suppl–ment au monde du vendredi 2 juin 2000. n 17216 - directeur de la … · 2018. 3. 26. ·...

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56 e ANNÉE – N o 17216 – 7,50 F -1,14 EURO FRANCE MÉTROPOLITAINE FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE COLOMBANI VENDREDI 2 JUIN 2000 Allemagne, 3 DM ; Antilles-Guyane, 10 F ; Autriche, 25 ATS ; Belgique, 48 FB ; Canada, 2,50 $ CAN ; Côte-d’Ivoire, 900 F CFA ; Danemark, 15 KRD ; Espagne, 225 PTA ; Gabon, 900 F CFA ; Grande-Bre- tagne, 1£ ; Grèce, 500 DR ; Irlande, 1,40 £ ; Italie, 3000 L ; Luxembourg, 46 FL ; Maroc, 10 DH ; Norvège, 14 KRN ; Pays-Bas, 3 FL ; Portugal CON., 270 PTE ; Réunion, 10 F ; Sénégal, 900 F CFA ; Suède, 16 KRS ; Suisse, 2,20 FS ; Tunisie, 1,4 Din ; USA (NY), 2 $ ; USA (others), 2,50 $. www.lemonde.fr KAFKA DANS LE CHÂTEAU DE LA PURETÉ Romans, courts récits, extraits des journaux : mystère d’une identité indissociable de l’écriture p. III L’INFORMATION, UN BIEN COLLECTIF ? La nature économique de la presse, par Patrick Le Floch et Nathalie Sonnac p. X SÉLECTION La liste des « poches » parus en mai p. XIII à XV International ............. 2 France .......................... 6 Société ......................... 8 Carnet........................... 10 Abonnements ............ 10 Horizons....................... 11 Entreprises ................. 14 Communication ........ 15 Tableau de bord ........ 16 Aujourd’hui ................ 19 Météorologie, jeux .. 22 Culture......................... 23 Guide culturel............ 25 Radio-Télévision....... 26 FESTIVAL Aller à Vienne, oui et non « On ne peut pas punir ceux qui ne veulent pas de Haider », déclare au Monde Luc Bondy (photo), directeur de la section théâtre du Festival de Vienne. En revanche, Patrice Chéreau, estimant qu’on « est en train d’oublier ce qui se passe en Autriche », renonce à participer au Festival de Salzbourg, ce que déplore son directeur, Gérard Mor- tier. Ces positions reflètent les débats qui traversent l’intelligentsia autri- chienne. p. 23 ENQUÊTE Les sœurs du CAC 40 Elles sont vouées corps et âme à la cé- lébration de la gloire de Dieu. Elles sont toujours habillées sobrement, dans les tons blanc, noir ou gris. Ce sont les re- ligieuses. Elles ont des inquiétudes pour leurs retraites. Elles sont donc parties à l’assaut du CAC 40. p. 11 EXPOSITION Hanovre universelle Premier rendez-vous du XXI e siècle ou dernier du XX e , l’exposition universelle de Hanovre (photo) ouvre ses portes au public jeudi 1 er juin. Les pavillons des 190 pays et organisations qui parti- cipent à cette manifestation tentent d’illustrer, avec plus ou moins de bon- heur, le thème choisi par les organisa- teurs allemands : « Hommes, nature, technologie, un monde nouveau se fait jour ». p. 19 LE MONDE DES LIVRES LE MONDE DES POCHES a Au sommaire : Cingria, Kafka, Christa Wolf, les poches de mai... AFP REINHARD WERNER Quelles nouvelles de la tortue luth, paisible géante des mers ? SA FAMILLE a vu le jour sur Terre avant les dinosaures. Elle a survécu à des cata- clysmes cosmiques ou à d’importants chan- gements climatiques et pourtant, en l’espace de quelques décennies seulement, la tortue luth, la plus grande, la plus lourde et la plus menacée des tortues marines, disparaît de bien des plages tropicales où elle avait l’habi- tude d’enfouir ses œufs dans la couveuse na- turelle qu’est le sable chaud. En 1982, on comptait 115 000 femelles adultes dans le monde. Ce chiffre est tombé à 34 500 en 1996 et cette courbe descendante paraît inexo- rable... C’est surtout dans l’océan Indien et dans le Pacifique que les populations sont en chute libre, comme le rappellent les auteurs d’une étude publiée dans l’hebdomadaire scienti- fique américain Nature du 1 er juin. Ainsi, écrivent-ils, « les tortues luths ont disparu d’Inde avant 1930, décliné presque totalement au Sri Lanka et sont passées, en Malaisie, de plusieurs milliers à deux individus en 1994 ». Ces chercheurs américains, qui travaillent au Costa-Rica sur le quatrième site de repro- duction au monde de ces reptiles, ont, depuis 1993, systématiquement identifié les fe- melles. Ils les ont guettées nuit après nuit, lorsqu’elles sortaient de l’onde noire pour pondre plusieurs dizaines d’œufs, et les ont munies d’étiquettes magnétiques, afin de dé- terminer combien de tortues pondaient chaque année et combien revenaient les an- nées suivantes. En 1988-1989, 1 367 femelles s’étaient péniblement sorties de l’eau pour enfouir leurs œufs sur le site costa-ricien de Playa Grande. Dix ans plus tard, elles n’étaient plus que 117. Les tortues luths ne sont pas parties ailleurs pour autant : des survols aériens réguliers des côtes d’Amé- rique centrale et d’Amérique du Sud n’ont révélé aucun nouveau site de ponte impor- tant. Si disparition de ces mangeuses de mé- duses il y a, c’est très probablement dû à l’ac- tivité humaine, estiment les auteurs de l’étude. Et, curieusement, ce n’est pas à terre, où, tel l’albatros de Baudelaire extirpé de son élément de prédilection, la tortue luth se traîne gauchement en victime facile, que le massacre s’effectue le plus. C’est en haute mer que cette nageuse hors pair, qui, malgré ses 400 kilos, peut filer à près de 50 kilo- mètres à l’heure, se fait « bêtement » captu- rer dans les filets des pêcheurs du Pacifique, qu’ils soient asiatiques, latino-américains ou hawaïens. On estime qu’au cours des an- nées 90 1 500 tortues luths femelles ont ainsi été prises dans ces implacables mailles. L’article de Nature n’est pas optimiste pour l’avenir de ces paisibles animaux, dont la carapace carénée et sans écailles peut évo- quer le luth, l’instrument de musique préféré des poètes. Selon les projections que ses au- teurs ont effectuées, le site étudié ne verra plus pondre que 50 femelles en 2003-2004, un chiffre insuffisant pour que l’espèce se perpétue, étant donné le taux de mortalité actuel. Seule l’incubation artificielle de bébés tortues, la protection totale des plages – ce qui signifie en clair leur fermeture au pu- blic – et, surtout, la réforme des pratiques de pêche dans l’océan Pacifique peuvent empê- cher qu’un jour la tortue marine géante ne disparaisse de notre planète. Cela serait triste. Et pas seulement pour la tortue. Pierre Barthélémy POINT DE VUE Pour raison nucléaire garder, vive le DARI ! par Georges Charpak D ANS un futur qui, à plus ou moins long terme, est menacé du tarissement des ressources énergétiques basées sur le charbon ou le pétrole, il est normal que de grands espoirs aient été fondés sur l’énergie nu- cléaire. Mais la production mas- sive de corps radioactifs artificiels qui accompagne cette forme d’énergie soulève aujourd’hui des interrogations et des inquiétudes quant aux dangers présentés par l’adoption massive de cette source d’énergie. Le problème majeur à présent pour l’industrie nucléaire est de montrer qu’elle est capable de gé- rer, de façon satisfaisante pour les générations à venir, les déchets ra- dioactifs des centrales nucléaires et de maintenir à zéro les risques de catastrophes type Tchernobyl. Il est essentiel de prendre en compte l’irradiation à laquelle sont soumis les humains, indépen- damment de l’énergie nucléaire, et c’est là qu’apparaissent les pièges. La mesure de la radioactivité est extraordinairement sensible. On peut déceler un atome unique qui se désintègre, alors qu’il faut le poids de millions de milliards d’atomes pour émouvoir la ba- lance la plus sensible. Cette pro- priété a permis à la radioactivité de féconder des sciences comme la biologie, la médecine, l’archéo- logie, en les dotant d’outils irrem- plaçables. On peut déceler des contamina- tions radioactives bien plus faibles que celles qui proviennent des corps radioactifs fossiles naturels qui imprègnent notre planète et nos propres tissus, et qui font que nous baignons toujours dans un imperceptible bain de radiations. Cela n’a pas empêché la matière vivante de se développer pendant les trois derniers milliards d’an- nées et cela ne joue aucun rôle sur notre santé. Lire la suite page 12 Georges Charpak est physi- cien. Il a reçu le prix Nobel en 1992. Femmes pasteurs DOMINIQUE HERNANDEZ DANS sa paroisse de Champi- gny (Val-de-Marne), Dominique Hernandez est l’une de ces femmes pasteurs de plus en plus nombreuses au sein de l’Eglise ré- formée de France. Principale composante du protestantisme français, cette Eglise réfléchit aux évolutions du métier de pasteur, lors de son synode, à Lyon, du 1 er au 3 juin. Lire page 8 L’Europe franco-allemande a L’ALLEMAGNE et la France sont parvenues à un accord de principe sur la réforme des ins- titutions européennes, selon les informations obtenues par notre correspondant à Berlin. Cet accord porte sur la pondération des voix au Conseil européen, les votes à majorité qualifiée, les coopéra- tions renforcées ou la nomination des commissaires européens. Il de- vrait permettre à Paris et à Berlin de faire pression sur les autres pays de l’Union afin d’obtenir une réforme des institutions fin 2000, au sommet européen de Nice. Le sommet américano-européen de Lisbonne a d’autre part permis de relativiser les différends entre les Etats-Unis et l’Union européenne. Lire page 4 et l’analyse de Daniel Vernet page 13 Afrique : la guerre des diamants b Après le pétrole et l’or, les diamants sont devenus un enjeu de guerre en Afrique b En Angola, au Congo Kinshasa et en Sierra Leone, ils jouent un rôle majeur dans les conflits b Freetown, Anvers, Tel-Aviv : l’enquête du « Monde » raconte les filières des « diamants de sang » Faux électeurs de Paris a Philippe Séguin propose une révision complète des listes électorales a Le candidat de la droite invoque « l’exigence de clarté » dans la capitale a Le député Vert Noël Mamère rappelé à l’ordre pour avoir mis en cause Jacques Chirac Lire pages 6 et 7 LA COMMUNAUTÉ internatio- nale commence à se mobiliser pour tenter de réglementer le commerce du diamant. Elle en- tend ainsi toucher au « nerf » des guerres qui ravagent l’Afrique. En Sierra Leone, les bandes du RUF, le mouvement rebelle de Foday Sankoh, installées sur les gise- ments les plus productifs du pays, vivent de la contrebande de dia- mants. En Angola, l’Unita, le mouve- ment de guérilla de Jonas Savimbi en conflit depuis des années avec le gouvernement central, a, grâce au diamant, les moyens d’entrete- nir une véritable armée. En Répu- blique démocratique du Congo (RDC, ex-Zaire), pouvoir central, armées étrangères, amies ou en- nemies, mouvements de rébellion divers ont dépecé le territoire et vivent de l’exploitation des res- sources minières – et notamment diamantifères – d’un des pays dont le sol est qualifié de « scan- dale géologique » tant il est riche. Le diamant nourrit la guerre, s’in- quiète l’ONU, qui a déjà mené une longue enquête sur le rôle du commerce du diamant dans la guerre civile angolaise. Le dia- mant entretient et suscite nombre des conflits qui mettent l’Afrique à feu et à sang. Le Monde raconte comment se sont mises en place des filières clandestines qui, via des intermédiaires libanais, ache- minent les pierres précieuses sur les deux plus grands marchés du monde, Anvers et Tel-Aviv. La de- mande est forte, pour cause de croissance aux Etats-Unis, en Asie et en Europe ; les marchés sont peu regardants sur l’origine des pierres. Les contrôles sont faibles, qui devraient permettre de limiter le commerce clandestin. La Grande- Bretagne veut les renforcer et proposera un code de bonne conduite au sommet du groupe dit des pays les plus industrialisés (le G 8) en juillet au Japon. Lire page 2 et notre éditorial page 13

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  • LeMonde Job: WMQ0206--0001-0 WAS LMQ0206-1 Op.: XX Rev.: 01-06-00 T.: 11:09 S.: 111,06-Cmp.:01,11, Base : LMQPAG 20Fap: 100 No: 0355 Lcp: 700 CMYK

    56e ANNÉE – No 17216 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE MÉTROPOLITAINE FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE COLOMBANIVENDREDI 2 JUIN 2000

    Côte-d’Ivoire, 900 F CFA ; Danemark, 15 KRD ;Espagne, 225 PTA ; Gabon, 900 F CFA ; Grande-Bre-tagne, 1 £ ; Grèce, 500 DR ; Irlande, 1,40 £ ; Italie, 3000 L ;Luxembourg, 46 FL ; Maroc, 10 DH ; Norvège, 14 KRN ;Pays-Bas, 3 FL ; Portugal CON., 270 PTE ; Réunion, 10 F ;Sénégal, 900 F CFA ; Suède, 16 KRS ; Suisse, 2,20 FS ;Tunisie, 1,4 Din ; USA (NY), 2 $ ; USA (others), 2,50 $.

    www.lemonde.fr

    VENDREDI 2 JUIN 2000

    SUPPLÉMENT AU MONDE DU VENDREDI 2 JUIN 2000. No 17216 - DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : JEAN-MARIE COLOMBANI - IMPRIMERIE LE MONDE

    KAFKA DANS LE CHÂTEAU DE LA PURETÉRomans, courts récits, extraits des journaux : mystère d’une identité indissociable de l’écriture p. III

    L’INFORMATION, UN BIEN COLLECTIF ?La nature économique de la presse,par Patrick Le Flochet Nathalie Sonnac p. X

    SÉLECTIONLa listedes « poches »parus en mai p. XIII à XV

    EXPOSITION

    HanovreuniversellePremier rendez-vous du XXIe siècle oudernier du XXe, l’exposition universellede Hanovre (photo) ouvre ses portes aupublic jeudi 1er juin. Les pavillons des190 pays et organisations qui parti-cipent à cette manifestation tententd’illustrer, avec plus ou moins de bon-heur, le thème choisi par les organisa-teurs allemands : « Hommes, nature,technologie, un monde nouveau se faitjour ». p. 19

    LE MONDE DES LIVRESLE MONDE DES POCHES

    a Au sommaire :Cingria, Kafka,Christa Wolf,les poches de mai...

