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Air Pur N° 75 - Deuxième semestre 2008 - 11 SOLUBILITÉ DES ÉLÉMENTS Karine DEBOUDT 1 et Pascal FLAMENT 1 SOLUBILITÉ DES ÉLÉMENTS TRACES MÉTALLIQUES ATMOSPHÉRIQUES DANS L’EAU RÉSUMÉ La biodisponibilité et la mobilité des Eléments Traces Métalliques (ETM) atmosphériques dans l’environnement sont fortement accrues par leur solubilisation en milieu aqueux. Une des voies importantes de retrait des ETM de l’atmosphère est le dépôt humide. Son efficacité dépend de nombreux paramètres tels que la distribution granulométrique des particules associées aux ETM, la proximité des sources ou les caractéristiques des précipitations. Lorsque le contact des aérosols contenant des ETM avec la phase aqueuse est établi, le pH de la phase aqueuse, l’éventuelle présence d’agents complexants et le type de liaisons liant les ETM aux constituants majeurs des aérosols joueront un rôle déterminant sur leur solubilité. INTRODUCTION Les deux principaux processus par lesquels les Eléments Traces Métalliques (ETM) quittent le compartiment atmosphérique sont le dépôt sec ou le dépôt humide. Le dépôt sec se réalise par sédimentation (particulièrement efficace pour les plus grosses particules), par diffusion ou par impaction sur les sols, bâtiments ou végétaux. Le dépôt humide consiste en un piégeage des particules atmosphériques par les pluies, les brouillards, la neige ou la grêle. L’importance relative de ces deux types de dépôt dépend de la localisation géographique, de l’intensité des pluies mais aussi de la granulométrie des particules, ainsi que de leur caractère hygroscopique. Le dépôt humide est particulièrement efficace pour les éléments chimiques associés à de petites particules (submicroniques, voire nanométriques). C’est généralement le cas des ETM générés par les activités humaines, via des procédés à haute température. Ces très fines particules constituent des noyaux de condensation idéaux pour la vapeur d’eau atmosphérique qui va ainsi se constituer en nuages pouvant devenir précipitants. Ainsi, le dépôt humide représente jusqu’à 80 % du dépôt atmosphérique en milieu océanique pour des éléments comme le plomb, le cadmium, le cuivre, le nickel ou le zinc alors qu’il ne représente qu’environ 40 % du dépôt total atmosphérique pour le fer ou l’aluminium (Duce et al., 1991). Ceci s’explique par le fait que ces deux derniers éléments, abondamment présents dans la croûte terrestre, sont à l’échelle du globe majoritairement associés à de grosses particules (diamètre supérieur au micron) terrigènes qui sont plus efficacement éliminées de l’atmosphère par dépôt sec. Les ETM se trouvant généralement majoritairement associés à la fraction submicronique de l’aérosol, une forte proportion se retrouvera, après un transport atmosphérique plus ou moins long, associée à une phase aqueuse. La question de leur solubilité dans l’eau devient alors essentielle car elle conditionnera leur devenir. En effet, il est couramment admis que la mobilité dans l’environnement et la biodisponibilité des ETM ne dépendent pas simplement de leur concentration mais surtout des associations physiques et chimiques dans lesquelles ils sont mis en jeu et notamment de leur solubilité en phase aqueuse. Un 1 Université du Littoral Côte d’Opale, Laboratoire de Physico-chimie de l’Atmosphère (UMR CNRS 8101), Maison de la Recherche en Environnement Industriel, 189A avenue Maurice Schumann, 59140 Dunkerque. E-mail : Karine.Deboudt@ univ-littoral.fr

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Air Pur N° 75 - Deuxième semestre 2008 - 11

SOLUBILITÉ DES ÉLÉMENTS Karine DEBOUDT1 et Pascal FLAMENT1

SOLUBILITÉ DES ÉLÉMENTS TRACES MÉTALLIQUES ATMOSPHÉRIQUESDANS L’EAU

RÉSUMÉ

La biodisponibilité et la mobilité des Eléments Traces Métalliques (ETM) atmosphériques dans l’environnement sont fortement accrues par leur solubilisation en milieu aqueux. Une des voies importantes de retrait des ETM de l’atmosphère est le dépôt humide. Son efficacité dépend de nombreux paramètres tels que la distribution granulométrique des particules associées aux ETM, la proximité des sources ou les caractéristiques des précipitations. Lorsque le contact des aérosols contenant des ETM avec la phase aqueuse est établi, le pH de la phase aqueuse, l’éventuelle présence d’agents complexants et le type de liaisons liant les ETM aux constituants majeurs des aérosols joueront un rôle déterminant sur leur solubilité.

