sur les formules asymptotiques le long des $$\varvec{\mathbb{z }_\ell }$$ z ℓ -extensions

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Ann. Math. Québec (2013) 37:63–78 DOI 10.1007/s40316-013-0005-8 Sur les formules asymptotiques le long des Z -extensions Jean-François Jaulent · Christian Maire · Guillaume Perbet Dédié à Paulo Ribenboim pour ses 80 ans Reçu le 18 août 2011 / Accepté le 21 mars 2012 / Publié en ligne: 12 septembre 2013 © Fondation Carl-Herz and Springer International Publishing Switzerland 2013 Résumé Soit K une Z -extension d’un corps de nombres K . Nous considérons le groupe de Galois C S T ( K n ) de la pro--extension abélienne S-ramifiée et T - décomposée maximale attachée à chaque étage K n de la tour K / K . Dans ce travail, nous précisons les formules asymptotiques données par Jaulent et Maire (Canad. Math. Bull. 46(2):178–190, 2003) pour les ordres des quotients d’exposant n des groupes C S T ( K n ), en fonction des invariants structurels ρ S T , μ S T et λ S T du module d’Iwasawa X S T := lim ←− C S T ( K n ). Nous montrons en particulier que le paramètre lambda ˜ λ S T de ces quotients peut différer sensiblement de l’invariant structurel λ S T et nous illustrons ces résultats par des exemples explicites dans lesquels il peut être rendu arbitrairement grand ou même arbitairement négatif. Abstract Let K be a Z -extension of a number field K . We consider the Galois group C S T ( K n ) of the maximal S-ramified and T -split abelian pro--extension attached to each layer K n of the tower K / K . In this paper we clarify some asymp- totic formulas given by Jaulent and Maire (Canad. Math. Bull. 46(2):178–190, 2003), relating the orders of the n -quotients of the groups C S T ( K n ) to structural invariants ρ S T , μ S T and λ S T of the Iwasawa module X S T := lim ←− C S T ( K n ). We especially show J.-F. Jaulent Univ. Bordeaux, Inst. de Math. de Bordeaux, UMR CNRS 5251, 351, cours de la Libération, 33405 Talence Cedex, France e-mail: [email protected] C. Maire (B ) · G. Perbet Lab. de Math., UMR CNRS 6623, UFR Sciences et Techniques, 16 route de Gray, 25030 Besançon, France e-mail: [email protected] G. Perbet e-mail: [email protected] 123

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Ann. Math. Québec (2013) 37:63–78DOI 10.1007/s40316-013-0005-8

Sur les formules asymptotiques le long des Z�-extensions

Jean-François Jaulent · Christian Maire ·Guillaume Perbet

Dédié à Paulo Ribenboim pour ses 80 ans

Reçu le 18 août 2011 / Accepté le 21 mars 2012 / Publié en ligne: 12 septembre 2013© Fondation Carl-Herz and Springer International Publishing Switzerland 2013

Résumé Soit K∞ une Z�-extension d’un corps de nombres K . Nous considéronsle groupe de Galois C�S

T (Kn) de la pro-�-extension abélienne S-ramifiée et T -décomposée maximale attachée à chaque étage Kn de la tour K∞/K . Dans ce travail,nous précisons les formules asymptotiques données par Jaulent et Maire (Canad. Math.Bull. 46(2):178–190, 2003) pour les ordres des quotients d’exposant �n des groupesC�S

T (Kn), en fonction des invariants structurels ρST , μS

T et λST du module d’Iwasawa

X ST := lim←− C�S

T (Kn). Nous montrons en particulier que le paramètre lambda λST de

ces quotients peut différer sensiblement de l’invariant structurel λST et nous illustrons

ces résultats par des exemples explicites dans lesquels il peut être rendu arbitrairementgrand ou même arbitairement négatif.

Abstract Let K∞ be a Z�-extension of a number field K . We consider the Galoisgroup C�S

T (Kn) of the maximal S-ramified and T -split abelian pro-�-extensionattached to each layer Kn of the tower K∞/K . In this paper we clarify some asymp-totic formulas given by Jaulent and Maire (Canad. Math. Bull. 46(2):178–190, 2003),relating the orders of the �n-quotients of the groups C�S

T (Kn) to structural invariantsρS

T , μST and λS

T of the Iwasawa module X ST := lim←− C�S

T (Kn). We especially show

J.-F. JaulentUniv. Bordeaux, Inst. de Math. de Bordeaux, UMR CNRS 5251, 351, cours de la Libération,33405 Talence Cedex, Francee-mail: [email protected]

C. Maire (B) · G. PerbetLab. de Math., UMR CNRS 6623, UFR Sciences et Techniques, 16 route de Gray,25030 Besançon, Francee-mail: [email protected]

G. Perbete-mail: [email protected]

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64 J.-F. Jaulent et al.

that the lambda invariant λST of those quotients can sensibly differ from the structural

invariant λST , and we illustrate this fact with explicit examples, where it can be made

as large as desired, positive or negative.