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    Quelles noSA FAMILLE a vu le jour sur T

    Femmes pasteurs

    L’Europefranco-allemande

    L’ALLEMAGNE et la France

    Afrique : la guerre des diamantsb Après le pétrole et l’or, les diamants sont devenus un enjeu de guerre en Afrique

    b En Angola, au Congo Kinshasa et en Sierra Leone, ils jouent un rôle majeur dans les conflitsb Freetown, Anvers, Tel-Aviv: l’enquête du «Monde» raconte les filières des «diamants de sang»

    Faux électeursde Parisa Philippe Séguin

    LA COMMUNAUTÉ internatio-nale commence à se mobiliser

    quiète l’ONU, qui a déjà menéune longue enquête sur le rôle du

    pour tenter de réglementer lecommerce du diamant. Elle en-tend ainsi toucher au « nerf » desguerres qui ravagent l’Afrique. EnSierra Leone, les bandes du RUF,le mouvement rebelle de FodaySankoh, installées sur les gise-ments les plus productifs du pays,vivent de la contrebande de dia-mants.

    En Angola, l’Unita, le mouve-ment de guérilla de Jonas Savimbien conflit depuis des années avecle gouvernement central, a, grâceau diamant, les moyens d’entrete-nir une véritable armée. En Répu-blique démocratique du Congo(RDC, ex-Zaire), pouvoir central,armées étrangères, amies ou en-nemies, mouvements de rébelliondivers ont dépecé le territoire etvivent de l’exploitation des res-sources minières – et notammentdiamantifères – d’un des paysdont le sol est qualifié de « scan-dale géologique » tant il est riche.Le diamant nourrit la guerre, s’in-

    uvelles de la tortue luth, paisible géante derre avant 1993, systématiquement identifié les fe-

    melles. Ils les ont guettées nuit après nuit,ses 400 k

    Pour raisongarder, vivepar Georges Charp

    ANS un futur qui, àplus ou moins long

    commerce du diamant dans laguerre civile angolaise. Le dia-mant entretient et suscite nombredes conflits qui mettent l’Afriqueà feu et à sang. Le Monde racontecomment se sont mises en placedes filières clandestines qui, viades intermédiaires libanais, ache-minent les pierres précieuses surles deux plus grands marchés dumonde, Anvers et Tel-Aviv. La de-mande est forte, pour cause decroissance aux Etats-Unis, en Asieet en Europe ; les marchés sontpeu regardants sur l’origine despierres.

    Les contrôles sont faibles, quidevraient permettre de limiter lecommerce clandestin. La Grande-Bretagne veut les renforcer etproposera un code de bonneconduite au sommet du groupedit des pays les plus industrialisés(le G 8) en juillet au Japon.

    Lire page 2et notre éditorial page 13

    propose unerévision complètedes listes électorales

    a Le candidatde la droite invoque« l’exigence de clarté » dans la capitale

    a Le député VertNoël Mamèrerappelé à l’ordrepour avoirmis en causeJacques Chirac

    Lire pages 6 et 7

    ENQUÊTE

    Les sœursdu CAC 40Elles sont vouées corps et âme à la cé-lébration de la gloire de Dieu. Elles sonttoujours habillées sobrement, dans lestons blanc, noir ou gris. Ce sont les re-ligieuses. Elles ont des inquiétudespour leurs retraites. Elles sont doncparties à l’assaut du CAC 40. p. 11

    es mers ? ilos, peut filer à près de 50 kilo-

    les dinosaures. Elle a survécu à des cata-clysmes cosmiques ou à d’importants chan-gements climatiques et pourtant, en l’espacede quelques décennies seulement, la tortueluth, la plus grande, la plus lourde et la plusmenacée des tortues marines, disparaît debien des plages tropicales où elle avait l’habi-tude d’enfouir ses œufs dans la couveuse na-turelle qu’est le sable chaud. En 1982, oncomptait 115 000 femelles adultes dans lemonde. Ce chiffre est tombé à 34 500 en 1996et cette courbe descendante paraît inexo-rable...

    C’est surtout dans l’océan Indien et dans lePacifique que les populations sont en chutelibre, comme le rappellent les auteurs d’uneétude publiée dans l’hebdomadaire scienti-fique américain Nature du 1er juin. Ainsi,écrivent-ils, « les tortues luths ont disparud’Inde avant 1930, décliné presque totalementau Sri Lanka et sont passées, en Malaisie, deplusieurs milliers à deux individus en 1994 ».

    Ces chercheurs américains, qui travaillentau Costa-Rica sur le quatrième site de repro-duction au monde de ces reptiles, ont, depuis

    lorsqu’elles sortaient de l’onde noire pourpondre plusieurs dizaines d’œufs, et les ontmunies d’étiquettes magnétiques, afin de dé-terminer combien de tortues pondaientchaque année et combien revenaient les an-nées suivantes. En 1988-1989, 1 367 femelless’étaient péniblement sorties de l’eau pourenfouir leurs œufs sur le site costa-ricien dePlaya Grande. Dix ans plus tard, ellesn’étaient plus que 117. Les tortues luths nesont pas parties ailleurs pour autant : dessurvols aériens réguliers des côtes d’Amé-rique centrale et d’Amérique du Sud n’ontrévélé aucun nouveau site de ponte impor-tant.

    Si disparition de ces mangeuses de mé-duses il y a, c’est très probablement dû à l’ac-tivité humaine, estiment les auteurs del’étude. Et, curieusement, ce n’est pas àterre, où, tel l’albatros de Baudelaire extirpéde son élément de prédilection, la tortue luthse traîne gauchement en victime facile, quele massacre s’effectue le plus. C’est en hautemer que cette nageuse hors pair, qui, malgré

    POINT DE VUE

    mètres à l’heure, se fait « bêtement » captu-rer dans les filets des pêcheurs du Pacifique,qu’ils soient asiatiques, latino-américains ouhawaïens. On estime qu’au cours des an-nées 90 1 500 tortues luths femelles ont ainsiété prises dans ces implacables mailles.

    L’article de Nature n’est pas optimistepour l’avenir de ces paisibles animaux, dontla carapace carénée et sans écailles peut évo-quer le luth, l’instrument de musique préférédes poètes. Selon les projections que ses au-teurs ont effectuées, le site étudié ne verraplus pondre que 50 femelles en 2003-2004,un chiffre insuffisant pour que l’espèce seperpétue, étant donné le taux de mortalitéactuel. Seule l’incubation artificielle de bébéstortues, la protection totale des plages – cequi signifie en clair leur fermeture au pu-blic – et, surtout, la réforme des pratiques depêche dans l’océan Pacifique peuvent empê-cher qu’un jour la tortue marine géante nedisparaisse de notre planète. Cela seraittriste. Et pas seulement pour la tortue.

    Pierre Barthélémy

    a sont parvenues à un accordde principe sur la réforme des ins-titutions européennes, selon lesinformations obtenues par notrecorrespondant à Berlin. Cet accordporte sur la pondération des voixau Conseil européen, les votes àmajorité qualifiée, les coopéra-tions renforcées ou la nominationdes commissaires européens. Il de-vrait permettre à Paris et à Berlinde faire pression sur les autrespays de l’Union afin d’obtenir uneréforme des institutions fin 2000,au sommet européen de Nice. Lesommet américano-européen deLisbonne a d’autre part permis derelativiser les différends entre lesEtats-Unis et l’Union européenne.

    Lire page 4 et l’analysede Daniel Vernet page 13

    International ............. 2France .......................... 6Société ......................... 8Carnet........................... 10Abonnements ............ 10Horizons....................... 11Entreprises ................. 14

    Communication ........ 15Tableau de bord ........ 16Aujourd’hui ................ 19Météorologie, jeux .. 22Culture......................... 23Guide culturel............ 25Radio-Télévision....... 26

    FESTIVAL

    Aller à Vienne,oui et non« On ne peut pas punir ceux qui neveulent pas de Haider », déclare auMonde Luc Bondy (photo), directeurde la section théâtre du Festival deVienne. En revanche, Patrice Chéreau,estimant qu’on « est en train d’oublierce qui se passe en Autriche », renonceà participer au Festival de Salzbourg, ceque déplore son directeur, Gérard Mor-tier. Ces positions reflètent les débatsqui traversent l’intelligentsia autri-chienne. p. 23

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    ressources énergétiques baséessur le charbon ou le pétrole, il estnormal que de grands espoirsaient été fondés sur l’énergie nu-cléaire. Mais la production mas-sive de corps radioactifs artificielsqui accompagne cette formed’énergie soulève aujourd’hui desinterrogations et des inquiétudesquant aux dangers présentés parl’adoption massive de cette sourced’énergie.

    Le problème majeur à présentpour l’industrie nucléaire est demontrer qu’elle est capable de gé-rer, de façon satisfaisante pour lesgénérations à venir, les déchets ra-dioactifs des centrales nucléaireset de maintenir à zéro les risquesde catastrophes type Tchernobyl.

    Il est essentiel de prendre encompte l’irradiation à laquellesont soumis les humains, indépen-damment de l’énergie nucléaire, etc’est là qu’apparaissent les pièges.

    La mesure de la radioactivité est

    peut déceler un atome unique quise désintègre, alors qu’il faut lepoids de millions de milliardsd’atomes pour émouvoir la ba-lance la plus sensible. Cette pro-priété a permis à la radioactivitéde féconder des sciences commela biologie, la médecine, l’archéo-logie, en les dotant d’outils irrem-plaçables.

    On peut déceler des contamina-tions radioactives bien plus faiblesque celles qui proviennent descorps radioactifs fossiles naturelsqui imprègnent notre planète etnos propres tissus, et qui font quenous baignons toujours dans unimperceptible bain de radiations.Cela n’a pas empêché la matièrevivante de se développer pendantles trois derniers milliards d’an-nées et cela ne joue aucun rôle surnotre santé.

    Lire la suite page 12

    Georges Charpak est physi-cien. Il a reçu le prix Nobel en 1992.

    Allemagne, 3 DM ; Antilles-Guyane, 10 F ; Autriche,25 ATS ; Belgique, 48 FB ; Canada, 2,50 $ CAN ;

    DOMINIQUE HERNANDEZ

    DANS sa paroisse de Champi-gny (Val-de-Marne), DominiqueHernandez est l’une de cesfemmes pasteurs de plus en plusnombreuses au sein de l’Eglise ré-formée de France. Principalecomposante du protestantismefrançais, cette Eglise réfléchit auxévolutions du métier de pasteur,lors de son synode, à Lyon, du1er au 3 juin.

    Lire page 8

  • LeMonde Job: WMQ0206--0002-0 WAS LMQ0206-2 Op.: XX Rev.: 01-06-00 T.: 11:05 S.: 111,06-Cmp.:01,11, Base : LMQPAG 20Fap: 100 No: 0356 Lcp: 700 CMYK

    I N T E R N A T I O N A LLE MONDE / VENDREDI 2 JUIN 2000

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    Avancée des rebelles et prochain retrait britanniqueL’armée sierra-léonaise a annoncé, mercredi 31 mai, que les re-

    belles avaient repris mardi la ville de Lunsar, au nord-est de Free-town, qui était passée sous contrôle gouvernemental le 29 mai. Lalocalité serait tombée après cinq heures de combats, lorsque lesforces pro-gouvernementales ont dû se retirer, après avoir épuiséleurs munitions. Mercredi, les « bérets verts » de l’armée britan-nique ont annonçé leur prochain départ à la population de Free-town. Les soldats du Royaume-Uni ont distribué des tracts annon-çant le départ de leur contingent, mais sans en donner la date.Londres avait annoncé que la mission des troupes britanniques seterminerait à la « mi-juin ». – (AFP.)

