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Support : L’extraordinaire voyage du fakir resté coincé dans une armoire Ikéa de Romain Puertolas
versus Candide de Voltaire
Résumé au lien suivant :
http://www.enseignants.livredepoche.com/pour-aller-plus-loin/27317-draw-myboox-lextraordinaire-voyage-du-fakir-de-romain-puertolas
1) Comparer les sommaires respectifs des 2 livres : quels sont les points communs et qu’en déduisez-vous ?
Résumé de l’extraordinaire voyage du
fakir resté coincé dans une armoire Ikéa
Sommaire de Candide Interprétations
[1] : Arrivée d’Ajatashatru en France, il demande au chauffeur de taxi Gustave Palourde de l’emmener dans un magasin Ikea. [2] : Ajatashatru est un fakir. [3] : Il est célèbre dans tout le Rajasthan ; on en apprend plus sur son passé. Il escroque Gustave Palourde avec un faux billet au moment de payer. [4] : Description du fonctionnement d’un magasin Ikea. [5] : Ajatashatru tente d’acheter un lit à clous. Il doit attendre le lendemain pour l’avoir. [6] : Il se cache sous un lit pour attendre la réouverture du magasin. [7] : Un peu plus tôt, Ajatashatru a déjeuné avec une jeune femme nommée Marie qu’il venait de rencontrer en cherchant à lui extorquer de l’argent pour payer son lit (arnaque au vase cassé). [8] : Après la fermeture, Ajatashatru se promène dans le magasin. Craignant d’être surpris, il se cache dans une armoire métallique. [9] : Les personnes qui traversent le magasin à ce
Chapitre I. Comment Candide fut élevé dans un
beau château, et comment il fut chassé d’icelui
Chapitre II. Ce que devint Candide parmi les
Bulgares
Chapitre III. Comment Candide se sauva d’entre les
Bulgares, et ce qu’il devint
Chapitre IV. Comment Candide rencontra son
ancien maître de philosophie, le docteur Pangloss,
et ce qu’il en advint
Chapitre V. Tempête, naufrage, tremblement de
terre, et ce qui advint du docteur Pangloss, de
Candide et de l’anabaptiste Jacques
Chapitre VI. Comment on fit un bel auto-da-fé pour
empêcher les tremblements de terre, et
comment Candide fut fessé
On retrouve des topoï communs :
Le périple/tribulations :
Fakir : GB, Barcelone, Italie, Libye, France
Candide : Bulgarie, Portugal, Paraguay, El dorado, Surinam,
France, Angleterre, Italie, Constantinople
Parcourir le monde permet de s’ouvrir aux autres cultures
(altruisme, cosmopolitisme).
Différents modes de transports
Fakir : taxis, camion, avion, bateau, montgolfière
Candide : embarquement = bateau
La variété rend truculente le voyage. On passe d’un moyen
à l’autre et cela montre aussi la distance parcourue. Et
donc la prise de conscience que la réalité est différente de
ce que l’on croit communément.
Péripéties :
moment sont en fait Julio Sympa et Michou Lapaire, le directeur du magasin et son responsable de la décoration. [10] : L’armoire est emballée pour être transportée. Ajatashatru est toujours à l’intérieur. [11] : Au même moment, en comptant sa recette de la journée, Gustave Palourde se rend compte qu’il a été grugé par Ajatashatru. [12] : Gustave Palourde se rend au magasin Ikea sans trouver Ajatashatru. [13]: Gustave Palourde s’adresse à la police, notamment au commandant Alexandra Lafève. Sur les enregistrements de sécurité du magasin, on voit Ajatashatru se cacher dans une armoire. Julio Sympa leur apprend que l’armoire en question a été envoyée en Angleterre.
