sommaire · web viewnous avons adopté le modèle de la quœstio et du mouvement référentiel de...
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SOMMAIRESommaire………………………………………………………………….…………...p 1Introduction……………………………………………………………………………p 2
I. Anthropologie culturelle de la France……………………………………….…….p 3 Anthropologie culturelle et compréhension de l’Autre……………………….…….p 4
185531 / 2e semestre 2002-2003 / Alex TESSONNEAU Enseigner la civilisation en classe de FLE…………………….…………………..p 11
185532 / 2e semestre 2002 – 2003 / Catherine CARLO Conclusion…………………………………………………………………………p 16
II. Didactique du FLE……………………………………………………………..…p 17 Méthodologie du FLE…………………………….………………………………..p 18
185537 / 2e semestre 2002 – 2003 / Guy FEVE Didactique de la grammaire………………………………….…………………….p 23
185536 / 2e semestre 2002 – 2003 / Sylvie POISSON-QUINTON Situations plurilingues et communication exolingue……………………………....p 30
180489 / 1er semestre 2002 – 2003 / Pierre MARTINEZ Conclusion…………………………………………………………………………p 35
III. Théories linguistiques, description du français, communication .........…...….p 36 Production langagière………………………………………….…………………..p 37
180518 / 1er semestre 2002 – 2003 / Marzena WATOREK Lexique et grammaire du français………………………………...……………….p 43
180494 / 1er semestre 2002 – 2003 / Robert VIVES Descriptions grammaticales et FLE………………………………………………..p 48
190331 / 1er semestre 2003- 2004 / Sylvie POISSON-QUINTON Conclusion…………………………………………………………………………p 54
IV. Option : Acquisition des langues………………………………………………..p 55 Acquisition d’une langue étrangère
180506 / 1er semestre 2002 – 2003 / Clive PERDUE L’expression de l’espace dans les langues et son acquisition
185526 / 2e semestre 2002 – 2003 / Marzena WATOREK
V. Stages pédagogiques………………………………………………………………p 91 Cours de grammaire avancée du français à l’université de Paris VIII…………….p 93 CLAD au collège Henri Bergson………………………………………………….p 97 Cours de débutants à l’Apreca………………………………………...…..……..p 105
Conclusion……………………………………………………………………..…….p 112 Annexes………………………………………………………………………………p 113
1
INTRODUCTION
Les études de Langues Modernes (anglais et français) que j’ai faites en Colombie pendant
cinq ans m’ont ouvert les portes sur le monde des connaissances et sur le monde réel. J’ai
pu toucher à un vaste domaine théorique comme celui des langues et des cultures : un peu
de linguistique, de traduction, de littérature, de didactique, d’histoire. Bref, un peu de tout
et un peu de rien. Un échange universitaire aux Etats-Unis et un stage pédagogique dans
une école d’anglais m’ont permis de mettre en pratique mes acquis linguistiques (en
anglais) et mes connaissances en didactique. Je suis donc devenue enseignante d’anglais.
Malgré la représentation peu valorisante que je m’étais faite de la profession d’enseignant
dans une société où les sciences exactes et les métiers bien payés sont les mieux vus, j’ai
adoré mon métier. Il m’a permis de partager mes connaissances, d’être en contact avec
beaucoup de gens, de voyager, de connaître d’autres cultures, d’être plus tolérante avec
les autres et avec moi-même. C’est donc avant tout le côté très humain de cette profession
qui m’a fait tomber amoureuse de l’enseignement.
Motivée par le fait de reprendre contact avec la langue française grâce à un contrat
d’assistante d’espagnol à Paris, j’ai décidé de me remettre aux études. J’ai envoyé ma
candidature pour la maîtrise de Français Langue Etrangère (FLE) et pour la maîtrise de
Lettres Modernes. J’ai été acceptée par les deux départements mais mon choix avait était
fait longtemps auparavant : FLE. Le choix est dû au fait que dans cette maîtrise, les cours
sont assez nombreux et très variés. Mon objectif était de me replonger dans un éventail de
domaines pour pouvoir choisir un sujet de DEA qui corresponde à mes attentes.
2
I. ANTHROPOLOGIE
CULTURELLE DE LA FRANCE
3
ANTHROPOLOGIE CULTURELLE ET COMPREHENSION DE L’AUTRE
Alex TESSONNEAU
L’objectif du cours d’Anthropologie était de nous initier à la réflexion sur l’homme, la
culture, la diversité culturelle et la compréhension de l’autre, concepts traités plus
spécifiquement par l’anthropologie culturelle. Après une approche historique rapide
concernant deux grands courants de pensée comme le sont l’évolutionnisme et le
diffusionnisme, nous nous sommes lancés à la découverte de différentes cultures. C’est à
travers deux articles fournis par Madame Tessonneau et des exposés faits par les
étudiants que nous avons eu accès à une vision générale de quelques codes culturels de
certaines communautés.
Le cours s’est donc divisé en trois parties : un rapide historique de l’anthropologie et de
ses problématiques, l’analyse des traits culturels de la communauté des Peuls en Afrique
et des cafés provençaux en France, et enfin les exposés des étudiants concernant des
codes (de politesse, vestimentaires, culinaires, musicaux, etc.) spécifiques à une
communauté particulière.
L’anthropologie, étude de l’homme et des différences entre les sociétés et les cultures, est
une science jeune mais avec des origines très anciennes. Dans des récits comme ceux du
Général Chang Kieng, de Platon, d’Aristote et d’Hérodote, des questions telles que la
découverte des sociétés, les emprunts culturels, l’influence du milieu sur l’homme et les
divergences entre des communautés, ont été abordées. On peut aussi se référer à
l’Antiquité, où la question de l’altérité a été réduite à la dualité « identique » ou
« différent » ; tous ceux qui n’étaient pas Grecs étant désignés comme « barbares »1. La
découverte de l’Amérique, ou génocide de l’Amérique, exemple inoubliable, a démontré
l’importance de la question de l’altérité2. La constatation des différences entre les cultures
ne mène à rien sans une véritable compréhension et un respect de l’Autre.
1 La civilisation occidentale a préféré le terme sauvage. 2 TODOROV, T. (1982)
4
C’est à travers l’observation des peuples et la prise de notes (travail de l’ethnographe)
ainsi que la description et interprétation des traits culturels3 (travail de l’ethnologue) que
l’anthropologie a trouvé ses bases théoriques. L’évolutionnisme (fin du 19e – début 20e),
basé sur l’évolutionnisme biologique (darwinisme, lamarckisme), traite l’évolution de
l’humanité en faisant des comparaisons entre les races comme on l’a fait avec l’évolution
des espèces. L’espèce humaine suivrait donc une évolution linéaire que des auteurs
comme Gustave Klemm, Johannes Jacob Bachoffen, Lewis Morgan et d’autres ont
essayé de décrire : en gros, tous les groupes culturels traverseraient les mêmes étapes
dans les domaines politiques, religieux, économiques, parentaux, etc. D’où des idées
comme celles de « sociétés passives » vs. « actives », « sauvagerie » vs. « civilisation »,
« sociétés inférieures » vs. « supérieures », etc. Cette forme de rationalisation a conduit à
un refus et à une minimalisation des faits culturels et des sociétés, qui étaient « mesurés »
par les sociétés dites « supérieures »4. Il s’agissait donc d’analyser toutes les cultures au
travers du même « microscope » pour établir dans quel moment de l’unilinéarité humaine
se trouvait chaque société.
A partir du début du 20e siècle et particulièrement avec le courant culturaliste américain
dirigé par Franz Boas (1858 – 1942), naquit le diffusionnisme. Ce nouveau courant s’est
intéressé au problème du développement des sociétés et des cultures en montrant les
limites d’une démarche anthropologique comparatiste qui risquerait de mépriser les
spécificités culturelles. Le diffusionnisme a exploré la diversité culturelle (niée par
l’évolutionnisme), la propagation des traits culturels, les méthodes d’observation et
d’analyse sans ambiguïtés communicationnelles grâce à l’apprentissage des langues des
communautés observées. Tout cela a permis d’analyser le développement des sociétés (ni
linéaire ni statique) et de mettre en valeur les faits culturels qui ne peuvent être analysés
qu’au sein de la communauté où ils se produisent. C’est ainsi que la notion de relativisme
culturel, qui dit que chaque élément culturel ne doit être considéré qu’en rapport avec la
culture dont il fait partie, est apparue. Quant aux similitudes des traits dans des sociétés
différentes, le diffusionnisme a constaté que bien qu’ils puissent être issus d’emprunts,
les mêmes traits peuvent aussi être inventés en divers endroits à différents moments. En
3 Ces observations se caractérisaient par le relevé de différences et la recherche de l’exotisme. 4 Il ne faut pas oublier la méconnaissance des langues des peuples observés par les ethnographes à cette époque.
5
somme, le courant diffusionniste a refusé les généralisations sur les cultures pour prendre
en compte les processus dynamiques internes de chaque société. Cette démarche a permis
de constater que l‘humanité n’évolue pas dans un sens unique et qu’aucune culture n’est
isolée mais toujours en contact avec d’autres. Cette mise en contact entre cultures peut
entraîner des changements et une certaine acculturation.
C’est dans cet esprit d’observation participante que s’inscrit l’hypothèse de Sapir-Whorf5,
qui affirme que le langage est en relation causale avec le système de représentation de la
réalité et que chaque langue découpe cette réalité selon sa manière qui affecte aussi bien
le lexique que la morphologie ou la syntaxe. On voit bien dans cette hypothèse un
relativisme de la perception environnemental programmé par la langue : elle joue le rôle
de « grille de perception » par laquelle nous connaissons le monde.
Mais la langue n’est qu’une des manières d’exprimer son appartenance culturelle. C’est
pour cela que, suite à l’information théorique, nous sommes passés aux exposés portant
sur d’autres formes de codification culturelle telles que des rituels, des règles de
comportement et des façons de faire qui permettent à un individu de s’identifier à un
groupe social. Cela explique la grande variété de communautés et de codes qui ont fait
l’objet d’étude dans le cours.
A l’aide des articles fournis par Madame Tessonneau, nous avons commencé à voir des
rituels codifiés de deux communautés : la salutation peule en Afrique occidentale et les
cafés des hommes en Provence. La salutation peule, particulièrement longue et d’intérêt
religieux, social et psychologique pour les membres de cette communauté, est un acte de
vie et d’espoir qui maintient les valeurs du groupe en même temps qu’elle harmonise la
vie quotidienne. Les cafés des hommes en Provence, espaces intermédiaires entre les
foyers et l’extérieur, sont des lieux où les thèmes de conversation, les manières de boire
et d’être, les espaces, les gestes et même les vêtements sont hautement ritualisés. Cette
codification permet de désigner qui appartient ou non au groupe social.
Les étudiants ont commencé leurs exposés par la couleur, sa symbolique et l’idée de pur
et impur en fonction de l’idéologie de l’époque. Puis on a abordé des codes
vestimentaires tels que le kilt en Ecosse, la tenue des geishas au Japon et les masques
5 Linguistes américains du début du XXème siècle.
6
mayas au Mexique. L’activité chamanique a été présentée avec les communautés
indigènes en Sibérie et en Amérique latine. On a aussi étudié les différentes façons de
parler le français en fonction de l’appartenance sociale : la langue parlée par les jeunes de
banlieue, celle de la société bourgeoise. Un exposé sur la gestuelle des Italiens nous a fait
prendre conscience de la place de la kinésique et de la proxémique dans différentes
communautés et du fait que ces codes ne peuvent pas être interprétés comme universels.
Le rapport homme-femme a été présenté à travers le tatouage en Polynésie, les codes de
circulation dans la société kabyle et le port du voile. Les fêtes traditionnelles tels que les
mariages (en Chine et en Bulgarie), le carnaval (Guyane), la fête de Noël (Pologne), la
cérémonie du thé (Japon), ont permis de voir l’importance accordée aux traditions et à
leur transmission de génération en génération.
Pour mon exposé, j’ai choisi une communauté indigène de la Colombie, les Goajiros.
Cette communauté, « connue » à cause des conflits de territoire avec une multinationale
pétrolière, exerce une activité chamanique importante à laquelle je me suis intéressée. A
mon propre étonnement, l’activité chamanique est exercée dans un très grand nombre de
communautés dans le monde entier et donc mon envie de présenter un sujet peu traité
s’avéra peu extraordinaire.
En effet, le chamanisme est par excellence un phénomène religieux sibérien et central-
asiatique. Depuis le début du siècle, les ethnologues ont pris l’habitude d’utiliser
indifféremment les termes de chaman, medicine-man, sorcier ou magicien, pour désigner
certains individus doués de prestiges magico-religieux. Aussi, les pratiques chamaniques
attestées dans certaines sociétés « primitives » comme la communauté goajiro ne sont pas
l’exception. Cette pratique est une expérience extatique tenue pour expérience religieuse,
dont le grand maître de l’extase est le chaman. C’est pourquoi la définition première de
chamanisme sera technique de l’extase. Le chamanisme est l’un de grands systèmes
imaginés par l’homme pour expliquer, soulager ou prévenir l’infortune. Et le rêve, lié à la
maladie et à la mort, lui est étroitement associé.
Dans nombre de sociétés à tradition orale, les individus vivent dans un cosmos divisé en
deux espaces : ce monde-ci et le monde autre, qui est la représentation du surnaturel et du
sacré. Seul le chaman a la capacité de relier ces mondes à travers un état psychique non-
7
ordinaire à l’aide duquel il peut communiquer avec le monde autre (projection de ce
monde-ci). Le chaman est le grand spécialiste de l’âme humaine : lui seul la « voit » car il
connaît sa « forme » et sa destinée.6
Pour les Goajiro, l’âme (principe spirituel de l’homme) est dans l’essence de tous les
êtres et de toutes les choses : ce sont les hommes, vivants ou morts, qui gèrent tout, y
compris les phénomènes climatiques, les maladies et la mort. La vie terrestre est marquée
par la présence des morts qui viennent du monde autre auquel le seul à pouvoir accéder
serait le chaman (généralement des femmes7). Vu l’importance de l’influence du monde
autre dans ce monde-ci dans la communauté goajiro, nous pouvons aussi saisir le rôle du
chaman : il est la connexion entre les différents cycles de « vie » d’un Goajiro. A travers
l’activité chamanique chez les Goajiro, nous avons un exemple d’une communauté avec
une vision anthropocentrique, c'est-à-dire, une communauté dans laquelle l’homme est le
centre du monde et dans laquelle il est à la base de tous les évènements, jusqu’aux
phénomènes naturels tels que la mort, le climat, etc.
Grâce au grand échantillon d’exposés dans ce cours, nous avons vu qu’il existe des rituels
très codifiés dans les différentes communautés du monde entier et que, pour arriver à les
comprendre, il faut commencer par les décrire et les expliquer. Ne pas savoir expliquer la
symbolique d’une communauté ne veut pas pour autant dire qu’elle n’existe pas. Mais la
décrire et l’expliquer ne veut pas dire non plus que l’on comprend et accepte la façon de
faire d’autrui.
Avant le 17ème siècle (et même après à travers la colonisation), la dualité
civilisation/barbarie était imposée par des groupes sociaux dominants avec un grand
sentiment de supériorité. Aujourd’hui, grâce aux progrès scientifiques et philosophiques,
les spécificités des cultures (manières de faire, de dire, d’être, coutumes, valeurs, langue,
histoire, arts) des peuples sont mieux appréciées. On ne cherche plus à juger d’emblée
mais à comprendre l’altérité. Malheureusement, des faits d’actualité nous démontrent
qu’il y a toujours un long chemin à faire.
6 PERRIN, M. (1992)7 La participation de la femme dans l’activité chamanique est assez réduite selon M. Eliade et reste donc un phénomène intéressant dans la communauté goajiro.
8
Ce cours d’Anthropologie m’a permis d’enrichir mes connaissances générales et m’a
donné des bases pour savoir comment transmettre l’idée de culture et de civilisation en
classe de FLE, en ne tombant pas dans le préjugé, en relativisant les idées que l’on croit
être universelles et en ne laissant pas de place à l’implicite.
9
BIBLIOGRAPHIE
ABDALLAH-PRETCEILLE, M. (1999). L’éducation interculturelle. Paris : PUF.
AUGE, M. (1979). Symbole, fonction, histoire. Les interrogations de l’anthropologie. Paris : Hachette.
BASTIDE, R. (1971). Anthropologie appliquée. Paris : Payot.
DUFOUR, A-H. (1989). « Café des hommes en Provence ». In : Terrain, carnets du patrimoine ethnologique, No. 13. Paris : Mission du patrimoine ethnologique.
ELIADE, M. (1968). Le chamanisme et les techniques archaïques de l’extase. Paris : Payot.
LABATUT, R. (1989). « De la salutation peule ». In : Graines de parole. Paris : CNRS.
LEVI-STRAUSS, C. (1952). Race et histoire. Paris : Unesco.
MAUSS, M. (1950). Sociologie et anthropologie. Paris : PUF.
PERRIN, M. (1992). Les practiciens du rêve. Paris : PUF.
RIVIERE, C. (1995). Introduction à l’anthropologie. Paris : Hachette.
TODOROV, T. (1982). La conquête de l’Amérique. Paris : Seuil.
10
ENSEIGNER LA CIVILISATION EN CLASSE DE FLECatherine CARLO
Ce cours de didactique a comme objectif principal de nous initier à la réflexion sur des
notions telles que « culture » et « civilisation ». Mais pour que ces deux termes ne restent
pas inopérants, la réflexion doit s’étendre à celle sur la diversité culturelle,
l’acculturation, l’interculturalité, l’altérité, etc. Bref, une réflexion sur la mise en contact
entre cultures car il ne faut pas oublier l’hétérogénéité des sociétés contemporaines. Pour
ce faire, c'est-à-dire, pour rendre les futurs enseignants de FLE plus conscients du rôle de
la civilisation dans l’enseignement d’une langue étrangère (LE), le cours s’est divisé en
trois parties : une phase théorique pendant laquelle nous avons analysé les notions qui
concernent la civilisation, une deuxième phase d’analyse de manuels de civilisation et
finalement la création d’un dossier consacré à un thème de civilisation française.
La composante culturelle dans la didactique des langues étrangères est composée de deux
notions fondamentales : culture et civilisation. Malgré le manque de clarté dans la
distinction entre ces deux notions, on peut toujours établir que la culture concerne
l’évolution et l’adaptation des individus et des groupes. En revanche, civilisation, terme
qui s’oppose à barbarie, relève d’une conception du temps et de l’espace, d’une aire
géographique, des institutions. Ce concept donne donc une idée de durabilité que la
culture n’a pas.
La composante culturelle est passée d’être un ensemble de savoirs (géographie, histoire,
art) à un ensemble de savoir-faire qui permettent de rendre l’apprenant plus conscient de
la culture de la langue cible mais aussi des spécificités de sa propre culture. Les savoirs
préalables ou préjugés que l’on peut porter sur une communauté ne permettent pas de
bien connaître cette communauté ou sa culture. Au contraire, ces préjugés nous font
tomber dans des simplifications ou généralisations : les stéréotypes. Ces derniers sont des
jugements indifférenciés selon lesquels tous les individus sont semblables sous un certain
aspect. C’est pourquoi pour objectiver l’image d’une communauté, il est indispensable de
reconnaître la diversité du pays en introduisant des variables telles que l’âge, la situation
économique, la profession, etc.
11
C’est dans cet esprit d’objectivation de l’étude de la civilisation qu’il a fallu faire des
emprunts à des sciences sociales telles que la sociologie, l’anthropologie, la sémiologie et
la psychologie sociale. Grâce à ces sciences sociales, il y a eu une sensibilisation de ce
que sont l’individualité, l’acculturation, la culture, le relativisme culturel,
l’interculturalité, le multiculturalisme, le métissage des cultures, entre autres. Ces notions
ont ouvert la réflexion sur les cultures et leur place au sein des autres cultures du monde
ouvert, sur le rapport à l’autre et sur la manière d’enseigner une culture
« objectivement ». C’est ainsi que la composante culturelle est devenue un moyen d’avoir
une perception culturelle plus riche.
Cette problématique de l’enseignement de la civilisation en classe de FLE a été abordée
en partie à travers des exposés concernant l’interculturalité, l’altérité, l’interaction, la
proxémique et la kinésique et ensuite à travers des discussions en profitant de la
multiculturalité vécue dans le cours. Mon exposé a porté sur le rapport à l’autre en
prenant l’exemple de La conquête de l’Amérique8. De cet exposé, je retiendrais les idées
suivantes :
L’auteur prend la conquête de l’Amérique comme exemple de la question de l’autre
car, faute de la vraie découverte d’autrui, cet événement est le plus grand génocide de
l’histoire de l’humanité.
L’auteur décrit la façon dont trois conquistadores, Colomb, Cortés et Las Casas, se
sont comportés lors de la rencontre avec autrui.
Colomb croit savoir à l’avance ce qu’il va découvrir. Il ne découvre pas l’Amérique,
il la trouve. En effet, il ne fait que trouver ce qu’il cherchait : le paradis terrestre.
C’est pour cela qu’il ne cherche pas à communiquer ou à s’informer. Il réduit l’Autre
à un statut d’objet.
Cortés pour sa part cherche à s’informer mais il ne reconnaît jamais l’Autre comme
sujet. Sa compréhension de l’Autre vise l’exploitation et la destruction.
Las Casas aime les Indiens mais il ne les connaît pas mieux que Cortés. Sa démarche
est idéaliste mais il réussit à améliorer leurs conditions. Il est cependant esclavagiste
avec les Noirs.
8 TODOROV, T. (1988)
12
L’auteur fait une typologie d’autrui. Le rapport à l’autre se constitue sur trois
dimensions : plan axiologique, plan praxéologique et plan épistémique. L’auteur
attribue un plan à chacun des conquistadores. Colomb base sa découverte de l’Autre
sur ses jugements de valeur (plan axiologique), Cortés base sa découverte sur un
résultat bénéfique pour lui et les siens (plan praxéologique) et Las Casas, malgré sa
méconnaissance des Indiens, base sa découverte sur la conviction qu’il connaît bien
leur « innocence » (plan épistémique).
A la fin, aucun des trois n’a une reconnaissance pleine de l’Autre en tant que sujet.
L’auteur finit pas conclure que la seule connaissance de l’Autre ne suffit pas pour le
comprendre et pour lui donner la reconnaissance qu’il mérite comme sujet.
Après les exposés, une analyse de manuels consacrés ou non à la civilisation a été faite à
l’aide d’une grille qui nous a permis de voir comment la civilisation était traitée dans les
méthodes de FLE : objectifs, progression, type de documents, type d’activités, public
visé, approche pédagogique, etc. Avec mon groupe, nous avons travaillé sur Campus 29
qui est une méthode de français général de niveau intermédiaire (100 heures pré requises)
et dont l’objectif principal n’est pas d’enseigner la civilisation. L’objectif culturel de cette
méthode est de « s’approprier des connaissances et des comportements culturels
nécessaires à la vie en France ». Le vocabulaire et la civilisation forment un seul
ensemble dans le tableau des contenus. Nous avons donc conclu que les contenus
culturels sont un prétexte dans cette méthode pour aborder le lexique mais que la
réflexion sur la diversité culturelle n’est pas vraiment traitée.
La théorie du début du cours et l’analyse des manuels nous ont beaucoup aidés lors de la
réalisation d’un dossier qui devait traiter un thème de civilisation française, sous forme
d’unité d’un manuel de civilisation. Cette unité devait traiter un sujet assez novateur,
incluant les différents points théoriques traités dans le cours. Pour la réalisation de ce
dossier destiné à un public avancé, adolescents ou adultes, j’ai travaillé avec Boun Kiet
Sengviengkham. L’objectif principal de notre dossier était d’amener les apprenants à
réfléchir aux représentations qu’ils ont de la France et de leur pays d’origine vu qu’une
9 GIRARDET, J. et PECHEUR, J. (2002)
13
démarche comparatiste est signifiante et permet d’entrer de plain pied dans la civilisation
de l’autre. Le sujet que nous avons choisi pour l’unité a été LE PARFUM car nous
pensons qu’il fait partie d’un des produits français les plus connus dans le monde. Nous
croyons aussi que son utilisation est stéréotypée et va de pair avec un autre stéréotype
dont sont victimes les Français : les odeurs. C’est pourquoi nous avons voulu rendre les
apprenants conscients des stéréotypes en leur montrant une évolution des représentations
du parfum comme produit et de son utilisation. Pour ce faire, nous avons utilisé des
documents authentiques variés tels que des extraits des textes littéraires, des publicités,
des plans, des caricatures, des extraits des journaux, des statistiques et autres.
Notre unité a été divisée en 6 parties dont chacune s’intéresse à un aspect différent du
même sujet : aspect historique, aspect économique, aspect sociologique, stéréotypes,
images et littérature. La progression ne va donc pas du simple au complexe mais vise une
logique dans le développement de chaque partie. Par exemple, dans le premier chapitre
Un besoin de se parfumer (aspect historique), nous avons suivi une progression
chronologique : Le Cro-Magnon et le parfum, trois siècles du parfum en France, la ville
de Grasse et Channel No. 5 : un parfum mythique. Au niveau des phases, pour chaque
exercice nous avons trois stades : pour commencer, un pas de plus et pour aller plus loin.
Dans Pour commencer, nous avons posé des questions de compréhension du document.
Dans Un pas de plus, il y a des questions d’interprétation du texte et d’opinion et dans
Pour aller plus loin nous avons cherché à ce que les apprenants réfléchissent par rapport
à leur propre culture. En conclusion, je pense que la réalisation de ce dossier a été plus
difficile que je ne l’imaginais car l’importance d’un bon choix des documents n’assure
pas la qualité des activités. Cependant, le résultat a été satisfaisant.
Ce cours m’a aidée à me rendre compte de l’importance de commencer à enseigner la
civilisation dès le début de l’apprentissage d’une langue étrangère. C’est absolument
nécessaire de lier la compétence linguistique avec la composante culturelle pour acquérir
une vraie compétence de communication en LE. Pour réussir, il faut prendre en compte
les savoirs préalables et les mobiliser en analysant la culture visée mais aussi sa propre
culture maternelle. La classe de langue est un lieu de complexification des
représentations culturelles, et ne pas en profiter serait une perte de temps pour éduquer sa
perception culturelle.
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BIBLIOGRAPHIE
ABDALLAH-PRETCEILLE, M. (1999). L’éducation interculturelle. Paris : PUF.
CAMILLIERI, C. (1989). Chocs de culture : concepts et enjeux pratiques de l’interculturel. Paris : Harmattan.
DUBOIS, J. ; et al. (2001). Dictionnaire de linguistique. Paris : Larousse.
GIRARDET, J. et PECHEUR, J. (2002). Campus 2. Paris : CLE International.
HALL, E.T. (1971). La dimension cachée. Paris : Seuil.
KRISTEVA, J. (1988). Etrangers à nous-mêmes. Paris : Fayard.
