sortir du moralisme - exultet · 2015. 9. 15. · accueillir des amis. les préparatifs puis la...

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  • Sortirdumoralisme

  • Collection«Théologieàl’Université»

    La théologie s’exerce en bien des lieux et de multiples façons.L’accomplirà l’Université,c’est l’inscriredansuneexigenceaussianciennequelesuniversitéselles-mêmesoù,sansconcessionnipréjugé,secroisentets’interpellent les savoirs. À une époque d’éclatement des croyances et desrationalités,cetteexigenceintellectuelledemeured’actualité.

    « Théologie à l’Université » publie des recherches menées auTheologicum - Faculté deThéologie et deSciences religieuses de l’InstitutcatholiquedeParis.

    Directeurs:Thierry-MarieCourauetHenri-JérômeGagey

    Comitééditorial:EmmanuelDurand,IsaiaGazzola,JoëlMolinarioetSophieRamond.

    Tousdroitsdetraduction,d’adaptationetdereproduction

    réservéspourtouspays.©2015,GroupeArtège

    ÉditionsDescléedeBrouwer10,rueMercoeur-75011Paris

    9,espaceMéditerranée-66000Perpignanwww.editionsddb.fr

    ISBN:978-2-220-06621-9ISBNepub:978-2-220-07638-6

    http://www.editionsddb.fr

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  • Lapédagogiedelaconscience,dePierresVivantesauYoucat

    L’enseignement catéchétique proposé dans deux textes deréférence, à quinze ans d’intervalle, permet de distinguer deuxapprochesdifférentesdu«concept».LedocumentderéférencePierre Vivantes (1994), banque de données attenante auxdifférents parcours, présente un bref encart sur la consciencedans le chapitre « Pardonnés et réconciliés6 ». Le lieu derévélationdelaconscienceestdoncprioritairementl’expériencedu mal et du péché. Nous retrouvons ici, à l’instar de PaulRicœur, l’expérience du mal moral en ce qu’elle contraint laquêtede«laviebonne,avecetpourautrui,dansdesinstitutionsjustes » à se concrétiser dans des définitions normatives, avecleurdimensiond’obligationetdesanction,envuederestaurerlapossibilité du vivre ensemble7.Mais le document catéchétiquemetcepassageaunormatifenregarddel’expériencethéologaledu relèvement et de la réconciliation, car le texte évangéliqueprésentéenvis-à-visestlaguérisonduparalytique(Mt9,1-8).

    LeYoucat(2011),conçucommeuneadaptationpédagogiqueduCatéchismedel’Églisecatholiquepourlesjeunes,consacrequatre paragraphes à la conscience (§ 295-298). Ceux-ci sontsituésdanslechapitresurLaviedansleChrist,dans lesous-chapitresur«Ladignitédelapersonnehumaine8».Ladignitéhumaine est fondée théologiquement sur le projet deDieu surl’homme,explicitéparlesBéatitudes.Suiventladéfinitiondelaliberté comme« choixde cequi est juste et bon» (§287), ladéfinition de la responsabilité, enfin le don de l’Esprit Saintpour soutenir notre liberté (§ 290), et déjà quelques règles dediscernement. Les « passions » sont présentées ensuite de

  • manière positive, c’est-à-dire destinées à nous orienter vers lebien à condition d’être bien ordonnées (§ 293-294). Lesparagraphes sur la conscience viennent ensuite, juste avant lesvertus. La conscience est ici présentée comme une de noscapacitésaubien9.

    Cette évolution de la perception de la conscience (del’affrontementaumalvers lacapacitéaubien)est significatived’une prise en compte de ce que Geneviève Médevielleconsidère comme un apport spécifiquement chrétien dansl’approche contemporaine du bien et du mal. Dans la culturecontemporaine,laperceptiondel’injusticeetla«consciencedesaproprehumanitéplacéeensituationcritique»sontdevenueslelevierducombatéthique,aurisquederenforcerunprocessusdevictimisation.Mais«alorsquepournotresociétépluralistele seul chemin pour connaître le bien est l’expérience de lanégativité, le chrétien commence par croire en la positivité dubien. Le mal et son énigme ne sont pensables qu’à partir delà10».C’estfortd’uneconfiancedefondenlapromessedevieet la dignité accordée à tout homme, même aux « vaincus del’histoire11 », que les chrétiens rejoignent leurs contemporainsdans une philosophie des valeurs où la définition du bien estassuméecommeuneresponsabilitépartagée.

    DeuxprésentationscomplémentairesdelarévélationduDieudel’Alliance

    Cesdeuxapproches(complémentaires)del’expériencedelaconscience morale font système avec les présentations del’histoire du salut proposées aujourd’hui dans les parcourscatéchétiques.Ledossier«EnAllianceavecDieu»duparcours

  • Nathanaël met en parallèle les alliances humaines et lesalliances successives de l’Histoire du salut, confronte lesrupturesd’allianceauregarddelafidélitédeDieu,insistesurlafragilitéhumainequiappelleunenouvelleallianceinscritedanslecœurdel’homme,annoncéeparJérémieetaccomplieenJésusChrist12.Ledossier«DieufaitAlliance»duparcoursSeigneur,Tu nous appelles présente la Création et l’Alliance avecl’humanité en quatre étapes centrées sur le don de Dieu quisoutientl’engagementréciproqueenfaveurdubien:«Dieuveutlavie.Dieusignesapromesse.Dieudonnedesparolesdevie.Dieu attend une réponse libre, et l’ouverture surl’accomplissement en Jésus Christ13. » Malgré la différenceperceptible entre ces deux initiations, l’une centrée surl’expérience du salut au cœur de la complicité avec lemal, etl’autre sur la reconnaissance du don de la liberté appelée às’engager progressivement pour le bien, le mystère pascaldemeure dans ces deux propositions catéchétiques le lieu parexcellencedelarévélationdupéchéetdupardon.

    En terme de pédagogie d’initiation, il s’agit de précisercommentlacommunautéecclésialedonneàvivredansuncadrethéologal cette expérience diversifiée de la conscience afinqu’ellepuisseêtremédiationde la rencontreduDieude JésusChrist.