    A l’ONU, la France contre les « pierres sales »NEW YORK (Nations unies)

    de notre correspondanteAux Nations unies, les diamants sont désormais re-

    connus comme des instruments de guerre, des armesmeurtrières nourrissant les conflits civils qui déchirentl’Afrique. Ainsi, en Sierra Leone, l’exploitation illégale despierres a transformé les quelques centaines de rebelles duRUF en une force impressionnante de 20 000 hommes ar-més jusqu’aux dents. A l’ONU, la France est aujourd’huiaux avant-postes dans la lutte contre les diamants« sales ». Dans une lettre, obtenue par Le Monde, adres-sée au secrétaire général, Kofi Annan, la délégation fran-çaise recommande l’établissement rapide d’une commis-sion d’enquête formée d’un groupe d’experts pour« traiter l’exploitation illégale » des ressources naturelles dela République démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre),où pas moins de six pays se font la guerre.

    Ces cinq experts seront chargés, pour six mois, de réu-nir des informations sur le pillage des diamants. Ils

    doivent aussi étudier « les liens entre l’exploitation des res-sources et la poursuite du conflit » en RDC et présenter auConseil de sécurité des recommandations qui pourrontaboutir à des sanctions. Le texte préparé par Paris concer-nant la RDC devrait, dans les jours à venir, être intégrédans une résolution plus générale touchant aussi la SierraLeone, rédigée par les Britanniques, qui eux aussi exigentque « toutes les transactions de diamants » passent par legouvernement de Freetown. Le problème, en SierraLeone, est le rôle joué par les régimes voisins, notammentau Liberia, dont le président Charles Taylor est universelle-ment reconnu comme ayant « amplement » profité dupillage des diamants en Sierra Leone. En RDC aussi, lesAnglo-Saxons préfèrent, plutôt que de viser « l’exploitationillégale » des ressources, que l’on se réfère à « l’exploita-tion » tout court, pour tenir compte du pillage « autorisé »des mines par des armées telles que celle du Zimbabwe...

    Afsané Bassir Pour

    NIGERIA

    TCHAD

    NIGER

    BENIN

    BENINBURKINA F.

    CÔTED'IVOIRE

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    CAMEROUNLIBERIA

    GUINÉE

    GHANA

    GABON

    SOUDAN

    ÉTHIOPIE

    SOMALIE

    KENYA

    TANZANIE

    ANGOLA

    ZAMBIE

    ZIMBABWENAMIBIE

    BOTSWANA

    MOZAMBIQUE

    MADAGASCAR

    AFRIQUE DU SUD

    LESOTHO

    G M

    MALAWI

    COMORES

    OUGANDAG.-E.

    S.

    DJIBOUTI

    RÉP. CENTRAFRICAINE

    RÉP. DÉM. DUCONGO

    SIERRALEONE

    O C É A N

    I N D I E N

    CONGO

    RWANDA

    BURUNDI

    Sur le « continent noir », quatre des cinq premiers producteurs dans le monde

    PRODUCTION MONDIALE DE DIAMANTS *(estimation 1999, en millions de dollars)

    L’Afrique fournit 4 des 5 premiers producteursmondiaux de diamants (la Russie apparaissant en n° 2), et 9 des 15 premiers. Preuve de saconnaissance de l’écoulement délictueux de certains gemmes, la De Beers publie desdonnées de production selon deux catégories :« conflict » et « non-conflict ». Ainsi, elle estimeque l’Angola a produit en 1999 pour 468 millionsde dollars de diamants « non conflictuel », et pour 150 de diamants « conflictuels », issus de zones non soumises à l’autorité gouvernementale.La RDC respectivement pour 361 et 35 millions de dollars.La Sierra Leone pour 70 millions, entièrement issusde zones « conflictuelles ».

    Rang mondial

    RWANDA

    MINES DE DIAMANTS

    PAYS PETITS PRODUCTEURS OU NON PRODUCTEURSDIFFUSEURS DE DIAMANTS

    * Source : De Beers

    6184e

    17821er

    7763e

    3967e

    4305e

    6184e

    7010e

    4013e

    6711e

    2414e

    SAO TOMÉET PRINCIPE

    O C É A N

    A T L A N T I Q U E

    500 km

    KASAÏOCCIDENTAL

    LONDRESde notre correspondant à la City« Un chef doit toujours être un

    poète. Il doit parler au nom des dieux,des génies et des esprits de la mort »,philosophait le sergent Learoyd, hé-ros de L’Adieu au Roi, de PierreSchoendorfer, qui, dans la brousse,s’était taillé un royaume à sa me-sure. Le président du Zimbabwe,Robert Mugabe, n’a probablementpas une telle ambition poétique, luiqui vient d’obtenir deux bellesconcessions de diamants en Répu-blique démocratique du Congo(RDC, ex-Zaïre), en paiement deson soutien militaire au régime duprésident Laurent-Désiré Kabila, enguerre contre ses opposants inté-rieurs et les Etats qui les sou-tiennent (Ouganda, Rwanda), les-quels contrôlent l’est et lenord-ouest du pays.

    L’exploitation de la mine de Tshi-bua et des dépôts alluviaux de la ri-vière Senga-Senga, dans le Kasaï-Oriental, sur une étendue de500 km2, a ainsi été confiée auconsortium Oryx Diamonds. Cetteentreprise regroupe l’Osleg, pôle in-dustriel de l’armée du Zimbabwe,Cosleg, son alter ego en RDC,contrôlé par le régime Kabila, et desintérêts omanais. Elle est une filialede Petra Diamonds, petite sociétéminière sud-africaine, à laquelle estnotamment associée une firme mi-nière établie par des mercenairescombattant en Sierra Leone. Selonle Mining Journal de Londres du26 mai, Oryx percevra 40 % des bé-néfices à venir, les Zimbabwéens40 % et la société de M. Kabila 20 %.

    Le projet de cotation d’Oryx, le13 juin, sur l’Alternative InvestmentMarket, équivalent londonien du se-cond marché parisien, a mis enémoi la City. « Que se passera-t-ilavec un contrat en cas de change-ment de gouvernement [dans l’un ou

    l’autre des pays concernés] ? Etacheter de tels titres sur ce marchépose un problème éthique, puisquel’investisseur finance indirectementune guerre civile », affirme JohnClemmow, spécialiste de l’Afriquechez le courtier Investec. Mais plusqu’une affaire financière, la contro-verse Oryx tourne à Londres à l’af-faire d’Etat. Car cette coentreprise aété ouvertement créée pour fairepayer, faute de liquide, la facture du

    soutien militaire d’Harare au gou-vernement de M. Kabila. Par ail-leurs, le parti du président Mugabe,l’Union nationale africaine du Zim-babwe-Front patriotique (ZANU-PF), principal actionnaire d’Osleg,avec l’armée zimbabwéenne, estaussi le fer de lance de l’occupationde fermes de Blancs par des « vété-rans » de la guerre d’indépendance.Enfin, à en croire l’ONG britanniqueGlobal Witness, la concession

    confiée à Oryx a été retirée autori-tairement par M. Kabila à la sociétéd’Etat Minière de Bakwanga (Miba).

    Cette affaire intervient alors quela communauté internationale s’ef-force d’endiguer le commerce desdiamants de « sang », utilisés pourfinancer les guerres en Afrique. Al’instar du pétrole et de l’or dans lesannées 70-80, les pierres de feu sontdésormais devenues le nerf de laguerre à l’échelle du continent noir,

    favorisant les dérives sanglantes.Les protagonistes se servent deszones diamantifères qu’ilscontrôlent pour acheter des armes.Jadis le Liberia, l’ex-Rhodésie, laNamibie ou le Zaïre du maréchalMobutu ont été en proie à de telsconflits. De nos jours, c’est le cas del’Angola, de la Sierra Leone et de laRDC.

    CODE DE CONDUITEAujourd’hui, la campagne enga-

    gée par Global Witness contre les« diamants de conflits » a trouvé unécho auprès des gouvernants. Aunom de la diplomatie « éthique », laGrande-Bretagne travailliste a misla création d’un code de conduitedes achats de diamants à l’ordre dujour de la prochaine réunion desministres des finances du G 8, au Ja-pon en juillet, dans l’espoir de tarirla source de pierres illicites. A Was-hington, des auditions ont été orga-nisées le mois dernier par laCommission des relations interna-tionales de la Chambre des repré-sentants. L’ONU, elle, a enquêté surle trafic qui alimente l’effort deguerre de l’Unita, le mouvement re-belle de Jonas Savimbi en Angola.

    Le conglomérat sud-africain DeBeers, maître jusqu’ici du marchémondial, n’est pas en reste (lire ci-dessous). Il a gelé ses achats en pro-venance d’Angola et a fermé sonbureau de Freetown, capitale de laSierra Leone. La firme, qui contrôle65 % du diamant mondial, étudiel’introduction d’un certificat de« garantie de provenance » pour cal-mer les appréhensions des ache-teurs. Plus qu’une réforme, une ré-volution pour cette impérieuseentreprise qui, jusqu’à présent, nese souciait guère d’éthiquecommerciale. Sous le régime del’apartheid en Afrique du Sud, la DeBeers avait fermé les yeux sur le tra-

    fic qui permettait aux alliés africainsde Pretoria de s’approvisionner enarmes. Mais, avec l’avènement dupouvoir noir, les pressions des in-vestisseurs institutionnels et l’effortde lobbying des ONG, le géant sud-africain a été contraint de sortir deson immobilisme. « La compagniecraint par-dessus tout une réactionhostile des consommateurs contre lesdiamants, particulièrement aux Etats-Unis, premier marché au monde desventes de bijoux, comme ce fut le casavec la fourrure », souligne le spé-cialiste londonien Mark Cockle.

    Une mobilisation générale donc,mais pour quels résultats ? Les cir-cuits de blanchiment, via les pays li-mitrophes, sont bien organisés. Li-banais en Afrique de l’Ouest, Belgesdans la région des Grands Lacs et Is-raéliens en Afrique australe : la puis-sance des intermédiaires et l’effica-cité des systèmes de contrebandesont des obstacles redoutables à lalutte contre ce fléau. Le plussouvent, les diamants font sans pro-blème l’aller et retour entre le paysproducteur et un paradis fiscal, avecla complicité des centres de taille(Anvers, Tel-Aviv, etc.) et desbanques diamantaires. Ainsi Oryxest domiciliée dans les îles Caïmans,et Petra est immatriculée aux Ber-mudes.

    Les experts s’interrogent sur lanature exacte d’Oryx, dont le pros-pectus, remis à la Bourse deLondres, évoque des gisements dequalité supérieure. Or la productiondu Kasaï est de piètre qualité, diteindustrielle, et destinée à la petitejoaillerie. A Londres, on murmurequ’Oryx ne serait qu’une coquillevide, destinée à blanchir les dia-mants angolais, qui comptent parmiles plus belles gemmes brutes dumonde.

    Marc Roche

    Diamantaires et chefs de guerre se jouent des contrôles en Sierra LeoneLONDRES

    de notre correspondant à la CityLa crise en Sierra Leone pose le

    problème du contrôle des impor-tations de diamants « sales » parles autorités d’Anvers, premiercentre mondial de commercialisa-tion des pierres précieuses. Actuel-lement, il n’existe aucun moyenscientifique permettant d’identi-fier l’origine d’un diamant brut.Comme l’explique un profession-nel du grand port flamand, lecontrôle à Anvers des entrées dediamants provenant de pays « àproblèmes » africains, comme l’an-cienne colonie britanniqued’Afrique de l’Ouest, n’est guèrecapable d’endiguer le trafic très or-ganisé de pierres de contrebande.

    Les contrôles officiels en Bel-gique sont effectués à deux ni-veaux via les agents des douaneset les experts du Diamont Office,l’organisme de contrôle dépen-dant du ministère des affaireséconomiques. La nécessité pourles diamantaires belges de se pro-curer une licence d’import-exportcomplète un dispositif antifraudejugé léger et surtout peu contrai-gnant. Sous la pression de l’orga-

    nisation de défense des droits del’homme Global Witness, l’ONUs’est attaquée récemment au traficde diamants, considéré comme lepremier responsable de la pour-suite de la guerre civile dans plu-sieurs pays africains, comme laSierra Leone, l’Angola et la Répu-blique démocratique du Congo(RDC). Ainsi, en mars, un rapportdes Nations unies a accusé plu-sieurs pays africains de complicitédans les violations des sanctionsau profit des rebelles angolais del’Unita (Union nationale pour l’in-dépendance totale de l’Angola). LaBelgique s’est également retrou-

    vée sur la sellette, en raison dulaxisme de ses contrôles sur les im-portations de diamants bruts.

