structures - le temps des changements

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Bnp : une Cgt, des identités multiples Soit une grande entreprise pratiquant la sous-traitance et n’employant plus, tendanciellement, que des cadres et des techniciens. Quid alors du syndicalisme d’entreprise quand le travail se fait avec les salariées sous-traitants ? Et quid du syndicalisme spécifique là où la spécificité est devenue la norme ? Comment, enfin, dépasser les conflits d’appareils qui peuvent surgir sur cette toile de fond mouvante ? Une promenade en Bnp, aux côtés de Bruno, Marie, Fabrice et quelques autres innovateurs syndicaux. Mais qu’est-ce qui fait courir les cadres ? Qu’est-ce qui fait “courir les cadres” dans le capitalisme financiarisé ? Il est difficile, voire impossible d’avancer une raison unique, qui serait la peur, le plaisir, le conformisme ou encore l’appât du gain, pour répondre. Dans les significations valorisantes du travail qui expliquent en grande partie le consentement des cadres, la rémunération n’a évidemment pas disparu. Mais elle n’est pas non plus présentée comme l’élément prépondérant au regard de l’intérêt pour l’innovation, la créativité, la polyvalence ou la responsabilité. Les formes de contournement des règles et de freinage sont tout aussi diverses et peuvent revêtir une dimension aussi bien collective qu’individuelle … Des structures à penser en fonction d’objectifs La réflexion de la Cgt sur ses structures est engagée depuis une quinzaine d’années, autour de trois enjeux existentiels : sa capacité à rayonner sur l’ensemble du salariat, pour aller à un syndicalisme d’adhérents ; sa capacité à répondre à ses objectifs de transformation sociale et de contenu du travail. Enfin, la consolidation d’un syndicalisme confédéré mis à mal par des approches individuelles ou catégorielles. Objectif en débat : des structures qui permettent la mise en œuvre de démarches revendicatives aboutissant à des avancées collectives… 16 OPTIONS N° 551 / NOVEMBRE 2009 F. DUGIT / MAXPPP SOMMAIRE SYNDICALISATION : BNP, UNE CGT, DES IDENTITÉS MULTIPLES PAGES 17-19 REPÈRES UGICT : UNE CHARTE POUR L'ENCADREMENT PAGE 20 POINT DE VUE DE ROGER VANDENPUT EUROPE : EN BELGIQUE, LE SYNDICALISME CADRE PAGE 21 CADRES DANS LA TOURMENTE : ENTRE IMPLICATION AMBIVALENTE ET RESISTANCES LIMITÉES PAGES 22-23 TABLE RONDE PAGES 24-27 SYNDICALISME changements Structures : le temps des

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Structures - Le temps des changements

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  • Bnp : une Cgt, des identits multiplesSoit une grande entreprise pratiquant la sous-traitance et nemployant plus, tendanciellement, que des cadres et des techniciens. Quid alors du syndicalisme dentreprise quand le travail se fait avec les salaries sous-traitants ? Et quid du syndicalisme spcifique l o la spcificit est devenue la norme ? Comment, enfin, dpasser les conflits dappareils qui peuvent surgir sur cette toile de fond mouvante ? Une promenade en Bnp, aux cts de Bruno, Marie, Fabrice et quelques autres innovateurs syndicaux.

    Mais quest-ce qui fait courir les cadres ?Quest-ce qui fait courir les cadres dans le capitalisme financiaris ? Il est difficile, voire impossible davancer une raison unique, qui serait la peur, le plaisir, le conformisme ou encore lappt du gain, pour rpondre. Dans les significations valorisantes du travail qui expliquent en grande partie le consentement des cadres, la rmunration na videmment pas disparu. Mais elle nest pas non plus prsente comme llment prpondrant au regard de lintrt pour linnovation, la crativit, la polyvalence ou la responsabilit. Les formes de contournement des rgles et de freinage sont tout aussi diverses et peuvent revtir une dimension aussi bien collective quindividuelle

    Des structures penser en fonction dobjectifsLa rflexion de la Cgt sur ses structures est engage depuis une quinzaine dannes, autour de trois enjeux existentiels : sa capacit rayonner sur lensemble du salariat, pour aller un syndicalisme dadhrents ; sa capacit rpondre ses objectifs de transformation sociale et de contenu du travail. Enfin, la consolidation dun syndicalisme confdr mis mal par des approches individuelles ou catgorielles. Objectif en dbat : des structures qui permettent la mise en uvre de dmarches revendicatives aboutissant des avances collectives

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    S O M M A I R E

    SYNDICALISATION : BNP, UNE CGT, DES IDENTITS MULTIPLESPAGES 17-19

    REPRES UGICT : UNE CHARTE POUR L'ENCADREMENTPAGE 20

    POINT DE VUE DE ROGER VANDENPUTEUROPE : EN BELGIQUE, LE SYNDICALISME CADREPAGE 21

    CADRES DANS LA TOURMENTE : ENTRE IMPLICATION AMBIVALENTE ET RESISTANCES LIMITESPAGES 22-23

    TABLE RONDE PAGES 24-27

    SYNDICALISME

    changementsStructures :

    le temps des

  • Bruno est le premier visage que lon dcouvre lorsque lon pousse la porte du syndicat Ugict-Cgt Ile-de-France de la Bnp Paribas. Bruno, trente et un ans, consultant, spcialiste en ma-trise douvrage, informaticien, en activit la Bnp Paribas depuis plus de deux ans mais qui marge chez Altran, son employeur. Un salari dtach qui a adhr il y a six mois peine. Et puis il y a Marie, vingt-six ans, conseillre clien-tle distance dans lun des centres dappels qui foisonnent en rgion parisienne. Une toute jeune syndique qui a rejoint il y a peu la commission excutive du syndicat. Un cadre, une techni-cienne, chacun avec ses proccupations. Lui : le poids grandissant de la part variable dans les rmunrations, la formation, le temps de travail et le stress au travail. Elle : les conditions de travail infantilisantes, les cadences, la reconnaissance

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    Syndicalisation Bnp, une Cgt, des identits multiples

    Une quipe syndicale constitue de jeunes

    adhrents, chacun arrivant avec ses

    propres procupations, qui sont souvent celles

    de ses collgues.

