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48 PHARMACEUTIQUES - MAI 2017 L e temps où la division pharma- ceutique d’Otsuka en France ne possédait qu’un seul traitement, l’antipsychotique oral Abilify®, n’est plus de mise. Confronté à l’ex- piration du brevet de son médica- ment vedette en 2015, le groupe de santé japonais s’est attaché à réduire les risques inhérents à sa présence dans une seule aire thérapeutique. C’est ainsi qu’il a su s’engager dans deux nouveaux domaines, la néph- rologie et l’hémato-oncologie, pour assurer sa pérennité, sans délaisser pour autant le système nerveux cen- tral (SNC), sa spécialité historique. Cette stratégie a porté ses fruits assez rapidement puisqu’aujourd’hui, le portefeuille du laboratoire contient cinq médicaments : Abilify® et Abi- lify Maintena® en psychiatrie, Jinarc® et Samsca® en néphrologie ainsi que Deltyba® en infectiologie. De nouvelles aires thérapeutiques En 2015 et en 2016, le lancement de Jinarc® (premier traitement spé- cifique de la polykystose rénale au- tosomique dominante (PKRAD), a marqué les débuts du groupe en néphrologie tandis que la com- mercialisation de Deltyba® le fai- sait entrer par la grande porte dans l’infectiologie. Dans le même temps, les départements R&D et business development du groupe cherchaient à nouer, sur la scène internationale, des alliances, des partenariats, des licences et à réaliser des acquisi- tions. Le rachat de la société amé- ricaine de biotechnologies Astex, en septembre 2013, a ainsi permis à Otsuka d’ajouter une corde à son arc : l’hémato-oncologie. Dans la corbeille de la mariée, la guadeci- tabine, un agent hypométhylant de nouvelle génération actuellement en phase 3 dans la leucémie aiguë myé- loblastique et le syndrome myélo- dysplasique, deux maladies du sang pour lesquelles le besoin médical reste très important. Et ce n’est pas tout : dans le giron d’Avanir, repris fin 2014-début 2015, le groupe a récupéré l’AVP-786, un traitement en développement dans l’agitation liée à la maladie d’Alzheimer. D’ail- leurs, son traitement Rexulti® (brex- piprazole), qui devrait être bientôt lancé dans la schizophrénie, pourrait aussi obtenir une AMM dans cette même indication, l’agitation dans la maladie d’Alzheimer, en fonction des résultats des études de phase 3. Une politique d’investissements ciblés Le rachat d’Avanir n’était pas seu- lement motivé par son AVP-786. Il traduisait surtout l’intérêt du groupe japonais pour le développement cli- nique et l’expertise commerciale dans les maladies neurologiques de cette société. Cet apport, complémentaire de la division pharmaceutique, lui a permis d’accélérer son expansion dans le domaine neurologique, d’élargir son portefeuille global dans les aires psychiatriques et neurologiques, et aussi de soutenir sa croissance. Cette acquisition était d’ailleurs conforme à la politique d’investisse- ment d’Otsuka : s’engager financière- ment dans des entreprises et des acti- vités avec lesquelles il peut partager sa philosophie, ses ressources humaines, des produits et des outils de gestion communs, investir dans une perspec- tive de long terme et, enfin, mettre Présent sur plusieurs aires thérapeutiques, l’entreprise poursuit sa politique d’alliances, de partenariats, de licences et d’acquisitions. Et aborde l’avenir avec sérénité. Un labo au crible Otsuka Stratégie Les fruits de la diversification Engagement envers les jeunes schizophrènes L’engagement d’Otsuka France va bien au-delà de ses médicaments. La prise en charge des jeunes patients schizophrènes représente, par exemple, un sujet majeur pour le laboratoire, particulièrement en France. Un rapport européen, publié en janvier 2016, a analysé les structures de prise en charge précoce et spécifique des jeunes patients souffrant de psychose. Ses conclusions ont montré l’errance dans le diagnostic et ensuite dans la prise en charge, notamment dans l’Hexagone. Les jeunes schizophrènes français pâtissent notamment de l’absence de ponts entre la pédopsychiatrie et la psychiatrie. Face à ce constat, Otsuka France a décidé de s’atteler à une vaste prise de conscience sur la nécessité de structures d’intervention précoce pour ces jeunes patients, à médiatiser et mettre en réseau les initiatives locales pour faire des émules.

