sociologie du spectateur - etude de cas vincent...

30
Sociologie du spectateur - Etude de cas Céline THOMASSET Vincent DEGOUL Callejon del Gallo Flamenco Jazz – Grenade/Séville à l’alternatif [10 décembre 2005] Master II Professionnel Direction Artistique de Projets Culturels Année universitaire 2005/2006

Upload: others

Post on 21-Mar-2020

1 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Sociologie du spectateur - Etude de cas Vincent DEGOULcthomasset.free.fr/docs/spectacteur-concert.pdf · Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif

Sociologie du spectateur - Etude de cas

Céline THOMASSETVincent DEGOUL

Callejon del GalloFlamenco Jazz – Grenade/Séville

à l’alternatif[10 décembre 2005]

Master II Professionnel Direction Artistique de Projets CulturelsAnnée universitaire 2005/2006

Page 2: Sociologie du spectateur - Etude de cas Vincent DEGOULcthomasset.free.fr/docs/spectacteur-concert.pdf · Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif

Sociologie du spectateur – Etude de casCallejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05]

Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 1

SOMMAIRE

Introduction 2

Le contexte, un monopole dans lequartier

4

Le concert,les techniques d’approche

6

Les spectateurs, le public, la clientèle 12

Conclusion 16

Annexe 1 : Entretien avec Gérard,le patron

17

Annexe 2 : Divers entretiensavec les spectateurs

24

Page 3: Sociologie du spectateur - Etude de cas Vincent DEGOULcthomasset.free.fr/docs/spectacteur-concert.pdf · Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif

Sociologie du spectateur – Etude de casCallejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05]

Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 2

Introduction

« Sociologie du spectateur », étudier le comportementde personnes assistant à un spectacle.

Vaste sujet !La ville, les rues, les places sont des scènes de la viequotidienne. Tour à tour acteurs et spectateurs, ceuxqui empruntent une place ont des comportementsdifférents vis-à-vis des autres, de l’autre. Ils marchent,ils traversent, ils flânent, ils prennent un café, ilsmangent, ils attendent, ils observent ; selon la naturede leur présence sur cette place, leurs comportementset leurs intentions varient. Sujet intéressant pour notreétude : la place de la Comédie, avec en décor de fondde scène, son Opéra. Mais où retrouvons-nous le côtéartistique du spectacle ? Le ballet de la marche despassants ne se remarque que si un fin observateurreste toute une journée sur cette place. Existe-t-il unspectateur de ce type sur ce genre de lieu urbain ? Oui,sur la place de la Comédie, il existe des artistes, qui sereprésentent régulièrement et se positionnent à desendroits stratégiques. Nous sommes en novembre etdécembre pour réaliser cette étude, ce n’est pas unesaison propice à l’attroupement devant un battle de hip-hop ou un concert tzigane, ou encore devant un fauxMichael Jackson.

« Spectateur : Témoin d’un événement, personne quiregarde ce qui se passe. Personne qui assiste à unspectacle. »1 Alors non, durant cette saison, la place dela Comédie, malgré le nombre impressionnant depersonnes qui l’empruntent, n’est pas une scène despectacle intéressante. Alors non, les artistes qui seproduisent ne délogent pas un public assidu parmi cesflux humains. Les gens ne regardent pas et n’ont pasl’intention consciemment de regarder, à cette saison.

Ce sont ces observations qui nous ont fait changer desujet en cours d’étude. Même si ce sujet d’étudier lesspectateurs des artistes itinérants qui se produisent aumilieu d’une place aurait pu être nettement plusintéressant à une autre époque de l’année.Ces observations nous ont permis de répondre à laquestion : qu’est-ce qu’un spectateur ? Pour nous,

1 Définition du Micro Robert.

Page 4: Sociologie du spectateur - Etude de cas Vincent DEGOULcthomasset.free.fr/docs/spectacteur-concert.pdf · Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif

Sociologie du spectateur – Etude de casCallejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05]

Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 3

spectateur dit public conscient de la chose artistique etculturelle, ponctuelle et événementielle qu’il regarde.Cette chose, même si elle se passe à côté de lui, dehorset en hiver, toutes les conditions ne sont pasrassemblées pour favoriser la réception d’un spectateurpotentiel. Le facteur « abrité » est-il déterminant pourun spectacle à cette époque de l’année ?

Passant régulièrement devant un petit bar du quartierBoutonnet (ancien) de Montpellier, nous avons plusieursfois remarqué que celui-ci offrait une programmationmusicale et hétéroclite, pourtant sans aménagementparticulier à cet effet. Nous décidons d’aller demanderles prochaines dates des concerts au patron, d’enchoisir une, davantage en fonction de nos disponibilitésque du genre musical, et de réaliser notre étude ici.C’est dans cette ambiance que nous voulons observer,les rythmes, les habitudes, les exceptions, celle d’unbar de quartier, lieu dans lequel il y a une vie unique.Tout le monde passe par là, ce bar, c’est comme la rue.Nous choisissons un concert de flamenco, d’un groupeespagnol, andalou. Évidemment le flamenco est unemusique et une danse qui en disent long sur le travaild’observation, de séduction…

C’est à partir de là que notre étude débute. Gérard, lepatron du bar l’alternatif, nous donne rendez-vous lesamedi 10 décembre à 18h, le jour du concert. Nousfilmons l’entretien et nous apprenons entre autres quele groupe s’appelle Callejon del Gallo. Nous avonsl’autorisation de filmer toute la soirée, ce que nousfaisons. Nous interrogeons également des spectateursau moment de la pause et à la fin du concert pourenrichir notre étude. Sur cette base, nous avons montéquatre séries de 10 minutes environ, présentant le bar,les deux parties du concert et les entretiens desspectateurs. Ces clips servent d’annexes au présentrapport.

Nous allons donc présenter dans une première partie lecontexte de notre étude plus en détail, puis étudier leconcert, ou comment le groupe met en œuvre destechniques d’appel afin de faire réagir le public à leuravantage, et enfin en dernière partie, ce public, quelest-il et comment a-t-il réagi ?

Page 5: Sociologie du spectateur - Etude de cas Vincent DEGOULcthomasset.free.fr/docs/spectacteur-concert.pdf · Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif

Sociologie du spectateur – Etude de casCallejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05]

Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 4

Le Contexte,Un monopole dans le quartier

Au milieu de nulle part, et pourtant à proximitéimmédiate du quartier des Beaux Arts donc du centreville de Montpellier et du quartier baptisé « Hôpitaux-Facultés », Boutonnet est un petit endroit paisible,composé en majeure partie de résidents étudiants etd’une population montpelliéraine active de tous poils ettous âges. Le quartier se structure autour d’un axeprincipal : la rue du faubourg Boutonnet. C’est une rueà sens unique, qui semble bien empruntée, disposantde trottoirs étroits de part et d’autre et de places destationnement. On distingue de nombreux commercesde proximité en pied de bâtis : boucherie, boulangerie,épicerie, etc. C’est cela qui fait l’attractivité du lieu et letransforme en espace de vie où se rencontrent tous leshabitants du quartier.

C’est dans ce quartier et précisément au milieu decette rue que s’inscrit le bar « L’alternatif ». Après lafermeture d’un autre bar dans la même rue, il estaujourd’hui le seul. Anciennement dénommé « ChezBerru », ce lieu a toujours eu la réputation d’être unendroit festif, du moins par la pratique du bouche àoreille. Gérard, actuel patron de « L’alternatif », ancienartisan, garçon de café et artiste peintre, a repris ce lieuen 2003. Très vite, il a souhaité offrir l’opportunité àdes artistes musiciens de venir se présenter dans celieu. D’autres expériences (restauration ou débat) ontété menées dans cet endroit, seuls les concerts seprogramment toujours et régulièrement, ce que,comme dit Gérard : « vient de concert avec le piano quiy trône ».