INTRODUCTION

Les deux principaux processus par lesquels les Eléments Traces Métalliques (ETM) quittent le compartiment atmosphérique sont le dépôt sec ou le dépôt humide. Le dépôt sec se réalise par sédimentation (particulièrement efficace pour les plus grosses particules), par diffusion ou par impaction sur les sols, bâtiments ou végétaux. Le dépôt humide consiste en un piégeage des particules atmosphériques par les pluies, les brouillards, la neige ou la grêle. L’importance relative de ces deux types de dépôt dépend de la localisation géographique, de l’intensité des pluies mais aussi de la granulométrie des

particules, ainsi que de leur caractère hygroscopique. Le dépôt humide est particulièrement efficace pour les éléments chimiques associés à de petites particules (submicroniques, voire nanométriques). C’est généralement le cas des ETM générés par les activités humaines, via des procédés à haute température. Ces très fines particules constituent des noyaux de condensation idéaux pour la vapeur d’eau atmosphérique qui va ainsi se constituer en nuages pouvant devenir précipitants. Ainsi, le dépôt humide représente jusqu’à 80 % du dépôt atmosphérique en milieu océanique pour des éléments comme le plomb, le cadmium, le cuivre, le nickel ou le zinc alors qu’il ne représente qu’environ 40 % du dépôt total atmosphérique pour le fer ou l’aluminium (Duce et al., 1991). Ceci s’explique par le fait que ces deux derniers éléments, abondamment présents dans la croûte terrestre, sont à l’échelle du globe majoritairement associés à de grosses particules (diamètre supérieur au micron) terrigènes qui sont plus efficacement éliminées de l’atmosphère par dépôt sec.

Les ETM se trouvant généralement majoritairement associés à la fraction submicronique de l’aérosol, une forte proportion se retrouvera, après un transport atmosphérique plus ou moins long, associée à une phase aqueuse. La question de leur solubilité dans l’eau devient alors essentielle car elle conditionnera leur devenir. En effet, il est couramment admis que la mobilité dans l’environnement et la biodisponibilité des ETM ne dépendent pas simplement de leur concentration mais surtout des associations physiques et chimiques dans lesquelles ils sont mis en jeu et notamment de leur solubilité en phase aqueuse. Un

1Université du Littoral Côte d’Opale,

Laboratoire de Physico-chimie de l’Atmosphère

(UMR CNRS 8101), Maison de la Recherche en Environnement Industriel,

189A avenue Maurice Schumann,

59140 Dunkerque.E-mail : Karine.Deboudt@

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changement des conditions environnementales, que l’on soit en milieu naturel ou anthropisé, peut fortement influencer le comportement des éléments traces métalliques en modifiant les formes chimiques dans lesquelles ils se trouvent et ainsi engendrer leur solubilisation. Les facteurs les plus importants sont le pH, le potentiel redox, la présence dans le milieu aqueux de matière colloïdale ou d’espèces réactives tels que des ligands complexants (organiques ou inorganiques), ainsi que l’existence de matière en suspension présentant des sites d’absorption (Spokes et Jickells, 2002).

Dans ce contexte, le présent article traitera d’une part, des processus de dépôts humides, abordant notamment leur efficacité de lessivage de l’atmosphère et d’autre part, dans une seconde partie, de la solubilité des ETM associés aux aérosols atmosphériques au sein des nuages et des pluies.

I - PROCESSUS DE DÉPÔTSHUMIDES –« SCAVENGING RATIO »

Considérant la complexité des processus micro-physiques mis en jeu au cours du lessivage de l’atmosphère par les hydrométéores, ainsi que la variabilité de la distribution verticale des aérosols atmosphériques, il est utopique de vouloir établir un lien direct entre la concentration d’une substance dans la pluie et sa concentration dans l’atmosphère à un instant donné. Un ordre de grandeur peut tout au plus être établi en utilisant le concept de « Scavenging Ratio » (SR) défini de la manière suivante :

SR = C/K

où C est la concentration dans la pluie de la substance considérée (exprimée en mol.kg-1) et K sa concentration atmosphérique (exprimée en mol.kg-1).