LEVI-STRAUSS, C. (1952). Race et histoire. Paris : Unesco.
PORCHER, L. ; et al. (1986). La civilisation. Paris : Didier.
TODOROV, T. (1988). La conquête de l’Amérique. La question de l’autre. Paris : Seuil.
ZARATE, G. (1986). Enseigner une culture étrangère. Paris : Hachette, collection F.
15
CONCLUSION
Le cours de « Anthropologie culturelle » et celui de « Enseigner la civilisation » forment
un ensemble dans le cursus de la maîtrise FLE. Dans cet ensemble il ne s’agit plus
d’acquérir des compétences linguistiques car elles ne suffisent pas dans une perspective
de communication. Il s’agit d’acquérir des compétences culturelles qui ne se réduisent
pas non plus à des savoirs sur l’art ou sur l’histoire.
Mais pourquoi est-ce que ces savoirs ne suffisent plus ? La langue et son enseignement
ont une grande importance grâce au besoin de compréhension internationale dans un
monde hétérogène où chaque individu est un métissage de cultures. Un individu muni de
connaissances linguistiques ou artistiques qui ne saurait pas laisser de côté ses préjugés
ne peut pas réussir dans la communication avec autrui. C’est pourquoi, dans les deux
cours, l’attention a été portée sur la mobilisation de « certitudes » qu’un individu croit
avoir vis-à-vis d’une culture, d’une langue, d’une société, d’un autre individu ou de lui-
même.
Je trouve que ces deux cours sont complémentaires et absolument nécessaires lors de la
sélection des éléments culturels à enseigner mais aussi de la démarche à suivre avec un
public étranger. Et encore plus important, ces deux cours m’ont plongée dans une
ouverture sur l’altérité dont je profiterai aussi ailleurs que dans la salle de classe.
16
II. DIDACTIQUE DU FLE
17
METHODOLOGIE DU FLEGuy FEVE
Tracer un paronama des principales tendances et problématiques de la didactique actuelle
du Français Langue Etrangère et du Français Langue Seconde a été l’objectif principal de
ce cours. Cet objectif, de grande ampleur à cause des multiples variables prises en compte
dans ce domaine, a été atteint grâce à une réflexion individuelle et de groupe guidée par
les lectures et les discussions proposées par le professeur au cours du semestre. Ces
discussions, portant sur la langue, son apprentissage/enseignement et sur des manuels
pédagogiques, nous ont permis d’avoir une idée globale de ce qu’est la didactique des
langues étrangères, et plus spécifiquement du FLE. Le cours a donc été divisé en deux
parties : les exposés sur des articles concernant des questions méthodologiques du FLE et
les exposés sur des matériels pédagogiques comme des manuels ou des grammaires.
Nous avons commencé par définir ce qu’est une méthodologie : « analyse des méthodes
dans leurs finalités, leurs principes, leurs procédés et leurs techniques » ou « ensemble
des principes et des hypothèses qui sous-tend l’élaboration d’une méthode et qui alimente
la méthodologie en général, laquelle a pour objectif de remettre constamment sur le
chantier une doctrine capable de rendre l’enseignement de langues de plus en plus
efficace »10. Dans les deux cas, le concept de méthode, « un manuel ou un ensemble
pédagogique complet »11, est indispensable et dans ce cours les deux définitions ont été
prises en compte car nous avons analysé la théorie mais aussi les méthodes
d’enseignement du FLE.
La définition de méthodologie a ouvert un champ de travail très vaste et qui a été traité
sous forme de lecture de textes théoriques positionnant la didactique de FLE dans le
champ des sciences humaines. Suite aux lectures individuelles préparées à la maison, une
discussion portant sur les éléments principaux des articles a été menée en classe. Les
notions discutées dans un article se retrouvaient très souvent dans d’autres articles, ce qui
a permis de faire une analyse en profondeur de thèmes de réflexion tels que le langage, la
langue (maternelle, étrangère, seconde), le rôle des différentes sciences humaines dans la
10 DUCROT, O., et TODOROV, T. (1972) 11 Idem.
18
didactique des langues étrangères, la grammaire et la culture dans la didactique, et le
processus d’apprentissage d’une LE.
Pour parler de langue, il faut commencer par parler de la capacité spécifique à l’espèce
humaine de communiquer : le langage. Cette capacité n’est pas un ensemble structuré
d’habitudes du sujet parlant mais une relation entre un dispositif d’acquisition du
langage, le sujet parlant et la société. Le langage est inné, autonome et indépendant et sa
caractéristique principale est la créativité.12 Cette caractéristique du langage a parfois été
« oubliée » par des courants pédagogiques tels que la méthode audio-orale qui pensait
l’acquisition d’une langue comme un processus mécanique de formation d’automatismes.
Ce courant a trouvé ses bases dans la psychologie behavioriste et dans sa notion de
stimulus – réponse - renforcement.13
L’incapacité des sciences adjacentes pour établir une vraie technologie de l’enseignement
des langues a été rejetée par Chomsky qui croyait que ni la linguistique ni la psychologie
n’avaient les connaissances théoriques pour servir de base à la didactique des langues.
Cependant il faut savoir que la psychologie et la linguistique ont donné à la didactique
des langues des notions fondamentales pour une étude plus scientifique14. Elles ont
permis de voir qu’une langue, instrument de communication, n’est pas acquise par la
seule maîtrise des éléments linguistiques. Les fonctions telles que référentielle,
expressive, phatique, conative et poétique aident le sujet parlant à répondre aux besoins
langagiers qu’il doit remplir15. La psycholinguistique, pour être plus spécifique, a aidé à
décrire le fonctionnement du sujet humain dans ses divers actes de parole en prenant en
compte les énoncés et les intentions énonciatives. Cette approche fonctionnaliste a lié le
langage à d’autres fonctions cognitives. Grâce à cela, le sujet apprenant a cessé d’être vu
comme tabula rasa, c'est-à-dire un apprenant dépourvu de toutes les connaissances
linguistiques et des savoirs communicationnels, ce qui a empêché pendant longtemps
l’apprenant d’adopter une attitude créative face à la langue cible et à son apprentissage.
De son côté, la « psychologie populaire » 16, système par lequel nous organisons notre
expérience du monde social, a rappelé l’importance de l’enseignement de la composante
12 CHOMSKY, N. (1966, 1972 trad.fr.)13 GAONAC’H, D. (1982) 14 ROULET, E. (1976)15 JAKOBSON, R. (1963) 16 BRUNER, J. (1991)
19
culturelle. Lors de l’apprentissage d’une LE, le système de représentations du monde,
acquis lors de l’acquisition de la langue maternelle, doit se mobiliser. L’homme et ses
énoncés sont modelés par ses intentions qui sont à la fois un reflet de tous les systèmes
symboliques de sa culture. Il faut être conscient des divergences entre les systèmes
culturels pour arriver à expliciter l’implicite.
A côté de l’importance de la civilisation dans la didactique de FLE, il est bien
évidemment indispensable de parler de la grammaire. Malgré sa grande importance dans
la classe de langue, le savoir grammatical, selon Besse et Porquier17, n’offre pas en soi
des solutions définitives à l’apprentissage d’une LE. Ce sont les apprenants et leurs
propres grammaires internes qui organisent les processus d’apprentissage et qui forment
une auto-structuration de la langue. Cette structuration se fait à travers des mécanismes
de perception, de traitement, de stockage, de production et de compréhension.
L’apprenant construit des règles provisoires (interlangue) à partir de la découverte et de
l’expérimentation.
Comme je l’ai dit auparavant, ce cours de méthodologie s’est divisé en une partie
théorique et une partie pratique. Dans la partie théorique, les exposés des étudiants ont
porté sur des sujets variés liés à l’apprentissage/enseignement des langues. En compagnie
de Marion Robert, j’ai travaillé sur l’article « Apprendre une langue seconde ou continuer
à apprendre à parler en apprenant une langue seconde ? »18. Cet article nous a menées à
des réflexions sur :
- Le rôle du psycholinguiste ;
- Les intérêts de la psycholinguistique ;
- La différence entre apprendre la langue et le langage ;
- La situation d’apprentissage comme facteur d’opposition entre L1 et L2 ;
- La diversité fonctionnelle de l’activité langagière en L1 et L2, entre autres.
Le deuxième exposé a porté sur des manuels de FLE ou sur des grammaires. Cette
présentation consistait à parler des objectifs linguistiques, pédagogiques et culturels visés,
du type d’apprenants auxquels le manuel ou la grammaire était destiné, et de l’approche
17 BESSE, H. et PORQUIER, R. (1984)18 BAUTIER-CASTAING, E. et HEBRARD, J. (1980)
20
méthodologique privilégié. Puis nous devions faire une analyse générale en regardant de
plus près les thèmes abordés et les documents utilisés pour ensuite passer à une analyse
plus détaillée d’un chapitre : documents, niveau de langue, relations texte/image, etc. A la
fin, nous devions faire une critique argumentée du texte analysé.
Marion Robert et moi avons travaillé sur un manuel de phonétique : Bien reçu19. Ce
manuel favorise la discrimination des sons sans rendre l’étudiant vraiment conscient de la
compréhension des énoncés. Les exercices de répétition sont inexistants. En revanche, on
y trouve des exercices structuraux relevant plutôt de la grammaire malgré l’objectif
principal du manuel : faire pratiquer la phonétique aux étudiants. On trouve tout au long
du manuel le même schéma, ce qui nous a paru monotone pour les étudiants.
L’ensemble d’exposés d’analyse de manuels nous a permis de porter un regard critique
sur l’organisation des manuels et sur la construction des exercices en nous appuyant sur
les principes étudiés à travers des lectures.
En conclusion, ce qui me semble le plus important à retenir de ce cours c’est que la
langue étrangère ne doit pas rester une discipline d’éducation ou d’analyse. Elle doit
devenir un outil de socialisation, un moyen d’apprentissage des valeurs d’un groupe.
Je peux dire que ce cours m’a donné une vision très globale de la didactique des langues,
vision qui aurait pu être plus utile si je l’avais suivi au premier semestre. Ce cours est le
point de croisement de tous les EC de la maîtrise.
19 BLANC, CARTIER, LEDERLIN. (1987)
21
BIBLIOGRAPHIE
BAUTIER-CASTAING, E. et HEBRARD, J. (1980). « Apprendre une langue seconde ou continuer à apprendre à parler en apprenant une langue seconde ? Une réponse psycholinguistique ». In : Lignes de force du renouveau actuel en D.L.E. CLE Int.
BESSE, H. et PORQUIER, R. (1984). Grammaire et didactique des langues. Paris : Hatier.
BLANC, CARTIER, LEDERLIN. (1987). Bien reçu. Paris: CLE Int.
BRUNER, J. (1991). « La psychologie populaire est un instrument de la culture ». In: …car la culture donne forme à l’esprit – de la révolution cognitive à la psychologie culturelle. Paris : ESCHEL.
CHOMSKY, N. (1966, 1972 trad. fr.). « Théorie linguistique ». In : Le français dans le monde No. 88.
DUCROT, O. et TODOROV, T. (1972). Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage. Paris : Seuil.
GAONAC’H, D. (1982). « Psychologie cognitive et approche communicative en didactique des langues étrangères ». In : R.P.A., 61-62-63.
JAKOBSON, R. (1963). Essais de linguistique générale. Paris : Editions de Minuit.
ROULET, E. (1976). « L’apport des sciences du langage ». In : ELA, No. 2.
22
DIDACTIQUE DE LA GRAMMAIRESylvie POISSON - QUINTON
L’objectif de cet EC de didactique était de rendre les futurs enseignants de FLE
conscients du rôle qu’occupe la grammaire lors de l’apprentissage/enseignement en
milieu institutionnel. Cette prise de conscience est devenue de plus en plus complexe
lorsque nous avons analysé les variables qui y interviennent : choix méthodologique,
notion de norme (faute - variation), progression de l’enseignement et de l’apprentissage,
rôle du métalangage, type d’exercices, manuel, etc. Pour atteindre cet objectif si vaste, le
cours était divisé en trois grands moments : une première partie de réflexion théorique,
une deuxième partie d’analyse de grammaires pédagogiques et de manuels de FLE, et une
dernière partie pratique d’analyse d’un point grammatical dans des grammaires
descriptives, pédagogiques et dans des manuels de langue. Ce cours nous a donc permis
de participer à une grande variété d’activités pendant le semestre, à savoir discussions de
groupe, exposés oraux et dossiers écrits.
En partant d’une définition étymologique (Gramma : lettre) et historique (grimoire, livre
de règles du « bien parler », livre de l’usage de la langue, étude systématique des
éléments d’une langue, etc.) de ce qu’est la grammaire, nous sommes arrivés aux
questions qui préoccupent actuellement, et depuis de nombreuses années, les
grammairiens, les didacticiens et les linguistes :
Quel est le rôle de la grammaire dans la classe de LE ? Doit-elle être explicite ou
implicite ?
La classe de LE peut-elle vraiment influencer la grammaire interne de l’apprenant
ou celle-ci est-elle indépendante de la progression d’enseignement ?
Faut-il accepter des énoncés agrammaticaux mais compréhensibles ? Où s’établit
la limite de la norme ? Où donc naît la faute ?
Les exercices en classe de LE sont-ils des moyens adéquats pour permettre à
l’apprenant d’intérioriser la grammaire de la langue cible ?
23
L’importance de la grammaire20 en classe de LE est inéluctable quelle que soit la LE
enseignée. Il est moins évident de définir si elle doit devenir le fil conducteur de
l’enseignement ou si elle doit être présentée par le biais d’une information
métalinguistique (grammaire explicite) ou par une manipulation systématique d’énoncés
(grammaire implicite). A ce sujet, les différentes méthodes d’enseignement des LEs ont
déjà fait le tour des possibilités : mises au point explicites et explicatives pour favoriser
l’intériorisation des régularités, quasi-interdiction du métalangage, explications
réductionnistes, etc. Mais, y a-t-il réellement une seule façon de faire ? Dans cet EC, nous
avons discuté le fait que les locuteurs de certaines langues maternelles sont plus
« grammaticalisés » que d’autres. Tel est l’exemple des Polonais pour qui le mot adjectif
ne poserait aucun problème. Ce n’est pas le cas des hispanophones (Colombiens) qui sont
perdus lors de la moindre référence au métalangage. Tout dépend donc du public et de
l’objectif du cours. Si c’est un cours de grammaire, la grammaire sera naturellement
omniprésente. Si par contre il s’agit d’un cours « général » de LE, les choix restent plus
flexibles et ce sera au professeur de « doser » la grammaire en fonction de l’utilité et des
finalités qu’il lui attribue : pour évaluer les étudiants, pour maîtriser la langue, pour
apprendre à raisonner, etc.
L’un des points les plus intéressants parmi ceux que nous avons analysés concerne la
grammaire interne ou grammaire d’apprentissage. Celle-ci est « la grammaire intérieure
élaborée par l’apprenant aux différents moments de son apprentissage »,21 c'est-à-dire
qu’elle s’actualise tout au long du parcours acquisitionnel. Lors de
l’apprentissage/enseignement d’une LE, la manifestation de cette grammaire interne joue
un rôle essentiel dans l’itinéraire et dans l’organisation des contenus (notion de
progression). Elle permet à tous les deux, apprenant et enseignant, de prendre conscience
des progrès faits ou non par l’apprenant. C’est à ce moment-là que l’on voit un décalage
entre la progression d’enseignement (données de l’input) et la progression
d’apprentissage (intake) à travers la production (output). Ceci nous montre que les
apprenants ne suivent pas la progression prévue par l’enseignant et qu’elle n’est pas
prévisible car elle change d’un apprenant à l’autre en fonction de différents facteurs tels
20 Surtout la grammaire de référence qui renvoie aux régularités de la langue.21 BESSE, H. et PORQUIER, R. (1984)
24
que le rythme d’apprentissage personnel, la progression des autres (co-apprentissage), les
besoins communicationnels (surtout dans l’apprentissage mixte), etc.
Il faut préciser que cette prise en compte de l’apprenant est relativement récente en
didactique des LEs. Des apports comme celui de la signification des erreurs des
apprenants (Corder)22 et de la pragmatique (Austin)23 ont permis d’adopter un point de
vue différent dans la façon de considérer la langue et son application en didactique. Au
niveau de la progression, si auparavant l’épine dorsale était la grammaire, l’objectif de
progression est maintenant plutôt communicatif. Or, la question de l’organisation des
contenus, qu’ils soient linguistiques ou communicatifs, reste toujours non résolue.
Comme je viens de le dire, la grammaire interne se manifeste et cette manifestation prend
forme à travers les productions des apprenants. Corder a essayé de donner une valeur
nouvelle aux erreurs des apprenants en ne se limitant pas à l’écart entre la forme attendue
et la forme produite mais en faisant des hypothèses sur le stade du parcours acquisitionnel
de l’apprenant. Cette nouvelle façon de considérer les erreurs s’éloigne de la norme
évaluative puriste et unique (norme subjective) en acceptant que les apprenants soient
soumis à une « évolution » lors de l’apprentissage de LE. Mais ce n’est pas la première
fois que l’on a analysé les fautes. Frei24 a analysé les fautes en LM en argumentant
qu’elles étaient le résultat d’un manque dans la langue elle-même et qu’elles
correspondaient donc à des besoins (besoin de clarté, de différenciation, d’expressivité,
etc.). Pour les LEs, on est passé de la simple constatation et correction de l’erreur à une
analyse d’erreur qui consiste en une analyse de la faute et de son origine et puis en une
possible remédiation. Outre la prise en compte des fautes comme témoins du processus
d’acquisition en LE, la question se pose de l’acceptabilité des variations même en LM.
Toute langue est sujette à des variations dialectales, régionales, sociales et stylistiques qui
portent sur le lexique, la phonologie, la syntaxe et autres et qui rendent la langue tout
simplement vivante. Ces variations sont parfois agrammaticales mais acceptées par la
communauté qui les utilise. C’est pour cela qu’en LE on doit accepter la variation des
normes et faire des concessions, surtout dans l’enseignement à l’étranger où les
professeurs de LE tendent à oublier que les Français ne parlent pas comme Grévisse.
22 CORDER, P. (1980)23 AUSTIN. (1970)24 FREI, H. (1929)
25
La remédiation dont j’ai parlé dans le paragraphe précédent peut se faire à travers des
exercices qui ont normalement pour but de faire travailler un point linguistique
particulier. Ils sont censés entraîner l’apprenant d’une façon disciplinaire pour une
éventuelle intégration dans leur système linguistique interne. Mais une limitation surgit à
cause du manque de liberté dans les exercices puisque les réponses sont toujours, ou
presque toujours, contraintes : l’apprenant n’a pas d’autonomie langagière. C’est pour
cette raison que c’est au professeur de « jongler » pour essayer de rendre les différentes
activités de compréhension, de production et métalinguistiques plus liées à la réalité de
l’énonciateur.
La deuxième partie du cours portait sur l’analyse des grammaires pédagogiques et du rôle
de la grammaire dans des manuels de FLE. Au niveau de l’analyse des manuels, il fallait
tenir compte des objectifs, du public, de l’organisation générale, de la méthodologie, des
types d’exercices, de la progression, du métalangage, d’une éventuelle évaluation, etc.,
tout ceci pour avoir une vision globale. Pour une étude plus approfondi, nous avons
analysé une unité : la place de la grammaire, le choix des documents, les compétences
favorisées, etc. Grâce à ce travail, nous avons eu accès à des manuels comme C’est le
printemps, Panorama, Campus, Café crème, Forum, et nous avons pu comparer des
aspects comme l’importance de la grammaire dans les manuels, la méthodologie, la
progression, etc.
Il en va de même pour l’analyse des grammaires pédagogiques du FLE. Nous avons
analysé les objectifs, le public, ce qui les rendait ‘pédagogiques’, la lisibilité pour un
public étranger, l’organisation générale, l’organisation des chapitres, l’utilisation du
métalangage, la progression, l’originalité et l’éventuelle utilisation et recommandation
des grammaires comme la Grammaire utile du français, la Grammaire vivante du
français, la Grammaire pour l’enseignement/apprentissage du FLE et la Grammaire
expliquée du français.
J’ai présenté la Grammaire expliquée du français (GEF) niveau intermédiaire avec les
commentaires des choix d’une des auteurs : Mme. Poisson-Quinton. La GEF est une
grammaire de référence pour adultes et adolescents ayant étudié 150 heures de français
et s’adressant même aux enseignants, étant donné que les explications sont simples mais
26
complètes. Il y a un minimum nécessaire de métalangage qui est explicité dans un
glossaire. Ceci, augmenté par des explications simples et des exemples du quotidien, fait
de cette grammaire un outil lisible pour les apprenants étrangers. Elle est organisée en 8
chapitres allant des généralités de la langue française (prononciation, élision,
ponctuations, etc.) jusqu’à la grammaire du texte et les relations logico-temporelles.
Parmi les originalités de la GEF, je soulignerais les parties suivantes :
- Faisons le point : Vision synthétique de l’essentiel du chapitre.
- Pour aller plus loin : Explications sur des points grammaticaux plus approfondis.
- La marge : Elle contient des commentaires sur des erreurs fréquentes, sur les
spécificités du français parlé, sur de possibles confusions et des remarques en
général.
- Manières de dire : Expressions familières et idiomatiques.
Je trouve que cette grammaire est très claire, facile à manipuler et je la conseillerais aux
apprenants du FLE.
La mise en pratique des apports théoriques ainsi que les analyses des manuels et des
grammaires pédagogiques consistait en un dossier portant sur un point grammatical en
français. Dans un premier temps, nous avons regardé de près la façon dont le point
grammatical choisi était traité dans des grammaires descriptives, des grammaires
pédagogiques et des manuels. Puis nous avons créé des exercices (débutant,
intermédiaire, avancé) portant sur le point grammatical en question. Pour ce dossier, j’ai
travaillé avec Marion Robert et Boun Kiet Sengviengkahm. Nous avons choisi la place de
l’adverbe.
A priori, la place de l’adverbe dans une phrase semble évidente pour les francophones.
Néanmoins, en y regardant de plus près, nous nous sommes rendu compte de la
complexité de son emploi. Nous avons uniquement étudié la place qu’il peut occuper
dans une phrase, à savoir antéposition, interposition et postposition, places qui peuvent
modifier le sens de la phrase ainsi que de la base à laquelle ils sont attachés (verbe,
adjectif, adverbe).
Afin d’avoir une vision globale concernant ce sujet, nous avons consulté : la Grammaire
textuelle du français et la grammaire d’aujourd’hui (grammaires descriptives), la
27
Grammaire expliquée du français et la Grammaire progressive du français (grammaires
pédagogiques) et Campus 1, Junior 2, Junior 4 et la Grammaire progressive du français
pour adolescents (méthodes de FLE).
Nous avons constaté dans l’ensemble des ouvrages consultés qu’aucun d’entre eux n’est
exhaustif même si les grammaires descriptives restent, bien entendu, les plus complètes
en la matière. Les grammaires pédagogiques proposent une vision synthétique et pratique
alors que les manuels de FLE ne proposent que très peu de règles et d’exercices
concernant la place de l’adverbe. Le métalangage est abondamment utilisé dans les
grammaires descriptives, moyennement dans les grammaires pédagogiques et très peu
dans les manuels de FLE. Les grammaires descriptives s’adressent essentiellement à un
public francophone ainsi qu’aux enseignants pour un apport théorique nourri alors que les
grammaires pédagogiques leur offrent une base didactique plus concrète et pratique,
apportant une réponse rapide aux problèmes qui peuvent surgir. Cependant, les
apprenants de niveau avancé peuvent aussi s’appuyer sur ces grammaires pédagogiques.
Les manuels ne s’adressent, eux, qu’à un public d’apprenants avec un niveau donné. On
ne trouve des exercices (d’appropriation ou de ré-emploi) que dans les manuels et dans
certaines grammaires pédagogiques.
En résumé, ce cours de didactique nous a permis d’avoir une vision générale de la place
de la grammaire dans l’apprentissage d’une LE. J’ai pu conclure que la grammaire reste
jusqu’à aujourd’hui un fil conducteur lors de l’enseignement de LE en milieu guidé. Si un
jour on a cru à son autosuffisance, ce n’est plus le cas : la grammaire n’est pas exclusive.
Elle doit être accompagnée de beaucoup d’autres éléments et compétences car elle n’est
pas une finalité (à moins que l’on soit grammairien ou linguiste) mais un outil qui doit
aider l’apprenant dans la construction de son micro-système linguistique et
communicationnel.
28
BIBLIOGRAPHIE
ARRIVE, M., GADET, F., et GALMICHE, M. (1986). La grammaire d’aujourd’hui. Paris : Flammarion.
AUSTIN, J.L. (1970). Quand dire, c’est faire. Paris : Seuil. BESSE, H. et PORQUIER, R. (1984). Grammaires et didactique des langues. Paris : Crédif.
BUTZDACH, M., MARTIN, C., PASTOR, D., et SARACIBAR, I. (1998). Junior 2. Paris: CLE International.
BUTZDACH, M., MARTIN, C., PASTOR, D., et SARACIBAR, I. (2000). Junior 4. Paris: CLE International.
CORDER, P. (1980). « Que signifient les erreurs des apprenants ». In : Langages 57. Paris : Larousse.
FREI, H. (1929). Grammaire des fautes. Paris – Genève : Slatkine Reprints.
GIRARDET, J. et PECHEUR, J. (2000). Campus 1. Paris : CLE international.
GREGOIRE, M., et THIEVENAZ, O. (2000). Grammaire progressive du français, niveau intermédiaire. Paris : CLE International.
POISSON-QUINTON, S., MIMRAN, R., et LE CODIAC, M. (2002). Grammaire expliquée du français, niveau intermédiaire/avancé. Paris : CLE International.
VICHER, A. (2002). Grammaire progressive du français pour adolescents. Paris : CLE International.
WEINRICH, H. (1989). Grammaire textuelle du français. Paris : Didier/Hatier.
29
SITUATIONS PLURILINGUES ET COMMUNICATION EXOLINGUE
Pierre MARTINEZ
Les situations plurilingues, de plus en plus fréquentes dans un monde comme le nôtre,
sont des situations de communication où plus d’une langue (code) est utilisée pour
transmettre un message, les locuteurs en jeu n’ayant pas une maîtrise symétrique d’une
langue commune. Au moment où un seul code ne suffit pas pour formuler les énoncés et
donc pour faire passer le message, les interlocuteurs, autochtones ou étrangers, se voient
obligés de trouver des stratégies, linguistiques ou autres, pour réussir la communication.
Le système de la communication exolingue, qui se caractérise par une maîtrise du code
asymétrique, l’un des locuteurs ne parlant pas dans sa langue maternelle25, l’interaction
des locuteurs, leurs stratégies mais aussi les malentendus et leur gestion forment notre
centre d’intérêt dans ce cours.