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pharmaceutiques - mai 2017

Le temps où la division pharma-ceutique d’Otsuka en France ne possédait qu’un seul traitement, l’antipsychotique oral Abilify®,

n’est plus de mise. Confronté à l’ex-piration du brevet de son médica-ment vedette en 2015, le groupe de santé japonais s’est attaché à réduire les risques inhérents à sa présence dans une seule aire thérapeutique. C’est ainsi qu’il a su s’engager dans deux nouveaux domaines, la néph-rologie et l’hémato-oncologie, pour assurer sa pérennité, sans délaisser pour autant le système nerveux cen-tral (SNC), sa spécialité historique. Cette stratégie a porté ses fruits assez rapidement puisqu’aujourd’hui, le portefeuille du laboratoire contient cinq médicaments : Abilify® et Abi-lify Maintena® en psychiatrie, Jinarc® et Samsca® en néphrologie ainsi que Deltyba® en infectiologie.

De nouvelles aires thérapeutiquesEn 2015 et en 2016, le lancement de Jinarc® (premier traitement spé-cifique de la polykystose rénale au-tosomique dominante (PKRAD), a marqué les débuts du groupe en néphrologie tandis que la com-mercialisation de Deltyba® le fai-sait entrer par la grande porte dans l’infectiologie. Dans le même temps, les départements R&D et business development du groupe cherchaient à nouer, sur la scène internationale, des alliances, des partenariats, des licences et à réaliser des acquisi-tions. Le rachat de la société amé-

ricaine de biotechnologies Astex, en septembre 2013, a ainsi permis à Otsuka d’ajouter une corde à son arc : l’hémato-oncologie. Dans la corbeille de la mariée, la guadeci-tabine, un agent hypométhylant de nouvelle génération actuellement en phase 3 dans la leucémie aiguë myé-loblastique et le syndrome myélo-dysplasique, deux maladies du sang pour lesquelles le besoin médical reste très important. Et ce n’est pas tout : dans le giron d’Avanir, repris fin 2014-début 2015, le groupe a récupéré l’AVP-786, un traitement en développement dans l’agitation liée à la maladie d’Alzheimer. D’ail-leurs, son traitement Rexulti® (brex-piprazole), qui devrait être bientôt lancé dans la schizophrénie, pourrait aussi obtenir une AMM dans cette même indication, l’agitation dans la maladie d’Alzheimer, en fonction des résultats des études de phase 3.

Une politique d’investissements ciblésLe rachat d’Avanir n’était pas seu-lement motivé par son AVP-786. Il traduisait surtout l’intérêt du groupe japonais pour le développement cli-nique et l’expertise commerciale dans les maladies neurologiques de cette société. Cet apport, complémentaire de la division pharmaceutique, lui a permis d’accélérer son expansion dans le domaine neurologique, d’élargir son portefeuille global dans les aires psychiatriques et neurologiques, et aussi de soutenir sa croissance.Cette acquisition était d’ailleurs conforme à la politique d’investisse-ment d’Otsuka : s’engager financière-ment dans des entreprises et des acti-vités avec lesquelles il peut partager sa philosophie, ses ressources humaines, des produits et des outils de gestion communs, investir dans une perspec-tive de long terme et, enfin, mettre

Présent sur plusieurs aires thérapeutiques, l’entreprise poursuit sa politique d’alliances, de partenariats, de licences et d’acquisitions. Et aborde l’avenir avec sérénité.