Le bar a deux entrées et se compose de trois salles :une salle principale où se tient le bar/comptoir,quelques tables et où s’y déroule les concerts, unesalle-couloir pour la restauration et une salle contenantun billard et des canapés, pour le repos. Il est ouvert lemidi pour une restauration rapide et le soir, à partir de18h, pour une restauration plus conséquente. Il esttenu par Gérard, son fils et un serveur : Jean-André.Les soirs de concert, ils sont aidés par la femme et lafille de Gérard.

Page 6: Sociologie du spectateur - Etude de cas Vincent DEGOULcthomasset.free.fr/docs/spectacteur-concert.pdf · Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif

Sociologie du spectateur – Etude de casCallejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05]

Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 5

Deux à trois concerts s’y déroulent chaque semaine.Une programmation continue et hétéroclite s’yretrouve : chanson française, jazz, jazz manouche,klezmer2, etc. en tout une soixantaine de dates par an.La programmation, annotée sur un calendrier succinct,n’est prévue que sur le mois en cours, et se fait aussiparfois en réseau avec d’autres manifestations, bars etrestaurants de Montpellier. Par exemple, deux à troisconcerts des Internationales de la Guitare y sontprogrammés. Toutefois, la communication et lamédiatisation sont du ressort des artistes. La formulede l’alternatif est la suivante : un bon repas offert par lamaison aux musiciens, pas de scène ni de matérieltechnique à disposition mais des boissons à volonté et,pour ce qui est du cachet, un chapeau circule dansl’assemblée, le patron double la mise au final.

Samedi 10 décembre 2005, c’est le groupe Callejondel Gallo (la ruelle du poulet) qui se présentait àl’Alternatif. Ce groupe de flamenco-jazz se compose dequatre musiciens (cajòn, basse, clarinette et guitare) etd’une danseuse. Raul, chanteur-guitariste, en est l’undes membres fondateurs. Le groupe existe depuis unerencontre et une tournée qu’ils ont effectuées ensemblecet été, clôturées par l’enregistrement d’un CD (5titres : Mojama Experience) à Séville. Raul est étudiantERASMUS à Montpellier, d’où ses contacts etl’organisation de cette tournée dans 6 bars deMontpellier, qu’il a fait débuter à l’Alternatif, est de soninitiative. Ses amis andalous, et la danseuse, nouvelélément de leur spectacle, sont arrivés trois joursauparavant. Rien ne présage donc leur réussite, qui vaenflammer les publics de l’Alternatif, du Peanuts, enpassant par l’Antirouille, le Blue Up, le Cargo et biend’autres salles de la ville…

2 le répertoire klezmer au sens large inclut de nombreuses chansons yiddish,traditionnelles ou récentes. Cette musique s’épanouit dans les danses et lescérémonies juives.

Page 7: Sociologie du spectateur - Etude de cas Vincent DEGOULcthomasset.free.fr/docs/spectacteur-concert.pdf · Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif

Sociologie du spectateur – Etude de casCallejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05]

Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 6

Le concert,les techniques d’accroches

Le groupe s’installe vers 22h dans la salle principalede l’alternatif. Quatre chaises, un ampli, deux micros,casés dans un coin de la salle, pratiquement vide demobilier. Les habitués sont au comptoir, les discussionssont animées, le patron a augmenté le volume de lamusique sur la chaîne hi-fi. Le groupe fait ses balancescomme il peut. Nous l’avons vu, le groupe est composéde quatre musiciens (cajòn, basse, guitare et basse) etd’une danseuse. Raul, le guitariste, est aussi chanteur,et il invite en cours de concert un ami à jouer de la flûtetraversière. Les moyens sont modestes, le concert dure1h30 et se déroule en deux parties. La conquête dupublic est radicale en si peu de temps, c’est ce qui nouspousse à étudier un peu plus en profondeur le genremusical et le déroulement du concert.

Le flamenco, un art vif et puissant

Le flamenco est un dérivé du cante hondo despaysans andalous et trouvant sa plus haute expressionchez les gitans de cette région. Le genre musical quel'on appelle Flamenco est le produit d'une traditionvivante et est localisé dans la région de l'Andalousie,dans le sud de l'Espagne. Au cours des siècles, il s'esttransformé en une forme artistique très structurée, quiutilise le chant (cante), la danse (baile), le jeu de laguitare (toques).

Le chant (cante) :Les cantes sont nombreux. Un cante est une

structure musicale qui a son identité mélodique,rythmique et harmonique. Les chants flamencoconsistent en une succession de couplets, coplastransmis oralement de générations en générations.Devenus anonymes à force d'être repris et chantés, ilssont dorénavant écrits par des auteurs et des poètes.Le Cantaor vient juste y apporter son expression et soncaractère propre.

Il y a à peu près une soixantaine de Cantesdifférents. Leur nom est lié à un contexte historique, àune répartition géographique, ou à un événementreligieux, certains sont rattachés à un contextesocioprofessionnel. Mais les formes (Palos) les plus

Page 8: Sociologie du spectateur - Etude de cas Vincent DEGOULcthomasset.free.fr/docs/spectacteur-concert.pdf · Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif

Sociologie du spectateur – Etude de casCallejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05]

Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 7

importantes sont : les Soleares, siguiriyas, bulerías,alegrías, Fandangos, Tangos.

Nous pouvons distinguer deux grandes familles decantes : le cante Jondo et le cante Chico. Le premier estla famille des chants flamenco les plus archaïques,chants profonds, qui puisent au plus profond dusentiment et de l'émotion. Son esprit tragique exige ducantaor de la jondura , une authenticité et uneprofondeur autant dans la voix que dans le sentimentexprimé. Les voix sont chaudes, rocailleuses, etviennent de la gorge.

La guitare (toques) :La guitare accompagne le chant Flamenco d'une

manière intime. C'est elle qui décide des rythmes, de ladirection que vont prendre la mélodie et le chanteur. Lenouveau flamenco aujourd’hui utilise beaucoupd'harmonies et d'accords empruntés au jazz et à lamusique d'Amérique Latine. Il recherche davantagel'effet, mais en garde le langage.

Il existe dans le flamenco un grand nombre detoques différents, provenant en majeur partie de canteséquivalents, et chacun ayant son propre air et sastructure musicale caractéristique. Traditionnellementles toques, comme les bailes ou les cantes sont divisésen trois groupes : jondo (profond), in termedio(intermédiaires) et chico (petit). Cependant un cante ouun toque chico n'est pas nécessairement plus facile àexécuter qu'un cante ou un toque jondo. La seuledifférence c'est qu'il est gai et enlevé au lieu d'êtretragique. Les guitaristes ont tendance à ne pas classifierles morceaux en jondo, intermedio ou chico mais plutôtà faire la différence entre les toques libres et les toquesa compás. Chaque toques a compas a une structurerythmique fixe, avec certains temps forts disposésd'une manière complexe. Le guitariste a davantage deliberté dans les toques libres, qui n'ont pas de structurerythmique rigide. Le jeu de la guitare Flamenca (eltoque) a son vocabulaire propre :

- Les Falsetas : ce sont les interventions de la guitareentre les périodes chantées, réaffirmant ainsi le rythme.

- les rasgueados : ce sont des balayages bruyantsdes cordes de la guitare.

- le trémolo : c'est une répartition rapide de notesqui sont jouées avec douceur et donne l'impression quele musicien égrène un collier de perles.

Page 9: Sociologie du spectateur - Etude de cas Vincent DEGOULcthomasset.free.fr/docs/spectacteur-concert.pdf · Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif

Sociologie du spectateur – Etude de casCallejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05]

Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 8

La danse (baile) :Élément chronologiquement plus tardif que le cante

dans l'histoire du flamenco, la danse flamenca est unart d'une grande richesse car elle permet de traduire etd'exprimer des émotions des plus légères au plusprofondes.

Elle permet d'exprimer au-delà des mots, dessentiments forts et intenses. Alliage subtile d'unegestuelle enracinée avec force dans une énergie"tellurique", les taconeos ancrent le corps dans lesprofondeurs de la terre. Avec autorité, la danseuseplante ses talons dans un sol qui s'incline devant tantd'impétuosité. Selon l'émotion exprimée, cette danseamène aussi le corps à une gestualité voluptueuse,sensuelle, sensible et délicate.