    des qualifications et lgalit salariale Bruno et Marie sont les figures que Fabrice, trente-cinq ans, ingnieur, suggre de rencontrer qui veut connatre les attentes des nouveaux membres du syndicat quil anime depuis quelques mois. Des salaris qui ont dcid dentrer lUgict-Cgt en mme temps quils ont dcouvert le syndi-calisme. De tout nouveaux militants qui recon-naissent sans gne aucune quils savaient peu de la Cgt en y adhrant les grands combats sur-tout : la lutte pour les retraites, pour la protection sociale. Mais qui sont fort diserts lorsquon les questionne sur les raisons de leur engagement : pour sortir de lisolement et tre rconforts dans [leur] dsir dagir , expliquent-ils. Parce quon trouve l une solidarit concrte, relle et efficace pour affronter les problmes que lon affronte , parce quils ont pu sinscrire dans un

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    cadre qui leur garantissait le droit de sexprimer, de dire ses doutes et sa manire de voir . Pourquoi se syndique-t-on ? reprend Bruno. Tout simplement pour ne plus subir. Pour reprendre en main son propre destin. La pos-sibilit alors de pouvoir sidentifier ceux que lon rejoint est fondamentale, explique-t-il. Cest parce quil sest avr que les militants Ugict partageaient mes proccupations, fai-saient face aux mmes problmes que moi, que jai pu les rencontrer. Et aujourdhui, cest parce que je partage le quotidien de mes collgues, leurs revendications en matire de salaires, de conditions de travail ou de dcompte du temps des horaires, parce que je vis comme eux la com-plexit des organisations, le stress que lindivi-dualisation des objectifs impose, que je peux aujourdhui leur proposer des rponses pour envisager des manires dagir , ajoute-t-il.Se regrouper sans a priori, sans devoir montrer patte blanche : que se serait-il pass si Marie navait pas trouv cette paule sur laquelle sappuyer lorsque, il y a quelques semaines, elle a appel, sur le conseil dun militant Cftc , le local syndical Ugict pour trouver les moyens de se battre pour ses conditions de travail ? Aurait-elle persvr ? A voir Du concret, une oreille attentive et comprhensive : voil ce que, avec Bruno, elle a voulu trouver avant daccepter de prendre sa carte .

    Des principes quadmet volon-tiers Fabrice, puisque cest sur cette base que, il y a trois ans, lorganisation dont il est le tout nouveau secrtaire a dcid de dvelopper la syndicalisa-tion. Ce que nous entendions par l ? Construire un syndicat utile aux salaris de la banque tels quils sont actuellement : cadres pour la plupart, tech-niciens pour les autres. Des jeunes, des femmes engags dans de nouveaux mtiers qui imposent que lon change notre manire de faire. Dans une socit comme la Bnp Paribas o les filires de mtiers se sont profondment modi-fies ces dernires annes, il a fallu que le syndicat revoie sa stratgie dimplantation. Travailler au plus prs des salaris pour connatre leurs problmes, tre disponible,

    discuter et construire : avec plus dune centaine dtablissements en Ile-de-France, la dmarche na pas toujours t aise. Difficile, en effet, pour les militants dentrer en contact avec des salaris dont on sait peu. Des jeunes qui, comme Marie, expliquent qu un bon militant, cest quelquun qui sait transcrire et faire admettre les problmes la hirarchie . Il a fallu que lon tablisse une relation de confiance, tmoigne Fabrice. a nous a obligs travailler nos dossiers, argumenter, tre toujours prcis. A ne surtout pas assner, mais donner voir et accompagner les salaris dans la mise en forme de leurs revendications. Mais a marche. Aujourdhui, le syndicat Ugict-Cgt de la Bnp Paribas se porte bien en Ile-de-France. Et mme trs bien. Il se dveloppe, se dploie parmi les nouvelles catgories de personnels que la banque recrute dsormais tour de bras : parmi les jeunes, les diplms, les salaris confronts toutes les nouvelles formes dorganisation du travail que met en place la direction de lentreprise. Pour un dpart la retraite, il enregistre, ces temps-ci, deux nou-velles recrues. Aux dernires lections profession-nelles organises dans lentreprise, lUgict-Cgt a recueilli 47 % des voix dans le troisime collge au centre informatique de Montreuil, en rgion parisienne, ce qui lui a permis de devenir la premire organisation sur le site. Cinq mille ingnieurs, cadres et techniciens travaillent ici. Notre dmarche est exigeante mais elle paie , dfend le militant.

    Le tout premier dlgu du personnel lu parmi les personnels sous-traitants

    Elle paie. Mais elle nest pas sans difficults. Si Bruno, Marie, Fabrice offrent la figure des acteurs dun syndicalisme qui se rinvente, ils symbolisent, runis, toutes les difficults que rencontrent la Cgt la Bnp Paribas, la Cgt dans son ensemble. Depuis la refonte de la conven-tion collective de la banque, en effet, nexistent plus dans ltablissement que deux catgories de salaris : celle des cadres et celle des techniciens. Les employs ont disparu. Si, entre lUgict-Cgt Ile-de-France de la Bnp Paribas et le syndicat de base Cgt de lentreprise, les relations ont longtemps t difficiles, aujourdhui, elles sont orageuses. A prsent, le dbat entre ces deux structures nest plus seulement stratgique, il est aussi de territoire.Qui, de lUgict ou de la Cgt, survivra la refonte des grilles de qualification ? Lequel des deux syndicats est lgitimes reprsenter ces deux catgories ? Tous deux estiment avoir leur place, chacun sappuyant sur sa manire daborder laction syndicale : ici, une approche fonde sur lhistoire dun secteur o les employs taient lgion, l sur la redfinition dune pratique sus-ceptible de se faire entendre auprs de sala-ris plus jeunes, plus diplms, pour la plupart dpourvus de toute tradition dorganisation. La

    Syndicalisation Bnp, une Cgt, des identits multiples

    Cest parce quil sest avr que les militants Ugict partageaient mes proccupations, faisaient face aux mmes problmes que moi, que jai pu les rencontrer.

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    lgitimit lective ne peut les dpartager. Tous les deux en disposent dans des secteurs profes-sionnels diffrents de lentreprise : la Cgt de base surtout dans les services back-office , lUgict dans les nouveaux dpartements.Comment sortir de cette situation fratricide ? Ddier chaque organisation une catgorie : confier lUgict lorganisation des cadres, au syndicat Cgt lorganisation des techniciens ? Ana Andrade, membre de la dlgation nationale Cgt la Bnp et responsable du secteur cadre de lorganisation, et Jean-Claude Blanchereau, en charge la Fdration Cgt banque-assurances de la syndicalisation des cadres, estiment la perspective souhaitable : Les demandes, les pro-blmes auxquels se confrontent ces deux catgo-ries sont diffrents. On y rpondra au mieux en les traitant comme tels , expliquent-ils, rappelant lun et lautre pour appuyer leurs dires la trop faible influence nationale de la Cgt la Bnp malgr des taux records dans certains tablisse ments.

