ségrégation spatiale et dynamiques métropolitaines

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Université Lumière Lyon 2 École doctorale : Sciences économiques et de gestion Laboratoire d’Économie des Transports Ségrégation spatiale et dynamiques métropolitaines Par Louafi BOUZOUINA Thèse de doctorat en Sciences économiques mention Economie des Transports sous la direction de Dominique MIGNOT présentée et soutenue publiquement le 03 décembre 2008 Composition du jury : Dominique MIGNOT, Directeur de recherche Minist. Equipement, École Nationale des Travaux Publics de l'État Claude LACOUR, Professeur des université, Université Bordeaux 4 Bernard PECQUEUR, Professeur des universités, Université de Grenoble 1 Anne AGUILERA, Chargée de recherche, INRETS Yves CROZET, Professeur des universités, Université Lyon 2 Céline ROZENBLAT, Professeur d’université, Université de Lausanne

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Page 1: Ségrégation spatiale et dynamiques métropolitaines

Université Lumière Lyon 2École doctorale : Sciences économiques et de gestion

Laboratoire d’Économie des Transports

Ségrégation spatiale et dynamiquesmétropolitaines

Par Louafi BOUZOUINAThèse de doctorat en Sciences économiques

mention Economie des Transportssous la direction de Dominique MIGNOT

présentée et soutenue publiquement le 03 décembre 2008

Composition du jury : Dominique MIGNOT, Directeur de recherche Minist. Equipement, ÉcoleNationale des Travaux Publics de l'État Claude LACOUR, Professeur des université, UniversitéBordeaux 4 Bernard PECQUEUR, Professeur des universités, Université de Grenoble 1 AnneAGUILERA, Chargée de recherche, INRETS Yves CROZET, Professeur des universités, UniversitéLyon 2 Céline ROZENBLAT, Professeur d’université, Université de Lausanne

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Table des matièresContrat de diffusion . . 6Remerciements . . 7Introduction . . 8

La ville : métropolisation, intégration et ségrégation . . 9Forme urbaine et ségrégation ? . . 10

Chapitre 1 : Les enjeux de la ségrégation spatiale . . 121. Ségrégation spatiale : impacts et mutations . . 12

1.1. Conséquences négatives de la ségrégation spatiale . . 121.2. Ségrégation socio-spatiale, croissance urbaine à deux vitesses . . 28

2. Les déterminants de la ségrégation spatiale : quel rôle de la forme urbaine ? . . 342.1. Métropolisation et rôle des macro-agents . . 342.2. La ségrégation résidentielle : conséquence du fonctionnement du marchéfoncier . . 422.3. La ségrégation spatiale : résultat des préférences individuelles . . 482.4. Conclusion: une forme de ville moins ségréguée ? . . 56

Chapitre 2 : Appréhender la ségrégation socio-spatiale . . 581. Définition de la ségrégation spatiale . . 58

1.1. Ségrégation : ambiguïté du terme, multiplicité des formes . . 581.2. Définition de la ségrégation en France . . 66

2. Choix méthodologiques . . 742.1. Les données . . 742.2. La mesure de la ségrégation spatiale . . 832.3. Conclusion : démarche d’analyse . . 96

Chapitre 3 : La ségrégation spatiale et ses échelles . . 981. Évolution des inégalités spatiales intercommunales de 1984 à 2004 . . 99

1.1. Au niveau national : une croissante polarisation rythmée par lacroissance économique . . 991.2. Au niveau régional : croissance des écarts entre espaces riches etespaces pauvres . . 1021.3. Au niveau intra-urbain : croissance généralisée des inégalités spatiales . . 107

2. L’état de la ségrégation spatiale intra-urbaine en 2001 . . 1142.1. Ségrégation à l’échelle du quartier dans les 100 plus grandes airesurbaines . . 1152.2. Ségrégation à l’échelle communale et à l’échelle du bassin de vie del’INSEE : quelle imbrication par rapport à l’échelle du quartier ? . . 1222.3. En conclusion . . 127

Chapitre 4 : Étalement urbain, densité et ségrégation : une analyse sur 100 aires urbaines . . 129

1. L’étalement urbain ou la faible densité favorisent-ils la ségrégation ? . . 1301.1. De l’étalement urbain à la forme urbaine . . 1301.2. Impact de l’étalement urbain et de la densité sur la ségrégation . . 135