Cette normalisation de la concentration d’une substance dans les précipitations par rapport aux concentrations atmosphériques permet de réduire la variabilité des observations. La précision du SR calculé sera d’autant meilleure que la période d’intégration des données sera longue. Toutefois le SR constitue un indicateur global qui recouvre deux réalités physiques différentes, les phénomènes de « wash-out » et de « rain-out ». Le « wash-out » ou « lessivage » est le piégeage des particules pendant la précipitation, entre les nuages et le sol, soit par capture à la suite de chocs, soit par entraînement par les filets d’air déplacés lors de la chute des gouttes. L’efficacité de cette élimination décroît avec la taille de la particule et deviendrait négligeable pour des tailles inférieures au micron. C’est ce phénomène qui expliquerait les données publiées récemment par Türküm et al. (2008) pour lesquelles les éléments crustaux et marins, associés à des particules plus grosses que les éléments anthropiques, présentent des SR généralement plus élevés (Tableau 1).

Tableau 1 : Scavenging ratios (SR) calculés à partir de concentrations moyennes annuelles sur trois sites de Turquie (Türküm et al., 2008).

Mais à l’échelle du globe, c’est le phénomène de « rain-out » qui représente le mécanisme d’incorporation principal des ETM aux pluies, lorsque le nuage devient précipitant (Desboeufs et al., 2001). Le « rain-out » consiste en la capture des particules par les gouttelettes des nuages en cours de croissance. Les constituants solubles (et probablement les petits plus facilement que les gros) se trouvent ainsi incorporés aux gouttes. Cet effet de filtration de l’air lors du déplacement du nuage a donc une incidence sur l’évolution du niveau de la pollution atmosphérique par les ETM particulaires, mais également gazeux, car il peut permettre de véhiculer sur de longues distances cette pollution, comme le montrent Sakata et Asakura (2007) dans le cas du mercure.Les SR sont cependant très différents d’un élément chimique à un autre. Cette variabilité peut être expliquée, nous l’avons vu, par le fait que ces éléments sont associés à des particules de taille et de composition chimique variables. La présence éventuelle de gaz précurseurs de la substance considérée a également un impact certain sur la valeur du SR. Les SR présentent par ailleurs une forte variabilité selon le site considéré, qui est principalement liée à la proximité plus ou moins importante des sources.

Le type de précipitations (processus de précipitations, vitesse et intensité des quantités tombées) joue également un rôle important dans la valeur du SR. De manière générale, la composition chimique de l’aérosol se reflètera dans la composition des eaux de pluie lorsque les processus de lessivage de l’atmosphère sous les nuages (« wash-out ») seront prédominants, par opposition aux cas où les processus d’absorption au sein des nuages (« rain-out ») dominent (Jaffrezo et al., 1990).Le principal intérêt du SR est de permettre d’estimer approximativement le dépôt humide (D) d’une substance à partir d’une bonne connaissance de

Amasra Ankara (site Antalya (site rural) urbano-industriel) (site rural) •Eléments crustaux Al 35 700 5 510 1 140 Fe 30 800 4 020 1 640 Ca 6 970 26 900 1 260 Ni 14 100 1 210 10 300 K 26 800 889 3 120

• Eléments marins Cl 5 280 62 400 12 700 Na 10 700 6 830 11 900 Mg 16 200 2 640 6 020

•Eléments anthropogéniques V 3 740 454 Pb 889 210 443 Cd 22 200 67 600 SO4

2- 665 471 1 280 NO3- 2 310 1 140 4 240 NH4+ 821 871 Zn 21 200 1.65 11 600 Cr 11 600 424 2 140

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ses concentrations atmosphériques de la manière suivante :

D = P x SR x Koù P est la quantité des précipitations (exprimée en kg) sur la zone concernée. Le SR sera alors pris dans la littérature ou, de préférence, préalablement estimé par une mesure en parallèle des concentrations dans l’air et dans les pluies sur une période suffisamment longue pour obtenir une bonne fiabilité. Le dépôt atmosphérique peut alors être mis en regard des autres voies d’apport d’ETM au compartiment environnemental considéré, comme réalisé dans le tableau 2 pour le détroit du Pas de Calais.

Tableau 2 : Comparaison des apports de métaux lourds atmosphériques humides avec les apports directs et fluviaux au détroit du Pas de Calais(d’après Deboudt et al., 2004).

On remarque que l’apport atmosphérique peut être prépondérant pour certains éléments. La proximité de la côte et son anthropisation jouent ici un rôle déterminant dans les proportions relatives de ces apports au milieu marin.