Reliée directement au chant et à la guitare quil'accompagnent, la danse donne à la corporéité un rôlespécifique dans la représentation de la conditionhumaine et l'expression de sa dimension affective. Elletraduit la relation ambiguë qui existe entre la douceuret la violence et entre la grâce et la force.

El Zapateado est une manière de marquer le compasavec le talon ou la pointe des pieds. Accentué par leschaussures cloutées, le zapateado est intimement lié àcette danse, c'est également ce qui en fait sa richesseet sa particularité. Le zapateado peut être lent ourapide, en fonction du palo . La bailaora marquebruyamment le tempo avec le talon ou la pointe despieds. Le frappé du pied du baile se fait de plusieursmanières selon l'intensité que la bailaora veut luidonner.

Les Rythmes :Basé sur une synthèse unique entre le contour modal

du chant, l'aspect tonal de l'accompagnement guitare etla rythmique faite par la guitare, les palmas et parfois lecajón et le jeu de pieds (taconeos) du danseur deflamenco détient un langage varié pour marquer lastructure rythmique propre à chaque style auquel il seréfère.

Le Compás est la carrure cyclique du rythme duchant flamenco ; le nombre de temps et la manièredont ils sont organisés, accentués.

Page 10: Sociologie du spectateur - Etude de cas Vincent DEGOULcthomasset.free.fr/docs/spectacteur-concert.pdf · Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif

Sociologie du spectateur – Etude de casCallejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05]

Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 9

Certains styles du flamenco ont un compás libre, quele chanteur va moduler au gré de son inspiration. C'estle cas de la Taranta.

Cependant, la plupart des styles sont cadrés avec unrythme qui lui est propre. Il s'agit de structures quifonctionnent en cycles de 4, 8 ou 12 temps. Ondistingue le compás régulier du compás alterné. Lecompás régulier correspond aux structures rythmiquesde 2 ou 4 temps par mesure dans les cycles de 4 ou 8mesures. Ils peuvent être lents ou rapides. Le Compásalterné est la structure rythmique la plus représentativedu flamenco. Dans ce cas, le flamenco est construit surun ostinato rythmique de 12 temps. Certains sontaccentués, d'autres non, c'est ce qui détermine le style.

Le concert : les morceaux de musique et la danse

Le style flamenco est donc un premier point dans leprocessus d’adhésion du public. Genre à la fois tragiqueet autoritaire, dont l’intention est de convaincre, il fautrentrer dans la famille pour mieux comprendre, leflamenco vient de l’Espagne, du sud, et il emporteratoujours avec lui des images de soleil, d’itinérance, deliberté, mais aussi de passion.Alors que le public connaisseur et composé des prochesdes artistes est acquis, les jeux de séduction de la voixet de la danseuse, l’autorité des toques et des talonssur le sol et les images du répertoire connues de toussont là pour emporter les autres spectateurs.

Le concert dure 1h30, une dizaine de morceaux sontinterprétés : des créations, des interprétationspersonnelles (Michelle des Beatles par exemple) et desmorceaux du répertoire. La composition del’interprétation des morceaux est un deuxième pointdans le processus d’adhésion du public. Prenons lepremier morceau du concert, qui est aussi le dernier,reprise, que vous pouvez visionner sur le DVDpratiquement en entier. Ce morceau, certainement unecréation, est l’exemple type du travail d’adhésion.N’étant ni musiciens, ni mélomanes, nous avonsdécomposé le morceau en trois parties :- Introduction de l’histoire, le début est caractérisé parson rythme calme et doux des trémolos de la guitare.La danseuse appuie le rythme par des claquements demain qui entraînent les spectateurs à prêter l’oreille,

Page 11: Sociologie du spectateur - Etude de cas Vincent DEGOULcthomasset.free.fr/docs/spectacteur-concert.pdf · Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif

Sociologie du spectateur – Etude de casCallejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05]

Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 10

puis à répondre eux aussi par des claquements demain.- L’histoire se poursuit, les autres instrumentsaccompagnent le chant ou la clarinette avec un rythmeun peu plus soutenu et jazzy. Les spectateursabsorbent.- La fin, en guise de conclusion, est une envolée lyriquede tous les instruments. Intense et très rythmée,généralement accompagnée de la danseuse, la musiqueincite les gens à crier et à danser. Cela se termine parun tonnerre d’applaudissement.

La danse, et sûrement davantage la danseuse, est letroisième point de l’adhésion du public. Maquillée etparée de ses plus beaux atours, elle joue la séductionauprès du public, mais aussi des musiciens. Sa beautéet sa sensualité conquissent les hommes. Le jeu deszapateados, des frappements de main, desinterjections, son maintien de paon, signalent qu’il fautla regarder. Cette autorité cloue les spectateurs,envoûtés.

La communication

N’étant pas du ressort de l’alternatif, la communicationdu concert est faite par les artistes eux-mêmes.Cependant, Gérard, au centre d’un réseau derestaurateurs-programmateurs dans Montpellier,n’hésite pas à mettre la main à la pâte lorsqu’il trouvecela judicieux : affiches ou annonces dans le journal. Cequi fait le caractère familial du lieu réside aussi dans lefait que ce bar fonctionne exclusivement au bouche-à-oreille. Résultat : il n’y a que les meilleurs, les curieuxet ceux qui s’identifient réellement à la vie du lieu, brefgénéralement un public acquis.Pour ce qui concerne Callejon del Gallo, c’est Raul quis’est occupé de l’organisation de la tournée et de lacommunication. Photocopies des affiches A4 et flyersrouge et orange répertorient toutes les dates de latournée. En dehors de celle de la porte de l’alternatif,nous n’avons pas repéré d’autres affichages dans laville, par contre, nous avons retrouvé les flyers dansd’autres bars. Jouant du bouche-à-oreille, nous noussommes proposés d’en distribuer et nous avons invitédes amis à aller voir le concert dans la semaine, àl’occasion d’une autre date de la tournée.

Page 12: Sociologie du spectateur - Etude de cas Vincent DEGOULcthomasset.free.fr/docs/spectacteur-concert.pdf · Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif

Sociologie du spectateur – Etude de casCallejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05]

Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 11

Un autre moyen de communication, qui joue davantageen la faveur du groupe : le CD Mojama Experience,conclusion de leur tournée de l’été 2005 dans le sud dela France et en Europe, enregistré à Seville. Retrouvantle dessin de l’affiche et du flyer sur la pochette, le CDcontient 5 titres qui ne sont pas tous repris en concert,et à l’inverse qui ne reprend pas tous les morceauxjoués en concert. Le CD est vendu à la fin du concert, ilpermet non seulement de garder une trace pour leplaisir des oreilles, mais aussi de le faire écouter àd’autres qui pourraient avoir envie d’aller voirultérieurement le groupe en concert.

Les interventions du patron

Dans le spectacle, il y a aussi les différents moments duspectacle. Gérard, très généreux, compréhensif, àl’écoute du mode de vie des artistes, intervientplusieurs fois à l’attention du public concernant lefonctionnement de la maison : pas de cachet, lechapeau passe, le public donne, le bar double la mise.Toutefois, ces interventions ne sont pas discrètes. Aucontraire, une fois dans le public, l’autre fois au-dessusdu bar, Gérard joue les comiques en braillant et enréclamant les sous. Sa version espagnole fait hurler lafoule, alors qu’elle rend mal à l’aise le groupe.

Page 13: Sociologie du spectateur - Etude de cas Vincent DEGOULcthomasset.free.fr/docs/spectacteur-concert.pdf · Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif

Sociologie du spectateur – Etude de casCallejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05]

Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 12

Les spectateurs,Le public, la clientèle

Par définition, l’Alternatif fait se rencontrer desspectateurs de diverses natures lors de ces soiréesanimées. Réunissant plusieurs fonctions : bar,restaurant, jeu de billard, lieu de diffusion; cesattractions ne s’exercent pas forcément sur les mêmes« cibles ».