    Lespratiquesdel’éveildelaconscienceaubienetàlajustice

    Aufondement,lacomplémentaritéentreraisonetfoi

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  • 41.Réconciliation.Itinérairespourl’adolescence,p.50.

  • II

    L’initiationauxvertus,uneformationpratiqueàlalibertéchrétienne

    Pournombredenoscontemporains,parlerdes«vertus»estun langage obsolète, voire infantilisant et moralisateur : les«prixdevertus»étaientdistribuésauxenfantssages.Pourtant,lesparentsracontentàleursenfantsdeshistoiresoudesfablesàtonalitémorale.Car l’éthique engage non seulement la raison,mais encore le désir, les sentiments, l’imagination : il fauthonorerladimensionesthétiquedel’éthique1.

    Encatéchèseaussi, levisuel et le récit sont sollicitéspourstimuler les bonnes actions. Une séquence qui introduit lesenfantsde7à8ansàl’attituded’écoutefaitfeudetoutbois:undessind’enfantattentif,mainsurl’oreille,côtoielegestedeMoïse qui accueille les tables de la loi, et un dessin d’uneassembléeattentiveàlamessedominicale.Maislapratiqueestnécessaire pour s’approprier la bonne attitude : le modèle del’écouteobéissanteetdisponibledeMarieà l’Annonciationseconcrétisedansdescroquisde laviequotidienneoù lamamansépare ses deux enfants et les invite à se réconcilier, appellepour la prière familiale, demande de ranger sa chambre pouraccueillir des amis. Les préparatifs puis la joie des cadeauxéchangés à Noël concrétisent la promesse de bonheur trouvéedanscesgestesduquotidien2.

    Au-delà de son usage pédagogique, la catéchétique seréapproprie cette approche éthique au travers de sa réception

  • théologique, qui valorise les vertus comme une cléherméneutique pour une lecture existentielle de la parole deDieu3.Ils’agitdes’approprierlesattitudesetlesgestesquisontdonnés en modèle dans l’Écriture, grâce aux pratiques de lacommunautéquilesactualisent.Cette«pédagogiedesvertus»démontresaconvenanceaveclapédagogied’initiation,puisqu’ils’agit de donner à vivre une expérience pratique où l’ondécouvre que la rencontre du Dieu de Jésus Christ permet degagnerenaisanceetenliberté,surcechemind’humanisationetdesanctification.Lacatéchèseréactualiseainsiàsonprofit lesitinérairesdeformationproposésdanslecadredesspiritualitéschrétiennes.

    Unenjeupédagogique

    Lorsque le philosophe Alasdair MacIntyre réintroduitl’éthiquedesvertusen1981,pourcombattrelafragilisationdel’éthique et la dissolution du sujet, sa proposition estrésolument«contre-culturelle».La«vertu» (au singulier) enest venue à signifier la perfection morale4, et renvoie à undiscours moralisateur ressenti comme mortifère. Les exemplesconcrets tirés de la pratique scolaire ou catéchétique du débutduXXesièclesemblentdonnerraisonàlaméfiancequientouredespratiquesobsolètesetqu’onpréfèreoublier.

    Retrouverunetraditionau-delàdelamémoired’un«bainecclésialmortifère»

    Lapédagogiedesvertussenourritdemodèlesconcrets,derécits, d’exercices pratiques. Ceux-ci sont tributaires des

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  • 27.ServaisPINCKAERS,«Letableaudesdeuxlibertésetleurrelationàlamorale »,Les sources de lamorale chrétienne, p. 381-382.Absolutiser la«libertéd’indifférence»enfermelesujetdanssarevendicationd’autonomieface aux exigences d’autrui etmême face à la loi, alors que la « liberté dequalité»luipermetd’intérioriserlaloietdes’ouvriraubiencommun.28. Cf. l’introduction de Michel de Certeau à Jean-Joseph Surin, Guidespirituel,«Christus textes»n°12,Paris,DescléedeBrouwer,1963,p.25-26.PourFrançoisdeSales:«Lesinspirationsnousprécèdent,etavantquenous y ayons pensé elles se font sentir, mais après que nous les avonssenties,c’estànousd’yconsentirpour les seconderet suivre leursattraits,oudedissentiretlesrepousser:ellessefontsentirànous,sansnous,maisellesnenousfontpasconsentirsansnous»,Traitédel’AmourdeDieu, II,XII,p446.29.Leplandesdifférentsmanuels,cf.CatherineFino,L’hospitalité, figuresociale de la charité. Deux fondations hospitalières à Québec, Paris,DescléedeBrouwer(coll.«Théologieàl’université»),2010,p.198.30. Un exemple parmi d’autres : Services diocésains de catéchèse de larégionOuest,ParcoursEaux vives, Fais jaillir la vie (parcours 8-11 ans),Angers,CRER,1995,Année rouge,Unité2 : «Dieu sedit auxhommes»,avecsuccessivement l’interpellationdesprophètes, le tempsdudésertetdela préparation des chemins du Seigneur, enfin la célébration de Noël,présencedeJésus,lumièrepourtouslespeuples.31. Cf. la structure tripartite du plan du parcours de Jean-FrançoisDEMARCAIGNE, Lydia FLAMENT, Maurice FOURMAND, RolandLACROIX, La foi, invitation à la vie. Parcours catéchuménal,Paris/Québec, L’Atelier/Novalis, 2005 : les quatre premières étapes sontconsacrées à la décision pour Dieu, les quatre suivantes à la croissancevertueuse, les quatre dernières à l’union à Dieu par la médiation dessacrementsetdel’Église.

