spécial comac :: les jeunes et la crise

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11 13 octobre 2011 | 38 Où en sera-t-on dans d ans? Edito I l y a dix ans, peu de jeunes Grecs pensaient se retrouver là où ils en sont aujourd’hui. Depuis des mois, le peuple grec est forcé par la Commission européenne d’accepter une baisse incroyable de son niveau de vie : diminutions des salaires et des allocations de chômage, augmentation du coût de la vie, licenciements par milliers, privatisations des services publics, recul sans précédent des les droits collectifs des travailleurs, etc. Derrière les chiffres, ce sont des millions de vies humaines qui sont ainsi chamboulées et oppressées. Des parcours interrompus, des perspectives détruites. Des études qu’on ne fera pas, des vocations qu’on ne réalisera pas, des emplois qu’on n’aura pas. Tout ça pour quoi ? Pour rembourser aux spéculateurs et aux millionnaires l’argent qu’ils ont prêté à l’État grec. Et pourquoi l’État grec avait-il dû emprunter autant d’argent ? Pour sauver les banques en 2008 lorsqu’elles étaient au bord de la faillite. Une faillite causée par… ces mêmes spéculateurs et millionnaires. Les plus riches organisent, en ce moment même, le hold-up du siècle. C’est un pays entier qui plonge en enfer. Et qu’ont eu à dire les jeunes Grecs et leurs familles là-dessus ? Rien. Et nous, où en sera-t-on dans dix ans ? La Grèce n’est pas un cas isolé, même s’il est le plus frappant. Tous les États européens se sont endettés jusqu’au cou pour sauver les banques. Aujourd’hui, Dexia en faillite fait à nouveau appel à l’État belge. Dans tous les pays, le débat est posé : qui doit payer pour la crise ? Et, dans tous les pays, les gouvernements imposent une réponse unique : c’est à nous, jeunes et travailleurs, de réduire notre niveau de vie, mais, en tout cas, ils préfèrent laisser les vrais (riches) responsables tranquilles. En Belgique aussi, c’est l’avis du futur gouvernement. Après près de 500 jours de négociations, on entend : « Ouf, on a enfin un accord. » Mais sur quoi se sont-ils mis d’accord en réalité ? Sur une progression historique dans la division du pays, sur la scission de la sécurité sociale et sur le fait de nous faire payer leur crise, à travers des mesures d’austérité impressionnantes. Pourtant, le revenu des actionnaires a triplé en dix ans, et on voudrait nous faire croire qu’il n’y a pas assez d’argent pour l’enseignement aux jeunes et leur donner du boulot ? Les débats de société n’ont jamais été aussi globalisés, et on voudrait nous faire croire que francophones et néerlandophones vont mieux y faire face chacun dans leur coin ? Mais comment osent-ils ? Et nous devrions être contents, car ils ont enfin un accord ? Non, ceci ne se fera pas en notre nom. Comme disent les indignés, nous ne sommes pas des marchandises entre les mains des banquiers et des politiciens. Pas d’accord de prendre le chemin de l’enfer grec. Pas d’accord de jouer notre avenir en bourse sans qu’on nous pose même la question. Pas d’accord avec l’idée qu’il n’y a pas d’alternative. Un autre monde est possible, qui ne sera pas dicté par la logique du profit. Et cet autre monde, c’est le socialisme. C’est pour cela que nous affirmons : « CHEnge the world ». Mais cet autre monde ne nous sera pas donné en cadeau. C’est pour ça que, dans ton école, ton unif ou ton quartier, il faut réagir. Dans les pages qui suivent, tu trouveras un article sur le mouvement des Indignés, des infos sur tous les débats en cours dans l’enseignement supérieur et le travail syndical étudiant de Comac. Et, enfin, tu en ap- prendras plus sur les enjeux de la réforme des pensions et en quoi ça nous concerne directement, ainsi que sur le chômage des jeunes. Bref, voici de quoi se faire des armes pour les actions à venir. AURÉLIE DECOENE, PRÉSIDENTE DE COMAC < LEs indignés à BruxELLEs En route v ers un 15 octobr e contre l’austérit é Samedi 8 octobre, en fin de journée, la centaine de marcheurs « indignés » venus d’Espagne, de France, d’Alle- magne et des Pays-Bas est arrivée à Bruxelles. M algré le temps, l’ambiance était au rendez-vous au parc Élisabeth à Koekelberg, où environ 400 personnes ont accueilli l’arrivée des marcheurs en scandant El pueblo, unido, jamás será vencido. « Nous ne sommes pas des marchandises aux mains des banquiers et des politiciens », « ils ne nous représentent pas », tels étaient les mots d’ordre lancés en Espagne au mois de mai. Contestation face à la crise du capitalisme et critique du man- que de parti- cipa- u tion démocratique qu’offre notre système politique : voici les premières raisons d’agir du mouvement des Indignés. Ce rendez-vous bruxellois durera jusqu’à ce samedi 15 octobre, mais certains parlent déjà de rester plus longtemps. Au programme : des pro- jections, des ateliers et des actions. Aux côtés d’ateliers de chants cha- maniques, on retrouve ainsi au programme des débats de grande actualité sur les mesures d’austérité en Europe, la crise grecque et les luttes contre la privatisation de l’eau. Chaque soir vers 18 heures, place aux assemblées, où sont discutées les questions liées au mouvement. Moment phare, celles-ci attirent beaucoup de curieux. Les mar- cheurs espagnols ont apporté avec eux un know-how de gestion des assemblées qui dénote avec les celles de juin à Bruxelles et à Liège. Mais cela ne suffit pas à permettre aux assemblées de réellement débattre de l’orientation du mouvement et de prendre des décisions. L’heure entière de débat dimanche soir sur le thème « faut-il oui ou non laisser les médias filmer l’assemblée ? » en a rebuté plus d’un. La discussion contradictoire ne manquait pas d’intérêt, mais la recherche d’un consensus, moins. La méthode de prise de décision sera certainement un débat important, dans lequel nous défendrons la nécessité de voter quand c’est nécessaire. Car si l’on se rassemble, c’est pour agir. Comme le dit justement un article distribué avec le programme de la semaine : « L’indignation n’est que l’expression d’une prise de conscience. La réalisation de cette dernière n’est possible que par l’action. » Parlant d’action, un enjeu important des discussions sera notamment la manifestation du 15 octobre. Alors que le gou- vernement fédéral vient de mettre 4 milliards d’euros sur la table pour racheter les avoirs belges de Dexia, le débat sur qui doit payer la crise se fait encore plus pressant. C’est un débat qui concerne tous les jeunes rassemblés à Koekelberg, car il vaut aujourd’hui dans tous les pays européens. Et pour cause, nous avons un ennemi commun : l’Union européenne et les grands monopoles qu’elle représente, qui dictent une politique d’austérité drastique pour tous ses États membres. Il est donc crucial d’unir les forces pour refuser de payer pour leur crise. Et cela comprend autant les Indignés que les organisations syndicales et toutes les parties du mouvement social. C’est le message que nous défendrons dans les assemblées. NABIL BOUKILI ET MAXIME VAN LAERE < Quelques centaines de jeunes européens sont arrivés à Bruxelles le samedi 8 octobre pour une semaine d’indignation contre les institutions européennes principalement. (Photo Solidaire, Martine Raeymaekers)