La clientèle

C’est avant tout un bar, et en tant que tel il disposed’une clientèle d’habitués qui y viennent régulièrementprendre un verre et se retrouver entre amis. Ceux-ciont tous dans la cinquante-soixantaine, ils semblentêtre des habitants du quartier et lient une certaineamitié avec le patron.

La clientèle du restaurant est peu nombreuse, le soirdu concert, elle ne concerne que les musiciens à qui lerepas a été offert et quelques habitués. En effet, lemenu n’est disponible nulle part. Gérard fait la cuisine,c’est donc la surprise du chef !

Quelques jeunes, entre 16 et 20 ans, viennent y faireun billard, du moins avons nous observé deuxpersonnes entre 18 et 20h lorsque nous y étions ; quine sont pas restés pour le concert, peut-être du àl’isolement du billard, dans une salle annexe…

Le public

La majorité du public est étudiante et correspond :soit à des étudiants habitants le quartier, soit à desamis ou des personnes prévenues par le groupe lui-même (Raoul est professeur de guitare), soit encore àdes passants utilisant la rue du faubourg Boutonnet quis’arrêtent, curieux ou intrigués par le raffut.

Le comportement du public

Lors de la balance, précédant le concert, et mêmelors du début du concert, la distinction est assez netteentre étudiants, mélomanes et clientèle habituée. Lespremiers sont dans un sentiment d’attente. Les autres

Page 14: Sociologie du spectateur - Etude de cas Vincent DEGOULcthomasset.free.fr/docs/spectacteur-concert.pdf · Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif

Sociologie du spectateur – Etude de casCallejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05]

Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 13

sont « chez eux », tournent le dos et braillent avecleurs collègues, rendant difficile la balance desinstruments.

Les artistes font tout de même « chaufferl’atmosphère », la tradition du flamenco n’y est paspour rien. Taper dans les mains en rythme est un jeuauquel on se prend rapidement et l’on y participe avecjoie, plus encore de la part des amis des artistes quisont là pour les encourager.

Le rythme de la musique s’augmentant, cela attireprogressivement la clientèle habituée qui se laisse allerà bouger sur la musique… Sont-ils saouls ou vraimentintéressés ?

Au fur et à mesure, les gens s’assoient, s’installenten cercle autour de la petite partie scène improvisée.Les musiciens comme la danseuse sont en contactdirect avec le public. Rien ne les sépare et cela sevérifiera à la fin du concert où tout le monde semélange, se congratule et boit un verre ensemble.

Chaque fin de morceau est ponctuée par desapplaudissements retentissants du public. Pourtantcertains semblent plus préoccupés à discuter et d’autresà s’affairer sur leur téléphone portable. L’absence delieu concret et de cadre fait du spectacle un habitsonore du lieu plus qu’un spectacle à part entière. Lepublic grossit à vue d’œil, la place commence àmanquer, et nombreux sont ceux qui se retrouventdans la salle de derrière, sans pouvoir s’approcher. S’ilfallait les compter : 60 ou 70 !!

Certains morceaux entraînent plus de réactions qued’autres. Entre autres un morceau de jazz de GlennMiller ainsi qu’une interprétation de Michelle desBeatles…

Jusque-là, seul le groupe s’activait, la danseuseintervient avant la première pause. On sent le publicbeaucoup plus calme, plus aucun claquement de main,presque plus de conversation, tout le monde a le regardrivé sur cette intervention, captivé, envoûté… Lasensualité se dégage de la danse et le « regardez-moi »que nous avions évoqué plus haut fonctionne àmerveille.

Page 15: Sociologie du spectateur - Etude de cas Vincent DEGOULcthomasset.free.fr/docs/spectacteur-concert.pdf · Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif

Sociologie du spectateur – Etude de casCallejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05]

Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 14

La pause intervient alors, dix à quinze minutes.Beaucoup trouvent son arrivée précoce dans lespectacle. Les habitués semblent trouver la musiquepeu innovante : « Boah… on peut faire mieux… » disentcertains. Le spectacle n’a pour eux qu’une fonctionculturelle, une fonction d’animation. Seul la danseparvient à les séduire, leur parle et dépasse la fonctionculturelle de l’œuvre. Les autres, étudiants et amis deRaul sont au contraire très enthousiastes quant auspectacle et à la bonne réaction du public. Ilss’impliquent socialement et sont séduits par lapragmatique du spectacle.

En deuxième partie, les rythmes vont s’intensifier, lejazz prédominant jusqu’alors va laisser de plus en plusde place au flamenco, aux interventions de danse aussi.Le public va s’identifier totalement au spectacle.Certains (deux personnes en tout que nous avons puinterviewer) vont se laisser prendre complètement parla musique et danserons dans cette seconde partie,entre eux ou accompagnés par la danseuse (pour leplus grand plaisir de certains), oubliant toute pudeur ettout regard des autres. La fonction de spectateur captifse translate en fonction de spect-acteur. C’est le publicqui fait le spectacle d’où l’identification totale. Ce genrede réaction dépend beaucoup du caractère despersonnes. Il faut signaler que le public dans l’ensembleétait davantage timide vis-à-vis de la danse ou mêmede l’esquisse de pas de danse sur place, moins pour cequi concernent les frappements de main, lesinterjections et les applaudissements.

Au milieu de cette deuxième partie, lors de lapromotion du CD, une habituée, mais qui par ailleursaimait à se faire remarquer, s’est précipité sur lepremier CD… interrompant le concert sur une pluslongue durée. Le chapeau circule une deuxième foisaprès l’intervention de Gérard debout sur le bar…L’heure avançant, les esprits semblent s’échauffer…sûrement à cause de l’alcool aussi… mais le chapeaurepart bien plein. Certains pousseront la générositéjusqu’à laisser des billets de 20 euros… Des photos, desvidéos (en dehors de la nôtre) sont prises par le public…Le pari de ce premier concert semble réussi etl’adhésion de tous semble avoir pris quand tout se

Page 16: Sociologie du spectateur - Etude de cas Vincent DEGOULcthomasset.free.fr/docs/spectacteur-concert.pdf · Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif

Sociologie du spectateur – Etude de casCallejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05]

Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 15

termine enfin… Il a permis aux spectateurs de profiterd’un instant agréable, de sortir pour certains dedépasser leur conception client pour évoluer vers celled’un spectateur, conscient de l’esthétisme de l’œuvre,de l’ensemble danse et musique. Le flamenco n’y estpas pour rien, l’ensemble des techniques décritesprécédemment y ont ardemment participé. Il estporteur d’une combinaison singulière de fonctions quipermet l’évolution de la cartographie personnelle duspectateur. Ces interactions pourraient avoir étédavantage analysés avec des outils de communication.

Page 17: Sociologie du spectateur - Etude de cas Vincent DEGOULcthomasset.free.fr/docs/spectacteur-concert.pdf · Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif

Sociologie du spectateur – Etude de casCallejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05]

Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 16

Conclusion

Répondre à une question soulevée en introduction…sur les différences de public, ou sur les réactions d’unspectacle de musique, ou d’un genre particulier…Répondre à notre volonté itinérante, d’un lieu pluriel,d’un lieu aux multiples cartes de personnes.

Nous aurions pu les suivre au long de leur périple eteffectuer la liaison/comparaison entre ce lieu-ci et unautre bar de Montpellier, dans un autre contexte, parexemple le Blue Up. Pour en dire deux mots, c’est unbar à proximité du centre ville, où s’y déroulent denombreux concerts. Là, le public y est majoritairementétudiant et peu hétérogène dans les âges, 20 à 40 ansdans l’ensemble. La disposition du lieu estcomplètement différente une scène surélevée) et laréception des musiciens par les patrons est tout autre(ils se sont fait mettre dehors à l’heure dite). Cependantla réception du public était particulièrementintéressante, personne n’était assis, comme l’espaceétait disponible, tout le monde dansait… pour suivre lamusique… ou tout simplement pour suivre son voisin…

Un spectateur soulève une question intéressante lorsd’un entretien en disant : « je m’attendais à ce que celasoit plus flamenco ». S’agit-il vraiment de flamenco ? deflamenco-jazz ? Il semble que les rythmes et techniquesy aient été empruntés pour faciliter l’adhésion dupublic… des espagnols… qui jouent du flamenco… dansla région… l’exotisme, la chaleur et toutes lesreprésentations qu’on peut se faire dans nos cartesmentales, ce qui motive nos sens, nos désirs et nosréactions de spectateur. Lorsque l’on trouve ce que l’oncherche à savoir un langage et des signes dereconnaissance, alors naît en nous une satisfaction, unplaisir intérieur. En cela, le genre a joué, quelque soit lelieu de représentation.