La variabilité spatio-temporelle des teneurs en ETM dans les eaux de pluie reflète notamment la proximité des sources liées aux activités humaines. Cependant, à partir d’études en site rural suffisamment éloigné de sources potentielles d’ETM, il est possible de caractériser le bruit de fond atmosphérique et de rendre compte de l’abondance relative des ETM dans les précipitations (Figure 1).

Figure 1 : Teneurs en certains ETM (exprimées en µg/L) dans les dépôts totaux échantillonnés mensuellement en 2005 à Porspoder (site rural) en Bretagne dans le cadre du réseau EMEP (données accessibles sur www.emep.int). Les précipitations mensuelles sont données entre parenthèses.

En moyenne, le zinc (Zn) est l’élément le plus abondant, suivi du cuivre (Cu), du plomb (Pb) et du nickel (Ni) présents à des niveaux équivalents, viennent ensuite l’arsenic (As) et le chrome (Cr) puis finalement le cadmium (Cd) à des concentrations bien inférieures. On remarque cependant que ce bruit de fond, qui prend également en compte le dépôt sec même si celui-ci est minoritaire, est extrêmement variable selon l’élément considéré, avec des teneurs pouvant évoluer d’un facteur 100 d’un élément à l’autre. Si l’on veut bien considérer que les ETM sont essentiellement associés à la fraction submicronique de l’aérosol, on peut avancer l’hypothèse selon laquelle ces différences sont avant tout le reflet d’une incorporation partielle des ETM aux gouttelettes au sein des nuages et donc l’effet du transport à longue distance.

II - IMPACT DE LA COMPOSITION CHIMIQUE DES AÉROSOLSSUR LA SOLUBILITÉ DES ETMAu cours du dépôt humide, les ETM associés aux aérosols peuvent se solubiliser en phase aqueuse. Le pH de l’eau de pluie semble être un facteur déterminant dans le contrôle de cette solubilité. Ce pH est gouverné par la balance entre les concentrations en espèces acides et en espèces neutralisantes présentes en solution. Les espèces acides telles que les acides nitrique et sulfurique sont essentiellement d’origine anthropique. Elles ont pour principaux précurseurs l’anhydre sulfureux (SO2) produit par la combustion de combustibles fossiles (pétrole, tourbe, charbon) et les oxydes d’azote (NOX) produits majoritairement par les véhicules automobiles.

A proximité des sources, les caractéristiques physico-chimiques des aérosols atmosphériques seront étroitement liées aux matériaux parents et aux modes d’émission. Par contre, au cours du transport atmosphérique, divers processus physiques et chimiques peuvent très rapidement les modifier. Par exemple, des processus de coagulation entre des particules marines riches en NaCl et des particules émises par une fonderie de plomb, riches en Pb et Zn, ont pu être mis en évidence à seulement quelques centaines de mètre de l’émissaire (Choël et al., 2006). Ces processus de vieillissement des aérosols ne seront pas sans conséquence sur la composition de la phase aqueuse dans laquelle ils se solubiliseront lors de leur dépôt, donc sur la solubilité des ETM associés. Les nombreux cycles d’évapo-condensation que subissent les aérosols atmosphériques au sein des nuages vont également fortement contribuer à la modification des propriétés physico-chimiques des particules et des ETM associés, les pH atteints dans les gouttelettes de nuages pouvant être bien plus faibles que ceux des eaux de pluie (Deguillaume et al., 2005). Un pH acide se traduira d’une part par une augmentation de la vitesse de dissolution des principaux minéraux constituant les particules atmosphériques tels que

Cd Cu Pb Zn Dépôt atmosphérique humide (en t) 6 39 113 873

Apports directs et fluviaux (en t) 2 151 81 475

Abondance relative

du dépôt humide (en %) 70 21 58 65

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la calcite, la dolomite ou l’hématite et d’autre part une désorption plus importante des métaux qui se retrouveront alors en solution, comme illustré par la figure 2. Ces métaux se retrouvent alors sous une forme libre ou, éventuellement, complexés à de la matière organique dissoute. Ils présentent ainsi une plus forte mobilité dans l’environnement que lorsqu’ils sont présents en phase solide.

Figure 2 : Adsorption d’ions métalliques sur une surfa-ce d’hydroxyde de fer (III) en fonction du pH (d’après Sigg et al., 2000).