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Où on en sera dans dix ans ? Voici la question de pose Aurélie Decoene, président de Comac dans son édito qui introduit plusieurs articles rédigés par des membres de Comac, le mouvement de jeunes du PTB. Dans ce document PDF, vous trouverez un article sur le mouvement des Indignés, des infos sur tous les débats en cours dans l’enseignement supérieur et le travail syndical étudiant de Comac. Et, enfin, vous en apprendrez plus sur les enjeux de la réforme des pensions et en quoi ça concerne les jeunes également, ainsi que sur le chômage des jeunes. En bref, voici de quoi se faire des armes pour les actions à venir.

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Page 1: Spécial Comac :: Les jeunes et la crise

1113 octobre 2011 | 38

Où en sera-t-on dans dix ans?E d i t o

Edito

Il y a dix ans, peu de jeunes Grecs pensaient se retrouver là où ils en sont aujourd’hui. Depuis des mois, le peuple grec est forcé par la Commission européenne d’accepter une baisse incroyable de son niveau de vie : diminutions des salaires et des allocations

de chômage, augmentation du coût de la vie, licenciements par milliers, privatisations des services publics, recul sans précédent des les droits collectifs des travailleurs, etc. Derrière les chiffres, ce sont des millions de vies humaines qui sont ainsi chamboulées et oppressées. Des parcours interrompus, des perspectives détruites. Des études qu’on ne fera pas, des vocations qu’on ne réalisera pas, des emplois qu’on n’aura pas. Tout ça pour quoi ? Pour rembourser aux spéculateurs et aux millionnaires l’argent qu’ils ont prêté à l’État grec. Et pourquoi l’État grec avait-il dû emprunter autant d’argent ? Pour sauver les banques en 2008 lorsqu’elles étaient au bord de la faillite. Une faillite causée par… ces mêmes spéculateurs et millionnaires. Les plus riches organisent, en ce moment même, le hold-up du siècle. C’est un pays entier qui plonge en enfer. Et qu’ont eu à dire les jeunes Grecs et leurs familles là-dessus ? Rien. Et nous, où en sera-t-on dans dix ans ? La Grèce n’est pas un cas isolé, même s’il est le plus frappant. Tous les États européens se sont endettés jusqu’au cou pour sauver les banques. Aujourd’hui, Dexia en faillite fait à nouveau appel à l’État belge. Dans tous les pays, le débat est posé : qui doit payer pour la crise ? Et, dans tous les pays, les gouvernements imposent une réponse unique : c’est à nous, jeunes et travailleurs, de réduire notre niveau de vie, mais, en tout cas, ils préfèrent laisser les vrais (riches) responsables tranquilles. En Belgique aussi, c’est l’avis du futur gouvernement. Après près de 500 jours de négociations, on entend : « Ouf, on a enfin un accord. » Mais sur quoi se sont-ils mis d’accord en réalité ? Sur une progression

historique dans la division du pays, sur la scission de la sécurité sociale et sur le fait de nous faire payer leur crise, à travers des mesures d’austérité impressionnantes. Pourtant, le revenu des actionnaires a triplé en dix ans, et on voudrait nous faire croire qu’il n’y a pas assez d’argent pour l’enseignement aux jeunes et leur donner du boulot ? Les débats de société n’ont jamais été aussi globalisés, et on voudrait nous faire croire que francophones et néerlandophones vont mieux y faire face chacun dans leur coin ? Mais comment osent-ils ? Et nous devrions être contents, car ils ont enfin un accord ? Non, ceci ne se fera pas en notre nom. Comme disent les indignés, nous ne sommes pas des marchandises entre les mains des banquiers et des politiciens. Pas d’accord de prendre le chemin de l’enfer grec. Pas d’accord de jouer notre avenir en bourse sans qu’on nous pose même la question. Pas d’accord avec l’idée qu’il n’y a pas d’alternative. Un autre monde est possible, qui ne sera pas dicté par la logique du profit. Et cet autre monde, c’est le socialisme. C’est pour cela que nous affirmons : « CHEnge the world ». Mais cet autre monde ne nous sera pas donné en cadeau. C’est pour ça que, dans ton école, ton unif ou ton quartier, il faut réagir.