Great Britain [14] : Ajatashatru est réveillé par des voix et apprend qu’il se trouve dans un camion en direction de l’Angleterre. [15] : Il fait connaissance avec des clandestins soudanais, dont le dénommé Wiraj. [16] : Wiraj explique ses motivations à quitter son pays. [17] : Ajatashatru est ému par les aventures des clandestins. [18] : Il sort de son armoire, aidé par les clandestins. Le camion s’arrête. [19] : Les clandestins et Ajatashatru sont arrêtés par la police des frontières britannique. [20] : Après avoir été interrogé, Ajatashatru est envoyé à Barcelone. [21] : Ajatashatru monte dans un avion. [22] : Gustave Palourde part avec sa femme et sa fille en vacances à Barcelone. [23] : Le commandant Alexandra Lafève classe le
Chapitre VII. Comment une vieille prit soin de
Candide, et comment il retrouva ce qu’il aimait
Chapitre VIII. Histoire de Cunégonde
Chapitre IX. Ce qui advint de Cunégonde, de
Candide, du grand inquisiteur et d’un juif
Chapitre X. Dans quelle détresse Candide,
Cunégonde et la vieille, arrivent à Cadix, et de leur
embarquement
Chapitre XI. Histoire de la vieille
Chapitre XII. Suite des malheurs de la vieille
Chapitre XIII. Comment Candide fut obligé de se
séparer de la belle Cunégonde et de la vieille
Chapitre XIV. Comment Candide et Cacambo furent
reçus chez les jésuites du Paraguay
Chapitre XV. Comment Candide tua le frère de sa
chère Cunégonde
Chapitre XVI. Ce qui advint aux deux voyageurs
avec deux filles, deux singes, et les sauvages
nommés Oreillons
Chapitre XVII. Arrivée de Candide et de son valet
au pays d’Eldorado, et ce qu’ils y virent
Chapitre XVIII. Ce qu’ils virent dans le pays
d’Eldorado
Fakir : caché dans une armoire, tapis déroulant de
l’aéroport de Barcelone, la valise Vuitton recueilli par
Sophie Morceaux
Candide : prisonnier des Bulgares, échappe à un autodafé,
recueilli par une vieille.
Rocambolesques, les aventures sont des mises en péril du
personnage principal qui doit s’en sortir seul ou aider par
d’autres personnes. Cela met à l’épreuve, c’est donc bien
un parcours initiatique.
L’exotisme (inversé pour Le Fakir qui vient de l’orient vers
l’occident) : l’affrontement de l‘altérité dans ce qu’elle
peut avoir de violente (menacer du bucher Candide, de
mort le fakir), sauver sa vie, réfléchir, grandir, changer de
comportement redessinent l’éthique du personnage
principal.
Les compagnons :
Fakir = Wiraj principalement mais il croise d’autres âmes
secourables.
Candide = Pangloss, Cacambo, Martin
Ceux qui guident, des mentors.
L’amour (Marie et Cunégonde) : un objectif de vie, quête
de la réassurance, du bonheur.
Fakir : mener une vie agréable à Paris loin des tourments
de son enfance (prostitution)
Voltaire : démystifier le proverbe Tout est pour le mieux
dans le meilleur des mondes possibles Leibniz.
Le rapport à l’autre : l’étranger/ le clandestin (Wiraj) =
réflexion sur la tolérance et la satire des mœurs ou des
dossier ouvert par Gustave Palourde. Spain [24] : Ajatashatru arrive à Barcelone et tombe nez à nez avec Gustave Palourde. [25] : Il parvient à s’échapper en sautant sur le tapis des bagages. [26] : Tom Cruise-Jesús Cortés Santamaría travaille à l’aéroport comme bagagiste. Il décide d’aider Gustave Palourde, gitan comme lui, et surtout parce qu’il est intéressé par la fille de ce dernier. [27] : Ajatashatru se glisse dans une grande malle. [28] : L’actrice Sophie Morceaux reprend sa malle à l’aéroport, laquelle contient Ajatashatru. [29] : Gustave Palourde et son ami bagagiste découvrent qu’Ajatashatru s’est installé dans une malle en partance pour l’Italie. [30] : Ajatashatru comprend qu’il est en avion. [31] : Ajatashatru sort de sa malle et découvre une soute où il voyage avec un chien. [32] : Ajatashatru est pris d’une envie d’écrire. [33] : Il écrit sur sa chemise les quatre premiers chapitres d’un roman intitulé Dieu voyage en taxi et qui raconte les tribulations d’un jeune terroriste kamikaze aveugle et afghan, Walid. Repéré, Walid se retrouve en prison au Sri Lanka où son compagnon de cellule lui décrit ce qu’il voit par la fenêtre. Puis, on lui adjoint un nouveau compagnon, lequel est sourd. Walid découvre que le premier lui a menti et qu’on ne voit rien d’autre par la fenêtre qu’un mur de briques. Italy [34] : À Rome, Ajatashatru explique à Sophie Morceaux comment il est arrivé dans sa malle. [35] : L’actrice l’invite à dîner. Pour l’occasion, il se baigne, ôte ses piercings et se rase la moustache. [36] : Ajatashatru tente d’appeler Marie et relit son roman.
