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Tourisme d'aventure

Sur la piste du profitLes opérateurs du tourisme d'aventure alimentent les pages des journaux financiers en sefaisant racheter les uns après les autres... Conséquences: des changements de cap qui ne vontpas tous forcément dans le sens d'un meilleur service au client.

EL'arrivée des

financiers changela donne

n 1976, Terres d'aventure emmène sonpremier groupe faire I expérience dela solitude dans le Sahara départ deTamanrasset, en Algérie, a pied, aveceau et nourriture pour tout le périple

Le voyage d'aventure, version XXe siècle, est néEn 2011, le site du tour-opérateur affiche sur sapage «Nous étions là à Vnngme Nous avonsbeaucoup marché depuis la création de la pre-mière agence Terres d'aventure, en 1976 Et pour-tant, notre état d'esprit reste le même » Aucunchangement alors? Sur le terrain, au sein deséquipes de direction, chez les conseillers-vente,dans les reunions d'objectifs.. des « reaména-gements » semblent pourtant sensibles.Terres d'aventure en 2001, Nomade Aventure en2004, Atalante en 2006, Club Aventure en 2009,Chamina en 2011 Les uns après les autres, lesvoyagistes indépendants, spécialisés dans levoyage dit d'aventure, tombent dans l'escarcellede groupes dirigés par des professionnels de lafinance Conséquence, les grands pionniers d hierse côtoient aujourd ' hui dans les mêmes groupes.Terres d aventure et Nomade Aventure, maisaussi Grand Nord/Grand Large et Chamina, voi-sinent désormais au sein d une seule et mêmeentité le groupe Voyageurs du Monde Actuelleader du marché, celui-ci a été racheté en 1996à son fondateur par deux trublions du milieu dela finance Même coup de tonnerre pour deuxautres anciens, Club Aventure et Atalante, qui

ont donné ses lettres de noblesse au trekkingLes deux sont désormais dans le giron de Geo-phylc, la holding financière du patron de Dé-cathlon (associé de la famille Mulliez, proprié-taire des supermarchés Auchan), par le biaisd opérations successives de rachat (voir « Lesgrandes manœuvres financières», p 60) Quantà Nouvelles Frontières Aventure, son destin a étéscellé en 2002 lors de son rachat par le groupeTUI (propriétaire entre autres de Marmara). Der-nier acteur encore indépendant, le voyagistelyonnais Allibert, parti dans les années 80 à l'as-saut des sommets montagneux les plus extraor-dinaires, vient juste de révéler I arrivée du C1Cdans son capital Une page se tourne

Objectif: faire du chiffreL'entrée des financiers dans le petit monde dutourisme d'aventure n'est pas passée inaperçuedes marchés, notamment pour Voyageurs duMonde envolée des chiffres d'affaires et explo-sion des bénéfices. Terres d'aventure est ainsipassé de 23 millions d'euros de chiffre d'affairesà 55 millions entre 2001 date de son rachat, etaujourd'hui et Nomade Aventure de 13 millionsd euros à 23 millions entre 2004 et 2011 Un mo-dèle pour les autres 7 Selon un salarié d'Allibert,les nouveaux objectifs affichés par le voyagisteseraient très clairs il faut doubler le chiffre d'af-faires d'ici deux ans, « c'est ce qui a été annoncé-$

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cette année par le groupe tors de la réunion an-nuelle des guides » Par quelle méthode miracle ?

Recrutement en masse de nouveaux candidatsau voyage par le biais d'une équipe de vendeursprofessionnels, rationalisation de l'organisation,réduction d'un certain nombre de «coûte mutiles"et, enfin, augmentation de la part de sous-traitance localeFini l'époque où les accompagnateurs sur le ter-rain renseignaient les clients au téléphone etfignolaient les voyages avec eux Organiser, struc-turer et informatiser sont devenus les maîtresmots des nouveaux patrons Les « produits » sontintégralement définis à l'avance (pas questionde changer le programme), reproductibles et àdates précises «Notre offre est aujourd'hui bienrodée et les voyages encadrés Les voyageursveulent de l'aventure mais sans mésaventures,même s'il y a par définition un peu d'imprévu fisont notamment de moins en moins de temps etne supporteraient pas, par exemple, d'atterriravec deux jours de retard en France», expliqueLionel Habasque, directeur général de Terresd'aventure Les accompagnateurs de terrain ontainsi été remplacés par des conseillers-vendeurspour prendre les inscriptions désormais pos-sibles en agences, par téléphone ou sur InternetLes grands baroudeurs et guides de montagnedes premiers temps ont, eux, cédé le terrain à

