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Numéro 1, février 2015 POINT FORT Mobiliser via les médias Le magazine de PAKISTAN Des femmes qui forcent le respect

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Journal de Solidar Suisse

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Numéro 1, février 2015

POINT FORTMobiliser via lesmédias

Le magazine de

PAKISTAN Des femmes qui forcent

le respect

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Esther MaurerDirectrice de Solidar Suisse

2 ÉDITORIAL

Chère lectrice, cher lecteur,

Les médias, voilà un sujet préoccupant. En Suisse même, c’est leur concentration entre les mains de quelques grandes mai-sons qui se discute, avec tous les risques de manipulation qu’elle comporte. Tout comme la ten-dance inverse, à savoir le développement de médias sociaux qui peuvent bien sûr aussi être utilisés pour influencer les gens. Nous nous interrogeons sur la fu-gacité des médias, nous regrettons la su-perficialité qui préside au choix et au trai-tement des thèmes abordés, nous déplorons que la problématique du travail équitable, chère à Solidar, ne puisse être présentée sous toutes ses facettes.

Dans les pays où nous sommes présents, les médias préoccupent pour d’autres raisons: c’est à l’aune de la liberté de la presse que s’y mesure la liberté d’opinion, qui sert en quelque sorte de «test de la démocratie». Souvent, les médias jouent aussi un rôle informatif et éducatif déterminant dans ces pays.

La radio tout particulièrement est un instrument de sensibilisa-tion important pour faire connaître les droits du travail, faire de la prévention contre le sida ou la violence exercée à l’encontre

des femmes. Nos collaboratrices et col-laborateurs sur le terrain savent se servir de la radio, des médias sociaux et d’autres canaux de communication dans un but responsable.

A l’heure où j’écris ces lignes, j’apprends avec effroi que la rédaction de l’heb-domadaire satirique Charlie Hebdo, à Paris, a été prise d’assaut par des terro-ristes et que douze personnes ont été sauvagement assassinées. Je suis triste et en colère! Après cela, je suis d’autant plus convaincue qu’il est indispensable de s’engager en faveur des droits hu-

mains et de la démocratie dans le monde entier, c’est peut-être la réponse la plus efficace pour éviter à l’avenir de tels actes de terreur. Esther Maurer

18.11.2014Vevey sait être solidaireLa Fédération vaudoise de coopération, réunie la semaine dernière à Vevey, a tiré un coup de chapeau à la commune de la Riviera. «Avec plus de 4 francs par habi-tant, consacré au total à la solidarité in-ternationale, Vevey fait figure de très bon élève», relève la faitière des ONG. Parmi les villes du canton, Vevey arrive devant Lausanne (3,39) et Nyon (2,42), trois en-tités qui mènent aussi (mais dans l’ordre inverse) le classement «des villes les plus solidaires», un ranking établi par Solidar qui ajoute les dépenses équitables. Mal-gré des progrès, les communes vaudoi-ses font toutefois pâle figure face à leurs voisines de Genève.

15.12.2014Création de Solidar Suisse GenèveCréé le 23 novembre dernier, Solidar Suisse Genève est un groupe régional au sein de Solidar Suisse. Présidée par Olga Baranova, Solidar Suisse Genève vise à apporter aux personnes défavorisées et opprimées une aide matérielle et à pro-mouvoir leur autonomie, grâce à des pro-jets de coopération au développement. Elle aura aussi comme mission d’informer le public sur les thèmes de la pauvreté et de l’exclusion dans les pays en voie de développement.

12.11.2014Syndicalisme et solidarité sans frontièresA la tribune du 55e Congrès de l’Union syndicale suisse à Berne, Dongfang Han, syndicaliste et journaliste chinois a tenu à briser les clichés ordinairement appli-qués à la Chine. «Les travailleurs sont en marche. Ils ont beaucoup moins peur qu’avant. Ils n’hésitent plus à bousculer les autorités.» Les syndicats représentés par Dongfang Han et par l’avocate in-dienne Shalini Gera, seconde invitée, sont soutenus par plusieurs fédérations membres de l’USS, ainsi que par Solidar Suisse – l’ancienne OSEO – et le Soli-fonds.

REVUE DE PRESSE

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ACTUALITÉ Après les inondations catastrophiques au Pakistan, les personnes affectées reprennent lentement le dessus. Moyennant des formations, Solidar aide des femmes à se reconstruire une base d’existence.

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POINT FORTLes médias peuvent contribuer à la lutte contre la pauvreté, à la participation et à un travail décent. Exemples tirés des activités de Solidar Suisse.

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Editeur: Solidar Suisse, Quellenstrasse 31, Postfach 2228, 8031 Zürich Tél. 021 601 21 61, E-mail: [email protected], www.solidar.ch CP 10-14739-9 Lausanne. Membre du réseau européen SolidarRédaction: Katja Schurter (rédactrice responsable), Rosanna Clarelli, Eva Geel, Lionel Frei, Cyrill Rogger

Layout: Binkert Partner, www.binkertpartner.ch / Spinas Civil VoicesTraduction:Ursula Gaillard, Interserv SA Lausanne, Jean-François ZurbriggenCorrection: Jeannine Horni, Milena Hrdina Impression et expédition: Unionsdruckerei AG, Platz 8, 8201 SchaffhausenParaît quatre fois par an. Tirage 37 000 ex.

Le prix de l’abonnement est compris dans la cotisation (membres individuels 50.– par an minimum, organisations 250.– minimum). Imprimé sur papier recyclé et respectueux de l’environnement.

Photo de couverture: Un jeune lit le journal dans la rue d’un bidonville de Lahore. Photo: Usman Ghani. Dernière page: Signez la pétition pour une politique climatique équitable. Photo: Spinas Civil Voices.

IMPRESSUM

POINT FORT Les médias comme moyen de promou-voir le développement 4 Visite à Radio Stereo Mulukukú au Nicaragua 6 A la prison pour jeunes de Fortaleza en Bolivie, les détenus réfléchissent à leur situation au travers du théâtre et du cinéma 8 Le personnage fictif Doctora Edilicia conseille les citoyennes et les citoyens boliviens 10 POINT DE VUE La journaliste Jasna Bastic explore le rôle des médias pendant et après la guerre en ex-Yougoslavie 11 CULTURE La série télévisée nicaraguayenne «Loma Verde» aborde des problèmes sociaux actuels 12 ACTUALITÉ Solidar Suisse a été certifiée pour la qualité de son travail 13 Au Pakistan, de jeunes femmes développent des moyens de subsis-tance et forcent le respect 15 PORTRAIT Paul Ilboudo est à l’origine de la formation bilingue au Burkina Faso. Un hommage 18 CHRONIQUE 9 CONCOURS 16 BRÈVES 14+17

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4Une reporter du syndicat nicaraguayen des travailleurs et travailleuses agricoles (ATC) informe les auditeurs et auditrices sur les droits du travail.

