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Journées d’Animation Scientifique (JAS09) de l’AUF Alger Novembre 2009 RésuméL’activité de la pêche au Parc National du Banc d’Arguin (PNBA) revêt une importance capitale car elle repré- sente la principale source de revenu pour la population rési- dente. Malgré une augmentation de l’effort de pêche, les captu- res globales diminuent et les captures des sélaciens augmentent. Face à cette situation, des mesures de gestion adaptées, facile- ment applicables et bénéficiant de l’adhésion des pêcheurs, doi- vent être identifiées et mises en oeuvre. Il est donc primordial à ce titre de développer des outils spatialisés d’aide à la décision pour faciliter le travail des gestionnaires du Parc National du Banc d’Arguin en mettant l’accent sur les activités de pêche et les territoires. L’objectif principal du présent travail est de pouvoir spatia- liser les activités de pêche afin d’obtenir une connaissance des zones de pêche fréquentées par les lanches des différents villa- ges. Il s’agit de mieux cerner les stratégies géographiques de la pêche Imraguen en fonction des migrations effectuées par les différentes espèces et d’interpréter les variations et les distribu- tions spatio-temporelles de l’effort de pêche, des compositions spécifiques des captures, etc. Au cours de 5 missions de terrain, une base de données spa- tialisée regroupant 522 zones de pêche Imraguen a été mise en place. Les caractéristiques des zones relevées (profondeur, na- ture du substrat, superficies, etc.) ont été également intégrées dans la même base de données. Le travail mené montre tout l’intérêt de la cartographie des zones de pêche pour l’aménagement des pêcheries Imraguen ce qui facilitera l’approche participative d’une gestion spatiale des territoires de pêche. La réalisation d’une cartographie des zones de pêche du PNBA permet de définir de règles d’aménagement plus effi- caces pour la protection et la valorisation des ressources halieu- tiques. Mots clefs — Pêche, Banc d’Arguin, Spatialisation, Télédétec- tion, Zonage I. INTRODUCTION Le Banc d’Arguin est considéré comme l’une des zones cô- tières les plus productives de l’Atlantique Nord Est. Il pré- sente un intérêt très particulier pour la Mauritanie et la sous région, aussi bien sur le plan écologique que biologique. C’est l’une des Aires Marines Protégées (AMP) les plus vastes de d’Afrique. Cette zone a toujours représenté des opportunités importantes pour le développement économi- que et social des populations résidentes. Elle joue aussi un rôle majeur dans la conservation de la diversité biologique [1]. L’activité de la pêche au PNBA revêt une importance ca- pitale car elle représente la principale source de revenu pour la population résidente. Elle emploie directement 374 pê- cheurs, qui exploitent 114 lanches et prélèvent plus de 2800 tonnes de poissons par an [ 2 ] dont 35% de sélaciens. Mal- gré une augmentation de l’effort de pêche, les captures glo- bales diminuent et les captures des sélaciens augmentent. Le suivi de l’évolution de cette pêcherie dans le Banc d’Arguin, de 1997 à 2008, a montré une importante augmentation des captures de sélaciens au fil des années, malgré la mise en place d’un moratoire depuis 2003 dont le but est d’interdire le ciblage sur ces ressources fragiles [ 3 ]. En effet, ces res- sources sont constituées d’espèces à faible fécondité, à ma- turité tardive et à croissance lente [ 4 ]. Les mesures de res- triction prises par le PNBA ont abouti, après un long pro- cessus, à une diminution des captures de certaines espèces de sélaciens à partir de 2004, surtout la raie guitare. Cette interdiction vise surtout certains engins de pêche, notam- ment le filet raies et requins qui capturent d’importantes quantités de sélaciens en particulier raie guitare. Face à cette situation, des mesures de gestion adaptées, facilement applicables et bénéficiant de l’adhésion des pê- cheurs, doivent être identifiées et mises en oeuvre. Il est donc primordial à ce titre de développer des outils spatiali- sés d’aide à la décision pour faciliter le travail des gestion- naires du Parc National du Banc d’Arguin en mettant l’accent sur les activités de pêche et les territoires [ 5 ]. Par le passé, le manque de connaissances fiables sur les caracté- ristiques géomorphologiques, halieutiques et socio- économiques des zones de pêche qui présentent une diversi- té de biotopes rare dans la région Ouest Africaine, a consti- tué un grand handicap pour élaborer et mettre en place une politique de gestion et développement efficace [ 1 ]. A cet effet, il apparaît nécessaire de donner au préalable une image de la répartition spatiale des principales ressour- ces halieutiques et de l’effort de pêche sur le PNBA sur la base des connaissances empiriques des pêcheurs. Cette « image spatiale » n’est cependant pas aisée à obtenir. En effet, l’absence des balises VMS, l’usage des GPS est en- core peu fréquent, la pratique du carnet de bord n’est pas obligatoire et il n’y a pas d’observateurs embarqués [ 6 ]. L’Institut Mauritanien de Recherches Océanographiques et de Pêche (IMROP) assure le suivi des pêcheries Imraguen (pêcheurs traditionnels dans les villages du PNBA) depuis 1997. Ce système de suivi renseigne sur les principaux des- cripteurs à savoir l’effort de pêche, les captures et leurs compositions spécifiques, les prix au débarquement, la zone de pêche, etc. Bien que le champ zone de pêche soit rempli par les enquêteurs en se basant sur les déclarations des capi- taines de lanches, les zones de pêche ne sont pas géo- référenciées. Le premier défi consiste à utiliser au mieux ces données déclaratives pour construire une image spatiale de la pêche [ 6 ]. Par la suite, les informations ainsi produites Spatialisation des activités de pêche au Parc National du Banc d’Arguin Sidi Cheikh M.A 1 , Ould Yarba L 1 et Ould Senhoury, C. 1 1 Parc National du Banc d’Arguin, Avenue Abdel Nasseur, BP : 5355, E.mail. [email protected]

