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Offre valable jusqu’au samedi 8 décembre à Chavannes-Renens, Genève, Sion, Matran, Schlieren Filet mignon de porc frais de Suisse, 2 pièces, env. 1 kg (4 pièces: 26.20/kg 29.80 ) 26. 90 kg 31.40 PUBLICITÉ L’éditorial 4 U Courrier 11 U Météo 11 U Décès 21 U Jeux 23 U Cinéma, Agenda 24 Jour J pour un doublé féminin au Conseil fédéral La PLR Karin Keller-Sutter et la PDC Viola Amherd devraient être élues ce matin par l’Assemblée Qui pour succéder à Johann Schneider- Ammann et Doris Leuthard au Conseil fédéral? Tout indique que la sénatrice Karin Keller-Sutter (PLR/SG) et la conseil- lère nationale Viola Amherd (PDC/VS) se- ront élues ce mercredi matin par l’Assem- blée fédérale. Il y avait encore mardi matin une once de suspense côté PDC autour de l’outsi- der Heidi Z’graggen (UR) qui tentait une remontée. Mais le PLR a douché ses es- poirs lors des dernières auditions tenues par les partis. La victoire est donc quasi assurée pour Amherd qui bénéficie d’un soutien massif de la gauche, et qui a limité les dégâts à l’UDC. Pas de coup de théâtre en vue, mais des surprises sont encore possibles. Il n’est pas exclu qu’un candidat sauvage – le président du PDC Gerhard Pfister ou le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr – obtienne une poignée de voix au premier tour de l’élection pour remplacer Doris Leuthard. Passé ce bref frisson, Viola Amherd devrait être élue au deuxième ou au troisième tour. Suivra ensuite la désignation du successeur de Johann Schneider-Ammann. Une affaire qui ne devrait pas faire un pli. On prédit sous la Coupole une élection au premier tour de Karin Keller-Sutter qui engrange des voix à tour de bras. La Saint- Galloise, qui avait échoué en 2010, est en passe de prendre une belle revanche sur son destin. Suisse, pages 15-16 Destins croisés Comment les deux favorites se sont imposées Ueli Maurer Une deuxième présidence loin des tapis rouges Les mystères d’une friche d’Orllati Romanel-sur-Lausanne Sur le site de l’ancienne usine de Bière du Boxer, propriété d’Orllati, s’activent plusieurs sociétés au profil parfois peu recommandable. Notre enquête. Pages 2-3 PATRICK MARTIN Cyclisme Lausanne et Aigle unies pour une étape du Tour de France On connaît déjà le parcours, avec un dé- part donné du siège de l’Union cycliste internationale (UCI), à Aigle. Et une arri- vée à Lausanne, après 173 km de course et quatre cols. Quand? Les deux communes espèrent en 2021, 2022 ou 2023. Hier à l’Hôtel de Ville de Lausanne, elles ont présenté leur dossier de candidature à Christian Prudhomme, directeur de la Grande Boucle. «C’est une belle proposi- tion, bien construite, a-t-il réagi, sans en promettre davantage. Soyez raisonnable- ment optimistes.» Pages 6-7 Drogues Le Canton de Vaud se met à son tour à prescrire de l’héroïne La prescription médicale d’héroïne phar- maceutique est pratiquée en Suisse de- puis une vingtaine d’années pour le trai- tement d’addictions sévères. Dans le Can- ton de Vaud, ce n’est qu’en juin dernier, en toute discrétion, qu’a démarré un tel programme doté de 50 places. Les pa- tients se rendent au CHUV deux fois par jour pour recevoir une dose sous supervi- sion médicale. «Ce traitement permet de désamorcer progressivement la dépen- dance physique et psychologique», indi- que le D r Olivier Simon. Page 5 Justice Prostitution et magie noire au cœur d’un procès à Lausanne Une Nigériane de 36 ans est accusée d’avoir fait venir des jeunes filles de son pays pour les contraindre à faire le trot- toir. Elle aurait agi dans le cadre d’un trafic de migrants, au cours duquel les femmes étaient menacées d’être soumises à un rituel de magie noire. La trentenaire, qui nie tout en bloc, est accusée d’avoir opéré avec la complicité de l’un de ses frères. Ce dernier aurait recruté et expé- dié au moins quatre filles vers l’Europe, après leur avoir fait miroiter des études ou un travail de nettoyeuse. Page 5 Les mesures du gouvernement énervent les «gilets jaunes» Monde, page 17 Les irréductibles Gaulois sont de retour dans un film d’animation Page 25 Loin des meilleurs, Jacques Valente est aussi une star de la Route du Rhum Sports, page 14 KEYSTONE DR La chanteuse lausannoise Émilie Zoé sort un nouvel album qui séduit le grand public. Rencontre VANESSA CARDOSO Page 28 Mercredi 5 décembre 2018 | Postcode 1 JA 1000 LAUSANNE 1 | N° 283-49 V | Fr. 4.00 (TVA 2,5% incluse) | France € 3.60