un labo au crible Otsuka

Stratégie

Les fruits de la diversification

Engagement envers les jeunes schizophrènes

L’engagement d’Otsuka France va bien au-delà de ses médicaments. La prise en charge des jeunes patients schizophrènes représente, par exemple, un sujet majeur pour le laboratoire, particulièrement en France. Un rapport européen, publié en janvier 2016, a analysé les structures de prise en charge précoce et spécifique des jeunes patients souffrant de psychose. Ses conclusions ont montré l’errance dans le diagnostic et ensuite dans la prise en charge, notamment dans l’Hexagone. Les jeunes schizophrènes français pâtissent notamment de l’absence de ponts entre la pédopsychiatrie et la psychiatrie. Face à ce constat, Otsuka France a décidé de s’atteler à une vaste prise de conscience sur la nécessité de structures d’intervention précoce pour ces jeunes patients, à médiatiser et mettre en réseau les initiatives locales pour faire des émules.

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mai 2017 - pharmaceutiques

à disposition de nouveaux médica-ments et services qui répondent à des besoins cruciaux. Comme dans tout groupe internatio-nal, des variantes peuvent toutefois exister entre les stratégies menées à l’international et en Europe, no-tamment en raison d’écosystèmes différents. Par exemple, à l’issue du rachat du laboratoire Neurovance, la molécule centanafadine, désormais en développement dans le TDAH (trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité), répond à un besoin bien défini outre-Atlantique mais controversé en Europe.

Deux activités complémentairesLe positionnement santé du groupe a toujours suivi deux axes principaux : les activités pharmaceutiques et nu-traceutiques. A cet égard, la France occupe une place de choix. Ainsi, en 2008, Otsuka a repris 49 % des parts d’Alma sur ses marques d’eaux miné-rales : Saint-Yorre, Vichy Célestins, Thonon, Châteldon, Courmayeur, Cristaline, Vernière, Rozana et des

marques régionales. En outre, Nutri-tion et Santé, installé à Revel, près de Toulouse, avec sa marque phare Gerblé, est tombé dans l’escarcelle du groupe en 2009. Ainsi, les deux activités, qui emploient environ 2 500 collaborateurs, poursuivent d’importants investissements dans l’Hexagone. Globalement, Otsuka se voit comme un tout. C’est pourquoi ses diri-geants n’ont pas l’intention de vendre tout ou partie de ses activités, comme la nutraceutique ou la santé fami-liale. L’entreprise donne la priorité à ses engagements de long terme sur les marchés, soutenus par l’un des moteurs de son action, le “jissho”. Ce terme japonais peut être traduit en français par « prouver sa capacité à réaliser », avec la notion de persé-vérance jusqu’à ce que le succès soit atteint.

Une recherché focalisée et ouverteLa recherche, dont le budget repré-sente 14 % du chiffre d’affaires consolidé, se concentre en pharmacie dans les domaines de prédilection tels les maladies psychiatriques et neurologiques, ainsi qu’en oncolo-gie, dans les maladies infectieuses, l’ophtalmologie et de la dermato-logie. Les efforts de ses équipes ont conduit, par exemple, à la découverte du delamanide (Deltyba®), indiqué dans la tuberculose pulmonaire mul-tirésistante. Depuis 2006, Otsuka a été reconnu par le Treatment Action Group comme l’investisseur privé