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Journées d’Animation Scientifique (JAS09) de l’AUF Alger Novembre 2009

Résumé—L’activité de la pêche au Parc National du Banc

d’Arguin (PNBA) revêt une importance capitale car elle repré-sente la principale source de revenu pour la population rési-dente. Malgré une augmentation de l’effort de pêche, les captu-res globales diminuent et les captures des sélaciens augmentent. Face à cette situation, des mesures de gestion adaptées, facile-ment applicables et bénéficiant de l’adhésion des pêcheurs, doi-vent être identifiées et mises en œuvre. Il est donc primordial à ce titre de développer des outils spatialisés d’aide à la décision pour faciliter le travail des gestionnaires du Parc National du Banc d’Arguin en mettant l’accent sur les activités de pêche et les territoires.

L’objectif principal du présent travail est de pouvoir spatia-liser les activités de pêche afin d’obtenir une connaissance des zones de pêche fréquentées par les lanches des différents villa-ges. Il s’agit de mieux cerner les stratégies géographiques de la pêche Imraguen en fonction des migrations effectuées par les différentes espèces et d’interpréter les variations et les distribu-tions spatio-temporelles de l’effort de pêche, des compositions spécifiques des captures, etc.

Au cours de 5 missions de terrain, une base de données spa-tialisée regroupant 522 zones de pêche Imraguen a été mise en place. Les caractéristiques des zones relevées (profondeur, na-ture du substrat, superficies, etc.) ont été également intégrées dans la même base de données. Le travail mené montre tout l’intérêt de la cartographie des zones de pêche pour l’aménagement des pêcheries Imraguen ce qui facilitera l’approche participative d’une gestion spatiale des territoires de pêche. La réalisation d’une cartographie des zones de pêche du PNBA permet de définir de règles d’aménagement plus effi-caces pour la protection et la valorisation des ressources halieu-tiques. Mots clefs — Pêche, Banc d’Arguin, Spatialisation, Télédétec-tion, Zonage

I. INTRODUCTION

Le Banc d’Arguin est considéré comme l’une des zones cô-tières les plus productives de l’Atlantique Nord Est. Il pré-sente un intérêt très particulier pour la Mauritanie et la sous région, aussi bien sur le plan écologique que biologique. C’est l’une des Aires Marines Protégées (AMP) les plus vastes de d’Afrique. Cette zone a toujours représenté des opportunités importantes pour le développement économi-que et social des populations résidentes. Elle joue aussi un rôle majeur dans la conservation de la diversité biologique [1].

