soudage des aciers hle - fissuration à froid

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41 I MAI-JUIN 2015 I SOUDAGE ET TECHNIQUES CONNEXES ÉTUDES ET RECHERCHE LAURENT JUBIN 1 , DAVID LE BRAS 1 (CETIM) ALEXIS FERRARI 2 , JESSY HAOUAS 2 (INSTITUT DE SOUDURE) Le recours aux aciers HLE permet d’améliorer les capacités, d’optimiser les épaisseurs des ensembles mécanosoudés et le cas échéant de réduire les coûts de fabrication. Ces aciers, dont les limites d’élasticité s’échelonnent entre 460 et 1 300 MPa, sont produits selon différents modes d’élaboration (normalisation, trempe et revenu, laminage thermo- mécanique). De ce fait, les compositions chimiques sont aussi très variables et sont fonction des options prises par les aciéristes. De même, grâce aux trai- tements de qualité utilisés (trempe et revenu ou laminage thermomécanique sans ou avec refroidis- sement accéléré), les aciers HLE peuvent être moins alliés que les produits d’apport utilisés pour les assembler, reportant ainsi les risques de fissuration vers la zone fondue. L’aciériste peut, quant à lui, prendre des options diverses (nuance à très basse teneur en carbone – inférieure à 0,080 % en masse ; ajout classique de chrome, molybdène ou présence d’éléments de micro-alliages et d’affineurs du grain tels que titane, zirconium, niobium) qui conduiront à des soudabili- tés métallurgiques qui ne peuvent en aucun cas être reliées à la limite d’élasticité du métal de base ou à un simple carbone équivalent (CE IIS , CET). L’ingénieur-soudeur doit aller au-delà des approches classiques pour optimiser ses modes opératoires de soudage. En particulier, le recours à l’augmentation de l’énergie de soudage est souvent limité par les propriétés mécaniques à atteindre avec l’augmenta- tion de la limite d’élasticité des matériaux de base. La compilation de nombreux essais de soudage permet de définir une méthodologie pour évaluer les conditions de soudage optimales en fonction de divers éléments : • limite d’élasticité du métal d’apport, teneur en hydrogène diffusible pour définir la zone à risque (ZAT ou Zone Fondue) ; • teneur en carbone, teneur en hydrogène diffu- sible, présence des éléments d’alliage pour définir la température de préchauffage ; • prise en compte d’un post-chauffage pour réduire les températures de travail (et optimiser ainsi les propriétés mécaniques). 1. ÉLABORATION DES ACIERS HLE Suivant le mode d’élaboration des aciers HLE, il est possible d’atteindre une limite d’élasticité donnée pour des valeurs de carbone équivalent CE IIS très différentes. Bien évidemment cette notion de car- bone équivalent CE IIS telle que définie par l’Institut International de la Soudure n’a pas été déterminée pour des modes d’élaboration de types thermo- mécaniques ou pour certains aciers trempés et reve- nus micro-alliés. Par contre, elle permet d’illustrer, même improprement, la différence de recours aux éléments d’alliages pour atteindre le niveau attendu. Il apparaît ainsi que les modes d’élaboration basés sur un laminage thermomécanique ou plus classi- quement sur l’utilisation d’un traitement thermique de type trempe suivi d’un revenu permettent avec des teneurs modérées en éléments d’alliage de base d’obtenir des propriétés mécaniques supérieures à celles obtenues avec des aciers normalisées. La com- paraison doit être faite en considérant les mêmes éléments d’alliages de base, car les aciers livrés à l’état trempé-revenu ou après laminage thermo- mécanique sont généralement micro-alliés avec des éléments comme le titane, le niobium ou le bore qui ne sont pas pris en compte par cette formule du carbone équivalent CE IIS développée par Dearden et O’Neil dans les années 1940 [Dearden et al., 1940]. Cependant, les modes d’élaborations limitant la teneur en éléments d’alliage conduiront globalement à une meilleure soudabilité métallurgique. L’ingé- nieur-soudeur habitué à l’utilisation de ce carbone équivalent pour définir la soudabilité intrinsèque d’un métal de base et considère généralement comme moyenne la soudabilité d’un acier présen- tant un CE IIS compris entre 0,42 et 0,50, puis délicate au-delà de 0,50. Cette approche, trop simpliste, est cependant à relativiser. Des démarches plus complexes comme celle notam- ment développée par Graville montrent que globale- ment, les aciers thermomécaniques se situeraient dans la zone I correspondant à un risque de fissura- tion à froid est très limité sauf dans des conditions SOUDAGE DES ACIERS HLE FISSURATION À FROID 1. CETIM, 74 route de la Jonelière – 44000 Nantes (France) – Tél. : 03 82 59 86 47. 2. Institut de Soudure – Plate-forme Assemblage et Matériaux, 4, boulevard Henri Becquerel – 57970 Yutz (France) – Tél. : 03 82 88 79 42