  • III

    Lediscernement,unlieupourunifierlesressourcesdelaraisonetdelafoi

    Lamédiatisationdesgrandesquestionsdesociété relaye lecri éthique de personnes singulières aux prises avec desépreuvesoudesdilemmesexistentiels,etjuxtaposelesprisesdeposition contradictoires des scientifiques ou des ténorspolitiques et religieux, pour inviter les citoyens à se faire leurpropre opinion. La maîtrise du discernement en ces matièrescomplexes semble relever d’une formation spécialisée, quidépasselecadredel’initiationchrétienne.Chacunpourtantdoitdévelopper les compétencesqui luipermettentd’«analyser lessituations et leurs enjeux pour être en capacité de poser undiscernement moral tant pour l’agir quotidien que pour lesgrandschoixdelavie1».Etc’estbienenfaveurdel’initiationchrétiennedesadolescentsque l’Aumôneriede l’Enseignementpublic, dans son introduction au manuel intitulé La morale,pédagogiedubonheur,sedonnecommeobjectifdefournirauxanimateursnonseulementdesrepères,maisaussidesoutilsdediscernementetd’analysepour«penser»lesgrandesquestionsexistentielles.

    Dans sa petite éthique, Paul Ricœur délaisse un temps lediscours argumentatif pour introduire par l’expérience dutragiquecetteépreuvedelaconsciencesingulièrequis’affronteàdesdilemmesexistentiels2.Ricœurdonneàlasagessepratiquela fonction de surmonter les conflits entre les normes ou lesaporiesde leurapplicationdans telleou tellecirconstance,par

  • un nouveau recours à l’éthique (la finalité de « la vie bonne,avecetpourautrui,dansdesinstitutionsjustes»),pourparveniràprendresesresponsabilités.Ils’agiticideprécisercommentlaformation à la sagesse pratique prend place dans l’initiationchrétienne et constitue, elle aussi, un espace propice à larévélationetlarencontreduDieudeJésusChrist.

    Nous analyserons d’abord l’enseignement de la sagessepratiqueproposédans les catéchismes,puis lamanièredont laformationpratiqueaudiscernementmoralsollicite l’expériencedanslecadredel’initiationchrétienne,enfinlamanièredontlasingularitédechaquecheminementestpriseencompte.

    L’enseignementdelasagessepratiquedanslescatéchismes

    Pourrésoudrelesdilemmeséthiques,latraditionchrétiennedispose d’une casuistique (les principes du moindre mal, dudoubleeffet,etc.),quiaideàrésoudrelescasdeconscience.Laformation à la sagesse pratique est d’abord pensée sous lamodalitédelatransmissiondecesoutilsintellectuels.Dupointde vue du développement moral, cette formation supposeauparavant le travail d’intériorisation de la loi (« l’âge deraison »), et se poursuit avec l’adolescence de manière pluscritique. Pour les plus jeunes, l’introduction aux outilsméthodologiquesresterudimentaire(«Lafinnejustifiepaslesmoyens»),maislesdifficultésdudiscernementensituationsontl’occasiond’introduireàladimensionecclésialedelarechercheéthique,aveclesressourcesàdisposition(régulationexercéeparle Magistère, expertise théologique, accompagnementpersonnalisé3). Pour les aînés, différents outils ou repères

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  • devoir de résistance au mal25. Vis-à-vis de la loi morale, laconsciencepersonnelledemeurel’instanceultimededécision26.Maischacunest tenudes’informerde la loietdeprendreunedécisionéclairéesursavalidité,avantd’obéirouderefuserdelefaire. Avec la philosophie morale contemporaine, l’Églisesouligne le caractère nécessairement dialogué d’une telledécision27.

    Ces précisions sur l’objection de conscience et sur ledissentiment sont précieuses pour accompagner sur ces pointsdélicats la croissance morale des adolescents. Il s’agit dediscerner avec eux si leur contestation relève d’une démissionéthique,d’unbesoind’affirmer leur liberté faceà l’autoritéoude la proclamation d’une plus grande exigence éthique auservicedubiencommun.L’adolescentdoitêtreécouté, invitéàassumerlesconséquencesdesadécision(ycomprislasanction),maisaussiencouragéàengagerledébat:«Laresponsabilitéentantquecapacitéderépondredesoi-mêmeestinséparabledelaresponsabilité en tant que participation à une discussionrationnelle portant sur l’élargissement de la sphère des droits,qu’ils soient civils, politiques ou sociaux28. » L’initiationchrétienneinscritl’apprentissagedelacoresponsabilitééthiquedansuneposture théologale(foi,espérance,charité).Leregarddelafoiaideàidentifierlemalmoral,maisaussiàpercevoirles«signes»quitémoignentdel’actiondeDieudanslecœurdeshommes.L’espérancerappellequ’ils’agitd’uncompagnonnagesur un même chemin d’humanisation (et de sanctification),malgré la diversité apparente des pratiques de la « loi »(jugements divergents ou difficulté à la mettre en œuvre).Chacunpeuttrouverlavoiedelasolidaritéetdelacompassionréciproque, dépasser les ressentiments sans renoncer à son

  • intelligence critique, et ainsi devenir un ferment pour lacroissancedelacommunautéoudelasociété.

    En toutes sesmodalités, lorsque la formation à la sagessepratiquetrouveunéclairageetunerégulationinéditedanslafoi,elle devient un lieu où la personne expérimente et identifie laprésencedeDieudanssavie.C’estaussidans lamesureoùlediscernement est informé par l’expérience théologale et qu’ilapprendàsolliciteretunifierlesressourcesdelaraisonetdelafoi(enparticulierl’écoutedelaparoledeDieuquenousallonsaborder), que la rencontre du Dieu de Jésus Christ dynamisel’exercicedesresponsabilitéssocialesetecclésiales.

