu’ellen’atterrissesursonfront,sansmêmequittersacuillèredesyeux.—J’aimesavourermasoupeetjemeserviettelementonàlafin.Jen’aijamaisencoreentendulemotservietteutilisécommeverbe,maisjevoiscequ’ilveut
dire. Il aura besoind’un sérieux serviettage lorsqu’il aura fini. Je ne suismêmepas certainequ’ilreprennesonsouffleentresesbouchées.Comment fait-ilpournepass’étrangler?Jepenseque jevoisunegouttedesoupesursajoue,justesoussonœil.
—Vous feriez bien de vous servir un bol avant qu’il n’y en ait plus, conseille leCajun endésignantl’évieravecsacuillère.Luckysebattraitavecsapropregrand-mèrepouravoirledernier
morceau.J’endéduisquelenomdeHollywoodestLucky.Iln’apasl’aird’êtreendésaccordaveccette
appréciationdesoncaractère.Jemedirigelentementverslesbols,monesprit tourbillonnanttellementjesuisdésorientée.
Qui sont ces gens ? Est-ce qu’ils vivent ensemble ici ? Comment Ozzie peut-il être à la fois lecuisinieretletypeaveclabarbe?Etquiétaitletypesexydevantl’éviersicen’étaitpasOzzie?Ilestévidentquelanourrituren’estpasempoisonnée,parcequ’ilsenmangenttous.Qu’est-cequejefaisici?Pourquoinemeposent-ilspasdequestions?Commentsefait-ilqueFélixdormesurunloup?
Riendetoutcecin’adesens;sibienquejemedécideetversedelasoupedansmonbol.Êtreconfuseetaffaméeàlafois,çanefaitpasbonménage.Maisjenetouchepasaupain.J’envoudraisbienunmorceaumaisjen’arrêtepasd’imaginerquelqu’unquim’attaqueraitpendantquej’auraisledos tourné. Me baisser pour prendre quelque chose dans le four me rendrait trop vulnérable. SiseulementFélixvoulaitbienêtremoinscalme.Nous sommes toujoursdansune situationdedemi-urgence,dumoinsc’estcequejecrois.
Jem’approchede la tableavecmonbolsansoublierque jedoisêtreprudente. Ilyaquatresiègesvides,maisunseulmeparaîtprésenterunebonnepossibilitéde fuiteparcequ’il est leplusprès de la sortie. Je m’apprête à m’asseoir et je manque avoir une crise cardiaque quand tout lemondeautourdelatablesemetàcrierenmêmetemps.
—Paslà!Jemelèveetfaisunbondenarrière.—C’est la chaise d’Ozzie. Prenez celle-ci. Lucky tapote le siège à côté de lui. Je vaisme
retrouverpileentreluietlafille.Jepensequejepourraislutteravecelle.Aveclui,jen’ensuispasaussisûre.
Jevousassurequenousnemordonspas,fait-elle.—Pasbeaucoup,ajouteLucky.Ellereniflemaisnelecontreditpas.Monestomacmedictemadécisioncarilgrognecommeunoursencolère.Jeposed’abord
monboletjelâcheensuitemonsacenbandoulière.Lafillefroncesonnezquandmonsacatterritsurlesol.—Jesensuneodeurdepisse.Ellesetourneetregardeleschiensaveccolère.—Tuescenséenepasfairetesbesoinslàoùilnefautpas,Sahara.—Cen’estpaselle,c’estmoi,dis-je.Ils s’arrêtent tous de manger en même temps et me regardent fixement. Mon visage
s’empourpre.—Enfait,c’estmonsac.Pasmoi.Félixafaitpipidedanstoutàl’heure.Lafillemedévisagependantquelquessecondes,uneexpressiondedégoûtsurlevisage.—Oh.C’estbeaucoupmieuxquesic’étaitvous.Mesmâchoiress’ouvrenttoutesseules.Jenesaispassielleessaied’êtredrôleoutoutàfait
impolie.LetypeCajunmedonnelaclédumystère.—Ne sois pas siméchante,Toni.Elle est unpeu commotionnée.Tu le serais à saplace. Il
secouelatête,peut-êtreparcequ’ilestdéçuetretourneàsasoupe.Ilfaitungrandbruitenaspirantleliquidedelacuillèredanssabouche.
Toninerépliquepas.Ellesecontentedemordredanssonpaincommesiellenevenaitpasenquelquesortedemesupplierdelafrapperavecmonsacsentantlepipi.
Comme je suismanifestement ennombre inférieurpar rapport auxmusclesqui se trouventautourde la tableetquisemblentquasimentdesa famille, jedécideque jevaisaumoinssavourermonrepas.Quisait?Ilpourraitêtremondernier.
Lapremièrebouchéem’expliqueclairementpourquoiLuckyseraitcapabledesebattreavecsagrand-mèrepourenavoirunsecondbol.
—Oh!dis-je,savourantunmorceaudesaucisseépicée.C’estdélicieux.—Jevousl’avaisdit.Devm’adresseunsourire.AttendezdegoûteràsonJambalaya.9C’est
divin.LeCajunlèvelesyeuxauciel.—Ohlàlà,10 jevaisfaireunedemandespécialepour lasemaineprochaine,vouspouvezy
compter.Ilclignedel’œildansmadirection.—C’estmonanniversaire.J’opine et retourne à mon bol. Après trois bouchées, je suis encore plus amoureuse de
l’hommequiapréparécerepas.—D’ailleurs,oùestdoncOzzie?Ilnevapasvenirmanger?Jenesuispastrèsimpatientede
revoircettebarbe,maisjevoudraisleremercier.Nonseulementilnem’apastuée,maisilvientdemesauverd’unharceleuretilmenourrit.Celamériteaumoinsunecertainegratitude.
—Ilaprobablementdéjàdîné.Ilnemangepassouventaveclegroupe,répondLucky.—Commentcelasefait-il?Jecontinueàfixersonmorceaudepain,medemandants’ilvale
manger.J’auraisdûenprendreunetranchedanslefourquandjelepouvais.Devselèveetsedirigeverslefourneau.Jel’entendsderrièremoiquiseressertdesoupe.—Ilabeaucoupdetravailadministratif,expliqueLucky.—C’estunsolitaire,ditToni.Etpasqu’unpeu.—Ah ! Jenevoispasquoi répondre.Toutceque je sais, c’estqu’il est excellentcuisinier.
Cependant,j’espèrequ’iln’yapasdepoildebarbedanslamarmite.Devdéposeunmorceaudepaingrilléfrottéd’ailàcôtédemonbol.—J’aivuquevousregardiezlemorceaudeLucky.Jenevoulaispasquevousvousfassiez
mordreetarracherlesdoigts.—Tais-toi, imbécile, j’ai faim.Tu serais pareil si tu avais suivi cemoinsque rienpendant
douzeheures.Devouvrelabouchepourrépondre,maisilestarrêtéparunevoixcoléreusevenantduseuildelaporte.
—Pasunmot,ditOzzie.Ellenerestepas.Jelèvelatêteetvois,deboutdansl’encadrementdelaporte,l’hommequialancéletorchon
decuisinetoutàl’heure.—Oh, allons,Oz,ne jouepas legranddur, intervient leCajun.Ellepeut resterunpeu.Tu
nousasdittoi-mêmequ’ellepouvaitêtreendanger.C’estalorsquejefaislelien.Lemagnifiquemorceaudeviandehumainequisetientlà,faisant
montredesesmusclesdevantnous,n’estpaslefrèred’Ozzie.C’estOzzie.Ilest leBarbu.C’est letypequim’aditdenepasretournercherchermavoitureetquim’aensuiteguidéeiciquandjenel’aipasécouté.Etc’est luiquiestplussexyqu’aucunhommenedevraitavoir ledroitd’être,avecdesmuscles saillant sous sa chemise et lesmâchoires contractéesdemécontentementpendantqu’ilmeregarded’unairfurieux.Ilesttotalementetcomplètementdifférent.
—Qu’est-ilarrivéàvotrehorriblebarbe?Jeposelaquestionavantderéfléchir.
7.BSBpourBourbonStreetBoys.8.Enfrançaisdansletexte.9.Spécialitéculinaireàbasederizetdeviande,traditionnelleenLouisiane.10.Enfrançaisdansletexte.
CHAPITRE9
LeCajun semet à riremais ne dit rien ; il regarde fixement sa soupe et tourne sa cuillèrededans.
Ozzie neme répond pas.Au lieu de ça, il traverse la pièce, se saisit d’un bol et le remplitjusqu’aubord.Jebalaielatableduregardtandisqu’ils’enrapprocheetprendunsiège.Personnenesemble pressé d’expliquer cette complète transformation physique qu’Ozzie a réalisée, je ne saiscomment,enmoinsd’unedemi-heure.
—Fameux,Oz,complimenteLuckyenparlantdurepas.Tut’esencoresurpassé.Ozziegrogneetprendunebouchéedepain.Ilneregardepersonne.—Écoute,monvieux,àproposdecesoir…commenceDev.Ozzielâchesacuillèrequifaitunbruitsecdanssonbol.—Onn’enparlepluspourlemoment.Ilfixelecentredelatable,faisantmanifestementun
effortpournepaslaisserlibrecoursàsacolère.—Jevoulaisjustetedirequej’auraisvouluvenir.—Poursûr.confirmeLucky.Jenepeuxpasdires’ilesténervéouamusé.—ToutjustecommetuvoulaisêtrechezRoscoelasemainedernièreetsurBeatStreet,celle
d’avant.—Hé,lesamis,voussavezbienquej’aidesresponsabilités.Ozziefinitparleverlesyeux.— Nous avons tous des responsabilités, Dev. Chacun de nous. Seulement, les tiennes
t’empêchentdefairetonboulotplussouventquecelanedevrait.Latensionquiflotteau-dessusdelatableesttroplourde.Jenepeuxpaslasupporter.—Àpropos,vouspourriezmedirecequevousfaites,exactement?J’essaiedeprendreun
tondétaché,maisjen’yarrivepasvraiment.Mavoixesttropaiguë,troptendue.Toutlemondemeregarde,Ozziecompris,cequimeforceàm’expliquer.—Cequejeveuxdire,c’estquej’aivuvotreraisonsociale,alorsvousn’êtesévidemmentpas
des assassins. Du moins je l’espère. J’imagine que vous ne me donneriez pas à manger si vousl’étiez?
Personnenerépond.Ilssecontententdemedévisager.—Vousn’êtespaslaMafia,j’espère.D’ailleurs,jeneconstituepasundangerpourvous,vous
voyezbien?Jeneparleraiàpersonnedevotrerepaire.—Notrerepaire?s’étonneToni.
Jeregardeautourdemoi.—Ouais.CetteBatcaveoujenesaiscommentvousl’appelez.LeCajunsemetàriredoucement.—Tais-toi,Thibault.Ozzieestdenouveaumécontent,jelevois.Jesoupire.— Sérieusement, est-ce que quelqu’un pourrait justeme dire où nous sommes ?Qui vous
êtes?Parcequemonimaginationestentraindepartirenvrilleetcen’estpasunebonnechose.—Quecrois-tu11quenoussommes?demandeLucky.Ilreposesacuillèreetsecarresursa
chaisepourfocalisersonregardsurmoi.Jeregardelespersonnesautourdelatable.Leblasonsurlachemised’Ozzieattireànouveau
monattention.—Sijedevaisexclurel’idéed’ungroupedetueursensérie,jediraisquevousêtesoubien
quelquechosecommeunesociétéprivéedesécuritéouquevousêtesfansdel’uned’elles.Ouencore,cesontdesdealersetilsutilisentcesT-shirtsetcartesdevisitepourtromperles
gens.Maisça,jenevaispasledireàhautevoix.Luckym’adresseunclind’œil.—Bienvu.Puisilmefaitunpetitsignedumenton:qu’est-cequetuvoisd’autre?C’estcommesi j’étaisdansunjeutélévisé,genreQuizz.Jereposemacuillèreet jeregarde
plus attentivement ce quim’entoure,me servant demonœil de photographe professionnelle pourabsorber les détails. C’est plus facile à présent que je ne me sens plus autant menacée. Pour lemoment,personnen’adirigédepistoletoudecouteauversmoialorsqu’ilyenatouteunecollectionici.
—Eh bien, je vois un groupe de personnes qui agissent comme s’ils faisaient partie de lamêmefamille,maiscen’estpaslecas.Saufpeut-êtrepourvousdeux.
Je désigne du doigt Toni et le Cajun ; je suppose que son nom est Thibault. Il opine,confirmantainsimonsoupçon.
—Ilestévidentque…hum…vousvoussouciezdevotreformephysique.J’imaginequesivousêtesdanslesecteurdelasécurité,c’estimportant.
Jeregardelachienne.—Vousavezunchiendegardequiestcenséêtreredoutable,maisquinel’estpasvraiment.
Ellem’atoutl’aird’unegrandesentimentale.Félixs’étireetSaharanebougepasd’unpoil,sicen’estpourclignerunœil.Deux personnes gloussent légèrement, mais lorsque je lève la tête pour voir qui c’est,
personnenerevendiquecetteréaction.Ozzieal’airsurlepointd’explosertellementsonvisageestrouge.
—Ilyadescamérasdanstouslescoins,icietenbas,alorsilfautquevousygardiezquelquechosedeprécieux;oubienquevousredoutiezlavenuedequelqu’unquivousenveut.J’aivuenbasdespetitesarmoiresquipourraientcontenirdesobjetsdevaleur.Peut-êtredesfusils,parcequej’airemarqué que l’une d’elles ressemblait à un coffre pour armes à feu. Et vous semblez avoir unevéritablecollectionàl’étageaussi.
Jeme rendscompteque je suis en traindedécrire avecprécisionaussibienune sociétédesécuritéquel’antred’ungangdedealers.
Jepensequej’enaisansdoutetropditlorsqueDevhausselessourcils.Iln’aaucunpoilàcetendroit,mais ça n’empêche pas son arcade sourcilière de se soulever comme s’il ne souffrait pasd’alopécie.
—Eteuh…vousavezdesépéespartout,alorsj’imaginequel’und’entrevousestdinguedes
ninjas.Thibaultsemetàrire,plaçantsamainsursonestomac.—Oh,Seigneur, jen’enpeuxplus. Il se lèveet fait le tourde la tableavecsonbolpour le
mettredansl’évier.—Quoi?Jeregardeautourdemoi.Qu’est-cequej’aidit?—Elleestassezobservatrice,intervientLuckyenhaussantlesépaules.Laplupartdesgensne
remarquentpaslescaméras.Jesouris.—Enfait,jesuisphotographe,alorsj’aitendanceàmefocalisersurcegenredechoses.—Focaliser,hein?Tunefaisaispasunjeudemots?interrogeToni.Sonexpressionestplutôtdifficileàlire,maisjepensequec’estpeut-êtreunsourire.Jedécide
surlechampquej’yregarderaitoujoursàdeuxfoisavantdelafrapperavecmonsacd’urine.Jerougis.—Bien sûr, aucunde jeudemots. Je serre fortementmesmains surmesgenoux.Ehbien,
Ozzie,est-cequetuvasfinirparm’expliquercequiestarrivéàtonextraordinairepilosité?Quelqu’unsiffledoucement:jepensequec’estLucky.Jeregardeautourdemoi.—Quoi,j’aiditquelquechosequ’ilnefallaitpas?Ilnepouvaitpasvraimentaimercetruc,
n’est-cepas?La ligne où devrait se trouver les sourcils de Dev est toujours proche de la racine de ses
cheveux.Jefroncelesmiens,inquièteàl’idéed’avoirfâchélecaïddelabande.—Oh ! Il n’aime pas qu’on parle de sa pilosité ? Je regarde Ozzie dont l’expression est
indéchiffrable.—Tuyétaisattaché?Jesuisdésolée.Jenevoulaispast’offenser.Maisçafaisaitquandmême
unsacrévolume,n’est-cepas?Et…hirsute?—Cettebarbemepermettaitderesterdanscebaraveclesgensquis’ytrouvaient.Jefaisunsourire.—Oh,alors.Ehbien,tun’avaisqu’àlagarder.—Non,jenepouvaispas.Ilmefusilleduregard.— Oh. Mon sourire disparaît. Alors, tu n’es pas content d’avoir coupé ta barbe et, du
coup…coupéaveccesgens-là?JeregardeToni.Ellefaitsignequeoui.Etça,jenepeuxpaslecomprendreparcequetoute
femme, où que ce soit dans lemonde, aurait considéré cette pilosité de lamême façon quemoi :grossière,malsaineet,disons-le…grossière.Etquandjerepenseauxgensdanslebar,ehbien!L’und’euxnousatirédessus.Alors,jenevoispasbiencommentlapertedeleuramitiéestsiterrible.
—Perdremabarbe,celaveutdireperdremacouvertureetdesmoisdetravail.NousrevoilààlacasedépartavecleSixièmeWard.
Jemeretrouveprisedepanique,aussifacilementqueça.—LeSixièmeWard?Commedans leSixièmeWardD-Block12?Est-cequ’ilnes’agitpas
d’ungang?Mavoixs’éteinten terminantmaquestion.Jemesouviens trèsbiend’avoir luqu’unesériedemeurtresleuravaitétéimputéeiln’yapassilongtemps.
—L’undespiresdelaNouvelleOrléans,confirmeDevquis’estlevé,sonbolàlamain.Ilal’airvraimentfierendisantça.
Jemetasselentementsurmachaise.—Oh,merde.Jesavaisquej’étaistombéedansunrepaire.J’attendsquelasentencetombeencequimeconcerne.Jeregardemonboletuneidéestupide
vientflotterdansmatête:Aumoins,j’auraisprisundernierrepascorrect.
—Cen’estpasunrepaire,répliqueOzzieenprenantsonpain.C’estd’iciquenoustravaillons.Nousnesommespaslesmembresd’ungang;noussommesunesociétéprivéedesécurité.C’esttoutcequetuasbesoindesavoir.Ilseremetàsonrepas,avalantplusdepainquejenel’auraisjamaisimaginépossible.
—Vous travaillezparfoisen freelance?medemandeThibaultquiest revenus’asseoirà latable.
—Jenefaisqueça,jesuismonproprepatron.—Hum.IlsecouelatêteetjetteunregardàOzzieavantdecontinuer.Vousavezdéjàeudes
missionsdesurveillance?J’ouvrelabouchepourrépondre,maisOzziemecoupe.—Non.Ellen’enajamaisfait,etellenevapascommencer.Jemeredressesurmachaise.— Pardon, mais je dois vous informer que j’ai déjà accepté des missions comme ça.
D’accord,enfaitj’exagèreunpeumonexpérience,maisilsnelesaurontpas.—Vraiment?interrogeThibault.Dequelgenre?Àprésent,toutlemondeautourdelatable
meregarde.Monvisagerositànouveau.— Je… euh… j’ai pris des photos d’un homme qui trompait sa femme. Je me dépêche
d’ajouter:«Dansunparc.»Detellemanièrequ’ilsnesefigurentpasquej’espionnais,cachéedansl’armoiredelachambreàcoucherdequelqu’un.Ouquelquechosed’aussirépugnant.
—Tul’ascoincé?demandeToni,commesielles’intéressaitpersonnellementàmaréponse.—Oui, ilsetrouvequeoui.J’airéalisédesclichésformidables.Jel’aiprislamaindansle
sac,commeondit.Je souris avec fierté. Oui, c’était un boulot embarrassant. Mais, parfois, lorsque les
commandespourunmariageoulesportraitsdefamilles’espacentvraiment,ilfautquejesoismoinsregardantesurlegenredetravailquej’accepte.Jeneleurparleraipasdesphotosérotiquesquej’aiprises d’une femme l’hiver dernier. Ce n’est pas un sujet qui va les enthousiasmer autant.Moi, jen’arrivetoujourspasàoubliercertainesdecesimages.Ladernièrechosedontj’aibesoinseraitderavivercessouvenirs.
—Tunet’espasfaitpincer?demandeLucky.—J’aidumalàlecroire,intervientOzzie,nemelaissantmêmepaslapossibilitéderépondre.Messourcilsserapprochentànouveautandisquejefoudroielecuisinierduregard.—En fait, j’aipris lesphotos juste sous sonnez. Je relève lementonavec fierté. Je faisais
semblant de photographier les fleurs près de l’endroit où il était assis. Il nem’a pas suspectée uninstant.
Luckymedésignedelamainaveclaquelleiltientsonmorceaudepain:—SielleportaitcetensembledeLittleBoPeep13,jen’auraisriensoupçonnénonplus.Tusais
ce qui est le plus difficile avec le recrutement,Ozzie.Nous n’avons pas une seuleBoPeep parminous.
Ilmefaitunsourire,maisjeneleluirendspas.—Qu’est-cequetuveuxdire?Ozzieselèveetsavoixexploseau-dessusdelatable.—Çaveutdirequetunefaispaspartiedenotreéquipe.Ilesttempsd’yaller.Lesautresleregardent.Devparaîtspécialementperplexe.—Oùest-cequ’ellevaaller?Tuavaisditqu’elleseraitcoincéeicipendantquelquetemps.—J’aichangéd’avis.Ozzierapportesonbolàmoitiépleindansl’évieretregardeceuxqui
sontencoreattablés.Ellenepeutpasrester.
—Qu’est-cequisepasse?Mavoixn’estqu’unfaiblemurmure.Personnenemerépond.IlsregardenttousThibault.
—OnvavoterditThibaultquisembledéterminé.—Surquoiallons-nousvoterexactement?interrogeToni.Ellemeregardeavantdereporter
sonattentionsurletypequisembleêtresonfrère.Ilmedésigned’ungestedumenton.—Surcequenousallonsfaired’elle.Est-cequ’elleresteouest-cequ’ellepart?J’avaledifficilementparcequejemerendscomptequejevaispeut-êtreassisteràmapropre
condamnationàmort.
11.L’anglaisutiliseuniquementle«you»;ilnousasemblédevoirpassericidu«vous»au«tu»,lefaitdedîneràlamêmetableayantbrisélaglace.12.CélèbregangderuedelaNouvelleOrléans.13.Dunomd’unecomptineanglaisetrèspopulairequimetenscèneunejeunebergère.
CHAPITRE10
—Onn’apasbesoindevoterparceque j’aiditqu’elles’enallait.Ozzieest revenuauhautboutdelatable,maisilnes’assoitpas.
—Dis donc, tu tenais plus à ta pilosité que tu ne l’as jamais admis ! Toni lui fait un petitsouriretaquin.
Sonfrèrelaconsidèred’unairfurieux,maisc’estcommesiellen’enavaitrienàfaire.Ellel’ignoreetluitourneledospourregarderOzzieenface.
—Tu le sais aussi bien que tout lemonde ici : je cultive ces contacts depuis longtemps.Àprésent, les voilà tous fichus à cause de cette LittleBo Peep et nous sommes revenus au point dedépart.Tupeuxmedirecommentjevaispouvoirmettrelamainsurleurlistemaintenant?
— La liste de qui ? J’ai posé la question. Plus ils parlent et plus les choses deviennentintéressantes.Ainsi,cen’estpaseuxlesméchants,pourtantilsessayentd’infiltrerungang?Qu’est-cequeçasignifie?
—Peuimportequelleliste,répondOzziequimelanceunregardfuribond.Jenesaispasdutoutpourquoimais,quandilmeregardecommeça,celamefaitsourire.Au
lieuderestertranquille,jem’arrangepourquelalumièreviennejouersurmesbellesdentsblanches.Ilmefaitpenseràsachienne:onladiraiteffrayanteetviolentemais,toutcomptefait,c’estjusteuncoussingéantquisertdecanapéàunchienminuscule.Jeparieraisqueleventred’Ozzieestparfaitcommeappuie-têtequandonregardeunfilm.
Qu’est-cequej’aidit?Est-cequejeviensvraimentdepenserça?Jesuisentraindeperdrelatête.Jesuisprobablementenhypoglycémie.Àtouthasard,j’avale
unegrandecuilleréedesoupe.— Il s’agit d’une liste des membres du gang avec leurs coordonnées et des statistiques,
m’expliqueDev.Desstatistiques?Jeregardeautourdemoidanslapièceetj’essaiededeviner,d’aprèsleurlangagecorporel,ce
queveutdirecepetitboutd’information.Maispersonnenem’aideàyvoirplusclair.Ilscontinuentàéchanger des regards entre eux, et ils ne font pas attention àmoi. Tout ce à quoi je peux penserlorsquequ’onparlede«statistiques»,c’estqu’ils’agitdesmatchsdebaseballetdesmoyennesdebutsréussis.Lesgangsterssenotent-ilslesunslesautres?
— Ouais, des statistiques, confirme Lucky. Sur les meurtres, les quantités concernées, lenumérodelarueoùsetrouvelamarchandise,etc.
Jesecouelatêteparcequejemesensunpeuperdueaveccejargon.—Jen’aipaslamoindreidéedecedontvousparlez.Unfrissonparcourtmoncorps.—J’espèrequevousneparlezpasdemeurtresausenslittéral,commes’ils’agissaitdevraies
personnesoudequelquechosecommeça.Jeprendsuneautrebouchéedemonconsommé.—Quiest-cequitiendraitdesstatistiquesàcesujet?La pièce est absolument silencieuse. Je lève la tête et vois Thibault et Lucky échanger des
regardséloquents.—Quoi?jelesinterroge.—Tucherchesdutravail?demandeThibault.—Non!hurleOzzieavantquej’aieeuletempsdeseulementouvrirlabouche.—Elleadel’expérience,répliqueLucky,plaidantauprèsdeceluiqui,jelesuppose,estson
patron.Jecomprendsàprésentqu’ilessaiedefairebaisserlapression.— C’est pas une grande expérience, je te l’accorde, mais c’est une photographe
professionnelleetellesefaufilerapartout.Ilmedésigne:—Regarde-launpeu.—Prendreun jourdansunparcdesphotosd’un salaudqui trompe sa femme, cen’estpas
commeavoiruneexpériencedanslasurveillance.Latêted’Ozziesemblesurlepointd’exploser.Je ne suis pas vraiment intéressée par une mission de surveillance, mais la façon dont il
n’arrêtepasdemelancerdespavésàlafigureestplutôtblessante.Ilestbeaucouptropautoritaireàmongoût.Jeseraisprobablementtrèsbonnepourdelasurveillance.Discrète,jesuisuneexcellentephotographeet j’ai lematériel,dumoinspourprendredesphotosetdesvidéos.Dedéfi, je relèvemonmenton,tandisquel’expressionsurlevisaged’Ozziesefaitplussombre.
Devmedésigned’ungeste.—Ellesefondraitcomplètementdanslafoule.PascommeToni.—Hé!Toniluilanceunecuillère.Ill’attrapeàmi-course,sansmêmebougerunciletévitelebruitmatd’unchocsursonfront.—Êtes-vousentraindedirequejesuisquelconque?Jeposelaquestionparcequejesuisà
peuprèscertainequejedevraismesentiroffensée.Jesaisquejenesuispasuntopmodel,maisjen’iraispasnonplusjusqu’àdirequejesuislaide.
—Ellen’estpasdutoutquelconque;regarde-la!Ozziemedésignedudoigtetnousrendtouslesdeuxridicules.
—Justemaintenant,ellepourraittoutaussibienavoirsurelleuneinscriptionaunéondisant:“Regardez-moi”.
Touteslestêtesautourdelatablepivotentdansmadirection.Puisilssedévisagententreeux,manifestementperplexes.
—Désolé,Oz,maisjenevoispasça,intervientLucky.Ilsepenche,metlebrassurledossierdemachaiseetmeditàl’oreille:—Tuasenviedegagnerunpeud’argentpourquelquesphotos?Nouspayonsàréceptionde
facture.Il s’est trop rapproché pour que jeme sente à l’aise. Jeme recule autant que je peux sans
tomberdemachaiseoum’allongersurlesgenouxdeToni.—Toutdépenddusujet.Luckysemetàrire,seredressesursachaiseetmerendmonespacevital.—Tonstylemeplaît.
Jereprendsmapositioninitiale,sansêtrecertainequ’ils’agissaitd’uncompliment.—Ehbien,jenesuispasd’accordetc’estmoiquidécide.Ozziecroiselesbras,cequiapour
effetdefairesaillirencoreplussesmuscles.Ondiraitvraimentqu’iladesnichonsetpasdesoutif.Dev a un sourire narquois et désigne la poitrine d’Ozzie. Il parle afin que nous soyons les
seulsàl’entendre:—Regarde.Lespeccadilles.Luckyessaiedenepassourireetfixeleplafond.Jesupposequ’ilsparlentdespectorauxd’Ozzie.Ilssontvraimentimpressionnants.C’estalors
quenotreconversationparSMSmerevientàl’esprit :uneautrepartiedenotreéchangeprendsonsens.Lorsquej’écrivaispeccadilles,jeparlaisdemonneveuetdemesdeuxnièces.Ilpensaitquejeparlaisdesespectoraux.Pasétonnantqu’ilsoitdevenusibizarre.J’essaiedenepassouriremoinonplus.
— Il ne s’agit pas d’être dictatorial, objecte Thibault sur un ton neutre. Nous allons voter.C’étaitnotreaccordlorsquenousnoussommesengagésilyacinqansetiltienttoujours.
Ilposedoucementsonpoingsurlatable.—Commençonsparledébut…quefaisons-nousd’elle?Ildéplieundoigtetledirigeversmoi.—Onlagardeouonlarenvoie?—Jepensequevousdevriezmedemanderd’abordcequejeveuxfaire.J’aidumalàcontenir
lemécontentementdemavoix.LessourcilsdeThibaultsesoulèvent.—Tuveux retournerchez toipour servirdecible facile àundealerquiveut temettreune
balledanslatête?Monvisagedevientblême.—Euh.Non.Cen’estpascequejeveux.—C’estbiencequenouspensions.Ilbalaielatabledesyeux.—Elleresteici;vousêtestousd’accord?Illèvelamain.Jeregardeautourdemoitandisquetouteslesmainsselèvent,saufcelled’Ozzie,biensûr.Et
celledeToni.Ellesecontentedefixerlatabledesyeuxcommesiellen’avaitpasconsciencedecequiestentraindesepasser.
Laréactiond’Ozziememetencolère.—Tuveuxqu’onmetireuneballedanslatête?C’esttoutàfaitblessantqu’Ozzievotemondépart.Jepensaisquenousavionsvécuquelque
choseensembledanscetteallée.Ilm’asauvée…j’aiétésauvée…çaveutdirequelquechose,non?Bon sang, ilm’amêmeappeléun taxi, il l’apayépourmoi.Alors, pourquoime jette-t-il à la ruemaintenant?
Sonexpressionvireàlacontrariété.—Biensûrquenon,jeneveuxpasqu’ontetireuneballedanslatête…Devl’interromptavantqu’ilaitfini.—Excellent!Donc,elleresteici.Maintenant,votonssurlaquestiondeluidonnerdutravail.Ozzieetmoiétendonstousdeuxnosmainsdevantnous,commesiellesétaientdespanneaux
destop.—Uninstant…,ditOzzie.—Attendezunpeu,dis-je.Nousnousarrêtonsensemble,nousentre-regardant.Ilal’airfurieux.Jeplisselesyeux.— D’accord. Allez-y, votez ! Je dis ça en faisant un geste des mains comme si j’étais
absolumentindifférenteàtoutcequisepassemaintenant.—Jeseraiscontented’avoirdutravail.Iln’yapasbeaucoupdemariagesencemoment.Je
suisplutôtsérieuseet jenarguejusteOzzie.Unpeud’argentserait lebienvenu.Maisjenesuispassûrequeprendredesphotosdedealerssoitlemeilleurchoixdecarrièrepourmoi.
Ozziemetoiseaveccolèretandisqu’ilfaitjouersesmâchoires.Pourquelqueraison,celameréjouitdeconstaterqu’ilalesboulesdemevoirici.Est-cequ’ilapeurdemoi?Ha!Çadoitêtreça.Jem’étaissuperbiendébrouilléeensemantletypequiavaitessayédemetuer,mêmeavantqu’Ozzienem’aide.Onpourraitsûrementdirequejesuisbrave.Jel’aiemmenéauboutd’uncul-de-sac.
Peut-être que j’ai blessé son amour-propre à propos de sa barbe. Mon sourire faiblit. Jesupposequesijerestedansl’entreprise,jedevraiprobablementluiprésentermesexcusesàcesujet.
—Écoute, Ozzie, je suis désolée pour ce que j’ai dit au sujet de ton horrible barbe. C’estseulement… qu’elle était vraiment plus fournie qu’une barbe doit l’être. Je n’ai pas pu m’enempêcher.
Thibaultprendmadéfensetoutensemoquantdemoi.—Oh,Seigneur…ceuxquisontd’accordpourprendreàl’essaiLittleBoPeep,dites“oui”.Il
continueàmesourire.— Oui. J’entends le mot trois fois. Ensuite, il y a un long silence. J’ignore Toni et, au
contraire,jemetourneversOzzie.Jesourisavantdedire«Oui.»Ilsembleêtresurlepointdedirequelquechose,maisilnelefaitpas.Aulieudecela,ilquitte
lapiècecommeunouragan.Ilhurle«Sahara!»Lachiennegéantesemetlentementsursespattesetquittelacuisined’unpastranquille,Félixsurlestalons.
CHAPITRE11
Onmedonneunlitdecamp,unsacdecouchageetuncoindelacuisinepourmoitouteseule.C’est ça ou risquer de rentrer chezmoi et deme faire repérer par ce type quime suivait dans unquartier trop proche du mien pour que je me sente tranquille. J’examine attentivement moncampementetjemedemandesijevaisréussiràdormirneserait-cequ’uneminutecettenuit.Toutçan’apasl’airparticulièrementengageant.Jenesuispasdugenresacàdos.Plutôtdutypechambre-d’hôtel-et-repos-au-bord-de-la-piscine,enfait.J’aitrèsenvied’appelermasœur,maisjesaisqu’ellepartiraenvrilleàforcedepaniquersijelefais.Ellen’accepterajamaisdesdemi-explicationsetdesexcuses.Ilfautquej’attendelemomentoùjepourraim’asseoirettoutluiraconterdanslesmoindresdétails.
—Çavaaller?medemandeLucky.Iln’apasvraimentl’airdes’ensoucier.Plutôtamusé.—Jepense.Jeregardelapièce.ÀpartOzziequin’apasréapparudepuisqu’ils’estruéhorsdelapièce,
Luckyestleseulàêtreencorelà,maisilsedirigeàprésentverslasortie.—Tunerestespas?J’aidumalànepasfaireentendredansmavoixquejevaismesentirabandonnée.Lapièceest
pleined’épéesdesamouraïs.Etsijetrébuchesurl’uned’ellesaubeaumilieudelanuitetmecoupeunmembre?J’aiabsolumentbesoindetousmesmembres,dechacund’euxsansexception.
—Nan.Ilfautquejenourrissemonpoissonrouge.Onsereparledemain.Ilsedirigeverslaportequiouvresurlapiècedesninjas.
—Est-cequ’ilyaquelqu’unquiresteicicettenuit,oubienest-cequejeseraitoutseule.—Oz sera ici. Il ne sort jamais, sauf pour aller travailler. Sa chambre est juste au bout du
couloir.Ildésignedudoigtl’endroitverslequelOzzieafoncé,ilyaunedemi-heure.—Situasbesoindequelquechose,tun’aurasqu’àcrier.Jeramasselesacdecouchageetletienscontremoi.Jesoupire:—D’accord.Merci.Pasdesouci.BienvenueauBedandBreakfastdesBourbonStreetBoys.Ilmefaitunclind’œiletquittelapièce,éteignantlalumièreprincipaleensortant.Jel’entends
qui rigole, et puis les bips du pavé numérique. Enfin, le bruit d’une lourde porte enmétal qui seferme.
—LesBourbonStreetBoys.Jemarmonnetandisquej’essaied’étalermonsacdecouchagesurlelitdecamp.Seulelalumièreau-dessusdupoêlemeguideencore.
—Est-ceunnompourune société de sécurité ?Nousne sommesmêmepas surBourbonStreet.C’estàdeskilomètresd’ici.
Jeregardel’entréeducouloiroùsetrouvelachambreàcoucherd’Ozzie.Félixn’enestpasencoresortietjecommenceàm’inquiéter.Est-cequejedevraismefairedusouci?Oui,jedevrais.Félixpourraitfairepipid’unmomentàl’autre.Savessiealatailled’ungrainderaisin.Ilfautqu’ilsoitàcôtédemoipourquejepuisselirelessignesavant-coureursd’uneenviedesortiravantqu’ilnesoittroptard.
—Félix.Jemurmureaussifortquejepeux.Pasderéponse.Paslemoindrecliquetisdegriffessurlescarreauxneparvientàmonoreille.— Félix ! Je murmure plus fort, tendant l’oreille et focalisant toute mon attention pour
percevoird’éventuelsbruitsd’unchihuahuaenapproche.Rien.—Bonsang,Félix!Vienstoutdesuite!Mavoixestplusfortequejenel’auraisvoulu.D’abord,jen’obtiensaucuneréponse.Maisensuite,j’entendsquelquesjurons.—Oups.Jem’assoissurleborddemonlitetj’attendsquelegrandméchantloupOzziesorte
etm’enguirlandeparcequejel’aitirédesonsommeilbienfaisant.Jereniflebruyammentàcetteidée.Avant,lorsqu’ilavaitcettehorriblepilositésurlafigure,
j’aurais pensé qu’il lui faudrait quelque chose comme six mois de sommeil réparateur pours’améliorer ;mais,maintenant, jediraisqu’ildevraitprobablement rester éveillépendantquelquessemainesd’affilée.Desmois,peut-être.Avec le corpsqu’il a, il estplusbeauqu’aucunhommenedevrait être. Son visage,même s’il avait l’air dur et furieux ce soir,m’a fait penser à des chosesauxquelles je n’aurais pas dû songer. J’ai toujours eu un faible pour les pommettes hautes et lesmâchoirespuissammentdessinées.Lacicatricequ’ilasurlajouedroitesuffitpourluidonneràtoutlemoinsunebeautérude.Zut!Rienquedepenseràlui,çaréchauffevraimentlapièce.
Jamais,augrandjamaisjen’auraispenséquecettebruterencontréeChezFrankierévéleraitlevéritableOzziequisetrouvaitcachéen-dessous.Tuparlesd’unecouverture!Jecomprendspourquoiilestsifurieuxd’avoirdûl’abandonner,parcequemaintenantonpeutdirequ’onleremarque.Avant,ilétaittoutauplusunautredecesgrandsmotardschevelus;maintenant,c’estcommeunrêvedevenuréalité.Undecesjours,jeluidemanderaisic’étaitunebarbeposticheoubiens’ill’avraimentlaisséepoussercommeçaetaétéobligédelaraser.
Soudain,ilapparaîtsurlepasdelaportedelacuisineetmeregardeavecmauvaisehumeur.—Tum’appelles?—Non,saufsitut’appellesFélix.—QuiestFélix?Jesecouelatête.—Pourunprofessionneldelasécurité,tun’esvraimentpastrèsobservateur.Jeterépètepour
latroisièmefoisqueFélixestmonchien.Tusais…lechihuahuaquidoitprobablementêtreentraindedormirdanstonlitencemoment?
Il croise les bras sur sa poitrine. Pas le moins du monde intimidant, d’ailleurs. Despeccadilles!J’enrirais.
—Leschiensnedormentpasdansmonlit,déclare-t-il.EssaiededireçaàFélix.Jet’assure,ilarrivetoujoursàtrouverlemoyen.J’aiarrêtédel’éjecterdemonlitdepuislongtemps.Enfait,ilestformidableenhivercomme
bouillote pour les pieds. Il préfère dormir sous les couvertures au pied du lit que n’importe oùailleurs.Jenesaispascommentiltrouveassezd’oxygènepoursurvivre,maisilseréveillechaquematinenpleineforme,commesiderienn’était.
Ozzierepartet,quelquessecondesplustard,jel’entendshurler.
—Filsdepute!Sorsdemonlit,espècedeclébard!Onentendensuiteungrognementsourd,affreux.Jesaisquecen’estpasmonpetitbébé.Ozzieestmanifestementfroissé.—Oh,tuveuxplaisanter…Hé!jeunedame!Viensici,toutdesuite!Je devine qu’il doit s’adresser àmoi. « Jeune dame ».MayWexler, la « jeune dame ». Je
soupire.—LittleBoPeep!J’aibesoindetoiiciuneseconde!Jepensequejepréfère«jeunedame»àcesurnom.Jeme lève et prends le couloir le long duquel se trouvent les photographies encadrées des
gensavec lesquels j’aidîné ;égalementquelques lettresmisessousverre.Jem’arrêtedevant l’uned’ellespourlaparcourir.C’estunelettrederemerciementduchefdelapolicedelaNouvelleOrléansauxBourbonStreetBoyspouravoiraidéàattraperuncriminel.
Hum.Voilàunepreuvesupplémentairequejesuisdanslerefugedegenshonnêtes.Délicieux.C’est une vraieBatcave. Je me sens beaucoupmieux à l’idée de fermer les yeux et d’essayer dedormirunpeucettenuit.Peut-êtrequejen’auraipasd’affreuxcernesdemainpourmaprisedevues.Unefillepeutbienrêver.
J’arrivedevantunepiècedontlaporteestouverteetlalumièreinondelecouloir.Endeuxpas,jefranchisleseuild’oùjepeuxvoirl’intérieurdelachambreàcoucherd’Ozzie.Elleressembleàcequ’onattendraitd’untypecommelui:froide,nue,dumétalpartoutetunécranplatdetélévisionsurlemuravecquelquesgrosamplis,unordinateursurunetableenverreetuneconsolequisupporteuntéléphone.Lesdrapsdulitsontnoirs.Lefaitqu’ilssoientensatinauncertaineffetsurmoi.Jenem’yattendaispasdutout.Aprèsça,jemedemandecombiendefemmesontpuenprofiteraveclui.Etpuisjedevienstouterougeparcequejemerendscompteque,danslascènesuivantedemonrêve,ilesttoutnu.
Ohlàlà.Cerveaudemalheur!Arrêteçatoutdesuite.Pasunpasdeplus.—Qu’est-cequisepasse?Jeposelaquestiontoutenm’appuyantauchambranledelaporte;jefaiscommesij’étaistout
àfaitàl’aiseetpaslemoinsdumondetroubléeàl’idéedemetrouverdanssachambreauxdrapsdesatinnoir.Etcettemusculature…l’effetqu’elleasurmoi!
Ozziemontresonmatelasdudoigt.—Tonchienestdansmonlit.Jel’ignore.Félixesttellementaudacieux.Enfait,jesuisunpeujalousedeluiàl’heurequ’il
est.Jevoudraismeretrouverdanssesdrapsensatin,àroulersurmoi-même,glissantsurledessusdecelit.
Ah!Cerveaudemalheur,arrêteça!Arrêteimmédiatement!—Etalors?Commesiderienn’était.Tellementdétendue.Pasdutoutbouleverséepartoutce
satin.—Fais-lesortir.J’aiessayé.Ilmeregarded’unairfurieuxpendantunesecondeavantdesedirigerverslelit.Uneénormetêterousseémergeprèsdumatelas.Sahara.Ellegrondeetquandellefaitça,elle
ressemblevraimentàunedecesbêtesdel’enfer.Super.—Est-cequetutefichesdemoi?Ozzieavraimentl’airfâché.PauvreOzzie. Jepeuxàpeine imaginer ceque celame ferait simonpetitFélix se tournait
contremoi.Et c’est enpartiema faute si tout ceci arrive.Ouplutôt, c’est la faute deFélix qui esttellementadorable.Etjesuissacomplicepuisquec’estmoiquil’aiemmenéicienpremierlieu.
Ça ne marchera jamais. Je ne peux pas être tenue pour responsable parce qu’un chien se
détournedesonmaître.Jeressensuneindignationjustifiéequimonteenmoietmeprivedemonbonsens.
Jesecouelatêteetavanceàtraverslapièce.—Arrête.Jeprendsuntonfermeetc’estàpeinesijeprêteattentionàl’énormebête.— Félix, sors ton derrière pelucheux de ce lit. Immédiatement ! Félix baisse la tête et me
regardedesesminusculesyeuxbruns.Ilsaitqu’ilatortetutilisesaruse:Je-suis-trop-mignon-pour-être-puni.
Saharacontinueàgronder.—Laferme!Jeluihurledessus.Ellesetaitimmédiatementetbaisselatête.Ehbien!Jevaisavoirdumalàlapunirelleaussi.
Elleestmignonnequandellesesentcoupable.—Putain,murmureOzzie.JeprendsFélixsurlelitetlecoincesousmonbras.— Je t’avais dit qu’il aime dormir dans les lits. Tu devrais m’écouter plus souvent. En
principe,j’airaison,tusais.Je m’arrête parce que je me rends compte que j’ai pris l’air de ce que Jenny appelle
«susceptible».Jenesaispaspourquoi,maisqu’Ozziepuissepenserquej’aicetraitdecaractèremerendtriste.Etçasuffitàm’embrouiller.Pourquoidevrais-jemesoucierdecequ’ilpensedemoi?Ilesttempsdequitterlenavire.
Jefaisunsignedetête,mettantuntermeàl’épisode.—Bonnenuit.Jesorsde lachambresansunregardenarrière, refusantdecéderà l’instinctquimeditde
courir.
CHAPITRE12
J’installe Félix au bout demon lit de camp et j’essaie d’arrangermon coin aumieux.Meschaussuresserangentsouslelitetmonserre-têtevasousletoutpetitoreillerqu’onm’adonné.Jem’allongesurledos,lesacdecouchagesurmoietjeregardefixementleplafond,tâchantd’évaluermasituation.
Jedevraissansdouteêtrepluseffrayée,maisjen’arrivepasàrassemblerenmoil’adrénalineouleréflexedepeur.Peut-êtremonsystèmeest-ilbloqué?Pendantunebonneheureoudeuxcesoir,jemesuisretrouvéetétaniséedefrayeur.J’aiprobablementutiliséaucoursdelasoiréechaquegouttedepeurquiétaitenmoi.Toutcequimeresteàprésent,c’estlafacultéd’analyser;etc’estcequejecomptebienfaire.
Jemâchonneuncoindema lèvrequiest sècheet examine les faits attentivement.Ces typestravaillentaveclapolice,alorscesontdesgenshonnêtes.Ilssontdemoncôté.S’ilsontdesarmesici,c’estprobablementpourfaireleurboulot.Riendeplus.J’étaisuneproietoutetrouvéepoureuxs’ilsont l’habitudede tuerdesfemmes innocentes ;mais,au lieude tirersurmoi,demettremoncorpsdansuncongélateur,puisde lepasserdansunedéchiqueteuse, ilsm’ontdonnéde la soupe.Etpasn’importequelpotage…unesoupeextraordinaire.
Etàpartça?Ozzieestunesortedechef impressionnant !Hum.Jenem’yattendaispas. Jesourisenpensantàtoutcequin’aaucunsenspourmoi.Ilestcommeunebrutegéante,maispersonnen’apeurde lui,mêmequand il semetàhurler. Ils le respectent,maispasparcequ’ilsenontpeur.Maintenantquej’yréfléchis,j’imaginequej’éprouveaussidurespectpourlui.Ilsembleévidentqu’ilneveutrienavoiraffaireavecmoi,maisilm’asauvé.Pasjusteunefois.Deuxfois.Et,àprésent,ilm’aprocuréunendroitoùpasserlanuit,sibienquejepourrairentrerchezmoiquandilferajoursansdevoircraindreunbanditquimesuivraitdanssavoiture.Lesvoyousfontprofilbaspendantlajournée,non?Ceseraitbienplusrisquépoureuxdemepoursuivrequanddesgenspeuventlesvoir.Peut-êtresuis-jenaïve,maisc’estdel’obscuritéquilesprotègedontj’aipeur.
Zut!Peut-êtrequejepourraisdemanderàl’undecesBourbonStreetBoysd’allervérifiercequi sepassechezmoi avantque j’y retournedemain ;pour être sûrequ’iln’yapasdeproblème.Cetteidéemeréchauffelecœuretmeconfirmeégalementquejesuisfatiguée.Lasécurité.Degrandshommes musclés pour me protéger. Ouais. Il faut croire qu’il est minuit passé ; la pièce estconfortable,cequimesurprendvraiment.Ilsontunairconditionnéformidableici:justeassezfraispourquecenesoitpashumide,maispastropfroid,cequim’empêcheraitdem’endormircommeunpetitbébédanslesbrasdesamaman.
Jesuisjustemententraindem’assoupirquandl’odeurmefrappe.—Oh,monDieu!dis-jedansunmurmure,inspirantlargementpourêtrecertainequejene
suispasentraindefaireuncauchemar.Félix,c’esttoi?Mesyeuxs’ouvrentd’uncoup.Etpuis j’entendsungémissement,unglissementsur le soletungrognement. Je réaliseque
Félixetmoinesommespasseulsdanslapièce.Tournantlatêtesurlecôté,jevoisl’énormebête,lapetiteamiedeFélix,étendueàcôtédemonlitdecamp.
—Dieuduciel,Sahara,est-cequetonmaîtreadesmasquesàgazquelquepart?Parcequ’illedevrait.Bonsangdebois!
Jetirelesacdecouchagesurmonvisageetj’essaiederespirer.Oublionslesentimentquej’avaisd’êtreconfortablementauchaudetprêteàm’endormir.Je
suistoutcequ’ilyadepluséveilléemaintenant,aubeaumilieud’uncauchemarquipuelesgazd’unchiendel’enfer.
—Seigneur,qu’est-cequ’ilstedonnentàmanger,tupeuxmeledire?J’entendsunautrebruitettournelatêteverslecouloir.Unefaiblelumière,quelquepartdans
lacuisine,tombesurlatêteetlesépaulesd’Ozzie.—Jepeuxt’aideràquelquechose?Maquestionpasseàtraverslesacdecouchagequimesertdemasqueàgazpastrèsefficace.
J’espèrequ’ilnevapaspenserquec’estmoiquisensmauvaiscommeça.Ilpousseungrandsoupir.—Viensdansmonlit.Jeclignedesyeuxàplusieursreprises,nesachantpassijel’aibienentendu.Lapuanteurapu
affectermonaudition;çasentvraimenttrèsmauvais.J’aicruentendreuneinvitationàmonteraucieltomberdeseslèvres,maisçanepeutpasêtreça.
—Pardon?—Jevoulaisdireprendsmonlit.Jenepeuxpastelaisserdormirsurcelitdecamp.Desvisionsdesesdrapsensatinmedonnentlasueurfroide.—Hum.Non,merci.Pasquestion.Jenesuispasnymphomane,maisonnepeutpasmedemanderdesupporterça.
Êtredanssonlit,danscesdraps-là,etluiaveccetorseetcesbras.Non.Toutsimplement…non.—Jeprendrailelitdecamp,reprend-il,ensauveurinfatigablequ’ilest.Mavoixmontejusqu’àunregistreélevétellementjefaisuneffortpourparaîtreinsouciante.—Non.Toutvabien.J’adorecamper.Celitestabsolumentparfait.Vraiment.Gardeletien.Je
seraibienici.Ilavanceunpeuplusdanslacuisine.—Thibautvam’engueulersijetelaissedormirici.Allons,jeprometsquejeneviendraipas
t’ennuyer.Prendslelit,toutsimplement.Lesdrapsontétélavésaujourd’hui.J’aidumalàavaler.Monespritsefiguresiclairementsoncorpsnu.CommeilporteunT-
shirt serré, ça ne m’aide pas à effacer ces images. Parfois, je regrette vraiment d’être unephotographe.Toutcedontj’aibesoin,c’estducontourdesmusclesetmoncerveauremplitlereste.
—JediraiàThibaultquej’airefusé.Net’enfaispas.J’attendsqu’Ozzieparte.C’estpratiquementcommesij’avaisfaitgraveruneinvitationpour
qu’ildécamped’iciàl’instant.Ilpenchelatêteetilmefaitpenseràunchienpaumé.—Jenecomprendspas.Qu’est-cequetunecomprendspas?
Jefaisredescendrelesacdecouchagedequelquescentimètres,libérantunpeumonvisage.Jehumel’airetsensquejepeuxprobablementrespirerànouveausanscrainte,cequiestsuperparcequ’ilcommençaitàfairediablementchaudlà-dessous.
—Jeteproposeunvrailitdansunechambreavecuneportequetupeuxfermeràcléettumedisquetupréfèresdormirsurcelitdurdanslacuisine?
Illèvelenezenl’air.—Ondiraitqueçasentlessaucissesici.Je soupire, sachant que même s’il peut être difficile d’en faire usage, une petite dose
d’honnêtetéseratrèsefficacepourquecetypes’enaille.J’ail’impressionqu’Ozzieestvraimentdugenreclairetnet,maisjepeuxtoujoursessayer.
—Écoute,Ozzie.Jeteremerciedetonhospitalité,maisjenevaispasallerdormirdanstonlit.Cen’estpaslefaitquelesdrapssoientsalesouquelelitdecampsoitconfortablequimefaitdirenon,d’accord?C’estparcequ’ilssontensatin.Etcesontlestiens.Alors,retourneaulit,tuveux?Etemmènetachiennepuanteavectoi,parcequecenesontpasdessaucissesquetusensici;elleadesgaz.
Ilnebougepasetmefixedesyeux.Lachaleurdesonregardcommenceàs’infiltrerdansmesos. Le temps de l’honnêteté est passé. Passé, passé, passé. Maintenant, il faut vraiment que je medébarrassedelui.
—Honnêtement,Ozzie,encemoment,tumefais…commequidirait,peur.—C’estàcausedelabarbe?Ilal’airsivulnérablequejenepeuxpasm’empêcherdepouffer.Jecroisquej’aivraiment
touchéunecordesensibleavecça.Oups.—Non,cen’estpaslabarbe.O.K.?Tabarbeétaithideuse,maisellenefaisaitpaspeur.Ce
n’estpasçaquim’empêcheraitd’allerdanstonlit.Quelleconnerie. Jenepeuxpascroireque j’aieditunechosepareille.Mesoreillessonten
feu.Voilàpourl’honnêteté!—Jesuisdésolésij’aipuêtreimpolitoutàl’heure.Dieumerci, iln’apassaisi l’allusionquej’avaisservieavecmadernièreréflexion.Jepeux
respirerànouveaunormalement.Presquenormalement.—Tun’aspasétéimpoli.Enfin,d’accord,peut-êtrequetul’asétéunpeu,maiscelanem’a
pasgênée.—Pourquoi?Jehausselesépaulesparcequejenesaispastrèsbienpourquoimoi-même.—Jenesaispas.Justecommeça.Unbonmomentsepasseavantqu’ilneparle.—Tun’espascommejelecroyais.Ah?Jebâillevraimentbruyamment,mesyeuxsefermenttoutseuls.L’heureoùjemecoucheest
passéedepuislongtempsetàprésentOzzieestgentil.J’auraispresqueenvied’allermeglisserdanssonlitetdem’yendormir.Demain,j’auraidel’énergiepourmedisputerencoreaveclui.
—P’têtebenpasquej’suisLittleBoPeep.Jesuisunvraicaméléon.Jemeretrouveentraindepenseraujouroùj’aiprisdesphotosdecesalauddeDonJuandans
un parc et je souris dans mon demi-sommeil. Je l’avais vraiment bien chopé. J’ai pris plus decinquanteclichésdeluiavecsonbraspasséautourdecettefillequiétaitdeuxfoisplusjeunequelui,l’embrassantdanslecou,luioffrantuncadeaudansuneboîteàbijoux.C’estpeut-êtreluiquiatirésurmavoiturehiersoir.Jefronceunpeulessourcilstandisquemonespritsemetàvagabonderdanscecauchemarpossible.
—J’imaginequetupourraisunpeujouerlescaméléons,ditunevoixgravesurmadroite.Jesuistropfatiguéepoursavoird’oùellevient.—Allez,vacomptertesmoutons,LittleBoPeep,continuelavoix;elleauntimbreetunton
apaisants.Àdemain.J’imagineuntroupeaudemoutonsblancsetduveteuxsautantpar-dessusunebarrière.Bong,
bong, bong ! Si paisibles. Si agréables. Et fatigants. C’est alors qu’un bélier noir géant, avec descornesrecourbéessurlatête,arriveprèsdelabarrière,s’yarrêteetmeregardeaveccolère.
— Eh bien ? Je marmonne, agacée parce qu’il m’empêche de dormir. Allez, finissons-en.Sautedonc,espècedebêtepoilue.
Quelqu’unricane.Etc’estladernièrechosedontjemesouviensquandjemeréveilledansunecuisinequejene
connaispas, complètementperdue et regardant fixement le textodema sœurqui vient deme tirerd’unprofondsommeil.
Masœur:Si tunem’appellespasdanslesdixprochainesminutes, j’appelle lesflics.Jene
plaisantepas.Appelle-moi.Toutdesuite.
CHAPITRE13
—SalutJenny.Lacoquedemontéléphoneportableestfraîchecontremajoue.—Saluttoi-même.Oùétais-tupassée?J’aiessayédetejoindretoutelamatinée.Je bâille, essayant de m’étirer un peu. Le lit de camp n’était pas une bonne idée. J’ai des
courbaturesdanstouslesendroitssensibles.—Tunemecroiraispassijeteracontais.Quelleheureest-il?Jeplisselesyeuxendirectiondufourneau,maisjenepeuxpaslireleschiffressurlapendule
numériquedelàoùjesuisassise.—Ilest8h45.Tun’aspasuneprisedevuesaujourd’hui?Oùes-tu?Cheztoi?Putain!Jenesuispaschezmoi.Mêmeplutôtloin.Je saute surmespieds et tourne en rondà la recherchedemes chaussures. Je lesdécouvre
repousséestrèsloinsouslelit.—Merdealors.Tuveuxquej’yaillepourteremplacer?—Oui!Fonce!Jeserailà-bas…jenesaispas.Bientôt.J’essaiedemerappeleroùjesuisexactement.Leport.O.K.Maintenant,jem’ensouviens.Jeserailàdansvingtminutes.Masœursemetàrire.—Unenuitblanche,c’estdur,hein?—Cen’estpascequetucrois.Jem’écrouleparcequej’aiessayéd’enfilermesespadrillesdebout.Cequejedissortplutôt
commedesgrognements.— D’ailleurs, pourquoi tu n’es pas au travail aujourd’hui, à coder des programmes
informatiquesjusqu’àt’userlesdoigts?—Cesontdesapplis,May,desapplications.Etjesuislibreceweek-end.Enplus,Sammyest
malade.Jenepourraispasl’envoyeràlagarderiemêmesijelevoulais.Jem’assoissurlelitdecamppournepasmefairemal,glissemespiedsdansmesespadrilles
enpassantundoigtàl’arrièredutalonpourqu’ellesacceptentdecoopérer.—D’accord.Vaaustudioetoccupe-toidesclients.—Jem’enoccupe.Trèsbien.Etcommentjem’yprendsexactementpourça?—Jenesaispas:tuleurlaissesentendrequeleurscheveuxsontébouriffésouquelquechose
danscegenre-là.Installe-lesdanslevestiaire,dis-leurquejesuispartiechercherunnouvelobjectif
pourmonappareiletquej’arriveraipour09h30.— Cinq sur cinq. Et j’attends une explication complète de ta soirée quand tu auras fini ta
journée.—Tul’auras.Touslesdétailscroustillants,jetelepromets.Jesuislàdansunedemi-heure.—Àtoute.Elle raccrocheet jebalance leportable sur le lit. «Félix !»Je suisdésoléede te réveiller,
Ozzie,maisilfautquej’yaille,vraiment.Jesuischausséeetcoifféeavecmonserre-tête.Lesacdecouchageestrepliéetposésurlelit.
Alors,jem’aperçoisquepersonnen’aréponduàmonappel.—Félix!Viensici,monbébé.Ilesttempsdepartir!Rien.Jeregardefixementlecouloirquimèneàlachambred’Ozzie.Est-cequejedevraisyaller?
Ets’ilétaitnu?Mespiedsbougentsansquejem’enrendevraimentcompte.Uninstantjemetrouveprèsde
monlitetlaminuted’après,mevoilàsurleseuildesachambreetiln’yaaucunenuditéàregarderoùquecesoit.Zut!Lelitestsibienrefaitquejepourraisprobablementfairerebondirunepiècededixcentimesdessus.Iln’yapasplusdechiensqued’êtreshumainsici.
Jepasserapidementauxtoilettesetreviensdanslacuisineoùjetrouveunenotesurleplandetravail.
Emmenélesclebsenpromenade.Reviensbientôt.T’accompagneraicheztoi.Jeconsultelapenduledanslacuisine.Ilestdéjàpresque9heures.Jeneseraijamaisàl’heure
austudios’ilfautquej’attendeFélixetjenepeuxpasmepermettredeperdreceboulot.—Putain!Je retourneencourantàmon téléphoneetenvoieunmessageàOzzie.Mais lasonneriequi
annoncelaréceptiondutextovientdesachambre.Mevoiciaucourant:ilestpartisanssonportable.—Putaindemerde!Jesaisislestyloquiaserviàmelaisserunmotetgriffonneuneréponseaudosdelafeuille.J’ai dû y aller, des clients m’attendent.Mon studio de photos se trouve 1001 boulevard du
MémorialdesVétérans.SeraireconnaissantesitupouvaismeramenerFélix.Maisjepeuxrevenirlechercher en fin de journée, si nécessaire. Merci pour ton hospitalité. J’ai essayé de t’envoyer unmessage,maistuaslaissétontéléphoneici.
J’espéraisqu’Ozzieseraitderetourpendantquejerédigeaislemessage,maisjen’aipascettechance.Jesuissurlepointdesortir,maisquelquechosemefaitalorsrevenirsurmespasetajouterunmotàcequejeviensd’écrire.Jeneveuxpasqu’ilmegarderancunedecequejeluiaidithiersoir,paspendantqu’ilgardemonFélixenpeluche.
Pardonausujetdelabarbe.Ellen’étaitpastropaffreuse,maistuesbeaucoupplusbeausans.Voilà.Çadevraitapaisersasusceptibilitéàcesujet.Jesourisenfonçantdanslasalledesninjas
etjecontinuedesourirelorsquejevoisqu’ilalaissélaporteuntantinetouvertepourquejepuissesortir.Àprésent, iln’ypasdecodeélectroniquequimeretienne.Laportedugarageestégalementgrandeouverte. Je ne fais que jeter un coupd’œil à l’impact de la balle qui a fait un troudans laportière,côtéconducteuretjemontedansmaSonic.Jequitteleportàtouteallure,commesij’avaisundealeràmestrousses.
CHAPITRE14
La famille, fort contente et photographiée sous toutes les coutures, n’a pas quitté le studiodepuistrentesecondesqueJennymebombardedequestions.
—O.K.Accouche,petitesœur.Jeveuxtoutsavoir,dudébutjusqu’àlafin.N’oublierien.Jem’assoissurmontabouretetattrapeunebouteilled’eau;j’aiunpetitfrigidairelogédans
uncoin.Jedévisselebouchonetsoupire.—C’étaitfou.Complètementettotalementfou.J’avaled’untraitlamoitiédelabouteillependantquemasœurdigèremonentréeenmatière.Du coin où il joue,monneveudéclare : «Plètement fou. »Ses sœurs ont été invitées à un
anniversaire,Dieumerci.On a assez à faire avec lui,même quand il est tout seul.Heureusement,l’heuredesasieste tombaitpendant laprisedevues,sinonJennyetmoiserionsépuiséesà l’heurequ’ilest.
Jebaisselavoix,sachantquetoutcequ’ilentendpeutêtrerépétédevantsonpère.—Tutesouvienshierquandtuesalléechercherunnouveautéléphone?—Oui.Elleleprendetl’agitedevantmoi.Tuaimes?Oui.Jefaislesgrosyeuxenvoyantl’étuid’unvioletbrillant.Masœuradorecettecouleur,depuis
qu’elleesttoutepetite.—Voilà.J’aireçuuntextohiersoiretj’aicruqu’ilvenaitdetonnouveautéléphone.Elleleregarde.—Maisjet’aienvoyéunmessage.Jesais.Maisquelqu’und’autreaussi.Jetiremonportabledemapocheetleluimontre.—Tuvois?Regarde.Ellefroncelessourcilsenparcourantlesmessages.—Jenecomprendspas.— J’ai pensé que cette personne, c’était toi. J’ai cru que tu avais un portable temporaire et
qu’il s’agissait d’un numéro éphémère. Alors, quand j’ai lu que tu me demandais d’aller ChezFrankie, j’y suis allée. J’imaginais que tu y étais avec les enfants et que tu avais perdu la tête ouquelquechosedecegenre.
J’attendsqu’elleenregistrel’explicationpendantqu’ellecontinueàlire.—Oh.Ehbien!
—Tupeuxledire.Ellelèvelatêteetmeregarde.—Alors,qu’est-cequis’estpassé?TuesalléeChezFrankieetjen’yétaispas,évidemment.À
propos, je n’arrivepas à croire que tupourrais vraiment penser que j’iraisChezFrankie avec lesenfants.Cetendroitestunvraicoupe-gorge.
— Je veux allerChezFrankie ! » hurle Sammy. Il est trop occupé à arracher la tête d’unepoupée Barbie pour nous regarder, mais cela ne veut pas dire que ses oreilles ne sont pascomplètementbranchées.
— Oh, Seigneur. Ma sœur ferme les yeux et respire profondément, laissant ensuite l’airressortirtrèslentement.Elledétendsoncorps.Elleestentraindeselivrerautrucdelaméditationapaisantequil’empêched’exploser.Cequ’ellefaisaitavantunefoisparjour.Àprésent,elleexploseaumoinsunefoistouteslesheures.
—Onn’apasdit“ChezFrankie”;onadit“auMcDonald”.Jeparlebienfortetadresseunclind’œilàJenny.
EllelèvelesyeuxaucielquandSammybonditsursespiedsetcommenceàcourirautourdustudio.
—AuMcDonald,auMcDonald,hip-hip-hip,pou’McDonald.—Super.Elle lèvesamain libre.Allonsgavercetenfantdegraissessaturéesetdesodium.
Excellentplan,May.Ellefermelesyeuxetsecouesatêtequis’estaffaissée.Jeluidonneunepetitetapesurlajambe.—Net’enfaispas.Ilpeutattendre.D’ailleurs,jenebougepasavantd’avoirrécupéréFélix.Jennybalaielesolduregard.—Pourquoiest-cequejeviensseulementdemerendrecomptequ’iln’estpasici?Satêteserelèved’uncoup.—Oùest-il?—Ilestlàoùj’étaislanuitdernière.LesyeuxdeJennyretrouventleuréclat.—Etoùest-cequec’est,dis-moi?Jedésignelestextossurmonportable.Jesuisalléeàl’endroitquiestindiquéici,quin’estpasunMcDonald,etpendantquejepartais
àtarecherchedanslasallearrière,quelquechoses’estpassé:uncoupdefeuaététiréouquelquechosecommeçaetuntype,ungrandmotardchevelum’apousséeparlaportedufondjusquedansuneallée.
Quoiiii?!!Jennym’agrippelebrasetmesecoue.Tun’asrien??!!Sonvisagesetrouveàdixcentimètresdumien,lesyeuxpleinsd’uneinquiétudequeseuleune
sœurpeutavoir.Jemetortillepouréchapperàsapoigne.—Jevaisbien,commetupeuxlevoir.J’essaied’aplatirquelquesplissurmonchemisiertoutencontinuantmonhistoire.—Donc,j’aiessayéderentreràlamaison;maisensuite,quandj’aicomprisquequelqu’un
m’avaitsuiviedepuislebar,j’aifaitundétouretjel’aisemé.Après,letypeàquij’avaisenvoyédesmessagesm’aguidéejusqu’àl’adressedesonentreprisedesécuritéetj’aipassélanuitlà-bas.
Elleplisselesyeuxetm’examine.—Etpourquoiest-cequej’ail’impressionquetunemeracontesqu’unetoutepetitepartiede
cettehistoire?Jefaisunlargesourire.—Parcequetuascetteimpression?
Ellemedonneungrandcoupsurlebras.—Raconte!Tusaiscommemavieestennuyeuse.Ellejetteunregardàsonfilsquis’efforcedeseglisserdansunerobe.Iladéjàchaussédes
sandalesrosesàtalonshauts.Monstudiodephotographieestformidablepourjoueràsedéguiser.— Je crois que je suis tombée sur quelque chose comme une descente de police ou une
infiltrationpardesprivés.Letypequiatirédanslebaradûpenserqu’ildevaitmesuivre.Dumoins,c’estcequejecroisdeviner.
—Oh,monDieu,c’estterrible.Sesyeuxseremplissentdelarmes.—Non,toutvabien.Jenesaispaspourquoijepensequ’ellevamecroire.Jenesaismêmepassij’ycroismoi-
même.Cen’estpascommesicetireurallaitdisparaître.J’imaginequej’aidelachance:aumoins,ilneconnaitpasmonadresseprivée.