Keywords Iswasawa invariants · Restricted ramification · Asymptotic formulas ·Cyclotomic extension · Class field theory

Mathematics Subject Classification MR23 ·MR37

1 Introduction

Supposons donnés un corps de nombres K , un nombre premier � et une Z�-extensionK∞ de K . Le résultat emblématique de la théorie d’Iwasawa (cf. e.g. [8]) affirmeque les ordres respectifs �x(n) des �-groupes de classes d’idéaux C�(Kn) attachés auxétages finis Kn de la tour K∞/K , de degrés respectifs [Kn : K ] = �n , sont donnéspour n assez grand par une formule explicite de la forme

x(n) = μ�n + λn + ν,

où ν est un entier relatif (éventuellement négatif), et où λ et μ sont des entiers naturelsdéterminés par la pseudo-décomposition de la limite projective X = lim←− C�(Kn),regardée comme module de torsion sur l’algèbre d’Iwasawa� = Z�[[γ−1]] construitesur un générateur topologique γ du groupe procyclique � = Gal(K∞/K ). Il est alorscommode de réécrire l’égalité précédente sous une forme ne faisant intervenir que cesdeux derniers paramètres :

x(n) ≈ μ�n + λn,

en convenant de tenir pour équivalentes deux suites d’entiers dont la différence estultimement constante. L’identité obtenue vaut alors identiquement si l’on remplaceles �-groupes C�(Kn) par leurs quotients respectifs d’exposant �n (ou �n+k , pour kfixé), comme expliqué dans [2].

Soient maintenant S et T deux ensembles finis disjoints de places de K ; et soitC�S

T (Kn) le groupe de Galois de la pro-�-extension abélienne maximale de Kn quiest non-ramifiée en dehors des places divisant celles de S et totalement décomposéeaux places au-dessus de celles de T . C’est un Z�-module de type fini qui correspond,par la théorie �-adique du corps de classes (cf. [3]), au pro-�-groupe des T -classesS-infinitésimales de Kn . C’est en ce sens une généralisation du �-groupe des classesd’idéaux C�(Kn). Son quotient d’exposant �n , disons �nC�S

T (Kn), est ainsi un �-groupe;et on s’attend à ce que la �-valuation x S

T (n) de son ordre s’exprime asymptotiquementde façon simple à partir des invariants structurels du module d’Iwasawa, limite pro-jective pour les applications normes

X ST := lim←− C�S

T (Kn).

123

Sur les formules asymptotiques le long des Z�-extensions 65

C’est le programme amorcé dans [2], puis développé dans [5] et dans [4]. La formule

x ST (n) ≈ ρS

T n�n + μST �n + λS

T n,

obtenue en dehors du cas spécial décrit plus loin (cf. Proposition 2.2.1), fait ainsi inter-venir la dimension ρS

T du �-module X ST (i.e. la dimension sur le corps des fractions

de l’anneau � du tensorisé ⊗� X ST ) ainsi que la �-valuation μS

T et le degré λST

du polynôme caractéristique de son sous-module de �-torsion T ST .

Or, si cette formule est bien vérifiée dans nombre de situations (en particulierdès que le �-module X S

T est de torsion), les calculs de Salle [7] font clairementapparaître qu’elle peut être en défaut, y compris dans le cas particulier des extensionscyclotomiques, par exemple lorsque l’invariant ρS

T est non nul et l’ensemble T est nonvide.

Le but du présent article est de rectifier les deux corollaires erronés (1.7 et 1.8)énoncés sans démonstration dans [4] et de produire une formule exacte. Le pointessentiel est que les groupes de classes C�S

T (Kn) ne sont pas donnés de façon simple (endehors du cas spécial) comme quotients des genres à partir de leur limite projective X S

T ,mais mettent en jeu non trivialement un module arithmétique, d’impact effectivementnégligeable lorsque le �-module X S

T est de torsion, mais non négligeable en général.La formule corrigée (cf. Théorème 2.3.1)

x ST (n) � ρS

T n�n + μST �n + (λS

T − κ ST ) n,

fait alors apparaître un nouvel invariant κ ST , qui s’interprète comme le degré d’un

polynôme cyclotomique convenable. La conséquence la plus spectaculaire est que leparamètre lambda effectif, qui intervient dans la formule, i.e.

λST := λS

T − κ ST ,

peut être strictement négatif. Nous donnons en particulier des exemples très simplesde tours cyclotomiques dans lesquelles, par un choix convenable de S et de T , il peutêtre rendu arbitrairement grand ou, au contraire, arbitrairement négatif.

2 Énoncé du théorème principal

2.1 Notations et conventions

Pour la commodité du lecteur, nous regroupons dans cette section les principalesnotations que nous utilisons tout au long de l’article.

– � est un nombre premier (qui peut être 2);– K est un corps de nombres et K∞ est une Z�-extension arbitraire de K ;– Kn est l’unique sous-corps de K∞ de degré �n sur K (on a ainsi K = K0);– � = γ Z� est le groupe procyclique Gal(K∞/K ) avec γ un (pro-)générateur;– � = Z�[[γ − 1]] est l’algèbre d’Iwasawa associée à �;

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66 J.-F. Jaulent et al.