    1. AUMÔNERIE DE L’ENSEIGNEMENT PUBLIC, La morale, pédagogiedubonheur,p.5-6.2.Cf.PaulRICŒUR,«Lesoiet lasagessepratique : laconviction»,dansSoi-mêmecommeunautre,p.279-344.3.LePetitguidedelafoicatholique(parcoursPourgrandirdanslafoi2e

    et 3e étapes, Paris/Fréjus/Toulon, 2000) renvoie à l’éclairage donné parl’Église : « Le pape et les évêques, la prédication, les diverses formesd’enseignement et l’accompagnement réciproque, le soutien des personnesquipeuventnousaideràvoirclairdansnotrevie»(§72).4.Chaque principe est illustré par un exemple, ici : « Frapper samère esttoujoursmal,mêmesisamèren’ajamaismontrébeaucoupd’amour.»LesmêmesélémentssontprésentésdanslePetitguidedelafoicatholique,§68.5.Soit le rappelduprincipe«casuistique»selon lequel« la finne justifiepaslesmoyens».Lesexemplesd’applicationsontbioéthiques:l’utilisationd’embryonspourlarecherche,etl’avortementproposéàlasuited’unviol.6. Cf. AUMÔNERIE DE L’ENSEIGNEMENT PUBLIC, La morale,pédagogiedubonheur,Fiche3,p.71-82.7. Publication sous la responsabilité de Luc CRÉPY et Marc VACHER :XavierTHÉVENOT,Morale fondamentale,Paris,DonBosco,2007 :«Lestroisdimensionsdelamorale»,p.87-111.8. La temporalité sous-jacente aux trois dimensions de la morale chez

  • ThévenotestdéfinieenréférenceàPaulRicœur(voirparexemple:Tempset récit.3.Le tempsraconté,Paris,Seuil,1985,«Versuneherméneutiquede la conscience historique », p. 374-433 ; Du texte à l’action. Essaisherméneutiques,Paris,Seuil,1986,p.379ss).9.Parexemple,lapratiquedelagreffed’organeestd’abordévaluéecommeuneexpérimentationhasardeusequi instrumentalise lecorpsdespersonnes,avantquelamaîtrisedurejet,quipermetunréelgaind’espérancedevie,nelui confère un nouveau statut de « pratique de soin » qui motive le donsolidaire.À l’inverse, les principes de la « guerre juste » ont été remis enquestionavecl’inventiondetechnologiesdedestructionmassive.Cf.surcepoint, Louis JANSSENS, « Ontic evil and moral evil », dans LouvainStudies,tome4,1972,p.133-156.10.Cf.JEAN-PAULII,VeritatisSplendor,1993,§79-80.11.XavierTHÉVENOT,Moralefondamentale,p.17-21.Cesquatreattitudessont aussi données comme « ce qui paraît le plus immédiatement décisifpourlaqualitédudiscernement»,enconclusionducoursLediscernementéthique. Laméthodologie dumoraliste catholique, ICP : cours PolycopiéAndréRobert,1993-1994,p.44.12.Ce chapitreprésente successivement la loi degradualité, le principedumoindremal,leconflitdedevoir,lapriseencomptedesfinsetdesmoyens,dulégaletdumoral.13.Dossiersproposés: lajustice; l’économie; letravail ; l’information; lapolitique;l’écologie;lecorps(adolescence,débutetfindevie);affectivité-sexualité(construirel’affectivité,l’homosexualité).14.Lamorale,pédagogiedubonheur,4edecouverture.15.XavierTHÉVENOT,ComptersurDieu,Paris,Cerf,1992,p.22.16. JEAN-PAUL II, Exhortation apostolique Familiaris Consortio, LaDocumentationCatholiquen°1821,3janvier1982,n°9.17.Surlaloidegradualité,cf.MgrPierreEYT,«La“loidegradualité”etlaformationdesconsciences.ÀlamémoiredePhilippeDelhaye»,DocumentÉpiscopat,n°17,décembre1991,p.1-7.LaloidegradualitéestbrièvementprésentéedansLamorale,pédagogiedubonheur,p.105-106.18.FamiliarisConsortio,n°34,§4.19. Cf. le discours de JEAN-PAUL II à l’ONU, le 11 juin 1982, LaDocumentationCatholique,n°79,1982,p.666.20. « En ce sens, c’est la non-gradualité de la loi qui fonde la loi degradualité»,déclareJean-MarieLustiger,dans«Gradualitéetconversion»,LaDocumentationCatholique,n°79,1982,p.315-322.

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  • l’herméneutiquedel’Écritureluiouvreàchaquefoisunnouvelespace où s’incarner de manière renouvelée : « Le texte duNouveauTestamentestàsonmonde»comme«lacommunautéchrétienne est à son monde38. » Il est ainsi possible des’approprier et d’actualiser des manières d’agir devenuesfamilières à l’écoute de la Parole. Dans cette perspective, lapédagogiecatéchétiquedoitprocurerdesconditionsd’écouteetdeconfiancequifavorisentl’intériorisationd’unemanièred’êtreà la suite du Christ, puis la dimension communautaire quipermet de partager les intuitions de chacun et éclairer lediscernement : objectivation et confirmation de l’expérienceintérieure,mémoirecommunepouraiderà identifier lesformesde l’action, créativité partagée au service de l’advenue duRoyaume. On aboutit à une « morale » déterminée « par larelation au Christ », et en ce sens à « une éthique del’Amour39».

    Enconclusion,uneéthiquebibliqueouverteaudébat

    Le XXe siècle a fait prendre conscience du pluralismeinterne à la tradition biblique et du rapport diversifié deséthiques chrétiennes contemporaines à la parole de Dieu.William Spohn propose pour sa part cinq modèles de lectureéthiquedelaBibledanssonpetitouvrageWhataretheydoingwith Scripture and Ethics ?, et insiste sur leurcomplémentarité40. Chacun peut revendiquer la référence auChrist pour fonder l’éthique qu’il déploie. La catéchèse reçoitde ces débats une invitation à respecter la diversité dessensibilités personnelles et à diversifier ses propositions pourque chacun puisse trouver l’angle d’approche éthique de

  • l’Écriturequi luicorrespond, toutenexpérimentant la richessedel’écouteetdelacomplémentaritéauseindelacommunauté.

    Danslemêmetemps, l’éthiquebibliqueestexigeante,et laCommissionbibliquepontificaleinvitelescroyantsàassumerlacoexistence d’une posture de convergence et d’une postured’opposition vis-à-vis de la morale (des éthiques) de leur(s)milieu(x) de vie, en s’inscrivant dans la dynamiquecommunautaire de l’espérance41. C’est ainsi tout autant lapratiquedudiscernementinterneàlacommunautéetlesoutienréciproquedanslafoietl’espérancequihabilitentlescroyantsàprendre part au débat éthique dans les diverses sphères«privées»et«publiques»de leurvie,enéprouvantcedébatcomme un espace propice à l’actualisation de leur foichrétienne.