Dans l’ensemble, cette tournée - spectacles a étéune réussite, et discutant récemment avec Raul, celaserait à refaire. Le flamenco est très bien perçu dans lesud de la France, preuve en est, le festival de Flamencoen janvier à Nîmes qui attire de nombreux adeptes detous âges et entraîne le spectateur jusque parfois deslarmes de joie, pour les plus connaisseurs.

Page 18: Sociologie du spectateur - Etude de cas Vincent DEGOULcthomasset.free.fr/docs/spectacteur-concert.pdf · Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif

Sociologie du spectateur – Etude de casCallejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05]

Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 17

Annexe 1Entretien avec Gérard, le patron

Samedi 10 décembre 2005, 18h30, avant le concert

(A propos d’un reportage universitaire qui a été réaliséà l’Alternatif lors d’un concert l’année dernière)Gérard : Parce qu’eux ils ont vraiment du matériel. Ilsont interrogé, ils ont mis des caméras derrière lecomptoir, ils ont interrogé tous les intervenants d’ici,c’est-à-dire mon fils, qui fait le matin, ma fille, moi, mafemme, Jean-André, plus les clients, qu’ils ont amenéderrière, qu’ils avaient installé comme un petit studio(…). Donc ils ont vraiment du matos.Céline : Quel était leur but aussi ?G : D’après ce que j’ai pu comprendre, ils fallaient qu’ilstrouvent quelque chose à réaliser sur un quartier ou surune activité en particulier. Et comme leur prof vientjouer du piano ici de temps en temps, il leur a dit :« Essayez d’aller voir là-bas. ».Il se trouve qu’ils ont dela chance, parce qu’il y a eu deux concerts, donc ils ontfilmé deux concerts, dont une fanfare. Tu vois ce que çadonne une fanfare sur des images. C’était vraiment pasmal.Vincent : Une fanfare qui a eu lieu ici dans le bar ?G : Oui. Le frère de Jean-André, celui qui bosse, faitpartie d’un groupe qui s’appelle Taraf Boulamas. Je nesais pas si vous connaissez, c’est pas mal. Ils sont huit.Ca envoie lointain. On a plutôt flippé toute la soirée àcause du volume… J’avais eu les Cador avant, vousconnaissez ? Non, ils sont vingt-cinq et à 10h moins dix,il y avait les flics. C’était monstrueux. Y en avait deboutsur les tables, une partie assise, une partie deboutnormalement et une partie assise. (…)C : Le but de notre travail, c’est de faire une étude, àpartir d’un spectacle, sur la réaction des spectateurs.De toute façon, on va être en contact avec les artistes,mais ce qui nous intéresse le plus, c’est de voircomment les spectateurs réagissent, pourquoi ils sontvenus…G : Si tu veux ici le programme est un peu particulier,c’est-à-dire que depuis le début, je n’ai jamais demandéà aucun musicien de venir ici. Ce sont toujours eux quisont venus se proposer. Le fait qu’il y ait eu le piano, çaa été magnétique. Puis aussi quelques amis musiciens

Page 19: Sociologie du spectateur - Etude de cas Vincent DEGOULcthomasset.free.fr/docs/spectacteur-concert.pdf · Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif

Sociologie du spectateur – Etude de casCallejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05]

Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 18

que je connais… Et du coup, ça a fait un effet boule deneige.C : Depuis quand ?G : On est là depuis deux ans, août 2003. (…) V : Le bar en tant que tel ? Ce qui veut dire qu’à partirdu moment où vous avez ouvert le bar, il y a eu desdemandes ?G : Moi, j’ai toujours proposé évidemment. J’ai dit auxmusiciens : « Quand vous voulez venir jouer, c’estpossible ». Simplement, il faut que ce soit quelquechose d’assez rassemblé. Ca ne peut pas être un lieud’étude ici. Il faut que ce soit un truc qui tienne saplace. Mais à partir de ça, autrement c’est très simple.Je t’explique pourquoi je parle de ça. Ici, c’est un peuparticulier. Pour les concerts, il n’y a pas de surtaxepour les consommations, il n’y a pas de droit d’entrée,les musiciens passent un chapeau, le bar double lechapeau. C’est-à-dire, s’il y a cent euros dans lechapeau, on met cent euros. S’il y a trois cents euros,le bar met trois cents euros. En plus d ça, les musicienssont invités à manger, vraiment je les soigne commedes hôtes particulier et ils ont le bar ouvert toute lasoirée.V : C’est-à-dire qu’ils ont le droit de consommationtoute la soirée ?G : Oui. Tout ce qu’ils veulent, une bouteille de skychacun s’ils veulent, s’il sont capables de la boire. Etdonc ça impose aussi, par rapport aux spectateurs,comme tu disais… Vous verrez, je fais une annonce :« Messieurs, dames, les musiciens sont payés à moitiépar vous, à moitié par le bar », et donc ça pousse à êtreinvesti dans le truc. Parce que c’est un peu un truc deréseau. Nous, on amène le lieu, on amène l’accueil, lesmusiciens amènent leur musique. Les gens qui payentle prix du demi la même chose que le matin à 7h ou lecafé pareil, ils mettent un petit sou dans le chapeau.Plutôt que de proposer à des musiciens un cachet, queje ne peux pas faire, je n’ai pas les sous. J’ai vu pas malde musicien dire : « Putain, on va jouer là-bas, je n’aipas envie, mais enfin il y a le cachet, alors on y va. ».Ici ce n’est pas ça. Si tu veux que le concert soit bien, situ veux qu’il y ait des sous dans le chapeau, il faut fairedu bruit, amener les gens, en parler tout autour. Caveut dire que ça laisse un peu plus de responsabilités àtout le monde. C’est pas mal, la formule marche bien.On a eu des musiciens de paris, des absolues pointures

Page 20: Sociologie du spectateur - Etude de cas Vincent DEGOULcthomasset.free.fr/docs/spectacteur-concert.pdf · Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif

Sociologie du spectateur – Etude de casCallejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05]

Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 19

de jazzman qui sont venus sur ce contrat-là et qui sontrevenus. C’est que ça leur plait.C : Et au niveau de la programmation…G : La programmation, c’est extrêmement particulier…C : C’est un peu de tout ou essentiellement jazz ?G : Si tu veux, comme ce n’est pas moi qui demande,c’est eux qui proposent, alors on essaie de se teniraprès. Pas plus de deux concerts par semaine, parceque c’est vraiment cruel autrement, et trois concertspar semaine, c’est monstrueux, on finit vers 6h dumatin. Il y a eu quatre-vingt personnes, il y a unménage monstrueux. Après le concert, les musiciens, tules mets pas dehors comme ça, il faut qu’ils récupère lematériel, on boit un verre, on blague un peu. Ce qui faitque ça pousse les horaires de manière astronomique.Trois fois par semaine, on a vu que c’était proche dusuicide. On a décidé d’en faire que deux. Mais ce sonteux qui choisissent. Tu vois, cette semaine, il y avait unconcert mardi et il y a un concert samedi. Le plussouvent, c’est le jeudi, vendredi ou samedi. Mais cesont eux qui choisissent. Le mardi, les gens ne sont pastellement dans le truc de sortir…C : A partir du jeudi, il y a plus de monde ?G : Oui. Ici, c’est un quartier d’étudiants. Cela veut direqu’il y en a beaucoup qui rentrent dans leur famille pourle week-end. Le meilleur jour pour les gens qui viennentau concert, c’est le jeudi. Parce que le jeudi, lesétudiants n’ont plus qu’un jour à faire, donc ils selâchent un peu plus. Et puis, le vendredi, en général, ilsrentrent.V : C’est un quartier d’étudiants ici ?G : Il y a plusieurs clientèle ici… Il y a une clientèlelocale, dans la journée, d’habitués du bar, de gens duquartier, d’artisans, de commerçants, de gens quihabitent dans le quartier et qui ont pris l’habitude devenir, boire le café, prendre l’apéro, etc. Il y a unedeuxième clientèle, ce sont les étudiants effectivement.Pour eux, c’est la restauration rapide le midi eteffectivement la musique aussi qui les draine. Il y aaussi une clientèle de stricts amateurs de musique quiviennent. Parce que l’année dernière, on a fait 70concerts quand même ! Ca fait quand même assezbalaise ! Donc ils ont pris l’habitude de venir passerquelques soirées parce que c’est rarement mauvais lamusique qui passe ici. On a eu d’excellents musiciens,c’est jamais en dessous. C’est à bout portant ici.