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Page 1: Sports, page 14 Page 25 Monde, page 17 · Drogues Le Canton de Vaud se met à son tour à prescrire de l’héroïne La prescription médicale d’héroïne phar-maceutique est pratiquée

Offre valable jusqu’au samedi 8 décembreà Chavannes-Renens, Genève, Sion, Matran, Schlieren

Filet mignon de porcfrais de Suisse, 2 pièces, env. 1 kg(4 pièces: 26.20/kg 29.80)

26.90kg 31.40

PUBLICITÉ

L’éditorial 4 U Courrier 11 U Météo 11 U Décès 21 U Jeux 23 U Cinéma, Agenda 24

Jour J pour un doublé fémininau Conseil fédéralLa PLR Karin Keller-Sutter et la PDC Viola Amherd devraient être élues ce matin par l’AssembléeQui pour succéder à Johann Schneider-Ammann et Doris Leuthard au Conseilfédéral? Tout indique que la sénatriceKarin Keller-Sutter (PLR/SG) et la conseil-lère nationale Viola Amherd (PDC/VS) se-ront élues ce mercredi matin par l’Assem-blée fédérale.

Il y avait encore mardi matin une oncede suspense côté PDC autour de l’outsi-der Heidi Z’graggen (UR) qui tentait uneremontée. Mais le PLR a douché ses es-poirs lors des dernières auditions tenuespar les partis. La victoire est donc quasiassurée pour Amherd qui bénéficie d’unsoutien massif de la gauche, et qui a limitéles dégâts à l’UDC.

Pas de coup de théâtre en vue, maisdes surprises sont encore possibles. Iln’est pas exclu qu’un candidat sauvage –le président du PDC Gerhard Pfister ou lechancelier de la Confédération, WalterThurnherr – obtienne une poignée de

voix au premier tour de l’élection pourremplacer Doris Leuthard. Passé ce breffrisson, Viola Amherd devrait être élue audeuxième ou au troisième tour. Suivraensuite la désignation du successeur deJohann Schneider-Ammann. Une affairequi ne devrait pas faire un pli.

On prédit sous la Coupole une électionau premier tour de Karin Keller-Sutter quiengrange des voix à tour de bras. La Saint-Galloise, qui avait échoué en 2010, est enpasse de prendre une belle revanche surson destin.

Suisse, pages 15-16Destins croisés Comment les deux favorites se sont imposées

Ueli Maurer Une deuxième présidence loin des tapis rouges

Les mystères d’une friche d’Orllati

Romanel-sur-Lausanne Sur le site de l’ancienne usine de Bière du Boxer, propriété d’Orllati, s’activent plusieurs sociétés au profil parfois peu recommandable. Notre enquête. Pages 2-3 PATRICK MARTIN

CyclismeLausanne et Aigle unies pour une étape du Tour de FranceOn connaît déjà le parcours, avec un dé-part donné du siège de l’Union cyclisteinternationale (UCI), à Aigle. Et une arri-vée à Lausanne, après 173 km de course etquatre cols. Quand? Les deux communesespèrent en 2021, 2022 ou 2023. Hier àl’Hôtel de Ville de Lausanne, elles ontprésenté leur dossier de candidature àChristian Prudhomme, directeur de laGrande Boucle. «C’est une belle proposi-tion, bien construite, a-t-il réagi, sans enpromettre davantage. Soyez raisonnable-ment optimistes.» Pages 6-7