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Page 1: Soudage des aciers HLE - Fissuration à froid

41 I MAI-JUIN 2015 I SOUDAGE ET TECHNIQUES CONNEXES

ÉTUDES ET RECHERCHE

LAURENT JUBIN1, DAVID LE BRAS1

(CETIM)

ALEXIS FERRARI2, JESSY HAOUAS2

(INSTITUT DE SOUDURE)

Le recours aux aciers HLE permet d’améliorer les capacités, d’optimiser les épaisseurs des ensembles mécanosoudés et le cas échéant de réduire les coûts de fabrication. Ces aciers, dont les limites d’élasticité s’échelonnent entre 460 et 1 300 MPa, sont produits selon différents modes d’élaboration (normalisation, trempe et revenu, laminage thermo-mécanique). De ce fait, les compositions chimiques sont aussi très variables et sont fonction des options prises par les aciéristes. De même, grâce aux trai-tements de qualité utilisés (trempe et revenu ou laminage thermomécanique sans ou avec refroidis-sement accéléré), les aciers HLE peuvent être moins alliés que les produits d’apport utilisés pour les assembler, reportant ainsi les risques de fi ssuration vers la zone fondue.L’aciériste peut, quant à lui, prendre des options diverses (nuance à très basse teneur en carbone – inférieure à 0,080 % en masse ; ajout classique de chrome, molybdène ou présence d’éléments de micro-alliages et d’affi neurs du grain tels que titane, zirconium, niobium) qui conduiront à des soudabili-tés métallurgiques qui ne peuvent en aucun cas être reliées à la limite d’élasticité du métal de base ou à un simple carbone équivalent (CEIIS, CET).L’ingénieur-soudeur doit aller au-delà des approches classiques pour optimiser ses modes opératoires de soudage. En particulier, le recours à l’augmentation de l’énergie de soudage est souvent limité par les propriétés mécaniques à atteindre avec l’augmenta-tion de la limite d’élasticité des matériaux de base. La compilation de nombreux essais de soudage permet de définir une méthodologie pour évaluer les conditions de soudage optimales en fonction de divers éléments : • limite d’élasticité du métal d’apport, teneur en hydrogène diffusible pour définir la zone à risque (ZAT ou Zone Fondue) ;• teneur en carbone, teneur en hydrogène diffu-sible, présence des éléments d’alliage pour défi nir la température de préchauffage ;• prise en compte d’un post-chauffage pour réduire les températures de travail (et optimiser ainsi les propriétés mécaniques).