– = Q�((γ − 1)) est le corps des fractions de l’anneau �;– ωn est le polynôme γ �n − 1 de l’anneau Z�[γ − 1] = Z�[γ ];– ωn,e désigne le quotient ωn/ωe pour n > e (les ωi+1,i sont ainsi les polynômes

cyclotomiques; ils sont irréductibles dans l’anneau Z�[γ − 1]);– ∇n est l’idéal de � engendré par le polynôme ωn et l’élément �n ;– S et T sont deux ensembles finis disjoints (éventuellement vides) de places de K ;– T td est l’ensemble des places de T totalement décomposées dans la tour K∞/K

et T f d est celui des places de T finiment décomposées dans la tour;– R est l’ensemble des places ultimement ramifiées dans K∞/K (dans le cas de la

tour cyclotomique, c’est l’ensemble des places de K au-dessus de �);– Pour un ensemble V de places de K , on note V∞ l’ensemble des places de K∞

au-dessus de celles de V ;– C�S

T (Kn) est le pro-�-goupe des T -classes S-infinitésimales du corps Kn (que lathéorie du corps de classes identifie au groupe de Galois de la pro-�-extensionabélienne S-ramifiée T -décomposée maximale de Kn);

– x ST (n) = ν�(|�nC�S

T (Kn)|) est la valuation �-adique du cardinal du quotientd’exposant �n du Z�-module C�S

T (Kn);– ρS

T , μST et λS

T sont les paramètres asymptotiques de la suite x ST (n) (voir la Définition

2.1.2);– X S

T , limite projective des C�ST (Kn) pour la norme, s’identifie au groupe de Galois

de la pro-�-extension abélienne S∞-ramifiée T∞-décomposée maximale de K∞;– ρS

T , μST et λS

T sont les invariants d’Iwasawa du �-module noethérien X ST .

Précisons enfin quelques définitions.

Definition 2.1.1 Soient (an)n∈N et (bn)n∈N deux suites d’entiers relatifs.

(i) Nous écrivons an � bn , lorsque la différence an − bn est bornée.(ii) Nous écrivons an ≈ bn lorsqu’elle est ultimement constante.

Definition 2.1.2 Nous disons qu’une suite (an)n∈N d’entiers relatifs est

(i) paramétrée par le triplet (ρ, μ, λ) lorsque an � ρn�n + μ�n + λn;(ii) strictement paramétrée par (ρ, μ, λ) lorsque an ≈ ρn�n + μ�n + λn.

Dans les deux cas, nous disons alors que ρ, μ et λ sont les paramètres asymptotiquesde la suite (an)n∈N.

Remarque 2.1.3 Les conventions ci-dessus diffèrent légèrement de celles de [5] oùsont considérés les quotients de �n+1-torsion, ce qui amène à écrire ρ(n + 1)�n aulieu de ρn�n . La différence est purement technique et sans conséquence fondamentalecomme expliqué plus loin (cf. Scolie 2.3.3).

2.2 Codescente arithmétique

La théorie du corps de classes montre que les pro-�-groupes C�ST (Kn) des T -classes

S-infinitésimales s’identifient aux groupes de Galois respectifs des pro-�-extensionsabéliennes S-ramifiées T -décomposées maximales H S

T (Kn) des corps Kn . Ce sont enparticulier des Z�-modules noethériens.

123

Sur les formules asymptotiques le long des Z�-extensions 67

Leur limite projective X ST = lim←− C�S

T (Kn) est un �-module noethérien, quis’interprète comme groupe de Galois de la pro-�-extension abélienne S-ramifiée T -décomposée maximale H S

T (K∞) du corps K∞.Le problème classique de la codescente arithmétique consiste à exprimer les pro-�-

groupes C�ST (Kn) à partir de la limite X S

T . Commençons par traiter le cas spécial où lesH S

T (Kn) contiennent K∞, ce qui se produit lorsque l’extension K∞/K est S-ramifiéeet T -décomposée, i.e. lorsque T = T td et que S contient l’ensemble R des placesramifiées dans la tour K∞/K .

Dans ce cas, H ST (Kn) n’est autre que le sous-corps de H S

T (K∞) fixé par ωnX ST (en

notations additives); et le schéma de corps se présente comme suit:

Proposition 2.2.1 (codescente dans le cas spécial) Si la Z�-extension K∞/K est S-ramifiée et T -décomposée, pour tout n �0, alors on a la décomposition directe

C�ST (Kn) � ��n ⊕

X ST /ωnX S

T .

Ce cas mis à part, les extensions H ST (Kn)/Kn et K∞/Kn sont linéairement dis-

jointes pour n assez grand et les groupes C�ST (Kn) apparaissent naturellement comme

quotients de leur limite X ST .

Proposition 2.2.2 (codescente dans le cas générique) En dehors du cas spécial, notonse le plus petit entier tel que, dans K∞/Ke, les places de R non contenues dans S soienttotalement ramifiées et celles de T f d soient non décomposées. Alors, il existe un Z�-sous-module noethérien Ye de X S

T tel que la somme Ye+ωeX ST soit un �-sous-module

de X ST et que pour tout n � e on ait canoniquement

C�ST (Kn) � X S

T /(ωn,eYe + ωnX ST ).

La preuve est classique (voir par exemple [9], dans le cas S = T = ∅). Pré-cisons néanmoins quelques points. Par un argument de projectivité, le groupe deGalois

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68 J.-F. Jaulent et al.

GST = Gal(H S

T (K∞)/K )

s’identifie au produit semi-direct de son quotient � = γ Z� par le sous-groupe normalX S

T = Gal(H ST (K∞)/K∞):

GST � X S

T � �,

de sorte que tout élément de GST s’écrit de façon unique γ αx , avec α ∈ Z� et x ∈ X S

T ,suite au choix d’un relèvement arbitraire de γ dans GS

T (K ).Notons P∞ l’ensemble fini des places de K∞ qui sont ultimement ramifiées dans

la tour K∞/K , mais non dans S∞, ou encore contenues dans T f d∞ . Pour chaque placede P∞, choisissons une place p∞ de H S

T (K∞) qui soit au-dessus; puis notons Gp∞pour

(i) son sous-groupe de décomposition dans GST (Ke) = Gal(H S

T (K∞)/Ke), si p∞ est

au-dessus de T f d∞ ,(ii) son sous-groupe d’inertie, sinon.