2. Analyse de l’effet des densités sur la ségrégation . . 140

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2.1. Quelles variables pour expliquer la ségrégation spatiale des villesfrançaises ? . . 1402.2. Densités, étalement urbain et ségrégation : une analyse des effets . . 1502.3. En conclusion . . 158

Chapitre 5 : Polycentrisme et ségrégation : une comparaison sur trois aires urbaines . . 1591. Comprendre le lien entre le polycentrisme et la ségrégation . . 159

Le polycentrisme : une nouvelle configuration urbaine . . 1601.2. Polycentrisme et ségrégation : quelles hypothèses ? . . 170

2. Comparaison des trois aires urbaines de Lyon, Lille et Marseille . . 1762.1. Trois formes urbaines comparables pour analyser le lien avec laségrégation . . 1762.2. Processus de ségrégation à l’échelle communale . . 1842.3. État de ségrégation à l’échelle du quartier en 2001 . . 2002.4. En conclusion . . 209

Conclusion générale . . 213Conséquences de la ségrégation spatiale, effets de quartier et ville durable . . 213Intérêts et limites des choix méthodologiques de la mesure et de l’analyse . . 214Résultats et enseignements . . 215Implications politiques : lutter contre la ségrégation spatiale . . 217Pistes de recherche . . 218

Bibliographie . . 219Annexes . . 240

Annexe 1 : Paramètres des modèles d’estimation des revenus : . . 240Annexe 2 : Nombre d’IRIS dont le revenu moyen est diffusé en 2001 et 2002 ouestimé à partir des quatre modèles de régression (cf.annexe 1) . . 241Annexe 3 : Indices des prix à la consommation en base 100 en 1998 incluant letabac, séries longues rétropolées, de 1984 à 2004 . . 242Annexe 4 : Évolution de la dispersion du revenu moyen des foyers fiscaux parcommune entre 1984 et 2004 pour les 15 plus grandes Aires urbaines françaises(indice de Theil) . . 242Annexe 5 : Évolution des inégalités intercommunales par rapport aux revenusmoyens dans les aires urbaines de Paris, Strasbourg, Marseille et Creil . . 243Annexe 6 : Le rapport de revenu entre les communes les plus riches et lescommunes les plus pauvres en 1984, et son évolution jusqu’en 2004 sur les 15 plusgrandes aires urbaines françaises . . 244Annexe 7 : Le rapport de revenu entre les communes les plus riches et lescommunes les plus pauvres en 2004, et son évolution depuis 1984 sur les 15 plusgrandes aires urbaines françaises . . 245Annexe 8 : Évolution du revenu moyen des communes riches et des communespauvres sur les 100 aires urbaines entre 1984 et 2004 . . 246Annexe 9 : Reproduction des questions concernant les revenus des ménages selonle Census 2000 . . 246Annexe 10 : Inégalité entre les quartiers, inégalités entre les ménages (UC) etségrégation spatiale sur les 100 plus grandes aires urbaines en 2001 . . 247Annexe 11: concentration des cadres à Lille, Marseille et Lyon . . 249Annexe 12 : concentration des retraités de Marseille, Lille et Lyon . . 250

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Annexe 13: Dendrogramme de la Classification Ascendante Hiérarchique en 9classes . . 251Annexe 14. Densifier et recréer de la mixité en périphérie ou au centre pour réduirela ségrégation dans la ville : quel impact du revenu ? . . 252

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Contrat de diffusionCe document est diffusé sous le contrat Creative Commons « Paternité – pas d’utilisationcommerciale - pas de modification » : vous êtes libre de le reproduire, de le distribuer et de lecommuniquer au public à condition d’en mentionner le nom de l’auteur et de ne pas le modifier,le transformer, l’adapter ni l’utiliser à des fins commerciales.

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Remerciements

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RemerciementsMes remerciements s’adressent tout d’abord à Dominique Mignot pour sa confiance, sa patience,son amitié et son soutien permanent tout au long de cette thèse.

Je tiens à remercier Claude Lacour et Bernard Pecqueur qui ont accepté d’être les rapporteursde cette thèse, ainsi que Anne Aguiléra, Céline Rozenblat et Yves Crozet qui me font l’honneurde participer à ce jury.