DroguesLe Canton de Vaud se met à son tour à prescrire de l’héroïneLa prescription médicale d’héroïne phar-maceutique est pratiquée en Suisse de-puis une vingtaine d’années pour le trai-tement d’addictions sévères. Dans le Can-ton de Vaud, ce n’est qu’en juin dernier,en toute discrétion, qu’a démarré un telprogramme doté de 50 places. Les pa-tients se rendent au CHUV deux fois parjour pour recevoir une dose sous supervi-sion médicale. «Ce traitement permet dedésamorcer progressivement la dépen-dance physique et psychologique», indi-que le Dr Olivier Simon. Page 5

JusticeProstitution et magie noire au cœur d’un procès à LausanneUne Nigériane de 36 ans est accuséed’avoir fait venir des jeunes filles de sonpays pour les contraindre à faire le trot-toir. Elle aurait agi dans le cadre d’untrafic de migrants, au cours duquel lesfemmes étaient menacées d’être soumisesà un rituel de magie noire. La trentenaire,qui nie tout en bloc, est accusée d’avoiropéré avec la complicité de l’un de sesfrères. Ce dernier aurait recruté et expé-dié au moins quatre filles vers l’Europe,après leur avoir fait miroiter des études ouun travail de nettoyeuse. Page 5

Les mesures dugouvernementénervent les «gilets jaunes»Monde, page 17

Les irréductibles Gaulois sont de retour dans un film d’animationPage 25

Loin des meilleurs, Jacques Valente est aussi une star dela Route du RhumSports, page 14

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La chanteuse lausannoiseÉmilie Zoé sort

un nouvel albumqui séduit le grandpublic. RencontreVANESSA CARDOSO

Page 28

Mercredi 5 décembre 2018 | Postcode 1 JA 1000 LAUSANNE 1 | N° 283-49 V | Fr. 4.00 (TVA 2,5% incluse) | France € 3.60

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2 Point fort 24 heures | Mercredi 5 décembre 2018

VCX

l’Opéra de Lausanne (ndlr: qui y louedes ateliers), Avesco (laquelle vend des machines d’occasion) et une en-treprise de transport qui y stocke sescamions». À la question de savoir quiétait la société mentionnée, nous n’avons pas obtenu de réponse: «Nous avons un bail avec une per-sonne physique qui utilise cette zonecomme atelier dépôt pour ses ca-mions, assure Véronique Chaignat. Nous vous laissons le soin de la con-tacter (…), cela ne relève pas de no-tre responsabilité.»

Notre enquête montre une réa-lité plus complexe. Du reste, les contacts avec le propriétaire sem-blent étroits, et ce dernier garde unœil acéré sur le secteur: vingt minu-tes après que nous nous sommes annoncés auprès de l’un de ces en-trepreneurs, Véronique Chaignat débarquait sur le site et alpaguait notre photographe. Elle déclarera par la suite être venue pour «faire connaissance».

avec la convention collective de tra-vail ou le paiement des charges so-ciales. Après nous avoir confirmé par écrit que cette société comptait également parmi ses «prestataires de transport occasionnels», et suite aux questions que nous avons en-voyées au sujet de son profil peu recommandable, Véronique Chai-gnat, directrice communication d’Orllati, nous a annoncé lundi avoirfait «une recherche d’informations»plus poussée et découvert qu’il s’agissait «d’une erreur. Elle ne fi-gure pas parmi nos fournisseurs.»

Plaques serbes et polonaisesAu téléphone, le patron de cette so-ciété connue des syndicats pour sesinfractions réitérées explique avoir«un accord» avec le responsable d’une autre entreprise, vaudoise cette fois, qui utilise des camions immatriculés à son nom. Le patronde cette seconde société est un an-cien employé d’Orllati. Contacté, il nie également tout lien avec la fri-che de Romanel, malgré les éviden-ces que nous avons récoltées: nu-méros de plaques minéralogiques et témoignages. Son entreprise fi-gure sur la liste noire de la Commis-sion paritaire genevoise du gros œuvre, datée du 2 novembre 2018.

Une autre société présente surcette liste fait partie des locataires d’Orllati. Elle est aujourd’hui en li-quidation, après avoir fait plusieursfois faillite. Le syndicat Unia Vaud adû intervenir à de nombreuses re-prises auprès d’elle pour des salai-res impayés. Toutes les entreprisesmentionnées ci-dessus, à l’excep-tion de celle inscrite à l’adresse d’une fiduciaire genevoise, ont desadministrateurs d’origine balkani-que. Avni Orllati assure qu’il ne tra-vaille pas avec les deux dernières.