    1.Voiraussilaréférenceàl’ÉcritureenthéologiemoralerecommandéeparlesconstitutionsconciliairesDeiVerbum(§24)etOptatamTotius(§16).2. Joël MOLINARIO, Parole de Dieu et Écriture en catéchèse. Larésonance de la Parole, Paris, Le Senevé/ISPC (« Le point catéchèse »),2011,p.58.3.XavierThévenotnommecinqmédiationspermettantl’écoutedelaparoledeDieu:«laritualitéliturgique,etspécialementl’eucharistie[…];l’Écriture[…];l’Église,cettecommunautéhumainequisesaitchristifiée;l’humanité,faiteparetpourleChrist;lecosmos,enfin,àtraverslequelselaissevoirla“gloire du Dieu incorruptible” », dans Compter sur Dieu. Études dethéologiemorale,Paris,Cerf,1992,p.21.4.FrançoisBROSSIER,«Lesappelsàl’Écritureendomaineéthique»,dansLamoraleencatéchèse,p.32.5.FrançoisBROSSIER,«Les appels à l’Écriture endomaine éthique», p.31-32.6.JoëlMOLINARIO,ParoledeDieuetÉcritureencatéchèse,p.48-50.7. StanleyHAUERWAS, « TheMoralAuthority of Scripture : The politicsand Ethics of Remembering », in A Community of Character, Toward a

  • ConstructiveChristianSocialEthic,Notre-Dame,UniversityofNotre-DamePress,1981(1),2005),p.53-71,icip.55.8.Cf.ServaisPINCKAERS,«Lamoralechrétienneetsessources:Écriture,tradition et magistère », dans L’Évangile et la Morale, Fribourg/Paris,ÉditionsdeFribourg/Cerf,1991,p.83-100.L’absencede textesnarratifsnepermet pas de percevoir la contingence des normes, et inversement,l’absence de référence normative néglige le dialogue des auteurs bibliquesavec les morales du Moyen-Orient ancien, et méconnaît les modalitésjuridiquesquesesontdonnéslescroyantspourconcrétiserleursconvictionsmorales.9.ParcoursAllezdireàvosamis(11-13ans),Paris,L’Atelier,1996,dossier:«Desyeuxpourvoiretpouraimer»,p.24-25.10.PhilippeBORDEYNE(dir.),Bibleetmorale,Paris,Cerf (coll. «Lectiodivina»),2003,p.10.11. William Spohn expose cinq critères, illustrés par l’analyse de la morthéroïquedeSamson (Jg16,22-31).Pour refuserdeprendre enexemple cegeste suicidaire et terroriste, les exégètes évaluent le caractère (ici peu)centraldel’image,auregarddelamémoirefondatricedel’Exode,quiinviteaurespectdel’étranger;lesthéologiensestimentlaprofondeurthéologiquede l’argument, ici le non-respect de l’altérité de Dieu, instrumentalisé auservice du nationalisme ; le critère christologique amène à privilégier lepardonauxennemis;lesmoralistesjugentdelaconvenanced’unethéologieauregardde la responsabilitédessujets,etsacohérenceavec lesstandardsde l’éthique humaniste, dansWhat Are They Saying About Scripture andEthics ? (Fully Revised and Expanded Edition), New York andMahwah,N.J.,PaulistPress,1995,p.120-121.12.JosephRATZINGER,«Transmissiondelafoietsourcedelafoi»,p.34.13.«Selonlapremièreordonnance,quiplacel’allégorieavantlatropologie,l’Écrituresaintesignifieledéploiementdel’espritduChrist,sagesseéternelledeDieu, dans l’histoire des hommes. D’après la seconde ordonnance, quiplace la tropologie avant l’allégorie, l’Écriture est reçue comme la sourced’une sagessehumainequi se réfère à la sagessedeDieudans leChrist »,selon Pierre PIRET, « L’intelligence chrétienne de l’Écriture sainte », dansL’Écriture,âmedelathéologie,Bruxelles,Institutd’étudesthéologiquesdeBruxelles,1990,p.27.14.Ces deux exemples sont tirés de laLiturgie desHeures 1, Avent-Noël.Temps ordinaire Semaines I-IX, Paris, Cerf/Desclée/Mame, 1980 :HoméliedesaintLéonpourNoël;CatéchèsebaptismaledesaintCyrilledeJérusalem,p.516-517et546-547.

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  • humainecommeunespacepouractualiserlacharitéchrétienne,par le biais d’une appropriation personnelle des règles dejustice. Étienne Grieu (Un lien si fort, 2009) présente la«diaconie»commeleservicedetouslesliensquiconstituentlavieetlacommunautéhumaine,missousl’éclairagedel’attitudedeJésus lavant lespiedsdesesdisciples,du«désirde rendreservice à l’humanité tout entière, en commençant par ce qu’enelle,onpeutleplusfacilementoublier»,etoffrantàchacunlapossibilitéd’actualiser«lacommunionqueleChristarétablieentre son Père et l’humanité23 ». Benoît XVI (Caritas inveritate, 2009) précise que l’amour est « le principe nonseulementdesmicro-relations:rapportsamicaux,familiaux,despetits groupes,mais également des macro-relations : rapportssociaux,économiques,politiques24».

    La quête de justice ne confère pas seulement à la charitésociale son lieu d’incarnation mais encore sa méthode. Seconformer à la justice est affaire de conversion éthique et dedialogue.LaconstitutionGaudiumetSpes(§37-39)invitaitlescatholiques à une posture critique, à la « purification desactivités humaines », avant de désigner les conséquencessociales du commandement de l’amour, et d’introduire à unministèreduservicedesfrères,envueduroyaumedeJusticeetde Paix. Aujourd’hui, Benoît XVI n’envisage pas la fonctionsocialeetpolitiquedelacharitésansunengagementàfaire«lavérité » sur les exigences de la justice, au moyen d’un débatéthiqueexigeant,quirequiert«l’engagementdelaraisondanslarecherchecréativeetlediscernementresponsabledesmoyensutilisés25».