L’activité de la pêche au PNBA revêt une importance ca-pitale car elle représente la principale source de revenu pour la population résidente. Elle emploie directement 374 pê-cheurs, qui exploitent 114 lanches et prélèvent plus de 2800

tonnes de poissons par an [ 2 ] dont 35% de sélaciens. Mal-gré une augmentation de l’effort de pêche, les captures glo-bales diminuent et les captures des sélaciens augmentent. Le suivi de l’évolution de cette pêcherie dans le Banc d’Arguin, de 1997 à 2008, a montré une importante augmentation des captures de sélaciens au fil des années, malgré la mise en place d’un moratoire depuis 2003 dont le but est d’interdire le ciblage sur ces ressources fragiles [ 3 ]. En effet, ces res-sources sont constituées d’espèces à faible fécondité, à ma-turité tardive et à croissance lente [ 4 ]. Les mesures de res-triction prises par le PNBA ont abouti, après un long pro-cessus, à une diminution des captures de certaines espèces de sélaciens à partir de 2004, surtout la raie guitare. Cette interdiction vise surtout certains engins de pêche, notam-ment le filet raies et requins qui capturent d’importantes quantités de sélaciens en particulier raie guitare.

Face à cette situation, des mesures de gestion adaptées, facilement applicables et bénéficiant de l’adhésion des pê-cheurs, doivent être identifiées et mises en œuvre. Il est donc primordial à ce titre de développer des outils spatiali-sés d’aide à la décision pour faciliter le travail des gestion-naires du Parc National du Banc d’Arguin en mettant l’accent sur les activités de pêche et les territoires [ 5 ]. Par le passé, le manque de connaissances fiables sur les caracté-ristiques géomorphologiques, halieutiques et socio-économiques des zones de pêche qui présentent une diversi-té de biotopes rare dans la région Ouest Africaine, a consti-tué un grand handicap pour élaborer et mettre en place une politique de gestion et développement efficace [ 1 ].

A cet effet, il apparaît nécessaire de donner au préalable une image de la répartition spatiale des principales ressour-ces halieutiques et de l’effort de pêche sur le PNBA sur la base des connaissances empiriques des pêcheurs. Cette « image spatiale » n’est cependant pas aisée à obtenir. En effet, l’absence des balises VMS, l’usage des GPS est en-core peu fréquent, la pratique du carnet de bord n’est pas obligatoire et il n’y a pas d’observateurs embarqués [ 6 ]. L’Institut Mauritanien de Recherches Océanographiques et de Pêche (IMROP) assure le suivi des pêcheries Imraguen (pêcheurs traditionnels dans les villages du PNBA) depuis 1997. Ce système de suivi renseigne sur les principaux des-cripteurs à savoir l’effort de pêche, les captures et leurs compositions spécifiques, les prix au débarquement, la zone de pêche, etc. Bien que le champ zone de pêche soit rempli par les enquêteurs en se basant sur les déclarations des capi-taines de lanches, les zones de pêche ne sont pas géo-référenciées. Le premier défi consiste à utiliser au mieux ces données déclaratives pour construire une image spatiale de la pêche [ 6 ]. Par la suite, les informations ainsi produites

Spatialisation des activités de pêche au Parc National du Banc d’Arguin

Sidi Cheikh M.A 1, Ould Yarba L1 et Ould Senhoury, C. 1

1 Parc National du Banc d’Arguin, Avenue Abdel Nasseur, BP : 5355, E.mail. [email protected]

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Journées d’Animation Scientifique (JAS09) de l’AUF Alger Novembre 2009

permettront des analyses thématiques fines des stratégies de déploiement des engins de pêche dans l’espace et dans le temps.