Bien que les apports théoriques aient occupé une place principale au début du semestre,
c’est sur la pratique, les exposés des communications exolingues, que ma compréhension
des notions s’est mise en place. Le schéma de Jakobson26 qui nous a été fourni a servi de
base pour voir comment dans une situation de communication plusieurs dimensions
(linguistique, interactionnelle, socio-cognitive, politique, éducative)27 entrent en jeu. Le
bilinguisme demande une restructuration mentale (psycholinguistique) et
comportementale (sociolinguistique) de la part de l’apprenant et des stratégies
(compensatoires, d’ajustement, d’évitement) de la part du locuteur pour que la
communication ne soit pas un échec. Il faut rappeler que c’est dans la pratique sociale
que l’individu, être social, met en relation ses compétences linguistiques, cognitives et
interactionnelles.
L’ensemble de corpus analysés pendant ce cours nous a donné l’occasion de repérer les
différentes stratégies adoptées par les interlocuteurs dans une communication exolingue.
Ces stratégies dépendent du rôle que chaque locuteur acquiert selon sa maîtrise de la
25 PORQUIER, R. (1984) 26 JAKOBSON, R. (1963)27 MARTINEZ, P ET PEKAREK-DOEHLER, S. (2000)
30
langue. Avant tout, pour qu’il y ait un échange communicatif, le principe de coopération
joue un rôle principal. Mais est-ce que la coopération dans une communication exolingue
est supérieure à celle dans une communication « normale »? Probablement oui. Pour
réussir à transmettre les messages lors d’une communication exolingue, il faut un
investissement important de la part des interlocuteurs.
Les stratégies conversationnelles des locuteurs dépendent de leur rôle dans la situation de
communication. L’apprenant (ou locuteur) d’une langue étrangère, même s’il a une très
bonne maîtrise de la langue, peut ressentir une insécurité linguistique qui l’amènera à
éviter certaines structures de la langue, voire certains thèmes, ou à s’appuyer sur des
éléments non-linguistiques pour chercher à comprendre et se faire comprendre par son
interlocuteur. Si un seul code devient insuffisant pour transmettre le message,
l’alternance codique, utilisation d’au moins deux codes pendant l’échange communicatif,
devient une stratégie compensatoire du manque d’éléments dans la langue étrangère.
Comme pour les autochtones, la reformulation est une stratégie pour des locuteurs
étrangers ayant un niveau avancé d’interlangue28, c’est-à-dire, dont le système
intermédiaire de la langue est proche de celui des autochtones. Le xénolecte, langue
simplifiée en lexique, syntaxe et débit, et l’aide à l’expression sont les stratégies les plus
utilisées par les autochtones29, qui assument un rôle de « collaborateurs» de la
compréhension et de l’expression de l’autre.
Les malentendus, "double codage d’une même réalité par deux interlocuteurs différents"30
peuvent être d’ordre linguistique (morphosyntaxe, lexique, phonétique), discursif
(cohérence et cohésion) ou culturel (co-références et valeurs sémantiques des mots)31. Ils
ne sont donc pas nécessairement liés au code mais aussi à l’émetteur (encodage) ou au
récepteur (décodage). Quant à l’ajustement du malentendu, il peut être surmonté, de
manière individuelle ou réciproque, avec une pause métadiscursive (discours qui parle du
discours) ou non. Il peut aussi être laissé de côté, ce qui risque d’entraîner un échec dans
la communication.
28 SELINKER, L. (1972)29 NOYAU, C ET PORQUIER, R. (1984)30 HÉRÉDIA, C. (1986) 31 CAUSA, M. (1996)
31
Suite aux apports théoriques du début du semestre, les exposés de communications
exolingues, incluant si possible des malentendus et leur analyse, m’ont permis de
m’initier au travail de recherche et d’analyse de corpus. Cette tâche, qui paraissait simple
à accomplir, s’est avérée compliquée avec le temps : la création, l’enregistrement et
l’analyse d’une communication exolingue ont exigé beaucoup de travail pour les
étudiants. Il fallait créer une situation de communication exolingue dans laquelle il
pourrait y avoir un malentendu. Heureusement que l’on est à Paris et donc ce ne sont pas
les situations exolingues qui manquent. Malgré cela, ce n’est pas facile d’enregistrer sans
qu’au moins un des locuteurs soit au courant de l’enregistrement. Après l’enregistrement
net de la communication (il fallait faire écouter la communication en classe le jour de
l’exposé), on passait à la transcription. Cette partie a été une vraie découverte car qui
aurait imaginé que pour 4 minutes d’enregistrement il fallait travailler autant ! Puis il
fallait faire l’analyse des malentendus et leur gestion en proposant des hypothèses
concernant les locuteurs et leur façon de gérer un malentendu. L’ensemble du travail a été
présenté devant la classe en forme d’exposé. Il faut dire que le résultat a été satisfaisant:
une grande variété de situations, semi-authentiques ou artificielles, ont permis de voir,
dans le champ du jeu, la mise en place de la communication exolingue et de tous ses
éléments.
Le grand nombre de corpus incluant des locuteurs asiatiques a attiré mon attention du fait
que la politesse dans les langues asiatiques ne se situe pas à la même place que dans les
langues romanes : le fait de déclarer un point de vue contraire à celui de l’interlocuteur
est déjà une marque d’impolitesse. Il en va de même pour ce qui concerne l’intention des
locuteurs, le principe de coopération peut atteindre un niveau très élevé si celui-ci fait
partie des moyens pour convaincre l’interlocuteur de quelque chose, pour les vendeurs,
par exemple.
Le corpus que Camelia Tudose, Marie-Chantal Jean-Baptiste et moi avons présenté32 fait
partie de ces derniers. Nous avons fait un enregistrement artificiel (une des locutrices
était au courant de l’enregistrement et du malentendu qu’elle allait provoquer) dans un
magasin de vêtements à Saint-Denis. Nous sommes entrées dans le magasin pour
chercher une « veste » dans le sens roumain du terme (sans manches). Ceci a créé un
32 Voir annexe 1, pg. 113.
32
premier malentendu d’ordre socio-culturel (valeur sémantique attribuée aux mots) qui
nous a permis d’analyser le type de stratégies utilisées par la vendeuse, marocaine avec
un niveau quasi-natif en français. Deuxièmement, nous avons créé un malentendu
linguistique avec l’expression figée «prendre une veste» qui signifie subir un échec, pour
tenter de voir la notion de figuration33 appliquée. Cette notion implique l’action de ne
faire perdre la face à personne, y compris la personne qui parle. Nous avons conclu que la
vendeuse, en exerçant un grand principe de coopération, a essayé d’ajuster le premier
malentendu individuellement en appliquant la notion de figuration. Pour le deuxième
malentendu, l’ajustement a été réciproque avec une pause métadiscursive qui a fait perdre
la face à la vendeuse. Nous pensons que le grand principe de coopération de la vendeuse
peut être lié au fait que son travail est de vendre et donc elle a fait de son mieux pour
atteindre son but.
A la fin du semestre, deux activités ont eu lieu: le partiel de terminologie et la visite à
Expolangues34. Nous avons été vivement encouragés par le professeur à aller à cette
exposition où j’ai eu l’occasion d’assister à des conférences de différentes maisons
d’édition. Dans cet événement, le rôle du Français Langue Etrangère a été très important
et la conférence de Robert Galisson s’est révélée très intéressante pour rendre compte de
la place qu’occupe actuellement la recherche dans ce domaine.
Les apports théoriques, les exposés, le travail de recherche et l’analyse de corpus m’ont
aidée à être plus consciente de la pluralité des dimensions que doit prendre en compte un
locuteur lors d’une communication exolingue. Mais cette prise de conscience ne doit pas
rester limitée à des situations «naturelles» de plurilinguisme. La classe de langue est en
elle-même une situation authentique d’échange où les pratiques interactives devraient être
très répandues pour que les apprenants-locuteurs puissent développer non seulement leur
compétence linguistique mais aussi leurs stratégies discursives et interactionnelles.
33 GOFFMAN, E. (1974) 34 Expolangues, 21e édition, janvier - février, 2003, Paris.
33
BIBLIOGRAPHIE
CAUSA, M. (1996). « Les malentendus communicatifs dans les conversations exolingues ». In : French Language Studies 6: p. 23-29. Cambridge University Press.
GOFFMAN, E. (1974). Les rites d’interaction. Paris : Editions de Minuit.
HÉRÉDIA, C. (1986). « Incompréhensions et malentendus: étude d’interactions entre étrangers et autochtones ». In : Langue Française 71, pg. 48-69.
JAKOBSON, R. (1963). Essais de linguistique générale. Paris : Editions de Minuit.
MARTINEZ, P. (1996). La didactique des langues étrangères. Paris : PUF. Collection Que sais-je ?
MARTINEZ, P ET PEKAREK-DOEHLER, S. (2000). La notion de contacts de langues en didactique. Paris : ENS Editions.
NOYAU, C ET PORQUIER, R. (1984). Communiquer dans la langue de l’autre. Paris : P.U.V.
PORQUIER, R. (1984). « Communication exolingue et apprentissage des langues ». In : Encrages 3/17, pg. 17-47.
SELINKER, L. (1972). « Interlanguage ». In: International Review of Applied Linguistics 10, pg. 209-231.
34
CONCLUSION
Le cours de « Méthodologie du FLE » m’a permis d’avoir une vision globale des
méthodologies, des théories du langage et des composantes de l’enseignement du FLE
alors que le cours de « Didactique de la grammaire » était plus spécifique, comme son
nom l’indique. Je trouve que ces deux ECs, unis au cours de civilisation du premier
chapitre, forment un ensemble cohérent car ils donnent des éléments sur la composante
linguistique, la composante culturelle et les théories dont le futur professeur a besoin pour
transmettre les savoirs et les savoir-faire d’une langue. Je reste convaincue que la
meilleure façon d’enseigner une LE est de utiliser un peu de chaque théorie de
l’enseignement : méthode éclectique. Il est évident que pour pouvoir faire cela, le
professeur doit connaître les différentes théories, leurs avantages et leurs limitations afin
d’adapter les méthodes et sa pédagogie aux besoins de son public.
Le cours de « Situations plurilingues et communication exolingue » ne fait pas, à mon
avis, vraiment partie de ce module de didactique. C’est un cours d’analyse de la
communication qui sert aux linguistes pour esquisser des profils d’interactants et des
stratégies dont ils se servent pendant la communication exolingue. Cependant, le contenu
de ce cours pourrait être didactisé si l’on rend les apprenants conscients des différentes
formes de gestion de la communication à laquelle ils auront à faire face dans une
interaction réelle.
35
III. THEORIES LINGUISTIQUES,
DESCRIPTION DU FRANÇAIS,
COMMUNICATION
36
PRODUCTION LANGAGIEREMarzena WATOREK
Cet EC de théorie du langage s’est donné pour objectif d’examiner les différentes phases
de la production langagière pour ensuite comparer la production de tâches verbales
complexes des locuteurs natifs du français et des adultes apprenant le français. L’objectif
a été atteint à travers des données théoriques présentées par le professeur mais aussi par
les exposés des étudiants, ainsi que par l’analyse des transcriptions portant sur des tâches
diverses : descriptions spatiales, récits et autres. L’alternance de la partie théorique et de
la partie pratique nous a permis de mieux saisir les contenus du cours, qui s’est avéré
hautement abstrait mais toujours intéressant.
Nous avons abordé la production langagière dans une perspective psycholinguistique,
discipline qui analyse les processus permettant à un individu d’acquérir une langue et de
la mettre en œuvre. La mise en œuvre de la langue se manifeste au niveau de la
compréhension ou de la production. Le processus de production langagière mène à la
construction du discours allant de sa conceptualisation à sa formulation. La question qui
se pose à partir du modèle de Levelt (1982) est de savoir dans quelle mesure la
grammaire de la langue dans laquelle le locuteur produit son discours contraint la
conceptualisation du message.
Dans le cas d’une LE, la psycholinguistique s’intéresse aux différences entre des adultes
locuteurs natifs, des enfants locuteurs natifs et des apprenants adultes, tout ceci pour voir
comment le système cognitif déjà acquis affecte l’acquisition de LE par un adulte. Or, il
faut savoir que l’acquisition d’une LE par un adulte ne dépend pas exclusivement du
système cognitif ; la variabilité individuelle peut aussi dépendre du type de contact avec
des natifs, la durée du séjour dans le pays où la langue est parlée, l’attitude (motivation)
de l’apprenant et de ses besoins. Tout ceci va donner un résultat qui peut être :
- Niveau quasi-natif : C’est l’état final idéal qui se rapproche du niveau des
locuteurs natifs de la LC mais il est en réalité peu atteint ;
- Fossilisation : Arrêt du processus d’acquisition ;
37
- Régression : Perte de ce qu l’on a déjà acquis par manque de pratique ou contact.
Nous avons commencé par étudier le passage d’un événement extralinguistique non-
linéaire à un discours linéaire. Lorsqu’un locuteur a à raconter un événement comme un
accident dans la rue, par exemple, il doit résoudre le problème de linéarisation du
locuteur35. Les événements que l’on raconte sont des informations non organisées qu’il
faut trier, organiser et décider de l’ordre dans lequel elles vont être présentées dans le
discours (phase de conceptualisation). Ensuite, dans la phase de formulation, le locuteur
applique des règles de la langue pour donner à cette structure conceptuelle une structure
linguistique. Un discours comme le récit se base sur la chronologie des événements. Le
locuteur peut suivre l’ordre chronologique, à savoir l’ordre naturel des événements, ce
qui rend plus facile la linéarisation. En effet, les discours qui se basent sur un ordre
naturel sont plus faciles à organiser par le locuteur et à comprendre par l’interlocuteur,
étant donné que l’ordre naturel fait partie des connaissances mutuelles ou des expériences
prélinguistiques partagées. Le problème se pose pour d’autres types de discours dans
lesquels c’est au locuteur d’adopter une stratégie pour trouver un ‘ordre’. La description
spatiale est un exemple de ce type de discours. Dans ce cas, le locuteur doit donner un
ordre linéaire à une configuration spatiale dépourvue de toute structure linéaire inhérente.
En résumant, Levelt36 distingue trois phases principales : conceptualisation, formulation
et articulation. Le processus de conceptualisation, à savoir le choix d’information
« relevantes » et l’organisation de l’information donne lieu au message préverbal. Ce
message est ensuite encodé grammaticalement et phonologiquement (phase de
formulation). Le produit de la formulation, discours interne, doit être réalisé sur le plan
phonétique par l’appareil articulatoire (phase d’articulation) pour devenir un discours
externe.
Levelt considère que pour atteindre le but communicatif ou pour réguler
l’intercompréhension, le locuteur a besoin d’un système de contrôle permanent de la
production langagière. Il va le dénommer Speech Comprehension System (SCS). Le SCS
à accès à toutes les informations du locuteur, contrairement au locuteur qui ne connaît
que le discours externe. Le SCS compare le discours interne et le discours externe aux 35 LEVELT, W. J. M. (1981)36 LEVELT, W. J. M. (1989)
38
intentions communicatives et lorsqu’il détecte une non-conformité du discours, le
locuteur revient sur ses mots, reformule ou encore crée un nouvel énoncé. Ceci s’appelle
une reformulation et elle peut avoir lieu dans le cadre individuel ou interactionnel. Bange
et Kern37 préfèrent parler de régulation, c'est-à-dire, le « contrôle de l’adéquation des
stratégies aux buts, de l’ajustement du traitement aux exigences de la tâche ».
Après ce panorama complexe mais complet du processus de production langagière, nous
avons comparé les productions de locuteurs natifs du français et d’adultes apprenant le
français.
La structure de la langue dans laquelle s’exprime le locuteur affecte-t-elle la
conceptualisation ?
Qu’est-ce qui différencie le discours d’un locuteur natif adulte de celui d’un
apprenant avancé adulte ?
Ce sont les questions qui nous ont intéressés le plus et auxquelles nous avons essayé de
répondre en utilisant des dispositifs d’analyse spécifiques. Nous avons adopté le modèle
de la quœstio et du mouvement référentiel de Klein et Von Sttuterheim (1991) pour
analyser le discours.
La quœstio est une question globale explicite ou implicite à laquelle on répond un
discours cohérent. La quœstio est donc l’interprétation que le locuteur donne à la
consigne qui déclenche sa production. Selon l’interprétation de la quœstio, le discours
change. Par exemple, si nous avons une question-consigne comme « Où est
l’Opéra ? », nous avons la possibilité de répondre en faisant un discours descriptif si
la quœstio correspond à « Où est x ? » ou un discours instructionnel si la quœstio
correspond à « Comment faire pour arriver à X ? ». Tout cela dépend de la quœstio.
Ce type d’analyse permet de différencier la trame et l’arrière-plan du discours : ce qui
relève de la réponse directe à la quœstio constitue la trame discursive, des
informations complémentaires servent à étoffer la trame et font partie de l’arrière-
plan.
La quœstio permet d’assigner la structure topique – focus des énoncés de la trame. Le
focus est une spécification d’une information dans la gamme des possibilités ouvertes
37 BANGE, P. et KERN, S. (1995)
39
par la quœstio, c'est-à-dire, il comble un trou informationnel alors que le topique est
l’information, explicite ou implicite, déjà donnée par la quœstio. Par exemple, si la
quœstio du récit est « Qu’est-ce qui s’est passé pour P en T ? », le temps T et le
protagoniste P étant donnés, ces informations font partie du topique d’un énoncé de la
trame. En revanche, le procès (action, événement) effectué par le protagoniste fait
partie du focus de cet énoncé.
Le mouvement référentiel : Cette analyse permet de voir comment circule
l’information dans cinq domaines référentiels (temps, espace, entités, procès,
modalité) dans le discours. Autrement dit, comment la cohérence et la cohésion sont
maintenues ou changées. Par exemple, dans une phrase comme « Hier je suis partie à
la campagne. Aujourd’hui je vais au cinéma », l’entité (je) est maintenue.
A l’aide de ces dispositifs d’analyse, nous avons analysé des productions de locuteurs
natifs du français et d’apprenants du français portant spécialement sur la description
d’affiches (spatiale) et sur la description de films (récit). En nous basant sur les travaux
de Carroll et Von Sttuterheim (1997), nous avons conclu qu’il y a une grande influence
de la LM sur la conceptualisation et sur la formulation de la spatialité38. Par exemple,
pour la description spatiale, un anglophone va utiliser préposition + SN (In front of the
cafe there’s a fountain. Beside the fountain, there is…) alors qu’un germanophone va
donner priorité à la forme préposition + adverbe (Vor dem Cafe ist ein Brunnen ;
daneben ist ein Zeitung). Ceci s’explique par l’existence dans la langue allemande de
moyens linguistiques pour faire une description spatiale globale alors que la description
spatiale en anglais sera plutôt additive.
En raison des moyens linguistiques disponibles dans chaque langue, les locuteurs natifs
d’une langue vont privilégier une forme plutôt qu’une autre. Cette sensibilité de la
langue, cette intuition grammaticale reste un des éléments qui distinguent les locuteurs
natifs des apprenants avancés. Il en va de même pour ce qui concerne l’organisation
discursive. Un apprenant avancé segmente plus l’information, c'est-à-dire, produit plus
d’énoncés pour dire une chose et utilise moins d’expressions figées qu’un locuteur natif.
38 Voir l’acquisition de la spatialité, pg. 77.
40
Pour la validation de ce cours, les étudiants ont fait des exposés sur différents sujets de la
production langagière. Mon sujet consistait à analyser la cohésion dans le texte
argumentatif39, activité d’importance socio-pragmatique qui implique une tâche verbale
complexe et qui a comme objectif de faire valoir la supériorité du point de vue de
l’énonciateur à travers des justifications et non des explications. Arditty dégage la
quœstio du texte argumentatif, à savoir Quelle est l’attitude M de la source énonciative S
par rapport à l’objet de discours X ? L’auteur conclut que la mise en relation des
énoncés, la modalisation, les valeurs culturelles, l’implicite et le travail inférentiel sont
permanents dans le travail de construction de l’argumentation, dont l’élément le plus
important est la conclusion.
En résumé, ce cours m’a permis de déchiffrer ce que je considérais comme
indéchiffrable, le processus de la production langagière : processus très complexe qui
permet quand même d’en dégager des généralités. C’est un cours très abstrait dont
l’objectif n’aurait pas pu être atteint sans les bases théoriques et l’application pratique qui
nous ont mieux fait comprendre les enjeux de ce processus. Ce cours est très utile dans la
maîtrise de FLE étant donné qu’il permet de réaliser l’importance de la cohérence et de la
cohésion dans les discours oraux et dans les textes écrits. Il rejoint le propos de la
grammaire du texte étudiée dans le cours de descriptions grammaticales. Ce cours m’a
aussi permis de prendre conscience des différences entre les locuteurs natifs et les
apprenants avancés, ce qui s’est révélé très intéressant.
39 ARDITTY, J. (Sans date)
41
BIBLIOGRAPHIE
ARDITTY, J. (Sans date) Activité argumentative et langue étrangère. GRAL-PLAIR. Paris VIII.
BANGE, P., et KERN, S. (1995). Communication au Réseau Européen des Laboratoires sur l'Acquisition des Langues. "Quelques aspects de la gestion du discours en L1 et L2". Barcelone, Espagne. Mars.
CAROLL, M., et VON STUTTERHEIM, C. (1997). « Relations entre grammaticalisation et conceptualisation et implications sur l’acquisition d’une langue étrangère ». In : AILE 9, pg. 83-115.
CARON, J. (1989) Précis de psycholinguistique. Paris : PUF.
KLEIN, W. (1989) Acquisition de langue étrangère. Paris : A. Colin.
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LEVELT, W. J. M. (1981). “The speaker’s linearization problem”. In: Philological Transactions of the Royal Society of London, series B, n. 295, 305-315.
LEVELT, W. J. M. (1989). Speaking: from intention to articulation. Cambridge, Mass.: The MIT Press.
42
LEXIQUE ET GRAMMAIRE DU FRANÇAISRobert VIVES
Le cours de Lexique-Grammaire tire son nom des dictionnaires syntaxiques électroniques
élaborés par le LADL40, qui s’est donné pour objectif de faire une description
grammaticale du français allant au-delà de la description purement morphologique. Cette
description inclut le lexique, la syntaxe et le sens dans le cadre de la phrase simple, et non
des mots isolés41. D’où, donc, la source d’intérêt dans ce cours de faire un parallèle entre
la vision traditionnelle de la grammaire, à laquelle nous avons tous été confrontés, et cette
«nouvelle» démarche.
Pour accéder à une idée plus précise de ce qu’est la Grammaire, nous avons étudié des
termes tels que grammaires pédagogiques, descriptives, et d’apprentissage, qui montrent
que la Grammaire ne se compose pas seulement des règles dites «correctes» par
l’académie de la langue (grammaire normative). Cette précision nous a amenés ensuite à
voir que, dans la grammaire traditionnelle, le plus important était l’idée de phrase
(découpage entre sujet et prédicat, prédicat étant le verbe et ses compléments) et que cette
réflexion morpho-syntaxique n’était pas suffisante pour rendre compte de la productivité
du langage. Dans une interaction verbale, il faut prendre en compte l’énonciation : « acte
individuel de production, dans un contexte déterminé, ayant pour résultat un énoncé ».
Les énoncés sont des segments de la chaîne parlée courante qui trouvent leur valeur
sémantique dans le contexte. C’est ainsi que notre travail dans ce cours a commencé
avec la prise de conscience d’une nouvelle démarche méthodologique à l’aide d’un des
articles de Bronckart et Sznicer (1990) et d’une présentation du lexique-grammaire dans
l’article de Lamiroy (1998).
Une petite blague, une devinette ou des définitions de mots croisés au début de chaque
séance nous ont permis d’aborder chaque semaine l’analyse du découpage des phrases
simples en termes de lexique-grammaire. Cette démarche méthodologique (très
inductive) mobilisait l’attention des étudiants qui cherchaient le fil conducteur entre le
40 Laboratoire d’Automatique Documentaire et Linguistique41 LECLÈRE, C. (1990)
43
début de séance et le lexique-grammaire. Réfléchir, c’est ce que nous, les étudiants, avons
fait pendant ce cours ; nous n’étions pas des apprenants passifs. A l’aide des phrases
comme Le spectateur regarde le match, Le clocher regarde la pelouse, Cette affaire
regarde le directeur, nous avons commencé à voir la relation prédicat-arguments mais
c’est avec des phrases comme Marion désire partir, Marion est désireuse de partir et
Marion a le désir de partir que nous avons compris la nouvelle valeur du mot prédicat,
qui peut être le verbe, l’adjectif ou le nom, et dont dépendent des arguments puisque
«c’est le prédicat qui sélectionne la nature de ses arguments». Le prédicat plus ses
arguments essentiels (même s’ils sont effaçables) forment la phrase simple, qui peut
ensuite se transformer en phrases affirmatives, négatives, passives, ce qui ne change pas
la relation prédicat-arguments puisque ce qui est important, c’est le sens formé par les
relations sémantiques des éléments de la phrase.
Dans une phrase comme Le chat mange la souris, le verbe manger est le prédicat et il a
besoin de deux arguments: No V N1, quoique le deuxième puisse être effacé: Le chat
mange. Dans une phrase comme Luc est beau, c’est l’adjectif qui choisit les arguments:
No (non restreint) être beau. A ce moment là, le verbe être est un verbe support, c'est-à-
dire, qu’il ne choisit pas les arguments de la phrase. On peut aussi avoir des prédicats
nominaux comme dans la phrase Marie donne une punition à Didier, où punition est le
terme prédicatif vu qu’il choisit ses arguments: No (hum) Vsup Npréd. à N1 (hum). A ce
moment là, comme pour le verbe être dans la phrase adjectivale, le verbe donner n’est
qu’un verbe support puisqu’il ne sélectionne ni le schéma d’arguments ni leur
distribution42 et qu’il est pratiquement vide de sens.
Il faut dire que le prédicat restreint le type d’arguments qui l’accompagnent et on peut
même avoir des listes de termes qui peuvent occuper la place d’un argument d’un
prédicat donné : ce sont les classes d’objets. Au moment où l’on analyse un verbe comme
téléphoner, on peut bien voir le type de restrictions qu’il impose lors du choix de ses
arguments. Une phrase comme *Luc téléphone à sa voiture, est inacceptable dans un
discours standard43. Le verbe téléphoner restreint ses arguments à des noms humains:
No:hum téléphoner à N1:hum; Marie téléphone à Luc. S’il y a un complément d’objet,
c’est un complément phrastique : Luc téléphone qu’il viendra à Max. Mais le trait humain 42 VIVES, R. (1996)43 Il faut préciser que le lexique-grammaire rend compte de la langue standard et non du bon français.
44
est sémantique et les traits sémantiques ne suffisent pas pour déterminer les différents
types d’emplois de tous les prédicats. D’où l’intérêt des classes d’objets, qui se
définissent par relation avec les prédicats qui leur sont spécifiques44. Si l’on prend la
classe des noms de «vêtements», on peut bien voir l’utilisation d’un emploi des verbes
mettre, porter, changer de : Marie a mis une jupe. Dans cette phrase, la distribution des
arguments des verbes mettre, porter, changer de ne donne pas lieu à des ambiguïtés: No
(humain) mettre, porter, changer de N1 (vêtement). On peut donc voir que la distribution
d’arguments est étroitement liée au sens des prédicats appropriés en question.