Par construction, chacun de ces groupes Gp∞ est procyclique et possède un générateurtopologique de la forme γe xp∞ avec γe = γ �e

. De plus, si px∞ est conjugué de p∞, legroupe Gpx∞ est topologiquement engendré par le conjugué

x(γe xp∞)x−1 = γe xp∞xγe−1.

Il en résulte que la sous-extension maximale de H ST (K∞), qui est abélienne sur

Ke et simultanément S-ramifiée et T -décomposée, est celle fixée par X S (γe−1)

T et lesγe xp∞ pour p∞ ∈ P∞. Fixant arbitrairement l’une des places p◦∞ de P∞, posantyp∞ = xp∞/xp◦∞ , et notant Ye le Z�-module multiplicatif engendré par les yp∞ , nousobtenons, comme attendu,

X ST ∩ Gal(H S

T (K∞)/H ST (Ke)) = X S (γe−1)

T Ye,

ce qui, traduit en notations additives, donne bien

C�ST (Ke) � X S

T /(Ye + ωeX ST ).

Ce point acquis, le passage de Ke à Kn pour n � e se fait en prenant l’image dudénominateur par l’opérateur norme ωn,e = ωn/ωe et donne, comme annoncé,

C�ST (Kn) � X S

T /ωn,e(Ye + ωeX ST ) = X S

T /(ωn,eYe + ωnX ST ).

En résumé, l’ensemble de cette discussion peut être illustré par le diagramme:

123

Sur les formules asymptotiques le long des Z�-extensions 69

2.3 Théorème des paramétres

Nous sommes dès lors en mesure d’énoncer le théorème principal de ce travail quicorrige les résultats de [4] et [5].

Theorem 2.3.1 (Théorème des paramètres) Soient K∞ une Z�-extension d’un corpsde nombres K et S, T deux ensembles finis disjoints de places de K . Enfin, soitX S

T := lim←− C�ST (Kn) la limite projective (pour la norme) des pro-�-groupes de T -

classes S-infinitésimales des étages finis Kn (de degrés respectifs �n) de la tour K∞/K .

(i) Si l’extension K∞/K est elle-même S-ramifiée et T -décomposée (i.e. dans le casspécial), la suite x S

T (n) des �-valuations des ordres des quotients d’exposant �n

des groupes C�ST (Kn) vérifie l’estimation asymptotique

x ST (n) ≈ ρS

T n�n + μST �n + (λS

T + 1) n,

où ρST , μS

T et λST sont les invariants structurels du module d’Iwasawa X S

T .(ii) Sinon, il existe un entier naturel κ S

T � ρST �e, où e est l’entier défini dans la

Proposition 2.2.2, tel qu’on ait asymptotiquement

x ST (n) � ρS

T n�n + μST �n + (λS

T − κ ST ) n.

Précisons quelques situations dans lesquelles le paramètre κ ST est trivial.

Scolie 2.3.2 En dehors du cas spécial, le paramètre κ ST se trouve être nul:

(i) lorsque le module X ST est de �-torsion (i.e. lorsque ρS

T = 0);(ii) lorsque l’union de l’ensemble des places de R∞ non contenues dans S∞ et de

l’ensemble des places de T f d∞ est un singleton, cas dit trivial.

Dans ces deux cas, la suite x ST (n) est paramétrée par les invariants structurels ρS

T ,μS

T et λST du module d’Iwasawa X S

T .

123

70 J.-F. Jaulent et al.

Démonstration Comme nous le verrons plus loin, le paramètre κ ST provient de la

contribution de Ye dans la partie libre de X ST . Dans le cas (i), la partie libre de X S

T estnulle tandis que dans le cas trivial, le module Ye est nul par construction.

Concluons ce paragraphe en précisant ce qui se passe lorsqu’on remplace les quo-tients d’exposant �n des groupes C�S

T (Kn) par les quotients d’exposant �(n+k), pourun entier relatif k fixé.

Scolie 2.3.3 Sous les hypothèses du théorème 2.3.1, pour tout entier relatif k fixé, les�-valuations des ordres des quotients d’exposant �(n+k) des pro-�-groupes C�S

T (Kn)

sont données asymptotiquement par la formule

x ST (n, k) ≈ ρS

T (n + k)�n + μST �n + (λS

T + 1) n,

dans le cas spécial, et

x ST (n, k) � ρS

T (n + k)�n + μST �n + (λS

T − κ ST ) n,

en dehors du cas spécial.

3 Preuve du théorème des paramètres

Pour chaque entier naturel n, notons∇n l’idéal de l’anneau � engendré par le polynômeωn et l’élément �n . Nous allons procéder différemment suivant la nature de la codes-cente galoisienne dans la Z�-extension K∞/K .

3.1 Le cas spécial et le cas trivial

Dans le cas spécial où la Z�-extension K∞/K est S-ramifiée et T -décomposée, lacodescente est décrite par la Proposition 2.2.1:

C�ST (Kn) � ��n ⊕

X ST /ωnX S

T .