Chapitre XIX. Ce qui leur arriva à Surinam, et
comment Candide fit connaissance avec Martin
Chapitre XX. Ce qui arriva sur mer à Candide et à
Martin
Chapitre XXI. Candide et Martin approchent des
côtes de France et raisonnent
Chapitre XXII. Ce qui arriva en France à Candide et
à Martin
Chapitre XXIII. Candide et Martin vont sur les côtes
d’Angleterre : ce qu’ils y voient
Chapitre XXIV. De Paquette et de frère Giroflée
Chapitre XXV. Visite chez le seigneur Pococurante,
noble vénitien
Chapitre XXVI. D’un souper que Candide et Martin
firent avec six étrangers, et qui ils étaient
Chapitre XXVII. Voyage de Candide à
Constantinople
Chapitre XXVIII. Ce qui arriva à Candide, à
Cunégonde, à Pangloss, à Martin, etc.
Chapitre XXIX. Comment Candide retrouva
Cunégonde et la vieille
Chapitre XXX. Conclusion
préjugés.
On assiste à un même voyage débridé mais qui a pour but
d’élever l’âme du protagoniste principal, de le
métamorphoser. Ce que l’on appelle une initiation.
Fakir : d’arnaqueur en homme de bien
Candide : de naïf en raisonnable
[37] : Gustave Palourde enquête pour retrouver Ajatashatru. [38] : Ajatashatru rencontre le manager de Sophie Morceaux qui lui arrange un rendez- vous avec un éditeur. [39] : Ajatashatru s’endort en repensant à tout ce qui lui est arrivé. [40] : Il appelle en Inde, puis contacte Marie. [41] : Marie, maintenant sûre d’être amoureuse d’Ajatashatru, se débarrasse de son amant d’un soir. [42] p. 214 : Ajatashatru rencontre le dirigeant des éditions du Grabuge. Il négocie un contrat avec 100 000 euros d’à- valoir. [43] : Ajatashatru est attaqué par un homme envoyé par Gustave Palourde. Il doit s’enfuir. [44] : Sophie Morceaux est déçue du départ inopiné d’Ajatashatru. Elle pense qu’il a trahi sa confiance. [45] : Ajatashatru parvient à échapper à son poursuivant en montant dans une montgolfière. [46] : La montgolfière perd de la hauteur au- dessus de la mer. Ajatashatru croit sa dernière heure arrivée. [47] : Aden Fik, commandant d’un bateau de marchandises, le Malevil, sauve Ajatashatru. Il se dirige vers la Libye. Libye [48] : À Tripoli, Ajatashatru descend après avoir payé son voyage d’une partie de sa fortune. [49] : Témoin de l’agression d’un Africain qui voulait tenter de passer en Europe, il n’intervient pas pour ne pas attirer l’attention sur lui. [50] : Ajatashatru retrouve, par hasard, Wiraj. [51] : Il raconte sa vie à Wiraj. [52] : Ajatashatru donne une partie de son argent à Wiraj pour qu’il puisse rentrer chez lui. [53] : Ajatashatru doit attendre deux jours le prochain avion pour Paris. Il ôte son turban.