Dans les pages qui suivent, tu trouveras un article sur le mouvement des Indignés, des infos sur tous les débats en cours dans l’enseignement supérieur et le travail syndical étudiant de Comac. Et, enfin, tu en ap-prendras plus sur les enjeux de la réforme des pensions et en quoi ça nous concerne directement, ainsi que sur le chômage des jeunes. Bref, voici de quoi se faire des armes pour les actions à venir.

Aurélie Decoene, présiDente De comAc<

LEs indignés à BruxELLEs

En route vers un 15 octobre contre l’austérité

Samedi 8 octobre, en fin de journée, la centaine de marcheurs « indignés » venus d’Espagne, de France, d’Alle-magne et des Pays-Bas est arrivée à Bruxelles.

Malgré le temps, l’ambiance était au rendez-vous au parc Élisabeth à Koekelberg, où environ 400 personnes ont accueilli l’arrivée des marcheurs en scandant El

pueblo, unido, jamás será vencido. « Nous ne sommes pas des marchandises aux mains des banquiers et des politiciens », « ils ne nous représentent pas », tels étaient les mots d’ordre lancés en Espagne au mois de mai. Contestation face à la crise du capitalisme et critique du man-que de parti-cipa-

u tion démocratique qu’offre notre système politique : voici les premières raisons d’agir du mouvement des Indignés. Ce rendez-vous bruxellois durera jusqu’à ce samedi 15 octobre, mais certains parlent déjà de rester plus longtemps.

Au programme : des pro-jections, des ateliers et

des actions. Aux côtés d’ateliers de chants cha-

maniques, on retrouve ainsi

au programme des débats de

grande actualité sur les mesures d’austérité en Europe, la crise grecque et les

luttes contre la privatisation de l’eau. Chaque soir

ver s 18 heures, place aux assemblées, où sont discutées les questions liées au mouvement. Moment phare, celles-ci attirent beaucoup de curieux. Les mar-cheurs espagnols ont apporté avec eux un know-how de gestion des assemblées qui dénote avec les celles de juin à Bruxelles et à Liège. Mais cela ne suffit pas à permettre

aux assemblées de réellement débattre de l’orientation du mouvement et de prendre des décisions. L’heure entière de débat dimanche soir sur le thème « faut-il oui ou non laisser les médias filmer l’assemblée ? » en a rebuté plus d’un. La discussion contradictoire ne manquait pas d’intérêt, mais la recherche d’un consensus, moins. La méthode de prise de décision sera certainement un débat important, dans lequel nous défendrons la nécessité de voter quand c’est nécessaire. Car si l’on se rassemble, c’est pour agir. Comme le dit justement un article distribué avec le programme de la semaine : « L’indignation n’est que l’expression d’une prise de conscience. La réalisation de cette dernière n’est possible que par l’action. » Parlant d’action, un enjeu important des discussions sera notamment la manifestation du 15 octobre. Alors que le gou-vernement fédéral vient de mettre 4 milliards d’euros sur la table pour racheter les avoirs belges de Dexia, le débat sur qui doit payer la crise se fait encore plus pressant. C’est un débat qui concerne tous les jeunes rassemblés à Koekelberg, car il vaut aujourd’hui dans tous les pays européens. Et pour cause, nous avons un ennemi commun : l’Union européenne et les grands monopoles qu’elle représente, qui dictent une politique d’austérité drastique pour tous ses États membres. Il est donc crucial d’unir les forces pour refuser de payer pour leur crise. Et cela comprend autant les Indignés que les organisations syndicales et toutes les parties du mouvement social. C’est le message que nous défendrons dans les assemblées.

nAbil boukili et mAxime VAn lAere<Quelques centaines de jeunes européens sont arrivés à Bruxelles le samedi 8 octobre pour une semaine d’indignation contre les institutions européennes principalement. (Photo Solidaire, Martine Raeymaekers)

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13 octobre 2011 | 3813 octobre 2011 | 3812 13

Il y a près d’un mois, c’était la rentrée dans l’enseignement supé-rieur. Le principal syndicat étudiant en Communauté française, la Fédé-ration des Étudiants francophones (FEF), est très actif sur les campus. Marie Schmit, nouvelle secrétaire générale de la FEF et membre de Comac, le mouvement de jeunes du PTB, décrit la situation.

Vous êtes depuis peu la nouvelle secrétaire générale de la FEF. Quels sont votre parcours et vos responsabilités ?

Marie Schmit.Jeviensdeterminermesétudesd’institutriceprimaireàlaHEBDefré.Celafaitdeuxansquejesuisactivedansladélégationétudiante,d’abordàDefré,puisàlaFEF.J’aiconnulaFEFenparticipantavecComacàlacampagneRespactpourlaréductionducoûtdesétudes.C’estalorsquejemesuisengagéeentantquedéléguée. J’aiétémembreduBureaupendantunanavantdedevenirsecrétairegénérale.Jesuismaintenantlarespon-sablefinaledel’organisationinterne.J’organiseetcentraliseletravaillocaldesorganisateurs,desdéléguésetdesmilitantsdansleursrégions.

La FEF est active sur le terrain depuis quelques années. Expliquez-nous vos actions, vos réussites. Marie Schmit. Depuisquatreans,laFEFadéveloppéunelignepolitiquepropre.Nousdéfendonsunenseigne-mentpublic,dequalitéetgratuit.LaFEFestmilitante,seveutprochedesétudiants,partantdesproblèmeslocauxpourdéfendreleursdroitspardescampagnes.Nousvoulonstenircomptedeleuravis.C’estpourquoinouseffectuonssouventdesenquêtesdeterrain. Nousavonsconstatéquelecoûtdesétudesétaitunproblèmemajeur.Nousenavonsdoncfaitnotrechevaldebataillependantquatreans.Grâceàdesmobilisationslocales,desmani-festations,despétitions,nousavonsobtenuunevictoireimportante,ledécretWendydejuillet2010.Unvoletconcernetouslesétudiants:legelduminervalpendantcinqans.Ensuite,nousœuvronsàlasuppressionduminervaletducoûtdessyllabuspourlesétudiantsboursiers.Noussommessatisfaitsque,grâceànotrecombat,30000étudiantsboursierspuissents’inscrireàdesétudessupérieuresgratuitement.Maisnousvoyonsplusloin. Nosrevendicationssurletransport,leminerval,lelogement,lesfraisdestagen’ontpasencoreétéentendues.Ilyaencoredutravail.Maisnousvoyonscependantquelalutteetladémarchemilitantepaient.C’estunepremièredansl’histoiredumouve-mentétudiant,surtoutencontexte

u decriseéconomique.

