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14 FLASH 16.05.13 Point fort Les moocs, petite chronique d’une révolution annoncée Rien ne remplacera totalement la présence physique du professeur et des étudiants. En revanche, tout le monde s’accorde pour dire que les moocs changeront beau- coup de choses dans le paysage actuel de la formation. Le public et les médias ont principalement retenu la dimen- sion internationale des moocs. Mais cette nouvelle forme d’en- seignement, intéressante pour les étudiants du monde entier, l’est aussi pour ceux de l’EPFL. Les moocs s’intégreront progressive- ment au cursus, venant enrichir et compléter le panel de cours tradi- tionnels. Ils seront envisagés soit comme un complément à un cours existant, soit comme un cours que l’on suit chez soi, pour ensuite venir à l’EPFL assister à des ren- contres avec le professeur, durant lesquelles on discute et approfon- dit certains aspects. «Les cours ne vont pas dispa- raître, mais leur rôle sera repensé, décrit Karl Aberer, vice-président Les moocs remplaceront-ils, à terme, les cours traditionnels ? pour les systèmes d’informa- tion. Les moocs apporteront par exemple une alternative intéres- sante à certains cours ex cathe- dra très fréquentés et posant de sérieux problèmes d’infrastruc- tures. Et encore faut-il que ceux- ci concernent des matières de base, au contenu stable.» D’après Pierre Dillenbourg, directeur du Centre pour l’édu- cation à l’ère digitale et du Laboratoire d’ergonomie éduca- tive, «il ne s’agit aucunement de Spécial moocs © ALAIN HERZOG FORMATION : L’EPFL était parmi les premières universités européennes à surfer la vague des moocs (Massive Open Online Courses). L’Ecole s’est préparée à cette révolution, qui pourrait changer la face de l’enseignement supérieur. En 2012, l’EPFL lançait son pre- mier cours online sur la plateforme Coursera. Consacré à la program- mation en langage Scala, le mooc de Martin Odersky attirait plus de 50’000 étudiants – plus de 10’000 ont passé les examens finaux. Depuis, quatre cours ont été mis en place et une dizaine sont actuellement en préparation. Inauguré en avril de cette année, le Centre pour l’éducation à l’ère digitale a notamment pour mission d’encourager et d’encadrer le phé- nomène. Au sein de ce nouveau centre, la moocs factory fournira un soutien technique et pédago- gique aux enseignants désireux de se lancer dans l’aventure. Reste à définir ce que sont les moocs – et surtout, ce qu’ils ne sont pas. La tâche n’est pas aisée. Il y a peut-être autant de visions sur leur rôle présent et futur que Lionel Pousaz Médiacom d’universités qui participent au mouvement. Vont-ils remplacer les cours ex cathedra ? Sont-ils avant tout un complément de l’enseigne- ment traditionnel, ou se suffisent- ils à eux mêmes ? Ne sont-ils au final que de simples cours filmés, agrémentés d’une plateforme d’échange, ou appellent-ils une redéfinition plus ou moins radicale des approches pédagogiques ? Autant de questions qui, à l’EPFL comme ailleurs, ont mobilisé les esprits et, parfois, suscité des réponses différentes. Ce dossier spécial a pour objectif de répondre aux inter- rogations des étudiants et des enseignants. L’Ecole n’a pas ménagé ses forces pour explorer les possibilités de cette nouvelle donne de la formation supérieure. Comme vous aurez l’occasion de le découvrir, ces quelques mois de recul ont montré que les cours online avaient un réel potentiel, non seulement à l’extérieur de l’institution, mais aussi parmi les étudiants de l’EPFL. Bien sûr, c’est avant tout la dimension pédagogique qui fait l’objet de l’essentiel des préoccu- pations. Mais l’impact des moocs va bien au-delà. Aspects politiques et légaux, potentiels dans le domaine des relations internationales et, notamment, de la coopération avec les pays du Sud… Ce sont autant de facettes du phénomène moocs, sur lesquelles ces quelques pages apportent un éclairage. Dans le nouveau sdio de tournage, Patrick Jermann, chargé de la producon des moocs © THIERRY PAREL

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Page 1: Spécial moocs Les moocs, petite chronique d’une révolution … · 2014-06-25 · valider un mooc par un examen qui répond aux normes de l’EPFL est possible, mais ils doivent

14 FLASH16.05.13Point fort

Les moocs, petite chronique d’une révolution annoncée

Rien ne remplacera totalement la présence physique du professeur et des étudiants. En revanche, tout le monde s’accorde pour dire que les moocs changeront beau-coup de choses dans le paysage actuel de la formation.