Page 21: Sociologie du spectateur - Etude de cas Vincent DEGOULcthomasset.free.fr/docs/spectacteur-concert.pdf · Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif

Sociologie du spectateur – Etude de casCallejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05]

Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 20

L’espace est évité. Le musicien doit être présent. Onavait ait tremplin une ou deux fois, les pauvres ! Onsouffrait pour eux derrière le bar. Il faut bien que lesmusiciens puissent jouer quelque part, même Nougaro,un jour, on lui a bien dit : « Oui, viens, je prends lerisque ». Là, c’est douloureux. Ici, c’est un bar, on faitpas faire le silence, on fait rien du tout.C : Ils ne viennent pas forcément pour le concert, il fautconvaincre.G : C’est exactement ça. Il faut que ce soitsuffisamment convaincant pour que les gens du bar,d’eux-mêmes, arrêtent de parler et se branchent.C : Il n’y a que des concerts dans votre programmation,ou il y a autre chose… ?G : Attends, c’est énorme ce qu’on fait ici. On est troispour tenir le bar de 7h du matin à 1h du matin. Lesconcerts, c’est un investissement majeur. Ma fille et mafemme viennent pendant les concerts pour donner uncoup de main. On avait commencé les expos depeinture, mais gérer la nourriture, plus les concerts,plus la vie du bar, , plus les crétins qui viennent detemps en temps, plus les expos… On a eu Café Europeici pendant douze semaines, c’est-à-dire des discussionscontradictoires sur la constitution européenne avant levote. Ca a drainé pas mal de monde. Il y a dû avoir unequarantaine ou une cinquantaine de personnes qui sontvenues dans la salle de derrière. C’était très intéressantpuisqu’il y avait des gens qui avaient le temps de sepencher sur la constitution alors que nous on ne l’apas. Ca a été assez éclairant. On a développé desactivités, mais pour l’instant, c’est vraimentmonstrueux. Il y a beaucoup de possibilités ici. L’andernier, on a pris un chef par soirée qui faisait un repassur réservation. Il faisait strictement ce qu’il voulait :une entrée, un plat, il amène les fromages, il fait undessert, il amène les vins et il vient manger avec nous.On a eu trois chefs qui sont venus : un catalan, quinous a fait manger du roquefort avec du banyuls…C’était de la balle ! Et tenir ça, c’est aussi assez dur.C : Pourquoi vous faîtes ça ? Pourquoi ce bar ?Pourquoiautant d’envies, d’animations ?G : Parce que je n’ai pas envie de m’emmerder. Je suispeintre. Je sais ce que ça peut être des supports pourdes créateurs, qui sont des supports trop rigides, parexemple des galeries. Je préfère les lieux alternatifs.Toutes mes expos ont été faites dans des lieux

Page 22: Sociologie du spectateur - Etude de cas Vincent DEGOULcthomasset.free.fr/docs/spectacteur-concert.pdf · Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif

Sociologie du spectateur – Etude de casCallejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05]

Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 21

alternatifs. J’ai exposé au Rockstore… Par exemple, onest quatre, la peinture tu la vois, tu la revois, je préfèreêtre en compagnie de l’art.V : Vous êtes montpelliérain d’origine ?G : On peut dire que je le suis, ça doit faire plus detrente ans que je suis à Montpellier. Et c’est ici que j’aivécu le plus de ma vie, on peut dire que je suis d’ici.Autrement, je suis né à Bordeaux, j’avais un pèremilitaire, avec un parcours militaire, tu as la place de tesnetir nulle part : Aix-en-Provence, Orléans, Toul, laTunisie…V : Si ça fait trente ans que vous êtes là, ça expliquepourquoi vous connaissez autant de musiciens…G : Oui. Alors pourquoi l’Alternatif ? Attends je vaisprendre un verre parce que parle trop. On va hydraterla machine… (…)G : Ca na aucun rapport avec les altermondialistes. J’aimis presque un an à avoir le bar et à l’époque, mais àl’époque ils ne s’appelaient pas les altermondialistesmais les antimondialistes. J’ai appelé le bar l’alternatifdans le sens de l’alter-ego, de l’autre ego. J’avais écritun petit texte : « L’alternatif, c’est l’autre né, c’est aussil’autre nez, c’est l’autre niais, c’est aussi l’autre niet. ».On embrayait aussi sur le courant du quartier, notrefestin quotidien, le courant des intuitions partagées, descréations multipliées. Le texte était entouré des mots :« être, entre, autre, être… ». Il y a du sens partout.C : Vous habitez dans la quartier ?G : J’habite à l’extérieur. Mais ici, j’y faisais la fêtequand j’avais votre âge, il y a trente-cinq ans et ças’appelait Chez Béru. C’était un des rares bars, quandMontpellier était encore une toute petite ville deprovince, et que tu te faisais chier la nuit, il n’y avaitrien… Il y avait Chez Béru ici qui était très festif, bard’étudiant, le piano était derrière, il faisait des grilladesavec une cheminée au fond. Les deux ou trois autresendroits, c’était le Pet au diable au Matelle. Il y avaittrès peu d’endroits. J’ai fait la fête ici cent cinquantenuits. Pourquoi je suis venu ici ? J’ai un ami qui venddes entreprises et il avait eu ce bar à vendre dans sonporte-feuille d’entreprises. Et comme on y venaitensemble ici, il me l’a dit : « Tu sais ce que j’ai àvendre ? Chez Béru. ». Ca a fait un gros trou dansl’oreille. Couvert de dettes, j’ai réussi à acheter le baren demandant à mes amis de me prêter vingt mille ou

Page 23: Sociologie du spectateur - Etude de cas Vincent DEGOULcthomasset.free.fr/docs/spectacteur-concert.pdf · Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif

Sociologie du spectateur – Etude de casCallejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05]

Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 22

trente mille… Ca a fait la boulette, le banquier et lebrasseur ont dit oui. Mais ça reste mystérieux…C : Dans le quartier, y-a-t-il d’autres lieux ?G : Il y avait un bar à côté quand j’ai acheté et il afermé. On a une espèce de petit privilège régional,parce que les autres bars que tu trouves après, c’estaux Beaux-Arts, et quand tu remontes vers les facs, àpartir de 9h le soir, c’est fermé. Ou, si, il y a le Jogging.C’est un bâtiment moderne, qui doit recevoir entre centcinquante et trois cents personnes, dans lequel il y a dela musique, du karaoké… Très sincèrement, je ne veuxpas dévaloriser, ça fait un peu hangar à musique. Vousconnaissez le Charlton sur la 113 ? C’est le même type.Un bâtiment industriel qui a été aménagé en restaurant,bar… Il n’y a pas d’âme. Autrement, je suis un peu enlien avec d’autre bars de Montpellier qui font n peucomme nous : le Bar des Lilas, la Pleine Lune, la Cigaleet puis quelques restaurateurs, qui font l’écho. Il y aquand même une mouvance de gens qui sortent, quisont musiciens ou qui aiment la musique : le restaurantle Salingro, le Repas Latin… Ce sont des partenaires, ons’envoie des groupes, on se fait des programmations lesuns pour les autres.V : Au niveau du nombre de personnes, ici, ça tourne àcombien ?G : Nous, c’est compliqué. On fait infra-communiquant.On n’est pas dans l’annuaire ; quand on fait desaffiches, on ne met pas l’adresse ; on me demande surMidi Libre, je ne le fais pas. C’est à ceux qui viennent defaire leur propre pub. On se rend compte, par exempleavec les Internationales de la Guitare, c’est annoncépartout et au bout d’un moment, le bar n’est pluspraticable. C’est plein et en plus, ça perd l’esprit. Oui,c’est la deuxième année que l’on fait partie desInternationales. On a reçu deux soirées. On n’essaie pastrop de communiquer. En été, il y a soixante personnesdehors, soixante à soixante-dix dedans. En hiver, il y aaussi du monde, entre soixante et quatre-vingtpersonnes. Et dans ce lieu, c’est blindé. Heureusement,qu’il y a plusieurs salles, les gens alternent. Ils viennentvingt minutes au concert, après ils vont blaguerderrière, ils vont faire un billard ou alors, ils sontdehors. Ca circule un peu. La capacité du lieu, c’estsoixante à quatre-vingt personnes. Tu passes au-dessuset ce n’est plus drôle. On a une chanteuse Dounia, quifaisait de la danse indienne pieds nus. Pendant son

Page 24: Sociologie du spectateur - Etude de cas Vincent DEGOULcthomasset.free.fr/docs/spectacteur-concert.pdf · Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif

Sociologie du spectateur – Etude de casCallejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05]

Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 23

concert, quelqu’un a cassé un verre. Elle est pieds nus,j’ai dû me battre pour aller nettoyer. Il y avait tellementde monde que je ne pouvais plus passer. Il y a deslimites. C’est pour cela qu’on ne fait pas trop de pub,c’est plutôt du bouche à oreille.V : Y-a-t-il des personnes de la presse qui écrivent ?G : Il y a des gens qui sont venus. Le correspondant deMidi Libre, quand on veut, on l’appelle. Par exemple, ilest venu Nicolas Sabato, mondialement connu en jazz.Là, on lui fait du velours. S’il y a une émission de radio,on la prend et si on peut avoir un article sur la Gazetteet Midi Libre, on le prend.

Page 25: Sociologie du spectateur - Etude de cas Vincent DEGOULcthomasset.free.fr/docs/spectacteur-concert.pdf · Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif

Sociologie du spectateur – Etude de casCallejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05]

Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 24

Annexe 2Entretiens avec les spectateurs

Entretien n°1: les élèves de Raul, 23h30, premièrepause…

V : Comment avez-vous eu vent de la soirée ?E1 : C’est Raul, le guitariste, qui m’a dit qu’il y avaitune soirée ici. C’est mon prof de guitare en fait…C : Tous les deux vous êtes étudiants ?E1 : Moi je suis à la fac de sport.E2 : Moi je suis étudiant en philo, à Paul Valéry.V : Et le bar, vous le connaissiez ?E1 : Moi c’est la première fois que je viens.C : Juste parce que Raul t’as dit de venir, donc t’esvenu…E1 : Ouais, mais je savais pas qu’il y avait un bar ici. Enfait l’ambiance est sympa aussi donc…C : Vous habitez pas dans le quartier alors ?E2 : Si moi j’habite juste à côté, dans le quartierBoutonnet. Et toi t’habites…E1 : Moi j’habite à Triolet.C : Et tu connaissais toi le bar ?E2 : Euh… nous on connaissait, on avait déjà vu qu’il yavait pas mal de groupes qui passaient à l’intérieurmais on était jamais rentré en fait… Moi c’est pareil, jeconnais Raul par rapport aux cours…C : Et ça fait combien de temps que tu habites ici ?E2 : Ici…euh… Boutonnet et sur Montpellier, ca fait unan et quelques…C : Et t’es jamais rentré dans le bar ?E2 : NanE1 : Moi, c’est encore pire, ça fait 4 ans que je suis là…C : D’accord…E2 : Nan, c’est moi le pire, je passe tous les joursdevant le bar…E1 : Moi je suis a Triolet donc… Mais maintenant que jele connais ca va changer… on découvre tous les joursdes trucs…E2 : On vous jure qu’on viendra tous les jours…V : On travaille pas pour le bar…C : Nan, c’est juste pour savoir ce que vous pensez del’ambiance du lieu finalement…E1 : Ouais, l’ambiance sympa.E2 : Oui, oui…sympa…E1 : On a vu un billard aussi donc on repassera…

Page 26: Sociologie du spectateur - Etude de cas Vincent DEGOULcthomasset.free.fr/docs/spectacteur-concert.pdf · Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif

Sociologie du spectateur – Etude de casCallejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05]

Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 25

E2 : Nan, l’ambiance vraiment sympa, moi j’ai vraimentapprécié les serveurs… ils sont vraiment chaleureux… yse prennent pas la tête, calmes et coolsV : Les interventions du patron ?E1 : Ouais déjà… puis j’ai reconnu un serveur, on étaitau collège ensemble… A Céret…C : Et le concert alors ? Ca se passe bien ? C’est ce quevous attendiez ? Vous vous attendiez à quelque chose ?E1 : On s’attendait à ce que ce soit plus flamenco, maisje pense que c’est super aussi. L’ambiance est super…C : Ca vous donne envie de danser un peu ?E1 : Oui, oui, moi j’ai envie de me lever et de danseravec la gallina.C : Mais t’oses pas…plutôt timide…E2 : Il a déjà pris des cours de danse.E1 : Très peu, mais à chaque fois ça me donne envie debougerC : Le flamenco ?E1 : Oui…V : Là c’est des cours de gratte flamenco que tu prendsavec lui ?E1 : Oui mais je viens juste de commencer, cettesemaine.V : D’accord…C : Merci beaucoup… puis bonne fin de soirée…E1 : Merci à vous…

Entretien n°2: les habitués, 23h40, première pause…

C : Pourquoi vous venez ici ?E1 : On connaît tout le monde ici, ya Gérard le patron,Jean-andré c’est le serveur… c’est de la balle, de laballe… c’est des gens… que ya rarement un bar aMontpellier où le mental des gens, le feeling du patronet des serveurs… vraiment c’est magique… c’estmagique ces gens… yes yes mec…C : Vous venez très très souvent ?E1 : Ouais ouais…C : Un ordre d’idée ?E1 : En moyenne deux fois, je viens a l’apéro le soir, pisquand ya un orchestre, quand ya de la musique là…C : Vous venez souvent quand ya des concerts alors ?E1 : Ouais, à chaque fois… attends coupez là…E2 : Euh… c’est un endroit familial, le patron est unami, le barman aussi… sa femme, sa fille…C : Et donc à chaque fois qu’ya un concert vous venez ?

