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dossier thématique La maladie résiduelle Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VII - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2012 218 Leucémies aiguës myéloïdes Acute myeloid leukemia A. Renneville*, F. Dumézy*, B. Cassinat** RÉSUMÉ Summary » La maladie résiduelle (MRD) dans les leucémies aiguës myéloïdes (LAM) peut s’évaluer chez la quasi-totalité des patients par PCR quantitative en temps réel (RQ-PCR), avec comme cibles les transcrits de fusion chimériques, les mutations ou les surexpressions de gènes, et/ou par cytométrie en flux qui étudie les phénotypes aberrants associés à la LAM. Bien que de nombreuses études aient montré la valeur pronostique de la MRD dans les LAM après chimiothérapie, mais aussi en pré- et postgreffe, l’utilisation des résultats de MRD pour guider le traitement est un concept assez nouveau dans les LAM autres que les leucémies aiguës promyélocytaires. L’intégration des données de MRD dans l’évaluation pronostique permettrait d’optimiser la stratification thérapeutique et, potentiellement, d’améliorer la survie des patients atteints de LAM. Mots-clés : Maladie résiduelle − LAM − RQ-PCR − Cytométrie en flux − Impact pronostique. Minimal Residual Disease (MRD) in Acute Myeloid Leukemia (AML) can be assessed by Real-time Quantitative PCR (RQ-PCR) for chimeric fusion transcripts, gene mutations, or gene overexpressions, and/or by multiparameter flow cytometry to detect leukemia-associated aberrant immunophenotypes, in virtually all patients. Although many studies have shown the prognostic value of MRD detection both after chemotherapy and in the pre-/post-transplant setting, the use of MRD to subsequently influence treatment is a more novel concept in AML other than acute promyelocytic leukemia. Current goals should focus on integrating serial MRD assessments into prognostic evaluation to optimize risk stratification and potentially improve clinical outcome in AML. Keywords: Minimal residual disease − AML − RQ-PCR − Flow cytometry − Prognostic impact. * Laboratoire d’hémato- logie, centre de biologie- pathologie, CHRU de Lille. ** Unité de biologie cellu- laire, hôpital Saint-Louis, Paris. B ien que la majorité des patients atteints d’une leucémie aiguë myéloïde (LAM) obtient une rémission complète à l’issue de la chimiothérapie d’induction, environ 50 % d’entre eux rechutent à plus ou moins long terme. De nombreux facteurs pronos- tiques ont été identifiés dans les LAM, parmi lesquels les anomalies cytogénétiques restent les plus puissantes. Les anomalies moléculaires prennent cependant une importance croissante dans l’évaluation pronostique des patients atteints de LAM, en particulier dans les LAM à caryotype normal. Néanmoins, les facteurs pronostiques préthérapeutiques aujourd’hui disponibles ne prennent pas en compte les différences interindividuelles dans le métabolisme des molécules ou la réponse immune antileucémique. C’est pourquoi la réponse au traitement constitue aussi un bon indicateur pronostique dans les LAM. En pratique quotidienne, celle-ci s’évalue par le pourcentage de blastes médullaires sur le myélo- gramme de sortie d’aplasie. Néanmoins, cet examen est peu sensible et parfois difficile à interpréter (moelle de richesse variable, présence de blastes de régénération). Dans ce contexte, la maladie résiduelle (MRD) apparaît comme un outil permettant d’évaluer de façon plus sensible et plus objective la réponse thérapeutique, à l’échelle individuelle. Depuis les années 2000, 2 types d’approches ont émergé pour l’étude de la MRD dans les LAM : une approche cellulaire par cytométrie en flux (CMF), fondée sur l’expression de Leukemia-associated Aberrant ImmunoPhenotype (LAIP) par les blastes leucé- miques, et une approche moléculaire, qui, aujourd’hui, repose essentiellement sur la quantification de diffé- rents marqueurs moléculaires par PCR quantitative en temps réel (RQ-PCR) [tableau]. Évaluation de la MRD par CMF L’évaluation de la MRD par CMF consiste en l’analyse de l’expression de combinaisons antigéniques aber- rantes spécifiques des cellules leucémiques, qui les distinguent des précurseurs myéloïdes immatures nor- maux, présents dans la moelle de régénération après chimiothérapie d’induction ou de consolidation. Ce concept a été formalisé dans les années 1990 sous le