le plus important en R&D pour la lutte contre cette maladie. La mise au point de Deltyba® marque d’ail-leurs une première étape dans un portefeuille à venir de nouveaux mé-dicaments, nouvelles formulations et tests biomarqueurs. En octobre 2016, Otsuka, avec le soutien de la fondation Bill et Melinda Gates, a annoncé le développement d’un nou-vel antituberculeux. Ses expertises en interne apportent beaucoup à l’avancée de son porte-feuille en développement. Ainsi, sa filiale Astex Pharmaceuticals, déten-trice d’une technologie exclusive de découverte de médicaments basée sur l’utilisation de fragments de molécule, mène des programmes de recherche sur les tumeurs hématolo-giques et solides. De son côté, Taiho Pharmaceutical, également dans le giron du groupe, oriente sa recherche sur les tumeurs gastriques, pancréa-tiques et autres tumeurs solides.Les compétences viennent aussi de l’extérieur. Otsuka a une longue his-toire de collaborations fructueuses avec de grands laboratoires tels Lundbeck, Bristol-Myers Squibb, UCB ainsi qu’avec des sociétés de biotechnologies dont Akebia Thera-peutics (voir encadré) et Ariad. Ot-suka reste ouvert aux collaborations avec d’autres entreprises. Le groupe nippon entend bien continuer à po-ser ses jalons dans la santé à l’échelle mondiale. n

Christine Colmont

Le centre de R&D d’Osuka, à Tokushima. La fresque murale symbolise la philosophie d’Otsuka.

DR

Relais de croissance en vue

Une collaboration a été signée le 25 avril entre Otsuka et la start-up américaine Akebia Therapeutics. Signée dans le sillage d’un précédent accord conclu en dé-cembre pour le marché américain, cette collaboration porte notamment sur la commercialisation du vadadustat en Europe. Avec vadadustat, molécule d’une nouvelle classe thérapeutique, Otsuka alimente son portefeuille de produits en néphrologie. Vadadustat, stabilisateur du facteur induit par l’hypoxie, provoque la synthèse d’EPO naturelle chez les patients anémiés, en mimant l’effet de la fabrication d’hémoglobine qui se produit en altitude. Son atout potentiel : éviter les effets indésirables des EPO de synthèse, notamment cardiovasculaires. Si les résultats des phases 3 menées sur ce médicament se révélaient positifs, une AMM pourrait être obtenue en 2020 en Europe. Une bonne nouvelle pour le groupe qui trouverait ainsi un relais de croissance pour son activité néphrologie tout en répondant à un besoin fort chez les patients.

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pharmaceutiques - mai 2017

Votre laboratoire ne figure pas dans le Top 20 mondial des entreprises de santé. Ambitionnez-vous de gagner des places sur vos concurrents ?

● Otsuka doit enregistrer un bon niveau de croissance pour s’assurer de disposer de capitaux suffisants, en in-terne ou provenant de l’extérieur, pour investir dans cette industrie fortement consommatrice en moyens financiers. Cependant, l’entreprise n’a jamais am-bitionné de figurer parmi les premières du classement mondial et ce, dans son propre intérêt, car rien ne prouve que la taille et l’inventivité vont de pair. La réciproque semble être vraie si l’on en juge par la contribution très élevée des petites entreprises de biotechnologie à la découverte de médicament.

Envisagez-vous de céder votre division santé grand public ?

● Otsuka n’a pas besoin d’être le leader mondial sur ce segment pour être en harmonie avec sa philosophie, résumée par cette formule : « Les équipes Otsuka créent de nouveaux produits pour une meilleure santé dans le monde. » De manière plus pragmatique, la taille de ce segment spécifique de la santé, certes limitée mondialement, ne diminue pas notre capacité à créer des produits très appréciés des consommateurs.

Où en est votre collaboration avec Lundbeck ?

● Cette alliance, qui a débuté en 2011, réunit deux sociétés de premier plan dans le domaine du système nerveux central en vue de développer et com-mercialiser plusieurs produits pour le traitement des maladies psychiatriques

et neurologiques. Otsuka et Lundbeck ont fait ce choix du rapprochement en réponse à une R&D très difficile sur ce segment (durée des essais cliniques parmi les plus longues), à un environne-ment très compétitif (forte présence de génériques). Alors que ces facteurs ont amené plusieurs laboratoires à se retirer de cette aire thérapeutique, tous deux ont, au contraire, investi dans ce do-maine pendant de nombreuses décen-nies et cette alliance tourne aujourd’hui “à plein régime”.