[54] : Il attend finalement cinq jours à l’aéroport. France [55] : Ajatashatru prévient Marie de son arrivée prochaine à Paris. [56] : Arrivée à Paris. [57] : Marie se rend à l’aéroport en montant dans le taxi de Gustave Palourde. Celui-ci prépare le mariage de sa fille avec Tom Cruise- Jesús. [58] : Ajatashatru réécrit la fin de son roman : Walid est le seul survivant de l’explosion qu’il a déclenchée. Il avait imaginé tout le reste. Insatisfait de la fin, Ajatashatru décide de raconter sa propre histoire : L’Extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea. À l’arrivée, il se réconcilie avec Gustave Palourde avec un billet de 500 euros et la promesse d’utiliser des tours pour amuser les enfants. [59 : Quatre mois plus tard, Marie et Ajatashatru se fiancent. Le livre d’Ajatashatru rencontre un succès planétaire.
2) Sur quoi repose le comique L’extraordinaire voyage du fakir resté coincé dans une armoire Ikéa ?
Les noms des personnages fantaisistes : Sophie Morceaux, Gustave Palourde, Julio Sympa
Beaucoup d’éléments sont réalistes : Marc Lévy, évocation de Sophie Marceau, les lieux, les téléphones, l’argent et sa place… l’évocation d’éléments récents
comme l’immigration…
Le fakir fuit le gitan mais le gitan le retrouve à la fin : la boucle est bouclée et le fakir doit rendre des comptes. Il y a donc une justice en somme.
On part de la France pour revenir en France : le cycle est accompli, comme si rien ne s’était passé. Or ce n’est pas le cas. Laisse croire en la vanité de l’histoire.
Mais ce n’est pas le cas.
3) En quoi L’extraordinaire voyage du fakir resté coincé dans une armoire Ikéa est un conte philosophique ? Vous pouvez rechercher les topoï du conte
philosophique sur le Web (10mn).
genre narratif : on raconte une histoire, une intrigue, multiples péripéties.
récit imaginaire : irréalisme des situations vécues.
réflexion philosophique : sur la condition humaine et certaines normes de celles-ci.
esprit satirique: il s’agit de critiquer la société et montrer son dysfonctionnement au sujet des hommes et de leur comportement (leurs mœurs, leurs relations) ;
au sujet du pouvoir en place (abus de pouvoirs et inégalités). L’absurdité des reconduites à la frontière (pas la provenance respectée), (passage de la patate
chaude)…
réflexion sur la vie, la rencontre entre la conscience, la raison et le monde : L’imaginaire permet une réflexion sur l’homme, les aspects de la condition humaine.
Les concepts abordés relèvent d’une réflexion philosophique. La naissance dure du fakir, mère morte, tante abandonnique, fellation comme si c’était normal...
morale, comme dans l’apologue : dans le fakir : il retrouve le chemin du respect de l’autre comme on le verra dans l’extrait ci-après.
Parcours initiatique : les personnages sont des êtres fictifs, de papier, des héros d’apprentissage qui se forment au fil des épreuves rencontrées.
Dans Candide de Voltaire :
Même interrogation sur le bonheur et la destinée.
Une cible particulière : la philosophie optimiste de Leibniz. Voltaire fait le constat de l’omniprésence du mal (violence et injustice). Une réflexion plus large : politique, sociale et religieuse : Voltaire combat pour le respect des droits, pour la tolérance, pour la compréhension entre les hommes. Il remet en cause les conformismes, les institutions, la manière de raisonner. Il critique la monarchie absolue, le comportement des princes, l’inquisition… Voltaire voulait expliquer le monde et trouver une règle de vie prenant en compte tous les aspects de la connaissance, y compris les découvertes scientifiques récentes.