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La maladie résiduelle

Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VII - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2012218

Leucémies aiguës myéloïdes Acute myeloid leukemia A. Renneville*, F. Dumézy*, B. Cassinat**

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» La maladie résiduelle (MRD) dans les leucémies aiguës myéloïdes (LAM) peut s’évaluer chez la quasi-totalité des patients par PCR quantitative en temps réel (RQ-PCR), avec comme cibles les transcrits de fusion chimériques, les mutations ou les surexpressions de gènes, et/ou par cytométrie en flux qui étudie les phénotypes aberrants associés à la LAM. Bien que de nombreuses études aient montré la valeur pronostique de la MRD dans les LAM après chimiothérapie, mais aussi en pré- et postgreffe, l’utilisation des résultats de MRD pour guider le traitement est un concept assez nouveau dans les LAM autres que les leucémies aiguës promyélocytaires. L’intégration des données de MRD dans l’évaluation pronostique permettrait d’optimiser la stratification thérapeutique et, potentiellement, d’améliorer la survie des patients atteints de LAM.

Mots-clés : Maladie résiduelle − LAM − RQ-PCR − Cytométrie en flux − Impact pronostique.

Minimal Residual Disease (MRD) in Acute Myeloid Leukemia (AML) can be assessed by Real-time Quantitative PCR (RQ-PCR) for chimeric fusion transcripts, gene mutations, or gene overexpressions, and/or by multiparameter flow cytometry to detect leukemia-associated aberrant immunophenotypes, in virtually all patients. Although many studies have shown the prognostic value of MRD detection both after chemotherapy and in the pre-/post-transplant setting, the use of MRD to subsequently influence treatment is a more novel concept in AML other than acute promyelocytic leukemia. Current goals should focus on integrating serial MRD assessments into prognostic evaluation to optimize risk stratification and potentially improve clinical outcome in AML.

Keywords: Minimal residual disease − AML − RQ-PCR − Flow cytometry − Prognostic impact.

* Laboratoire d’hémato-logie, centre de biologie-

pathologie, CHRU de Lille.** Unité de biologie cellu-

laire, hôpital Saint-Louis, Paris.

B ien que la majorité des patients atteints d’une leucémie aiguë myéloïde (LAM) obtient une rémission complète à l’issue de la chimiothérapie

d’induction, environ 50 % d’entre eux rechutent à plus ou moins long terme. De nombreux facteurs pronos-tiques ont été identifiés dans les LAM, parmi lesquels les anomalies cytogénétiques restent les plus puissantes. Les anomalies moléculaires prennent cependant une importance croissante dans l’évaluation pronostique des patients atteints de LAM, en particulier dans les LAM à caryotype normal. Néanmoins, les facteurs pronostiques préthérapeutiques aujourd’hui disponibles ne prennent pas en compte les différences interindividuelles dans le métabolisme des molécules ou la réponse immune antileucémique. C’est pourquoi la réponse au traitement constitue aussi un bon indicateur pronostique dans les LAM. En pratique quotidienne, celle-ci s’évalue par le pourcentage de blastes médullaires sur le myélo-gramme de sortie d’aplasie. Néanmoins, cet examen est peu sensible et parfois difficile à interpréter (moelle de richesse variable, présence de blastes de régénération). Dans ce contexte, la maladie résiduelle (MRD) apparaît

comme un outil permettant d’évaluer de façon plus sensible et plus objective la réponse thérapeutique, à l’échelle individuelle. Depuis les années 2000, 2 types d’approches ont émergé pour l’étude de la MRD dans les LAM : une approche cellulaire par cytométrie en flux (CMF), fondée sur l’expression de Leukemia-associated Aberrant ImmunoPhenotype (LAIP) par les blastes leucé-miques, et une approche moléculaire, qui, aujourd’hui, repose essentiellement sur la quantification de diffé-rents marqueurs moléculaires par PCR quantitative en temps réel (RQ-PCR) [tableau].