Les médias sont un outil de la coopération au développement pour lutter contre la pauvreté, améliorer les conditions de travail ou renforcer la participation politique. Nous présentons dans ce point fort les projets de Solidar qui informent les personnes de leurs droits via les médias et donnent la parole aux plus défavorisés. Que ce soit par la radio, encore large-ment écoutée dans de nombreux pays, des conseils en ligne ou une telenovela sensibilisant à la thématique de la violence à l’égard des femmes. Mais les médias ne jouent pas seulement un rôle positif durant les périodes de profonde mutation, comme le montre l’exemple de l’ex-Yougoslavie. Photo: Désirée Good

MÉDIAS

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POINT FORT

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gnoter pour la première fois. «Serait-il possible que vous ne diffusiez pas votre émission le matin?», demande la femme au bout du fil. «J’aimerais vraiment conti-nuer à suivre vos conseils en matière de prévoyance santé, mais mon mari cache la radio pour que je ne puisse pas écouter ces choses ‹inutiles et indécentes›. Et le matin, il travaille dans le champ.» Jazmina Jarquín ne peut pas répondre favorable-ment à cette demande. En revanche, elle discute avec la femme de la manière dont elle peut continuer à écouter l’émission et peut-être même susciter l’intérêt de son mari pour la radio. Nous observons, fasci-né-e-s, Jazmina répondre aux questions des auditeurs et auditrices avec compé-tence et de manière constructive. Petite fille déjà, elle rêvait de devenir reporter à la radio. «Je souhaitais être la voix de ceux

Une musique joyeuse retentit dans la pe-tite ferme située dans la région vallonnée du Nord du Nicaragua. Vient ensuite le mot de la présentatrice: «Nous sommes de retour et nous vous invitons à partager avec nous une ’heure pour la Femme’». C’est la voix de Jazmina Jarquín, speake-rine de «Radio Stereo Mulukukú», que même cette petite ferme isolée parvient à capter. Nous sommes accueilli-e-s par Jazmina Jarquín et Norma Valdéz dans le studio de la radio. Ce local, petit mais bien aménagé, se situe dans la municipalité de Mulukukú et est dirigé par le réseau de femmes Ana Lucila. Les deux jeunes femmes préparent déjà la prochaine «heure pour la Femme». Une demi-heure plus tard, elles sont à l’antenne et alors que cinq minutes à peine se sont écou-lées, le téléphone du studio se met à cli-

qui ne peuvent pas exprimer eux-mêmes leurs besoins ni leurs idées, mais qui veu-lent se faire entendre anonymement grâce à la radio.»

Formation et sensibilisationLa radio établit un lien important avec le vaste monde, en particulier dans les ré gions reculées où l’on cuisine encore sur un foyer à feu ouvert et où les mai-sons sont éclairées à l’aide de lampes à huile. La majeure partie des agriculteurs et agricultrices écoutent la radio pendant leurs journées de travail. Mais il s’agit également d’un moyen de communication largement employé dans les villages. C’est la raison pour laquelle des hommes et des femmes engagé-e-s utilisent la ra-dio afin d’atteindre grâce à des campa-gnes les habitant-e-s des régions excen-

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JUSQUE DANS LES COINS LES PLUS RECULÉS La radio communautaire ouvre une porte sur le monde à la population rurale du Nicaragua, avec des informations sur des sujets d’actualité et sur les droits du travail. Texte: Veronica Pfranger. Photos: albafilms et Veronica Pfranger

Jazmina Jarquín au micro dans le studio de Radio Stereo Mulukukú.

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POINT FORT 7

trées. À Waslala, à La Dalia, à Mulukukú et dans bien d’autres endroits où Solidar Suisse mène des activités, la radio est un élément clé des campagnes de sensibi-lisation. «Je me suis simplement installée derrière le micro et j’ai parlé des der niers ateliers ou j’ai lu le bulletin d’Ana Lucila», explique Norma Valdéz en se souvenant de ses débuts. Plus tard, la formation technique et journalistique est devenue un élément primordial du projet. Les sta-tions de radio proposent désormais un grand choix de programmes de formation adaptés en fonction de l’âge, du sexe et du métier. Les animateurs accordent une attention particulière au milieu dans lequel les auditeurs et auditrices évoluent. «Si le message passe, c’est aussi parce que nous parlons leur langue», affirme Norma Valdéz. L’éventail des thèmes abordés inclut aussi bien la préven tion de la violence, la sexualité et l’égalité des

sexes, que les droits et les devoirs des citoyens, le droit du travail et la protec - tion de l’environnement, mais également l’amélioration des méthodes de produc-tion agricole. Afin de favoriser la sensibilisation, on évite intentionnellement de diffuser des chansons dont le texte est vulgaire ou fait l’apologie de la violence. «Il est impor-tant que les hommes aussi coopèrent», souligne Norma Valdéz. «Le public masculin peut ainsi entendre parler de thèmes tabous dont les hommes ne discutent pas autrement, ou tout du moins sans que la discussion ne soit tournée en dérision parce qu’une femme souhaite donner son opinion.» C’est pourquoi les différents thèmes dans les émissions de radio com-munautaires sont traités par des équipes mixtes.

Participation de l’audienceLucía Herrera, productrice de radio à La Dalia, nous fait écouter l’une des «Cuñas», des jingles qu’Ana Lucila diffuse en son nom et qui sont en général particulière-ment bien accueillis: «La basura en su lugar y la violencia a la basura», «les dé-

chets vont à la poubelle et la violence est un déchet». Les émissions auxquelles les auditeurs et auditrices peuvent participer activement par téléphone ou en tant qu’invité-e-s en studio sont particulière-ment appréciées. Les animateurs ap-prennent souvent par d’autres biais que leurs émissions sont écoutées et leurs conseils suivis. Ainsi, une femme maltrai-tée qui déposa une plainte auprès de la police raconta qu’elle avait osé faire cette démarche uniquement parce qu’une émission de radio sur ce thème lui en avait donné le courage. «Des retours tels que celui-ci et les nombreux appels des auditeurs et auditrices nous motivent énormément», déclare tout sourire Lucía Herrera, qui tire de son expérience à la radio également un bénéfice sur le plan personnel. «J’ai moins peur d’aborder des sujets importants pour moi et mon com-portement sensibilise aussi ma famille.»www.solidar.ch/ana_lucila

«Je souhaite être la voix de ceux qui ne peuvent pas s’exprimer eux-mêmes.»

Norma Valdéz, Arelis Gaitán Arauz, Lucía Herrera et Jazmina Jarquín souhaitent participer à l’amélioration de la situation des femmes.