Vu le contexte politique et social actuel, on s’attend à d’impor-tantes coupes budgétaires dans les services publics. Marie Schmit. Effectivement,lacriseéconomiqueestprofonde.Lepireestàvenir.Onvoitmaintenantvenirlesmesuresd’austéritéqued’autrespaysontdéjàsubies.LaFEFs’attendàdesattaquessurl’enseignement. Le5octobre,lesétudiantsontenre-gistréunpremierreculdeleursdroitsaprèsunvotedelamajoritéOlivier(PS-Ecolo-CdH)àlaCommunautéfrançaise.Lesétudiantsboursiersenmasternerecevrontplusleurssylla-busgratuitement,cequeledécretWendyprévoyaitpourlarentrée2011.Ilyamaintenantdeuxcatégoriesdeboursiers:ceuxavecdesdroits(enbachelier)etceuxavecmoinsdedroits(enmaster).EnplusderognersurlesacquisdudécretWendy,leministreenvisagedifférentesmesuresdesélectionàl’entréedesétudes. S’iln’yapasderéellevolontépoliti-quederefinancerl’enseignement,unefaussebonnesolutionestbiensûrdefiltrerlesétudiantspourfairedeséco-nomies.Notreactivitésurlecoûtdesétudesempêchedeprépareruneattaquefrontalemassivesurlesujet,commedansd’autrespays.EnFlan-

dre,unrecteurd’universitéplaidepourun mi-

nervaldifférenciéquiseraitlargementaugmentédanslesfilièresoùilyabeaucoupd’étudiants,filièresinutilespourlemarché.C’estinadmissible.

Quels sont vos projets pour cette année ? Marie Schmit. Nousavonsl’ambitiondemenerplusieurscampagnesdefront.Vulesattaquesduministreàlafoissur

ledécretWendyetsurlasélection,nousallonsmenerdeuxcampagnesdistinctespourcepremiersemestre.Lasemaineder-nière,nousavonscommencéànousmobilisercontrelaremiseencausedudécretWendy,

et16assembléesgénéralesontétéorganiséesunpeupartout.Prèsde800étudiantsyontparticipé.Deuxrassemblementsontégalementréunichacun150manifestants.Cen’estqu’undébut. Ensuite,nousmèneronsunecam-pagnespécifiquesurlasélectionàl’entréeafindesensibilisertouslesétudiants.Cesdeuxproblèmessontdusàunmanquedefinancementpublicdel’enseignement.Notrefilrougedel’annéeseradoncunetroisièmecampagnepourunenseignementfinancé,àhauteurdesbesoins.

Au Chili, le mouvement

étudiant est très populaire.

Marie Schmit. Eneffet.C’estim-pressionnantdevoirl’ampleurdelamobilisationdesétudiants,largementsoutenusparlapopulation,danslessondagesetdanslarue.Lesyndicatétudiantestunmoteurprincipaldelalutte.Toutcommenous,ilsdéfendentunenseignementpublic,dequalitéetgratuit,cequinousconfortedansnotrecombat. Nousnedevonspasavoirpeurdemenerouvertementiciundébatsurunenseignementgra-tuit.LecasduChilinousprouvequecemessagepeutêtresoutenumassivementparlesétu-diantsetleursfamilles.Nousvoulonsaussicollaboreraveclessyndicatsdestravailleursetlesprofesseurspourqu’ilsrejoignentnotrecombat.Mais,pourcela,ilyaencoredupainsurlaplanche.

Vous défendez donc un enseignement public, de qualité et gratuit. Marie Schmit. L’enseignementenBelgiquerestetrèsinégalitaire.Onneserendpascompteàquelpoint,pourungrandnombredefamilles,c’estunchoixdifficiledefinancer5ansd’étudesoupluspourleursenfants.Seulement40%desjeunesfontdesétudessupérieures,etilssontencoremoinsnombreuxàensortirdiplômés.L’enseignementdoitêtredequalitépourtous.J’entendsparqualitélenombredeprofesseursetd’assis-tants,undéveloppementadaptéànotreépoque,desinfrastruc-

tures

d’enseignement,dessupportsetoutilspédagogiquesvariés…Unenseignementdequalitéetgratuitpourtous,doncsanssélectionsociale,n’estpossibleques’ilestfinancéex-clusivementparl’État. Aujourd’huienBelgique,s’ilestmajoritairementfinancéparl’État,

l’enseignementestaussifinancépardesentreprises,etledéveloppe-mentd’unmarchéconcurrentielentrelesuniversités.Cestroisaspectssontactuellementin-dissociables.Pouryarriverauseulfinancementpublic,ilfautunrefinance-

mentimportantdel’enseignement.

Le Bureau de la FEF est désormais paritaire hommes-femmes. C’est une nouveauté, non ? Marie Schmit. Ilestvraique,cetteannée,50%desmembresdesorganesdirigeantsdelaFEFsontdesfemmes.Danssonhistoire,laFEFasurtoutétédirigéepardeshommes.C’estuneavancéeet,surtout,unenécessitéderenforcerlamixitéhomme/femme,maisaussiuniversité/hauteécoleafindereprésenteraumieuxladiversitédupublicétudiant.55%desétudiantssontdesfemmes.Nousn’avonspaseubesoindequotaspour

y

arriver.Ilsuffitd’abandonnerlesclichéssexistesetd’allerverstouslesétudiantsetétudiantespourlesimpliquer.