FORUMS VOYAGEURS

Avis négatifs, s'abstenir. "W9SPLes sites du groupe Voyageurs duMonde mettent en avant les avis deleurs clients. Sans préciser, bien sûr,qu'un protocole doit être signe parles clients mécontents avant d'obtenirune indemnisation transactionnelle,lequel pose l'obligation de s'abstenirde livrer son avis Les consommateursqui ne parviennent pas a se faire

entendre ont intérêt a envoyer leursplaintes a la Direction générale de laconcurrence, de la consommation etde la repression des fraudes (DGCCRF)En cas de témoignages identiquessur un fait délictueux (par exemple,communication de caractèretrompeur), la direction est habilitéea ouvrir une enquête

Des voyages dontle prix varie de 1000à plus de 5 000 €

de jeunes diplômés en tourisme ou d'école decommerce, certes ayant voyagé, mais ayant aussiet surtout un « bon esprit » Comprendre en accordavec les objectifs de vente assignés Le même«bon état d'esprit» est requis pour les salariésqui élaborent les périples, devenus des « chefsde produit » "Si leur profil reste encore très varié,l'apparition de professionnels du marketing ausein de ce métier est de plus en plus perceptible,même dans le tourisme d'aventure», commenteMarie-Noëlle Reybet-Degat, qui fut responsablede voyages chez un important tour-opérateurAnciens guides accompagnateurs et grands

Les grandes manœuvres financièresAujourd'hui, l'essentiel du marché du voyage d'aventure se partage entre Voyageurs du Monde et Geophyle,lequel détient 80% du groupe Tourisport et 31 % du groupe Atalante.

GroupeAtafante

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voyageurs frayent désormais dans les locauxdes groupes avec les diplômés d école de com-merce Ils partent sur le terrain en moyennedeux, trois fois par an, une dizaine de jours àchaque fois Avec pour tâche, au retour, deconcevoir les circuits et recenser les dispositifsd'accueil sur place"Nous sommes cinq dans notre association àélaborer les voyages et, surtout, à les accompa-gner Forcément, notre métier est devenu un peudifférent de celui des chefs de produits des grandsgroupes spécialisés dans le tourisme d'aventure,qui se déplacent peu et ne voyagent pas avec lesclients», analyse Eric Le Boulch, accompagnateuret coresponsable de l'association de voyagesd'aventure Alpimondo «Je trouve que l'actuelledirection de Nomade a plutôt respecté son imageprovocatrice et l'idée de départ vendre desvoyages assez haut de gamme, dans des régionsreculées, avec toujours de beaux paysages et ladécouverte d'autres modes de vie Mais l'aven-ture, elle, a déjà été faite Tous les tour-opéra-teurs du secteur vendent aujourd'hui le mêmeproduit, sans réelle identité particulière La diffé-renciation tient plus du marketing », témoigneJack Bollet, fondateur de Nomade Aventure (re-vendu en 2004), bien connu dans le secteurpour son franc-parler

On rogne sur la qualitéL'obsession des prix qui envahit le tourisme demasse semble aussi gagner les autres secteursdu voyage «La qualité est globalement mainte-nue, mais on va rogner sur tel poste un jour, telautre le jour suivant pour conserver sa marge etafficher de meilleurs chiffres Ce jeu des prix à labaisse, tous les groupes de tourisme d'aventurele pratiquent», poursuit Jack Bollet Quitte àprendre le risque de décevoir certains clients7