Le public et les médias ont principalement retenu la dimen-sion internationale des moocs. Mais cette nouvelle forme d’en-seignement, intéressante pour les étudiants du monde entier, l’est aussi pour ceux de l’EPFL. Les

moocs s’intégreront progressive-ment au cursus, venant enrichir et compléter le panel de cours tradi-tionnels. Ils seront envisagés soit comme un complément à un cours existant, soit comme un cours que l’on suit chez soi, pour ensuite venir à l’EPFL assister à des ren-contres avec le professeur, durant lesquelles on discute et approfon-dit certains aspects.

«Les cours ne vont pas dispa-raître, mais leur rôle sera repensé, décrit Karl Aberer, vice-président

Les moocs remplaceront-ils, à terme, les cours traditionnels ?

pour les systèmes d’informa-tion. Les moocs apporteront par exemple une alternative intéres-sante à certains cours ex cathe-dra très fréquentés et posant de sérieux problèmes d’infrastruc-tures. Et encore faut-il que ceux-

ci concernent des matières de base, au contenu stable.»

D’après Pierre Dillenbourg, directeur du Centre pour l’édu-cation à l’ère digitale et du Laboratoire d’ergonomie éduca-tive, «il ne s’agit aucunement de

Spécial moocs

© ALAIN HERZOG

↳ FORMATION : L’EPFL était parmi les premières universités européennes à surfer la vague des moocs (Massive Open Online Courses). L’Ecole s’est préparée à cette révolution, qui pourrait changer la face de l’enseignement supérieur.

En 2012, l’EPFL lançait son pre-mier cours online sur la plateforme Coursera. Consacré à la program-mation en langage Scala, le mooc de Martin Odersky attirait plus de 50’000 étudiants – plus de 10’000 ont passé les examens finaux. Depuis, quatre cours ont été mis en place et une dizaine sont actuellement en préparation. Inauguré en avril de cette année, le Centre pour l’éducation à l’ère digitale a notamment pour mission d’encourager et d’encadrer le phé-nomène. Au sein de ce nouveau centre, la moocs factory fournira un soutien technique et pédago-gique aux enseignants désireux de se lancer dans l’aventure.

Reste à définir ce que sont les moocs – et surtout, ce qu’ils ne sont pas. La tâche n’est pas aisée. Il y a peut-être autant de visions sur leur rôle présent et futur que

Lionel PousazMédiacom

d’universités qui participent au mouvement. Vont-ils remplacer les cours ex cathedra ? Sont-ils avant tout un complément de l’enseigne-ment traditionnel, ou se suffisent-ils à eux mêmes ? Ne sont-ils au final que de simples cours filmés,

agrémentés d’une plateforme d’échange, ou appellent-ils une redéfinition plus ou moins radicale des approches pédagogiques ? Autant de questions qui, à l’EPFL comme ailleurs, ont mobilisé les esprits et, parfois, suscité des

réponses différentes.Ce dossier spécial a pour

objectif de répondre aux inter-rogations des étudiants et des enseignants. L’Ecole n’a pas ménagé ses forces pour explorer les possibilités de cette nouvelle donne de la formation supérieure. Comme vous aurez l’occasion de le découvrir, ces quelques mois de recul ont montré que les cours online avaient un réel potentiel, non seulement à l’extérieur de l’institution, mais aussi parmi les étudiants de l’EPFL.