    Ces conditions mises en œuvre, la pratique de la justice

  • devient alors un espace privilégié pour expérimenter ladynamique inédite reçue de la foi chrétienne, la réception dudon de l’Esprit. Nous pouvons encore aujourd’hui lire danscetteperspectivelaconclusionduparagraphe3.6duTNOC,quiciteleCatéchismepouradultedesévêquesdeFrance(n°488):«Lescommandementsbalisentlescheminsdelacroissancedel’homme dans l’amour. Plus encore qu’ils nemettent en reliefles transgressions, ils promettent l’aide de Dieu pourl’accomplissement de l’homme. » L’initiation à la charitéchrétienne peut donc s’inscrire dans l’éducation au vivreensemble, au respect du bien commun, à la citoyenneté, etc.L’engagement responsable est le lieu où chacun peut prendreconscienced’êtresoutenuetguidéparl’intimitéqu’ilentretientavec le Christ. L’extension de la diaconie à l’exercice dupouvoir26 permet de considérer les lieux où les jeunes et lesadultesmobilisent leur énergie en vue d’exercer un « pouvoir-faire » et un pouvoir sur autrui, les espaces de la réussitescolaire, professionnelle, politique, etc., comme des espacesparadoxaux d’initiation à la vie chrétienne. La parole deDieupeut alors être sollicitée pour définir les attitudes et lespratiquesquihabilitentàexercerlepouvoircommeunservice27.

    Lesactionssolidaires:uneformationdelasensibilitééquilibréeparlapratique

    Myriam Revault d’Allonnes, dans son ouvrage L’hommecompassionnel (2008),analyse lamanièredontestsollicitée lacompassion par les médias et dans le champ politique. Elledémontre que si les personnes ne perçoivent pas quellesmodalités d’action leur sont accessibles, « le fait de jouer surleurvulnérabilitéetleurinsécuritéaffectivenefavorisepasleur

  • capacité d’agir ; cela l’inhibe en renforçant des modalitésd’adhésionenracinéesdansl’hypertrophiedusentiment,c’est-à-diredanslasensibilité28».Pourque lacompassion,ouencorel’admiration, puissent constituer des portes d’entrée pourl’actionetunengagementdansladurée,ilfaut(ré)introduirelamédiation d’espaces institutionnels qui restaurent la capacitéd’agir. Les personnes peuvent alors résister àl’instrumentalisation de leur émotion autrement que parl’apprentissage progressif de l’indifférence29. L’initiationpratiqueàl’agirchrétiengagnedoncàvaloriserdespropositionsd’actions concrètes qui permettent au jeune de s’éprouver nonseulementcapabled’émotionséphémères(carildemeurequ’onne peut pas répondre à tout), mais aussi capable d’agir avecd’autres,danstelouteldomaineprécis.Ilpeutainsidésamorcerle sentiment de culpabilité diffuse qui le paralyse devantl’ampleur de ce qui est à faire, et éprouver en communauté lebienfait de la complémentarité des charismes et desengagements.

    L’accompagnementintervientàtouteslesétapesdel’action.L’élanaffectifdoitêtreguidéverscequiestpossible.Silesujetne peut même pas imaginer que l’action lui soit accessible,l’accompagnement se fait force de proposition. MarthaNussbaum rapporte dans son livre Femmes et développementhumain comment la projection de vidéos qui montrent à desfemmesindiennesl’actionentreprisepard’autresfemmes,dansune situation similaire à la leur, leur permet d’entreprendre àleur tour leur propre projet30 ; les projets solidaires présentéspar leCCFD sontmenés par des enfants. Si le sujet brûle des’engager mais se décourage vite, il s’agit de valoriser sasensibilité aux besoins d’autrui ou son attirance pour l’action

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  • La sollicitation des « cinq sens » complète ou supplée àl’écoutedulangageverbalpoursignifierl’appeloulaprésencedeDieu : l’enfant entend le son des cloches ou à l’inverse lesilencedansl’égliseparrapportauxbruitsdelarue,desparolesoudessilencescodifiésquil’inscriventdansuntempsinédit,untemps pour Dieu ; il sent l’odeur de cire, de vieux bois, debougiesoud’encensquil’introduisentdansl’anciennetédulieuet de l’histoire de foi qui le précède ; il voit la lumière et labeauté des décors du chœur qui invitent à s’avancer pour êtreprésentàcequisepassed’important;ilsentle«mouillé»quil’inscritet l’imprègneindividuellement,corporellement,parfoisdurablement,danslerited’accueiletdepardon;ilgoûteenfinle pain azyme qui donne part à la présence de Dieu partagéeentre tous. L’exercice des « cinq sens » permet à l’enfant, àl’adulte,detravailleretdedéployersacapacitéd’écoute.

    Les gestes rituels aident aussi à « faire communauté » : laliturgieinviteàentrer,àseleverouàsetournertousensembledanslamêmedirection,àfaireensemblelesignedelacroix,àchanter ensemble, et ainsi de suite. Le sujet n’est pas pourautantniédansson individualitéetsa liberté : ilyadu tempsdonnépour«êtredebout,bienplantésursesdeuxpieds»,etdutempspourêtreassiset«entrerensoi-même»,selaisserhabiterparcequisepasseautourdesoi,untempsaussipourselaissertoucherparlamainduvoisinquim’offrelapaix.Ainsil’accueilde Dieu n’est jamais isolé, déconnecté de l’expérience de lacommunauté et l’accueil de l’autre. La constitution du corpsecclésialsejouetoutaulongdelacélébrationeucharistique,enrequérantdechacunquelquesgestesde«conversion»,entendusausensphysiqueduterme:consentiràsetournerversuneautredirection lorsque je suis sollicité par l’autre, requis par laliturgie. Pour Patrick Prétot, l’attribution d’une place permet

  • d’apprendreà«fairecorpsavecd’autres»,toutens’exerçantàl’humilité, et le temps libéré pour célébrer délivre du soucid’efficacitéimmédiateet initieàune«éthiquedurepos»,uneéthiquedelagratuitéetdelagrâce21.Cependant, làoùXavierThévenot(moraliste)présentel’éthiqueetlaliturgiecommelesdeux versants d’un même chemin d’humanisation (privilégiantl’initiation à l’éthique), Patrick Prétot (liturgiste) préfère lesconsidérer comme les deux versants d’une même dynamiqued’appropriationdel’œuvredeDieudansl’histoire(privilégiantl’initiationàlafoi).Laliturgieeffectueiciunretourcritiquesurl’éthique : l’agir humain dans son ensemble est ainsi assumémaisaussivérifiéparlaprésencedeDieuàcetagir.