Évaluation de la MRD par CMF

L’évaluation de la MRD par CMF consiste en l’analyse de l’expression de combinaisons antigéniques aber-rantes spécifiques des cellules leucémiques, qui les distinguent des précurseurs myéloïdes immatures nor-maux, présents dans la moelle de régénération après chimiothérapie d’induction ou de consolidation. Ce concept a été formalisé dans les années 1990 sous le

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Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VII - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2012 219

Leucémies aiguës myéloïdes

sigle LAIP. Quatre types d’expressions antigéniques aberrantes ont été définis :

✓ les infidélités de lignée (par exemple, l’expression d’un antigène lymphoïde, comme CD19, sur les blastes myéloïdes) ;

✓ les pertes antigéniques ; ✓ les expressions asynchrones (présence sur les blastes

d’antigènes normalement absents des cellules imma-tures) ;

✓ les surexpressions antigéniques.À partir de ce concept, différentes études ont montré la faisabilité et la sensibilité de cette technique (seuils de positivité exprimés en valeur absolue entre 1,5.10– 4 et 5.10– 3, ou en réduction logarithmique d’un facteur 1, 2 ou 3 log) [tableau] (1). Plusieurs études ont montré que l’analyse de la MRD par CMF constitue un facteur pronostique à différents temps thérapeutiques : en post-induction, post-consolidation, fin de traitement ou prégreffe. La variabilité des seuils avancés est dépen-dante de multiples éléments comme les performances du cytomètre, la stratégie d’analyse utilisée, les types de LAIP étudiés, ou le moment de l’analyse par rapport au traitement. Un seuil de positivité de 0,15 % de cel-lules leucémiques résiduelles par rapport aux cellules totales de la moelle serait cliniquement pertinent (2). Les évolutions techniques des cytomètres, à savoir l’acquisition d’un nombre de cellules plus important et l’augmentation du nombre de paramètres analysés

(8 à 10 couleurs), permettent d’améliorer la robustesse de la technique en conservant pour l’évaluation de la MRD une limite de détection comprise entre 1.10– 3 et 1.10– 4 (3). La CMF représente une approche intéressante pour le suivi de la MRD dans les LAM. Elle présente l’avantage d’être une technique rapide, avec un rendu de résultat possible en moins de 24 heures, et utilise une unité de mesure − le pourcentage de blastes résiduels − qui est un gage de facilité d’interprétation.En parallèle de la MRD classique utilisant les LAIP, une des perspectives de la CMF est la recherche des cellules souches leucémiques exprimant des combinaisons antigéniques spécifiques (par exemple, CD123+, CD44+ ou CD47+) au sein de la population CD34+ CD38–, et dont la présence serait associée à une diminution de la survie sans rechute (3, 4).

Évaluation de la MRD par biologie moléculaire

La RQ-PCR est actuellement la technique de choix pour la quantification des marqueurs moléculaires associés aux LAM. Elle peut s’appliquer au suivi de la MRD utili-sant les transcrits de fusion chimériques, les mutations ou encore la surexpression de certains gènes, avec une limite de détection qui peut atteindre 10– 6 pour cer-taines cibles (tableau).

Tableau. Caractéristiques des principaux marqueurs de MRD utilisés dans les LAM.

Types de marqueurs Applicabilité Limite de détection

Spécificité vis-à-vis du clone leucémique

Stabilité à la rechute

Technique standardisée

à l’échelle européenne

CMF

LAIP- Expression asynchrone d’antigène- Expression aberrante d’un antigène lymphoïde- Surexpression d’un antigène- Défaut/diminution d’expression d’un antigène

80-90 %a 10– 3 à 10– 4 Relativeb > 90 % Non

Biologie moléculaire (RQ-PCR)

Transcrits de fusion récurrents PML-RARA 10 % 10– 5 Oui 100 % Oui

AML1-ETO 7-8 % 10– 5 Oui 100 % Oui

CBFB-MYH11 7-8 % 10– 5 Oui 100 % Oui

MLL-AF9 5 % 10– 5 Oui 100 % Non

Mutations de gènes NPM1 30 % (50 % des LAM à caryotype normal)

10– 4 à 10– 5 Oui 95-100 %  Non

FLT3-ITD 15-25 % 10– 4 Oui 80 % Non

Surexpression de gènes WT1 70-80 % 10– 3 Non > 95 % Ouia 80-90 % des patients atteints de LAM présentent au moins un LAIP au diagnostic.b Moins de 0,1 % des cellules médullaires normales expriment des LAIP.