En mai dernier, le journal Le Soir « révélait » une soi-disant infiltration de la FEF par le PTB. Qu’en pensez-vous ? Marie Schmit. AuseindelaFédéra-tion,cen’estpasunegrandenouvellequedesmembresdumouvementdejeunesduPTBparticipent.Enavrildernier,lorsdeson3econgrès,Comacaadoptéunevisionpolitiqueunifiéesurl’enseignement.Nousvoulonsunenseignementquiromptaveclalogi-quecapitalisted’unenseignementquirépondauxbesoinsdumarchéquestionmain-d’œuvrequa-lifiée.Nousvoulonsunchangementdesociété,unesociétédesgensd’abord,pasduprofit. LaFEFnedéfendpaslemêmeprojetqueComacmaisregroupetouteslesforcesquidéfendentunenseignementaccessibleàtous.C’estpourquoilaFEFserevendiquenonpartisane,maisenaucuncasapolitique.ComacveutrenforcerlaFEFdanssadémarchemilitantepourfaireavancerlesdroitsdesétudiants.IlnefautpasoublierquelesmembresdeComacactifsàlaFEF,maisaussiauVVSducôtéflamand,ontétéélusdansleursétablissements.Ilssontsoute-nuslargementparlesétudiants,souventmêmeilsgagnentdesélectionsfaceàd’autreslistesquidéfendentuneautrelignepolitique. C’estladémarchedeterrain,d’implicationdesétudiantsquifaitsouventladifférenceetquirallielesoutiendesétudiants.Jenecom-prendspasl’inquiétudeparrapportàlaprésencedemilitantsdeComac,puisqueceux-cirenforcentlaFEFdans

sescampagnes. C’estaussilecasdenombreuxécologistes,socialistesousansappar-tenancepolitique.Etc’esttantmieux!LapluralitéauseindelaFEFlarenforceetl’enrichit.Oncroiraitparfoisqu’onveutinterdireàunétudiantd’avoiruneconsciencepolitique!

Représentez-vous la mouvance très à gauche au sein de la FEF ? Marie Schmit. Çafait2ansquejesuisactiveauseindelaFEFsans

quemonidentitécommunisteneposeproblème.C’estpossiblequemonaccessionaupostedesecrétairegénéraldérange.MaisjedissociemonengagementàlaFEFdemonengagementàComacquimeper-metdeluttersurdesthèmespluslarges.AvecCo-mac,jerevendiqueunenseignement

national,refédéralisé. JeparticipeàsesmanifestationscontrelaprésencedecerclesracistessurlescampusenFlandre,pourl’ins-taurationd’unetaxedesmillionnaires,pourleclimat,etc.Pourquoines’in-surge-t-onpasdelamêmemanièrequandils’agitd’unmembred’EcoloouduPSquidirigelaFEF?Oulefaitque

l’autreorganisa-tionétudiante,l’Unecof,soitdirigéepardesjeuneslibérauxoucdH?Etilsdéfendentunautreprojetpourl’enseignementquemoi.

D’ailleursauChili,laprésidentedusyndicatétudiant,CamilaVallejo,estmilitanteduparticommuniste.Celan’empêchepasdescentainesdemil-liersd’étudiantsdelasoutenirdanslaluttecontrelesprojetsduprésidentdedroitePiñera.C’estsurmontravailqu’ilfaudramejuger.

Lizz Printz<

Haute école Cardijn : déjà une victoire concrète !« Lors de la campagne électorale en avril 2011, raconte Romain, le PE a effectué un sondage. Il en ressortait que les étudiants se plaignaient de ne pas avoir accès à Internet dans leur haute école. Nous avons donc inscrit cela dans notre programme. Nous avons été élus et, dès la rentrée, nous nous sommes activés sur cette question. Résultat : les étudiants dis-posent maintenant du Wifi, ainsi que de nouveaux ordinateurs pour surfer sur le Net ! »

De la classe

jusqu’au niveau national :

les délégués étudiants

de Comac s’organisent

Depuisdesannées,Comacestactifdanslesmouvementsétudiants.«Réguliè-rement,onarencontrédesétudiantsquiétaientmotivéspoursebougeravecnous,maissansvouloirêtrenécessairementmembresdeComac.Onnesavaitpascommenttravailleraveceux»,déclareRomain,déléguéétudiantdeCardijn,àLouvain-la-Neuve.

C’estainsiquelesmembresdeComacdeladélégationétudianteontprisl’initiativedelanceruncourantsyndicalactifpartoutenBelgique:PrioritéÉtudiante(PE)–Voorrangaanstudenten(VAST).Ayantfaitsesdébutsàl’ULBilyadeuxans,PEs’estrécemmentdéveloppéedansplusieursautrescampus.Avecl’ambitiondesecoordonnerauniveaunationaldèscetteannée,cequimanquaitparlepassé. Grandepremière,donc,dansunpaysagecommunautarisédepuislesannées1980etquientreendécalageaveclaprogressionactuelleversunedivisiontoujoursplusgrandedupays.«Cen’estpasunhasard,préciseLaszloSchonbrodt,del’ULg.NouscombattonscequipousseàladivisionenBelgique.Nousréclamonsunerefédéralisationdel’ensei-gnement.»

