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4/10/11 Sociologie des religions I Approches classiques et théories contemporaines Cours d’introduction à la sociologie des religions (UNIL/UNIGE) Semestre d’automne 2011 Dr. Laurent Amiotte-Suchet Prof. rempl. (UNIL, FTSR-ISSRC)

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4/10/11

Sociologie des religions I Approches classiques et théories contemporaines

Cours d’introduction à la sociologie des religions (UNIL/UNIGE) Semestre d’automne 2011

Dr. Laurent Amiotte-Suchet Prof. rempl. (UNIL, FTSR-ISSRC)

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Emile Durkheim �(1858-1917)

La religion comme fait social

Sociologie des religions UNIL/UNIGE, cours BA

4/10/11

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Emile Durkheim, la religion comme fait social

Biographie

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Emile Durkheim, la religion comme fait social

Contexte

Fils de rabbin

Homme de science

Agnostique et rationaliste

Témoin de l’humanisme laïc de la III° République

Sympathisant du socialisme humaniste (Jaurès)

Vis dans une société en pleine laïcisation

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Emile Durkheim, la religion comme fait social

Bibliographie

(1893) De la division du travail social, Paris, PUF, 1960.

(1895) Les règles de la méthode sociologique, Paris, PUF, 1968.

(1897) Le suicide. Etude de sociologie, Paris, PUF, 1981.

(1912) Les formes élémentaires de la vie religieuse, Paris, PUF, 1985.

(1922) Education et sociologie, Paris, PUF, 1968.

(1924) Sociologie et philosophie, Paris, PUF, 1974.

(1925) L’éducation morale, Paris, PUF, 1974.

(1950) Leçons de sociologie. Physique des mœurs et du droit, Paris, PUF, 1969.

(1955) Pragmatisme et sociologie, Paris, Vrin, 1955.

(1969) Journal sociologique, Paris, PUF, 1969.

(1970) La science sociale et l’action, Paris, PUF, 1970.

(1975) Textes, I : Eléments d’une théorie sociale, Paris, Minuit, 1975.

(1975) Textes, II : Religion, morale, anomie, Paris, Minuit, 1975.

(1975) Textes, III : Fonctions sociales et institutions, Paris, Minuit, 1975.

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Emile Durkheim, la religion comme fait social

Perspective sociologique

-  Projet : fonder une philosophie empirique (la sociologie comme

science devra donc s’autonomiser de la philosophie et de l’histoire).

-  Sociologie = science positive

-  Grande question : fondement du lien social

-  Contrairement à Rousseau (conception volontariste) et à Spencer

(conception utilitariste), D. estime que la société est antérieure à

l’individu et qu’il en reçoit les règles morales par l’éducation.

-  Approche déterministe des institutions sociales : les individus

héritent des règles qu’ils n’ont pas construites et se contraignent eux-

mêmes à respecter les règles morales pour assurer leur vivre ensemble

(légitimation de la règle).

Ouvrage : Les règles de la méthode sociologique (1895)

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Emile Durkheim, la religion comme fait social

Solidarité mécanique/organique

Deux manières de penser le lien social :

-  Solidarité mécanique : société traditionnelle, conscience collective

forte, droit répressif, interrelations fortes (liens familiaux), logique de

la communauté affective, logique d’héritage.

-  Solidarité organique : société moderne, conscience collective faible,

interdépendance, droit restitutif, logique de la société industrielle

(division du travail, etc.), logique de compétence.

Ouvrage : De la division du travail social (1893)

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Emile Durkheim, la religion comme fait social

Intérêt pour la religion

Chez D., la force du lien social repose sur la formation et la

transmission d’un idéal moral auquel vont adhérer les individus qui

composent la société.

Société = ensemble d’idées, de croyances et de règles réalisé

collectivement par des individus.

-  Jusqu’à l'avènement de la société moderne, les forces morales se

sont construites, transmises, exprimées… sous des formes religieuses.

-  Etudier la religion, c’est donc remonter aux sources de la fondation du

lien social (dimension intégratrice).

-  L’institution religieuse n’est que le déguisement sous lequel se cache

les forces sociales qui génèrent le sentiment collectif.

Ouvrage : Les formes élémentaires de la vie religieuse (1912)

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Emile Durkheim, la religion comme fait social

Définition fonctionnaliste de la religion

D. refuse de prendre appui sur les catégories de « surnaturel » ou

« divinités » et préfère la distinction sacré/profane à celle de Dieu. Sa

définition demeure très marquée par le modèle catholique (pas de

religion sans Eglise) :

« une religion est un système solidaire de croyances et de pratiques relatives à

des choses sacrées, c’est-à-dire séparées, interdites, croyances et pratiques qui

unissent en une même communauté morale, appelée Eglise, tous ceux qui y

adhérent » (Les formes élémentaires…, p. 65).

« on considèrera donc avoir affaire à une « religion » dans tous les cas où on

observera qu’un certain nombre de choses sacrées entretenant entre elles des

rapports de coordination et de subordination forment un système » (Les formes

élémentaires…, p. 166).

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Emile Durkheim, la religion comme fait social Sacré / Profane

D. va s’inspirer des travaux de R. Smith, H. Hubert, et M. Mauss portant

sur la magie et les sociétés traditionnelles. :

-  Smith : religions sémites, liens entre la dimension sacrée des objets rituels et les interdits qui y sont

associés (pur/impur, souillure, contagion, protection par le rite) : ambivalence du sacré (bienfaisant et

menaçant, désirable et dangereux).