À en croire les récits concordantsde voisins, le ballet régulier des poids lourds devant l’ancienne usine

Le poids lourd que nous avonssuivi jusqu’à Bioley-Orjulaz est im-matriculé auprès d’une société de construction, transport et terrasse-ment enregistrée au Registre du commerce genevois à l’adresse d’une fiduciaire. Mais elle est incon-nue à Genève dans le milieu du bâti-ment, comme le confirme José Se-bastiao, secrétaire coresponsable du gros œuvre chez Unia Genève. Au téléphone, son responsable ré-pond qu’il n’a «pas le droit de parlerde ça» et qu’il faut «voir avec M. Orllati». Ce dernier, que nous avonsrencontré lundi à sa demande, con-firme que l’entreprise fait partie deses «fournisseurs» (terme qui en-globe les sous-traitants) en tant que«transporteur», mais n’en dit pas davantage sur les raisons de cette externalisation.

Avni Orllati ne donnera pas plusd’informations sur un autre de ses locataires au profil particulier, qui travaille pour son groupe depuis plusieurs années: il s’agit du respon-sable d’une agence de voyages lau-sannoise spécialisée dans la vente de billets d’avion pour le Kosovo, qui, selon ses statuts datant de 2009, peut également exercer «toute activité dans le domaine destransports routiers en tout genre». Au téléphone, son patron justifie cette diversification par «la concur-rence d’internet», qui touche son agence de voyages. Il explique louertrois places de camions et un dépôtprès de l’ancienne usine, et ne pas s’occuper des «cinq ou six autres».

Infractions et liste noireParmi les camions dont nous avonsconstaté la présence dernièrement sur le site de Romanel, deux étaientimmatriculés auprès d’une entre-prise de second œuvre et de désa-miantage basée à Genève. Depuis 2011, elle a commis dans ce canton pas moins de 25 infractions en lien

Il est 7 h 38, ce jeudi 22 novem-bre, lorsqu’un camion-bennevide passe le portail du par-king situé devant l’ancienneusine Bière du Boxer, à Roma-

nel-sur-Lausanne. Une fois engagé sur la route d’Échallens, le poids lourd s’enfonce dans le brouillard en direction du nord. Destination: Bioley-Orjulaz, où des ouvriers en tenues orange et des véhicules de toutes tailles s’activent déjà dans lafourmilière Orllati. Avant d’arriver au pied de l’immense centrale à bé-ton, le camion a croisé une colonnede poids lourds vert turquoise ruti-lants arborant le logo du grand groupe vaudois actif dans la cons-truction.

«Prestataire de transport»Comme les employés d’Orllati qui défilent dans l’autre sens, le chauf-feur parti de Romanel entame sa journée de labeur. Mais son ca-mion-benne n’arbore pas de bellescouleurs ni de logo: c’est un «presta-taire de transport», qui œuvre pourle groupe de construction et terras-sement de Bioley-Orjulaz, confirmeOrllati.

Et il n’est pas le seul. Sur le dépôtde la route d’Échallens qu’il a quittéce matin-là, situé sur une zone com-posée de plusieurs parcelles pro-priétés d’Orllati, sont visibles tous les jours des poids lourds «banali-sés» immatriculés au nom de diffé-rentes sociétés, principalement vaudoises et genevoises. Certaines louent des places de parc sur le siteafin d’y laisser leurs camions, et ef-fectuent de petites réparations dansun atelier situé derrière le parking.Comme nous l’avons découvert, plusieurs de ces entreprises tra-vaillent notamment pour le masto-donte vaudois.

Enquête

Camille Krafft TextesPatrick Martin Photos

Contactée, Véronique Chaignatnous a répondu dans un premier temps que «le site est occupé notam-ment par EF Girt (nldr: qui travaille occasionnellement pour le groupe deBioley-Orjulaz, selon Avni Orllati),

à bière dure depuis trois ou quatre ans au minimum. À cela s’ajoute uneactivité intense, faite d’allées et ve-nues de véhicules immatriculés à l’étranger (Pologne, Serbie), y com-pris durant la nuit et les week-ends.

Un camion parti de Romanel en direction de Bioley-Orjulaz croise un poids lourd d’Orllati, pour qui il travaille.