    Mais, de l’avis des experts, l’ar-senal des sanctions internationalesest aisément contourné à Anvers.Ainsi, le Diamont Office est dé-pourvu des moyens, en hommescomme financiers, pour mener àbien sa tâche de surveillance d’unmarché qui a représenté un chiffred’affaires annuel de 23,2 milliardsde dollars en 1999 (24,9 milliardsd’euros). Seule une demi-douzained’experts sont chargés, parexemple, de vérifier l’authenticitéde documents concernant des

    transactions de milliards de carats.Vu l’énormité des sommes en jeu,l’opération de contrôle doit êtrerapide pour réduire le coût finan-cier de l’immobilisation des lots.Or, si théoriquement un expert estcapable d’identifier sans trop dedifficultés l’origine nationale d’unimportant lot de pierres brutes, lavérification de gros diamants iso-lés s’avère impossible. Par ailleurs,rien ne permet de séparer, au seind’un même pays, la production of-ficielle de celle venant de zones te-nues par les rebelles.

    Les diamants « sales » de SierraLeone, quasi totalement exploitéspar la faction rebelle de FodaySankoh, sont blanchis en transi-tant par plusieurs pays sous unefausse identité. Première étape decette filière, les pays voisins de laSierra Leone comme le BurkinaFaso, la Côte d’Ivoire ou le Liberia.Les intermédiaires traditionnels enAfrique de l’Ouest que sont les né-gociants libanais servent de relaisauprès des diamantaires belges, is-raéliens et sud-africains. D’Afriqueoccidentale, les pierres muniesd’un certificat d’origine falsifiétransitent ensuite par un pays eu-

    ropéen non membre de l’Unioneuropéenne, par exemple laSuisse, ce qui permet d’éviter depayer la taxe en Belgique sur lesimportations de diamants bruts.« A l’arrivée à Anvers, on change lecertificat d’origine, le nom SierraLeone disparaît au profit du Brésilou d’Israël pour les faire rentrer offi-ciellement en Belgique. Toutes lespierres de même catégorie − Bots-wana, Namibie, Afrique du Sud,Angola et Sierra Leone – sont en-suite mélangées et le tour est joué »,explique un diamantaire pour quila panoplie des sanctions de l’ONUou du G 8 est totalement inopé-rante.

    Contrainte de réagir aux accusa-tions de laxisme, la Belgique a dé-cidé, il y a deux mois, de financerau titre de la coopération la créa-tion d’un équivalent du DiamontOffice en Angola et en SierraLeone. Mais au vu du haut degréde corruption des gouvernementssur place et aux ravages de laguerre civile, pareille initiative ap-paraît comme purement symbo-lique.

    M. R.

    AFRIQUE La communauté inter-nationale veut endiguer le trafic des« pierres sales », devenues le nerfdes guerres en Afrique. b LE PRÉ-SIDENT du Zimbabwe, Robert Mu-

    gabe, a obtenu deux concessions dediamants en République démocra-tique du Congo (RDC), afin de se ré-munérer pour le soutien de son ar-mée aux troupes de Laurent-Désiré

    Kabila. b UNE SOCIÉTÉ, Oryx, repré-sentant les intérêts des dirigeantscongolais et zimbabwéens, de-mande à être cotée à Londres. b Al’ONU, la France veut créer un

    groupe d’experts pour enquêter etproposer des sanctions. b L’EN-QUÊTE du Monde montre commentchefs de guerre et diamantaires dé-jouent d’insuffisants contrôles. b LA

    CONTROVERSE sur la répression dutrafic de diamants accelère la trans-formation du sud-africain De Beers,maître du marché (lire aussi notreéditorial page 13).

    Comment les « diamants de sang » financent les guerres africainesCommerce et trafic de pierres précieuses alimentent plusieurs conflits sur le continent. A Londres, une société minière représentant les intérêts

    des dirigeants du Zimbabwe et du Congo-Kinshasa demande à être cotée en Bourse. Les pays occidentaux et les places financières commencent à réagir

    La De Beers fait sa mue sous la pression des traficsLONDRES

    de notre correspondant à la CityTransformation du mode de

    fonctionnement, bouleversementdes relations avec les acheteurs pri-vilégiés de pierres, réduction dustock de diamants, offensive publi-citaire et refus d’acheter desgemmes provenant de pays enproie à des guerres civiles : le plusgrand cartel de tous les temps, lacompagnie sud-africaine De Beers,entend devenir une compagnie mi-nière comme une autre. Provoquéepar les menaces d’implosion dusystème sous l’effet de la mondiali-sation, cette réforme a été accélé-rée par la controverse sur la ré-pression internationale des traficsde diamants.

    Depuis sa fondation, dans les an-nées 1930, la Central Selling Orga-nisation (CSO), bras commercial dela De Beers à Londres, avait troisfonctions : d’abord la commerciali-sation de diamants bruts prove-nant de ses propres mines (Afriquedu Sud, Botswana, Namibie) et desfournisseurs affiliés (Russie, Brésil,Canada...) auxquels la CSO s’ef-force de garantir un débouché ré-gulier et des prix stables ; ensuite,le groupe agit comme un tamponpour adapter l’offre à la demande.Il constitue des réserves quand lestemps sont difficiles et « déstoc-ke » en période de prospérité. En-fin, la De Beers s’occupe de la pro-motion des ventes de bijoux, grâceà un budget annuel de publicité de170 millions de livres (274 millionsd’euros).

    BOULEVERSEMENT MAJEURLa montée en puissance des tra-

    fics de diamants, essentiellementen provenance d’Afrique, maisaussi de Russie, second producteurmondial, entraîne aujourd’hui unbouleversement majeur à la DeBeers. L’heure est désormais au re-centrage sur les activités d’extrac-tion et de commercialisation de lavénérable maison fondée auXIXe siècle par l’aventurier CecilRhodes.

    La compagnie, tapie au centred’une toile d’araignée d’oùrayonnent des participations croi-sées complexes, craint d’être enporte-à-faux avec la politique delibre concurrence de l’Union euro-péenne.

    De fait, Bruxelles s’inquiète del’emprise de la De Beers sur le mar-ché diamantaire. Sa position domi-nante lui a déjà valu d’être décla-rée, depuis une décennie, personanon grata aux Etats-Unis. Le titre aégalement souffert d’une forte dé-cote boursière, en raison de sonrôle « historique » de rempartcontre les retournements deconjoncture ou les tentatives dedumping incontrôlés de la part de

    producteurs en manque de devises.Enfin, la structure complexe de laholding familiale contrôlant la DeBeers contrevient aux régleséthiques du « gouvernement d’en-treprise ».

    Aux yeux des analystes, ces la-cunes ont occulté les points fortsde l’empire-écrin : solidité du bilan,considérables facilités de crédit,notamment auprès des banqueshelvétiques, importance de ses re-venus non-diamantaires et savoir-faire de ses dirigeants, à commen-cer par son président, Nicholas Op-penheimer, petit-fils du fondateurde la CSO.

    M. R.

  • LeMonde Job: WMQ0206--0003-0 WAS LMQ0206-3 Op.: XX Rev.: 01-06-00 T.: 10:26 S.: 111,06-Cmp.:01,11, Base : LMQPAG 20Fap: 100 No: 0357 Lcp: 700 CMYK

    I N T E R N A T I O N A L LE MONDE / VENDREDI 2 JUIN 2000 / 3

    Deux bataillons françaispourraient éventuellementrenforcer la Finul au Liban

    Paris attend des assurances de Beyrouth

    La Syrie accepte lafrontière fixée par l’ONU

    L’émissaire des Nations uniesau Proche-Orient, le diplomatenorvégien Terje Roed-Larsen, arencontré, à Damas, les autori-tés syriennes. A l’issue de cesentretiens, il a indiqué que laSyrie « a accepté dans sa totali-té » le rapport du secrétaire gé-néral de l’ONU, Kofi Annan, qui,le 22 mai, fixait le tracé de lafrontière internationale. Selonce rapport, un territoire contes-té, les « fermes de Chébaa », n’estpas concerné par la résolution425 qui exige d’Israël la restitu-tion du sud du Liban occupé de-puis 1978, mais par les résolu-tions 242 et 338 sur le retraitisraélien des territoires occupésdepuis 1967. – (Reuters.)

    LA MARINE française tient prêtsquatre bateaux de guerre en prévi-sion d’un « feu vert » gouverne-mental – qui n’est pas encore ac-quis – de participer, ou non, à undoublement des effectifs de la Forceintérimaire des Nations unies (Fi-nul) au Liban sud si l’ONU le déci-dait. A Paris, on considère que lesconditions ne sont pas réunies (LeMonde du 27 mai). Le ministre desaffaires étrangères, Hubert Védrine,a notamment expliqué, mercredi31 mai, à LCI, que les « autorités li-banaises ont dit, encore aujourd’hui,qu’elles n’enverraient pas leur arméeau Liban sud » pour y rétablir lasouveraineté nationale. Or, selon

    M. Védrine, le « dispositif de l’ONU,basé sur la résolution 425, n’a de sensque pour aider le Liban à restaurerson autorité » dans la région et pas« pour se substituer à lui et y faire, àsa place, ce qu’il devrait y faire ».

    Un conseil restreint à l’Elysée, au-quel participaient, autour du chefde l’Etat, Lionel Jospin et trois deses ministres, avait, dans la matinéedu même jour, examiné la situationsans arrêter de décision. Les respon-sables français attendent, en effet,le milieu de la semaine prochainepour constater si le gouvernementlibanais, que la France est prête à ai-der, remplit ses obligations d’admi-nistrer le sud du pays.

    En attendant de voir comment lasituation évolue localement pour cequi est de la vérification des frontières, les états-majors françaisont été sollicités d’établir leur planification.

    LE « FOCH » TROP AGRESSIFUn instant envisagé, l’emploi

    éventuel du porte-avions Foch a étéabandonné parce qu’il est jugé tropagressif – même tenu à distancepour favoriser la mobilité de laforce sur le terrain grâce à ses héli-coptères embarqués – dans unemission « onusienne » d’interposi-tion et de maintien de la paix. C’esten finale le concept d’une force na-vale d’assistance qui a été choisi, àpartir d’une flotte de transports dechalands de débarquement (TCD).

    Le TCD Siroco, pour l’instant àToulon (Var), est tenu en réserve. Ilsera rejoint, le cas échéant, par lesTCD Foudre et Orage qui sont, à cejour, en manœuvre alliée au largede Messine (Sicile) et qui ont étéprévenus d’un éventuel déroute-ment. Il est prévu que ces trois TCDdevront être accompagnés par unefrégate et un navire-ravitailleur. Ace dispositif naval s’ajoutent desavions de transport militaire Transall.

    Déplaçant 12 000 tonnes à pleinecharge et conçu pour des actions dedébarquement sur une plage nonaménagée en zone d’insécurité, leSiroco aura pour rôle, si la missionest confirmée, d’acheminer un pre-mier contingent de soldats françaisen face de Tyr, au Liban sud. LesFoudre et Orage, qui déplacent8 500 tonnes à pleine charge, sontdes transports d’assaut qui em-barquent des hélicoptères etpeuvent déposer à terre, grâce à deschalands, divers matériels, commedes blindés légers, des pièces d’ar-tillerie ou des radars de surveillancedes frontières. A ce jour, la France adétaché 250 hommes auprès de laFinul. Si les conditions mises enavant par la France devaient êtreremplies, notamment pour ce quiest de la durée du mandat « onu-sien », des règles d’engagement dela force, de sa composition et del’espace géographique de son inter-vention, le contingent françaispourrait compter deux bataillons(1 600 hommes).

    Jacques Isnard

    Aux Philippines, les otages étrangerspris au piège d’un système local de banditisme

    Primes pour mercenaires et rackets contre les voyageurs fleurissent à JoloLes dix-neuf otages étrangers enlevés par les rebelles musulmans du groupe Abu Sayyaf ensont à près de six semaines de détention dans

    l’île de Jolo, à l’extrême sud des Philippines, etaucun espoir précis ne se dessine pour leur libé-ration. Autant que des terroristes politisés, ils

    sont les prisonniers d’un système de banditismesur lequel les autorités de Manille n’ont guèreprise, et qui va en s’aggravant avec la crise.

    BANGKOKde notre correspondant

    en Asie du Sud-EstPrès de six semaines après leur

    enlèvement, les dix-neuf otagesétrangers, dont deux Français, prispar les rebelles musulmans qui seréclament du groupe Abu Sayyafsont devenus l’attraction principaled’un sinistre cirque dans l’île philip-pine de Jolo. En temps ordinaire, ony compte davantage d’armes qued’hommes adultes. Les forces régu-lières dépêchées sur place par Ma-nille ayant desserré leur étau pourfaciliter des négociations, les habi-tants de cette île, située dans l’ex-trême sud des Philippines,s’adonnent à un sport prisé dansdes mers courues, en toute impuni-té, par des pirates : faire monter lesenchères et, au passage, se donnerdu bon temps.

