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23 STATUT ET RÔLE DU DESSIN DANS LA FORMULATION D'UN PROGRAMME DE CONSTRUCTION AU COLLÈGE Valentina CEL! Annie BESSOT Groupe « Didactique au collège »1 IREM de Grenoble Résumé. Nous analysons ici à la première situation d'une séquence, celle de l'écriture par des élèves de troisième d'un message d'un programme de construction. Cette situation s'avère solide du point de vue de la production d'un processus interactif de formulation de preuves pragmatiques d'un algorithme de construction. À partir du matériel recueilli (messages, vidéo des interactions d'un binôme), nous essayerons de montrer comment le dessin, dans son rapport avec la figure qu'il représente, y joue bien pour les élèves le rôle d'un dispositif expérimental. Mots-clés: dessin, figure, dispositif expérimental, construction à la règle et au compas, tangente à un cercle, problématique géométrique, problématique pratique Cet article se base sur le travail du groupe Didactique au collège de l'IREM de Grenoble et quelques résultats de la recherche de Celi (2002) portant sur une comparaison de l'enseignement de la géométrie en France en Italie pour des élèves de onze à seize ans. Dans les manuels italiens, les constructions géométriques de base à l'aide de la règle et du compas font l'objet d'un chapitre isolé; elles occupent une place marginale dans l'ensemble du programme de géométrie de l'enseignement obligatoire. En revanche, dans les manuels français, les constructions géométriques sont présentes partout: conformément aux prescriptions officielles de l'enseignement obligatoire, au-delà des constructions de base, des problèmes de construction sont très souvent proposés pour introduire ou réinvestir des connaissances, ou pour des raisons d'« ordre et de soin» (<< compléter et consolider l'usage d'instruments de mesure ou de dessin »2). Néanmoins, Céli (op. cité) a montré qu'aussi bien les élèves italiens que les élèves français rencontrent des difficultés dans le traitement de problèmes de construction: - difficulté à articuler entre elles les informations graphiques et discursives ; - difficulté à distinguer un algorithme de construction de sa justification (souvent l'algorithme fait office de preuve) ; - difficultés à distinguer les hypothèses de ce qui en découle. 1 Ont participé à ce travail Annie Bessot, Hugues Baudrillard, Serge Cecconi, Valentina Celi, Christine Marcel, Josiane Roussel. Nous remercions tout particulièrement Hugues (Collège International, Grenoble), Serge (Collège Plan Menu, Voiron) et Josiane (Collège Simone de Beauvoir, Crolles) de nous avoir ouvert leurs classes durant l'année scolaire 2004-2005. Nous remercions également leurs élèves. 2 Programme de mathématiques de la classe de Sixième défmi par arrête du 22 novembre 1995. petit x nO 77

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STATUT ET RÔLE DU DESSIN DANS LA FORMULATION D'UN

PROGRAMME DE CONSTRUCTION AU COLLÈGE

Valentina CEL! Annie BESSOT

Groupe « Didactique au collège »1 IREM de Grenoble

Résumé. Nous analysons ici à la première situation d'une séquence, celle de l'écriture par des élèves de troisième d'un message d'un programme de construction. Cette situation s'avère solide du point de vue de la production d'un processus interactif de formulation de preuves pragmatiques d'un algorithme de construction. À partir du matériel recueilli (messages, vidéo des interactions d'un binôme), nous essayerons de montrer comment le dessin, dans son rapport avec la figure qu'il représente, y joue bien pour les élèves le rôle d'un dispositif expérimental.

Mots-clés: dessin, figure, dispositif expérimental, construction à la règle et au compas, tangente à un cercle, problématique géométrique, problématique pratique

Cet article se base sur le travail du groupe Didactique au collège de l'IREM de Grenoble et quelques résultats de la recherche de Celi (2002) portant sur une comparaison de l'enseignement de la géométrie en France en Italie pour des élèves de onze à seize ans. Dans les manuels italiens, les constructions géométriques de base à l'aide de la règle et du compas font l'objet d'un chapitre isolé; elles occupent une place marginale dans l'ensemble du programme de géométrie de l'enseignement obligatoire. En revanche, dans les manuels français, les constructions géométriques sont présentes partout: conformément aux prescriptions officielles de l'enseignement obligatoire, au-delà des constructions de base, des problèmes de construction sont très souvent proposés pour introduire ou réinvestir des connaissances, ou pour des raisons d'« ordre et de soin» (<< compléter et consolider l'usage d'instruments de mesure ou de dessin »2).

Néanmoins, Céli (op. cité) a montré qu'aussi bien les élèves italiens que les élèves français rencontrent des difficultés dans le traitement de problèmes de construction:

- difficulté à articuler entre elles les informations graphiques et discursives ; - difficulté à distinguer un algorithme de construction de sa justification (souvent l'algorithme fait office de preuve) ; - difficultés à distinguer les hypothèses de ce qui en découle.

1 Ont participé à ce travail Annie Bessot, Hugues Baudrillard, Serge Cecconi, Valentina Celi, Christine Marcel, Josiane Roussel. Nous remercions tout particulièrement Hugues (Collège International, Grenoble), Serge (Collège Plan Menu, Voiron) et Josiane (Collège Simone de Beauvoir, Crolles) de nous avoir ouvert leurs classes durant l'année scolaire 2004-2005. Nous remercions également leurs élèves.

2 Programme de mathématiques de la classe de Sixième défmi par arrête du 22 novembre 1995.

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C'est ainsi que nous nous sommes intéressé aux problèmes de constructions géométriques et au rôle des instruments vis-à-vis du statut des figures. Nos questions de départ ont été les suivantes:

- comment faire pour que l'activité de construction soit, pour l'élève, le point de départ d'un questionnement mathématique? - comment faire pour que le dessin réalisé permette l'entrée dans un processus de preuves et de validation ? - quel rôle jouent ou peuvent jouer les instruments dans ce processus?

Notre questionnement nous a conduits à délimiter une notion géométrique, celle de tangente à un cercle, pour laquelle la distinction dessin / figure3 est particulièrement cruciale. Nous avons construit une séquence didactique constituée de trois situations autour de la construction du cercle tangent aux deux côtés d'un angle donné:

- une première situation de communication écrite entre binômes d'élèves de deux classes de même niveau; - une deuxième situation de décodage des messages par les élèves récepteurs et évaluation des messages; - une séance de débat scientifique (Legrand, 1988) à partir de certains messages produits par les élèves émetteurs.

Nous nous intéresserons ici seulement à la première situation de la séquence. En effet, celle-ci (écriture par binôme d'un message à des élèves d'une autre classe de même niveau) s'avère solide du point de vue de la production d'un processus interactif de formulation de preuves pragmatiques d'un algorithme de construction: le dessin y joue bien le rôle d'un dispositif expérimental dans une signification que nous préciserons plus loin.

Mais le processus d'interaction entre les élèves relève de leur sphère privée et seule l'observation peut y donner accès. Un certain nombre de questions a ainsi été posé par les deux autres situations. Comment organiser le passage de la sphère privé des élèves à la sphère publique et mettre en place un débat mathématique? Comment transférer aux élèves une problématique mathématique pertinente sur la notion de tangente? Comment passer du dessin comme dispositif expérimental pour produire une preuve pragmatique d'un algorithme de construction à la construction coopérative d'une preuve mathématique validant cet algorithme? Quelles conjectures mettre en débat? Comment gérer le débat? Ces questions sont encore pour nous largement ouvertes et nous n'y répondrons pas dans cet article.

1. Éléments de réflexion autour des constructions géométriques à la règle et au compas

Nous nous plaçons dans une problématique de la construction «à la règle et au compas ».