Or celles-ci renouvelaient les termes du débat métaphysique qui porte sur la nature de Dieu et de l'âme humaine Dans Candide, la réflexion porte sur l'existence du mal
et les conditions du bonheur. Les thèses optimistes et pessimistes s'affrontent par l'intermédiaire du leibnizien (philosophe qui pense que tout doit se produire quoiqu'il
se passe, que tout se produit par Dieu) Pangloss et du manichéen Martin. Le héros s'interroge également sur l'Origine de la Terre. Voltaire dans Candide dénonce les
illusions de l'Optimisme qui lui paraît à la fois ridicule et dangereux. Pangloss persuadé que tout est mieux, justifie par des raisonnements artificiels les réalités les plus
douloureuses. Il fait ainsi l'éloge de la vérole, fléau du 16e et 19e siècle. Il est d'autant plus fanatique que lui-même souffre, et ne survit qu'au prix de la perte d'un œil et
d'une oreille. L'ironie de Voltaire s'exerce à de multiples reprises sur Pangloss et Candide, en contredisant leurs propos providentiels par l'absurdité d'une réalité injuste.
Il est vrai que Voltaire déforme les théories de Leibniz, pour lequel « le Tout est Bien » et non « toutes les choses »
4) Comparez les deux extraits suivants : quels en sont les points communs ?
Extrait de l’Extraordinaire voyage du fakir
resté coincé dans une armoire Ikéa
Extrait de Candide Interprétation
Alors qu’elle arrivait à hauteur du poste de garde, la
petite souris indienne assista, impuissante, au racket
d’un très jeune Africain par deux militaires armés
jusqu’aux dents. L’un des deux hommes avait plaqué
l’étranger contre un mur et l’autre était en train de lui
En approchant de la ville, ils rencontrèrent un nègre
étendu par terre, n’ayant plus que la moitié de son
habit, c’est-à-dire d’un caleçon de toile bleue ; il
manquait à ce pauvre homme la jambe gauche et la
main droite.
Un homme noir : l’un immigré, l’autre esclave
(nègre de Surinam),
A la merci des hommes blancs et de leur
violence : la cupidité et la domination
(supériorité soutenue comme légitime),
faire les poches, nonchalamment, la clope au bec. Ils
lui prirent les quelques billets qu’il avait et son
passeport. Ils en tireraient un bon prix au marché noir.
Puis les militaires crachèrent par terre et regagnèrent
leur guérite en s’esclaffant.
Le Noir, dépossédé de son identité et du peu d’argent
qu’il avait pour garantir sa traversée vers l’Italie, se
laissa glisser contre le mur comme une proie vidée de
son sang qui n’a plus la force de se tenir debout.
Quand il se trouva le cul sur le sol poussiéreux, il
enfonça sa tête dans ses genoux pour disparaître de
cet enfer.
Ajatashatru en eut froid dans le dos. S’il n’avait pas
été aussi visible que la muraille de Chine depuis
Google Earth, dans ses fringues de banquier, il se
serait agenouillé à côté du malheureux et l’aurait aidé
à se relever.
Mais il valait mieux ne pas attirer encore plus
l’attention sur lui. Oui, il se serait agenouillé et il lui
aurait parlé de l’Italie ou de la France, il lui aurait dit
que le voyage en valait la peine. Qu’il avait des amis
comme lui qui en ce moment même devaient être en
train de bondir dans un camion pour l’Angleterre, les
poches pleines de biscuits au chocolat achetés en
France, dans un supermarché où l’on trouvait des
choses à profusion et où tout semblait vous tendre la
main, pour peu que vous ayez quelques billets
imprimés des deux côtés. Qu’il fallait qu’il tienne bon,
que la terre promise était là, de l’autre côté de la mer,
à quelques heures de montgolfière. Que là-bas, il y
avait des gens qui l’aideraient. Que les « beaux pays »
étaient une boîte de chocolats et que tomber sur la
police n’était pas le plus probable. Et puis elle ne
frappait pas avec de grands bâtons comme dans son
village. Il y avait de bons gars partout.
« Eh ! mon Dieu ! lui dit Candide en hollandais, que
fais- tu là, mon ami, dans l’état horrible où je te vois ?
— J’attends mon maître, M. Vanderdendur, le fameux
négociant, répondit le nègre.
— Est- ce M. Vanderdendur, dit Candide, qui t’a traité
ainsi ?