Le cas trivial se produit, lui, lorsque l’union de l’ensemble des places de R∞ noncontenues dans S∞ et de l’ensemble des places de T f d∞ est un singleton. Le sous-module Ye, qui intervient dans la codescente décrite dans la Proposition 2.2.2, estalors trivial, de sorte que l’on a tout simplement

C�ST (Kn) � X S

T /ωnX ST .

Dans les deux cas, pour évaluer asymptotiquement les ordres des quotients�nC�S

T (Kn), il suffit donc d’estimer les indices (X ST : ∇nX S

T ). C’est ce qui est faitdans [2] et [4]. Pour cela, on se ramène d’abord à un module élémentaire (voir [4,Lemme 1.12]).

123

Sur les formules asymptotiques le long des Z�-extensions 71

Lemma 3.1.1 Soit ϕ : X ST → E un pseudo-isomorphisme entre �-modules. Alors il

existe des modules finis A et B, indépendants de n, tels que, pour n assez grand, onait la suite exacte

0→ A→ X ST /∇nX S

Tϕ−→ E/∇n E → B → 0.

Le calcul de vp(|E/∇n E |) pour un module élémentaire E est effectué dans [4] etconduit directement aux formules asymptotiques annoncées (avec les différences deconventions rappelées dans la remarque 2.1.3).

Théorème 3.1.2 Dans le cas spécial, il vient

x ST (n) ≈ ρS

T n�n + μST �n + (λS

T + 1)n.

Aussi, dans le cas trivial, on a

x ST (n) ≈ ρS

T n�n + μST �n + λS

T n.

Pour les détails, voir le théorème 1.4 de [4].

3.2 Le cas générique

Venons-en maintenant au cas général, pour lequel le sous-module Ye peut être nontrivial. Comme précédemment, nous pouvons toujours nous ramener au cas élémen-taire par pseudo-isomorphisme.

Lemma 3.2.1 Soit ϕ : X ST → E un pseudo-isomorphisme entre �-modules et Ye un

sous-Z�-module de X ST . On note Ye = ϕ(Ye). Alors,

ν�(|X ST /(∇nX S

T + ωn,eYe)|) ≈ ν�(|E/(∇n E + ωn,eYe)|).

Démonstration Pour tous les n assez grands, le Lemme 3.1.1 fournit les suites exactes

0→ A→ X ST /∇nX S

Tϕ−→ E/∇n E → B → 0,

puis les morphismes entre quotients finis

X ST /(∇nX S

T + ωn,eYe)ϕ−→ E/(∇n E + ωn,eYe),

de conoyaux B et de noyaux A/(A ∩ ωn,eYe). Les noyaux vont en croissant et sontde cardinal borné par |A|, donc stationnaires. La différence entre les �-valuations desordres est ainsi ultimement constante.

Ce point acquis, nous pouvons remplacer X ST par le �-module élémentaire E auquel

il est pseudo-isomorphe, puis Ye par son image Ye dans E . Nous sommes alors amenésà déterminer la �-valuation des quotients finis

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72 J.-F. Jaulent et al.

E/(∇n E + ωn,eYe),

pour un module élémentaire E = �ρ ⊕ (⊕di=1�/� fi ), avec ρ = ρS

T .Pour effectuer ce calcul, il n’est pas possible de découper directement selon

les facteurs directs de E à cause de la présence du sous-Z�-module ωn,eYe. Pourcontourner cette difficulté, nous allons estimer séparément les contibutions respec-tives de la partie libre L = �ρ et du sous-module de torsion F = ⊕i�/� fi , enécrivant

(E : (∇n E + ωn,eYe)) = (E : (F + ∇n E + ωn,eYe)) (F : F ∩ (∇n E + ωn,eYe))

et en évaluant séparément les deux facteurs, comme suit.

La partie libre:

Il s’agit ici de calculer l’indice

(E : (F +∇n E + ωn,eYe)) = (L : (∇n L + ωn,eY ′e)),

où Y ′e désigne l’image de Ye dans le quotient E/F � L . On découpe le calcul de lafaçon suivante, où Ze = ωe L + Y ′e:

(L : (∇n L + ωn,eY ′e)) = (L : (�n L + Ze))(Ze : (�n L ∩ Ze + ωn,e Ze)).

Pour déterminer le premier indice(L : (�n L + Ze)

), on écrit un pseudo-isomor-

phisme donné par le théorème de structure

L/Ze ∼r⊕

i=1

�/gαii �,

où les gi sont des polynômes irréductibles divisant ωe. Il vient alors

(L : (�n L + Ze)) ≈ (�r : ⊕(gαii �+ �n�))

qui est paramétré par le triplet (0, 0, deg(∏r

i=1 gαii )). Un calcul de Zp-rangs permet

d’obtenir l’inégalité

ρ�e = rkZp (L/ωe L) � rkZp (L/Ze) = rkZp

(r⊕

i=1

�/gαii �

)= deg

(r∏

i=1

gαii

).

Le calcul du second indice est un peu plus technique. On se ramène au calcul desdeux premiers termes de la suite exacte

(�n L ∩ Ze + ωn,e Ze)/(�n Ze + ωn,e Ze) ↪→ Ze/(�

n Ze + ωn,e Ze)

� Ze/(�n L ∩ Ze + ωn,e Ze).