Bien que les arguments dans les phrases que l’on vient d’analyser soient restreints par le
prédicat, ces phrases sont libres si l’on les compare avec les expressions figées. Celles-ci
sont des expressions « insécables », dont on ne peut isoler les éléments pour rendre
compte du sens. Si l’on prend une expression comme casser sa pipe pour signifier
mourir, l’entrée de cette expression dans les tables du lexique-grammaire ne peut être que
dans le cadre des expressions figées car on ne peut avoir que casser Possessif pipe. En
revanche, si l’on considère la distribution du verbe casser dans une phrase comme Luc a
cassé sa montre, on peut voir que No et N1 sont libres : No-hum/phrastique (concret)
casser N1 (concret). Grâce à cette différenciation, le lexique-grammaire et les classes
d’objets peuvent rendre compte de phrases qui donneraient lieu à des ambiguïtés du fait
que les mots peuvent désigner plusieurs choses.
Chaque verbe d’une langue a des caractéristiques très précises et on ne peut donc trouver
deux verbes qui aient les mêmes. Pour arriver à déterminer la grammaire d’une langue, il
faut d’abord observer les conditions d’apparition des mots, le contexte où ils se trouvent,
leur distribution et leur schéma d’arguments. Ce ne sont pas les mots qui s’adaptent aux
règles de la grammaire, ce sont les règles de lexique-grammaire qui rendent compte de la
vraie utilisation des mots et des structures de la langue à l’aide de la phrase simple qui est
«la seule unité manipulable pour caractériser un mot, que ce soit syntaxiquement ou
sémantiquement»45.
Cette prise de conscience du fonctionnement de la grammaire d’une langue m’a permis
de me rendre compte de ma surnormativité par rapport à l’acceptabilité d’un énoncé46 et
44 LE PESANT, D., et MATHIEU-COLAS, M. (1998)45 LECLERE, C. (1989)46 RIEGEL, M. (2002)
45
de la surgénéralisation par rapport à l’utilisation des mots dans une phrase, dans laquelle
peut tomber un enseignant de langue. Cette prise de conscience et l’aide d’un dictionnaire
comme le lexique-grammaire peut très bien aider un enseignant dans son rôle de
facilitateur de l’apprentissage pour préciser des informations qui n’auraient pas pu être
clarifiées avec une approche comme celle de la grammaire traditionnelle. Ce cours a été
pour moi une vraie «ouverture d’esprit» pour surmonter les barrières de la grammaire
traditionnelle et pour me sensibiliser à l’écoute du français standard. Le lexique-
grammaire ne définit plus des règles qui a priori ont déjà été définies mais cherche à voir
les occurrences du lexique et de la grammaire pour que la description des deux soit un
vrai reflet de la façon dont la langue est utilisée.
46
BIBLIOGRAPHIE
BRONCKART, J.P., et SZNICER, G. (1990). « Description grammaticale et principes d’une didactique de la grammaire ». In : Le Français Aujourd’hui No. 78. Paris.
LAMIROY, B. (1998). « Le Lexique-grammaire ». In : Revue internationale de linguistique française No. 37. Bruxelles.
LECLERE, C. (1989). « Les mots ont-ils une grammaire? » Le français dans le monde, Recherches/Applications.
LECLERE, C. (1990). « Organisation du lexique-grammaire des verbes français ». In : Langue française No. 87. Paris.
LE PESANT, D., et MATHIEU-COLAS, M. (Eds.) (1998). « Les classes d’objets ». In : Langages No. 131, Paris.
RIEGEL, M. (2002). « ‘Fautes’ de grammaire ou grammaire des fautes ». Actes du colloque international sur la faute. Bonn.
VIVES, R. (1996). L’approche du français par le lexique-grammaire, polycopié. Paris : Université Paris VIII.
47
DESCRIPTIONS GRAMMATICALESSylvie POISSON – QUINTON
Ce cours de description du français47 s’est donné comme objectif de rafraîchir les
connaissances des étudiants en grammaire, en replaçant cette discussion dans le contexte
de l’enseignement du FLE. Pour ce faire, nous nous sommes intéressés à la tradition
pédagogique de la grammaire, aux points grammaticaux qui posent problème aux
apprenants, à la question des transferts et à la nécessité d’une approche éclectique en
didactique des langues étrangères. Les cours se sont déroulés sous forme de discussions
sur les points grammaticaux qui sembleraient être les plus difficiles en français pour les
apprenants étrangers, à savoir l’expansion du nom, les articles, les temps du passé, les
marqueurs énonciatifs, les reprises (anaphores, déictiques), etc. En plus, quelques
exposés d’étudiants ont porté sur d’autres points grammaticaux comme les pronoms
personnels, les phrases relatives et d’autres. Cette approche du cours nous a permis
d’analyser les phrases et les énoncés d’une façon traditionnelle (découpage en catégories)
sans oublier la compétence pragmatique.
Nous avons commencé ce cours par un peu d’histoire. C’est Denis le Thrace (environ 100
ans après J.C.) qui a fait le découpage du latin en huit parties du discours que l’on utilise
encore aujourd’hui. Ceci et la grande domination du latin jusqu’au Moyen Age ont donné
comme résultat l’étude des langues vernaculaires avec l’appareil grammatical des langues
anciennes. Mais peu à peu les modèles de la grammaire latine ont été abandonnés et grâce
au fait que le français est devenue la langue à la mode dans les cours d’Europe, la
réflexion sur son enseignement comme langue étrangère intéressa les grammairiens. Il
faut préciser que les premiers intéressés ont été les Anglais, qui ont d’ailleurs écrit la
première grammaire du français (Palsgrave, 1530) dans une démarche comparatiste avec
l’anglais. Mais la tradition des grammaires pédagogiques remonte aux années 400 après
J.C. avec Donat. Celui-ce s’opposait à Priscien, qui est à l’origine de la tradition
grammaticale savante. Cette tradition grammaticale savante est, beaucoup plus tard, aussi
soutenue par Vaugelas, latiniste auteur des Remarques sur la langue française (1647) et 47 Je ne comprends pas pourquoi cet EC est validé comme Communication.
48
qui croyait profondément au bon usage de la langue française dont la meilleure utilisation
était faite « par la cour et par les bons auteurs ». Avec la Grammaire générale et
raisonnée (Port-Royal, 1660), la langue est définie comme un outil rationnel.
L’importance est de mettre en évidence les règles générales applicables qui se trouvent
dans toutes les langues au lieu de chercher la ‘perfection’ d’une seule langue. On passe
donc de l’art de bien parler à l’art de parler.
Deux siècles plus tard, Clédat (à partir de 1885) a bataillé pour la réforme de
l’orthographe pour que celle-ci se rapproche de l’usage populaire de la langue. Pour lui,
l’étude de la langue devait se faire à partir de l’usage de la langue contemporaine. Cette
idée se retrouve chez Brunot (1860 – 1937) qui considérait la langue comme un
instrument social et d’échange qui devait être plus clair et mieux connu de ceux qui s’en
servaient.
A la même époque est apparue la linguistique dont l’objectif principal fut la recherche sur
l’origine du langage et des langues à travers des comparaisons. Au cours du 20e siècle les
différentes approches linguistiques telles que le structuralisme de Saussure, le
générativisme de Chomsky et le fonctionnalisme de Halliday ont guidé non seulement
l’objectif des recherches en linguistique mais aussi la vision de leur application dans la
salle de classe. La pragmatique et l’analyse du discours ont-elles aussi trouvé leur place
dans la recherche, faisant le point sur l’importance des connaissances non seulement
déclaratives mais aussi procédurales. On passe ainsi à une approche notionnelle -
fonctionnelle qui a une vision de la langue en catégories sémantico - grammaticales et en
actes de parole.
Les différents types de grammaires (traditionnelle, pédagogique, interne, du sens) ont
attiré notre attention.48 Je m’attarderai ici sur les grammaires du sens dont la grammaire
de l’énonciation fait partie. Les grammaires du sens s’intéressent aux opérations
cognitives et langagières et à la situation de communication dans laquelle un énoncé est
produit. Les opérations cognitives rendent compte de l’ordre de la pensée, c'est-à-dire,
des notions quasi universelles regroupées en catégories de sens et qui n’appartiennent pas
encore à la langue. Ensuite on trouve le passage de la pensée à la mise en forme en
utilisant tout ce qui est de l’ordre du langagier pour finalement produire des formes 48 Pour plus d’informations sur la grammaire traditionnelle, interne et pédagogique, voir Didactique de la grammaire, pg. 24.
49
linguistiques. La grammaire de l’énonciation prend en compte le sens de l’énoncé au
niveau discursif pour ainsi étudier des catégories telles que les actants, la détermination et
la localisation.
Dans ce cours nous avons étudié les descriptions grammaticales en visée pédagogique.
C’est pourquoi nous nous sommes interrogés sur les difficultés des points grammaticaux
spécifiques de la langue française. Un des points que nous avons analysé est justement les
marqueurs énonciatifs dans le discours. Tout énoncé est toujours produit par un locuteur
particulier à destination d’un allocutaire particulier dans une situation de communication
particulière (je/ici/maintenant). Un énoncé n’est donc analysable que dans son emploi
effectif en prenant en compte les référents de l’acte d’énonciation. Les marqueurs
énonciatifs (déictiques ou anaphoriques) tels que les indicateurs de temps et de lieu, les
pronoms personnels, les démonstratifs, etc. peuvent poser des problèmes aux apprenants.
Par exemple, le référent du pronom On (cf. travaux de validation), l’utilisation de tu et
vous, les références temporelles (le lendemain, la veille, etc.) entre autres.
Une autre source possible de ‘problème’ pour les apprenants de FLE est la grammaire du
texte (reprises co-textuelles). Ces références co-textuelles (cohésion) permettent d’assurer
la continuité du texte et le lien entre les concepts (cohérence). Pour atteindre ce but, il
faut que le texte ait un développement linéaire c'est-à-dire, qu’il avance, qu’il fournisse
de nouvelles informations en rapport sémantique avec ce qui a été dit précédemment,
qu’il ne se contredise pas et qu’il ait une cohérence par rapport aux connaissances du
monde partagé.
A côté de cela, nous avons étudié d’autres sujets, notamment la détermination,
l’expansion du nom et les temps du passé. En ce qui concerne la détermination, nous
avons pris conscience de la difficulté du partitif (il n’existe pas dans les autres langues
romanes), de l’article zéro, de la dualité déterminé/indéterminé, de des (article
indéterminé pluriel et contraction de + les). Au niveau du nom, la dualité noms propres /
noms communs a attiré notre attention ainsi que les adjectifs (substantivés, épithètes,
relationnels, attributifs), les noms collectifs, la place de l’adjectif épithète, le genre des
noms et les phrases subordonnées relatives (déterminatives et explicatives).
Les temps du passé (passé simple, passé composé, imparfait) ont occupé une partie
importante de notre cours. Nous avons essayé de délimiter le champ sémantique de
50
chaque conjugaison verbale et sa nuance lors de son énonciation. Par exemple, dans des
phrases comme :
a. En 1802, Victor Hugo naît à Besançon.
b. En 1802, Victor Hugo est né à Besançon.
c. En 1802, Victor Hugo naquit à Besançon.
Les trois phrases sont correctes et ce qui va déterminer si elles sont appropriées ou non
c’est le contexte d’utilisation. Ainsi, on trouverait la première dans un documentaire où la
vie de Victor Hugo serait présentée dans une liste de présents, la deuxième pourrait se
trouver à l’oral si quelqu’un raconte la vie de Victor Hugo à des amis, par exemple (cette
utilisation évoque un lien entre le présent et le passé) et finalement la troisième serait
utilisée dans un récit historique qui met en évidence la séparation entre l’événement passé
et le maintenant.
Nous avons étudié l’aspect de ces conjugaisons mais aussi : la condition modale de
l’imparfait quand le procès est envisagé comme possible hors de l’univers réel et la
‘concurrence’ entre le passé simple et le passé composé. Pour Benveniste ces deux
conjugaisons ne sont pas concurrentes mais complémentaires car la première fait partie
du récit et la deuxième du discours.
Comme je l’ai dit auparavant, les étudiants ont fait des exposés portant sur des sujets
divers de la langue française. J’ai travaillé avec Marion Robert sur les pronoms
personnels vous, nous et on pour voir comment ces notions grammaticales étaient
abordées dans trois grammaires descriptives. Pour ce faire, nous avons choisi la
Grammaire méthodique du français, Pour enseigner la grammaire et la Grammaire
textuelle du français. Il nous semblait intéressant de traiter ce sujet parce qu’en tant
qu’enseignantes et même apprenantes, nous nous étions focalisées sur une seule
utilisation du On : nous. Ce pronom reste un point grammatical difficile à utiliser et à
comprendre dans la vie quotidienne pour des étrangers qui n’arrivent pas vraiment à en
saisir la signification. Quant aux enseignants, ils omettent souvent de mentionner la
totalité du champ sémantique de On, en se limitant au Nous. Avant de commencer cette
petite recherche, les emplois des pronoms Nous et Vous nous paraissaient simples et
évidents mais, à notre surprise, après avoir lu les grammaires, nous nous sommes rendu
51
compte de nos lacunes. Nous avons remarqué des différences de traitement dans les
différentes grammaires :
La grammaire textuelle du français ne mentionne pas le Nous comme étant
potentiellement singulier et équivalent du Je (Nous de modestie, Nous de majesté et
Nous de sympathie). A noter cependant qu’elle est beaucoup plus complète sur le On
que les deux autres grammaires.
La grammaire méthodique du français est la seule à mentionner le Nous de sympathie
et à mentionner l’occurrence du On à l’oral.
Les concepts énonciatifs sont présents dans Pour enseigner la grammaire, celle-ci
s’inscrivant dans le courant énonciatif.
Toutes mentionnent l’usage exclusif de On comme sujet animé ainsi que l’invariabilité de
Nous et de Vous. Au final, ce qui ressort de cette étude des pronoms Nous, Vous, On est
l’importance de traiter l’ensemble des significations et des emplois de chacun de ses
pronoms, surtout le On à l’oral, afin de donner aux futurs francophones les moyens de
comprendre ces nuances essentielles et fréquemment utilisées en français.
En conclusion, ce cours est en complément avec le cours Didactique de la grammaire.
Avec les deux on arrive à avoir une vision globale du statut de la grammaire dans
l’enseignement du FLE, une vision historique de l’évolution des traditions
grammaticales, une description générale de la langue française dans une démarche
pédagogique, un repérage des points grammaticaux difficiles pour les apprenants et
surtout de petites clés pour expliquer les finesses du français. Tout ceci m’a permis tout
d’abord d’apprendre quelques détails de la langue que je ne connaissais pas et de me
questionner sur la façon d’expliquer tellement d’exceptions et de subtilités aux étudiants.
52
BIBLIOGRAPHIE
ARNAULD, A., et LANCELOT, C. (1660) Grammaire générale et raisonnée. Paris : Le Petit.
BENVENISTE, E. (1966) Problèmes de linguistique générale. Paris : Gallimard.
BRUNOT, F. (1929) La pensée et la langue. Paris : Masson.
CHEVALIER, J.C. (1994) Histoire de la grammaire française. Paris : PUF. Collection Que sais-je ?
LEVY, M. (2000) Grammaire du français : approche énonciative. Paris : Ophrys.
RIEGEL, M., PELLAT, J-C., et RIOUL, R. (1994) Grammaire méthodique du français. Paris : PUF.
TOMASSONE, R. (1996) Pour enseigner la grammaire. Courtry : Delagrave Pédagogie.
WEINRICH, H. (1989) Grammaire textuelle du français. Didier/Hatier.
53
CONCLUSION
Les cours de « Production langagière », « Lexique et grammaire du français » et
« Descriptions grammaticales » forment un ensemble cohérent dans le cursus de la
maîtrise FLE. Ils donnent une vision globale du passage des évènements non – linéaires
jusqu’à la production du langage en prenant en compte les intentions de communication
et la situation d’énonciation. Tout ceci permet d’aller au-delà de l’analyse morpho-
syntaxique d’une phrase détachée de tout contexte pour approfondir dans le sens lié tout
d’abord au lexique mais aussi à la situation de communication.
De plus, ces cours, unis au cours de « Didactique de la grammaire », ont permis de mettre
en pratique les recherches faites en linguistique et didactique des langues par rapport à
l’analyse d’erreurs des apprenants. Nous savons maintenant que la LM n’est pas
forcement la source d’interférences avec la LC. Nous savons aussi que les difficultés des
apprenants ne portent pas seulement sur la compétence linguistique mais aussi sur la
compétence pragmatique. Un apprenant qui fait une faute de conjugaison comme *Vous
disez va probablement être « pardonné » grâce à sa condition de non – natif de la langue
alors qu’une utilisation de tu au lieu de vous pourrait être plus gravement considérée.
Ces ECs aident à avoir une réflexion indispensable pour mieux comprendre le
fonctionnement de la langue française et les enjeux d’un échange communicatif, ce qui
servira au futur enseignant pour trier les informations dont l’apprenant a vraiment besoin
pour communiquer.
54
IV. OPTION:
ACQUISITION DES LANGUES
55
CONTENU
A. Introduction
B. Domaine de l’acquisition des langues
C. Trois écoles de pensée en RAL
D. Qu’est-ce qu’un apprenant de LE ?
E. Analyse contrastive et analyse d’erreurs
F. Interlangue
G. Séquences acquisitionnelles
H. L’influence de L1 dans l’acquisition de L2
I. Etat initial – état final
J. Facteurs qui influencent l’acquisition de la L2
K. Profils d’apprenants
L. L’acquisition de la spatialité
M. Acquisition de L2 par l’adulte et acquisition de L1 par l’enfant
N. Conclusion
56
ACQUISITION D’UNE LANGUE ETRANGEREClive PERDUE
EtL’EXPRESSION DE L’ESPACE DANS LES LANGUES
ET SON ACQUISITIONMarzena WATOREK
A. INTRODUCTION
Mon choix de faire l’option en acquisition des langues n’est pas hasardeux. Il est en
cohérence avec mon métier d’enseignante d’anglais dans mon pays et avec l’intérêt que
je porte pour les facteurs qui influencent l’acquisition d’une langue étrangère. Naïvement,
au début de ma formation en acquisition des langues, je croyais, de façon simpliste, que
seule la motivation de l’apprenant était le vrai déclencheur pour ‘réussir’ en langue
étrangère. Je ne me posais des questions par rapport au rôle du professeur que dans
l’entretien de cette motivation.
N’ayant pas une formation en acquisition des langues à cause de l’absence de ce domaine
dans mon université en Colombie, j’ai décidé de me lancer dans cette quête qui s’avère
jusqu’à aujourd’hui très complexe mais intéressante. Ce sont les cours de « Production
langagière » (supra, pg. 37), « Acquisition de langue étrangère » et « L’expression de
l’espace et son acquisition » qui m’ont donné les bases dans ce domaine. Ces trois cours
recouvrent parfois les mêmes notions ou les mêmes problématiques et c’est pourquoi j’ai
décidé de faire une synthèse générale du domaine de l’acquisition des langues en laissant
à la synthèse de « Production langagière » les notions que je considère un peu plus
‘éloignées’ de l’acquisition.
B. DOMAINE DE L’ACQUISITION DES LANGUES
La recherche en acquisition des langues est beaucoup plus récente que la recherche en
didactique des langues qui, elle, a fait son apparition avec Comenius en langue grecque.
La recherche sur l’enseignement des langues possède donc une longue tradition qui a
intéressé les grammairiens grecs et latins grâce à l’apogée de ces deux langues dans le
Moyen Age. Plus tard, au 16ème siècle, l’apparition des langues vernaculaires a favorisé
les études sur les langues, ce qui a permis au 19ème siècle de s’intéresser à leur parenté
57
(phylogenèse) et puis à leur évolution (diachronie). Au début du 20ème siècle, les études
synchroniques de Ferdinand de Saussure ont permis d’avoir de nouvelles problématiques
vis-à-vis du même objet d’étude, la langue. Alors qu’auparavant, les études de langue
visaient l’explication historique des changements subis par la langue au travers du temps,
Saussure a ouvert une nouvelle voie sur le fonctionnement des langues à un moment
donné.
Dans les années 50, la psycholinguistique, dont l’objectif est de repérer et d’analyser les
processus qui permettent à un individu d’acquérir une langue et de la mettre en œuvre, est
apparue. Cette science s’intéresse aux processus intrapsychiques ou cognitifs par lesquels
on s’approprie des savoirs ou des savoir-faire pour comprendre et produire une langue.
La psycholinguistique est donc divisée en trois sous-disciplines : l’acquisition, la
compréhension et la production.
La recherche en acquisition des langues (RAL) cherche à étudier non seulement les
processus intra-psychiques mais aussi extra-psychiques de l’appropriation de la langue
première (L1), de la langue seconde (L2) et du bilinguisme. Dans cette synthèse, l’intérêt
est surtout d’étudier des domaines de l’étude de l’acquisition d’une langue seconde. C’est
pourquoi la question de départ est de savoir comment l’alloglotte s’approprie de
nouveaux savoirs linguistiques et de nouveaux savoir-faire communicatifs à travers des
activités mentales (affect, cognition, cerveau) et la rencontre avec autrui (processus extra
psychiques). Derrière cette question, qui pourrait d’emblée paraître ‘innocente’, se
cachent beaucoup de problématiques et de méthodologies de recherche en fonction de
l’école de pensée dans laquelle les chercheurs s’inscrivent.
C. TROIS ECOLES DE PENSEE EN RAL
Les questions de recherche par rapport aux processus linguistiques, cognitifs et
extralinguistiques ne sont pas les mêmes selon les théories, comme on peut clairement le
voir à travers trois écoles de RAL.
L’école formaliste, représentée par le générativisme de Chomsky, s’intéresse aux
hiérarchies syntaxiques (catégories lexicales et catégories fonctionnelles) qui permettent
de générer l’ensemble infini des phrases grammaticales. Pour ceci, l’être humain serait
doté d’un dispositif d’acquisition du langage (Language Acquisition Device) qui le
58
rendrait capable de produire et comprendre des phrases inédites grâce au caractère créatif
du dispositif. La grammaire serait formée des composantes syntaxique (phrase de base et
transformations), sémantique (lexique) et phonétique/phonologique. La catégorie lexicale
comme les entités, procès et prépositions serait en place avant la catégorie fonctionnelle
comme la négation, l’inflexion, le temps et l’aspect. Cette dernière est donc formée de
marqueurs grammaticaux qui servent à organiser les hiérarchies syntaxiques. Le savoir
linguistique des sujets parlants est la compétence linguistique que Chomsky oppose à la
performance, l’utilisation particulière que chaque locuteur fait de la langue dans une
situation particulière de communication. Malgré cette distinction et la conscience des
générativistes de la performance, ils ne s’intéressent pas vraiment à la compétence
pragmatique. Etant donné que le sujet parlant serait muni d’une Grammaire universelle,
les formalistes s’intéressent plutôt aux grammaires des langues, mais non à la situation de
communication : la nature des connaissances linguistiques, l’apprenabilité et les
conditions de mise en œuvre de connaissances linguistiques multiples.
En revanche, l’école fonctionnaliste, qui trouve ses débuts dans l’école de Prague et ses
réflexions sur les fonctions du langage (émotive, conative, phatique, poétique,
référentielle)49, traite amplement de la question de la compétence pragmatique. Pour cette
école, la fonction principale du langage, celle de la communication, a une double
articulation : celle du contenu et celle de l’expression. Les fonctionnalistes s’intéressent
au discours et à la relation entre les besoins discursifs et les formes linguistiques, au
procès et au rythme d’acquisition d’une langue étrangère, aux variétés des apprenants et
aux facteurs qui déterminent le procès d’acquisition de la L2. Il faudrait préciser que la
théorie chomskyenne est une théorie d’acquisition du langage qui, par ses préceptes
universalistes, peut s’appliquer aussi à l’acquisition de L2. La théorie fonctionnaliste ne
se limite pas à considérer l’acquisition comme l’intériorisation d’un système linguistique
mais aussi comme la re-conceptualisation des objets du discours et du monde.
A son tour, la théorie interactionniste, encore plus récente, s’intéresse à la construction de
l’activité sociale à travers les moyens linguistiques. La question pour cette école n’est
plus de savoir comment les mots sont acquis, mais ce qu’ils vont permettre à un individu
de faire et comment ils vont affecter son activité sociale. Pour les interactionnistes,
49 JAKOBSON, R. (1963)
59
l’acquisition n’est ni l’apprentissage d’un système ni des règles communicatives mais le
développement de la capacité à participer à une pratique sociale. Malgré sa ‘jeunesse’,
cette théorie se base sur l’héritage vygotskien du début du 19ème siècle, qui postule que le
fonctionnement mental est intrinsèquement lié aux structures et aux processus des
pratiques sociales.
D. QU’EST-CE QU’UN APPRENANT DE LE ?
En fonction des théories qui viennent d’être mentionnées, la notion d’apprenant varie.
Cette notion me semble tout à fait indispensable pour bien comprendre l’idée de
l’acquisition pour chaque école et c’est pour cela que je l’isole sous cette rubrique.
Pour l’école formaliste, l’apprenant est un individu doté d’un dispositif du langage qui a
activé sa grammaire universelle (GU) à l’aide de l’input de la L1. Avec la L2, il va
intérioriser un autre système linguistique, mais il y aura co-existence de la L1 et de la L2
car il se sert de la GU déjà activée.
Les fonctionnalistes, quant à eux, pensent que l’apprenant doit acquérir non seulement le
système linguistique mais aussi la compétence discursive à l’aide du contexte.
Contrairement aux formalistes, les fonctionnalistes ne croient pas que l’acquisition de la
L1 ait une influence totale dès le début de l’acquisition de L2. Pour eux, l’apprenant de
L2 réinvente les catégories grammaticales et ce n’est que lors du développement de la
finitude (cf. pg. 65) que la L1 a une grande influence.
Pour les interactionnistes, l’apprenant est un acteur social qui développe ses compétences
langagières à travers l’interaction avec d’autres acteurs sociaux. C’est ainsi qu’il évolue
dans ses relations sociales, ses processus interprétatifs et ses représentations du monde.
E. ANALYSE CONTRASTIVE ET ANALYSE D’ERREURS
La RAL est un champ de recherche scientifique évolutif qui prend donc en compte
beaucoup de variables et qui infirme et/ou confirme les hypothèses au fur et à mesure. Tel
est le cas de l’hypothèse contrastive de la fin des années 50 qui postulait la détermination
de l’acquisition de la L2 par les structures de la L1. Selon cette hypothèse, les similitudes
entre la L1 et la L2 signifiaient une facilitation de la tâche d’acquisition (transfert positif)
et les différences impliquaient directement une source de problèmes et donc d’erreurs
60
(transfert négatif ou interférence). L’objectif de ce type d’analyse était de repérer les
difficultés d’acquisition à travers une comparaison systématique des deux langues pour
pouvoir établir des progressions optimales de présentation des structures de la langue.