Un grand merci à Lourdes Diaz Olvera, Nathalie Ortar, Patricia Lejoux, Didier Plat, PascalPochet et Gérard Santi pour les lectures minutieuses de certains des chapitres.

Merci à Patrick Bonnel, avec qui j’ai partagé le même bureau, pour ses conseils et sadisponibilité, mais aussi à Jean Pierre Nicolas et Olivier Klein.

À tous les membres du Laboratoire d’Economie des Transports qui m’ont accueilli en France,m’ont aidé à m’adapter et m’ont donné envie de continuer. Merci à Marie Blanchard, MartineSefsaf, Florence Toilier et Cécile Godinot.

À tous les actuels et anciens doctorants du LET avec qui j’ai partagé des moments agréableset particulièrement à Christelle, Lisa, Stéphanie, Damien et Emmanuel.

À Catherine et Jean Pierre pour leur soutien.

Avec beaucoup d’émotions, merci à mes parents, frères et soeurs en Algérie, qui m’ont soutenumalgré l’éloignement, mais Internet et msn ne se substituent pas à la proximité !

Enfin, merci à Lucie et Nedjma de leur patience et avec qui je serai heureux de passer un peuplus de temps.

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Introduction

L’émergence du paradigme de la durabilité dans les sciences sociales a permis d’intégrerdans un cadre normatif non seulement les questions environnementales mais aussiéconomiques et sociales. La dimension sociale de la durabilité est rarement abordée,pourtant le capital humain et le capital social sont des facteurs stratégiques dedéveloppement et s’inscrivent parfaitement dans le temps. Néanmoins, la question del’inégalité de la transmission aux générations futures de ces deux capitaux reste secondaireet souvent occultée par les autres dimensions (Atkinson et al. 1997).

À l’échelle des villes, la ségrégation spatiale est évidemment au cœur de la questiondu développement socio-économique durable. Mais il est important de préciser pourquoicertaines conséquences de la ségrégation spatiale ne sont pas compatibles avec l’objectifde la ville durable. Au travers des mécanismes de séparation/agrégation de populationsconduisant à des espaces relativement homogènes et inégalitaires entre eux, la ségrégationspatiale produit à son tour toutes les formes d’inégalité (Maurin, 2004). La séparationphysique des territoires qui « s’enrichissent » et d’autres qui « s’appauvrissent » instaureune forme de dualité ou une ville à deux, voire à plusieurs vitesses (Sassen, 1996 ; Buissonet Mignot, 2005). Cela favorise l’entre-soi des groupes les plus aisés au sein des meilleursterritoires et renforce leur position sociale (Pinçon et Pinçon-Charlot, 2004), tandis que lespopulations les plus modestes se retrouvent dans les territoires les moins pourvus. Tout encontribuant à plusieurs dysfonctionnements sociaux, ces inégalités socio-spatiales visiblesrenforcent le sentiment d’injustice et détériorent la qualité du lien social et du vivre ensembleau sein de la même ville. Ces éléments sont aussi déterminants pour la qualité de vie etdevront être pris en compte dans une perspective de ville durable.

Au-delà de l’opposition de la localisation des « riches » et des « pauvres » dans laville duale, l’analyse de la ségrégation doit prendre en compte l’ensemble de la populationet des espaces urbains dans leurs interactions ou l’absence d’interactions (Preteceille,2004). L’importance des interactions et des externalités entre ménages est de plus en plusreconnue et représente selon Glaeser (2000) le futur des recherches urbaines, même s’ilest difficile de la réduire au seul intérêt économique individuel ou collectif. Ce que faitcraindre la ségrégation poussée à l’extrême, c’est probablement l’absence d’interactionsentre des groupes homogènes répartis d’une manière inégalitaire dans l’espace, alors queces interactions sont limitées aux individus du même groupe. Toutefois, la ségrégation socio-spatiale est rarement complète. Il existe des espaces avec des niveaux de ségrégationintermédiaires et où les individus ne sont pas complètement séparés. À partir de là, lesvilles les moins ségréguées ne sont-elles pas celles qui favorisent les interactions entre desgroupes sociaux différents, affirmant moins d’inégalités entre leurs différents espaces devie ?