—Biensûrquenon:çanevapas.Ellem’examineplusattentivement.—Tuasétéblessée?—Non,pasuneégratignure.Ellemontremonvisagedudoigt.—J’envoispourtant.—D’accord,quelqueségratignuresderiendutout.Jemesuisprisdescopeauxdebois.Elleattendquejeluiendisedavantage,maisjen’enfaisrien.—Descopeauxdebois!Unevraiepince-sans-rire.— Oui, des copeaux de bois qui ont volé en éclats et m’ont touchée au visage. Rien
d’extraordinaire.— Je ne comprends pas comment tu pouvais être dans un bar et te retrouver blessée à la
figure.Elleestentraindesemettreencolèreàprésent.Jeluidistout,oujechoisisdememettreà
montourencolère.Pourm’ensortir.Questiondetactique.—Tupeuxtoutmeraconter.Ellesoupireprofondément.Tusaisquemavien’enestpasune.
Ettusaisquesiquelquechoset’arrive,ceseraàmoideramasserlesmorceaux.—Enfait,voilàdeuxraisonsparticulièrementconvaincantespourneriendire.—D’accord.Tuveuxemployerlesgrandsmoyens?Moijepeuxemployerlamanièreforte.
Qu’est-cequetudisdeça?Situnemeracontespastout,jepartiraiunesemainedansnotremaisondecampagneetjetelaisseraiavecmesenfants.
Lapeurmetranspercelecœur.—O.K.,d’accord.Jevaisteraconter.Maiscen’estpasparcequejen’aimepasmesnièceset
monneveu.Ellesouritd’unairentendu.—C’estd’accord.—Bien.Alorsjesuisalléedanscebar,jemesuissauvéedansunealléeaprèsqu’uneballea
faitvolerunéclatd’unetableprèsdelaquellejemetrouvais…—Uncoupdefeu?Masœurattrapemonbrasetsesongless’enfoncentdansmachair.Jelèvemamainlibrepour
l’empêcherdeflipper.—Attends.Gardeunpeutesquestionspourlafin.— May, oh mon Dieu, on t’a tiré dessus ? Comment veux-tu que je ne réagisse pas en
entendantunechosepareille?
Jedétacheavecprécautionsamaindemonbras.—Écoute…laisse-moiteracontertoutel’histoireettupourrasréagirautantquetuvoudras.—D’accord.Maisjemeréserveledroitdeflippercomplètementlorsquetuaurasfini.Lorsque j’ai terminé de la régaler avec les détails, Jenny se contente de me dévisager. Je
demeuresilencieuse,luilaissantletempsdedigérertoutcela.C’estalorsquesonregardpivotepourseposerquelquepartau-delàdemonépaule.
—Ohpunaise14!finit-ellepardirelesoufflecourt.Elleregardefixementparlabaievitréedemonstudiodephotographie.
—Oh,punez,répèteSammy.Ohpunezsurunbâton.Laclochettedelaporterésonnetandisqu’onlapousseversl’intérieur.Jemelève,nerveuse
toutd’uncoup,lorsquejevoisquiestlà.Jetiresurlebasdemonchemisierpouressayerdegommerlesplisquienmarquentlecoton.
—Saluttoutlemonde,claironneOzzietandisquesesyeuxexaminentlapièce.Sasilhouettemassiveemplitl’entrée.
14.Enanglais(US)«holymacaroni»,unedesexpressionsfavoritesdeHomerSimpson.
CHAPITRE15
Jennyserapprocheenhâtedemoi.— Bonjour, dit-elle avant que j’aie pu répondre. Elle tire sur son T-shirt pour cacher ses
poignéesd’amour,puiss’essuienerveusementlesmainssurseshanches.Quiêtes-vous?C’estvousquiavezgardéFélix?
Illaregardebrièvementenfronçantlessourcils,puisreportesonattentionsurmoi.—Jet’airamenétonchien.— Comment s’appelle-t-il ? Je le taquine avec cette question pour sortir de ce moment
embarrassant.—Clebs.Ozzienesourcillepas,mais jepourrais jurerquej’aivucommeunéclairpétillerdansson
œil.IldéposeFélixsurlesoletrestedebout.FélixseprécipiteversSammy.—Fee-Fee!s’écrielepetitgarçonensepenchantpourprendrelechiendanssesbras.Ilsait
qu’iln’estpascenséleprendreainsi,maiscetterèglen’interditpasdeserrerunchiencontresoiaurisquedel’étrangler.Félixfaitsondevoiretacceptecetémoignaged’affectionsansmordre.
—Ilne s’appellepasClebs ;maisFélix. Je faisungestepourprésenter Jenny.Etvoicimasœur,Jennifer,etsonfils,Sammy.Jenny,voilàOzzie.
Nous nous retournons à temps pour voir Sammy fourrer Félix dans un sac à bandoulièresbrillantqu’ilsuspendàsonbras.LespattesarrièreetlaqueuedeFélixdépassentdel’ouverture,satêteestinvisible.
Jemehâted’intervenirtandisquemasœurprendlecontrôledelaconversation.—Voyons,laissez-moideviner…Vousêtesletypequiasauvémapetitesœurhiersoir,n’est-
cepas?—Jeluiaidonnéunendroitoùpasserlanuit.Ellecroiselesbrassursapoitrineetsecouelentementlatête.—Eeeeetvousluiavezgardésonchien.—Enfait,j’aiétépromenersonchienetelleestpartieavantquejenerentre.Jereviensparmilesadultes.—J’ensuisvraimentdésolée.J’avaisunrendez-vouspouruneprisedevuesetjenepouvais
pasladécommander.Jenesavaispasoùtuétaisparti.—Oh,monDieu!crieJenny.Sonvisageaprisunmasquehorrifié:ellefaitquelquespasen
arrièreenregardantànouveauparlabaievitrée.
Unegrossetêterousseetunetraînéedebaveapparaissentàmaported’entrée.—Sahara!hurleOzzie.Jet’avaisditderesterdanslacamionnette!JennycourtversSammyetl’attrape,lesoulevantdanssesbrasleplushautpossible.—Hé!Repose-moiparterre,maman!Zeveuxzouer!Il tentederedescendre,maisellele
tientd’unemaindefer.—Qu’est-cequec’estquecettechose?demande-t-elle,visiblementterrifiée.Jevaisverslaporteetl’ouvre.—Cettechoses’appelleSahara.C’estlanouvellepetiteamiedeFélix.Lachiennegéante entrenonchalammentdans le studio, regardeautourd’ellepuisdécouvre
Félixentraindeléchersespartiesintimes.Ilsetientdevantledécordeprairieinstallépourlafamilledontjeviensdefairelesportraits.Saharas’approcheets’étalesurledrapoùsetrouveFélix;elleposesatêtesursespattes.
—Oh,Dieuduciel!Enfait,ilestplutôtmignon.JennylaissedoucementglisserSammylelongdesajambe.—Onnerisquerien?ElleregardeOzzie.—Ilaimelesenfants?—Cen’estpasunmâle,c’estunefemelleetjepensequ’ellelesaime.Je regarde Ozzie pour avoir confirmation. Il est trop occupé à froncer les sourcils pour
répondre par oui ou par non. J’ai l’impression qu’il voudrait affirmer qu’elle est un monstremangeur d’enfants.Mais Sahara ne ferait probablement que péter et s’endormir ; et il aurait l’airidiot.Alorsilnerépondpas.C’estunhommeintelligent.
Ilsoupire,commes’ilbaissaitlesbras.—Viens,Sahara.Ilesttempsdepartir.J’attrapemonappareilphotoetmedirigeversleschiens.Ilssonttropadorablespournepas
avoirenviedeprendrequelquesclichéspendantquejelepeux.Félixtourneenrondjusteàcôtéduventre de Sahara, manifestement à la recherche de la meilleure couchette pour chien sur le drap.Quandilestinstallé,jecommenceàpresserledéclencheur,cequiactionnel’obturateuràplusieursreprises.
—Tuveuxquej’allumeleslumières?demandeJenny.—Oui.Jemedéplacepour avoir unmeilleur angle.L’expressiondeSahara est impayable.Elle est
amoureuse.—Non.Ilfautqu’onyaille,déclareOzzie.—Çavajusteprendreuneseconde,intervientJennyàvoixbasse.Attendezetvousallezvoir.
Masœurestungénieavecsonappareil.MajoueetmonnezsontcollésaudosdemonCanon.—J’aimebiencequetuasditaveclemotappareil.Jelaisseéchapperungrognement.— En fait, tu as eu une note épouvantable en physique. Je pense que pour être traitée de
véritablegénie,ilfautfairemieuxqueça.—C’étaitaulycéeetj’aieulamoyenne,pasunenoteépouvantable.J’écartemon appareil photo demonœil etme déplace pour trouver un autre angle de vue
avantderegarderànouveaudansleviseur.—Àl’université,j’aieumentiontrèsbien,alorstuferaismieuxdelaissertomber.Ellenemepermettradoncjamaisd’oublierl’uniquemauvaisrésultatquej’aieu?Jeregardel’écrandemonappareiletfaisdéfilerlesdernièresphotosprises.Magnifique!Je
pourraisenfaireuncalendrier.Jevaislesmettresurmonsiteweb,çac’estsûr.—Çanet’embêtepassijelesutilisepourmapublicité,n’est-cepas,Ozzie?Ilne répondpas,mais jecontinueàprendredesphotos.Les lumières s’allument,cequiest
encoremieux.—Ohlàlà,jesuisauseptièmecielencemoment.Et,soudainement,quelquechosedegrandetdenoirvients’encadrerdansmonviseur;alors,
lamiseaupointautomatiques’enclencheetjeréalisequecettechose,c’estunpostérieur.Enfait,untrès beau postérieur. J’en prends deux clichés, juste pour m’amuser. Ozzie est penché en avant etessaiedeconvaincresachiennequ’ilesttempsdepartir.
—Debout,Sahara,debout.Iltiresursoncollier,maisellenebougepasd’unpoil.—Est-cequetupeuxteretourneruneseconde,s’ilteplaît?Ozzie se relève avec l’intention de discuter et je l’ai avec un éclairage parfait. Je prends
quelquesphotosavantqu’ilaitletempsdesortirducadre.J’écartel’appareilphotodemonvisage.—Qu’est-cequinevapas?—Jenesuispasvenuicipourmefairephotographier.Jesuisvenuteramener tonchienet
t’escorterjusqu’àcheztoi!Onentendraitvolerunemouche.Lediscretchevalierdanssonarmurebrillante.J’aime!Jennysouritd’uneoreillejusqu’àl’autre.Nouslaregardonstouslesdeuxd’unairmauvais.Moi,parcequ’àlavoirondiraitquejen’ai
d’yeux que pour lui ou quelque chose comme ça ; et lui, je ne sais pas. Peut-être est-il en colèred’avoirencoreàs’occuperdemoi.
Jennybougelapremière.— Peu importe, amusez-vous bien, les enfants. Il faut que j’aille chercher de quoi faire
déjeunerSammyavantqu’ilnemefasseunecrised’hypoglycémie.Elle l’attrape : robe, talons et tout le tintouin, puis se dirige vers la porte.Au passage, elle
prendsonsac.Jeluicrietandisqu’ellesort:—Jepensaisqu’ondéjeunaitensemble.—Ilvautmieuxdemanderàtonescortedet’emmener.J’aidescoursesàfaire.Salut!Jesuissurlepointd’ouvrirlabouchepouranticiperlemécontentementévidentd’Ozziequi
doitànouveaumesecourir,maisjelarefermeprécipitammentlorsquel’odeurmefrappe.—Seigneur!J’attrapeunechemisequeSammyavaitprisesurlescintresetlaisséesortie:jel’appliquesur
monnez.Ozziefroncelesienencomprenantcequivientdesepasser.—Oh,pourl’amourduciel,Sahara!Qu’est-cequetuas?— Tant qu’à deviner, je dirais des saucisses. Je fais un clin d’œil à Ozzie, par-dessus la
chemise.Ilessaiederesterfâché,maisn’yarrivepas.Sonvisagerougitjusteuntout,toutpetitpeu,et
sedétend.—Impossibledenepass’énerverquandellefaitça.Jeluidonneunpetitcoupespièglesurlebras.—Ne t’inquiète pas si tu n’arrives pas à garder ton calme avecmoi. Il faut beaucoup plus
qu’unpetdechiennepourmefairefuir.Toutmoncorpssefigeaumomentoùjeréalisecequejeviensdedire.ÀOzzie.Avectousses
muscles.Etsachemisenoireetsonjeanmoulant.Oh,Seigneur!Lorsqu’il renverse la têteenarrièreetpartd’unrire tonitruant, jepeuxenfinmeremettreà
respirer.
CHAPITRE16
—Alors,c’esticicheztoi.Ozzie traverse le vestibule sur lequel s’ouvre la porte d’entrée demamaison, puis pénètre
danslesalon,l’œilintéressé.Jenepeuxpasdires’ilaimecequ’ilvoitounon:sonexpressionestneutre.Sonoffredevenirs’assurerquetoutbaignaitchezmoiétaittroptentantepourquejelarefuse.Jevaisprétendrequej’aiditouiparcequejem’inquiétaispourlasécuritédemondomicile,etpasparcequejevoulaisencorelevoirfairejouersesmusclessoussonT-shirt.
—Oui!“Qu’onestbienchezsoi”!Jetraverselesalonetpassedanslacuisine.Jeprendsdelanourriturepourchiendansl’undes
placardsmurauxetremplisdeuxbols:untrèsgrandetuntoutpetit.Saharaavalesaportionencinqsecondes-chronoetfaitentendreunrotsonoreavantdes’affalersurlesol.Félixprendentresesdentsquelquespetitescroquettes,lestransporteàl’autreboutdelacuisineetlesdégustedansuncoindelapièceavantderevenirenreprendredanssonbol.
—Qu’est-cequ’ilfait?demandeOzzie,fixantFélixavecuneexpressionmédusée.Jeregardemoiaussi,enchantéeparl’idiosyncrasiedemonbébé-chien.—Onappelleça“platàemporterpourchien”.Félixnemangejamaisdanssonbol.Ilpense
quec’estgrossier.Sahara s’assoie sur ses pattes arrière et regarde Félix aller et venir, et recommencer.C’est
presquecomiquedevoirsatêtetourneràdroitepuisàgauche,commesielleregardaitunmatchdetennisauralenti.
Ozzieexaminelapiècederrièrelui.—Est-cequequelquechoseparaîtavoirétédéplacé?Jemetsquelquessecondesavantdecomprendrecequ’ilveutdire.—Hein?Pourquoidis-tuça?L’instantd’avant, j’étais fascinéeparnosadorableschiens,maintenant je reprendspeur.Les
événementsdelanuitprécédenteserappellentàmamémoire.Iln’enparaîtguèreaffecté.—Onnesaitjamais.Justepourenêtresûr.Jeposelamainsurleplandetravailpournepastomber.J’aiunpeulevertige.—Es-tuentraind’insinuerqueceluiquiaessayédemetuerauraitpuvenirici?Ozziequittelacuisineetsedirigeversl’escalier.
—Jevaisjustefaireuntourd’inspection,situveuxbien.—Biensûr.Regardetoutcequetuveux.Mon esprit s’emballe. Je ne suis pas rentrée chez moi hier soir, alors comment le tireur
pourrait-ilsavoiroùj’habite?Ilnelepourraitpas,n’est-cepas?Jenefaispasdepublicitépourmontravailsurmavoiture.J’avaisl’intentiondelefaire,maisilfautdirequejenesupportaispasl’idéedecollerquelquechosesurmabellepeinturerougebrillant.Jem’étaisditque,lorsquejemeseraisun peu lassée dema voiture, jemettrais un panneau dessus. À présent, je suis contente de ne pasl’avoirfait.L’anonymatasesavantages,toutparticulièrementpoursemerdesmeurtriers.
J’entendsdespasau-dessusdematête.Jecrie:—Toutvabienlà-haut?—Jepense.Jen’aipasdécouvertd’hommesbizarrescachés.Hihi!Cen’étaitpasdutoutdrôle.Ilnedevraitpasplaisantersurcesujet:jepourraisêtreattaquée.
Quelgenred’expertdelasécuritéest-ildonc?Enhâte, jegrimpe l’escalier. Jemedemandesi j’aipenséà refairemon lit.Croyez-moiou
non : lapeurquemapiètre façondem’occuperduménagesoit remarquéeestplus fortequecelled’êtresuivieparunmeurtrier.Surtoutaprèsavoirvucommel’appartementd’Ozzieestimpeccable.Oui, j’ai un problème, c’est évident. C’est la faute auxmuscles d’Ozzie. Il porte une autre de ceschemisesajustéesavecleblasonBSB.Latailleau-dessusn’existepas?
Quand j’arrivedansmachambre, je suisdépitée.Évidemment, jen’avaispas refaitmon lit.Maintenant,ilsaitquejesuisbordéliqueetquejedorsdansdesdrapsàfleurs.Ildétesteprobablementça,puisqu’ilestgenresatinnoir.Jenesaispaspourquoi,maisçamegêne.Toutàcoup,c’estcommesiunautobusm’avaitrenversée:jeveuxqu’ilaimetoutdemoi,mêmemesdraps.Jesuisdingueou,aumoins,suffisammentenmanquedesexepourêtredevenuecomplètementdéraisonnable.
Ilsortdelasalledebaincontiguëàmachambreets’arrêtesurleseuil.— Tu avais laissé des boucles d’oreille en diamant sur la tablette. D’expérience, même
quelqu’unquin’apasl’habitudedevoler,maisentreavecdemauvaisesintentionsdansunemaison,lesauraitempochées.Jepensequetupeuxêtretranquille.
L’airquejeretenaissortd’uncoup,dansunsoufflelongetsonore.—Oh,mercimonDieu.Ilfroncelessourcils.—Sérieusement,tuesaussiinquiètequeça?—Tuneleseraispas?Ilparaîtindifférent.—Non,maisjevisdansunentrepôtsécurisé.Ilbalaiemachambreduregard.—Tun’asaucunéquipementdesécuritéici,n’est-cepas?Jefaisnondelatête.Àprésent,celamesemblevraimentstupided’avoirvouluéconomiserlà-
dessus.—Jevaist’envoyerquelqu’un.Ilquittemachambresansunautremot.Jemeprécipitederrièrelui,angoisséeàl’idéedelevoirdisparaîtresivite.—Quelqu’un?Qui?Pourquoi?Ilcourtpresqueendescendantlesmarches.—Thibault.Peut-êtreToni.Ilst’installerontquelquechosedebasique,justepourquetusois
rassurée.Arrivéenbas,ilregardedanslacuisine:—Sahara!Onyva!
Ozzieetmoi sommesdeboutdans levestibule.Direque l’atmosphèreestpesanteseraitunelitote.Ilavumachambre.Ilavumesdraps.Ilaétédansmasalledebainset jesuiscertainequ’ildevaityavoiruneboîtedetamponssurlatablette.Ilvam’envoyerquelqu’unpourfairel’installation.Ilesttellementsexyquejemesensbrûlerdanslesendroitsintimes.Ah!
La chienne sort nonchalamment de la cuisine, traverse le salon et retrouve sonmaître à laported’entrée.
—As-tubesoindequelquechosed’autre?interrogeOzzie.Et,pourlapremièrefois,ilmeregardedroitdanslesyeuxenattendantmaréponse.Letemps
s’arrêtetandisquemevoilàentranseàcausedesesyeuxd’unvertbrillant.Monsangcommenceàbouillir,maispasdecettechaleurquivientdelacolère;c’estquelquechosedetotalementdifférent.
Oui,Ozzie,pensé-jeenmoi-même,j’aibesoindequelquechose.Quelquechosequejen’aipaseudepuistrèslongtemps.Dusexe,etenquantité.
Ozziepenchelatête.—Tuvasbien?Jefaissignequeoui,essayantderedescendredemonnuage.—Hein?Oh,çava.Franchement.Jeposemamainsursonbras,faisantuneffortpourmecalmeretdistrairesonattentiondema
réactionbizarreàunequestionsimple.Oups!Erreur.Jesenssachaleuretlesmusclesbougeantsoussapeau.Ilfautquejem’éclaircisselagorge
pourpouvoirparlernormalement,maiscen’estpasuneréussitecomplète.—Mercipourtout,Ozzie.Vraiment.Tuesunprinceparmileshommes.Ilnesedégagepasbrusquement.Ildevrait,maisilnelefaitpas.Lachaleuraugmenteentre
nousàl’endroitoùnospeauxsetouchent.—C’estcommeçaquejesuis.»Jeris,puissouris.—Tuviensausecoursdesdemoisellesendétresse?—Non,commentjesuis.Jefaiscequ’ilfaut,mêmesiçam’estdifficile.Aïe. Tu parles d’une douche froide. Ouah, est-ce que j’ai mal compris ce qui vient de se
passer?Mamainquittesonbrasetjemeretrouvemaladed’embarras.—Désoléedet’avoircauséautantd’ennuis.Ilal’airperdupendantuneseconde,puisilsesaisitdemamainetlaprenddanslasiennequi
est si grande. La sensation de chaleur reprend, deux fois plus forte. Il me tient la main et j’ai ànouveauseizeans!
—Non,non.Jenevoulaispasdirequetuesunennui.Ilhochelatêteetsecouelégèrementmamain.
—Bonsang,jesuisentraindetoutgâcher.Ilsoupirebruyammentetrecommence.Jevoulaisdirequejetenaisàm’assurerqueturentraischeztoisansproblème,quec’étaitcequ’ilfallaitfaire.Etmêmesijedevraisfairedixautreschosesencemoment,jesuiscontentd’êtrelàpourvérifierquetamaisonestsûre.
Je fais un large sourire. Ce n’est pas une demande enmariagemais, de toute façon, ça nem’intéressepas.
—Ohlàlà,Ozzie.C’étaitpresquegentil.Illâchemamainetfroncelessourcils.—Appelle-moisituasdesennuis.Ilseretourneetouvrelaportesansunmotdeplus.
Jesuissaisiedepaniqueparcequejepensequec’est ladernièrefoisquejeleverraidemavie. Vite, mon cerveau ! Pense à quelque chose de charmant, de spirituel et d’intéressant que jepourraisdire!
—Est-ceàcausedesdrapsàfleurs?J’ignorepourquoicesmotsviennentdesortirdemabouche.Privationdesommeil.C’estune
choseterrible.Terrible,terrible,affreuse.Ils’arrêtesurlesmarchesduperronettournelentementlatête.—Desdrapsàfleurs?—Est-cepourçaquetutesauves?Parcequemesdrapsàfleurssontabsolumentaffreux?Oups!Toutmoi!Jecontinueàparleralorsquejedevraismemordrelalangue.Monvisage
est brûlant et tout rouge : je comprends que je ne peux pas revenir en arrière. C’est comme si jen’avaisjamaisétéprèsd’unhommejusqu’àprésent.Aufait,depuiscombiendetempsn’ai-jepasfaitl’amour?
—J’aiplutôtaimélesdraps.Ilsouritavecgêne,commes’ilétaitaussiembarrasséquemoiàcesujet.Alorsqu’ilm’aconquisedesorteilsjusqu’auboutdescheveux.Iln’apasditquejeperdaislaboule.
Sans unmot, il descend lesmarches et s’engage sur les pavés quimènent à l’allée. Saharamanquedemerenverserquandellemedépassed’unbondpourlerejoindre.
JeleregardemonterdanssacamionnetteetpartirenmarchearrièredansmonalléeaprèsqueSaharas’estinstalléeàl’arrière.Etjemedemandesijelereverraiunjour,cequejesouhaitebienévidemment.
CHAPITRE17
J’aimisdespopcornsdanslefourquandlasonnettedemaporteretentit.Jecrie:—C’estouvert!par-dessuslebruitdesgrainsdebléquiéclatent.Laporteserefermeetj’entendsdespas.Quandjeremarquequ’ilssontbruyantsetrapides,je
merendscompteque jedevrais fermermaporteàcléetnepasdireauxgensd’entrer,alorsqu’ilpourraityavoirunmeurtrierentrainderôder.Jesaisisuncouteaudansleblocsurleplandetravailetmeretournepourfairefaceàmonvisiteur.
—Çasentbonici.Thibaultarriveàlaporteetconsidèremoncouteau.Ilralentit.—Ouh.Sesmainsselèventcommes’ilétaitprêtàserendre.—Jeviensenpaix.Moncœurquis’étaitemballésecalmeenquelquessecondes.—Oh,salut!C’esttoi.Lecouteaudescendauniveaudemataille.—Ouais,c’estmoi.Tuattendaisqui?Ozzie?Ilrigoledesaplaisanterie,maisjenepourrais
pasdires’ilinsinuequej’aimeOzzieetquej’espéraisqu’ilviendrait–ouquejeveuxlepoignarder.Jereposelecouteaudanssonrangementavantderépondre.
—Jenesavaispasquiviendrait.Tuveuxdespopcorns?—Volontiers.Maisaprèsletravail.Letravailpasseavantleplaisir.Ilregardelacuisineautourdelui.—Tuveuxbienquejejetteuncoupd’œil?— Je t’en prie. Je travaille sur mon ordinateur dans le salon. Sur des photographies. Tu
n’aurasqu’àcriersituasbesoindemoi.Je nem’inquiète pas à l’idée d’être jugée à présent ; j’ai pris soin de refairemon lit et de
nettoyerlasalledebainsaprèsledépartd’Ozzie.—Jevaiscomptertouslespointsd’entréeetvoircedontonabesoinpourlessécuriseretles
branchersurleréseau.— Réseau ? Je mâchonne ma lèvre, me demandant ce que cela va me coûter. Je n’ai pas
beaucoupd’économies.Madernièrepériodesècheressemblaitplutôtàundésert.—C’estunsystèmedesurveillance.S’ilsemetenmarche,tuaurasquelqu’unenlignedans
les vingt secondes. Système de pointe. Sans fil. Tu peux utiliser ton portable pour le contrôler et
changerlesréglagessituveux.— Super. Je n’ai pas l’air aussi enthousiaste que je devrais l’être, mais Thibault ne le
remarquepas.Ilsortdusalonetmontel’escalier.Jeprendsunpetitbolquejeremplisdepopcorns.Quandjepanique,jemangedespopcorns.J’enfourreunepleinepoignéed’uncoupdansmabouche.Desmorceauxvolentets’éparpillent.
Jemeretrouvedevantl’ordinateur,essayantdemeconcentrerpourtravaillersousPhotoshop:des cheveuxqui dépassent oudes petits boutons sur les portraits de famille que j’ai pris cematin.Mais jen’yarrivepas.Monesprit revient toujoursausystèmed’alarmeque jesuisen traindemefaire installer. Je ne suismême pas certaine d’en vouloir un. En ai-je besoin ? Lemeurtrier avaitlargementletempsdemeretrouveretilnes’estrienpassédetoutl’après-midi.
Mêmesic’estunepenséeraisonnable,ellenemerassurepaspourautant.Danslesfilms,lesmeurtrierssonttoujourstrèspatientsquandilstraquentleurproie.
Je me redresse sur ma chaise et lève les yeux pour examiner attentivement le plafond. Del’argent, de l’argent, de l’argent. J’ai besoin d’argent. Quand l’économie est en crise, lesphotographes sont parmi les premiers à en pâtir. Les gens n’ont pas de moments précieux àimmortaliser quand la vie estmoche.Regarde !Voici papa avec ses cheveux qui grisonnent parcequ’ilaperdusontravail!Etvoilàmamanquiaprisdixkilossupplémentairesàforcedecompenserenmangeant!
Non. Le commerce des portraits n’est pas au rendez-vous en temps de crise et il metlongtemps à se rétablir.Dans l’intervalle, il faut que je sois créative. Pour lemoment, je n’ai pastrouvé grand-chose pour boucher les trous dans ma trésorerie. Même les commandes pour desmariagessefontplusrares.
Unmouvement, dehors, attire monœil. Je penche la tête et regarde une voiture descendrelentementlarue;ellepassedevantmamaison.Jem’assoisplusdroitesurmachaise.Est-celetypequimesuivaithiersoir?
Jesuisprisedepanique.Jemelèveprécipitammentetm’éloignedelafenêtre.Leconducteurcontinueàrouler,maisilcherchemanifestementquelquechose:satêtepivotedegaucheàdroite.Ils’arrête lorsqu’il regarde juste dansma direction.Non, non, non, non, non !Ne tirez pas surmamaison!
Quandilseremetàrouler, jemedétendsunpeu.Jerendsgrâceauxétoilesd’avoirmismavoiture dans le garage aujourd’hui. Je la laisse souvent dans l’allée, mais je me disais que siquelqu’unvenaitm’aideraveclasécuritéilnepourraitpassegarer:ilfallaitquejelibèrelaplacedansmonallée.Jecommenceàmedemandersij’oseraiencoremegarerdehors.
Thibaultredescendl’escalieretmefaitsursauter.—Nerveuse ? Il s’approche et reste debout àmon côté, regardant par la fenêtre. Tu as vu
quelquechosedehors?—Jenesuispassûre.Jemerapprochede lui.J’aipenséquec’étaitpeut-être lavoiturequi
m’asuiviehiersoir,maisjemetrompesansdoute.—Constructeuretmodèle?Monvisageseplissesousl’effortquejefaispourmesouvenir.Grosse?Ford?Cadillac?Buick?Jeleregarde.— Désolée, je suis nulle avec les modèles anciens. Interroge-moi sur les petites voitures
sortiesen2014etjepourraiterenseigner.—C’esttonviolond’Ingresouquoi?Ilsourit.— Non.Mais il fallait que j’achète une voiture il y a quelques mois. J’ai fait pas mal de
recherchesavantdeprendremadécision.
—Ah!unemorduedevoitures.—Non,c’estplutôtquejefaisattentionàmonbudget.Jevoulaislemeilleurrapportqualité-
prix.Jeretourneàmonordinateuretjem’assois.LesfaçonstranquillesdeThibaultontfaitbaisser
monniveaudestress.Etpuis, lavoiturequim’inquiétait estpartieàprésent ; la rueestànouveauvide.
—Tonaidepourraitvraimentnousêtreutilesiturecherchesdutravail.Ils’approcheetsetientàcôtédemoi,meregardantmanipulerunephotosurl’ordinateur.—Jesuisbonpourorganiser leschoses,mais incapablede fairequoiquecesoit lorsqu’il
fautregarderàtraversunobjectif.Jelèvelatêteetluisouris.—Jenepensepasqu’unemissiondesurveillancedemandetantdetalentartistiquequeça.— Tu serais étonnée. Il désigne mon écran. Tu utilises un programme, n’est-ce pas, pour
travaillerlesphotographies?—Oui.Photoshop.J’effacerapidementuncheveuquidépassaitd’unetête:celledelamaman.— Je ne peux pas te dire le nombre de fois où nous avons pris quelqu’un en photo et la
lumièreétaittellementmauvaisequ’onnevoyaitriensurlapellicule.Tupeuxarrangerça,hein?Jehausselesépaules.—Jusqu’àuncertainpoint.Jepeuxéclairerouassombrir,retirerdeschoses,enajouter.Mais
jenepeuxpasobtenirl’impossible.Silaphoton’apasétépriseaveclebonangle,iln’yapasgrand-chosequ’onpuissefaire.
—Voilà.Ilnousmanquecetalent-là.Nouscouvronsàpeuprèstouteslesspécialités,maispascelle-là.
Mamainquittelasourisetjetournelégèrementmachaisepourmetrouverdavantagefaceàlui.
—Dequellespécialitéparles-tu?Thibault attrape une des chaises qui entourent la table toute proche et l’attire à lui pour
s’asseoirprèsdemoi.Ilsemetàcomptersursesdoigts.— Eh bien, voyons… nous avons Dev pour les arts martiaux. Il s’occupe de tout ce qui
concernenotreentraînementphysique,avecl’aidedeToni.Luckyestlematheux.Ilestcapabledeliredesdonnéesfinancièresetderepérertoutcequelesgenssouhaitentcacher.Iln’estpasmauvaisnonplusavecunearme.Jem’occupedelasécuritéetOzzieestlecerveauderrièretoutça.C’estluiaussiquiestlevisagepublicdenotreentreprise.Iltravailleaveclapoliceouceluiquinousengagepourdéterminer ce que lamission implique et en assembler toutes les pièces. Il rédige aussi le rapportfinal.Ildétestecettepartie-làduboulot,maispersonnenelefait,alorsiln’ycoupepas.
J’ai trèsenviedeluidirequej’adoreécriredesrapportsetdesétudes,etc.Maisjegardeçapourmoi.Cen’est pas ce qui l’intéresse.Au lieude cela, je décide de le questionner à proposdequelquechosequej’airemarquéhiersoiretquim’estrevenuaujourd’hui.
—J’ail’impressionquevousvousconnaissezd’avant.Jepliemonbraspar-dessusledossierdemachaiseetappuielatêtesurmamain,attendantsaréponse.
— Nous avons grandi ensemble. Nous avons tous eu quelques ennuis sur Bourbon Streetlorsquenousétionsplusjeunes.Ilfaitungrandsourire.Ozzieestentrédansl’arméeet,quandilenestsorti,ilnousarassemblésetnousafaitunepropositionquenousnepouvionspasrefuser.
—Etc’était…?—Rappliquezoujevousbotteletrain.Ladécisionaétévraimentfacileàprendre.Jesourisparcequejevoistrèsbiencommentcesmotsontpusortirdelabouched’Ozzie.
—Ilessaietellementd’êtrepuretdur.—Essaie?LessourcilsdeThibaultselèvent.Ettupensesqu’iln’yparvientpas?Je joue l’indifférence ;mavue devient trouble lorsque jeme représenteOzzie, essayant de
restersérieux,maissouriantlorsquesachiennefaitl’imbécile.—Jenesaispas.J’imagine.Maisilnemesemblepasaussieffrayantqu’ilveutleparaître.—Laplupartdesgenspensentqu’ilestlepiresalaudqu’ilsaientjamaisrencontré.Jerenifle.—Ah,oui.Paspossible!Thibaultmedévisage,unvaguesourireauxlèvres.—Quoi?J’aipeut-êtredeséclatsdepopcornssurlafigureouquelquechosecommeça.—Rien.Ilreporteaussitôtsonattentionversleblocdepapierqu’ilajetésurlatableaprèsavoirfaitle
tourdemamaison.—Alors,allons-y…Voicimonestimationdetesbesoinsensécurité.Jemepenchepourvoircequ’ilaécrit,maisjenepeuxpasdéchiffrersonécriture.J’attends
qu’iltraduise.—Tuascinqfenêtresàl’étage,deuxdanschaquechambreetunedanslasalledebain.Ilyen
a trois en bas et deux portes d’entrée, une sur le devant, l’autre à l’arrière. Sans compter celle dugarage.Celafaituntotaldeonzepointsd’entréequidoiventêtreéquipés.
—Équipés?—Avecdesdispositifsdesécurité.Jerecommanderaisaussiuncapteurencasdebrisdevitre
pourlesfenêtressurlarueetlaportecoulissantedupatioàl’arrière.Desdétecteursdemouvementdanslevestibuleetcettepièce.Iltefaudraitaussiunsystèmed’immunitépourlechien.
Ilprendquelquesnotessursonbloc.—Qu’est-cequec’est?—Unsimpledispositifquipermetdes’assurerquetonchiennevapasdéclencherledétecteur
demouvement.Illèvelesyeuxetsurprendmonexpression.—Quelquechosequinevapas?Jeregardelesol,essayantd’atténuermonembarras.—Jemefaisjustedusoucipourcequeçavamecoûter.—Pasuncentime!Ilselèveetattrapelachaise,luifaitfairedemi-tourpourlaremettrelàoù
ill’avaitprise.—Ah?Jememetsdebout,sansêtresûredesavoirdequoiilparle.—Çanevapastecoûteruncentime.Celafaitpartiedesavantages.—Unavantage?Unavantagepourquoi?— Les Bourbon Street Boys installent un système de surveillance chez les personnes qui
travaillentpoureux.Celafaitpartieducontrat.—Oh.C’est…généreux.J’imagine.Jenemesouvienspasd’avoirditàquiconquequej’allais
travailler pour eux, mais je pense que j’avais plaidé assez vigoureusement en faveur de mesqualifications.Pourquoidiableai-jefaitça?
—Nan,pasgénéreux.Intelligent.Dansnotresecteurd’activités,onn’estjamaistropprudent.Jemerembrunis.—Cen’estvraimentpaslemeilleurmoyendemevendrel’idéed’allertravailleravecvous
autres,tusais.Ilsegrattelatête.—Probablementpas.Maisquoi,prendredesphotos?Cen’est rien. Iln’yapresqueaucun
risque.Aucundecestypesdontnousnousoccuponsneferaseulementattentionàtoi.Tuserascommel’hommeinvisible.
— L’homme invisible… Je pense aux risques qui peuvent l’attendre lorsque Thibaultinterromptlecoursdemesréflexions.
— Le travail est payé trois cents balles de l’heure, plus les frais. La plupart des missions
comportentunminimumdecinqheuresdesurveillance,plusoumoins.Etnousavonsenmoyennecinqmissionsparmois.Dumoins,c’estcequemeditLucky.
Les yeux me sortent presque de la tête. J’en suis toujours à la première partie de sonexplication.J’aisûrementmalentenduletarif.
—Qu’est-cequetuasdit?Ilsourit.—Troiscentsballes,plusfrais.—Etjesuiscenséecroirequ’iln’yapasderisques?Mapressionsanguineestentraind’exploser.Jesauraisquoifairedecettesomme,mêmesice
n’estquepouruneheuredanslemois.Maispassijedoismefairetuerpourça.— Pas pour l’équipe de surveillance. Mais son rôle est essentiel. Sans elle, quand nous
sommes sur place, nous sommes aveugles et sourds.Nous facturonsbeaucoup lorsqu’unemissionimpliquedelasurveillance.
Ilsedirigeverslaporte.— Tu devrais venir regarder le matériel que nous avons. Pour voir si tu a besoin de
commanderquelquechosed’autre.—Commander?Queveux-tudire?—Situdoisfaireceboulot,tuaurasbesoind’unbonéquipement,n’est-cepas?—J’aidesappareilsphotographiques.—Ozzieveutquetoutlematérielappartienneàl’entreprise.C’estpourquoi,s’iln’apasdéjà
cedonttuasbesoin,ill’achètera.Jemetiensàlaported’entréependantqueThibaultdescendlesmarchesetsedirigeversson
SUV.—Ilattendquejel’appelle?Peut-être.Thibaultouvresoncoffrearrièreetensortungrandsac.Unsecondsuitdanssonautremain.
Illesdéposeparterreetvachercherencorequelquechoseàl’intérieurduvéhicule:unegrandeboîteencarton.
Jesorsencourantpourl’aider.—Qu’est-cequec’estquetoutça?Jesoulèvesurmonépaulel’undessacsmarins,fortlourd.—Lematérieldontj’aibesoinpourinstallertonsystème.—Maisjen’aimêmepasencoreditquej’étaisd’accordpourleboulot.—Tudirasoui.Fais-moiconfiance.PersonneneditnonàOzzie.
CHAPITRE18
Unbipm’annoncel’arrivéed’untextosurmonportable.Jesuisdevantleboîtierdel’alarme,à côté dema porte d’entrée et j’essaie deme remémorer toutes les instructions que Thibaultm’adonnéesilyauneheure.Siquelqu’unarriveàmaporteet insistepourquejedésactivelasécuritéafinqu’ilpuissemevoleretm’assassiner,jesuiscenséetaperquatrechiffres:maislesquels?
Ozzie:Jepeuxpasservers19heures?J’imaginequ’ilal’intentiondemefairecettepropositiondetravailquejenesauraisrefuser.
Maisj’aidéjàprismadécision.Jenevaispastravailleraveceux.Jenesuispasuneespionne;jesuissimplementunephotographequiauntalentspécialpoursaisirquelquechosesurdelapellicule.Pourtoutdire,jenesuispastrèsexcitéeàl’idéedememettreendanger.Unenuitàêtresuivieetàdormirdansunhangarm’asuffi.
Moi:Situveux.Maisjeneveuxpasquetuperdestontemps.Ozzie:Àtoutàl’heure.Iln’apascompriscequej’insinuais.Soupir.Jeregardeautourdemoietdécideque,s’ilvient
chezmoi,jepourraisaussibienfairedisparaîtrequelquespetiteschoses.Commeleschaussettesquej’ailaisséestraînerparterreàcôtédemonbureau.Pourcommencer.Jedevraisprobablementaussiallerchercherunebouteilledevin.Jenepensepasquenousallonsprendreunverre,dînerouDieusait quoi,mais je voudrais pouvoir lui proposer quelque chose à boire ; ce seraitmieux, n’est-cepas?Jemedirigerapidementvers laporte,glissemespiedsdansmessandalesetattrapemonsacquej’avaislaisséparterredanslevestibule.
L’alarmebipe,merappelantqu’ilfautquejelaprogramme.Jerefermelaporteetcontempleleclavier.Thibaultaprisladatedesonanniversairepourinitialisermoncode;decettefaçon,jesuiscenséen’oubliernil’unnil’autre.C’estdansunepetitesemaine,qu’ilm’adit.
Jecomposelesquatrechiffresdont jecroismesouveniretquitte lamaison,nonsansavoir
fermé la porte à clé derrière moi. J’attends quelques secondes et, comme je n’entends rien, jeprésumequejepeuxpartirtranquillement.
Laboutiqueaucoindemaruen’apaslameilleuresélectiondevinquisoit,maisjen’aipasletempspourautrechose.Ilyauratropdemondeausupermarchépourespéreryfairemescoursesetenressortirenmoinsd’unquartd’heure.
Jecommenceavecunebouteilledemerlotetdécideensuiteque jedevraisenprendredeux,juste au cas où. Juste au cas où quoi ? Je n’en ai pas lamoindre idée. Peut-être juste au cas où ilviendraitavecunami.Jenepensepasqu’ilresteraletempsdeboiredeuxbouteilles.Celalaisseraitàpenserquejepourraisêtrejolimentpompetteetmêmemettremesmainsunpeupartout.Etcen’estpas du tout ce que je veux dire. Pas question. Cette simple idée me rend nerveuse ; d’une façonérotique.
Jerentremavoitureaugarageetpénètredanslamaisonparlaporteintérieure.L’alarmesedéclencheimmédiatement.Jesaisquej’aiquelquessecondespourladésactiver,maisest-cequecelavam’empêcherdepaniquer?Non.J’ail’impressiond’avoircambriolémapropremaison.
C’étaitquoicecode?Jeronchonnetoutenfixantleclavierdesyeux.Lasonneriedel’alarmeestvraimentgênante.
Jen’arrivepasàmesouvenir!J’extraismonportabledemonsacetcherchelecalendrier.Quandesttonanniversaire,Thibault?!Jeregardedésespérémentlesjoursdelasemaine,maisjenepeuxpasmerappelers’iladitsamedioudimanche.Jetentemachanceetcomposelecode.
Unesirènesemetenmarche.—Zut!Félix arrive de toute la vitesse de ses pattes, aboyant autant qu’il peut.Mieux vaut tard que
jamais,j’imagine.Unevoixsortd’unhaut-parleurquejenevoispas:—BSBSecurity.Mercid’entrervotrecode.Jehurle:—Jenemesouvienspasdemoncode!Montéléphonesonne.—Bonjour!Jecontinueàhurlerpourêtreentenduepar-dessuslasirène.— Bonjour, je suis Amy des Bourbon Street Boys, service du contrôle de la sécurité des
maisons.Quiestàl’appareil?—C’estMay.May.Lapropriétairedecettemaison.J’appuie sur d’autres touches du pavé numérique, essayant la deuxième date possible,mais
riennesepasse.MestympanssontmeurtrisparlasirèneetlesaboiementsdeFélix.—Toutvabien?—Oui!Simplement,jen’arrivepasàmesouvenirdecefichucode.Zut!—Est-cequevousvoussouvenezdevotremotdepassesecret?Monespritpédale.Thibaultm’aditdenepasutiliserlenomduchien.Tropfacileàdeviner,
d’aprèslui.Unanimaldomestiqueavantcelui-ciferaitl’affaire.Lenomd’unamiégalement.Lenomd’unpersonnagedeDisneyestunchoixassez fréquent.Lequelest-ceque j’aichoisi? J’aipenséàtellementdepossibilitésquandilétaitavecmoi,maisjenepeuxpasmerappelerpourlaquellejemesuisfinalementdécidée…
—Sahara!Jecrie.Sahara!C’estlemodedepassesecret!—Super.Jevaiséteindrelasirèneetannulerl’appellancéauxforcesdepolice.Lasirènesetaitetjem’adosseaumurpourmecalmer.—Est-cequevousavezbesoindequelquechosed’autre?demandeAmy.—Oui,d’unedosedetéquila.Ellesemetàrire.—Peut-êtreunetassedethéserait-elleunmeilleurchoix.
—Sivousledites.Merci!—Jevousenprie.Passezunebonnesoirée.—Vousaussi.Aurevoir.Jeraccrocheetglissemonportabledansmonsac;puisjemepenche
pourprendreFélixdansmesbrasetlecalmer.Ilvibred’énergiecontenue.Tandisquejel’embrassesurlatête,ilseretourneetessaiedemelécher.— Du calme, petit bonhomme. Tout va bien. Les méchants ne viendront pas chez nous
aujourd’hui.À présent que j’ai vu le système fonctionner, je suis plutôt impressionnée. Je ne crois pas
vraimentqu’unmeurtrier soit toujours àma recherche,mais toutdemême…Mieuxvautprévenirqueguérir,non?Sicen’étaitqueça,lasirènelerendraitsourd.
Lasonnettede laporte retentitetmetànouveauFélixdansdesspasmesd’indignation.Je leposeparterrepourqu’ilpuissecourirverslaporteetfaireunepeurbleueàl’arrivant.Jeconsultemamontre.C’estprobablementOzzie,mêmes’iln’estque18h50.
Je dépose les bouteilles de vin sur la console et me dirige vers la porte. L’œilleton meconfirmequemonvisiteurestenavance.Jefaistournerlaclé.
—Salut!— Salut ! répond-il, les bras serrés autour de deux sacs en papier. Sahara se fraye sans
vergogneuncheminentrenousetpénètredanslesalon,laqueueenbalancier.Félixentamesadansede«bienvenuedansmoncoindecélibataire»,pendantqu’elletourneencerclesétroits,essayantdemettresonnezcontrelederrièredeFélix.
—Tum’asapportédescadeaux,dis-je.J’essaieuncoupd’œilverslepaquetleplusproche.—J’aiapportédequoidîner.J’espèrequetuasfaim.Je tiens laporteouverte tandisqu’il la franchit,puis la refermederrière lui. Ilpoursuit son
cheminàtraverslesalonetentredanslacuisinecommes’ilétaitchezlui.Hum.Jenesaispasquoipenserdecedînerimpromptu.Ilenavaitparlédanssontexto?Je
vérifie:iln’endisaitrien.—Comment fonctionne le systèmede sécurité chez toi ? interroge-t-il tout endéballant les
sacs.Desboîtesblanchesdetaillesdifférentesapparaissentetviennents’empilersurleplandetravail.Lesdeuxchienssontànospieds,avecl’espoirqu’illaisseratomberquelquechose.—Super.J’aidéjàeumonpremierincident.Ils’arrêteetmeregarde.—Incident?Quelqu’unestentrécheztoi?Jeris,unpeugênée.—Non, àmoins deme compter comme cambrioleuse lorsque j’essaie de rentrer dansma
propremaisonetquej’aioubliélecode.Sonvisages’assombrituntantinet.—Tuétaiscenséechoisiruncodequetupourraisretenirfacilement.—Ilétaitfacile.Plutôt.—C’étaitquoi?—L’anniversairedeThibault.Ozziesoupired’unairdésabusé.—Jetejure!Il continue à déballer ses courses.Tout à coup, il regarde sévèrementSahara et désigneun
coindelapièce.—Vacoucherlà-bas!Elleobéitimmédiatementàsonordre.Félixlasuitets’installeenbouleàcôtéd’elle.Je suis carrément stupéfaite de voir comment il maîtrise nos chiens,mais également de la
quantitédenourriturequ’ilaapportée.Est-cequelerestedelabandedoitnousrejoindre?—Tuchoisisquatrechiffresquetupeuxterappeler;jetelesprogrammeraitoutàl’heure.Ilfautcroirequejemesensd’humeurunpeuimpertinenteparcequejeluirépondsd’un:—Qu’est-cequitefaitcroirequejeveuxtedonnermoncodesecret?Ilcontinueàsortirdesboîtes;ilnebougepasmêmeuncil.—Jenesuispasunemenacepourtoi.—Oui,biensûr.Celam’estvenuavantquej’aieletempsdem’arrêter.J’étaisentraind’imaginersamainsur
moi,jeperdraistotalementlecontrôledemoi-mêmesicelaarrivait.Mais,Dieumerci, ilnelesaitpas.
Ilprendladernièreboîteetfaitunebouleaveclesachetenpapier.—Qu’est-cequec’estcensévouloirdire?J’ignoresaquestionetréponds:—Rien.Jevoulaisen faitdirequ’il étaitunemenacepotentiellepourmonbonsens ;mais s’ilveut
comprendre que je le trouve effrayant, je ne vais pas le détromper. Peut-être que ça gonfleraagréablement son ego.Deplus, je ne vais sûrement pas admettre que j’ai le béguinpour lui alorsqu’ilnes’intéressepasdutoutàmoidecettefaçon.
Ilsetournepourmeregarderenfaceetondiraitqu’iladumalàtrouverlesmotsjustes.Sabouches’ouvre,maisaucunmotnesort.Ilregardequelquesinstantsautourdeluietessaieànouveau.
—Je…euh…jevoulaisdire…hum…J’attrapeunebouteilledevinposéesurleplandetravailetlaluimetssouslenez.—Quelqu’unveutduvin?—Oui,biensûr.Unverre.Ilal’airsoulagé.Etmaintenant, c’est qui le super-héros ? Je souris tandisque j’ouvre labouteille. Jeprends
deuxverresetlesremplisàmoitié.Jenepeuxpaspromettrequ’ilestbon,maisilyadel’alcooldedans.Jeluitendsunverreet
lèvelemien.Ils’arrêteetmeregardeattentivement.Puisilm’imiteetnoustrinquons.—Santé.Jenetrouveriendeplusprosaïqueàdire,alorsjefaiscequ’onattenddemoi:—Santé.Jeprendsunebonnegorgéeetvide lamoitiédemonverred’unseulcoup. Jemedétourne
pourqu’ilnevoiepaslesyeuxmesortirdelatêtetandisquej’endurelabrûluredel’alcooldansmagorge.
—Assiettes?demandeOzzie.J’ouvreunplacardetensorsdeux.Puis,jem’arrêteavantderefermerlaporte.—Combiendepersonnesnousrejoignent?—Aucune.Ceserajustenousdeux.Savoixestbourrue.Moncœurbat lachamade…dans tous les sens. J’arrive,Dieusaitcomment,à sortir lebon
nombredecouvertsetdeserviettes,malgrémonespritquiestailleurs.Enpilotageautomatique, jedresselatabledansmaminusculecuisine.
Pourquoia-t-ilapportéledîner?Est-ceunrendez-vousgalantouest-cequ’ilmetdubeurresurma tartine pour que j’accepte le boulot ? Je n’ai pas l’intention de le prendre, peu importe laquantitédegrasquivaavec.
—J’espèrequetuaimeslehomard?—Nomd’unchien ! Je laisse tomber ledernier couvert sur la tableoù il ricoche :binget
bang.
Samainsefigeau-dessusdel’unedesboîtes.—Tuesallergique?—Non,jenesuispasallergique.Jesuisfurieuse.Il fait un pas en arrière et ses bras tombent le long de son corps. Je peux tout à faitme le
représenterenuniformemilitaire,s’apprêtantpourunsalut.—Tuesfâchée?Jefaisunepetitemoue.Cehomardmefaitdessignesavectoutessesqualitésnutritives,riches
etappétissantes.—Non,pasfâchée.Frustrée.Tum’asbattue.—Battue?—Oui.Battue.Commeaujeud’échecs.Àrevers.Ilsedétendunpeu.—Tuaimeslehomard,sijecomprendsbien.—Jen’aimepaslehomard,espèced’idiot;j’adorelehomard!J’enmangeraistouslesjours
sij’avaisdel’argent.Jem’écroulesurmachaise.—Maisjenevaispastravaillerpourtoi.Peuimportelaquantitédesauceaubeurreclarifié
quetuasdanscespetitsbols.Il y en a plusieurs.Zut !Mais flûte de flûte ? Il pense que je vais venir travailler pour lui
seulementparcequ’ilm’achèteduhomard?Çapourraitêtredangereuxcommetravail.C’estàçaquesertlesystèmedesécurité,non?
Ilapportelesboîtessurlatableetcommenceàlesouvrir.—J’aiaussidescitronsfrais.—Maisbiensûr!Forcément.Ilrigole.—Je pense que c’est la première fois que jemets une femmeen rogneparceque je lui ai
achetéduhomard.Ilmélangelerizpilafavantdenousenserviruneassiettéeàchacun.Jegrogne:—Jenecomprendspaspourquoicelaterendsiheureux.—Moinonplus.Émerge un énorme homard qui atterrit dans mon assiette. Sa carapace rouge comme un
camiondepompiersbrilleencoredel’étuvedanslaquelleelleaétéplacée.FélixquittesoncoinaucôtédeSaharaets’installeàmespieds.Lasalepetitebêtemeconnaîtbien.Ilfinirapargoûteràtoutcequ’ilyadansmonassiette;maispasparcequejeluidonneconsciemmentdespetitsmorceaux.J’aitendanceàfairetomberleschoses.
—Oùas-tutrouvécesmonstres?Jeluiposelaquestionaumomentoùlesecondapparaîtet
atterritdanssonassiette.—JelesfaisvenirparavionduMainedetempsentemps.J’aiunamilà-haut.—Waouh.Voilàunbonami.J’avaleencoreunelonguegorgéedevin.Monverreestpresquevideetjem’ensersunautre.—Ilaunedetteenversmoi.Jemedemandecequ’ilvoudraitenretoursi je luidevaisunefaveur.Cetteseulepenséeme
rendànouveautoutenerveuse.Jesaisbiencequejepourraisluioffrir.Waouh!Calme-toi,espècedenymphomane!Ilvienttoutjusted’arriver.Seigneur!Ozzies’assoitetrapprochesachaise.
CHAPITRE19
Nousmangeons dans un silence agréable pendant quelquesminutes ; j’ai ainsi le temps deplonger unmorceau de homard dans un peu de sauce au beurre. Je ferme les yeux, soupirant debonheur.Jen’aipassavouréunenourriturepareilledepuisuneéternité.Jepensequeladernièrefoisquej’aimangéduhomardremonteautempsoùjesortaisaveccetavocatnomméAlfred.C’étaitunconnard,mais ilaimaitvraiment les restaurantsde luxe.J’ai finipar rompreavec lui,malgré tout,parcequ’ilavait refusédemangermonbakedziti16.Lesnobismealimentairen’estpas toléréchezmoi.DemandezplutôtàFélix.
Lavoixd’Ozzieinterromptbrusquementmespensées.—Thibaultm’aditquevousaviezparlétouslesdeuxaujourd’hui.Àproposduboulot.Ladernièrebouchéedehomardsecoincedansmagorge.Jesifflelerestedemonvinpourla
fairepasser.—Oui.
Mavoixestforcée.Jetranspireàprésent.Bonsangdebois.Jesuistropnerveusepourluidiredebutenblancquejenesuispasintéressée.
Ozzieremplitànouveaumonverredevin.Latêtemetournependantquejeleregardeverserleliquided’unrougesombre.Peut-êtreque,sijeboisdavantage,celameseraplusfaciledeluidirenon.Deneplusjamaislerevoir.Ohlà!Quiest-cequej’essaiedetromper?Jesaisqueceneserajamaisfaciledefaireça.
—Ilditquetut’inquiètespourtapropresécurité.J’opine du chef. Cet argument n’était pas trop difficile. Tout le monde s’inquiéterait à ma
place.C’estabsolumentnormal.—Vouais.Beaucoup.Jen’aipasenviedemouriravantd’avoiraumoinsquatre-vingtans.Si
jepeux.Entoutcas,pasd’uneballe.Ilboitsonvinetmeregardepar-dessussonverre.—Qu’est-cequ’ilya?Mevoilàparanodenouveau.J’aiquelquechosesurlafigure?Iltenduneserviette.—Unpetitpeudebeurresurlementon.Ilm’essuieavantquej’aiereculé.Malgréleboutdetissuentresamainetmonvisage,jesens
encorelachaleurqu’ilyaapportée.Est-cequejenesuispaspitoyable?Jesensl’indignationm’envahir.C’estpeut-êtrelevin.
—Hé!Qu’est-cequetufais?—Faisquoi?demande-t-il.—Tudisquej’aiquelquechosesurlafigure.Jem’essuieàplusieursreprises,tantetsibienquelapeaumebrûle.Toutàfaitgênant.Depuis
combiendetempsest-cequejesuisassiselàavecunmentonpleindegraisse?Unevraietarée.Ilm’ignore.—D’accord.D’accordpourquoi?Ceconsentementinconditionnelm’énerve.Jenepensepasquecelasoituneréactionhabituelle
chezlui.Semoquerait-ildemoi?—D’accord.Parexemple,jenetediraipasquetuasdurizsurlafigure.—Durizaussi?!Zut!J’essuietoutemamâchoireinférieure,priantpourquelegrainderiznesoitpascollé
plushaut.Paspossible!Jemeflanqueraisaussidelanourrituredanslessourcilsmaintenant?Ilsemetàrire.—Tuesunidiot.Jeluilancemaserviette.Puislehomardrevientdansmonchampdevisionetjedécidequeje
préfèrelemangerplutôtquedemefairedusoucipourungrainderizsurmalèvre.S’ilfautjouerlestoquéesdevantlui,alorsallons-y!Cen’estpascommes’ildevaitjamaisrevenirici.Etcehomardestfichtrementtropbonpourfiniràlapoubelle.
Ilseremetàmanger;cettefois,ilcontinuedesourire.Je savoure les muffins de maïs découverts dans une autre boîte. Tellement doux.
Tellement…sentimental.—Écoute,ditOzziedeuxminutesplus tard. Je saisque j’aiparuplutôt catégoriquehieren
disantquejenetevoulaispasdansl’équipe.Maisj’aichangéd’avis.Jeveuxquetuviennestravailleravecnous.Ilmarqueuntempsd’arrêt.Jepeuxtegarantirquetunecourrasaucunrisque.
—Pourquoimoi?Etpourquoias-tuchangéd’avis?Je prends une bouchée demonmuffin et le déguste pendant que je le regarde, essayant de
détectersursonvisagelesigneindiquantunetromperie.Maisjesuisimmédiatementdistraiteparcequ’unnouveauparfumarrivesurmalangue.MonDieu,quelqu’unamisdelaciboulettelà-dedans!Un vrai génie. Waouh ! J’engloutis deux fois plus vite pour reprendre une nouvelle bouchée. Jepourraisaussibienmemettreàchantonner.
—J’aiétéregardertonsite.Poséquelquesquestions,faitdesrecherchesetainsidesuite.EtaprèsavoirparléavecThibaultàquijefaisconfianceplusqu’àquiconque,jepensequ’ilaraison.Tuserais unbon élémentdansnotre équipe. Je te prendrais à l’essai,mais çanedevrait pasposer deproblème.Jepensequetupourraistrèsbient’ensortir.
Mon muffin à moitié entamé glisse de ma main et tombe avec un petit bruit mat sur mafourchette,puisdansmonassiette.
—M’ensortir?Je postillonne quelquesmiettes, ce quim’oblige àmâcher rapidement et à avaler avant de
pouvoirfinirmaphrase.—Biensûrquejepourraism’ensortir.Laquestionestsijeveuxcommencer.J’aidesboutsdemaïscollésunpeupartoutdanslabouche.J’essaiedenepasavoirl’aird’une
vraiepsychopatheettentedelesrécupéreravecmalangue.—Biensûr,tuaurasbesoind’unpeudeformationaudébut.Tunepeuxpas,toutsimplement,
démarrerdemainetêtreprête.Maistuyarriveras.Ilme regardedehautenbaset sepenchemêmepour regarder lamoitié inférieuredemon
corpssouslatable.Jemelaisseallercontre ledossierdemachaiseetposelesmainssurmesgenoux,soudain
nerveuse.—Qu’est-cequeturegardes?—Tonphysique.—Qu’est-cequemonphysiquevientfairelà-dedans?Jesensmesoreillesquicommencentàbrûler.Jelèveunemain,lissemescheveuxetm’arrête
aussitôt.Dieuduciel!Iln’estpasentraind’examinermamiseenpli.Qu’est-cequinevapaschezmoi?Depuisquandest-cequejemanqueàcepointd’assurance?
—Dansl’équipe,nousdevonsêtreaptesautravail.Toujours.Nousn’acceptonspaslestire-au-flanc.
Je frotte mes mains l’une contre l’autre au-dessus de mon assiette et me débarrasse dequelquesmiettes.
—Etqueveutdireêtreapteautravail…?—ÇaveutdirequetuserasentraînéeparDev,commenoustous.—Parcequ’êtreassisdansunevoiturepourprendredesphotosestphysiquementexigeant?Jenevaispasadmettredevantluiqu’ilestenfaitdifficilederesterdebouttouteunejournée
pourprendredesphotosdepersonnesàquionauraitparfoisenviededonneruneclaque.Jeneveuxpasqu’ilpensequejesuismolle.
—Ilnes’agirapasd’êtreseulementassisedansunevoiture.Ilposesafourchette,s’essuielabouche,puislaissetombersaserviettesurlatable.—Le travail est proposé avec tous les avantages : assurance, salaire élevé, sécurisation du
domicile,voituredefonction,toutl’équipementdonttuasbesoinetdesréférencessituveuxaccepterunemissionàcôté.
J’aidumalàavaler.Iladéjàprononcélemotmagique,maisiln’apasfini.—Nousprévoyonsunevisitemédicalecomplètetouslesans,troissemainesdevacances,les
frais de voyage remboursés si la mission est un peu éloignée, des notes de frais pour lesdéplacementsetlagardedesenfantspendantletempsdelamission.
—Etpourleschiens?Illèveunsourcil.—Nouspouvonsnégocier.Jemâchonnemalèvreetexamineattentivementlaproposition.C’estvraimentunpeuidiotde
lefairepatientercommeça,parcequejesaisdéjàcequejevaisdire.—Alors,qu’est-ceque tuenpenses? fait-il, attendantma réponse.Tuveuxvenir travailler
avecnouspourBourbonStreetBoysSecurity?Jelèvemonverredanssadirectionetsouris.—Tum’aseueavecl’assurance.
16.Ils’agitdemacaroniavecdelasaucetomate,desboulettesdeviande,delamozzarella,desherbesetdesépices.
CHAPITRE20
Lorsqueledîneretledessertsontterminés,j’aibuaumoinsdeuxverresdetrop.Jemelèveetlapiècesemetàbougerautourdemoi.Heureusement,Ozzieestdevantl’évier,entrainderincerlesassiettes,etilnemesurprendpasdansunétatmanifested’ébriété.
—Jevaisallermerafraîchirunpeu.J’essaie tantbienquemaldemarcheren lignedroite jusqu’à lasalledebains,Félixsur les
talons. Ilvaessayerde se faufilerdans lapièceenmême tempsquemoiavantque je lui ferme laporteaunez.
Jecontemplemonimagedanslaglaceetjem’appuiedesdeuxmainssurlemeuble-lavabo.MayWexler!Reprends-toi,nomd’unepipe!Jem’asperged’eauetjedeviensdinguequandmonmascaracommenceàcoulerentraînées
noireslelongdemesjoues.—Zut!J’arrête!Félixgémitetmetsapattesurmajambe.J’entendsunpetitcoupfrappéàlaporte.—Toutvabienlà-dedans?OhmonDieu!OhmonDieu!Ilvacroirequej’aibesoindesecoursdanslestoilettes!—Oui,çava!Jemetsdansmavoixtoutelabonnehumeurfaussementdésinvoltequejepeuxtrouverenmoi.—Enfait,çavaonnepeutmieux!Tais-toi!Tais-toi!Maistais-toidonc,idiote!—J’arrivetoutdesuite!Félixaboie.Jemepencheetcaressesaminusculepetitetête,sesoreilles,soncou.Levoilàqui
partdansunetranseheureusependantquej’essaiederefairefonctionnermoncerveau.Ilfautquejemegalvaniseavantdesortirdelasalledebains,parcequejevaismeretrouverenfaced’Ozzie.
—Respire,May.Allez, respire !C’est ton patron à présent.Alors, il faut que tu arrêtes depenseràjenesaisquoiquandtuleregardes.Çarisquederendrelesplanquesvraimentgênantes.
Jemerelèveprécipitammentetmurmure:— Planques ? En tout cas, j’espère que ce n’était qu’un murmure. Est-ce qu’on aura des
missionsdesurveillanceensemble?Jesoulagemavessie leplusvitepossible,me lave lesmainsetôtecequi restedemascara
avant de quitter la salle de bains. Je trouveOzzie dans le salon : il regarde des photos de famille
priseslorsquemagrand-mèrevivaitencore.Jeveuxenavoirlecœurnet:—Est-cequejeferaidesplanques?—Peut-être.—Super.Avecqui?J’espèreque jevais l’impressionnergrâceàmon incroyablemaîtrisede la langueanglaise.
Malgré la pièce qui tourne toujours autour de moi, j’arrive à placer correctement les sujets etcomplémentsd’objet.Etvlan.Prendsça,mademoisellelagrammairienne.Essaiedenepasêtretropjalousedemoi.
—Çadépend.Onyvatousàtourderôle.J’opine, comme si je savais de quoi on est en train de parler. En fait, non. Vraiment,
absolumentpas.Jen’arrivepasàmesouvenirpourquoij’aiacceptésapropositiondetravail.Jecroisquec’esttoutsimplementphysique.
—Tuvisseule?Jerougiscommeunepetitefille.—Tuveuxsavoirsijesorsavecquelqu’un?Laréponseestnon.Ilsetournepourmeregarder.—Jedemandaissituavaisunecolocataire.—Oh.Jeregardeailleurspourqu’ilnemevoiepasmemordrelalangue.Mevoilàrepartie:comme
simessentimentsétaientpartagés…Espèced’idiote.—Danscecas,laréponseestnon.Jevistouteseule.Jemetourneunpeuplus,sibienquejemeretrouveàregarderlesfenêtres:ilneverrapas
monexpressiondontlameilleuredescriptionserait«humiliée.»Toutàcoup,savoixs’estrapprochée.—Tusorsavecquelqu’un?Jemefige.Àprésent,jeluitourneledos.Est-ilderrièremoi?Est-cequ’ilvametoucher?
M’embrasser?Mevioler?—Non.Mavoixn’estqu’unmurmure.—Bien.D’aprèssavoix,ilestprèsdelaported’entrée:Çarendleschosesplusfaciles.Jemeretourneversluiaurisquedeperdrel’équilibre.—Plusfacilepourquoi?Ilouvrelaporteetfaitjouersesclésdanssamain.—Plusfacileencequiconcerneleshoraires.Noustravaillonsparfoistard.OzzieetSaharaontdéjàfranchilaporteetsontentraindedescendrelesmarchesduperron
lorsquequejeréalisequ’ilsserontbientôtpartis.Ils’enva!Pourquoisivite?!Jesuisencoreenétatd’effervescence!Halte!Lafêtevientjuste
decommencer!Jemeprécipiteverslaporteetl’ouvretoutegrande.—Attends!Ozzie!Tunepeuxpasvenirprendreunverreetdîneravecmoi…sans…sans…OhmonDieu!J’aifailliluidire«fais-moiunpetit69!»Zut!Alerte,ausecours!Appelez
lespompiers!Lamaisonbrûle!—Sansquoi ? Il estdeboutdevant savoiture etme sourit.Saharaestdéjà à l’arrièrede la
camionnette.—Sansmedireaurevoir!Jecrieavantqu’ilaitclaquésaportière.Merde!Jeretourneencourantausalonetmetirelescheveuxtantquejepeux.Oh,monDieu!Qu’est-cequej’aifait?
J’attrapeunoreillersurlecanapéetlelanceàtraverslapièce.Maisunseulnemesuffitpas;jesuistropmalàl’aise.J’enattrapeunautreetencoreunautreetlesfaisvoleraussiloinetaussivitequejelepeux.Félixcourtàl’abrietsecachesouslatablebasse.
Jem’empareensuitedescoussins, jelestournedansunsens,puisdansunautreetmêmedetravers.Dieuquec’estagréabledefoutreenl’airuncoussin!Ilfautquejecassequelquechose;maisje déteste briser les choses, parce qu’ensuite, il faut que je ramasse lesmorceaux.Alors, jem’enprendsàmescheveux.Quandj’aifini,jesuissûrequ’ilsontl’aird’êtrepassésaumixeur.Ouf!J’aimistellementd’énergieàsaccagermamiseenplisetledécordusalonquej’airéussiàmecalmeruntoutpetitpeu.