C'est l'avis de François N , voyageur depuis tou-jours, grand amateur de sommets «Nous sommespartis en Tanzanie avec Nomade Aventure enaoût 2008 Trois semaines avant le départ, levoyage payé, un courriel nous avertit d'une "mo-dification-amélioration "du programme les deuxjours de trek-ascension dans la région Lengai-Natron sont supprimés, en raison de l'éruptiondu volcan Lengai Mais ce n'est que surplace quenous apprenons que la période d'activité du Len-gai a commencé en septembre 2007 et que larégion est redevenue accessible (d'autres groupesescaladaient le mont au même moment) Mais,surtout, "l'amélioration " s'est révélée plus quedécevante une matinée de marche dans la sa-vane, deux matinées de transport en 4x4, uneheure de visite expédiée dans un village Massai »,raconte le touriste «Pourquoi taire la situation

I PETITS ORGANISMES]RETROUVER L'ESPRIT PIONNIERIls détiennent une toutepetite part du marché,moins de 10%, à côtédes grands groupes.Mais certains sont peut-être plus proches del'esprit pionnier quianimait les premiersorganisateurs de voyagesd'aventure. Si certainsorganismes réunissent

des guides expérimentés(parfois des anciensayant travaillé pour desgrands groupes etdésireux de retrouverleur indépendance), cen'est pas le cas de tous.En pratique, il n'est pasforcément aisé dedéterminer la qualitédes services proposés

du volcan à l'inscription et ne pas exécuter ensuitele voyage vendu ? Pour ne pas risquer d'avoir àannuler un voyage et perdre le prix d'une dizainede réservations7», s'interroge François N , qui aporté plainte devant le tribunal contre Voyageursdu Monde pour « tromperie sur les éléments subs-tantiels du contrat» Mêmes interrogations for-mulées sur Internet par trois messages différentspour un circuit avec Terres d'aventure L'und'eux (signé « Marie ») précise «La moitié du cir-cuit a été réalisée Celui-ci décrivait une journéeet demie de safari dans le Serengueti et le Taran-gire, alors que notre guide local a reçu l'instruc-tion formelle de ne payer l'entrée dans les parcsque pour 24 heures Résultat, on a passé unegrande partie de nos journées dans des transfertsen 4x4 » « C'est un grand classique, aujourd'hui,l'économie sur les entrées dans les sites protégésMais difficile de dire si le correspondant local agitsur ordre ou pas», témoigne, pour sa part, unguide-accompagnateur indépendantDégraisser les coûts Serait-ce aussi la raison dela raréfaction du double encadrement par unguide français et un guide local? « Un guide fran-çais, c'est très cher II faut payer le billet, le salaire Cela représente environ 10 à 20% du coûtdu voyage», détaille Jean-Louis Agogué, d'Alpi-mondo La tendance est en tout cas généraledans les groupes De Terres d'aventure à Alli-bert, tous réduisent le recours aux guides fran-çais diplômés «Le bénéfice de recourir au seulencadrement local est double On paye moinscher et on n'est pas responsable si un problèmesurvient», commente un ancien guide pour Ata-lante «Leproblème, c'est que la compétence desguides locaux est extrêmement variable Certainssont bien formés, d'autres beaucoup moins bienC'est de toute façon très compliqué d'encadrerseul un groupe dont on connaît mal la culture etles attentes, qui plus est en haute montagne»,conclut Marie-Noëlle Reybet-Degat D

Élisa Oudin

par la myriade de petitesstructures qui existent.L'Association pour letourisme équitable etsolidaire (AIES) reven-dique « être le premierréseau de tourismeéquitable et solidaire ».Elle regroupe 35 voya-gistes, parmi lesquelsEco-Tours, Tamadi etbientôt Alpimondo.Tous s'engagent àrespecter une chartequi stipule qu'ils doiventaider au développementlocal, dans le cadre d'unpartenariat étroit avecles communautés locales.C'est-à-dire, déjà, à nepas sous-payer lesguides locaux! Mais,pour l'instant, il n'existepas de contrôle par unorganisme indépendant.Et, pour étoffer leurcatalogue, certainsachètent des voyagesclés en main à dessociétés locales, sans enmaîtriser ni la conception,ni l'organisation. Avantde partir, plusieursimpératifs: demanderqui a organisé le voyage;quel est le niveaud'encadrement prévusur place,-quelle est laformation des guides,particulièrement en casd'activités sportives, etc.