    La crise des otages est une au-baine pour beaucoup. Pour renfor-cer les gardes, les ravisseurs ont faitappel à des jeunes chômeurs ducru, y compris des adolescents. Lepetit noyau de terroristes n’a guèred’autorité sur ces bandes d’ama-teurs qui jouent avec leurs armes,

    dont la motivation finale est,comme on dit à Jolo, l’« argent ins-tantané », primes occasionnellespour mercenaires.

    Les intermédiaires ne manquentpas pour contribuer à organiser desvisites payantes aux otages. Desjeunes armés, dont on ignore lesliens avec les « commandants »d’Abu Sayyaf, ont installé leurspropres contrôles routiers pour ex-torquer l’argent des voyageurs.L’accès aux otages est encore plusonéreux. Cette situation n’a pu sedévelopper que grâce à des compli-cités, y compris dans la haute ad-ministration de l’île.

    ACCÈS PAYANTCette évolution n’est guère sur-

    prenante. A Jolo, terre des Tausuks,une ethnie fortement islamisée,pratiquement tout homme acombattu, à un moment donné,l’autorité de Manille. Le fonction-naire local type a été entraîné en Li-bye et l’uléma formé en Syrie. Si lesdirigeants d’Abu Sayyaf sontcondamnés pour leurs méthodes,ce sont aussi des cousins qui ontparticipé aux luttes des années 80

    avant de devenir des dissidents,puis des bandits de grand chemin.Les otages sont les prisonniers nonseulement d’un petit groupe debandits mais aussi d’un système.

    Une fois leur lieu de détention repéré, un raid de commandos professionnels aurait pu libérer lesotages, probablement auxmoindres frais. Les forces arméesphilippines ne disposent pas de cetype d’unité : elles ont donc envoyésur place des fantassins et des ran-gers qui, dans un premier temps,ont établi un cordon sanitaire au-tour de l’endroit où étaient regrou-pés les captifs. Ils ont tiré quelquesobus de mortier et fait quelques pa-trouilles jusqu’au moment où, sousla pression internationale, Manille afait prévaloir des négociations. Detoute façon, le cordon s’était, entre-temps, révélé une passoire ; en rai-son, notamment, de la présenced’un bataillon local d’anciens insur-gés musulmans qui ont fait la paixavec Manille en 1996.

    Comme tous les musulmans duSud, citoyens de seconde zone, lesdirigeants d’Abu Sayyaf émettentdes revendications politiques :

    qu’on laisse les musulmans gérerleurs propres affaires ou, parexemple, qu’on mette fin au pillagedes eaux des petits archipels méri-dionaux par des pêcheurs étrangers.Ils multiplient désormais les re-quêtes, allant jusqu’à réclamer uneenquête sur les conditions de vie dudemi-million de Philippins installésdans l’Etat malaisien du Sabah, del’autre côté de la mer des Célèbes.

    Mais, ainsi que l’a dit le porte-pa-role du chef de l’Etat philippin, « s’ily a des demandes politiques, vouspouvez discuter sans fin et cela n’au-ra aucun effet sur la situation » desotages. Aussi, au point où en sontles choses, le versement d’une ran-çon demeure-t-elle la seule priseréelle du pouvoir sur les ravisseurs.Or, à Jolo, de plus en plus de genssont impliqués. L’insécurité est de-venue un genre de vie. RobertoAventajado, conseiller du présidentphilippin, rappelle que, pour libérerd’autres otages enlevés par legroupe Abu Sayyaf, les négocia-tions ont pris, jusqu’ici, « de trois àsix mois ».

    Jean-Claude Pomonti

    La Chine en postured’arbitre dans la crise coréenne

    PÉKINde notre correspondant

    Le « numéro un » nord-coréen,Kim Jong-il, a effectué, du lundi 29au mercredi 31 mai, une visite his-torique à Pékin, dans des condi-tions de confidentialité qui frisaientle burlesque. Alertés depuis Séoul,journalistes et diplomates se sontheurtés à un mutisme des autoritéschinoises qui valait confirmationimplicite. Selon un porte-parole duministère sud-coréen des affairesétrangères, les autorités chinoisesont informé Séoul de cette visite.Arrivé en train, accompagné d’unecinquantaine d’officiels, le dirigeant de la Corée du Nord a regagné son pays par la mêmevoie, après avoir rencontré le pré-sident Jiang Zemin et des membresdu bureau politique du Particommuniste.

    GOÛT DU MYSTÈREC’est la première visite à l’étran-

    ger de Kim Jong-il depuis qu’il asuccédé à son père, Kim Il-sung,décédé en 1994. Avant même sonarrivée au pouvoir suprême, sessorties du pays étaient exception-nelles. Cette fois-ci, un accord a étépassé avec les autorités pékinoisesafin de garder le secret – pour desraisons de sécurité autant que pargoût du mystère − tant qu’il étaitprésent sur le sol chinois. Ce dépla-cement, pourtant, était dans l’airdepuis une année. Le 5 mars, Kimavait effectué une visite à l’ambas-sade de Chine à Pyongyang.

    La visite confirme la place cen-trale que la Chine occupe dans lespréparatifs du sommet intercoréen,

    prévu du 12 au 14 juin à Pyon-gyang. Depuis une année déjà, Pé-kin a densifié ses relations autantavec le Nord qu’avec le Sud de lapéninsule. Une bouderie s’était ins-tallée avec Pyongyang, allié de laChine depuis la guerre de Corée(1950-1953), après la reconnais-sance diplomatique de Séoul parPékin, en 1992, et les accusationsconsécutives contre les « traîtres àla révolution » (allusion auxChinois) lancées par le régime stali-nien du Nord. Le climat s’est ré-chauffé à partir de juin 1999.

    Avec Séoul, Pékin a noué un dia-logue sur les questions de sécurité :les ministres de la défense ontéchangé des visites en août 1999 eten janvier. Un ambassadeur sud-coréen de haut niveau, HongSoong-young, ancien ministre desaffaires étrangères, a été nommé àPékin, témoignant de l’importanceattachée à la Chine par le présidentKim Dae-jung.

    Pékin récupère ainsi un rôle depremier plan pour toute tentativede résolution de la crise coréenne.« Les Chinois tirent le gros lot, com-mente un diplomate occidental. Ilsapparaissent incontournables, ce quiva dans le sens de leur ambition dedevenir parrains du processus depaix dans la péninsule. » LesChinois cherchent en effet à fairecontrepoids aux Etats-Unis, qu’ilssoupçonnent d’exagérer la réalitédu danger stratégique nord-coréenafin de justifier la mise en placed’un bouclier antimissile auquel ilssont farouchement hostiles.

    Frédéric Bobin

  • LeMonde Job: WMQ0206--0004-0 WAS LMQ0206-4 Op.: XX Rev.: 01-06-00 T.: 10:56 S.: 111,06-Cmp.:01,11, Base : LMQPAG 20Fap: 100 No: 0358 Lcp: 700 CMYK

    4 / LE MONDE / VENDREDI 2 JUIN 2000 I N T E R N A T I O N A L

    Saisie d’un rapport d’Amnesty InternationalLes douaniers de l’aéroport de Moscou ont saisi, dimanche 28 mai,

    une centaine d’exemplaires d’un rapport sur la Tchétchénie de l’organi-sation de défense des droits de l’homme Amnesty International, le qua-lifiant de « propagande antirusse ». Membre d’Amnesty, Mariana Kat-zarova se rendait en Ossétie du Nord, où se tient un colloque organisépar le ministère des affaires étrangères russe et le conseil de l’Europe.Mme Katzarova allait distribuer ce rapport sur les violations des droits del’homme et les exactions des troupes russes, texte disponible sur le siteInternet www.amnesty.org. Dans une interview au quotidien anglo-phone Moscow Times, elle explique avoir été interrogée deux heures parles douaniers, qui lui ont demandé si elle était tchétchène... – (Corresp.)

    La France et l’Allemagne ont trouvé un accordsur la réforme des institutions européennes

    Convergences de vues à la veille de la présidence françaiseL’Allemagne et la France – qui prend la prési-dence européenne au 1er juillet – sont parvenuesà un accord de principe sur la réforme des insti-

    tutions européennes, selon des sources alle-mandes. L’accord sur les principaux points a étéobtenu en marge d’une rencontre à Paris du se-

    crétaire d’Etat allemand aux affaires euro-péennes, Cristoph Zöpel, avec son homologuefrançais, Pierre Moscovici.

    BERLINde notre correspondant

    « Vous devez parvenir à un résultat.Ne soyez pas trop durs. » C’est lemessage qu’a fait passer le ministreallemand des affaires étrangères,Joschka Fischer (Verts), à ses diplo-mates chargés de trouver un accordavec leurs homologues français surla réforme des institutions euro-péennes, à la veille de la présidencefrançaise de l’Union européenne.Les Français ont eux aussi faitpreuve de volonté d’aboutir : l’Aus-waertiges Amt, le ministère alle-mand des affaires étrangères, et leQuai d’Orsay sont parvenus, mardi30 mai, à un accord de principe surle sujet, a appris Le Monde de sourceallemande. Les diplomates de deuxpays ont répondu aux exigences for-mulées à Rambouillet le 19 mai parle chancelier Gerhard Schröder, leprésident Jacques Chirac et le pre-mier ministre Lionel Jospin, et lesdeux ministres des affaires étran-gères.

    L’accord, qui a été obtenu enmarge d’une rencontre à Paris du se-crétaire d’Etat allemand aux affaireseuropéennes, Christoph Zöpel, avecson homologue Pierre Moscovici,doit encore être béni par M. Fischeret Hubert Védrine, ce qui ne devraitpas poser de problème. « Nous al-lons pouvoir donner un signal deMayence » lors du sommet franco-allemand qui doit se tenir le 9 juindans cette ville, se réjouit un diplo-mate allemand. Cette bonne en-tente doit permettre de faire pres-sion sur les autres pays pour obtenirune réforme des institutions fin2000 au sommet européen de Nice.

    Les mesures sont les suivantes : b La pondération des voix au

    Conseil européen. La France a ac-cepté que l’Allemagne pèse pluslourd qu’elle, l’Italie et la Grande-Bretagne dans les décisions duConseil européen. A l’heure où deplus en plus de décisions vont êtreprises à la majorité qualifiée, l’Alle-magne, qui compte 82 millions d’ha-bitants, insistait pour que les déci-sions du Conseil aient une plus fortelégitimité démocratique et que l’onprenne en compte son écart de po-pulation avec les autres grands pays.Berlin met en avant sa volonté desouplesse, pour ne pas faire perdrela face à ses homologues. Plusieursmodèles sont proposés : adopterune double majorité, qui consiste àne pas modifier la pondération desvoix, mais à procéder après chaquevote à un deuxième scrutin reflé-tant, lui, le poids de la population ;représenter les pays en fonction dela racine carrée de leur population ;pondérer de manière dégressive lapopulation. Ce dernier système per-mettrait de moins faire peser dans labalance les 23 millions d’habitantsque l’Allemagne a en plus que laFrance. Il permettrait aussi deprendre en compte les soucis desPays-Bas, qui pèsent le même poidsmais sont plus peuplés que la Bel-gique, la Grèce et le Portugal.

    b Les votes à la majorité quali-fiée. La règle deviendrait de prendreles décisions à la majorité qualifiée,l’unanimité devant devenir l’excep-tion. Toutefois, l’unanimité persiste-rait dans quatre domaines : les me-sures nécessitant une ratificationdes parlements nationaux, les déci-sions de caractère constitutionnel,celles concernant la défense et lesforces armées, enfin celles qui « en-traîneraient un recul » de l’intégra-

    tion européenne, remettant encause l’acquis communautaire et lemarché intérieur. La France conser-verait ainsi son autonomie en ma-tière de défense ainsi que son droitde veto dans la politique agricolecommune, celle-ci faisant partie del’acquis communautaire. Le sujet esttrès sensible, de nombreux pays de-mandant de ne plus faire financerl’agriculture par Bruxelles mais parles Etats membres.

    b Les coopérations renforcées.Celles-ci permettent à plusieurspays de poursuivre ensemble l’inté-gration européenne dans divers do-maines – monnaie, défense, sécuritéintérieure –, mais les pays qui neveulent pas en faire partie ont droitd’y mettre leur veto. France et Alle-magne estiment que le veto doit dis-paraître, y compris dans le domainede la politique extérieure, indique-t-on de source allemande.

    b La nomination des commis-saires européens. Le nombre decommissaires doit à l’avenir êtresensiblement inférieur au nombreactuel de vingt. Chaque pays propo-serait un commissaire, à chargepour le président de la Commissionde les choisir. « Le président réflé-chira à trois fois avant de ne pasprendre de commissaire d’un des cinqgrands pays qui avaient jusqu’àprésent deux commissaires », précise-t-on de source allemande.

    b Le Parlement. « Le nombremaximal de députés serait de 700,chaque pays aurait droit à un nombreminimal de 4 députés, tandis que larépartition refléterait la population dechaque pays », explique-t-on desource allemande. Des aménage-ments sont possibles, pour ménagerles susceptibilités, car, ci cette règle

    était appliquée du jour au lende-main, l’Allemagne verrait le nombrede ses députés augmenter, et lesautres grands pays le nombre desleurs baisser.

    b Accord sur la langue. LesFrançais ont décidé de soutenirl’usage de la langue allemande dansl’Union européenne, troisièmelangue à côté de l’anglais et du fran-çais. Toutefois, l’anglais et le fran-çais demeurent seules langues pourla politique extérieure et de sécurité.Une polémique avait éclaté en 1999pendant la présidence finlandaise,Helsinki ayant refusé l’usage de l’al-lemand lors de ses conseils infor-mels. Les Allemands s’étaientplaints du manque de soutien de Pa-ris. Berlin estimait qu’à ne pas sou-tenir l’allemand le français finiraitlui aussi par disparaître, l’anglaiss’imposant comme seule langue detravail. Certains diplomates alle-mands avaient menacé en termespeu voilés d’accélérer le processusen abandonnant le français pourl’anglais.

    b La charte des droits fonda-mentaux. Deux conceptions s’af-frontent sur ce qui pourrait formerun embryon de Constitution euro-péenne : les Français veulent unedéclaration large, mais non contrai-gnante juridiquement, les Alle-mands le contraire. « Inscrire dans lacharte le droit au logement ou à untravail ne va pas résoudre le problèmedu chômage », déclare un Allemand.On pourrait se diriger vers unecharte large non contraignante,avec l’engagement de rendre àterme ses dispositions contrai-gnantes.