O.K.Toutvabien.J’essaiedem’enconvaincre,maiscontinueà respirercommeun taureaufurieux.Jen’aipasdit“69”;j’aidit“aurevoir”.Jemesuismontréeparfaitementraisonnable.Toutàfait normale, n’est-ce pas ? On devrait dire au revoir quand on s’en va après avoir partagé avecquelqu’ununhomardetduvin.Onboitensemble,ondîneensembleetensuiteonditaurevoir.C’estcequ’onfaitquandonestpoli.
J’arrête mes élucubrations lorsque j’entends la sonnette. Je me dirige vers le vestibule ettrébuche sur un demes oreillers. J’atterris contre la porte et parviens à l’ouvrir un peu. Je suis àmoitiépliéeendeux,haletantecommesijevenaisdecourirdeuxoumêmedixkilomètres.Quandjevoisquiestlà,j’ouvreplusgrand.
Ozzie se tient sur le seuil,montagne géante demuscles et de calme.Un de ses sourcils serelèvelorsqu’ilmevoitdansl’étatoùjemesuismise.
Jemeredresseetlèvelementon.Ilfautquej’arriveàsauverlepeudefiertéquimeresteenjouantlesfanfaronnes.
—Tuasoubliéquelquechose?Ilregarded’abordmescheveux,puismabouche.—Oui.J’aioubliédedireaurevoir.Ensuite,ilsepassequelquechosededingue.Iltendlamainetmeprendparlataille.Puisilm’attireàluisansdifficulté.Mes lèvres s’ouvrent pendant que son visage s’approche encore et encore. Je ne peux pas
respirer.Niparler.Encoremoinsgarderlesidéesclaires.— Au revoir, murmure-t-il contre ma bouche, juste avant d’appuyer ses lèvres contre les
miennes.Fondre.Jefonds,commecebeurredehomard,danssesbras,dansmoncorps.Toutdevient
brûlantetdisloqué.Lui,aucontraire,estaussisolidequ’unrocher.Totalementsolide.Qu’est-cequisepasse?J’aiàpeinepuygoûterunpeuetlevoilàquisereculeànouveau.Lorsquejemerendscompte
que j’ai l’air un peu trop saoule, jeme domine etme redresse. Samainme lâche et j’ai envie depleurerdesolitude.Fichueivrogne!
Mesmainstremblentlorsquejerepousselescheveuxquimetombentdanslafigure.Jepeuxêtrecalme.Etgérerça…quoiquecesoit.Peut-êtrequ’ilembrassetoutessesnouvellesemployées.Sic’estlecas,jenevaispasêtrelapremièreàenfairetoutunplat.
—Bon…alors,aurevoir.J’aiditcelaenregardantsonépaule.Jen’arrivepasàleverlesyeuxplushaut.
Ilpartàreculons,faitdeuxpas,puissedétourneetsedirigeverssacamionnette.—Àbientôt,LittleBoPeep.Ilmontedanssonvéhiculeetverrouillelesportes;enquelquessecondes,ilaquittémonallée
enmarchearrière.
J’attendsqu’ilaitdisparuavantderefermermaporteetm’écrouleparterrecommeuneloque.—MonDieu,ilm’aembrassée!
CHAPITRE21
Ozziemerenvoiedesinstructionspartextoetjemepointeàl’entrepôtdeuxjoursplustard,lelundi, pourma première journée de travail. J’ai laissé Félix à lamaison. Il a l’habitude. Je passesouventdesjournéesentièresaustudio.Jesuisàpeuprèssûrequ’ildorttoutelajournéequandilesttoutseul.
Je suisassez surprised’êtrecapablede retrouver lehangaraprèsces trois journéesquiontpasséenunclind’œil.Jemesuisdéjàcomplètementremisedubaiserd’Ozzie.J’avaisjustetropbu.Jenevaismêmepas le regarderd’undrôled’airen le retrouvant.C’estmonpatronmaintenantet,parcequ’ilestmonpatron,jenetoucheraiplusjamaisseslèvresousoncorpsmagnifique.
Lorsque j’arrive devant l’entrepôt, Thibault me fait signe de rentrer ma voiture. Tous lesautressesontgarésàl’extérieur.
Jebaissemavitre:—Ilyaquelquechosequinevapas?—Justepournepastefairerepérer.Gare-toilà-bas.Ilmedésigneuncoinsombreaufondàdroiteduhangar.Jenel’avaismêmepasremarquéla
premièrefois.Cetendroitestimmense.Quandjesorsdevoiture,toutel’équipeestlà.SaufOzziequejenevoisnullepart.Lesrayons
dusoleilcoulentàflotspar l’ouverture,mais lesgrandesportesdugarageglissentetserefermentlentement,oblitérantlalumière.
—Bienvenueàtoutlemonde,ditThibault.C’estlepremierjourdeMayavecnous.Aussi,j’aipensé que nous pourrions lui donner une petite introduction sur ce que nous faisons avant notreréunionmatinale.
J’adresseunsigneauxautres,quimesaluentàleurtour.DevmesouritainsiqueLucky.Toniresteplusfroide.Àcausedeça,ellem’enimposeunpeu.Elleal’airtoutàsonaffaireet,d’aprèsceque jevois, elle s’en sortbiendansunmondemasculin. Jemedemandeàquellehauteurellepeutfrapperquelqu’unaveccesbottesencuirnoir.
—Quiestlepremier?interrogeDev.—Toi.Thibaultluifaitsigne.Donne-luiseulementl’essentiel.Devfrottesesmainsl’unesurl’autre.—O.K.Allons-y.Ilfaitunsalutrapide.Jevaisêtretonprofesseurd’éducationphysique.Je souris enme rappelant un homme rondelet avec une calvitie naissante.Dansmon lycée,
M.Pritchardétaittellementgentil:ilportaittoujoursdespantalonsdesurvêtementtroplargesetun
ballondebasketsouslebras.L’expressiondeDevdevientsévère.—Simplement,jeneseraicommeaucundesprofesseursdegymquetuaseusjusqu’ici.—Tupeuxrépétercequetuviensdedire?marmonneToni.—Voyonscequetusaisfaire.Ilmefaitsigned’approcher.Viensicietattaque-moi.Jememetsàrireavantdecomprendrequ’ilestsérieux.Touslesautressontattentifs.—Tefrapper?Jetiensmonsacserrécontremoi,heureused’avoirlaisséFélixàlamaison
aujourd’hui.Félixn’aimepaslaviolencequellequ’ellesoitetjenel’enblâmepas.—Oui.Vas-y!Ilmontresapoitrine.Aussifortquetupeux.Jefroncelessourcils.—Jenevaispastefrapper.—Pourquoipas?Ilsepencheunpeuenavantversmoi:satêtearriveàpeuprèsàlahauteur
delamienne.—Parceque…jen’aimepascognerlesgens.—Etlesgensquis’apprêtentàtefairedumal?Il lève lebrasetattrapeune triquequise trouveàcôtéde lui, surune table. Il lebranditen
l’air.—Tuleslaissesfaire?—Situmefaismalaveccebâton,tuvasvraimentleregretter.Mamainseglisselentementdansmonsac.Jen’aipasvraimentpeurpourlemoment,parce
quejesuiscertainequeDevestgentiletfaitseulementl’imbécile,maisçaneveutpasdirequejenevaispasluienvoyeruncoupdeTasers’ilmefrappeaveccettearme.Etpuis,qu’est-cequec’estquececomitéd’accueil?Jem’attendaisplutôtàducaféetdesdonuts,pasàungrandcoupdebâton.
Ilsourit.—Bon.Elleadebonnesréactions.J’aimebien.Ilavanceversmoi.—Jeneplaisantepas,Dev.Jereculed’unpas.Ilal’airsérieux,maiscen’estpaspossible,hein?Jeregardelesautres,
maisilssecontententdenousobserver.Aucund’euxn’al’airbouleverséouamusé.Poureux,toutçaestprofessionnel.
Ilabougéplusvitequejenel’avaisprévu;endeuxpas,ilestjustefaceàmoi.Latriqueselève.
Jemerecroquevilledevantlacannequivas’abattresurmoi;jefermelesyeuxparcequejem’attendsaucoupqu’ilvameporter.S’ilteplaît,nemefrappepas,s’ilteplaît,nemecognepas,s’ilteplaît…
Lebâtons’arrêteàquelquescentimètresdemonbrasetj’ouvred’abordunœilpourêtresûrequejenerisqueplusrien.
—Tunet’espasdéfendue.Ilal’airfrustré.Àprésent,j’aiouvertlesdeuxyeuxetjemeredresse.—Non.Jen’aipasbougé.J’espèrequetuvasarrêtertoutçabienvite.Tonirenifle.L’expressionmoqueusesursonvisagememetimmédiatementencolère.Oublionscetteattitudede lionpeureux.Quediable!Jenesuispasvenueicipourqu’onme
frappeavecunetrique.Quicroit-ilêtre,àmemenacercommeça?Sait-ilseulementquej’aimangéduhomardaveclepatronilyadeuxjoursouencorequ’ilm’aembrasséefougueusementsurleseuildemamaison?
Devserapproche.
—Onnevapasarrêteravantquetuaiescomprisàquelpointc’estsérieux.O.K.Jeleregardedanslesyeux;mesdoigtsretirentlecrandesuretédemonTaserdansmonsac.
Salaud.M’obligeràmeservirdemonTaser.Lescartouchessontchères.Jelesaisparcequej’aidûenracheterunelorsquejemesuistirésurlepiedparmégarde.RecevoirunedéchargedeTaserfaitunmaldechienetDevnevasûrementpasêtrecontentdemoiaprèsça.
—Écoute bien, LittleBo Peep… je vais te frapper avec cette trique sauf si tu fais quelquechosepourtedéfendre.Ilmeregardedetoutsonhautavecdelapitiédanslesyeux.Lesautresrestentabsolument silencieux. Il ne s’agit pas d’un jeu.On fait ça pour de vrai.C’est comme cela que çamarche.Lesflemmardssefontblesseretjeneveuxpasqueçaarrivequandjesuisresponsable.
—Jeleregrettevraiment,dis-jeenmefaisantaussipetitequepossible.C’estenpartiedelacomédie,maisc’est aussicommeçaque jemesens. Jen’ai jamaisétéunedureàcuire. Jedétestedevoir faire ça.Pourquoi est-ceque ça sepasse commeçapourmonpremier jour ?C’est la pirejournéequej’aiejamaiseue.
—Jevaistâcherdenepastefaireuntropgrosbleu.Lebâtonselèvepresqueau-dessusdematêteetcommencesadescente.Cettefois,jesuiscertainequ’ilnevapass’arrêter.
JeretirebrusquementmamaindemonsacetdirigeleTaserverssapoitrine.Unesortedecrideguerre fousortdemes lèvres ; jemefaisencorepluspetitedans l’attentede ladouleurquevam’infligerlatrique.«Ahhhh!»
ToutmoncorpssetendetmondoigtpresseladétenteduTaser.L’électricitéjaillitdel’arme,etc’estcommesic’étaitlafindumonde.
LesyeuxdeDevluisortentdelatête.Illâchelatrique,quitombeavecfracasàsespiedssurlesol.Le tat-tat-tat-tat-tat dequelquesmilliers devolts accompagne en rythme les convulsionsqui
s’emparentdesoncorps.—Qu’est-cequec’estqueceraffut?hurleOzziequivientd’apparaîtreenhautdesmarches.—Lavache,ellevientdel’électrocuteravecsonTaser,lâcheLucky.Leschosessemblentse
passerdansunbrouillardconfus.Devgrogne,lesyeuxrévulsésetils’affaisselentement.Jefaisunbonddecôtépouréviterqu’ilneviennes’écrasersurmoi.Lesfilsélectriquesqui
sortentdemonTasers’étirentetm’accompagnentdansmonélan.LuckysepenchepourattraperlebrasdeDevetralentirsachute.Ilsseretrouventàterre,l’unsurl’autre:Devpar-dessussonfichubâton,LuckysurDevqui
gémitcommeunéléphantblessé.LesfilsélectriquesdemonTaseremmêlésaubeaumilieudetoutcela.
—Oh,monDieu,jelecroispas!Ellel’abeletbienélectrocuté!Tonisemetàrire.—C’estpasdrôle.Thibaultsecouelatête,regardetouràtourDev,puismoi.—Jesuisdésolée, je suisvraimentdésolée. J’arriveàpeineàm’exprimer tellement je suis
gênée.Jesuistrèsmalàl’aise.Lagâchetteestbeaucoupplussensiblequejenelepensais.Jevaislafairevérifier.C’estladeuxièmefoisquejel’enclencheaccidentellementetçanevapas.Jejurequejen’avaispasvraimentl’intentiondel’électrocuter.Jevoulaissimplementledissuaderdemefrapper.Seigneur!
LuckyserelèveetfaitroulerDevsurledos.LesfilsélectriquesdemonTasersonttoujoursconnectésà soncorps.Hum!Lescrochets sontmanifestementplantésdans sapeau,pas seulementdanssesvêtements.Fichtre!
—Quelqu’un peutme dire pourquoiDev est au sol avec des barbillons dans la poitrine ?Ozzies’estrapprochéetsetientàquelquespas,lesmainssurleshanches.
—Onétaitentraindeluifaireuneprésentationdel’entreprise,expliqueToni.Commetunousl’avaisdit.
—Jesuisbiensûrquejenevousaipasdemandédel’énerveraupointqu’ellesemetteàtirersurDev.Ilsefrottel’arrièredelatête.Çava,monvieux?
Devessaiede répondre,mais toutcequisortdesabouchecesontdesgémissementsetdesgrognements.Sesyeuxsontrévulsés.
—Ozzie,jesuisdésolée.Jeregardesonmenton.Passesyeux,maissonmenton.Ilestsiprèsde moi que probablement personne ne se rendra compte que je suis froussarde. Je n’avais pasl’intentiondeluifairemal.
Ilgrogne:—Pasbesoindet’excuser.IlregardesévèrementThibault.C’esttoiquidevraisdirequelque
chosemaintenant.—D’accord. Très bien, je le reconnais. Je suis seul responsable. Thibault a levé lesmains
comme s’il se rendait.Nous en avonsparlé avant son arrivée : nousvoulionsvérifier son instinctd’auto-défense.
—Etvousavezdécidéquoiàlasuitedevotrepetiteexpérience?Ozzieregardesesemployésl’unaprèsl’autre.
Tonihausselesépaules.—Jediraisqu’ellearéussiletest.Ellesedétournepourqu’Ozzienevoiepasqu’ellesourit.— Je pense que nous aurions probablement dû prendre les choses par un autre biais,
commenteLucky.—Oh, tu penses ça ?Ozzie fait un geste en direction deDev. Relevez-le et retirez lui ces
fichusbarbillons.Ets’ilseplaint,tapez-luisurlatête.—Tuasraison,patron.Luckys’arque-boutesursesjambespouraiderDevàserelever.Aprèsquelquespashésitants,
ils arrivent à se tenir tous les deux debout. Lucky a mis son bras sous l’épaule de Dev pour lesoutenir.JeretirelacartouchedemonTaseretladonneàLucky.Jelesregardes’enaller,maisilss’arrêtent aprèsquelquespas.Dev tourne la tête etparlepar-dessus sonépaule.Savoixestunpeupâteuse.
—Jevaislabriser.Elleatriché.Ozziegronde.—Conneries.Ellet’abienattrapé.Unpointpourelle.Çafaitunebelledifférence.Jeseraisprêteàjurerquej’aientendudelafiertédanssavoix,maisjenedoispasmemonter
latête.Jemesensvraimentmal.Jenepeuxpasimaginerunemanièreplusaffreusededémarrerdansunnouveauboulot.Devnemelepardonnerajamais.
Ozzietourneunpouceimpérieuxendirectiondel’escalier.—Quandvousaurezfinidefairelesidiotsici,nousavonsuneréunionlà-haut!—Riendemieuxqueletempsprésent.Tonim’adresseunsignedesamainlevéeenpassant
devantmoi.Cinqsurcinq,sœurette.Bienjoué.Jeluirépondsd’uneclaquesurlasienne,délicatement.Jeneveuxpasavoirl’airtropcontente
d’avoirfaitdestrousdanslapoitrinedeDev,nidel’avoirbombardéd’unedéchargeélectrique.Thibaults’approcheets’arrêtedevantmoi.—Tuveuxbienmeledonner?Ilalamaintendueetregardemonarmedélestéedesacartouche.JedéposemonTaserdanssa
paume.—Biensûr.Jesuisdésoléed’avoirtirésurtonami.
Thibaultsourit.—Net’excusepas.Ilaeucequ’ilavaitcherché.Laprochainefois,ilréfléchiraàdeuxfois
avantdeleversonbâtoncontretoi.—J’espèrequ’iln’yaurapasd’autreoccasion.—Oh,ilyenaura–tupeuxmefaireconfiance.Ils’éloigneversl’escalier.Quoi ? Il va essayer de me frapper à nouveau ? Il faut que je récupère mon Taser. Je me
demandesijepourraimettrelescartouchessurmanotedefrais.Jenedevraispasavoiràlespayersurmonsalairesiellesserventàmedéfendrecontredescollèguescinglés.
Noussommesàprésentseulsenbas,Ozzieetmoi,àquelquespasl’undel’autre.—Jepensequ’ilesttempsquejetesouhaitelabienvenueparmilesBourbonStreetBoyset
quejetediseoùtupeuxaccrochertonmanteau.J’aiunpetitrire.— Et je pense qu’à mon tour je suis censée dire que je suis heureuse d’être ici et très
impatientedememettreauboulot.Ilsourit.—Quedirais-tusionrecommençaitetqu’onfaisaitleschosesbiencettefois-ci?—Çameparaîtunebonneidée.Ildésignedudoigtleséquipementsdemusculation.—Tu peuxmettre tonmanteau là où tu trouveras un crochet.Bienvenue chez lesBourbon
StreetBoys.Suis-moi.Nousavonsuneréuniondanscinqminutes.Jemarchederrièrelui,levisageenfeu.Ilestgentiletpasfurieuxquej’aieélectrocutéunde
sesemployés!Peut-êtrequelajournéenes’annoncepassimalqueça.—Jesuistrèscontented’êtreici.Jesuisimpatientedecommencer.Il rigole,mais neme répond pas. Nous grimpons l’escalier ensemble et pénétrons dans la
pièceoùsetrouvelacollectiond’épéesninjas.
CHAPITRE22
Chacunestàsaplaceautourdelagrandetabledelacuisine.Ilyadesdossiersdevantchaquepersonneetunbrocd’eaufraîcheaumilieu.MonverreadéjàétérempliparDev.
—Engagedepaix,m’assure-t-ilenledéposantdevantmoi.Ilmefaitunclind’œil.—Demandedepaixacceptée.J’avaleunegorgéed’eauetjeluirendssonsigneamical.Mon
degrédenervositébaissed’uncran.Peut-êtrequ’endéfinitive,ilnem’envoudrapas.—O.K.Jetonsuncoupd’œilaudossierHarley,commenceOzzieenouvrantledossierdevant
lui.J’ouvremon exemplaire et y trouve unmémo. Je le parcours rapidement : la police de la
NouvelleOrléansaretenulesBourbonStreetBoysSecuritycommeconsultants.Ilsdoiventl’aideràinfiltrerunganglocal.Leurmissionseraderassemblerdesinformationssusceptiblesdemeneràdesarrestations.Elleseraconnuesouslevocable«opérationHarley»parcequec’étaitlesurnomprisparOzziequandilportaitlabarbeetdesvêtementsdecuir.
Je memords la lèvre pour empêcher un fou rire. Cette barbe était horrible. Je le regardesubrepticement pour voir si je peuxme souvenir de lui barbu, mais je n’y arrive pas. Il est tropmignonmaintenantpourressembleràcethommeaffreuxquim’asauvélavielasemainedernière.
—Commevouslesaveztous,enraisondefaitsimprévus–toutlemondemeregarde,saufOzzie – j’ai dû me retirer de cette mission. Thibault et moi pensions abandonner complètementl’affaire,maisnousavonsdécidéquecen’étaitpeut-êtrepasnécessaire.
Illèvelatête.— Si nous le pouvons, j’aimerais que nous continuions. Nous avons beaucoup investi là-
dedans.Je prends notementalement de demander à quelqu’un comment est-ce que j’ai pu ficher la
missionenl’air.Simplementparcequejemetrouvaisdanscebarquandleschosesontmaltourné?J’en doute. C’était probablement cette barbe. Même les criminels savent qu’on ne peut pas êtrevéritablementaussilaid.
Luckyprendlaparole:—Nousn’avonspluspersonnesurlecoup.Commentallons-nousobtenirdesinformations?Ozziefermeledossieretmeregarde.Ilposesesmainsàplatsurlatabledevantlui.—Nouspourrionspeut-êtreessayerd’enrassemblergrâceàdelasurveillance.Jesaisqueles
détectivesquisontsurl’affaireontdéjàessayé,maisjeseraisd’avisquenousyallouionsunepartiedenosressources.
Ehbien!J’imaginequec’est làquejevais intervenir.Est-cequeceseramapénitencepouravoirruinésonstupidedéguisementdebarbu?Jebougesurmachaise,touslesregardssonttournésversmoi.
—C’estpossible,admetLucky.Qu’as-tuentête?—La nuit où tu devais intervenir et venir en renfort (Ozzie regarde sévèrementDev), j’ai
apprisoùsetrouvel’unedeleursprincipalesadresses.C’estau-delàdeBurgundy.J’ysuispasséceweek-end.Ilyadespossibilités.
—Tusongesàdesphotosoudesvidéos?interrogeThibault.—Lesdeux.Peut-êtreaussiuneinterceptionaudio.Nousverrons.Jeveuxl’opiniondeToni.Elleopine.—O.K.Quand?Tupourraisallerlà-basavecBoPeep,aujourd’huisic’estpossible.IlregardeToni.Pasmoi.Jelèvelamain.Toutlemondemeregardecommesij’étaisfolle.—Tuveuxajouterquelquechose?demandeOzzie.— En fait, j’ai une question. Entre parenthèses, n’hésite pas à m’appeler May. Je fais un
sourire.Jemedemandaisseulement,sij’accompagneToniaujourd’hui,qu’est-cequejedevraisfaireexactement?
Jetraceun«M»invisiblesurlatabledevantmoietj’essaied’avoirl’airleplusdécontractépossible.S’ilfautquej’emporteunearme,jeneferaipascedontilparle,peuimportecequeçapeutêtre.
—Onpasserapidementdevantenvoiture.C’esttout,expliqueToni.Riendebiendifficile.Onsefaitjusteuneidéedeslieux,onregardequelgenredemaisonc’est,oùsontlesmeilleursendroitsd’oùonpeutsurveillerleschoses.Destrucscommeça.
—Etquandtudisqu’onyva,tusous-entends…?Jedessineun«A»etun«Y»invisiblessurledessusdelatable,histoiredecomplétermapetitemiseenscène.Jenevaispasmelaissereffrayer.Nidevenirrougecommeunecerise.
Elles’énerve.— Ce que nous verrons. S’il y a des gens qui entrent, des choses qui se passent, des
anniversairesqu’onfête–peuimporte.J’acquiesceetjemedemandesielleometvolontairementlessituationslesplusdangereuses
oubien s’iln’yenapas.Toutcelaparaît assez innocent.Onpassedevant.Çaprendracombiendetemps?cinqsecondes?
—J’imaginequejepeuxyarriver.J’opine,confiante.Ozziefaitapparaîtreunseconddossierquisetrouvaitsouslepremier.—Bien. On continue. Nous avons un nouveau projet ; il s’agit d’un commanditaire privé.
C’estl’opérationBleuMarinequisetrouvedansledossierdevantvous.Lucky,jetemetsdessuspourlemoment.Dis-moisinousdevonsengagerdupersonnelsupplémentaire.
—D’autrespersonnes?Jesuissurprise.—Desgensquiontdestalentsquenousn’avonspas,expliqueThibault.—Parexemple?— Principalement des experts en informatique, intervient Lucky. Je peux m’occuper des
donnéesfinancières,maisquandils’agitde…d’entrerdanslefonddeschoses…Ilfaitbougersessourcils.J’ensuisencoreàunniveaubasique.
Je suis d’accord. Ma sœur est super pour les ordinateurs, mais elle a tellement de travailqu’elle n’en accepte jamais en supplément. Elle menace toujours de donner sa démission et de
travailler en freelance, mais je sais qu’elle ne le fera jamais parce qu’elle a trop peur de ne pasgagnerassezd’argentetnedepaspouvoirfairevivrelesenfants.Ellenepeutpastoujourscomptersur son expour payer sa part des factures. Pas parce qu’il est en voyage,mais parce que c’est unvoyoudetrouduculquipréfèredépensersonargentavecsanouvellemaîtresseplutôtquepoursonexfemmeetsesgosses.
—Dequois’agit-il?demandeDev.—Malversationsenentreprise.Une sociétéd’équipementsmaritime.Pasbeaucoupd’argent
enjeu,àpremièrevue,maisonnesaitjamais.Ilsacquiescenttous,commes’ilsconnaissaientlesdessousdel’histoireetqu’iln’yavaitpas
besoindecommenter.—Quelquechosed’autre?interrogeThibault,reculantsachaise.—SeulementBoPeep.Vous savez tous qui elle est.Elle commence une période d’essai de
quatre-vingtdixjours.Faitesensortequ’ellesemetteaucourantaussivitequepossible.—Jeluimontrerailematériel,déclareTonienmefaisantunsigne.Jeluiretournelapolitesse,remettantàplustardmaremarqueàproposdeBoPeep.Jepense
quejepréfèreMayWexler«laboulettedeviande».C’estmoinshumiliant.Plusoumoins.Toutlemondeselève.Jemehâtedesuivrelemouvement.Ozziereprend:—May,resteunmoment.—O.K.Bien sûr.Mais, en fait, jem’inquiète à l’idée de rester seule avec lui quand tout le
monderedescendets’enva.Jefaiscommes’ilétaitd’uneimportancecrucialequetousmesdossierssoientparfaitement
alignés tandis que l’équipe sort en rangd’oignons.Thibault est le dernier à partir et il referme laportedelacuisinederrièrelui.
Ozzieseraclelagorge.Jeleregarde.—Écoute,jeneveuxpasteretarder,maisjevoulaisjuste…hum…m’excuser.Ilregrettecequ’ilafait.Jelesais.Unedouleurmefrappeaucœur.Boum!—T’excuser?Mavoixesttotalementneutre.Dequoi?—Pourl’autresoir.Sonexpressionestplussombrequejenelesouhaiterais.Flûte,cequeçafaitmal.—Ne sois pas idiot ; il n’y a rien à excuser. J’agite unemain entre nous et fronce le nez
commes’ilétaitfou.—J’aidépassélesbornesetjen’auraispasdûfairecequej’aifait.—Lehomardétaitunpeutrop,maisjetepardonne.Est-cequejepeuxyallermaintenant?Je
suisimpatiented’allerfairecerepérageavecToni.Jepensequ’elleetmoinousallonsnousentendreàmerveille.
J’abandonnemesdossierssurlatableetfaisunpasverslaporte.Jevaisgardermeslarmesamèrespourcesoirquandjeseraitouteseulepourboireduvin.
—Jeneparlepasduhomard.—Lehomard,levin,unbaiserpourdireaurevoir–peuimporte.Toutça,c’estpareilpour
moi.Jepasselaporteetlarefermederrièremoiavantqu’ilpuissevoirmonvisagesedéfaire.Lorsque j’arrive devant l’entrée qu’on actionne avec un clavier électronique, je me suis
presquereprise.Jesuisdéjàpasséeparlà:untypequis’amuseavecmoietleregretteensuite.Jesuissansdoute irrésistibleparfoisetc’est leprixàpayer.Bonsang!Jedoisdirequejecommençaisàbienl’aimeraussi.
Laportes’ouvreavantquej’aieeuletempsdepaniquerparcequejeneconnaispaslecode.Devestlà,surprisdemevoir.
—Tunevaspasmetirerencoredessus,hein?—Saufsituasl’intentiondemecogneravecunbâton.Jedésignelaserrure.—Est-cequej’ailedroitdeconnaîtrelecode?—Oh,oui,désolé.Jepensequ’iltefautcelui-cietceluiquiouvrecetteportedel’autrecôté.
Etpuislecodepourlagrandeportesurlarueetpourlecoffreauxarmesetl’armoiredesappareilsphotos.
Jechercheunstyloaufonddemonsac.—Tunepeuxpaslesécrire.Ilfautlesmémoriser.Ildésigneleclavier.—Ça,c’estmaporte,parcequec’estmoiquicollectionnelesépéesquisontdanscettepièce.
Donc,lecodeiciestDev1.Leslettressontsurlestouchesdeschiffres.Ilfermelaporteetfaitungesteendirectiondupavétactile.—Vas-y.Essaie.J’appuiesurlestouchesetlaportesedéverrouille.Ilmedonneunepetitetapedansledosqui
meprojetteenavant.— Bravo, Bo Peep. De l’autre côté de la porte, c’est le domaine de Thibault. Le code du
hangarprincipalestT.B.O.1.Tuascompris?Jefaisouidelatête.Noussortonsetfermonslaportederrièrenous.—Essaie,ordonneDev.JetapeT.B.O.1.etlaportes’ouvre.—Tuesparée,jeunefille.Devdéverrouillelaporte,maislalaissefermée.Delàoùnousnoustrouvons,ilmedésigne
unclavieràl’étageinférieur,prèsdelagrandeporteparlaquelleentrentlesvoitures.—CepavéestceluideToni.Pourquoi?Jenesaispas.LecodeestT.O.N.1.Tupeuxfermer
quand tu pars. Nous autres avons des passes électroniques. Tu n’en recevras un qu’à la fin de tapérioded’essai.
—Etpourlecoffreaveclesarmesetlesautreschoses?Jeposelaquestiontandisquenousdescendons.
—Tonipourratelesdonner.Ilfautquejemedépêche.—Quelqu’un attend dehors que tu lui donnes un coup de bâton sur la tête ? Je ris dema
méchanteblague.—Oui.Mon fils.Mamère ne pouvait le garder que deux heures aujourd’hui et il faut que
j’aillelerechercher.Jem’arrête,surpriseparsaréponse.—Tuasunfils?Quelâgea-t-il?—Quatreans,unpeuplusdequatreansetdemi.Ilsourit,toutfier.Jenevoudraispasqu’ilen
soitautrement.Tout s’éclaire dansma tête. C’était ce à quoi il faisait allusion quand il se justifiait auprès
d’Ozzie parce qu’il a des responsabilités. Pour autant que jem’en souvienne,Ozzie ne s’était pasmontrétrèscompréhensifàcesujet.IlsavaitsûrementqueDevparlaitdesonfils…
—Boncouragepourtoutàl’heure.Devlèveunemainetj’essaiedetoper-là.Raté!Ilmedonnedeuxbourradessurlebras.—Deuxàun.Essaieencore!J’yparviensmieuxlasecondefoisetilmefaitunclind’œil.—Tuvasyarriver.Ilpartaupetittrotavantquej’aieeuletempsderépondre.
—Nem’obligepasàmeservirencoredemonTaser!Il rit enmontant dans sa voiture et je souris en traversant la salle.Tonim’attend, le visage
renfrogné.
CHAPITRE23
—Quandtuaurasfinide jouer les idiotes, jepourrai temontrer lesarmoiresdont tuaurasbesoin.
Jesuissidéréeparsasortie.Jepensaisquenousallionsêtreamies.Ilsemblequejemesoistrompée.Merde.J’aihorreurdeshistoiresdefilles,surtoutautravail.
Elleme désigne le coffre qui contient les armes. Je l’avais remarqué lors demon premierpassageici.
—Cesontdesarmesquenousutilisonsdetempsentemps.Jen’enaipasforcémentavecmoi,maisquandc’estlecasjeprendscequimeconvientlà-dedans.LecodeestC.O.L.T.4.5.
—Original.Je suis trop grognon pourme laisser fairemaintenant. Pourquoi a-t-elle étémalpolie avec
moi?Est-cequ’elleaétésympaseulementparcequelesautresregardaient?Çavaêtregaisic’estlecas. Je vaisme retrouver coincéedans unevoiture avec elle pendant je ne sais combiende temps.Troplongtempsprobablement.
Elleouvrelaporte,cequimepermetdevoirunecollectioncommejen’enaijamaisvueendehorsd’unfilmd’action.
—Waouh.C’estunsacréarsenal.Ellelesdésignecommesiellemefaisaitunevisiteguidée.—Lesarmesdepoingici,lesfusilsetlescarabineslà.Celui-cin’estpasvraimentlégal,alors
nelesorspassansenparlerd’abordàOzzie.—Oh,net’inquiètepas.Jen’aipasl’intentiond’enprendreune.Jamais.—Biensûrquesi.Toutlemondeicisuitunentraînementautir.Nousavonsdesexercicesde
recyclagechaquemoisaprèsnotrecertification.—Certification?—Detireurd’élite.Ozzieinsistelà-dessus.Ilnevoudraitpasqu’ontiresurlamauvaisecible.Mavoixmanquesacrémentd’énergie.—C’estchouette.Enfin,jecrois.—Là,tuasdesgrenades…ellesnesontpasamorcéestantquelagoupillen’estpasretirée,
maisjeneterecommandepasd’ytoucher.—Pasdesouci,jenelesmanipuleraipas.Les yeux me sortent de la tête. Ces gens sont fous. Pourquoi suis-je encore ici ? Ah oui.
L’argent.
—Lesballes sont là.Lesboîtesontdes étiquettes.Commeça,onest sûrsd’avoir labonneboîtepourlebonfusil.
—Bon,d’accord.C’estfou.Commesijesavaisquelleballevaavecquelfusil.J’enrirais!Çaneleferapas.La
seulegâchettequejetouche,c’estcelled’unappareilphoto.Couteaux,nunchaku17,cannesdecombat,coupsdepoingaméricaindanscepetittiroir.Elleseretourneunpeuversmoipourmeregarder.—Desquestions?—Oui.Oùsontlesrampesdelancementpourlesmissiles?—Nouslesgardonsdansunendroitséparé.Elleme laisse plantée là, bouche ouverte comme une imbécile et continue à parler tout en
marchant.Jenesaispasdutoutsielleplaisantaitounon.—Ilyaencoredeséquipementsdanscesarmoireslà-bas.Elleouvrebrusquementunedesportes.—Masquesàgaz,giletspare-balleenKevlar,gants,casques,bottes.Ellefermelaporteetenouvreuneautre.—Équipementsdecampingpourplanqueslorsqu’ellesnesedéroulentpasenville.Laporteserefermeetellesedirigeversunplacardferméàclé.—Etvoicitondomaine.Luckyadéjàchangélecode.Elledésignelaserrureetsouritsournoisement.—Devinecequec’est.Jem’avance lentement, regarde cette serrure stupide : jeme demande quelle fine astuce se
cachederrière.—Combiendechiffres?—Quatre.Je soupire bruyamment. Son visage l’a trahie. J’appuie sur les touches, l’une à la suite de
l’autre:P.E.E.P.Laserrures’ouvreavecundéclicetlesouriredeTonidisparaît.—Ha,ha,trèsdrôle.J’ouvrelaporteetj’aiunhoquetenvoyantlecontenu.—Tuaimes?demande-t-elle.Ellerecommenceàsourire.—J’adore.Jetendslamainetprendsl’appareilquejerêvedeposséderdepuiscinqans,sans
avoirjamaispumel’offrir.Lavache…—Oui.Ozzienelésinepas.Ilditqu’unboncordonnierdoitavoirdebonsoutils.JesourisenpensantàDev.—Qu’est-cequinevapasaveclavoituredeDevalors?—LaPhoenix?Ellesourit.Tupeuxmettrequelquechosecommedixcadavresdanslecoffre.
Nousl’avonsbeaucouputiliséedepuisqu’ill’aachetéel’annéedernière.Jemanquedefairetomberlacaméra.Ellemelaprenddélicatementdesmainsetlareplacesur
l’étagère.—Doucement,BoPeep.Jeplaisantais.Plusoumoins.Ellerefermelaporteets’assurequelaserrureestrefermée.— Je te laisserai t’amuser ici tout à l’heure.Maintenant, il faut qu’on y aille avant que les
méchantsseréveillent.Jeresteàcôtédel’armoire.—Lesméchants?EllegrimpedansleSUVdeThibaultets’attendàcequejefasseletourpourmonterducôté
passager.Lemoteurtournedéjà.
—Est-cequ’onn’emportepaslacaméraouquelquechose?—Nan.Ellemerépondparlafenêtreouverte.C’estjusteunereconnaissancevisuelle,riende
plus.Jemetiensàlapoignéeau-dessusdelaportepourgrimperdansl’habitacle.LeSUVestplus
haut sur roues qu’il n’y paraît. Reconnaissance visuelle. Reconnaissance visuelle. Je répètel’expressionpourpouvoirl’utiliserplustarddanslaconversation.Jecommenceàm’impatienterdedétonnerautantdansl’équipe,commeunestupideBoPeep.Et,parcequej’aivutoutcetéquipementd’appareilphotoetvidéo,j’aisérieusementenviedel’essayer.
—Metstaceinture,prévientTonipendantqu’elleajustelerétroviseur.J’ai juste le tempsde l’attacher ; sur leschapeauxde roues,ellequitte l’entrepôtenmarche
arrière.Sijenem’étaispasaccrochéeàlapoignée,jeseraistombéesursesgenoux.—Lavache!Ilyalefeu?Lespneuscrissentunpeutandisqu’ellefaitdemi-tourpoursortir.—Non.Maisjenevoispasl’utilitédeconduirecommeunemamie.Jefroncelessourcilsetmerecroquevillesurmonsiège.Super.MevoicimamieBoPeep.Est-
cequejepeuxêtredavantagehorsdemonélément?
17.Armeblanche:deuxlourdsbâtonsenmousseouencaoutchoucreliésparunechaîne.Peutêtremortelleetsonportestinterditdansunlieupublic.
CHAPITRE24
Commeonvalevoir,j’ensuisplutôtloin.Jepeuxmeretrouvervraiment,maisvraimenttrèsloindemonélément,parcequejevaispasserlamoitiédelajournéeavecToni.
Cette histoire a commencédans unquartier plutôt lugubre de la ville où je ne souhaite pasremettrelespiedsetnousaboutissonsdansunendroitpireencore.Commentappelle-t-onunlieuoùonvoitlesdealerstrafiquerenpleinjour?L’enfer?
C’est l’endroit, croyez-le ou non, où je suis censéemettre en place une surveillance, avecl’aidedeToni,afinderassemblerdesinformationsausujetdesvoyousquihabitentparici.Oubienquivendentleurdrogueoutouteautreactivité.Ha!Quellevilledefous!Toutcequejesais,c’estquej’aivubeaucouptropdepantalonsportéstropbassurbeaucouptropdehanchesaujourd’hui.Ilsn’ontdoncpasdeceinturescestypes-là?
—Alors,qu’enpenses-tu ?medemandeToni tandisquenous revenonsvers le repairedesBourbonStreetBoysenpassantparleport,aumilieududédaledesimmeublescommerciauxetdeshangars.Faisable?
Jefaiscommesij’étaisblasée.—Jesuppose.Jen’aipasvraimentvutoutcequevousaviezcommematériel,maisenthéorie,
sûrement.Onpeutphotographier,surveilleretespionnern’importequelendroit.Sionpeutlefairesans
être tué, là est la question ! J’ai des doutes quant aux endroits par lesquels nous sommes passéesaujourd’hui,maisOzziem’agarantiquejeseraisensécurité,alorsjevaismefocaliserlà-dessusetnonsurlesarmesdepoingquej’aivuesàlaceinturedesgens.
—Attendsdevoirnotrecamionnette.Ellesouritetserrelevolant.Deuxsecondesplustard,elleletourneviolemmentversladroite
etnousprenonsleviragebeaucouptropvite.Lespneushurlent.Ànouveau.Elledoitlesfairechangertouslesdeuxmoisàenjugerparlafaçondontelleuselagomme.
—Quellecamionnette?—Ce sontnosyeuxmontés sur roues.C’estde làquenous contrôlons la situation lorsque
nousn’avonspasnospiedsausol.—Lespiedsausol?Elles’arrêtedevantlaportedel’entrepôtetattrapeunepetitetélécommandesurlaquelleelle
tapeunnombre.—Quandnoussommesàpiedetpasdanslacamionnette.
Ellesoupire,commesielleétaitfatiguéededevoirtoutm’expliquer.C’esttrèsdécourageantdecomprendrequejeladéçoisàcepoint.J’imaginebienquejen’ai
pas réussimon épreuve du jour avec elle. J’ai gagné un point en électrocutant son ami, et je l’aireperduparceque jene jouepas au conducteur fou avecdes idéesmeurtrières. Jenedevrais sansdoutepassortirtropsouventavecelle.
—Quiestchargédecetravail?Jeposelaquestion,histoired’entretenirlaconversation.Duboulotàpied?Jenevoispersonnedanslehangaretj’aipeurquenoussoyonslivréesl’uneàl’autrependantencoredeuxheures.
—ParfoisThibault,parfoismoi.Peut-êtretoiunjour.—Moi?Jenepeuxcacherlapaniquedansmavoix.—Pasmaintenant.Pasavantquetuaieseuuneformationsérieuse.Elleentredansl’entrepôt,
rétrograde et coupe lemoteur. Tu seras sans doute prête dans à peu près sixmois. Elle ouvre saportièreetsort.
—Sixmois?Jedescendsaussi,unpeuoffensée.Jen’aipasàcepointperdulaforme.Jemepincelecôtépourm’enassurer.Iln’yapasplusd’unoudeuxcentimètresentropàcet
endroit.Peut-êtrecinq,parcequejemesuisrécemmentgavéedeglacesBen&Jerry.Elleestentraindemonterl’escalier.—Tunepeuxpassavoiràquelpointtumanquesd’entraînementavantd’avoircommencéà
travailleravecDev.Tupeuxmecroire.Aucundenousnelesavait.Jefais jouermesbicepsetsourisavecfiertéensentant lapetiteboulequivientmefaireun
coucou.Toninemeconnaîtpas.Jesoulèvedesappareilsphototoutelajournéesansmeplaindre.Jesuis surmes jambes pendant des heures d’affilée. Troismois. C’est tout ce qu’il me faudra pourdevenirunedureàcuire.Super,monenfant!
Unedureàcuire?D’oùm’estvenuecetteidée?Jen’aipasenviededevenircommeça,n’est-cepas?Jelaisseretombermonbrasetmeremémorecethommequimesuivaitdanssavoitureetquim’atirédessus.Jesecouelatête.Si,jeveuxdevenirunedureàcuire.Pourl’amourduciel,jeveuxêtre quelqu’un qui n’aura pas peur en sortant de samaison si elle voit une automobile passer auralentidevantchezelle.Jeveuxêtrelegenrededureàcuirequ’Ozzietrouveattirante.
—Seigneur,dis-jeàvoixhaute.Puisjemarmonne:c’estvrai,May,tuasbesoinqu’ontefassel’amour.
—Qu’est-cequetudis?faitunevoixsurmadroite.Jeregardesurlagauche,exprès.Non!Jeneveuxmêmepasregarderducôtédelapersonne
quim’apeut-êtreentendue.Cen’estpaspossible.—Tumedisaisquelquechose?Ozziesortdel’ombreetsedirigeversmoi.Jetournebrusquementlatêtedesoncôté.—Qui,moi?Non,jen’airiendit.Jemerappelaisjustelescorvéesquejedoisfairetoutà
l’heure.Parexemple,allervoirunpsyparcequejesuisfolle.—J’aicrut’entendredirequetuvoulaisêtrepayée18.Jetendsundoigtdanssadirection.Ahoui!Oui,j’aiditça.Waouh,quellebonneouïe.Merci,monDieu!— Il faut seulement que je remplisse un formulaire avec les informations te concernant.
Ensuite,Lucky t’inscriradans le registredupersonnel.N’oubliepasdegarder tous les reçus. Il temontreralamanièredelesluiremettreàlafindumois.
J’acquiescede l’air leplussérieuxpossible. Il fautgarder toutçavraimentprofessionneleteffacerainsitouteslespenséessexuellesquicontinuentàsurgirdansmatêtequandilestprèsdemoi.Lepoètequiestenmoiprendlerelais:
Muscles,muscles,fessesetpectorauxbienfermesPourquoifaut-ilquedemalibidoilssoientleterme?Ah!Allezvous-en,penséestorrides!—Comments’estpasséetapremièrejournée?demandeOzzie.Trèsbien.Sefocalisersurletravail.—Bien,jepense.J’aifini?Jenesuislàquedepuistroisheures.Jenepeuxpascroirequ’ilpuisseconsidérerçacomme
unpleintemps.—Ilyaencoreunechosequ’ilfautquetufasses.Ensuitetupourraspartir.Jeremontemonsacsurmonépaule.—Super.C’estquoi?—Unentraînement.—Unentraînement…commedansunesalledesport?Ozziefaitunsigneendirectiondeséquipementsàl’autreboutdelapièce.—Notresalledesport,oui.—O.K.Jefrottemesmainsl’unecontrel’autreetregardeautourdemoi.OùestDev?C’est
luimonentraîneur,n’est-cepas?—Ildevraitl’êtrenormalement,maisaujourd’hui,ilrécupèreaprèsunefrappedeTaser.—Oh.Etrevoilàmonsentimentdeculpabilité.—Alors,c’estmoiquivaist’entraîneràsaplace.Etrevoicimesidéestorrides.Ilretiresonsurvêtement:endessous,ilporteunT-shirttrèsajustéetsansmanches.Quicolle
àlaperfectionavecsonshorttrèssuggestif.Vite!Ilfautquejetrouveunedérobade!—Je,hum.Jen’aipasmesvêtementsdegym.—Çan’apasd’importance.Onenapourtoi.Ildésigneunplacard.Là-dedans.Change-toi.Je
reviensdanscinqminutes.Etlà-dessus,ilm’abandonnetouteseuledanslehangar;jememetsdansunebellepanique.Je
nesaispascommentjevaispouvoirregardersesmusclessailliretnepasmejetersurlui.Çavaêtreunvéritabletestdevolonté.
18.Jeudemotsentre«togetlaid»et«togetpaid».
CHAPITRE25
Envérité,cen’estpassidifficilequeçadenepasmettremesmainssurOzziependantquenousnousentraînonsensemble.Àlaminuteoùilcommenceàmefaireforceretgrognerenappuyantlesjambessurdesappareilsouensoulevanttrèshautdestupideshaltères,toutcequim’attireenluidisparaît sous le côté déplaisant dumilitaire à tête dure. Je suis étonnée qu’il n’ait pas échangé sabarbepourunetoutepetitemoustachecarrée.
—Allez,encoreunefois!crieOzzie.Vas-y!Donne-toiàfond!—Arrgh!Jesaisquijen’inviteraipaspourmonpremieraccouchement.Donne-toiàfond,
moncul.—Encoreun.Allons:tupeuxlefaire.Vas-y!—J’enaidéjàfaitundeplus!Jesuisàboutdesouffle;lespoidspendentauboutdemesbras
ballants.Toutmebrûle.Tout.Jusqu’àmesmusclesfessiersquisontenfeu.—Tun’espasvidée.Vas-y:jevoisdanstesyeuxquetupeuxencoreenfaireun.Allez.Cequetuvoisdansmesyeux,c’estunemenacedemort.Maisj’essaiedesouleverlespoids.Surtoutparcequejeviensdevoirs’ouvrirlaporteenhaut
de l’escalieretDevquidescend.S’ildécèle lamoindrefaiblesse, j’aipeurqu’ils’enprenneàmoideux fois plus fort lorsqu’il aura récupéré.D’après ce que j’ai compris, ce sera demain. Il a déjàretrouvéunedémarchetoutàfaitalerte.
—Allez,soulève!hurleOzzieenpleindansmafigure.Lâche-moi!Je pousse un cri qui tient du grognement tandis que mes bras commencent à soulever les
poids. Je lui enverraisunboncoup si je lepouvais,mais jedoisconcentrer toute l’énergieque jepossède encore dans mes biceps. Mon corps se plie lentement vers l’arrière pour compenser lemanquedeforcedemesbras.
—Pascommeça!Tiens-toidroite!Denouvellesgouttelettesdesueurjaillissentdemonvisage:j’arrêtedemecourberetessaie
d’utiliserlaseuleforcedemesbraspoursouleverlespoidsdedixkilosau-dessusdemonnombril.—Jenepeuxpas…jenepeuxpas…Ilpasseunseuldoigten-dessousdechaquehaltère.—Voilà.Jevaist’aider.J’aienviedehurlerpourrefusersonoffreridiculedeprétendueaide,maisjenepeuxpas.Je
n’aiplusd’énergiepourquoiquecesoit. J’ai tellementpeurde lâcherunvent ; jeserre les fesses
autantque jepeux,cequime laisse trèspeude forcepoursoulevercespoids jusqu’àmesépaulespourlavingtièmefois.
—Eeerrr!—C’estça!crieOzzie.Tuyes!Arrivéàcôtéd’Ozzie,Devs’arrêteetfaitunsignedetête.—C’estça.Tuyes.Mesmuscles crient pitié,me supplient d’arrêter,mais je continue à les forcer à s’exécuter
parceque,sijenelefaispas,jepartiraid’icilatêtebaisséedehonte.JesaisquetouslesmembresdeBSBdonnenttoutcequ’ilsontdansleventreetjenepeuxpasjouerlesBoPeepindéfiniment.Mesbrastremblentsousl’effort.S’ilvousplaît,nemelaissezpaspéter,s’ilvousplaît,nemelaissezpas.
Lespoidsfinissentparobéiràmonordreetatteignentlesommetdelabarresupérieure.Ozzieme les retire des mains et les soulève au-dessus de ma tête comme s’ils étaient des plumes, melibérant de la prison qu’est son entraînement.On dirait quemes bras vont semettre à flotter dansl’atmosphèremaintenant que les haltères ont été enlevés.Ensuite, comme je les laisse retomber lelongdemoncorps,ilspèsentcommedespoidsdevingt-cinqkilosattachésàmespoignets.
—C’est bon pour ton premier jour, déclare-t-il. Il replace les poids sur un portant, à côtéd’autresdediverscalibres.
Dieumerci,jepeuxenfinrelâchermonfessier,maintenantquelacrainted’unventaccidentelestpassée.Jemepencheenavantetposemesmainssurmesgenoux.Matranspirationsuitlaloidelagravitéetcoulelelongdemonvisagejusquedansmesyeux.Aïe,çapique.Jememetsdeboutettentedechasserladouleurenclignantlespaupières.Jesuissûrequ’onpourraitcroirequejepleure,maisjesuistropfatiguéepouressuyermasueur.
—C’étaitunentraînementdur?demandeDev.Ondiraitqu’iladumalàs’empêcherderire.—Assezdur.Jehausselesépaulesetconstateàquelpointilestdifficiledelessouleverquandellesn’ont
pluslamoindreforce.Jeregardemavoitureetmedemandesijevaispouvoirlaconduireàprésent.Celevierdevitessevaêtreunproblème.Peut-êtrepourrais-jeappeleruntaxisansquepersonnes’enaperçoive. Si seulement je n’avais pas acheté une voiture d’une couleur aussi brillante. Ils nemanquerontpasderemarquerquejel’ailaisséeicipendantlanuit,dansuncoindeleurentrepôt.
Ozziemedonneunepetitetapesurl’épaule.—Nousallonstelaisserunjourpourrécupéreretonrecommenceramercredi.D’undoigttremblant,jefaisvolerunpeudesueurloindemonfront.—Pasbesoind’attendre.Jepeuxm’yremettredemain.Cecomportementdedureàcuirevientduplusprofonddemonêtreleplusprimitif.Jesuisà
peu près sûre que j’ai un plein seau d’adrénaline en train de courir dansmes veines. C’est dû ausentimentquej’avaisilyaencorequelquesminutes:j’allaismouriràforcedesouleverdespoids.
—On verra comment tu te sentiras demain.Devme donne une claque sur le dos et retireensuitesamain,dégoûtéquandilsentàquelpointjesuisennage.
Ozzieestànouveautoutàsesaffaires.—Demain,jeveuxquetuaillesdanslacamionnetteavecTonietThibaultpourvoircequetu
peuxarrangerlà-bas.Jedemande:—OpérationBarbeBleue?Devsemetàrireets’arrêteimmédiatementquandOzzieleregarded’unairfurieux.—Harley,reprendOzzie.C’estHarley,pasbarbebleue.Jegrommelleetattrapemaserviettetrempéedesueur.—J’auraispum’ytromper.
—Ehbien.Devest tout sourireet frotte sesmains l’unecontre l’autre. Jesuis impatientdepouvoirm’entraîneravectoi.
Sonbonheurestcontagieux.—Vraiment?Jem’essuielevisageetlecouaveclaserviette,essayantdenepasreculer.Elle
estvraimentrépugnante,avecuneodeurmétallique.Pourquoi?—Parcequetuasentoibeaucoupd’énergie.Jepensequejevaisprendreduplaisiràtebriser.Jerenifle.—Oui,biensûr.Commetuveux.Jeparlecommesij’étaispleined’assurancemais,enfait,jesuisauborddeslarmes.Pourquoi
faut-ilquejemeprésentecommeundéfipourl’entraîneurparticulierdel’équipe?Jusqu’àprésent,jen’aijamaispenséquej’étaistellementmasochiste,maisjemedemandemaintenantsijemeconnaisvraimentbien.Cetendroitvientdemerévélermavraiepersonnalité;oubienilm’atransforméeenquelqu’undedifférent.Enl’espaced’unejournée.Quellehistoire!
Montéléphonebipeetjeleprendssurlebancdemusculationpourvoirquic’est.Jenny.Ellem’alaisséuntextoquejenepeuxignorer.
Masœur:S’ilteplaît,appelledèsquetupeux.Sammyestmaladeetsuiscoincée.Coincéepourraitvouloirdiren’importequoiavecelle:tellequejeconnaismasœur,ellen’a
peut-êtrepasdebaby-sitteroubienelleestenferméedanslasalledebains.J’interrogeOzzie:—J’aifiniiciouest-cequ’ilyaquelquechosed’autrequejedoisfaire?— Non, ça va. Reviens demain avant 7 heures si tu peux. Il faut que tu aies le temps de
regarderl’équipementavantquevousnepartieztravailler.J’acquiesce,espérantque,sij’arrivedesibonneheure,celaveutégalementdirequejepeux
partirplustôt.Cen’estpasquejemeplaindraisicen’estpaslecas.Ceboulotn’arienàvoiravecceuxquej’aieusauparavant.Ilestvraimenttrop…différent.Décontracté.C’estcommedesebaladeravecunefamilleunpeufolle.Unefamillequiaimes’entraîneretselivreràdescombatsrapprochés.Desfous.Enfait,j’aimeassezlesfous.
—Jepeux teparleruneminute?medemandeDev tandisquenousnousdirigeons tous lestroisversl’escalier.
—Biensûr.Qu’est-cequ’ilya?Ils’arrêteetattendqu’Ozziesoitunpeuplusloin.Ilsetourneversmoietbaisselavoix.—Écoute,jesaisquetuasdonnétonmaximumaujourd’hui.Alors,situnetesenspasd’avoir
unautre entraînementpendantquelques jours, tun’asqu’à ledire.Tuneperdraspasdu toutnotreconsidération.Nousvoyonstousleseffortsquetufais.
Jefroncelessourcilsparcequejemedemandesicen’estpasunmauvaistourqu’onveutmejouer.
—O.K.—Demain,tuvasêtretoutendolorie.N’oubliepasdefairedesétirementsmaintenant,d’autres
cesoiretencored’autresdemainmatin.Tuasdéjàfaitduyoga?Jesecouenégativementlatête.—C’estledomainedemasœur,paslemien.—Tudevraiscommencer.Cela t’aideraàêtreplussouple.Peut-êtrequ’ellepeut temontrer
quelquesmouvements.—O.K.C’estnoté.Étirementsetyoga.Dev s’arrête devant la table en bois et arrange quelques armes qui s’y trouvent. Je ne suis
mêmepasinquièteàl’idéequ’ilpourraitluiprendrefantaisiedes’enservircontremoi.S’illefaisait,jem’étendraistoutsimplementparterrepourfaireunpetitsommeetjeluienseraisreconnaissante.Leseulfaitderesterdeboutdrainelepeud’énergiequimereste.
Je n’ai jamais été une sportive jusqu’à présent ; aussi, que quelqu’un m’y force estprobablementunebonnechose.Jepensequejepourraismepermettred’êtreunpeuplussouple.Jevaisbientôtavoirtrenteansetmasœurm’adéjàditunecentainedefoisquec’estl’âgeauquelsoncorpsacommencéàsedétériorer.
Jemesouviensdesontextoenpensantàelle.Jeluitaperapidementuneréponse.Moi:J’arrive.—Àdemain?demandeDevenmetendantunemain.Jeluirépondsd’unparfait«tope-là».Jenem’yreprendspasàdeuxfoiscecoup-ci.—Ouais.Àdemain.—Bienvenue dans l’équipe, conclut-il en se dirigeant vers l’escalier. Il attrape la rampe et
franchitd’unbondlestroispremièresmarches.—Merci.Jesuiscontented’êtreici.Aumoment où il arrive à la porte,Ozzie sort. Jemarche vraiment très lentement versma
voiture, au cas où il voudrait me dire au revoir. Je suis assise à l’intérieur et fais semblant deréorganisermaboîteàgantsquandj’entendssavoixàcôtédemoi.
Ilsepencheunpeuetsourit.—Bonnepremièrejournée?Je sourisaussi, soudainnerveuse.Lemilitairedésagréableadisparuet, à saplace, ilya le
charmantOzzie,àquelquescentimètresdemoncorpstranspirant.Letypequim’asauvélavieetm’aoffert un boulot plutôt sympa. Mon cœur se réchauffe en se rappelant les événements qui m’ontamenéeici.Peut-êtrequelapirechosequimesoitarrivéen’étaitpasqu’onmetiredessus.
—Tunevaspasabandonner,n’est-cepas?demande-t-il.—Tuplaisantes?Justeaumomentoùçadevientintéressant?Jenevoulaispassous-entendrequoiquecesoit,maisilsoulèvelégèrementsonsourcildroit
etcelamefaitprendreconsciencequ’ilpeutcroireçaréellement.— Tu as des projets pour ce soir ? interroge Ozzie d’une voix neutre qui ne laisse rien
deviner.—Jepensequeoui,enfait.Jeregardemonportable,unpeutristequemasœursetrouveensituationdecrise.Peut-être
Ozzieva-t-ilm’inviteràsortir?—Tantmieuxpourtoi.Faisattention.Ildonnedeuxcoupsavecsonpoingsurmonpare-brise
etserecule.Jeleregardes’enallertandisquejemedemandesijenedevraispasluidirequelssontmes
planspourlasoirée.Est-cequecelan’auraitpasl’airtropdésespéré?Ozzie,net’inquiètepas!Jenesorspasavecunhomme!Oh,monDieu,oui.Totalementdésespéré.Ilvautpeut-êtremieuxlelaisserpensercequ’ilveutàcesujet.C’estmieuxdelajouerdifficile-à-avoir,non?Etdepuisquandcelaa-t-ildel’importance?C’estmonpatron!Jenevaispascoucheraveclui,bonsang!
J’enfoncelaclédecontactavecplusdeforcequejenel’auraisvouluetmecasseunongleparlamême occasion. Je le suçote pendant quelques secondes avant de passer la première vitesse. Jedétesteêtreaussiesclavedemalibido.
Ozziemeregardedesesyeuxd’aiglependantquejefaismamanœuvredanslegrandhangaretdirigemavoitureverslaporteouverte.
—Àdemain.Jerouletranquillementdevantlui,aussidétenduequ’onpeutl’être.—Àdemain.IlmarcheàcôtédemavoiturequiroulelentementetmetendmonTaser.Rentre
tavoituredanslegaragecettenuit.JemetsleTaserdansmonsacetfaisunsalutenfranchissantlesportes.Mavoitureprotesteet
hésite parceque j’aimal passé l’embrayage. Jemehâtededébrayer et attrape le levier devitesse.J’essaiedepasserenseconde.Toutrentredans l’ordrequelquessecondesplus tard,maispasavantque je ne me sois rendue ridicule devant la seule personne que je voulais impressionner par mamaîtrise.C’esttoutmoi.Jenesaismêmepaspourquoijemedonneencorelemald’essayer.
Jepousseunlongsoupiretfaishurleruneautrevitesse.Enfin,jemeretrouvedel’autrecôtédelagrandeportequidonnesurl’extérieur.Aurevoir,BourbonStreetBoysetbonjouràlanuitdelaNouvelleOrléans.
CHAPITRE26
J’entendslehurlementavantmêmed’êtreentréedanslamaison,sibienquejemedemandesijen’auraispasmieuxfaitdeveniricidirectementaulieudepasserchercherFélix.Jemecrispeenvoyantlaportedemasœurs’ouvrirsansquej’aieeuàutiliserlacléquej’aimisesurmontrousseau.Elle devrait vraiment se montrer plus prudente pour la sécurité de sa maison. Je me prometsmentalementdevérifiercombien ilyadepointsd’entréechezelle.Jepourraipeut-êtrebientôt luioffrirunsystèmedesécurité.IlsepeutquelesBSBfassentuneréductionpourlesfamilles.
Félixseprécipitevers l’arrièredelamaisontandisquelavoixdemasœurpénètreavecunboumdansmestympans,dansunetonalitéquelquepeudéséquilibrée.
—Retourne sur le pot et ne te relève pas avant d’avoir fait la grosse commission ! Je neplaisantepas!J’aidutravailetilfautquejeprépareledîner!
Jepasselatêtedanslasalledebainsdurez-de-chaussée.Jem’assured’unrapidecoupd’œilqu’ils’agitbiendeSammyquejetrouveinstallésurlepot;sesdeuxsœurssonttouteslesdeuxdanslabaignoire.Desmontagnesdebullesmulticoloresaccompagnentchaquejouetquiflotteàbâbord.
Jenny a les mains dans les poches arrière de son pantalon et les cheveux en bataille. Sonchemisier est boutonné tout de travers, si bien qu’un des pans descend plus bas que l’autre. Sonpantalonesttrempéenplusieursendroitsetellen’aqu’unechaussette.Sonautrepiedarboreduvernisàonglesetjesuissûrequ’ilaétéposéilyaaumoinssixmois.
—T’enasmisdutemps,ronchonne-t-elleenrepoussantdesmèchestombéesdevantsesyeux;ellemeregardeavecsévérité.
Cequ’ilnefautabsolumentpasfairedansunetellesituation,c’estrépondreàsonattitudeparunénervementdemêmenature.Jelesaisd’expérience,c’estpourquoijemecontented’uneréponsedésinvolteetsimple.
—J’étaisauboulot.Qu’est-cequisepasse?—Boulot?Quelboulot?J’aiappeléàtonstudioettun’aspasdécroché.—Monnouveauboulot.Jeme glisse derrière elle etm’accroupis : je peux ainsim’amuser avec les jouets dans la
baignoire où sont les filles. Je rentre la tête entre mes épaules en attendant que les hurlementsrecommencent.
Sophie et Melody me regardent avec de grands yeux. Elles savent aussi que ça ne va pasmanquer.
—Nouveauboulot ?Quel nouveau boulot ?Fichtre,May !Tu as une autre vie et tume la
cachesàprésent?Etmaintenant vous savezpourquoi j’ai attendu avant de lui répondre. Je tourne la tête et la
regarde.J’aiprismavoixapaisantedethérapeute.—Tuaseuunemauvaisejournée,Jenny-chérie.Vateservirunverredevinett’asseoirdans
lecanapé.Jedonneleurbainauxfilles,jepersuadeSammyd’honorerlesdieuxdupotetquandilsseserontgentimentassispour ledînerque jevais leurpréparer, je te rejoindrai.Considèreque tueslibrepourlasoirée.
Ellemefusilleduregardpendantunedemiseconde,puissonvisagesedétendtoutàcoup.—O.K,fait-elled’unevoixfaible.Ellesortdelasalledebainsavantquenousayonsletempsdelavoirpleurer.Jesuis tristede lavoir traîner lespieds,commesiellenepouvaitpas lessoulever.Elleest
déjàgroggyetpourtantellen’apasencorebuunegoutted’alcool.J’aimemesniècesetmonneveuplusquetoutaumonde,maisilssontpourmoilameilleurecontraceptiondontj’aiejamaisentenduparler.Leslycéennesdevraientobligatoirementfairedubaby-sittingavantd’êtreautoriséesàsortirpourlapremièrefoisavecungarçon.
— Qu’est-ce qu’elle a, maman ? demande la cadette Melody, quand Jenny est partie. Onl’appelleparfoisMelody-du-milieu.Ellen’estpasencoreassezvieillepourdétestercesurnom.
—Chut,intervientSophie,duhautdeseshuitansavantquej’aiepurépondre.Elleesténervée.Soissagejusqu’àcequ’elleaillemieux.Après,tupourrasrefairedesbêtises.
Melodyaspergesasœur.—Jenefaispasdebêtises.—Hé!Jelèveunemainpacificatrice,maisjesuisincapabledelatenirenl’airplusdedeux
secondesà causedesmusclesdemonbrasqui sontdevenusmouscommedes spaghettis etquineveulentplustravailler.Arrêtezunpeu,touteslesdeux.VousnevoyezpasqueSammyadesennuis?
Nousnousretournonstouteslestroispourleregarderetvoirsonvisagetouttriste.Jeluidemande:—Tuesencoreconstipé?Ilfaitsignequeoui.—Contipéencore.Malàmonbedonetmonventre.—Neforcepas.Détends-toicommeça.—Voui.Détends-toi,répèteMelodyenpouffant.—Disdonc,dis-jeenpointantmondoigtverselle.Onnesemoquepasdesonfrère.C’estpas
drôled’êtreconstipé.—Voui.Contipé, pas drôle. Sammyattrapeunebrosse à dents sur lemeuble et le lance en
directiondesasœur.Jemelèveaussivitequejelepeuxetessaied’empêcherMelodydesevengerimmédiatement.—O.K.,lespetits.Écoutez-moi!Touslesenfantslèventlatêtepourmeregarder.Lasalledebainsdevientsuffisammentcalme
pourquenousentendionstouslesquatrelebouchonsauterhorsdelabouteilledanslacuisineàcôté.Jefaisungestelargeavecmesbrastrèsdouloureux.—TanteMayestici.Jebaisselesbraspourpouvoircomptersurmesdoigts.C’estbeaucoup
plus facile pourmesmuscles de cette façon. Ce qui veut dire qu’on ne jette pas les objets, on necrachepas,onnepètepas,onnesetraitepasdenomsd’oiseauxetonneseplaintpasdecequejevaispréparerpourledîner.D’accord?
Jelesregardetouràtourd’unairsévèreetreprendsunepositionassiseparcequelesmusclesdemesjambesnesontpastropcontentspourlemoment.
Ilséchangententreeuxdesregardssilencieux.
Onentendundrôledebruitducôtédestoilettes.Sammyessaiedenepassourirelorsquejelefusilleduregard.
—Oups.Z’aipété.‘Zolé.Ilssemettenttousàrigoler.Melodytendledoigtverssonfrère.— Il a enfreint la règle de ne pas faire des vents ! Elle serre ses coudes contre ses côtes,
pousseetforcetroispetitesbullesàremonterdansl’eau.Sophielaregarded’unairabasourdi.—Tuviensdefaireunventaussi!Oh!Pasdanslabaignoire!Elle se lève d’un bond et essaie de se ruer à l’extérieur, mais elle a tellement de mousse
partout qu’elle n’y arrive pas. Elle glisse et retombe dans l’eau, dans un chahut de bras, jambes,coudesetgenoux.Desflaquesdemoussecoulentpartout.
Lorsquejepeuxyvoirànouveauunpeuclair,lestroisenfantsn’enpeuventplusderire.—TanteMay,tuasdelamoussepartoutsurlatête!hurleMelody.—Oh!J’aiunbleusurlegenoumaintenant,gémitSophie.—Hé!Savezquoi,tou’monde?!crieSammy.Nousleregardonstous,attendantlagrandenouvelle.—J’aifaitpo-po!
CHAPITRE27
Lesenfantsmangentleursspaghettisdanslacuisine,Félixàleurspiedsquiattendquequelquechosetombejusqu’àlui.Ilssonttrèssagesdansl’attented’uneglacequejeleuraipromisepourledessert.Jemeverseunverredevin.Masœuradéjàvidélamoitiédelabouteille.
Quandjem’écrouledanslefauteuilàcôtéducanapé,ellemeregardefixementpar-dessussonverre.
Jeluirendssonregardtandisquej’avaleunegorgée.—Alors?Tuvasmeracontercettehistoiredenouveauboulot,ouiounon?J’envisagedepliermesjambessousmoimais,lorsquej’essaie,celamefaittropmaletjeles
laisseretombersurlesol.— Rien de bien sensationnel, en fait. Je dois seulement prendre quelques photos pour ces
gens-là.—Pourquoiai-jel’impressionqu’ils’agitdebeaucoupplusquedeprendresimplementdes
photos?Est-cequec’estquelquechosecommedesphotospornos?Ellejetteunregardpar-dessussonépauleendirectiondelacuisine,puisbaisselavoix.Tusaisqu’ilnefautpasmettrelepieddansl’industrieduporno.Ilspourraientterecruterpouryprendreunrôleactif!