Depuis Euclide, les instruments règle et compas sont des instruments idéals. Un problème de construction en mathématique est avant tout un problème de constructibilité. Le compas d'Euclide est un instrument permettant de tracer un cercle de centre un point et passant par un point. Il ne transporte pas des distances. Euclide

3 Dans Parzysz (1989), l'auteur propose de réserver «le tenne de figure à l'être géométrique» et d'employer « le mot dessin pour une représentation graphique (plane) de cette figure ». Cette distinction a depuis été retenue par nombre de didacticiens, comme par exemple chez Laborde et Capponi (1994).

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démontre qu'il peut transporter des distances par la « constructibilité» d'un segment [CD] de même longueur qu'un segment [AB] donné. Une règle est un instrument à un seul bord rectiligne, supposé illimité et sans graduation ni marque.

La notion de construction en mathématique est donc liée au problème de « la possibilité ou de l'impossibilité d'une solution géométrique» (Klein 1846). On peut analyser la solution d'un problème de construction géométrique selon les critères suivants: elle doit fournir à la fois une preuve de l'existence de l'objet à construire et de sa constructibilité, et un algorithme de construction.

«Une construction par la règle et le compas fournit en somme un théorème d'existence. [...] toutes les fois que nous avons, non pas seulement constaté expérimentalement qu'une telle construction donne un résultat, mais démontré qu'elle le donne [... ] cette construction peut être transformée en la preuve logique de l'existence de l'élément construit; et en même temps, elle en constitue une détermination pratiquement approchée. » (Lebesgue, 1987)

À côté d'une telle construction mathématique, on peut concevoir une construction pratique. Pour Klein, une construction pratique relève de « la recherche de la solution qui convient à chaque cas particulier» (Klein 1846). De ce point de vue, le problème est de trouver des procédés de tracés avec des instruments matériels pour obtenir un dessin satisfaisant du point de vue des mesures. Par exemple pour trouver les axes de symétrie d'une ellipse de centre donné 0, on trace avec un compas pointé en °- en modifiant peu à peu son ouverture - les cercles inscrits et exinscrits, mais avec une précision telle qu'il n'est pas possible de contester graphiquement (ou visuellement) le tracé obtenu ... Un procédé de tracé approché est donc acceptable à partir du moment où il donne une solution graphique avec une précision suffisante.

Le clivage entre les deux points de vue est manifeste quand on a affaire à un cas de non constructibilité :

« Pour le dessinateur il existe toujours un algorithme de construction, exact ou approché, nécessitant tels ou tels instruments, lui permettant de réaliser son projet; La notion de non constructibilité - et, par suite, celle de constructibilité - devient, en conséquence, caduque de son point de vue. Elle n'a guère de pertinence graphique; elle conserve pourtant toute sa pertinence mathématique.» (Chevallard, Jullien, 1990-1991)

Le problème de la non constructibilité à la règle et au compas qui a préoccupé et occupe les mathématiciens n'est d'aucun intérêt pour la pratique du dessinateur par exemple:

« S'agit-il de construire un cercle divisé pour un instrument de mesure, cette opération ne se fait en réalité que par tâtonnements. La division exacte du cercle en parties égales par la règle et le compas n'était autrefois possible que pour les nombres 2, 3, 5 et leurs divers multiples. Gauss y a ajouté d'autres cas en montrant la possibilité de la division en p parties, lorsque p est un nombre entier de la forme

p=2 2"-1

et l'impossibilité de la division dans tous les autres cas. La pratique ne peut tirer aucun profit de ces résultats ; les considérations de Gauss ont une signification purement théorique... " (Klein, 1846).

Comment caractériser la construction à la règle et au compas dans l'enseignement secondaire habituel et actuel de la géométrie en France? Nous la caractérisons comme respectant un ensemble de règles implicites :

- les instruments sont matériels et permettent de produire un dessin ; -les instruments n'ont pas à être mentionnés dans l'algorithme de construction;

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- le problème de l'existence de « l'objet» à construire n'est pas posé; - le tracé doit pouvoir être justifie par des propriétés géométriques portant sur la figure (objet mathématique) que représente le dessin (objet matériel).

Mais est-ce que tout problème de construction géométrique dans l'enseignement secondaire est ou vise à être un problème à la règle et au compas?

2. Choix d'un problème et d'une situation de communication pour mettre en scène ce problème

Le problème de construction d'un cercle tangent aux deux côtés d'un angle donné conduit à revisiter la notion de tangente à un cercle, déjà enseignée en Quatrième et pour laquelle, comme déjà dit, la distinction entre dessin et figure est particulièrement cruciale. La mise en scène du problème dans la séquence (cf. plus loin la fiche de la première séance) doit permettre de donner le temps aux élèves pour :

- un retour réflexif sur les procédés de construction (pour apprendre en réfléchissant sur son activité) - s'engager dans un débat scientifique de validation de leurs procédés et entrer dans une véritable problématique géométrique (Berthelot, Salin, 1992).

Le choix de mettre les élèves par équipe de deux devrait permettre, au travers des interactions, l'extériorisation verbale de connaissances, questions et prises de décisions et ainsi l'entrée dans un processus de preuves et de réfutations pour convaincre le partenaire. Ce choix augmente les chances de l'observateur (qui peut être l'enseignant) de repérer:

- des contradictions éventuelles entre différentes stratégies liées à des connaissances différentes, - la présence ou l'absence de la distinction figure et dessin, - ainsi que quelques difficultés des élèves et la manière dont ils tentent de les surmonter.

Binôme nO Nom: Prénom: Nom: Prénom:

Écrire un programme de construction qui pennette à un camarade de Troisième de construire un cercle tangent aux côtés d'un angle donné.

ATTENTION! TOUT DESSIN DANS LE PROGRAMME DE CONSTRUCTION EST INTERDIT Vous ne devez jamais utiliser les mots « tangent », « tangente », etc... Votre programme sera transmis à un binôme d'une classe de Troisième d'un autre établissement. X --------------------------------------------------------------------------------------------------------­

Programme

Chaque équipe doit communiquer par écrit une solution commune à des pairs absents. L'écriture du programme de construction pour d'autres élèves inconnus - sur lesquels

4 Le plus souvent de manière séparée de l'écriture du procédé de construction.

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les émetteurs n'ont pas de contrôle - devrait favoriser la prise de conscience et la prise en charge de questions de généralisation. Si le message avait été adressé à l'enseignant, les élèves auraient répondu par rapport aux attentes de l'enseignant, et non (seulement) par rapport à la production d'une solution générale et fiable pour un autre ayant les mêmes connaissances, les mêmes difficultés. Pour la consigne, nous avons choisi:

- de formuler en termes généraux, en particulier sans mesure, pour favoriser des messages produisant des dessins interprétables comme des modèles matériels d'une figure géométrique;

- de ne pas accompagner l'énoncé du problème d'un dessin car, en accord avec Gobert (2007), « la présence d'un dessin dans un énoncé de problème a priori géométrique, fait basculer celui-ci dans le domaine des problèmes spatio­graphiques, ne permettant pas aux élèves de repérer les caractéristiques liées au premier type de problèmes» ;

- d'utiliser une expression mathématique courante « angle donné » (Est-elle familière? Sinon, comment peut-elle être comprise ?) ;

- d'interdire la présence de dessin dans le message, cela pour que les élèves rédigent des énoncés de nature géométrique ; de plus, le dessin de la tangente montrerait de manière ostensive ce qu'est une tangente en basculant ainsi dans le spatio-graphique et non dans le géométrique;

- d'interdire le terme « tangent» et ses variantes pour contraindre les élèves à une explicitation de la notion fondamentale pour le problème de construction choisi.

De plus, dans le libellé de la consigne, nous parlons de construction sans mentionner d'instruments. Ceux-ci peuvent donc être choisis librement dans la trousse d'un élève de troisième, à savoir règle graduée ou non, équerre, compas et rapporteur. Quel système d'instruments sera adopté pour l'écriture d'un programme de construction?