    Arnaud Leparmentier

    Attentat meurtrier contre un représentant du pouvoir russe en TchétchénieMOSCOU

    de notre correspondant« Ou bien nous mettons fin au

    terrorisme en Tchétchénie, ou biennous devrons y faire face partout etdurant longtemps » : le présidentrusse n’a pas souhaité commenterplus avant le revers subi par Mos-cou, mercredi 31 mai. Sergueï Zve-rev, l’adjoint du gouverneur russeen Tchétchénie Nikolaï Kochman,a été tué dans un attentat non loinde Grozny. Sa voiture a explosésur deux mines et essuyé plusieurstirs. Egalement présents dans levéhicule, le maire tchétchène pro-russe de Grozny, Soupian Mokht-chaïev, a été blessé, et une de sesadjointes, Nourseda Khabousseïe-va, tuée.

    Plus de quatre mois après laprise de Grozny et sa destructiontotale, cette opération démontreque les troupes russes n’ont pas lecontrôle de la ville, malgré un dé-ploiement d’hommes et de maté-riel sans précédent. Nikolaï Koch-man a aussitôt accusé le présidenttchétchène, Aslan Maskhadov,d’avoir commandité cet attentat,expliquant que le « maire de Groz-ny était le premier visé ». En re-vanche, l’entourage de ce derniermettait en cause les combattantswahhabites (islamistes radicaux),notant que le maire était origi-naire de leur fief, Ourous Martan.Le même jour, une bombe explo-sait dans une caserne de Volgo-grad, à 900 kilomètres au sud deMoscou, tuant deux soldats et enblessant treize. Les responsableslocaux parlaient aussitôt d’« unepiste tchétchène ». L’attentat n’apas été revendiqué.

    Ces deux événements sont in-tervenus alors que, la veille, le pré-sident tchétchène faisait de nou-velles offres de paix au Kremlin.Dans une interview au journalMoskovskii Novosti, un des vice-présidents tchétchènes, Vakha Ar-sanov, explique : « nous sommesprêts à des concessions substan-tielles, probablement plus impor-tantes que celles attendues par lapartie russe ». « Si Aslan Maskha-dov, comme négociateur, neconvient pas aux Russes, nous pou-vons proposer une autre personnemandatée pour signer au nom desTchétchènes », ajoute-t-il. M. Ar-sanov se dit prêt à ce que la ques-tion « du statut de la Tchétchéniene soit pas évoquée », si Moscoufait de même. Il explique s’être

    mis d’accord avec le présidenttchétchène « sur le fait qu’aprèsl’arrêt des combats, nous démis-sionnerons, le peuple pourra élirede nouveaux dirigeants ». Enfin, ilassure avoir « assez de forces et demoyens pour faire pression » sur leschefs de guerre Bassaev et Khat-tab.

    FORCES TCHÉTCHÈNES DIVISÉESCes déclarations ont mis le

    Kremlin dans l’embarras. Jugéesde « quelque intérêt », mardi, parSergueï Iastrjembski, elles étaientqualifiées de « bluff » le lendemainaprès l’attentat de Grozny. Cen’est pas la première fois que desinitiatives publiques visant à l’en-gagement de négociations sontimmédiatement contrées par des

    actes militaires. Le 10 mai, PavelKracheninnikov, président de lacommission des lois de la Doumaet responsable d’une commissiond’enquête sur la Tchétchénie,avait rencontré en Ingouchie unproche de M. Maskhadov, KazbekMakhachev. « Il faudra bien unjour arriver à la paix », expliquaitle député russe, partisan d’une so-lution politique rapide.

    Ce premier contact officiel avaitprovoqué la fureur des générauxrusses, comme de certains chefsde guerre opposés au présidenttchétchène. Le lendemain, unconvoi russe tombait dans uneembuscade en Ingouchie et dix-neuf soldats étaient tués. Le géné-ral Guennadi Trochev accusaitaussitôt le président ingouche,Rouslan Aouchev, l’homme quiavait organisé la rencontre, delaisser « les terroristes s’installer »dans cette république voisine de laTchétchénie. Cette embuscade« est une provocation qui s’est faitesans l’accord du commandementtchétchène », assure Vakha Arsa-nov, dans son entretien à Moskov-skii Novosti. Le « parti de laguerre », tant à Moscou qu’au seinde forces tchétchènes divisées,continue ainsi de dominer le jeu.

    François Bonnet

    Européens et Américainsrelativisent leurs différends

    au sommet de LisbonneLes contentieux commerciaux demeurent

    Polémique surles « sanctions tournantes »américaines

    Le système des sanctions amé-ricaines « tournantes », portédevant l’OMC, constitue dansl’immédiat le point de friction leplus important entre Européenset Américains. Dès la semaineprochaine, les Quinze vont en-gager des consultations devantl’OMC à propos de la législationaméricaine dite « carrousel ».L’an dernier, à la suite d’un rè-glement en leur faveur del’OMC, à propos des contentieuxsur la banane et le bœuf auxhormones, les Etats-Unis ont im-posé quelque 300 millions dedollars de sanctions commer-ciales à l’Europe, certains pro-duits étant frappés de droits dedouane de 100 %. A partir du19 juin, de nouveaux produitsseront visés tous les six mois siles Européens n’obtempèrentpas avec le règlement de l’OMC.Ces derniers estiment que cettelégislation « tournante » est encontradiction avec les règles del’OMC. – (Corresp.)

    BRUXELLESde notre bureau européen

    L’expression « guerre commer-ciale transatlantique » serait dé-sormais à bannir. Les relationsentre l’Europe et les Etats-Unis se-raient devenues suffisamment« adultes » pour que les deux par-ties envisagent de régler sereine-ment leurs différends. Si cette pré-sentation très consensuelle de larencontre Europe-Etats-Unis quis’est tenue, mercredi 31 mai, à Lis-bonne devait résister à l’épreuvedes faits, les résultats de ce som-met transatlantique semestriel neseraient pas minces. A en croireAntonio Guterres, le premier mi-nistre portugais, dont le pays pré-side l’Union européenne, « la fixa-tion de cette nouvelle doctrine desrelations euro-américaines est unélément très important. Nous avonsdécidé qu’à l’avenir, a-t-il indiquéau Monde, tous nos différendscommerciaux seront traités de façonpragmatique et objective, dans lecadre strict de l’OMC (Organisationmondiale du commerce) ».

    A l’aune de la longue histoire descontentieux commerciaux entrel’Amérique et le Vieux Continent,une telle affirmation laisse dubita-tif, d’autant que, s’agissant de ceuxqui empoisonnent actuellement lesrelations transatlantiques (aidesaméricaines à l’exportation, dites« FSC », bananes, bœuf aux hor-mones, subventions à l’aviation ci-vile), le sommet de Lisbonne n’apermis aucune avancée significa-tive. Il n’en demeure pas moinsqu’un climat plus pragmatiquesemble s’instaurer. On « remplacela diplomatie du mégaphone parcelle du téléphone », a noté Roma-no Prodi, président de la Commis-sion européenne. Américains etEuropéens sont également sou-cieux de relativiser leurs diver-gences au regard de l’importancede leurs intérêts communs : entermes financiers, celles-ci pèsentbien peu face à un volumed’échanges qui atteint près de450 milliards d’euros par an. L’Eu-rope n’a pas à se plaindre, puisquela balance commerciale penche ensa faveur avec un excédent de26,5 milliards d’euros, alors qu’elleaffichait un déficit de 1,9 milliardd’euros en 1995.

    Au-delà, le partenariat euro-américain est marqué par une « di-mension stratégique », qu’ils’agisse d’une action communedans les Balkans, vis-à-vis de laRussie ou dans le cadre des rela-tions entre l’OTAN et l’UE, et il im-porte de ne pas la mettre en dan-ger. C’est là une approche assezcomparable à celle qui a marqué lerécent sommet UE-Russie : ne pasinsister sur les sujets qui fâchent.Pas tout à fait, rectifie Pascal Lamy,commissaire européen chargé ducommerce : ce qui importe, ex-plique-t-il, c’est qu’Européens etAméricains « reconnaissent désor-mais qu’il est de leur intérêtcommun que l’OMC soit forte. Noussommes d’accord pour dire que lessujets de contentieux existent maisque ce n’est pas une raison pour enfaire une guerre transatlantique.Tout cela doit être sous contrôle,parce que cela s’inscrit dans un sys-tème multilatéral basé sur desrègles. C’est d’ailleurs ainsi que nousavons géré ensemble l’adhésionchinoise [les accords sino-améri-cain et sino-européen sur l’entréede Pékin à l’OMC] : le fait que nousayons été capables de travailler en-semble sur un sujet aussi importantest de bon augure ».

    Pour manifester cette bonne vo-lonté, Américains et Européenssont convenus, à Lisbonne, d’« es-sayer de relancer », avant la fin del’année, un nouveau cycle de négo-ciations multilatérales, un proces-sus en panne depuis l’échec deSeattle. En réalité, les seconds n’ycroient guère, notamment parceque l’échéance électorale améri-caine brouille les cartes. Si la plu-part des litiges transatlantiquesrestent donc en l’état, certains pro-grès et initiatives ont marqué lesommet de Lisbonne :

    b Protection des données per-sonnelles dans le commerceélectronique. Depuis huit mois,Américains et Européens négo-ciaient âprement à propos de ce

    différend relatif à un problème decompatibilité des législations euro-péenne et américaine pour assurerla protection des données privéeslors de transferts de fichiers infor-matiques, un problème de plus enplus aigu avec le développementdu commerce électronique. ABruxelles, les Quinze ont donnémercredi leur accord au compro-mis auquel sont parvenus laCommission européenne et lesEtats-Unis. La première a obtenuqu’au système américain, qui repo-sait sur des codes de bonneconduite des entreprises, soit subs-titué un cadre légal nettement plusstrict.

    b Forum consultatif sur lesbiotechnologies. La création decette instance, qui sera formée de« personnalités indépendantes, exté-rieures aux gouvernements », a pourbut de dépassionner le débat surles biotechnologies, s’agissant deleur forme la plus contentieuse, lesorganismes génétiquement modi-fiés (OGM). Dans ce domaine, lesintérêts commerciaux ne sont passeuls : de part et d’autre de l’Atlan-tique, des aspects à la fois poli-tiques, culturels et symboliquesentrent en jeu : les Européens s’entiennent au principe de précaution,alors que les Américains estimentque, tant qu’il n’est pas prouvé queles OGM sont néfastes, il n’y aguère de raison de s’en priver. Lespremiers notent un « frémisse-ment » en faveur de leur thèse auxEtats-Unis.

    b Action conjointe pour luttercontre les grandes maladies. LesEtats-Unis et l’Europe ont décidéde se mobiliser pour lutter contreles maladies infectieuses enAfrique, tels le sida, la malaria et latuberculose. Nouvelles ressources,en particulier via la Banque mon-diale, nouveaux partenariats,fortes incitations auprès des paysayant bénéficié d’un allègement deleur dette pour qu’ils investissentdans la protection sanitaire, sontquelques-uns des axes de cettestratégie euro-américaine.

    b Les aides américaines à l’ex-portation. Sur ce point, le désac-cord est total. Les « FSC » (ForeignSales Corporations), c’est un sys-tème permettant aux entreprisesaméricaines (Microsoft, Ford, Ex-xon Mobil, etc.) de faire transiterleurs exportations dans un paradisfiscal, et de réduire ainsi leur impo-sition de 15 à 30 %. Stuart Eizens-tat, le secrétaire d’Etat adjoint auTrésor, a présenté de nouvellespropositions aux Quinze, que Pas-cal Lamy a rejetées deux joursavant le sommet de Lisbonne.L’OMC a condamné à deux re-prises Washington, qui persiste àvouloir faire adopter cette nou-velle législation par le Congrèsavant le 1er octobre.