Je me mets à rire. C’est tellement agréable d’être assise avec elle dans sa salle de séjour.J’aimemasœuretsonespritbizarre.
—Tuesfolle.Ettupeuxterassurer:çan’aabsolumentrienàvoiravecl’industrieduporno.C’estuneentreprisequitravailledanslesecteurdelasécurité.
Çaal’airtellementplusrassurantquandj’enparlecommeça.Aucunrisque.Ilvautmieuxquema sœur l’entende de cette façon ; autrement, elle va se transformer en mère poule et je vaiscommenceràdouterdemoi-même.
Elleclignedesyeuxàplusieursreprisespendantqu’elleretournel’informationdanssatête.—Tutesouviensdecetypequim’asortied’affairelorsquej’aiatterriaccidentellementChez
Frankie?—Celuiquiesttoutenmuscles?Ellesouritpourlapremièrefoisdepuisquejesuisarrivée.—Oui,celui-là.Ilm’aoffertunboulot.Jefaisdeseffortspournepassourire,maisc’estdur.—Alors,iltravailledansuneagencedesécuritéetilt’aproposéuntravailpourprendredes
photos?Quelgenre?J’ignoresaquestionetessaiedetrouverunefaçondeminimiserledanger.Depuistoujours,
Jennyseconsidèremaprotectrice.
—Jenesaispas.Desgens.Desendroits.Deschoses.—Drôledetravail.Elleplisselesyeuxpourmeregarder.Neplaisantepas,sœurette.Qu’est-
cequetunemedispas?Jejoueavecunfilquipenddemonsurvêtementdesport.— Pas grand-chose. Je dirais que c’est en fait quelque chose du genre… comme qui
dirait…untrucunpeudifficileàexpliquer.Elleboitunelonguegorgéedevinetvidepresquesonverre.Jemelèved’unbondpourprendrelabouteille;j’espèrequecelaluiferaoubliermesefforts
infructueuxpouratténuerlesaspectsnégatifsdemontravail.—TueslapirementeusequiaitjamaismarchésurlaplanèteTerre!s’écriemasœur.Ellerit,
lenezdanssonverrequ’elleachèvedeboire.—C’estmieuxqued’êtrelameilleurementeuse,non?Jemepenchepourremplirsonverre
etenprofitepourmeresserviravantdereposerlabouteillesurlatablebasse.—Peut-être.Alors,c’estquoicetteproposition?Sansmentir.Dis-lemoi.Jenemefâcherai
pas.—Sansmentir?D’accord.Cesontdesmissionsdesurveillance.Jedoisprendredesphotos
devoyousentraindesecomportercommedesvoyous.Ellelèvelesyeuxauplafondetémetungrognementlongetsonore.—Eeerrhhhhh!Puis,ellemeregarded’unairfurieux.May,commentas-tupu?!— Comment est-ce que j’ai pu quoi ? Je joue les innocentes. Trouver un boulot qui me
permettradepayermesfactures?—Depuiscombiendetempsest-cequejetedemanded’emménagericiavecmoi?Onferait
touteslesdeuxtellementd’économies.Sesyeuxs’emplissentdelarmes.—Oh,machérie…Jemelèveetm’assoisàcôtéd’ellesurlecanapé;j’ailaissémonverre
surlatable.Tusaisquejenepeuxpasfaireça.J’aibesoindemonespacevital.Etvous,vousavezbesoinduvôtrepourêtreunefamille.Jeneveuxpasquelesenfantssoientfâchéscontremoiparcequejesuistoutletempsgrincheuse.
—Tun’espascommeça.Elles’estmiseàpleurer.Tuestoujoursjoyeuse.—C’estparcequej’aimonespaceàmoi.—Tudisquesituvivaischezmoiouavecmoi,çaterendraitmalheureuse?C’estunequestionhonnête.Jemeledemandeplusoumoinsdepuisunan.— Non, ce que je dis, c’est que je suis une fille jeune et célibataire qui aime pouvoir se
promenerchezelleparfoistoutenue;etprendredelongsbainsaccompagnésdetempsàautred’unverredevin.
Jennysoupireetposesatêtecontrelamienne.—Ditcommecela,çaal’airbien.—Chaque foisque tuenasbesoin, tun’asqu’àm’appeler.Oum’envoyerun textocomme
aujourd’hui.Etj’arriveraiencourant.Jesuislàpourt’aider,tulesais.—Jelesaiseneffet.Ellemedonneunepetitetapesurlajambeetsiroteunpeuplusdevin.—Jemelamentesurmoi-même,c’esttout.Nefaispasattention.— Que s’est-il passé ? Est-ce que c’est Miles ? Son ex. Le crétin arrogant qui refuse de
prendresesresponsabilitésetd’êtreunvraipèrepoursesenfants.—Biensûrquec’estMiles;quid’autre?Lechèquedepensionalimentairequ’ilm’adonnéa
étérefusé,unefoisdeplus.Àprésent,plusieurspaiementsquej’avaisfaitsicietlànepourrontpasêtrehonorés.
Jemâchonnema lèvrecar jesaisque j’avanceen terrainminé.Si j’emménageaisavecelle,
celarésoudraitbonnombredesesdifficultés,maisjecrainsaussique,si jefaisça,Milesarrêtelepeu qu’il fait. Il me considérerait comme un père supplétif pour ses gosses et disparaîtraitdéfinitivement.Oublionslesproblèmesdechèquessansprovisions:masœurseretrouveraitaveclesenfantstroiscentsoixantecinqjoursparan.Elleperdraitlesdeuxsemainesdevacancesqu’ellepeutavoirlorsqu’illesprendunpeupendantl’été;etleweek-endmensuelqu’ilarriveencoreàorganiseraveceuxdanssonemploidutemps.
Nenni.JenepeuxpasvenirhabiteravecJenny.Mêmesicelaallégeaitconsidérablementsesproblèmes,jesuiscertainequecelaencréeraitdepires.Jenevoudraispasquequelquechoseviennenousséparer.Jel’aimeainsiquesesenfants;beaucouptroppourcela.
—J’auraiunsalairevraiment intéressantdanscettenouvelleentreprise.Jepourraipeut-êtreaideraveclesfactures.
—Ceneseraitpasjustepourtoi?Ellerenifleetmesourit.Commentpourras-tutepayertouscesbainsmoussants?
Jeluidonneunpetitcoupdecoude.—Jepeuxfabriquerlesmiens.Jeferaitoutsimplementcoulerl’eausurunpaindesavon.—Maisbiensûr!ricane-t-elleensereculantunpeupourmeregarder.Parle-moiunpeudece
type.—Queltype?J’essaiedefairecellequin’aaucuneidéedecedontonparle.Mais,d’aprèsson
expression,jepeuxdirequ’ellen’estpasdupe.—Benvoyons!Allons,tusaisdequijeparle.Grand,brunetbâticommeuntank.—Ozzie?—Nem’obligepasàt’étrangler.JesuissuffisammentfurieusecontreMilespourmevenger
surunbadaudinnocent.—Trèsbien.Onpeutdirequ’Ozziem’asauvélavie.Jerecommenceàtirersurlefildemonshort.— Et, comme tu t’en souviens peut-être, il a gardé Félix le jour d’après et puis il me l’a
ramenéaustudio,cequiétaitvraimentgentil.Jesirotemonvinpendantquejemerappellecebaiser.—Entoutcas,iln’yarienentrenous.C’estjustemonnouveaupatron.Riendeplus.—Hum,hum.Jennyboitencoreunpeudevin.Ettonvisagequidevienttoutrougeàprésentet
toiquit’escrimessurtonshort,c’estjuste…quoi?Lagrippe?Tuasattrapéunemaladie?Jefermelesyeuxetrenversematêtesurlecanapé.—Ons’estembrassés,O.K.?Ons’estembrassés.Ellem’envoieungrandcoupsurl’épaule.—Quand?!Elleal’airtoutàcouptrèsheureuse.—Samedisoir.Chezmoi.Ilavaitapportéledîner.— Oh mon Dieu. Que d’événements ! Et tu ne m’as rien dit ?! À présent, je comprends
pourquoituneveuxpasemménagerici.—Tais-toi. Je la regarde, sansbouger la têteducanapé. Ilne sepassera riendeplus.Nous
travaillonsensemblemaintenant.Ilestmonpatron.Ils’estexcusé.—Ahbon.—Oui.Ahbon.Alors,ilnes’estrienpassé,O.K.?Laissetomber…toutsimplement.—C’estdurdetravailleraveclui?Jesoupireenmesouvenantdemajournée.—Pasvraiment.Biensûr,jesuesangeteauàcausedelui,toutletemps,maisjenecroispas
qu’illesait.—Jevois,répond-elled’untonmoqueur.Tuestoujourstellementindifférenteàcegenrede
choses.Jenepeuxpasm’empêcherdesourire.Ellemeconnaîttropbien.— J’essaie d’être cool,O.K. ? Et aujourd’hui, ça a été vraiment plus facile lorsqu’il s’est
chargédemonstupideentraînement.—Entraînement?Est-cequ’ils’agitd’uncode?—Non.C’estcommedansunesalledesport.Unentraînement.Aujourd’hui,j’aisoulevédes
poidsavectouslesmusclesdemoncorpspendantuneheure.Elletendlamainetpincemonbiceps.—Aïe. Je trésaille de douleurmais je ne peux plus guère bouger.Moins je bouge sur son
canapé,plusjedeviensraide.—Ilfautquetufassesdesétirements.—C’estcequ’aditDev.—Dev?—Quelqu’unquitravaillelà-bas.L’entraîneur.—Jecroyaisquetum’avaisditqu’Ozziet’avaitentraînée.—Oui.Maislaprochainefois,ceseraDev.—Alors,tutranspirestantquetupeuxautravailavecunebandedemecs.Est-cequeDevest
aussisexyqu’Ozzie?Jememetsàrire.—Perverse.Cen’estpasça.—Laisse-moirêverunpeu.Ill’est?—Situaimesleshommesquimesurentdeuxmètres,complètementchauves!Alorsoui.Ilest
mignon.—Tuveuxrire?—Non,fais-moiconfiance.Jeneplaisantepas.—Hum.Ellefrotteleborddesonverre.Jelerencontreraipeut-êtreunjour.— Peut-être bien. Je m’assois et gémis tandis que mes muscles se rappellent à mon bon
souvenir.—Çava?demandeJenny.Elleposeunemainsurmondos.—Desmusclesendoloris.Jerespirepourdiminuerladouleur.—Tudevraisrentreretprendreundecesbainsdonttuparlais.Jemetourneunpeupourlaregarder.—Toi,çaira?Jeregardeendirectiondelacuisineoùj’entendslesenfantsmurmurer.Ilssontprobablement
entraindecomploteruneprisedepouvoirouuncoupd’État.—Oui,çavaaller.Levinm’aaidée.—Jeleuraipromisdelaglace.—J’aientendu.Net’inquiètepas.Jeteremplace.Ellesemetdeboutetmetendunemainpour
m’aideràfairedemême.Jelaprendsetmemetssurmespiedsavecdifficulté.—Mercid’êtrevenueetdem’avoirempêchéededevenirfolle.Jelaserrefortdansmesbrasetl’embrassesurlajoue.—Quelsquesoientl’heureoulelieu,jesuislà.—Pareilpourtoi,tulesais.Ellemecaresseledos.Situasbesoindemoi,jeseraitoujourslà.— Je sais. Je me détache d’elle et fais le tour des meubles avec précaution. Un seul faux
mouvementetjepourraism’étaler.Et,sijemeretrouveparterre,jen’arriveraiprobablementpasàmereleverdetoutelanuit.J’aitoutjusteassezderessortenmoipourrentreràlamaison,pointfinal.
—Appelle-moidemainaprèsletravailpourmeracontercequiseserapassé.Jennyouvrelaported’entréepourmoi.
—D’accord.Jerelèvelementonetparleplusfort.Àpluslesenfants!—Aurevoir,tanteMay!répondunchœurdepetitesvoix.—Merchipourlaglache!ajouteSammy.—Remerciezvotremaman!dis-jeavantdemedirigerverslasortie.JeramasseFélixetle
tiens sous mon bras. La nuit est douce, avec juste assez d’humidité pour que mon chemisierrecommenceàcolleràmapeau.
—IlfautaimerceclimatdelaNouvelleOrléans,commenteJenny.Ellefaitungesteavecsonverre,commesielleportaituntoastàlanuit.
—Iln’yanullepartoùjepréféreraisêtre.Jeluienvoieunbaiseretmontedansmavoiture;j’installe Félix sur le siège avant à côté demoi avant de faire doucementmarche arrière et de lalaisser avec ses dingues d’enfants. Je suis épuiséemais heureuse. Plus heureuse que je ne l’ai étédepuis bien longtemps. J’ai un nouveau travail, une famille formidable, un chien adorable ; et ungroupedepersonnesquiformentuneéquipe,àcequ’ilsdisent,etquim’ontaccueillieparmieux.Lavieestbelle.
CHAPITRE28
Mavie est affreuse.Mon corps est brisé.Nous sommesmardimatin et la sonnerie demonréveils’estdéclenchée,cequiveutdirequejedevraisallerprendremadouche.Aulieudeça,jeresteallongée dans mon lit, paralysée. Félix me lèche la joue et je n’ai pas assez d’énergie pour l’enempêcher.
Jegémistandisquej’essaiederoulersurmoi-mêmepourattrapermonportable.Félixmesuitparcequ’ilsaitquejenepeuxpasl’endéfendreet,àprésent,ilmelèchel’oreille.
—Oh,monDieu,qu’est-cequej’ai?Touslesmusclesdemoncorpsmefontmal.Jecroisquejelesaidéchirés.Çanepeutpasêtredesimplesdouleursmusculaires;c’esttropfort.
Laseulechosequinemefassepasmal,c’estmonpouce.JerepousseFélixetutilisecedoigt-là pour taper un texto. J’ai posémon portable sur le matelas : comme ça, je neme sers pas desmusclesdemonbraspourletenir.
Moi:Ozzie,jesuisentraindemourir.Quelquessecondesplustard,montéléphonesonne.—Allo?Jegémisetmetsmonportableàmonoreille:elleesthumided’avoirétéléchéepar
unpetitchien.—Quesepasse-t-il?Raconte-moi.Ozzieparleenhommed’affaires.Sait-ilqu’iln’estque6
heuresdumatin?—J’aimalpartout.Jepensequejesuisentraindemourir.Sa respiration sort comme un long sifflement et vient frappermon oreille. Puis il parle à
nouveau.—Es-tuentraindemouriràcausedel’entraînementouparcequ’ont’atirédessus?Jedétacheletéléphonedemonoreilleetleregarde.J’imagineque6heuresdumatinestune
heureoùl’onditn’importequoi.—Non,nesoispasidiot.Quiviendraitmetirerdessusdansmapropremaison?—Commentpuis-jesavoiroùtues?!Ilhurlecommes’ilétaitvraimentfurieuxcontremoi.—Excuse-moi,monsieurdemauvaispoil;maisjecroyaisquetuavaisuntrucpourlocaliser
les portables ! C’est àmon tour d’être en colère. Jem’attendais à de la compassion et jeme faisgronder!C’estquoitoutça?
—Quejenemetspasenmarchesaufsijepensequequelqu’unadesennuis,May!
Je clignedes yeux à plusieurs reprises tandis que je laisse cesmots faire leur chemindansmoncerveau.Celaprendunsensàprésentquejesuiséveilléedepuisplusdetroisminutes.
—O.K. D’accord. Je suis désolée si j’ai pu t’inquiéter en te disant que je suis en train demourir.
Ilneditrienpendantunlonginstant.—Ozzie?Tuesencorelà?—Oui,laisse-moiréfléchiruneminute.Tandisquelessecondess’écoulent,jesuisdeplusenplusconvaincuequejen’auraispasdû
utiliser mon portable ce matin. Ozzie n’est pas mon petit ami ; c’est mon patron. Mes musclesdouloureuxne l’intéressentpas ;cequ’ilveut,c’estque j’arriveavant7heuresau travailetque jeparteeffectuermamission.Pourquoiest-cequejen’arrêtepasd’agiravecluicommes’ilétaitmonpetitami?Qu’est-cequinefonctionnepasbiendansmoncerveau?
—Écoute,tuveuxprendretajournée?Tuassimalqueça?Jem’assoisaveceffort.«Non.» Jeprononce lemotcommesi j’étaisunedamedequatre-
vingtans.«Non.»Lasecondefoisestmeilleure.Jemesensplusforte.L’humiliationmedonnedesailes.
— Je ne veux pas une journée de congé ; ne sois pas ridicule. J’en suis seulement àmondeuxièmejourdetravail.
Félixgrimpesurmesgenouxetjejoueavecsesoreillessansypenser.—Maissituastropmal…—Non.Absolumentpas.Toutvabien.Jeserailàdansuneheure.Désoléedet’avoirappelé.Je
nerecommenceraipas.Ilneditrien.—O.K.Àtoutàl’heure.Salut.—Àtoutàl’heure…Ils’arrête…BoPeep.J’appuie sur fin et envoie mon portable dans les couvertures. Bo Peep. Bo Peep. Je t’en
donneraidesBoPeep.JepousseFélixpourqu’ildescendedemesgenouxetbalancemesjambeshorsdulit;cequimefaitgémir.Auparavant,jen’avaisjamaisimaginécombiendemusclesabdominaux,dorsaux,desbrasouducouétaientnécessairespouraccomplircesimplemouvement.Waouh!
Unedouchededixminutesetl’applicationgénéreusedecrèmesurmoncorpspourfaciliterunrapidemassagefontbeaucouppourmerendreunecertainemobilité.Enfait,j’arriveàmarcherenboitant seulement un petit peu. Mais chaque marche de l’escalier que je descends me tire ungémissement.Quandj’arriveenbas,jerisquevraimentdedégringoler.Jesaisislebasdelarampepournepasm’écroulersurlesol.Félixmerejointdetoutelavitessedesespattes:jepensequ’ilsesouciedemasanté.Ilnemequittepasdesyeuxetgémit.
—Net’inquiètepas,Félix.Jenevaispasmouriraujourd’hui.Jelelaissesortirdansmonpetitjardinpourqu’ilfassesesbesoins;jeremplissonbolavec
descroquettesetjelelaisselà,entraindejoueràtransportersonpique-nique.Quatreanti-inflammatoiresmeredonnentlapêcheet,unedemi-heureplustard,jesuisentrain
dechanterlajoiedesepromenerausoleilquandj’arriveàl’entrepôt.Jeperdsunpeudemabonnehumeur lorsque je voisDev debout aumilieu du garage ; il tient dans lamain une longue trique.Lorsquesesyeuxrencontrentlesmiens,ilfaitunevilainegrimaceetfrappesapaumeavecsonarme.
Trèsbien.Ilveutlajouercommeça?D’accord.Mieuxquebien!Jemerangedansuncoindel’entrepôt etmegare. Je sorsmonTaserdemon sac et descendsdevoiture. Jemedirigevers luiavantquemaportièreaiteuletempsdeserefermer.
—Tuessaiesseulementdeme toucheraveccette triqueet je t’envoie tellementd’électricitéque tu pourras alimenter tout l’immeuble enmettant ton doigt dans la prise. Je tiensmon pistolet
devant moi à deux mains, parce qu’un seul bras est trop faible pour y arriver tout seul. Je doisressembleràunduràcuireduFBI.
Toutlemondesemetàrire,Devcompris.Ilposelatriquesurlatableetouvrelesbras.—ViensembrasserPapa,BoPeep.Jesavaisquetuavaisçaentoi.Je soupire de soulagement et abaissemon arme, puis j’avance en boitillant pour rejoindre
l’équipe.
CHAPITRE29
—Fautquejetefélicite,ditToni.Elle tourne levolantde lacamionnettepourquenousnousgarions le longdu trottoir,àun
demipâtédemaisonsdulieuquenousdevonssurveiller.—C’étaitsuperlafaçondonttuasgéréDevcematin.—Ilnem’apaslaissélechoix.Je replace une mèche de cheveux derrière mon oreille et pivote sur mon siège pour la
regarder pendant qu’elle va et vient à l’arrière de la camionnette. C’est un minuscule centred’opérations,avecdeuxtabouretsbasinstallésdevantunmurd’écrans,etdeuxordinateursportablessuruneétagèretrèsétroitefixéesurunedesparois.J’aiétérassuréed’apprendrequetoutestblindé.
— Tu avais beaucoup d’autres possibilités. J’avais parié que tu ferais demi-tour et que tupartirais.
Monsourires’estompe.— Mais tu seras contente d’apprendre que tous les autres pensaient que tu resterais. Elle
trafiquedescâblessous l’étagèreet fronce lessourcilsparcequelquechosene répondpascommeellevoudrait.
Jen’aipasl’intentiondem’étendresurlepeudeconfiancequ’elleplaceenmoietjechangedesujet.
—Qu’est-cequetufaisparterre?—J’essaie (elle faitunegrimace)de trouver (elle tirede toutes ses forces surdescordons
d’alimentation) l’arrivée d’électricité (un fil lâche et lui arrive en plein sur la tête) pour lesordinateurs.
Elles’assoitetregardelefilensouriant.—Etvoilà.Tupeuxcourir,maistunepeuxpastecacher,salepetitvoyou.Ellebranchelesordinateursportablesetouvreceluiquisetrouvedevantelle.—Alors,dis-moicequenousdevonsfaireiciaujourd’hui?Je bouge surmon siège pour soulagermesmuscles.Mais, peu importe la position que je
choisis,çanefonctionnepas.Moncorpsestenmodecentpourcenthorsd’usage.—D’abord,ilfautquenousdéterminionsquelgenred’opérationestnécessairepourceque
nous devons surveiller dans cette rue ; ensuite, il faut que nous l’installions. Date limite depréparation:aujourd’hui.
Elleregardeparlepare-brise.
—Tudevraisvenirpariciavecmoiettirercerideau.Ellemedésigneunendroitderrièrelessiègesavant.Jeme retournevers l’arrièrede la camionnette et décroche le rideaunoirde son embrasse
derrièrelesiègepassager.Lerideaucourtd’uneparoiàl’autresurunraildemétalencastrédansleplafond.Quandilestenplace,lapartiearrièredelacamionnetten’estpluséclairéequeparl’écrandel’ordinateurportable.Tonisepencheenavantetappuiesurunetouchedumurd’écransenfaced’elle.Unepetitelumièrefrontales’allume.
Jemurmure:—Çafaitvraimentsuper-espion.— Si tu le dis. Elle est trop occupée à taper sur le clavier pour le quitter des yeux et me
regarder.Jemedétourneetattireàmoilamalletteenplastiquedurremplied’équipements.—Jevaisexaminertoutcela.—Bonneidée.Essaiequelquesobjectifs.Voissitupeuxarriveràzoomersurlamaison.Elle
s’arrêteetsepencheversmoipoursaisirlerideau.Tupeuxtirercepetitrabatetplacerl’objectifàcetendroit-là.Essaiedenepaslelaisserretomberavantd’êtreprêteàcomblerletrouavecl’objectif.
Lerideaunoircomporteuntroupourlacaméraespion.C’estsuper.Lepremierobjectifquejechoisisfaitl’affaire,autantqu’unobjectiflepuisse,enfait.Lorsque
jel’installedansletroudurideau,jepeuxsaisirdansleviseurlapetiteboîteauxlettresfixéeàcôtéde la porte d’entrée. La plaque est à peine lisible,mais je déchiffre le nom « Juarez ». Il semblevraimentqueceuxquinousintéressentn’ontjamaispenséàfaireleménagedepuisquelamaisonaété construite dans les années 60. C’est pourquoi nous n’arriverons probablement pas à voir autraversdesfenêtres.
—Jenesuispassûredevoirquoiquecesoit:lesfenêtressonttrèssales.ÇamerappelleMyCousinVinny19.
Ellesaisitlaballeaubond,cequimesurprend.—J’adorecefilm.Undemespréférés.Lesdeux“Djeuns”.Elleritetsecouelatêteensoupirant.Nousaimonslemêmegenredefilms,maisj’essaiedenepastropm’emballer.Àchaquefois
quejecommenceàpenserqu’elleetmoipourrionsêtreamies,ellemeprenddecourt.Parexemple,elleapariécontremoicematin.Jemedemandecequ’ilfaudraquejefassepourméritersonrespect.J’espèrequeçan’irapasjusqu’àmefairetuer.
Laportedelamaisons’ouvre.—Quelqu’unsort!Monpoulssemetàbattreàcoupsredoublésetj’aisoudaindumalàrespirer.Jesuistoutàla
foisexcitéeetmortedepeur.Qu’est-cequisepasseras’ilsnousvoient?S’ilssaventexactementcequenoussommesentraindefaire?Est-cequ’unecamionnetteblindéeestégalementàl’abrid’unebombe?
—Prendsdesclichés!—Oh,biensûr.Mondoigtappuiesurledéclencheur.Jefaisrapidementunemiseaupointsur
l’hommequivientdesortiretm’efforcedel’avoirdeprofiletdeface.Iltournedansnotredirectionpourmonterdanssavoiture,quisetrouveseulementàquelquesplacesdestationnementdel’endroitoùnoussommesgarées.
—Magnifique.Jevaisavoirdesphotossuper!—Continue.Onn’enajamaistrop.—Merciaunumérique,hein?—Ouais.Tonisedéplacederrièremoietj’essaied’imaginercequ’elleestentraindefaire.
—Écoute,s’ils’approcheencore,ilfaudraqueturedescendeslerideauetquetulerefermes.—Àquelledistance?Jecontinueàprendredesphotos.—Àmoinsdetroismètres.Jeprendsencorequelquesphotos,puisrecule.J’éloignel’appareildelafente;lerabattombe.Il fait à présent noir comme dans un four. Toni a dû éteindre la lampe pendant que j’étais
occupéeàprendrecentphotosendixsecondes.—Laprochainefois,préviens-moiavantdefaireça,grommelleToni.—Pourquoi?—Parcequec’estmieuxs’ilfaitnoiràl’intérieurquandturetiresl’appareil;commeça,ils
nevoientpasuncarrédelumièredanslerideau.—Oh.Désolée.—Net’enfaispas.Jemesuisdoutéequetuallaisfaireça,sibienquej’aiéteintlalumière.La
prochainefois,fais-moiseulementsigneavant.—C’estquoilesignal?—Lumières.—Oh.C’estfacile.—Nousessayonsdegarderleschosesaussisimplesquepossible;commecela,danslefeude
l’action,nousn’oublionsrien.Bonplan.J’imagine que je pourrais oublier un code plus compliqué que « lumières ». Je suis
secrètementadmirativedugéniequialaresponsabilitédescodesetdessignaux,quiquecesoit.Est-ceOzzie?Celameparaîtplausible.Ilsembleàlafoisréfléchietpragmatique.
—Tuenasdebonnes?demandeToni.Jepassel’appareilenmodepanoramaetfaisdéfilerlesphotos.—Oui.Plusieurs.Jeleluitends.—Tuconnaiscetype?—Non.Maisçaneveutriendire.Nouslepasseronsdansnotreprogrammedereconnaissance
facialeetverronscequenouspouvonstrouver.—Vousavezça?Ceprogramme,jeveuxdire?—Oui.Ondiraitqu’elleestsurladéfensive.— Pardon. C’est juste que… c’est un peu difficile de croire que vous avez quelque chose
d’aussisophistiquédansuneagencedesécurité.Vousn’êtespaslapoliceouquelquechosecommeça.
—D’abord,nousnesommespasn’importequelleagencedesécurité.Ozzienes’occupequed’opérationstrèsimportantes.Ensuite,noustravaillonsaveclapolice.Ilsnousdonnentaccèsàtoutessortesdebanquesdedonnées.Nousnepourrionspasvraimentfairedubontravailsanscela.
J’opineetréfléchisàcequ’ellevientdemedire.JesuisencoreplusimpressionnéeparOzzie.Si jene faispasattention, jenevaispas tarderàbaverd’envie toutes les foisqu’ilentreradans lapièceoùjesuis.
—C’estintéressant,continueTonienfixantsonécran.—Quoi?Elle se penche un peu vers la droite pour que je puisse regarder l’écran de son ordinateur
portable.Ilyaunephotographieaérienneduquartierquimontrelesmaisons,lesroutesetmêmelesvoitures.
—Qu’est-cequec’est?—Noussommesjusteici,explique-t-elleenmontrantdudoigtunpointsurlacarte.
—Jenevoispasnotrecamionnette.—Cettephotoaétépriseilyaquelquetemps.Ellenenousarrivepasendirect.Entoutcas,tu
voisça?Elledésigneunemaisondanslaruequisetrouveàcôtédecellequenoussurveillons.—Oui.—Tuaseul’impressionqu’elleétaitvidelorsquenoussommespasséesdevanthier?—Jenesaispas.Jenem’ensouvienspas.— Tu es censée te rappeler ces choses. Elle referme son portable et l’endroit est si étroit
qu’elledoitgrimperpar-dessusmoipourserapprocherdurideau.—Jesuisnavrée.Jecrainsd’avoirratéunautretestavecelle.Tonisoulèveunpandurideauetjetteunœilpendantquelquessecondes;puisellelerepousse
suffisammentpours’installerauvolant.—Allonsvoir.—Jepeuxveniràcôtédetoi?—Situveux.Ellefaitdémarrerlemoteuretquittel’endroitoùnousétionsgarées.Jegrimpeàl’avantetmetsmaceinturedesécurité.—Quevoulais-tudire:j’étaiscenséemesouvenirdecetteautremaison?—Lorsquenousfaisonsdelasurveillance,tonboulotconsisteàenregistrerlesdétails,àles
stockerdanstamémoirepourlesutiliserplustard.—Oh.Etquelsdétailsdois-jeenregistreretquelsautresdois-jenégliger?—Nenégligerien.Je neveuxpas répondrepar l’évidencequi serait :Oh, alors il faut que je fassemonter en
puissancemamémoirephotographique.—Situn’aspasl’espritfaitpourlesdétails,tuferaismieuxdeprendrebeaucoupdeclichés,
ajoute-t-elle.Jem’adossecontre le siègeetprendsunappareilpluspetit, avecunobjectifplusmaniable,
danslavalisequicontienttoutl’équipementquejesuiscenséeutiliser.—Trèsbien.Jepeuxprendredesphotos.Pastropdifficile.Unefemmeenvoituredansune
rue,quiprenddesphotosdechaquedétail:riendesuspectàça!—Tufinirasparapprendrecequiestimportantetcequinel’estpas.Elletournedanslarue
parallèleàlamaisonquinousintéresse.Ilfautquetuprennesdesclichésdelarueàpartird’ici.Lesmaisonsquiluisontcontiguës,leschosesinhabituellesquiteparaissentbizarres…
—Commequoi,parexemple?—Commeunefemmeassisesursonperron.Onn’envoitpasbeaucoupdans lecoin.Mais
quandc’estlecas,celapeutvouloirdiredeuxchoses.Soitc’estunegrand-mèredelavieilleécolequiaimesavoircequisepassedanssonquartier,soit ils’agitdequelqu’unquiestpayéparundealerpourfaireleguetaucasoùdespolicierssurviendraient.
—Lesgrands-mèresfontça?— Les grands-mères doivent manger. Toni ralentit lorsqu’elle s’approche de la maison
qu’ellearepéréesurlaphotosatellite.C’estbiencequejecroyais,continue-t-elle.Etellesourit.Jeprendsencorequelquesclichés,mêmesijenesaispastroppourquoi.—Qu’est-cequisepasse?Jel’interrogeetmepenchepourmieuxvoirlamaisonquandnous
arrivonsdevant.—Elleest inoccupée, j’ensuisàpeuprèssûre.Etunepartiede lapalissadeestcommuneà
celledelamaisonquenoussurveillons.Nouspourrionsavoirvuesurellesinousarrivonsàpénétrerdanscejardin.
—Est-cequecen’estpastroprisqué?—Jepariequenon.Viens,onvaallervoir.
Etvoilàquenosbleusdetravaildélavésprennentleursens.—Tuveuxdirequenousallonssortirdelacamionnette?—Oui.Relèvetescheveuxetmetstacasquette.Leslunettesdesoleilnesontpasobligatoires.Je suis trop stupéfaite pour protester. Je porte mes mains à mes cheveux et je suis ses
instructions;j’utilisel’élastiquequej’avaisaupoignet.J’aipeur,maisça,jepeuxlefaire.Jeneveuxpas que Toni soit outrée par ma couardise, même si je sais que les sentiments sont là pourm’empêcherd’avoirdesennuisaveclesvoyous.
L’ego.C’estparfoisunechoseterrible.J’enfonce ma casquette de baseball sur ma tête au moment où Toni sort de la voiture. Je
compte jusqu’à dix avant quemes doigts arrivent à saisir la poignée de la porte et à la tirer.Mesmuscleshurlentdedouleurquandjemelaisseglisserausoldepuislesiègehautperchédupassager.
—Amènetonappareil,maisqu’onnelevoiepas.Je leprendset leplacedansunedes largespochesdemacombinaisonde travail. Je le fixe
aveclesrabatsenVelcro.—Tiens,prendsça.Tonimetenduneboîteàoutils.—Qu’est-cequ’ilyalà-dedans?—Rienquipuisset’inquiéter.Faiscommesituétaiscenséeêtrelàettoutsepasserabien.Je transpiredéjà. Ilnefaitpassichaudqueça,maisqu’est-cequeçafait?Non.Cebleude
travail qui s’est transformé en sauna pour me faire transpirer n’est pas chaud à cause de latempératureextérieure,maisparcequejepanique.Jenesuispasblindée!
—Nous allons faire le tour par l’arrière.Nous sommesdesgéomètres-arpenteurs.Riendesuspectdevoirdeuxpoulettesfaireunboulotdegéomètres-arpenteuses.Ettoc.
JesuisToniquitourneaucoindelamaisonetremarquequelesfenêtressontcasséesou,aumoins, fêlées. L’odeur demoisissure est forte. Jeme demande si c’est l’une desmaisons qui n’ajamaisétéréparéeaprèsl’ouraganKatrina.Onm’aditqu’ilyenavaitencore.
Tonimarche,mètreenmain.Jelasuisdeprès.Laboîtequejeporterebonditcontremajambeetquelquechosedelourdetmétalliquecliquetteàl’intérieur.
—Ilvautmieuxêtrevraimentsilencieusespourlemoment,murmureToni.Moncœurfaitunbond.J’essaiedemarchersurlapointedespiedsdansl’herbe,maiscen’est
pasvraimentunsuccès.Elles’arrêteauboutdujardin,surlagauche.Jemerendscompteenlarejoignantquenous
noustrouvonsainsidevantlapalissadeàl’arrièredenotremaison-cible.J’aipeurdefairepipidansmonpantalon.
19.FilmréaliséparJonathanLynnen1992:deuxNewYorkaisysontaccusésdemeurtredansl’Alabama.Tonilesdésignedunomde‘yoots’,argotaméricainpour«youths».
CHAPITRE30
Tonisepencheetouvrelaboîteàoutilsqu’elleportaitsouslebras.Àl’intérieursetrouventuneperceuseetdifférentsforetsaumilieud’autresoutils.
—Ouvre la tienne,m’ordonne-t-elle.Elle sort la perceuse, dévisse l’embout et y insère unforet,lerevissefortementlorsquel’ensembleestenplace.
Jeretireleverroudemaboîteàoutilsetmoncœurmontedansmagorgelorsquejevoislepistoletqu’ellecontient.
Jemurmure:—Seigneur!Tonitendlamainetsortl’arme;ellelaplacedanslesmauvaisesherbesàsespieds.Ensuite
elleprendunepetiteboîtenoire.Jemurmureànouveau:—Qu’est-cequec’estqueça?—Regardeetinstruis-toi,BoPeep.Elleforeuntrouaubasdelapalissadequiséparelesdeuxpropriétés.Laperceuseabeauêtre
parfaitementinaudiblegrâceàuneespècedesilencieuxdedingue,d’autantqu’ellevasuffisammentlentement pour que le bois ne fasse qu’à peine un murmure, la sueur coule de mon front enminusculesrivières.Jesuisentrainderéfléchirsijenedevraispasramasserl’armeetl’avoirprêtepourTonisielleenabesoin.Iln’estpasquestionquejemeservemoi-mêmedecettechosestupide.
Laboîtenoire se trouve fixéesur lapalissadedeboisparquatre toutespetitesvis.Toni lesinsèremanuellement.Ellepoussesurunboutonetuneminusculelumièrevertes’allume.
—Trouve-moiunpeudevégétation.Jeclignedesyeuxplusieursfois:jenesaispasdequoielleparle.—Oudesdétritusouquelquechose.Ilfautquejerecouvrecetruc.Tout s’éclaire dansma tête et jem’empresse de rassembler quelques débris et des feuilles
mortes.Tonimelesprendetlesplacesurlesélémentsqu’ellevientd’assembler;puiselleensevelitlacamérasibienqu’elledevientinvisible,toutcommelalumièreverte.
—Parfait.Tonisemetdeboutetsourit.Prêteàpartir?—Certainement.Je suis fièred’avoir réussiàconservermoncalme.En fait, ceque jevoudrais, c’estcourir
jusqu’àlacamionnette.Maisj’emboîtelepasàTonid’unefaçonnaturelleetjetressailletandisquelasueurmedégoulinelelongdelacolonnevertébrale.
Lorsque nous sommes de retour dans la camionnette, Toni va vers l’arrière et allume sonportable.Ellecliquesurlepavétactileettournel’écranversmoi.
—Regardeça,regarde.Ellesouritdeplusbelle.Lacaméraquisetrouvedanslaboîtenoirepossèdeunobjectifàcentquatre-vingtdegrésqui
luipermetdevoirpresquetoutl’arrièredelamaisonainsiquelejardin.Laseulechosequenousnepouvons pas observer, c’est la pelouse qui se trouve sur la façade nord et l’autre partie du jardinarrière,parallèleàlacaméra.
—Pasmal.Jefaisunsignedetêteappréciateur.Decombiend’autonomiedisposelabatteriedecettecaméra?
—Quarante-huitheures,plusoumoins.—Waouh.C’estimpressionnant.—Lithium-ion.Elleestaussiétanche.J’aimelesgadgets.Ellefermesonordinateurportable
etselèvepourreveniràl’avantdelacamionnette.Jepivotepourqu’ellen’aitpasàpasserpar-dessusmesjambes.
Jedemande:—Onvaoùmaintenant?—Dernièrepartie.D’ailleurs,c’estcellequejepréfère.—J’aipresquepeurdeteposerlaquestion.Ellerit.—Tuvasaimer,jetelepromets.Ellequitte l’alléede lamaisonabandonnéeet revientvers l’autre rueoùnousétionsgarées
auparavant.Elles’arrêteaucoinetsegarelelongdutrottoirderrièreuneautrevoiture.Quandc’estfait,lemoteuréteint,elleretourneàl’arrière.Elleesttoutàfaitaufond,sibien
quejenepeuxrienvoircequ’ellefabrique.Savoixm’arriveassourdie.—Viensicipourjoueravecmoi,Polly.“Pollywantacracker?20”—Dis-moiquetun’aspasunperroquetlà-bas!Jemeretournedavantagepourmieuxvoir.—Oh,quesi!J’aiunperroquetici.Ellerigolecommeunsavantfou.Ellerevientversl’avantdelacamionnette;elletientquelquechosedenoirdevantelle.—Admireunpeu:voiciPolly.—Qu’est-cequec’estqueça?OndiraitunpetitXnoir,avecdespalesd’hélicoptèreenquatre
points.—C’estundrone,unParrot21.Ellegloussedejoie.Et,aujourd’hui,ilvaallers’installersur
unpylôneetespionnerpournous.Jetendslebrasetletouche,maisTonim’arrêteenmedonnantuncoupbrusquesurledosde
lamain.—Aïe!—Pastouche.Ilestàmoi.Jelèveunsourcil.—Ilaunecaméraincorporée.Jepensequeçaveutdirequ’ilestaussiàmoi.LesyeuxdeToniseplissent.—Nemetspastesgriffeslà-dessus,sinon…Mamâchoireentombedesurprise.Est-cequ’ellememenace?Ensuite,sonexpressionchangeetellesemetàsourire.— Je t’ai bien eue.Elleme fait signe de la rejoindre.Viens et aidemoi à faire voler cette
saloperie.
J’ai l’impression d’être un gosse dans un magasin de jouets. Je suis terriblement excitée.Depuis mon enfance, j’aime recevoir des gadgets pour Noël et mon anniversaire et celui-ci estextraordinaire.Jen’aijamaisrienvudesemblable.Jepensaisquetoutesceshistoiresqu’onprésenteauxinformationsausujetdedronesétaientdelascience-fiction.
Toni met en marche un programme sur son ordinateur et une fenêtre noire s’ouvre. Elleappuiesurunboutondudroneet,endeuxsecondes,lafenêtredel’ordinateursemetàtrembloter.Jediscernel’intérieurdelacamionnette,àl’endroitindiquéparledrone.
—Magnifique.Ellemeletend.—Tiens.Faisattention.Dansuneminute,jevaist’envoyeràl’extérieuraveclui.Monenthousiasmeestmodéréparlaréalitédenotresituation.—Àl’extérieurdelacamionnette,tuveuxdire?Ellearrêtedetapersurleclavierpourmeregarder.—Oùcroyais-tuqueceserait?Ellesecouelatête,manifestementdésappointée,puisseremet
à tapoter les touches de son ordinateur. Dès que je serai prête, tu sortiras de la camionnette et tuposeras Polly par terre. Je le ferai décoller. Ensuite, mon objectif sera de le faire atterrir sur leréverbère,justederrièrelacamionnette.
—Pourquoiest-cequetufaisça?— Parce que. Voir d’en haut, c’est formidable pour suivre l’activité de la journée, les
véhicules et parfoismême les personnes. Elle fronce les sourcils.C’est pas toujours fameux pouravoirlesvisages,maisdetoutefaçonçadonnedesinfosvalables.
Elle se penche et attrape une grande boîte noire. Avec des manettes de contrôle, de petitsmanchesàbalaietdesboutons.Elleabaisseuninterrupteuretçadémarre.
— O.K. Alors, tiens Polly par en-dessous et éloigné de ton visage. Je vais vérifier lesfonctions.
Jefaiscequ’onm’aditettienslachoseàboutdebras.Mesmusclessouffrentsousl’effort,alorsqueledronenepèseguèrepluslourdqu’uneplume.
Ilvibretandisquelespropulseurssemettentàbourdonner.Ilsvonttellementvitequ’onnelesvoitplus.
—Bien.Onestparées.Sorsetpose-lesurletrottoirderrièrelacamionnette.Prendsçaavectoi.Ellemetenduntalkie-walkie.Jeveuxquetum’informesdesdifficultéséventuelles.
—Desdifficultés?J’imaginedesvoyousavecdespistolets.—Ouais.Commedeslignesélectriquesquej’auraispunepasvoir,deschosescommeça.—Oh.D’accord.Compris.Dumoins,jelepense.Commenoussommesàpresqueunpâtéde
maisonsdenotreobjectif, jeme sensunpeuplus rassuréequedans le jardinà l’arrière,maispasbeaucoupplus.
—Vas-y.Ilfautqu’onrentrebientôt.Jejetteuncoupd’œilàmamontreetjem’aperçoisqueletempsfilequandonalapeurdesa
vie à l’idéed’êtredécouvertespendantunemissionde surveillance. Jen’en suispas trop contente.C’estpourtantmieuxqueletempsquipasseauralenti.
Jesorsde lacamionnetteavec ledronedansunemainetmontalkie-walkiedans l’autre.Endeuxsecondes,jesuisàl’arrièreduvéhiculeetjeposeledroneparterresurletrottoir.
Unevoixsortdelaradioémettrice,sibassequec’estàpeinesijel’entends.—Onestbien?demandeToni.J’inspecte l’appareil à la recherche d’un bouton et appuie sur le côté, à tout hasard. Les
parasitess’arrêtent.—Hum.Oui.Toutvabien.Jelâchelebouton.
—Bon.Maintenant,reculeunpeu.Jeneveuxpastecogneravecça.Jefaisdeuxpasenarrière,maiscen’estpassuffisant.Ledronedécolleàlaverticalesurtrente
centimètresenviron,puisviresurlecôtéets’écrasecontremacuisse.—Aïe,merde,putainde…Jesautillesurunejambeettented’empêchermoncridesortirde
mespoumons.—Qu’est-cequis’estpassé?Lavoixm’arriveparlehaut-parleur.Jeleserredansmesmainsetenfoncelebouton.—Tum’asenvoyéletrucdanslajambe!Jevaisavoirunbleu,jelesais.—Oh.Désolée.Jeréessaie.Encore?Jesuisquoi?Lemannequindeservicepourlesexercicesdecollision?Jegrommelleenramassantledronequiesttombédetraverssurlachaussée.Jeleremetssur
le trottoir et file de l’autre côté de la camionnette. De cette façon, je peux passer la tête derrièrel’anglemortetregarderàdistanceraisonnable.
Les pales reprennent leur ascension et l’engin se balance d’avant en arrière. Il s’élèvedoucementdusoletresteensuspensionàl’arrièredelacamionnette.Jereculeencore.Àprésent,jel’entends,mais jene levoisplus.Levrombissementdespalesn’estqu’un faiblemurmure. Je suissûrequ’aucundesriverainsnepeutl’entendre.
Toutàcoup,ledroneapparaîtsurlecôtédelacamionnette.—Ouch!Jerecule,jecours,maisilmesuit.Jemeruesurmontalkie-walkie.Arrêtedeme
pourchasseraveccetruc!Le drone effectue une sorte de bond dansma direction et, à la dernière seconde, repart en
arrièrepuissurlecôté,cogneleflancdelacamionnette,avantderetombersurlachaussée.J’ailesoufflepresquecoupétellementj’aieupeurd’êtreànouveaufrappée.J’appuiesurle
boutondemaradio.—Qu’est-cequetufous,Toni?Est-cequec’estunesorted’initiationàlanoix?Savoixm’arrivecommeungrondement:—Reprendscefoutuenginetrentre.Jem’enapprocheprudemmentet luidonnetoutd’abordunpetitcoupduboutdupied.Ilne
bougepas. Je le retournesur ledosetmepenchepour le ramasser. Ilvrombitune fois,mais je lesecouetrèsfortetils’arrête.
—Tunerecommencespas,Polly,espècedepetittrouducul.Jerentredanslacamionnetteaussivitequejepeux,tenantledroneàboutdebras.Derrière le volant, Toni a l’air furieuse ; elle regarde fixement au travers du pare-brise.
J’attendssonexplication.Cependant,ilnesemblepasqu’elleressentelebesoindem’endonnerune.Aucontraire,ellemetlaclédanslecontactetreculepoursortirdesoncréneau.
—Qu’est-cequisepasse,Toni?—Qu’est-cequisepasse,quoi?Elledébraye.—Jecroyaisqu’onallaitleposerenhautduréverbère.—Oui,moiaussi,maisçan’apasmarché,n’est-cepas?Ellemelanceunregardfurieuxet
retourneàsamanœuvre.Jemetsmamainsurlasiennepourl’arrêter.Ilyachezelleunevulnérabilitéquejen’avais
pasencoreremarquée.—Qu’est-cequinevapas?Elleprendunelongueinspiration,puislaissel’airressortird’uncoup.—J’aitoutfaitfoirer:jenesuispasarrivéeàfairevolerletruc.Jeregardel’engindansmesmainsetfroncelessourcils.—Tun’aspascomplètementraté.Tul’asfaitdécoller.
—Ilyaloinentrefairedécolleretarrimer.—Peut-êtrequenousdevrionsnousexercerailleursetrevenir.Elles’engagedanslarue.—Ozzienousattendpourlerapportdanspeudetemps.—Çanenousprendraguèreplusd’unedemi-heure. Jeconsultemamontre.Nousavons le
temps.Ellemâchesalèvrependantqu’elleconduitjusqu’aupâtédemaisonssuivant.—Où?Jedésigneunendroitquisembleabandonnéetparaîtavoirétéutilisécommedéchargeparla
population locale. Pour autant que toutes les bouteilles vides et les sacs en plastique qui y sontaccumuléspuissentêtredesindices.
—Là.Elle grimpe sur le trottoir et toute la camionnette se balance lorsqu’elle redescend sur la
chaussée.—Supercréneau.— La ferme. Elle gare la voiture et coupe le moteur. Elle me regarde et ses yeux sont
étrangementdénuésd’expression.Tuessûrequetuveuxfaireça?J’aifaillitecouperlajambetoutàl’heure.
Jesouris.—Raté.J’aidesréflexesdeninja.Ellegrogne.—Tiens,luidis-je,etjeluipasseledrone.TuvasposerPollyparterreetjevaisessayerdele
fairevoler.Ellefixeledronequ’elletientdanssamain.—Tucroisquetupeuxyarriver?—J’aidéjàeudesjouetstéléguidés.Çanepeutpasêtresidifficile,hein?—Raconteçaàtajambe.Ellemontremacombinaisondudoigt.Ilyaunetacherougeàl’endroitoùledroneapercuté
majambe.—MonDieu.Tum’asfaitsaigner!Ellesourit,maisavecunepointederemords.—Jet’aiditquej’aitoutfaitfoirer.J’ouvrelaporte.—Vas-y.Emporteleboîtierdecontrôle.Jevaisyarriver.Ellemesuitdehorsetnousnousplaçonsàl’entréedeladécharge.
20.Ou:«Pollyveutunbiscuit?».Ritournellebienconnueettrèsancienneenanglais.Elleapparaît,entreautres,dansTreasureIslanddeR.L.Stevenson(1883),maisestsouventutiliséeparlesSimpson.21.Parrot,marquefrançaisededrones,signifieperroquetenanglais
CHAPITRE31
—T’esuneemmerdeuse,tusaisça?Tonimeregarded’unairfurieux,lesbrascroiséssurlapoitrine.
Jemanœuvreledroneetlestabiliseàhauteurdesesyeux,àmoinsd’unmètred’elle.—Répèteunpeuettuvasvoircequivasepasser!Jerigoled’unejoiefoldingue.—Commentsefait-ilquetuarrivesàcontrôlercetrucavecseulementdixminutesd’exercice
etquejenepeuxpasfaireautrechosequeblesserlesgensaprèsdesheuresdepratique?—Jesuisunpiloteninja.Fautt’yfaire.Jeredescendsledrone,quis’arrêtedoucementàses
pieds.Onpeut y aller à présent ? Jemeurs de faim. Il est près de15heures et je n’ai rienmangédepuislebagelaufromageblancquenousadonnénotreemployeurcematin.
—Oui.Onpourrarentrerquandtuaurasplacéledrone.Mafanfaronnadepasseenmoderugissementsourd.—L’installer?Tucroisvraimentquejepeuxyarriver?—Ehbien,soittuyarrives,soittuleplantesettuanéantisl’undenosmeilleurséquipements
desurveillance.Ellerenifle.—Tumemetspaslapression.—Écoute,situveuxqueThibaultviennefaireletravailànotreplace,O.K.Jel’appelle.Elle
prendsonportable.—Non!Nel’appellepas.Onpeutlefaire.Jemonteàcôtéd’elledanslacamionnette.Laprise
depouvoirparlesfilles,hein?—Sûr!répondToni.Ellemetlemoteurenmarcheetnousrepartons.Situledis.Savoix est absolumentglacée. Jememords la lèvre tandisquenous retournonsversnotre
objectifet jemedemandesi jedevraisdirequelquechose. Jen’arrivepasàsavoirquellepourraitêtresaréaction;auboutdetroissecondes,jel’interroge.
—Disdonc,qu’est-cequetuas,Toni?J’aiditquelquechosepourtefâcheroubienest-cequetuasdécidé,toutsimplement,quetunem’aimespas?
Ellenerépondpastoutdesuite.Elleattendsilongtempspourlefairequejesuisconvaincued’unechose:ellevatoutsimplementignorermaquestion.Maiscelanemegênepas.Aumomentoùjevaism’excuser,ellerépond.
—Jenetedétestepasdutout.C’estseulementqueje…nesuispasunepersonnechaleureuseetprompteàs’amouracher.
—Ah!
—Jenem’entendspastrèsbienaveclesfemmes.Jeréfléchisquelquessecondes.—Est-cequetuasdessœurs?—Non.Troisfrères.Thibaultestl’und’eux.—Descousines?—Nan.Treizecousins.—Oh!C’estpasmaldetestostérone.Ellehausselesépaules.—J’ysuishabituée.Jen’aijamaisjouéavecdespoupées;jem’amusaisavecdessoldats.Je
préfèrelesbottesauxsandales.Je la regarde et lui souris. Elle est toute petite, avec des traits vraiment fins qui semblent
apparteniràunepoupéedeporcelaine.—Quoi?Ellemejetteuncoupd’œil,puisseconcentreànouveausurlaroute.Turegardes
quoi?—Jeregardeungarçonmanquéquiressembleàunefilletrèsféminine.—Oui,tuparles!ricane-t-elle.Unefilletrèsféminine.Ah,c’estmonjour.—Tumetsdes talons.Lesbottesque tuportais lapremière foisque je t’aivueavaientdes
talons.—C’estutilepoursedéfendrecontrelesvoyous.Jemerétracteintérieurement.—Quellehorreur!—Etmesjambesparaissentpluslongues.Jedétesteêtrepetite.Avecmonmètresoixante-dix,jenepeuxpasvraimentlaplaindre.—Dansnotreactivité,ilfautêtresolidepourmériterlerespect.Jefroncelessourcils.Voilàquin’augureriendebonpourmoi.Ellesetournedansmadirectionetcligneunœil.—Net’enfaispas,BoPeep.Pasbesoindecommenceràporterdesbottespourl’instant.Jerelèvelementon.—J’aidesbottes.Jeneprécisepasqu’ellesontdespaillettesdessus.Ellenerépondrienetcontinueàconduire.Moncœursemetàbattreplusvite lorsquenous
arrivonsànotredestination.Lamaison-cible.Touslesmouvementscompliquésquejefaisaisavecledroneprennentunnouveausensici.
— Prête ? demande Toni. Elle demeure assise, sans un mouvement. Elle attend que je luiréponde.
—Autantquejepeuxl’être.Elleouvrelabouchecommepourparler,maissecouelatêteetouvrelaporte.—Qu’est-cequ’ilya?Jemetsmamainsursonbraspour l’arrêter.Tuallaisdirequelque
chose.Ellesoupireetrépondsansmeregarder.—J’allaistedirequetoutallaitbiensepasser.Etquejesuiscontentequetusoisiciavecmoi.
Avecl’équipe.—Moiaussi.Jelepensevraiment.Vas-y.Qu’onmettel’enginsurcepylône.Elle se laisseglisser au sol,mais jevois son souriredans le rétroviseur.Moncœur faitun
bond de joie à l’idée que j’ai peut-être gagné une amie grâce àmon talent pour diriger des fousvolantsdedrones.
Jepasseàl’arrièrepourm’installerdevantl’ordinateur,lesmanettessurlesgenoux.
—O.K.,annonceToniparletalkie-walkie.Vas-ydoucement.Est-cequetuvoisquelquechosegrâceàlacaméra?
—Oui.Je repose la radio pour pouvoir utiliser mes deux mains. Je fixe des yeux l’écran de
l’ordinateurenfacedemoi.Ledronepossèdeunecaméraàl’avantquicaptetoutl’environnement,pratiquementavecunradiusdetroiscentsoixantedegrés.Vraimentimpressionnant.
— Il vient de décoller, continue Toni au moment où j’amène le drone au-dessus de lacamionnette.
Jemurmurepourmoiseule:—Doucement,doucement.Jevoislepylône.—Faisattentionàlaligneélectriquesurtagauche.Je peux imaginer la colère d’Ozzie si j’électrocutais son drone. Je serais pour toujours
« L’Exécutrice », j’en suis certaine. Et autant j’aimerais être débarrassée du surnom de Bo Peep,autantjepréféreraisquandmêmequelquechosedemoins…sévère.Ildevraityavoirunjustemilieuentreunpersonnagedecontedeféesetunemeurtrière.
—O.K.Surladroite,tuvoiscettepetiteplateforme?Tupeuxatterrirlà-dessusetdéployertescrochets.Cepetitdroneaunéquipementquiluipermetdes’agripperàdeschosescommecepylône:decettefaçon,ilnerisquepasd’êtreemportéparlevent.Hé-ho.
—Çaveutdirequoi,hé-ho?Jel’interrogedepuisl’intérieurdelacamionnette.Jenepeuxpasmeretourneretluirépondreparcequejeconcentremonattentionsurmesdeuxmainspourconduireledrone.
—Voyouprobableàdouzeheures.Soiscalme.Jepresse leboutonquidoit arrimer ledrone sur lepylône,puisme recroqueville surmon
tabouret.Cen’estpaspouruneraisondesécuritépuisquelerideauesttiré.Elleparledequoi?Puis je regarde l’écran de l’ordinateur et, grâce au drone, je vois exactement de quoi elle
parle.Untypeavancedansnotredirection,précédéd’unpitbullquitiresursalaisse.Est-cequ’ilvientdelamaison-cible?J’essaied’avaler,maisc’estdifficileàcausedelaboulequis’estforméedansmagorge.
J’entendsleursvoixparlaportearrièredelacamionnette.—Salut,qu’est-cequetufais?demandeletype.—Riend’intéressant.Ettoi?T’asunbeauchien.—Merci.Onestjustesortisfaireuntour.Qu’est-cequetufaisparici?Ildésignelepylône.
Tutravaillespourlacompagnied’électricité?Notrecamionnetten’aaucunemarqueapparente,endehorsd’unsignalmagnétiquequ’onm’a
ditêtreutiliséparlesentreprisesquitravaillentpourlacompagniedutéléphone.—Non.Téléphone.Toni fait un geste vers une boîte de dérivation proche. Je connecte des
nouvelleslignes.L’économierepart.—Bonnenouvelle.—Oui.Ehbien,j’aifini.Bonnejournée.Elleluifaitunsigne,faitletourdelacamionnetteet
monteàbord.—Nebougepas,murmure-t-elle.Je regarde l’écran pendant que nous quittons notre stationnement. L’homme se tourne pour
nousregarderdescendrelarue.—Jepensequ’ilnousarepérées,commenteToni.Jeleregarde:ilseretourneetcontinueàmarcherens’éloignantdenotreobjectif.—Jenepensepas.Ilpromènesonchienetneregardepasledrone.
Lentement,Tonilaisseéchapperl’airdesespoumons.—Dieusoitloué!Moncœurseremplitdefierté.—Onl’afait!—Oui,onl’afait.Nous sommes toutes les deux au septième ciel jusqu’à ce que nous arrivions à l’entrepôt.
Lorsquenousentronsdanslegarage,Thibaultnousattend,lesdeuxmainssurleshanches.—Ehbien?demande-t-ilavantmêmequelemoteursoitarrêté.Tonietmoidescendonsdelacamionnetteetellelerejointpourfaire«tope-là».—MissionaccompliegrâceàBoPeepquevoici.Jem’approche,unpeuintimidéeparcequ’ellemedonnetoutlecréditdel’affaire.—En réalité, je n’ai pas fait grand chose.Toni amis enplace la caméraqui surveille tout
l’arrièredelamaison.—Etelleafaitvolerledronejusqu’enhautdupylôneoùellel’afixé,ajouteToni.—Vraiment?Thibaultmeregarded’unairétonné.Commentçasefait?—Je…euh.JeregardeversToni.Ellefixelesoldesyeux.J’avaisenviedel’essayer.J’aime
lesautostéléguidéesetjepensaisqueceseraitamusantavecundrone.—Qu’est-ilarrivéàtajambe?demandeThibault.Ildésigneunetachedesangau-dessusde
mongenou.Jeregardemajambe.—Hum.Jenesaispas.Mêmemoi,jen’arrivepasàmetrouvercrédible.Ilestévidentqu’ilfautquej’amélioremes
talentsdementeuse.Thibaultsourit.—Tuneseraispasentréeencollisionavecundroneparhasard,hein?—Oh, tunevaspasrecommencer,Thibault?!Etmerde!Tonis’envacommeunouragan,
criant assez fort pour que tout le port de la Nouvelle Orléans l’entende. Encore une fois, O.K. ?Encoreunefoisetjetecogne!
Jenepeuxm’empêcherderirelorsqu’ilsoulèvesajambeetmemontreunepetitecicatricesursonmollet.
—Ellem’apincé.C’estunevraiefolledemaniaqueaveccetruc.Jesoulèveàmontourlajambedemonpantalon,révélantunepetitecoupuresurlacuisse.—Tum’endirastant.Thibaultrenverselatêteenarrièreetpartd’unriretonitruant.
CHAPITRE32
—Qu’est-cequ’ilyadesidrôle?demandeOzzie.Ilvientd’émergerdel’ombrederrièrelesappareilsdemusculation.Ilestennage.Mesaïeux!
Sahara le suit et elle sembleaussi épuiséeque je le suis.Est-cequ’il l’entraîneaussi ?Celanemesurprendraitpas.
—Toni a essayé de passer sa colère sur elle avec le drone.Thibault désignema jambe aumomentoùjelarecouvre.
—Encore?Ozziesecouelatête.Mec,elleestdangereuse.—Malgréça,BoPeeparéussiàarrimerledronesurlepylône.Cettefilleadestalents,jene
peuxpaslenier.Ozziemeregardecommes’ilmejaugeaitetjerosis.—Fais-moivoircettecoupureavantdemonter,décide-t-il.—Oh,c’estvraimentpasgrand-chose.Ellem’aàpeinetouchée.—Peuimporte…Vat’installerprèsdelatablelà-bas.Jeterejoinsdansuneminute.Jeboitilleverslachaise,nonàcausedel’accidentavecledrone,maisparcequ’àprésentque
l’adrénalinequittemonsystèmenerveuxjesensànouveaumesmusclesdouloureux.Merde!Quandest-cequemoncorpsvareveniràlanormale?
SaharaetThibaultmontentl’escalierensembleetdisparaissentdanslapiècedusamouraï.Jeprofitedecelapsdetempsoùjesuisseulepourmemasserlesbrasetlesjambes;j’attendsOzziequidoitregardermablessureoufairejenesaisquoid’autre.
Ilfautquej’empêchemoncerveaud’imaginerquesoninquiétudedépassecelled’unpatron;maisjeperdscettebataillelorsqu’ilredescend,s’assoitàcôtédemoietremontedoucementlajambedemonpantalon.Ilposesamainchaudesousmonmolletetsoulèvemonpiedpourledéposersursacuisse.
—Çafaitmal?Ils’inquiète,c’estévidentàenjugerparlesérieuxdesonexpression,sansmêmeparlerduton
desavoix.Iltouchetrèsdoucementlapeauautourdelablessure.Jesouhaitevraimentqu’ilarrêtedetournerautourdupotetqu’ilmetteplutôtsesgrandesmainssurmapoitrine.
OhmonDieu,qu’est-cequejeviensd’imaginer?!—Pasautantquetoutlereste.Jeplaisanteetessaiedeparaîtrebeaucoupplusàl’aisequejelesuisenréalité.Il lève les yeux vers moi, perplexe. Je remarque pour la première fois des mouchetures
ambréesdans sesyeuxverts. J’essaiedenepas les fixercommesi j’étais folle ;mais ils sont trèsbeaux.
—J’aiencoredescourbaturesaprèsnotreentraînement.— Ah. Désolé. Il débouche un désinfectant et en verse sur du coton. J’ai peut-être un peu
exagéré.—Non.Çava. Jeneveuxpasque tu fassesquelque chosede spécial pourmoi.Traite-moi
commetoutlemonde.Iltapotelacoupuresurmajambeaveclecoton.—Tusaisqueçanevapasêtrepossible,n’est-cepas?Ilnemeregardepas,maiscelan’empêchepasmapressionsanguinedegrimperjusquedans
lesétoiles.Non,biensûrquenon!Toutmoncorpsdevientchaudàcausedecetteseulephrase.Pourtant, je nedevrais probablement pas déduire qu’il pense à quelque chosede spécial. Je
suiscertainequ’ilditque jesuisplus faiblequesesautres recrues,cequi faitque j’aibesoind’unprogrammespécial,plusdoux,pourretrouverlaforme.
—Pourquoi est-ce que tu ne peux pasme traiter comme les autres ? Je te promets que jetravailleraiautantqu’illefaudrapourêtreauniveaudel’équipe.
Aprèslajournéequenousavonseueaujourd’hui,jesuiscertainedevouloirêtreici.JeveuxfairepartiedelafamilledesBourbonStreetBoys.Jen’aijamaisprisautantdeplaisirentravaillant.Enplus,ilyaOzzie.Etl’idéequejevaislevoirauboulot,c’estcommerecevoiruneprimedeNoëltouslesjours.
—Jen’aiaucundoutelà-dessus.Tut’esdéjàdonnéeàcentdixpourcent.Jenepeuxpast’endemanderdavantage.
—Alors,oùestleproblème?Jeretiensmonsouffleetattendssaréponse.Il fixema jambe, fait courir samain depuisma cheville jusqu’àmongenou tandis qu’il se
pencheencorepourexaminermacoupuredeplusprès.Avecceseulmouvement,sesdoigtstraînantainsilelongdemapeausensible,jesuisenfeu.Il
bougemajambeàgaucheetàdroite,regardemablessureetladouceurdesontouchern’estpascelledequelqu’unquijoueraitlerôled’unemployeurinquiet.Jenepeuxpasfairequ’imaginercela,n’est-cepas?
Ilmeregarde,lesyeuxplusnoirsqu’avant.—Jenepeuxpastetraitercommelesautres,parcequetun’espascommelesautres.Est-ce qu’il veut dire…?Non. Bien sûr que non. Il veut dire que je suis unemauviette. Et
regardonsleschosesenface,comparéeàToni,c’estcequejesuis.—Tuveuxdirequejesuisfaible,c’estça?BoPeep.Unefillequisepromènetoutelajournée
avecunehoulettepourgardersesmoutons.J’aihontedemoi-même.Pourquoiest-cequej’ainégligélasalledesports?Pourquoiest-ce
quejemangeautantdecheese-cake?Sonsourireestàpeinevisible,maisc’estunsourire.—Non,cen’estpascequejedis.Iltendlamainetpincemonbiceps.J’essaiedenepasreculer,maisn’yréussispastoutàfait.
Waouh!Mesmusclessonttellementendoloris.—Tuasdelaforce.Nousallonsseulementdéveloppercequetuasdéjà.Jesaisquetupeuxle
faire.Autrement,jenet’auraisjamaisembauchée.—C’estvrai?Ilyatellementdesignificationspossiblesauxmotsquenousavonséchangés,etellestournent
dansmatête.Est-cequ’onparled’uneemployéequifaitl’affaireoud’unefemmepourlaquelleiladessentiments?Parcequejesaisquej’enaipourlui.Jenepeuxpluslenier.Àchaquefoisquejeme
retrouveàsescôtés,jemesensplusprochedelui.Jeveuxleconnaîtremieux.Jemedemandesic’estmêmepossible:ilal’airdequelqu’undesiréservé.
Ilaffectel’indifférenceetseredresse.—Jenesaispas.—Tunesaispas?Quoi? Il sepassequoiencemoment? Ilétait tellementdoux ilyaun instantet le revoilà
devenuleOzziehabituel.Est-cequ’ilregrettedem’avoirdemandédetravailleraveclui?—Non,jenesaispas.Ilprendmajambeparlachevilleetlareposedoucementsurlesol.Ilse
rassoit,soupire,sepencheenarrièreetposesesmainssursescuisses.J’admetsquejesuisunpeuperplexeencequiteconcerne.
Jesouris.Finalement,jepensequenousvoilààégalitésurnotreterraindejeu.Peut-être.—Tuasl’aircontente.Ilfroncelessourcils.—Jelesuis,parcequemaintenantjenemesensplustouteseuledanscecas.—Tuesperplexe?—Onpourraitdireçacommeça.Pasquestionque je sois lapremièreà admettrequ’ilpourraity avoirune sortede réaction
chimiqueentrenous.Pourautantquejelesache,ilestpeut-êtreentraindeparlerdetoutautrechose.—Alors,noussommes réciproquementperplexes,conclut-il.Unsourireapparaîtauxcoins
desabouche.Jelepoussedupied.—Arrête.—Arrêtequoi?—Desourire.Illèvelessourcils.—Quej’arrêtedesourire?Monvisagedevientbrûlant.—Oui.Tumerendsnerveuse.Sonsouriredevientdécidémentsournois.—Nerveuse.Pourquoinerveuse?Jeluidonneunnouveaucoupdepiedsursabotte,cettefois-ci,plusfort.—Sérieusement,arrête.Jemelève,incapabled’ensupporterdavantage.Ilprendunedemesmainsetmeregarde.—Oùvas-tu?Sesdoigtssontsichauds.Tropchauds.Seigneur!—Ilfautque…j’yaille.Jenepeuxpasyarriver…jenesaismêmepasàquoi.Ilattendquejem’explique.Ah!Jenepeuxplussupporterça!Jen’aijamaisétébonneàcejeu.Ilesttempsd’êtreunpeu
honnête.Quelqu’undoitêtrelepremieràbriserlaglace,non?—C’estjuste…queçafaitunmomentpourmoietjen’aipaseubeaucoupd’expérienceparle
passé,d’ailleurs,alors…Jefrémisetfixelesolduregard.Ilnerépondpastoutdesuite,aussijerelèvelatêteetleregarde.Ilafroncélessourcils.—Dequoiparles-tuexactement?Frustrée,jelaisseéchapperunlongsouffled’airetensuite,lesmotssortenttoutseulsdema
bouche.Jenepeuxpaslescontenirpluslongtemps.—Sexe,monvieux.Dequoiest-cequetuparles?Ilselèvesansavoirlâchémamain.—Jeparlaisdetesentraînements.