    Cetteapprochedela liturgiepermetdepréciser lafonctionducatéchiste.Unepremièrepisteestdonnéeparl’exigencequese sont donnée les animateurs en PCS, lorsqu’ils ne peuventpartager verbalement avec les enfants sur le « sens » de laliturgie. Percevoir ou évaluer ce qui est donné à vivre auxenfantsrequiertdelevivresoi-même,avanteuxetensuiteaveceux.Lorsquelaparoleestpossible,le«vivreensemble»delaliturgie devient objet du dialogue catéchétique. FrançoisCassingenaintroduitsonarticlesur«Catéchèseetliturgie»parlerituelquiouvrelacélébrationdelaPâquejuive:«Quandvosfils vousdiront : “Que signifie pourvous ce rite ?”, vous leurdirez : “C’est le sacrifice de la Pâque22”… » (Ex 12, 25-27).C’est l’immersion parfois déroutante des enfants « dans lebain»delaliturgiequipermetd’engagerledialogue.

    Eucharistieetformationaudiscernementéthique

    La formation à la dimension proprement intellectuelle du

  • discernement éthique est aussi honorée par l’initiationchrétienne dans le site liturgique. À l’instar des autresdimensions de la formation du sujet, la manière de rendrecomptedeceprocessusdeformationauseindelaliturgies’estdéplacée,desannées1980auxannées2000,del’appropriationderepèreséthiquesàlavalorisationdespratiquesquihabilitentlessujetsaudiscernementetàladécision.

    Ladénonciationdumal:lapartdel’exhortationetlapartdurituel

    Insister sur le rôle du corps et de l’affectivité dansl’initiation morale ne veut pas dire renoncer à solliciter laraison.La liturgieoffredes repèreséthiquespar l’écoutede laparole de Dieu et son actualisation dans l’homélie. PhilippeBordeyne tient que la tradition de la parénèse reste toujoursd’actualité:«Loindesdiscoursmoralisateursdontseplaignentlesfidèles,ils’agitdefaireressortirlestraitsd’uneviesolidaireàlasuiteduChrist,cequ’ellerendpossible,lescheminsqu’ellepeut prendre et les obstacles qu’elle est capable de surmonteraveclaforcedelafoi23.»

    Mais le rite eucharistique lui-même participe au travail devérité que la communauté opère au regard de ces proprespratiques, en faisant preuve d’une « capacité étonnante derésistance aux représentations sociales dominantes24 ». Jean-Baptiste Metz explicite la force critique de la « memoriapassionis,mortisetresurrectionisJesuChristi»endeuxvoletscomplémentaires. D’une part, un effet de contraste qui vautrévélation : « La domination de Dieu parmi les hommes yapparaîtprécisémentdufaitqueladominationentreleshommes

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  • catéchétique peut se partager, s’enrichir, s’encouragerréciproquement,ets’ouvriràl’expériencethéologale.

    Unepédagogiedelalibertéetdelaresponsabilitéauseindelacommunautéchrétienne

    Il s’agit ici de solliciter l’éclairage des pratiquespédagogiques chrétiennes, caractérisées par l’engagement dansdessituations«frontières»(handicap,délinquance),aunomdudroit à l’éducationpour tous et de la sollicitudepour les plusvulnérables.Ilfautcependantpréciserlestatutdelalibertédansleprojetpédagogique.

    Éveildelaliberté,éveildeslibertés

    L’éveil de la liberté est la première finalité de l’éducationselon Meirieu, à condition de dépasser les ambivalences del’éducationprisedansle«doublejeu»du«dressage»envuede la conformité sociale et du soutien à l’émergence de lacapacité de décision personnelle au sein de l’action15. Encontrepoint, le théologien Servais Pinckaers critique laréductiondelalibertéaulibrearbitreenvalorisantune«libertédequalité»commepouvoird’agirenvuedubienpropreetdubien commun16. Ce débat renvoie à une éthique des droits del’enfant,droitàl’autonomie,maisaussiàl’intégrité,aurespectdu secret et de l’intimité, etc., et enfin à être aidé pourdévelopper son propre potentiel en humanité, ce qui nécessited’exerceruneautoritéfinaliséeaubiendel’enfantetdeluifairedécouvrir les ressources qui sont à sa disposition17. Lasollicitation de l’action de la grâce en vue de l’appropriationd’une liberté positive, sans dénier un juste exercice du libre

  • arbitre,concourtàfairedelarelationéducativeunespacepourl’initiationchrétienne.

    Lehandicapmental:unlieufrontièrepourpenserlesressourceschrétiennesdel’éducationàlaresponsabilité

    Pour accompagner les personnes en situation de handicap,ÉlisabethZucmanproposeuneéthiquedelalibertépartagée18.Maisenmatièredehandicapmental,enl’absenced’abstraction,de conceptualisation et d’accès à la temporalité, la liberté, laresponsabilité et l’éducation morale sont-elles envisageables ?Jean-ClaudeQuentelsoulignecombienlarelationéducativeestmiseendangerdufaitquel’enfanthandicapérégulesonattitudeen fonction de la réaction de l’entourage (plutôt que sur lagravitémorale de l’acte) et « ne s’oppose pas suffisamment àl’adulte par l’ensemble de ses réactions, comme celui-ci auraitbesoin qu’il le fasse pour pouvoir se mettre suffisamment encausedanssesattitudes19».