Un quartier de la zone industrielle de Romanel inquiète le voisinage. On y trouve plusieurs sociétés au profil parfois peu recommandable. Certaines travaillent pour le groupe

Ballet de poids lourds en eau trouble dans une arrière­cour d’Orllati

L’accident d’Arsim*, ouvrier kosovar sans-papiersU Si certaines des sociétés qui utilisent la friche de Romanel ont pignon sur rue, d’autres sont installées là discrètement. C’est le cas du garage atelier situé derrière le parking de poids lourds et sous des logements (lire encadré ci-contre), où le fracas des outils résonne souvent tard dans la soirée et durant les jours fériés, selon plusieurs témoignages. Un accident de travail survenu à cet endroit à l’été 2015 donne une idée de la misère et de l’exploitation qui règnent dans ce secteur.

Après sa journée de travail, Arsim*, jeune ouvrier kosovar sans-papiers, rentre au dépôt de

son patron, situé derrière l’ex-fabrique de bière. Ce dernier lui demande de faire des heures supplémentaires pour «rendre service à un voisin», responsable du garage atelier – le patron de l’agence de voyages qui nous a confirmé effectuer des transports pour Orllati.

Arsim n’ose pas dire non et prolonge, une fois de plus, ses heures de labeur. Vers 20 h 45, occupé à soulever le pot d’échappement d’un camion, il reçoit une poutre sur la tête et perd connaissance. Son patron lui explique que s’il se rend au CHUV, il devra payer 500 francs de sa poche et sera renvoyé au

pays. Il le ramène donc chez lui et le lendemain, lui pose une minerve qu’il a en stock dans son dépôt, explique Arsim.

Une semaine plus tard, restésans soins et à l’agonie, l’ouvrier est emmené aux urgences par Werner Schmid, un syndicaliste de L’autre syndicat qu’il a fini par contacter. Diagnostic: un traumatisme crânien et 10 à 11 mois d’incapacité de travail. Avec l’aide de Werner Schmid, quidéploie énormément d’énergie pour récolter des preuves et des témoignages, il constitue un dossier, met son patron en demeure de déclarer l’accident à la Suva et engage une procédure

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24 heures | Mercredi 5 décembre 2018 Point fort 3

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nit n’est pas bon pour l’image de marque de la commune». Selon lui,le propriétaire est déjà intervenu pour mettre de l’ordre autour du chemin du Raffort, situé à côté de l’ex-usine. «Nous avons de très bonscontacts avec M. Orllati», précise l’élu, qui pointe du doigt les lenteursdu Canton: «Le 6 avril dernier, nousavons envoyé un dossier pour un projet en zone mixte au Service du développement territorial. Nous n’avons toujours pas de réponse.»

Du côté des locataires, les bauxcourent jusqu’en 2020, précise Vé-ronique Chaignat. Outre les entre-prises dont les camions sont visiblesprès de l’ancienne usine, Avesco etles ateliers de l’Opéra, au moins sept sociétés ont transféré leur siègeou ouvert une succursale sur ces parcelles depuis 2014, selon le Re-gistre du commerce. Leurs points communs: la plupart sont égale-ment tenues par des administra-teurs d’origine balkanique et activesdans le bâtiment, le transport ou l’achat-vente de voitures.

Responsabilité solidaireLundi, le patron nous a précisé que«sur toutes les entreprises qui louent des places ou des dépôts à Romanel, seules trois ou quatre tra-vaillent avec nous». Il nous a égale-ment assuré qu’il était très sensibleau respect des travailleurs, que ce soit pour ses propres employés ou ceux de ses sous-traitants. «À cha-que fois que nous travaillons avec des sous-traitants, nous nous assu-rons que les conventions collectivessoient respectées et que les chargessoient payées.»

En Suisse, la responsabilité soli-daire permet en théorie de faire ré-pondre l’entrepreneur contractant des infractions commises par ses sous-traitants, en matière de condi-tions de travail et de salaire. Mais elle est très rarement appliquée.

zaine d’années, il est également trèsactif dans l’immobilier. Son cré-neau: racheter des terrains situés dans des zones industrielles et obte-nir des dérogations pour y cons-truire des logements.