    Reste pour eux une vidence : ni Marie ni Bruno nont dcid leur adhsion au vu de la dfinition du champ dintervention du syndicat quils ont rejoint. Ils se sont dtermins sur une pratique, sur la capacit quils ont eue de se reconnatre, de sidentifier aux militants quils ont rencontrs. Une partie du champ daction, poursuivent-ils donc, ne nous exonrera pas dune rflexion approfondie sur la manire de nous adresser aux salaris. Pourquoi se syndique-t-on et quelles conditions, quattend-on dune organisation et dans quelles pratiques se reconnat-on ? Il ny a quune faon de sen sortir, quune seule qui puisse servir toute la Cgt, assurent-il, cest de sortir des logiques dappareil et de sinterroger sur la manire de faire et de sorganiser pour que les salaris se retrouvent dans le syndicat.Rien de plus que ce que laisse entendre Bruno lors-quil prsente son lection comme dlgu du per-sonnel la Bnp Paribas comme un vnement mineur et qu'il stonne de la surprise suscite par cette apprciation. Lingnieur est sans doute le tout premier dlgu de la sorte avoir t lu dans lHexagone : un dlgu du personnel dune entre-prise sous-traitante pour dfendre ses collgues dans lentreprise donneuse dordres, du jamais vu en France. Etonnant ? a prouve simplement que mes collgues se retrouvent en moi, dans ma disponi-bilit les dfendre dans un monde qui change. Quel est le slogan de la Bnp ? La banque dun monde qui change Un lu Ugict sous-traitant dans cette mme banque ? Eh bien, a prouve que, lorsquil sadapte et quil colle aux besoins des salaris quil veut dfendre, le syndicalisme peut se dvelopper.

    Martine HASSOUN

    CEST PARCE QUE JE PARTAGE LE QUOTIDIEN DE MES COLLGUES, PARCE QUE JE VIS COMME EUX LA COMPLEXIT DES ORGANISATIONS, LE STRESS QUE LINDIVIDUALISATION DES OBJECTIFS IMPOSE, QUE JE PEUX AUJOURDHUI LEUR PROPOSER DES RPONSES POUR ENVISAGER DES MANIRES DAGIR.

    Ni les uns, ni les autres nont dcid leur adhsion au vu de la dfinition du champ dintervention du syndicat quils ont rejoint.

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    REPRES

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    (1) Sur la base de la revendication Cgt dun Smic 1 600 euros brut par mois. Pour un bac + 2 : 1,6 smic ; bac + 3-4 : 1,8 smic ; bac + 5 : 2 smics ; bac + 7-8 : 2,3 smics. Aucun cadre ne doit tre embauch en dessous du plafond de la Scurit sociale.

    (2) Vae : valorisation des acquis de lexprience.

    (3) Responsabilit sociale des entreprises.

    Salaires et carrires Reconnatre les diplmes et les formations ds le premier emploi, par une grille de salaire dembauche avec des seuils correspondant aux diffrents niveaux de qualification (1) ; Mettre en place de vritables commissions paritaires de carrire dans les entreprises, pour valuer collectivement lensemble des lments de la qualification ; tablir une grille de classifica-tion salariale qui traduise la progression de notre qualification ; dfinir clairement les conditions daccs et dexercice de chaque fonction et les communiquer tous ; Assurer lquit et la transparence pour faire chec larbitraire ; prendre en compte tous les cadres dans les ngociations annuelles obliga-toires. Les cadres, comme les autres salaris, doivent bnficier daugmentations gnrales.

    Sant au travail

    Recourir un tiers (Chsct ou autre institution reprsentative) en cas de difficults afin dchap-per un face--face insoluble entre le cadre et sa hirarchie ; doter les Chsct dun pouvoir dinter-vention en lien avec les organisations syndicales et les mdecins du travail, pour faire amnager les charges de travail ds lors quune prsomp-tion de stress apparat ; faire valoir, dans les faits, nos capacits exercer un travail panouissant et responsable.

    Formation

    Faciliter linsertion professionnelle lors de lexercice dun premier (ou nouvel) emploi en laccompagnant de dispositions et/ou de formation ; faire de la Vae un support de recon-naissance dun droit individuel opposable lemployeur (2), garanti par le statut/la conven-tion collective. Ce droit doit sappliquer dans le cadre de procdures collectives au sein des instances reprsentatives ; consacrer au moins 10 % des heures travailles la formation pro-fessionnelle accessible sur le temps de travail et pour tous les salaris ; prendre en compte la formation dans le calcul des charges de travail et accorder des moyens pour que nous puis-sions accder aux formations qui nous sont ncessaires ; construire une vritable gestion prvisionnelle quantitative et qualitative, fon-de sur lvolution des besoins sociaux, actant le dveloppement des qualifications et antici-pant sur les besoins futurs.

    Rythme de travailComptabiliser toutes les heures supplmen taires pour paiement ou rcupration, dcompter toutes les heures effectues quel que soit le type de forfait ; allger les charges de travail et les va-luer collectivement ; concilier quitablement vie prive et vie professionnelle.

    Objectifs et moyens de la responsabilit

    Garantir la libert dexpression, notamment lors des runions professionnelles. Les discussions collectives sur lorganisation du travail et la marche de lentreprise doivent permettre lex-pression des potentialits de cration de chacun ; laborer collectivement les objectifs en intgrant une discussion sur les incidences prvisibles et sur les moyens ncessaires. Tout entretien dvaluation doit tre assorti de garanties (trans-parence, possibilit de recours) et prendre en compte la dimension collective du travail et son organisation (ou volution dorganisation) ; il doit tre prpar au sein du collectif de travail. Lvaluation du travail ne doit pas se faire sans une base de critres objectifs et transparents. Tenir compte dans les valuations de la dimen-sion collective du travail du cadre et reconnatre lapport individuel dans ce contexte.Toute discrimination, quelle se rapporte au salaire, la reconnaissance des diplmes ou des qualifications, laccs aux fonctions, au droulement de carrire ou tout autre lment constitutif des responsabilits professionnelles, doit tre interdite. Des ngociations spcifiques doivent souvrir sur lgalit professionnelle femmes-hommes.

    Ethique professionnelle et responsabilit sociale des cadres

    Dvelopper la transparence des dcisions en ren-forant linformation et la consultation des salaris et de leurs reprsentants, y compris ceux des entre-prises sous-traitantes ; favoriser le droit dalerte, de propositions alternatives aux choix stratgiques, consolidant la citoyennet dans lentreprise et lexercice des liberts syndicales ; obtenir la parti-cipation des salaris avec voix dlibrative dans les instances de direction et un droit suspensif sur les grandes questions concernant lemploi dans len-treprise ; dfinir des plans daction sur les enjeux prioritaires de la Rse (3), avec suivi et indicateurs, sur la base daccords ngocis avec les organisations syndicales de groupe.