Bien sûr, c’est avant tout la dimension pédagogique qui fait l’objet de l’essentiel des préoccu-pations. Mais l’impact des moocs va bien au-delà. Aspects politiques et légaux, potentiels dans le domaine des relations internationales et, notamment, de la coopération avec les pays du Sud… Ce sont autant de facettes du phénomène moocs, sur lesquelles ces quelques pages apportent un éclairage.

Dans le nouveau studio de tournage, Patrick Jermann, chargé de la production des moocs © THIERRY PAREL

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15 FLASH16.05.13Point fort

Suivre un mooc, ce n’est pas juste regarder des vidéos quand on en a le temps et l’envie, comme on le ferait par hobby. «Ce sont des modules correspondant à de véritables cours universitaires et demandant donc un sérieux investissement», appuie Pierre Dillenbourg.

La réalisation d’un mooc implique la mise en place d’une forme d’encadrement et une struc-ture complexe, dont l’enregis-trement vidéo n’est que la partie visible. Coursera ou edX imposent un cadre temporel rigide, avec des

lectures et des travaux à accom-plir à intervalles régulier. Pour suivre le rythme, ces exercices requièrent jusqu’à une demi-jour-née de travail par semaine. De ce point de vue, les moocs offrent un cadre scolaire similaire aux cours traditionnels et doivent respecter une charge de travail proportion-nelle au nombre de crédits asso-cié aux cours.

Le mooc s’accompagne éga-lement d’un forum sur le net, qui permet de poser des questions et discuter de points précis du cours. Cette forme d’enseigne-

Le but des moocs est au contraire d’engendrer davantage de contacts, par le biais des forums et des sessions de travail que le professeur organise en marge des enregistrements. «En réalité, la forme d’enseignement tradition-nelle, où certains enseignants se retrouvent à donner un cours à 400 personnes, ne favorise et ne facilite pas forcément les contacts, rappelle Karl Aberer. L’idée est que les étudiants suivent les cours

chez eux et viennent faire des exer-cices à l’Ecole, lors de rencontres beaucoup plus interactives». Les moocs ouvrent potentiellement de nouveaux espaces d’interaction, «même si les premières expériences nous ont montré que ce n’est pas facile de les mettre en place» tem-père Pierre Dillenbourg.

En outre, la formule favorise également le contact entre étu-diants. Les récentes recherches menées sur la manière dont ils

vivent et pratiquent les moocs ont révélé d’autres avantages, ajoute Pierre Dillenbourg : «On leur a pro-posé de se réunir à plusieurs pour regarder les vidéos, mettre un instant sur pause lorsqu’ils sou-haitent discuter un point précis, revenir en arrière si une phrase n’a pas été bien comprise, aller à son propre rythme pour assimiler la matière. Tout cela, ce sont des plus que les cours ex cathedra n’offrent pas.» (SP)

Un mooc, c’est quoi de plus qu’un cours filmé ?

Les moocs n’entraînent-ils pas une perte de contacts humains ?

transformer les 1500 cours de l’Ecole en moocs ! Il faut que cela ait un sens, s’y prête, offre un plus. Les séances de tra-vaux pratiques, notamment, ne doivent pas être remplacées. Dans une école d’ingénieurs, il est important d’avoir l’occasion d’assister aux expériences, de les faire soi-même, de voir pour-quoi elles ratent ou réussissent, de toucher et manipuler les matériaux.» (Sarah Perrin)

ment offre également de nou-veaux espaces d’échanges. Les forums fonctionnent notamment comme lieu de socialisation, où des étudiants du monde entier

partageant les mêmes intérêts peuvent entrer en contact, voire se forger un réseau intéressant pour la suite de leur carrière. (SP)

150’000le nombre d’étudiants qui se sont inscrits à un mooc EPFL

53’440 étudiants qui ont suivi la première session du mooc Scala de Martin Odersky – plus de 10’000 on passé l’examen final

moocs EPFL actuellement en ligne : Scala de Martin Odersky, Digital signal processing de Paolo Prandoni et Martin Vetterli, Linear and discrete optimization de Friedrich Eisenbrand

et Analyse numérique de Marco Picasso

4

projets de cours en ligne actuellement déposés par des enseignants EPFL auprès du comité éditorial.