3. Cercle tangent à un angle donné : constructions possibles en fin de collège

Notre analyse du problème se place dans le cadre du contrat institutionnel: « construction à la règle [non graduée] et au compas avec des instruments matériels pour produire un dessin dont le tracé est justifiable par des propriétés géométriques de la figure », d'où l'omission des instruments et de leur usage dans notre rédaction d'un algorithme ou programme de construction, dans les termes de l'enseignement. Elle vise à mettre en évidence des constructions possibles en fin de collège sans vouloir atteindre l'exhaustivité. Nous présentons dans l'annexe 1 le détail de ces constructions ainsi que la justification géométrique de leur validité. Celles-ci intègrent quatre constructions de base supposées naturalisées avant la Troisième dans l'enseignement secondaire :

(M) milieu-médiatrice d'un segment donné (Pe) perpendiculaire à une droite donnée passant par un point qui lui appartient ou non; (Pa) parallèle à une droite donnée passant par un point qui lui appartient ou non; (B) bissectrice d'un angle qui elle-même s'appuie sur la construction (Pe).

5 Problèmes de géométrie.

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Selon les programmes de 1996 et de 2006, ces quatre constructions de base sont introduites en Sixième, « sur papier blanc et sans que la méthode soit imposée ». La plupart des manuels interprètent cette prescription en proposant, selon les niveaux scolaires, un jeu sur les instruments «règle graduée ou non, compas, équerre et rapporteur» ; ils visent implicitement à la fin du collège l'usage de la règle non graduée et du compas. C'est pour cela que dans notre analyse, nous considérons que ces constructions de base se font à la règle non graduée et au compas.

Nous prenons comme définition de la tangente - nommée par la suite proposition 1 - celle qui est prédominante actuellement dans l'enseignement au collège (cf. annexe 2, «Tableau. Définitions présentes dans sept manuels de Quatrième (2002) ») :

Proposition 1. La tangente à un cercle en un point est la droite perpendiculaire au rayon en ce point. (Dimathème 2002)

S'en déduit la proposition 2 (qui a été et peut être encore la définition d'une tangente) : Proposition 2. Une droite est tangente à un cercle si elle a un point commun et un seul avec ce cercle. (Lebossé, Hémery 1949)

Soulignons qu'historiquement (annexe 2) cette dernière proposition était la définition dominante de la tangente, la proposition 1 étant un théorème.

Nous résumons dans les tableaux 1 et 2 la dénomination des stratégies, en distinguant les stratégies avec et sans bissectrice ; pour chaque stratégie, sont données les constructions de base utilisées et les principales propriétés de justification du procédé.

Stratégie Constructions Justifications: définitions et propriétés « Bissectrice d'un angle »

Bissectrice d'un angle (B) Perpendiculaire (Pe)

Propriété de la bissectrice Proposition 1

« Médiane-bissectrice d'un triangle isocèle»

Milieu d'un segment (M) Perpendiculaire (Pe)

Définition de rayon d'un cercle Médiane comme bissectrice dans un triangle isocèle Propriété de la bissectrice d'un angle Proposition 1

« Cercle» Bissectrice d'un angle (B)

Propriété d'un triangle inscrit dans un cercle ayant un côté confondu avec un diamètre Définition de la distance d'un point à une droite

Tableau 1. StratégIes « avec bIssectrIce »6 possIbles en fm de collège

Stratégie Constructions Justifications: Définitions et propriétés . « Symétrie axiale»

Perpendieulaire (Pe) Propriété de la symétrie axiale Proposition 1

« Parallèle» Perpendiculaire (Pe) Parallèle (Pa)

Propriété de la parallèle comme ensemble de points à une même distance d'une droite donnée Propriété topologique Propriété de la distance du point d'intersection de deux droites respectivement parallèles à deux droites sécantes données Proposition 1

Tableau 2. Stratégies « sans bissectrice» possibles en fm de collège

6 La référence à la bissectrice est soit dans le programme de construction et dans sa justification, soit dans la justification seulement.

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Pour évaluer ces différentes stratégies, nous considérons dans le tableau 3 leur coût à l'écriture selon deux critères quantitatifs? :

- du point de vue de la construction: nombre de constructions de base8 (nb) et nombre de tracés de cercle (nc). - du point de vue de la justification: nombre de théorèmes ou de propriétés9

,

routiniers (mr) ou non (mm) au collège. Du point de vue du coût à l'écriture de la construction, les stratégies « bissectrice d'un angle» et « bissectrice-cercles» sont les plus économiques: 3 tracés.

Cependant, si on tient compte du coût en justification, qui représente aussi le coût en connaissances disponibles pour la construction, la stratégie «bissectrice d'un angle» est la moins coûteuse.

Avec bissectrice Sans bissectrice Stratégies angle triangle cercles symétrie parallèle nb 2 2 1 1 5 ne 1 2 2 4 1 rnr 2 5 2 4 2 mnr 0 0 2 0 2

Tableau 3. Coût des stratégies

4. Les messages produits dans une classe de Troisième

Sur treize messages produits (cf. annexe 3), deux sont inexploitables: l'un traite le problème «construire les tangentes à un cercle» (binôme 3) et l'autre est hors sujet (binôme 9). Nous donnons dans le tableau 4 la répartition des onze messages restants selon deux critères:

les stratégies de construction, la prise en considération de mesures ou non.

Avec bissectrice Sans bissectrice

Stratégies autre angle triangle cercles symétrie parallèle

Avec mesure 4 10 11 0 0 0

Sans mesure 6 1,2,5,8,13 7, 12 0 0 0

Tableau 4. Répartition selon les deux critères des treize messages numérotés (de 1 à 13)

Seules deux des stratégies analysées apparaissent: stratégie avec bissectrice, d'un angle ou d'un triangle. Rappelons que la stratégie « avec bissectrice d'un angle », majoritaire, est la moins coûteuse. De plus l'attachement institutionnel de la notion d'angle à la notion de bissectrice semble bloquer la disponibilité de toute autre propriété.

7 Remarquons que nous attribuons le même poids à toutes les constructions de base et à toutes les propriétés et théorèmes, ce qui peut être contesté. 8 Indiqué en gras dans l'algorithme de construction d'une stratégie dans l'annexe l. 9 Indiqué en gras dans la justification de l'algorithme de construction d'une stratégie dans l'annexel.

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Deux stratégies sont absentes : celles qui font intervenir des propriétés ou des théorèmes non routiniers comme dans la stratégie « bissectrice et cercles» ou « parallèle », celles qui sont coûteuses en tracés comme dans la stratégie « perpendiculaire ».

Deux messages s'appuient sur la construction d'un carré (binômes 4 et 6). Nous les avons classés dans «autre ». Par exemple, le binôme 4 demande de tracer un carré de côté 6 cm, le point d'intersection des diagonales étant le centre du cercle cherché.

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Message du binôme 4

Seuls trois messages (dont le binôme 4) fournissent explicitement des mesures: imposant au récepteur le recours soit à la règle graduée soit au rapporteur.

Cependant dans ces trois messages, la mesure ne joue aucun rôle du point de vue de la construction mathématique. Mais sa présence semble être une nécessité formelle pour l'émetteur. Par exemple, pour les binômes 4 et 10 (message donné ci­après), le procédé de construction décrit est valable pour n'importe quel carré ou triangle (respectivement).

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Message du binôme 10

Ne serait-ce pas une conséquence des énoncés des problèmes de construction figurant dans les manuels de collège, où souvent on demande de tracer un dessin avec des mesures fournies?