1. ÉLABORATION DES ACIERS HLE

Suivant le mode d’élaboration des aciers HLE, il est possible d’atteindre une limite d’élasticité donnée pour des valeurs de carbone équivalent CEIIS très différentes. Bien évidemment cette notion de car-bone équivalent CEIIS telle que défi nie par l’Institut International de la Soudure n’a pas été déterminée pour des modes d’élaboration de types thermo-mécaniques ou pour certains aciers trempés et reve-nus micro-alliés. Par contre, elle permet d’illustrer, même improprement, la différence de recours aux éléments d’alliages pour atteindre le niveau attendu. Il apparaît ainsi que les modes d’élaboration basés sur un laminage thermomécanique ou plus classi-quement sur l’utilisation d’un traitement thermique de type trempe suivi d’un revenu permettent avec des teneurs modérées en éléments d’alliage de base d’obtenir des propriétés mécaniques supérieures à celles obtenues avec des aciers normalisées. La com-paraison doit être faite en considérant les mêmes éléments d’alliages de base, car les aciers livrés à l’état trempé-revenu ou après laminage thermo-mécanique sont généralement micro-alliés avec des éléments comme le titane, le niobium ou le bore qui ne sont pas pris en compte par cette formule du carbone équivalent CEIIS développée par Dearden et O’Neil dans les années 1940 [Dearden et al., 1940].Cependant, les modes d’élaborations limitant la teneur en éléments d’alliage conduiront globalement à une meilleure soudabilité métallurgique. L’ingé-nieur-soudeur habitué à l’utilisation de ce carbone équivalent pour définir la soudabilité intrinsèque d’un métal de base et considère généralement comme moyenne la soudabilité d’un acier présen-tant un CEIIS compris entre 0,42 et 0,50, puis délicate au-delà de 0,50. Cette approche, trop simpliste, est cependant à relativiser.Des démarches plus complexes comme celle notam-ment développée par Graville montrent que globale-ment, les aciers thermomécaniques se situeraient dans la zone I correspondant à un risque de fi ssura-tion à froid est très limité sauf dans des conditions

SOUDAGE DES ACIERS HLE –FISSURATION À FROID

1. CETIM, 74 route de la Jonelière – 44000 Nantes (France) – Tél. : 03 82 59 86 47.2. Institut de Soudure – Plate-forme Assemblage et Matériaux, 4, boulevard Henri Becquerel – 57970 Yutz (France) – Tél. : 03 82 88 79 42

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CONJONCTURE ÉTUDES ET RECHERCHE

de très forte teneur en hydrogène diffusible et de fortes contraintes de retrait. Les aciers trempés et revenus se situent eux (à l’exception des nuances S500Q) dans la zone III correspondant à une certaine susceptibilité conduisant à mettre en œuvre une température de préchauffage minimale. La zone II regroupe des aciers pour lesquels la défi nition d’une énergie de soudage minimale permet d’éviter le risque de fi ssuration à froid [Graville, 1976].De ce fait, la soudabilité métallurgique d’un acier HLE sera généralement considérée comme délicate compte tenu du positionnement en zone III de la plu-part des aciers trempés et revenus. Cette soudabilité métallurgique est généralement abordée, en l’ab-

sence d’essais par l’utilisation de formules mathéma-tiques ou d’abaques proposés dans des annexes infor-matives des normes pour déterminer la température de préchauffage. Cette température de préchauffage est d’autant plus cruciale que la gestion du risque de fi ssuration à froid par l’énergie de soudage est limitée pour prendre en compte les propriétés mécaniques de la zone fondue et de la ZAT : adoucissement en ZAT (par effet de sur-revenu pour les nuances ayant subi un revenu ou par simple grossissement de grains pour les nuances thermomécaniques), diffi culté à obtenir les propriétés en traction requises en ZF, diminution de la résilience en Zone Fondue et en ZAT. De ce fait, la mise en œuvre d’un acier HLE conduit souvent à

Figure 1 : Relation entre la limite d’élasticité et la teneur en carbone équivalente (%) pour différents modes d’élaboration.

Figure 2 : Positionnement des principales familles et nuances d’aciers sur le diagramme défi nipar Graville.

limiter l’énergie de soudage aux alentours de 1,5 kJ/mm [Ferrari, 2013] [Ferrari, 2010].

2. CALCUL DE LA TEMPÉRATURE DE PRÉCHAUFFAGE

Depuis les années 1990, la commission soudage du CETIM, puis la Commission Interprofessionnelle Soudage de la FIM ont conduit de nombreux tra-vaux expérimentaux avec l’Institut de Soudure pour étudier la soudabilité des aciers HLE [Ferrari, 2013] [Dainelli, 2008] [Cartaud et al., 2002] [Cartaud et al., 1994] [Cartaud et al., 1993] [Debiez et al., 1992][Debiez et al., 1991] [Debiez et al., 1991].