Cette hypothèse se veut de moins en moins convaincante à cause de son caractère
simpliste : une structure peut par exemple être facile à comprendre au niveau
grammatical, mais difficile à produire. De plus, les erreurs peuvent provenir d’une autre
source, comme la difficulté intrinsèque du système de la L2 ou d’un transfert conceptuel
et non de la formulation de la L1. Bref, l’hypothèse de l’analyse constrastive est
réductrice et insuffisante pour rendre compte de la facilité ou la difficulté à acquérir une
L2.
Kellerman (1979) essaye de démontrer pourquoi cette question n’est pas aussi simple que
cela en répondant à trois questions : la difficulté conduit-elle inévitablement à l’erreur ?
L’erreur est-elle toujours un indice de difficulté ? Et, l’éludage résulte-t-il toujours d’une
difficulté ? Pour l’auteur, la difficulté ne conduit pas systématiquement à l’erreur, car
l’apprenant, conscient de la difficulté d’un point linguistique, peut se servir de l’éludage
de la forme en question tant qu’il ne sera pas sûr de bien l’utiliser. Au niveau de la liaison
directe entre difficulté et erreur avancée par l’analyse contrastive, Kellerman pense que
les apprenants peuvent être créateurs des formes qu’ils n’ont jamais vues en langue cible
(LC). Ils les inventent et ces créations peuvent ou non être attestées en LC. Elles peuvent
même se produire lorsque la même forme linguistique se retrouve en langue source (LS)
et en LC. Or, les apprenants se trouveraient dans un stade créatif de mise à l’épreuve de
certaines hypothèses et donc préféreraient la création à l’utilisation d’une forme connue.
En 1967, Corder propose une nouvelle démarche d’analyse, l’analyse d’erreurs. Elle
consiste à relever les erreurs parmi les productions des apprenants, à les décrire dans le
cadre grammatical de la LS et de la LC et enfin à établir des hypothèses sur leur
apparition. Pour ceci, Corder part de la base que la langue de l’apprenant est un dialecte
particulier, qui peut se décrire grâce à certaines règles de la LS ou de la LC. Autrement
dit, il est systématique. Pour l’auteur, la langue d’une communauté est un dialecte social
alors que celle qui ne constitue pas la langue d’une communauté est un dialecte
idiosyncrasique. Ces derniers ont en commun une série de traits particuliers à un individu
et leur instabilité. La langue de l’apprenant de LE et de l’enfant qui apprend sa LM, le
61
langage poétique et le discours des aphasiques sont des dialectes idiosyncrasiques car ils
remplissent les conditions décrites : ils comportent des régularités, ont une signification,
sont systématiques et instables.
L’algorithme de Corder (1971), trouver, décrire et expliquer l’erreur, s’appliquerait non
seulement à la langue de l’apprenant de LE, mais à tous les dialectes idiosyncrasiques. La
première étape de l’analyse d’erreurs est de déterminer les phrases idiosyncrasiques,
c'est-à-dire les phrases qui correspondraient ou non au système de la LC et/ou qui ne
seraient pas appropriées aux référents. Pour ce faire, l’auteur suggère de ne pas laisser de
côté des phrases apparemment bien formées, sans avoir confirmé auparavant leur
caractère approprié dans le contexte. Si elles sont bien formées et appropriées, ce sont des
phrases non idiosyncrasiques. Si elles sont superficiellement bien formées mais non
appropriées, ce sont des phrases idiosyncrasiques de manière non apparente. Il oppose
ces dernières aux phrases superficiellement mal formées (phrases idiosyncrasiques de
manière apparente), qui sont d’ailleurs les plus faciles à repérer.
La deuxième étape est la description du dialecte idiosyncrasique par rapport aux
références grammaticales de la LC. Ainsi, toute phrase idiosyncrasique (les phrases
inanalysables sont exclues dans la première partie) a un équivalent en LC. Dans cette
partie, il s’agit donc de faire une comparaison linguistique bilingue entre le système
idiosyncrasique du dialecte de l’apprenant et le système de la LC.
La troisième et dernière partie consiste en une élaboration d’hypothèses du pourquoi et
du comment est construit le dialecte idiosyncrasique de l’apprenant. Il s’agit donc d’une
démarche psycholinguistique alors que les deux premières parties relèvent d’une analyse
linguistique. C’est ainsi que l’on arrive au but de l’analyse d’erreurs : élucider ce que
l’apprenant apprend en LE et comment il l’apprend pour pouvoir l’aider de façon plus
efficace.
Corder fait, lui aussi, une proposition pour expliquer les interférences de la L1 dans
l’acquisition de la L2. Cette proposition part de la base que « l’apprentissage des langues
est une activité d’ordre cognitif de traitement des données et de formation
d’hypothèses »50. Lors de l’exposition à plus de données, l’apprenant infirme ou confirme
ses hypothèses et en crée d’autres. Ceci implique que l’erreur constitue un élément
50 CORDER, S. P. (1980), pg. 27.
62
inévitable du processus d’apprentissage et que sa correction n’a pas d’intérêt à moins que
l’apprenant ait décidé de mettre à la preuve ses hypothèses. De ce point de vue, l’intérêt
du repérage des erreurs ne vise pas une attitude correctrice, mais plutôt informative, pour
trois acteurs différents : l’apprenant, l’enseignant et le psycholinguiste. Pour l’apprenant,
l’erreur est l’occasion d’infirmer une hypothèse pour en créer une autre à l’aide du
professeur qui, grâce à l’erreur, comprendra mieux le stade acquisitionnel de l’apprenant
et lui fournira des données utiles pour mieux comprendre une règle de la LC. L’erreur est
pour le psycholinguiste ce que le microscope est pour le microbiologiste : une loupe pour
regarder ce qui n’est pas observable de façon superficielle. Les erreurs permettent de voir
les stades acquisitionnels de l’apprentissage d’une LE.
Malgré l’apparente ‘perfection’ de l’analyse d’erreurs, des chercheurs comme Adjémian
et Perdue ont soulevé des problèmes d’ordre pratique de cette analyse. Le premier affirme
que la relation entre la forme de la phrase idiosyncrasique et son explication est moins
évidente que celle entre la forme et la règle. Perdue (1980), de son côté, dénonce le
caractère limitatif de cet algorithme : l’analyse linguistique des phrases idiosyncrasiques
ne permettrait pas de faire une typologie psycholinguistique des erreurs (simplification,
surgénéralisation, etc.). Ceci dit, Perdue et la RAL sont conscients des apports évolutifs
de l’analyse d’erreurs.
F. INTERLANGUE
A la suite des travaux de Corder, Selinker (1972) a proposé le terme interlangue pour
rendre compte des dialectes instables des apprenants. Ces dialectes, malgré leur
instabilité, sont systématiques et ont des traits partagés entre deux dialectes sociaux (LS
et LC), comme le montre la figure suivante51.
51 CORDER, S. P. (1980), pg. 20.
63
Le terme interlangue désigne une étape donnée du processus d’acquisition plutôt qu’une
série d’étapes. Il serait un système intermédiaire plus ou moins systématique qui se
trouverait entre la LS et la LC, mais qui suivrait ses propres règles. Ce système serait
transitoire car sujet à évolution.
G. SEQUENCES ACQUISITIONNELLES
La notion d’interlangue dans le début des années 70 est venue influencer amplement la
RAL, notamment la théorie fonctionnaliste. Cette théorie s’est servie des deux
suppositions de base de la notion d’interlangue, à savoir l’idée qu’à un moment donné,
l’organisation interne de l’interlangue d’un apprenant est essentiellement systématique et
que le passage d’un stade d’acquisition à un autre est lui aussi systématique. Il faut
préciser ici que la systématisation d’un stade acquisitionnel est propre à lui-même et non
aux systèmes de la LS et de la LC. D’où donc l’importance d’essayer de dégager les
caractéristiques des stades acquisitionnels successifs qui auraient des traits distincts. Pour
ce faire, de nombreuses études longitudinales et transversales ont eu lieu, notamment
celle menée par l’ESF (European Science Foundation) et coordonnée par Perdue au début
des années 80. Klein et Perdue ont relevé un continuum d’acquisition sur trois grandes
étapes : la variété pré-basique, la variété de base et les stades post-basiques. Ce sont les
caractéristiques de chaque étape que je vais essayer de décrire maintenant.
La variété pré-basique (Nominal Utterance Organisation - NUO) est caractérisée par une
juxtaposition d’éléments lexicaux ou grammaticaux, tous utilisés comme s’ils
appartenaient à la catégorie lexicale. Autrement dit, il n’y a pas vraiment de catégories
syntaxiques développées même si l’on peut trouver parfois des éléments grammaticaux. Il
y a clairement à ce stade une absence de morphologie verbale fonctionnelle pour
exprimer la référence au passé et au futur, l’aspect et toute autre caractéristique
structurale des verbes. La référence temporelle se fait donc à travers des adverbes. Klein
et Perdue ont relevé aussi que l’élément saillant de l’énoncé, le focus, est
systématiquement en dernière position.
La variété de base (Infinite Utterance Organisation - IUO) est caractérisée par un énoncé
organisé autour d’un verbe (non-fini), ce qui permet à l’apprenant de classer les
arguments du verbe (agents, patients). La finitude du verbe est toujours absente et c’est
64
probablement la caractéristique saillante de ce stade. Il y a aussi une apparition faible des
prépositions.
La variété post-basique (Finite Utterance Organisation - FUO) est, marquée par la
finitude, comme le nom l’indique en anglais. Cette finitude, qui est dans quelques langues
comme le français marquée par la déclinaison verbale, n’implique pas seulement un
marquage morphologique, mais aussi des précisions sémantiques et des hiérarchies
syntaxiques qui affectent tout l’énoncé. Par exemple, la place de la négation change en
fonction de la finitude du verbe. En français, on trouve la particule négative pas avant le
verbe non fléchi et après le verbe fléchi. On peut donc conclure que la finitude du verbe
intervient dans la règle de la négation pour l’acquisition du français.
Le passage de NUO à IUO et à FUO est plus lent et graduel dans l’acquisition de L2 que
dans l’acquisition de L1. C’est pour cela qu’en L2, Klein et Perdue ont trouvé une co-
existence permanente des différents types de l’organisation de l’énoncé. C’est donc
normal de trouver chez des apprenants qui ont un lecte post-basique des verbes non
fléchis. C’est peut-être pour cela aussi qu’il a fallu faire une division à l’intérieur même
du stade post-basique : stade intermédiaire, stade avancé et niveau quasi-natif.
En 2003, Bartning et Kirchmeyer ont proposé un continuum d’acquisition de LE, qui
rend compte non seulement de leurs travaux, mais aussi de ceux d’un grand nombre de
chercheurs, et qui se compose de huit stades acquisitionnels, divisés en deux grandes
parties : stades initiaux (initial, post-initial, intermédiaire) et stades avancés (avancé
inférieur, avancé moyen, avancé supérieur, quasi-natif et natif). Le stade initial serait plus
ou moins équivalent à la variété pré-basique de Klein et Perdue. Le stade post-initial
présenterait encore une structuration nominale, mais aussi l’émergence d’une
organisation structurale verbale fléchie avec des oppositions entre les formes finies/non
finies qui évoluent. Ceci dit, elle aurait en général des caractéristiques que l’on trouve
dans la variété de base. Dans le stade intermédiaire, il y aurait une structuration simple de
juxtaposition, une apparition de l’emploi du futur proche, de quelques formes de
subjonctif, et une opposition présent/passé composé, mais on trouverait encore des
formes non finies de certains verbes, comme le verbe prendre.
Les stades avancés seraient, de manière générale, équivalents à la variété post-basique de
Klein et Perdue, étant donné que leur caractéristique principale est la grammaticalisation
65
de la morphologie flexionnelle qui devient fonctionnelle. Selon Bartning et Kirchmeyer,
« la division de la variété avancée en trois niveaux est due au fait que le développement
de l’interlangue s’accompagne d’un enrichissement d’expressions et donc d’un choix
dans le répertoire »52. Le stade avancé inférieur a comme caractéristique principale la
disparition des verbes non finis, sauf pour ceux qui finissent en /-r/, comme courir. Il y a
une apparition faible du conditionnel et du plus-que-parfait et une structuration des
subordonnées (temporelles, causales, relatives, interrogatives, complétives). Dans le stade
avancé moyen, l’acquisition de la morphologie flexionnelle est presque achevée et
l’emploi du conditionnel et du subjonctif est récurrent. Le stade avancé supérieur est
caractérisé par une morphologie flexionnelle stabilisée, mais la capacité discursive n’est
pas conforme à celle du niveau natif. Les locuteurs quasi-natifs emploient le lexique et la
grammaire de la LC comme le font les natifs, mais leur intuition linguistique reste
différente de celle des natifs, qui, eux, ont une compétence linguistique et discursive
‘parfaite’.
Bref, on pourrait dire que les travaux qui ont suivi ceux de Klein et Perdue ont
approfondi et détaillé les grandes séquences acquisitionnelles qui sont issues du projet
ESF.
H. L’INFLUENCE DE L1 DANS L’ACQUISITION DE L2
Le projet ESF a permis à Klein et Perdue de s’interroger sur l’influence de la L1 dans le
processus d’acquisition de la L2. Ils sont arrivés à des conclusions très différentes de
celles que l’analyse contrastive avait avancées. L’analyse contrastive, suite à Lado,
considérait que l’apprenant de L2 avait développé un certain nombre d’habitudes
linguistiques en L1. L’apprenant devait se défaire de ses habitudes en L1 pour pouvoir
mettre en place les nouvelles habitudes de la L2. C’est dans cette ‘transformation’
d’habitudes que l’interférence aurait lieu.
Pour Klein et Perdue, l’interférence n’a pas lieu dès le début de l’acquisition de L2. Au
début de l’acquisition, il n’y a pas de morpho-syntaxe parce qu’il n’y a que du lexique
donc les énoncés n’ont ni la structure de la LS ni celle de la LC. C’est plus tard dans
l’acquisition que l’apprenant commence à développer des moyens linguistiques qui
52 BARTNING, I., et KIRCHMEYER, N. (2003), pg. 13.
66
forment la variabilité d’une langue, c'est-à-dire des caractéristiques spécifiques qui
distinguent une langue d’une autre. C’est à ce moment là que l’on trouve des
interférences, qui ne sont pas seulement des interférences de formulation,53 mais qui sont
aussi des interférences conceptuelles. C’est pour cette raison qu’au fur et à mesure que
l’apprenant avance dans son parcours acquisitionnel, elles peuvent être de plus en plus
nombreuses.
Kellerman (1980) pose le problème du transfert en termes de perception de la L2 que
l’apprenant a, à travers ses jugements sur la L1. Cette dernière serait une source
opératoire de prédictions sur la LC. Cependant, l’apprenant essaierait d’éviter certaines
sources de difficulté, en transférant les formes les moins marquées, c'est-à-dire les formes
‘simples’ ou non figées. Ceci est appelé l’hypothèse de la transférabilité et elle est très
compatible avec celle de Klein et Perdue.
Quand on parle de transfert négatif ou d’interférence, on doit forcément faire la
distinction entre l’acquisition du lexique et de la grammaire. Connaître les mots d’une
langue implique la connaissance de leurs valeurs référentielles, de leur morphologie
lexicale, de leur lexicologie dérivationnelle ou flexionnelle, de la sémantique et de la
syntaxe des lexèmes. A ce niveau, dans un mot polysémique, l’apprenant de LE va
choisir le sens le moins marqué. Plus le sens est neutre, central, basique et propre, plus le
sens est transférable. Plus le sens est dérivé, périphérique et figuré, plus il est marqué et
moins il est transférable. Par exemple, si l’on prend un mot comme œil, qui a plusieurs
significations, la potentialité du transfert est majeur avec le sens de base, c'est-à-dire
organe de la vue. Giacobbe et Cammarota (1986) ont proposé, eux aussi, une hypothèse
pour expliquer les ‘transformations’ morphologiques que les hispanophones apprenant le
français font du lexique de leur LM pour le convertir en lexique du français. Cette règle
du balayage consiste en retirer d’un mot polysyllabique espagnol la voyelle finale et/ou la
consonne finale pour obtenir un mot français. Par exemple, le mot equipo devient /ekip/,
le verbe vienen devient /vjen/, le mot curso devient /kurs/.
En ce qui concerne la syntaxe, une langue privilégie un ordre canonique des constituants
de phrase, comme Sujet – Verbe – Objet en français. C’est cet ordre qui va être le plus
fréquemment attesté au détriment des écarts stylistiques qui bouleversent l’ordre 53 Quand je parle de formulation, je fais référence au schéma de production langagière de Levelt qui distingue les opérations de haut niveau (conceptualisation) de celles de bas niveau (formulation).
67
canonique. C’est pour cette raison que les expressions idiomatiques sont jugées comme
grammaticalement difficiles par les apprenants. Lalleman (1981)54 a proposé une
hypothèse pour rendre compte de la préférence des apprenants pour certaines formes
syntaxiques : l’hypothèse de l’alternance. Cette hypothèse affirme que quand les
apprenants d’une LE sont confrontés à plus d’une forme pour exprimer une même
fonction, ils choisissent celle qui ressemble le plus à la forme de leur LM. Par exemple,
un locuteur francophone apprenant le néerlandais (langue dans laquelle le verbe peut être
placé en deuxième position) s’arrange pour mettre le verbe en deuxième position, comme
dans sa LM.
En conclusion, on peut percevoir que l’influence de la L1 dans le processus d’acquisition
de la L2 est beaucoup plus compliquée que ce que ne le pensait l’analyse contrastive. La
L1 constitue un filtre conceptuel dans l’acquisition de la L2, mais ce filtre agit
différemment en fonction des éléments linguistiques à acquérir.
I. ETAT INITIAL – ETAT FINAL
Comme le disent Perdue et Gaonac’h (2001), les recherches en acquisition de L2
présentent un intérêt particulier dans la mesure où le sujet apprenant adulte est
cognitivement développé et maîtrise déjà un système linguistique dont il se sert de façon
appropriée en situation. C’est pour cette raison que la théorie formaliste et la théorie
fonctionnaliste et plusieurs chercheurs divergent quant au stade initial du processus
d’apprentissage de la L2. Dans la partie H, j’ai essayé d’esquisser différents points de vue
de l’influence de la L1 sur la L2. Ces recherches sont en lien direct avec la notion d’état
initial. Pour la linguistique contrastive, le point de départ est l’ensemble des habitudes
linguistiques acquises en L1 qui serait mobilisable en L2. Les mécanismes
d’apprentissage pour la L1 et pour la L2 seraient identiques. Pour les formalistes, les
hypothèses de l’analyse contrastive restent valables mais les spécificités d’une langue
sont analysées par rapport à ses propres configurations. La faculté innée du langage ne
subirait pas de changements chez l’apprenant adulte, ce qui le rendrait capable d’acquérir
et de maîtriser n’importe quelle L2. Comme dans la linguistique comparative, les
54 JANSEN, B., LALLERMAN., J et MUYSKEN, P. (1981)
68
connaissances grammaticales de la L1 seraient mobilisables et les mécanismes
d’apprentissage seraient les mêmes que pour la L1.
Quelques chercheurs comme Schachter (1988) rejettent l’idée que l’apprenant adulte ait
accès à l’ensemble de la grammaire universelle, ce qui impliquerait une incapacité de
l’apprenant adulte à atteindre la maîtrise de certaines L2. C’est dans ce sens que se situe
la recherche de Perdue (1996) qui trouve que dans le cas de langues proches, les règles
phonologiques sont mobilisées pour construire du lexique alors que pour les langues plus
distantes, rien n’est mobilisable. C’est à travers des procédures neutres d’organisation
discursive de l’information que l’apprenant met en œuvre les éléments lexicaux. Il
s’agirait donc pour l’apprenant de se reconstruire un dispositif de formulation, selon le
schéma de Levelt. On voit clairement que la différence la plus saillante entre l’analyse
contrastive et les formalistes d’une part, et Perdue et Kellerman de l’autre est la
mobilisation des structures de L1 en L2 : pour les premiers, cette mobilisation n’est pas
mise en cause alors que pour les derniers, elle dépendrait de la proximité des langues et
des catégories linguistiques.
En ce qui concerne l’état final, l’idéal pour l’apprenant de L2 est d’atteindre le niveau de
maîtrise des locuteurs natifs, mais dans quel aspect ? Il faut prendre en compte qu’une
langue est formée de différentes composantes (registres, dialectes, etc.) et qu’aucun
locuteur, même natif, ne maîtrise toutes les variétés de la langue. Cependant, les
chercheurs sont d’accord pour dire que la réussite de la compétence est assez homogène
pour les locuteurs de la L1 alors que pour les apprenants d’une L2, la réussite est très
variable et elle peut même souffrir une régression ou une fossilisation. La régression peut
avoir lieu quand les locuteurs ne sont plus en contact régulier avec la L2 ou quand ils sont
déstabilisés par les conditions de la situation de communication (fatigue, peur, etc.). A ce
moment-là, le lecte de l’apprenant se retrouverait dans une phase antérieure de son
processus d’acquisition. Perdue est d’accord avec Jakobson pour dire que les éléments
acquis les derniers sont les premiers à disparaître. Klein affirme que les séquences
acquisitionnelles ne sont pas successives mais se contiennent les unes dans les autres,
« …, l’état final étant le cercle extérieur qui englobe les autres »55. La fossilisation, terme
introduit par Selinker, peut affecter différents aspects de la L2 à différents moments. Ceci
55 KLEIN, W. (1989), pg. 72.
69
dit, les chercheurs semblent d’accord pour dire que la maîtrise de la phonologie en L2 est
l’aspect qui reste le plus rarement atteint et ils proposent différentes hypothèses pour en
expliquer la cause. L’une de ces raisons est celle de la période critique dont je parlerai
dans la rubrique suivante. L’organisation discursive est sujette à de nombreuses
recherches en ce moment et les résultats actuels indiquent que malgré une maîtrise quasi-
native en L2, l’apprenant cesserait de construire le discours de la façon dont le font les
natifs. Il le construirait avec l’organisation discursive de la L1.
J. FACTEURS QUI INFLUENCENT L’ACQUISITION DE LA L2
On vient de voir que le degré de réussite de la maîtrise d’une L2 est très variable d’un
individu à l’autre et on peut donc se demander quels sont les facteurs qui déterminent et
favorisent l’acquisition. Pour ceci, Klein (1989) a proposé trois ensembles de facteurs qui
pourraient affecter le niveau de maîtrise atteint par un apprenant : la disposition cognitive
et linguistique initiale du sujet, sa propension à apprendre et l’accès à la langue. La
disposition cognitive et linguistique du locuteur adulte est liée à la faculté du langage
innée à tout représentant de l’espèce. Cette capacité s’exerce en ayant recours à un
système linguistique et est donc fortement influencée par l’acquisition de la L1. La L1
fournit le cadre conceptuel et linguistique initial qui permet à l’apprenant de traiter les
nouvelles informations de la L2 car cette capacité permet aussi de s’étendre à d’autres
systèmes linguistiques et donc à leur apprentissage. Pour avoir cette disposition cognitive
et linguistique, il faut avoir un conditionnement biologique et des connaissances
préalables. L’appareil articulatoire, le système nerveux central, la perception et la
mémoire tracent le cadre biologique à l’intérieur duquel le traitement linguistique a lieu.
Klein affirme que ces composantes se modifient au cours de la vie et plusieurs chercheurs
sont d’accord pour juger le facteur âge comme variable déterminante de la réussite en L2.
En 1967, Lennenberg avance l’hypothèse de la période critique pendant laquelle il serait
plus facile d’apprendre une LE. Cette hypothèse soutient qu’entre deux ans et la fin de la
puberté (± 15 ans) il y a plus de plasticité cérébrale. L’apprentissage des langues sans
effort serait remplacé, après la puberté, par un effort conscient et pénible et l’apprenant
ne pourrait plus atteindre le niveau de compétence native. Bongaerts se base sur
Colombo, qui tient compte de la maîtrise de la L1, de l’expérience que l’on a de la L1 et
70
de l’environnement linguistique au moment de l’acquisition de L2. « … l’organisme est
plus sensible à la stimulation de l’environnement pendant une période critique qu’à
d’autres moments de sa vie. »56 Bongaerts avance quelques possibles effets dans
l’acquisition de L2 s’il existe une période critique :
- les apprenants qui commencent l’apprentissage de la L2 dans la petite enfance
devraient tous atteindre une compétence native ;
- il existerait une corrélation entre l’âge d’acquisition et le déclin graduel dans la
performance langagière ;
- il devrait y avoir une grande ‘chute’ de la performance à la fin de la période
critique ;
- les apprenants qui commencent l’apprentissage de la L2 après la fin de la période
critique ne devraient plus être affectés par la corrélation âge/compétence ;
- au-delà de la période critique, aucun apprenant ne serait en capacité d’atteindre le
niveau natif.
Il y a tellement d’aspects à prendre en compte pour l’acquisition de la L2 (prononciation,
morphosyntaxe, lexique, etc.) que, pour certains chercheurs, le champ de recherche
privilégié pour tester l’hypothèse de la période critique est la phonologie. Pour Scovel
(1988), par exemple, seule la prononciation est sujette aux contraintes de la période
critique. Flège (1995) conteste le principe selon lequel il serait impossible d’acquérir une
prononciation parfaite en suggérant qu’après la puberté, les capacités perceptives sont
plus difficilement accessibles. Il serait donc possible de réussir à avoir une prononciation
native en combinant des caractéristiques individuelles et certains contextes
d’apprentissage.
Mais le conditionnement biologique n’est pas suffisant pour accomplir les activités de
production et de compréhension, dit Klein. Pour comprendre et produire des énoncés, il
faut aussi soulever des informations fournies par la situation d’énonciation, comme la
deixis et des éléments anaphoriques ou d’autres qui sont moins explicites comme les
connaissances générales du monde. L’apport des connaissances contextuelles est
tellement important qu’une communication peut fonctionner même si les connaissances
linguistiques ne sont pas disponibles. C’est pourquoi les connaissances linguistiques et
56 Colombo, 1982.
71
extralinguistiques interagissent de manière continue dans le traitement linguistique et
informationnel.
Il existe aussi un grand nombre de facteurs extrinsèques qui influencent l’impulsion à
apprendre de l’apprenant. Parmi ceux-ci, on peut mentionner l’intégration sociale, les
besoins de communication, les attitudes vis-à-vis de la L2 et des locuteurs de la L2, et
l’éducation. La langue n’est pas seulement un système formé par des ensembles de signes
mais aussi un moyen de transmission culturelle. L’enfant ne choisit pas d’appartenir ou
non à la communauté culturelle de son entourage, il acquiert une identité sociale en
même temps qu’il acquiert sa LM. Il n’en va pas de même pour l’adulte. Ce dernier a la
possibilité de se servir de la LC comme outil fonctionnel ou pour s’exprimer à travers des
activités langagières complexes ou encore de s’intégrer socialement à la communauté
linguistique de la LC. Un travailleur migrant mexicain aux Etats-Unis, où l’on considère
avec un certain mépris la communauté hispanophone, et qui passe tout son temps au sein
de la communauté mexicaine n’utilisera la L2 que pour ce qui est strictement nécessaire.