— Oui, monsieur, dit le nègre, c’est l’usage. On nous
donne un caleçon de toile pour tout vêtement deux
fois l’année. Quand nous travaillons aux sucreries, et
que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la
main ; quand nous voulons nous enfuir, on nous
coupe la jambe : je me suis trouvé dans les deux cas.
C’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe.
Cependant, lorsque ma mère me vendit dix écus
patagons sur la côte de Guinée, elle me disait : “Mon
cher enfant, bénis nos fétiches, adore-les toujours, ils
te feront vivre heureux ; tu as l’honneur d’être esclave
de nos seigneurs les blancs, et tu fais par-là la fortune
de ton père et de ta mère.” Hélas ! je ne sais pas si j’ai
fait leur fortune, mais ils n’ont pas fait la mienne. Les
chiens, les singes, et les perroquets, sont mille fois
moins malheureux que nous ; les fétiches hollandais
qui m’ont converti me disent tous les dimanches que
nous sommes tous enfants d’Adam, blancs et noirs. Je
ne suis pas généalogiste ; mais si ces prêcheurs disent
vrai, nous sommes tous cousins issus de germain. Or
vous m’avouerez qu’on ne peut pas en user avec ses
parents d’une manière plus horrible.
— Ô Pangloss ! s’écria Candide, tu n’avais pas deviné
cette abomination ; c’en est fait, il faudra qu’à la fin je
renonce à ton optimisme.
— Qu’est-ce qu’optimisme ? disait Cacambo.
— Hélas ! dit Candide, c’est la rage de soutenir que
tout est bien quand on est mal » ; et il versait des
larmes en regardant son nègre ; et en pleurant, il
Le désir de partir de recouvrer la liberté :
l’immigré trouver les beaux pays pour bien y
vivre (illusion, utopie), l’esclave = être libre,
Animalisation : traités pire que des animaux :
battu, amputé dans Candide et entassé dans
des camions au péril de leur vie dans le Fakir,
L’émotion : larmes du protagoniste principal
dans les 2 livres qui témoignent de sa
sensibilité, de son sens moral et aussi de son
éveil à la réalité du monde
L’éveil à la réflexion sur la condition
humaine : tout n’est pas pour le mieux dans le
meilleur des mondes possibles, l’optimisme
est un leurre.
Humour dans les noms : Wiraj prendre un
virage, Vanderdendur (avoir la dent dure)
La différence c’est que l’un est ici soulagé par
sa BA et l’autre reste déçu par ce qu’il vient
d’apprendre.
Dans les 2 livres, on assiste à la dénonciation d’un fait
insupportable : l’esclavage, des conditions de vie
indécentes, de la privation de liberté
Ces deux passages présentent un grand nombre de
caractéristiques communes :
un décor exotique,
de l’humour (jeux de mots sur les noms,
onomastique),
la dénonciation d’un scandale qui semble
lointain pour les Européens, les larmes du
personnage qui en prend conscience.
Mais il aurait aussi aimé lui dire que la vie avait un prix
trop élevé pour qu’on joue avec elle, et qu’il n’aurait
servi à rien d’arriver en Europe mort, noyé dans la
mer, asphyxié dans la cachette exiguë d’une
fourgonnette ou intoxiqué dans la citerne d’un
camion-essence. Ajatashatru repensa à cette histoire
que lui avait racontée Wiraj, à ces Chinois que la
police avait retrouvés entassés à dix dans le faux
plafond de deux mètres carrés d’un bus, avec des
couches de vieux pour se pisser dessus. Et ces
Érythréens qui avaient été jusqu’à appeler eux-mêmes
la police avec leur téléphone portable parce qu’ils
étouffaient dans un camion après y avoir été
enfermés par un passeur. Car pour les passeurs, qui
profitaient de la vulnérabilité des migrants, c’était le
même prix. Un prix qui pouvait aller de deux mille à
dix mille euros selon la frontière à traverser. Et
comme ils étaient payés au résultat, et que le résultat
c’était que le migrant arrive à destination, peu
importe si c’était entier ou en pièces détachées, ou si
la première chose qu’il voyait du beau pays, c’était la
chambre d’un hôpital. Dans le meilleur des cas.