    Une reconnaissance (re)conqurir

    UGICT

    Une charte pour lencadrement

    LUgict propose un statut de lencadrement assurant chacun des droits et des liberts garantis collectivement et le plein exercice de ses responsabilits sociales. Nous publions ci-contre des extraits des propositions mises en avant ; consulter, sans modration, sur .

  • Le Nvk que janime avec un autre perma-nent est une structure membre du syndicat des employs de la Csc. En rgion nerlandophone, o nous sommes implants, nous comptons douze mille membres. Nous disposons dun conseil national qui dfinit les axes strat giques, les programmes et les mthodes daction qui sont ensuite dclins par les dlgus dans les entreprises. Nous existons depuis 1989, deux ans aprs que fut apparue en Belgique la Confdration nationale des cadres, une orga-nisation qui revendique la syndicalisation des cadres en dehors de toute structure interprofes-sionnelle et confdrale. Lapproche dfendue par cette organisation est contraire toutes les valeurs dunit et de solidarit qui fondent notre dmarche syndicale. Depuis le dbut des annes 1970, nous dbattions au sein de la Csc de la pertinence ou non de la cration dun rassem-blement spcifique des salaris qualifis au sein de notre confdration. La cration de la Cnc nous a pousss aller de lavant. Bien sr, il y a eu dbat entre nous sur le type dorganisation dont nous devions nous doter. Entre ceux qui dfendaient lide de la cra-tion dune organisation autonome et ceux qui pensaient quil valait mieux nous implanter au sein de lorganisation des employs, les opi-nions divergeaient. Il nexiste pas en Belgique de catgorie cadre proprement parler (1). Au regard de la lgislation du travail, ne sont recon-nues que deux catgories : celle des ouvriers et celle des employs. Nous avons tranch. Cest la deuxime option qui a prvalu. Ce qui ras semble les salaris est plus fort que ce qui les divise. Quelles que soient les difficults que nous avons pu ou pouvons encore avoir pour que les dl-gus dans les entreprises prennent en compte la spcificit du travail des cadres, notre choix na jamais chang. Il en va des cadres comme des jeunes, des femmes ou des immigrs : si le syndicalisme veut

    se dvelopper, il doit prendre en compte la sp-cificit des attentes de chacun, ne pas gommer les besoins et les revendications que les uns et les autres peuvent exprimer. En Belgique aussi, les dlgus peinent considrer ceux qui ne sont pas dans la norme. A tort, car il nexiste pas de salari moyen. Si nous voulons rassembler et renforcer les solidarits, il faut accepter que les ouvriers et les cadres, par exemple, abordent diffremment des sujets comme la flexibilit du temps de travail. Diversit ne veut pas dire diver-gence. Le contexte dans lequel chacun dentre eux volue est diffrent, leurs besoins le sont donc aussi. Si nous voulons amliorer les garan-ties collectives de tous, il faut en tenir compte. Une autre structuration, une structuration propre, nous aiderait-elle mieux encore faire porter la voix des cadres ? Ce nest pas le cadre organisationnel qui nous empche daller de lavant, mais la faon dont trop souvent nous agissons. Le syndicalisme doit sortir de la logique dfensive dans laquelle il se place trop souvent. En nous battant le dos au mur, nous nous emp-chons de construire et de dvelopper des ides neuves. Comme les jeunes, les femmes ou les immigrs, les cadres sont porteurs de questions revendicatives qui peuvent enrichir laction syndicale tous les niveaux. La rflexion que nous menons actuellement sur la responsabilit sociale des entreprises ou sur le management, celle que nous dveloppons sur la transparence des rmunrations ou sur les conditions de dfense des conditions de travail des travailleurs indpendants touchent toutes, chacune leur faon, aux questions lies au travail. En dvelop-pant une formation sur la fonction hirarchique vue des personnels en situation dtre encadrs, comme nous le faisons, nous posons autrement la fonction de lencadrement. En accueillant nos adhrents pour une aide la gestion de carrire, nous interrogeons cette notion que les employeurs aimeraient sapproprier. Cette manire que nous avons de permettre aux cadres de trouver leur place dans lorganisation syndicale peut renforcer la dmarche collective, diverse, solidaire et concrte laquelle nous croyons. Et il faut croire que nous sommes sur le bon chemin. Malgr les difficults que nous rencontrons, notre audience progresse. Nous reprsentons aujourdhui 43,2 % des voix et 47 % des siges aux lections sociales nationales dans la catgorie cadre.

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    Europe En Belgique, le syndicalisme cadre

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    point de vueROGER VANDENPUTSECRTAIRE NATIONAL DU NVK, LA SECTION CADRE DE LA COMMUNAUT NERLANDOPHONE DE LA CSC BELGE

    Propos recueillis par Martine HASSOUN

    En Belgique, o le statut cadre nexiste pas, les confdrations syndicales ont cr, au sein de leurs organisations employs , des sections pour les salaris qualifis. Rencontre avec le dirigeant de lune dentre elles, le Nvk qui, en rgion nerlandophone, est membre de la Confdration des syndicats chrtiens (Csc). Avec le Gnc, sa jumelle wallonne, elle est majoritaire en voix et en siges aux lections sociales nationales.

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    (1) Depuis 1965, la loi sociale belge a introduit le concept de personnel dans une position de confiance . La liste des intituls de postes quil recouvre na jamais t actualise. Parce que le droit national sur le temps de travail ne sapplique pas aux salaris qui occupent ce type demploi, les employeurs ont tendance aujourdhui dsigner ainsi un nombre croissant de cadres.

  • Q uest-ce qui fait courir les cadres dans le capitalisme financiaris ? Il est dif-ficile, voire impossible davancer une raison unique qui serait la peur, le plaisir, le conformisme ou encore lappt du gain pour rpondre cette question. Le fort engagement au travail dpend en gnral dune pluralit de facteurs. Ceux-ci vont notamment combiner des reprsentations satisfaisantes et des perceptions des contraintes du travail. Ce qui est frappant, en premier lieu, lorsque lon sentretient avec les cadres, cest le nombre de significations grati-fiantes quils accordent leur activit.Les ingnieurs voquent ainsi la passion quils prouvent pour lactivit exerce, et notamment les connaissances techniques, voire scientifiques quelle suppose de mobiliser. Les cadres mana-gers , eux, disent apprcier le fait dassumer des responsabilits, dexercer du pouvoir et davoir une vue densemble des orientations de leur organisation en tant plus proches de la sphre dirigeante. Tous ont en commun lintrt port la bonne ambiance au travail, les relations intressantes procures par le collectif ou encore la dimension internationale de lactivit. Dans ces significations valorisantes du travail qui expliquent en grande partie le consentement des cadres, la rmunration na videmment pas disparu. Mais elle nest pas non plus prsen-te comme llment prpondrant au regard de lintrt pour linnovation, la crativit, la polyvalence ou la responsabilit. Est-ce dire que la logique du bonheur en entreprise et de lpanouissement dans le travail, tant vante par le discours managrial, laurait dsormais dfini-tivement emport aujourdhui ? Rien nest moins sr. Sinon, comment rendre intelligibles les phnomnes de souffrance psychique au travail, de malaise, de burnout et, pour les situations les plus extrmes, de suicide ?