123

Sur les formules asymptotiques le long des Z�-extensions 73

Le �-module Ze est sans torsion de rang ρ; donc il existe un pseudo-isomorphismeZe ∼ �ρ qui nous informe que le terme central de la suite est paramétré par(ρ, 0,−ρ�e). Reste à voir que le noyau est stationnaire. On a

(�n L ∩ Ze + ωn,e Ze)/(�n Ze + ωn,e Ze) � (�n L ∩ Ze)/(�

n Ze + �n L ∩ ωn,e Ze).

Notons �−n Ze = {x ∈ L | �n x ∈ Ze}, de telle sorte que la suite (�−n Ze)n est une suitecroissante de sous-�-modules de L . Cette suite est stationnaire car L est noethérien;donc il existe un entier α tel que �−n Ze = �−α Ze pour n � α. Pour de tels n, on a

�n L ∩ Ze = �n(�−α Ze) et �n L ∩ ωn,e Ze = ωn,e�n(�−α Ze)

par factorialité de L . Ainsi,

(�n L ∩ Ze)/(�n Ze + �n L ∩ ωn,e Ze) = �n(�−α Ze)/�

n(Ze + ωn,e(�−α Ze))

� �−α Ze/(Ze + ωn,e(�−α Ze)),

où le dernier isomorphisme se justifie par l’absence de torsion. Le noyau est station-naire dès lors que le quotient �−α Ze/Ze est fini.

Mais L/ωe L est de type fini sur Z�; donc son sous-module �−α Ze/ωe L aussi; etpar suite, son quotient �−α Ze/Ze aussi. Ce dernier quotient étant par définition annulépar �α , il est fini.

Finalement, on a

ν�

(E : (F + ∇n E + ωn,eYe)

) ≈ ρST n�n − κ S

T n,

avec κ ST = ρS

T �e −r∏

i=1

deg(gαii ) compris entre 0 et ρS

T �e.

La partie de torsion:

Étudions maintenant le second facteur(F : F ∩ (∇n E +ωn,eYe)

). C’est évidemment

une fonction décroissante du module de descente Ye. Nous en obtenons donc unemajoration très simple en remplaçant Ye par 0; et une minoration en remplaçant Ye

par la somme directe Y ◦e ⊕ Ye = Y ◦e ⊕ (⊕di=1Y (i)

e ) de ses projections sur les d + 1facteurs directs L et �/ fi� de la décomposition E = L ⊕ (⊕d

i=1�/ fi�).Dans le premier cas, nous obtenons

F/(F ∩ ∇n E) = F/∇n F =d⊕

i=1

�/(∇n + fi�);

tandis que dans le second,

F/(

F ∩(∇n E + ωn,e

(Y ◦e

⊕Ye

)))= F/(∇n F + ωn,eYe)

=d⊕

i=1

�/(∇n + fi�+ ωn,eY (i)e ).

123

74 J.-F. Jaulent et al.

Le calcul de l’indice (� : ∇n + f �) est mené à bien dans [4, §1.2]. On a:

– ν�((� : ∇n + f �)) ≈ �m , pour f = �m ; et– ν�((� : ∇n + f �)) ≈ deg(P) n, si f est un polynôme distingué P .

Et il reste à voir qu’on obtient essentiellement le même résultat, lorsqu’on remplace(∇n + f �) par (∇n + f �+ ωn,e Z), pour un Z�-module de type fini Z .

Considérons donc le quotient Cn = (∇n + f �+ ωn,e Z)/(∇n + f �).

(i) Pour f = �m et n � m,

Cn � ωn,e Z/(ωn,e Z ∩ (�m�+ ωn�)) � Z/(Z ∩ (�m�+ ωe�)).

(ii) Et, pour f distingué, le lemme 1.6 de [4] donne, pour n � n0 assez grand,

(ωn,e Z +∇n + f �)/ f � = (�n−n0(ωn0,e Z + ∇n0)+ f �)/ f �,

d’où

Cn � (�n−n0(ωn0,e Z+∇n0)+ f �)/(∇n+ f �) � ωn0,e Z/(ωn0,e Z ∩ (∇n0+ f �)).

En fin de compte, on voit que dans tous les cas le module Cn est ultimement constant.On a donc

ν�

((F : F ∩ (∇n E + ωn,eYe))

) � μST �n + λS

T n,

ce qui achève la démonstration du théorème des paramètres. ��

4 Illustrations arithmétiques

Nous allons maintenant illustrer le résultat obtenu en montrant que le paramètre λST

peut prendre des valeurs arbitrairement grandes, positives comme négatives, dans lecas réputé le plus simple des Z�-extensions cyclotomiques.

Nous nous appuyons pour cela sur les identités de dualité obtenues par Jaulent etMaire [5], que nous commençons par rappeler.

4.1 Identités du miroir

Supposons que le corps de nombres K contienne le groupe μ2� des racines 2�-ièmesde l’unité. Dans [5], il est alors établi, le long de la Z�-extension cyclotomique de K ,des identités de dualité mettant en jeu les paramètres (ρS

T , μST , λS

T ) de x ST (n) et ceux de

xTS (n). Ces identités ne sont pas affectées par l’erreur corrigée dans le présent article

puisque les suites (x ST (n))n∈N et (xT

S (n))n∈N sont paramétrées en vertu du théorème2.3.1. En ce qui concerne les deux premiers invariants, il est possible de les extrairedirectement du théorème 6 de [5]; pour le troisième invariant, il y a lieu, en revanche, de

123

Sur les formules asymptotiques le long des Z�-extensions 75

remplacer l’invariant structurel λ par le paramètre asymptotique λ qui peut en différersensiblement. Nous donnons ci-dessous la forme correcte du théorème.