Dans la zone des petits fonds du PNBA, la très faible profondeur combinée à la faible pente, la dynamique des apports sédimentaires éoliens et l’effet des marées entraî-nent une grande diversité de biotopes, qui sont autant d’unités paysagères : Iles, îlots, chenaux, vasières et herbiers de phanérogames s’entrelacent au gré de la géomorphologie et de l’hydrologie marine pour former une palette d’habitats variés qu’un maillage systématique de grande taille ne pour-rait appréhender. C’est la raison pour laquelle, la télédétec-tion satellitaire à très haute résolution représente l’outil principal d’étude de ce paysage littoral [6].

Ainsi, pour mieux gérer les interactions entre les diffé-rentes pratiques de pêche existantes sur le Banc d’Arguin et protéger les stades de développement critiques des espèces notamment fragiles, la localisation des activités de pêche constitue une étape importante. Cette localisation permet de suivre la répartition spatiale de l’effort de pêche par type d’engin et de son évolution à l’échelle de l’année afin d’intégrer les résultats de cette spatialisation dans les op-tions de gestion [ 7 ].

La réalisation d’une cartographie des zones de pêche du PNBA permet de définir des règles d’aménagement plus ef-ficaces pour la protection des ressources et de créer une base de discussions entre les différentes parties prenantes pour convenir d’un zonage multi-usages du PNBA (zones de préservation intégrale, zones réservées à certains types de pêche, écotourisme, etc). L’un des objectifs de ce travail de spatialisation est d’identifier certaines zones de pêche im-portantes pour les captures des espèces critiques afin de proposer des mesures de gestion spatio-temporelles ciblées en dégageant les points forts et les points faibles de ce sys-tème par l’établissement d’un zonage préférentiel pour cha-cune des pêcheries.

II. M ATERIEL ET M ETHODES

A. Bases de données de débarquement

L’IMROP a mis en place, à partir de 1997, un réseau d’enquêteurs dans les villages du parc. Ce réseau assure un suivi rapproché de l’activité de pêche (effort, captures, fré-quences de tailles, zone de pêche…) pour garantir une plus grande fiabilité aux données collectées dans cette aire ma-rine protégée. Ces données collectées sont traitées chaque année afin de produire des informations pertinentes permet-tant la formulation d’avis pour une exploitation durable de ces ressources [ 7 ].

Ces données permettent de suivre l’évolution de l’effort de pêche, la composition spécifique des captures, le calen-drier de pêche des différentes espèces, les engins utilisés. Il s’agit de la base de données utilisée comme référence

dans le cadre de ce travail. Nous avons donc procédé à un premier travail de nettoyage de la base de données permet-tant de regrouper les zones de pêche dont les noms sont vi-siblement identiques mais orthographiées de façon diffé-rente et attribuer à chaque zone un code unique. L’objectif est d’établir une table de référence harmonisée et géoréfé-rencée des zones de pêche et de la mettre en adéquation avec la base SSPAC (système de suivi de la pêche artisanale et côtière).

B. Inventaire des zones de pêche

Pour mener cette étude, nous avons planifié 3 missions de terrain consacrées à l’inventaire des zones de pêche et l’élaboration d’une liste de référence des zones de pêche par village. L’équipe a rencontré dans chaque village des per-sonnes ressources (anciens capitaines, pêcheurs). L’équipe a crée une « convention » propre au PNBA établissant l’orthographe arabe et française des zones de pêche en fonc-tion de leur toponymie traditionnelle. Afin de garantir une meilleure cohérence dans les données collectées, il était né-cessaire de mettre au point un système d’enquête léger et adapté aux types de données recherchées. L'enquête a recen-sé 528 zones de pêche fréquentées par les lanches à l’intérieur du Parc National du Banc d’Arguin.

C. Géoréférencement des zones de pêche

Cette étape est conduite pour collecter les informations spatiales sur les zones de pêche en faisant recours à une pa-lette d’outils composée de GPS enregistreurs, des images satellitaires Spot 5 m chargées sur un PC portable et une embarcation motorisée.