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La maladie résiduelle

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Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VII - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2012220

Leucémies aiguës promyélocytaires La détection de la MRD repose dans ce cas sur la mise en évidence du produit de la translocation t(15 ;17), le transcrit PML-RARA, présent chez 99 % des patients. Des transcrits de fusion plus rares impliquant tou-jours le gène RARA, notamment PLZF-RARA, produit de la t(11 ;17), peuvent également être rencontrés. L’importance du suivi de la MRD dans les leucémies aiguës promyélocytaires (LAP) a été initialement démontrée par différentes études utilisant la PCR stan-dard, puis confirmée par des approches quantitatives. En effet, une rémission moléculaire complète doit être atteinte en fin de consolidation pour obtenir la guérison, et une repositivation en cours de suivi précède le plus souvent la rechute hématologique (5, 6).

LAM à Core Binding Factor Les gènes de fusion AML1-ETO et CBFB-MYH11, corres-pondant respectivement aux t(8 ;21) et inv(16)/t(16 ;16), ont été les premières cibles moléculaires développées pour la recherche de la MRD dans les LAM. De nom-breuses études ont montré l’impact pronostique de la MRD AML1-ETO ou CBFB-MYH11 (exprimée par rapport à un seuil, ou en log reduction) sur le risque de rechute et/ou la survie des patients, que ce soit en post-induction, en cours de consolidation ou en fin de traitement (7). Les résultats du protocole français CBF06 confirment la valeur pronostique de la MRD sur le risque de rechute, indépen-damment des facteurs préthérapeutiques (leucocytose, mutations de FLT3 et KIT, taux de transcrits initial).

LAM avec gènes de fusion impliquant MLLLes réarrangements du gène Mixed Lineage Leukemia (MLL) sont présents dans environ 10 % des LAM, MLL-AF9 étant le gène de fusion le plus fréquemment retrouvé (un tiers des cas). Ces remaniements sont caractérisés par une grande diversité des gènes partenaires pos-sibles (plus d’une centaine ont été identifiés) et une grande variabilité des points de cassure, ce qui rend plus difficile leur utilisation comme cible de MRD en pratique courante et nécessite souvent le design d’oli-gonucléotides patient-spécifiques.

LAM avec mutations de NPM1Les mutations de l’exon 12 du gène de la nucléophos-mine NPM1, découvertes en 2005, se sont rapidement imposées comme étant un bon marqueur de suivi de la MRD dans les LAM. Ces mutations présentent en effet beaucoup d’avantages pour cette application, en particulier leur fréquence élevée, leur récurrence (les variants A, B et D représentent 90 % des mutations), et leur stabilité à la rechute. Plusieurs études, notamment

celle de J. Krönke et al. (8), ont démontré la faisabilité de l’évaluation de la MRD utilisant les mutations de NPM1 et sa valeur pronostique indépendante en post-induc-tion et en fin de traitement sur l’incidence cumulée de rechute et la survie globale.

LAM avec duplication en tandem de FLT3 (FLT3-ITD)L’intérêt de FLT3-ITD pour le suivi de la MRD dans les LAM est moins important car :

✓ les mutations de FLT3 peuvent être difficiles à iden-tifier du fait de leur caractère souvent sous-clonal ;

✓ la diversité des mutations de FLT3 implique un séquençage de la mutation et l’utilisation d’amorces patient-spécifiques ;

✓ les mutations de FLT3-ITD sont, dans environ 20 % des cas, instables au cours de l’évolution de la maladie avec de possibles variations de taille de la duplication et, parfois, des pertes complètes à la rechute, pouvant être à l’origine de résultats de MRD faussement négatifs.Par conséquent, il a été suggéré que ce marqueur serait plus adapté à l’évaluation de la MRD précoce (9). L’impact de la MRD FLT3-ITD en post-induction sur le risque de rechute a d’ailleurs été mis en évidence par plusieurs études. Par ailleurs, la MRD fondée sur FLT3-ITD présente un intérêt particulier dans le cadre des essais cliniques testant des inhibiteurs de FLT3.