Six messages sur onze contiennent un programme se rattachant à la construction de la bissectrice d'un angle. Par exemple le message du binôme 1 associe le tracé de l'angle à celui de la bissectrice. Le vocabulaire géométrique n'est pas encore stabilisé puisque, en particulier, les élèves confondent « hauteur» et « perpendiculaires ». Bien que leur message ne fasse mention d'aucune mesure, on peut penser qu'ils le considèrent comme incomplet puisqu'ils recommandent: «débrouillez-vous avec les mesures. Sinon, demandez de l'aide à votre professeur ». Encore une fois, les mesures semblent représenter une nécessité pour le bon tracé du dessin.

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Message du binôme 1

Les binômes 7, 11 et 1210 écrivent un programme se rattachant à la stratégie « bissectrice d'un triangle»: ils considèrent donc un triangle isocèle comme définissant l'angle donné. Seul le binôme 12 fait apparaître audacieusement un cercle qui n'est pas inscrit dans le triangle.

EtApu. <ù. con&.\:.."c.t\oI\..

.A. T("6.c.llr un.1:ri&"3Qa. ~k R~.eu.. _ù. (!l.

Message du binôme 12

Remarquons qu'aucun message ne parle d'instrument alors qu'aucun interdit ni aucune suggestion ne sont présents dans la consigne. Néanmoins, parmi les treize messages produits, cinq (ceux des binômes 1, 2, 5, 8, 13) peuvent s'interpréter comme étant réalisables « à la règle et au compas », par exemple comme dans le message final du binôme 8.

Message final du binôme 8

Mais ces cinq messages sont-ils vraiment conçus par les élèves comme réalisables « à la règle et au compas» ? L'analyse des interactions filmés du binôme 8 nous fournit des éléments pour répondre à cette question et pour en soulever d'autres.

10 En réalité les binômes 12 est un trinôme!

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5. Les trois messages successifs produits par le binôme 8

Le binôme 8 a produit trois messages successifs durant la situation d'écriture. Ces trois messages sont donnés dans l'encadré 1 ci-après. Analysons rapidement ces messages.

Le premier message est inachevé: en pariant d'un« troisième côté », les deux élèves s'appuient sur l'angle formé par deux côtés d'un triangle (isocèle) ; leur conception de la tangente est liée au dessin (<< qu'il ne coupe pas... ») : ils évitent ainsi tout recours à la notion de rayon du cercle et à celle de distance qui lui est liée. Ce premier message se rattache à la stratégie « médiane - bissectrice dans une triangle isocèle ».

Deuxième message (après 27 minutes d'interaction)

I"QQ. -trl~~Ill... ! '"'

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' ~ ..... 0;;;;::-; l> "

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-\~ l\.1­ ~ 1 r~ cL .... TI .

Encadré 1. Les trois messages successifs du binôme 8

Dans le deuxième message, l'apparition de la bissectrice fait disparaître le «troisième côté» et, par conséquent, son milieu comme centre du cercle. Les perpendiculaires aux deux côtés de l'angle donné définissent le centre du cercle, mais sans la preuve que les deux perpendiculaires se coupent sur la bissectrice. Le rayon est toujours absent. À partir du deuxième message, la stratégie devient celle de « bissectrice d'un angle ».

Dans le troisième message apparaît en même temps que la donnée du rayon le codage des points. Il est précisé qu'il faut tracer « les droites perpendiculaires aux deux côtés qui passent par A et B et coupent la bissectrice en un point C ». Or, même si on fait le dessin soigné des trois droites, elles semblent former un « petit trianglell » : le

Il Comme dans la situation du tracé des trois médiatrices d'un triangle proposée par Brousseau (1983).

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fait qu'elles se coupent en un seul point est un savoir, non justifié, qui contrôle le tracé et la lecture graphique.

Ce programme se suffit à lui-même pour produire un dessin valide à la règle et au compas, bien qu'il ne soit pas justifié: pourquoi les trois droites se coupent-elles en un seul point, centre du cercle cherché? Pourquoi le cercle est-il tangent aux deux côtés de l'angle donné? Cependant, cette absence de justification apparaît comme conforme aux attentes de l'institution où un programme de construction est la suite des étapes qui permettent de construire une figure.

Soulignons que c'est parce qu'un temps suffisant est laissé aux élèves qu'ils ont pu aboutir à un message institutionnellement acceptable, c'est-à-dire apparaissant comme réalisable à la règle et au compas. Mais, qu'en est-il en réalité? Quels instruments et quels dessins ont fonctionné au cours de l'interaction entre les deux élèves? Quel rôle ont-ils joué dans l'évolution des messages?

6. Statut et rôle du dessin dans le processus d'écriture des trois messages successifs du binôme 8

Le film des interactions du binôme 8 garde la mémoire du processus interactif conduisant les élèves à la rédaction d'un premier message, son abandon pour l'écriture d'un deuxième, lui-même rejeté en faveur d'un ultime message. Ce film atteste, dans ce processus, du recours constant des élèves à différents dessins (une trentaine de dessins) : dessins totalement ou partiellement à main levée (dessin mixte), dessins avec instruments.Les instruments disponibles peuvent être, rappelons-le, règle graduée ou non, équerre, compas et rapporteur. Les deux types de dessins présents dans l'institution interviennent donc dans les interactions: dessins instrumentés12 (ou dessin aux instruments) et dessins à main levée.

«Remarquons que dans le cadre de la géométrie plane, deux sortes de 'figures-dessins [dessins] 13' , représentant la figure géométrique, objet d'étude, peuvent être réalisées: un dessin 'aux instruments', respectant spatialement les données du problème, ou urie 'figure [dessin] à main levée', où ces données sont grossièrement respectées et représentées par des éléments codés. » (Salin, 2006)

Sur le rôle du dessin à main levée pour le mathématicien « expert », Coppé, Dorier, Moreau (2005) écrivent:

« Le mathématicien expert utilise fréquemment des dessins à main levée, en géométrie et même dans d'autres domaines des mathématiques, pour se représenter la situation, pour conjecturer un résultat ou pour le vérifier. » (Coppé, Dorier, Moreau, 2005).

Sur le rôle du dessin à main levée au collège, type de dessin qui est pour eux «caractéristique de la classe de Cinquième» au même titre que les dessins explicitement faux, ces auteurs écrivent:

«Une autre solution trouvée par certains auteurs de manuels [au problème du passage au raisonnement] réside dans l'utilisation de dessins à main levée ou de dessins faux pour signifier aux élèves que l'on va raisonner à partir d'un dessin qui ne sera qu'un outil, qu'une aide pour démontrer ou bien qu'il ne faut pas utiliser le dessin qui peut être trompeur. » (op. cité)

Qu'en est-il dans le processus de preuves et de validation qui se met en place lors de

12 Coppé, Dorier, Moreau (2005) définissent des types de dessins instrumentés présents dans les manuels de Cinquième: dessin en vraie grandeur, dessin codé avec des mesures, dessin non codé respectant certaines propriétés et enfin dessin explicitement Faux, les dessins à main levée représentant une cinquième catégorie. 13 Nous préférons le terme de dessin en accord avec la distinction de Parzysz.

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l'écriture d'un programme? Quand recourt-on aux instruments (dessins instrumentés, dessins mixtes) et pourquoi ? Quels instruments sont utilisés ? Pour signifier quelles propriétés? Quand n'y recourt-on pas (dessins à main levée, dessin mixte) et pourquoi ? Quel codage est présent? sur quels dessins ? En quoi le recours ou non aux instruments change le statut du dessin et donc la situation géométrique dans laquelle sont les élèves ?

Nous tentons de répondre à ces questions dans la suite de l'article.

La question de l'angle donné Tout d'abord remarquons que, comme dans le message du binôme 3, les élèves du binôme 8 commencent par chercher à résoudre le problème du tracé d'un angle tangent à un cercle donné (problème réciproque plus routinier). Mais leurs échanges les conduisent peu à peu à comprendre que l'angle est donné et qu'« on ne donne justement pas un angle qu'on sait».