01.04.2013Création du Center for

Digital Education, pour le développement et la recherche

des moocs : http ://cede.epfl.ch

1er mooc francophoneLancé à l’EPFL par Marco Picasso en février 2013

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Les moocs à l’EPFL en chiffres

© ALAIN HERZOG

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16 FLASH16.05.13Point fort

Spécial moocs

En choisissant de participer à deux plateformes – Coursera, basée sur un modèle commer-cial, et edX, à but non lucratif – l’Ecole a d’emblée marqué son indépendance. L’EPFL reste propriétaire de ses cours, et se garde le droit de retirer ses contenus à tout moment, voire de les publier sur une autre plateforme «même si ce ne serait pas très fair-play», fait remarquer Pierre Dillenbourg, directeur du Laboratoire d’er-gonomie éducative.

Pour ce dernier, il faut res-ter vigilant, et prendre garde à ce que la situation en vigueur dans le domaine de la recherche ne serve pas de modèle pour les moocs. «Les universités sont déjà en quelque sorte dépossé-dées des résultats scientifiques par les revues – nous payons

Les universités ne risquent-elles pas de se faire dépouiller de leur contenu par des plateformes commerciales?

des millions en abonnements, alors même que nous fournissons tout le contenu, assurons le reviewing et même l’édition. En tant qu’ins-titution publique, il est impen-sable que nous répétions l’erreur et cédions les droits de notre contenu éducatif à des plate- formes commerciales.»

On ne peut totalement écar-ter l’éventualité d’une situation monopolistique, où les universités n’auraient plus les mêmes marges de manœuvre. Mais le risque reste faible, selon Pierre Dillenbourg. «Actuellement, il y a de plus en plus d’acteurs sur la scène des moocs. Certes, on peut s’attendre

à ce qu’il y ait des concentrations, à ce que les plus grands dévorent les plus petits. Mais à terme, je pense que les plateformes vont se spécialiser, que ce soit sur des critères d’exigence, de domaine scientifique ou, plus simplement, de langue, exactement comme pour les publications.»

A l’heure actuelle, les certificats distribués par les plateformes telles que Coursera ou les exa-mens online n’ont pas de valeur formelle aux yeux des institutions universitaires. Mais des discus-sions sont en cours et des solu-tions permettant de créditer ces enseignements sous certaines conditions pourraient rapidement se développer.

«Pour être reconnu, l’examen doit se dérouler dans une classe ou un centre de test, et l’identité de l’étudiant doit avoir pu être vérifiée, ce que commencent à

proposer certaines plateformes», explique Pierre Dillenbourg. Des rencontres avec une soixantaine d’autres universités européennes sont notamment prévues pour la mise en place d’un partena-riat. «L’idée est que si un étu-diant basé à Stockholm suit par exemple un mooc de l’EPFL, on puisse envoyer les questions de manière sécurisée à l’université à laquelle il appartient et qu’il passe l’examen là-bas, dans de bonnes conditions. C’est une sorte de prolongation virtuelle du programme Erasmus !»

Les professeurs de l’EPFL souhaitant intégrer un mooc réa-lisé par une autre université dans leur cours feront faire passer eux-mêmes l’examen final. Pour les étudiants de l’Ecole, faire valider un mooc par un examen qui répond aux normes de l’EPFL est possible, mais ils doivent s’adresser, au préalable, à leur directeur de section. Quant aux étudiants externes, même s’ils ne passent pas d’examen for-mel, avoir suivi un mooc de l’EPFL est une valeur ajoutée à leur CV, qui montre un réel intérêt et un

investissement pour une matière. Les moocs touchent égale-

ment un autre public, celui des personnes déjà diplômées ou insérées professionnellement, qui cherchent à se perfectionner ou se mettre à jour dans leur spécia-lité. «En ce sens, ces cours online redéfinissent la frontière entre mondes des études et du travail, et la rendent plus perméable», relève Karl Aberer. Là aussi, il s’agira de trouver une manière de les faire reconnaître dans le cadre des programmes de forma-tion continue. (SP)

Comment les moocs sont-ils crédités? Comment se passent les examens?