Notons s∞ = |S∞| et t∞ = |T∞| les nombres respectifs de places de K∞ au-dessusde S et de T , qui sont finis du fait qu’aucune place n’est totalement décomposée dansl’extension cyclotomique; puis posons

δS =∑

p∈S�

[Kp : Qp] et δT =∑

p∈T�

[Kp : Qp],

où S� et T� désignent les sous-ensembles de places �-adiques de S et de T .Avec ces notations, le théorème du miroir ([5], Théorème 6) s’énonce comme suit.

Théorème 4.1.1 (Jaulent, Maire) Sous les hypothèses suivantes:

– Le corps K contient le groupe μ2� des racines 2�-ièmes de l’unité,– K∞ est la Z�-extension cyclotomique de K ,– S ∪ T contient l’ensemble des places au-dessus de �,

les paramètres associés aux �-groupes �nC�ST (Kn) de T -classes S-infinitésimales le

long de la tour K∞/K vérifient les identités du miroir:

(i) ρST +

1

2δT = ρT

S +1

2δS;

(ii) μST = μT

S ;(iii) λS

T + t∞ = λTS + s∞.

Ce résultat, qui repose sur les identités de dualité obtenues par G. Gras [1](lesquelles peuvent être regardées comme la forme la plus aboutie du Spiegelungssatzde Leopoldt), permet d’échanger décomposition et ramification.

4.2 Minoration du paramètre lambda

Une conséquence immédiate des théorèmes de réflexions (et de l’existence desparamètres λS

T ) est de donner des minorations très simples de l’invariant λST lorsque

S contient les places �-adiques.

Proposition 4.2.1 Soient K un corps de nombres contenant les racines 2�-ièmes del’unité, K∞ sa Z�-extension cyclotomique, S un ensemble fini de places de K quicontient l’ensemble R de celles ramifiées dans K∞/K (i.e. l’ensemble des placesau-dessus de �) et T un ensemble fini de places modérées disjoint de S. Alors,

λST � s∞ − 1.

En particulier, λST est arbitrairement grand avec S.

Démonstration Pour T = ∅, les identités du miroir donnent

λS+1= λS = λS + s∞ = λS + s∞ � s∞,

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76 J.-F. Jaulent et al.

puisque, dans le cas spécial, λS = λS + 1 et que, pour le module de �-torsionXS , le paramètre effectif coïncide avec l’invariant d’Iwasawa. La montée dans la Z�-extension cyclotomique ayant épuisé toute possibilité d’inertie aux places modérées,on a banalement X S

T = X S∅ , donc λS

T = λS . ��

4.3 Valeurs négatives du paramètre lambda

Revenons maintenant sur le contexte général du théorème des paramètres. Les invari-ants structurels d’un �-module étant des entiers naturels, le théorème 2.3.1 nous donneles minorations suivantes.

Proposition 4.3.1 Le cas spécial mis à part, sous les hypothèses du théorème desparamètres, le paramètre lambda vérifie les inégalités

λST = λS

T − κ ST � −κ S

T � −ρST �e,

où e est l’entier défini dans la Proposition 2.2.2.

Nous allons voir que cette borne inférieure est effectivement atteinte et montrer enparticulier que le paramètre λS

T peut ainsi être arbitrairement négatif.Pour cela, nous allons nous replacer dans le contexte cyclotomique.

Proposition 4.3.2 (Exemple 1) Prenons � = 2, e � 0 arbitraire, K = K0 = Q[i] etnotons K∞ = ⋃

n∈N Kn la Z2-extension cyclotomique de K . Prenons S = R = {l},où l est l’unique place de K au-dessus de 2, et T = {p1, p2}, où p1 et p2 sont les deuxplaces de K au-dessus d’un premier p �= 2 complètement décomposé dans Ke/Q etinerte dans K∞/Ke (i.e. vérifiant la congruence p ≡ 1+ 2e+1 mod 2e+2).

Alors, les invariants structurels et les paramètres attachés aux �-groupes C�ST (Kn)

de T -classes S-infinitésimales sont

ρST = 1, μS

T = 0, λST = 0, et λS

T = −2e.

Démonstration Déterminons tout d’abord le module à l’infini X ST . Comme on est au-

dessus de la Z2-extension cyclotomique, on a X ST = X S du fait que les places modérées

non ramifiées sont totalement décomposées au-dessus de K∞. Il est bien connu que X S

est �-libre et de rang 1 dans ce cadre (cf. e.g. [9]). Expliquons brièvement pourquoi:

(i) d’un côté, les théorèmes de dualité (cf. Th. 4.1.1 (i)) donnent directement

ρS = 1

2δS = 1

2[Kl : Q2] = 1.

(ii) d’un autre, le radical kummérien de la 2-extension abélienne 2-ramifiée 2-élémentaire maximale M de K est donné par

E ′K /(E ′K )2 � (Z/2Z)2,

123

Sur les formules asymptotiques le long des Z�-extensions 77

où E ′K désigne le groupe des 2-unités de K . Le quotient X S/∇0X S � Gal(M/K1)

est alors cyclique d’ordre 2, de telle sorte que X S est �-monogène.