Monvisagedevienttoutpâleetj’aisoudainvraimentdumalàrespirer.Mavoixsortcommesijecroassais.
—Oh,Seigneur.Jesuistellementgênée.Ilfautquej’yaille.J’essaiede libérermamainde lasienneetdem’éloignerde lui,mais ilneme lâchepas. Il
souritdenouveau.Nomd’unchien!Pourquoimesourit-ildecettefaçon?!—Tupeuxarrêter?!Sonsouriresetransformeenunpetitrire.Jeledévisageetjecomprendsqu’ils’estfoutude
moi.Toutletemps.Peut-êtredepuisledébut.—Oh,monDieu.C’estpaspossibled’êtreaussiaffreuxquetoi!Jesenslerougememonter
aux joues ; ilmontedepuismapoitrine,moncouetgagnemonfront.Personnenem’afait rougircommelui.
—Jesuisaffreux?Ilserapprochedemoi.—Tut’esabsolumentfichudemoi.Toutletemps.Jen’arrivepasàdécidersijedoischanter
dejoieoulefrapperàl’entre-jambes.Jenesaistoujourspasoùj’ensuis,maisàprésentjesaisqu’ilyadelachimieentrenous,des
deuxcôtés.Impossiblequej’imaginetoutça.—Nesoispasfâchée.Ilessaied’êtrecharmant,maintenant.—Fâchée?Moi?Tuveuxrire.Je me recule pour mettre un peu de distance entre nous. Surtout parce que je pense plus
clairementlorsqu’iln’estpastropprès.—Ilenfautbeaucoupplusqu’untypequim’enquiquinepourmemettreencolère.Jem’éloigneunpeu.—Oùvas-tu?demande-t-iltandisqu’illaissemamainglisserhorsdelasienne.—Jevaisallerdéjeuner.Ilsepenche,attrapemamain,m’attireànouveauversluialorsquejenem’yattendaispas.Je
trébucheettombesurlui.Ilmeprenddanssesbras,commesinousétionsdansionslerock.—Tuasoubliédemedireaurevoir.Ilsedresseau-dessusdemoi,lesyeuxpétillants.
CHAPITRE33
Lesouvenirdenotredînerauhomardetd’Ozziesurleseuildemaporte,medisantaurevoiravecunbaiser,revienttoutd’uncoup.Ill’aaimétoutcommemoi!Ilveutqu’onrecommenceautantquejelesouhaite!Jevaisavoirunecrisecardiaquependantlesheuresdetravail!
Uneportes’ouvreau-dessusdenous.Jepaniqueetmeredresserapidement;jemedégagedesesbras.Volerunbaiserdetempsentemps,c’estunechose;laisserlesautresemployésvoirqu’ilyaquelque chose entre nous, c’en est une autre. Pas question. Je perdrai jusqu’audernier grammedecrédibilitéauprèsdemescollègueset,quandce respectn’estdonnéquepardemi-gramme,chaquemilligrammecompte.
— Au revoir, Ozzie. Bon après-midi. Je m’éloigne, le menton fièrement levé et les jouesempourprées ; je rejettemes cheveux en arrière. Ça, je peux le faire. J’arrive àmimer un calmeparfait alors que je fonds à l’intérieur comme une barre de chocolat sous le chaud soleil de laLouisiane.
Luckydescendl’escalieretnousnousrencontronsalorsquejesuissurlapremièremarche.Ilaunetriquedanslamaindroite.
—Onmeditquetuessurlalistepourl’infirmerie,déclare-t-ilquandnousnoustrouvonsaumêmeniveau.L’armependàsoncôté.Iln’amêmepasl’airdesavoirqu’elleestlà:commesiellefaisaitpartiedesatenue,aumêmetitrequ’uneceintureouunemontre.
Hum,étrange.Ilss’enserventenhaut?Ondirait,sinonpourquoilatriqueserait-ellelà?Jenedis rien : c’est peut-être normal pour eux. Peut-être qu’ils se baladent comme ça, sans raisonparticulière.
—Nenni,pasd’infirmerieencequimeconcerne.Jeneveuxpenseràladouleurquicontinueàtenaillertousmesmuscles.Jevaisbien.
—Tuaspositionnél’appareildesurveillance?—Oui,nousavonsréussi.Jesouris,toutefièreetheureused’avoirunsujetdeconversation
autrequemesblessuresoumonmanquedesexeetledésird’enavoirbeaucoupavecOzzie.—Bravo!Ilmedonneuntrèslégercoupdepoingenguisede«toper-là».Jepensequec’est
lapremièrefoisdetoutemaviequ’onm’enfaituncommeça.Onsevoitdemain?—Tuasfinilajournée?— Il faut que j’aille au poste de police pour parler à des inspecteurs ; alors, je vais rater
l’excitationdel’après-midi.Jeregardepar-dessusmonépaule.Ozzienousregarde.«Excitation?»Jemeretournevers
Lucky: jenesuispassûrdecomprendre.Jepensaisquej’allaisàuneréunionlà-haut.Ladernièreétaitintéressante,maisjenesaispassijel’auraisqualifiéed’excitante,enelle-même.
Lucky regardeOzzie et fronce une seconde les sourcils avant de reporter son attention surmoi.
—Oui.Rapportpériodique.Nousenavonsnormalementuntouslesdeuxjours.Jefaisouidelatête.—Ah.O.K.Bien,alorsàdemain!—Hé,çanet’embêtepas?Ilmetendlatrique.—M’embêter…?—Remonterçalà-hautpourmoi.Jevoulaislalaisseràl’étageetpuisj’aidûêtredistraitpar
quelquechoseetjel’aigardéeàlamain.Jesouris.—Biensûr.Aucunproblème.Oùveux-tuquejelamette?Ilébaucheunsourireets’arrêteimmédiatement.—Donne-laàDev.—O.K.Je plisse les yeux en le regardant, et j’essaie de deviner pourquoi il fait tant d’efforts pour
paraîtresérieuxalorsqu’ilamanifestementenviedesourire.J’examinelatrique,maisjenevoisriende bizarre. Elle a l’air parfaitement normale, à peu près un mètre de long et six centimètres dediamètre,plusépaisseauboutquetenaitLucky.Jetrouveaussiqu’elleestplusfacileàmaniersijelatiens par l’extrémité plus large. C’est plutôt lourd, mais pas tant que je ne puisse la brandir. Jedemanderaipeut-êtreplustardàOzziecommentons’ensertcorrectement.
—Àplustard.—Ouais.O.K.Àplus.Je continue àmonter l’escalier etm’arrête devant le pavé tactile près de la porte.C’était le
nomdequipourlecodedececôté-ci?Toni?JetapeT.O.N.1,maisriennesepasse.O.K.Alors,cen’estpasToni.Donc,cedoitêtre…Thibault?J’essaieT.B.O.1etj’entendsundéclic.Mêmesijesaisque,d’enbas,Ozziem’avuemetromper,jesouris.Finalement,jem’ensuissortie,non?Jenesuispascomplètementnunuchequandils’agitdecetrucdesécurité.
Jepousselaporteetunmouvement,rapidecommel’éclair,passedevantmonœil.—Raaaaahhhh!hurleunevoixforte:unvraicrideguerre.Unelameargentéevoledevantmonvisageetuneénormebêteblanches’élanceversmoi.Jehurleaumeurtreetfaisunbondenarrière;jefermelesyeuxetbalancematriquedevant
moidetoutelaforcequemedonnelapeur.Audiablemesmusclesdouloureux.J’entrebrusquementencontactavecquelquechose.
—Aïe!faitunevoixsonoretandisquelatriques’abatsurquelquechose.J’ouvrelesyeuxetjevoisDev,pliéendeuxetsetenantleventre.Danssonautremain,ilserre
unegrandeépéequipendàprésentlelongdesajambe.—Est-ceque…?Est-ceque…?Jenepeuxmêmepascroirecequejevois.Etpuis,jeréalise
ce qui vient de se passer et ça me rend furieuse. Est-ce que tu m’as attaquée avec un épée desamouraï?!
—J’aiessayé,articule-t-ilavecdifficulté.Jelèvematriqueetjelefrappesurl’arrièredel’épaule.—Ahhhh,merde!hurleDev.Pourquoit’asfaitça?Sondoss’estarquéetpenchedecôté;il
setorddedouleur.—C’estparcequetum’asfaitunepeurbleue,espèced’idiot!Jelaissetomberlatriqueàses
piedsoùellefaitunbruitdecliquetis.Jelepousseetpassedevantlui.Voilàtonimbéciledetrique,
espècedepantin.Nerecommenceplusjamaisçaavecmoi!Ils’affaissesurlecôtéquandjelepousseets’écroulecontrelechambranledelaporte.Puisil
setasse,surleflanc,àterre.—Tesréflexessontbienmeilleursque jene l’avaispensé,grommelle-t-il,savoixchangée
parladouleur.Jesuispresquesortiedelapièceetpasséedanslacuisinelorsquejeluiréponds:—Tuviensdetefairebotterlesfessesparquelqu’unquetuaimestraiterdeBoPeep.Sij’étais
toi,jecommenceraisàm’interrogersurmafacultéàjaugerlesgens.Quandjepénètredanslacuisine,TonietThibaultsontassisàlatableetsourientd’uneoreille
àl’autre.—Tul’asflanquéautapis,hein?interrogeToni.Ellecontinuedesouriretandisqu’ellemord
danssonsandwich.—Non,jeluiaijustemisunepetitebaffe.—J’avaisl’impressionqu’ils’agissaitdeplusqueça.Dev entre en boitillant dans la cuisine ; il a retiré sa chemise. Il a une marque rouge sur
l’estomac.—Est-cequej’aiuneecchymose?demande-t-ilentournantledosàlatable.Jem’enfonce surmon siège et j’essaie de ne pas culpabiliser en voyant lamarque qu’il a
égalementsurl’épaule.Çavasûrementluifairemalpendantunmoment.—Pasencore,maisçanevapastarder,répondThibault.Jet’avaisditdenepaslaprendreen
traître.Je sens la fierté envahirmon âme.Thibault pense que je ne suis pas du genre àme laisser
impressionnerparuneattaqueavecuneépéede samouraï ?Super.Peut-êtrequ’en fait, je suisunedureàcuire.Jeprendsuneserviettedanslapileetchoisisunsandwichsurunplateauaumilieudelatable. Je n’ai pas la moindre idée de ce qu’il peut y avoir dedans, mais je suis bien décidée à lemanger.J’aiunefaimdeloup.Jesuisabsolumentaffaméeparcequej’aiétéattaquéeàl’épéeetj’yaisurvécu.
—Elleabesoind’uneformation,reprendDev.—Jetesuggèredel’essayersousuneautreforme.J’airépliquésansm’arrêterdemâcherce
quidoitêtreunsandwichàladinde.Pasd’attaquesurprise.—Ilfautquetugardestesréflexesaiguisés.Devs’assoitets’attribuesixsandwichs.Personne
neremueuncildevantsonappétit.—Ondiraitquetespropresréflexessontunpeurouillés,ironiseThibault.—Nan.J’avaisuneépée.Jeneveuxpasl’utilisercontreelle.Ellen’estpasprête.J’avale unmorceaudemon sandwich, qui s’est pratiquement transformé en sciure dansma
bouchelorsqu’ilarépondu.—Prête?Tupensesvraimentquejeseraiprêteunjourpourrépondreàuneattaquedecette
sorte?—Sijefaisbienmonmétier,oui.Labouchepleine,Devmefaitunclind’œil.Tuserastoutà
faitprête.Tupeuxfaireconfianceàl’entraînement.Jesecouelatêteetmordsànouveaudansmonsandwich.—Tuesfou.J’aidanslaboucheunmorceaudetomate,maiscelanem’empêchepasdeparler,bienquece
soitimpoli.Toutepersonnequimeprendentraîtreperdledroitàbénéficierdemesbonnesmanières.Jedoiscependantadmettrequejesuisplutôtexcitéeàl’idéed’arriveràuntelniveau.Maisiln’yarienenmoiqui souhaiteêtreattaquéeà l’épéepourdevrai.Dieuduciel ! J’ai rejointcetteéquipepourprendredesphotos,paspourcombattredesninjas.
Ozziearrivedanslapièceetprendsaplacehabituelleauboutdelatable.—Commentçaaétéaujourd’hui?IlregardeToni;jeconservedonclabouchefermée.Jesuisheureusequ’ilsefocalisesurelle
parcequej’aiunpeupeurqu’ils’adresseàmoidirectement.Jenesuispassûredenepasluifairelesyeuxdoux.
—Bien,répondToniquines’estpasrenducomptedemonmalaise.Onamisunecaméraàl’arrièredelamaison.Ilfaudraqu’onretournechangerlabatteriedansdeuxjours.Ledroneestsurlepylône, si bienquenousavonsunevuepanoramiquedes lieux.BoPeepaprisdes clichésd’unhommequiestsortidelamaisonpendantquenousétionslà-bas.
J’arrêtedemastiquer. J’auraisprobablementdûmonter la caméra à l’étagepour la réunionafinqu’ilspuissentregarderlesphotos.Flûte.Erreurdedébutante.Grrr.Jedéteste.
—Jepeuxvousmontrerlesphotossivousvoulez.Ilfautjustequej’ailleenbas…Ozziebalaiemapropositiond’ungeste.—Plustard.Qu’est-cequis’estpasséavecletype?Tonilèveuneépaule.—Ilpromenaitsonchien.—Quia-t-ilvu?Touteslesdeux?—Non.Moiseulement.—O.K.Jeneveuxpasquetuyretournespourlemoment.Tonilâchesonsandwichsursaserviette.—Merde,disdonc!Ilnes’estdoutéderien.Ozziesefige.—OnaperduHarley.Nousne sommespascertainsqu’ilsm’aient situé,mais s’ilsontdes
soupçonsnousnepouvonspasenvoyerlamêmepersonnedeuxfoisdanslevoisinage,compris?Elleprendunairrenfrogné,maisfaitouidelatête.—O.K.Entendu.—Tupeuxvisionnerlesphotosaufuretàmesureetvoirs’ilyaquelquechoseàentirer.Ellesecoueànouveaulatêteetretourneàsondéjeuner.Manifestement,ellen’estpascontente.—Qu’est-cequetuenpenses?demandeOzzieenmeregardant.Jebalayeduregardlesvisagesquiattendentquejerépondeetj’espèreyglanerunepossible
indication,mais ils restent impassibles. Je soupire,vaincue.Mevoilà sur la sellettedudébutant. Jedétesteêtredanscettepositionetjen’ysuisquedepuisdeuxjours.
CHAPITRE34
—Qu’est-cequejepensesurquelsujet?Jen’aimeguèrequ’onmemetteaupieddumur.Jenem’ysuispaspréparée.Etsi j’ai l’air
stupide?Jen’aipasencoreeudeformationàl’espionnage.Jen’enconnaismêmepaslevocabulaire.—Quepenses-tudecequevousavezfaitaujourd’hui?expliqueOzzie.Tuyassongé?—Ehbien…Jeréfléchisquelquespetitessecondesavantdecontinuer.Jepensequeças’est
bien passé. Une personne nous a vues, en effet, mais il croyait que nous faisions partie de lacompagnie d’électricité. Toni lui a dit qu’elle travaillait pour la compagnie des téléphones. Nousavonsvérifié:iln’apasdutoutregardéendirectiondudrone.
—Bien.Quelquechosed’autre?—Hmmm…bon,jemedemandaisseulement…çan’arienàvoiraveccequenousavonsfait
aujourd’hui,maiscommentont-ilsdécouvert ton identitéen tantqu’Harley?Dans lebaroù j’étaisavecFélix.Tuasditquec’étaitdemafaute.
—Letypequinousatirédessusfaisaitpartiedeleurbande.S’ilm’atirédessus,celaveutdirequ’ils’estdoutéqu’ilyavaitanguillesousroche.Ilfautcroirequeçaavaitquelquechoseàvoiraveclefaitquetusoisentréeavectonchiendanstonsac.Parcequ’avant,toutsemblaittranquille.Peut-êtrequejemetrompe,maisjeteregardaiset,quandils’enestaperçu,ilestdevenusoupçonneux.Quandjesuispartit’aider,çal’aconfirmédansl’idéequejen’étaispasceluiquej’étaiscenséêtre.Tun’espasprécisémentlegenredefillesqu’aimeraitHarley.
— Ce qu’il veut dire, c’est qu’il a réagi comme quelqu’un d’honnête et non comme unvoyou,m’expliqueToniquiadûremarquermaperplexité.
—C’estça,acquiesceOzzie.Voilà.Jesuissortidemonrôle.Mauvaiseidéeaumilieud’unebandepareille.Ilssontvraimentparanos.
J’essaiedemereprésenterlascène.JenemesouvienspasdutypeaveclequelHarleyétait.Est-cequec’estl’hommequinousatirédessus?
—Tuparlesdecetypechauveavecunemoustacheetuneénormeverruesurlajoue.—Tuasvutoutça?Ozziem’observeànouveauintensément.Bonsang,sonhumeurchange
commelevent.—Biensûr.Ilm’aregardéejusteaprèsavoirtiré.Tuessayaisdem’éloignerdelatable,mais
jepensaisquemasœurétaitlàetjenevoulaispaslâcherprise.J’étaisfaceàluipendanttoutcetemps.Thibaultpousseunlongsoupir.—Qu’est-cequ’ilya?J’observelesautresquiéchangentdesregards.Ilsontmanifestement
l’airinquiet.—Tudisqu’onl’asuiviejusqu’àchezelle,rappelleThibaultàOzzie.Cen’estpasbon.—J’aimonsystèmedesécuritémaintenant;d’ailleurs,personnen’estvenum’inquiéter.Jenesaispastropcontrequoijemedéfends,maisilestclairqu’ilssontentraindedécider
d’unplanentreeux.Toutlemondecomprend,saufmoi.— Elle ne devrait pas sortir d’ici, souligne Thibault. Puis, il fait un bond de surprise et
regardesasœurd’unairfurieux.Jelascruteparcequejevoudraiscomprendrepourquoielleluiadonnéuncoupdepiedsous
la table.Est-cequ’elleneveutpasdemoi ici?Est-elle inquiètepourOzzieetmoi?Est-cequ’ellel’aime?MonDieu,ceseraitterrible.QuandTonietmoiallionsdeveniramie!J’ensuissûre.
Untriangleamoureux.Zutdezut.Jedécidede les surveiller deplusprès.Pour rien aumonde jenevoudrais empiéter sur le
territoired’uneautrefemme,mêmes’ils’agitd’Ozzie.—Tu as raison.Ozzieme regarde et son expression est on ne peut plus déterminée. Je te
ramènecheztoipourquetupuissespréparerunevalise.—Tuveuxdurenfort?demandeToni,lementonunpeuplushautqued’habitude.—Non,nousavonscequ’ilfaut.Jelèveundoigt.Ozzielèveunsourcil.—Oui?Unequestion?Jesourispolimentetbaisselebras.—Plutôtuncommentaire.Jeneveuxpasdormirici.—Ellen’aimepaslelitdecamp,souritThibault.Tudevraisluilaissertonlit.—Cen’estpaslelitdecamp.Jeprécipitemesmotsetessaied’arrêtercetteconversationauplusvite.Laseuleidéedeme
retrouverdanslelitd’Ozziemedonnedessueursfroides.—C’estjustequ’ilyaFélixetjenepeuxpaslelaissertoutseul.Etc’estmamaison,alorsj’y
aitoutesmesaffaires.L’excuseparaîtnulle,mêmeàmespropresoreilles.—Ceseracommeallerenvacances,intervientToniquin’apasl’airtrèsimpressionnée.Ta
maison peut survivre sans toi pendant quelques jours ; le temps que nous évaluions le danger. Tut’inquiètesdequoilà-bas?Desplantes?
—Ehbien,oui.J’aidesplantes.Cen’estpasquejevaisleurmanquer.Ellesontbesoind’eauunefoisparsemainecarjelesai
toutesmises à l’ombre. Jem’inquiète seulement au sujet des choses idiotesque jepourrais dire etfairesijevisàproximitéd’Ozziependantplusieursjours.Mavolonténepourraysuffire.
—Ons’occuperadesplantessinécessaire.OzziefaitsigneàThibaultdeluipasserquelquechose.Thibaultluidonneunclasseur.
—Mais…Ozzielèvelatêtedudossierqu’ilétaitentraind’ouvrir.—Tuesune employéede cette société. Jenepeuxpas te renvoyer chez toi si l’endroit est
dangereux. J’espère que nous pourrons neutraliser les difficultés en quelques jours et tes plantesn’aurontpasletempsdemourirdesoif.
J’ouvrelabouche.Jemetrouveembarquéelà-dedans:l’idéedevivreavecOzzien’estcertespasdésagréable,maisjen’aimepasavoirlesentimentqu’onnemelaissepaslechoix.
— J’apprécie ce que tu as dis et te remercie de t’inquiéter pourmoi ;mais je ne vais pasacceptertonoffre.
Je hoche la tête pour qu’ils voient bien que je suis vraiment sérieuse. Je dormirai avecma
porteferméeàdoubletouretungrandcouteaudecuisinesousmonoreiller.Toutirabien.Peut-êtreDevmeprêtera-t-ilsatrique.Ilsemblequej’aieundonpourm’enservir.
ThibaultetToniregardentOzzie.Illeurfaitunsignedetête.Ilsselèvent,quittentlatableetsedirigentversl’escalierextérieurenpassantparlapièceauxépées.J’entendslaported’entréequiserefermederrièreeux.J’imagineque,pourOzzie,cehochementdetêteétaituncodepour:Sortez,quejepuisseluifaireentendreraison.
—Jenerestepasici,Ozzie.Etjenechangeraipasd’avis.Sesyeuxsontàl’oragemaissonexpressionresteimpassible.—J’iraiailleurssilefaitquejesoislàterendmalàl’aise.— Ce n’est pas ça. Je mâchonne ma lèvre après ce mensonge. Je ne trouve pas d’excuse
raisonnable.J’aimemapropredouche?Tonchienadesgaz?Monhibiscusvamemanquer?—Quoiquecesoit,jesuiscertainquejepeuxarrangerça.—O.K.Trèsbien!Jecontinued’unevoixbeaucouptropforte.—C’esttoi!Voilà.Tuescontentmaintenant?—Non.Je n’en suis pas sûremais, d’après son expression, je dirais que je l’ai blessé. J’essaie de
supplieraulieud’avoirl’airfrustrée.—Ozzie,voyons.Tudoispouvoircomprendrecequecelamefait.—Non,pasvraiment.Explique.—Jet’airencontréilyamoinsd’unesemaineet tuavaislabarbelaplushideusequ’onait
jamaisvuesurlafigured’unhomme.—Ellen’étaitpassiépouvantablequeça.—Si,jet’assure:vraimentaffreuse.Ilyavaitprobablementdepetitsoiseauxnichésdedans.
Puis, tu m’as sauvé la vie. Et tu t’es rasé et tu avais préparé un dîner extraordinaire et tu m’asembrassée!Etjenesuispasimmuniséecontrecegenredechosescharmantes,tucomprends?Pasdutout.Et,commeje l’aiadmisdefaçongênante toutà l’heure,ça faitunmomentque jen’aipaseud’amoureux.Alors,jesuiscommequidiraitprêteàexploserquandjepenseàtoi.Etjeneseraipastrèsàl’aisesijesaisquetudorsauboutducouloir.
Ilresteassisàmeregarderfixementpendantuntempsinfinimentlong.Çamerendfolle,maisjerefusededireunmotdeplusavantqu’ilaitrépondu.Personnenepeutêtreplusentêtéequemoilorsquejedécidedel’être.D’ailleurs,jemesuisdéjàassezhumiliéepouraujourd’hui.
—Alors, si je tecomprendscorrectement,ceque tudisc’est…que jesuis irrésistible.Sonexpressionnechangepas.
—Cesonttesmots,paslesmiens.—Sijeprometsdetedonnertonespacepersonnel,oùtupeuxfermerlaportepourquejene
puissepasvenir;etoùtupourrasfairecequetuveux,est-cequetuseraisd’accordavecça?—Non.Jen’aijamaisditça.J’aiditquejevoulaisdormirdansmonlit,dansmamaison.—Etrisquerquequelqu’unviennecheztoietfasseensortequetunepuissespasledécrireà
lapolice?Quandilprésenteleschosesdecettefaçon,j’aiplusdemalàrépondre.Maisjelefaismalgré
tout.—Oui.Jepeuxm’entirer.Ilhausselesépaules.—Trèsbien.Tuasdeuxchambresàcoucher.Jeviendraim’installeravectoidanslaseconde.—Non!—O.K.JevaisdemanderàThibaultdevenircheztoi.—Non.PasThibault.Çaempireau lieudes’améliorer.Depuisquandest-cequejesuisune
négociatriceaussipitoyable?—Lucky?Ilpourraitamenersonpoissonrougecheztoisanstropdedifficulté.—Non,iln’enestpasquestion.Jenepeuxpasimportunermescollèguescommeça.C’estvraimentgênant!Monsurnomne
changerajamaissij’aibesoind’unbaby-sitterdèsmapremièresemaine.D’ailleurs,jenepensepasdutoutquejesuisendanger.Sicetypeenavaitaprèsmoi,ilm’auraitdéjàtrouvée.
—Devnepeutpaslefaire,m’expliqueOzzie.EtjesuisàpeuprèscertainqueToniseraitunebelleemmerdeuse.Cequifaitqu’iln’yaplusquemoipourtoi.
Je relève le menton. Je suis d’accord pour Toni. Je pourrais me débrouiller si c’était unefemmeetnon l’undesgarçons. Jenesaispaspourquoi.Çan’aaucunsens ;unbaby-sittingestunbaby-sitting.Mais,aumoins,avecunefemme, j’aurais l’impressionqu’ils’agiraitdavantaged’unecolocataireéphémèrequed’ungardecorpstemporaire.
—TupréféreraisquecesoitToniquiveillesurtoiquemoi?Est-ceuneffetdemonimaginationoubienest-cequ’ilal’aird’enêtreblessé?Peut-êtreest-il
simplementoffensé.Elleestplutôtchétive.—Non, cen’est pas ça.C’est justequ’avecToni, jepeux restermoi-même.Et jeveuxêtre
moi-mêmequandjesuischezmoi.Maréponsesetransformeenplaidoyer.Tupeuxcomprendreça,non?
Jepensequejel’aipresqueconvaincu.Ilestprisaupiège.Jelesensquiestentraindecéder…—Non,déclare-t-il.Celan’aabsolumentaucunsens.Jem’installeavectoicettenuitetpour
l’avenirproche,jusqu’àcequenousayonsévaluélamenaceetdéterminésielleexistetoujoursousinousl’avonssupprimée.
Jemelève.—Etsijerefuse?—Jeconnaislecodedetonalarme.Ilparaîtsurlepointdesouriremais,heureusementpour
lui,ilestassezmalinpourseretenir.—Non,tuneleconnaispas.Ilnel’apaschangélorsqu’ilestvenuchezmoi.—L’anniversairedeThibault.J’aiperdualorsquejepensaislavictoireacquise:jemedégonflecommeunballon.—Merde.Ilfaitunpeumoinslefanfaron,luiaussi.—Çaseraitsimochequeçadem’avoiràtescôtésaprèslesheuresdetravail?Jecroiselesbrassurmapoitrine.—Jenesaispas.Est-cequetupourrassurveillertesmains?Ils’amuse.—Jepeuxsitulepeux.Jelèvelesyeuxauciel.— S’il te plaît. Laisse ton ego dehors, Oswald. Parce que je ne vais tomber amoureuse
d’aucunedecesqualitésquetuétalesautourdetoicommedubeurredecacahuètes.Ilsemetàriredoucement.—Commedubeurredecacahuètes,hein?Jeluilancemoncrayonàlatête.—Oh,laferme.Jesaisquetoutcequejepourraisdireàpartirdemaintenantneseraitquedéfensifetstupide;
jequittelapièce.Savoixmesuit.—Neparspassansmoi!—Jeparsdanscinqminutes,alorst’asintérêtàêtreprêt!
Enplus, j’enaibien l’intention.Jem’envaisqu’il soitavecmoiouque jesoisseule. Jenel’attendraipas.Queltypestupide,égoïste,autoritaire…unvraipatrontyrannique.
Jemedisquejedoismedépêcheretpartir,maismespiedsralentissent.Jemetsuntempsfoupourarriverjusqu’àmavoiture.Jesuisfurieusequandmoncorpsdéfiemoncerveaudecettefaçon.J’ai l’impression que c’est mon problèmemajeur lorsqu’Ozzie est dans le coin. Alors, commentdiablevais-jepouvoirécoutermoncerveauquimeditdemetenirloindelui,quandaucontrairemoncorpsveutconstammentserapprocherettouchersesmusclesmagnifiques?
Pouah,jefaisuneerreur.Çavaêtrehorrible.
CHAPITRE35
O.K.Enfait,cen’estpasaussiterriblequejel’avaispensé.OzziemesuitdanssacamionnetteavecSaharaattachéeàl’arrière,maisilm’appellesurmonportablepourmedemanderdefaireuncrochetenroute.Lorsquenousnousgarons l’unàcôtéde l’autre, ilm’expliquequ’ilyasurcetteplaceunesuperépiceriebio.Onytrouvelesingrédientsdontilabesoin:ilveutpréparerunpouletau curry pour notre dîner. Lorsque je lui ai dit que je ne voulais pas de lui chez moi, j’avaismomentanémentoubliéqu’ilestuncuisinierhorspair.
Quatre-vingt dixminutes plus tard, je termine la dernière bouchée du repas le plus exquisauquel j’ai jamais eu droit. Je gémis un peu parce quemon estomac proteste d’avoir tropmangé,maisjeneregretteaucunedescaloriesquejeviensdesavourer.
—C’était bon ? demandeOzzie tandis qu’il biberonne une bouteille de bière. Il en est à laseconde. Je me suis contentée d’eau parce que je ne veux pas me conduire comme une imbéciledevantlui.Monseulespoirrésidedanslasobriété.
—Bon?Non.Pasdutout.Excellent.Extraordinaire.Délicieux.Jemefrotteleventre.Tupeuxvenirmefairelacuisineaussisouventquetuveux.
—Alors,finalement,tun’espasfâchéequejesoisici?Saquestionestundéfi.Jemelèveetramasselesassiettes.Jemedemandesijedoisjouerle
jeuetêtretoutsimplementhonnête.Jemedécideàprendreleschosesdefront.S’amuseravecOzziepeutêtredangereux.J’aicommel’impressionquejeperdraisàchaquefois.
—Jecroisquejen’aijamaisétécontrelefaitquetuviennesici.Cen’estpaslabonnefaçond’expliquer ce que je ressens. Simplement, je n’aime pas qu’on pense de moi que je suis unemauviette.
—Cen’estpasparcequequelqu’unaputecritiqueràcesujetquetuesunemauviette.Encequiteconcerne,c’estplutôtparcequetut’estrouvéeaumauvaisendroit,aumauvaismoment.Çan’arienàvoiravectoietlefaitquetusoissolideounon.
Jelaissecoulerl’eaudurobinetpourrincerlesvestigesdenotredîneretanalysecequ’ilvientdemedire.
—Jenesaispas…Parfois,leschosesm’apparaissenttrèsclaireset,àd’autresmoments,complètementobscures.
Là,jesuisdansl’unedecessituationsconfuses.Àchaquefoisqueledestinsemblesemêlerdemavie,jem’interrogesurledegrédecontrôlequejepeuxavoir.
—Hum.J’imaginequej’aidumalàexplicitercequetuviensdedireparrapportàcequis’est
passé.J’ail’impressiondemeconfesserquandjeluidiscequejepense.—Qu’est-cequetuveuxdire?—Ehbien,j’aicommencéàteparlerparcequej’avaisunmauvaisnuméro.—Uneautreapplicationdufameux“mauvaisendroitaumauvaismoment”,répond-il.—Non.Pasvraiment.Il prend quelques plats sur la table etme rejoint dans la cuisine. Il se tient à côté du lave-
vaisselle et me prend des mains les assiettes et les couverts. Il les met avec précaution dans lescompartimentsdisponibles.
—Jepensaisque,mêmesiçaavaitl’airbizarreaucommencement,surtoutquetuavaisl’aireffrayantaudébutaveccettehorriblebarbeetlereste,rétrospectivementleschosessesontplutôtbienpassées.
—Tuveuxdirequetuescontented’avoireuunmauvaisnuméro?—Oui.Mauvaisnuméro,chictype.Jesouris.Tuesunbonpatron.Ilgrogne,sepencheau-dessusdulave-vaisselleetposeuneassiettetoutaufond.—Ahbon?—Oui.Tuasunbelespacepourtesemployés,tunousfaisbénéficierd’untasdechosesettu
t’inquiètespournotresécurité.Tuesici,chezmoi,enfait,pourt’assurerquejevaisbien.Iln’yapasbeaucoupdepatronsquiferaientça.
Ilserelèveetmeprenduneautreassiettedesmains.Maisilnesepenchepaspourlamettredanslelave-vaisselle.
—Tuasraison.Iln’yenapasbeaucoupquileferaient.Jesouris.—Tuvois?Unsuperpatron.Ilmelanceunregarddésabusé.—Il fautpourtantque jesoishonnête.Jenesuispassûrque jeferaisçapourLuckyetson
poissonrouge.J’oblige les papillons qui voltigent dansmapoitrine oumon estomac à s’envoler, à ne pas
s’installer.Ilplaisanteseulement.—Sûr.C’estunhomme.Etilaunhautniveaud’entraînement.Jeprendsl’assiettedesmainsd’Ozzieetlaplacemoi-mêmedanslelave-vaisselle.Jenevais
paslaissernotreconversationsetransformerenflirt.Nouspouvonsêtredesadultesquipartagentlemêmeespacesansqueleschosesdeviennentridicules.
—JenesuispascertainquejeleferaispourToninonplus,continue-t-il.Voilà!N’est-ilpasentraindedirequelquechosequinousconcerne?J’essaiemalgrétoutde
leprendrecommeuneplaisanterie.—Elleestsuperbienentraînée,elleaussi.—C’estvrai.Il dépose l’assiette suivante dans le lave-vaisselle. Puis, il se penche, attrape l’éponge que
j’avaislaisséesurleborddel’évieretquittelacuisinepouralleressuyerlatable.Sonodeurflottedanslapièceetjelarespiretranquillement.
Je suisdésoléequ’il ait abandonné laconversation,maisheureused’avoirunmomentpourrassemblermes esprits. Bon sang ! Il a dit que j’étais spéciale. Il n’a pas été jusqu’à avouer qu’ilm’aimaitbien,maisj’enaivraimentl’impression.
Alors,qu’est-cequejefais?Jel’ignore?Jel’élimine?Jeluifaiscomprendrequejenesuispasintéressée?Oubienquejelesuis?Ilfautvraimentquejeparleavecmasœur.Ellesauracequ’ilfautfaire.
—Çat’ennuiepassijemontepasseruncoupdefil?J’essuiemesmainssuruntorchon.Masœurpaniquesijeneluidonnepasdesnouvelleslesoir.
—Biensûr.Jetermineici.Ensuite,jevaistravaillersurmonordinateurdanslesalon,siçanetegênepas.
Jefaisungestedelamain.—Aucunproblème,vas-y.Moncodeestcollésurl’ordinateuràcôtédelafenêtre.Faisceque
tuasàfaire.Jereposeletorchonetessaiedemarchernormalementversl’escalier.Àdirevrai,j’aienvie
decourir,demonterlesmarchesquatreàquatreencomposantdéjàlenumérodemasœurpourluidonnerunrapportdétaillédetoutemajournée;jesuisaussiexubérantequ’unecollégienne.Maisilfaut que je me comporte comme l’adulte que je suis et que je me maîtrise. Ce n’est pas siextraordinaire que ça si Ozzie veut coucher avec moi. Nous sommes tous deux des adultesconsentants.Jenevaisquandmêmepastomberamoureusedelui!
Je ferme à clé la porte dema chambre etmets de lamusique, pour le cas où il essaieraitd’écoutercequejedis.Masœurdécrocheàlatroisièmesonnerie.
CHAPITRE36
—Tudevaism’appelerplustôt,mesermonne-t-elle.—Jesais.Lajournéeaétéfolleauboulot.Félixsautesur le litet semetenboulesurmesgenoux.Jecaressesa toutepetite têteet ses
oreilles,sansypenservraimentetjemeconcentresurcequeditmasœur.—J’imaginequecesontdebonnesnouvelles.Tuparlesdetonnouveautravail,n’est-cepas?—Oui.Comment vont les enfants ? J’ai besoinde tempspour trouver comment approcher
avec Jenny le fait qu’Ozzie est ici. Je vais la distraire en lui parlant des enfants pendant que jeréfléchis.
—Bien.Ellesoupire.Milesvientleschercherleweek-endprochain;dumoins,c’estcequ’ildit.
—Çateferadubien.—S’ilvient.—Queferas-tudecesdeuxjournéespourtoi?—Oh,jenesaispas.Jeprendraiunbainavecunebouteilledevin.J’iraivoirunfilm.Jeme
ferailesongles.Jedormiraidouzeheuresd’affilée.—Appelle-moi si tuveuxde la compagniepour l’uneou l’autre chose.Sauf lebain. Jene
veuxplusprendredebainavectoi.—Tupourraist’asseoirsurlesiègedestoilettesetmeremplirmonverre.—Hum.Jesupposequejepourraisfaireça.Jepourraisbientenircompagnieàmasœurpendantqu’elleprendsonbainetluiremplirson
verre.C’estlemoinsquejepuisseconsentirpourlafillequim’aapprisàfaireduvéloetàlacermeschaussures.
—Etde toncôté, qu’est-cequi sepasse ? interroge-t-elle.Comment çava avec lenouveauboulot?
—Pasmal,jesuisdesformations.Jedécidequejenevaispasluidonnertropdedétailsausujetdessurveillances,elleseferaitvraimentdusouci.J’aiprisdesphotos.J’aifaitunpeudecorps-à-corps…Oups.J’auraisprobablementaussidûgarderçapourmoi.
—Quoi,quoi?Tuasdiscorps-à-corps?JememetsàrireenpensantàDevécroulésurlesol.J’espèrequejenesuispassadiqueparce
quejetrouveçasuperamusant.—Ouais.Ilyauntype,Dev.Celuidontjet’aidéjàparlé.Quiestvraimentgrand…Ilaessayé
dem’attaquerparsurpriseaujourd’hui,maisj’avaisunearmeàlamain.Etc’estluiquiaperdu.UnlongsilencesefaitavantqueJennyréponde.—Sœurette,jesuisinquiète.Mabonnehumeurvacille.—Pourquoi?—Enfait,jenesuispassûred’êtreplusinquièteparcequetescollèguest’attaquentouparce
quetun’aspasl’airdetrouverçagrave.Cesontdeuxsituationsvraimenttrèstroublantespourtoutepersonnenormale.Etc’estainsiquejeteconnais.Qu’est-cequecetendroitt’adoncfait?
JemereprésenteOzzie,deboutlesbrascroiséssursespectoraux.Ozzie:voilàcequim’estarrivé,sœurette.Ils’appelleOzzie.
—Jemesensparfaitementbien,vraiment.Jet’assure.Enfait,j’aiquandmêmebesoindetonconseilpourquelquechose.
—Çaaunrapportavectonlieudetravaildedingue?Me voilà nerveuse à présent. Peut-être ai-je fait une erreur en l’appelant. Elle a déjà des a
priori.—Oui.—Jet’écoute.Il est trop tard pour fairemarche arrière. J’essaie de conserver un ton léger de façon à ce
qu’ellenepaniquepastrop.—Ozzieestvenus’installerchezmoitemporairement.Super!Pourunbonplan,c’enestun!Tevoilàdanslegrandbainsanséchauffement!—MonDieu!Tuessérieuse?!Ellen’apasl’airtropfurieuse:c’estdéjàça.—C’estunpeucompliqué.—Tul’aimes?Ilt’aime?Vousavezdéjàcouchéensemble?—Maisnon.Arrête!Écoute-moi.—O.K.J’attends.Maissouviens-toiquemavien’estpastropdrôle.Alors,toutcequit’arrive
vasansdoutemeparaîtrebeaucoupplusexcitantqueçanel’estenréalité.Jeris.—O.K.Bien.Mercidem’avoirprévenue:jeneprendraipastonenthousiasmetropàcœur.—Cen’estpascequejevoulaisdire,maisvas-y.Jesuisimpatiented’avoirlesdétails.—Tutesouviensdelanuitoùjeluiaienvoyédestextos:jepensaisquec’étaitàtoiquejeles
envoyais?—Oui.—Ehbien, l’hommequia tirécettenuit-làdans lebaravecun revolver, je suiscapablede
l’identifier.EtOzzieestinquietparcequecetypepourraittrouverquijesuis.Sibienqu’ilestvenus’installericijusqu’àcequ’ilspuissentdéterminerleniveaudemenace.
—Menace?—Nedispasçacommeça,Jen.Vraiment,cen’estpassigrave.—Jesuisaucontrairebiencertainequec’estvraimenttrèsgrave.—Mais non. Je t’assure. J’ai un super systèmede sécurité. Je suis avecOzzie et son chien
géant,j’aiFélix…—Quiseraitparfaitpourmordillerleschevillesd’unassassin,àconditionqu’onnel’envoie
pasvaldinguersurlemuraupréalable.—Nesoispasméchantemaintenant.— Ce n’est pas de la méchanceté, May. On appelle ça une inquiétude de grande sœur. Et
commejetel’aidéjàdit,jepensequetonnouveautravailt’afaitperdrelesensdesréalités.Quandun
tireurterechercheettetrouve,iltetue.Ilutilisedesballes.Ilneseprésentepasàlaporte.Ilnesonnepas,nedemandepasàteparleravant.Ilpeutmêmet’atteindreautraversd’unefenêtreoud’unmur.C’estvrai.Jel’aivuàlatélévision.
Savoixmeramèneàl’évidencedelasituation.Ellesonttouteslesdeuxlemêmetonettoutcequis’ensuit.
—C’estcommeça;c’estmavie,Jenny.J’aivucequej’aivuquandj’étaispartiepourvoussauver,toiettesgosses,etjenepeuxpasfairequeçanesoitpasarrivé.
—C’estvraimentinjustedemefaireporterlechapeau!—Maisnon,cen’estpasça.Jerespireàfondpourmecalmer.Entoutcas,cen’estpasceque
jeveuxdire.Jedisseulementquec’estledestin.Cetextoquiestarrivéparerreursurmonportable,aumomentoùtuachetaisunnouveautéléphone;lefaitquejemesoisrendueChezFrankieoùOzzieétaitenmission infiltrée ;que je soisphotographequand ilsen recherchaientun– toutça,c’est lafatalité.Celadevaitsepasserainsi.
—EttupensesquesiOzzies’installeencemomentdanstamaison,c’estaussiledestin?—Jenesaispas.C’estpourçaquejet’aiappelée.—Tuveuxquejetedisesic’estladestinéequiaenvoyéOzziecheztoi?—Enquelquesorte.—Tupensescoucheraveclui,n’est-cepas?Savoixperdunpeudesonintonationcoléreuse.
Espècedepetitedévergondée.—Arrête.C’estpasdrôle.—Non,tuasraison.Cen’estpasdrôle.Ilesttonpatron.Ilestlàpours’assurerquepersonne
nevatefairedumal.—Alors,tuesentraindemedirequejenedevraispascoucheraveclui.—Non.Jenedispasça.Jedisseulementcequejedis.—Jevois.Çan’aaucunsens.—Jedisquec’estcompliqué.Jelèvelamainetl’agitedanslapièce.—C’estpourquoijet’aitéléphoné!Félix lève lesyeuxversmoi, commes’il était inquiet. Je lui flatte ledoset il retourneà sa
sieste,reposantsatêtesurmacuisse.—O.K.Bien.Analysonsleschoses.—Oui.Jemesenssoulagée.Faisonsça.—C’esttonpatron.Jelèvelesyeuxauciel.—Onl’adéjàdit.—Ilestsexy.—Très.Je souris. Il est tellement, tellement, tellement,mais tellementmignon. Si j’avais à nouveau
seizeans,j’écriraissonnompartoutsurmescahiers.—Ilestdansdebonnesdispositions,jesuppose?—Ilm’adéjàembrasséedeuxfois.Ouplutôt,ilm’aembrasséeunefoisetafaillilefaireune
deuxièmefois.—Quiaempêchécettesecondetentative?—Moi.—Bien.—Pourquoiest-cebien?—Celatedonnelahautemaindanssonesprit.O.K.Quoid’autre?
— Je ne sais pas. Me voilà déprimée. Tout est si compliqué. Je n’arrive pas à pensernormalement quand il s’agit de lui. D’accord, il est mon patron ; il est ici pour des raisonsprofessionnelles;maisjeneveuxpasavoirlecœurbrisé.C’esttoutceàquoijepeuxpenser.
—Etpourlesexe?Tuyasréfléchi?— Pas vraiment. Mon visage s’empourpre à cette seule idée. Je veux dire : je suis
manifestementattiréeparlui,maisàchaquefoisquejem’approchedeluijesuistellementgênéequejedisdeschoses stupides ; et ensuite, il fautque jeparteencourantpourpouvoir recommenceràraisonnercorrectement.
—Ehbien.Décidément.Tuesmalbarrée.—Jesais!Jemelamenteetjemelaisseallersurmonlit.Jefixeleplafonddesyeuxtandis
queFélixgrimpesurmoipours’allongersurmapoitrine.Ilestintelligentetduretpassionnéetsexyetilfaitlacuisinecommeuncheftroisétoileset…
—Etilesttonpatron.Jeredescendssurterre,dégringolantdemonhautjusqu’àunbasplusbasquebas.—Oui.Etilestmonpatron.—Alors,qu’est-cequipeutarriverdepire?Situcouchaisaveclui,jeveuxdire.J’yréfléchisquelquessecondes.—J’imaginequeçapourraitnepasmarcher;etensuite,ceseraitembarrassantetilfaudrait
quejedémissionnedemonnouveautravail.—Ettuteretrouveraisexactementlàoùtuétaisauparavant:pasdemal,pasdeproblème.—Maisj’aimemonnouveautravail.—Biensûr.Jedisseulementquelepiredesscénariosnetelaissepasplusmalquetul’étais
avantdel’avoirrencontré.—Àpartuncœurbrisé.—Bof,lescœursguérissent.Fais-moiconfiance.—Jepourraiségalementperdrel’estimedemescollègues.—Que tu as rencontrés il y a peu de temps : quand ils te connaîtront, ils te pardonneront.
D’ailleurs,peut-êtrequ’ilsaimeraientvoirleurpatronavecuneamie.—Queveux-tudire?— Tout le monde sait que les patrons qui font l’amour régulièrement sont beaucoup plus
raisonnables.—Toutlemondesaitça?—Oui.—Pasmoi.—C’estparcequetuesjeune.—Tun’asquetrente-deuxans.—Jesuisplussagequemonâge.—D’accord.Alorstumedisquejedevraiscoucheraveclui,c’estça?—Jepensequetudevraissuivretoncœur,parcequesiçanemarchepas,tut’ensortiras;etsi
çamarche,tut’ensortirasencoremieux.Jesourisd’uneoreilleàl’autre.—Jet’aime,Jenny.Tuessifutée.—Tuvoulaiscoucheravecluidetoutefaçon,soupire-t-elle,peuimportecequej’auraisdit.—Cen’estpasvrai.Tonopinioncomptebeaucouppourmoi.—Ouais,maistul’asdanslapeau.Touttonbonsensn’empêcherapascetélanpassionné.Vas-
yetqu’onenfinisse.Jeprédisquetuserasheureusedel’avoirfait.Toutàcoup,j’aiterriblementenviedevoirOzzie.
—O.K.Ilfautquej’yaille.Ellesemetàrire.—Sivite?Tuneveuxpasparleravecmoidunouveauprogrammeinformatiquesurlequelje
planche?Tellementexcitant.— Je n’en doute pas. Elle travaille pour une société qui développe des applications pour
téléphones.Celles-làcomptentlescalories.Tumeraconterasçaceweek-end.—Est-cequejeteverraiceweek-end?Tuessûrequetuneseraspastropoccupéeàfairedes
galipettesavectonnouveaupetitami?—Iln’estpasmonpetitami.—Pasencore.—Jen,arrête!Tumemetslapressionmaintenant!—O.K.D’accord.J’arrête.Jet’aime.Nefaisrienquejeneferaispas.—Commesituétaisunevraiedévergondée.— Autrefois, je l’étais ! Amuse-toi bien ! Elle dit cela d’une voix chevrotante avant de
raccrocher.Jesoupiredebonheuretlaissemonportableretomberàcôtédemoi.Masœurm’adonnéson
feu vert dans cette histoire.Ma sœur et le destin ont parlé. Il est temps de dire àOzzie ce que jeressens.
CHAPITRE37
Je retrouveOzziedans le salon : il estpenchéau-dessusdesonordinateur. Il aplacésur lafenêtreunecouverturequ’ilaprisesurledossierdemoncanapé.Saharadortdanslevestibule.Félixl’yrejointetprendsesquartiersentresespattes.Lachienneluifaitdelaplacepourqu’ils’installeetmoncœurfondencoreunpeuplusquandjevoisça.Elleamaintenantledroitdefairedesventsdansmonsalon.
—Quesepasse-t-il?Jem’assoisàcôtéd’Ozzie.Jeprendsunmagazinepourluimontreràquelpointjesuiscalme
etdétendue.Ilnesaurajamaisquejebrûled’unfeuintérieur;jem’imagineluidiredemeprendredanssesbras.JesuisfurieuseparcequeBritneySpearsestentraindechanterçadansmatête.
Tandisquej’attendssaréponse,jedétournemoncerveaudecespenséesépuisantes,etj’essaiesilencieusementquelquesphrasesdésinvoltesd’entréeenmatière.
Tuasl’aird’avoirchaudavectachemise.Peut-êtrequetudevraislaretirer?Est-cequetuasunepetiteamie?Tuenvoudraisune?Jemesuistrompée,Ozzie.Terriblementtrompée.Emmène-moiaulitmaintenant.Est-cequetuvienssouventici?Sexe.J’aibesoindefairel’amour!—Riendebienparticulier,merépond-ilfinalement,sanssedouterdemesélucubrations.Je
vérifieseulementquelquescamérasquenousavonsplacéesenville.Ilfaitpivoterleportableversmoi.Ilyaplusieursfenêtresouvertessursonécran.Lorsqueje
reconnaislamaisonsurl’uned’elles,jeladésignedudoigt.—Hé!C’étaitnotreobjectifd’aujourd’hui!—Ouais.Ilagranditlafenêtre.Ondiraitqu’ilyadel’activité.Ilyadeuxvoituresgaréesdevantlamaisonetonenvoitunequiarrive.Lesimagesnesont
pas de très bonne qualité, les gens sont éclairés uniquement par les réverbères ; mais elles sontsuffisantespourunechose.
—C’estlui!Jemelèvedemachaiseetm’agenouilledevantl’ordinateur.Justelà.Lechauve.Jelemontredudoigtsurl’écran.
— Oui, c’est lui, répond Ozzie tandis qu’il tape à toute vitesse sur son clavier. L’images’agranditencore,commesilacaméradudroneétaitentraindefaireunemiseaupoint.
—Waouh,c’estdrôlementchouette.—Maispasautant,etdeloin,quecequejevaistemontrermaintenant.
Nouséchangeonsunrapidesouriredejubilation,puisilpasseàunautreécran.Sursadroite,ilaunemanettequejen’avaispasencoreremarquée,reliéeparuncâbleUSBàunefichedanssonordinateur.
Lesdoigtsdesamaingauchetapentsurleclavier.Samaindroitetientlamanette.Toutàcoup,nousvoyonsuneautrevuedelamaison,maiscelle-làvientd’unappareilquiestenmouvementetquibougebeaucoupplusvitequeleParrotquej’aieudanslesmainsaujourd’hui.
J’aipresquelevertigeàsurvolerl’endroitdecettefaçon.—Qu’est-cequisepasse?Ondiraitqu’Ozzieafaitdécollerledroneduhautdesonpylôneetqu’illefaitvoler.—Unedenosautresbestioles.—Bestioles?—C’estça.Unmicroélectroniqueutilisépourécouterlesconversations,etc.Sontonestdistraitparcequ’ilseconcentresurcequ’ilestentraindefaire.L’engindotéd’un
microquisedirigeaitverslamaisonpasseàprésentsurlecôté.—Oùest-cequ’ilva?—Attendsetregarde.Lorsquel’appareilatteintunepalissadedélabréeenboisquimèneàl’arrière-cour,ils’arrête.
Il y a plusieurs personnes à cet endroit qui semblent agréablement réunies autour d’un barbecue.Ozzieappuiesurl’unedestouches«F»quiactionnentlesfonctionsdel’ordinateur:lesonsorttoutàcoupduportable.Lesbruitsd’unefête.
—Seigneur!Ilyaunmicro!Commedanslesfilms!Jebatsdesmainscommeunenfant.QuandjemerendscomptequejeressembleàSammyqui
sefélicitelorsqu’ilestsurlepot,jem’arrête.—Oui,saufquecelui-ciestvrai.Ilappuiesurunautrebouton.Nousallonsdoncenregistrer
toutcelamaintenantetnousanalyseronslesinformationsplustard.—Jepourraiaider?—J’ycomptebien.Cela me remue un peu. Il se fie à moi. Chouette ! Espérons que cet engin va enregistrer
quelquechosedebien.Àconditionqu’ilnesoitpasdécouvert,biensûr.Jenevoispascomment ilpourraitnepasl’être.Enfait, je lesentendsquis’amusent,maiscen’estpaspourautantqueçalesrendaveugles.
—Ilsnevontpasremarquerundroneposésurleurpalissade?—Pascelui-ci.Ilalatailled’unelibelluleetondiraitquec’enestune.—Waouh ! Ça me donne presque la chair de poule. Je regarde autour de moi, et je me
demandes’ilyad’autresmicroscachésdanslapièce.Iltournelatêteetmeregarde,abandonnelamanetteetl’ordinateurenmêmetemps.—Est-cequetuvoulaismeparlerdequelquechoseilyauninstant?Toutd’uncoup, jeme rappelle laconversationque j’aieueavecmasœuret,de fascinéeet
impressionnéeparlatechnologiequej’étais,jeredeviensnerveuse.«Hum,euh,euh…»Zut!Moncerveauetmabouchenesemblentplusconnectés!
—Toutvabien?demandeOzziequifroncelessourcilsdevantlatêtequejefais.—Oui.Toutvabien.Ouf,Dieumerci,moncerveaufonctionneànouveau.Et,siseulementj’étaismoinsnerveuse,
jeseraisauparadis.Jeme lèveetme reculeunpeu ; jem’arrête lorsquemesmolletsentrentencontactavec le
bordd’unechaise.Jemelaissetomberdessus,espérantquejen’aipasl’airaussiénervéequejelesuis.
—Jeviensdeparleravecmasœur.J’aipensévenirvoircequetuétaisentraindefaire.Engénéral,jenemecouchepasavant22heures,dis-jeaprèsavoirjetéunregardàlapendule.
—Moi non plus. Il se renfonce dans le fauteuil de bureau qui grince un peu lorsqu’il sebalancedessus.J’imaginequ’onadeuxheuresdevantnous.
Ilmeregardedehautenbas.C’estcommes’ildisaitqu’ilétaitd’accord,cettemanièrequ’iladesebalancer.Tuparlesd’untruc!Jenepeuxpassoutenirsonregard.Mesyeuxparcourentlapièce.
—Ouais,deuxheures,quelquechosecommeça.Onpourraitregarderlatélé.Jejouel’indifférence.Façondétendue.Commesiderienn’était.Jepeuxregarderlatélévision
avecuntypesexypendantdeuxheuresetmaîtrisermesdoigts.Maisjeferaisbiendenousfairedespopcorns.Histoired’occupermesmains.
—Onpourrait.Ilopinelentement.Lachaisenebougeplus,etjesaisquec’estintentionnelcettefois-ci.Ilse
retientpeut-êtredesourire;difficileàdire.Jepropose:—Nouspourrions…jouerauxcartes.Ilarrêtedefaireouidelatête.—Nouspourrionsfaireça,oubien…Jem’énerveetmabouches’ouvre,laissantéchapperdesmots:—Oubiennouspourrionscoucherensemble.Qu’onenfinisse.Seigneur!Jeviensdedireçaàhautevoix!Ausecours!JecoulecommeleclowndeCrazy
Town!—Ona toujourscette solution, répondOzzieaussi calmementqu’il avaitditqu’onpouvait
jouerauxcartes.Et…mer…de!Jeleregardeetjevoisqu’ilsourit.—Arrêtedemeregardercommeça.J’aiparlécommesij’étaisunpeuessouffléeparcequeje
suisàboutdenerfs.Jesuisennageaussi,pournerienarranger.J’espèrequecelanesevoitpas.—Comment suis-je censé te regardermaintenant ? Tu viens deme faire une proposition,
hein?—Non,pasdutout.Jefroncelessourcilscommesic’était luiquiétaitdingueetpasmoi.Jedoutequecelasoit
trèsconvaincantparcequ’ondiraitpresquequejeporteunbandeauavec«Bonjour,jesuisFOLLE»écritdessus.Jedétournemonregard,certainequ’ilyaquelquechosedetrèsintéressantquirequiertmonattentionsurlesbibliothèques.
—Jesuispeut-êtreunpeurouillédanscedomaine,maisjesuistoutàfaitsûrquec’estcequetuasfait.
—Queldomaine?Il a toutemon attention à présent. Est-ce qu’il est en train deme confier qu’il n’a pas fait
l’amourdepuisunlongmoment,luiaussi?Toutcommemoi?Est-cequenoussortonstouslesdeuxd’unelonguepérioded’abstinence?
—Ledomaineoùlesfemmessejettentsurmoi.Jemelève,l’indignationcoulantdechacundemespores.—Jen’aijamaisfaitunechosepareille.Commentoses-tu?Jesuistellementgênée!Humiliée!C’estaffreux!Lepiredesscénariosquej’avaisimaginés
n’étaitrienencomparaisondecedésastre!Sauve-toi!Àsontour,ilselèved’unbondetfaitunmouvementbrusquedansmadirection,meserretrès
fortdanssesbrasavantquej’aieletempsdem’échapper.Ilrit,lesalaud.
—Je rigole ! Il enfouit sonvisage dansmon cou tandis que jemedébats pourme libérer.Calme-toi,BoPeep,tuvasblesserquelqu’un.
—Jevaismevengerdèsquetum’auraslâchée.Labrûluredesataquineriesurmonegocommenceàs’estomper,remplacéeparlachaleurde
soncontact.Noscorpssontreliésdelapointedesorteilsjusqu’auboutdunez.Bienévidemment,jevaisluidonnerdesclaques,maisjeferaisansdoutequelquechosed’autreaprès.
—Oh!Tunevaspasfaireça,hein?J’aipresquecessédemedébattre.—Peut-êtrebienquesi.Ilembrasselapeaudélicatedemoncou,cequiadéfinitivementraisondemarésistance.—Tuenessûre?murmure-t-il.Jepousseunsoupiroùsemêlentdéliceetdéfaite.—Jenesuiscertainederienencequiteconcerne,Ozzie.Sérieux!Dudiablesijesaisoùj’en
suisencemoment,toutçaàcausedetoi.Ilm’estcomplètementétrangeretpourtant,ilnel’estpas.Unemontagned’hommeavecune
barbehorrible,maisfinalementnon.Dangereux,etpourtantpastantqueça.Etzut!Quelquechosedebienvapeut-êtreémergerdetoutcela…
—Bon.J’aimeça.Ilgrondeetmordillemoncou.—Ouf!Attention!Jelerepousseetfaissemblantdevouloirpartir.Ilsaitquejejoueencorelacomédie.Nousensommeslàtouslesdeux.D’ailleurs,jen’aipas
l’intention de sortir de cette cage faite uniquement demuscles avant qu’il veuille bienme laisserpartir. J’espèreque cene serapas avantpasmalde temps.Lesmotspour toujours traversentmonesprit.
Ilm’embrasseànouveau,aspirantdoucementl’endroitqu’ilamordillé.Desfrissonsmontentetredescendentlelongdemacolonnevertébraleetj’ail’impressionquejesuisentraindeprendrefeu.Monsystèmesedétraque.Sesbaisers remontent le longdemoncou ; il lèche lapeauprèsdemonoreille,puischangededirectionets’envaversmonépaule.Monpoulsbatàtoutevitesseetmarespiration devient plus rapide. Mes mamelons durcissent sous mon soutien-gorge et d’autresendroitsdemonanatomiecommencentàmefairemal.
—Mm,tuassibongoût,grogne-t-il.Jemedemande…as-tupartoutlamêmesaveur?Àprésent,monentre-jambesestenfeuégalement.Super!Commentest-cequejevaispouvoir
luidirenonmaintenant?Samaingauchedescendlelongdemondosetattrapeunedemesfesses,lapressepuiss’en
sertpourm’attirercontrelui.Ilestaussidurqu’unroc.Jesenssonérectionautraversdetouteslescouchesdenosvêtements:ilestaussiimposantàcetendroit-làqu’ill’estpartoutailleurs.Seigneur!
Unsignalsonorebizarre,quejen’aiencorejamaisentendu,résonnedanslevestibule.Ozziesefigependantdeuxsecondes,puissesmainsquittentmoncorps.Ilserecule,ettoutes
lesfibresdesonêtrecrientqu’ilestenalertemaximale.Je ne bougepas plus que si j’étais unmannequin dans la fenêtre d’une sex-shop.Mes yeux
restent à demi-fermés pendant quelques secondes, puis je me rends compte qu’il s’est mis enmouvement.
—Qu…?—Chut.Ilmetundoigtsursaboucheetsedirigeversl’entrée.J’arrêtedejoueraumannequinetlesuisjusqu’aupavénumériqueplacéprèsdemaporte.Le
chiffre8s’afficheavecunelumièrerouge.C’estcommeunemenace,aussidinguequecettesonnerie.Ce que je ressens est amplifié parce qu’Ozzie, de potentiel amant, s’est changé en un homme desforcesspécialesprêtàfrapper.Levoirenactionestdiablementeffrayantetérotiqueàlafois.
—Nebougepas,m’ordonneOzzie.Ilmetireparlepoignetverslasalledebainsàcôtédelaporte.Entrelà-dedans,fermeàcléetnesorspasavantquejeteledise.
—Mais…?D’accord,cen’estplusvraimentérotique.C’esteffrayant.Jen’aiplusdutoutenviedejouer.—Faiscequejetedis.Dis-moiquetuascompris.Ilmeprendlementonetm’immobilise.Ilmeregarded’unemanièresiintensequejenepeux
faireautrechosequ’acquiescerdelatête.— Je t’ai entendu et je t’ai compris. J’ai du mal à articuler parce qu’il me tient toujours
fermementlamâchoire.Queveutdirecettelumièresurleclavier?—C’estpeut-êtrequelqu’unquiessaied’entrer.Moncœursetétanisedansmapoitrine.Est-cequ’onvametirerdessus?Jen’enaipasenvie.
Ozzieetmoivenionsjustedecommencer.—Pourquoilasirènen’a-t-ellepasdémarré?Jedisceladansunmurmurequiressembleàun
couinement.—Parcequ’ilsn’ontpas encorevioléune entréede tamaison.Cela indique seulementque
quelqu’unvientdepénétrerdanstonjardin.Jeremarquepourlapremièrefoisunelumièreextérieurequivientdes’allumerdevantchez
moi.Quandcetruca-t-ilétéinstallé?Jenemesouvienspasquej’enavaisunauparavant.—Quandest-ce…?Depuisquandest-cequej’ai…?—Onl’abranchécetaprès-midi.J’aidemandéàThibaultdeveniretd’installerlesystème.Il
sepencheetm’embrasse sur laboucheavantde lâchermonmentonetdeme laisser seuledans lasalledebains.
Quandilestparti,jemepencheàlaporte.—Félix,dis-jedansunmurmure.Viensici!Félixobéit et entredans la salledebains, sesminusculesgriffescliquètent sur lescarreaux
commedemicroscopiqueschaussuresdeclaquettes.Lorsque j’ai refermé laporte,nousenfermanttouslesdeuxàl’intérieur,jemelaisseglissersurletapisetcommenceàpaniquerautantquefairesepeut.
CHAPITRE38
Pendant une éternité, nous n’entendons rien.Puis la sirèned’alarme semet enmarche et jemanqued’étoufferFélixtellementjesuissaisiedepeur.Illaisseéchapperunjappementdedouleuretmemordaubras.
—Aïe,espècedepetitvoyou!Je le prends, grimpe dans la baignoire et tire le rideau de douche derrière nous. Félix est
honteuxparcequ’ilm’amordu;ilessaiemaintenantdesefairepardonnerendonnantàmonbrasunbainavecsalangue.Super.Jemerecroquevilleautantquejepeux,àcôtédesrobinets,etpriepourqu’Ozzienesoitpasblesséenessayantdenousprotéger,monpetitbébéenfourrureetmoi.J’entendschaquepulsationdemoncœur.Félixaussi.
Ensuite,lesaboiementsprofondsetmenaçantsdeSaharanousarriventàtraverslaporte.Félixlèvelatêteetsemetàaboyeràsontour.Jeluimaintienslaboucheferméeetsacolèresetrouveainsipartiellementétouffée.
—Ouah!Ouah!Vouaf!Wouf!Wouf!Lapetitechoseest furieuse,mais iln’estpasquestionun instantque je le laisse sortirpour
qu’ilsefasseenvoyercontrelemurd’uncoupdepied.Jennyavaitraison:Félixs’enprendraitauxchevillesdesméchantsetlepaieraitchèrement.
Aprèsuntempsquiparaîtvraimentlong,assezlongpourquejetrempemachemisedesueur,j’entends enfin la voix d’Ozzie par-dessus les grognements de Sahara. Il est en train de dire àquelqu’undelacompagnied’alarmequetoutestrentrédansl’ordre.Ensuiteilvientàlaportedelasalledebains.
—Quelesttonmotdepasse?demande-t-il.—Quiestlà?!Jeveuxqu’Ozziesachequejevérifieavantdefaireconfiancecommeçaàune
voix.Jesuisdéjàdevenuepresqueunespécialistedelasécurité.—C’estmoi,Ozzie.J’aibesoinducode.Sansça,ilsvontenvoyerlapolice.—Est-cequetuesseuloubienest-cequequelqu’untetientenjoueavecsonrevolver?—Ouvrelaporteettuverraspartoi-même.Ozzienemediraitjamaisunechosepareilles’ilyavaituntypedangereuxdel’autrecôtédela
porte. Jene le connaispas trèsbien,mais je sais cela. Je levois tout à faitprenantuneballepoursauvern’importequidanssonéquipe,etj’enfaispartie.Jesorsdelabaignoireetentrouvrelaportedequelquescentimètres.«Sahara.»J’aiditcelaaussidoucementquepossible,maispourqu’ilpuissem’entendremalgrélebruitdelasirène.
Ozzierépètedansmontéléphone:«Sahara.»Ilmeregardeetsesyeuxmedisentdeschoses,maisjenesaispastropcequec’est.Celapourraitêtredelanervosité: ilagérécequivientdesepasser,quoiquecesoit.Jeneleconnaispassuffisammentpourinterprétersonregard,etàprésentjenesuispascertainedepouvoirunjourleconnaîtrevraimentbien.
Ilneressembleàaucunhommequej’aiconnu.Ilyaquelquesinstantsàpeine,quandilapenséqu’unintrusétaitlà,iln’apashésité:ilm’apousséedanslasalledebainsetafoncépourréglerleproblème.Jenemesuisjamaissentieplusensécurité,pluschériequemaintenant.Jepensaisquemapassionpourluiétaitaumaximum,maisjemetrompais.Jeseraisprêteàfairel’amouravecluisurlesoldelasalledebainsàlasecondeoùilmeledemanderait.
—O.K.,merci. Ilparle à lapersonneauboutdu fil. Je réinitialiseàprésent.Vouspourriezmalgrétoutrecevoirunautreappelcettenuit.Ilhochelatêteàplusieursreprises.Merci.Àplustard.