Les paramètres caractérisant la phase aqueuse ne sont pas les seuls paramètres déterminants dans la solubilité des ETM associés aux aérosols atmosphériques. Une étude de simulation de la dissolution d’aérosols atmosphériques de différentes origines dans les gouttes d’eau de pluie (Desboeufs et al., 2005) a mis en évidence deux grands types de comportement. Lorsque les ETM sont insérés au sein d’une matrice cristalline telle qu’un aluminosilicate, leur solubilité est typiquement inférieure à 30 %, voire inférieure à 2 % s’ils sont associés à un oxyde de fer. Ceci est illustré (Tableau 3) par la solubilité limitée des ETM associés aux échantillons d’origine naturelle (« Loess » et « Arizona Poussière ») ou anthropique (« Vitry » Cendre volante) considérés dans cette étude, ceux-ci étant essentiellement constitués de particules d’aluminosilicates. Par contre, lorsque les ETM sont associés à une matrice carbonée issue par exemple de la combustion de combustibles fossiles, ce qui peut être le cas du Zn, du Cu, du Mn, du Ni et du V, leur solubilité est généralement comprise entre 30 et 100 %. Ils représentent alors une importante source d’ETM dissous dans les eaux de pluie. Ce cas est illustré par les échantillons « Matière particulaire urbaine » et « Porcheville Cendre volante » pour lesquels la fraction carbonée est très importante (Tableau 3).

Récemment l’intérêt de la communauté scientifique s’est également porté sur les ETM aux propriétés de micronutriments comme le fer (Fe). Un certain nombre d’auteurs (Bonnet & Guieu, 2004 ; Desboeufs et al., 2005 ; Sedwick et al., 2007) ont montré que la solubilité du fer était également plus élevée lorsque celui-ci était associé à des aérosols carbonés. Chen & Siefert (2004) ont quant à eux montré que cette solubilité était maximale lorsque

les zones côtières étudiées étaient sous l’influence directe de régions fortement industrialisées et urbanisées. Différents processus ont été avancés afin d’expliquer ces différences. On peut citer :

- l’adsorption de gaz à caractère acide (SO2, NO2), présents dans les émissions industrielles, à la surface des particules terrigènes,

- la présence de composés amorphes de Fe (« cendres volantes ») associés aux aérosols carbonés,

- la précipitation de sels solubles de Fe (ex. Fe(NO3)3) lors des cycles d’évapo-condensation au sein des nuages,

- la réduction photochimique du Fe(III), généralement insoluble, en Fe(II), soluble, favorisée par la présence de ligands organiques comme les oxalates,

- la présence de matière en suspension présentant des sites d’absorption.

CONCLUSION

Les ETM, généralement associés aux aérosols de petite taille, sont principalement évacués du compartiment atmosphérique par dépôt humide. L’efficacité de ce dépôt dépend des caractéristiques des précipitations mais aussi de l’hygroscopicité des particules «vectrices » de ces métaux. Cette hygroscopicité, étroitement liée à la composition chimique des particules, évolue au cours du temps lors du transport troposphérique à travers des phénomènes physiques (coagulation de particules, cycle d’évapo-condensation aqueuse au sein des nuages…) ou par réactivité chimique avec les gaz environnants. Après incorporation dans la phase aqueuse, la solubilité des ETM dépendra fortement des conditions d’irradiation solaire, de la composition chimique initiale de la solution aqueuse et de l’évolution de celle-ci par incorporation d’autres gaz et particules. En conclusion, la manière dont les ETM sont

Loess Arizona Vitry Matière Porcheville Poussière Cendre particulaire Cendre volante urbaine volante

Cd nc 10,1 nc 96,6 37,6

Co nc nc nc 68,3 80,2

Cr nc nc 5,4 49,9 28,7

Cu 27,5 nc 27,2 75,4 98,3

Fe 0,04 1,5 0,2 3,0 35,7

Mn 2,0 3,6 1,2 56,9 97,1

Ni 2,1 nc nc 53,1 68,8

V 0,8 4,9 60,2 63,8 34,2

Zn 11 13,1 18,7 100 99,2

Tableau 3 : Solubilité (en %) des ETM contenus dans les aérosols atmosphériques après 120 minutes de mise en contact avec l’eau (d’après Desboeufs et al., 2005). nc = solubilité non calculée car les concentrations en solution sont inférieures aux limites de détection de la technique analytique utilisée.

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extraits du compartiment atmosphérique ainsi que leur solubilité en phase aqueuse présentent une forte variabilité et ne peuvent être correctement appréhendée sans une bonne connaissance de la cellule atmosphérique dans laquelle ils sont véhiculés.

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