Différents projets de Solidar font appel à la radio comme média pour le travail de sensibilisation. Outre Radio Stereo Mulukukú (voir article), les syndicats des emplo-yé-e-s de maison et des coupeur-se-s de cannes à sucre en Bolivie, les syndicats du Service public au Salvador ou l’Africa Labour Media Project (ALMP) dans le sud de l’Afrique informent les auditeurs et auditrices sur les droits du travail. L’ALMP produit des émissions hebdomadaires dans dix pays du sud de l’Afrique. Elles sont l’occasion d’aborder des thèmes variés qui intéressent les travailleur-se-s, notam-ment le salaire minimum, les multinationales en Afrique, les changements clima-tiques ou encore le VIH et le sida. www.solidar.ch/almp-fr

Projets radio de Solidar Suisse

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TOUTE PRISON A SA FENÊTREEntre les murs de la prison de Fortaleza en Bolivie, Solidar Suisse permet à des jeunes de prendre la parole, grâce au spectacle vivant. Texte et photo: Stéphane Cusin

Le spectacle vivantA Fortaleza, LanzArte (voir encadré) offre l’opportunité aux jeunes incarcérés de créer leur spectacle, avec le soutien de metteurs en scène ou de cinéastes tel Chico, facilitateur de théâtre, la soixan-taine, barbe blanche et petites lunettes. Dans un regard croisé, les jeunes disent de Chico: «C’est un gars extraordinaire! Il nous encourage. Il nous écoute. Il nous fait confiance. Avec lui nous apprenons à écrire des histoires, à interpréter des rôles, à monter des films. Évidemment, les garçons n’ont pas l’habitude d’être respectés. Et vous Chico, que pensez vous de ces jeunes? «Ce sont des jeunes pleins de ressources, dotés

Le Centro Fortaleza San Guillermo de Malavalle de Santa Cruz, en Bolivie, est un lieu de détention destiné à des gar-çons de 14 à 16 ans, ayant commis des actes relevant du droit pénal. Pour ces jeunes, un juge a prononcé une peine d’emprisonnement en reconnaissance d’un crime. La durée moyenne d’incarcé-ration est de deux ans pour des peines allant de quelques mois à cinq ans. Le site est entouré d’un mur d’enceinte. Différents pavillons de briques rouges forment un ensemble. Les détenus sui-vent des ateliers scolaires et préprofes-sionnels, notamment des cours d’infor -matique et d’électricité. Ils contribuent aux tâches ménagères et à la préparation des repas. Fortaleza abrite huit cellules de cinq lits, au confort rudimentaire.

d’une énergie magnifique. Certains jours, je dois aller les chercher dans leur cellule, les convaincre de participer à l’atelier. Ils méritent tous que je m’engage pour eux!»

Pedro, Edouardo et Luis montent sur les planchesAujourd’hui est un jour particulier à Forta-leza. Les jeunes présentent à leurs codé-tenus les fruits de leur travail artistique.

Quatre jeunes interprètent les acteurs d’une audience: le juge, le procureur et les

«Ce sont des jeunes pleins de ressources, dotés d’une énergie magnifique.»

Des jeunes montent leur propre pièce de théâtre lors d’un atelier de LanzArte.

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THEMA 9THEMA 9

Hans-Jürg FehrPrésident deSolidar Suisse

Voilà peu, on n’aurait pas pu l’imaginer même dans ses pires cauchemars: un membre du Conseil fédéral propose à ses consœurs et confrères que la Suisse dénonce la Convention des droits de l’homme (CEDH). Son parti, l’UDC, joue la musique de fond avec son ini tiative populaire «le droit suisse prime sur le droit étranger». Le parti le plus fort du pays veut que la Suisse tourne le dos à l’un des systèmes de valeurs majeurs de la planète. Il se dis-tancie de la substance fondamentale de la civilisation européenne, et de toute la planète. Il prend aussi ses distances avec la quintessence de la conception bourgeoise et démocra-tique de la so ciété. Dans cette concep-tion, rien n’importe plus que la protec-tion de l’individu vis-à-vis de l’Etat, de l’Etat démocratique également. Les droits fondamentaux inscrits dans la Constitu tion fédérale, la CEDH et la Déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONU, contraignante pour tous ses membres, garantissent triple-ment cette protection. Les droits de l’homme sont non seulement univer-sels, mais échappent encore aux dé-cisions populaires prises à la majorité, décisions qui peuvent aller dans un sens ou dans un autre. Ils ne se mar-chandent simplement pas, nulle part, pas plus en Suisse qu’ailleurs. Ils défi-nissent l’humanité en tant que telle. Ils n’imposent pas de limites à la démo-cratie contrairement à ce qu’imaginent Ueli Maurer et l’UDC, mais sont plutôt une composante d’un ordre démo-cratique qui connaît et protège non seulement les majorités mais aussi les minorités et les individus.

CHRONIQUE

En marge

deux prévenus. La scène est rejouée plu-sieurs fois avec des personnages aux comportements différents. Le public réa-git, applaudit. Pour tous, ce spectacle est une expérience vécue, une partie de leur propre histoire. En seconde partie, un film tourné dans l’enceinte du centre de dé-tention est projeté. Il raconte l’histoire d’une famille: un père violent, une mère en souffrance, le fils désemparé et un groupe de copains, pas toujours fréquentables. Le fils tente de fuir sa réalité familiale

LanzArte permet à des jeunes de parler de leur vie quotidienne au travers du théâtre, de la danse, voire de produc-tions cinématographiques. Fondé il y a sept ans, LanzArte a essaimé sur l’ensemble du territoire national, de La Paz à Santa Cruz, de Sucre à Cocha-bamba, d’El Alto à Huanuni. Dans les différentes régions du pays, les specta-cles prennent forme grâce aux idées et à l’expression personnelles des enfants, des adolescents et des jeunes adultes. Au travers d’improvisations, ils esquis-sent leurs scénarios. www. solidar.ch/bolivie

LanzArte

Porte et murs extérieurs de la prison pour jeunes Centro Fortaleza dans la ville

bolivienne de Santa Cruz.

et la «descente» commence. Les specta-teurs sont concentrés sur l’histoire, pas un bruit dans la salle.Enfant d’une famille démunie du village de Yotala, étudiante à l’université de Su cre, garçon incarcéré à Fortaleza: les créations de ces jeunes parlent de la vie en Bolivie. Ils content des histoires dans lesquelles on parle d’amour, de respect, de violence, d’un bon travail, de fonder une famille. Et si les rêves des jeunes bo-liviens étaient semblables à ceux des en-fants de l’ensemble de la planète?

Remise des certificats… libre!Les lumières s’allument. Les jeunes ap-plaudissent et Chico enroule l’écran de projection. Cette représentation marque la fin d’un cycle de création. Le directeur de la prison demande le silence. «Aujourd’hui, je vais remettre un certificat aux participants des ateliers de Lanz- Arte!». A tour de rôle, il appelle les jeunes acteurs de cette aventure: «Pedro!» Pedro* s’avance, vient chercher son di-plôme et serre la main de son directeur. «Edouardo!». Puis: «Luis!, Luis!!, Luis!!!». Alors les jeunes s’écrient: «Libre!». Sa peine purgée, Luis a quitté Fortaleza pour recouvrer la liberté.