    Une implication ambivalente, limage des situations vcues

    Parmi ces significations positives et motivantes, les cadres font part galement de significations beaucoup plus ambivalentes. Ainsi, ils appr-cient par exemple leur activit parce quelle leur offre une grande autonomie, mais ils temprent en mme temps cette autonomie en indiquant ses limites ou son caractre illusoire. Ils disent aimer travailler sous pression , relever des dfis et faire preuve de performance dans leur activit, mais reconnaissent simultanment quune telle spirale engendre du stress et de la souffrance. Enfin, ils considrent la poursuite dune carrire ascendante comme un facteur

    dattractivit, avec lide stimulante quelle se situe la porte de cha-cun le fameux tre acteur de sa carrire .Paralllement, ils dcri-vent aussi trs bien toute la difficult, aujourdhui, de poursuivre une telle carrire, dplorant la raret des postes et la diffusion de lide de cadres haut poten-tiel . Ces ambivalences indiquent une chose : le travail est indniable-ment porteur dlments de satisfaction, mais la contrainte des objec-tifs, la peur du chmage ou encore la lutte des places dans lentre-prise les tlescopent et viennent ds lors les relat iviser, voire les rendre illusoires. Cest ainsi que, dans les entre-prises, limplication au travail des cadres coexiste avec des pratiques de rsistance et de contesta-tion qui viennent remettre en cause cette adh-sion ou lui donner une tonalit fort diffrente.

    Des rsistances individuelles plus que collectives

    A limage de la pluralit des facteurs lorigine de linvestissement des cadres dans leur travail, les formes de contournement des rgles et de freinage sont tout aussi diverses. Celles-ci peu-vent revtir une dimension collective, comme les conflits sociaux mens par la catgorie, ces der-nires annes, chez Thomson, Hewlett-Packard, Texas Instruments ou encore Ibm. A une chelle plus restreinte, nous avons pu constater, au cours de nos enqutes, le refus dun groupe ding-nieurs de remplir un questionnaire cens valuer leur engagement dans le travail titre individuel. Cette opposition a alors contraint la direction le faire remplir, de faon plus anonyme, par les quipes de travail. Mais, davantage que les actions collectives, ce sont les rsistances indivi-duelles, voire clandestines, qui semblent surtout se manifester. Tout dabord, il y a celles qui pro-viennent des marges de manuvre dont dispo-sent les cadres dans leur travail. Elles prouvent que les ajustements et les rvisions dobjectifs sont possibles, comme lillustrent ces ingnieurs

    CADRES DANS LA TOURMENTE

    Entre implication ambivalente et r

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    Financiarisation de lconomie, monte du chmage et de lincertitude de lemploi, travail par objectifs et obligation de rsultats, valuation individualise des performances Dans ce contexte de mutations, sur quoi repose lengagement des cadres intermdiaires et des ingnieurs dans le travail ? Face aux dstabilisations induites, quelles formes de rsistance et de contestation existe-t-il ? Et avec quelle porte au regard du consentement des cadres ?

    Gatan FLOCCO (1)

    BIBLIOGRAPHIE

    Le travail des cadres dans la globalisation : contraintes et reprsentations , in Baumann E., Bazin L., Ould Ahmed P., Phlinas P., Selim M., Sobel R. (dir.), La Mondialisation au risque des travailleurs, Paris, LHarmattan, 2007, coll. Questions contemporaines , srie Globalisation et Sciences sociales, pp. 117-132.

    Les limites de lintriorisation des contraintes chez les cadres , Les Mondes du travail, mai 2007, n 3-4, pp. 93-106.

    (1) Sociologue, centre Pierre-Naville (Tepp-Cnrs).

  • daffaires que nous avons interviews dans une grande entreprise dnergie. Ceux-ci adoptent des stratgies danticipation de leurs rsultats venir consistant masquer une partie des objec-tifs dj atteints et reporter la signature dun contrat afin de laffecter au bilan comptable de lanne suivante.

    Des rsistances explicites et symboliques

    Les rsistances individuelles peuvent aussi sex-primer de faon plus explicite par la ngociation des objectifs en amont, en intervenant directe-ment sur leur formulation et en les rajustant en fonction des moyens techniques, financiers et humains. Il existe donc des arrangements entre les cadres et leur hirarchie qui constituent des stratgies de dtournement officielles et visibles. Par ailleurs, David Courpasson et Jean-Claude Thoenig ont analys des rsistances indivi duelles prenant des formes extrmes de sortie des cadres de lorganisation (2). Cest le refus expli-cite de cadres qui parviennent dire non et quitter la scne en vue de changer dentreprise ou bien dentamer une reconversion profes-sionnelle. Sans nier cette rbellion des cadres , comme lappellent les auteurs, celle-ci semble toutefois assez marginale. Enfin, on repre aussi des rsistances que lon pourrait qualifier de

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    t rsistances limites

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    (2) D. Courpasson, J.-C. Thoenig, Quand les cadres se rebellent, Paris, Vuibert, 2008.

    symboliques et qui menacent directement la paix sociale et le consensus apparent constam-ment recherchs par les directions dentreprise. Cest le cas lorsquun chef de section djeune la caftria de lentreprise avec un responsable syndical au vu et au su de sa hirarchie ou bien lorsque des cadres expriment ouvertement des dsapprobations convergentes, au moment de leur pause caf, sur telle ou telle dcision prise par leur organisation.

    Des cadres qui consentent davantage quils ne rsistent ?