2.1 LOCALISATION DE LA FISSURATION À FROID

Généralement l’ingénieur-soudeur craint et surveille le risque de fi ssuration en ZAT par transposition de sa pratique sur des aciers peu ou faiblement alliés au chrome-molybdène. Les aciers HLE sont géné-ralement élaborés avec peu d’éléments d’alliage compte tenu que leurs propriétés mécaniques sont obtenues soit par un effet thermomécanique soit par une trempe. A contrario, les produits d’apports ne peuvent disposer que de l’effet de trempe naturel dû au cycle thermique de soudage qui est somme toute limité (vitesses de refroidissement de 30 à 300 °C/s à 700 °C).De ce fait, pour la recherche d’une limite d’élasticité donnée au-delà de 600 MPa, le carbone équivalent CET

[CET = C + Mn + Mo + Cr + Cu + Ni ] 10 20 40

du produit d’apport est supérieur à celui du métal de base que celui-ci soit livré à l’état trempé et revenu ou après laminage thermomécanique.Ainsi le risque de fi ssuration à froid en Zone Fondue généralement pris en compte par la comparaison entre les résultats du Carbone Equivalent CET entre le métal de base et la zone fondue conduit à consi-dérer comme prédominant le risque en zone fondue quand la valeur de son CET augmentée de 0,03 % est supérieure à celle du métal de base. Dans ces cas de fi gure, la température de préchauffage doit être calculée en fonction de la zone fondue [NF EN 1011-2, 2002].La compilation de nos résultats d’études montrent qu’effectivement pour des teneurs en hydrogène diffusible relativement faible (HD < 2 ml/100 gMF), la frontière se situe sur la ligne CETZone Fondue + 0,03 = CETMatériaux de Base. Par contre, pour les teneurs en hydro-gène diffusible plus importantes, cette délimitation n’existe plus. Les risques de fi ssuration en zone fon-due s’étendent vers des CET en zone fondue nette-ment inférieur à ceux des matériaux de base. Cette

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extension démontre le risque très important de fi ssu-ration à froid en zone fondue et l’importance prépon-dérante de la teneur en hydrogène en zone fondue.Une autre approche toujours basée sur la trempa-bilité concerne la différence entre les températures de transformation martensitique du matériau de base et de la zone fondue. En effet la chronologie des transformations en ZF et ZAT infl ue directement sur la cinétique de passage de l'hydrogène d'une zone vers l'autre. Si la température de début de transformation martensitique est plus élevée dans le métal de base que dans le métal fondu, l'hydrogène a moins tendance à passer rapidement dans la ZAT et le risque de fi ssuration se localise en Zone Fondue [Olson et al., 1996] [Maltrud, 2006].En ordonnant nos résultats d’essais, à partir des for-mules de détermination de la température de trans-formation martensitique proposées par Self:• Ms métal de base (°C) = 521-350C-14,3Cr-17,5Ni-28,9Mn-37,6Si-29,5Mo-1,19Cr.Ni+23,1(Cr + Mo) C ;• Ms métal déposé (°C)= 521-350C-13,6Cr-16,6Ni-25,1Mn-30,1Si-40,4Mo-40Al-1,07Cr.Ni + 21,9(Cr + 0,73Mo) C ;on observe que la condition « température Ms du produit d'apport inférieure à la température du métal de base » semble être une condition suffi sante, mais non nécessaire, pour que la fi ssuration survienne en métal fondu plutôt qu'en ZAT. Un calcul au moyen des formules courantes de ces températures Ms n'apparaît pas totalement inutile : si Ms métal d'ap-port est réellement inférieur à Ms métal de base, il est absolument impératif de se préoccuper prioritai-rement du risque de fi ssuration en zone fondue.

2.2 FISSURATION À FROID EN ZONE AFFECTÉE THERMIQUEMENT

Si nous comparons nos résultats d’essais Tekken aux différentes méthodes de prévision, il apparaît que les méthodes basées soit sur le CET [NF EN 1011-2, 2002]

SOUDAGE DES ACIERS HLE – FISSURATION À DROITE

Figure 3 : Illustration de la nécessité d’un dopage en éléments d’alliage des métaux d’apport –

appréhendés par le biais du

[CET = C + Mn + Mo

+ Cr + Cu

+ Ni ] 10 20 40

– par rapport aux métaux

de base livrés à l’état trempé et revenu ou thermomécanique.