    Face à ce constat, Henri Bissonnier élabore dès 1959 unepédagogie suggestive (plus largement que dans le cadre duhandicap mental), tant au plan du développement moral quepourproposeruncheminementverslasainteté.PourBissonnier,il faut accepter de valoriser cette introjection du jugement del’entourage comme une première appropriation du « sensmoral».Certainsenfantsytrouventlapossibilitéd’acquérirdescomportements adéquats, voire délicats. L’accompagnementcomprend ensuite deux modalités distinctes. Aider l’enfant àbien vivre au plan du développement de la consciencemoralequiestlesiensupposedesoulignerlesbonsexemples(sinonil

  • mémorise les mauvais) et d’en appeler à sa bonne volonté :« Traiter celui-ci en “responsable” et éventuellement en êtresusceptible d’une certaine culpabilité est, au contraire,l’honorer et le grandir à ses propres yeux. C’est, toutsimplement et objectivement, le traiter comme il lemérite20. »Lafoivientalorsausecoursdela«subjectivation»enrévélantlamiséricordeetlepardondeDieu(cequipermetdecentrerlareconnaissance de la faute, non sur une dépréciationsupplémentaire de l’image de soi, mais sur le désir de mieuxvivre),etenassurantdudondel’Espritd’amourquiappelleetaidetoutepersonne,sansexception,àaimer21.

    Pour aider au développement d’un jugement moralpersonnel, il faut ensuite, par le dialogue, initier l’enfant àd’autres questionnements : « Croit-il qu’il aurait pu faireautrement ?Se serait-il accusé s’il n’y avait pas de sanction ?Pense-t-ilquec’estbiend’agirainsi,auquelcasilpeutlefairesans que les adultes le lui rappellent22 ? » Il faut solliciterl’expression du « oui » ou du « non » de l’enfant (parfoisexprimée sousdesmodalités nonverbales) vis-à-vis de chaqueproposition et respecter son choix23. Mais il faut en mêmetempsaiderl’enfantàs’approprierunsystèmedevaleurs.C’està ce point précis que Bissonnier sollicite les pratiqueschrétiennes.Pourpercevoirethiérarchisercequiest requisouaucontraireàrejeter,lecritèrepremierestlacharité,etcomment«mettreenvaleurleprimatdelacharitésinonenfaisantrégnerentre catéchistes et enfants la bonté prévenante, l’accueil, lerespectdechacun,ladélicatesse»,eteninitiantauxpetitsactesvertueuxduvivreensemble(prêtersesaffaires,faireattentionàl’autrepourl’attendreoul’aider,etc.)24.Lavocationcommuneàla sainteté aide l’éducateur chrétien à ne pas renoncer à

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  • Danslamêmecollection

    1. Geneviève Médevielle (dir.), Les fins dernières,2008.2. Luc Dubrulle, Mgr Rodhain et le Secourscatholique.Unefiguresocialedelacharité,2008.3.BèdeUkwuije,Trinitéetinculturation,2008.4.OlivierArtus(dir.),Eschatologieetmorale,2009.5.FrançoisCassingena-Trévédy,LesPèresdel’Égliseetlaliturgie,2009.6.FrançoisBousquetetHenrideLaHougue(dir.),Ledialogueinterreligieux,2009.7. François-Marie Humann et Jacques-Noël Pérès(dir.),LesApocrypheschrétiensdespremierssiècles,2009.8. Claude Tassin, L’apôtre saint Paul. Unautoportrait,2009.9.DenisVillepelet,Lesdéfisdelatransmissiondansunmondecomplexe,2009.10.MauriceVidal(dir.),Jean-JacquesOlier.Hommedetalent,serviteurdel’Évangile(1608-1657),2010.11.Jacques-NoëlPérès(dir.),L’avenirdelaterre,undéfipourlesÉglises,2010.12. Philippe Bordeyne, Éthique du mariage. Lavocationsocialedel’amour,2010.13. François-Xavier Nguyen Tien Dung, La foi auDieu des chrétiens, gage d’un authentiquehumanisme,2010.14. FrançoisMoog, La participation des laïcs à lacharge pastorale. Une évaluation théologique ducanon517§2,2010.

  • 15. Joël Molinario, Joseph Colomb et l’affaire ducatéchisme progressif. Un tournant pour lacatéchèse,2010.16.CatherineFino,L’hospitalité,figuresocialedelacharité. Deux fondations hospitalières à Québec,2010.17.RenéTabard,Lavieavec lesmorts.Expérienceshumainesetfoichrétienne,2010.18.HenrideLaHougue,L’estimedelafoidesautres,2011.19.DominiqueBarnérias,Laparoisseenmouvement.L’apportdessynodesdiocésains françaisde1983à2004,2011.20. Germain Jin-Sang Kwak, La foi comme viecommuniquée. Le rapport entre la fides qua et lafidesquaechezHenrideLubac,2011.21. Jacques-Noël Pérès (dir.),Familles en mutation,approchesœcuméniques,2011.22. François Moog et Joël Molinario (dir.), Lacatéchèseetlecontenudelafoi,2011.23.Jean-BaptisteLecuit(dir.),Ledéfidel’intériorité.LeCarmelréforméenFrance,1611-2011,2012.24.Jacques-NoëlPérès(dir.),Pratiquesautourdelamort,enjeuxœcuméniques,2012.25. Thierry-Marie Courau (dir), assisté par Anne-Sophie Vivier-Muresan, Dialogue et conversion,missionimpossible?,2012.26. Yves-Marie Blanchard, L’Église mystère etinstitutionselonlequatrièmeévangile,2013.27.GwennolaRimbaut (dir.),Partager la parole deDieuaveclespauvres,2013.28. François Moog et Joël Molinario (dir.), La

  • catéchèse au service de la Nouvelle évangélisation,2013.29.Jacques-NoëlPérès(dir.),LaréceptiondeVaticanII.Encinquanteans,quelseffetspourlesÉglises?,2014.

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