Page 27: Sociologie du spectateur - Etude de cas Vincent DEGOULcthomasset.free.fr/docs/spectacteur-concert.pdf · Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif

Sociologie du spectateur – Etude de casCallejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05]

Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 26

E2 : A peu près…C : Et vous trouvez ça comment les concerts quipassent ici? C’est plutôt bien ?E2 : Bien c’est très simple, et c’est convivial…C : Et vous vous laissez entraîner ? Vous dansez ?E1 : Mais attend, pourquoi tu poses des questionscomme ça d’abord ? Nan mais franchement… nan maisattends… je m’excuse mais vous êtes jeunes… tu posesdes questions con là… est ce que vous vous laissezentraîner ? pourquoi vous aimez ça ? attends c’est undes meilleurs bars a Montpellier, un des endroits supertop là…V : C’est par rapport à la musique… est ce que ca vousdonne envie de danser ?E1 : Ouais bien sûr mais… bon… écoutez… pour danser…la place est trop petite… on peut pas danser, on peutjuste écouter… nan c’est un ednroit de feeling… attends,vous travaillez pour les RG ou quoi ?V : Hein ?E1 : Vous travaillez pour les RG ?C : Nan… pas du tout…E1 : Nan mais là mais tu poses des questions à la conlà… pourquoi si ? pourquoi dansez ? mais c’est stupidelà… un gosse de 12 ans y poserait les mêmesquestions…V : C’est parce qu’en fait on fait un reportage sur larelation que les gens ont par rapport à un spectacle.E1 : Bah… c’est pas le spectacle, c’est l’endroitC : Oui mais il y en a qui viennent spécialement pour leconcert… peut être que vous parce que vous venez tousles jours c’est différent…E1 : Yes, yes… bien sûr… ouais ouais ouais… bien sûr…nous on a des… yes… on a des amitiés…C : Ouais voilà…E1 : des tendresses…avec cet endroit là…ya un feelingvachement fort…C : Et vous vous préférez quand ya que des habitués ?ou d’autres personnes qui viennent ?E1 : Mais non… mais non !!! on préfère tout, on préfèrela fête… t’es ouf ou quoi ? on préfère de la putain defête tabernacle… la fête… quand elle vient… le mondelà… les habitués y sont toujours ridicules là… ya untroupeau d’espagnol qui vient d’arriver, un car entierlà… Bah tant mieux putain… moi j’ai crié « VivaEspaña ! ». Putain j’étais le seul, ya que moi le françaisqui crie « Viva España ! ». Arrête…

Page 28: Sociologie du spectateur - Etude de cas Vincent DEGOULcthomasset.free.fr/docs/spectacteur-concert.pdf · Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif

Sociologie du spectateur – Etude de casCallejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05]

Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 27

Entretien n°3: une habituée, première acheteuse duCD, 00h40, fin du concert

V : Alors le spectacle ?E : Nan, me filme pas… regarde plutôt (montrant lesdédicaces des musiciens)… les musiciens, comme ilssont charmants… regarde… c’est le premierautographe…V : Premier autographe que vous recevez ?E : Premier CD vendu…V : Vous avez aimé ?E : Génial… sérieux… faut les montrer les petits gars…faut les faire connaître… arrête…V : Je filme pas…E : Nan sérieux… faut les faire connaître… t’as vu qu’ilspassent dans d’autres bars ? Faut les suivre…C : Oui, ils tournent toute la semaine sur Montpellier.E : Faut les suivre… ohlala… faut que je sorte… faut queje sorte…

Entretien n°4: deux étudiants animés, 00h50, fin duconcert

C : Comment vous avez connu ce lieu là ? Est-ce quevous êtes déjà venu avant ?E1 : Bueno, moi je connais ce lieu, parce que j’ai desamis qui habitent juste là à côté et que du coup(montrant le bout de la rue), quand on est en train deboire l’apéro là haut, et bien on entend toujours lamusique ici et du coup on descend…V : Trois fois par semaines (rires)E1 : Et souvent ce qu’on se rend compte et ce quej’aime bien dans ce lieu, souvent tu arrives, c’est déjà02h-03h du mat’, les grilles sont fermés mais tuentends les musiciens qui continuent à jouer àl’intérieur donc du coup ça donne envie d’y repartirquoi… d’aller voir quand les portes sont pas fermées…alors du coup tu vas voir… et là ce soir c’était la bonneoccasion parce que moi c’était des personnes que jeconnaissais pas ya une semaine que j’ai rencontrées parhasard et voilà, ça me fait super plaisir d’être ici…V : Que tu as rencontré comment ?E1 : J’ai rencontré Raul, le chanteur-guitariste, parhasard place Candolle, bien sûr… personne n’avait

Page 29: Sociologie du spectateur - Etude de cas Vincent DEGOULcthomasset.free.fr/docs/spectacteur-concert.pdf · Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif

Sociologie du spectateur – Etude de casCallejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05]

Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 28

d’énergie, on s’est juste dit, tiens t’es musicien, ouaismoi aussi bah… viens on s’échange nos numéros… voilà,petit à petit on s’est rencontré… et là on en arrive à là…ses potes andalous sont arrivés et c’est une superambiance.C : Tu connaissais la danseuse ?E1 : Vite fait, pareil que les autres… Voilà je trouve quefranchement, pour un premier concert, c’est superbien… qu’ils aient une super ambiance comme ça et queles gens apprécient… je pense que ça vient bien lesmotiver pour continuer…C : Et on t’as vu danser, ça te motive toujours commeça pendant les concerts ou c’était juste là ?E1 : Moi, toujours… De la salsa, du machin, du jazz…C : Bon public…E1 : Le problème, moi, ce qui me fait « chier »… ce quime…. Le problème, c’est que…V : T’es toujours toute seule (rires)E1 : Exactement… Heureusement qu’il y avait ladanseuse et le gars, je sais pas comment il s’appelle…mais sinon à chaque fois t’es là à danser… tous les gensy sont assis…E2 : Et moi ce qui m’étonne, c’est l’ambiance, et àchaque fois, à chaque fin de morceau, il y a avait unespèce de « waouuuuuuuhh », moi ça m’a vraimentétonné, parce que les gens étaient vraimentcompressés, ils auraient pu se dire, merde on a mal aucul… tu vois… ou machin… et putain, ça a été le feupendant tout du long…V : Ya eu une bonne réaction oui…E2 : Et niveau musique aussi, parce qu’en fait moi jesuis au JAM à Montpellier…V : T’es au JAM, adhérent au JAM ?E2 : Nan, je suis à l’école de jazz du JAM et euh…niveau performance musicale, moi j’ai trouvé quec’était…E1 : C’est bien consonnances jazz ouais…V : Ah toi aussi tu es au JAM, puisque tu as dis que tuétais musicienne ?E1 : Non, je fais de la flûte traversière mais je suis pasau JAM.E2 : T’es musicienne waouh… alleeezzz !!!!E1 : Ouais si j’aurais aimé, j’aurais pu être musicienne.Je suis une grande frustrée musicale.E2 : Oh ! Putain ! Tu dis ça ! Madame fait du piano, dela flûte traversière et un peu de batterie… alleez !!!

Page 30: Sociologie du spectateur - Etude de cas Vincent DEGOULcthomasset.free.fr/docs/spectacteur-concert.pdf · Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif

Sociologie du spectateur – Etude de casCallejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05]

Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 29

alleeez !!! et modeste avec ça… Nan sinon, c’étaitvraiment excellent…C : Et pour toi c’est le premier concert que tu fais ici ?E2 : Oui mais pas le dernier… Je me tape toute latournée…E1 : Franchement, ya quelque chose à dire…V : Ah ! toutes les dates ? vous les faîtes ?E2 : Ouais ouais, ils vont passer au cargo là, faut lessuivre, faut les suivre… Callejon del GalloE1 : Au cargo, je sais pas ce que c’est ce bar, c’est uneboîte ?V : Nan c’est un bar, mais je sais pas où c’est…probablement vers le centre ville…E1 : Ca fait 3 mois que je suis a Montpellier… je saispas…C : Ah ca fait 3 mois ?E1 : Oui mais j’habite pas loin, j’habite à Nîmes, ça vale faire… ça va être une bonne semaine et ça fait plaisird’accueillir des étrangers ici… on va le faire un bon petitcouscous… tu vas voir…E2 : On est un peu dans le sud, on est un peu voisinquand même…V : Ah ? Vous avez prévu un couscous cette semaine ?E1 : Ouais un bon couscous… je vais y passer tout monaprès midi après mon partiel là c’est bon… j’adore fairela bouffe… (rires)C : Bon, bah nickel, bah marciV : Merci beaucoupE2 : Bah bonne chance à vous…V : Ya des chances qu’on se retrouve alors..E1 : Ouais c’est clair…E2 : Y vont nous suivre… putain je t’avais dit qu’il fallaitpas qu’on passe à la caméra…(rires)V : On va vous demander vos impressions tous les soirs(rires)