Les délégués Priorité étudiante en actionLesdéléguésPEontpourvocationd’œuvreràtouslesniveauxdedécision:delaclassejusqu’auniveaunational.PEtravailleainsidanslesstructuresparticipativesoùlesétudiantséluspeuventêtreprésents. Mais,enmêmetemps,PEveutêtresurleterrainetmobiliserlesétudiants.PEpensepouvoirobtenirunrapportdeforcesfavorable,carilnesuffitpasdes’asseoirautourd’unetableavecles«autorités»pourobtenirdesavancéespourlesétudiants. PEestprochedesétudiantsetsebatpourdesvictoiresconcrètesafind’améliorerleurquotidien.Ainsi,GillesMarot,déléguéétudiantàl’ULB,évoqueleurrevendicationphare:«Lesétudiantsseplaignentàchaquesessiondupeudetempsquileurestlaisséentredeuxexamens.Unsondageaconfirméceproblèmeet,depuis,nousnousbattonspourqu’ilyaitaumoins36heuresentredeuxexamens.C’estunerevendicationtrèsconcrètequitouchelesétudiants.»

Que défend Priorité étudiante ?PEdéfendaussiunenseignementaccessibleàtous.SelonMathias,déléguéétudiantàGand,«l’enseignementsupérieurresteencorelimitéàuneélitesocio-économique.Seuls3%d’enfantsd’ouvriersterminentl’université,alorsquelesenfantsdecadresysont80%!»Lemotgratuitéprendicitoutsonsens:minerval,livres,logement,nourriture,allocationd’étudemensuelle...PEs’opposecatégoriquementàlapolitiqueeuropéenneduprocessusdeBolognequiviseàfairedel’enseignementunemarchandise.Àl’opposé,PEdemandeunfinancementexclusivementpublicàhauteurdeminimum7%duproduitintérieurbrut(ensembledesrichessesproduitesenunandansunpays). Voilàquiestloindespréoccupationsdenotrefuturgouvernement,surlepointdeconclureunpland’austéritéjamaisvuenBelgique.Ilestclairquelesétudiantsseronttou-chésdepleinfouet.L’annéeprometdenombreusesluttessurlescampusfrancophonesetnéerlandophones.Laporteestgrandeouverteàtousceuxquisontmotivéspourlutterànoscôtés!

Sander VandecaPeLLe<

De la classe

jusqu’au niveau national :

les délégués étudiants

de Comac s’organisent« Grâce à notre combat, 30 000 étudiants boursiers peuvent accéder aux études supérieures gratuitement. »

« Nous ne devons pas avoir peur de mener ouvertement le débat sur la gratuité de l’enseignement. Le cas du Chili prouve que cela peut être soutenu massivement par les étudiants et leurs familles. »

ENsEiGNEmENt | IntervIew de MarIe SchMIt (FeF)

« C’est un choix difficile de financer cinq années d’études »

« Comac veut renforcer la FEF dans sa démarche militante pour faire avancer les droits des étudiants. »

« Notre combat sur le coût des études empêche le ministre de préparer une attaque frontale sur le financement de l’enseignement. »

Pour inverser le rapport de force défavorable qui amènera des économies dans l’enseignement supérieur, la FEF prend le pari de mobiliser les étudiants pour défendre leurs droits. (Photo Solidaire, Martine Raeymaekers.

Les étudiants manifestaient ce vendredi 7 octobre devant le cabinet du ministre Marcourt qui a enterré un acquis du décret Wendy : la gratuité des syllabus pour les étudiants boursiers en master. (Photo Ludovic Voet)

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14 13 octobre 2011 | 38

EnsEignEmEnt supériEur En FlandrE

Trop d’étudiants ou trop peu de moyens ?

Ceux qui auront de l’argent pourront faire des études, et ceux qui n’en ont pas n’auront pas droit à un avenir. Augmenter les droits d’inscription n’est donc pas la bonne manière d’aborder le problème. Cela aura pour seul effet d’affaiblir le caractère démocratique de l’enseignement. (Photo Hugo Alexandre Cruz)

« Les écoles supérieures et les universités sont pleines à craquer », titraient les quotidiens néerlandophones en ce début d’année académique. Cette tendance à la hausse s’observe depuis quelques années déjà, mais le problème est aujourd’hui de plus en plus préoccupant.  

Plusieurs propositions visant à absorber le surplus d’étudiants ont été passées en revue. Parmi celles-ci, l’idée de faire subir un test d’orientation aux étudiants

avant d’entamer des études de manière à ce que « ceux qui n’ont pas leur place à l’université » changent d’avis. Bien souvent, les résultats obtenus à ce type de tests ne cor-respondent pas aux capacités réelles des étudiants. Ainsi, il ressort de l’étude MENO réalisée en 1995 que 18 % des étudiants qui avaient réussi en fin d’année échouaient au test de début d’année, démontrant que certains étudiants se voyaient donc injustement déconseiller ou refuser l’accès à l’université. Ce n’est pas tout, le milieu social dont est issu l’étudiant joue également un rôle crucial. Ainsi, les jeunes issus de milieux sociaux inférieurs sont plus souvent recalés à ce type de tests proportionnellement à leurs véritables chan-ces de réussite. Bref, en plus de se révéler inexact, ce test va directement à l’encontre du fait que le droit aux études est un droit fondamental pour tous. Tous les jeunes doivent pouvoir entamer des études supérieures. Il est manifeste que ce type de test n’offre aucune solution structurelle face au problème de surnombre auquel sont confrontées les universités et les écoles supérieures.