À coté des conséquences négatives de la ségrégation, la croissance des inégalitésspatiales pose elle-même un problème. La ségrégation spatiale est-elle tout simplementun artefact d’une échelle particulière comme le supposent certains chercheurs (Genestier,2005)? Il suffit de la mesurer à plusieurs échelles spatiales pour montrer qu’elle existeréellement, au moins depuis une vingtaine d’années, comme nous le montrerons. Malgrél’intérêt de ce résultat, il est important de dépasser ce seul constat pour essayer de

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Introduction

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comprendre les mécanismes qui conduisent à la formation d’une ville ségréguée. Laségrégation spatiale est-elle seulement la conséquence de la métropolisation et destendances « naturelles » des forces du marché foncier et des préférences des individus oule résultat des interventions des politiques publiques et des macro-agents ?

La ville : métropolisation, intégration et ségrégationLa ville est d’abord le lieu de concentration des populations, des activités et des interactionssociales au sein d’espaces réduits pour profiter des externalités positives. Depuis qu’ellea franchi ses murailles, la ville contemporaine connaît des dynamiques permanentesd’urbanisation, de suburbanisation, de désurbanisation et de rurbanisation généréespar des forces de concentration et de dispersion selon le principe d’agglomération etle cycle de vie urbain (Van der Berg, 1987 ; Camagni, 1996). La baisse du coût dela mobilité pendant le siècle dernier a permis d’étendre la « zone dense centrale » etd’intégrer par contiguïté des unités périphériques de plus en plus lointaines dans l’aire defonctionnement de la ville. La croissance des externalités négatives dans les espacescentraux a également accéléré la suburbanisation des ménages aisés et des activités versl’extérieur contribuant dans les pires situations au déclin du centre, à la ghettoïsation etla ségrégation spatiale (Mieskowski et Mills, 1993). Cela dit, les valeurs intrinsèques ducentre favorisent le retour des populations et des activités et la gentrification, donnantainsi l’image d’une métropolisation qui accepte les retournements (Lacour, 2005). Après ledéclin, c’est la thèse de la résurgence qui est avancée, en insistant sur le rôle des aménitésdans des villes, lieux de production et de compétitivité mais aussi de consommation etd’attractivité (Glaeser et al. 2001 ; Cheshire, 2006 ; Davezies, 2008).

La ville est le lieu d’intégration économique et sociale par excellence grâce à laconcentration des opportunités d’investissement dans le capital humain et des interactionsnécessaires pour la formation du capital social. Mais elle est aussi le lieu de compétition,d’exclusion et de distanciation sociale que le processus de métropolisation tend à rendreplus visibles. La ville regroupe les deux facettes et l’accent est souvent mis sur l’un ou l’autreselon leurs importances respectives ainsi que les sensibilités qui accompagnent les cycleséconomiques mais aussi les cycles de vie des idées (Lacour, 2005).

Mais dans son fonctionnement, la ville est aussi un engrenage de trois sous-systèmes (Bonnafous et Puel, 1983) : un système de localisation, un système dedéplacement et un système de pratiques et de relations sociales étroitement associés. Laségrégation est logiquement abordée sous l’angle de la localisation car elle est associéeà l’espace, mais elle est également attachée aux pratiques et aux relations sociales deproximité ou celles permises par le système des déplacements. Ces deux types de relationssont complémentaires et la connexité ne peut se substituer à la proximité pour tousles types d’interactions et pour toutes les catégories sociales. Comment explique-t-on lapréférence pour l’entre-soi et la concentration spatiale des ménages les plus aisés alorsqu’ils sont « branchés » à tous les réseaux, si ce n’est pour bénéficier des effets positifsde la proximité. Les changements dans le système de localisation peuvent modifier lesystème des relations sociales mais aussi celui des déplacements. La proximité résidentielledes groupes différents, recherchée à travers l’objectif de mixité sociale, facilite l’interactionsociale bien qu’elle ne se traduise pas toujours en relation sociale (Chambordon etLemaire, 1970). Un système de localisation marqué par la spécialisation fonctionnelle des

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espaces conduit à la valorisation de la mobilité spatiale et pénalise les populations les plusdéfavorisées. L’espace n’est pas homogène et l’équilibre sur le marché de localisation peutconduire ces populations à s’installer plus loin des emplois et des aménités de la ville. Lesinégalités d’accès à la mobilité et aux réseaux deviennent des facteurs de renforcementdes inégalités économiques et de l’exclusion (Orfeuil, 1999). L’analyse de la ségrégationspatiale est attachée à la proximité physique mais peut également cibler la question del’accès à la ville (Grafmeyer, 1996).