*Prénoms d’emprunt

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En Bolivie, un personnage inventé par Solidar jouit d’une grande popularité: Doctora Edilicia. Texte et photos: Joachim Merz

Avec le PADEM (programme d’aide pour la démocratie communale), Soli-dar Suisse s’engage en faveur de l’autonomie communale. Renforcer la démocratie au niveau local est en effet le meilleur moyen pour améliorer les prestations du service public. www.solidar.ch/democratisation

PADEM

De quelle manière une municipalité im-plique-t-elle ses citoyen-ne-s dans les décisions relatives aux investissements? Que peuvent faire les citoyen-ne-s lorsqu’ils ont des soupçons fondés de corruption sur l’administration commu-nale? En Bolivie, Doctora Edilicia apporte depuis dix ans des réponses à ces ques-tions. C’est l’incroyable histoire d’une personnalité qui n’existe pas: Doctora Edilicia est un produit de communication faisant partie du projet PADEM de Soli-dar (voir encadré). Ce personnage fictif a été créé en 2004, lors de la mise en place d’une hotline gratuite sur la politique commu-nale. Depuis, l’an-

cienne coordinatrice du PADEM, Marlene Ber ríos, prête sa voix et son apparence à Doctora Edilicia. «Nous avons mis cette hotline en place au bon moment. Les gens avaient de nombreuses questions», explique-t-elle. «Et, avec Doctora Edilicia, nous avons trouvé une manière à la fois créative et ludique de réagir aux préoccu-pations de la population.»

Un personnage populaireAujourd’hui, Doctora Edilicia est une cé-lébrité nationale. Marlene Berríos se rend à des foires aux livres et dédicace des ouvrages. Comment vit-elle l’existence de cet alter ego? «Dans la rue, les gens sont nombreux à s’adresser à moi en tant que Doctora Edilicia. Cela ne me dérange pas. Au contraire. Cela montre à quel point notre campagne a fonctionné. Le niveau municipal est très important pour la parti-cipation politique des individus, parce qu’il est au plus près d’eux.»Le maire de La Paz s’est déjà plaint, sur le ton de la plaisanterie, que les habitant-e-s de sa ville lui menaient la vie dure car ils écoutent les conseils de Doctora Edilicia. Quant au magnat du ciment Samuel Do-ria Medina, candidat de l’opposition lors des élections présidentielles de 2014, il a critiqué Doctora Edilicia car elle affirme que les investissements dans les infra-

structures ne suffisent pas. Selon elle, il importe aussi d’améliorer la qualité des services de santé et de la formation. Cela signifie avant tout qu’il faut investir dans les employé-e-s, en favorisant leurs qua-lifications, leur motivation et leur capacité à s’occuper d’élèves ou de patients. En outre, toutes les personnes concernées doivent participer aux processus de dé-cision.

De la hotline à FacebookLa hotline gratuite n’est aujourd’hui plus en fonctionnement faute de ressources. Mais Doctora Edilicia reste toujours aussi présente pour les citoyen-ne-s grâce à la radio et aux réseaux sociaux tels que Fa-cebook, Twitter et Youtube. Ainsi, des pro-grammes de 30 secondes présentent à la radio des questions actuelles liées à la politique communale. Elles sont ensuite publiées sur www.doctoraedilicia.com. Doctora Edilicia reçoit par ailleurs une centaine de questions chaque mois via les ré seaux sociaux.«2015 est une année décisive pour la po-litique communale et pour les municipali-tés qui luttent contre la corruption et font face à des problèmes d’efficacité. C’est également en 2015 qu’il sera décidé si le processus de recentralisation devra prendre de l’ampleur, auquel cas les com-pétences seraient de nouveau davantage concentrées au niveau du gouvernement central, ou bien si l’autonomie des muni-cipalités sera renforcée», déclare Marlene Berríos. La voix de Doctora Edilicia n’a pas fini de se rendre utile.

Dessin de Doctora Edilicia vers qui de nombreux-ses Bolivien-ne-s se tournent pour parler de leurs préoccupations.

Le personnage fictif de Doctora Edilicia et sa source d’inspiration: Marlene Berríos.

10 POINT FORT

DOCTORA EDILICIA A LA SOLUTION

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LE COMMERCE COMPROMET L’INDÉPENDANCEQuel rôle les médias jouent-ils en ex-Yougoslavie dans le cadre des change-ments qui font suite à la guerre? Texte: Jasna Bastic,

journaliste, auparavant membre de Medienhilfe Ex-Jugoslawien

Dans la maison de mon enfance, des journaux qui valaient le coup d’être lus traînaient un peu partout. Tous les jours, la famille se réunissait devant la télévi-sion à 20 heures pour découvrir ce qui s’était passé dans le monde. Aujourd’hui, lorsque je me rends dans ma ville natale, Sarajevo, je m’informe très peu par le biais des médias locaux. Je me contente d’acheter le quotidien Oslobodjenje, par nostalgie. Ce que je vois? Un tas de magazines de presse people et de chaî-nes de télévision commerciales dont les programmes phares sont des émissions de téléréalité. Les innombrables jour-naux, magazines et chaînes de télévision régressent en termes de qualité par rap-port aux médias indépendants qui nous étaient proposés dans les années 1990. Beaucoup de mes ami-e-s se réfugient dans le monde virtuel et se tiennent in-formés grâce aux médias internationaux et aux blogs et portails locaux. Mais ces plates-formes sociales non réglemen-tées ne peuvent pas remplacer les mé-dias professionnels et le journalisme de qualité, et ce malgré leur réactivité.

Les médias indépendantsCela peut sembler paradoxal, mais pen-dant la guerre et sous le régime au to-ritaire, divers journaux indépendants off raient une qualité journalistique supé-rieure à celle proposée par les médias actuels. En Croatie, en Bosnie, en Serbie

et au Kosovo, des journalistes, des rédacteurs et des rédactrices incroyable-ment courageux-ses, doué-e-s et pro-fessionnel-le-s se sont élevé-e-s contre les divisions religieuses et ethniques et contre la guerre, même sous les régimes nationalistes répressifs. Ces médias étaient reconnus par les institu-tions internationales et bénéfi - ciaient d’un soutien politique et financier, notamment de la part de l’ONG suisse Medienhilfe Ex-Jugoslawien, sans lequel ils n’auraient pas survécu durant ces temps difficiles. Et même s’ils n’attei-gnaient pas de larges masses, ils s’opposaient à la propagande nationale et leurs révélations au sujet des crimes de guerre trouvaient un large écho.