Nouer des partenariats fait-il toujours partie de votre stratégie ?

● Oui, nous concluons des accords de licence de manière sélective, à condi-tion de combler des lacunes spécifiques dans un domaine thérapeutique comme le système nerveux central (SNC). Ou dans les cas où notre présence en Asie nous rend particulièrement attractif pour des entreprises occidentales qui souffrent d’une présence plus limitée dans la région.

Quelle est votre politique en matière de partenariats public-privé ?

● A titre d’exemple, Otsuka et l’insti-tut Riken pour la biologie du dévelop-pement, situé à Kobe au Japon, ont créé un centre collaboratif axé sur les maladies neurodégénératives et rénales. Otsuka participe aussi à des recherches avancées en immunologie avec l’univer-sité d’Osaka. Notre laboratoire prend également part au Global Health Inno-vative Technology Fund, qui favorise les collaborations internationales pour stimuler l’innovation, l’investissement et asseoir le leadership japonais dans

la lutte mondiale contre les maladies infectieuses. Enfin il s’agit de réduire la pauvreté dans les pays en voie de déve-loppement.

Quel est l’objet de votre collaboration avec IBM ?

● Elle concerne les Etats-Unis et le Japon, mais la forme de la collaboration diffère dans les deux pays. Au Japon, Otsuka et IBM ont créé une coentre-prise développant un système logiciel qui intègre et gère les dossiers médicaux, difficiles à analyser, des patients placés dans des établissements psychiatriques. Le système, qui utilise l’expertise d’Ot-suka dans le SNC et les technologies de Watson d’IBM, cherche à accroître le partage d’informations entre le person-nel médical pour améliorer la qualité des soins. Aux Etats-Unis, une filiale distincte d’Otsuka utilise la technologie IBM pour intégrer les données des dif-férentes parties prenantes dans les soins de santé mentale – hôpitaux, centres communautaires de santé mentale, payeurs – ainsi que les organisations de services sociaux et le système de justice pénale. En tant que solution de gestion de la santé, son objectif est d’aider les organismes de santé (notamment assu-rantiels) à atteindre leurs objectifs en matière de soins et de performance. n

Propos recueillis par Christine Colmont

De taille moyenne, l’entreprise nippone s’appuie sur sa recherche interne et privilégie les rachats et les alliances pour stimuler sa croissance dans son domaine historique, le système nerveux central, mais aussi en néphrologie et en onco-hématologie.

un labo au crible Otsuka

Susumu Tamai, directeur général d’Otsuka Pharmaceutical :

« S’ouvrir sur l’extérieur »

DR

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Quelle est la place de la France dans le groupe ?

● Eloignée géographiquement du Ja-pon, la France n’en occupe pas moins une place de choix, liée à nos cultures et à nos histoires respectives. C’est un pays dans lequel le Japon a toujours investi, au-delà même du médicament, puisqu’Otsuka y est également présent dans les domaines du matériel médical et du nutraceutique, deuxième acti-vité du groupe. En outre, les Français sont perçus par les Japonais comme un peuple innovant et créatif. L’amitié est réciproque.

Vous avez pris vos fonctions il y a un peu plus d’un an. Quelles sont vos missions ?

● Ma priorité consiste à développer et à sécuriser la filiale française. En 2016, son chiffre d’affaires a chuté, à 67 millions d’euros, en raison de la perte de brevet d’Abilify® oral. Toutefois, la relève est là. Entre 2015 et 2016, trois médicaments ont été lancés : Abilify Maintena®, forme à longue durée d’action de notre molé-cule phare aripiprazole, Jinarc® (premier traitement spécifique de la polykystose rénale autosomique dominante) et Deltyba® (tuberculose multirésistante). Samsca®, traitement de l’hyponatrémie, est lui importé de façon exceptionnelle depuis trois ans. Otsuka France est par-venu à maintenir ses effectifs, reflet de la grande confiance accordée par le groupe dans sa filiale et sa capacité à diversifier son portefeuille produits.