La méthodologie adoptée consiste à relever les coordon-nées GPS de la zone ciblée à l’endroit où sont mouillés les engins de pêche [ 8 ]. Les guides Imraguen indiquent l’emplacement de la zone et montrent sur le terrain et sur l’image satellitaire l’étendue approximative de chaque zone. Le matériel utilisé pour la localisation est un GPS Garmin et un logiciel de navigation Fugawi connecté à une antenne GPS de type NMEA servant d’une image satellitaire Spot comme fond de navigation (fig.1). L’utilisation simultanée de deux outils assure plus de sécurité en cas de défaillance de l’un des appareils. L’un des agents du PNBA est chargé de la navigation et de l’introduction de données sur Fugawi tandis que le second est chargé de la prise de notes (fig.2). Nous avons conçu une fiche d’enquête pour consigner les informations collectées en mer sur les zones de pêche (topo-nyme du lieu de pêche, coordonnées du lieu de déploiement de filets, dimensions, profondeur, espèces capturées, période d’exploitation, etc.).

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D. Caractérisation des zones de pêche

Nous avons procédé chaque fois à dessiner sur la fiche de saisie le croquis de la zone telle qu’elle est décrite par le guide Imraguen en mentionnant la dimension de la zone (longueur, largeur). L’application des méthodes d’amélioration des contrastes sur l’image Spot 5 m facilite

considérablement la délimitation en temps réel des zones dont la géomorphologie est identifiable à marrée basse.

La plupart des zones de pêche sont naturellement limitées par des chenaux qui sont les voies de passage de lanches. En plus de la localisation de la zone de pêche, on relève la pro-fondeur du point où s’opère la pêche avec la sonde ma-nuelle. Ces informations sont consignées dans une fiche où figure le nom intégral de la zone concernée et ses caractéris-tiques.

La base de données créée dans ce cadre mentionne l’heure exacte de mesure pouvant être utilisée dans une ana-lyse ultérieure en combinaison avec les horaires de la marée. Ce qui permettra de définir une valeur moyenne de la pro-fondeur.

III. RESULTATS

A. Cartographie des zones de pêche

L’analyse même succincte de la forme des zones de pê-che déjà relevées montre qu’elles correspondent à des mor-phologies des fonds diversifiées (cuvettes, couloirs, vasiè-res, chenaux etc..) et déterminent probablement des varia-tions de conditions éco-biologiques locales particulières et créant des conditions écologiques favorables à certaines es-pèces. La proximité des zones de pêches par rapport aux ri-vages traduit bien l'importance de la pêche côtière dans la tradition Imraguen.

Au cours de 5 missions de terrain, une base de données spatialisée regroupant 522 zones de pêche Imraguen a été mise en place (fig. 3). L'utilisation du logiciel de navigation et de positionnement Fugawi nous a été de grande utilité. Les caractéristiques des zones relevées (profondeur, dimen-sions, etc.) ont été également intégrées dans la même réfé-rence cartographique.

Ce travail représente une cartographie préliminaire des zones de pêche qui constituera une aide précieuse pour les gestionnaires avec la possibilité de fermeture de zones éco-logiquement importantes.

B. Morphologie des zones de pêche

Nous pouvons dire à ce stade qu’une partie des topony-mes Imraguen qui indique les zones de pêche se structure en fonction des formes géomorphologiques observables par sa-tellite [ 6 ], l’autre partie se structurant en fonction des évé-nements ponctuels dans la vie des Imraguen pour lesquels la toponymie est étroitement associée comme l’échouage d’une lanche ou la capture d’une grande quantité de poisson.

L’étendue et la forme des zones semble bien varier avec le contexte morpho-sédimentaire (vasières, chenaux, bancs de sables…..). Cette prégnance de la nature et de la forme du fond sur la forme et l'étendue des zones traduit bien le caractère de "terroir marin" de la pratique de pêche Imra-guen [ 6 ].