    Laurent Zecchini

    M. Berezovski prédit l’instauration d’un « régime autoritaire »MOSCOU

    de notre correspondanteMercredi 31 mai, la Douma

    (chambre basse du parlement) aapporté son soutien à VladimirPoutine en adoptant trois textesde lois qui prévoient de réduire lepouvoir des leaders régionaux auprofit du centre. Un des textesprévoit que les gouverneurs et leschefs des parlements régionauxqui, jusqu’alors, siégeaient auConseil de la fédération, lachambre haute du parlement,soient remplacés par des repré-sentants, perdant ainsi leur immu-nité parlementaire. Un autre per-met au Parquet d’ouvrir desenquêtes contre les gouverneursqui auront violé la loi et de les sus-pendre en attendant le jugement.Le dernier donne aux gouverneursle droit de limoger les maires desvilles de leurs territoires.

    Rare député à s’opposer à ceprojet, l’oligarque Boris Berezov-ski a ouvertement exprimé son dé-saccord. La veille, dans une lettreouverte au président, le milliar-daire russe avait violemment criti-qué la grande « révolution admi-nistrative » concoctée par leKremlin pour renforcer le pouvoirdu centre sur les régions. M. Bere-zovski estimait que la création desept « super-régions » – chapeau-tant les 89 « sujets » de la fédéra-tion russe – apporterait « plus demal que de bien ». « Les change-ments proposés sont antidémocra-tiques. (...) Ils violent l’équilibre in-dispensable au fonctionnementd’un Etat démocratique et d’uneéconomie de marché », écrit M. Be-rezovski, prédisant l’instaurationd’« un régime autoritaire », de type« latino-américain ».

    « C’est le signe que Boris Berezov-

    ski sera obligé de quitter ses quar-tiers au Kremlin » en a déduit ledéputé agraire Nikolaï Kharito-nov. Pourtant, la nomination ré-cente à des postes clés de deuxproches de M. Berezovski – Mik-haïl Kassianov à la tête du gouver-nement ; Vladimir Oustinov auParquet et Alexandre Volochine àl’administration présidentielle –laissait penser que M. Berezovskicontinuait à avoir la haute mainau Kremlin. Mais Vladimir Poutinesemble avoir récemment décidéde s’attaquer aux intérêts person-nels de M. Berezovski. Sa sociétéLogovaz (concessionnaires de voi-tures) se serait vue retirer le droitde vendre des Mercedes, alors quel’enquête sur une autre des socié-tés du magnat russe (Atoll) vientd’être rouverte par le parquet.

    Agathe Duparc

  • LeMonde Job: WMQ0206--0005-0 WAS LMQ0206-5 Op.: XX Rev.: 01-06-00 T.: 10:57 S.: 111,06-Cmp.:01,11, Base : LMQPAG 20Fap: 100 No: 0359 Lcp: 700 CMYK

    I N T E R N A T I O N A L LE MONDE / VENDREDI 2 JUIN 2000 / 5

    Nous avons tous notre idée

    de la Qualité de Vie au Quotidien.

    respectrespect

    confianceconfiance

    • Home Office (Ministère de l’Intérieur) en Grande-Bretagne (50 millions de chèques par an)

    • Czech Telecom en République tchèque (18 000 utilisateurs)

    Bases-Vie :

    • Shell à Aberdeen au Royaume-Uni (15 plates-formes et 3 sites).

    Positions concurrentiellesA l’exception de la Grande-Bretagne, le projet de Granada ne modifie pasnos positions concurrentielles globales en Restauration Collective où noussommes le n°1 mondial.

    Nouvelles technologies de l’information et dela communicationSodexho développe l’utilisation des nouvelles technologies.Ainsi, Sodexho Marriott Services vient de signer un accord avec InstillCorporation, spécialiste de l’e-business en restauration, en vue de créer auxEtats-Unis une plate-forme d’achat sur Internet.

    PerspectivesPour l’ensemble de l’exercice 1999/2000, à taux de change constants,nos objectifs de croissance étaient de :• 8 % pour le chiffre d’affaires ;• 15 % pour le résultat d’exploitation ;• 20 % pour le résultat récurrent net part du Groupe.Sur la base des taux de change actuels, notamment du dollar et de la livresterling, ces taux de croissance devraient s’élever respectivement à 18 %,25 % et 30 %.

    Le Conseil d’Administration s’est réuni, sous la présidencede Pierre Bellon, pour arrêter les comptes semestrielsde l’exercice 1999/2000 au 29 février 2000.

    Performances financières consolidées• le chiffre d’affaires s’élève à 5,270 milliards d’euros en croissance de 22 %par rapport à celui du premier semestre de l’exercice précédent ;• le résultat d’exploitation atteint 278 millions d’euros en augmentation de 24 % ;• le résultat net part du groupe récurrent s’élève à 73 millions d’euros en progression de 43 % ;• le résultat net part du groupe atteint le même montant ;• ces performances tiennent compte des taux de change au 29 février 2000.

    Succès commerciauxAu cours du 1er semestre, Sodexho a bénéficié d’une bonne croissance et aconnu de beaux succès commerciaux :

    Restauration et Services :

    • Cœur Défense en France (7 000 personnes)• Peugeot en France et au Brésil• 5 bases militaires à Edimbourg en Ecosse (2 200 personnes)• Tenet Healthcare Corporation aux Etats-Unis (39 sites - 8 000 lits)• Northeastern State University à Tulsa aux Etats-Unis (11 000 étudiants)• Ericsson en Suède (11 sites - 11 300 personnes)

    Chèques et Cartes de Services :

    • BankBoston à Buenos Aires (4 000 utilisateurs)

    BP 100 - 78883 SAINT-QUENTIN-YVELINES CEDEX - TÉL. : 01 30 85 75 00 - www.sodexho.com - Audiotel : 08 91 67 19 66 (1,47 F. la mn)

    ■ N° 1 mondial de la Restauration et des Services.■ N° 1 mondial de la Gestion de Bases-Vie.■ N° 2 mondial des Chèques et Cartes de Services.■ N° 1 mondial du Tourisme Fluvial et Portuaire.■ 270 000 collaborateurs dans 70 pays.■ 21100 sites.■ 9 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

    satisfactionsatisfaction

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    Des résultats semestriels en forte hausse

    Au Brésil, un prêtre français, avocatdes « sans-terre », est menacé de mort

    Henri Burin des Roziers participe au procès d’un « fazendeiro »Un procès mettant en cause un puissant fazen-deiro (propriétaire terrien) va s’ouvrir, mardi6 juin, à la cour d’assises de l’Etat du Para, au

    Brésil. Son accusateur est un prêtre français,Henri Burin des Roziers, avocat de profession,membre de la Commission pastorale de la terre,

    engagée depuis longtemps auprès des paysanssans terre. L’avocat français est menacé de mortet sa tête a été mise à prix.

    HENRI BURIN DES ROZIERS,prêtre et avocat français, est mena-cé de mort dans l’Etat de Para aunord-est du Brésil. L’ordre des do-minicains, auquel il appartient, ain-si que des organisations liées àl’Eglise de France (Comité épisco-pal France-Amérique latine, Justiceet Paix, Action des chrétiens pourl’abolition de la torture, Comité ca-tholique contre la faim et pour ledéveloppement, etc.), viennentd’alerter les autorités françaises etbrésiliennes sur la situation de cetavocat, défenseur de paysans sansterre, qui vit depuis plus de vingtans au Brésil et dont la tête est au-jourd’hui mise à prix.

    Agé de 69 ans, docteur en droitaprès des études à Paris, neveud’Etienne Burin des Roziers, quiétait secrétaire général de l’Elyséeà l’époque du président de Gaulle,Henri Burin des Roziers exerce sonmétier d’avocat à Xinguara et à RioMaria, dans le sud du Para. Les me-naces qui le visent aujourd’hui sontliées à l’ouverture, mardi 6 juin à lacour d’assises de Belem, du procèsd’un fameux fazendeiro, JeronimoAlves de Amorim, capturé au

    Mexique à la fin de 1999, en exé-cution d’un mandat d’arrêt inter-national, et traduit devant la jus-tice brésilienne.

    Ce fazendeiro est accusé d’avoircommandité l’assassinat, le 2 fé-vrier 1991 à Rio Maria, d’un syndi-caliste, Expedito Ribeiro de Souza,en faveur duquel M. Burin des Ro-ziers et des militants de laCommission pastorale de la terre,organe de l’épiscopat du Brésil, sesont mobilisés et portés parties ci-viles. Ils ont joué un rôle décisifdans les poursuites contre M. Alvesde Amorim. M. Burin des Rozierssera même dans le prétoire de lacour d’assises en tant qu’assistantd’accusation, le temps d’un procèsqui soulève déjà la fièvre en raisondes soutiens dont bénéficie l’ac-cusé parmi les grands propriétaireset dans la classe politique du Para.

    Les « exécutions » ont déjàcommencé. Cinq « sans terre » ontété assassinés au début du mois demai dans la région de Xinguara. Ona retrouvé les corps de deuxd’entre eux, les oreilles coupées se-lon la pratique habituelle destueurs à gages commandités par

    les fazendeiros. Une liste de dix per-sonnes « désignées pour mourir »circule depuis quelques jours dansle sud du Para. Outre ceux des mili-tants déjà assassinés y figurent lesnoms d’Henri Burin des Roziers,de Davi Passos, universitaire, deSebastian Ataides, président duSyndicat des travailleurs ruraux deXinguara. Des rumeurs font état dela présence dans la région d’untueur à gages.

    INFIME MINORITÉ DE POSSÉDANTSA travers ce prêtre français, ce

    sont les soutiens au combat despaysans « sans terre » et aux parti-sans d’une ample réforme agrairequi sont visés. Ils appartiennentaux milieux syndicaux, religieux,intellectuels et judiciaires. Depuisdes années, l’avocat Henri Burindes Roziers et ses collègues de laCommission pastorale de la terre(CPT), présidée par Mgr Tomas Bal-duino – désigné dans tous les mi-lieux conservateurs comme le nou-vel évêque « rouge » brésilien,successeur de dom Helder Camara,décédé en 1999 – intentent des pro-cès contre les exécuteurs et

    commanditaires d’assassinats depaysans. Ils dénoncent les pra-tiques violentes et arbitraires desforces de l’ordre, militent contrel’impunité de ces puissants fazen-deiros, dont un Jéronimo Alves deAmorim était le symbole avantd’être arrêté, qui contrôlent terres,marchés et votes. Ils collaborentavec les équipes d’inspecteurs dutravail qui, dans les grandes fazen-das, font la chasse au travail clan-destin que le prêtre français ap-pelle le « travail-esclave ».

    Selon le Mouvement des sans-terre (MST) du Brésil, une infimeminorité de possédants (1 % de lapopulation) contrôle la moitié detoutes les terres arables du pays.Cinq millions de familles – soit 20 à25 % de la population – sont pri-vées de terre et vivent dans un étatd’extrême pauvreté. Le MST repré-sente quelque 150 000 familles« installées » qui, grâce à leur lutte,ont reçu des terres et plus de200 000 qui en occupent d’autres etvivent dans des campements pro-visoires.

    Henri Tincq

    Pérou : pas de recours de l’OEAcontre l’élection de FujimoriLIMA. Le président péruvien, Alberto Fujimori, a marqué, mercredi31 mai, un premier point avec le refus du conseil permanent de l’Organi-sation des Etats américains (OEA) de s’aligner sur la position des Etats-Unis qui réclamaient la possibilité de recourir à des sanctions après sa réé-lection contestée. Une partie de la communauté internationale, essen-tiellement américaine et européenne, ainsi que l’opposition péruvienne,conduite par Alejandro Toledo, qui avait renoncé à sa candidature au se-cond tour, estiment que le scrutin de dimanche dernier n’était « ni libre, nijuste ». L’argumentation péruvienne pour parvenir à ce résultat s’est fon-dée essentiellement sur le principe de non-intervention dans les affairesinternes dans un sous-continent rétif depuis très longtemps « aux in-gérences pour en avoir trop souvent souffert », précise-t-on de bonnesource, estimant que ces pays ne sont plus l’« arrière-cour » des Etats-Unis. – (AFP.)