Où en sont les prochains lancements ? ● Nous espérons obtenir l’AMM eu-

ropéenne de Rexulti® (brexpiprazole)

dans le traitement de la schizophrénie courant 2018. Nous préparons ce lance-ment dans le cadre de notre alliance avec Lundbeck. En France, si des barrières s’érigent, elles peuvent aussi se lever ra-pidement. Par exemple, le lancement de Jinarc® a été plus rapide dans l’Hexagone que dans d’autres pays européens (Italie et Espagne). Ceci reflète la volonté de l’Etat français de rester un pays ouvert à l’innovation dès lors que les dossiers dé-montrent un réel progrès. Dans l’objec-tif de lancer un nouveau produit par an, la guadecitabine en onco-hématologie et le vadadustat en néphrologie devraient être nos prochains lancements autour de 2019-2020.

Quel est le rôle joué par Otsuka au sein de l’association des laboratoires japonais présents en France ?

● Otsuka s’investit au travers de LaJaPF pour participer à sa nouvelle dyna-mique. Notre association se positionne aujourd’hui comme un think tank d’inspiration japonaise. Nous avons par exemple élaboré en 2016 une liste de recommandations destinée aux pouvoirs publics sur le thème du bien vieillir, le Japon ayant été le premier grand pays à faire face au vieillissement de sa popu-lation. En 2017, nous travaillons sur une étude visant à estimer l’économie que pourrait générer la digitalisation de certains actes dans le cadre de plusieurs pathologies chroniques.

Quelle est la marque de fabrique d’Otsuka France ?

● Otsuka France a opéré un virage stratégique important en 2013 avec la fin de l’accord de collaboration

avec Bristol-Myers Squibb. Nous avons alors travaillé sur trois axes prioritaires : renforcer les équipes Otsuka France pour construire une filiale parfaitement autonome, struc-turer un partenariat dans le domaine du système nerveux central avec le laboratoire Lundbeck, et dévelop-per une nouvelle façon de travailler, très collaborative et dynamique, sur le modèle du “servant leadership”. Cette spécificité d’Otsuka consiste à se mettre au service de ses colla-borateurs en accompagnant leurs actions, leur développement et leur carrière ainsi qu’au service des profes-sionnels de santé avec lesquels nous interagissons.

Quelles sont vos ambitions à l’horizon de cinq ans ?

● La filiale veut poursuivre la diver-sification de son portefeuille produits pour pérenniser son avenir, être un par-tenaire incontournable des profession-nels de santé en appliquant la notion de “servant leadership”, aller au-delà du médicament et, enfin, contribuer signi-ficativement à l’amélioration de la prise en charge des patients, notamment les jeunes patients schizophrènes, un sujet majeur pour Otsuka France. Il est im-portant que, grâce à nos valeurs parta-gées et à ces belles perspectives, chaque collaborateur puisse être un ambassa-deur de choix de l’entreprise pour rendre notre laboratoire encore plus attractif et faciliter le recrutement de nos talents de demain.

Propos recueillis par Christine Colmont

La filiale France, reconnue et appréciée du siège nippon, relève les enjeux de la diversification et de la pérennisation de l’activité.

Fabienne Delaplace-Lavoix, présidente d’Otsuka Pharmaceutical France :

« La “French Touch” à l’honneur »

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mai 2017 - pharmaceutiques

DR

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pharmaceutiques - mai 2017

RadioscopieOtsukaLe laboratoire japonais, qui consacre 14 % de son chiffre d’affaires à sa recherche & développement, s’apprête à lancer Rexulti® dans la schizophrénie en Europe.