Fig.1 délimitation des zones de pêche par Fugawxi sur un fond d’image

Spot 5 m, 2003

Fig.2 Délimitation des zones de pêche sur Fugawi

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C. Base de données sur les zones de pêche

Les zones de pêche les plus fréquentées ne sont pas pro-pres à un site de débarquement mais peuvent être exploitées par les lanches d’autres sites [ 9 ]. A la lumière de cette pré-sentation, il ressort que les zones de pêche au centre et au sud du parc reflètent les zones de pêche traditionnelles alors que les nouvelles zones de pêche au nord ne sont pas encore bien cernées (pour les pêcheries émergentes). En effet, l’absence de repères dans cette zone et son étendue rend plus difficile la délimitation des zones de pêche en zone nord.

Nous avons pu collecter beaucoup d’informations carto-graphiques sur les zones visitées. A ce titre, on note la mise en place d’une base de données sur Access répertoriant les informations collectées sur les zones de pêche (tableau 1). Cette base de données est directement intégrable dans un SIG ArcGis servant à la réalisation de requêtes spatiales.

Ce résultat contribuera à l’amélioration des connaissan-ces de la partie maritime. Ce qui facilite l’élaboration des statistiques fiables basées sur l’approche spatiale. Les fonc-tions SIG permettent d’effectuer des requêtes spatiales bien élaborées afin d’examiner en détail les zones de pêche les plus importantes en terme de fréquentation, des captures et des engins utilisés, etc.

D. Analyse spatiale de captures de pêche

Le tableau 2 indique les principales espèces capturées dans les zones déjà cartographiées. Ce qui ouvre des pers-pectives d’analyse spécifique par chaque groupe d’espèces.

La base de données IMROP suivi des pêcheries Imraguen au PNBA a été analysée après jointure du champ code zone de pêche dans le fichier géoréférencé en faisant recours au lo-giciel Access. L’approche suivie consiste à mettre ces deux fichiers en liaison pour pouvoir mettre les captures en cor-respondance avec les zones de pêche et par conséquent ré-aliser les cartes thématiques de distribution des captures en vue de faire les analyses spatiales souhaitées.

Nous avons constaté que les captures des sélaciens ont

atteint des records ces dernières années, particulièrement en 2008. L’augmentation des captures de sélaciens au Banc d’Arguin pourrait être liée à l’exploitation des nouvelles zo-nes de pêches plus loin que les zones de pêche traditionnel-les.

Il ressort de l’analyse spatiale réalisée (fig. 4) que les zo-nes de pêche au large du village Arkeiss prédomine les cap-tures des sélaciens réalisées avec plus de 38% suivi de Ten-Alloul (19,65%) durant la période 2006-2007. C’est la même tendance observée pour la courbine dont la zone de concentration se situe dans la partie Nord Ouest du Parc (fige.5).

Fig.3 Extrait de la carte des zones de pêche

Tableau 2 Liste des espèces capturées dans les zones de pêche

Nom vernaculaire Nom français Nom scientifiqueDigmile Tortue verte Chelonia mydasCassoune Requin à museau pointu Rhizoprionodon acutusAgherde Raie guitare Rhinobatos cemiculusEnjeima Mourine Lusitanienne Rhinoptera marginataAzole Mulet jaune Mugile cephalusCourbine Courbine Argyrosomus regiusN'Tod Daurade royale Sparus aurataToumvertelle Tilapia Saratheradon melanotheronTewagit Sar commun Diplodus sargusTignertekh Mafous Rachycentron canadumAblag Truite de mer Dicentrarchus punctatusTayit = Iguir Sardinelle Sardinella auritaAghdaw Cordonnier bossu Alectis alexandrinus Ige Vivaneau brun Lutjanus dentatusIvre Mulet bouri Liza dumeriliBaghre Poisson chat Aruis spLemlessa Fiatole Stromateus fiatolaPerou=frel Turbot africain Psettodes belchriiBazdoul Grondeur nez de cochon Pomadasy sp

Tableau 1 Extrait du fichier brut de données collectées

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IV. DISCUSSIONS ET CONSLUSION

A. Discussions

Malgré la diversité des zones de pêche, la distribution spatio-temporelle de l’effort a permis de préciser les sé-quences annuelles de métiers spécifiques d’une zone d’exploitation. Ainsi, ce travail, qui ouvre de nouvelles perspectives, basé sur la répartition spatio-temporelle des ressources et leur partage entre les différents villages, néces-site une forte implication des différents acteurs.