Avant le message 1 El. Oui, mais si on ne donne justement pas un angle qu'on sait, il faut un truc qui marche avec tous les triangles. [silence] Il faudrait ... de toute façon, quand tu as envie de tracer un parallélogramme, tu traces ni un carré, ni un rectangle, tu traces un parallélogramme.

Rareté des dessins instrumentés La production de dessins instrumentés apparaît seulement au moment de la vérification d'un message écrit aussi bien pour le valider (dernier message) que pour les réfuter (les deux premiers messages). L'écriture du troisième message est suivie de sa validation par un dessin instrumenté par la règle, le rapporteur, l'équerre et fmalement le compas.

Suite au message 3 E2 trace dans son cahier un angle et prend un rapporteur pour tracer la bissectrice : il s'y reprend à deux fois] c'est bon, vas-y. (Dessins 1)

Dessins 1

C'est donc au moment de la validation ou de la réfutation des messages écrits que l'enjeu de la situation de communication à un autre élève est compris. La situation de réfutation et de validation dans laquelle sont les élèves est clairement conditionnée par une problématique pratique (Berthelot, Salin 1992), celle de la production d'un dessin.

L'usage des instruments peut être sous le contrôle de la perception comme le montre l'extrait ci-après, qui concerne le tracé d'un triangle isocèle et d'un cercle tangent aux côtés de ce triangle. Mais il peut aussi servir à matérialiser une propriété portée par l'instrument (cf. ce même extrait) où l'équerre sert à tracer une perpendiculaire, dans le but de réfuter que le cercle tangent a pour rayon la moitié du troisième côté.

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Suite au message 1 E2. Je teste à la règle fprend sa règle graduée]. El. Trace un triangle quelconque. [E2 trace à la règle un angle aigu et le troisième côté de façon à avoir perceptivement un triangle isocèle] [... ] [E2 prend son compas et trace un cercle qui passe perceptivement par les extrémités du troisième côté] El. Tu n'as pas bien placé le centre. E2. C'est pas grave. Et bien ça marche. El. Ca marche que dans un triangle aigu en fait. Dans un triangle aigu tu peux prendre ça, la moitié du troisième côté comme rayon du cercle. E2. Tu es sûr que là si on trace un rayon du cercle, tu es sûr que si on trace un rayon du cercle, cela fera un angle droit?

Dessin 2 El. Oui ... parce que ... fais le si tu veux. E2. fprend sa règle, hésite] T'as pas une équerre? [El prend son équerre et trace les rayons perpendiculaires] (Dessin 2)

Multiplicité des dessins à main levée La production d'un dessin à main levée ou mixte sert constamment à développer l'analyse du problème, en soutenant la production de nouvelles conjectures, et pour les valider et les réfuter. La richesse de cette production atteste d'une recherche de généricité qui rattache le raisonnement des élèves non aux dessins mais à la figure géométrique qu'ils représentent. En cela, ces dessins constituent un véritable dispositif expérimental au sens où ils sont le support d'une problématique géométrique (Berthelot, Salin 1992). Nous donnons ci-après un extrait des interactions conduisant à l'écriture du second message.

Après le message 1 et juste avant le message 2 E2. Je sais pas, tu as un angle, je sais pas combien de degrés c'est, on va dire que c'est un angle de 40°. El. Ouais. E2. Du milieu tu traces un truc à 40° [à main levée] et tu fais deux angles droits qui partent et qui se coupent ici, au milieu [avec l'équerre] et s'ils se coupent là, cela veut dire qu'ils sont à égale distance. (Dessin 3) [... ] El. En fait, il faut tracer la bissectrice de l'angle.[ ... ] El. Tu traces la droite qui passe par le milieu de l'angle et ensuite tu traces les hauteurs de chaque côté qui coupent la bissectrice en un même milieu de l'angle. Et après il faut prendre ce milieu comme Dessin 3 centre du cercle. E2. Ouais, ouais, maintenant il faut écrire ça, déjà au brouillon.

Remarquons que pour tracer le dessin 3 l'élève E2 se réfère à des mesures (angle de 40°) mais en fait en le traçant à main levée il raisonne de façon générique. Ou encore, E2 analyse le message 2 en produisant un dessin à main levée (dessin 4) pour mettre en évidence (perceptive) son insuffisance puis commente: « on n'a pas dit

. la taille du cercle! ».

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Dessin 4

Suite au message 2 E2. centre d'un cercle, ça veut dire ... le cercle il peut être ça! (Dessin 4). On n'a pas dit la taille du cercle! El. Il faut que cela soit ça [montre les rayons].

Les dessins à main levée n'ont pas le statut de dessins faux comme souvent au collège: les élèves contrôlent perceptivement dans leur tracé les propriétés qu'ils jugent importantes comme la perpendicularité ou la tangence en un point, ou produisent des dessins à main levée qui sont des contre-exemples perceptivement évidents (cf.dessin 4).

Pauvreté du codage: icônes et lettres Deux icônes attendues, celle de la perpendicularité et celle de l'égalité des angles, apparaissent mais rarement: trois fois la première et une fois la deuxième. Ces dessins codés sont aussi bien des dessins instrumentés que des dessins à main levée.

L'icône de la perpendicularité est présente dans un seul dessin instrumenté par l'équerre - pour réfuter la proposition que la moitié du troisième côté est le rayon du cercle tangent - et dans deux dessins à main levée pour signifier ce que l'on sait de la perpendicularité du rayon à la tangente.

L'icône de l'égalité des angles apparaît une seule fois, dans le dessin à main levée de la bissectrice, au moment où celle-ci s'impose: elle signifie pour les élèves qu'ils savent que la bissectrice a la propriété« d'être au milieu de l'angle ».

Le recours au codage des points devient une nécessité pour les élèves quand ils se confrontent au problème de la désignation du rayon du cercle dans l'écriture du dernier et troisième message. Ce recours provoque aussi l'explicitation de la propriété que les points de contact du cercle avec les côtés de l'angle sont « au même niveau », c'est-à­dire à égale distance du sommet de l'angle.

Suite au message 2 E2. Cercle de rayon? ... même pas de rayon... de rayon ? ... et aussi on n'a pas donné de noms aux points. Il faut nommer les points ... de rayon ... En fait on explique pas très bien parce que .,. El. On explique trop mal [il reprend le deuxième message, refait un dessin d'un angle]. Il faut déjà que l'on place ces deux points au même niveau là [puis trace la bissectrice à main levée] (dessin 5).

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Dessin 5

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l'associant à un dessin mixte (cf. dessin 7).

Avant le message 1 E2. J'ai pensé à un truc en fait. En tout cas moi j'y ai pas pensé, toi tu y as pensé. C'est que tangente ça veut dire qu'il y a un angle droit par rapport à là, là il doit y avoir un . angle droit par rapport au rayon du cercle El. Là tu as un angle droit par rapport au rayon [11 trace à main levée les perpendiculaires à chacun des deux autres côtés et issues du milieu du troisième côté] .. / E2. Ca, j'avais complètement oublié en fait [El marque les ~~

angles droits sur le dessin tracel (Dessin 7). A" / ... _." "._

El. C'est ça une tangente. Dessin 7

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E2. Il faut voir ce que cela fait si on ne place pas au même niveau [dessine à main levée un angle et deux points sur les côtés «pas au même niveau»] ouais ! (Dessin 6). Il faut qu'on les place à la même distance de l'angle, à égale distance de l'angle.