    Reste alors prendre la mesure de lampleur de ces rsistances. Le constat qui simpose est que ces dernires ne semblent pas lemporter sur les formes dacceptation et dimplication qui demeurent, elles, assez prononces. Celles-ci sont alimentes par des facteurs tels que la menace du chmage, la pression des objectifs et lautonomie contrainte. Mais elles rsultent aussi de ladhsion certaines dimensions du travail (crativit, technique, relations sociales, responsabilit) ainsi qu celles du hors-travail telles que la culture de consommation de masse. Dautant que les finalits de ces rsis-tances paraissent assez limites. Elles sont bien souvent mises en uvre pour sconomiser au travail ou bien pour prserver des conceptions personnelles du travail bien fait contre les rgles imposes par lorganisation et juges absurdes. Et quand ces rsistances se traduisent de faon plus radicale par le refus net dun cadre et par son dpart de lentreprise, les cons-quences pour lorganisation sont sans doute moins importantes que pour le cadre lui-mme. Cette dimension individuelle des rsistances actuelles contraste fortement avec les luttes col-lectives au travail. Cela conduit remettre en cause lide quelles puissent tre lorigine dune trans-formation notable des organisations capitalistes. Enfin, il faut souligner la posture mitige, voire la mfiance que les cadres tmoignent lgard des organisations syndicales. Ils reconnaissent pour la plupart leur utilit comme contre-pouvoir au niveau de lentreprise ou comme offre de services et dinformations un niveau plus individuel. Mais ils sont rservs face aux postures d opposition systmatique des syndicats quils jugent par trop contestataires et peu constructifs . Ils laissent entendre quils prfreraient cette logique de la contestation une culture de la participation la gestion des entreprises. Telles sont donc les ra-lits du rapport au travail des cadres, auxquelles les organisations syndicales doivent sans doute aujourdhui confronter leur offre.

    !

    Davantage que les actions collectives, ce sont les rsistances individuelles, voire clandestines, qui semblent surtout se manifester.

  • Options : Le document dorientation du 49e Congrs plaide pour une adaptation des structures de la Cgt ; pour quelles raisons, que changer, et pour quels objectifs ?

    Agns Le Bot : Notre rflexion sur les struc-tures est maintenant engage depuis une bonne quinzaine dannes, autour de trois enjeux exis-tentiels, sur lesquels la commission Orientation a travaill. Le premier, cest videmment la capa-cit de la Cgt rayonner sur lensemble du sala-riat, pour aller un syndicalisme dadhrents, ce dont nous sommes encore loin. Le deuxime, cest sa capacit rpondre ses objectifs de trans-formation sociale et de contenu du travail. Le troisime, enfin, cest la consolidation dun syn-dicalisme confdr mis mal par des approches individuelles ou catgorielles qui, sous des formes diverses, aboutissent des mises en opposition entre salaris. Lobjectif est de nous doter de structures qui permettent la mise en uvre de d marches revendicatives aboutissant des avances collectives. Cest leur laboration que le document dorientation entend contribuer.

    Fabrice Fort : Nos structures sont confrontes des volutions majeures : dabord, la transfor-mation de lorganisation du travail, qui bouscule naturellement nos propres faons de travailler. Ensuite, les transformations socioprofession-nelles, avec des concentrations majoritaires dIct dans certains bassins demploi et entreprises, combines une explosion de formes prcaire demploi. Enfin, les volutions territoriales en France, mais aussi en Europe et dans le monde avec un rle nouveau des rgions en matire conomique et de formation professionnelle. Il y a urgence (r)investir ces trois champs. Il nous faut analyser avec finesse ce qui sy transforme si nous voulons articuler ce diagnostic et nos propres objectifs. Faute de quoi, nous serions ct de la plaque, au risque de nous retrouver marginaliss ou condamns au rle dambulan-ciers sociaux. Lenjeu de la transformation est l : dans la pertinence de nos structures au regard

    de nos objectifs et des difficults que la ralit leur oppose.

    Philippe Detrez : Lvolution catgorielle du salariat est un phnomne de fond ; o en sont nos structures cet gard ? Dans les annes 1995-1996, le dpartement du Nord comptait de trois quatre cents syndicats Cgt identifis. Aujourdhui, cest mille quatre cents bases orga-nises , avec des effectifs globaux stabiliss, voire en lgre progression. Mais le nombre dorgani-sations indique un clatement n de la prcarit, des restructurations dentreprises, et cela per-cute les formes dorganisation traditionnelles, tant au plan territorial que professionnel. Cest pourquoi notre rflexion dmarre du syndicat ; il semble vident que chaque adhrent relve dun syndicat. Pourtant, cest loin dtre le cas, et sin-gulirement pour les Ict. Au fond, le dfi consiste rpondre cette fluidit perptuelle par des structures ad hoc tout en garantissant un cer-tain suivi, une certaine permanence, sans pour autant tout reporter sur le dos des unions locales qui deviendraient alors les bonnes tout faire du territorial. Il nous faut au contraire recrer du collectif, entre syndiqus et entre structures.

    Irne Huart : On ressent sur le terrain la nces-sit de mieux confdraliser : trop de syndicats enferment encore leur activit dans lentreprise, alors que nous sommes confronts une myriade de Pme, lexplosion de la sous-traitance, de plus en plus dadhrents isols. Il nous faut donc recrer des solidarits : entre services et indus-trie, entre salaris des donneurs dordres et des sous-traitants, entre filires industrielles. Il existe par exemple un projet de cluster scientifique sur le plateau de Saclay. Cela appelle des coopra-tions syndicales dune ampleur et dune qualit nouvelles entre organisations de la Cgt, car les enjeux touchent lemploi, la qualit de vie, la matrise des enjeux de recherche, la coopra-tion public-priv Nous avons cr un collectif ad hoc, dabord pour changer les informations, ensuite pour dfinir une dmarche syndicale,

    TABLE RONDE

    Structures : comment penser et conduire les volutions ?

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    PARTICIPANTS :AGNS LE BOT, MEMBRE DE LA COMMISSION EXCUTIVE CONFDRALE DE LA CGT.

    IRNE HUART, SECRTAIRE GNRALE DE LA COMMISSION DPARTEMENTALE UGICT DE LESSONNE.

    PHILIPPE DETREZ, ESPACE VIE SYNDICALE DE LA CGT.

    FABRICE FORT, SECRTAIRE GNRALE DE LUFICT MTALLURGIE.

    PIERRE TARTAKOWSKY, OPTIONS.

    Les mondes du travail nen finissent pas de se transformer, rendant complique lapprhension de la ralit du travail lui-mme. Pour le syndicalisme, qui sest historiquement structur son image, le dfi est existentiel et implique des remises en question de lexistant. Un processus qui appelle rflexions et dbats.

    IL Y A URGENCE (R)INVESTIR CES TROIS CHAMPS. IL NOUS FAUT ANALYSER AVEC FINESSE CE QUI SY TRANSFORME SI NOUS VOULONS ARTICULER CE DIAGNOSTIC ET NOS PROPRES OBJECTIFS. FAUTE DE QUOI, NOUS SERIONS CT DE LA PLAQUE, AU RISQUE DE NOUS RETROUVER MARGINALISS OU CONDAMNS AU RLE DAMBULANCIERS SOCIAUX.