Ilterminelaconversationetmetendmontéléphone.—Qu’est-cequis’estpassé,nomd’unchien?J’émergedemacachette,lesjambesencoton.Félixveutquejeleremetteparterre,maisjene
suispasd’accord.Saharaestàmespiedsetreniflelespattesdemonchien.—Desgenssontentrésdans ton jardin. J’aiactivé l’alarme ; ilsontprispeuret ils sesont
enfuis.—Tuasvuquelqu’un?—Non,maisjesuisprêtàparierqu’ils’agissaitdel’hommequetuasvudanslebar.—Pourquoipenses-tuça?Çaauraitpuêtreunchat,ouunchienouunraton-laveur.Jeneveuxpascroirequec’étaitunbandit.Jepréféreraisdebeaucoupunefaussealerte.Jesuis
certainequ’ilyauneexplicationtoutàfaitsatisfaisanteàlamiseenmarchedecettestupidealarme.—Tuasdesratons-laveurspariciquipeuventsedressersurleurspattesàunmètrevingtdu
sol?Parcequ’ilfautcettetaillepourdéclencherlesystème.Noussommesaumilieudusalon.Monindignations’esttransforméeenpeur.—Non.—L’alarmesedéclencheuniquementlorsqu’unobjetdelatailled’unêtrehumainentresurta
propriété.Malheureusement, peu importe ceuxquiont essayédepénétrer chez toi, et en supposantqu’ilsconnaissentquelquechoseauxsystèmesdesécurité,ilssaventàprésentquetuasbranchéunealarmesurtouttonpérimètre.
—Etcen’estpasbienparceque…?—Parcequ’àprésent,ilspeuventdésactiverlesystèmequineteprotégeraplus.—Maisjepensaisqu’ilétaitàlapointedelatechnologie.Jenepeuxpasm’empêcherdeme
lamenter.— Il n’y a pas de technologie, même d’avant-garde, qui puisse arrêter quelqu’un de
suffisammentbieninforméetdéterminé.Monvisages’allonge.—Oh.C’estterrible.—Jevoudraisvraimentquetuacceptesdevenirt’installerchezmoi.Jemâchemalèvrependantquejeréfléchisauxchoixpossibles:PlanA:resterici,êtremortedepeuretpeut-êtremettrelavied’Ozzieendangerparlamême
occasion…ou,PlanB:allerchezluietavoircetentrepôtgéantprotecteurautourdenous.Etlespistolets.Et
lesépées.Etlestriques.Etcelitaveclesdrapsensatinnoir…—D’accord.Jevaism’installercheztoi.Bon,cen’étaitpasdifficile.—Merci.Ilserapprocheetmetsesbrasautourdemataille.— À une condition. Je place mon doigt sur sa poitrine pour l’empêcher de s’approcher
davantage.—Laquelle?Jenepeuxmêmepaspenseràuneseulecondition.Jevoudraisluidirequ’ilnepourrapasme
piégerpourcoucheraveclui,maisalorsjememettraismoi-mêmedansunpurgatoiresanssexe.VoirOzziechaque joursanspouvoir le toucher?Nonmerci.D’ailleurs,cen’estpascommes’ildevaitm’entortillerpourquejecoucheaveclui.Jeleluiaidéjàproposé,commeilmel’afaitremarquerdefaçonsipeudélicatetoutàl’heure.
—C’est toiqui feras lacuisine.Jem’évited’avoir l’aird’une totale idioteen trouvantcettecondition.Jenesaispasfairelacuisineettuessuperdanscedomaine.
—Commesic’étaitfait.—Et…!Jeposemondoigtprèsdesonmenton.Sesyeuxpétillent.—Et?—Et…ilfautquetum’apprennesàmeservirdelatrique.—Devpourraittemontrer.—Maisjeveuxqueçasoittoiquilefasses.—O.K.Trèsbien.Jetemontreraicommentutiliserlatrique.—Et…!Jeplacedoucementmamainsursajoue.Savoixestàpeineplusfortequ’unmurmure.—Et?Ilsourit.—Jeneveuxpasquetutefassestropd’illusions.Voilà. Je l’ai dit.Maplus grandepeur flotte à présent entre nous. Je suis nulle au lit.Trois
hommesmel’ontditsuccessivementetc’estpourquoij’ensuispersuadée.Jen’aijamaisressenticequ’onpeutliredanslesmagazinesousurdesblogsérotiques.Etj’enaitirétouteslescertitudesdontjepouvaisavoirbesoin.Ilyadesfemmesquisontdestigressesaulit,maisjesuisplutôtdugenrepetitchatfragile.Cen’estpasquejen’essaiepas;c’estplutôtqueçanesertàrien.
Envérité,lachosequejeredouteleplus,cen’estpasunmeurtrierpotentielquiattendraitdepouvoirmetirerdessus;c’estd’êtrecondamnéeàunesexualitémédiocretoutemavie.Ilfautdoncquejetrouveunhommequiseraitd’accordavecçapourlerestantdesesjours.Oui,ilsepeutquemesprioritéssetrouventquelquepeubouleversées;maislafrigiditéestunétatplutôtaccablant.
Jecontinuemaconfession.— Je ne suis pas terrible au lit et je ne voudrais pas te décevoir. Alors je te préviens
maintenant.Jet’aitoutdit.Ilsourittoujours.—Cen’estpasuneplaisanterie,Ozzie.Jenesuispasunboncoup.—Pasdesouci.Monvisagedevientbrûlantquandjecomprendslejeudemotspossible.—Jenevoulaispasdirequejenesaispasdonnerdescoupsdetrique,littéralement22…Ilfaitlamoueparjeu.Jerigoleetçaal’airbizarrechezmoi,alorsjem’arrêteimmédiatement.—Biensûr,jepourraisapprendre…Jen’aipasplustôtditcela,quejemedéteste.Ilyaplusstupidequetoi,May?!Reprends-toi!
Vite!—Haha,jeveuxdirequejenesuispastalentueuseaulit.Douée.Jesuismauvaiseaulit.Mais
j’essaie.J’essaievraiment.Jemedécompose:jesaisquejeviensdem’assurerunlitsolitairequandilseraenville.Je
suisbiensûrequ’ilnevoudrapasresteravecquelqu’und’aussiempotéequemoi.
Ilsepenchesansdireunmotetm’embrasse.Toutd’abordlentement,puisavecdavantagededésir,seslèvrescontrelesmiennes.Jenesais
pas comment, mais nous allons parfaitement bien ensemble. Lorsqu’il fait un mouvement pourresserrer notre étreinte, je penche la tête vers la gauche et ça a un effetmagique. Sa langue vienttoucherlamienne.Salangueestcommetoutlereste.Puissante,chaude,humide,douce.Incroyable!
Depetitsfrissonsmeparcourentcommes’ilsétaientélectrifiés.Jemefondslittéralementenlui et je veux être encore plus près. Ilm’attire contre lui et j’aime la façondont sesmuscles dursappuientsurmespartiestendres.Celadevaitêtre.Ilfautquecelasoit.C’esttropbonpourquecesoitquelquechosed’autre.
Sesmains descendent jusqu’àma taille et s’y reposent pendant quelques instants tandis quenousjouonsdenoslangues.Ilattrapelamiennedoucemententresesdentsetj’aiunpetitrirebêteenmedégageant.Ensuite,ilappuieseshanchescontrelesmiennesetjesensànouveausonérection.Ilrenverselatêteetmesourit.
—Quelqu’unquiembrasseaussibienquetoinepeutabsolumentpasêtrenulleaulit.Etquandjedisnulle,jeveuxdirenepasêtrebonne.
Jesouristimidement,melaissantpratiquementsubmergerparladélicatesseetlespromessesquejelisdanssesyeux.
—Tuveuxseulementêtregentil.—Non,jesuisseulementexcitécommec’estpaspossibleetj’aivraimentenviedetoi.Ilme
donne une grande tape sur les fesses et se détache demoi.Mais pas pour lemoment.Les affairesavantleplaisir.
Jeresteplantéeaumilieudemonsalon,pétrifiée.Jesuistrèsémoustillée,moncorpsrésonned’unepassioninassouvieetmoncerveautourneencerclesconcentriques.Qu’est-cequis’estpassé?Ilaenviedemoi?Alléluia,jevaisfairel’amourcettenuit!
Cettepenséemerenvoieàmapanique.Bien sûr, il n’a pas conscience de l’agonie mentale dans laquelle je me trouve ; il n’a
probablementpassouffertuneseulenano-secondedesavied’unmanquedeconfianceenlui.Savoixmerappelleàl’ordrecommeunsergentàl’exercice.—Allez!Hop-hop.Active-toi!Nousdevonsemballernosaffaires!Ilestdéjàaumilieude
l’escalier.Jeregardeleschiens.Ilsdormenttouslesdeux.Ilsnesaventnil’unnil’autrequemonunivers
vientjusted’êtrebouleverséparunhommequiavaitlabarbelaplushorribledetoutelaplanètemaisqui,àprésent,sembleêtresortitoutdroitdurêvelepluschaud,leplusérotiquequej’aijamaisfait.
Dansmaprochainevie,jeveuxrevenirsouslaformed’unchien.Jepensequetoutseraalorsbeaucoupplussimplequecequisepassedanslemondededingueoùjevisencemoment.
Je soupire et cours rejoindre Ozzie. Avantmême que je sois arrivée dansma chambre, jel’entends ouvrir les tiroirs. J’ai l’impression d’avoir perdu lamaîtrise de toutes choses lorsque jevoisunevaliseouvertesurmonlitetdéjààmoitiérempliedemesvêtements.
—Tuessûrquec’estcequ’ilfautfaire?Jesuisappuyéecontrelechambranledelaporte.Maintenantquejenesuisplusdanssesbras,jevoisplusclairementceàquoijemeprépare.
Çapourraitvraimentmalseterminerpourtouslesdeux.Lorsqu’ilm’aembrasséecettefois-ci, je l’ai ressentidansmoncœur.Et,mêmesiJennyaraison– lescœursfinissentparguérir–, iln’endemeurepasmoinsqueçafaitunmaldechienlorsqu’ilssebrisent.
—J’ensuiscertain.Prendstoutcedonttuasbesoindanslasalledebains.Jem’occupedetonarmoireensuite.Nouspartironsdèsque j’aurai laissé sortir leschienspourune rapidepromenadedanslejardin.
J’entredanslasalledebains,espérantqueledestinabientoutenmains,parcequ’ilestévident
quecen’estpasmoncas.
22.Lejeudemotsenanglaisestdifficilementtraduisibleenfrançais.Maydit«Isuckinbed»,cequipeutsetraduirepar«jesuisnulleaulit»oubienpar«jefaisdespipesaulit».
CHAPITRE39
Leport est tranquille, oudumoins aussi tranquilleque leportde laNouvelleOrléanspeutl’être.Mêmeaucœurdelanuit,ils’ypassedeschoses,desgenscirculent,descargaisonsarriventetrepartent ; lesaffairesn’attendentpas.Nousentronsdans lehangaret jenesorspasdemavoitureavantquelaportesesoitreferméederrièrenousavecungrosboum.
Ozziebrancheunealarmesurlepavénumériqueàcôtédelaported’entréeavantderevenirversmavoiture;ilprendmesvalises.Ilyenatrois,ycomprisunpetitsacpourlesjouetsdeFélixetses bols. Mon chien en peluche saute de la voiture et rejoint Sahara. Ils grimpent devant nousl’escalierquimèneàl’appartementd’Ozzie.
—Tuprendrasmachambreetj’installerailelitdecamppourmoidanslacuisine.Jesoupireetretourneceplandansmatête.Sijem’installeici,celavaréellementcompliquer
unesituationdéjàpartropembrouillée.Jesuisvraimentdésoléequecesoitmafaute.—Tudevraisgardertonlit.Jesuistrèsbiensurlelitdecamp.—Navré.Rienàfaire.C’estmoiquidécidececoup-ci.—Cecoup-ci?Ondécideàtourderôle?Noussommesarrivésenhautdesmarchesetjetapelecodequ’Ozziem’adonnépourentrer.
Onentendundéclicetjepousselaporte.FélixetSaharaseprécipitentlespremiers.JetienslebattantpourOzziequiestchargéavectousmesbagages.Ilfautdirequecesmusclessontbienutilesparfois!C’estassezimpressionnantdeconstaterqu’ilsnesontpasuniquementlàpourlafrime.Jepensequ’ilpourraitmesouleveràboutdebras.Jesuiscommequidiraitfascinée:est-cequeceseralamêmechoseunefoisdanslachambre?Lederniertypeaveclequeljesuissortiepesaitàpeuprèslamêmechosequemoi.Jennyl’appelaitLaBrindille.
—Non,cen’estpaschacunnotretour,répondOzzietandisqu’iltraverselasalledesépées.Tupourrasdécidertoutletemps,saufquandjediraiquej’aibesoindefaireàmafaçon.
Jesouris.—J’imaginequeçadevraitm’aller.Tantque tuneprétendspasqu’il fautque tu fassesà ta
guiseplusd’unefoissurdeux.Ilrépondparungrognement.Dans le couloir, je ralentis presque sans le vouloir. C’est son domaine, pas le mien. Son
entreprise, sa maison et même sa cuisine. Qu’est-ce que je fais ici ? Est-ce qu’il va me détesterlorsqu’ilseréveilleraavecledosencompoteàcausedulitdecamp?Est-cequejeprofitedesonhospitalité,desonbesoindeveillersursesemployés?
Ildéposemesvalisesparterreprèsdulit.—Jepeux tedébarrasserdeux tiroirs ici.Commeça, tunevivraspasdans tesvalises. Il se
dirigeversunmeublehaut.Jesaisqu’avecdeux,tun’auraspasassez,maisjepeuxaussienleveruneétagèreettupourrasaccrocherdesvêtements.
Jemerapprochedeluietmetsmamainsursonbras.—Ozzie,arrête.Jelèvelatêteetleregarde,lesuppliantdesyeux.Sesmainsretombentlelongdesesflancs.—J’arrêtequoi?—Arrête…defairetoutça.Deprendresoindemoialorsquetutemetsàlaportedetapropre
chambre.Savoixsefaittrèsdouce,trèscalme.—Jenevaispasarrêter,May.Navré.Jesuiscommeça.Jetapedupiedtellementjemesensfrustrée.—Pourquoi?Ça risquedecondamnernotre relationou toutechanced’unehistoirequ’onauraitpuavoir
ensemble.Cen’estpasjuste!Ilprendunedemesmainsparleboutdesdoigtsetlasecouegentiment.—Tutefaisdusoucipourriendutout.J’aidormipar terreplusdenuitsquejepeuxm’en
rappeler.Celitdecampreprésenteuneénormeamélioration.Ilregardelelitpar-dessussonépaule.D’ailleurs,cematelasestbeaucouptropmou.Tumerendrasservice.
—Tumedisçajustepourquejedormeici.Ilserapproche,m’entouredesesbrasetposesonmentonsurmatête.J’essaiederefermerles
brasautourdesontorse,maisjenepeuxpas.Ilesttroplarge.Jem’accommodedesataille,quiestbeaucoupplusfine.Maintenant,j’arriveàcroisermesmainscommeilfautdanssondos.Jeleserreavectoutelareconnaissancequej’aienmoi.
—Tuestropgentil.J’aidelatristessedanslavoix.J’aipeurqueçaviennetoutgâcher.—Celan’arriverapas;jetetraitedelafaçondonttuméritesdel’être.Ilsedétachedemoiet
me regarde. Fais-tu partie de ces femmes qui, parce qu’elles n’ont pas été bien aimées, pensentqu’ellesnevalentrienouquelquechosecommeça?
Jesecouelatête.— Non. J’ai eu seulement quelques petits amis et ils étaient tous assez gentils. Mais… Je
continuecommesicelam’étaitindifférent.…ilsn’étaientpasfaitspourmoi.Il me serre à nouveau dans ses bras : on dirait qu’il est content, là, au beau milieu de sa
chambre,ànerienfairequ’essayerdememettreàl’aise.Jegoûtecetteforceenluiquejesens,passeulementautraversdesesmuscles;j’aimelamanièredontfonctionnesoncerveauetlabontéquianimesoncœur.Qu’Ozziesoitchargéd’assurerlasécurité,iln’yariendeplusévidentaumonde.Jemesensabsolumentensécuritédanssesbras.Etmêmechérie.
—Jenepeuxpastefairedepromesses,àpartcellequ’ilnet’arriverariendemalici.Iladitcelad’unevoixbourrue.
Ilpensequemaseulepeurrésidedansl’hommequiaessayédenousassassinerChezFrankie.Ilaraison,partiellement.J’aipeurdecemeurtrier.Maiscen’estpaslaseulechosequimetracasse.Jennyditquej’aiuncœurtendreetjenelacontrediraipassurcesujet.
—Maisqu’est-cequisepasserasiledangervientdetoi?J’aimurmurémaquestion.Moncœurse serredansmapoitrineparceque j’imagineque je
pourrais tomber amoureuse de lui et être ensuite rejetée. Si je m’engage dans une vraie histoired’amour, ce sera déjà difficile ;mais prendre ce risque etm’ybrûler les ailes ? Il faudrait que je
déménagechezmasœurpourqu’ellepuisses’occuperdemoipourlerestantdemesjours.Jeseraisabsolumentdésespérée.
—Tun’asrienàcraindredemoi,jetelepromets.—Jen’aipaspeurquetumefassesdumal.Jeparled’unetoutepetitevoix.J’aipeurquetume
briseslecœur.Il desserre ses bras autour demoi. Le chagrinm’envahit parce que j’imagine qu’il vame
rejeter.Mais,ensuite,cesentimentestbalayéd’uncouplorsqu’ilmeprenddanssesbrascommesij’étaisunpetitbébé.
—Qu’est-cequetudiraisqu’onailleaulitàprésentetqu’ons’inquiètedemaindetoutesleschosesquipourraientarriver?
Iléteintlalumièreavecsoncoude.Iln’yaplusqu’unelampealluméeprèsdulit.Elleprojetteunelueurdoucedanslachambre.C’estlegenredelumièreérotiquequim’avantagevraimentlorsquejesuisnue.Oudumoinsgrâceàlaquellejenesuispastropmochelorsquej’aiôtémesvêtements.C’estlemomentdel’amour.
Jelèvelamainpourlaglisserlelongdesapoitrine.—Çameparaîtunebonneidée.Matêteselèvetandisquelasiennesepencheetnousnousretrouvonsàmi-cheminpourun
baiser.Pourtant, celui-ci se termine beaucoup plus vite que je l’avais espéré. Je n’ai pas le temps
d’imaginerpourquoiças’estpassécommeça,parcequejesuistoutd’uncoupperdueetdésorientée.Mevoilàquivoledanslesairs:Ozzievientdemelancercommeunballonendirectiondulit.
Jevole!MonDieu!Suis-jesurlepointdemourir?!Boum! J’atterrissur ledosaumilieudumatelaset rebondisune foisavantdem’arrêterau
milieudescouvertures.Jefixeleplafondtandisquemoncerveautented’analysercequivientdesepasser.
Seigneur…Ilm’avraimentlancéedanslesairs!—Attends-moiici.Jerevienstoutdesuite.Ilmefaitunsourireetpartaugalop.—Ozzie!Je pousse un hurlement et tente de reprendre mon souffle après cette expérience de mort
imminente.Jetournelatêteàdroitepuisàgauche.Jesuistoujoursenvie.Riendecassé.J’aieulesoufflecoupéquelquesinstants,maisjerespireànouveau.J’ailittéralementfaitunbonddeplusd’unmètreenl’airquandj’airebondisurcelittropmou.Bonsangdebonsang!
—Jevais te tuerpourcequetuviensdefaire!Jebalaie lapièceduregard,à larecherched’unearme.Jesuisbiendécidéeàm’enservir.Iladel’entraînement.Ilpeutsedéfendre.S’ilveutmelaissergagner,tantpis,c’estsonproblème.
Jel’entendsquiritgaiementdanslacuisine,àl’autreboutducouloir.Et,aulieudecontinuermesplansdevengeance, jemepousseunpeuetme renverse sur lesoreillers ; jemedemandecequ’ilpeutbienêtreentraindefaire.J’aicommel’impressionquejevaisvraimentaimerçaetjenepeuxpasm’empêcherdesourireen tâchantde l’imaginer.Êtreavec lui,c’estcommeallerdansunparc d’attraction complètement dingue ; je ne sais jamais ce qui va se passer ensuite, mais c’esttoujoursamusant.
CHAPITRE40
J’entends des verres qui tintent avant de le voir apparaître au seuil de la chambre. Il a unebouteilledansunemainetdeuxlonguesflûtesàchampagnedansl’autre.
— J’avais gardé ça pour le prochain anniversaire,mais j’ai pensé qu’on pourrait en boiremaintenant.
Jem’assoislentement,quelquepeuabasourdieparcequejevois.Ozzieesthabituellementsiréservé!Cettepersonneenthousiasteetheureusen’estpascellequejeconnais.J’aidumalàcroirequ’unmembredel’équipel’aitjamaisvucommeça.J’enviensàcroirequ’ilsemontreseulementàmoisouscejouretcelamefaitdubien.Peut-êtrem’aime-t-ilvraiment?Unsourireidiots’étiresurmonvisage.
Ilposelesverressurlatabledenuitetdéroulelemuseletenferquimaintientlebouchon.—J’espèrequetuaimeslechampagne.Jeglissemesjambeshorsdulitjusqu’àcequ’ellestouchentlesol.—Biensûrquej’aimelechampagne.Jen’enboispastrèssouvent.— J’ai un ami qui possède un vignoble en France. Ilm’en envoie quelques caisses chaque
année.—Quevoilàunbonami!—Nousavonstravaillépourlui.— Quel genre de service un propriétaire de vignoble peut-il demander à une société de
sécurité?—Ehbien,ilsdevaientenvoyerdescuvéesraresauprésident.Nousnoussommesassurésque
lechargementarrivaitbienlàoùildevaitalleretdanslesconditionsattendues.—Leprésident?TuveuxdireleprésidentdesÉtats-Unis?—Luietluiseul.—Waouh.C’esttoutsimplement…fou.Le bouchon saute et vole à travers la pièce, si bien que je ne pense plus à la liste
impressionnantedesclientsd’Ozzie.Ilrentreuninstantdansmonchampdevisionlorsqu’ilrebonditsurlemuretatterritparterre.Félixpassesatêteauseuildelachambreet,enunéclair,sesyeuxsefixentsurlebouchon.Ill’attrapeetdisparaîtànouveau.Cequiveutdirequ’ilyauradelacharpiedebouchondechampagnequelquepartchezOzzieetque jedevrai la ramasser.Soupir.Aumoins, cepetitvoyouvaêtreheureuxetoccupépendantunbonboutdetemps.
Ozzieremplitunverreàrasbordetmele tendlorsquelamousseestàmoitiéredescendue.
Quandlesecondestservi,ildéposelabouteillesurlatabledechevetetlèvesaflûte.—Ànosnouveauxdébuts.Jefaisdemêmeetmedemandesinoustrinquonsparcequej’airejointl’équipeoupourfêter
monstatutdecolocataire.—Ànosnouveauxdébuts.J’aiparlédoucementetjefaisattentiondenepaschoquersaflûtetropfort.Mesnerfsétantce
qu’ilssontencemoment,jeseraisbiencapabledelesbrisertouteslesdeux.Mapremière gorgée envoie des bulles jusquedansmonnez.Cequime fait éternuer d’une
manièreassezbruyante.Ilsourit.—Tuaimesça.—Oui,oui.Jemefrottelenezpourl’empêcherdemechatouiller.Mesyeuxs’emplissentdelarmesparce
quej’essaiedenepaséternuerunesecondefois.—Celui-cin’estpastrèssucré.Jeboisuneautregorgéeetacquiesce.—Non, il est sec. Mais j’aime bien. Je n’ai plus envie d’éternuer à présent et je peux en
apprécierlasaveur.C’estcommesionbuvaitdesfeuxd’artifice,dis-jeensouriant.—Jen’avaisjamaisvuleschosescommecela.Ilvidesaflûteetgardeleliquideenbouche
pendantquelquessecondes.Ilpenchelatêtedegaucheàdroite,avaleetacquiesce.Tuasraison.C’esttoutàfaitcommedesfeuxd’artifice.
Nousbuvonsunautreverreenregardantautourdenous,sansparler.Plus le tempspasseetpluslagênes’installe.
——Alors, reprend-il, ça te dit de regarder la télévision ? Il pose sa flûte sur la table dechevet.
Lafaçonqu’iladedireçaestclaire: ilnemedemandepasvraimentsi jeveuxregarderlatélévision.Ilveutsavoirsicedontnousétionsentraindeparlerlorsquel’intrusadéclenchél’alarmedansmonjardinesttoujoursd’actualité.
Jeposedélicatementmaflûteetj’espèrequeletremblementdemamainn’estpastropvisible.—Jenesaispas.Peut-être.Ilyaunbonprogramme?Ilsecouelatêtevraimentlentement.—Non.Ilsnepassentriend’intéressant.—Nouspourrionslouerunfilm,dis-jepourletaquiner.Jeveuxvoircequ’ilrépondraàça.—Onpourrait.Maisiln’yaaucunbonfilmactuellement.—Vraiment?J’aidumalànepassourire.—Non.Aucun.Ilreculedequelquespasetdéfaitlentementsaceinture.Jesuissaisiedepanique:ellemontedansmapoitrine,magorgeetjenepeuxplusrespirer.—Que fais-tu ? J’ai posé la question dans unmurmure étranglé.C’est tout ce dont je suis
capablepourlemoment.—Jeretiremaceinture.—Oh.Jesecouelatête.Biensûrquec’estcequ’ilfait.Suis-jebête!Illaissetombersaceinturesurlesol,puisiltirelebasdesonT-shirthorsdesonpantalon.J’avalelaboulequiestdansmagorge.—Etmaintenant,qu’est-cequetufais?— J’ôte mon T-shirt. Il le passe par-dessus sa tête, puis dégage un bras avec une grande
aisance.Illaissetombersonvêtementparterreàcôtédesaceinture.J’ai le souffle coupéd’admirationquand je vois tous sesmuscles.Lavache !CeT-shirt en
cachaitencoreplusquejenel’auraispensépossible.Soncorpsestsculptéau-delàdel’imaginable.Ilressemble à Monsieur Patate23 avec un corps d’athlète. Des abdos rajoutés, des pectorauxadditionnels,desmusclesentrianglequidescendraientsurledevantdesonpantalon.
Ohlàlà,ilestentrainderetirersonpantalon!—Attends!J’aicriéenlevantunemaincommesic’étaitun«Stop».Sesmainss’arrêtentsursonbouton.—Tuveuxquej’arrête?Il lèvesonsourcildroitet lamoitiédesaboucheseplisseenune
petitegrimace.—Oui.Arrête.Arrêteimmédiatement.Sesmainsquittent sonpantalonet retombent le longde seshanches.Son sourire s’estompe
lentement.Jecroisemesmainsentremesgenouxetserreleslèvres.Ilfautquejesoissûredenepasdire
cequ’ilnefautpas.Jedoisréfléchiravantdecommencer.Cen’estpasquejen’aipasenviedelevoirnu;maisjenesuispascertained’êtreprêteàautrechosequ’àleregardercommeça.Ceseraitinjustedelelorgneretpuisdenepaslelaisserfairedemême.
—Jevaistropvitepourtoi?demande-t-il.—Onpourraitdireça.—TuveuxquejeremettemonT-shirt?—Non,pasvraiment.Jefrémisdemaproprehonnêteté.Jesuisvraimentbizarre.Jeveuxjuste
lereluquer.Ilsourit.—Maistuveuxquejegardemonpantalon.—Pourl’instant.Jepensequeceseraitunebonneidée.Ilfaitouidelatête.——O.K.Çameva.Ilsedirigeverssonbureau.—Etqu’est-cequetufaismaintenant?J’ai les nerfs à fleur de peau. J’ai envie de lui,mais j’ai peur de coucher avec lui.Le plus
grand succès de Madonna me traverse l’esprit, un peu décalé. « Like a virgin… » Oui. J’ail’impression d’être encore vierge. Comment est-ce possible, alors que j’ai fait l’amour aumoinsvingt fois, peut-être davantage, je ne sais pas. Mais c’est comme ça. « Touchée pour la premièrefois…»
Ilouvreuntiroirdesatableetenretirequelquechosedesuffisammentpetitpourtenirdanssamain.
Çadoitêtreunpréservatif.Qu’apporterait-ild’autresurlelitalorsquej’attendscommeuneviergepas-vierge?
—Onnepeutpasregarderlatélé,nifairel’amour,autantjouerauxcartes,dit-il.Ilmontesurlelitàquatrepattesets’arrêteaumilieu.Ils’assoit,ramènesesjambesetlespliesouslui.
Jeleregardeouvrirunjeudecartesetlesbattresursajambe.Jenepeuxpasm’empêcherderire.—Tun’espassérieux.—Pourquoipas?Illèvelesyeuxversmoietmefaitunclind’œil.Tuaspeur.— Qui, moi ? May Wexler, “le requin des cartes” ? Je ne crois pas. Je me retourne et
m’installeaumilieudulit,prèsdesoreillers.Jecroiselesjambesetramènemespiedssousmoi.Là,jepeuxm’entirer.Qu’est-cequetupréfères?Poker?Blackjack?
—Oncommenceparlepoker.
—Excellent.Jefrottemesmainsl’unecontrel’autre,soulagéequelapressionsoitmomentanémentlevée.
Lorsquenousauronsjouéetplaisantéunpeu,peut-êtrequejemesentiraiplusàl’aiseavecl’idéedecoucheraveclui.
Sonsourireestdécidémentunpeufourbe.—Ontireseptcartes.Avecjokers.Situperds,tuôtesunvêtement.Peut-êtrequejenevaisguèreêtreplusàl’aise.J’imaginequenousallonslesavoirbientôt.
23.Jouetaméricainenplastique.Ils’agitd’unetêteenformedepommedeterre,àlaquelleonpeutajouterdeséléments(yeux,nez,boucheetpartiesducorps…)
CHAPITRE41
Jeperds lapremièremainetmeschaussures. Ilperd les trois suivantes,et il se retrouveensous-vêtements.Ilportedescaleçons:noirs,bienentendu.Sesbrassontposéssursesgenouxet lamainquitientlescartesplaneentrenous.Ilmeregarde.
—Qu’est-cequ’onfait,MayWexler“lerequindescartes”?Tuveuxdescartes?J’aiunepairedetrois.Voilà.Jetranspire,parcequesijeperdscelle-ci,ilfaudraquej’ôtemon
haut ou mon pantalon. Il m’a déjà empêchée de retirer mes boucles d’oreilles. Uniquement lesvêtements,c’estlarègle.
—Hum,oui.J’enveuxquatre.Ilritdoucementetprendquatrecartessurledessusdujeu.—Disdonc,May.Jepensequetuesmalpartie.Jeregardelescartesqu’ilachoisiespourmoietsouris.—Peut-être.Peut-êtrequenon.Jebluffecomplètement. Je saisquemapairede trois avecunemainhautededixnevapas
m’apportergrand-chose.Monseulespoirestdel’ameneràplier.Leplidonneuneamende,maisonneretirepasdevêtement.
—Jevaisprendreunecarte,annonce-t-iltandisqu’ilenretireunedesonjeuetenprendunenouvelle.
Unecarte.Flûte!—Qu’est-cequ’onfait?medemande-t-il.Tuesprêteàabattre?Monvisages’échauffe.Abattre?Pasencore.—Jenevaispasplier.Maispeut-êtrequetuledevrais.Tuvasteretrouveràpoilsituperds
uneautremain.—Fautcroirequej’aienvied’êtreàpoil.Ilm’adresseunclind’œil.Jefroncelessourcils.—Est-cequetuasfaitexprèsdeperdre?— Qui, moi ? Il en fait un peu trop. Ne sois pas ridicule. J’ai bien trop le sens de la
compétitionpourperdreexprès.Oubien il est tropchevaleresque. J’essaiedemesouvenirdenosmainsprécédentes.Est-ce
qu’il a lâché de bonnes cartes pour en prendre de mauvaises ? Je n’y prêtais pas attention à cemoment-là, et il est trop tard à présent pourm’en assurer.Merde.Etmoi qui pensais être un vrai“requindescartes”alorsquej’étaisprobablementuneviergepas-viergequicroyaitàsachance.Zut
dezut.Ilabatsescartessurlelit.—Regardeetpleure.Ilaun«full»24.J’abatslentementlesmiennessurlelitdevantmoi.—Unepairedetrois,autrementditarchinulle.Ilsepencheetprendlepremierboutondemonchemisierentresesdoigts.—Qu’est-cequetufais?—Jet’aide.Illedéfait.J’écartesamaind’unetape.—Hé!Peut-êtrequejevoulaisenlevermonpantalond’abord!J’ai l’impression que je vais avoir une crise cardiaque juste au-dessus de ce stupide jeu de
cartes.Nousallonsnousretrouvernustouslesdeuxetjenesuispasprête!Ilsepencheenarrière.—Enlèvetonpantalond’abord,situpréfères.Ils’appuiesursesmainsetsourit.Jet’attends.
C’estàtontourdejouer,tusais.—Oui.J’aiparlésuruntonmaussade.Jemelèveetjeboutonnemonchemisierjusqu’enhaut,
puisjedéfaislepremierboutondemonpantalon.—Nerveuse?demande-t-il.Ilnesouritplus.—Non.—Menteuse.Jesoupire.—Oui,jemens.Jesuisnerveuse.Maisjefaisdescendremonpantalonjusqu’àmeschevilles.
Lejeu,c’estlejeu:j’aiperdulamain.—Onpeut s’arrêterquand tuveux. Il se laisse tomber sur ledosetparleen s’adressant au
plafond.D’ailleurs,j’enaiplutôtassezdescartes.Jeretiremonpantalonet jemedemandes’il joue toujoursaugentlemanoubiens’iln’ena
vraimentrienàfairedemevoirtoutenue.Jedevraispeut-êtreenêtresoulagée,maiscelamerendaucontraireunpeutriste.J’espèrequejen’aipastoutgâchéaveclui.
Jeluidemande:—Quevoudrais-tufaireàpartça?—Nouspourrionsregarderlatélévision.—Tuasditqu’iln’yavaitriend’intéressant!Jefaissemblantd’êtreindignée,maisenfaitjesuisheureuse.Jesuiscontentequ’ilaitvoulu
joueraustrippokeravecmoi.C’estuncompliment,non?Etilsourit:alorsçanevapeut-êtrepassetransformerencatastrophe.
—J’aimenti.Viens.Ilbonditdulitavecunsaltoarrièreetquittelapièce.—Attends-moi!Jesorsdelachambreencourant,avecjustemachemiseetmapetiteculotte.Ilm’attend,installésurlecanapé,télévisiondéjàallumée.Leschienssontenroulésl’undans
l’autresuruncoussingéantposésurlesolàcôtéducanapé.Sahararonfle.Félixestétalésurledos,lespattesenl’air.J’aienvied’allerleprendre,maisjem’abstiens.Ilvadormirtoutelanuitcommeçaet,d’ailleurs,maintenantjeveuxêtreavecOzzie.
—IlspassentModernFamily25.Çamefaitrire.Ilpointelatélécommandeversl’écranencastrédanslemuretchangedechaîne.Apparaissent
lesvisagesfamiliersdeClaireetPhil.—TuneressemblespasauxgensdeModernFamily,dis-jeenm’asseyantsur lecanapé.Je
laisseuncoussinentrenous.Jesuisàunbout,ilestaumilieu.Lesofaestprobablementassezgrandpoursixpersonnes.
Ilsetourne,s’allongesurleventre,etmetsatêtesurmesgenouxcommesic’étaitlachoselaplusnormaledumonde.Noussommestouslesdeuxentrainderegarderunesitcom,àmoitiénus,danslasalledesépées.IlestévidentquejesuisàCrazyTown.
Au lieude sur-analyserquelquechosequidéfie l’examen, jemedétendset regarde le film.Mesmainstrouventleurcheminverssatêteetjememetsàluimasserlecuirchevelu.Puisjelesfaisglisserlégèrementverssestempesetsajoue,etjejoueavecsesoreilles.Ellessontdoucesalorsquelesautrespartiesdesoncorpssontrésolumentfermes.Lorsqu’ilrit,toutlecanapéenestsecoué.Ilest adorable et charmant quand il regarde ce truc idiot. Ça va vraiment devenir mon émissionpréférée.
Pendantlapremièremoitiéduprogramme,unedesesmainsseglissesousmacuisse.Et,unpeu plus tard, l’autre main se lève et passe derrière mon dos. Il n’a pas l’air d’être installé trèsconfortablement mais, quand arrivent les publicités, j’en suis ravie parce qu’elles vont nous êtreutiles.Ilseretournesur ledoset lebrasquise trouvaitsousmacuissese libère.Samainflotteenl’air,etsedirigeverslepremierboutondemonchemisier,celuiquej’airefermétoutàl’heureprèsdemoncou.
JeprétendsêtrecaptivéeparlesexcellentescapacitésdenettoyageduTideStickdontonnouschante lesavantages ;pendantce temps, ildéfait troisboutons, laissantparaître lecontourdemonsoutien-gorge.Jerisd’unepublicitéoùl’onvoitunpetitchienpourchassantunchatquiluiaprissonjouet.Maisimpossiblecontinuercettemascaradequandsesdoigtstirentlehautdemonsoutien-gorgeverslebasetqu’ilprendmonseindanssamain.
Jepenchelatêteetleregardedanslesyeux.Ilneplaisanteplusàprésent.—J’aimequetusoissurmoncanapé,murmure-t-il.—Tun’aspaspeurquequelqu’undetonéquipeentre?—Non.J’aiunsystèmedesécurité, tu t’ensouviens? Il jetteunœilducôtéducouloirqui
mèneverslaporteextérieure.J’aidésarmélaserrure.Personnenepeutentrer.—Mêmeaveclecode?—Même avec le code. Tu pourrais courir ici, entièrement nue, et personne ne le saurait
jamais.Cetteidéememetlefeuauxjoues.—Toi,tulesaurais.—Maisjenelediraisjamais.Ilm’attireàluietm’embrassesurlabouche,salanguevenantàlarencontredelamienne.Ce
n’estpaslapositionlaplusconfortablequiexiste,maisc’estérotique.Ilaréussiàmedéshabilleràmoitiéet jenem’ensenspasgênée.Jepeuxvoirsonérectiondanssoncaleçon: jen’auraisqu’unmotàdireetilmeprendraittoutentière.Mais,aulieudecela,ilnemepressepasetsecontentedemeregarder.Ilattenddevoirmaréaction.
Jesuismoinsnerveusequetoutàl’heure.J’aienviequ’ilsachequej’appréciecequ’ilfait.—Bien.Tuveuxdespopcorns?Ilserassoit.—Jenesaispastrop.Ettoi?Ilsembleindifférent.—Pasvraiment.Mais,situenveux,jevaisenpréparer.Jesecouelatête.—Non,ilesttard.Jecroisquejevaism’enpasser.—Il se rencognedans le canapé, ledos contre les coussins etm’attire à lui.Lapeaude sa
cuisseestchaudecontrelamienne.Jesuiscontentedem’êtreraséeaujourd’hui.Lespoilssombreset
drusdesesjambeschatouillentlapeaudélicatedesmiennes.Etjepensequenouspourrionsêtreaulit,luietmoi,ensemble,noustouchantpartout,sansvêtementspournousgêner…
Il me serre fort dans ses bras et m’embrasse sur le dessus de la tête au moment où leprogrammereprend.
— Attends de voir cette partie, reprend-il. Il se détend et passe la télévision en modetéléspectateur.
Etvoilàpouruneviolenteérection ! Je lancedes regardssubrepticesverssoncaleçonet lavoisreprendreunetaillenormale:pourinformation,elleesttoujoursremarquableetjemedisqu’ildoitavoirdumalàtrouverdespantalonsquiluivont.Nomd’unchien!
Plus le temps passe tandis qu’ilme caresse doucement le bras avec ses doigts, touchemescheveuxetm’attireàlui,plusjemesensàl’aise.Etaveccesentimentvientceluid’unefrustration.Nous sommes si prèsde faire l’amour,maisnous en retardons lemoment. Il se comporte envraigentlemanetcelamerendfolle.
Ilfautqu’onfassequelquechoseàcesujet.Etilfautqu’onlefassemaintenant.
24.Associationd’unepaire(deuxcartesidentiques,n’importelesquelles)etd’unbrelan(troiscartesidentiques,n’importelesquelles).Lavaleurdescartesdéterminelevainqueurencasde«full»chezlesadversaires.25.Sérieaméricainetournéesousformededocumentaireparodiquequiprésenteune«famillemoderne»,diffuséedepuisseptembre2009.
CHAPITRE42
J’attrapelatélécommandeetj’éteinslatélévision.Ozziesefigeetcessedecaressermonbras.J’attendsqu’ilfasseleprochainpas.
—Tuascoupél’émission.—Oui.Moncœurdevientfou.—Est-cequecelaveutdirequetuesprêteàallertecoucher?Toutdoux,May,toutdoux.Tuvasyarriver.—Pasvraiment.Ilpousseunlongsoupir.Pendantuneseconde,jecroisqu’ilestfâché.Maisalors,ilreprendla
parole.—Lève-toi,May.—Quejemelève?Jemesensperdue.—Oui,lève-toi.Vienslà,devantmoi.Ilselaisseallerdetoutsonpoidscontrelescoussins,
glisseunpeulebasdesoncorpsversl’avantets’affaissesurlecanapé.Jenesaispascequivasepasseràprésent,maisjemelève.—Tourne-toiversmoi.J’obéis.Ilprendmamaingaucheetm’attirejusqu’àcequejemetrouvedebout,entresesgenoux.—Enlèvetonchemisier.J’aidumalàavalermasalive.Nousallonsvraimentlefaire.Nousallonsfairel’amour,làtout
desuite.Danscettepièce.Surcecanapé.Ah,pauvredemoi!Jelèvedesdoigtstremblantspourdéfairelesderniersboutons.Maisjen’aipaslaforcepour
quoi que ce soit d’autre. Lorsque j’ai fini, mesmains retombent le long demes hanches. Je suiscommeunepoulemouillée,etjenesuismêmepasencoretoutenue.Jemedéteste!Matêtes’affaissesurmapoitrine.
Ozzieseredresseettiresurmamanche.Machemisetombedemonbras.—Enlève-moiça,dit-ild’unevoixcalme.Lefaitqu’iln’aitl’airniencolèrenieffrayantme
faitterriblementpeur.Ondiraitqu’ilestànouveaumonpatron,entraindemesoumettreàunesorted’exercice.Retiretonchemisier,May.Jenevaispasteleredire.
Unfrissondescendlelongdemacolonnevertébraleetarriveàunendroitbienprécisentremesjambes.Nomd’unchien!
Jefaiscequ’ilmeditparcequejenesuispasidiote.
—C’estbien,dit-ild’unevoixbassequisemblepresqueagressive.Etmevoilàdansmonsoutien-gorgepetite culotte assortis,unensemblepour lequel j’avais
fait une folie l’année dernière quand j’avais beaucoup de commandes pour des mariages. Je suiscontentede l’avoirmisaujourd’hui.Est-ceque jesavaisque j’allaismedéshabillerdevantOzzie?Peut-être.Jel’avaissansdouteespéré.Seigneur,jenesuisguèrefarouche.
—Retiretonsoutien-gorge.Il s’est renfoncé dans le canapé et ses yeux parcourentmon corps. La télévisionmarche à
nouveau,mais le son est coupé. La lumière danse derrièremoi. J’espère que çame donne un airmystérieusementérotiqueetqueçanemefaitpasparaîtregrosse.
Jefaistoutd’aborddescendrelesbretellesdemesépaules,raviedevoirsonérectiongonflersoncaleçon.Ilyposelamainetlapressetandisquesonpelvissesoulève.J’enreçoisunchocquitraversetoutmoncorps.Jen’avaisjamaispenséquevoirunhommesecaresserpourraitm’exciter,maisj’avaistort.Tort,tort,etencoretort.
Mesbretellespendentsurmesbrasàprésentetj’attrapelescrochetsdansmondos.Jecroisemesbrassurmapoitrineet je tiens levêtementdétachécontremoi.Montrer lehautdemoncorpsdanssanuditélaplustotalependantqu’ilresteassislà,etmoidebout,c’enesttrop.Ilvamefalloirbienplusdeconfianceenmoiqu’àprésentpourlâcherceboutdetissu.
—Retireça,May.—Jenepeuxpas.Jetrembleànouveau.Jenesaispassic’estdepeuroud’excitation.—Tupeuxettuvaslefaire.Jesecouelatêtepourdirenon,maisjenepeuxpasparler.Lapeuretlanervositém’ontliéla
langueetellesneveulentpluslalâcher.Il sepencheenavant etmet sesmains surmescuisses.Sesdoigts sont chauds surmapeau
fraîche.Ilsmontentlentementlelongdemeshanches,dematailleetjusqu’àmesépaules.—Donne-toiàmoi,May.Deslarmesfontbrillermesyeux.—Jenepeuxpas.—Biensûrquesi.Ilprendleborddemonsoutien-gorgeetletiredoucementdedessousmes
bras.Jeleluiabandonneparcequelaplusgrandepartiedemonêtrelesouhaite;jeveuxêtrenue
aveclui.L’autrepartdemoi,cellequiestcomplexéeettrouvequejenesuispasassezbien,voudraitsesauveràtoutesjambesetnejamaisregarderenarrière.Sijetombed’aussihaut,jevaismefairevraiment,vraimentmaletnousn’avonsmêmepasencorefaitl’amour.
Seulsmesbrascouvrentàprésentmapoitrine.Pourquoiest-cequ’ilssontsimaigres?Messeinsdépassentdepartout.
Ilselaisseànouveauallerdanslefondducanapé,portemonsoutien-gorgeàsonvisage.Ilfermelesyeuxetrespire.
—Ilsentcommetapeau.Sesyeuxs’ouvrentetilsourit.J’aifaillirire.—Tum’effraies.Ilenvoielesoutien-gorgeloindeluietseredresse.Sesmainscommencentàmesmolletset
grimpentdoucement;ellesmechatouillentetm’enflammenttoutàlafois.J’ailachairdepoulesurtoutlecorps.
—J’aimetonodeur,letoucherdetapeau,lamanièredonttumefixesaveccetterideentrelesyeux.
—Ride!Quelleride?
Je suis trop affoléepour comprendre cequ’il est en train de faire jusqu’aumoment où sesdoigtsarriventàlaceinturedemapetiteculotte.
Jepressemapoitrineavecunbras,tandisquel’autres’envaprotégermonderniervêtement.—Tufaisquoi?—Tuveuxlagarder?Ilnesourcillemêmepas.Çam’estégal.Ilsepencheetposesonvisage
surmapetiteculotte.Merde,qu’est-ceque…?Seigneur,c’est…agréaaable.Mamainsetrouvesursonchemin,iln’enacure,lacontourneetvientplacersaboucheentre
mes doigts. Son souffle chaud traverse le léger tissu soyeux, incendie la partie la plus sensible demoncorps.Jepensequ’onnepeutpasfaireplusérotique;puisilcommenceàfairedescerclesavecsaboucheetjemerendscomptequejem’étaistrompéedutoutautout.
Je gémis quandmes sensations se font trop fortes. Comment est-ce qu’il peut inventer deschoses pareilles ? Il gémit aussi tandis qu’il promène sa bouche surmoi et me réchauffe de sonsouffle;jepensequejevaisavoirunorgasmesansavoirenlevémapetiteculotte.Quem’arrive-t-il?Jenejouispas.Monappareilàfabriquerdesorgasmesestenpanneouquelquechosecommeça.Jem’ensuisrenducompteilyalongtempsetjel’aivérifiéavectouslespetitsamisquej’aieus.Jesuisdecesfemmesquin’enontjamais.
Mamainquiessayaitdeseprotégerdesoninvasionremonteversmapoitrine.C’estridiculedeprétendrequejeneveuxpasqu’ilfassecequ’ilaentrepris.Jenetrompepersonne.
IlprofitedemacapitulationpourbaissermaculotteetilplaquesonvisagecontremonmontdeVénus.Jenem’attendaisabsolumentpasàça.
J’halèteetjelaissetombermesmains,d’abordsursatêtepuissursesépaules.Ilfautquejemetienne à quelque chose pour ne pas m’effondrer. Sa langue s’est glissée dans les plis chauds ethumidesdemavulveet je criedeplaisir.Sansdoutedevrais-je être embarrasséedeme trouver silibéréeetouverte,maisàprésentjesuistropexcitéepourmesoucierdequoiquecesoit.
Je le sens qui fait quelque chose tandis qu’il continue à faire aller sa langue, mais je necomprendspascequec’estavantqu’ilneviennemettresesmainssurma tailleetqu’il reculesonvisage:ilaôtésoncaleçonetmisunpréservatif.
Jeregardeverslebasetvoissonérectiondardéeversmoi.Maculotteestdescenduesurmescuisses.Illèvelatêteetmeregarde,sabouchehumidedemonintimité.Jefaistombermaculottesurlesoletenlibèremespieds.
—Viensici.Ilmeguidepourquejem’assoiesurlui.Jemetsungenoudechaquecôtédesescuisses.—Prends-moientoi,dit-ild’unevoixquiestpresqueungrognementàprésent.Moncœurbatàtoutevitesse,maisjeveuxlesentirenmoi.Salangueaexacerbémessensau
maximum.Oublionsmagêne, oublionsque je suisnue à l’endroit où je travaille. J’en ai envie, etenvietoutdesuite.
Lorsquenoscorpssetouchent,jenesuispassûrequeçavamarcher.Ilesttropgrandetjesuistoutegonfléeaprèscequ’iladéjàfaitpourm’exciter.Maislorsqu’ilsepousseenmoi,ilmeprouvequejemesuis trompée, trompée, trompée.Unefoisdeplus.Jepeuxlecontenir,mais tout juste.Jedescendsversluietjegémistellementjesuisdistendue.
—Mm… Manifestement, il a aussi du plaisir. Je souris devant l’expression de son visagelorsquejemesoulèvepourredescendresurlui.May,tuesextraordinaire…
Jemepencheenavantetposemesmainssur lecanapé,parcequeçamepermetdebougerplusfacilementcommejeveuxlefaire.Messeinstouchentsonvisage.
Illesprenddanssesmainsetsucemesmamelonsl’unaprèsl’autre.Lesentiràl’intérieurdemoietquesesmainsetsabouchecaressentenmêmetempsmesseins,c’estincroyable.Jebougeplus
vitepoursatisfairemonenviegrandissante.Ilpresseetmalaxe.Leboutdemesseinsdurcitcommejamaisencore.
—Embrasse-moi,murmure-t-il.Jemepenchedumieuxquejepeux,maiscen’estpasfaciledemerapprocherdelui.Jesuis
surlepointd’abandonnerlorsqu’ilm’attrapeparlatailleetmeretournesurledos.Ilestau-dessusdemoi,placeungenousuruncoussinetl’autrejambeàterre.
—Quefais-tu?J’enailesoufflecoupé.Ils’enfoncecomplètementenmoi,encoreplusprofondément.—Jetebaise,May.Lesmotsgrossiersetsonregardmenaçantmefouettentd’uneénergieérotique.Mesmuscles
secontractentetmonvaginseresserreautourdelui.Sesyeuxs’élargissentlorsqu’illesent;puisilsemordlalèvreinférieureetpousseenmoijusqu’àcequ’ilnepuissepasallerplusloin.
—Seigneur…Jelèvemesjambesetlesenrouleautourdelui.Ozzie…Jel’implore.Jenesaispascequejequémandeainsi,maisj’espèrequ’ilvameledonnerbienvite.
Ses poussées commencent lentement et doucement. Nous nous embrassons, nos langues semêlent,noslèvress’écrasent,sabarbequiarepousségriffemonmenton.Jesenssesmusclesbougersous lapeaudesondos.Desmusclespuissants, tenduscommedescordesquiondulent tandisqu’ils’activedansunvaetvient ; il faitmonterenmoiune tensionquiaspireàêtre libérée.Mesmainsglissentlelongdeseshanchesetdesesfessespourquejepuissel’attirerplusfortementversmoi.Ilcomprendparfaitement ceque jeveux, ralentit lorsqu’ilmepénètre jusqu’au fond, frotte, se retirepourplongerànouveau.
Jesensquandilcommenceànepluspouvoirsemaîtriser.Sasueursemetàgouttersurmonventreetsemêleàlamienne.Sonsoufflesefaithaletant.Sonvisageaprisuneexpressionàlafoisdesouffranceetdeplaisir.
—Oh,Ozzie ! J’aicriéet je sensque jevaisbientôtexploser. Jenesaispasoùnous ironsensuite.Jesuiscertained’unechose:jeneveuxpasqueças’arrête.Jamais.
—Vas-y,machérie,m’encourageOzzie.Ilfautquejebougeplusvite.Moncorpsl’exige.Toutmonêtreinsiste.C’estlaseulefaçon.La
seulefaçonquecessecettedoucetorture.Etpuis,ils’arrêtetoutd’uncoup.Ilsefige.Ilestenfoncéjusqu’àlagarde,ils’arrêteetrespire
avecdifficultéau-dessusdemoi.—Qu’est-cequetufais?—C’estàtoidebougermaintenant,souffle-t-il.Allongéesouslui,jenesaisquefaire.—Commentest-cequejepeuxbougerquandtuessurmoi?Ilhausseuneépaule.—Jenesaispas.Voissitupeuxtrouverunmoyen.Siçapeutlerendreheureux,jevaisessayer.D’ailleurs,lasensationdesonpénis,énormeet
durenmoi,me rend folle. Jenepourraispas rester tranquillemêmesi je levoulais.Meshanchesbougentdéjà.
Je tendsmonpelvis vers lui.Avec ceminusculemouvement, j’éprouveune sensation aiguëmais extraordinaire dansmon intimité. Jeme recule et répète lemouvement ; et ça recommence.J’écartedavantagelesjambes.
—C’estça,machérie…Jen’aipasbesoindesesencouragements,maisquandilmeparlealorsquejem’écrasecontre
lui,jemesensdevenirbrutale.Primitive.Unpeusauvage.Jebougecontreluiavecplusd’insistance,répondantàl’exigencequivientdemonêtreleplusarchaïque.Àchacunedemespousséesverslui,je
leprendsplusentièrementenmoi,jusqu’àcequelapartielaplussensibledemonêtreviennefrottersoncorpsetquesonpénism’étirejusqu’àmeremplircomplètement.
—MonDieu.Jesensunebrûlurequim’envahitlentement.—Oh,oui!Vas-y,mabeauté,vas-y.Ilpoussecontremoiquandjemonteverslui.Nousnous
retrouvonsàmi-cheminetjelesensquigranditencoreenmoi.Puis,ilmesemblequejemenoie.Unfeuintensefaitrageentremesjambes.Illesentetsemet
à pousser encore plus fort, encore plus vite. Je lui rends coup pour coup, chaque va et vientm’amenantplusprèsdubut.
—Ozzie!Ozzie!Jem’accrocheàlui,j’aipeurd’êtreperdueàjamaissijelelaissealler.—Viensàmoi,machérie,viens!crie-t-il.Ilpoussejusqu’àlalimite,puissoncorpscommenceàtressaillirenmoi.Jen’enpeuxplus.Je
crieetm’accrocheà luicommeàunebouéedesauvetage.Jesuisen trainde tomberd’unefalaisetoutenoireetjen’airienàquoimeraccrocher.Jel’aienfintrouvé:l’orgasmequejen’avaisjamaiseuauparavantmaisdontlesromansparlenttoujours.
CHAPITRE43
Lorsqu’Ozzieajouietquej’arrêtedehurlercommeunefolle,ils’écroulesurmoi.—Raaah!C’estàpeuprèstoutcequej’arriveàdire.Magorgeestdouloureuse.Jepenseque
j’aidûm’éclaterunecordevocale.Ilsetourne,rouledecôtéettombeducanapésurledos.—Ouille.Ilal’airaussiépuiséquemoi.Jepouffe.—Toutvabien?—Jesurvivrai.Situn’essaiespasderecommencertoutdesuite.Jemepencheetluidonneunepetitetapeavecleboutdemesdoigts.—C’esttoiquil’asvoulu,pasmoi.Ilsesoulèveunpeu,prendmesdoigtsetlesembrasse.—Ilestl’heured’alleraulit,BoPeep.—Ontravailledemainmatin.—Quelleheureest-il?Jemeredressesurlecôtéetregardelapendule.—Minuit.Jesoupireetcontempleleplafond.Illâchemamainetjelaplacesurmapoitrine.—Heureuse?medemande-t-il.Jesourisetopine.—Heureuse.—Fatiguée?Jesecouelatête.—Paslemoinsdumonde.Jecroisquejepourraisvoler!—Tuesredoutable.J’adoreêtreredoutable.— C’est toi qui incites des jeunes filles parfaitement honnêtes à se déshabiller et à faire
l’amourd’unefaçontorridesurlecanapédeleurentreprise.—C’estfaux.C’esttoiquim’yaspoussé.Jerouleànouveausurmoi-mêmeetleregarde:ilesttoujoursallongésurlesol.—Commentça?Jefaissemblantd’êtreindignéedevantunepareilleaccusation.— Tu es entrée dans ce bar la semaine dernière, toute mignonne avec ce pantalon et ce
chemisier,avectonpetitchien.J’aipenséquetuétaisuneépousequis’ennuyait,venuechercherun
peud’action…etjedécouvrequetuesuneimpitoyablemaîtred’armesavecunetrique,capabledemanierunTaseretavecungoûtpourlesex-grognardsàbarbe.
Jen’enpeuxplusderire.Sadescriptionnepourraitpasêtreplusridicule.—Pourquoiris-tu?Tusaisquejedislavérité.—Turacontesdesbêtises.—Cite-moiuneseulechosequinesoitpasvéridique.—Jedétestelesbarbes.Il se relèved’unbondet, avantque je comprennecequim’arrive, jeme retrouve soulevée
danssesbras.—Qu’est-cequetufais?!J’aicrié,maisj’ail’airbeaucouptropheureusepourqu’ilpuisse
prendrecehurlementpouruneréactiondecolère.—Jevaistemettreaulitettedonnerunefessée.—Oh,unefessée!Jevoudraisvoirça.J’ai laissémonTaser dansmon sac, près de son lit. S’il songe seulement àme toucher les
fesses,jevaisleviseravecmonarme.Nousquittonslapièceàlavitesseduventetjen’arrêtepasderire.J’ail’impressiond’avoir
étémoi-mêmeélectrocutée,absolumentincapabledememaîtriser.C’estcommesi,depuistoujours,la lumièrequim’habiteavaitétééteinteetqu’Ozzieavait, jenesaiscomment, réussià larallumer.C’estbienmoi,lavraieMayWexler,etjesuisnuedanslesbrasd’Ozziequitraversel’appartementencourant.Jesuisvraiment,maisvraimentàCrazyTown.JesuisMayWexler«lareinedel’orgasme».
Jenesuispasdutoutsurprisecettefois-cilorsqu’ilmelanceenl’airetquej’atterrissurlelit.Maisjelesuislorsqu’ilmeretourneetmedonneuneclaquesurlesfesses.
—Tu…!Jehurle.Tuvasmelepayer!Jeroulesurlecôtéetessaied’attrapersonbras,maisiltranspiretellementquejen’arrivepasàm’yaccrocher.
Ilmepousseànouveausurlelit,latêtedanslesdraps.—Tunebougespas,fillette.Jevaist’apprendrelesbonnesmanières.Direquemabarbeétait
horrible.Commentoses-tu!Je soulève la têtepour ledéfierquand sesmainsmeprennentpar la taille et soulèventmes
hanches.—Quefais-tu…?Ettoutàcoup,ilestlà,derrièremoi.— Surprise ! dit-il avec un souriremauvais. Il presse sonmembre contremoi et le glisse
facilementdansl’humiditédemavulve.—Encore?Mavoixsortàpeinedemagorge.Déjà?Ilmefrappesurlesfesses,légèrementcettefois-ci.—J’arrive,machérie.Quetusoisprêteoupas.Oh,jesuistouteprêteàlerecevoir.Ilmetunpréservatifetjelèvemesfessesaussihautqueje
lepeux,soupirantdeplaisirquandilm’emplitànouveau.Il va lentement à présent, laissant la passion monter, attentif à ma sensibilité. Ses doigts
trouventleurcheminversmonclitorisetilmecaresseenrythmeavecsespoussées.—Tuaimesça?demande-t-ilensepressantfortementcontremoitandisqu’ilfaitpivoterses
hanches.—Humm…J’aifermélesyeux,maisjesouris.J’écartemesbrasetmeretiensauxdraps.Son
rythmes’accélèreetilm’enfoncedanslematelas.—C’estbien,plusfort!Jel’encourage.Etilmepénètredavantage,dansunvaetvientplusrapide,toujoursplusrapide.Jemepresse
versluipourqu’ilcomprennequej’enveuxencoreplus.
Ilsepencheetmetànouveausesdoigtsenmoi.—Vas-y,machérie.—Baise-moi,Ozzie.Lesmotssontsortiscommeça,maisjenelesregrettepas.—Dis-leencore,gronde-t-il.—Baise-moi…Ilfautquejereprennemonsouffle.…Ozzie.Il rugit commeun lionblessé etpousse si fortquenousnousécroulons tous lesdeux.Son
corpstressailleau-dessusdemoicommes’ilavaitétéélectrocutéetjelesensjouirenmoi.Samainesttoujourssousmoncorpsetjelasensquibougeànouveau.Jesaisquejeviensde
luidonnerduplaisirgrâceàmoncorpsetcequej’aiditetc’esttoutcequim’importe.Jecrieetmedébatstandisquel’orgasmeravagetoutmonêtre.J’aitotalementperdulecontrôledemoi-mêmeetcelan’aaucuneimportance.
Quand tout estbien fini,plusieursminutesaprès, j’ai l’impressionque je suismorteou,dumoins,quejeviensdecourirunmarathon.Jenepeuxpasbouger.
—Jesuiscontentquetuaiesdécidédet’installerici,medit-ilàl’oreille.Jepouffecommeunecollégienneavantdegrognerparesseusement:—Moiaussi.Ilroulesurledosàcôtédemoi.Jetournelatêtepourleregarder.—Heureuse?demande-t-il.Jesouriscommejepeux.Monvisageneveutplusrépondre.—Heureuse.—Bien.Ilsepencheetm’embrasseavantdeselever.—Oùvas-tu?—Salledebains.—D’ac’.Jemeréinstalledanslelit,souslescouvertures,matêtesurl’oreiller.Lelitestsiconfortable.
Jevaistoutsimplementmedétendreenattendantqu’ilrevienne.Peut-êtrevoudra-t-ilmeparleroujene sais quoi. Il faudrait sans doute que nous discutions : comment allons-nous nous comporterensembledemainautravail?Jeneveuxpasquelasituationdevienneembarrassanteet jesuissûrequeluinonplus.
C’estladernièrechosedontjemesouvienneavantqueleréveilnesedéclencheprèsdematête:ilest7h30.
CHAPITRE44
Ciel!J’aidormiici!Aveclui!Danssonlit!Etilfautquejemelèvepourallertravailler.Et
ilfautquejesorteFélix!Zut!Ondiraitbienquequelqu’unadormiàcôtédemoi.Est-cequ’Ozzieestrestélàtoutelanuitet
quejenem’ensuismêmepasrenducompte?Ehbien!Notrenuitm’avraimentmiseKO.Jelancemesjambeshorsdulitetregardeautourdemoi.Espéronsqu’OzzieaemmenéFélix
dehorsavecSahara.Sansquoi,jevaisavoirdunettoyageàfaire.Enfacedemoi, ilyauneportequin’ouvrepassurlecouloir.Sic’étaitcelledelasallede
bains,ceseraitbien:jen’aipasdutoutenviedepasserparlacuisineetquemescollèguesmevoientrevenird’unepartiedejambesenl’air.Enfait,dedeux.
Jesourisenprenantdesvêtementsdanslestiroirsquim’ontétéallouésetpassedanslasalledebainscontiguë.
Waouh!Çac’estunesalledebains:marbre,verreetmétaldonnentàcevasteespaceunaird’oasisdansunspa.Jemebrossed’abordlesdents,pourlecasoùOzziereviendraitets’approcheraitdemoi.Jeneveuxpasqu’ilmeplaqueparcequej’aiunehaleinedeputois.
La douche qui pourrait accueillir plusieurs personnes à la fois possède trois pommeauxpermettant des jets variés. J’utilise les produits d’Ozzie pourmedoucher etme laver les cheveux,maisjenetrouvepasd’après-shampooing.J’imaginequ’iln’enutilisepaspourlesépisqu’ilasurlatête. Je suis étonnée qu’il ne lui en reste pas du temps où il avait une barbe. Il fallait bien qu’ildisciplinecetteforêt!
Jesongeàcenidpouroiseauxquidécoraitsonvisagequandunbruitderrièremoiinterromptmarêverie. Jemeretourneet trouveOzzieenpersonne,debout,habilléetprêtpour le travail. Ilamêmedéjàenfilésesbottesdecombat.
Timidement, jecroisemesbrassurmesseins.Jenevaispasmanquerd’utilisercefantasmequandjem’ennuieraietquejeseraiseulelanuit.Moi,nueetmouillée.Lui,monpatron,debouttousmusclesdehors.Tuparlesd’unevisionérotique.
—Bonjour,fait-il.—Bonjour.Mevoilàembarrassée,cequiestridiculeaprèslanuitquenousavonspassée,maisjenesuis
pasmaîtressedemesémotions.Pourquois’est-ilendormihiersoirsansmeréveiller?A-t-ilmêmepassé la nuit auprès de moi ? Peut-être qu’il a été sur le lit de camp. Cette idée m’attriste. Cela
ressembleàunrejet.—Réuniondansquinzeminutes.—Quinze?Jemedépêchedemerincerlescheveux.O.K.J’espèrequ’ilnes’attendpasàme
trouverépoustouflante.Jen’aipasl’habituded’enfairedestonnes,maisunquartd’heurenevapassuffireàfaireunmiracle.
—Çava,Félix?J’auraisdéjàdûlefairesortir.—Toutvabien.Ilestallésebaladeravecsapetiteamie.Jesouris,maisnedisrien.Jeneveuxpasqu’Ozziepensequejeluimetslapressionpourqu’il
m’appellesapetiteamie,mêmesiriennepourraitmerendreplusheureuse.Jefermel’arrivéed’eauetsorsdeladouche.Ozziemepasseuneserviette,toutechauded’avoirétésurleportantélectrique.
Jelatienscontremoietclignedesyeuxpourenchasserl’eaudeladouche.Lachaleurdelaserviettes’insinuedansmapeauetjemedétends.Iln’yarienquipuissemerendrenerveuse,n’est-cepas?Nousnesommespeut-êtrepasuncouple,maisnousavonsétéintimes.Etjesuisuneadulte.J’aiassezdeconfianceenmoipourtournercettepage,pourlemeilleuroulepire,quelqu’ilsoit.
Zut!Pourquoi l’idéedevœuxmatrimoniauxest-elleen trainde tournerdansmoncerveau?Est-cequej’aicomplètementperdulatête?!
—Ilyaquelquechosed’autre?Jemedemandepourquoiilrestelàentraindemeregarder.Dieusaitquejen’arrivepasàliredanssespensées.
Ilsepencheversmoietm’embrassesurlajoue.—Nan.Ilseretourneets’apprêteàsortirdelasalledebains.Moncorpss’est réchauffé,etpasseulementgrâceà laserviette,maiségalementparcequ’il
m’atouchée,mêmes’ils’agissaitd’unbaisertrèschasteausortird’unedouche.—Ozzie?Ils’arrête,lamainsurlaporte.—Oui?Jen’aipaslamoindreidéedecequejepourraisluidire,maisj’ail’impressionquejedevrais
direquelquechose.N’importequoi.—Merci.Pourtout.Iltournelatêteetmeregarde.—Tout?Jenepeuxpas empêcherun sourire demonter àmes lèvres.Me revoilà viergepas-vierge.
Ridicule,puisquenousavonsfaitl’amournonpasune,maisdeuxfoislanuitdernière.—Oui,pourtout.Parcequetum’accueillesici,quetutefaisdusoucipourmoi,pourFélix,
pour…leprogrammeàlatélévision.Toutça.Laportepivotesursesgondstandisqu’ils’approcheetvientseplacerdevantmoi.Jeleregardeet jesuiseffrayéeparcequ’ilestsiprèset touthabilléalorsquejesuisnueet
mouillée. Allons-nous faire à nouveau l’amour ? Faire attendre tout le monde pour la réunionpendantquenoussoupirons,gémissonsetcrionsnotreplaisir?
Ilm’attireàlui,etmesbrassetrouventserréscontremapoitrine;laserviettequinoussépareempêcheleschosesdedevenirtropréelles.
—Pasdequoi.Ilsourituneseconde.Jesuisheureuxdepouvoirfaire“toutça”.—Çanevapasparaîtrebizarre?L’ombred’undoutem’envahit.Qu’est-cequenoscollèguesvontpenser?Est-cequ’ilsvont
medétesterparcequej’aicouchéaveclepatrondèsmapremièresemainedetravail?Ilsecouelentementlatête.—Iln’yaaucuneraison.