Dessin 6

Articulation entre les propriétés géométriques et les dessins Les interactions sont accompagnées de dessins à main levée incarnant toutes les propriétés déjà connues. Ces dessins permettent aux élèves de développer des échanges dans un processus où ce que l'on sait et ce que l'on VOÏV4 s'entremêlent. Quelles propriétés sont présentes de façon implicite ou explicite dans le processus de preuves et de réfutations? Comment s'articulent-elle& à la production des dessins?

Nous nous restreindrons ici à trois propriétés liées à la notion de tangente que nous avons appelées proposition 1 (perpendicularité rayon-droite), proposition 2 (unique point de contact cercle-droite) et proposition 3 (distance centre-droite) (cf. annexe 2).

La proposition 2 fonctionne implicitement dès le début dans le tracé perceptif à l'aide du compas du dessin d'un cercle tangent ou pour montrer qu'un cercle est tangent ou non dans un dessin à main levée (cf. dessin 3). Le rôle du compas se réduit ici à celui d'un traceur du cercle tangent à un segment tracé, excluant tout autre usage!

Grâce aux échanges entre les deux élèves, avant l'écriture du premier message, ceux-ci redécouvrent la proposition 1 comme propriété caractéristique de la tangente en

La proposition 1 devient alors un outil associé à l'équerre ou à la perception, soit pour tracer le rayon - segment, soit pour désigner le point de tangence. Ainsi elle permet de réfuter des affirmations comme, par exemple, celle qui dit que le rayon est la moitié du troisième côté d'un triangle isocèle.

Alors que les propositions 1 et 2 sont de façon permanente associées à la production de dessins comme preuves et réfutations, sans être à un même niveau d'explicitation, la proposition 3 n'intervient qu'une seule fois de façon implicite dans la production du dessin 3 et derrière l'expression «taille du cercle ». Cependant elle est décisive pour aboutir à l'écriture du troisième message et pallie à la fragilité de la proposition 1 par rapport à la notion de rayon comme distance.

Le dernier message donnant une constructions réalisable à la règle et au compas, a été vérifié très soigneusement à la règle, au rapporteur et à l'équerre, le compas ne servant qu'à tracer le cercle final (cf. dessin 1). Finalement l'analyse de cette situation montre que la construction à la règle et au compas est un jeu mathématique qui n'a aucune raison d'être ici: n'en est-il pas de même dans les problèmes de construction au collège?

14 « le su et le vu» de Parzysz B. (1989),

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En conclusion

Le problème de communication d'un algorithme de construction ne nécessite pas la recherche de preuves théoriques : les élèves n'en formulent donc pas, ce qui ne signifie pas qu'ils ne seraient pas en mesure de le faire.

Les dessins apparaissent à la fois comme des preuves et des contre-exemples pragmatiques et comme des procédés graphiques de vérification. Cependant l'organisation des élèves en binôme, favorisant les échanges entre eux, provoque l'articulation entre problématique pratique et problématique géométrique: c'est dans cette dernière que le dessin joue le rôle de dispositif expérimental, les preuves et les contre-exemples pragmatiques étant des dessins à main levée ou mixtes dont la multiplicité marque la recherche d'une généricité et donc un rapport à la figure géométrique. Leur enjeu est la recherche d'un procédé de construction pragmatiquement valide.

Le message final proposé par le binôme 8 est réalisable «à la règle et au compas ». Il peut donc être perçu comme tel dans l'institution collège (et donc par les enseignants). L'analyse précédente montre qu'il n'en est rien pour les élèves! Ils n'hésitent pas dans le privé de leurs interactions à utiliser un système plus économique du point de vue pratique, un système composé de règle graduée, équerre et rapporteur, le compas ne servant qu'à tracer un cercle tangent perceptivement (proposition 2).

Notre hypothèse est que les élèves de Collège ont appris tout au long de l'enseignement, c'est-à-dire de la Sixième à la Troisième, ce qui était attendu d'eux en termes de construction, décrire une construction réalisable « à la règle et au compas ». Ce contrat permet de rendre acceptable les messages au regard de l'enseignant, mais ne participe-t-il pas à un malentendu entre l'enseignant et les élèves en ce qui concerne les règles du jeu régissant les problèmes de construction au collège?

Bibliographie

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BRONNER A. (1997) Étude didactique des nombres réels. Idécimalité et racine carrée. Thèse de doctorat, Laboratoire Leibniz, Université Joseph Fourier, Grenoble

BROUSSEAU G. (1983) Études de question d'enseignement. Un exemple: la géométrie. Séminaire de didactique des mathématiques et de l'informatique. LSD IMAG : Grenoble.

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COPPÉ S., DORIER J-L., MOREAU V. (2005) Différents types de dessins dans les activités d'argumentation en classe de Sème. Petit x, n° 68, pp. 8-37, IREM de Grenoble.

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KLEIN F. (1846) Leçons sur certaines questions de géométrie élémentaires. Reproduction IREM de Paris 7.

LABORDE c., CAPPONI B. (1994) L'apprentissage de la notion de figure géométrique. RDM, vol. 1411-2, La Pensée Sauvage: Grenoble.

LEBESGUE H. (1987) Leçons sur les constructions géométriques professées au collège de France en 1940-1941. Édition Jacques Gabay, Réimpression de l'édition originale : Gauthier-Villars, 1949.

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SALIN M-H. (2006) Du CM2 à la sixième: quelques pistes pour une transition plus efficace. Deuxième partie. APMEP-Plot, n014.

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Annexe 1

Des constructions possibles pour tracer un cercle tangent à un angle donné en fin de collège.

STRATÉGIES « AVEC BISSECTRICE»

• Stratégie « bissectrice d'un angle» Soit xÔy l'angle donné. Tracer la bissectrice de xÔy (B). Sur cette bissectrice, placer le point A. Tracer la droite perpendiculaire à [Ox) passant par A (Pe) : soit B le point où cette droite coupe [Ox). Tracer le cercle C(A, AB) de centre A et de rayon AB.

Justification.[OA) étant la bissectrice de l'angle donné et A un point sur cette bissectrice, A est équidistant de [Ox) et [Oy) (propriété de la bissectrice d'un angle). Par construction, [Ox) est perpendiculaire en B à [AB], rayon du cercle C(A, AB) : on déduit que ce cercle est tangent à [Ox) en B (Proposition 1). Par construction, A étant équidistant des deux côtés de l'angle, le cercle C(A, AB) est aussi tangent à [Oy).

• Stratégie «bissectrice d'un triangle» Soit xÔy l'angle donné. Tracer un cercle de centre 0 est de rayon R : il coupe [Ox) et [Oy) respectivement en A et B. Tracer le milieu 1 de [AB] (M) et mener de 1 la perpendiculaire p à [Ox) (Pe) : elle coupe [Ox) en C. Tracer le cercle C(I, IC) de centre 1 et de rayon IC.

Justification. Par construction, AO=BO en tant que rayons du cercle C(O, R) (définition de rayon d'un cercle) : par conséquent, le triangle AOB est isocèle de sommet principal 0 (définition de triangle isocèle). 1 étant le milieu de [AB], [01) est une médiane du triangle AOB, mais est aussi bissectrice de l'angle xÔy (propriété de médiane et de bissectrice dans un triangle isocèle). 1 étant un point sur cette bissectrice, 1 est équidistant de [Ox) et [Oy) (propriété de la bissectrice d'un angle). Par construction, [Ox) est perpendiculaire en C à [Ic], rayon du cercle C(I, IC) : on déduit que ce cercle est tangent à [Ox) en C (Proposition 1). Par construction, A étant équidistant des deux côtés de l'angle, le cercle C(I, IC) est aussi tangent à [Oy).

• Stratégie « cercles » Soit xÔy l'angle donné. Tracer la bissectrice de xÔy (B). Sur cette bissectrice, placer le point C. Tracer le cercle de centre C et de rayon OC : il coupe [Ox) en B, [Oy) en B' et (OC) en A. Tracer le cercle C(A, AB) de centre A et de rayon AB.