Dans ce cas-là, il y a peu de chances pour que l’apprenant ait envie de s’intégrer
socialement : il se limitera donc à satisfaire ses besoins de communication (le minimum
vital). Gardner et Lambert (1972) ont fait la distinction entre « motivation intégrative »,
qui vise l’intégration sociale, et « motivation instrumentale », c'est-à-dire quand
l’apprenant se sert de la L2 comme un outil purement fonctionnel pour ‘se faire
comprendre’. Cette ‘motivation’ si différente peut dépendre des attitudes vis-à-vis de la
LC ou des locuteurs de la LC. Si l’apprenant n’aime pas, par exemple, la prosodie de la
LC ou trouve que les locuteurs sont méprisants vis-à-vis des immigrants, ces images
peuvent affecter d’une façon plus ou moins forte l’acquisition de la LC. Le jugement de
proximité interlinguistique, par exemple l’apprentissage de portugais par un
hispanophone, peut aussi avoir des conséquences dans l’acquisition de la LC. Le locuteur
hispanophone pourrait sous-estimer la tâche d’apprentissage de portugais en raison de la
proximité des deux langues. Le dernier facteur extrinsèque que Klein mentionne est
l’éducation. L’apprentissage de LE en milieu institutionnel implique la transformation
des langues en matière scolaire (didactisation). Mais ces connaissances scolaires ne
deviennent actives que lorsqu’un facteur pousse l’apprenant à apprendre, autrement les
langues à l’école ne seraient qu’une autre matière scolaire sans vraie application.
72
Pour que le processeur linguistique entre en action, il faut qu’il y ait accès aux matériaux
linguistiques de la LC. Cet accès à la langue a deux composantes essentielles : l’entrée
des données et la possibilité de communiquer. L’exposition aux données doit comprendre
ce que Klein appelle l’information parallèle, c'est-à-dire l’information contextuelle liée à
la chaîne sonore. Si l’on écoute une radio arabophone pendant un an, à la fin de l’année
on n’aura toujours pas appris l’arabe car l’information parallèle sera absente. Dans
l’acquisition non-guidée, l’information parallèle et la chaîne sonore se constituent dans la
communication quotidienne, avec de transformations quelquefois effectuées par les
locuteurs natifs. La possibilité de communiquer est ‘constamment’ tangible : l’apprenant
reçoit des données d’entrée auxquelles il confronte ses productions pour vérifier ses
propres hypothèses. En revanche, dans l’acquisition guidée, la possibilité de
communiquer est plus restreinte. Les exercices de compréhension et de production sont
souvent éloignés de la réalité. De plus, les deux composantes de l’entrée sont souvent
transformées : la chaîne sonore devient souvent chaîne écrite et l’information parallèle est
planifiée, ce qui diminue la charge de traitement linguistique du processeur pour faciliter
l’acquisition.
K. PROFILS D’APPRENANTS
Les trois ensembles de facteurs que l’on vient de voir déterminent le processus
d’acquisition à un certain degré. Mais est-ce qu’ils influencent tous les apprenants dans la
même proportion ? Autrement dit, est-ce qu’il n’y aurait pas un facteur qui influence un
apprenant plus qu’un autre ? Et, est-ce que des apprenants partageant les mêmes traits
s’acquittent de la tâche d’apprentissage et de communication de la même façon ? Ou, est-
ce que les apprenants développent des stratégies d’apprentissage et de communication ?
Enfin, existe-il vraiment des profils d’apprenants ? Et s’ils existent, qu’est-ce qu’ils
sont ? Voici quelques questions qui ont intéressé plusieurs chercheurs dans la tradition de
recherche anglosaxone et européenne.
Dans le cours de M. Perdue, nous avons dû faire un compte rendu de deux articles
concernant des sujets comme le bilinguisme précoce, les apprenants avancés et les profils
d’apprenants. J’ai choisi de m’intéresser aux profils d’apprenants parce que je trouvais
indispensable de répondre aux questions que j’ai mentionnées dans le paragraphe
73
précédent. Pour ce faire, je me suis basée sur deux articles de la revue AILE 4 (1994),
numéro thématique traitant cette question. Si les deux articles traitent la même notion, les
profils d’apprenants en RAL, ils ne s’intéressent pas aux mêmes problématiques.
L’article de Véronique s’intéresse à la notion même de profil d’apprenant : il fait une
critique théorique et méthodologique de la notion de profil d’apprenant, des variables à
prendre en compte pour un éventuel établissement des profils d’apprenant, et de l’intérêt
que cette notion peut avoir dans la RAL. Il affirme que cette notion est l’une des
propositions pour expliquer la dispersion des apprenants par rapport à la LC et qu’elle
est souvent caractérisée par la mise en contact de facteurs indépendants (âge, aptitude,
stratégies de communication) et des variables linguistiques dépendantes. Il critique le fait
que la notion de profil d’apprenant n’intègre pas la notion d’activité communicationnelle
en tant qu’activité réciproque. Pour Véronique, il est nécessaire de travailler une
définition interactionnelle de la notion de l’apprenant en envisageant le procès
d’acquisition lié aux situations d’interaction. Autrement, elle ne semble opératoire que
dans un contexte expérimental. De plus, l’auteur se demande si l’intérêt de cette
notion est d’expliquer des variations inter individuelles dans un procès d’appropriation
linguistique ou de se placer dans une perspective différentialiste en caractérisant diverses
modalités d’appropriation de la LC, divers styles ou profils d’apprentissage.
Selon l’auteur, l’intérêt de la question de profil d’apprenant en RAL se trouve dans le
cadre d’un modèle de l’apprenant car elle engage directement une représentation du sujet
apprenant. Le modèle de sujet apprenant dominant pendant deux décennies (celui qui
s’intéresse à représenter la relation input-output) est contesté par l’auteur car les variables
psychosociales n’ont pas été prises en compte. Cependant, la proposition de Lambert
fournit, selon lui, un inventaire assurément complet pour la construction de la notion de
profil.
Les travaux de Lambert ont comme objectif d’isoler des ensembles de traits caractérisant
un ou des individus particuliers, de manière longitudinale, pour décrire et expliquer les
processus d’apprentissage et tout particulièrement la variabilité des productions qui en
résultent, spécialement à un stade avancé. Dans des conditions prolongées d’exposition à
la LE, l’apprentissage de certains aspects cesse d’évoluer. L’auteur affirme que les
méthodes que la recherche en acquisition a utilisées pour rendre compte de la variabilité
74
entre les performances des apprenants (âge, attitude, personnalité, style cognitif,
motivations, etc.) ne sont pas satisfaisantes. Les facteurs individuels et sociaux exercent
une influence dont les effets varient selon les stades du développement. Son hypothèse
est qu’il existe des stratégies préférentielles chez certains étudiants pour résoudre des
problèmes liés à certaines tâches. Soumis à des tâches différentes, les stratégies sont
identiques (profil stratégique). Pour confirmer son hypothèse, elle propose une démarche
qui consiste à construire des profils d’apprenants par la mise en relation de profils
stratégiques, linguistiques et psycho-socio-biographiques. Le profil stratégique serait
donné par la mise en relation entre les opérations de haut niveau conceptuelles
(génération du discours, linéarisation) et les opérations de bas niveau (formulation,
appariement de contenus sélectionnés et mis en ordre à des connaissances lexicales et
syntaxiques)57. Le profil psycho-socio-biographique est la motivation à partir de l’origine
socio-économique, le nombre d’années d’études de la langue, la durée des séjours, etc. et
finalement le profil linguistique serait les états successifs des connaissances linguistiques
des apprenants. Pour sa démarche, elle a décidé de définir les profils de quatre apprenants
qui avaient des caractéristiques supposées homogènes au niveau des savoirs et savoir –
faire en anglais, en articulant les trois profils. Cette comparaison servirait de base pour
expliquer les performances différentes face à des tâches de production58. Malgré la
ressemblance des modes d’exposition à la langue et des activités pratiquées chez les
quatre apprenants, il y a une grande différence dans la façon dont chacune réalise les
tâches. Les apprenants portent plus d’attention aux priorités qu’ils se sont fixées dans le
cours de leur apprentissage et leur représentation de la langue diverge : pour quelques
uns, l’anglais se limite à certains usages fonctionnels, pour les autres c’est le moyen de se
livrer à des activités langagières complexes, comme en LM. Bernard PY (1993) propose
de distinguer les apprenants selon la façon dont ils se situent par rapport au système de
connaissances linguistiques (interlangue), à la norme de la LC (pressions linguistiques sur
le système) et à la tâche (activité communicative). Les apprenants décident de leur
position par rapport aux trois pôles et c’est ainsi qu’ils définissent leur identité par
rapport à la langue.
57 Je ne fais que présenter les travaux de Lambert. Le profil stratégique est assez vague, ce que Véronique mentionne d’ailleurs dans son article. 58 Pour un tableau synthétique des données socio-biographiques et des résultats des tâches, voir pg. 76.
75
76
En mettant à l’épreuve la typologie de Py, on découvre que les formes d’apprentissage et
les niveaux d’expertise sont liés aux représentations de ces trois pôles et aux priorités que
les apprenants de l’étude de Lambert leur accordent. CG se focalise sur la tâche, FL se
focalise sur la norme, VE se focalise sur l’accomplissement des activités et sur
l’exploration du système et CL fait une distribution égalitaire entre les trois. Les
évolutions semblent plus favorables pour CL. Des auteurs comme Mondada et Py (1993)
affirment que l’apprenant et son profil ne constituent pas des données a priori mais des
catégories construites au fil des interactions. Il y a plusieurs profils qui sont en continuité
dans l’interaction communicative : profil de communicant, profil d’apprenant, voire
profil de vie. En conclusion, Véronique affirme que la notion de profil d’apprenant fait
courir le risque de renoncer à l’idée de co-action dans l’interaction et l’apprentissage car
elle est plus centrée sur l’individu que sur le contexte interactif où il s’inscrit.
En conclusion, on peut voir clairement que la notion de profil d’apprenant est polémique
dans la RAL, peut-être parce que, comme le dit Véronique, la RAL a davantage besoin
d’une approche compréhensive du procès d’appropriation linguistique que d’une
caractérisation de profils d’apprenants.
L. L’ACQUISITION DE LA SPATIALITE
Les domaines temporel et spatial constituent deux champs de recherche très importants
dans l’acquisition de langues étrangères. Dans le cours de Mme. Watorek, c’est
l’expression du deuxième axe et son acquisition par les enfants (L1) et par les adultes
(L2) qui nous a intéressés.
La notion d’espace a intéressé les penseurs depuis l’Antiquité et a évolué avec le temps.
Pour Aristote, par exemple, l’espace est antérieur aux objets alors que pour Pythagore, il
n’existe que par rapport aux relations avec les objets. Actuellement cette notion continue
d’intéresser les chercheurs. Par exemple, en 1997, Klein et Nuse décrivent les trois
composantes fondamentales de la référence spatiale, à savoir la structure de l’espace
(représentation du domaine spatial), le contenu sémantique (signification lexicale des
expressions spatiales utilisées) et la dépendance contextuelle (intégration de la
signification linguistique de l’énoncé à des informations contextuelles). Il faut savoir que
la conceptualisation et l’encodage grammatical de l’espace varie selon les langues. C’est
77
pourquoi l’acquisition de la spatialité en L2 implique non seulement l’acquisition des
moyens linguistiques pour exprimer les relations entre l’espace et les objets mais une
conceptualisation spatiale différente. Il faut donc apprendre à conceptualiser l’espace
pour pouvoir le verbaliser. Malgré la variation interlinguistique, la référence à l’espace
est composée d’au moins deux éléments : un fond, objet de référence (relatum) et une
figure, objet localisé (thème). Vandeloise (1977) a essayé de décrire les caractéristiques
asymétriques entre le thème et le relatum. Le thème est plus mobile, plus petit,
géométriquement plus simple et plus récent dans la scène spatiale que le relatum. Ceci
relève d’un principe général du langage, le principe extralinguistique. Pour décrire le
sémantisme entre les deux, il faut considérer trois critères : l’ordre du thème et du
relatum, le contact entre les deux et la symétrie. Ces deux éléments peuvent établir des
relations différentes : statique (la figure reste fixe dans l’espace), dynamique (la figure se
déplace à l’intérieur des bornes fixés par le fond) ou de changement de localisation
(déplacement avec franchissement de frontières).
Les relations entre la figure et le fond dépendent aussi de la stabilité ou de la mobilité des
points de référence. Les points de référence fixes peuvent être constitués d’un objet et la
région spatiale qu’il délimite. Cette région spatiale peut aussi se diviser en sub-espaces
topologiques comme on peut le voir dans la figure59 :
D’après la position et le contact de l’entité et le fond, le thème et le relatum peuvent
établir différents types de relation (inclusion, voisinage, exclusion), que l’on appellera
relations topologiques. Ces relations topologiques dépendent aussi des propriétés
inhérentes aux entités. Par exemple, on ne peut pas dire il y a une voiture dans le corps de
59 BECKER, A,. et CARROLL, M. (1993), pg. 122.
78
mon voisin mais on peut dire il y a une voiture dans la rue. Un point de référence fixe
peut aussi être délimitée en fonction de deux relata. On a ici une relation d’interposition :
le vélo est entre deux voitures.
Les points de référence variables sont ceux qui changent quand les paramètres de la
situation changent. Dans ce cas là, le point de référence se définit par la relation entre le
locuteur et une partie de l’espace ; le locuteur est le point de référence de base, c'est-à-
dire l’origo, point de croisement des axes. Cette relation peut être déictique, liée au
contexte, ou projective, liée aux axes vertical (lois gravitationnelle), latéral
(gauche/droite) et sagittal (devant/derrière). On trouve aussi une référence variable dans
la notion de parcours (entité en mouvement) et par celle de proximité (relative à la
distance).
Nous avons déjà mentionné la différence conceptuelle de la notion d’espace dans les
langues. Talmy (1983) distingue trois types de langues en fonction de la manière dont
elles expriment la manière, le mouvement et la trajectoire. Les langues germaniques
expriment le mouvement et la manière avec la racine verbale, laissant en satellite la
direction : I hopped out of the room. Les langues romanes, quant à elles, laissent la
manière en satellite, en l’exprimant le plus souvent avec un gérondif : Salí saltando, Je
suis sortie en sautant. Des langues comme le nord-hokan expriment à travers la racine
verbale à la fois le mouvement et la figure, comme dans le verbe pleuvoir : il pleut.
Le cadre de référence spatiale peut changer aussi en fonction des langues. Par exemple, la
description d’affiches, tâche utilisée par Watorek dans ses recherches, permet de
comparer le cadre additif de l’anglais au cadre global de l’allemand. Pour les
anglophones, c’est à travers la référence aux entités qu’ils vont faire la description des
affiches. Il faut aussi prendre en compte les moyens linguistiques que les locuteurs
anglophones privilégient pour telle tâche : préposition + SN (in front of the cafe there is a
mountain / beside the fountain there is a newspaper stand). Les germanophones, quant à
eux, ont comme cadre de référence l’espace et les sub-divisions de l’espace, qu’ils
expriment à travers des formes pro-adverbiales : vor dem Cafe ist ein Brunnen / daneben
ist ein Zeitungskiosk (devant le café est une fontaine / là-à-côté est un kiosque à
journaux).
79
Clark (1973) a analysé la vision des langues par rapport à l’espace et donc son
expression, en appelant la vision occidentale vision en face à face et la vision d’autres
langues, généralement d’Afrique, vision en tandem. Si un locuteur occidental orienté a
devant lui un cendrier et plus loin un livre, il exprimera la relation en disant le livre est
derrière le cendrier. Il y a une symétrie axiale entre le locuteur et les entités. En
revanche, si c’est un locuteur qui exprime les relations en vision en tandem, il dira le livre
est devant le cendrier. Ce locuteur se voit dans le monde par rapport aux objets comme
en tandem. Cependant, tous les locuteurs adoptent la vision en face-à-face lorsque l’objet
est invisible : ce qui est invisible est caché derrière. Dans le cas des relations
dynamiques, c’est la vision en tandem qui est partagée par tous : les objets sont animés et
imposent leur caractère dynamique progressant vers un point de l’horizon.
Hill (1982) a analysé la relation entre le mode de vie occidental, moderne et
technologiquement développé et la vision en face-à-face. Dans ce type de civilisation, les
locuteurs sont habitués à être devant les objets (télévision, ordinateur) parce que ces
appareils sont orientés. Les non Occidentaux, quant à eux, se verraient dans le monde
comme éléments constitutifs, dépendants de celui-ci. On peut voir ce lien avec des
expressions comme J’ai froid. Dans des langues comme le français, le locuteur se
considère le sujet, en dehors de la nature. Dans d’autres langues comme l’indonésien,
cette phrase se dirait « Le froid me prend ». Le locuteur est un élément constitutif de la
nature et donc au lieu d’être sujet, il est objet.
L’acquisition de la référence spatiale est très complexe, même en LM. Chez les enfants,
ce sont les relations topologiques qui prennent le devant, mais quand on observe quelles
relations topologiques sont exprimées, on se rend compte qu’elles dépendent beaucoup
des moyens linguistiques de la langue à acquérir. Les adultes débutants apprenant une L2
juxtaposent des éléments lexicaux (voir NUO, pg. 64) pour exprimer la spatialité. Par
exemple, stylo – table. Beaucoup d’éléments sont laissés à l’implicite ou au contexte (cf.
information parallèle de Klein, pg. 73). C’est plus tard, lors du développement des
catégories fonctionnelles, qu’ils grammaticalisent les énoncés, y compris les énoncés qui
relèvent de la référence spatiale : stylo sur table.
Les recherches sur les séquences acquisitionnelles de la référence spatiale montrent que
les apprenants de L2 expriment les concepts spatiaux dynamiques avant les concepts
80
statiques, apparemment parce qu’ils peuvent laisser plus de place à l’implicite et aussi
parce qu’à ce moment là le locuteur lui-même peut être le point de croisement des axes
(origo). Par exemple, l’une des tâches dans le projet ESF était d’exprimer ce qu’une
personne était en train de faire, comme Mettre le livre dans le sac. Des locuteurs
hispanophones exprimaient le mouvement en disant *el libro aden/* oui le livre à le
sac60. On pourrait penser que c’est la tâche demandée qui a déterminé l’utilisation des
concepts spatiaux dynamiques avant les concepts statiques mais il faut savoir qu’il y a eu
plusieurs types de tâches et des contrastes entre les tâches à chaque stade pour arriver à
une telle conclusion.
Les recherches montrent aussi que dans le cadre dynamique, ce sont les relations avec un
point de référence variable (déictiques et projectives) qui se développent avant les
relations topologiques. Dans les relations statiques, c’est tout à fait le contraire, les
relations d’inclusion, voisinage et exclusion se développent avant les relations déictiques
et projectives. Ceci dit, les références spatiales à deux relata s’acquerraient le plus
tardivement.
En somme, il y a quatre sources de détermination pour rendre compte de l’acquisition du
domaine de la spatialité. La première est l’influence de la structure conceptuelle de la L1,
qui concerne la façon dont la référence peut être exprimée et/ou comprise par des moyens
explicites ou implicites. La deuxième est l’influence des moyens discursifs dont dispose
l’apprenant, qui ne relèvent pas seulement de la référence spatiale, mais aussi des
stratégies interactives entamées avec le natif. La troisième, c’est l’influence de la LS.
Pour des locuteurs hispanophones, cette influence est évidente même à long terme.
Finalement mentionnons la difficulté extrinsèque d’acquisition de la LC, qui présente sa
propre difficulté systématique, quelle que soit la LS de l’apprenant.
M. ACQUISITION DE L2 PAR L’ADULTE ET ACQUISITION DE L1 PAR
L’ENFANT
Dans le cours de Mme. Watorek, Hicham Mehane et moi avons fait un exposé qui portait
sur une comparaison de la localisation spatiale entre les enfants (L1) et les adultes (L2).
Les grandes questions auxquelles nous avons tenté de répondre sont : Est-ce que la
60 Bernarda, cycle 1.
81
capacité à effectuer des activités discursives constitue le facteur décisif qui différencie les
deux types d’apprenants : enfants et adultes ? De quelles connaissances disposent les
deux types d’apprenants au début de l’acquisition ? Dans quelle mesure les discours des
deux types d’apprenants sont-ils influencés par les complexités conceptuelles et
linguistiques ? Comme on peut bien l’observer, ces questions portent sur des généralités
discursives ayant comme base l’expression de la référence spatiale.
Pour tenter de répondre à ces questions, nous avons analysé un corpus entre des enfants
L1 (4, 7, 10 ans) et des adultes L2. La tâche discursive en question était la description
d’affiche.
Voici quelques extraits des productions des enquêtés61 :
ENFANT L1 4 ANS ENFANT L1 7 ANSLoc : une voiture. Loc : y a une place.Int-Loc : sois bien précis elle voit pas Loc : y a quelqu’un qui fait du vélo.
l’affiche Emilie. Loc : et y a des arbres.Loc : une voiture. Loc : et y a un vélo.Int-Loc : ensuite y a d’autres choses Loc : y a des enfants qui jouent.ou pas ? Loc : et puis y a un camion dans la rue.Loc : un camion.Loc : un monsieur.Loc : un vélo.Loc : une voiture.
ENFANT L1 10 ANSLoc : sur le côté gauche il y a un immeuble.Loc : où en bas il y a un magasin.Loc : qui s’appelle « toblerone ».Loc : sur la porte au milieu sur la vitre il y a écrit café.Loc : en haut de la porte il y a marqué conditorei.Loc : plus en hauteur au dessus du magasin il y a l’immeuble jaune (…)
ADULTE (APPRENANT DEBUTANT POLONOPHONE DU FRANÇAIS)Loc : &sE &peti place # je sais pas # à centre place< fontanna> oui <fontanna> [ :=pl fontaine].Loc : juste a cote c’est quelques choses pour &asiLoc : et # à côté &fontan &sE &tabak avec dame &kele &vont # je ne sais pas # &vont journal.Loc : et [= soupire] devant le&tabak &Se petit &sE monsieur &kele+ …&kel &vont # e : peut+etre &salat.Loc : et à côté &fontan c’est dame &kele &vendre &flEr.Loc : et &sE beaucoup &larbr # &E à la place.
61 Watorek, 2003.
82
Les enfants de 4 ans n’arrivent pas à gérer la tâche communicative. Ils font un dictage à
repérage déictique malgré les sollicitations des enquêteurs. La structure se limite à un
SN62 et se limite à exprimer une relation topologique vague, de type « dans la région de ».
Cette réalisation est insuffisante pour la tâche. A leur tour, dans les productions des
enfants de 7 ans, les relations se complexifient. Il y a une augmentation de la précision
des relations topologiques telles que le voisinage, le contact et même l’interposition (à
deux relata). A part les relations de l’axe vertical, déjà acquises à 4 ans, on trouve des
relations sur l’axe latéral mais non sur l’axe sagittal. On trouve aussi une
complexification du schéma de l’énoncé, qui est liée au développement de la capacité à
gérer la tâche communicative. Le Sprép peut se trouver de façon plus ou moins égale en
position initiale et finale.
A 10 ans, les expressions spatiales sont riches. On trouve des relations topologiques
diversifiées et en ce qui concerne les relations projectives, les trois axes sont exprimés.
Cependant, l’axe sagittal reste un peu difficile à exprimer, peut-être à cause du choix des
relata. Ils privilégient alors les relations dans lesquelles c’est la position du relatum qui
détermine la localisation du thème : devant la dame sur le vélo il y a une camionnette
verte. Le relatum la dame sur le vélo détermine la localisation du thème camionnette
verte.
En ce qui concerne l’apprenant adulte, le schéma de l’énoncé est plus complexe dès le
début même s’ils utilisent des procédés idiosyncrasiques. La fréquence d’expressions des
relations projectives augmente avec le développement du répertoire linguistique. Si
certaines relations sont exprimées au détriment d’autres, c’est parce que leur expression
est linguistiquement plus simple. C’est pourquoi la juxtaposition des éléments lexicaux,
qui exprime une relation topologique simple, est utilisée par l’adulte avant d’exprimer
une relation projective pour laquelle il faudrait des moyens linguistiques spécifiques.
Ceci dit, on trouve des similarités dans le traitement de la tâche par des enfants de 7 ans
et par les apprenants adultes débutants. Voici d’autres extraits de Watorek (2003) :
ENFANT L1 7 ANS APPRENANT ADULTE DEBUTANT62 S’il y a une structure Sprép, ils la mettent en fin d’énoncé.
83
(polonophone du français)Loc : y a une place. Loc : je vois une place.Loc : y a quelqu’un qui fait du vélo. Loc : il y a cinq arbres et beaucoup de monde.Loc : et y a des arbres. Loc : il y a une homme qui & li le magasin.Loc : et y a un vélo. Loc : il y a une vielle femme qui &rest.Loc : y a des enfants qui jouent. Loc : et une vielle femme qui &vend le magasin.
Le traitement minimal d’une tâche verbale complexe63 est la simplification mais
l’accomplissement de cette tâche à l’aide de moyens simples, par exemple, par un adulte
qui a un lecte de base ou par un enfant de 7 ans. Leurs descriptions sont simples mais
efficaces par rapport aux contraintes de la tâche communicative. Beaucoup d’éléments
sont laissés implicites, comme par exemple les liens spatiaux (voir extrait supra). En
revanche, les entités sont regroupées autour des entités plus complexes. Par exemple, la
place, entité saillante, devient relatum du reste des énoncés. Il y a donc une cohérence
mais le discours est en général peu cohésif. Cette manière d’effectuer la tâche de
description spatiale est due au traitement minimal de la tâche. Dans le cas des adultes,
ceci ne dépend pas de la complexité conceptuelle de la tâche mais de la précarité des
moyens linguistiques.
Slobin (1993) fait référence aux trois ensembles de facteurs dont le locuteur a besoin pour
accomplir une tâche verbale complexe : la capacité discursive, la capacité conceptuelle et
la compétence linguistique. La capacité discursive influence la complexité conceptuelle
et linguistique développées simultanément chez l’enfant lors de l’acquisition de sa langue
maternelle. L’apprenant adulte dispose déjà de la complexité conceptuelle, développée
lors de son acquisition L1. Ce qui lui faudra acquérir ce sont les moyens linguistiques
pour gérer une tâche communicative complexe. Ces moyens sont très souvent
rudimentaires, ce qui le pousse à développer des moyens idiosyncrasiques ou à se servir
de sa langue maternelle. Autrement dit, l’apprenant adulte simplifie la représentation de
la tâche de manière à pouvoir la réaliser minimalement en fonction des moyens
linguistiques les plus opératoires dans son lecte. Ce lecte est ‘comparable’ à la
grammaire de base de l’enfant que Slobin appelle Basic Child Grammar. Les deux
systèmes, celui de l’enfant L1 et celui de l’adulte L2, partagent l’usage maximal des
moyens linguistiques limités et montrent des relations sémantiques transparentes et peu
63 Lorsque le locuteur a besoin des moyens complexes pour atteindre le but communicatif. Cours d’Acquisition d’une langue étrangère.