C’est dans ce cadre que les socié-tés Orllati Real Estate et Orbis, ava-lées par Orllati en 2017, ont fait l’ac-quisition des six parcelles enregis-trées au Registre foncier de Roma-nel, où se situe notamment le dépôtde camions. Ces achats se sont éche-lonnés entre 2012 et 2014. Depuis, lequartier n’en finit pas d’agoniser, selon plusieurs entrepreneurs éta-blis dans le coin de longue date.

Sur cette friche hors du mondes’entassent aujourd’hui conteneurs,voitures sans plaques, pneus et ma-tériel de chantier. Le syndic, DanielCrot, admet être préoccupé par la situation: l’hiver dernier déjà, il nous assurait faire son possible pourque les lieux ne se transforment pasen «friche industrielle», car «ce che-

Tous ces éléments surprennentde la part d’un groupe qui prône latransparence et assure ne déléguerqu’exceptionnellement les tâches àaccomplir. Dans une interview ac-cordée au journal «Le Temps» le 17 juin 2017, le directeur Avni Orllatidéclarait: «Nous faisons quasi tout en interne. Nous ne recourons quetrès ponctuellement à des sous-trai-tants.» Lundi, il nous a confirmé mandater «des transporteurs» de manière «ponctuelle», expliquant qu’il avait «quelque 1500 fournis-seurs» au total.

Terrains acquis depuis 2012Originaire du Kosovo, l’homme a cofondé avec des membres de sa famille la société Orllati SA dans lesannées 90. Aujourd’hui, le groupe fort d’une quinzaine d’entreprises emploie environ 800 personnes, dont 45 chauffeurs, et possède sa propre flotte de malaxeurs et de camions bennes. Depuis une di-

Enquête

RomanelOrllati a acheté plusieurs parcelles autour de l’ex- usine Boxer. Un projet prévoit une zone mixte avec prédominance de logements. Mais l’agglomé-ration est plutôt en pénurie de zones d’activité.

L’accident d’Arsim*, ouvrier kosovar sans-papiersde tout compte. Durant les quelques mois où il a travaillé pour l’entreprise dont le dépôt est à Romanel, l’ouvrier était payé 15 francs de l’heure en moyenne, «à coups de 200 francs par-ci, et 300 francs par-là…», explique-t-il. Selon le témoignage d’un ancien client, son patron occupait des travailleurs «à la carte», qu’il allait chercher à des «points de ramassage».

Avni Orllati assure que son groupe ne travaille pas avec la société en question, dont nous n’avons pas réussi à joindre le responsable.

* Nom connu de la rédaction

au Tribunal des prud’hommes. Mais au lieu de se présenter à l’audience de conciliation, son ancien responsable prend un avocat: il ne veut pas entendre parler d’indemnisation. Arsim demande alors l’aide d’un avocat commis d’office. Son patron accepte finalement de signer une convention. Sauf que le jour où il doit renvoyer cette dernière, il annonce qu’il a mis sa société en faillite.

Arsim n’a été indemnisé querécemment, par la Suva, de 56 000 francs calculés sur la base du salaire minimum. Auparavant, son ancien patron lui avait proposé 5000 francs pour solde

Logement

De l’extérieur, le bâtimentsemble abandonné. Sesstores baissés donnent

sur le dépôt de camions, où les chauffeurs manœuvrent sur un étroit parking. Devant l’entrée, des vélos d’enfant crasseux, faisant écho aux nombreuses carcasses de voitures qui peuplent le secteur, semblent les témoins d’une vie passée. Mais le soir venu, des rais de lumière sont visibles au bas des fenêtres situées au-dessus d’un garage atelier, derrière l’ancienne usine de Bière du Boxer.Après plusieurs tentatives infructueuses, la porte d’un appartement du premier étage finit par s’ouvrir un matin suite à nos coups. Hibo Mohamoud Ahmed semble épuisée dans ses vêtements colorés. Oui, elle vit ici, dans cette zone industrielle en perdition, désormais seule avec quatre enfants, depuis deux ans et demi. Loyer de ce3,5 pièces en pagaille, selon le bail conclu par la famille avec le propriétaire, Orllati Real Estate SA: 1750 francs par mois.Quatre fois par jour, lorsqu’il part et revient de l’école, le cadet salue de la main les chauffeurs des camions. Rapidement, Hibo Mohamoud Ahmed nous emmène dans sa salle de bains.En janvier dernier, explique-t-elle, le plafond s’est effondré, heureusement sans faire de blessés. Les pompiers sont intervenus. Depuis, la famille vit sans plafond. Comme l’air froid entrait depuis l’extérieur, elle a colmaté les trous avec des tissus.Dans l’immeuble, les coupures d’eau chaude sont fréquentes et durent généralement deux ou trois jours, explique la locataire. Comme les sanitaires sont également défaillants, les enfants vont régulièrement se laver chez une amie à Lausanne. En poursuites, sans travail, la maman vit notamment du Revenu d’insertion. Somalienne d’origine, elle a obtenu un permis B qui l’autorise à rester en Suisse durablement.À plusieurs reprises, elle a tenté d’intervenir auprès des responsa-bles du garage atelier situé sous son appartement: le bruit dérange parfois les enfants jusqu’à 22 h ou 23 h, explique-