Ajatashatru se rappela ce qu’il avait ressenti en
tombant à la mer dans sa montgolfière, la peur de
mourir seul et anonyme, de n’être jamais retrouvé, de
disparaître de la surface du globe d’un coup de vague,
d’un coup de gomme, hop, comme ça. Et puis le jeune
Africain avait sûrement une famille qui attendait son
retour quelque part, sur cette rive, sur ce continent. Il
ne pouvait pas mourir. Il ne devait pas mourir.
Oui, l’Indien aurait voulu lui dire tout cela. Mais il ne
bougea pas d’un centimètre. Autour de lui, la foule
avait repris vie comme des fourmis s’affairant à leur
besogne. Il jeta un coup d’œil vers la guérite. Les
soldats continuaient de rire grassement dans leur
entra dans Surinam.
Voltaire, Candide, chapitre XIX6
petit aquarium de verre. S’ils ne le dépouillaient pas
lui aussi, ce serait le commandant qui l’avait amené
jusqu’ici qui sortirait bientôt de son bateau comme
une furie, les yeux remplis de haine et de soif d’argent
et donnerait son signalement à tous les mercenaires
qui grouillaient dans le coin, et Bouddha sait s’il y en
avait ! Il ne fallait pas rester là.
Ajatashatru sortit un des billets de 500 euros qu’il
avait gardés dans sa poche et fila tout droit en
direction de la sortie. Au passage, il frôla le jeune
Africain et laissa tomber le billet à ses côtés en lui
glissant un « Good luck » dans sa barbe que
l’adolescent ne dut certainement pas entendre.
Ça y est, il venait d’aider quelqu’un. Son premier
humain. Et c’était d’une facilité déconcertante.
En agissant ainsi, une sensation de bien-être envahit
tout son corps. Il sentit une espèce de petit nuage
vaporeux naître dans sa poitrine et s’étendre dans
toutes les directions vers les extrémités de ses
membres.
Bientôt, le nuage l’enveloppa complètement et
Ajatashatru eut l’impression de quitter le sol
poussiéreux du port de Tripoli sur un énorme fauteuil
moelleux. C’était de loin la meilleure lévitation de
toute sa carrière de fakir. Et ce fut là le cinquième
électrochoc qui secoua son cœur depuis le début de
cette aventure.
A retenir :
C’est un candide moderne.
Tel Candide, sa naïveté recèle une forme de philosophie et de sagesse. Le fakir porte un regard ingénu mais aussi critique sur les pays qu’il traverse : la France,
l’Angleterre, l’Espagne, l’Italie et même la Lybie. Ces voyages insolites, effectués à bord d’une armoire, d’une valise ou d’une montgolfière, forment l’esprit du héros et
son sens critique au cours d’une quête métaphysique impromptue. Il rencontre tour à tour, l’amour, la misère du monde, l’amitié sincère et l’épanouissement
personnel. En cela, il est un avatar moderne du célèbre personnage de Voltaire.
Satire du monde moderne et de l’ensemble de ses travers : parcours guidé chez Ikéa, voyage facile pour les citoyens européens, pas de liberté des autres hommes, la
violence, le star système (Sophie Morceaux et Tom-Cruise Jésus)…
Ce qui est extraordinaire :
prendre du recul, ironiser sur les mœurs, ne pas se prendre au sérieux…
imaginer un récit fantaisiste qui permet une réflexion sur notre monde moderne et ses travers,
sortir de notre train-train quotidien pour ne pas se prendre au sérieux
faire un pas de côté pour bouleverser les habitudes et les représentations…
le faire avec l’humour (établir une relation entre deux éléments qui n’en ont pas d’emblée et instiller ainsi la réflexion)
critiquer le monde moderne qui n’est pas le plus parfait des monde (lutte contre les utopies, les représentations de notre monde moderne)
ne pas dire ce qu’il faut penser mais le suggérer et amener à le déduire.