-  Hubert & Mauss (1899) : Rôle du sacrifice : sacralisation du sacrifiant qui lui permet d’entrer sans

danger dans le monde sacré, rite d’entrée et de sortie, purification nécessaire de la sacralité acquise

(désacralisation) pour réintégrer l’univers profane.

-  Mauss (1904) : Théorie de la magie, les objets et les rites ont une puissance efficace mais doivent

demeurer séparés du monde profane, puissance acquise à partir de l’imaginaire de la société qui aspire à

dépasser les contraintes et les souffrances de la vie ordinaire, croyance collective unanime, sacré =

expérience collective émotionnelle (sentiment de vécu collectif unissant le collectif).

Ouvrages :

HUBERT, Henri & MAUSS, Marcel. 1968 (1899). « Essai sur la nature et la fonction du sacrifice », in Marcel

Mauss. Œuvres. Paris. Editions de Minuit.

MAUSS, Marcel. 1985 (1950). « Esquisse d’une théorie générale de la magie », in Marcel Mauss. Sociologie

et anthropologie. Paris. Quadrige/PUF (d’après un article datant de 1904).

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Emile Durkheim, la religion comme fait social Sacré / Profane

La religion est un tout (mythes, dogmes, rites, cérémonies, etc.) qu’il faut décomposer pour ensuite traiter séparément chacun des éléments.

La religion concerne la vie ordinaire (fonction normative), elle sert à expliquer le quotidien (et pas l’exceptionnel), c’est la montée en puissance de la science comme explication du monde qui a poussé la religion vers l’inexplicable, le « surnaturel ».

Toutes les croyances religieuses ont en commun de répartir les choses entre sacré et profane (groupes hétérogènes, mondes antagonistes).

D. distingue : -  Les croyances : expression de la nature des choses sacrées. -  Les rites : règles de conduite face aux choses sacrées (permettent le passage d’un monde à l’autre).

Chez D., la religion assure la réalisation d’un processus de symbolisation qui va augmenter l’intensité des relations affectives au sein du groupe (dimension « religieuse » de la révolution).

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Emile Durkheim, la religion comme fait social Religion / Magie

La religion et la magie sont toutes les deux des systèmes mais D. les distingue :

- Croyances religieuses : communes, collectives, concernent la vie ordinaire (régulier, rassemblement).

-  Croyances magiques : hétérogènes, individuelles, n’ont pas d’effet sur le lien social (crise, exception, conflit).

« une religion est un système solidaire de croyances et de pratiques relatives à des

choses sacrées, c’est-à-dire séparées, interdites, croyances et pratiques qui

unissent en une même communauté morale, appelée Eglise, tous ceux qui y

adhérent » (Les formes élémentaires…, p. 65).

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Emile Durkheim, la religion comme fait social Origine de la religion

Il n’y a pas opposition entre croyances religieuses et connaissances scientifiques (mais continuité) : hypothèse à partir d’expériences pragmatiques.

Pour D., tout commence nécessairement par une dislocation entre le domaine sacré et le domaine profane. Il va donc s’inspirer des travaux sur le totémisme australien (esprit de la nature) pour identifier le totem comme un culte que le clan se rend à lui-même (fonction intégratrice).

A l’origine, il y aurait des cérémonies collectives qui génèrent de l’effervescence collective (dimension émotionnelle). Ces expériences effervescentes vont troubler les individus qui vont se sentir dominés par un pouvoir extérieur. La répétition régulière de l’exercice va les persuader de l’existence de deux mondes hétérogènes et de la nécessité des rites collectifs pour entrer en contact avec le sacré.

  L’idée religieuse naît de l’expérience émotionnelle.

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Emile Durkheim, la religion comme fait social De la religion primitive à la religion instituée.

Les représentations collectives du sacré (issues de l’effervescence du groupe) doivent être régulièrement réactivées pour se pérenniser car c’est de là que vient le ciment social, la volonté de vivre ensemble et le sentiment du « nous ».

L’expérience émotionnelle fondatrice, nécessaire, est aussi dangereuse (dérive, sentiment d’exception). Elle doit être canalisée, socialisée, rationalisée pour permettre la mise en place d’un système religieux.

L’orthodoxie (rationalisation théologique des croyances) et l’orthopraxie (réglementation des gestes et attitudes rituelles) ont pour fonction de pérenniser l’« émotion des profondeur » en une expérience régulière collective qui permet aux individus de retourner apaisés dans le monde profane en acceptant leur condition.

  Domestication de l’expérience émotionnelle

Mais cette domestication à tendance à routiniser le caractère extraordinaire de l’expérience émotionnelle et les religions doivent réactiver épisodiquement cette effervescence fondatrice qui resserre les liens sociaux (cérémonies cycliques, fêtes, carnaval,…).

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Emile Durkheim, la religion comme fait social La religion sociale vs La société religieuse

Pour D., dans la société moderne, le social et le religieux ont tendance à s’émanciper (logique de laïcisation) et du même coup, la religion perd progressivement sa capacité à remplir sa fonction de ciment du social.

En réaction à ce processus, les sociétés vont consacrer et sacraliser leurs héros et leur histoire (sacralisation de l’idée d’avenir à construire, de société de projet, d’idée fondatrice,…) pour générer de nouvelles « croyances unanimes » indispensables à la fondation pérenne du lien social (ex. de la révolution française de 1789 et de son panthéon).

Une société ne peut pas se passer de ce type de sacralisation.

  Toute société est religieuse.

  Fonction intrinsèquement dynamique, créatrice et régénératrice de la religion.

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