Figure 5 : Effet de la teneur en hydrogène en métal fondu sur l’extension du risque de fi ssuration à froid.

Fissuration à froid en ZAT MAG – Es = 1,9 kJ/mmApport G89 – HD = 1,0 ml/100 gMFAcier S890QL – Ep. 15 mm

Figure 4 : Cas de fi ssurations rencontrés lors de l’essai Tekken sur des aciers HLE avec entaille en Y incliné ou droit (Photos : Institut de Soudure).

Fissuration à froid en axe du cordon soudage MAG Es = 0,8 kJ/mm – Apport G89 – HD = 5,8 ml/100 gMF – Acier S700M – Ep. 15 mm

HD < 2ml/100 gMF HD > 2ml/100 gMF

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CONJONCTURE ÉTUDES ET RECHERCHE

Figure 6 : Infl uence de la différence des températures de transformation martensitiqueentre le matériau de base et le métal déposé sur la localisation de la zone de fi ssuration.

Figure 7 : Comparaison entre la température de soudage prédite vis-à-vis du métal de base et nos résultats d’essais Tekken.

Figure 8 : Infl uence de la teneur en carbone du métal de base sur la température de préchauffage nécessaire pour éviter le risque de fi ssuration en ZAT en fonction de la teneur en carbone.

ou le CEN [Yurioka et al., 1995] ne donnent qu’une valeur très approximative de la température de pré-chauffage à mettre en œuvre. Les prédictions peuvent être très conservatives mais aussi à l’inverse ne pas conduire à une sécurité nécessaire. On remarquera cependant que la méthode défi nie par Yurioka à partir du CEN est plus sécuritaire sans doute du fait qu’elle a été élaborée à partir de résultats d’essais Tekken qui constituent l’essai auto-bridé le plus sévère.La compilation des températures de préchauffage déterminées avec nos essais basés sur l’éprouvette Tekken permet de montrer qu’il existerait, bien, une teneur critique en carbone en deçà de laquelle le risque de fissuration à froid est limité. Cette approche est d’ailleurs celle défi nie par GRAVILLE, où la zone I représentant un risque de fi ssuration à froid pouvant être contrôlée par l’unique teneur en hydrogène du métal déposé est limitée par la teneur en carbone du matériau de base. Chez GRAVILLE cette valeur critique se situe entre 0,08 et 0,12 % en fonction du carbone équivalent. Cette valeur est cohérente avec nos propres essais.Dans le cas des nuances nécessitant un pré-chauffage, deux adaptations peuvent être faites : le recours à un postchauffage ainsi que le recours à un apport présentant des propriétés mécaniques moindres (ou « undermatching »).

2.2.1 PostchauffageLe recours au postchauffage va jouer avant tout sur la diffusion de l’hydrogène durant le maintien en température. Le recours à un postchauffage de 2 h permet de globalement faire décroître la tempéra-ture de préchauffage nécessaire pour le métal de base d’environ 50 °C.L’effet du post-chauffage peut être décrit en fonc-tion du logarithme du temps de maintien. A partir de la température de préchauffage déterminée par un essai sans recours au préchauffage, il est, ainsi, possible de déterminer la température de pré et post-chauffage nécessaire en fonction du temps de maintien prévu :

Tcritique [oC ] = Tpréchauffage [

oC ] – 27,5 . ln ( tmaintien [h] ) 15

L’effet d’un post-chauffage est d’autant plus néces-saire que l’énergie de soudage et la température entre passes sont limitées pour éviter les pertes de propriétés mécaniques en Zone Affectée Thermique-ment et en Zone Fondue [Ferrari, 2010] [Ferrari, 2013].Ainsi, pour les aciers nécessitant un préchauffage, la température critique de post-chauffage se situe entre 125 et 150 oC pour une teneur en hydrogène d’environ 2,5 ml/100 gMF avec une température maintenue pendant 120 minutes (2 heures).