Le temps des liquidations totalesLe grand effondrement des médias a eu lieu après la guerre. Les riches hommes d'affaires et ceux qui ont profité de la guerre ont racheté les grands médias im-primés et électroniques. Certains en ont fondé de nouveaux, placés entièrement sous leur contrôle. Ils considèrent les médias comme une activité ordinaire, comme un produit de marché permettant de faire de la publicité et des bénéfices – et cela fonctionne avec les magazines de presse people. Ces nouveaux capita-listes sont étroitement liés aux élites eth-niques en place puisqu’ils partagent le

pouvoir politique et les intérêts écono-miques. Les médias s’inscrivent en quel-que sorte dans leur prolongement, ce qui peut s’avérer particulièrement utile lors des élections. Dans ces circonstances, les médias indépendants n’ont aucune chance de survie.

Or, sans des médias indépendants et res ponsables, indispensables au bon fonctionnement de toute démocratie, il est difficile d’envisager des changements dans la société.

POINT DE VUE 11

Solidar soutient les jeunes des diffé-rents pays d’Europe du Sud-Est, parti-culièrement touchés par le chômage, dans leurs démarches pour entrer dans la vie active. Solidar contribue par ailleurs à favoriser une meilleure en-tente entre les différents groupes eth-niques. www.solidar.ch/jeunesse

Solidar soutient

les jeunes

Les médias sont le prolongement des élites ethniques en place.

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Photos du tournage de Loma Verde (de gauche à droite): Merche, une pause sur le lieu de tournage, Jessica Maria et Zoraida, Silverio El Brujo.

UNE SÉRIE TÉLÉSENSIBILISE LES GENS La série télévisée nicaraguayenne Loma Verde a pour but de sensibiliser le public aux problèmes sociaux. Une réussite. Texte: Carmen Ayón. Photos: Fundación Luciérnaga

Loma Verde est un petit village fictif dans la région rurale du nord du Nicaragua, où la vie semble à priori se dérouler sans en-combre. La série télévisée du même nom met cependant en lumière des problèmes sociaux bien réels. Et c’est une première que le quotidien des personnes vivant à la campagne – un tiers de la population – soit le sujet central d’une série. Loma Ver-de parle leur langue, écoute leur musique et aborde des sujets qui les concernent. Un simple aperçu des protagonistes per-met de comprendre sur quoi l'accent est mis: il y a tout d'abord Merche, le person-nage principal joué par Elizabeth Torrez, dont l'expérience personnelle influence l'histoire. Merche est maltraitée physique-ment et moralement par son compagnon,

Chico. Il menace même de la tuer. Merche finit par quitter Chico, porte plainte contre lui et se réfugie dans un centre d'accueil pour femmes battues avec ses trois en-fants. Son amie Carmen, médecin et psy-chologue, la soutient dans cette démar-che. Merche sort peu à peu de la spirale de la violence et s'émancipe.Jessica Maria et Zoraida, deux jeunes femmes, se rendent à Chinandega, atti-rées par de fausses promesses. Située non loin de la frontière du Salvador, cette ville se trouve sur la route principale utilisée par les réseaux de trafiquants d'êtres humains. À Chinandega, Jessica et Zoraida sont envoyées contre leur gré au Guatemala, où elles sont exploitées sexuellement. Yulisa, 16 ans, subit des

agressions sexuelles de la part de son oncle. Lorsqu'elle se rend compte qu'elle est enceinte, elle décide de se confier à sa tante. Au lieu de la protéger, cette der-nière rejette la faute sur elle. Yulisa souhaite interrompre cette grossesse non désirée, ce qui n'est pas une chose aisée au Nicaragua, où l'avortement est considéré comme légal uniquement si la vie de la mère est en danger. Elle n'est épaulée ni par sa famille, ni par son petit ami; seules ses amies la soutiennent.Silverio El Brujo est retourné vivre dans les montagnes pour échapper à la discri-mination dont sont victimes les homo-sexuels. Pendant ses heures de «consulta- tion», il reçoit de nombreux hommes qui aimeraient changer leur comportement. Il s’emploie à élargir leurs représentations des rôles et comportements des hommes, au-delà des stéréotypes traditionnels.

La première saison de Loma Verde, diffu-sée chaque semaine pendant trois mois à la télévision nicaraguayenne et sur vingt-deux chaînes locales, a remporté un vif succès. La diffusion de la deuxième saison est prévue pour cette année.

Solidar Suisse soutient la série produite par Felix Zurita et la fondation Luciérnaga. Nos organisations partenaires diffusent Loma Verde sur des chaînes locales. Elles organisent en outre des événements et des ateliers réunissant des jeunes et des représentant-e-s de l’Eglise ou d’institutions avec lesquels ils peuvent discuter des problèmes actuels, en fonction du thème de l’épisode diffusé. Ces manifestations permettent de chercher des solutions pour améliorer la formation et d’initier des actions pour dénoncer la violence. www.fundacionluciernaga.org (en espagnol)

Lutte contre la violence

12 CULTURE

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ACTUALITÉ 13

première organisation suisse de déve-loppement à recevoir la certification QaP. Mais indépendamment de cela, nous nous engageons en faveur d’un proces-sus d’apprentissage permanent: d’ici à la fin février, nous devons définir des me-sures à réaliser en l’espace d’un an. Le processus de certification a également dynamisé d’importants secteurs opéra - tionnels: la mise en place du service des ressources humaines est ainsi un objec-tif de la nouvelle stratégie. Le problème

était certes déjà connu, mais comme il a été explicitement cité comme faiblesse dans la certification, nous nous y attelons sans délai.

Comment garantir la poursuite du processus une fois la certification obtenue?L’audit annuel et la recertification trien-nale nous obligent à persévérer. Pour moi, il est primordial d’une part qu’une personne soit responsable de la gestion de la qualité et que des ressources en personnel soient mises à la disposition de cette tâche et, d’autre part, qu’un thème prioritaire stratégique soit enraci-né dans l’organisation d’ensemble et au niveau de la direction.

* Association suisse pour systèmes de qualité

et de management

Solidar Suisse a été certifiée pour la qualité de son travail par SQS*. Barbara Burri, responsable du service de la qualité auprès de Solidar, explique la signification de cette certification. Interview: Katja Schurter. Photo: Andreas Schwaiger

UN LABEL DE QUALITÉ POUR SOLIDAR

Barbara Burri

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Le processus de certification a dynamisé d’importants secteurs opérationnels.

Solidar a décroché une certification en décembre dernier. De quoi s’agit-il concrètement?Il s’agit d’une certification QaP, autre-ment dit «qualité comme process». Pour la Fondation européenne pour la gestion de la qualité (EFQM), des organisations internationales de coopération au déve-loppement de premier plan ont élaboré des standards et de bonnes pratiques permettant d’évaluer une organisation. Après ISO, EFQM est le second système de gestion de la qualité. Mais il fonc-tionne tout à fait différemment d’ISO.

Pourquoi Solidar a-t-elle opté pour ce système?Le système QaP ne fait pas que repré-senter les processus mais répertorie sur-tout leurs effets concrets. Il sous-tend donc aussi une organisation en plein ap-prentissage, cherchant systématique-ment à s’améliorer. Les besoins des em-ployés et des partenaires sont pris en compte ainsi que ceux des bénéficiaires et des donateurs. La certification a été décernée suite à une évaluation qui a

également permis à Solidar Suisse de se situer par rapport à d’autres organi-sations actives dans un environnement international.