En résumé, on a X ST = X S � � et, en particulier, ρS

T = 1, mais μST = λS

T = 0.Ce point acquis, pour tout n � e, la codescente pour C�S

T s’écrit

C�ST (Kn) � X S

T /ωn,e(ωeX ST + Ye) avec C�S

T (Ke) � X ST /(ωeX S

T + Ye).

Maintenant, la théorie �-adique du corps de classes (cf. [3]) nous dit que le rangessentiel du groupe C�S

T (Ke) est égal à celui du module Ul(Ke)/s2(ET(Ke)), quotientdu 2-groupe des unités locales attaché à l’unique place 2-adique de Ke par l’imagecanonique du Z2-tensorisé du groupe des T -unités ET(Ke) de Ke.

Or, à un fini près, Ul(Ke) définit la représentation régulière du groupe de GaloisGe = Gal(Ke/Q) et ET(Ke) contient de même la représentation régulière du fait quep est totalement décomposé dans Ke/Q. La conjecture de Jaulent (cf. e.g. [3]), quiest ici vérifiée puisque Ge est abélien, nous assure que s2(ET(Ke)) la contient encore;ce qui montre que le groupe C�S

T (Ke) est fini.Donc,

(ωeX ST + Ye) ∼ X S

T � � et C�ST (Kn) ∼ X S

T /ωn,eX ST � �/ωn,e�,

avec ωn,e = ωn/ωe, ce qui donne bien λST = − deg ωe = −2e, comme annoncé. ��

Proposition 4.3.3 (Exemple 2) Soient � > 2 un nombre premier régulier, e � 0arbitraire, K = K0 = Q[ζ�] le �-ième corps cyclotomique et K∞ = ⋃

n∈N Kn laZ�-extension cyclotomique de K . Prenons S = R = {l}, où l est l’unique place de Kau-dessus de �, et T = {p1, . . . , p�−1}, où les pi sont au-dessus d’un premier p com-plètement décomposé dans Ke/Q et inerte dans K∞/Ke (i.e. vérifiant la congruencep ≡ 1+ �e mod �e+1).

Alors, les invariants structurels et les paramètres attachés aux �-groupes C�ST (Kn)

de T -classes S-infinitésimales sont:

ρST = (�− 1)/2, μS

T = 0, λST = 0, et λS

T = −�e(�− 1)/2.

Démonstration Introduisons le groupe de Galois � = Gal(K/Q) et notons �∗le groupe des caractères �-adiques de �. À chaque élément ϕ de �∗ correspondalors un idempotent primitif eϕ de l’algèbre de groupe Z�[�], ce qui permet d’écrirecanoniquement tout �[�]-module comme somme directe de ses ϕ-composantes.

Ceci vaut en particulier pour les groupes X ST = X S :

– Si ϕ est réel (i.e. si ϕ prend la valeur +1 sur la conjugaison complexe), l’hypothèsede régularité entraîne la trivialité de la ϕ-composante (X S)ϕ .

– Si ϕ est imaginaire (i.e. si ϕ prend la valeur -1 sur la conjugaison complexe), ilvient au contraire, comme plus haut, (X S)ϕ � �eϕ � �.

Les arguments développés dans l’exemple précédent appliqués mutatis mutandisaux ϕ-composantes des pro-�-groupes de T -classes S-infinitésimales donnent donc:

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78 J.-F. Jaulent et al.

{ρ = μ = λ = λ = 0, pour les ϕ reels;ρ = 1 et μ = λ = 0, mais λ = −�e, pour les ϕ imaginaires.

D’où le résultat attendu en sommant sur les (�− 1) caractères du groupe �. ��

Références

1. Gras, G.: Théorèmes de réflexion. J. Théor. Nombres Bordx. 10(2), 399–499 (1998)2. Jaulent, J.-F.: L’arithmétique des l-extensions (Thèse d’état). Pub. Math. Fac. Sci. Besançon Théor.

Nombres, 1985–86 (1986)3. Jaulent, J.-F.: Théorie �-adique globale du corps de classes. J. Théor. Nombres Bordx. 10(2), 355–397

(1998)4. Jaulent, J.-F.: Généralisation d’un théorème d’Iwasawa. J. Théor. Nombres Bordx. 17(2), 527–553

(2005)5. Jaulent, J.-F., Maire, C.: Sur les invariants d’Iwasawa des tours cyclotomiques. Canad Math. Bull. 46(2),

178–190 (2003)6. Neukirch, J., Schmidt, A., Wingberg, K.: Cohomology of number fields, 2nd edn. Grundlehren der

Mathematischen Wissenschaften, vol. 323, pp xvi+825. Springer, Berlin (2008)7. Salle, L.: On maximal tamely ramified pro-2-extensions over the cyclotomic Z2-extension of an imag-

inary quadratic field. Osaka J. Math. 47(4), 921–942 (2010)8. Serre, J.-P.: Classes des corps cyclotomiques (d’après Iwasawa), Séminaire Bourbaki, vol. 5, Exp. No.

174, pp. 83–93, Soc. Math. France, Paris (1995)9. Washington, L.: Introduction to cyclotomic fields, 2nd edn. Graduate Texts in Mathematics, vol. 83,

pp. xiv+487. Springer, New York (1997)

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