  • des axes de travail soumettre lUD ; reste penser les moyens de sa prennit.

    Options : La tendance naturelle de toute struc-ture, cest de se reproduire lidentique. Celles de la Cgt nchappent pas cette rgle ; com-ment, alors, conduire les volutions ?

    Agns Le Bot : Jai envie de rpondre : en don-nant la possibilit aux syndiqus de la Cgt den dcider. Cest un dfi dmocratique majeur. Comment faire en sorte que le syndiqu, tra-vers son organisation de base, le syndicat, puisse avoir lespace de dbat ncessaire qui lui per-mette de conduire les volutions de la Cgt ? Je vais prendre lexemple de mon propre parcours : je suis arrive la Cgt comme tudiante, salarie temps partiel dans un multiplexe cinmatogra-phique. Nous tions cent cinquante salaris, dont 80 % temps partiel, niveau bac plus deux pour la majorit dentre nous, avec des techniciens oprateurs projectionnistes, minoritaires mais dots dune identit forte. Nous avons construit le syndicat , plus exactement une section syn-dicale rattache lunion locale quinze syndi-qus maximum au prix de grandes difficults en termes de dbat de syndiqus, de lien avec les salaris, de prise en compte des diversits. Nous avions affaire des agents de matrise, une forte diversit entre les temps partiels tous regroups dans la catgorie employe diplms ou non , entre ceux qui envisageaient de faire carrire et les autres. Malgr cette explosion de diversits, favorable aux tentatives de division patronales, on a eu des acquis considrables. Ce qui est pro-pos dans le cadre du congrs vise permettre la prise en compte effective de telles situations, tout en construisant du syndicalisme confdr, solidaire au sens plein du terme.

    Fabrice Fort : Nous devons surmonter un para-doxe : lutilisateur est en gnral trs content de la structure quil utilise, et il a naturellement tendance considrer que celle quil nutilise pas ne sert rien. Les structures ragissent de

    mme ; pour elles, seuls leurs utilisateurs sont utiles. Cest logique, mais cest un frein laction convergente et lefficacit collective. Nous avons besoin de revenir avec force sur la finalit de la structure, ne serait-ce que pour asseoir une activit Cgt proprement dite, au lieu de laligner sur un calendrier institutionnel, patronal ou gou-vernemental. Un exemple : dans lautomobile, patronat et gouvernement ont mis en place du chmage partiel pour les ouvriers. Trs rapide-ment, la Cgt, du niveau confdral jusqu celui du syndicat, a labor un argumentaire lgiti-mant son refus de perte de salaire. Rsultat : une mobilisation importante, sur un message clair, linitiative dune Cgt en phase, dbouchant sur un rapport de forces favorable. Le gouvernement a d rengocier, et dans beaucoup dentreprises on a dcroch une indemnisation 100 %, ou presque. Peu de temps aprs, le patronat ri-tre en perptrant un hold-up sur la Rtt des Ict. Indiffrence gnrale ; et il gagne, rcupre des milliers dheures de travail sur le dos des sala-ris. Absente dans ces catgories, la Cgt nest pas en capacit danimer le dbat sur ses positions ; les salaris se retrouvent donc en porte faux et ne bougent pas. Ici, cest notre forme de struc-turation qui est inefficace ; elle pousse pen-ser le rapport de forces en termes quantitatifs nombre de salaris et non qualitatifs, partir des identits, des revendications et de leurs pos-sibles convergences.

    Irne Huart : La finalit dune structure se mesure au rle quelle joue dans le dploiement syndical ; or on se dveloppe toujours de lin-trieur . Si la structure est indispensable pour se dployer, elle doit donc bnficier dune rela-tive autonomie. Cest une des dimensions de la dmocratie syndicale que de permettre cette fonctionnalit faire valoir ses propres reven-dications au service du dploiement de la Cgt. Dun autre ct, nous savons que ce nest pas en crant une structure par catgorie que lon chappe au catgoriel. Attention, donc, au risque dune activit globale ou morcele au point den

    CE QUI EST PROPOS DANS LE CADRE DU CONGRS VISE PERMETTRE LA PRISE EN COMPTE EFFECTIVE DE SITUATIONS DE GRANDE DIVERSIT SOCIALE, TOUT EN CONSTRUISANT DU SYNDICALISME CONFDR, SOLIDAIRE AU SENS PLEIN DU TERME.

    25OPTIONS N 551 / NOVEMBRE 2009

    PHO

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    ILLE

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    devenir strile. Il sagit de mettre les structures pour ce quelles apportent et le temps quelles lapportent au service dune vision revendica-tive stratgique. La vision stratgique, cest celle qui permet de marquer des points pour tous dans la confrontation sociale et ne se rsume pas en une simple numration revendicative. Cela suppose une mise en convergence des forces Cgt : cest difficile, mais cela garantit un dploiement solide, enracin, plus que ne le fait une fragile mcanique daddition.

    Fabrice Fort : Nous avons besoin que chaque catgorie se rapproprie son rle, son apport dans lorganisation du travail et la confronte aux mcanismes de domination du capital. Cela passe par un examen de la finalit du travail ; dfaut de dlgitimer la finalit affiche, savoir satisfaire les actionnaires en fonction de critres dont ils dcident seuls, on laisse la part belle aux stratgies managriales dont on sait les capacits destructrices. Aujourdhui, les seules rponses quont les salaris face ces questions sont individuelles ; les structures de la Cgt doivent aider les syndiqus rflchir sur ces questions, rintroduire du collectif dans ce jeu-l Elles sont capables de travailler de concert lorsquil y a une journe nationale de mobilisation. Force est

    de constater quelles le sont beaucoup moins lorsquil sagit de faire converger une multiplicit dinitiatives. Cela nous renvoie avec force la qualit de notre vie syndicale. On a certes progress sur la consultation des salaris ; mais cela engendre aussi des conflits. Quant mettre les syndiqus en situation dac-teurs et de dcideurs Cela demande encore beaucoup defforts, dexprimentation et dchanges entre nous.

    Philippe Detrez : Parler dobjectifs communs, ce nest pas voquer une addi-tion, pas plus quil ne suffi-rait davoir tant de syndiqus pour avoir un syndicat. Il faut du commun, du partag, et cest bien l-dessus quil nous faut construire. Sachant que cela na rien dvident. Jai

    en tte lexemple du site des deux gares dans le Nord : on a fait un syndicat de site, anim par les cheminots, mais qui couvrait des enseignes de commerce multiples ainsi que dautres entre-prises. Il sest avr extrmement difficile de rassembler tout le monde, tout simplement parce que ces salaris ne se comprennent pas ; leurs proccupations spontanes diffrent, comme diffrent les mots pour le dire. Cela nempche pas le travail en commun, mais cela suppose de satteler la conduite de transformations.