Cours par InternetÀ la faculté des sciences sociales de l’Université catholique de Louvain (KUL), on « aborde » le problème de surpopulation d’une manière pour le moins particulière. Face aux auditoires pleins à craquer et aux professeurs qui ont des horaires archicomplets, il a été décidé que la moitié des étudiants irait au cours, tandis que l’autre moitié resterait à la maison et pourrait visionner sur Internet le cours qui aura été filmé. De telles mesures sont proposées non seulement parce qu’elles permettent de ne pas surcharger les professeurs, mais aussi parce qu’elles sont bon

u marché. Le problème, c’est que la qualité de l’enseignement s’en trouve fortement réduite. Pour André Oosterlinck, président de l’association KULeu-ven, la solution consiste à doubler le minerval. Avec cette proposition, il se rapproche du cœur du véritable problème. En effet, tous ces pansements que sont les tests d’orientation ou les cours par Internet ne permettent évidemment pas de résoudre la question du sous-financement de l’enseignement supérieur. On l’a bien compris, le problème, ce n’est pas qu’il y a trop d’étudiants. Car si l’on veut construire une société de la connaissance, où un maximum de gens pourront profiter d’un enseignement supérieur, c’est justement une bonne chose. Le problème, au contraire, c’est qu’il faut des moyens pour offrir à tous ces étudiants un enseignement de qualité. La question qui se pose, alors, c’est « Qui va payer ? ». Oosterlinck a déclaré avec indolence que ce n’est pas l’État qui allait le faire et que, par conséquent, c’est aux étudiants de fournir l’effort. Nous réclamons au contraire une autre orientation : l’enseignement supérieur a besoin de plus de moyens, et ce sont les autorités qui doivent fournir un plus grand investissement.

Et le droit à l’avenir ?Avec les mesures d’austérité qu’on annonce, on veut nous préparer à l’idée qu’il n’est plus « possible » de financer les études pour tous les étudiants. C’est devenu trop cher. Sur ce point, Oosterlinck estime que c’est aux étudiants eux-mêmes de payer leurs études. Or la possibilité d’étudier est un droit fondamental pour tous. Ainsi, priver d’avenir certains jeunes est tout simplement injuste. Et si la sélec-tion se fait à nouveau sur base des revenus, les choses ne pourront qu’empirer. Autrement dit, ceux qui auront de l’argent pourront faire des études, et ceux qui n’en ont pas n’auront pas droit à un avenir. Augmenter les droits d’inscription n’est donc pas la bonne manière d’aborder le problème. Nous aspirons à un enseignement démocratique, et augmenter le minerval aura pour seul effet d’affaiblir le caractère démocratique de l’enseignement. Selon Ides Nicaise, chercheur à la KUL, l’afflux d’étudiants n’implique nullement la démocratisation de l’enseignement : « Cela ne permet pas aux groupes défavorisés comme les étudiants d’origine étrangère de rattraper leur retard en matière de

scolarisation ». Il ressort d’une étude que la décision de poursuivre ou non des études dépend grandement de facteurs financiers. Augmenter le minerval aura pour conséquence d’accroître ce phénomène. Si nous voulons un enseignement plus dé-mocratique de qualité, il est temps d’investir sérieusement dans ce domaine. L’affluence d’étudiants ne peut nuire à la qualité de l’enseignement. Or on constate que les moyens alloués à l’enseignement ne cessent de diminuer. La part du produit intérieur brut (PIB) attribuée à l’enseignement est passée de 7 % dans les années 1980 à seulement 4,5 % aujourd’hui. Paul Van Cauwenbergh, recteur de l’Université de Gand, confirme ce problème : « L’Université de Gand comptera 3 % d’élèves en plus par rapport à l’année académique 2010. Le problème c’est que, si le nombre d’étudiants augmente, les subsides ne suivent pas ».

Question de prioritésIl est un fait qu’une population instruite aura un impact positif sur la société tout entière. Diverses études, et notamment celle du professeur Nicaise, ont démontré qu’investir dans l’enseignement supérieur garantit un rendement élevé pour l’individu qui étudie, mais aussi pour l’État et la société dans son ensemble. L’enseignement a donc un impact financier et non financier positif pour l’individu. Chaque billet de 100 euros que l’État investit dans l’enseignement supérieur lui rapporte 103,9 euros. L’enseignement supérieur rapporte donc plus qu’il ne coûte. Tout est question de priorités. Et en ce moment, l’ensei-gnement supérieur n’apparaît pas comme une priorité dans notre société. Si l’on cesse d’investir dans l’enseignement, son caractère démocratique qui est actuellement assez faible ne fera que diminuer. Pour cette raison, nous soute-nons avec Comac toutes les forces qui s’investissent pour un enseignement démocratique de qualité et tentent de défendre ces revendications dans les comités étudiants.

Line De Witte Line De Witte est sociologue et membre actif du cercle d’étudiants en 

sciences sociales de l’Université catholique de Louvain

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Page 4: Spécial Comac :: Les jeunes et la crise

1513 octobre 2011 | 38

L’empLoi des jeunes

La réalité derrière les statistiques Pour le dernier Street Art Festival, les jeunes

de Comac-Quartiers Bruxelles ont réalisé une pièce de théâtre sur les difficultés qu’ils ont à trouver un boulot1. Ils se sont inspirés de leur propre vécu ou de celui d’amis et de connaissances. A Bruxelles, le chômage trouche plus d’un jeune sur trois, et encore plus les jeunes d’origine étrangère. Voici la réalité derrière les statistiques.

« Je suis inscrit dans peut-être dix bureaux d’intérim. Je passe régulièrement, mais ils ne m’appellent pas. »  « J’ai envoyé 40 candidatures. Je n’ai reçu aucune réponse. J’étais dégoûté : même pas une réponse ? »  « A l’antenne locale d’Actiris, on m’a montré les ordina-teurs, et “débrouille-toi”. Ecoute, un ordi, j’ai à la maison, je veux qu’ils m’aident à trouver un boulot ! »  « Ils prétendent qu’il n’existe plus de discrimination raciale. Mon œil : mon expérience, c’est que ça continue. On dirait qu’ils ne veulent pas t’inscrire. Ou ils disent de s’inscrire via Internet. Il n’y a aucun contrôle sur comment ils traitent ces inscriptions. Une fois, on a carrément refusé 

u de m’inscrire. Ce n’est pas légal quand même ? »  « Avec tous ces plans, Activa et autres, dès que tu ne rentres plus dans les conditions et que tu commences à coûter cher, c’est fini le boulot, retour à la case dé-part. »  « Dernièrement, je suis tombé sur une bonne offre d’animateur, mais il fallait être chômeur depuis au moins 6 mois. Quoi, pour avoir sa chance, il faut surtout ne pas travailler ? »  « On me casse la tête pour trouver une formation. Mais les formations qui débouchent sur un boulot sont pleines. Et je n’ai pas envie de suivre des formations juste pour m’occuper, qui ne me servent à rien, juste pour éviter d’être radié du chômage. »  « Un ami à moi a dû quitter sa maison parentale. Quel-ques mois après, il s’est retrouvé dans la rue. Il n’arrivait pas à payer son loyer avec les petits boulots à gauche et à droite. C’est devenu presque impossible de joindre les deux bouts avec un chômage. »

Dirk De Block1. A voir sur la page Facebook de Comac Quartiers.