    Haïti : le parti d’Aristideremporte au moins dix-huit mairiesPORT-AU-PRINCE. La Famille Lavalas, parti de l’ancien président Jean-Bertrand Aristide (1991 -1996) a remporté dix-huit mairies sur vingt-sept,dont celle de Port-au-Prince, lors de l’élection municipale du 21 mai, selondes résultats partiels communiqués mercredi 31 par le Conseil électoralprovisoire (CEP). Le nouveau maire de la capitale (2,4 millions d’habi-tants) est une femme, médecin de profession, Marie-Yves Duperval. LesHaïtiens devaient élire au total 133 maires à travers le pays. Mais les résul-tats définitifs officiels des élections législatives, municipales et locales,doivent être rendus publics par le CEP, à l’issue d’une période de contesta-tion légale de trois jours. – (AFP.)

    L’Ethiopie considère que la guerreavec l’Erythrée « est finie »ADDIS ABEBA. Le premier ministre éthiopien, Meles Zenawi, a déclaré,mercredi 31 mai, que son pays considérait la guerre avec l’Erythréecomme « finie depuis mercredi », estimant qu’il avait récupéré ses terri-toires occupés, mais il a réclamé des garanties internationales avant de re-tirer ses troupes du sud de ce pays. Des négociations indirectes entre lesdeux belligérants se déroulent depuis mardi à Alger. – (AFP.)

    Etats-Unis : George W. Bush« enclin » à surseoir à une exécutionAUSTIN. Pour la première fois depuis qu’il est gouverneur du Texas, lecandidat républicain à la présidence des Etats-Unis, George W. Bush, s’estdéclaré « enclin » à surseoir pour trente jours à l’exécution d’un condam-né à mort afin de permettre de nouveaux tests d’ADN. Ricky McGinn de-vait en principe mourir jeudi, par injection létale, pour le viol et lemeurtre, en 1993, de sa belle-fille âgée de douze ans. « Je veux quel’homme puisse faire entendre tous ses arguments devant le tribunal. S’il y aun doute quelconque ou une preuve qui n’a pas encore été présentée quil’exonère du viol, il faut l’examiner », a déclaré le gouverneur, sous le man-dat duquel plus de cent vingt condamnés ont été exécutés et qui n’a ja-mais accordé de tel sursis.Dans une autre affaire, la veille, G. Bush avait grâcié A. B. Butler, unhomme qui avait passé dix-sept ans en prison pour viol avant d’être in-nocenté par de nouveaux tests d’ADN. – (AFP.)

    Monténégro : un conseillerdu président assassinéPODGORICA. Goran Zugic, conseiller pour la sécurité du président MiloDjukanovic, a été tué par balles, mercredi 31 mai, dans la capitale duMonténégro, a rapporté un journaliste sur place. La victime, âgé de38 ans, a été abattue vers 23 h 15 locales (21 h 15 GMT) alors qu’elle allaitrentrer chez elle dans le centre de Podgorica, selon ce témoin qui habite àproximité et s’est rendu immédiatement sur les lieux. La police recherchele ou les tueurs. – (AFP.)

    La francophonie et le dialoguedes cultures à Beyrouth en 2001LIBAN. Le prochain sommet de la Francophonie, qui se déroulera en 2001à Beyrouth, aura pour thème « Le dialogue des cultures », a annoncé àParis, mercredi 31 mai, le secrétaire général de l’Organisation internatio-nale de la francophonie (OIF), Boutros Boutros-Ghali. « Nous devons nousy préparer et nous commençons par le dialogue entre la culture arabe et laculture francophone », a-t-il indiqué sur France 2. Plus de cinquante chefsd’Etat sont attendus à ce sommet.

    DÉPÊCHESa KOSOVO : le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a an-noncé la publication, en juin, d’un livre contenant les noms de3 376 personnes qui lui ont été signalées comme ayant disparu au Kosovoentre janvier 1998 et mi-mai 2000. Selon les familles, la plupart de ces dis-parus auraient été détenus ou enlevés. En février, le CICR avait estiméque près de 1 900 d’entre eux avaient été sans doute arrêtés par les forcesde sécurité serbes ou enlevés par des civils serbes, et que quelque350 autres l’avaient vraisemblablement été par l’Armée de libération duKosovo (UCK), l’ex-guérilla albanaise, ou par des civils albanais du Koso-vo. – (AFP.)a IRAN : l’arrestation, mercredi 31 mai, de deux musulmans iraniens,accusés d’espionnage pour Israël, risque de « servir de prétexte pour re-tarder le verdict » des juifs accusés dans le cadre de la même affaire, a in-diqué l’avocat de ces derniers. Dix audiences du procès pour espionnageont eu lieu, depuis le 13 avril au tribunal révolutionnaire de Chiraz (sud).Le verdict devrait être prononcé d’ici deux semaines, avaient indiqué pré-cédemment les responsables de la justice. – (AFP.)a CÔTE-D’IVOIRE : l’ancien premier ministre ivoirien, AlassaneOuattara, a appelé, mercredi 31 mai, à voter en faveur du projet denouvelle Constitution qui doit être soumis à référendum le 23 juillet enCôte-d’Ivoire. Ce candidat déclaré à la présidence a cependant déploréque « ce texte renferme certaines ambiguïtés et incohérences concernant lesconditions d’éligibilité du président de la République ». Une dispositioncontroversée du projet constitutionnel, publié au Journal officiel du26 mai, stipule qu’un candidat à la présidence « ne doit s’être jamais préva-lu d’une autre nationalité ». Les détracteurs de M. Ouattara estiment quecette disposition doit lui être appliquée, car il a représenté le Burkina Fasodans diverses institutions internationales, dont le Fonds monétaire inter-national (FMI). Le référendum du 23 juillet doit être suivi d’une électionprésidentielle dont le premier tour est prévu le 17 septembre. – (AFP.)

  • LeMonde Job: WMQ0206--0006-0 WAS LMQ0206-6 Op.: XX Rev.: 01-06-00 T.: 10:54 S.: 111,06-Cmp.:01,11, Base : LMQPAG 20Fap: 100 No: 0360 Lcp: 700 CMYK

    LA PHOTO des quatre députésVerts, côte à côte, est bonne pourl’histoire. Dans l’Hémicycle, YvesCochet brandit le règlement de l’As-semblée nationale ; Noël Mamère,

    Marie-Hélène Aubert et Jean-MichelMarchand lèvent des yeux indignésvers Raymond Forni (PS), au « per-choir », qui refuse de donner la pa-role à M. Cochet. Alors, commeécrasés par le poids de l’injustice, lesVerts quittent lentement l’Hémi-cycle, sous les protestations de ladroite. On croirait vivre un grandmoment de la Ve République. Maisque se passe-t-il ?

    Rien de plus, en fait, qu’un scéna-rio bien huilé. Mercredi 31 mai, lesdéputés écologistes jouent ladeuxième scène du feuilleton « ÀParis, les Verts lavent plus blanc ». Aulendemain de l’intervention deM. Mamère, mettant en causeJacques Chirac et Philippe Séguindans l’affaire des « faux électeurs »du 3 e arrondissement (Le Monde du1er juin), le président de l’Assembléenationale a rappelé à l’ordre l’élu deGironde, comme l’y autorise l’article71 du règlement. Un peu plus loin, àl’article 73, ce texte rend passible desanction le député « qui s’est renducoupable d’injures, provocations oumenaces envers le président de la Ré-publique, le premier ministre, lesmembres du gouvernement et les As-

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    F R A N C ELE MONDE / VENDREDI 2 JUIN 2000

    TROIS QUESTIONS À...

    ARNAUD MONTEBOURG

    1 Député socialiste de Saône-et-Loire, vous soutenez Noël Ma-mère, qui a été rappelé à l’ordrepar le président de l’Assemblée na-tionale, mercredi, pour avoir misen cause Jacques Chirac dans l’af-faire des « faux électeurs » du3e arrondissement de Paris. L’inter-vention de M. Mamère était-elle lé-gitime ?

    Je veux défendre Noël Mamère !Son intervention, mardi, était d’au-tant plus légitime que le présidentde la République, dans notreConstitution, est irresponsable surle plan politique et sur le plan juri-dique, sauf circonstances excep-tionnelles. Vouloir censurer un dé-puté qui n’a fait que dire la vérité,de manière modérée et réfléchie,

    c’est porter atteinte à la libertéd’expression parlementaire ! Toutle monde le sait : l’implication duprésident de la République fait par-tie des interrogations des enquê-teurs et des magistrats instructeursqui travaillent sur les affaires de laVille de Paris. Quel que soit le ni-veau de son implication, JacquesChirac a profité de toutes ces in-fractions qui sont aujourd’hui re-prochées aux dirigeants de la Villede Paris : les emplois fictifs, les tru-quages de marchés publics et lesfraudes électorales.

    2 Le rappel à l’ordre de Ray-mond Forni n’était donc pasnécessaire ?

    C’est une faute politique ma-jeure de sa part, d’autant plus re-grettable que M. Forni – pourtantavocat ! – n’a pas laissé M. Mamèreprésenter ses arguments au préa-

    lable. Le rappel à l’ordre n’est riend’autre qu’une sanction : cela re-vient à dire que l’on doit se tairesur des pratiques illégales dans les-quelles le président de la Répu-blique a des responsabilités, pourle moins, politiques. Par ricochet,cette censure aboutit à empêcherl’opinion publique de se faire unpoint de vue.

    3 Philippe Séguin a annoncé ledépôt d’une proposition de loivisant à « refondre complète-ment » les listes électorales, à Pa-ris, d’ici à mars 2001. Qu’en pensez-vous ?

    S’il faut une loi pour nettoyer lesécuries dans la transparence et lerespect des règles contradictoires,alors oui, je suis pour !

    Propos recueillis parClarisse Fabre

    Le président intouchable pendant son mandatLe président de la République bénéficie d’une immunité pénale

    tant qu’il est en fonctions. Ainsi en a décidé le Conseil constitutionnel,de façon incidente, le 22 janvier 1999, à l’occasion de sa décision sur laCour pénale internationale. Le Conseil a, en effet, jugé que « le pré-sident de la République, pour les actes accomplis dans l’exercice de sesfonctions et hors le cas de haute trahison, bénéficie d’une immunité ». Etil a ajouté qu’« au surplus, pendant la durée de ses fonctions, sa respon-sabilité pénale ne peut être mise en cause que devant la Haute Cour dejustice ». Cette décision signifie que le président de la République nepeut être mis en accusation par la justice ordinaire pour des délitscommis hors de l’exercice de ses fonctions, et donc, notamment, anté-rieurement à celles-ci. Pour que les juges lui demandent des comptes,ils doivent attendre qu’il ait quitté l’Elysée, contrairement à l’inter-prétation faite par la ministre de la justice, en mai 1998, qui avait esti-mé que le chef de l’Etat pouvait relever de la justice ordinaire, ce quilui avait valu un sévère rappel à l’ordre du premier ministre.

    M. Contassot : ne pas « faire ce qui s’est fait en Corse »Le chef de file des Verts parisiens aux élections municipales de

    mars 2001, Yves Contassot, s’est déclaré, mercredi 31 mai, « totalementopposé » à une refonte des listes électorales à Paris, comme l’a propo-sé Philippe Séguin, « si elle consiste à faire ce qui s’est fait en Corse ».Les 1 047 787 électeurs parisiens devraient alors retourner dans lesmairies pour se réinscrire. « Ce serait la meilleure manière d’empêcherle scrutin de se dérouler sur des bases sûres », a déclaré à l’AFPM. Contassot, car « les inscriptions sont extrêmement faciles à faire surune base frauduleuse : il suffit de se faire domicilier chez quelqu’un ».

    Le programme des Verts à Paris préconise en revanche un « net-toyage » des listes électorales par croisement des fichiers électorauxet fiscaux, ce que la Commission nationale informatique et libertés(CNIL) n’a pas autorisé. M. Contassot demande également que lescommissions de révision des listes électorales soient composées demagistrats indépendants.

    Révision ou refonte complète des listes électorales ?

    REFONTE complète des listesélectorales à Paris, comme le pro-pose Philippe Séguin, ou « net-toyage des listes existantes par croise-ment de fichiers » , comme lepréconise Yves Contassot ? A lasuite des récentes mises en examendans l’affaire des « faux électeurs »,le débat est lancé. La situation ac-tuelle des listes parisiennes et la lé-gislation sur leur révision lerendent compliqué.

    b La situation à Paris. Pour lesvingt arrondissements de la capi-tale, les inscriptions et radiations sefaisant à la mairie d’arrondisse-ment, le nombre d’électeurs ins-crits était de 1 135 629 au 28 février1997. Les révisions des années 1997,1998 et 1999 ont ramené ce nombre,au 29 février dernier, à 1 047 787,soit une diminution de 87 842(7,73 %). Ce chiffre, particulière-ment élevé, est sans rapport avecl’évolution de la population de lacapitale, passée de 2 152 423 habi-tants, au recensement de 1990, à2 125 246 à cel