84
grammaticalisées. Ceci dit, le principe d’aller ‘du simple au complexe’ dans l’acquisition
n’est pas comparable dans ces deux systèmes car ceci concerne les capacités cognitives
du locuteur. Les adultes, avec des moyens verbaux limités, sont exposés à des exigences
communicatives qui ne s’appliquent pas et qui seraient plus que complexes pour un
enfant de deux ans ; par exemple, le fait de parler d’événements liés temporellement et
qui ne font pas partie de la communication immédiate. En revanche, la grammaire de
base de l’enfant ne se limite pas à des formes non finies. Quand une flexion grammaticale
est saillante au niveau de la perception de l’enfant et en lien avec des relations
conceptuelles disponibles, elle devient partie du répertoire productif de l’enfant dans les
phases initiales du développement grammatical.
Avec le temps, le développement de la complexité conceptuelle et linguistique est
accompli de façon homogène pour l’enfant. Il n’en va pas de même pour l’adulte. Malgré
une très bonne maîtrise de la compétence linguistique, les apprenants avancés continuent
à avoir une organisation discursive différente de celles des natifs. Par exemple, dans le
cas du cadre additif de l’anglais pour la spatialité et du cadre global pour l’allemand, un
anglophone apprenant l’allemand va privilégier l’utilisation préposition + SN en
allemand même s’il connaît et sait se servir des formes pro-adverbiales. C’est pour cela
que Watorek (2003) arrive à la conclusion que l’influence de la LS ne conduit pas
nécessairement à des énoncés agrammaticaux en LC. Ce qui différencierait donc les
apprenants avancés et les locuteurs natifs serait les principes d’organisation discursive et
dialogique.
N. CONCLUSION
Je dois dire que les recherches en acquisition des langues sont passionnantes mais très
complexes si l’on n’a pas de formation de base dans ce domaine. Je suis très contente
d’avoir fait ce choix d’option parce que, même si je n’ai toujours pas de réponse concrète
par rapport aux facteurs qui influencent l’appropriation de langues étrangères, j’ai réussi
à me faire une idée générale de tous les enjeux qu’englobent l’acquisition, production et
compréhension d’une langue étrangère. Tout ce processus, de l’intention (de
communiquer) à l’articulation, comme dirait Levelt, a l’air très simple mais est d’une
85
complexité étonnante. Je trouve remarquable que l’on puisse arriver à l’analyser, même
partiellement.
Mais il ne faut pas penser que la RAL se limite à des recherches théoriques non
applicables. En fait, elle sert de base pour la recherche en didactique des langues, qui elle,
est une praxéologie, c'est-à-dire une technologie. Entre la didactique des langues et les
théories du langage (grammaire, linguistique, philologie) il y a un rapport de
constitution : l’un n’existe sans l’autre. La recherche en didactique des langues peut se
servir de la RAL en mettant en cause différentes questions comme celle de progression,
profils d’apprenants, correction/évaluation et autres.
Quand on observe les recherches du continuum d’acquisition en LE, on peut très bien se
demander quel est l’objectif d’établir une progression linéaire en didactique alors
qu’apparemment l’acquisition se fait ‘naturellement’. Il en va de même pour les profils
d’apprenants (cf. Véronique pg. 74) et pour la correction d’erreurs. C’est pourquoi la
grande question qui reste pour moi est de savoir comment faire le lien entre la recherche
en acquisition des langues et la recherche en didactique des langues ou plutôt comment
mettre la RAL au profit de la didactique. Je suis consciente de la difficulté de la question.
Je remercie les professeurs respectifs.
86
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90
V. STAGES PEDAGOGIQUES
91
INTRODUCTION GENERALE
La maîtrise de FLE exige 150 heures de stage dans des organismes liés à l’enseignement
du FLE ou à la diffusion de la culture française en France ou à l’étranger. Des 150
heures, 50 concernent le stage administratif dont l’objectif est de mettre l’étudiant en
contact avec des activités autres que l’enseignement de la langue dans la salle de classe.
Les 100 heures restantes concernent le stage pédagogique qui doit s’adresser à au moins
deux publics différents avec des volumes horaires équivalents et si possible dans
différents types d’établissement avec des objectifs d’enseignement également différents.
Mon expérience comme professeur d’anglais et de français (cours particuliers) en
Colombie m’ont permis d’être dispensée des 50 heures du stage administratif (cf.
Validation des acquis).
Je tiens à mentionner ici la difficulté pour un étudiant étranger de trouver un stage
comme enseignant de français en France. D’origine colombienne, dès le début de mon
séjour en France je me suis mise à la recherche des stages pédagogiques. Les rejets furent
nombreux. C’était impensable qu’un étranger puisse donner des cours de français en
France s’il a une trace d’accent de sa LM. Cette situation m’a découragée car mon
objectif était de pouvoir mettre dans mon CV en Colombie que j’avais donné des cours
de français à Paris.
Heureusement, grâce aux divers contacts établis au long de mon séjour, j’ai réussi à
trouver trois stages pédagogiques dans des organismes différents : un collège public, une
université et une entreprise de mobilité.
Voici mes expériences, mes apports et mes apprentissages.
92
COURS DE GRAMMAIRE AVANCEE DU FRANÇAISUNIVERSITE DE PARIS VIII
Sous la direction de Mme. Sylvie POISSON – QUINTONMars – Juin 2003
INTRODUCTION
Durant l’année d’études de la maîtrise de FLE à l’université de Paris VIII, j’ai appris la
possibilité de faire l’un des stages pédagogiques ou le stage administratif au sein de la
même institution. Cette possibilité a été confirmée par Mme. Poisson – Quinton au début
de son cours « Didactique de la grammaire » et c’est de cette façon qu’elle m’a acceptée
comme stagiaire dans son cours de « Grammaire avancée du français ».
PUBLIC
Le public du cours de « Grammaire avancée du français » se composait d’une
cinquantaine d’étudiants de nationalités très variées, allant de pays proches de la France
comme l’Allemagne et le Maroc jusqu’à des pays plus ‘distants’ comme le Chili et le
Japon. Cette diversité d’étudiants venait donc de langues maternelles très différentes et
étaient plus au moins « grammaticalisés » selon leur culture éducative.
Dès le début du cours s’est posé le problème de savoir si le public avait vraiment la
capacité de suivre une formation avancée en grammaire française. Mme. Poisson –
Quinton (MPQ) a rappelé tout le temps qu’il fallait déjà savoir un certain nombre de
choses pour pouvoir suivre ce cours. C’est pourquoi à la fin du cours, on n’était plus
qu’une quarantaine.
ORGANIGRAMME ET OBJECTIFS
Le cours de « Grammaire avancée du français » a compté au total 37 heures et demie de
cours, comme tous les cours à l’université de Paris VIII. Son objectif était de former les
étudiants en grammaire avancée, comme l’indique l’intitulé du cours, en allant un peu
plus loin dans de simples explications et en travaillant des points très ‘fins’ de la langue
française. Si l’on regarde le programme du cours, on pourrait penser que c’est un cours
de grammaire intermédiaire mais c’est dans la réalisation que l’on voit le niveau avancé
du cours.
93
Il faut dire que pendant ce semestre-là, le nombre de grèves des transports en commun a
déstabilisé un peu le cours mais il y a eu des rattrapages qui ont permis d’atteindre
l’objectif du cours et de suivre le programme prévu.
PROGRAMME DU STAGE ET ATTENTES
Mon stage dans le cours de « Grammaire avancée du français » a été pour la plupart un
stage d‘observation et cela pour plusieurs facteurs. Tout d’abord, c’était mon premier
stage en FLE et en même temps c’était la première fois que j’allais enseigner le français à
un groupe d’étudiants. En Colombie, je ne donnais que des cours particuliers de français,
jamais à un groupe. De plus, le fait que le cours ait été d’un niveau avancé m’effrayait un
peu car je ne savais pas si mon niveau de français serait à la hauteur du cours. Pour toutes
ces raisons, mon rôle de stagiaire a été plutôt d’observatrice, rôle que je me suis attribuée
moi-même. Je pense que cela a été une bonne façon de commencer mes stages
pédagogiques car j’ai pris plus de confiance par rapport à mon niveau de français.
L’une de mes attentes principales était de voir l’application de la méthodologie que
j’apprenais dans le cours de « Didactique de la grammaire » avec le même professeur, le
passage de la théorie à la pratique.
APPORTS DE L’OBSERVATION – PRISE DE CLASSE
Mme. Poisson – Quinton (MPQ) a une grande expérience comme professeur de FLE.
C’est pourquoi j’ai l’impression qu’elle connaît par cœur le contenu et les activités
qu’elle doit réaliser. Cependant, le contenu du cours a été élaboré à l’aide des étudiants
qui ont dû remplir une fiche à propos de la représentation qu’ils avaient de la grammaire
française. L’une des questions portait sur la difficulté du français et elle a servi de base
pour que les étudiants expriment leurs difficultés. Ces difficultés rejoignaient le
programme que MPQ pensait développer dans le cours.
Nous avons beaucoup travaillé sur le verbe (la morphologie, la concordance des temps) et
spécialement sur des conjugaisons verbales absentes à l’oral, à savoir le passé simple et le
passé antérieur. Ceci dit, il y a eu aussi un travail sur l’imparfait et le passé composé.
Dans le cours il y avait quelques Allemands qui ont, c’est bien connu, des problèmes
avec cette distinction. MPQ connaît plus ou moins les difficultés spécifiques à chaque
94
langue maternelle (la détermination pour les Polonais, imparfait – passé composé pour les
allemands, pour – par pour les hispanophones), ce qui aide les étudiants à se concentrer
un peu plus sur leurs faiblesses. Dans le cours de « Didactique de la grammaire », nous
avions aussi parlé des difficultés spécifiques à certains locuteurs et j’ai donc pu confirmer
quelques erreurs récurrentes.
Néanmoins, il ne faut pas oublier que beaucoup de difficultés sont inhérentes à la langue
française et non aux langues maternelles des étudiants. Des sujets comme la place de
l’adjectif épithète, le H muet ou aspiré, le ne explétif, l’expression de l’antériorité, le
passage de l’oral à l’écrit, les relations logiques, la grammaire du texte, qui posaient
problème à l’ensemble des étudiants, ont aussi été travaillés longuement.
Nous avons établi un très bon rapport avec les étudiants. MPQ les fait participer
constamment et elle s’intéresse à leurs langues maternelles. En fait, elle essaie de faire
réfléchir les étudiants à leur propre LM. Ceci m’a fait penser au cours d’ « Enseigner la
civilisation en classe de FLE », où l’on fait un travail de va et vient entre les différentes
cultures. Dans le cours de grammaire, il y a eu aussi une action réciproque de réflexion
que j’ai ensuite appliquée dans mon stage à l’Apreca.
Dans cette interaction didactique avec les étudiants, il est impossible de ne pas noter la
simplicité avec laquelle le professeur aborde les sujets à enseigner. Elle profite de
n’importe quelle situation pour développer les sujets à traiter et promeut elle-même les
détopicalisations qui donnent lieu à des discussions sur des expressions figées ou des
marques de l’oral propres aux Français. En tant que stagiaire moins expérimentée de
l’enseignement du français, j’étais beaucoup moins souple que MPQ : dans mes
participations dans le cours, j’essayais de faire ce qui avait été planifié sans détourner le
sujet. Je pense que cette attitude est très normale chez un enseignant novice qui essaye
d’accomplir les activités prévues et qui est moins à l’aise par peur de perdre la face
devant les apprenants.
Au niveau des activités, il y a eu de la compréhension, de la production et des activités
métalinguistiques qui à mon avis restent absolument nécessaires dans un cours de
grammaire. Mais la grammaire, ce n’est pas tout. Et même dans un cours qui s’appelle
« Grammaire avancée du français », il y a eu place pour l’oral et même pour la
civilisation. Nous avons parlé des dialectes, des différences de prononciation selon les
95
régions, etc. Bien évidemment ma participation dans la partie orale et dans ce qui
concernait les régionalismes a été minime à cause du fait qu’il y a encore des choses en
français qui m’échappent. Ceci dit, j’étais contente d’apprendre des petites choses que je
ne connaissais pas. En plus, l’attitude de MPQ dans son cours n’est pas du tout celle
d’une personne qui connaît tout. Si jamais il y avait des questions auxquelles elle ne
pouvait pas répondre avec précision, elle y revenait la semaine suivante. C’est pourquoi
avec mes ‘lacunes’, je ne me suis pas sentie mal.
L’évaluation dans ce cours a été constante. On demandait aux étudiants de rendre leurs
devoirs écrits que l’on corrigeait et remettait la semaine suivante. L’auto – correction a
joué un rôle important : on laissait du temps aux étudiants pour réfléchir quand ils se
trompaient ou laissait aux camarades le soin de corriger les erreurs.
BILAN
Comme je l’ai dit auparavant, mon rôle comme stagiaire de ce cours a été plutôt un rôle
d’observatrice. Cela a été très important pour moi car cela m’a donné les bases pour mes
deux autres stages. J’étais très contente de voir le passage de la théorie (cours de
didactique) à la pratique et surtout de travailler l’écart entre la langue écrite et la langue
orale. Je trouve que cet écart est énorme en langue française, plus important qu’en
espagnol.
96
CLASSE D’ACCUEIL DU COLLEGE HENRI BERGSONSous la direction de Mme. Eva NEDELEC
Mai – Juin 2003
INTRODUCTION
Pendant l’année scolaire 2002-2003, j’ai été assistante d’espagnol du Collège / Lycée
Henri Bergson à Paris dans le 19e arrondissement. En étant dans cette institution je me
suis rendu compte qu’il y avait une classe d’accueil pour les collégiens primo - arrivants.
Une classe d’accueil (CLAD) est censée accueillir des adolescents qui n’ont jamais été
exposés à la langue française et n’ont que peu de notions des culture/civilisation
françaises. L’objectif de cette classe est de faire acquérir le français en un an, si possible,
et de pouvoir intégrer les élèves en classe générale l’année suivante. C’est un objectif de
grande ampleur car au début ils ne connaissent rien du français ; ils intègrent la classe de
FLE et tout de suite après ils doivent rejoindre les classes de Français Langue Maternelle
et d’autres disciplines en français.
Quand j’ai appris l’existence de cette classe, j’ai discuté avec la professeur titulaire de la
CLAD (Mme Nédélec) de la possibilité de faire un stage pédagogique avec elle et elle a
immédiatement accepté. Puis, j’ai demandé la permission à M Minne (le proviseur
général du collège/lycée) qui a lui aussi accepté.
PUBLIC
Le public de la CLAD était une vingtaine d’adolescents entre 12 et 18 ans qui
remplissaient les conditions décrites dans le dernier paragraphe. C’était donc leur
première année de français et dès le début du stage j’ai ressenti leur motivation pour
apprendre la langue. Voici une description plus précise des élèves :
PRENOM SEXE AGE NATIONALITE LANGUE MATERNELLE
DATE ARRIVEE EN CLAD
1. Abdelfatah M 16 Marocaine Arabe dialectal 02-20032. Badr M 15 Tunisien Arabe dialectal 09-20023. Célia F 12 Algérienne Arabe dialectal 12-20024. Chao M 16 Chinoise Chinois 02-20035. Edit F 14 Albanaise Albanais 01-2003
97
6. Farah F 13 Tunisienne Arabe dialectal 10-20027. Gledis F 17 Ghana Langue bantoue 10-20028. Hao M 16 Chinoise Chinois 09-20029. Herald M 13 Albanaise Albanais 01-200310. Jing M 13 Chinoise Chinois 12-200211. Larisa M 14 Roumaine Roumain 10-200212. Lin F 15 Chinoise Chinois 09-200213. Lisi F 14 Chinoise Chinois 09-200214. Mohamed M 16 Marocaine Arabe dialectal 09-200215. Niya F 16 Chinoise Chinois 10-200216.Pengcheng M 13 Chinoise Chinois 09-200217. Si Yue M 15 Chinoise Chinois 11-200218. Ting Ting F 13 Chinoise Chinois 02-200319. Wisseme F 14 Algérienne Arabe dialectal 12-200220. Xian Xian F 16 Chinoise Chinois 10-200221. Xuqing F 15 Chinoise Chinois 09-200222. Yaolin M 17 Chinoise Chinois 09-200223. Zhi Cheng M 13 Chinoise Chinois 02-200324.Zhongyong M 13 Chinoise Chinois 09-2002
Comme on peut le constater grâce au tableau, 60% des élèves sont d’origine chinoise et
25% sont arabophones. Ceci pose des problèmes pour faire qu’ils parlent en français. En
plus, ils ne cherchent pas vraiment à communiquer les uns avec les autres malgré les
grands efforts du professeur titulaire. Un autre problème est lié à la date d’arrivée en
CLAD : seulement 38% des élèves ont suivi l’enseignement dès le début de l’année
scolaire alors que 4 d’entre eux n’avaient suivi que deux mois de cours. C’est pour cela
que le professeur a divisé la classe en trois groupes : les intermédiaires (ceux qui avaient
suivi toute la formation), les débutants (ceux qui étaient arrivés en dernier) et les faux
débutants (le reste des élèves). Cette division n’est pas cependant aussi arbitraire qu’elle
le paraît : la durée de la formation se reflétait clairement dans le niveau de la langue.
Il faut aussi tenir compte de la situation sociale des élèves : dans leur grande majorité, ce
sont des migrants qui se trouvent dans une situation culturelle nouvelle et probablement
dans une situation socio-économique précaire64. Leurs parents ne connaissent pas non
plus le français, donc leur aide aux devoirs des enfants est limitée.
64 PORCHER, L. (1984) L’enseignement aux enfants migrants? Paris : Didier/Crédif.
98
ORGANIGRAMME ET OBJECTIFS
La CLAD assure au total 27 heures d’enseignements hebdomadaires qui se divisent en
différentes disciplines (mathématiques, sciences physiques, anglais, arts plastiques,
éducation physique) dont la plus importante en nombre d’heures est le français. Les
élèves ont cours tous les jours sauf le mercredi et c’est Mme. Nédélec qui est chargée
d’organiser les programmes des différentes disciplines pour qu’ils aillent dans la même
logique de formation. Pour Mme. Nédélec (MN), l’objectif de la CLAD était très clair : il
fallait former les élèves dans une culture éducative française à l’aide de la langue
française et des éléments culturels français pour qu’ils réussissent lors de leur intégration
en classe générale. C’est pourquoi la lecture et la rédaction des textes avaient un rôle
primordial dans la classe.
PROGRAMME DU STAGE ET ATTENTES
En suivant les consignes précisées par le département de didactique, ce stage a suivi une
progression de la phase d’observation jusqu’à la prise de la classe complète. J’ai fait en
tout 51 heures dont 31 d’observation et 20 de prise en charge de la classe. Dès le début, le
professeur et moi avons établi la progression de mon rôle dans la classe :
Observation : Pour comprendre la logique du cours, pour connaître les étudiants et
pour que les étudiants s’habituent à ma présence.
Activités précises : J’ai fait de petites prises de parole comme la dictée, une
présentation sur la Colombie, une correction de devoirs, etc.
Débutants individuels : J’ai travaillé individuellement dans une salle à part avec
chacun des débutants pour pratiquer quelques uns de leurs points faibles.
Groupe des débutants : Le professeur et moi avons divisé le groupe pour que je puisse
travailler avec les 4 débutants et elle avec le reste du groupe.
Classe complète : Celle-ci a été la phase finale, la prise de la classe devant le
professeur titulaire.
Je dirais que grâce à cette progression modérée mais rapide dans le temps, j’ai réussi à
gagner la confiance du professeur et des étudiants.
Mes attentes et mes craintes étaient diverses au début de ce stage :
99
Ma seule expérience d’enseignement avec ce type de public avait eu lieu dans le
même établissement comme assistante d’espagnol, comme je l’ai dit auparavant. Mon
bilan n’était pas très positif à cause des problèmes de discipline et je craignais d’avoir
le même problème avec la CLAD.
En même temps j’espérais améliorer mon image de l’école secondaire.
Je savais que MN était un professeur très expérimenté dans l’enseignement des
langues, donc je voulais voir une autre « façon de faire ».
Je m’attendais à une complémentation de mon premier stage (supra, pg. 93) car celui-
là avait été basé surtout sur l’observation.
APPORTS DE L’OBSERVATION
La CLAD assure 14 heures de français par semaine c'est-à-dire entre 3 et 4 heures par
jour. Ceci permet de prévoir beaucoup d’activités avec des contenus variés en pratiquant
des compétences différentes. MN fait une planification hebdomadaire du cours en se
fixant des objectifs spécifiques concernant le français mais aussi l’intégration des élèves
et la discipline. Elle n’a pas de contraintes institutionnelles, étant donné qu’il n’y a pas de
programme fixé par le ministère en ce qui concerne la CLAD. Pour cette raison, elle a la
liberté de choisir le matériel qu’elle veut (d’habitude elle travaille avec la Grammaire
progressive du français pour adolescents, avec différentes méthodes pour adolescents et
avec des documents authentiques).
Pendant la phase d’observation, nous nous voyions le lundi matin à 8h30 (le cours
commençait à 9h30) et elle me disait ce qu’elle avait prévu et les petites activités comme
la dictée qu’elle voulait que je fasse. On se voyait après chaque cours pour commenter le
déroulement des activités et les changements possibles dans la planification prévue pour
la semaine en fonction de la ‘réussite’ des activités pédagogiques, de la compréhension et
des progrès des élèves. Je tiens à mentionner que ces heures de planification et réflexion
n’ont pas été inclues dans le nombre d’heures du stage.
Comme je l’ai dit auparavant, les activités que MN prévoit sont très variées :
Grammaire : Elle enseigne la grammaire explicite dans une démarche inductive dans
laquelle ce sont les élèves qui donnent les règles. J’ai toujours eu l’impression que les
étudiants connaissaient déjà les formes que l’on était en train d’enseigner. Plus tard,
100
j’ai fait une observation plus pointue (en comptant les tours de parole des élèves) et
me suis rendu compte que ceux qui parlaient étaient ceux qui suivaient
l’enseignement depuis le début, c'est-à-dire les intermédiaires. Le professeur utilise
un peu de métalangage qu’elle explicite.
Champs lexicaux : MN travaille autour des champs lexicaux comme la médecine, les
animaux, les métiers, etc. Elle construit au fur et à mesure de la semaine des listes de
vocabulaire qui se trouvent dans les textes qu’elle distribue et qui se lient d’une façon
ou d’une autre à la ‘cohérence pédagogique’ de la semaine.
Civilisation : C’est le secteur le plus important de la CLAD. MN n’utilise pas de
manuel de civilisation (en fait, elle ne suit aucun manuel mais en tire éventuellement
les exercices dont elle a besoin). Elle se base plutôt sur la vie de tous les jours comme
les fêtes traditionnelles (Pâques), les infos politiques, le climat, la vie des élèves, etc.
La sensibilisation des élèves à la culture éducative française est très importante pour
elle : elle essaie d’intégrer les élèves au collège, de leur donner un sentiment
d’appartenance à l’institution.
La progression du cours se fait à partir des éléments que l’on trouve le plus souvent dans
les textes. Quelquefois ces éléments ont déjà été travaillés mais MN revient dessus. Sa
progression est en ellipse. Cependant, elle tient compte du niveau de chaque élève. C’est
pour cela que dans son cours les élèves intermédiaires jouent un rôle d’assistants des
débutants, rôle que j’ai rempli moi-même dans une des phases allant vers la prise de la
classe.
MN insiste beaucoup sur l’utilisation du français dans la classe et ailleurs. Ayant le
problème de l’hégémonie chinoise et arabophone, elle est obligée de le gérer. Elle
explique tous les concepts en français (elle est d’ailleurs très créative) et se réfère quelque
fois à l’anglais. Je pense que l’utilisation minimale de l’anglais est pour donner aux
élèves la sensation de ‘s’évader’ un peu du français. Au niveau de l’interaction, MN a
une très bonne relation avec ses élèves et ils semblent eux aussi l’apprécier beaucoup.
Elle arrive à gérer la discipline d’une façon calme, sans crier. Au lieu de crier, elle parle
plus bas pour qu’ils se taisent. L’interaction se fait très souvent de professeur à élève,
d’élève à professeur et d’élève à élève.
101
L’évaluation est constante dans la CLAD. MN corrige ou demande aux étudiants de
corriger leurs camarades. Ils semblent accepter cette forme de correction parce
qu’apparemment, c’est une routine de la classe. Les étudiants ont un examen écrit toutes
les semaines et ils doivent rendre des textes très souvent (1 ou 2 fois par semaine).
APPORTS DE LA PRISE DE CLASSE
Le premier jour de mon observation, le 5 mai 2003, MN m’a présentée au groupe
d’élèves. J’ai ressenti dès le début un grand intérêt de leur part. MN a expliqué ma
présence dans le cours en rappelant aux élèves le fait qu’il y avait déjà eu une stagiaire
dans la CLAD 3 mois auparavant. Les étudiants semblaient contents d’avoir la présence
de quelqu’un de l’extérieur. Ce jour-là, je me suis présentée, j’ai posé quelques questions
aux élèves pour entrer en confiance, j’ai parlé un peu de la Colombie et on a eu une
discussion sur l’espagnol et sur les traits physiques des Colombiens. Donc, je me suis
sentie bien accueillie dès le premier moment.
Comme je l’ai déjà précisé, les petites activités auxquelles j’ai participé au début de
l’observation ont été planifiées par le professeur. J’ai corrigé les devoirs tous les jours,
j’ai fait les dictées, j’ai fait une présentation de la Colombie qui a été très enrichissante
pour les élèves. MN a essayé de profiter de ma présence pour faire découvrir un monde
inconnu pour les élèves. C’est pourquoi pendant mon exposé de la Colombie les élèves
ont été très intéressés et ont posé beaucoup de questions.
Après ces petites interventions dans la CLAD, j’ai commencé à travailler avec les
débutants, d’abord individuellement et après en groupe. J’ai spécialement travaillé avec
Ting Ting et Zhi Cheng qui avaient beaucoup de mal dans la compréhension des
instructions en classe. A cause de ce manque de compréhension des activités à réaliser, ils
n’étaient pas très performants. Dans ces ‘séances particulières’ j’ai commencé par
retravailler des sujets vus en classe avec MN. Nous avons travaillé surtout la
prononciation, la réponse à des questions, et le fait de poser des questions au professeur
quand ils ne comprenaient pas. Il paraît que c’est très difficile pour un Chinois de
s’adresser au professeur parce que c’est une figure de grande autorité en Chine (plus
qu’en France apparemment). J’ai aussi travaillé avec des images pour pratiquer le
102
vocabulaire. Les étudiants ont bien réagi à ces séances et je pense qu’ils se sentaient
‘privilégiés’ par le fait d’avoir cours individuel avec moi.