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17 FLASH16.05.13Point fort

L’iPad ou Facebook ont fait entrer internet un peu plus profondé-ment dans nos vies. Pour autant, il n’y a pas de rupture techno-logique majeure qui expliquerait à elle seule l’explosion du phé-nomène moocs en 2012. Pierre Dillenbourg n’a pas d’explication toute faite pour décrire le phé-nomène. «Dans mon domaine, on en parle depuis presque 20 ans. Et puis, tout à coup, ça explose. Autant le dire directement, on ne sait pas exactement pourquoi.»

Pour le professeur, les fac-teurs sont sans doute multiples. Les pratiques sur internet ont évolué et, surtout, la crise de l’enseignement supérieur a frappé aux USA – en dix ans, le prix des études est grimpé deux fois plus vite que celui de l’immo-bilier. Les Américains finissent leurs études avec des dettes à faire pâlir. «Dans ce contexte, l’argument phare des moocs est leur gratuité, au contraire des universités online, mises en place

On parle de cours online depuis longtemps, mais l’offre vient à peine de décoller. Comment l’expliquer ?

Ce sont les partenaires africains de l’EPFL qui dressent eux-mêmes le constat : ils manquent d’ensei-gnants au niveau universitaire, ces derniers ne sont pas tou-jours suffisamment formés, et les infrastructures à même d’accueil-lir et d’encadrer les étudiants font souvent défaut. Dans le même temps, les universités sont bien connectées à l’internet, et le réseau mobile toujours plus per-formant. De par leur nature déma-térialisée, les moocs pourraient donc représenter une fantastique opportunité.

Premier besoin pour les pays en développement, étoffer l’offre de cours de base. «Nos partenaires nous ont clairement dit avoir besoin de bons cours de base en maths, physique ou informatique», explique Dimitrios Noukakis, chef de projet aux rela-

tions internationales. Au niveau avancé, c’est souvent la mise à jour des cours qui fait défaut. «Parfois, les informations datent de la décolonisation.»

Pour Dimitrios Noukakis, les moocs à eux seuls ne suffiront pas. «Nous les voyons plutôt comme une offre complémentaire pour les universités, qui pourrait être intégrée au cursus». Et de rappeler que bien loin des pays du Sud, c’est dans à l’Univer-sité de Helsinki que, récemment, un professeur d’informatique a inscrit le mooc du professeur de l’EPFL Martin Odersky à son pro-gramme, en complément de ses propres cours. Un exemple qui montre bien la complémentarité entre enseignement traditionnel et online, telle qu’elle pourrait être mise en œuvre dans les pays en développement.

Les moocs représentent-ils une véritable opportunité pour les pays en développement ?

il y a une dizaine d’année.» Sur Coursera, seul le certificat de fin de cours coûte une quarantaine de dollars. Des frais modestes,

mais un modèle rentable, avec parfois plusieurs dizaines de milliers d’étudiants inscrits à un seul cours.

© ALAIN HERZOG

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18 FLASH16.05.13Point fort

La plupart des spécialistes s’ac-cordent à dire que les moocs vont agir comme moteur de transfor-mation de l’éducation supérieure. Mais nous commençons tout juste à entrevoir les nouvelles opportu-nités de collaboration académique autour de l’éducation. Fidèle à son esprit de pionnier, l’EPFL a lancé deux initiatives à l’intérieur des réseaux académiques, avec les moocs comme pierre angulaire.

Le Réseau d’excellence des sciences de l’ingénieur de la fran-cophonie (RESCIF) regroupe 6 uni-versités technologiques des pays développés et 8 des pays émer-gents, avec pour mission la for-mation de jeunes ingénieurs aux technologies les plus avancées et le développement de programmes de recherche.