LAM avec surexpression de WT1Wilms Tumor gene 1 (WT1) est surexprimé dans la majorité des tumeurs solides et des hémopathies, en particulier les LAM. Bien qu’étant considérée comme un marqueur universel de MRD dans les LAM, la surex-pression de WT1 présente surtout un intérêt dans les LAM sans transcrits de fusion récurrents ni mutation de NPM1 (tableau). La valeur pronostique de la MRD WT1 sur le risque de rechute et la survie a été montrée par de très nombreuses publications, et cela quel que soit le stade du traitement (post-induction, post-consoli-dation, prégreffe, postgreffe) [3, 7, 10].

Types de prélèvement : sang et/ou moelle ?

Le choix du prélèvement est une question qui, en pratique, a son importance. Bien que les taux de MRD évalués sur des échantillons appariés de sang et de moelle montrent une bonne corrélation, les taux de MRD sont généralement supérieurs d’un log envi-ron sur les prélèvements médullaires en CMF et pour certains marqueurs moléculaires (transcrits AML1-ETO, CBFB-MYH11, PML-RARA, mutations de NPM1).

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Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VII - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2012 221

Leucémies aiguës myéloïdes

Pour autant, la valeur prédictive de la MRD mesurée sur le sang comparée à celle mesurée sur la moelle mériterait d’être davantage documentée. Pour le suivi de MRD à long terme, le sang semble constituer une bonne alternative à la moelle (3, 8).

Applications cliniques et thérapeutiques

De nombreuses études ont montré que la cinétique de décroissance de la MRD au cours du traitement, éva-luée en post-induction ou en post-consolidation, ainsi que la détection ou la persistance d’une MRD positive après traitement, constituent des facteurs pronostiques majeurs pour le risque de rechute dans les LAM, indé-pendamment des facteurs préthérapeutiques. Pourtant, malgré ces résultats et les avancées technologiques récentes dans le domaine de la CMF et de la biologie moléculaire, peu d’études de grande envergure ont démontré la réelle utilité clinique de la MRD dans les LAM (figure), à l’exception des LAP.

Le cas particulier des LA promyélocytairesÉtant donné que la rechute de LAP représente un risque mortel pour le patient, il a été montré que le suivi de la MRD peut servir à guider des thérapeutiques interven-tionnelles précoces par chimiothérapie ou allogreffe de cellules souches hématopoïétiques (allo-CSH). Même après l’avènement du trioxyde d’arsenic comme traite-ment de substitution à l’acide tout-transrétinoïque en cas de rechute, il semble qu’il y ait toujours un gain de survie à intervenir précocement devant une rechute moléculaire (5). Il faut également rappeler que, dans les LAP, le traitement de la rechute par autogreffe est particulièrement efficace. Dans ce cas, l’évaluation de la MRD est indispensable pour vérifier la négativité du greffon, ce qui conditionne l’efficacité du traitement (6). Cependant, les traitements des LAP sont devenus si per-formants que la question de l’utilité du suivi extensif de la MRD se pose actuellement (11). En effet, dans l’étude la plus récemment publiée et portant sur 406 malades, une rechute moléculaire a été détectée chez seulement 17 d’entre eux (4 %) [5]. Bien qu’en analyse multivariée il s’agisse du facteur de risque le plus fort parmi ceux étu-diés, certains auteurs posent la question du bien-fondé de suivre tous les patients. En effet, selon cette étude et les recommandations de l’European LeukemiaNet (6), en tenant compte du délai médian de la rechute et de la sensibilité relative des prélèvements sanguins et médul-laires, il faudrait, pour optimiser le suivi de la MRD, réaliser chez tous les patients un prélèvement médullaire tous les 3 mois pendant 36 mois. Si aucune étude ne permet

encore de l’affirmer, on pourrait envisager de réserver le suivi le plus contraignant et coûteux aux patients à risque élevé de rechute, comme ceux présentant une LAP avec hyperleucocytose, ceux n’ayant pas reçu un traitement optimal, ou encore les jeunes enfants (12), alors que les autres ne seraient évalués qu’aux points essentiels (diagnostic, fin d’induction et de consolidation).