t-elle. «Ils me répondent: tu sais, Madame, nous aussi on paie un loyer.»La famille n’est pas la seule locataire à passer ses nuits dans l’immeuble. Les autres apparte-ments sont occupés par des ouvriers. A priori, des chauf-feurs de camion qui ne parlent pas français et qui conduisent des voitures à plaques étrangè-res, polonaises notamment. Véronique Chaignat, directrice communication d’Orllati, explique qu’il s’agit d’employés de la société FBA ferraillage, qui appartient au groupe. Impossi-ble à vérifier: ces hommes n’ouvrent jamais la porte. «Quand les pompiers sont intervenus, ils ont dû frapper longuement avant que quel-qu’un leur réponde», explique la maman.«J’ai placé ces gens là pour répondre à la demande d’un municipal de Chavannes, qui ne savait pas où les reloger car ils

devaient quitter leur habitation, justifie Avni Orllati. Il était important qu’ils aient un toit.» Photocopies de photographies à l’appui, le directeur et sa chargée de communication expliquent que des travaux avaient été effectués avant l’entrée de la famille dans l’appartement. Comme il nous l’a confirmé, le groupe était au courant que le plafond de la sallede bains s’est effondré il y a 10 mois. Mais rien n’a été fait.D’après le propriétaire, la famille ne paie que 1500 francs, en échange de l’entretien de la cage d’escalier. Hibo Mohamoud Ahmed assure, elle, que son ex-mari verse 1750 francs chaque mois.Contacté, le syndic de Romanel, Daniel Crot, admet être au courant de la présence de la famille sur cette friche indus-trielle. Mais il dit ne s’être jamais rendu sur place. «Orllati nous a certifié que les appartements avaient été refaits pour accueillir des locataires», précise Daniel Crot. L’élu pointe du doigt l’État, qui «a placé là» ces gens.Contacté, le Service de pré-voyance et d’aides sociales (SPAS) du Département de la santé et de l’action sociale explique qu’il n’avait pas connaissance des conditions de logement de cette famille, laquelle ne bénéficiait pas du Revenu d’insertion au moment où elle a signé le bail. Françoise Jaques, cheffe du SPAS, précise que depuis que les locataires touchent le RI, soit depuis février, des démarches ont été faites par le Centre social régional de Prilly (CSR) pour les aider à trouver un logement adapté.Elle relève en outre qu’«après avoir pris connaissance de cettesituation de logement peu adéquate pour des jeunes enfants, le SPAS a pris des mesures complémentaires pour aider le CSR à trouver rapidement une alternative de logement pour cette famille. La commune de Romanel a également été informée de cette situation afin d’effectuer si nécessaire d’autres vérifica-tions concernant le permis d’habitation de ce logement situé sur son territoire.»

Une famille paie 1750 fr. de loyer pour un appartement situé sur la friche

Le plafond de la salle de bains de Hibo Mohamoud Ahmed est tombé en janvier dernier. Depuis, la famille vit sans plafond et a colmaté les trous avec des tissus.

«J’ai placé ces gens là pour répondreà la demanded’un municipalde Chavannes,qui ne savait pas où les reloger»

Avni OrllatiAdministrateurdélégué duGroupe Orllati

«Le SPAS a pris des mesures pour aider le CSR à trouver rapidementune alternativede logementpour cette famille»

FrançoiseJaquesCheffedu servicede prévoyanceet d’aide sociale