Pour quel résultat? Où se situent les forces et les faiblesses de Solidar?Les employés de Solidar disposent d’une grande marge de manœuvre dans un cadre prédéfini, ce qui a un effet positif sur leur motivation. L’élaboration et la mise en œuvre des projets et des cam-pagnes ont été consi-dérées comme excel-lentes ainsi que les relations avec les bé-néficiaires et les dona-teurs. En janvier 2014, au moment du lance-ment du processus de certification, des faiblesses stratégiques ont encore été diagnostiquées. Nous les avons cepen-dant entre-temps gommées moyennant un intense travail stratégique reposant sur une base élargie et donnant à l’orga-nisation une orientation claire pour les prochaines années. Des progrès poten-tiels ont été identifiés dans la gestion des connaissances et des ressources humaines. Ce dernier point faible tient au fait que nous n’avons pas de service du personnel spécifique; nous atteignons là nos limites comme organisation de moyenne importance.

Que signifie cette certification réussie pour Solidar?Une grande joie! Ce qui nous réjouit par-ticulièrement, c’est évidemment d’être la

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14 BRÈVES

Salvador: toujours plus de mineur-e-s migrent aux Etats-UnisDepuis le 1er octobre 2013, les autorités américaines ont intercepté plus de 60’000 mineur-e-s non accompagné-e-s passant illégalement la frontière. La plu-part proviennent du Honduras (29%), du Salvador (23%), du Guatemala (24%) et du Mexique (22%). Selon l’autorité d’immigration américaine, le nombre d’enfants migrant depuis le Salvador a bondi de 197% de 2011 à 2014. Cette hausse massive est due non seulement à la violence, au crime organisé et à la pau-vreté, mais aussi aux bonnes affaires que réalisent les passeurs. Appelés «coyotes», ces trafiquants d’êtres humains exigent de 6000 à 7000 dollars par personne.Le phénomène s’est intensifié depuis que les cartels mexicains de la drogue se sont étendus au Salvador, au Honduras et au Guatemala. Les «coyotes» répandent par ailleurs le bruit que les mineurs ne se-raient pas déportés après avoir franchi la frontière mais regroupés avec les mem-bres de leur famille déjà présents sur sol américain. Barack Obama réfute ces mensonges et étaie ses dires par des ra-patriements. Le gouvernement salvado-rien a réagi par le biais d’une campagne montrant les dangers qui guettent les en-fants migrant sans accompagnants et né-gocie avec les Etats-Unis pour que les jeunes ayant déjà des membres de leur famille aux Etats-Unis puissent les re-joindre. Les organisations partenaires de Solidar mènent aussi une campagne d’information sur la migration, les droits liés au regroupement familial et l’asile.

Création de Solidar Suisse Genève

Le 24 novembre ont été signés les statuts de «Solidar Suisse Genève». Cette asso-ciation-fille permettra de renforcer notre ancrage dans la cité de Calvin afin d’y dé-velopper nos activités de sensibilisation et de communication. Elle permettra aussi de créer des liens avec les nombreux acteurs de Genève engagés dans la coopération et de bénéficier du soutien financier des communes genevoises, via la Fédération genevoise de coopération (FGC). L’asso-ciation est présidée par Olga Baranova.

Apporter un soutien régulier à Solidar La coopération au développement est une entreprise de longue haleine. Elle ne cher-che pas des résultats immédiats, mais des succès durables. Des changements so-ciaux et politiques en profondeur nécessi-tent la présence de partenariats fiables et un engagement à long terme. Pour cela, nous avons besoin de votre soutien. Nous vous proposons de le concrétiser par le biais d’un ordre permanent. Le montant que vous souhaitez allouer à Solidar sera débité automatiquement de votre compte. Vous gardez bien sûr le contrôle sur vos versements, car vous pouvez toujours rési-lier ou modifier votre ordre de paiement dans les trente jours. Vos versements arri-veront ainsi sur notre compte sans frais et l’entièreté de la somme pourra être con-sacrée à nos projets, ce qui n’est pas le cas des versements effectués au guichet. Le prospectus joint à ce numéro vous donnera plus de renseignements.

nement. Cette initiative pour responsabi-liser les multinationales vise à protéger les droits humains à l’échelle mondiale – conformément aux principes de l’ONU – et préconise l’introduction de règles qui contraignent les grandes sociétés à véri-fier que ces droits sont bel et bien res-pectés. Les modalités pratiques de cette campagne, en voie d’élaboration, seront rendues publiques en avril. Elles con-crétisent plusieurs postulats énoncés au niveau international. Les Etats sont en effet de plus en plus nombreux à édicter des directives pour s’assurer que les entreprises présentes sur leur territoire mesurent et contrôlent l’impact de leur activité en termes de droits humains.

Droits humains: responsabi-liser les multinationalesAu printemps 2015, Solidar Suisse et d’autres organisations à l’origine de la campagne «Droit sans frontières» lance-ront une initiative pour interpeller les mi-lieux économiques sur le respect des droits humains et la protection de l’environ-

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ACTUALITÉ 15

«Avant, je cousais uniquement des habits simples pour les enfants et j’étais payée 50 roupies (50 centimes) la pièce», raconte Soni Gul, 24 ans, du village de Charsadda, dans le nord-ouest du Pakis-tan. «Grâce à la formation de Solidar, je peux maintenant coudre des habits au design complexe et je gagne 350 rou-pies par habit.» Et ce n’est pas tout: «Des habitants aisés passent désormais com-mande auprès de moi alors qu’ils allaient auparavant chez le tailleur de la ville.»

Plus grande liberté de mouvementDepuis les inondations catastrophiques de 2010 au Pakistan, Solidar Suisse soutient les personnes affectées en leur permettant de se reconstruire une exis-tence digne. La maison de la famille de Soni Gul avait été détruite par les inon-dations et la famille n’avait plus de reve-nu car le père de Soni ne pouvait plus travailler depuis son infarctus.Depuis qu’elle a suivi une formation en couture, Soni Gul apporte un revenu es-sentiel à sa famille, ce qui a aussi amé-lioré ses propres libertés. «Je vais au marché pour acheter du tissu et voir les

designs à la mode». Une autonomie qui n’est pas une évidence dans les zones rurales du Pakistan, où de nombreuses femmes ne peuvent pas quitter leur mai-son sans être accompagnées. Et comme elle s’est révélée être une couturière talentueuse, elle partage désormais ses connaissances avec d’autres femmes.Bien que certains villageois voient d’un mauvais œil la nouvelle indépendance de Soni, elle ne se laisse pas impressionner. Encouragée par son père, elle se réjouit d’avoir amélioré sa position au sein de sa famille. «J’ai de l’importance parce que je prends soin de ma famille. Et comme je finance les études de mon frère, je suis respectée.»