Sous l’impulsion de l’EPFL, plusieurs moocs francophones sont en train de se créer avec la participation des partenaires du RESCIF. D’une part, il s’agit d’ins-taurer une collaboration entre enseignants pour la diffusion de cours de base de qualité aux pays du Sud, principalement en Afrique. D’autre part, nous comptons éga-lement développer conjointement des cours avancés, entre uni-

La coopération académiqueà l’ère de l’éducation digitale

↳ Les moocs sont en passe de devenir un nouvel outil pour la collabora-tion internationale. Les universités ont tout à gagner à mettre en commun certains de leurs cours, et à les intégrer au cursus traditionnel.

Se lancer dans la production

«Faire un mooc demande cou-rage et volonté», relève Patrick Jermann. C’est pourquoi le Center for Digital Education, a mis en place une série de mesures pour aider les profes-seurs qui décident de se lancer.

Nous nous sommes rendu compte qu’il faut, dès la concep-tion du cours, non seulement préparer la partie online mais aussi anticiper les activités pré-sentielles pour les étudiants du campus Une aide concrète est ensuite offerte pour la mise sur pied pratique. Une équipe de production et de réalisation est là pour enregistrer les vidéos et former le professeur à la pré-sentation devant la caméra. Une fois le cours lancé, un suivi est également assuré.

«Les moocs exigent la perfection, conclut Pierre Dillenbourg. Ils sont une vitrine de l’Ecole. Et leur diffusion à large échelle fait que la moindre erreur aura beaucoup plus d’im-pact que dans un cours tradi-tionnel.» (SP)

Un guide et différentes informations sont à disposition sur le site du Centre :

→ moocs.epfl.ch/mooc-factory-fr

Spécial moocs

Dimitrios NoukakisRelations internationales

versités du Nord et du Sud, qui répondent aux besoins des pays émergents.

Au niveau européen égale-ment, les moocs sont au cœur de nos initiatives. Au sein du réseau EuroTech Universities, composé de 4 universités technologiques (EPFL, TU München, Denmark TU et TU Eindhoven) est en train de se créer une offre cohérente de formation continue autour des thématiques de Green Tech et de Life Sciences. Chaque université développe des moocs, qui pourront être combinés avec des activités en présentiel, et regroupés pour constituer des modules de forma-

tion professionnelle avec un label de qualité européen. Les premiers cours online de formation conti-nue estampillés «EuroTech» sont attendus en 2013.

Nous avons vécu la mobilité des étudiants, celle des cher-cheurs et des enseignants, ainsi que des programmes conjoints de formation ou de recherche. Avec les moocs, s’ouvre l’ère d’une nouvelle coopération académique, cette fois-ci par la mise en com-mun des cours et leur intégra-tion dans les cursus locaux. Un nouveau défi pour l’équipe des Relations internationales de notre Ecole !

L’enseignant doit être motivé. Un mooc représente au minimum une bonne centaine d’heure de travail, de la conception à l’enca-drement des étudiants pendant un semestre. «Une heure de vidéo représente au minimum 4 heures d’enregistrement en studio pour l’enseignant, en plus du temps de scénarisation et de préparation du matériel», explique Patrick Jermann, en charge de la produc-tion des cours online. Soit une

quarantaine d’heures de studio pour un cours.

Le Center for Digital Education fournit le support nécessaire à ceux qui seraient désireux de se lancer dans l’aventure. Coaching pour la scé-narisation, mise à disposition d’un studio, prise en charge du montage…

Au niveau du suivi, le pro-fesseur a pour charge d’informer chaque semaine les étudiants des

vidéos à voir et des exercices à faire. Sur le forum, il gère les questions des étudiants – avec l’aide de quelques assistants et d’un système efficace de crowd-sourcing. «Nos professeurs ont été particulièrement enthousias-més par cette étape, constate Patrick Jermann. Que ce soit sur leur cours ou sur la matière elle-même, ils recevaient des retours pertinents du monde entier.»

Quelle quantité de travail représente la création d’un mooc ?

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