2.2.2 Utilisation d’un apport à propriétés mécaniques réduites pour la passe de racineLa diminution de la température de préchauffage en soudage multi-passes est souvent envisagée par

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le recours au niveau de la première passe à un pro-duit d’apport présentant des propriétés mécaniques moindres. L’utilisation d’un produit d’apport à limite d’élasticité nettement inférieure ne suffi t cependant pas à s’affranchir complètement du préchauffage. L’abaissement de la température de préchauffage est alors limité à 25 oC environ. Une synergie impor-tante apparaît entre l’effet apporté par la diminution de la limite d’élasticité et l’abaissement de la teneur en hydrogène. Lorsque cette synergie joue, il est possible, par exemple, de diminuer la température de préchauffage de 50 à 75 oC [Cartaud et al., 2002].

2.3 FISSURATION À FROID EN ZONE FONDUE

Le calcul de la température de préchauffage tel qu’il peut être établi par la méthode décrite dans la norme EN 1011-2 à partir du calcul du CET de la zone fondue augmentée de 0,03 n’apparaît comme satis-faisant compte tenu des écarts importants entre la prévision et la température minimale requise déter-minée à partir d’un essai TEKKEN.

SOUDAGE DES ACIERS HLE – FISSURATION À DROITE

Nuance % C % Mn % Ni % Cr % Mo % VContr.

appliquée (Mpa)

Es(kJ/mm)

HD (ml/100 gMF)

Tp – 15 min (oC)

Tp – 120 min

(oC)

DTp(oC)

S890Q 0,17 0,68 1,58 0,60 0,24 0,07 600 1,5 3,2 175 100 75S690Q 0,19 0,95 0,28 0,56 0,21 0,06 600 1,5 3,3 150 100 50S690Q 0,19 0,95 0,28 0,56 0,21 0,06 600 1,5 3,3 125 75 50S690Q 0,17 1,27 0,06 0,05 0,13 0,06 580 1,5 3,4 150 125 25S690Q 0,15 0,91 0,10 0,73 0,39 0,00 480 1,5 2,4 150 100 50S690Q 0,11 0,86 1,27 0,52 0,49 0,00 700 1,5 2,5 150 100 50S690Q 0,11 0,86 1,27 0,52 0,49 0,00 700 1,5 0,5 125 < 100 > 25

Tableau 1 : Température de pré et post-chauffage nécessaire sur une sélection d’acier HLE pour éviter la fi ssuration à froid lors de l’essai d’implant[Debiez et al., 1992] [Debiez et al., 1991] [Debiez et al., 1991]

Figure 9 : Infl uence de la durée du post-chauffage sur la température de préchauffage / post-chauffage.

Acier S690QL – Infl uence du post-chauffage vis-à-vis de la teneur en hydrogène initiale soudage avec Es = 1,5 kJ/mm.

Acier S890QL – Infl uence du post-chauffageen soudage avec le procédé 111avec HD = 3,2 ml/100 gMF.

Figure 10 : Infl uence du temps de maintien sur la température de pré et post-chauffage déterminée à l’essai d’implant pour 4 nuances d’acier de type S690QL [Cartaud et al., 1994] [Debiez et al., 1992] [Debiez et al., 1991].

Figure 11 : Effet de la limite d’élasticité du métal d’apport sur la température de préchauffage pour un acier S690QL et S890QL [Cartaud et al., 2002].

Tp [oC ] = 697 × CET + 160 × tgh (d[mm]

/35) + 62 × HD 0,35 + (53 × CET − 32) × Q [kJ/mm] − 328

Avec CET = C + Mn + Mo + Cr + Cu + Ni 10 20 40

En substitution, une équation permettant de déter-miner la température de préchauffage a été établie à partir des essais TEKKEN ayant fi ssuré en Zone Fon-due. En se basant, sur une équation similaire à celle défi nie pour le CET, l’équation présente l’architecture suivante :

Tp [oC ] = 1766 × CEZF + 304 × tgh (d[mm]