Sesyeuxvertssontclairsetdoux.Ilal’airtoutàfaitsûrdelui.—Qu’est-cequelesautresvontdire?—Jenepensepasqu’ilsvontdirequoiquecesoit.Pourquoileferaient-ils?Tuaspasséla
nuiticipourraisonsdesécurité.Thibaultl’asuggéré.—Oh.O.K.Ilveutdirequ’ilnevapassecomporterdifféremmentavecmoidevant lesautres,mêmesi
nous avons couché ensemble. Je ne devrais pas en être malheureuse parce qu’il vaut mieux quepersonnenesachecequenousfaisonsendehorsdutravail.Ilfautseulementquejedélogeenmoilacollégienneidiotequirêvedesebaladermaindanslamain.
—Bien.—Net’inquiètepas,dit-il,levisageimpassible.—Jenem’inquiètepas.—Tuenasl’air.—Non.—Tavoixl’est.Jefroncelessourcils.—Maisnon.Toutvabien.—Jet’aipréparéuneomelette.—Ahbon?Moncœurserassureànouveau.Tuenasfaitunepourtoutlemonde?—Non.Pourtoiseulement.Ilrestelàtandisquesesmotsfontleurchemindansmatête.Delafaçondontilmeregarde,je
pourrais jurer qu’il tient àmoi.Autrement, pourquoi est-cequ’ilme ferait uneomelette pourmoitouteseule?Quelquechosequiressemblebeaucoupàdel’amourenvahitmoncœurets’emparedemoi.
Ilsepencheetjelaissetombermaserviettepourpouvoirentourersoncoudemesbras;jeluidonnelebaiserqu’ilmérite.
Salangueetlamiennerecommencentleurdanse,celle-làmêmequenousavionscommencéeet perfectionnée la nuit dernière. Ses grandes mains chaudes couvrent presque tout mon dos. Lapassion se ranime entre nous en l’espacede quelques secondes. Je gémis tandis que les sensationsmontentenmoi.Jel’imaginemerenversantau-dessusdulavaboetmeprenantlà;maisilsedétachedemoi.
— Réunion. Il faut que j’y aille. Il me laisse plantée là, comme si j’étais à nouveau unmannequinérotique.Ilestarrivéàlaportelorsquejeretrouvelavoix.
—Ozzie?—Ouais?—Tumeplais.Jelaissetombermonmentonsurmapoitrineetramasselaserviettequejetiensensuitedevant
moi.Jemedétesteterriblementd’êtreunetellemauviette.C’estquoimonproblème?Pourquoiest-ceque je ne peux pas garder quelques-unes de mes pensées pour moi ? Ses baisers ramollissentvraimenttropmavolontéetmalangue.
—Tumeplaisaussi,BoPeep.Maisnevapaspenseruneseulesecondeque tuasgagnéunentraînementplusdouxaujourd’hui.
Jefaisuntrèsgrandsourirederrièremaserviette,priantpourqu’ilnesoitpasentraindemeregarder.Pasmoyendevérifier.Quand jemesuiscalmée, jedégagemonvisagede la servietteetcommenceàmesécherleventre.Jen’osepaslaretirerdemapoitrineetm’exposeràsavue;idiotedeviergepas-viergequejesuis.
—Onvas’entraîneraujourd’hui?J’essaiedeparaîtrelégèreetdécontractée.
—T’asintérêtàtetenirprête.LavisiondeDevavecsonépéetraversemonesprit.—Est-cequeDevm’attendlà-baspourm’attaquer?—J’imaginequetunevaspastarderàlesavoir.Ilouvrelaporte,sortetmelaisseseuledans
lasalledebains.Moncœur faitunbond. Je luiplaisaussi.Et ilvacontinueràm’entraîneretnous resterons
ensemble ! J’écarte les bras et tourne surmoi-même. C’était une bêtise parce quemes pieds sonttoujourshumidesetlesolestenmarbre.Jeglisseetmerattrapejusteàtemps.Jevoisquemontauxd’adrénalinerépondbien.J’envienspresqueàespérerqueDevestlà,prêtpourunedesesstupidesattaquessurprises.Jesuisplusqueparéepourlerecevoir.Super!«Atémi!26»
Jeterminedem’habillerenuntempsrecord,meglissehorsdelachambreexactementquinzeminutes après mon arrivée dans la salle de bains. Formidable. Je gère ma nouvelle vie vraimentcommeunechef.
26.Coupportéaveclepoing,lepiedouletranchantdelamain.
CHAPITRE45
Jemeglisselelongducouloir,m’attendantàuneattaque.Lorsquej’arrivesurleseuildelacuisine,jeprendslamesureduterrain.IlfautquejetrouveDevavantqu’ilnemevoie!
Toutlemondeestassisautourdelatable,mêmemonsieurAttaqueSurprise.Ilnemanquequemoi.L’omeletteestsuruneassietteàcôtédufour.Jelalaisselàoùelleest:pasquestiondem’asseoirdevant mes collègues et de plonger ma fourchette dans le petit déjeuner qu’on m’a spécialementpréparé.MesregardsàOzzie,quisontrien-moins-que-furtifs,ontdéjàl’airassezsuspects.
—’Jour,BoPeep.Lucky me sourit tandis que je les rejoins à la table. Il a l’air extraordinairement frais et
guilleretàcetteheurematinale.Est-cequ’ilvaallerposerpourunepublicitédedentifriceaprès laréunion?Sonsourireest-ilcomplice?Jelepense.J’essaied’avoirl’airnaturel.
—BonjourLucky.Commentvatonpoissonrouge?—Sunnyvatrèsbien.Merci!Jetiremachaise,m’assoisetbougelesdossiersdevantmoid’unairaffairé.Jenepeuxpas
leverlatêteversOzzie.JeleregarderaissûrementavecdesyeuxdemerlanfritetTonivoudramedonneruncoupdepoingdanslafigure.Ilfautquejetrouvecommentmecomporteravecelle.QuejesachesielletientàluiousielleaunproblèmeaveclefaitquejesoisrestéeicicettenuitavecOzzie.Hier,ellen’avaitpasl’airtrèsfavorableàcetteidée.
— ’Jour tout lemonde, commenceOzzie. Prenons tout d’abord l’opérationHarley.Depuishier soir, nous avons des oreilles sur l’objectif. Pour le moment dans le jardin à l’arrière de lamaison,maisj’aimeraispouvoirentreràl’intérieur.
—TudevraisessayerBoPeep là-dessus, intervientTonid’unevoixun toutpetitpeusèche.Elles’esttrèsbiendébrouilléeavecleParrot.
—Tuenpensesquoi,May?D’accordpourfaireunessai?Tuveuxessayerdefairevolerlalibelluleàl’intérieurdelamaison?Onpeuts’entraîneravecuneautrequenousavonsici.
Jeregardemonpatron,toutàsonaffaire.—Biensûr,Ozzie.J’enseraisravie.Je faisungrandsourireenthousiaste,mais jeme rendscompteque j’en fais tropparceque
toutlemondemedévisage.Monsourires’éteintetfaitplaceàdel’embarras.Merde!Est-cequeçaselittantqueçasurmonvisagequ’Ozzieetmoiavonsdrôlementjouéauxnaturisteshiersoir?
—Nousavonseuunautresouciavecl’opérationhiersoir,continueOzzie.Le souffle me manque. Va-t-il dire à tout le monde que nous avons fait l’amour ?Merde
alors!—IlyaeuunintruschezMayauxenvironsde21heures.Iladéclenchél’alarmedupérimètre
desécurité.J’aiprisuneprofonderespirationetjelaissesortirl’airtrèslentementpourquepersonnene
m’entendesouffler.—Çasentpasbon,faitThibaultenmeregardant.Toutvabienpourvousdeux?Jefaisouidelatête.Lemanqued’oxygènem’adonnélevertigeetjen’osepasparler.—Oui,répondOzzie,maisnoussommesrevenusicipourlanuit.J’envie vraiment sa capacité à dire cela d’une voix complètement détachée. Si c’était moi,
j’aurais pouffé et je serais devenue toute rouge. Déjà, j’ai du mal à garder mon sérieux. Il fautvraimentquejem’entraînepourmemaîtriser.UncoupdefilàJennys’imposeréellement.J’arriveraipeut-êtreàl’appelerrapidementdepuislestoilettesavantdecommencerlajournéedetravail.
—Tuferaismieuxdet’installericiletempsquenoussachionscequisepasse,déclareDev.Sesyeuxseposentsurquelquechosedel’autrecôtédelapièceetilfroncelessourcils.Quelqu’unva-t-ilmangercetteomelette?
Jesuissurlepointdeparler,maisOzziem’enempêche.—N’ytouchepas.Ellen’estpaspourtoi.Devplisselefront.—O.K,flûte.Jedemandaisseulement.Thibaultsecouelatête.—Tuesvraimentungouffre,l’ami.Devluidonneuncoupdecoude.—Laferme.Jen’aipaseuletempsdeprendremonpetitdéjeuner.—Ilyadescéréalesdanslegarde-manger,coupeOzzieavantd’ouvrirundossierdevantlui.
Nousavonsréuniàpeuprèsvingt-quatreheuresd’informations.Jepensequ’ondoitavoirquelquechosecommeuneheuredefilmvalableàvisionner.Unvolontaire?
Jelèvelamain.—Moiaussi.Çam’estégal,grogneTonienhaussantlesépaules.D’ailleurs,jesuisgrilléesur
lesite.—Bien. Toni etMay, vous vous y collez. Préparez-moi un rapport si vous voyez quelque
chosed’intéressant.Vousmeleremettrezenfindejournée.—Compris.Tonimefaitunsigneetjerépondsdemême.—Dev,emploidutempspourl’entraînement?—J’aiMaycematin,répondDev.Vousautres,vousfaitesleparcours.Desgrognementssefontentendreautourdelatable.—Pas de gémissements. Je l’ai changé cematin avant la réunion. Je pense que vous allez
aimer ceque j’ai fait.Regardez le protocole avant de commencer.Utilisez le chronomètre.Pasdetriche.Sijevousyprends,vousvousenrepentirez.
Jen’aiaucuneidéedecequepeutêtreleparcours,maisilnesembleguèreapprécié.—Jevaism’occuperdesentraînementsdeMaypourlemoment,continueOzzie.Savoixme
paraîtunpeubourrue. Je regardeautourdemoi,mais jenepeuxpasdire siquelqu’und’autre l’aremarquéounon.
—Pourquoi ?demandeDevvisiblementmécontent.Tupensesque jene suispas assezbonpourça?
—Si.Mais jeveuxquetu teconcentressur l’entraînementaucombat.Jevaism’occuperdesonrythmecardiaqueetlemettreàniveau.Aprèscela,nousnousoccuperonsdelamuscler.
Je me focalise sur les papiers qui sont en face de moi. J’ai envie de regarder Ozzie et
d’échangerdessouriresidiotsaveclui;mais,mêmemoi,jesaisquecen’estpasunebonneidée.Jeneveuxpaslegêneretqu’ilenvienneàmedétesteravantd’avoirpuluiplaireplusdevingt-quatreheures.Ceseraitunetragédiequ’ondécouvrequenousavonsfaitl’amourd’unefaçonextraordinairehiersoir.Pardeuxfois!
—O.K.Oncommenceaveclatrique.Jen’ai pas l’intentionde rappeler àOzziequ’ilm’apromisdem’apprendre à utiliser cette
arme. Il est en charge demon entraînement.Ce qui veut dire que je bénéficie déjà d’une attentionspéciale.Jeneveuxpasqu’onpuissepenserquejemeprendspourunesortedediva.
—Quoid’autre?demandeThibault.—J’aibesoindequelqu’unpourretrouverl’intrusd’hiersoir,répondOzzie.Ilaprisunair
mauvais.— J’ai bien compris, dit Thibault. Je ne suis pas sûr que je vais pouvoir trouver quelque
chose,maisjevaisessayer.—Ilyaurapeut-êtrequelquechosesurlesbandes,suggèreToni.—Soisattentiveàtoutcequetupeuxentendre,reprendOzzie.IlsetourneversLucky.Quoi
denouveauavecl’opérationBleuMarine?—Jenesaispas trop.Luckyparaît frustré.Jemesuispenchésur leursfinancesetellesont
l’airenordre…maisjesensqu’ilyaquelquechose.Ilsonteuraisondenousappeler.— Que veux-tu dire ? Ozzie s’est arrêté de jouer avec ses dossiers et regarde Lucky
attentivement.—Jenesuissûrderien.Ilfautquejemerendesurplaceetquejetâchededécouvrircequine
tournepasrond.—Vas-y.Mais neparle pas aux employés avant de rencontrer notre contact là-bas.Et, bien
évidemment,nedonnepastonnom,mêmepasànotrehomme.—Non,biensûrquenon.Jemerenseignepourdumatérieldepêche.—JemedemandecequevaenpenserSunny!Devaunsouriremalveillant.—CequeSunnyignorenepeutpasluifairedepeine.Luckyenvoiesesdossiersaumilieude
latable.Onafini?Ilfautquej’yaille.—Unrendez-vousgalant?demandeThibaultavecungrandsourire.—Situveuxsavoir,j’aiunrendez-vouschezlemédecin.Maismercidetesoucierdemavie
privée.Thibaultlèveunemain.—Àpropos, j’aibesoinde toutesvos feuillesdeprésenceavantce soir.N’oubliezpasque
vendrediestjourdepaie.Sivousvoulezêtrepayés,donnez-lesmoi.Pasd’excuses.Desgrognementssefontentendreautourdelatable.Jesuisunpeuinquiètemoi-même,parce
que je ne connais rien aux feuilles de présence. Faut-il que j’en fasse une aussi ou le fait d’être àl’essaim’endispense-t-il?
Thibaultlèvelesyeuxauciel.—Jelerépète,puisquenousavonsunnouveaumembredansnotreéquipe.Vousdevezremplir
votrefeuilledeprésencetouslesjoursenmêmetempsquevousréservezvosheures.Commeça,cen’estvraimentpaslameràboireenfindesemaine.
Ilmedésignedudoigt.—Jevaisremplirlatiennepourtoi,maisàpartirdelasemaineprochainetutedébrouilleras.Jefaisouidelatête.—Beuh,grogneDevenretournantsonpouceverslebas.Thibaults’énerve:—Bon sang, grandissez un peu. Il s’agit d’une feuille de présence, pas d’un test de calcul
infinitésimal.Ozzieselève.—Unechoseencoreavantquevousnepartiez.Jesuisprisedepanique.Jesaisquec’estirrationneletencomplètecontradictionaveclafaçon
dontilm’atraitéejusqu’ici,maiscequejecrainspar-dessustoutc’estqu’illeurparle.Va-t-ilrévélerquejesuisunedévergondéeetquej’aicouchéavecluiàpeinequelquesjoursaprèsl’avoirrencontrépourlapremièrefois?
—Nousavonsbesoind’unevoituredefonctionpourMay.Jesuisouvertàvossuggestionsquantàlamarqueetaumodèle.
Jesuistropstupéfaitepourpouvoirparler.Jevaisavoirunevoituredefonction?Est-cequecelaveutdirequejenesuisplusenpérioded’essai?Suis-jelaseuleàremarquerquec’estvraimentdelafolie?
—Quedirais-tud’unmonospace?proposeToni.Ellerenifle,satisfaitedesaplaisanterie.Jelafusilleduregard,oubliantmonappréhension.—Est-ce…quetuveuxdirequej’ail’aird’êtrelegenreàavoirunmonospace?Unemaman
avecuntasdegosses?Non,merci.Elles’énerve.— Tu es Bo Peep. Tu ferais aussi bien de travailler dans les conditions où tu peux être
naturelle.—Cen’estpasunemauvaiseidée,intervientOzzie.Letraître!Jeluifaisface.— Bien sûr que c’est une mauvaise idée. Horrible même. Je ne peux pas conduire un
monospace. Ils sont faits pour les mères de famille. Pour des femmes mariées, pas pour descélibataires.
Jen’aipasl’aird’uneconductricedemonospace,quandmême?J’aienviedepleurer.Jesaisquecevéhiculeestspacieuxetdisposed’unvastecoffre,sanscompterlaplacepourhuitpassagers,maisvoyons…Jevisseule,quediable!
—Tucrainsquecelacontrarietesoccasionsdesortieencélibataire?Impassible,Ozzieattendmaréponse.
Monvisagepasseparuneséried’expressions:frustration,embarras,tristesse,jalousie.—Commentsefait-ilqueTonipeutconduireunSUV?Oui, jefais l’enfant,maisquoi?Ellesebaladeavecunpantalonserréetdesbottesà talons
aiguilles. Je suis en espadrilles et j’ai droit à un monospace. Qu’est-ce que c’est que cesentourloupes?J’ensuisàmedemanderpourquoiOzzieacouchéavecmoi.Serait-ilbizarre,avecuncomplexed’Œdipe?
— J’ai un SUV parce que çame convient. Elleme fait un sourire dans lequel je sens unecertainesuffisance.Grrr,ellemériteraitvraimentuncoupdeTasermaintenant,ouauminimumunboncoupdesacdanslequelFélixauraitfaitpipi.
Jelaregarde,lesyeuxàdemi-fermés.—Unmonospacenemevapasdutout.—Etsijel’emmenaischoisirunevoiture?demandeDev.J’aidutempsunpeuplustarddans
lajournée.—D’accord,acquiesceOzzie.J’auraifiniavecellevers9heures.—Etmoi,avant14heures,ajouteToni.Jepensequ’elleprendtropsonaiseavecmonemploidutemps.Ilfaudraquenousayonsune
discussion à ce sujet toutes les deux. Je ne vais pas allerme plaindre àOzzie à propos de chosescommeça,surtoutmaintenantquenouscouchonsensemble.Jeneveuxpasbénéficierd’untraitement
spécial.Ouais,Tonietmoiallonsavoirunpetittête-à-têteenfindematinée;histoirederemettreleschosesenplace.
—Quedirais-tudemeretrouvericià14h30?medemandeDev.—Parfait.Tantquetun’aspasunearmesurtoiquetuprojettesd’utilisercontremoi.Ilsourit.—Jeneprometsrien.Jenesourcillepas.—D’accord.Moinonplus,d’ailleurs.—Oh,jeunefille,ondiraitunemenace!Thibaults’estmisàrire.Tuestombédansunnidde
guêpesavecelle,Dev.Jepensequ’ilvaudraitmieuxfairemarchearrière.—Cemot-là ne fait pas partie demonvocabulaire, répondDev. Il semet debout, avec ses
deuxmètrespresquedix.Jedoisadmettrequ’ilestassezimpressionnant.Maisjenevaispasdireàquiquecesoitque
celamefaitquelquechose.Jel’ignore.—Net’enfaispas,Thibault.Tusaiscequ’onditdestypescommelui.JedésigneDevd’uncoupdementon.LesyeuxdeThibaultrayonnentpresquedejoie.—Non,qu’est-cequ’ondit?—Plusilssontgrandsetplusilstombentdehaut.MêmeOzzieritlorsqueDevrépond:—Oh,paritenu,BoPeep.Onverraça,tupeuxycomptermaintenant.
CHAPITRE46
J’aimisdesvêtementsdesportet je retrouveOzziedans l’espacedegymde l’entreprise. Ils’estchangé,luiaussi,etjedétournelesyeuxdesonentrejambe.Jepourraisjurerqu’ilgrossitàvued’œil.Cen’estpascequivam’aideràmecalmer.Sontorseestmassifàlalumièredujouretjen’aipasoubliécettesensationdepuissancesousmesdoigtsnisanuditélanuitdernière.
—Jevais temontrer leparcoursd’entraînementdeDev,commeça tupourras le fairesansmoiparlasuite.
Monvisages’assombrit.J’oublieimmédiatementtoutesmespenséesérotiques.Leparcours?Personnen’aimeça.Jenesaismêmepasenquoiilconsisteetrienquecetteidéem’insupporte.
—Qu’est-cequetuas?medemandeOzzieenserapprochantdemoi.Jerecule.—Rien.Jeconsidèreleséquipementsetj’essaiedenepasavoirl’airtriste;essaie-t-ildéjàdenepas
tenirsapromessedem’entraîner?—Oncommenceparquoi?—Onnefait rienavantquetumedisescequej’aimalfait. Ilmeregardedetoutsonhaut,
l’airdenepasplaisanter.—C’est rien.Des trucsde fille. Idiotie.Allez,ons’entraîne. Il fautvraimentque j’arrêtede
geindrecommeça.Jecommenceàmedégoûtermoi-même.Ilresteimmobilependantquelquessecondes,puissedéplaceversmadroite.—Voilànotrefameuxaide-mémoire.Illeprendetmeleprésente.Sesmusclessetendentpourcesimplemouvement.Miam-miam.—Dev a répertorié ici une liste d’exercices qu’on doit exécuter sur telle ou tellemachine.
Chacundoitdureruneminuteetêtre répétéautantde foisqu’onpeut le fairesans troppeiner ;onlaissequinzesecondesentrechaque.Interdictiondes’arrêterpluslongtemps,sinonilsemetdansunecolèrenoire.
—Commentsait-ilsionsuitbiensonprogramme?—Parcequec’estunmonstre.Fais-moiconfiance,ilpeutdirerienqu’enteregardantsituas
triché.Jenesaispass’ilaunchronoets’ill’enclenchesansqu’onlesacheàl’autreboutduhangar,mais il sait. Si on triche sur le programme,on s’abuse soi-mêmeet on trompe l’équipe.Donc, net’avisepasd’essayer.Suislesindicationsduprotocole.
—Ça a l’air plutôt sinistre. J’essaie de plaisanter parce qu’une espèce de général nazi est
chargédemesexercices.Jenesuisplusaussisûredevouloirretrouverlaforme.—Nan.Tut’yhabitueras.D’ailleurs…çadonnedesrésultats.Ilmemontrel’aide-mémoire.— Voici le premier exercice. Dev a mis des numéros sur les machines. Le premier
entraînementsefaitsurlanuméro8.Tufaisdestractions,mainsderrièrelatête.Ilyadesschémaspourtemontrercommentfaire.Commeça,tupeuxvérifierpendantquetut’entraînes.
Ildésignelepapier,puissedirigeverslamachine.—Assieds-toi.Jeprendsplacesurunpetitbancd’exercice recouvertd’uncoussinnoiretattendsqu’Ozzie
continuecequ’ilaà faire. Ilmetunsélecteursur lespoidsque jevaisdevoirsoulever.Enfacedemoi, il y a le dessin dont il a parlé et qui décrit la façon de faire le mouvement. On y voit unepersonneabaissantlabarrejusqu’àlabasedesoncou;commeOzziemel’avaitannoncé.Jefaisouidelatête.Çaal’airassezfacile.
—Attrapecettebarreau-dessusdetoietdescends-laderrièretoncou.Faisdesmouvementslentsetmaîtrisés;autantquetupourrasavectesdeuxmainsbienécartées.
Il se penche et appuie sur le bouton d’uneminuterie attachée à lamachine avec des bandescollantes.
—Minuterieenmarche.Iltoucheunautrepoussoir.—Vas-y.Ledécomptedessecondesd’uneminutecommence.Jetirelabarreversmoietsourislorsquejemerendscomptequ’ilm’achoisiunpoidsqueje
peuxgérer.Jevaisyarriver.Jen’aimêmepasbesoindetrichersurletemps.Ozziefixedesyeuxlabarreentraindedescendre.Puisilmeregardeetmedévisage.—Tun’aspasmangétonomelette,remarque-t-ilàvoixplusbassepourqu’ellenes’entende
pasdanstoutl’entrepôt.—Jesais.J’attendsd’avoirfaitànouveaudescendrelabarreavantdecontinuer.Jenevoulais
pasquelesautreslevoient.Jesouffleparcequejedoisempêcherlabarrederemonterd’uncoupau-dessusdematête.Bon:cen’estpasaussifacilequejelepensais.
—Jet’aigênéeentelapréparant?Lespoidss’entrechoquentparcequej’aimalencontreusementperdulecontrôleduportique.—Doucement,intervientOzzie.Jetienslabarreplusfermementetcommenceuneautretraction.—Non. Jen’ai pasdu tout été embarrassée. J’étais contenteque tu l’aies fait.Mais… jene
voudraispasquelesautressachentleschosessitunelesouhaitespas.—Quoiparexemple?demande-t-il.Jeluttepourquel’axeneremontepastropvite.J’ail’impressionquelespoidsdeviennentplus
lourds,mêmesijevoisbienqu’Ozzienelesapastouchés.—Tusaisquoi.Jedevienstouterouge,enpartieàcausedel’effort,maisaussiparcequ’ilme
questionne.Nem’obligepasàledire.—Tuneveuxpasqu’ilssachentquenousavonscouchéensemble.Jelâchelabarrequiremonted’uncoupàsapositioninitiale,au-dessusdemoi.Lespoidsse
heurtentavecbruit.—Jen’aipasditça.Jem’essuielesmainssurmonshort;jesuisdéjàennage.Jenesaispassic’estl’entraînement
ounotreconversationquimefaittranspirer.—Situveuxquenousfassionsprofilbas,nouslepouvons,ditOzzieavecunhaussementdes
épaules.—Jepensesimplementque,silesautressavent,ilsvontpenserdumaldemoi.—Alors,ilsaurontaffaireàmoi,répondOzzie.Jenesaispass’ilenestconscient,maissa
poitrinegonfleunpeuquandilditça.Je souris parce que je vois que son instinct protecteur prend à nouveau le dessus. C’est
évidemmentl’unedesesqualitéslesplusattachantes.—Jepeuxmenermesbatailles,tusais.—Bien.Maistumeledissiquelqu’untecréedesennuis.Jesecouelatête.—Non,iln’enestpasquestion.—Tutriches!Del’autrecôtéduhangarunevoixs’estmiseàhurler,cequimefaitsursauter.Ozzieagiteleprotocolesousmonnez.—Allons,exercicesuivant.Ilsedirigeversuneautremachineetdésignelesiège.—Mets le minuteur en marche. Une minute. Ensuite, repose-toi quinze secondes avant de
recommencer.J’appuiesurcesnouveauxboutonscommel’afaitOzziesurlapremièremachine,puispose
mesmainssurmesjambes.Enfait,jesuisdéjàunpeuessoufflée.Quellepotiche!—Inscritstonpoidsàtrentekilos.—Jeferaiçapourtouslesexercices?Jemepencheetfaisglisserunsélecteurenmétalsur
lespoidspourarriveràtrente.Non.Devnousdonneunelistedecequenousdevonssoulever.Voicilatienne.Ozziedésigneundiagrammesurlapremièrepage:lespoidsdechacunpourchaquemachine
y sont inscrits. Ceux d’Ozzie sont importants, bien évidemment. Énormes si on les compare auxmiens.Ilestcensésoulevercentquatre-vingtkilossurcettemachine.Incroyable.Jeregardemieuxetvoisquelespoidsnevontquejusqu’àsoixante-dixkilos.
—Waouh!C’estunobsédédesentraînementsouquoi?Ozziemeréponddansunmurmure.—Disonsseulementqu’ilprendsonjobàcœur.— Tu triches, là-bas ! hurle Dev. Temps de récupération quinze secondes ! Pas un quart
d’heure!J’appuie sur laminuterieet commence l’exercice,mais j’ai tellementenviede rireque j’en
perdslamoitiédemesforces.Ozzieestobligédesedétournerpournepassemettreàrireaussi.—Dis-moi,qu’est-cequinevapasavecToni?Jemesensplusforteàprésentquemonesprit
seconcentresurlemystèrequereprésentesacolèrecontremoi.Lespoidsvolentpratiquementhorsdel’axe.
—Àquelsujet?—Toi.Vousavezcouchéensemble?Ozziegrimace.—Toni?etmoi?—Ouais.Jefaiscommesijen’enavaisrienàfaireetfixedesyeuxlespoidsquimontentet
descendentlentement,àmoncommandement.—Non.Jamais.—Alors,pourquoiest-ellefurieusecontremoiparcequej’aipassélanuitici?—Jenesaispas.Ilsecouelatête.Peut-êtrequ’elleesttropprotectrice.—Detoi?Jericane.C’estdrôle.
—Toniestloyale.Ellesefaitdusoucilorsqu’unétrangermetlapagailledanssafamille.—Etjesuisuneétrangère.Celamerendtristequ’onparledemoicommeça.Plusqu’aucuneautrechose,jeveuxavoir
maplace ici. Je n’ai pas pensé à faire des photos demariage depuis, disons, quarante-huit heures.Alorsquejen’aisongéqu’àçapendantlesseptannéesquiviennentdes’écouler.Liberté!Jeneveuxpasqu’onmelareprenneaumomentoùj’yaienfingoûté.Jepeuxbienm’avoueràprésentquejedétestaisceque je faisais. Il a falluque je rencontre lesBourbonStreetBoyspour lecomprendre,pourêtrehonnêteavecmoi-même.
—Jenediraispasça,pasexactement.Danssonesprit,tuesàl’essaipourlemoment.Maisnet’inquiètepas.Ellefinirapart’accepter.
—Sijesuisàlahauteur.—Tuleseras.Jepousselespoignéesdevantmoipourladixièmefoisaumomentoùleminuteurs’arrête.Je
grogne et soulève les poids qui me paraissent à présent quatre fois plus lourds que lorsque j’aicommencé.
—Argh!—C’estbien,majolie!hurleDev.Jerisetlâchelespoignéesavantquecesoitfini.Ozzieposesamainsurmonépaule.—Quinzesecondes.Repos.Tuvasenavoirbesoin.Jelèvelesyeuxverslui;lasueurcoulesurmonvisage.—Est-cequelesuivantestdur?Ilmesouritetbaissesavoixjusqu’àunmurmure.—Non,maisj’aidesplanspourcesoir.Jesuistoutàfaitincapabledemesouvenirdesexercicesquiontsuivi.J’avaislatêtevraiment
ailleurs,àmedemandercequ’ilallaitmefaireetcombiend’orgasmescelaimpliquerait.
CHAPITRE47
—Onappelleçarecherched’informations,m’informeTonienbranchantunordinateurquejen’avaispasencoreremarqué:ilsetrouvedansunensembledecabinesàl’autreboutdel’entrepôt,quenousatteignonsaprèsavoirtraverséundédaledeportesetcouloirs.
—Nousprenonstouteslesinformationsbrutes,nouslesinséronsdanscesdossiers,puisnousles examinons quand nous avons le temps. Parfois, nous utilisons des programmes informatiquespour nous aider, ou bien nous nous contentons de regarder les images en accéléré jusqu’à ce quequelquechosed’intéressantapparaisse.
Elleouvreundossieretcliquesurundocument.VoilàcequenousavonsrécoltéavecleParrothier.Nousavonsicil’enregistrementjusqu’à9
heurescematin.Elleselèveetvadansunecabineàcôtédecelleoùjemetrouve.Jevaiscommenceraveclalibellule;toi,tuprendsleParrot.NousregarderonslesimagesduGo-Pro27plustard.
Elle s’assoit devant le second ordinateur et ouvre un autre dossier ; puis elle prend des
écouteurssurlebureauetlesplacesursatête.Jeluidonneunpetitcoupsurl’épauleetellelèvelatête.—Donc…qu’est-cequejesuiscenséefaireexactement?Elleôtesesécouteursetsoupire:—Regardelavidéo.Marquel’heuredelaprisedevuesituvoisquelquechosed’intéressant.
Desclichésdefaces’ilyena.Elleestsurlepointderemettresesécouteurs,maisjel’arrêteavecuneautrequestion:—Qu’entends-tuparintéressant?Ellelèvelesyeuxauciel.—Seigneur,BoPeep.Tuveuxaussiquejetedonnelabecquéeaudéjeuner?Je me rassois et croise les bras. Je suis trop fatiguée après l’entraînement pour avoir la
patiencedesupporterça.Lespoidsquej’aisoulevésontdûépuisermoncorpsetmonesprit.—Bonsang!Peut-êtrequ’avantd’envenirlà,tupourraismedirecequetuascontremoi.Ondiraitqu’ellevasefâcher:—Jen’airiencontretoi.—Biensûrquesi.Ellehausselesépaulesetmeregardefroidement.—Tudeviensparano?Seigneur,BoPeep,détends-toi.Tuvashériterd’unmonospacetoutà
l’heure.Jetendslamainetluiretiredessienneslesécouteursqu’elleallaitremettreenplace.—Monospace,moncul.Jeneconduiraijamaisunstupidemonospace.Elleseretourned’unblocetmefusilleduregard.—Faisattentionàtoi,BoPeep.Iln’yapersonneicipourteprotégersitudisdesidioties.Jelèveunsourcil.—Etjesuiscenséeavoirpeur?Peut-êtreaurais-jeétéeffrayéehier,maisjenelesuispastantquecelaaujourd’hui,parceque
jesaisqu’Ozziemesoutiendra.Ilestévidentqu’ellem’enveut,etsijedoiscontinueràtravaillericiilvafalloirmettretoutçasurlatable.Sansdouteaussilafatiguedemonentraînementfait-ellequejenesenspluslapeur:jen’aiplusassezd’adrénalinepourrépondrecorrectementàlamenacedeToni.Enfait,jedevraisprobablementavoirsacrémentpeurmais,aulieudecela,jelaprendsdefront.
—Situétaismaligne,oui.Jeposemesmainssurlesbrasdufauteuil.—Disonsalorsquejenelesuispas.Quevas-tufaire?Mefrapper?m’attaquericiaumilieu
desordinateurs?medonneruneleçon?Ellefroncelessourcilscommesiellepensaitquej’étaisfolle.—Non.—Alors quoi ? Jene sourcillemêmepas.Qu’est-ceque tu as ?Pourquoi es-tugentille un
momentetlaseconded’aprèstuenvoiesuncoupdepiedsouslatableàThibault?Voilà.J’aidéballécequej’avaisàdire.Jepriepourquecenesoitpasunebêtise.—Dequoiparles-tu?—TuasenvoyéuncoupdepiedàThibaultparcequ’ilasuggéréquejeviennem’installerici
pourlanuit.—Cen’estpasvrai.—Si.Jel’aivu.—Monpiedadérapé.Cen’étaitpasvoulu.—Voyons!Arrêtetesconneries,etdis-moipourquoituasfaisça.Est-cequetuesamoureuse
d’Ozzie?Tuesjalouse?Elleenrestebouchebée.— Personne ne t’en tiendrait rigueur, tu sais. Il est beau, fort, célibataire, le patron d’une
affaireprospère.Ilestvraimentsuper!—Cen’estpasmontype.Tonidétournelatêteetreprendsesoreillettes.—Jenetecroispas.Tonim’ignoreetposesesécouteurssursesjoues.—Croiscequetuveux.Çam’estbienégal.Elletirelescoussinetssursesoreillesetappuiesurunetouchedesonordinateur.J’ai sur le bout de la langue de la traiter de p…mais jem’en abstiens.Au lieu de cela, je
prendsunstylosurlebureauetfaisglissermonbloc-notesverslagauchepourpouvoirécrire.Tonineveutpasdirequ’elle a lebéguinpourOzzie etmoinonplus. Il vapourtant falloir
qu’elleacceptelefaitqu’ilestàmoi.Àmoi,toutàmoi,rienqu’àmoi.C’estcommesij’étaisDaffyDuckdevenuavare:ilentasseuneénormepiled’oretcraintquequelqu’unviennelaluivoler.Bonsang!Jesuissacrémentamoureusedecethomme.
Jesoupireetappuiesur«Démarrer».Lavidéocommenceparmontrerlesarbresagitésparleventautourdelamaison.Riennipersonnenebouge,àpart lavégétation.Pasétonnantqu’aucunmembredel’équipen’aitmontréd’enthousiasmelorsquenousnoussommesportéesvolontaires.Jelancemonstylosurlebureauetmerenversedansmonfauteuil.Jemebalanceencadence,d’avanten
arrière,encoreetencore…—Tupeuxarrêterdefaireça?demandeTonienretirantsesécouteurs.—Quoi?Jecontinueàmebalancer.—Debouger.Elle saisit le bras de mon fauteuil et essaie de m’immobiliser. Je me dégage d’un coup
d’épauleetaccentuemonvaetvient.—Jepeuxmebalancersijeveux.Noussommesdansunpayslibre.Elle ne veut pas discuter avec moi de choses réelles, mais elle rouspète et pleurniche si
j’essaied’êtreunpeuplus confortabledans ce fauteuil tropdur ?Non, jene suispasd’accord. Jen’acceptepascesimbécilités.
Je fixe l’écran comme s’il requerrait toute mon attention. L’adrénaline bat fort dans mesveines.J’aitoutàfaitl’impressionqueTonis’apprêteàmesauterdessus.Sij’avaismonTaseravecmoi,j’auraisretirélasécurité.Enl’état,jeréfléchis,dansl’espaceconfinéoùnousnoustrouvons,àcequipourraitsetransformerenarmedéfensive.Devseraitfierdemoi,mêmesijenevois,commepossibilité,quelesécouteursdeToni.Qu’est-cequejepourraisfaireavecça?Luitaperlatêteetlesépaulesaveclescoussinets?
— Est-ce que tu t’écoutes un peu ? demande-t-elle. “Nous sommes dans un pays libre” ?Vraiment,tuesquoi?Unegaminededixans?
—Suffisammentvieillepourreconnaîtrelajalousiequandjelavois.Jefaislesgrosyeux,laprovoquant délibérément. Si elle se met suffisamment en rogne, elle finira peut-être par direpourquoiellem’enveut.
—Jalouse?Moi?Tupensesquejesuisjalousedetoi?— C’est évident. Sinon, pourquoi est-ce que tu te comporterais tout le temps comme une
salopeavecmoi?Jen’aipasletempsdemepréparer.Elleestassisedansunfauteuilàcôtédemoiet,laseconde
d’après,ellemesautedessus.Elle m’a cravaté une demi-seconde plus tard et mon fauteuil a été éjecté. Elle m’écrase à
moitiésouselle,lesdeuxgenouxparterre.—Commentoses-tumetraiterdesalope!hurleToni.Mesmainsessaientdesesaisirdequelquechose…n’importequoipourqu’elles’arrête.Jecrie:—Tumefaismal!etj’attrapesajambe.Ellemeserreplusfort.—Lâchemajambe,saletédeBoPeep!—Arrêtedem’appelerBoPeep!—Tupeuxtoujourscourir!—Etmaintenant,quiest-cequiadixans?—Laferme!Mes doigts cherchent à tâtons le fil des écouteurs, le trouvent et le tirent aussi fort que
possible.Jelafrappeaumentonaumomentoùjeparviensàmeremettresurmesjambes.Maiselleneveutpasmelâcher.Jelèvelamainaussihautquepossibleetattrapeunepoignée
desescheveux.J’assuremapriseettiredetoutesmesforces.—Aïe!Ellehurle:Veux-tulaissermescheveux!—Lâchemoncou.Jemanqued'étouffer.Mavuesetrouble.—Toid’abord.Ellesoufflecommeuntaureauencolère.Tupeuxycompter.C’estellequiacommencé,c’estàmoide terminer labesogne.Jeferme
monpoingsurlefiletlafrappeàlacuisse.
Sajambeseplietandisqu’ellehurlededouleur.Ouais,voilàunebelleriposte,salope.J’aiunesœuraînée,alorsjesaiscommentonselibère
d’unecravatemieuxquepersonne.Ellerelâchesapriseetjemerelève,lapoussantaussifortquejepeux.L’adrénalinedécuple
mapuissanceet,commeelleestunpoidsplume,jel’envoievaldinguer.Elleatterritsurledos,cognelecoindesonfauteuil.Iltombeetl’entraîneausol.
Jemejetteparterreàcôtéd’elle,surlesgenoux,j’attrapeunedesesmainsetenroulelefilàtoute vitesse autour de sonpoignet.Elle est commeunveaudans les rodéos.Avant qu’elle se soitremise demon coup à la jambe, jeme saisis de son autremain et ligote les deux ensemble. Lesécouteursviennentcognermamainquandj’arriveàl’extrémitédufil.
—Tufaisquoi?hurle-t-elle.Ellehalèteetjepensequejel’aifrappéeunpeutropfort.Elleal’aird’avoirvraimentmal.
—Jeteficellejusqu’àcequetutesoiscalmée.— Tu ferais mieux de partir en courant, gronde-t-elle, se débattant contre mon nœud
inefficace. Je ne peux pas le serrer, si bien qu’elle ne tardera pas à pouvoir s’échapper et elle vavouloirmetuer.
Je regarde autour demoi à la recherche d’une solution. Tout ce que je vois, ce sont deuxfauteuils.
J’enattrapeunetlerenverse,leluibalançantsurlatête;ledossierestsursadroite,lesbrasàgauche.Celaformeunpontau-dessusdesesmainsligotées.Jemeperchedessus,utilisantmonpoidspourl’empêcherdebougeretm’inclineau-dessusdesonvisagerougecommeunetomate.
—Dis“pouce”etjetelaisseteremettredebout.—Quandjet’auraimisuncouteausurlagorge.Pasavant.Ellecrachepresquetellementelle
esthorsd’elle.Je cligne des yeux à plusieurs reprises, essayant de savoir si elle est sérieuse.On le dirait
vraiment.—Tuferaisça?Jesuisblesséerienqu’àcetteidée.Etcertainequ’elleneprendraitpasune
armecontrequiconquedansl’équipe,mêmesielleétaitfurieusecontreeux.Ellene répondpas.Elleme regardeaveccolèreet continueàessayerde se libérer.Elleva
probablementyarriverbientôtmais,commejesuisassisesurcefauteuil,ellen’irapasbienloin.—Lâche-moi,dit-elled’unevoixpluscalme.Maisondiraitplutôtuncalmemortel,etjene
luifaispasdutoutconfiance.Jeluirépondsavecunsourire:—Peuxpas.Jen’aipasenviedemouriraujourd’hui.Toute cette affaire est vraiment ridicule. Nous sommes deux adultes et nous nous battons
commedesgosses.Surlelieudetravail!Jefaisdesvœuxpourqu’aucuncollèguenevienneicietnousprennesurlefait.
—Alors,tun’auraispasdûm’attaquer.Jefroncelessourcils.—Hé,cen’estpasjuste.Tuascommencé.Jemesuisdéfendue,toutsimplement.—Tul’avaischerché.Jesecouelatête.—Non,non.Jet’aidemandédem’expliquerpourquoituavaisl’airjalouseparcequejesuis
iciavecOzzie.C’étaitunequestionfondée.Ellemeregardependantuntempssilongquej’enviensàmedemandersiellenemanquepas
d’oxygèneouDieusaitquoi.Jefinispardemander:
—Tuvasmerépondre?—Jenesuispassûrequecesoitunebonneidée.Sonmentonserelèveunefractiondeseconde.—Pourquoinon?—Parceque.Tuneserasprobablementmêmeplusicilasemaineprochaine.—Quiest-cequiditça?—Moi.—Waouh.Mercipourtaconfiance.—Taplacen’estpasici.—Oh.Jemefrottelapoitrineavecunemain.Voilàquifaitplutôtmal.—Laferme.—Non.Jesuissérieuse.—Tuvois?Tuestropsensible.Taplacen’estpasavecnous.Pourquoiest-cequetunet’en
rendspascompteettiresgentimenttarévérence?—C’estcequetuferaisàmaplace?—Non,sûrementpas.—Alors,moinonplus.—Tun’espasmoi.Nousnenousressemblonspas.C’estfou!Jel’aiinsultéeenluidisant,plusoumoins,quejel’admire.Tuparlesd’ungâchis!—Peut-êtreque jeveux te ressemblerdavantage. J’essaiededire lavérité.Que jevoudrais
êtreplusdure,plusautonome.Ellemedévisage,sansdoutepourvoirsijenelamènepasenbateau.Manifestement,ellene
saitplustropoùelleenest.Jeviensdeluifaireunassezbeaucompliment,maisest-cequeceseraassezpourqu’ellenesoitplusencolèrecontremoi?Jecommenceàcomprendred’oùpeuventvenirsesémotions.
—Noussommestropdifférentes,finit-ellepardire.—Oh,jen’ensuispassûre.Jecommenceàmoinspesersurlefauteuil.Jesuisnouvelle,mais
j’aimetoutlemondeici.Jevousrespectetousénormément.Jesaisàquelpointvoustravaillezdur,etcommevousêtestousloyauxlesunsenverslesautres.Vousvouleztousqu’Ozziesoitfierdevousetc’estunpatronextraordinaire.Jesaisquetuétaislaseulefilledel’équipeavantmonarrivéeetqueleschosesvontêtredifférentesmaintenantquenoussommesdeux.
Elleregardeailleurset jesaisàprésentque je l’aipercéeà jour.Ou,dumoins,que jen’ensuispasloin.
—Mais cela ne veut pas dire que tu vas perdre quoi que ce soit. De tes résultats. De tescompétences.
—TuarrivesàfairevolerleParrotmieuxquemoi,murmure-t-elle.Deslarmesseformentaucoindesesyeux.Jevoisbienqu’elleestfurieusedemontrercette
petitefaiblesse.Sonvisagereprendunairmauvais.—Etalors?Tufichesdescoupsdepiedauculmieuxquemoi.J’essaiedesourire,maiselle
continueàmefusillerduregard.—C’est ce que dit la fille quime bloque en s’asseyant surmoi dans un fauteuil. Tum’as
ligotéeavecmespropresécouteurs,May!—Tum’asappelée“May”.Jemepencheetluidonneunpetitcoupsurlenez.Elleesttellementmignonnequandelleest
fâchée.Jesuisheureuseparcequ’ellenem’apasappeléeBoPeep.—Malangueadérapé.Elleveutcontinueràêtreencolère,maisjenevaispaslalaisserfaire.Jepropose:
—Etsinouspassionsunaccord?—Surquoi?—Jeteprometsdet’apprendreàfairevolercetrucstupideettumelaisseslapossibilitéde
gagnertonrespect.Elleregardeautourd’ellesansvouloirposer lesyeuxsurmoi.Unelarmes’échappedeson
œildroitets’envacoulerdanssescheveux.—Jen’aipasbesoind’uneautreamie,finit-ellepardire.Sesyeuxviennentàlarencontredes
miens;ilssesontadoucis.—Jenetedemandepastonamitié.Jevoudraisavoirtonrespect.Jesuistristededireça,maisc’estlavérité.Sielleneveutpasêtremonamie,jenepeuxpas
l’yforcer.Pourtant,jenesuispassûrequ’onm’aitjamaisrepousséedelasorte.Jeneplaisantaispas:çafaitmal.
—Situlemérites,tul’auras,reprend-t-elleenexpirantavecunsifflement.—Donne-moiunechance,c’esttoutcequejetedemande.—D’accord.Maintenant,laisse-moimerelever.Lediables’empareànouveaudemoi.—Pasavantquetuaiesdit“pouce”.Ellemejetteencoreunregardnoir,maisjecontinueàluisourire.Savoixsefaitbasseetmenaçante.— Si jamais tu dis à qui que ce soit que j’ai dit “pouce”, je te poignarderai pendant ton
sommeil.Jeris.—Dis-leouOzzieviendrateservirtondînersouscefauteuil.Sesdentsgrincentlesunescontrelesautrespendantquelquessecondesavantqu’ellesedécide
àparler.—“Pouce”.Etmaintenant,libère-moi,bonsang!Jerepousselefauteuiletmerecule,attendantquecettenon-amieréduiteàunpetittasdefureur
selèveetessaiedemetuer.Mais elle ne fait rien contremoi.Elle se contentede semettre sur ses pieds, d’installer les
fauteuilscorrectementetdedesserrerlefildesesécouteurspourlibérersespoignets.Lorsqu’elleafini,elles’assoit,ajustesonéquipementetretourneàl’enregistrement.
Jeprendsmonsiègeàcôtéd’elleavecprécautionetredémarrelavidéo.Jelasurveilleducoindel’œilenmemettantautravail.Durantlestroisheuresquisuivent,l’attaquesurprisefaçonninjaàlaquellejem’étaisattendueneseproduitpas.
27.Ils’agitd’unemarquedecamérasminiaturiséestrèsperformantes:ellespeuvents’attacheràdescasques,desskis,desplanchesàvoile…etfilmerlesportifenaction.
CHAPITRE48
—Tuesprête?demandeDevquandilarrive.Ilfrottesespaumesl’unecontrel’autre.JemetslamaindansmonsacetagrippemonTaser.—Prêtepourquoi?—Achatdevoiture.Ilal’airétonné.Cen’estpascequenousdevionsfaire?Jeressorsmamain.—Oui,biensûr.Tucroyaisquejeparlaisdequoi?Ilmemontredudoigtetfaitunclind’œil.—J’aimelesjeuxintellectuels.Tonstylemeplaît.Jelèvelesyeuxaucielpendantquenousnousdirigeonsverssavoiture.—Jen’aipasdestyleparticulier.—Oh,que si,BoPeep !Tupeuxme faire confiance ! Il rigole tandisqu’il plie songrand
corpspourentrerdanssagrosseguimbarde.Jemonteàcôtéde lui,étonnéepar lepoidsde laporte.Ceprogrammed’entraînementm’a
exténuée.Jevaisajouterdescourbaturesauxanciennes.Àsedemandersijepourraim’enremettre.Toutdansmoncorpsmefaitmal…chaquemuscle,chaqueosetjusqu’àladernièredemescellules.
Ilsortenmarchearrièreduhangaretjeréfléchisàcequ’ilvientdedéclarer,àcequeTonim’adit;àlamanièredontmescollèguesagissentavecmoi.MêmeOzzie.
—Vousautrescontinuezàm’appelerBoPeep;jedoistedirequejeneprendspasvraimentçapouruncompliment.
Dev braque le volant en le faisant tourner et tourner encore du plat de lamain. Il lui fautpresquecinqtourscompletspourfairepivoterlavoituredequatre-vingtdixdegrés.
—C’estuncompliment.Maisc’estpeut-êtreseulementsa façonde tedireque tu feraisuneexcellentecouverture.
—Queveux-tudire?Ilplisseleslèvres.—Hum,commentdireçasansquetusoisfâchée…—Net’inquiètepasàl’idéedepouvoirm’offenser.Tonis’enestchargée.—Hum.J’essaieseulementdetrouverunemanièredetemontrer…quejesais.Ilfaitungeste
enl’air.TupensesàquoilorsquetuvoisOzzie?Ilmeregardeetattendmaréponse.J’ailesyeuxquimesortentdelatête.Est-ceunequestionpiège?Unefaçond’aborderlesujet
demarelationaveclepatron?Merde!
—Queveux-tudire?Jefeinsuneindifférencequejen’aipas.—Ilestlà,àcôtédetoi,avecsonT-shirtetsonjean,bottesetcoupedecheveuxmilitaires…tu
pensesàquoiquandtuvoisça?O.K.En l’occurrence, je ne vais pas répondrebeautéextrême,même si c’est la vérité.Dev
essaiedem’entraînerdansuneautredirection.—Euh,commando?Jemesensrougir.Jeveuxdire,unmilitaire,jenepensepasà…untype
ensous-vêtements.Devsemetàrire.—Excellent.Ilmeregardeetsouritavantdereporterlesyeuxsurlaroute.Exactement.C’est
ceque tout lemondepensequandon le regarde.On le remarque toutde suite. Il a l’airmenaçant,commequelqu’unqu’ilnefautpasquitterdesyeux.Ilnepassenullepartinaperçu.C’estabsolumentimpossible.
JeregardelesjambeslonguesetmaigresdeDev.—Çadoitêtredifficilepourtoiaussi,non?—Ab-so-lu-ment.Onleremarqueetmoipareil.Pasmoyenquej’aillequelquepartincognito.
Jenesuisbonqu’àdéplacerdescorpsdansdescoffresdevoitureouàconduireunvéhiculepourquel’équipepuissesetirervitefait.Et,detempsàautres,pourfairedistraction.
—Ettuveuxdirequemoijepourraismerendreinvisible?Ilrit.—Bonsang,oui,toic’estsûr.Jesoupire,vaincue.—Tuesentraindem’expliquerquej’ail’aird’unemamandansunmonospacequin’arienà
sereprocher?Ilfroncelessourcils.—Euh,non.Pasexactement.Jeregardeparlavitre,etj’essaiedenepasmesentirblesséeparcequ’ilvientdedire.Jesais
qu’ilvautmieuxêtreunemamangâteauqu’unedureàcuire,maiscelaneveutpasdirequej’aienviedeledevenirdansunavenirproche.
—Cequejevoulaisdire,c’estquetupeuxtemêlerfacilementàungroupe.Situveuxjouerlesménagèresdebanlieue,tuferasçatrèsbien,aveclabonnecoupedecheveuxetlesvêtementsadhoc.Mais,situveuxjouerlesfemmesfatales,tuyréussiraségalement.
Jeleregardepourvoirs’ilsemoquedemoi,maisilsemblesérieux.Ilreprend:—Tupeuxavoirunpantalonencuir,destalons,changerdecoiffure…facile.Tudeviensune
autre.Etpourtant,personnenetepercevracommeundanger.—Parcequejesuisunefemme?—Parceque tu asquelquechosededésarmant. Il sourit et tend lamainpourme tapoter le
bras.Nesoispassitriste.C’estunavantageimmensedansnotremétier.Jehaussel’épaule,unpeurassérénée.—J’imaginequecen’estpastrophorrible.—Non,fais-moiconfiance…êtreunatout,c’esttop.LaseulefoisoùOzzieatravaillésous
couvertureavecnous,c’étaitpourl’opérationHarley.Ilyatropdegensimpliquésdanscetteaffaireen ville et il ne pourra pas recommencer de sitôt. Il ne peut plus rien faire pour lemoment… etpendant un bon bout de temps. Quant à moi, je n’ai jamais été sur le coup. Nous n’avions queThibault,TonietLuckyauparavant.Maintenant,tueslàaussi.
Unlégersentimentdepeurmepincel’estomac.
—Pourunemissiond’infiltration?Ilremueunpeu.—Disonsplutôtqu’ils’agiraitd’allerquelquepartetquepersonneneteremarque.Dev oblique vers la route principale, en direction de cette partie de la ville connue pour
rassemblerungrandnombredeconcessionnairesdevoitures.Jefaissignequejesuisd’accord.—O.K.Jepensequejepeuxacceptercetteprésentationdemonrôle.— Le monospace serait super parce que tu pourrais transporter tout l’équipement de
surveillancenécessaireetleschiens;et,bienévidemment,s’ilfautpasserinaperçue,rienn’estmoinsremarquablequ’unepoulettedansunmonospacepourfamillenombreuse.
Jesoupirebruyamment.—Et nous revoilà avecmoi dans le rôle de la promeneuse de chiens et de lamaman qui
emmènesesgossesàunmatchdefoot.Ilritmaisnerépondpas.Nous passons quelques minutes sans parler et je me rends compte que c’est maintenant le
meilleurmomentpoursoutirerdesinformationsàunevictimesansméfiance.—Alors…qu’est-cequinevapasavecToni,dis-moi?—Queveux-tudire?Ilposesonpoignetenhautduvolant.L’autrebrasestappuyésurlavitre
ouverte.—Est-cequ’elleestamoureused’Ozzie?Pourquoiest-ellesifâchéedem’avoiravecvous?—Ozzie?Ilrenifle.Iln’estpasdutoutsontyped’homme.Jefroncelessourcils.—C’estcequ’elleadit,mais…Jevoisqu’ilmeregardeducoindel’œil.—Qu’est-cequ’ilya?—Tunecomprendspas,n’est-cepas?—Comprendrequoi?Jen’aimepasquetoutlemondesoitdanslesecretetpasmoi.—PourquoiOzzien’estpassongenre.Alors,jecomprends.—Oh,C’est une…est-ceque…hum…Jen’arrivepas à le dire. Jeme sens complètement
idiotemaintenant.—Unequoi?Ils’amusemanifestementdemagêne.Lesmotssortentdifficilement.Serais-jesiprude?—Unelesbienne?Ilsemetàrire.Trèsfortettrèsbruyamment.—Quoi?Jemesensmalàl’aise.—Difficileàdirepourtoi,jelevoisbien.—Laferme.Jedétournelesyeuxetregardeparlavitre,monvisageestenfeu.Jepeuxtedire
quejeconnaisbeaucoupdepersonnesgays.J’aiplusieursamisquilesont.—J’ensuissûr.—Parfaitement!Jeleregarded’unairfurieux.Commentpeut-ilsavoirqu’enfaitj’aiunseul
amihomosexuel?M’aurait-ilespionnée?—Jetecrois.MaisTonin’estpaslesbienne.Pourautantquejelesache,entoutcas.Jeluidonneuncoupdanslescôtes.—Pourquoitum’aslaissépenserçaalors,espèced’idiot?Ilcontinueàrireetmetsamainsursescôtes,àl’endroitoùjel’aifrappé.Quandils’arrête,il
pousseunsoupirdeplaisir.
—Ah,disdonc,c’étaitformidable.Ilsetourneversmoietmeregarde.J’aimebienquandtunesaisplusoùtemettre,c’esttout.
—Tuesvraimentbizarre.Jesourispresque,maistentedem’enempêcher.Ilattenddepouvoirs’arrêterderire,puisilessaiedeparlerànouveau.— Elle a vécu des choses difficiles. Ozzie l’aide à s’en sortir. De toute façon, elle ne
s’intéresseraitpasàuntypecommelui,mêmepourtoutl’ordumonde.—Deschoses?quelgenredechoses?—Jenesuispassûrqu’elleaimeraitqu’onenparle.Maistupourraisleluidemander.Ilal’air
absolumentraviàcettepensée.—Pourqu’ellem’envoiebalader?Non,merci.—Jecroisquetuescapabledegérerça.Iladitcelasuruntonmystérieux.—Qu’est-cequetusous-entends?—Oh ! Un petit oiseaum’a dit qu’il y aurait eu comme un crêpage de chignon cematin
pendantlaséancederecherched’informations.Jemesensdéfaillir.—Quoi?Quit’aditça?Ilhennit.—PasToni,çajepeuxtel’assurer.—Alorsquelqu’unnousaregardéescematin?C’estpastrèsdélicat.—Hé,vousfaitesdufoin,alorslesgensviennentvoircequisepasse.Ilal’airdeprendreça
àlalégère.Jeplongemonvisagedansmesmainsetresteprostrée.—MonDieu,Tonivametuer.—Net’inquiètepaspourToni.Arrange-toipouravoirtoujoursdesécouteursavectoiettout
irabien.Jetourneetretournel’incidentdansmatêtetandisqueDevcontinueàconduire.Qu’est-ceque
jevaispouvoirfaireàprésent?Ellenemepardonnerajamaisdel’avoirpiégéesousunfauteuilsielleapprendquelesautresontvucequis’estpassé.
Devmetapotel’épaule.—Tefaispasdesouci.Personneneluidirarien.—Ellevamedétesterjusqu’àlafindestemps.Jerelèvelatête.Jesuisdéjàmalpartieavec
elle.—C’estpasgrave.Continueàtravaillerduretellefiniraparselaisseramadouer.Jerenifle.—Ouais,d’accord.—Elle est dure,mais elle n’est pas stupide. Elle va voir que tu es une bonne recrue pour
l’équipeetellesedétendra.—Tuessûrdeça?Jesuisunebonnerecrue?—Tuaseuledessussurmoideuxfoisdesuite.SurToni,unefois.Personnenet’aencore
battue. Il parle d’un air détaché. Et, comme je viens de le dire, tu peux prendre n’importe quelleapparence.Tuesuncaméléon.
Jemarmonne:—JepréfèrecesurnomàceluidecettestupideBoPeep.Il rit et continue à rigoler en entrant dans un parking où sont rangés, bien visibles, dix
monospaces.
CHAPITRE49
Deuxheuresplus tardetaprèsdes tasdecomparaisons,essaisdeconduiteetmarchandagessur les prix, je faismon entrée dans le hangar avecmonvéhicule de fonction.C’est uneoccasionrécente:uneToyotaSiennagold.Ah.Jeladéteste!Jesensquej’aiprisdixansrienqu’àmetrouverau volant. Je devrais probablement aller échanger Félix et choisir un golden retriever pour fairebonnemesure.
Lorsquejelevoisaccourirversmoidepuisl’autreboutdel’entrepôt,tellementheureuxqu’ilaprislaformed’unevirgule,jedécidequec’estuneidéeidiote.Félixestmonpetithomme.Peut-êtrequejepourraisluitrouverunsiègeautopourchienquejefixeraisàl’arrière.S’ilfautquej’aiel’aird’unemamanavecdesgossesquivontjoueraufoot,jepourraisaussibienavoirunsiègebébé,non?
Ozziedescend l’escalier et ferme laportièrecôtéconducteuràmaplacependantque jemebaisse pour prendre Félix dans mes bras. Je m’amuse de l’amour de mon chiot heureux pendantquelquessecondes,ettentedecalmerlesbattementsdemoncœurparlamêmeoccasion.Ozzieessaiedenepassouriredevantl’enthousiasmedeFélix.Jelesais.Sonvisageletrahit.
—J’aimebientanouvellevoiture,remarque-t-il.—Jeladéteste.Lorsquejevoissonexpression,jemedépêched’atténuermoncommentaire.—Jeveuxdire,jeneladétestepas,maisjenel’aimepas.Ohlàlà.Ilmedonneunevoituredefonctionetjeluidisqu’ellenemevapas.C’estgentil!Illèveunsourcil.Jesoupire.—J’aihorreurd’avoirl’aird’unemamangâteaualorsquejen’ensuispasune.Jenemesuis
jamaisimaginéecommeça.Lamouequejefaisn’estpassimulée.IlmedonneunepetitetapedansledosetmeprendFélix,joueavecsesoreillesminuscules.Le
petitvoyouessaiedeleléchercommesisavieendépendait.Jenepensemêmepasqu’ilcomprennecequ’ilfait.Moncœursecalmeetsefaittouttendre.Jeneluienveuxplusdem’obligeràconduireunmonospace.
—C’est une voiture de fonction, rien de plus. Si tu ne veux pas la conduire en dehors dutravail,c’estcommetuveux.Maisjepréféreraisquetut’encontentespourlemoment,jusqu’àcequenoussoyonssûrsquetoutvabiencheztoi.
Devdescenddesavoitureetnousrejoint.
—Tuesprêtepourtonentraînement,BoPeep?—Jecrois.IlfautjustequejefassefairesapromenadeàFélix.Jem’apprêteàprendremonchiendanslesbras,etprétendsfairefid’undangerpossibledans
lecasoùjeconduiraismavoiturerouge.Jeneveuxpascroireunechosepareille.—C’estdéjàfait,intervientOzzie.IlsedétournepourquejenepuissepasprendreFélix.Va
fairetesexercices.Jevousrejoinstoutdesuite.Jemedirigelentementversl’endroitoùDevaplacédesmatelassurlesol.Ozzies’éloigneet
déposeFélixàcôtédesapetiteamie.Lesdeuxchienss’envontversuneautrepartieduhangar,nouslaissantentrehumains.
Mon corps proteste énergiquement contre l’activité planifiée parDev et imaginée parmoncerveau.Mesmusclesmedisent : trop,c’est trop.Jen’aiplusenviedemebattreaujourd’hui.MaisOzziemesurveille, sibienque jenepeuxpasmedéfiler.D’ailleurs, si jeveuxqueTonimefasseconfianceetarrêtedem’embêter,ilfautquejem’entraîne.JedoisagircommeelleleferaitdansmasituationetjesuisbiensûrequeTonisebattraitjusqu’às’écroulerdefatigue.
Devsesaisitdeprotectionspourlesbras.—Mets-les.Jesuiscontentedelesavoir.—Ettoi?Ilsetientlàdeboutsansrienfaire.—Jen’enaipasbesoin.Jerenifle.Onvabienvoir.Ilseretourneversunetablederrièreluietyprenddeuxtriques;ilm’entendune.—O.K.Voilà.Lapremièrechosequ’ilfautquetuapprennes,c’estcommentlatenirici,parce
bout,aprèslapoignéeencuir.Jefaislesgrosyeux.—Ouais,commesijenepouvaispasm’enrendrecomptetouteseule.—Tuesunemarrante?D’accord.Trèsbien.Metstamaindroitederrièretoi.Pose-laenbas
detondos.J’imitesesmouvementsetjemesensplusvulnérableavecunseulbrasactif.Jedemande:—Pourquoiest-cequ’onfaitcommeça?—Çat’aideraàfortifierlesmusclesqu’onutilisepourl’équilibre.Etçaempêcheratonautre
brasd’êtrebriséparlebâton.— Oh ! Brisé ? Il est fou ? Je pense que je ne vais plus poser de questions à partir de
maintenant.—Tuaspeur?medemande-t-ilavecdesétoilesdanslesyeux.Jerelèvelementon.—Non.Ettoi?Je le taquine du bout de ma trique à deux reprises. Même à mes yeux qui n’en n’ont pas
l’habitude,ellemeparaîtrienmoinsquemoelleuse.Ilrit.—Àpeine.Devélèvelatriqueàlahauteurdemonvisage.—Metstamainplusloin.Ilfautlaisserdépasserunboutdubâton:ainsitupourrasl’utiliser
pourfrapperquelqu’unquis’approcheraitdetropprès.—Jepensaisdonneruneracléeaveclegrandboutàquiviendraitmechercherdesnoises.—Cen’estpastoujoursaussifacile,répond-ilsèchement.
Jeremonteunpeumamainlelongdumanche.—Nel’empoignepastropfort.Tuvasattraperunecrampe.—O.K.,pastropserré.Cetrucidiotmenacedem’échapper.—Plusfortqueçaquandmême.Ilfautquetuarrivesàletenirdefaçonstable.Situlatiens
tropfermement,tuvasm’indiquertesintentionscommesitum’envoyaisuntélégramme.Etcen’estpascequetuveux.
—Non,sûrementpas.—O.K.,premièrerègle:bougetatriquesansjamaist’arrêter.Ilsemetàlafairetournoyer
autourdesonvisage,desesépaules,puisdubasdesoncorps.Mesmouvementssontàl’évidencemoinsgracieux.—Pourquoi?—Parceque.C’estmieux.Tunedoispasbaisser tagarde.Par ailleurs, tes coupspartiront
plusrapidement.Ilbougeunpeusursespieds.Etn’arrêtepasdebouger,toinonplus.Jeneveuxpasquetumetombesendormiedanslesbras.
Ilsetendenavantetfrappematriqueassezfort;ilafaillimelafairesauterdelamain.—Hé!jen’étaispasprête!—Ilfauttoujoursl’être.Ondiraitpresquequ’ilvoitàtraversmoi,etjesuisvraimentcontented’avoirdesprotections
surlebras.—Souviens-toidel’acronymeBEDS.Ilfaitquelquespassurlecôté.Jecontresesmouvementsenpartantdansladirectionopposée.—BEDS?—Oui.BEDS.Cesonttespositionsdéfensives.Bloquer.Éviter.Détourner.EtSupprimer.Jelesrépètedansmatête.—O.K.Compris.BEDS.—Prêêêête….Bloque!Ilseruesurmoi,latriquelevéeau-dessusdesatête.—Ah ! J’esquive le coupet lèvema triquehorizontalement sansvraiment savoir ceque je
fais.Sonbâtons’abatsurlemien,faisantvibrerlesosdemonbras.—Bien!Recommence!Bloque!Satriquefondànouveausurmoi.Jelebloqueencore,maisjenecriepascettefois-ci.—Excellent!Évite!Ilbalancelebâtondecôtéversmoietjesautehorsdesaportée.Ilbouge
tropvitepourquej’aie le tempsdepenseretdesavoirquoifaireensuite.Jefonctionneà l’instinctpourlemoment.
—Parfait!Attention,merevoilà!Jefaisunnouveaubond,maismatriques’estabaissée.Sonarmelafrappeviolemment.—Hé!tum’auraisfaitmal!Jecrie,furieusequ’ilseprenneaujeusisérieusement.—Alors,mieuxvautnepasêtretouchée.Ilsedéplacetoutautourdutapis,essayantdetrouver
commentm’approcher.Moncœurbat follement tandisque jebrandismonarme.Nepasarrêter.Nepasarrêter.Ne
jamaisarrêter.Unepartiedemoidésirefuir l’entrepôtenhurlant,mais l’autreveut luidonneruneleçon.Commentunprofesseurose-t-ilsecomporterainsi?Qu’a-t-ilfaitdelaméthodedukaraté28?KaratéKidnes’estpasmisàfrapperlesgensdèslepremierjour.
— C’est quoi “détourner” ? Je hurle la question, et j’essaie de le distraire de son enviemeurtrière.
—Unmélangede“éviter”et“bloquer”.Veniràlarencontredubâton,maiss’enservirpourlerenvoyerparsaforcepropre,sansprovoquerlamort.
Jenesaispasdutoutdequoiilparle.Lapaniqueaugmenteenmoi.Jesuissûrequ’ils’apprête
àm’attaquerencore.Sijevomissurmonadversaire,est-cequej’aigagné?—Etledernier?Monsoufflesortparsaccades.Supprimer?—Celui-là n’a pas besoin d’explication, gronde-t-il. Sur cesmots, il se précipite surmoi,
triquelevée.J’esquisseunpasdecôtéetfaisfaceàsatriquequandelles’abat;j’essaiedelafairerebondir
loindemoi.Mais,aulieudecela,ellepartdansl’autresensetmetoucheàl’épaule.—Oh!Bonsang,cequeçafaitmal!Jemanquedem’écroulerenessayantdeluiéchapper.Le
brasaveclequeljedevraisfrapperestcommemortàprésent.Jen’arrivepresquepasàsoulevermonarme.