Les grandes étapes

1921 : création d’Otsuka au Japon.

1964 : constitution d’Otsuka Pharmaceutical.

1998 : Otsuka Pharmaceutical Europe voit le jour.

1999 : alliance avec Bristol Myers-Squibb pour Abilify®.

2004 : création d’Otsuka Pharmaceutical France. Abilify® ob-tient son AMM européenne.

2008 : acquisition de Nutrition et Santé et prise de participa-tion dans le capital d’Alma.

2009 : le président d’Otsuka, Tatsuo Higuchi, reçoit des mains d’Anne-Marie Idrac (alors secrétaire d’Etat au Commerce exté-rieur) le prix de l’investissement en France pour trois actions majeures (création d’OPFS, participation dans Alma, acquisition de Nutrition et Santé). AMM européenne pour Samsca®.

2010 : introduction du titre Otsuka à la Bourse de Tokyo.

2011 : alliance avec Lundbeck pour plusieurs produits dans le système nerveux central.

2011 : acquisition de Kisco, dispositifs médicaux de haute technologie (centre de recherche à Lyon).

2013 : rachat d’Astex (R&D en oncologie). Abilify Maintena® obtient son AMM européenne.

2014 : reprise d’Avanir (R&D dans le système nerveux cen-tral). Akihiko Otsuka est fait chevalier de la Légion d’honneur en récompense de l’implication du groupe dans l’Hexagone. AMM européenne pour Deltyba®.

2015 : AMM européenne pour Jinarc®.

2017 : acquisition de Neurovance et partenariat avec Akebia Therapeutics (R&D en néphrologie).

Source : Otsuka

Amérique du Nord 25,9 %

Reste du monde 21,9 %

Japon52,2 %

RÉPARTITION DU CHIFFRE D’AFFAIRES...CHIFFRE D’AFFAIRES 2016 (EN %)

...PARZONE

GÉOGRAPHIQUE

un labo au crible Otsuka

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mai 2017 - pharmaceutiques

Les chiffres ● Le groupe de santé nippon a réalisé l’an dernier un chiffre d’affaires de 1 195, 5 mil-

liard de yens (9,7 Mds€). Il s’attend à un retour à la croissance des ventes pour atteindre 1 260 MdsY (10,25 Mds€) en 2017. Des prévisions qui viennent d’être confirmées lors de la publication des résultats du premier trimestre de l’exercice en cours. Fin 2016, l’entreprise comptait 45 000 collaborateurs répar-tis entre le Japon et ses 180 filiales essaimées dans le monde entier. Otsuka s’appuie aussi sur ses 174 unités de production et ses 46 centres de recherche.

CHIFFRE D’AFFAIRES (en milliards d’euros)

201720162015

11,6

Source : Otsuka

9,7 10,25

(est)

LES PRINCIPAUX PRODUITS (en millions de yens)

Abilify®(antipsychotique)

Abilify® Maintena® (antipsychotique)

REXULTI®/RXULTI® (antipsychotique)

Pletaal®/Pletal® (agent antiplaquettaire)

NUEDEXTA®(syndrome pseudobulbaire)

Source : Otsuka, taux de change au 31/12/16, 100 yens : 0,8133 €

776

465

242

192

192

RÉSULTAT NET CONSOLIDÉ (part du groupe) (en millions d’euros)

201720162015

830 753 707

Source : Otsuka, taux de change au 31/12/16, 100 yens : 0,8133 €

RECHERCHE & DÉVELOPPEMENT(en milliards de yens)

(e)

201720162015

1,6486

Source : Otsuka, taux de change au 31/12/16, 100 yens : 0,8133 €

1,3729 1,4639

(est)

RÉPARTITION PAR ACTIVITÉSChiffre d’affaires 2016 (en %)

Source : Otsuka

63 % Pharmacie

25,2 % Neutraceutique

2,9 % Médication familiale

8,9 % Autres