/22) + 227 × HD 0,12 + (365 − 988 × CEZF ) × Q [kJ/mm] − 1035

Avec :CEZF = C + Si + Mn + Cr + Mo + Ti + 5 × B en %

9 6 34 20 3

Le poids de l’énergie de soudage qui apparaît globalement comme tendant à diminuer la tem-pérature de préchauffage peut apparaître comme

1504_0148_P_041_047_ETUDES_ET_RECHERCHE.indd 451504_0148_P_041_047_ETUDES_ET_RECHERCHE.indd 45 21/04/2015 08:1821/04/2015 08:18

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46 SOUDAGE ET TECHNIQUES CONNEXES I MAI-JUIN 2015 I

CONJONCTURE ÉTUDES ET RECHERCHE

surprenant en raisonnant comme pour un risque en Zone Affectée Thermiquement. Cependant, l’augmentation de l’énergie de soudage conduit à

Nuance matériau de base

Type électrode Rp 0,2 % MB Rp 0,2% MA RpMA/RpMB HD ml/100 gMF Tp (oC)

S690Q

E69 736 789 1,1 3,3 150E46 736 519 0,7 3,3 125E42 736 481 0,7 3,5 125E55 736 672 0,9 1,9 75E38 736 492 0,7 2,2 100

Spéciale 736 432 0,6 2,1 75

S690QE69 850 789 0,9 3,3 150E46 850 519 0,6 3,3 150E55 50 672 0,8 1,9 100

S890QL

E89 1033 942 0,9 3,2 150E46 1033 519 0,5 3,3 150E42 1033 481 0,5 3,5 150E55 1033 672 0,7 1,9 100E38 1033 492 0,5 2,2 125

Spéciale 1033 432 0,4 2,1 100

S890QLE89 1012 942 0,9 3,2 175E46 1012 519 0,5 3,3 150E55 1012 672 0,7 1,9 75

Tableau 2 : Infl uence conjointe du rapport des limites d’élasticité du produit d’apport et du matériaux de base et de la teneur en hydrogène diffusible [Cartaud et al., 2002].

Figure 12 : Prévision entre la température calculée pour éviter la fi ssuration à froid en Zone Fondue à partir de la formuledu CET et la température établie lors d’un essai Tekken.

Formule de base Formule arrondie au 25 °C supérieurs

augmenter le volume du bain fondu et de ce fait concours à limiter la diffusion de l’hydrogène en dehors du bain.

Contrairement à ce qui est souvent crû, il n’y a pas de critère de dureté maximale à ne pas dépasser en zone fondue pour éviter la fi ssuration dans cette zone.

3. CONCLUSION

Au regard des différents points étudiés, le soudage des aciers à haute limite d’élasticité peut être rai-sonnablement envisagé au travers de l’approche suivante : 1. Si la teneur en hydrogène diffusible est supérieure à 2 ml/100 gMF (soit environ 3,3 ml/100 gMD), le risque principal de fi ssuration se situe en zone fondue ;2. Si la teneur en hydrogène diffusible est inférieure à 2 ml/100 gMF, et si le CET du métal fondu augmenté de 0,03 % est supérieur à celui du matériau de base, le risque principal de fi ssuration se situe en zone fondue ;

Figure 13 :Corrélation entrela températurede préchauffageen zone fondue estimée à partir de l’équation proposée et les résultats d’essais Tekken.

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47 I MAI-JUIN 2015 I SOUDAGE ET TECHNIQUES CONNEXES

3. Dans les autres cas, le risque de fi ssuration à froid se situe en ZAT :a. cependant si la teneur en carbone du matériau de base est inférieure à 0,08 %, le soudage peut être envisagé à température ambiante avec un pro-duit d’apport à basse teneur en hydrogène garantie (HD < 3,3 ml/100 gMD),b. pour les teneurs en carbone supérieures, et/ou une teneur en hydrogène supérieure tout en restant un produit H5 (soit moins de 5 ml/100 gMD), la tempéra-ture de préchauffage avec maintien de la température pendant 2 heures peut-être estimée vers 125 oC ;4. Une formulation a été proposée pour définir la température de pré-chauffage nécessaire vis-à-vis du risque de fi ssuration à froid en Zone Fondue.

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SOUDAGE DES ACIERS HLE – FISSURATION À DROITE

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