Le passage entre les cours individuels et le groupe avec les débutants a été très doux
parce que je connaissais mieux les élèves. MN m’a laissé choisir les activités
pédagogiques mais nous nous sommes mises d’accord sur les sujets à enseigner. Elle était
pour une progression à travers les difficultés rencontrées dans les documents utilisés et
j’étais pour une progression plus grammaticale. Je sentais que les élèves avaient besoin
de repères plus stables. A la fin, c’est moi qui ai imposé ma manière de faire sans pour
autant abandonner la façon de faire de MN : j’ai travaillé la grammaire et ensuite j’ai
travaillé le texte qui contenait les points de grammaire dont on venait de parler. J’ai
notamment travaillé le futur proche à l’aide du champ lexical des métiers et la possession
à l’aide du champ lexical des vêtements et des couleurs. J’ai encore travaillé avec des
images (posters et transparents).65
La prise en charge de la classe complète a été un peu difficile pour moi. J’avais vu la
souplesse de MN quand elle enseignait et craignais de ne pas avoir le même rapport avec
les élèves. Heureusement, tout s’est très bien passé : les élèves ont bien accepté le
changement de professeur. Cependant, je ne pense pas que pour les élèves j’aie été le
‘professeur’. Je pense que pour eux c’était un peu comme un jeu. La planification des
activités a été faite à deux mais c’était à moi de proposer à MN ce que je voulais faire.
J’ai suivi la logique qu’elle avait déjà imposée dans son cours, c'est-à-dire que seul le
français était parlé en classe, l’interaction n’était pas seulement professeur- élève mais
élève – professeur et élève – élève. Il en va de même pour ce qui concerne la correction
entre camarades. J’ai continué à travailler dans la logique grammaire-lexique-civilisation.
Je retiendrais deux activités que j’ai introduites dans la CLAD : la grammaire du texte et
l’utilisation de la vidéo. En me basant sur les dictées de MN, j’ai fait réfléchir les élèves
aux reprises anaphoriques et co-textuelles du texte. Les élèves ont su répondre aux
questions comme « Pourquoi est-ce que l’on remplace des mots dans le texte par d’autres
mots ? » ou « A quoi est-ce que cela renvoie ? ». Je pense que cette activité
métalinguistique a été enrichissante pour les élèves. J’ai voulu aussi inclure un support
que MN n’avait pas utilisé pendant mon observation : la vidéo. Je pense que j’avais la
65 Pour un exemple des images travaillées, voir Annexe 2 pg. 115.
103
nécessité de marquer des distinctions par rapport à elle et de laisser une trace de ma façon
d’enseigner. Comme elle avait travaillé le champ lexical des animaux pendant que je
faisais l’observation de la classe les premiers jours, j’ai voulu travailler un documentaire
qui s’appelle « Une vie de Lion » (cf. annexe 3, pg. 116). J’avais enregistré ce
documentaire au début de l’année 2003 et le sujet pouvait être tout à fait adapté à la
CLAD. Nous avons regardé le documentaire deux fois et j’ai fait un travail sur la
compréhension orale et sur le lexique.
BILAN
Je dois dire que le stage avec la CLAD a été très enrichissant pour moi, surtout au niveau
du public. J’avais peur d’enseigner aux adolescents parce que ma première expérience ne
s’était pas bien passée. Dans la CLAD, les élèves étaient très gentils et ils m’ont bien
acceptée. Au niveau de la mise en pratique des contenus de la maîtrise, je pense que c’est
difficile d’intégrer une classe en fin d’année, lorsque les routines de classe sont si bien
installées. Je suis convaincue que pour pouvoir mettre en place des choix
méthodologiques, choix du contenu, choix du matériel, etc., il est nécessaire d’être ‘son
propre chef’.
104
APRECASous la direction de Mlle. Valérie TSCHANN
Mars – Avril 2004
INTRODUCTION
L’amitié avec une camarade de la maîtrise de FLE m’a permis d’entrer en contact avec
l’Apreca (Action pour la promotion des échanges, du conseil, de l’assistance). Cette
institution est un organisme de mobilité chargé d’accueillir de jeunes stagiaires européens
qui sont en train de finir ou qui viennent de finir leurs études universitaires. Les stagiaires
entrent en contact avec l’Apreca dès leur pays d’origine pour essayer de trouver un stage
en entreprise. L’Apreca trouve un logement, un stage et fournit une aide linguistique
avant d’envoyer les stagiaires en entreprise. Ce soutien linguistique dure généralement 4
semaines (60 – 80 heures) et permet aux stagiaires d’acquérir des bases en langue et
culture françaises.
Pour être acceptée comme stagiaire de français à l’Apreca, j’ai dû passer un entretien
pendant lequel je devais expliquer quelle était mon expérience dans l’enseignement des
langues étrangères, ma méthodologie et quel type d’activités je pensais mettre en place.
J’ai été accepté apparemment grâce aux activités dont j’avais parlé et à ma possible
autonomie pour enseigner. J’ai été très contente d’être acceptée.
PUBLIC
Le public de l’Apreca consistait en une dizaine d’adultes portugais entre 23 et 26 ans. Ils
avaient tous suivi une formation en français (3 ans) au lycée parce que le français fait
partie du cursus établi par le ministère de l’éducation portugaise. Dans le formulaire
qu’ils devaient envoyer à l’Apreca, ils ont tous indiqué que leur niveau en langue
française était moyen et Mlle. Tschann (MT) et moi nous sommes préparées à un public
de niveau intermédiaire. Lors du premier cours nous avons testé le niveau des stagiaires
et voici les résultats :
105
PRENOM SEXE AGE PROFESSION NIVEAU
Anabela F 24 Opticienne Débutant
Ana Carina F 23 Opticienne Faux débutant
Ana Luis F 23 Opticienne Débutant
Ana Rita F 24 Opticienne Débutant
Diogo M 26 Opticien Faux débutant
Joao M 25 Opticien Faux débutant
Luisa F 23 Vétérinaire Faux
intermédiaire
Marta F 25 Vétérinaire Faux débutant
Sandro M 25 Vétérinaire Faux débutant
Silvia F 26 Opticienne Faux débutant
Aucun des stagiaires n’avait le niveau intermédiaire auquel nous nous attendions mais en
revanche ils étaient très motivés pour apprendre la langue française. La plupart des
stagiaires étaient des femmes (7) contre 3 hommes. Ils étaient soit opticiens soit
vétérinaires, ce qui permettait un travail plus homogène sur le vocabulaire du futur stage.
L’un des problèmes d’avoir des stagiaires de la même origine est la gestion de la langue
en classe et en dehors de la classe. En cours, dès le premier jour nous avons établi les
règles du jeu : pas de portugais en classe. Tout de suite les stagiaires ont eu recours à leur
deuxième langue, l’anglais, qu’ils parlaient tous d’ailleurs très bien. Nous avons essayé
de gérer ce problème en rappelant aux étudiants qu’étant donné qu’ils passaient tout leur
temps ensemble, ils ne pouvaient pratiquer le français qu’en classe. Heureusement ils, ont
vite compris l’importance de ce point et leur utilisation du portugais et de l’anglais a été
minime (pour le lexique). Il faut cependant dire que cette classe a été ‘multilingue’.
Comme quelques stagiaires avaient fait un peu d’espagnol, quand ils demandaient un mot
en français, ils le demandaient aussi en espagnol. Suivant cette démarche plurilingue et
pour mon propre intérêt (je suis un cours de portugais en ce moment), quelquefois je leur
demandais moi aussi comment on disait le mot en portugais.
106
PROGRAMME DU STAGE ET ATTENTES
Ce stage de 60 heures au totale (15 heures hebdomadaires) s’est avéré assez intensif
puisque seul le jeudi était libre. Son objectif, comme il est indiqué plus haut, était de
préparer le jeune stagiaire pour son stage en entreprise en lui donnant des moyens
linguistiques pour s’exprimer. Ceci sous-entendait une préparation culturelle à la vie en
entreprise en France sans exclure des activités culturelles comme des sorties au musée,
etc.
Dès le début du cours, MT m’a présentée comme étant un professeur, elle a dit que les
étudiants avaient la chance d’avoir deux professeurs pour le prix d’un. Je ne me suis
jamais sentie vraiment stagiaire parce que toutes les activités ont été planifiées ensemble.
C’est l’avantage d’être là du début à la fin du cours et je pense que cela change tout :
dans le stage avec la CLAD, le groupe avait ses routines et il a fallu que je m’y adapte.
Dans le stage avec l’Apreca, j’ai pu établir des routines d’enseignement moi aussi.
Dans cette logique de collaboration, MT a pris la parole au tout début : le premier jour
elle a fait le test de niveau que j’ai préparé et au deuxième cours elle a commencé le
programme. Mais même ces jours-là j’ai participé à l’activité d’ ‘ice breaker’ du premier
jour et à la correction du test de niveau le deuxième jour. A partir du troisième jour, le
temps de l’observation et de la prise de la classe ont été 50 – 50. Je faisais cours la moitié
du temps tous les jours et pour cela il a fallu une grande coordination. Chacune venait
avec ses idées pour le lendemain (nous n’avions pas fait de programme fixe pour le
mois), on discutait de l’objectif des activités et normalement celle qui prévoyait l’activité
la mettait en pratique.
Mes attentes étaient très grandes au début de ce stage :
Je connaissais l’âge des stagiaires et leur but en France et ceci me rappelait le public
avec qui je travaillais en Colombie. Je ressentais le besoin de retrouver l’ambiance
des mes cours là-bas.
Je me sentais plus sûre de moi-même et de mes connaissances en français. Le contenu
de la maîtrise FLE et le stage à Paris VIII m’ont aidée beaucoup pour cela.
Je ressentais le besoin de participer à un stage où je puisse être plus active et où je
puisse laisser traces de ma démarche pédagogique.
107
APPORTS DE L’OBSERVATION – PRISE DE CLASSE
Pour ce stage, je commenterai les apports de l’observation et de la prise de classe en
même temps, étant donné que j’ai été observatrice et enseignante pendant toute la durée
du cours. Je voudrais mentionner des aspects très précis de ce stage, à savoir
l’intervention pédagogique, les interactions enseignant – étudiant et étudiant – étudiant, la
matière enseignée, les sorties culturelles, les supports utilisés et l’évaluation des
apprenants.
En ce qui concerne l’intervention pédagogique, elle a commencé, comme c’est normal,
avant chaque cours, c'est-à-dire, dans l’étape de planification. Cette planification des
activités a été faite à deux en essayant d’avoir une harmonie hebdomadaire qui pouvait
inclure à la fois mes activités et celles de MT. Comme nous avions cours pendant 3 ou
quatre heures selon les jours, nous faisions une pause qui nous permettait de changer de
rôle : quelquefois j’enseignais la première et vice-versa. Chaque séquence didactique
durait trois ou quatre jours mais chaque semaine, nous avons repris indirectement les
sujets étudiés auparavant pour avoir une progression en ellipse. Chaque séquence
didactique durait deux ou trois jours mais elles s’alternaient : nous avons voulu travailler
différents points en même temps pour donner aux apprenants la possibilité d’articuler
différentes notions. Par exemple, nous avons commencé avec le présent de l’indicatif un
jour et le lendemain nous avons continué à le travailler mais nous avons alterné en même
temps le futur proche avec le verbe avoir.
Comme cela peut paraître évident avec le commentaire que je viens de faire, le fil
conducteur de notre cours a été la grammaire. MT et moi étions d’accord sur
l’importance capitale de la grammaire dans l’enseignement/apprentissage d’une langue
étrangère. Il en va de même pour le métalangage, nous nous en sommes servi mais nous
l’avons explicité aux apprenants qui n’avaient pas d’ailleurs une grande formation en
réflexion linguistique.
Au niveau des interactions didactiques, je peux dire que le rôle des étudiants a été très
actif : ils proposaient des thèmes de discussion et nous n’avons posé aucune contrainte à
ce type de détopicalisation du sujet d’enseignement. Au contraire, ces discussions ont
amplement contribué à l’acquisition de la langue. Au début du cours les interactions était
plus de l’ordre enseignant – apprenant à travers des questions mais ceci a changé au fur et
108
à mesure que les stagiaires avaient plus de confiance en eux et disposaient de plus de
moyens linguistiques pour s’exprimer.
Si je dois parler des contenus enseignés, je dirais qu’il y a eu un décalage entre la
planification et la réalisation du planning pour chaque séance. Notre choix dans la
planification du cours a été de privilégier l’enseignement de la grammaire parce qu’en
étant dans un contexte endolingue, nous croyions à l’apprentissage incident de la vie
quotidienne. Nous avons essayé de fournir des éléments que les apprenants ne pouvaient
trouver qu’en apprentissage en milieu guidé. Cependant, nous avons vite réalisé que les
étudiants ne pratiquaient pas beaucoup le français en dehors de la classe parce qu’ils
passaient tout leur temps ensemble. C’est pourquoi dans la réalisation des activités, le
domaine privilégié a été la communication.
Les activités culturelles ont elles aussi joué un rôle très important : tous les vendredis
nous avons fait des sorties pour sensibiliser les stagiaires à la culture française mais aussi
à la diversité culturelle présente en France et spécialement à Paris. Nous avons été au
musée Carnavalet (histoire de Paris) et à la cité des Sciences et de l’Industrie. Ces
expériences se sont avérées très intéressantes non seulement pour les stagiaires mais aussi
pour les accompagnateurs. En allant en différents endroits, nous avons recueilli des
documents authentiques (publicité et autres) que nous avons ensuite utilisés en cours.
J’étais très contente de cette exploitation des documents authentiques qui liaient les
sorties avec des activités réalisées par la suite. Je n’avais jamais utilisé les documents
authentiques de cette façon-là, cela a donc été un vrai apprentissage. En ce qui me
concerne, j’ai utilisé les manuels de phonétique, de civilisation et de vocabulaire que
j’avais recueillis à Expolangues 2004 (notamment des manuels de CLE International). Ils
m’ont beaucoup aidée. Je me suis aussi servi de quelques documents authentiques tels
que le journal gratuit Metro et des plans de la vile de Paris, également gratuits dans le
métro. MT a utilisé des documents authentiques oraux (des extraits d’émission) pour
créer des débats en classe.
L’évaluation a aussi joué un rôle important dans notre cours. Comme je l’ai déjà
mentionné, nous avons commencé le cours par un test de niveau que j’ai conçu (cf.
annexe 4, pg. 119). Nous avons fait un test toutes les semaines ; ce qui était important
pour nous n’était pas vraiment le résultat mais l’effet qu’ils pouvaient produire chez les
109
apprenants, c'est-à-dire la prise de conscience des étudiants des points faibles qu’ils
devaient travailler. De plus, nous avons fourni des éléments qu’ils pouvaient mettre en
pratique pour s’améliorer. Il y a eu donc une évaluation continue tout au long du cours et
elle nous a permis de nous rendre compte des grands progrès faits par les étudiants. Je
pense que tout ce qu’ils avaient étudié pendant 3 ans au lycée s’est réactivé avec le
contact du français. De mon expérience comme enseignante de langues étrangères, c’est
le groupe que j’ai vu le plus progresser en si peu de temps.
BILAN
Je trouve que ce stage a été le plus complet de tous pour des raisons logiques liées au
temps, à la confiance en moi-même, à l’expérience et à la liberté des choix
méthodologiques, de contenu et de matériel. MT a vu en moi une collègue et non une
stagiaire, ce qui m’a permis de m’exprimer en tant qu’enseignante expérimentée des
langues étrangères. J’ai retrouvé mon expérience d’enseignement en Colombie car c’est
avec le même type de public que j’avais travaillé. Je me rends compte que ce type de
public, c'est-à-dire des adultes que je ne dois pas former comme personnes me convient
plus que des enfants ou des adolescents. Je suis très contente de ce stage de l’Apreca et
je sais que le sentiment de Mlle. Tschann et des stagiaires est identique.
110
BILAN GENERAL
Les stages pédagogiques m’ont permis d’avoir une réflexion sur les problématiques de la
mise en pratique des savoirs et des savoir-faire dans la classe et surtout de me rendre
compte de la différence entre l’enseignement d’une LE en milieu exolingue et en milieu
endolingue. Je n’avais jamais enseigné une LE dans un milieu endolingue et je dois
avouer que c’est très sécurisant de savoir qu’en tant que professeur, on n’est pas la seule
source d’exposition à la langue que les apprenants ont. Ceci permet aussi d’avancer un
peu plus vite que dans un contexte exolingue.
Ces stages m’ont aussi permis de comparer la didactique de l’anglais et celle du français.
J’ai pris beaucoup de goût à enseigner le français et ne regrette donc pas le choix d’avoir
fait une pause dans mon métier d’enseignante d’anglais. De plus, cela a été l’occasion de
découvrir des situations d’enseignement nouvelles, telles que l’enseignement à
l’université et la diversité culturelle et linguistique en classe.
Je dirais que mes stages ont suivi une progression cohérente au niveau des observations et
des prises de classe : dans le premier stage mon rôle a été majoritairement celui
d’observatrice, dans le deuxième ma participation a été très méthodiquement prévue et
dans le troisième c’était un vrai ‘team-teaching’. Ils m’ont tous apporté énormément de
choses que je mettrai certainement en pratique ultérieurement.
Je tiens à remercier les trois professeurs, Mme Poisson – Quinton, Mme Nédélec et Mlle
Tschann, pour leur collaboration.
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CONCLUSION GENERALE
La maîtrise de Français Langue Etrangère m’a permis de me remettre aux études après
une longue période de pause. Cela change la vision que l’on peut avoir des études car,
ayant de l’expérience professionnelle, on est plus critique et peut-être plus attentif aux
contenus. S’il y a des contenus que j’avais déjà étudiés en Colombie (méthodologies,
pratiques de classe, etc.), je les ai observés cette fois-ci sous un autre angle ou je les ai
mis en cause. Ceci dit, le plus enrichissant de cette maîtrise a été les contenus novateurs,
que je n’avais pas étudiés en Colombie, à savoir l’anthropologie et la recherche en
acquisition des langues.
J’ai été très sensible à la prise en compte de l’anthropologie dans l’enseignement de la
civilisation en classe de langue étrangère. Je n’avais jamais fait le lien entre
l’anthropologie et la didactique mais au jour d’aujourd’hui il me paraît primordial. La
question de l’altérité et celle des stéréotypes en classe m’ont donné la possibilité de me
poser des questions sur les mêmes problématiques dans la vie quotidienne. C’est donc
une évolution très personnelle que j’ai faite grâce au domaine de l’anthropologie.
La ‘découverte’ de la recherche en acquisition des langues a été une révélation dans ma
vie d’étudiante. Je pense que c’est le domaine qui correspond le mieux à ce que
j’attendais au début de la maîtrise car, ce que je voulais, c’était de trouver un domaine de
recherche qui m’intéresse suffisamment pour poursuivre mes études en DEA. C’est donc
l’acquisition des langues qui m’a motivée à m’inscrire dans le DEA de Didactologie des
langues et des cultures à l’université de Paris III, où je suis actuellement.
Je suis très satisfaite d’avoir fait la maîtrise de FLE car elle m’a permis d’améliorer mon
niveau de français, de me plonger dans un domaine de recherche très intéressant et
d’envisager mon futur métier comme professeur à l’université.66
66 Je tiens à remercier ici Sylvie Poisson-Quinton pour ses corrections et sa gentillesse, Marion Robert pour son amitié et son aide, Frédéric Louis pour son affection et ma famille pour son amour.
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ANNEXES
1. Corpus de communication exolingue Marie-Chantal JEAN-BAPTISTE, Camila ROJAS, Camelia TUDOSESituations plurilingues et communication exolingue Prof. Pierre MARTINEZLe 3 décembre 2002
La veste a-t-elle ou non des manches ?
L’enregistrement s’est fait dans un magasin de vêtements pour des femmes. A: Camelia. Etudiante roumaine, 24 ans, en France depuis 2 mois.
Lm : Roumain L2 : Français, Allemand, Anglais, LatinB: Vendeuse Marocaine, 20 ans, en France depuis 12 ans.
Lm : Arabe L2 : Français, AnglaisA1 : Bonjour !B1 : Bonjour !A2 : Est-ce que vous avez des vestes↑ ?B2 : Des vestes comment↑ ?A3 : Des vestes⁄B3 : Les vestes commencent juste dans le premier pied là (Elle montre du doigt des manteaux)A4 : Ah, bon↑ (Elle se tourne et regarde les manteaux) B4 : Oui + des courtesA5 : Mais +B5 : vous voulez, vous voulez comment↑ ?A6 : Ou :i, courtes. Bien sûr.B6 : Courtes en noir↑ ?A7 : Ah + mais + les vestes : + ont-ils des manches + ont-elles des manches + les vestes↓ ?B7 : Avec des manches !A8 : Mais les vestes ont ++B8 : Ouais +A9 : ou non des manches↑ ?B9 : Non, elles ont des manches, les vestesA10 : Mais + est-ce que vous + vous avez mis une veste↑ ?B10 : Non, non, non, c’est un pull↓A11: C’est un pullB11: Ah vous voulez des vestes comme ça en fait↑ sans manches↓A12 : Ou :i c’est pas ça une veste ↑ ?B12 : Non, parce que moi j’ai + j’ai compris doudounes, les petits doudounesA13 : Ah + non↓ B13 : En voulez de quelle couleur↑ ?A14 : Mm, + je ne sais pas
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B14 : On en a là, regardez ! (Elle montre du doigt des vêtements) mais venez, je vais vous faire montrer. C’est comme ça ++++ (On se dirige vers les vêtements désignés par la vendeuse) A15 : Ah bon↓B15 : Comme ça ↑ ? + On a en noir aussi comme ça ++A16 : Est-ce que vos clientes françaises :: + prennent : une veste souvent + chez vous ↑?B16 : Souvent↓A17 : Souvent↑?B17 : OuaisA18 : Mais + vous savez + c’est pas bien de prendre une veste, normalement↓B18 : Pourquoi ↑ ?A19 : <…….. ?> Parce qu’on veut réussir, pas + échouer, non↑ ? Vous ne trouvez ↑?B19 : Comment↑ ? Je n’ai pas compris↓A20 : Bon :: « Prendre une veste » + ça signifie aussi + « subir un échec », n’est-ce pas↑ ?B20 : ‘chépa’ du tout ↓A21 : {rire} B21 : ‘chépa’ vous dire. ‘chépa’ du tout. {rire}A22 : Vous n’étés pas française + de souche ↑ ?B22 : Non↓ <dépit>A23 : Quelle est votre origine ↑?B23 : Marocaine ↓ A24 : Marocaine ↓. Merci de toute façon.B24 : Je vous en prie. (en s’éloignant)
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2. Type d’image travaillée dans la CLAD
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3. Activité réalisée dans la CLAD à partir du film documentaire « Une vie de lion ». Arte, 2003.
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4. Test de niveau conçu pour l’Apreca.
TEST DE NIVEAU DE LANGUE FRANÇAISENom:Prénom:
A. Complétez avec les adjectifs indiqués. Faites les transformations nécessaires.Ex. Ma femme est blonde . (blond)
C’est une ____________ fête. (joyeux)Ces montagnes sont très __________. (haut)J’ai deux _________ amis. (bon)L’eau est ___________. (froid)Mon amie est ____________. (italien)Cette fille est très __________. (tranquille)
B. Ecrivez la question correspondant à la partie soulignée de la réponse.Ex. __Où est-ce qu’elle habite__ ?
Elle habite à Paris.
_______________________ ?Il est six heures._______________________ ?Je suis professeur._______________________ ?J’ai 4 classes de 35 élèves._______________________ ?J’enseigne la géographie.
C. Mettez le verbe entre parenthèses au présent.Ex. Ils (marcher) __marchent__ vite.
Quelle vie ! C’est toujours la même chose. Les enfants (venir) __________ me déranger quand je (lire) _______ mon journal. Le téléphone (sonner) __________ quand ils (faire) ________ leurs devoirs. Et leurs copains (arriver) ____________quand nous (manger) ___________. En plus, ils (prévenir – nég.) ____________.On n’est jamais tranquilles.
D. Choisissez le temps qui convient pour chaque verbe (présent, passé, futur). Chère Maman,Juste quelques lignes pour te dire que tout va bien. Mais hier, quand je (arriver) ________________ à la gare de Nice, Marie ne (être) ____________ pas là pour m’accueillir. Il (faire) ___________ une chaleur terrible et donc, je (prendre) ____________ un taxi pour aller chez elle. Je vais rester à Nice pendant quelquesjours et, la semaine prochaine, Marie et moi (visiter) ____________ l’arrière pays niçois. Je te (écrire) _________ bientôt. Je t’embrasse.
Sophie
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E. Une amie vous écrit pour vous annoncer qu’elle va venir vous voir en France. Que lui répondez vous ? Complétez les phrases suivantes.
Je suis très content(e) ______________________________________________.J’espère que _____________________________________________________.Il faut absolument que _____________________________________________.J’aimerais que ___________________________________________________.Si tu pouvais venir pour les vacances de printemps, ______________________.
F. Complétez le texte avec les pronoms relatifs et les pronoms personnels qui conviennent.Ex. La personne __dont__ je __t’_ ai parlé s’appelle Marie.
Deux femmes parlent d’acheter un cadeau pour des amis qui vont se marier.- Qu’est-ce qu’on ________ offre, tu as une idée ?- Non, je ne connais pas leur nouvelle maison. Toi, tu ____ connais, non ?- Oui, je ____ suis allée la semaine dernière. Ils ont une cuisine neuve _______ je
trouve assez jolie. Elle a une porte ______ ouvre directement sur le jardin.- Ils ont un jardin ?- Oui, ils ________ ont un très grand. - On pourrait _________ donner une table de jardin !- Oui, bonne idée. On ______ commande tout de suite.- D’accord.
G. Reliez les phrases suivantes en utilisant une expression de cause, de conséquence, de concession, de but ou de condition.Ex. Je rentrerai à 8 heures. / Il sera parti.
Je rentrerai à 8 heures après qu’il sera parti.
Tu n’as rien compris. / Je vais t’expliquer.______________________________________________________________.Il est très fatigué le soir. / Il ne peut pas lire.______________________________________________________________.Elle a un travail fou. / Elle sort tous les soirs.______________________________________________________________.Je veux bien l’aider. / Elle me prévient à l’avance.______________________________________________________________.Il travaille beaucoup. / Il a besoin de gagner beaucoup d’argent.
H. Expression écrite. (8 lignes) Vous devez écrire une lettre à une amie pour lui raconter votre nouvelle vie à Paris.________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________
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