A ce titre, l’application stricte des mesures visant la limi-tation des captures accessoires de sélaciens pêchées dans cette zone est indispensable (mise en place d’un zonage, respect de périodes mensuelles de non pêche, contrôle des caractéristiques et nombre d’engins embarqués,).

Il est important d’envisager, dans le moyen terme, l’instauration de catégories de licences de pêche pour les principaux groupes de ressources (courbine, mulets et espè-ces associées, poissons démersaux osseux) et de déterminer les critères d’accès (proximité de la zone de pêche…). Le manque d’efficacité relative des mesures techniques d’aménagement des pêcheries conduit à s’orienter vers de nouvelles approches fondées sur le zonage.

B. Conclusion

Une gestion efficace des principales pêcheries du Banc

d’Arguin ne pourra réussir que si un système assez rigou-reux de mesures de gestion basées sur les connaissances des cycles écologiques des espèces exploités est mis en place et appliqué de façon appropriée (zonage, calendrier de pêche basé entre autre sur le cycle lunaire-marée et le contrôle de l’effort de la pêche par le biais de restrictions d'accès sur la base de taxation adaptée.

La fonction de veille doit être développée dans le sys-

tème actuel de gestion au PNBA afin d’instaurer et asseoir une approche adaptative qui permet d’ajuster l’effort à temps opportun et d’analyse prévisionnelle des risques et des avantages à moyen et long terme.

De nouvelles mesures de gestion concertées plus ciblées et plus faciles à appliquer par les pêcheurs et à contrôler doivent être identifiées et mises en œuvre.

Pour la gestion des espèces migratrices et partagées, seule une politique à l’échelle nationale, voire sous-régionale pourra porter ses fruits.

A ce stade, les auteurs jugent que des mesures basées sur le zonage à l’intérieur du Banc méritent une réflexion qui associe les pêcheurs concernés. D’ores et déjà les zones d’Arkeiss et Ten-Alloul, en raison des captures de sélaciens qui y sont effectués, devraient constituer la priorité.

Fig.4 Distribution spatiale des captures des sélaciens par zone de pêche

Fig.5 Distribution spatiale de la courbine (Argyrosomus regius) au PNBA

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V. REFERENCES

[1] M. Ould Taleb, Les pêcheries sur le Banc d’Arguin en 2007 et en début 2008: un environnement climatique, halieutique et socio-économique en pleine évolution, IMROP, Nouadhibou : 2008, 103 pages

[2] C. Senhoury, Enquête sur les AGR au PNBA, Nouakchott, 2008, 30 pages

[3] K. Ould Brahim, “ Les sélaciens au Banc d’Arguin : une décennie d’exploitation intense,” , Actes des Groupes de Travail mixte PNBA-IMROP, 2008, p. 34-45

[4] PAN-Requins Mauritanie, Plan d’Action National pour la Conserva-tion et la Gestion des Populations de Requins en Mauritanie, Nouak-chott : 2007, 34 pages

[5] P. Tous, Note sur les résultats préliminaires de l’analyse des zones de pêches fréquentées par la pêcherie du PNBA, IMROP : 2002, 9 pa-ges.

[6] G. David & F. Huynh, Spatialisation des activités et des prélève-ments de la pêche artisanale dans le Golfe d’Arguin, IRD : 2008, 7 pages

[7] C.A. Ould Inejih, Evolution des stratégies de pêche au PNBA, DECOMAR, Nouakchott : 2008, 102 pages

[8] A. Thiam, La localisation et la cartographie des zones de pêche Imra-guen, PNBA, Nouakchott : 2005, 5 pages

[9] A. Watt, Contribution à l’identification, à la localisation, et à la ca-ractérisation des zones de pêche traditionnelles Imraguen à Iwik (PNBA), l’Université de Nouakchott : 2006, 67 pages.