    Options : Ces transformations, il va bien fal-loir les dfinir. Dans ce cadre, quest-ce que lUgict apporte au dbat confdral en termes de rflexion et de bonnes pratiques ?

    Agns Le Bot : Nous voulons engager des vo-lutions de fond ; nous avons besoin de structures qui permettent dapprhender les ralits du travail, den dbattre avec les syndiqus, les salaris. Cela ncessite un accord trs large des syndicats sur les objectifs, avec une conception qui permette chacun de jouer son rle. Cela tant, disons-le clairement : si cela devait se tra-duire par la tentative de dcliner les structures actuelles sur les lieux de travail, nous irions lchec. Cest le contraire quil faut faire : partir des besoins exprims par les syndiqus et les salaris. Cest un norme chantier, qui redimen-sionne compltement notre dmarche et que la nouvelle loi sur la reprsentativit devrait nous aider aborder de faon plus offensive.

    Fabrice Fort : Personne ne peut se prvaloir, dans la Cgt, de vrits rvles, et il est bon que le congrs interroge le bilan des struc tures. Certaines ne se dveloppent pas, ne font pas dadhsions ; cest vrai pour des structures

    TABLE RONDEStructures : comment penser et conduire les volutions ?

    PARLER DOBJECTIFS COMMUNS, CE NEST PAS VOQUER UNE ADDITION, PAS PLUS QUIL NE SUFFIRAIT DAVOIR TANT DE SYNDIQUS POUR AVOIR UN SYNDICAT. IL FAUT DU COMMUN, DU PARTAG, ET CEST BIEN L-DESSUS QUIL NOUS FAUT CONSTRUIRE.

    Fabrice Fort.

    Agns Le Bot.

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    spcifiques comme pour dautres. Dans tous les cas, on discerne un trait commun : la perte, un moment donn, de la finalit de notre activit ; souvent faute de qualit syndicale, par institu-tionnalisation La structure efficace, cest celle qui traite des problmes des catgories aux-quelles elle sadresse. Elle le peut partir du moment ou elle fonctionne comme un espace daccueil et de libert, permet des changes, des propositions et, in fine, un plan de travail. Les premiers rsultats lectoraux dans la mtallur-gie montrent que la loi sur la reprsentativit nous aide. Plusieurs situations attestent dune Cgt qui, pour la premire fois, se risque dans le deuxime et le troisime collge. Parce que des camarades ont dcid dadopter pour chaque collge la mme dmarche revendicative que celle qui prvaut pour le collge ouvriers : partir de leurs proccupations et leur permettre de se dfendre. Cest la qualit de vie syndicale qui fera que lactivit sera ou non prenne. Or, si nous avons, dans nos syndicats, un secrtaire gnral et un trsorier, nous manquons cruellement de responsable la vie syndicale. Et nous abandon-nons un pan entier de notre activit, pourtant dterminant pour notre croissance. Avoir un responsable de ces questions est vital.

    Philippe Detrez : Entire ment daccord. Il y a n-cessit pour les organisations de la Cgt davoir une activit prcise et non pas gnraliste ; cest dans ce cadre que doit tre aborde la dimension sp-cifique des ingnieurs, cadres et techniciens. Sur 630 000 Fni dont plus de 100 000 retraits , la Cgt compte 70 000 Fni Ugict. Cinq de ses fdrations en regroupent plus de la moiti ; la petite partie qui reste relve dune multitude de champs fdraux ; les dsquilibres sont donc normes, et il revient

    chaque organisation de les examiner pour en tirer les consquences qui simposent au regard de leur dploiement et des outils dont elles ont be-soin. Dune certaine faon, la tentative faite par lUgict de permettre aux jeunes tudiant salaris une adhsion en ligne sinscrit dans cette volont de renouvellement et devrait tre travaille plus nationalement. Lapport de lUgict et de ses organisations passe par des propositions de campagnes cibles, dinitiatives pour la syndicalisation, laction re-vendicative. Dexprience, quand une commission d-partementale sy emploie, a marche.

    Irne Huart : La Cgt a besoin de lUgict ; cest son outil de dploiement en direction des catgories de

    lencadrement. Dans les territoires, on souffre du faible nombre de commissions dpartementales. Comment une union dpartementale peut-elle se dployer en direction des Ict si elle ne se dote pas dune commission dpartementale ? La question est pose lensemble des organi-sations : prennent-elles rellement en compte limportance de ces catgories ? LUgict nest sans doute pas la rponse exclusive, mais du moins existe-t-elle. Se fixer lobjectif dtre un syndicalisme de transformation sociale avec ce que cela implique daction sur le sens du travail, sa finalit impose de prendre en compte les cadres et les techniciens, trs sensibles aux en-jeux de responsabilit sociale.

    Agns Le Bot : La Cgt a trs certainement besoin doutils spcifiques. Elle doit prendre en compte une ralit complexe, marque par de nouvelles diffrenciations qui transcendent celles que lon a connues. Jai un peu envie de dire que lon a besoin doutils spcifiques qui sachent aussi travailler les spcificits dans la spcifi-cit. Cela doit pouvoir tre apprhend par les syndicats et les syndiqus eux-mmes. On ne va certainement pas dcider den haut, de faon centralise, de la structure de la Cgt : nos modes de travail et dvolution en sont loin. Le dbat du congrs nous invite nous interroger sur la spcificit, non pour la nier, mais afin quelle puisse rpondre aux enjeux poss aujourdhui, dans un contexte o la loi sur la reprsentativit ouvre des possibilits des syndicats tradition-nellement proccups du seul premier collge. Il sagit daider ces syndicats, de les inviter appr-hender leur environnement pour ce quil est vraiment, de construire ensemble des rponses qui soient adaptes aux besoins des organisa-tions de la Cgt. Cest dcisif pour son avenir.

    COMMENT UNE UNION DPARTEMENTALE PEUT-ELLE SE DPLOYER EN DIRECTION DES ICT SI ELLE NE SE DOTE PAS DUNE COMMISSION DPARTEMENTALE ? LA QUESTION EST POSE LENSEMBLE DES ORGANISATIONS : PRENNENT-ELLES RELLEMENT EN COMPTE LIMPORTANCE DE CES CATGORIES ?

    Philippe Detrez.

    !

    Irne Huart.