LAM non promyélocytaires Dans les LAM non LAP, les résultats de MRD ne sont pour l’instant pas décisionnels quant à la prise en charge thérapeutique des patients en dehors d’essais cliniques spécifiques (protocoles français CBF06 et ELAM02, par exemple). Une étude américaine réalisée dans les LAM pédiatriques a évalué l’intérêt d’une stratification thé-rapeutique tenant compte des caractéristiques géné-tiques initiales et aussi de la MRD précoce évaluée en CMF (13). Les auteurs ont ainsi pu montrer qu’une telle stratégie contribuait à améliorer la survie des patients. Ce type d’approche thérapeutique est en développe-ment dans les LAM de l’adulte. En effet, certains proto-coles italiens et hollandais tiennent désormais compte des résultats de MRD pour reclasser les patients dans un groupe de risque plus approprié, et proposent une allo-CSH aux patients de risque génétique favorable ou intermédiaire, mais dont la MRD reste positive après une cure de consolidation.Par ailleurs, le suivi de la MRD dans les LAM non LAP prend une importance croissante dans le contexte de

Figure. Le suivi de la MRD dans les LAM et ses applications potentielles.

Rémission complètemoléculaire

Rémission complètehématologique

Rechutehématologique

Traitement des rechutes moléculairesDétection précoce

des rechutes

Stratificationthérapeutique

MRD1 MRD2 MRD3 MRD4 MRD5 MRD6...

...

Induction Consolidation (± allogreffe) ± Maintenance

106

104

Diagnostic Temps

102

108

1010

Nom

bre

de c

ellu

les

leuc

émiq

ues

1012

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La maladie résiduelle

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Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition

Sous l’égide desDirecteur de la publication : Claudie Damour-TerrassonRédacteur en chef : Pr Noël Milpied

Émissions présentéespar le Dr Alain Ducardonnet

Dr Agnès Guerci-Bresler Pr Stéphane Giraudier

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Dr Xavier Leleu Pr Hervé Avet-Loiseau Pr Jean Soulier

181 mm (Onco Hémato - MHDN)Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VII - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2012222

l’allo-CSH. En postgreffe notamment, un suivi régulier de la MRD, combiné à l’étude du chimérisme, pourrait permettre de guider les interventions thérapeutiques, telles qu’une réduction de l’immunosuppression, l’injec-tion de lymphocytes du donneur (Donor Lymphocytes Infusion [DLI]) ou d’autres traitements. Néanmoins, il n’existe actuellement aucune recommandation à cet égard dans les LAM et le bénéfice clinique d’une telle démarche reste à démontrer (7).

Conclusion

De nombreuses études ont montré l’impact pronos-tique de la MRD dans les LAM. Cependant, l’évaluation

de la MRD dans les LAM pose encore de nombreuses questions quant au choix de la meilleure approche (moléculaire et/ou cellulaire), des marqueurs à privilé-gier, du type de prélèvement (moelle et/ou sang) et du temps thérapeutique à considérer pour la stratification (post-induction et/ou post-consolidation 1). En outre, le développement actuel des technologies de séquen-çage nouvelle génération (Next-Generation Sequencing [NGS]) ouvre de nouvelles perspectives pour le suivi de la MRD dans les LAM, avec la possibilité de diversifier et de multiplier les marqueurs. Enfin, l’intégration des données de MRD dans l’évaluation du risque et dans les décisions thérapeutiques reste un objectif à atteindre dans la majorité des LAM, et ne pourra se faire sans une harmonisation des techniques. ■

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