La ségrégation est aussi liée à l’histoire de la ville, à l’urbanisme et aux politiquespubliques (Hamnett, 1994) qui ont largement contribué à la répartition des populations et desactivités et au façonnement de la forme urbaine actuelle. Ce qui suppose que les politiquesurbaines peuvent encore jouer un rôle pour lutter contre la ségrégation spatiale à traversles modifications de l’usage du sol et du marché foncier et immobilier. Néanmoins, il estindispensable de prendre en compte les préférences individuelles qui, par agrégation decomportements de type Schelling, peuvent produire des effets inverses (Crozet, 1987). Maisil est évident qu’aujourd’hui la métropolisation renforce le poids du pouvoir économique faceau pouvoir politique entre la métropole et les autres villes (Sassen, 1996) et à l’intérieurmême de la métropole. La cohésion devient dans ce cas un des défis majeurs de lamétropole (Camagni et Gibelli, 1997) notamment dans la recherche d’une gouvernanceurbaine susceptible de rattraper certains effets pervers des forces de marché de plus enplus puissantes et de mieux gérer efficacité économique et équité sociale. Malgré quelquesretournements, nous attendons toujours un déclenchement d’une reconquête urbaine, unerevanche de la centralité ou une nouvelle urbanité comme stabilisateur économique capablede recréer le lien social au sein de la ville (Lacour et Puissant, 1999).

Forme urbaine et ségrégation ?La métropolisation est un triple phénomène de concentration, d’étalement urbain et deségrégation qui semblent inéluctables (Mignot et Aguiléra, 2004 ; Buisson et al. 2005). Lapermanence de l’étalement urbain et sa stigmatisation dans le cadre du développementdurable relance la réflexion autour du rôle de la forme urbaine.

Il s’agit d’analyser l’influence de la ville dense ou compacte, de la ville polycentrique surdes phénomènes qui touchent à l’économie et principalement à l’environnement. Dans cettelignée, une importante littérature théorique et empirique analyse l’impact de la centralité etdes différentes configurations urbaines sur les coûts de la mobilité (Camagni et al. 2002 ;Pouyanne, 2004). En effet, la centralité est un facteur principal dans la compréhensiondes mutations des formes urbaines car elle organise l’ensemble de l’espace urbain. Touten faisant la distinction entre centre et centralité (Gaschet et Lacour, 2002), les questionsdoivent être posées non seulement sur l’émergence des centres secondaires mais aussi surl’impact de l’évolution de la centralité sur la structure économique et sociale de la ville. Desefforts en matière de recherche doivent encore être poursuivis pour mesurer la centralité(Huriot et Perreur, 1994), ce qui permet de mieux distinguer les villes polycentriques desvilles monocentriques et d’examiner leurs avantages comparatifs.

Cependant, très peu de travaux se sont intéressés à l’influence des formes de lacroissance urbaine, de l’étalement urbain déconcentré et concentré, sur des phénomènessociaux tels que la ségrégation alors que cette question est une des préoccupationsde la ville durable. L’objectif de la thèse est justement d’analyser l’impact de la forme

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Introduction

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urbaine sur la ségrégation socio-spatiale. Face à l’étalement urbain et aux craintesde la dispersion de la ville, sa disparition ou au moins la disparition des interactions deproximité qui lui sont associées, il y a cette volonté de retrouver la densité de la villeconviviale (Beckmann, 1976) qui réduit les distances physiques entre les différents individusou d’organiser une ville polycentrique moins ségréguée (Mignot et Aguiléra, 2004).

La forme urbaine est abordée principalement à travers la densité et lepolycentrisme.L’examen de son influence sur la ségrégation spatiale nécessite un retouraux dynamiques de la croissance urbaine et métropolitaine pour construire un cadred’analyse approprié. C’est en effet l’objectif du premier chapitre dans lequel nous abordonsles conséquences et les causes de la ségrégation, en soulignant le rôle de la forme urbaine(Chapitre 1). Ensuite, la ségrégation spatiale, largement attachée à la ville américaine,mérite d’être clairement définie avant de faire l’objet de mesure dans le cadre des villesfrançaises (Chapitre 2). Cela permet de comprendre cette ségrégation spatiale à lafrançaise, avant de confirmer son existence et sa croissance durant les vingt dernièresannées, en mettant au centre de l’analyse la question des échelles spatiales (Chapitre 3).