Justification. A, B, 0 et B' sont sur le cercle de centre C et de diamètre AO : ABO et AB'O sont deux triangles rectangles respectivement en B et B' (propriété d'un triangle inscrit dans un cercle qui a un de ses côtés pour diamètre); [AB] et [AB'] sont donc perpendiculaires respectivement à [Ox) et [Oy). B et B' appartenant respectivement à [Ox) et [Oy), AB et AB' sont donc les distances respectives deA à [Ox) et [Oy) (définition de la notion de distance). A étant sur la bissectrice de xÔy, il est équidistant de ses côtés (propriété de la bissectrice d'un angle) et, par conséquent, AB=AB'. [Ox) et [Oy) sont respectivement perpendiculaires aux rayons [AB] et [AB'] de ce cercle:

C(A, AB) est donc tangent aux côtés de l'angle donné (Proposition 1).

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(suite annexe 1) STRATÉGIES « SANS BISSECTRICE»

• Stratégie « symétrie» Soit xÔy l'angle donné. Sur [Ox), placer le point 1. Tracer l'arc de cercle de centre 0 et de rayon 01: il coupe [Oy) en l'. Dans la portion de plan délimitée par [Ox) et [Oy), tracer l'arc de cercle de centre 1 et de rayon 01 et puis l'arc de cercle de centre l' et de même rayon. Ces deux arcs se coupent en 0'.J5 Tracer la droite perpendiculaire à [Ox) passant par 0' (Pe) : soit B le point où cette droite coupe [Ox). Tracer le cercle C(O', O'B) de centre 0' et de rayon O'B.

Justification. Par construction 0 est équidistant de 1 et de l'ainsi que 0'. La droite (00') est donc axe de symétrie pour l'angle xÔy (propriété de la symétrie).'6 Puisque 0' est sur l'axe de symétrie, il est équidistant des deux côtés de l'angle donné (propriété de la symétrie). Le cercle C(O', O'B) passant par B est donc tangent à [Ox) et à [Oy) (Proposition 1).

• Stratégie « parallèle» Soit xÔy l'angle donné. Sur [Ox), placer un point 1. Tracer la droite p perpendiculaire à [Ox) passant par 1 (Pe). Sur p, placer un point D à l'intérieur de l'angle xÔy l7.

Tracer la droite parallèle d à [Ox) passant par D (pa). Sur [Oy), placer un point l'. Tracer la droite p 'perpendiculaire à [Oy) passant par l' (Pa). Dans le demi-plan délimité par Oy contenant Ox, placer surp' le point D' tel que l'D'= ID. Tracer la droite d'parallèle à [Oy) passant par D' (Pa). Les droites d et d' se coupent en un point A. Tracer la droite s perpendiculaire à [üx) passant par A (Pe) : elles se coupent en un point B. Tracer le cercle C(A, AB) de centre A et de rayon AB.

Justification. Par construction: ID = l'D' ; l, D, l', D'appartiennent respectivement à [Ox), d, . [Oy) et d'. A étant sur la droite d parallèle à [Ox), sa distance à d est égale à ID (parallèle comme ensemble de points à une même distance d'une droite donnée). A étant sur la droite d' parallèle à [Oy), sa distance à d'est égale à l'D', donc à ID. Par conséquent, A est à l'intérieur de l'angle comme D (propriété topologique) et de plus équidistant de [Ox) et de [Oy) (propriété de distance du point d'intersection de deux droites respectivement parallèles à deux droites sécantes données). Le cercle C(A, AB) est donc tangent à [Ox) et à [Oy) (Proposition 1).

15 On reconnaît les étapes de la construction de base de la bissectrice d'un angle. 16 Une autre justification pourrait être: 010'1' est un losange. Puisque [00'] est axe de symétrie pour le losange, O'Ôx=O'Ôy. 17 Angle comme secteur de plan.

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Annexe 2

Définitions de la notion de tangente dans les manuels scolaires français du collège au fil du temps.

Cette chronologie est organisée selon des périodes de changement de programme dont les désignations sont celles de Bronner (1997).

Au préalable, nous retenons trois propriétés caractéristiques de la notion de tangente. Une droite est tangente à un cercle si et seulement si... Proposition J. ...elle est perpendiculaire au rayon qui joint le centre du cercle avec le point de contact. Proposition 2 elle a un seul point commun avec le cercle. Propriété 3 sa distance au centre du cercle est égale au rayon (position relative droite-cercle).

Pendant la période classique (1854-1947), deux définitions apparaissent: Une droite est tangente à un cercle si et seulement si elle a un seul point commun avec le cercle (proposition 2) La tangente en un point d'un cercle est la position limite d'une sécante joignant ce point à un autre point du cercle quand ce dernier point vient se confondre avec le premier. (Chenevier 1925)

Les propositions 1 «Une droite est tangente à un cercle si et seulement si elle est perpendiculaire au rayon qui joint le centre du cercle avec le point de contact» et 3 « Une droite est tangente à un cercle si et seulement sa distance au centre du cercle est égale au rayon» sont des théorèmes. Par exemple chez Chenevier (1925)

Défmition 1. On dit qu'une droite est tangente à un cercle si elle n'a qu'un seul point commun avec le cercle (p. 63). Le point commun à la tangente et au cercle s'appelle le point de contact. Théorème. Toute droite perpendiculaire à l'extrémité d'un rayon d'un cercle est tangente au cercle [démontré en exploitant la comparaison de la perpendiculaire et d'une oblique, donné sous forme de problème p. 62] Théorème. La condition nécessaire et suffisante pour qu'une droite soit tangente à un cercle est que la distance du centre à la droite soit égale au rayon [démontré p. 66] Définition 2. La tangente en un point d'un cercle est la position limite d'une sécante joignant ce point à un autre point du cercle quand ce dernier point vient se confondre avec le premier.

Durant la période intermédiaire (1947-1957 et 1958-1968), la proposition 2 reste la définition prépondérante, la proposition 3 gardant un statut de théorème et la proposition 1 soit prenant un statut de propriété caractéristique soit gardant le statut de théorème: elle s'appuie clairement sur les positions relatives d'une droite et d'un cercle via la notion de distance du centre d'un cercle à une droite. Par exemple, chez Lebossé, Hémery (1949) :

« 171. Définitions. Une droite et un cercle ont deux, un ou zéro points communs: Une droite est sécante à un cercle si eUe le coupe en deux points. Une droite est tangente à un cercle si eUe a un point commun et un seul avec ce cercle. Ce point commun s'appelle point de contact de la tangente. Une droite est extérieure à un cercle si tous ses points sont extérieurs à un cercle. Une telle droite n'a, par suite, aucun point commun avec le cercle.

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172. Théorème. Une droite est extérieure, tangente ou sécante à un cercle suivant que sa distance au centre du cercle est supérieure, égale ou inférieure au rayon. [démontré}

[...] 173. Résumé

d > R droite extérieure au cercle d = R droite tangente au cercle d < R droite sécante au cercle

La lecture de ce tableau montre l'existence des différentes réciproques. Ainsi, si une droite est tangente à un cercle on ne peut avoir d > R ni d < R sinon la droite serait extérieure ou sécante, donc d = R. Autrement dit : La propriété caractéristique de la tangente à un cercle est d'être perpendiculaire au rayon aboutissant au point de contact. [... ] 174. Tangente à une courbe quelconque On appelle tangente à une courbe en un point A de cette courbe, la position limite d'une sécante AM lorsque le point M décrivant la courbe, se rapproche indéfiniment du point A».

La définition de la tangente comme droite limite ne disparaîtra définitivement. du collège qu'à la fin de la période intermédiaire.