—Prépare-toiàdirebonsoir!s’exclameDevquicontinueàmetournerautouretàs’avancersurmoi.
Jesoulèvemonarmeauniveaudemacuisseetplacemonautremainsurledessus,formantunegrandelettre«P».
—Pause.—Pasdepause!Lamortauperdant!Ilpousseuncrideguerretonitruantetfoncesurmoi.Jebaissemamaindroiteetyfaitpasserlebâton.LebrasdeDevs’estlevéetilseprépareàbalanceruncoupquimemettraàterre.Detoutesmesforces, je lancedanssescôtes la triquequise trouveàprésentdansmamain
droite.Lorsquejel’atteins,sonvisageprenduneexpressioncomique.Choc.Douleur.Colère.Douleurànouveau.Jebondishorsd’atteinteaumomentoùiltrébucheets’écroulesurletapis.Samainlâchele
bâtonquirouleetrésonnesurlesoldecimenttandisqu’ilsemetenboule.—Oh,merde,gémit-il.Jecroisquetum’ascasséunecôte.Jem’appuiesurmonbâton,pliéeendeuxpourreprendremonsouffle.Jenesaispassijesuis
incapablederespireràcausedel’effortouparcequej’aieulapeurdemavie.Jenepeuxpascroirequejel’aiebattu.
—Désolée.Jesouffleavecdifficulté.—Net’excusepas.Ilgeintàplusieursreprises.Bonsang,jenet’aipasvuechangerdemain!—Ah?—Est-cequetuseraisambidextre?J’essaied’êtrecourtoise.—Unpeu?Ilgémit,etsemetàrire.Puisilgeintencore.—Oh,merde,cequeçafaitmal.Laporteenhautdesmarchess’ouvreetOzziedescendavecThibault.Lorsqu’ilsnousvoient,
ilsaccélèrentetsemettentàcourirversnous.—Ques’est-ilpassé?demandeThibault.—Ilditquejeluiaidéfoncéunecôte.ThibaultsedétournepourqueDevnelevoiepassourire.Ozzies’accroupitetmetunemainsurl’épauledeDev.—Tupeuxtemettredebout?—Simesamism’aidentunpeu,répond-il.Onentenddanssavoixqu’ilavraimentmaletje
mesensencorepluscoupable.—Jesuisdésolée,Dev.Vraiment.Jen’auraispasdûyalleraussifort.Ilsepenche,aidéparOzzie.— Ne t’excuse pas. Il tient sa main contre ses côtes. C’était formidable. Je te l’ai
dit…couvertureparfaite.Ilgrimacequandilessaiedebouger.—Hôpital?demandeThibaultàOzzie.—Onlemontelà-hautd’abord.Jevaisregarder.À eux deux, ilsmettentDev sur ses pieds.Ce n’est pas facile parce qu’ilmesure aumoins
trente centimètres de plus queThibault.Ozzie fait le plus gros de l’effort. Il passe doucement sesmainssurlacagethoraciquedumaîtred’armes.
Devsetientlégèrementpenchéenavant,levisagecrispédedouleur.—Ques’est-ilpassé,monvieux?luidemandeThibault.—Ellem’adupé.J’enailesoufflecoupé.—Quoi?J’aiétéparfaitementréglo.Jepointemonbâtonverslui.Ilestparticommeunfou
pour l’entraînement ! Pas de mise en train, rien. Seulement vlan, vlan et vlan ! Bloque, évade,défense…
—Détourne,pasdéfense,coupeDev.—Peuimporte!Tuesarrivésurmoitroprapidement!Jen’avaispaslechoix.Jebaisselesyeuxversletapis.Jemesenscoupable.Pourquoi,jenesaispas:jemedéfendais
seulement. Je suis presque contente de ne pas avoir eu mon Taser à portée de main. Je l’auraisélectrocuté,puisfrappéavecmatrique.
—Qu’est-cequisepasse?demandeTonidepuislehautdel’escalier.—BoPeepaeuledessussurDev,expliqueThibault.Écœurée,Tonisecouelatêteetrentredansl’appartement.Super.Toutàfaitcedontj’avaisbesoin.Toniestfurieusecontremoipourçaaussi.—Jen’aipasbesoind’alleràl’hôpital.Çava.Jepensequej’aiseulementunecontusion.Ilse
redressemais,immédiatement,ilseplieunpeuànouveau.Peut-êtrequesi.Ozziemontrelaportedel’entrepôt.—Ilfautquetupassesuneradio.Devs’envaentraînant lespieds.Lorsqu’ilafaitquelquesmètres, il regardepar-dessusson
épaule,autantqu’illepeut.—Gardelatrique.Exerce-toi.Tuneseraspasaussiveinardeunesecondefois.—Jevaisleconduire,proposeThibault.Ilvientversmoietmetsamainsurlehautdemon
bras.Bravo.Neculpabilisepas.Tuasgagnédanslesrèglesetsansl’ombred’undoute.J’essaiedesourire,maisjefaisplutôtunegrimace,commesij’avaismalauventre.—Merci,Thibault.Ilm’adresseunclind’œil.—Jet’enprie.Cen’estpassouventqu’onvoitungéantàgenoux.Jenevoudraispasmesentirtropfièred’avoirréussiàfaireça,maisc’estdifficile:ilaparlé
deDevcommed’ungéant.Ilestvraimentgrand.Notrecombatdevaitavoirl’airdelalégendairelutteàmortentreDavidetGoliath.
JesurprendsOzzieentraindemeregardertandisqueThibaultmonteenvoitureavecDev.Jedemande:—Qu’est-cequ’ilya?Ilsecouelatête,sonexpressionindéchiffrable.—Rien.—Jepeux rentrer chezmoimaintenant ?Mavoix est commeuneplainte. Je considèrema
Sonic.J’aibesoind’unedouche,dechangerdevêtementsetjesuisfatiguéedetouscescombats.Ilvientversmoi,metsamainàl’arrièredemoncouetsepencheversmoipourmeregarder
danslesyeux.
—C’esticicheztoiàprésent,tut’ensouviens?Je bats des cils à plusieurs reprises mais je ne réponds pas. Des émotions diverses me
submergent.Jesuisheureuse,effrayéeettristetoutàlafois.C’estpossiblequejesoisprochedemesrègles.
—Oh,j’avaisoublié.—Monte alors. Fais ce que tu as à faire. La réunion de l’après-midi commence dans une
heure.J’acquiesce.Ilvasansdoutevouloirparlerdecequej’aivusurlesenregistrementscematin,
cequiveutdirequemajournéen’estpasencoreterminée.Jemedirigeversmavoiture,maisc’estseulementpourydéposermatrique.Jem’entraîneraiplustard,quandjeneseraiplusici.Peut-êtreaurai-jeletempsd’allervoirJenny.EllenevapasvouloirentendreparlerdecettearmeprimitiveetjesuiscertainequeSammyauraenviedefrapperdesarbresoudesmeublesdejardinavec.
Monterl’escaliertientduvéritableexploit.Ilfautquejem’agrippeàlarampepouryarriver.J’aimanifestementexagéré.Pasdesexepourmoicettenuit.
QuevaenpenserOzzie?Est-cequ’ilaenviedefairel’amouravecmoimaintenant?Ysonge-t-ilaussi,commejel’aifaittoutelajournée?Ilestprobablementbeaucouppluscalmeàcesujetquejenelesuis.Jesuiscertainequ’ilpeutarriveràtravailleretàvivreavecmoisansperdrelaboule.Cen’estpasmoncas.
Lesémotionsm’envahissentetcommencentàdéborder.Qu’est-cequejefaisici,bonDieu?JenepeuxpasvivreavecOzzie!Jeneveuxpasmebattreàcoupsdebâtonavecmescollègues!C’estridicule!Jephotographielesmariages,bonsangdebonsang!
Jeprendsmonportabledansmapocheaumomentoùj’arriveenhautdesmarchesetouvrelaporte.J’aibesoindel’aidepsychologiquedemasœur.Immédiatement.
Jennydécrocheaprèsdeuxsonneries,mercimonDieu.—Salut,sœurette!Quesepasse-t-il?JetraverselacuisinesansadresserunmotàToni.—Unbrindecausette,c’esttout.J’attendsd’êtredanslachambre,portefermée,pourmemettreàpleurer.
28.Laméthode«wax-on-wax-off»estcélèbredanslekaraté.Elleconsisteàgagnerdelaforcedanslesbrasparadditiondelaforcedel’adversaire;ils’agitdemouvementscirculairesdanslesensdesaiguillesd’unemontre.BruceLeefutunfameuxKaratéKid(danslefilméponymedeJohnG,Avildsen,1984.)
CHAPITRE50
—Hé,hé,hé!C’estquoiceslarmes?interrogeJenny.Jepleureencoreplusfort.Chaquefoisqu’elle fait comme si elle était ma maman, c’est ce qui arrive. Je me transforme en nourrissonpleurnicheur,çaneratepas.
Jeparleentredeuxsanglots.—Jenesaispas.J’avaisseulementbesoind’entendretavoixetquetumedisesquejeneme
conduispascommeuneimbéciled’idioteici.—Oùc’est“ici”,machérie?Ellenesaitpascequis’estpassélanuitdernièreetjesuisbiensûrequejenedevraispaslelui
raconter.Ellemediraitdevenirchezelleetjenepeuxpas.Siunemenacepèsesurmoi–cedontjedoutevraiment–jenevaispaslaluiameneràdomicile.Elleestvraimentunemamangâteauavecdesenfants qui jouent au foot. Ou, dumoins, elle le sera quand un de ses gosses décidera qu’il veutcommencercesport.
Jeprécise:—Jesuisauboulot.—Pourquoiest-cequetupleuresàtontravail?Ilsontétédursavectoi?Jerisàtraversmeslarmes.—Non,pasdutout.Ilssonttrèsgentils.ÀpartToni,maisnousn’allonspasparlerd’elle.—Alors,qu’est-cequinevapas?Tuastesrègles?—Non.J’essuiemonnezd’unreversdemainavantderegardersijetrouveunmouchoir.J’enprends
undanslaboîtequisetrouvesurlatabledenuit.—J’aipassélanuiticietj’aicouchéavecOzzie.C’étaitfou!—Waouh!Unefollenuit?Cen’estpaslamêmechosequ’unecoucherienormale?— Idiote. Évidemment que non. Elle a déjà réussi à me faire sourire.Mes larmes coulent
toujours,maisjenesangloteplus.—O.K.Alorspourquoiest-cequeçatefaitpleurer?Jesoupire,etj’essaied’oubliermonchagrin.—Jepeuxêtrehonnêteavectoi?—Euh,biensûr.—Jeveuxdire,sansquetupaniquesàmonsujet.
Troissecondessepassentavantqu’elleneréponde.—Vousavezeuunrapportanal?C’estdeçaquetuveuxmeparler?JenniferAlexandriaWexler!Non!Cen’estpasçadutout!Quandjemeremetsdecequ’ellevientdesuggérer,jerisànouveau.Elleestfolle.—D’accord.Alors,c’estquoi?Dis-lemoibonsang!Ellerigoleelleaussi.Jenepeuxpasluiexpliquerpourquoijesuisbouleverséesielleneconnaîtpastoutel’histoire.
Jesuisnavréed’avoiràluidirequelquechosequipourraitl’inquiéter,maisjen’aipaslechoix.J’aibesoindesesconseils,parcequejenepensepaspouvoirdéciderraisonnablementtouteseule.Moncœurdevientpartiallorsqu’ils’agitd’Ozzie.
—Hiersoir,l’alarmes’estdéclenchéechezmoi.Ilyavaitunintrusdanslejardin.—Ohnon!Ellearrêtederire,toutdesuitesoucieuse.—Ozzie était avecmoi. Il a transféré l’alerte à la sociétéquigère les alarmes après s’être
assuréqu’iln’yavaitpluspersonne;maisiladitqu’ilfallaitquejeviennechezluietquej’yrestejusqu’àplusampleinformation.
—Benvoyons.J’entendslesouriredanssavoix.—Cen’estpasuneplaisanterie,Jen.— Bien sûr que non. Je suis heureuse que personne n’ait réussi à entrer par effraction et
qu’Ozzieaitétélàpourteprotéger.Continue.—Unechoseenamenantuneautre,nousavonsfaitl’amour.Àdeuxreprises.—Hum…—Etc’étaitvraiment,maisvraimentbien.—Maispasanal,hein?—Arrête ! Je ris derechef. Je ne peux pasm’en empêcher.De toute façon, c’est beaucoup
mieuxquedepleurer.—Désolée,jen’aipaspumeretenir.—Entoutcas…j’ensuisseulementàmondeuxièmejour.Alorsvoilà,jetravailleavecluiet
jepassemontempsàpenseràcequenousavonsfaitlanuitdernière.—Etjesuissûrequeluiaussi.—Tusaisça,toi?—Commentpourrait-ilenêtreautrement?Leshommespensentausexeplusdecentfoispar
jour.Oubienest-ceunmillier?Jenesaisplus.Maissûrementbeaucoup.Ettunecroispasqu’ilarevécu tous lesmoments passés avec toi ? Imaginant tous ceux qu’il veut connaître par la suite ?Voyons!Cetypeaprobablementeuuneérectioncontinuetoutelajournée?
—Jen’ensaisrien.— Eh bien moi, si. Sans l’ombre d’un doute. Fais-moi confiance. En ce moment, il doit
probablementêtreentraindet’imaginerdanslasalledebains.—Ohlàlà.C’estd’unérotisme!— Tu n’as pas idée de ce que les hommes peuvent trouver sexy. Ce sont de vrais chiots
malades.—Maiscommentest-cequetusaistoutcela?Tum’effraies.—Quepuis-jedire?Milesparlaittrop.—Beurk.TousleshommesnesontpascommeMiles.—Si.Ilslesonttous.Sansexception.Etàpartça?pourquoiest-cequetupleures?Jehausselesépaules.—Jenesuispassûre.—Tuvasavoirtesrègles.C’estforcé.—Non,pasdutout.Jepenseque…çafaittoutsimplementbeaucoupd’uncoup.Jechangede
boulot,jecommenceàtravailleravecdesgensvraimentbien,saufqu’ilssontunpeufous,jecoucheavecmonnouveaupatron…etj’habitechezlui.Tuterendscompte!Monchienestamoureuxdesachienne…c’estfou!Dingue!Quiest-cequifaitdeschosespareilles?!
—Çaal’airbeaucoupplusintéressantquemavie.Tusaiscequej’aifaitaujourd’hui?—Non.Ques’est-ilpasséaujourd’hui?Jem’essuieànouveaulenezetsoupirebruyamment.
Jemesensdéjàmieux.— J’ai retiré du siphon de la douche une pelote de cheveux grosse comme un ballon de
baseball.—Beuh.Jem’imaginelascène.Masœuradescheveuxtrèslongsetépais.C’estdégoûtant,
Jen.Jenesaispaspourquoitum’asracontéça.—J’avaisenviedel’envoyeràMiles,etpuisjenel’aipasfait.—Çavautprobablementmieux.Pasbesoinqu’ildemandeàtefaireinterner.—S’ilnevientpaschercherlesenfantsceweek-end,ilvasavoircequeveutdire“dément”
d’unpointdevuelégal.Fais-moiconfiance.—S’ilnetientpassapromesse,c’estmoiquileferai.Jesuistoutémueenpensantàmasœur
etàsesgosses.Aumoins,ilyadeschosesquinechangentjamais.Jepeuxtoujourscomptersurleuramour,emballédansbeaucoupdebruit.
—Etquepensel’hommedetaviedetoutceci?s’enquiertJenny.—L’hommedemavie?Quelhomme?—Félix.—Oh.Jel’imagineentraindedormiravecSahara.Ilestamoureuxdelachienned’Ozzie.Il
nevientmêmeplusdormiravecmoi.—Ehbien!C’estsérieux.—Jesais.—JepensequetudevraistefieràFélixenlamatière.—Vraiment ?C’est plutôt dingue,mais je trouve ça tout à fait sensé. Félix nem’a jamais
laisséetomber.—Jenesaispas.Est-cequeleschiensn’ontpasunsixièmesensquandils’agitdeshumains?Jeréfléchispendantuneseconde.—Ilasespréférences.—Ildétestaitundetespetitsamis,tut’ensouviens?Jerenifle.—Commentpourrais-jel’oublier?Cetypeétaituncriminel,chosequ’ilavaitoubliédeme
direlorsquejel’airencontré.—Heureusementquetasœurestunasdel’ordinateurpourpouvoirvérifierleschoses.Jesouris.—Tum’assauvée,unefoisdeplus.—Ouais,sûr.Jesuislàpourtoi.Toujours.—Merci,sœurette.—Alors,tuvastenirlecoup?Jehochelatête,etjemesensbeaucoupplusrassuréequ’ilyadixminutes.— Oui. J’ai peur que mon cœur soit brisé lorsqu’il verra que nous ne sommes pas
véritablementfaitsl’unpourl’autre,maisjusquelàautantquej’enprofite.—Ouais, amuse-toi.Excellente idée.Tune peuxpas passer ta vie à t’inquiéter pour ce qui
pourraitsepasserdemain.—C’estàpeudechosesprèscequ’ilm’adit.—Tuvois?Manifestement, ilestfort intelligent.Quandest-cequetul’emmènespourqu’il
fasselaconnaissancedesenfants?—Jepeux?!Jedevrais?!Cen’estpastroptôt?—Jenevoispascommentçapourraitêtre trop tôtsi tucouchesavec lui.J’imaginequeça
veutdirequetuessérieuseetc’estcequiestimportant.—Peut-êtrequejefaisl’amouravecluiparcequejesuisnaturelleetlibreetquejemènema
vieensuivantmesdésirs.—Ouais,d’accord.Combiendetempsa-t-ilfalluàtonderniercopainpourquetutelibèresen
sacompagnie?—Quatremois.—Tuvois.Ilestévidentquecetype,Ozzie,estdifférent.Amène-ledemainsituenasenvie.
Leslasagnessontdéjàprêtes.Jemordsmalèvreinférieureetréfléchisàsaproposition.—Jeteleconfirmerai.—D’accord.Écoute,Sammynefaitpasdebruitdepuisunbonmoment,alorsilvautmieux
quej’aillevoir.Ilestprobablementencoreentraindedécapitertouteslespoupéesdesessœurs.—Ehben.Voilàquin’estpasdutoutflippant.—C’estungarçon.Ellesoupire.Lesgarçonsnesontpascommelesfilles.—Bien.Tuferaismieuxd’allerl’enfermer.Merci,Jenny.Jetesuisvraimentreconnaissante
desupportermesdélires.—Cen’estpasdélirant.Tuesunefille,voilàtout.Ettuasledroitd’agircommetelle.—Jet’aime.—Etmoidavantage!Salut!Elleraccrocheavantquej’aieeuletempsderépondre.Bon sang. Je déteste quand elle gagne aussi facilement à notre petit jeu du « je t’aime
davantage».Jeluienvoieunpetittextoavantd’éteindremonportable.Moi:T’aimeplusencore!Na!
CHAPITRE51
J’utilise un gant de toilette humide pour effacer les signes de ma courte déprime. Puis, jeretournedanslacuisineavecunevigueuretunedéterminationnouvelles.JerejoinsOzzieetToniàlatable.LuckyarriveaumomentoùOzziecommenceàparlerets’assoitàcôtédemoi.
— Est-ce que l’une de vous deux a trouvé des informations intéressantes aujourd’hui ?demandeOzzieàToni.
—Passûre.J’ainotédeschoses.Ellesortunbloc-notesd’unclasseuretfaitcourirsondoigtjusqu’aubasdelapage.Jepensequequelqu’unadûouvrirunefenêtreàunmomentdonnéparcequej’airéussiàcapteraussidesconversationsàl’intérieurdelamaison.
—Bien.Ozzieapprouved’unsignedetête.—J’aientenduuncertainnombredegarsdeBourbonStreetquiparlaientdetoutetderien,
quiplaisantaient.Puisilyaeuunediscussionàproposd’unennuiqu’ilsontetquin’apasencoreétérésolu.
—Ont-ilsditdequoiils’agissait?—Non,maisilsrépétaientunnom:PetitRouge29.Commesic’étaitlapersonneoulachose
quiposaitproblème.Ilsdisaientqu’ilfallaityremédier.Ozzieacquiescelentement,lesyeuxdanslevague.—Qu’est-cequeçaveutdire?Jesuisperplexe.— Les gangs utilisent des codes tout le temps et pour tout. Petit Rouge pourrait être un
arrivage de drogues, des importations illégales, un gang rival, un dealer qui ne paye pas saredevance,unsimple individu…tantquenousnepouvonspas le situerdanssoncontexte,nousnesauronspascequec’est.
OzziefocaliseànouveausonattentionsurToni.—Dunouveaulà-dessus?Ellesecouelatête.—Non,mais je peux te dire que c’est presque toujours lemême typequi a parlé de ça. Je
pensequ’ilestarrivétardàcetteréunion.J’avaisl’impressionqu’ilcausaitd’unmembred’unebanderivale,àmoinsqu’ilnesesoitagid’affaires.
Lesyeuxd’Ozzieseplissent.—Àquelleheureas-tuentendusavoixpourlapremièrefois?Toniparcourtlespagesdevantelle.Elles’arrêtesurlaquatrième.—23h33,ouàpeuprès.
Ozziesetourneversmoi.—Regardecethorairedanstesnotes.Est-cequetuasvuquelqu’unarriverjusteavantça?Mon travail était plus facile que le sien, si l’on en juge par nos notes. J’en aimoins de la
moitiédessiennes.—Septpersonnessontarrivées.C’esttout.Etquatresontsorties.J’essaiedetrouversurlapagel’horairequicoïncideaveclesobservationsdeToni.—Deuxhommessontentrésavantqu’elleentendecetteconversation.Jecompulsecequej’aiettrouvelesdeuxpersonnesdontj’aiprisdesclichés.—Onnevoitpasleurfigure,simplementleurtêteetleurcorps.Ilfaisaitassezsombre.Je les passe à Ozzie qui les examine attentivement. Lorsqu’il regarde la deuxième
photographie,ilfroncelessourcils,laretourneetlatientdetellemanièrequejepuisselavoir.—Tureconnaiscelui-là?Toutcequejevois,c’estunesilhouettepenchéeenavant:l’hommeporteunmanteaufoncéet
lesommetdesatêtebrille.Soncrânereflètelalumièred’unréverbèreproche.— Pas vraiment. Je suis embarrassée comme si je devais m’excuser. Je n’avais pas pensé
qu’onmeposeraitdesquestions.Ozziereprendlaphoto,laretourneetlascrutependantquelquessecondessupplémentaires.—Jepensequec’estDoucet.TonitendlamainversleclichéetOzzieleluifaitglissersurlatable.Jedemande:—QuiestDoucet?Toniopine.—Jesuisd’accord.Ilyaplusieurspointsderessemblance.Carrure,stature.Têtechauve,bien
évidemment.Ozziesoupire,meregardeaveccequ’onpourraitpenserêtreduregret.—DavidDoucetestl’hommequinousatirédessusdanslebar.Unfrissontraversemoncorpsetmabouchedevientsèchetoutàcoup.—DavidDoucetestletireur?Rienquesonnommeglacelesang.—Oui.IlestlefrèredeGuyDoucet,celuiquimèneladansedanscettepartiedelaville.—Alorstupensesquec’estluiquiparledePetitRouge?demandeToni.—Peut-être.Ozzies’adresseàToni.Qu’as-tud’autresurlui?Ellefaitunemoue.—Jepourraisréécouter.Maintenantquejesaisàquiappartientlavoix,deschosesqu’ilaura
ditesprendrontdavantagedesens.—Oui.Trèsbien.Demain.Ilmeregarde.Tuasquelquechosed’autrepourlesarrivéesetles
départs?—Voyons… j’ai ces types qui arrivent ensemble. Je lui passe mes clichés.Mais seuls les
quatre premiers sont repartis. Ceux qui sont arrivés plus tard sont restés au-delà de la durée del’enregistrement.
—Etàquelleheures’est-ilarrêté?Jeregardeladernièrepagedemesnotes.02h14.OzzieretourneàToni.—ReprendslabandeduParrot.Jeveuxvoircequis’estpasséjusqu’à6heures.—Compris.Ellefaitminedeselever.—Demain.Tuasassezfaitpouraujourd’hui.—Sûr.Pasdeproblème.Toniserassoit.
—Ya-t-ilquelquechosed’autrequejedevraissavoir?Ilbalaielatabledesyeux.—J’aiachetédel’équipementaujourd’hui,répondLucky.—Et?—Etleschosesnes’additionnentpascorrectement.Aupropreetaufiguré.—Queveux-tudire?Luckysegrattelatête.—Jenesuispasabsolumentcertain.Ilal’airennuyéetcroiselesbrassursapoitrine.—Ilsontlesdépensestypiquesd’uneaffairedeventeaudétailquiassureégalementleservice
deleursproduits.Ilsvendentetilsréparentdesmoteursdebateaux,laplupartdutempsdansd’autresstructures.Avecdesconcessionnairesquitravaillentpoureux,surethorssite.Ilssalarientégalementdes vendeurs employés par ces mêmes concessionnaires. Mais si on consulte leurs rapportsfinanciers, on s’aperçoit qu’ils dépensent beaucoup d’argent dans des domaines qui ne devraientreprésenterqu’unpourcentageminimedeleursfraisdefonctionnement.
—Parexemple?OzzieécouteLuckytrèsattentivement.Tonietmoifaisonsdemême.—Prenons,sivouslevoulezbien,leurdispositifd’éliminationdesdéchets.Ilsontdumazout
usé dont il faut qu’ils se débarrassent lorsqu’ils vidangent lesmoteurs des bateaux.La plupart desentreprisespaientpourqu’onvienne les endéfaire etpour traiter les résidus.Rienquedenormal.C’estcequefaitBleuMarine.Leproblèmeestquecegenredeservicedevraitreprésentermoinsd’unpourcentdeleursfrais.PourBleuMarine?C’estpresquedixpourcent.
—C’estridicule.Ozzieal’airfurieux.—Jesais.Etilyamieux.Leserviced’entretienmonteaussiàdixpourcent!Jesuisallédans
leurmagasin.Ilyadelapoussièrepartout.Lestoilettesn’ontpaséténettoyéesdepuisdessemaines.Lesemployésquitravaillentsurlesitedisentquelespoubellessontvidéesetqu’ilsvoientquelqu’unvenirdetempsentempslanuit.Mais,pourlasommequelespatronsdéboursent,toutdevraitbriller.Ilspourraientpratiquementpayerunepersonneàpleintempsaveccequ’ilsontdépensécetteannée.
—Quoid’autre?—Lalisten’enfinitplus.Despiècesré-usinées,desretours,desservicesintermittents.Toutce
quevousvoulez:leurschiffressonttruqués.—Alors,qu’est-cequ’onfaitmaintenant?Ozziesecaledanssonfauteuil.Luckydécroiselesbrasetposesesmainsàplatsurlatable.—Il fautque jeprennecontactaveccesprestatairesetque jevoiecommentçasepasse.Si
c’estuniquementlefaitd’unchefd’entreprisearchinulquinesaitpascommentnégociersesachats,alorstoutvabien.Nouspouvonsyremédier.Maisjecrainsbienquecesoitplusquecela.Ilsecouelatêtecommes’ilétaitembêté.Voussavezcommeilestdifficiledeprouverunemalversationsansaveu.
—Bienévidemment,BleuMarinepenseaussiqu’ilyaquelquechosed’autre.C’estpourcelaqu’ilnousaembauché.Parleaveclesprestatairesdeserviceetdis-moicequetuaurastrouvé.Sinousavonsbesoind’aveuxàlafindenotreenquête,nouslesobtiendrons.J’aiseulementbesoindepreuvesquej’apporteraidanslaconversation.
—D’accord.Tuveuxquejem’ymettemaintenant?—Non.Demain.Toutlemondeafini.Ozzieselève.Vouspouvezpartir.JesuissûrqueDevet
Thibaultsontàl’hôpitalpourencoreaumoinsdeuxheures.Onreprenddemainmatin,8heures.Touslessiègesraclentleparquetenmêmetempstandisquenousnousmettonsdebout.—Turestes iciavecmoicettenuit,ajoute-t-ilenmeregardant. Ilparleavec l’autoritéd’un
patron,maisleregarddesesyeuxestceluid’unamant.JepensequeJennyavaitraison:ilapenséàfairel’amouravecmoi.Unetouteautresortedefrissonmeparcourtàprésent.
— Je peux te parler en privé uneminute ? lui demandeToni. J’ai l’impression qu’elle fait
exprèsdenepasmeregarder,alorsqu’elleenaenvie.Jesuisimmédiatementsoupçonneuse.—Biensûr.Jeteraccompagne.Je fais semblantd’êtreoccupéeparmespapiers tandisquemescollèguesquittent lacuisine
ensemble.Félixtraverselapièceencourantetsautesurmesgenoux;ilessaied’atteindremonmenton
pourmelécherfougueusement.—Oùétais-tupassé,espècedepetitfripon?Saharaentredanslacuisineàsasuite,avancelentementetvients’asseoiràcôtédemachaise.
Jelagratteunpeuderrièrelesoreilles,puisjemelèveetreposeFélixparterre.—Alors,qu’est-cequisepasse,leschiens?Jerigoletouteseule.L’humouridiotestunede
messpécialités.Vousavezpasséunebonnejournéeàvousreniflerl’unl’autreetàmangerlamêmechosequetouslesautresjours?
Ilslèventtouslesdeuxlatêteversmoietmeregardentavecdesétoilesdanslesyeux.—Jenevaispasvousdonnerdesfriandises.Nemeregardezpascommeça.Félixgémit.—D’accord.Peut-êtreunpetitquelquechose.Jemedirigeverslecellieretj’yentrepourvoir
ce que les étagères peuvent proposer. C’est assez fascinant de voir le cœur même de la cuisined’Ozzie.Toutest rangéavecdesétiquettes.Lesboîtesdeconservesontdansuncoin, lesboîtesencartondansunautre,sibienquelesingrédientspourlepetitdéjeuneretledînersontséparés.
J’entendsdubruitdel’autrecôtédelaporteetj’imagineuninstantquecesontleschiensquifontdesbêtises;mais,ensuite,jemefigeparcequ’ilyamaintenantdesvoix.Onvientd’entrerdanslacuisine.
—J’attrapececlasseuretjet’accompagne,ditOzzie.—Onpourrait aussi bienparler ici, répondToni d’un ton irrité.Lesmurs ont des oreilles
dansl’entrepôt.—Alorsvas-y.Qu’est-cequitepréoccupe?—Jeneveuxpasd’elledansmesmissions,voilà.Jedevinequejesuiscette«elle»qu’elleneveutpasavoiràbâbord.—Jecomprends,maisjepeuxt’assurerquetun’aspasdesouciàtefaire.Ellerenifle,sceptique.—Écoute, jesaisque tuveuxtecroire impartialet toutça,maiscen’estpas lecas.Tout le
mondevoitquetut’intéressesàelle.—Qu’est-cequitefaitdireça?—Allons. C’est évident. Tu lui donnes une période d’essai de quatre-vingt dix jours et le
lendemain,tuluiachètesunevoituredefonction!Tul’installesdanstonappartement!Seigneur,Oz,pourquoiest-cequetunevaspasluiacheterunefoutuebagueetlademanderenmariage?
—Tudépasseslesbornes.Ozzieal’airencolère.Jemereculeunpeuplusdanslefonddel’office.Laporteestlégèremententrebâilléeetjeprie
pour qu’ils ne puissent pas voir l’intérieur de là où ils se trouvent. Ils penseraient que je les aiespionnésexprès.
—Quoi,jenesuisplusautoriséeàdirecequejepenseici?—Tupeuxlefaire;mais,cequejen’appréciepas,c’estquetutemêlesdemavieprivée.Ou
decequetucroisêtremavieprivée.—S’ilnes’agitpasdeça,peux-tum’expliquerpourquoielleatouscestraitementsdefaveur?Jedétestecesmots-là.«Traitementdefaveur».Jesavaisbienqu’elleseraitfurieuseparceque
toutlemondemecajolebeaucoupici.Merde!—Jen’aipasàt’expliquerquoiquecesoit.Aucasoùtul’auraisoublié,c’estmoilepatron.
—Autrefois,tumedisaistout,Ozzie.Ques’est-ilpassé?Quenousest-ilarrivé?Toutallaitsibienentrenouspendantlongtemps.
Moncœurs’effondresurlui-même.Ilm’avaitditqu’ilsn’avaientjamaiscouchéensemble.Ilm’amenti!Dequoipourrait-elleparlerendehorsdeça?
Les larmesmemontent auxyeux.Des souvenirshorriblesdemonpère reviennent en fouledansmoncerveau. Je revoismamère, sanglotant, buvant, essayant d’oublier le chagrinqu’il lui acausé.Ses histoires censément vraisemblables.La souffrance pour nous tous. Je ne pourrai jamaisoubliercetteépoquedemavie.Etvoilàqu’ilmesemblelarevivre;mais,cettefois-ci,c’estmoiquisuismamèreetOzzieestlementeur.
Bien sûr qu’Ozzie a menti. C’était trop beau pour être vrai. Je l’ai imaginé comme unspécimen parfait d’homme, un super-héros.Rien que cela.Mais j’aurais dû savoir.Aucun hommen’estparfait,pasmêmeOzzie.Ilestexactementcommetouslesautres.
Je suis anéantie.Brisée, comme je l’avais bien prédit.Bien sûr, je pensais que la réalité neviendrait pas m’atteindre de plein fouet avant quelques semaines. Mais peu importe. C’est faitmaintenant.Merci beaucoup, espèced’enfoiré.Tum’as donnédes espoirs et puis tume fiches parterre.Bonsang, ilétait simignon!Etamusant !Etnousavonsvraimentpasséune follenuit.Moncœurmefaitmal.Littéralement.
Je peux supporter beaucoup de choses,mais pas lemensonge.Mon père n’était pas le seulsalauddementeur,ilyaeuaussilemarideJenny,Miles.C’estlaraisonpourlaquelleellel’afoutudehorsl’annéedernière.Jeregretted’avoirdéjàfait l’amouravecOzzie.Deuxfois.Jenepeuxpasrestericicettenuit.Pasquestion.Jechercheactivementcommentexcusermondépart.Àcemoment-là,ilrépond.
—Tuespasséeàautrechose,Toni.Tun’asplusbesoindemoidecettefaçon.—Quiditcela?—Moi.Ettoi.C’esttoiquit’eséloignée,pasmoi.Etjepensequec’étaitcequ’ilfallaitfaire.—Parcequ’elleestici.—Non,parcequec’estmieux.Ilesttempsd’allerdel’avant.Deregarderversl’avenir.—Monpasséestmonavenir.Sesmotsrésonnentd’untonméchant,mêmeaufondde l’officeoùjemetrouve.Lesbottes
qu’elleportefrappentdurementleplanchertandisqu’elles’enva.—Seulementsic’estcequetuveux!crie-t-il.Laportedel’entrepôtserefermeviolemment.—Merde.Ozzieal’airabsolumentabattu.Sespass’éloignentdanslecouloirendirectiondesachambre
tandisque jemerapprochede laportesur lapointedespieds. Il fautque jesorted’ici leplusvitepossible,avantqu’ilaitletempsdeserendrecomptequejenesuispasdanslachambreetquej’étaiscachéedanslecellierpendanttoutcetemps.
29.Enfrançaisdansletexte.
CHAPITRE52
Dieumerci,j’ailaissémonsacenbasdanslesvestiaires.Jedescendsl’escalierencourantetmeprécipiteversmoncasiermétalliquepourlerécupérerentoutehâte.Félixsedébatpouréchapperàmesbras,probablementparcequej’ailaisséSaharalà-haut.
Arrête,Félix.Ilfautqu’onyaille.Jesuisdésoléepourtapetiteamie.Leslarmesvoudraientcoulersurmesjoues,maisjemeretiens.Pasici.Jem’écrouleraidans
undélugedesanglotsplustard,lorsquejeserairentréechezmoi,avecunequantiténonnégligeabledevinpouraccompagnermonchagrin.
Je pars à la recherche demes clés au fond demon sac et les trouve aumomentmême oùj’arrivedevantmaSonic.Moinsd’uneminuteplustard,jesuissortiedel’entrepôt,heureusequeToniaitlaissélaporteouverte.Jen’avaispassaisiàquelpointl’immeubled’Ozziepouvaitressembleràuneprisonavantdemesouvenirque jen’aipasdecléélectroniquepourbiper laportedugarage.J’auraispupartirparlapetiteporte,maiscelaauraitvouludirequej’abandonnemavoitureetiln’estpasquestionquejeprennecemonospaceidiot.Ilmeresteàdécidersijevaismêmerevenirici.
Toutendescendantl’avenue,impatientederentrerchezmoiparlecheminlepluscourt,monespritsemetàdivaguer.Est-cequejepeuxtravaillerpourlesBourbonStreetBoyssiOzzieetmoinecouchonsplusensemble?Pouvons-nousreveniràunerelationpatron-employée?Jepensequejelepeux. Je le veux en tout cas. Il faudra d’abord que je fasse le deuil de cette presque-relationamoureuse,maisçanedevraitpasêtrelong,n’est-cepas?Deuxmois.Aumaximum?Retourneràmontravaildephotographepourmariagesestuneidéecomplètementdéprimante.AveclesBourbonStreet Boys, j’avais enfin l’impression d’avoir une vie excitante.Des gensm’admiraient pour deschosesquimesemblaientallerdesoichezmoi.Chaqueminutede la journée, il sepassaitquelquechosedenouveau.Mesmusclessontdouloureuxau-delàdecequ’onpeutimaginer,maisilsserontbientôtfortsetalors,jesauraicommentmeprotégerdansunmondeoùleschosespeuventdevenirfollementdingues.
Je hoche la tête.Ozzie etmoi pouvons y arriver.Nous pouvons décider d’agir commedesadultes et reconnaître que les choses seront plus faciles si nous n’avons pas de liens privilégiés.Alors, lui et Toni pourront se remettre ensemble et je garderai mon boulot. Elle arrêtera de medétester lorsqu’elle verra que je suis heureuse de le lui abandonner ; et nous pourrons peut-êtreapprendreàdeveniramies.
J’éclateensanglotsdéchirants.Pourquoia-t-ilmenti?Pourquoinem’a-t-ilpasdit lavérité,toutsimplement?Ilmeplaisaittellllllllement.Jesuisprobablementdéjàamoureusedelui.Oh,jeme
détestevraimentàprésent.Pourquoifaut-ilquejesoissicrédule?Çamerendtellementfurieusequemeslarmescessent.
RenonceràOzzie?Est-cequejevaisfaireça?Est-cequejepeuxmecomportercommesijenesavaispasqu’ilamenti;etmeconvaincrequecelam’estégal?Quandjem’imagineentraindeprononcer lesmotsadieupour toujours oubienentendreDésolé,mais ça ne va pasmarcher entrenous, j’ai envie de brailler à nouveau comme un bébé. Pourquoi ? Mais pourquoi, bon sang ?Pourquoifallait-ilqu’ilsoitsiextraordinaireet,enmêmetemps,untelmenteur?Pourquoilavéritéd’unhommenepeut-ellepasressembleràsonapparence,dumoinsdetempsentemps?
J’agrippe le volant de toutesmes forces et le secoue.En fait, c’estmon corpsqui tressauteainsi,maisçamefaitdubiendepassermaragesurunboutdesimilicuir.Jebraqueviolemmentversladroiteetentrebeaucouptropvitedansmonallée.
Jedoisécraser lesfreinspournepasveniremboutir laportedemongarage.J’aisûrementlaissé des traces de pneus sur le sol. Bien. J’aurai besoin dem’occuper à quelque chose dans lesjournées qui vont suivre. Je me mettrai à quatre pattes pour enlever le caoutchouc la semaineprochaine.Monalléeseralapluspropredetoutelaville.
Lavoitures’estarrêtéesibrusquementquemescheveuxvoltigentdevantmonvisage.Félixestprojetéhorsdusiègeetatterritsurlesol.Lorsqu’ilseremetsursespattes,illèvelatêteversmoietjepourraisjurerqu’ilyadeladéceptiondanssesyeux.
— Pardon, mon bébé. Je suis énervée, voilà tout. Tu sais que je conduis comme un piedlorsquejesuisdemauvaisehumeur.
Ilcontinueàmefixerduregard.—Ne t’en faispas.TureverrasSahara. Jevais trouverunesolution…(mavoixbutesur le
derniermot)d’unefaçonoud’uneautre.Jeremontel’alléeavecFélixsouslebrasetmespiedstraînentpresque.Jen’aipasenvied’être
toute seule ici, mais je ne veux pas retourner à l’entrepôt. Pour l’instant, je serais incapable deregarderOzzie.Ilfautquejeretrouvemoncalmeavantqu’ilsemetteàmentirdevantmoi.Etjenepeuxpasallerchezmasœur.Elleferatoutsonpossiblepourmedérideretjen’aipaslecœuràça.J’aibesoindepouvoirbercermonchagrinpendantunpetitmoment.Deme l’approprier.Devivreavecluicommesic’étaitunesecondepeaupourque,siOzziemesuppliedeluipardonner,jenecèdepas. J’ai tendance à faire ça trop facilement. Il faut que je m’endurcisse. Quelque chose me ditqu’Ozzieestcapablededéployerunimmensetalentdepersuasion.
Jepénètredanslamaisonetjettemesaffairessurlesol:monsac,latriquequeDevm’aditdegarder pourm’exercer et les dossiers que j’avais sur la table au travail.Mais, bien sûr, je déposedoucement Félix à terre. Il n’a rien fait demal. Il s’est rendu coupable dumême crime quemoi :aimertropfort,tropvite,tropfacilement.
Jenesaispaspourquoij’aiemportétoutçadubureau.J’imagineque,dansmonforintérieur,jeveuxpenserquejetravailleencorepourlesBourbonStreetBoys,mêmesimoncerveaumeditquejedevraisdémissionner.Cœurd’artichaut!Quiessaiedesefairepiétiner,commesiêtreterriblementmeurtrinesuffisaitpas.
J’aisortiunebouteilledevinetleverrequej’airempliestàmi-chemindemeslèvreslorsqueFélixsemetàaboyercommeunfrappadingue.
Etalors,laréalitémefrappe.L’alarmedelamaisonnes’estpasdéclenchéelorsquejesuisentrée.Pasdebiip,biip,biip!Jereposetrèslentementmonverresurleplandetravail,mesoreillesàl’affûtd’unbruitqui
pourraitexpliquerl’agitationdeFélix.Jen’entendsrien,maisilsembleêtrevraimentencolère.Sijenememéfiaispas,jesupposeraisqu’ilestàlaported’entrée,dontlesvitresvontdusolauplafond.Habituellement, il ymonte la garde, ce qui fait qu’il aboie contre des choses comme l’herbe qui
bougeouunevoiturequipassedanslarue–riendegrave.Maisilestvraimentdéterminécettefois-ci.Ilal’airfurieuxetiln’estpascommeçad’habitude.Engénéral,ilabandonneaprèstroisouquatreaboiements.
Tout à coup, il jappe très fort et s’arrête. Puis il gémit. Je ne l’ai entendu se plaindre ainsiqu’uneseulefois:ils’étaitclaquéunmuscledelapattearrièreensautantducanapéquandiln’étaitqu’unchiot.
Moncœurarrêtedebattre.Jesuispresquecertainequequelqu’unvientdedonneruncoupdepiedàmonchien.EtlapersonnequipourraitfrapperunadorablecroiséchihuahuacommemonFélixnepeutavoirqu’uncœurnoiretunecoquevideàlaplacedel’âme.J’aienvied’appelermonchienauprèsdemoietdelefourrerdansunearmoireoùonnepourrapasluifairedumal.Maisjeneveuxpasdonnerl’alerteausalopardquimaltraitelesanimauxchezmoi.
Je retire lentementuncouteaudans leblocduplande travail etmeglissevers laportequidonne sur l’arrière du salon. J’espère que l’intrus, quel qu’il soit, passera par le couloir et que jepourraifranchirlaporteencourant,Félixdansmesbras,avantmêmequ’ilnemevoie.
Jevousenprie,monDieu,faitesqueFélixn’aitrienetqu’ilsoitencoredansl’entréeprèsdelaporte.
Félix semet à gronder et celame réconforte un tout petit peu. S’il est assez fou pour êtrefurieux,c’estplutôtbonsigne.Jesuis lessonsquiviennentdesonminusculegosier. Ilestquelquepartdanslesalonet,jel’espère,seul.
CHAPITRE53
JemebaissepourprendreFélixsurletapisdusalonlorsqu’unevoixsefaitentendre.—Bien,bien,bien…sicen’estpasPetiteRouge,ditlavoixavecunaccentcréole.Moncerveauopèreunetraductionrapide.PetiteRouge.LittleRed.Alors,jecomprends.LePetitChaperonrouge!C’estmoi!JesuisPetiteRouge!Ilyaunfoumeurtrierdansmamaisonetilvametuer!D’ailleurs,pourquoicefichucontepourenfantsest-illiéàmapersonne?Jeluiadresseunsignedelatête,monlangagecorporelexprimantuncalmequinedépassepas
lasurfacedemapeau.—David.J’ai levé le couteau au niveau demon épaule,maismamain tressaute : toutmon corps est
secouécommeparuntremblementdeterre.Jenesuispasprêteàmourir.Ilyaencoretantdechosesque jevoudrais faire !QuedeviendraJennysansmoi?et lesenfants?sansparlerd’Ozzie !nideFélix!
Sicesalopardfaitunseulpasdansmadirection,jevaisplongercecouteaudanslapartiedesoncorpsquiseseralaplusprochedumien.Maisilaunrevolverdanslamain;ilestdouteuxquejepuissem’approchersuffisammentdeluipourutilisermonarme.J’auraisdûdemanderàOzziedememontrerenpremierlemaniementducouteau.Bonsang!Maintenant,ilesttroptard.Ilesttroptardpourtout.Jen’auraispasvouluquemavies’arrêtesurautantderegrets.
—Etvous connaissezmonnom,dit l’homme.Commec’est charmant.L’expressionde sonvisageestvraimentmenaçante.
—Pourquoi êtes-vous ici ? J’espère que, si je continue à le faire parler, quelqu’un pourravenir,metrouveraetmesauveraavantqu’iln’agisse.
— J’aurais pensé que c’était évident. Ça fait un moment que j’attends ici, en fait. Je medemandeoùvousêtesalléecommeçatoutelajournée.
Jejouel’indifférence.—Jesuisphotographe.Jevaisunpeupartout.Ilmedévisagependantunlongmoment.Jedéplacelepoidsdemoncorpssurmonautrepied.Majambes’estengourdietellementje
suisnerveuse.Aprèsmonentraînementdelajournée,jen’aipratiquementplusdeforcedansaucun
demesmembres.Jesuisfurieusededevoiraffrontercetypeavecl’énergied’unenfantdetroisans.Sammypourraitmebattresinousfaisionsunbras-de-fer.
—EtquefaisaitunephotographeChezFrankieavecHarley,jemeledemande?—Harley?Jeprendsmonairleplusahuri.J’ignoreabsolumentquiestHarley.Jesuisallée
danscebarpourretrouvermasœur.Jevaisprobablementmouriricicettenuitmais,sijepeuxquittercebas-mondeenrendantsa
couvertureàOzzie,peut-êtrepourra-t-ildécouvrircequ’ilsfontetaideràlesenvoyertousenprison.Ce n’est pas grand-chose comme revanche, mais c’est mieux que rien. Peut-être mettront-ils uneplaquedanslecouloirdesBourbonStreetBoys,avecmaphotodessus,àcôtédelalettreduchefdelapolice.
J’essaiedesourire.—Lebarmanamentionnévotreprénomparcequej’aiditquejevoustrouvaissympa.Monsourires’éteintaprèsceténormemensonge.Ilnevajamaisgoberça.Ilnepeutpasavoir
sipeuconsciencedesalaideur!Le typeme rendmon sourire, et soulève ses sourcils à plusieurs reprises pour faire bonne
mesure.Beurk, jememoquedequi? Ilpenseprobablementqu’il est envoyéparDieuaux femmes,
avecsatêtechauveetbosselée.—Alors,votresœur,hein?Etquiest-ce?Jelaconnaispeut-être.— Ça ne vous regarde pas qui est ma sœur. Et vlan. Comme si j’allais donner cette
informationàunassassin.IldoitpenserquejesuislaLittleBoPeepouDieusaitquoi.Il ne sourit plus et avanceversmoi lentement. Je faisunpasvers ladroite, essayantdeme
rapprocherdelaported’entrée.Monsac,monTaseretmatriquem’attendentlà-bas.Àtroismètresdemoi…
—Vousm’avezvudanslebar,continue-t-iltandisquesamainquitientlerevolversedéplacedanssondos.Vousn’avezpasvotreplacelà-bas.Sijenemetrompepas,Frankien’estpaslegenred’endroit où vous allez d’habitude. J’avais pas mal d’amis avecmoi l’autre soir, mais vous n’enfaisiezpaspartie.
—C’étaitplutôtdifficiledenepasvousvoir:vousaveztirésurmoi.—VousétiezavecHarley.N’essayezpasdementiretdemedirequecen’estpasvrai.J’aivu
lafaçondontilvousregardait.Ilvousaenvoyédestexto.Maisc’estsurluiquej’aitiré,passurvous.Jefaiscommesij’étaisrévoltée.—Pourladernièrefois,jen’étaispaslà-basavecceHarley.Jesuisvenuepourretrouverma
sœur.Unwookie30 immenseetchevelum’aempoignéeetavoulum’agresserquandj’étaisdans lapiècedufond.J’aipenséqu’ils’agissaitdel’undevosamis.
Illèvelessourcils.—JeluiaienvoyéuncoupdeTaserdansl’alléequandilmepoursuivait.—J’étaisdansl’alléeetjenevousaipasvuefaireça.—Jen’étaispasdansl’alléeàcôtédubar.Ças’estpasséàquelquesmaisonsdelàetjesuis
certainequenousétionsseuls.Cetidiotacouruaprèsmoi,sivouspouvezcroireunechosepareille.Crétin ! Je feins un rire complaisant. Il a dû penser que jem’essoufflerais et qu’il pourrait alorsm’attraperetfairecequ’ilvoudraitavecmoi,maisjeluiaimontré.JeluiaienvoyéuncoupdeTaserdanslesfesses.Ils’estécroulécommeungrandrocherpoilu,enpleinsursagrossefacestupide.
Sijemenscommeça,c’estquejesuispeut-êtreencorefâchéecontreOzzie.Celaexpliqueraitpourquoimestalentsdecomédiennesetrouventtoutàcoupbienaméliorés.
—J’ensuiscertain, répondDavidd’unevoixabsente tandisqu’ilme regarde fixement.Sesmainsreviennentsur ledevantdesoncorps :ellesne tiennentplus lerevolver.C’estétrange,mais
j’aiencorepluspeurmaintenantquelorsqu’iltenaitl’armeetquejepouvaislavoir.Pourquoil’a-t-ilrangée?Est-cequ’ilvamelaisserpartir?A-t-ilcruàmonhistoireboiteuse?
Ilfaitunpasversmoi.—Vous avez l’air si innocente. Sa voix s’est adoucie. Tellement… jolie dans ce chemisier
rose.Jeregardemapoitrine.Jeporteunpoloachetépourmondernieranniversaire.Àl’époque,il
mefaisaitpenseràduglaçagesurungâteau.—Hum,merci.Jefaisunpasdeplusversladroite.Jepense.—Pourquoinereposez-vouspascecouteau;nouspourrions…parler.Iltendsesmainsvers
moicommes’ilétaitinoffensif.J’airangémonrevolver,vousvoyez?Pasdemal,pasdeproblème.Il me sourit comme si j’étais vraiment le petit chaperon rouge et il me fait une peur
épouvantable.Que vous avez de grandes dents, père grand. Il a des incisives pointues comme unvampire.Jepeuxpresquecroirequecesmonstresexistentlorsquejelevoisdeboutdevantmoiavecsonjeannoir.Mais,dansl’histoire,ilyauraitdesdémons,etiln’yariend’érotiquedanscevampireavecunrevolveràlaceinture.Berk!
—Ouais.D’accord.Jeregardelaporte,puislesétagèresquisontàcôté.—Jepensequejepourraisdéposerlecouteausurlesrayonnageslà-bas.Jeluifaisunsourired’excuse.—Jelesaipayéstrèscheret,sivousn’yvoyezpasd’inconvénient,j’aimeraismieuxnepas
mettrecelui-cisurleparquet.Ilfaitungesteendirectiondesbibliothèques.—Allez-y.Jevousenprie.Ilmesouritànouveau,plusouvertementcettefois-ci.Jechangedepositioncommesijen’étaisplusaussiméfianteetjemedirigelentementversles
étagères;jefaiscommesijeneleregardaispasducoindel’œil.Continueàregardermonpolorose,psychopathe.Pooolorooose…
Ilseredresseetseplacederrièremoi.Iln’estqu’àunmètreoudeuxlorsquej’aperçoisFélix,allongédansl’entréeoùilaréussiàsetraîner.Ilgîtsurlecôté,haletant,satêtelevéedecôtépourmeregarder.Ilgémitquandilvoitquejeleregarde,bouleversée.
—Félix ! Je hurle, pose le couteau sur les rayonnages et cours vers lui. Jeme penche au-dessusdelui.Oui,j’aipeurpourlaviedemonbébéchien,maisj’essaieaussidemerapprocherdemesarmes.Jevoudraismevengeretrendreplusquelamonnaiedesapièceàl’hommequiablessémonbébé.
—Çava.J’aitrébuchésurluiquandj’aipénétrédanslehall,c’esttout.Je serre les dents pour ne pas répondre de la façon dont je le voudrais. Je touche avec
précautionlapetitetêtedeFélix,calculantàquellevitessejepourraissauterdecôtéetattrapermesarmesavantqueDavidserendecomptedecequejesuisentraindefaire,sortesonrevolveretmetiredessus.
Taseroutrique?Triqueoucoupdepieddanslestesticules?Décisions,décisions…—Levez-vous.Davidestàmoinsd’unmètredemoietsontonmeditqu’iladesprojetsence
quimeconcerne.Jesuisabsolumentcertainedenepasvouloirsavoirenquoiilsconsistent.—Monchienestblessé.Jepanique.Jen’arriveraipasàattrapermonsacàtemps.Çalaisselatrique,maiscen’estrien
faceàunrévolver!—Ils’enremettra.Levez-vous.Jemontremonsac.
—Vousvoulezbienquej’appellelevétérinairerapidement?Montéléphoneestlà-dedans.Ilrit:— Pour que vous preniez votre spray d’autodéfense, j’en suis sûr. Levez-vous. C’est la
dernièrefoisquejevaisledire.Jeme lève lentement, et fais enmême tempsunpasvers laporte ; jeboitilleunpeuetme
baissepourtouchermongenou.—Oh,zut!Unecrampe.Jefeinsdesdifficultéspourmassermajambe.Jefaisdeuxdemis-pasdecôté.Latriqueestà
maportée.—Crotte.J’aiunecontracture.Ilsouritdemonmot.Crétin.IlpensevraimentquejesuislaLittleBoPeepdanssonchemisier
rose.Celamerendencoreplusfurieusequelestupiderevolverqu’iladanssonpantalon.Bonsangdebois,jenesuispasunejeuneécerveléedansunchampquin’ariendemieuxfairequesurveilleruntroupeaudemoutonsentraindepaître!
—Vous savez, dit-il, si je vous avais rencontrée ailleurs et à un autremoment… Je croisqu’onauraitpubiens’entendre.Ilsepenche,attrapesonentre-jambesetlepresse.
Alors,jecomprendsqu’ilestexcité.Oh,Seigneur.Jecroisquejevaisvomir.Ilvamevioler,c’estsûr!Jeluirendssonsourire,faisantdemonmieuxpourquelapeuretledégoûtqu’ilm’inspirene
transparaissentpas.—Ahbon?C’estvraimentgentil.Non!Mêmepasdutout.C’estabsolument,maisalorslà,absolumenthorrible,connard!Mesyeuxs’agrandissentetjepousseunpetitcri,aussidramatiquequejelepeux.—Oh!majambe.Jetombesurlesoletatterrissurlatrique.LesgensdeDisneymerecruteraientsûrementpour
l’unedeleursreprésentationsdestinéesauxenfantss’ilspouvaientmevoirencemoment.Jesuissipeucrédible.
Ilgrogneetm’empoigne.—Assezd’entourloupes!Viensici!Ilm’aattrapéeparlajambedemonpantalonetmetraîneverslui.La trique semble géniale dans ma main, comme si j’étais née pour la faire tournoyer. Je
l’arrachedusoletlabrandisdevantmoiavectoutelaforcequimereste.—Raaaah!Jecrie,savourantlebruitsourdquej’entendsquandlebâtonarriveaucontactde
sajambe.Ilhurlededouleurtandisquesongenoucède.Bouge,bouge,n’arrêtepasdebouger.LesinstructionsdeDevgalopentdansmatête.Jelèvelatriqueetlefrappesurlefrontlorsqu’ilsebaissepourmesaisirànouveau.—Eerph!Iltombeenavantets’abatsurmesgenoux.Jesoulignechaquemotquisortdemabouched’unautrecoupdemonbâton,l’atteignantsur
latête,lesépaules,ledosetlesbras.—Dégage!Vlan!—De!Vlan!—Là!Vlan!—Espèce!Vlan!—D’ordure!Vlan!Ilarrêteenfindebougeretjecessedelefrapperpourm’extirperdedessouslui.Jememetspéniblementsurlesgenouxetmarcheàquatrepattesversmonsystèmed’alarme.
Jemesersdelapoignéedelaportepourmeremettredebout.Touteslesdiodessurleclaviersontéteintes.
Jehurle:—Bien sûr ! Je jette un regard en arrière àDavid. Tu as détruitmon système de sécurité,
espècedecon!Ilnebougepas.Oh,monDieu,pourvuqu’ilnesoitpasmort.Jem’approcheàpasfeutrésetôtelerevolverdesaceinture.Ilestbeaucouppluslourdqueje
nel’imaginais.J’ouvrelaported’entréeetlejettesurlapelouse.Àl’instantoùjevaisrefermerlaporte,lacamionnetted’Ozziearrivedansmonallée.Jefais
unpasversluimais,ensuite,jem’écroule:mesjambessedérobentsousmoi,pourdeboncettefois.J’atterrissurleperron,enlarmes.
Jepousseuncristrident:—Ozzie !et tendsunemainvers lui.Làencore, toutà faitdramatique,maisbeaucoupplus
crédible.SibienqueDisneynevoudraplusdemoiàprésent.Ilsautedevoitureetcourtversmoi,sonvisageestcramoisietsoncorpsparaîtdeuxfoisplus
grandqued’habitude.Saharaestsursestalons,grondant,aboyantetbavantcommeunchienfousortidel’enfer.
Meshéros.Je pleure de soulagement. Ils sont venus nous sauver, Félix etmoi. Je n’ai jamais été aussi
heureusedevoirquelqu’undetoutemavie.Çam’estégals’ilaimeToni.Àcemomentprécis,jesuisprêteàtoutluipardonner.
30.PersonnagedeStarWars:humanoïdedotéd’unefourrurebruneetressemblantàungrandsinge.
CHAPITRE54
Etpuis,enfait,iln’yarienàpardonner.Idiotequejesuis!—Commentas-tupucroireque jepourrais tementir?medemandeOzziealorsque jeme
trouvedanssesbrasetdanssonlit.Noussommestouthabillés,àpeinesortisdelafoliedupostedepolice.Onnousaquestionnés
pendantdesheurespoursavoircequis’étaitpassé;puisnoussommesalléschezlevétérinairepourtrouverFélixsortantd’uneopération.Onluiasoignéunejambecassée.Ilreviendraàlamaisondansdeuxjours,quandilsserontcertainsqu’ilpeutmarchersursonmembreplâtré.
—Si tuveuxmementir, tupeux.Jecaresseson torse impressionnant.Tum’assauvé lavieaujourd’hui.Jeregardelapendule.Hier,plutôt.Techniquementparlant.
—Tout d’abord, je ne veuxpas tementir. Jamais. Il prendmesdoigts et les embrasse.Lesmensongesnefontpasunebonnebasepourunerelationsolide.
JesouriscommelechatduCheshire31maisnedisrien.Ilacommencéàmeparleret jeneveuxpasl’interrompre.Unerelation!Youpi!
—Ensuite, j’aidemandéàTonisi jepouvaisteparlerdequelquechosequilaregarde.Ellem’adonnésonaccordtotal.
—Alors,tun’aspaseuuneliaisonavecelle?—Pasdans le sensoù tu l’entends,non. J’aiété sonmécènependantqu’elleétait en liberté
conditionnelle.Elleaterminécettepériodeilyaquelquesmois.Àprésent,elleestlibre.— Conditionnelle ? Je suis tellement étonnée que je me redresse, mais les bras puissants
d’Ozziemetiennentallongéesurlelit.—Oui.Probation.Elleaétéjugéepourunactecriminel.— Eh bien. J’aurais peut-être dû savoir ça avant de m’en prendre à elle de façon si vive.
Qu’avait-ellefait?—Elleatuéquelqu’un.Unhomme.—Je…euh…J’aidumalàexprimercequejepense.Jen’arrivepasàl’imaginerfaisantune
chosepareille.Jeveuxdire,elleestdifficileetelleestdure.Maisellenem’ajamaissembléecapabled’agirainsidesangfroid.
—Tuasraison.Elleaétévictimedemaltraitancesévèrechezelleàl’âgedequinzeans.Elleatué celui qui l’avait violée alors qu’il recommençait. Il s’agissait d’auto-défense, mais elle a étécondamnéepourmeurtre.
—Pourquoi?
—Parce qu’elle…Ehbien…Elle avait vraiment fait du beau travail en le tuant.Disons çacommeça.
—Waouh.Biensûr,jevoudraisconnaîtretouslesdétails,maisjenevaispasleforceràmelesdonner.Je
sais quel sacrifice cela a dû être pour elle, rien que pour l’autoriser à me raconter son histoire.D’ailleurs, cela n’a pas d’importance. Je la respecte parce qu’elle s’est défendue. Je suis heureusequ’ellel’aittuédelabellefaçon.
Enmêmetemps,jesuissoulagéedenepasavoirtuéDavidDoucet.Unecommotioncérébrale,c’estdéjàpasmal.Jenepensepasquejeseraiscapabledemettrefinàlaviedequelqu’unsansenêtrebourreléederemordspourlerestantdemesjours.Peut-êtreest-cepourcelaqueToniatoujoursl’airsi en colère. Il se peut qu’elle le vivemal également. Jeme promets à nouveau d’être son amie,maintenantquejesuissûrederesteraveclesBourbonStreetBoysetqu’ellenecouchepasavecmoncompagnon.
—Es-tumonamoureux,Ozzie?Jemetrouveidiotededemanderça,maisj’aibesoindelesavoir.
—Tuveuxquejelesois?— Oui. Mais ce que je veux n’a pas d’importance. Il faut que nous soyons tous les deux
partants.Ilritdoucement.—Jesuispartant.—Maisjeneveuxpasquenoscollègueslesachent.—Çameva.L’inverseaussi.—Parcequeceneseraitpasprofessionnel.—Qu’est-cequineleseraitpas?demande-t-ilenroulantsurlui-mêmeau-dessusdemoi.—Quenoussoyonsintimes.Autravail.Jenepeuxm’empêcherdesourireàsonvisagesibeau.Ilsepencheetm’embrasseavecune
extrêmedouceursurleslèvres.—Jesuisd’accordàcentpourcent.Jeglissemesmainslelongdesondosetmedélectedesentirtoussesmuscles.—Alors,ilfautsansdoutequetuarrêtesdem’embrasser.Ilm’embrasseànouveausurleslèvres.—Onn’estpasautravail.Onestcheznous.Jejetteunregardendirectiondelaporte.—JesuistoutàfaitcertainequeDevetThibaultsontjustedel’autrecôtédecetteporte.—Ilssontdanslacuisinequisetrouveàdixmètres.Etilsn’ontpasledroitd’allerau-delàde
lacuisine.—C’estlàqu’estlafrontière?Jeplaisante.—Enfait,oui.Personne,àparttoi,n’utiliselecouloirjusqu’àmachambre.—MêmepasToni?Jemesensidiote,maisjeposequandmêmelaquestion.Ondiraitqueje
suistoujoursaucollège.—Ellenonplus.Jeleserretrèsfortdansmesbras,etjel’attirecontremoi.—Jet’aime,Oswald.—Etsijemelaissepousserànouveaulabarbe?Monvisageseplissetandisquej’essaiedem’empêcherderire.—Nemetspasmonamouràl’épreuveaussivite,tuveux?Ilgrogneetplongesonvisagedansmoncou.
—Tuvasavoirdesennuis,jeunefille.Jerisetj’essaiedemelibérer.—Non!Tupiquesavectabarbed’hier!Ilfrottesonvisagecontremoijusqu’àcequejememetteàcrier.—Chut!Lesgensvontpenserquenoussommesintimesauboulot,murmure-t-il.J’attrapesonvisageàdeuxmainsetj’essaiedeleregarderaveccolère.—Tutefichesdemoi.Arrête.Monregardfurieuxfaitplaceàunsourire.J’adorequ’ilsoitsi joueur,maisseulementavec
moi.Touslesautreslevoientcommeuntypedansuncommando,grandetmauvais,quineplaisantejamais.Maisjesaisquiilestenréalité:ungrandnounoursquiferaitn’importequoipourprotégerceuxqu’ilaime.
—Est-cequetum’aimes?Jeleregardeaufonddesyeux.—Qu’enpenses-tu?Ilmefaitunsourireetsepenchepourm’embrasserencore.Jetournelatêtepourqu’ilnepuissepaslefaire.—Jepensequetuferaismieuxdemerépondresituneveuxpasquejeprennelavoiturepour
rentrerchezmoicettenuit.Il se met à rire très bruyamment et se retourne, m’entraînant avec lui. Je me retrouve à
califourchonsurlui.—Jet’aime,LittleBoPeep.J’espèrequetupourrasgérerça.Jemebaisseetappuiesurlafossettequ’ilaaumenton.—Arrêtedem’appeleraveccenomstupide.Maisjenepeuxpasêtrevraimentfâchéecontrelui.Ilvientdem’avouersonamour.Unamour
quejesavaisêtrelààlaminuteoùjel’aivudansmonallée,courantversmoipourmesauverlavie.—Quedirais-tudePetitChaperonRouge?medemande-t-il.Tupréféreraiscesurnom?Jemepencheetmesaisisdel’undesestêtons,prêteàletordre.—Qu’est-cequetuenpenses?Illèvelesmainsàsestempes.—Grâce!Jetesupplied’avoirpitié.Jet’appelleraicommetulevoudras,maisnemefaispas
mal.Jedesserremapriseetmerassoissurlui,satisfaite.—Jepensequejevoudraisqu’onm’appelle…Ils’assoitd’uncoupetmerenversesurledos.Ilmeregardedehautavec,danssesyeux,cette
lumièreérotiquedont jemesouviensdepuis l’autrenuit.Uncourantélectrique traversemoncorpstandisquej’attendscequ’ilvadireensuite.
—Jevaist’appelermienne.MayWexler“mienne”.—Jenepensepasquecelavatrèsbienpasseravecl’équipe.—Tantpis.Tuesmienneetjeprendscequejeveux.Jeluilanceunregardparen-dessous.—Etqueveux-tu,monsieurlepatron?Ilm’abandonneetvientsecouchersurlecôté,latêtesoutenueparunemain.—Jeveux…queturetirestoustesvêtements.—Etsij’aitropmalpartoutpourfairel’amour?—Jeseraidoux.—Etsij’aitroppeur?—Jeterassurerai.—Etsijecrainsquetumebriseslecœur?—Jeteprouveraiquetuesfolledepensercela. Il tendunemainet laposesurmajoue.Je
n’avouepassouventmonamour,tusais.—Ahbon?—Non.Seulement aux filles avec lesquelles je veux rester.Maintenant, lève-toi de ce lit et
retiretesvêtementsavantquequelquechosedefâcheuxnet’arrive.Ilfautquejememordelalèvrepournepassouriredefaçontropmarquée.—Quelquechosedefâcheux?Quoiparexemple?Ilgrondeetroulepourseretrouversurmoi.Jehurlederireetcelavientdelapartielaplus
profonde demon être. Je l’entoure demes bras. Je vais me laisser emporter par ce qu’il pourram’offrircettenuitetjemeréveilleraidemaindanssesbras.J’aiprismadécision.Ilavaitpeut-êtreunmauvaisnuméro,maisc’estassurémentlepluschicdestypes.
31.DansAliceaupaysdesmerveilles.