Impliquée dans les décisionsAgée de 18 ans, Sobia Dilbar vient du village voisin de Nowshera. Elle aussi a suivi une formation, mais en broderie. Comme journalier, son père n’a pas de revenu régulier et ne peut pas subvenir aux besoins des huit membres de la famille. Celle-ci vit dans les conditions les plus précaires, et même dans une seule pièce depuis les inondations. Sobia a

aussi appris la broderie à ses deux sœurs et, ensemble, elles gagnent environ 6000 à 7000 roupies par mois (60 à 70 francs). «Avec cette somme, nous pouvons couvrir les frais de nourriture et de médicaments et prendre le loyer en charge. Mais pour l’habillement, cela ne suffit pas le plus souvent, raconte-t-elle. On me passe des commandes au mar-ché. Je sais maintenant ce qui plaît aux gens et quels sont les prix. Je négocie avec les vendeurs avec l’aide de ma mère.» En revanche, Sobia Dilbar ne de-vrait jamais aller à l’école car une forma-tion scolaire a été réservée à ses trois frères. D’abord, son père ne voulait pas non plus qu’elle suive une formation. «Lorsqu’il s’est rendu compte que je tra-vaillais dur et que mon labeur rapportait de l’argent, il a commencé à me soute-nir», lâche celle qu’on implique désormais dans les décisions: «Il y a quelques années, mon père a vendu du terrain et nous l’avons appris par des gens du vil lage. Maintenant, il discute d’abord avec nous.» www.solidar.ch/existence

Au Pakistan, de jeunes femmes développent des moyens de subsistance et forcent le respect grâce à des formations de Solidar Suisse. Texte: Katja Schurter. Photo: Usman Ghani

«J’AI DE L’IMPORTANCE AUX YEUX DE CHACUN»

En cousant des habits, Soni Gul de Charsadda contribue de façon décisive à l’entretien de sa famille.

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Votre don de 70 francs permet de fournir un équipement de base – ma-chine à coudre, ciseaux, fer à repasser, mètre, aiguilles et fil – à une femme ayant suivi une formation et souhaitant lancer son atelier.

Votre don compte

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16 CONCOURS

Solution

LE SUDOKU DE SOLIDAR

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Assemblée générale de Solidar Suisse 2015Mardi 5 mai à 16 h 30 au Volkshaus, Salle bleue, Stauffacherstr. 60, 8004 Zurich

Programme16 h 30: Assemblée statutaireTou-te-s les membres de Solidar Suisse sont invités. Merci de vous inscrire d’ici au 1er avril 2015 à l’aide du talon-réponse ci-joint, par e-mail ([email protected]) ou par téléphone (044 444 19 19).Un apéritif sera ensuite servi

18 h 30: Conférence publique sur le Burkina Faso avec la participation de Paul Ilboudo L’initiateur de la formation bilingue et coordinateur national de longue date de Solidar au Burkina Faso prend sa retraite cette année. A cette occasion, Paul Ilboudo évoque ses riches expériences, l’engagement de 25 ans de Solidar Suisse au Burkina Faso ainsi que les succès et les défis sur fond des récents développements politiques au Burkina Faso (voir article en page 18).

Complément d’information sur: www.solidar.ch/agenda

Invitation

Règles du jeuComplétez les cases de la grille avec les chiffres de 1 à 9 afin qu’il n’y ait aucune répétition et aucun doublon dans chaque colonne, ligne et carré de 3x3. La solution se trouve dans les cases grises lues horizontalement selon la clé ci-dessous: 1 = D, 2 = L, 3 = C, 4 = A, 5 = S, 6 = M, 7 = E, 8 = O, 9 = I

Envoyez la solution à Solidar Suisse sur une carte postale ou par e-mail à [email protected], sujet «sudoku».

1er prix: un sac à dos LanzArte2e prix: un T-shirt LanzArte3e prix: un porte-clés Doctora Edilicia

Les prix sont des productions de Solidar Bolivie.

La date limite d’envoi est le 16 mars 2015. Le nom des gagnant-e-s sera publié dans Solidarité 2/2015. Le concours ne donne lieu à aucune correspondance ni à aucun recours. Le personnel de Solidar n’a pas le droit d’y participer.

La solution de l’énigme parue dans Solidarité 4/2014 était «catastrophe». Jean-Marc Fasmeyer de Bramois a gagné une corbeille à papier, Roswitha Muoth de Rickenbach un porte-documents et Gertrud Eberhard de Biberist un panier à fruits. Nous remercions les productrices et producteurs sri- lankais de Palmyra pour les prix. Merci également à l’ensemble des partici - pan t-e-s.

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17BRÈVES

Projets en faveur des victimes du tsunami au Sri Lanka: bilan positif Une étude indépendante sur l’efficacité des projets d’aide d’urgence développés après le tsunami, mandatée par la Chaîne du bonheur, conclut à un résultat positif. Selon cette évaluation d’impact publiée à la mi-décembre 2014, qui s’est aussi intéressée aux projets de Solidar Suisse, presque 90% des bénéficiaires sont en mesure de couvrir leurs besoins élémen-taires aujourd’hui. Un peu plus de 10% d’entre eux sont encore aux prises avec de grosses difficultés. Au Sri Lanka, Solidar s’est engagée dans l’aide humanitaire après le tsunami de 2004, ainsi que dans la reconstruction à long terme après la guerre civile. Solidar y épaule des groupes de paysannes et de pêcheurs qui cultivent des arachides, des algues et du piment, ou fabriquent des balais et des brosses. Les activités déployées par Solidar au Sri Lanka con-firment une thèse centrale de l’étude d’impact: miser sur l’acquisition d’un re-venu s’est avéré positif là où l’on a pu s’appuyer sur des structures, des compé-tences et des opportunités déjà existan-tes. www.solidar.ch/nouvelles

Salvador: la protection civile adopte un plan d’urgence de Solidar Les projets de Solidar pour prévenir les catastrophes naturelles ont permis de mettre en place un système d’alerte pré-coce et de protection dans les commu-

nes situées dans le bassin versant du Rio Lempa, le plus grand fleuve du pays. En octobre 2014, un plan d’urgence pour protéger les biens a été repris par le ser-vice national de la protection civile. Testé avec la population locale lors d’un exer-cice de simulation, il comporte plusieurs volets, dont notamment la con struction d’étables sécurisées, c’est-à-dire suréle-vées, des granges et des silos sur pilotis pour abriter les semences et les récoltes, ainsi que la surveillance des pâturages par la communauté villageoise en cas d’inondation. Solidar a ainsi contribué à améliorer la prévention et la réactivité en cas de catastrophe. www.solidar.ch/prevention_catastrophes