Durant la période de la réforme des mathématiques modernes (1967-1977), les rares traces de la notion de tangente se réduisent à une formalisation ensembliste de la proposition l, équivalent à la proposition 3.

« d=R~ (C) n(D) réduite à un point ~ (D) tangente à (C»). (Queysanne, Revuz. 1967)

Durant la période de la contre-réforme des mathématiques modernes (1977-1985), la définition de la notion de tangente amalgame les deux propositions 1 et 2 comme si c'était un seul énoncé. Cet amalgame évite toute démonstration. La proposition 3 disparaît en même temps que la notion de distance.

«Définition (C) étant un cercle de centre 0 et de rayon R, et M un point de ce cercle, la droite !:i. perpendiculaire en M à (OM) est appelée tangente au cercle (C) en M. Elle rencontre (C) en l'unique point M, qui est appelé point de contact de la tangente avec le cercle. » (Bellecave, Calmet, Fandy 1983) .

Durant la période (1985-1995), la notion de tangente est présente mais sans être vraiment définie. Lorsqu'on la trouve, les propositions 2 et 1 restent amalgamés, la proposition 1 occupant la première place dans l'énoncé comme dans la période précédente.

« Retenons: C est un cercle de rayon A et T est un point de ce cercle. La tangente en T au cercle C est la droite perpendiculaire à la droite (AT). Cette tangente n'a que le point T en commun avec le cercle C. » (Transmath 4° 1992)

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Durant la période actuelle (1996-2001 et 2002-2006), la proposItIon 1 devient dominante comme définition comme le montre le tableau ci-après: sur 7 manuels analysées un seul (Triangle) choisit comme définition la proposition 2. Quand la proposition 3 est présente, elle est reléguée au rang de remarque.

Maths 4e

Magnard Soient un cercle C de centre 0 et un point A du cercle. La tangente en A au cercle C est la droite passant par A et perpendiculaire au'rayon [OA].

Diabolo Hachette

Soit un cercle de centre 0 et P un point du cercle. La tangente en P au cercle est la droite passant par P et perpendiculaire au rayon [OP].

Cinq sur cinq Hachette

La tangente en A à un cercle de centre 0 est la droite passant par le point A et qui est perpendiculaire au rayon [OA]. On dit que A est le point de contact du cercle et de la tangente.

Nouveau décimale Belin

A étant un point d'un cercle C de centre 0, la perpendiculaire à (OA) qui passe par As'appelle la tangente en A au cercle C.

Transmath Nathan

C est un cercle de centre 0 et A un point du cercle C. La tangente à C en A est la droite (d) perpendiculaire en A à la droite (OA).

Dimathème Didier

La tangente à un cercle en un point est la droite perpendiculaire au rayon en ce point. Remarque: la distance du centre à la tangente est égale au rayon du cercle.

Triangle Hatier

Une droite (d) est tangente à un cercle C de centre 0 en un point A si la droite (d) a un seul point d'intersection avec le cercle (C) : le pointA. Dans ce cas, la droite (d) est perpendiculaire au rayon [OA].

Tableau. Définitions de la notion de tangente dans 7 manuels de Quatrième (2002)

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Annexe 3 Les treize messages produits suite à la première situation18

\~;;~ fll15­

Cf'"'O; J i,,~~,,"cr .

Binôme 1 Tracer l'angle mentionné dans votre énoncé. Tracer la bissectrice de cet angle. Prendre n'importe quel point de cette bissectrice: c'est le centre du cercle. Tracer la hauteur du centre sur une des droites de l'angle. Le point obtenu au centre sera le rayon. Débrouillez-vous pour les mesures. Sinon, demandez de l'aide à votre professeur !

Binôme 2 Tracer la bissectrice de l'angle. Prendre un point quelconque sur la bissectrice. Tracer un cercle ayant poru: rayon la distance entre le point et un des côtés de l'angle. Et voilà!

Binôme 3 Tracer un cercle C, puis faites un triangle tel que le cercle soit inscrit dans le triangle. Et que les chaque côté du eef triangle tottehe passe pM llft touche le cercle en un point. On appelle le triangle ABC, l'angle A. [Maintenant les deux côtés de l'angle A (CAB), donc [AB], [Ac], sont tangents au cercle C] Cette phrase a été effacée par les deux élèves lorsque nous leur avons rappelé la consigne.

Binôme 4 Données ABCD est un carré de côté 6 cm. 1 est le milieu de [AB]. 1. Tracez les diagonales. Faire la figure 2. Tracez les deux diagonales de ce carré. Elles se coupent en un p même point a 3. Tracez un cercle de rayon [la]

Binôme 5 Construire la bissectrice de cet angle. Construire la perpendiculaire à un des côtés: ces droites sont perpendiculaires en B. Construire un cercle qui a pour centre le point A où sont sécantes la bissectrice de l'angle et la perpendiculaire au côté. Son rayon est [AB].

Binôme 6 On trace un carré, dont des côtés sont égaux à l'hypoténuse On trace des diagonales afm de trouver le centre du cercle. ON trace le cercle dont inscrit du carré. De sorte que les quatre côtés du carré touche le cercle. Les angles sont les angles extérieurs du carré. Et vous avez réussi!

Binôme 7 On trace un triangle isocèle, puis on trace les médiatrices à chaque côté du triangle (c'est à dire la droite qui passe par le milieu d'un côté perpendiculairement) On prend la dis Le point où se rejoigne les trois droites s'appelle le centre du cercle inscrit dans le triangle. A partir de ce point on trace donc le cercle inscrit dans le triangle. Et c'est fini !!

18 Les dessins illustrant cette annexe ont été réalisés par Serge Cecconi.

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Binôme 8 (fIlmé)

- Tracer la bissectrice de l'angle donné. - placez un point A et un point B sur chaque côté de l'angle et à égale distance du sommet. - Tracez les droites perpendiculaires aux 2 côtés, qui passent par A et B et coupent la bissectrice en un point C - Prenez le point C comme centre du cercle et la longueur AC comme rayon.

Binôme 9 - Tracer un segment [AB] de 8 cm. - Tracer la perpendiculaire de [AB] passant par A. - = 30° Calculer le segment [AC] Puis l'hypoténuse En déduire l'hypoténuse - Tracer les bissectrices des angles. - Faire un cercle de centre 0 dont le diamètre ne passe par les côtés des angles.

Binôme 10

Tracer un segment [AB] de longueur 10 cm. Tracer le segment [CA] de 11 cm qui coupe le segment [AB] en A. Construire la bissectrice (y) de l'angle. Sur cette même bissectrice placer le point O. Tracer le cercle de rayon [OB]

Binôme 11

1. Tracer une droite AB (par exemple 6 cm). 2. Former un triangle isocèle ayant pour base AB (par exemple 8 cm pour [AC] et [BD] 3. Tracer les médiatrices du triangle ABC. On nommera le point d'intersection des médiatrices O. 4. Tracer le cercle de centre 0 circonscrit au triangle ABC.

Trinôme 12 Étapes de construction

1. Tracer un triangle isocèle ABC, de sommet B. 2. Tracer la hauteur issue de B passant par [AC] ; cette hauteur coupe [AC] en l 3. Dans le triangle BCI, tracer la hauteur issue de l passant par [BC]. Cette hauteur coupe [BC] en F.

4. Tracer un cercle de centre l et de rayon [IF].

Binôme 13 (observé)

- Tracer un angle - Tracer la bissectrice E de cet angle. - Tracer la perpendiculaire F de (AB) et la perpendiculaire G de (AC) ; les deux perpendiculaires et la bissectrice se coupent en O. - Tracer le cercle de centre 0 et de rayon [OG]. - Ce cercle est tangent aux côtés de l'angle ABC (phrase effacée avec du blanc par l'un des deux élèves lors de la relecturefinale du message)

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