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La bataille pour les pensions concerne aussi les jeunes

Les autorités veulent faire travailler les gens plus longtemps. On pourrait penser que les jeunes ne sont pas concernés, que cela regarde uniquement les personnes âgées alors que nous avons encore du temps devant nous. Pourtant…

Détrompez-vous. Si on y regarde de plus près, l’impact sur les jeunes est bien plus important qu’il n’y paraît. 

De quoi s’agit-il exactement ?Accédant aux revendications des organisations patrona-les et de la Commission européenne, Di Rupo envisage d’augmenter de deux ans l’âge légal pour pouvoir partir en prépension, qui passerait ainsi de 58 à 60 ans. D’autres mesures seront prises pour obliger les gens à travailler plus longtemps. Notamment en rendant plus difficile le fait d’obtenir sa pension de retraite complète. Mais ceci n’est encore qu’une première étape. Dans plusieurs autres pays d’Europe, l’âge légal de la pension est déjà fixé à 67 ans et la Commission européenne parle déjà de faire travailler les gens jusqu’à 70 ans.

« Les gens vivent plus longtemps, il est donc logique qu’ils

travaillent plus longtemps »

Au contraire, la logique nous échappe complètement, car le progrès, c’est justement que les personnes qui, durant des dizaines d’années, ont travaillé pour produire des richesses puissent choisir de profiter d’une pension bien méritée durant leurs vieux jours. D’autre part, il est évident que, dans certains secteurs professionnels, travailler au-delà de 55 ans devient très difficile. Nombreux sont ceux qui sont à bout de force après trente ans de carrière. Si vivre plus longtemps doit être ainsi sanctionné, c’est que le monde est tombé sur la tête.

Après le choc des civilisations, le choc des générations ?

On entend souvent dire que ce n’est pas aux jeunes de supporter les charges des anciens. En d’autres mots, cela signifie qu’il ne restera plus d’argent pour payer nos pensions si nous n’appliquons pas la réforme dès à 

u présent. On tente ainsi de nous faire croire qu’il est dans notre propre intérêt que nos parents (et nous plus tard) acceptent de travailler plus longtemps. Le futur gouver-nement oppose donc directement les intérêts des jeunes à ceux des plus anciens. Il omet toutefois de répondre à une question fondamentale, à savoir comment nous allons pouvoir donner du travail à tous ces jeunes sans emploi si tout le monde travaille plus longtemps.  Les témoignages sur le marché du travail, recueillis dans différents quartiers de Bruxelles, révèlent qu’il est extrêmement difficile pour les jeunes de trouver un emploi. En Belgique, un jeune sur cinq se retrouve au chômage faute d’emplois suffisants. Concrètement, le taux de chômage chez les jeunes est deux fois plus élevé que le taux de chômage pour l’ensemble de la population. Et ce n’est pas en épuisant les anciens et en réduisant davantage les chances de trouver un emploi que l’on va résoudre le problème.   Nous, les jeunes, nous voulons pouvoir travailler en sortant de l’école. Ainsi, la bataille pour les pensions est une bataille qui nous concerne directement. Car nous aussi nous allons devoir épargner toujours plus long-temps pour une pension décente, nous aussi nous allons devoir travailler 40 ans. Et je vous laisse calculer l’âge que vous aurez lorsque vous pourrez enfin prétendre à une pension bien méritée. 

Jouwe Vanhoutteghem<

Sortir de sa tour d’ivoirePour certains étudiants à l’université, le campus s’apparente souvent à un cocon dont on ne sort guère, une « tour d’ivoire » éloignée de la réalité quotidienne des gens qui travaillent, de la vie dans les usines, entreprises et quartiers populaires. Une réalité qui se fait de jour en jour plus difficile. Avec Comac, l’espace de deux jours, nous allons découvrir le monde du travail. Nous irons sur le terrain, à la rencontre des travailleurs eux-mêmes, à l’écoute de leurs témoignages. Les 4 et 5 novembre, une centaine d’étudiants francopho-nes et néerlandophones participera à « C’est du belge ». Ils visiteront une usine, discuteront avec la délégation syndicale et rencontreront les médecins du Peuple (MplP) locaux. Les étudiants de Louvain, de Bruxelles (ULB et VUB) et de Mons iront à Charleroi, tandis que ceux d’Anvers, Gand, Liège et Louvain-la-Neuve iront à Zelzate. Et le tout dans une ambiance bilingue bien de chez nous !

Infos et inscriptions sur www.c-est-du-belge.be\

L’année dernière, en France, entre le mois de mars et le mois de novembre, des ma-nifestations ont eu lieu dans tout le pays contre la réforme des pensions. Ce qui a fait la force de ce mouvement (qui a mobilisé des millions de personnes), c’est justement qu’élèves et étudiants se sont joints aux travailleurs et employés pour manifester à leurs côtés. Leur slogan : « Les jeunes au boulot, les vieux au repos. » Avec les syndi-cats, le PTB et Comac, nous pouvons mener un même combat en Belgique.