A Mulukukú, les femmes ne s’en laissent pas conterEn collaboration avec Espace femmes international (EFI), Solidar Suisse a pré-senté en octobre dernier à Genève Soñando Despiertas. Ce documentaire retrace le parcours exemplaire des femmes de la municipalité de Mulukukú au Nicaragua (voir aussi notre article page 6). En 1988, en pleine guerre civile et suite à l’ouragan Joana qui a détruit la région, elles fondent la coopérative Maria Luisa Ortiz. Objectif: reconstruire les habitations détruites et gagner respect et autonomie dans une région où la violence à l’égard des femmes est omni-présente. Aujourd’hui, la communauté fournit des services de base à toute la population et ce sont désormais les filles de ces pionnières qui reprennent les rênes. Le documentaire de Felix Zurita peut être visionné sur www.solidar.ch/mediatheque

Serbie: non à la vente aux enchères du service public Beaucoup d’entreprises publiques ont été privatisées en Serbie ces dernières années. Mais les investissements espé-rés se sont souvent fait attendre. En réa-lité, les entreprises ont été démantelées par les acheteurs et leur personnel licen-cié sans aucun plan social. Maintenant, c’est la restructuration des transports publics locaux ainsi que des entreprises publiques chargées de l’approvisionnement en eau potable et de l’élimination des déchets qui est à l’ordre du jour, pour les rendre plus efficaces. Mais cette fois, les contribuables, les consommateurs et le personnel ne de-vraient pas pâtir de ce processus. Deux syndicats exigent en effet que les usa-gers et le personnel aient leur mot à dire. Leurs revendications ont été rendues pu-bliques récemment. Solidar Suisse sou-tient les efforts de ces deux syndicats pour faire aboutir ces revendications. Car la population doit pouvoir se faire une opinion et donner son avis pour que la re-structuration ne se solde pas par un fias-co social.www.solidar.ch/serbie

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Solidar soutient au Burkina Faso l’enseignement bilingue permettant aux enfants d’étudier dans leur langue maternelle. Portrait de l’initiateur du projet Paul Ilboudo. Texte: Lionel Frei. Photo: Solidar

D’UTOPISTE À DIGNITAIRE

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Papier carbone et enregistreur audioPaul Ilboudo est né en 1949 dans une famille pauvre de ce qui s’appelait encore la Haute-Volta. Elève brillant, il peut faire des études secondaires, mais ne s’engage pas immédiatement dans un cursus universitaire pour ne pas charger financièrement sa famille. Il commence à travailler comme instituteur et s’inscrit en parallèle à l’Université de Ouagadougou. Ne pouvant suivre les cours à cause de ses activités professionnelles, il demande à un camarade de mettre un papier car-bone sous ses notes et d’enregistrer les cours qu’il répète le soir après le travail. «J’ai obte-nu ma licence après trois ans, mais pas mon ami», rigole-t-il. Deux DEA en poche une thèse com- mencée mais interrompue entre-temps, Paul est engagé à l’Institut international d’alphabétisation. Il y développe une mé-thode d’alphabétisation en 48 jours pour les jeunes adultes; puis, à la demande des paysans, une méthode accélérée d’enseignement du français à partir des langues nationales.

L’homme-orchestre de SolidarFin des années 1980, Paul est engagé par Solidar Suisse pour ouvrir le premier bureau à Ouagadougou. «Chauffeur, comptable, secrétaire, j’étais l’homme-orchestre au début, se souvient-il. Mon objectif était de tordre le cou à un pré-jugé en montrant que les langues afri-caines peuvent véhiculer la rationalité!». Il commence à développer l’éducation bilingue pour les jeunes, dans deux école-pilotes. L’enseignement est donné dans la langue nationale et le français progressivement introduit dans le cursus. «Les taux de réussite aux examens na-tionaux se sont révélés bien supérieurs aux écoles classiques. Cela nous a en-couragés à persévérer, malgré les préju-gés. Le gouvernement s’est aussi rendu compte de l’efficacité de la méthode et nous a soutenu dans ce projet.»

Paul Ilboudo est nommé Chevalier de la palme

académique pour sa contribution à la formation au Burkina Faso. Il parlera de ses activités lors d’une

manifestation organisée par Solidar (voir invitation

en page 16).

PORTRAIT 19

Economiste de formation et titulaire d’un master en management de pro-jets, Dieudonné Zaongo succède à Paul Ilboudo en tant que responsable-pays pour le Burkina Faso à partir de février 2015. L’homme de 44 ans a exercé diverses fonctions à Solidar de-puis 1999. «Ma nouvelle fonction me procure un sentiment de joie et de fierté, mais comporte aussi de lourdes responsabilités», explique Dieudonné.

Nouveau représentant-pays

«Une approche participative»Aujourd’hui, les treize régions du pays comptent au moins une école bilingue, et plus de deux cents au total, du primaire au collège. «L’approche est bottom-up: nous faisons un plaidoyer musclé en fa-veur du bilinguisme, mais ce sont les acteurs locaux qui doivent manifester leur intérêt. Imposé, ça ne fonctionnerait pas.»Cet engagement en faveur des langues nationales porte aujourd’hui ses fruits. «Au départ, j’étais vu comme un fou, un utopiste. En 2015, le message com-mence à passer au Burkina, mais aussi

au niveau international.» Pour preuve, l’importance d’enseigner dans la langue maternelle de l’élève est désormais re-connue par les ministres africains de l’éducation. Une direction dont Paul Il-boudo ne peut que se féliciter, lui qui prend sa retraite au début de cette an-née: «Je vais enfin pouvoir consacrer du temps à ma famille… et finir ma thèse!», s’empresse de préciser l’infatigable dé-fenseur des langues. wwww.solidar.ch/burkina-fasoAu Burkina Faso, l’ombre coloniale n’est

pas loin. Elle l’est notamment dans les langues: moré, dioula ou fulfulde – pour n’en citer que trois parmi la cinquantaine que compte le pays – ne sont pas les bienvenues à l’école. Le jeune burkinabé apprend les maths et la géo en français, une langue maîtrisée par seulement 11% de la population. Alors les écoles bilingues, c’est l’histoire d’une fierté retrouvée, celle de la langue, et d’un succès qui fait de Solidar Suisse une star au Burkina Faso. Mais c’est surtout l’histoire de Paul Taryam Ilboudo, initiateur de ce projet. Linguiste, ensei-gnant et intellectuel, le représentant de Solidar pour le Burkina Faso est un infa-tigable défenseur de l’éducation et des langues nationales.

«Les langues africaines peu-vent véhiculer la rationalité.»

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Les changements climatiques font de nombreuses victimes et provoquent des dommages

préoccupants à l’environnement ainsi que d’énormes coûts. Cette situation touche

particulièrement les pays les plus pauvres de la planète, alors que ce sont eux qui y ont le

moins contribué.

Signez la pétition et invitez la conseillère fédérale Doris Leuthard à faire

en sorte que la Suisse s’engage en faveur d’une meilleure protection du climat:

action.solidar.ch

POUR UNE POLITIQUE CLIMATIQUE ÉQUITABLE!