En se focalisant sur l’échelle la plus pertinente, celle de l’espace urbain, nous nousconcentrons sur les deux derniers chapitres (4 et 5) sur le cœur de la problématiqueconcernant l’influence de la forme urbaine sur le niveau de ségrégation. Nous faisonsréférence au lien entre le double phénomène d’étalement urbain et de gentrification et laségrégation spatiale des villes sous l’angle des dynamiques spatiales de la métropolisation,en admettant qu’il existe une marge de manœuvre pour les politiques et les macro-agents.La difficulté des politiques correctrices, indispensables dans leur principe, vient sûrementde la complexité des mécanismes ségrégatifs qui traversent l’ensemble de la population.La ségrégation spatiale est le résultat du fonctionnement du marché foncier et immobilier etdes préférences des individus vis-à-vis des aménités spatiales et de l’environnement social.En modifiant l’usage du sol, les différentes formes de la croissance urbaine (étalement/polycentrisme) influencent la ségrégation spatiale à travers ces deux facteurs.

L’analyse du lien entre forme urbaine et ségrégation repose sur l’étalement urbain, danssa forme déconcentrée en tant que faible densité et la gentrification comme reconcentrationse traduisant par une forte densité centrale (Chapitre 4). À travers une analyse sur centvilles, ce chapitre vise à analyser l’effet des densités parmi les différentes variables abordéespar la littérature empirique qui sont susceptibles d’expliquer la ségrégation spatiale enFrance. La densité n’est peut être pas synonyme de faible ségrégation, ce qui confirmel’ambiguïté constatée au niveau théorique. En revanche, l’étalement urbain dans sa formeconcentrée renforce la densité de certains espaces périphériques faisant apparaître descentres secondaires diversifiés et spécialisés. La métropolisation et le développementdes réseaux permettent également à la ville d’intégrer dans son aire de fonctionnementd’autres centres ou des villes satellites faisant apparaître un espace polycentrique. La villepolycentrique offre à travers ces centres secondaires une opportunité d’intégration despopulations éloignées du centre historique et d’attirer une population diversifiée (Chapitre5). L’objectif ici est de voir si les populations dans les villes polycentriques sont moinsségréguées. L’analyse de la ségrégation entre des villes polycentriques (Lille et Marseille) etune ville monocentrique (Lyon) comparables permet au moins de dégager des hypothèsesquant au rôle supposé du (des) polycentrisme(s) dans la réduction de la ségrégation.

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Chapitre 1 : Les enjeux de la ségrégationspatiale

A la suite des évènements de novembre 2005 en France, qualifiés de crise de banlieue,nous étions sans doute nombreux à constater le retour et l’omniprésence du motségrégation dans le discours politique et médiatique bien que le phénomène ne soit pasnouveau. L’émergence d’un consensus qui considère les violences urbaines comme uneconséquence d’un phénomène de ségrégation peut toutefois cacher des différences dèsque l’on cherche à comprendre la nature de ce lien de causalité. La dénonciation de laségrégation peut être porteuse de plusieurs enjeux politiques, économiques et sociaux qu’ilfaut éclairer. Au-delà des difficultés de mesure de la ségrégation spatiale, de ses coûts etde ses effets, le refus de ce phénomène est lié en général à la question de l’équité, de lajustice sociale et à la croissance d’une ville à plusieurs vitesses.

L’objectif à travers ce premier chapitre est de montrer pourquoi la ségrégation spatialepose problème en France en précisant ses conséquences et ses mutations (1) avantd’essayer de comprendre ses origines (2). En prenant les enseignements de l’économieurbaine comme ligne directrice, notre but est de contribuer à une meilleure compréhensiondes mécanismes de la ségrégation spatiale dans la ville moderne afin de préciser le rôlede deux éléments longtemps négligés par la littérature : l’espace et la forme urbaine. Cequi nous permet de construire notre propre cadre d’analyse à travers lequel sera traité lelien entre la forme urbaine et la ségrégation socio-spatiale. Cela dit des articulations avecd’autres disciplines permettent de mieux situer l’objet de recherche et d’apporter un nouveléclairage sur la question de la ségrégation et de ses mécanismes.

1. Ségrégation spatiale : impacts et mutationsIl s’agit de présenter d’abord l’ensemble des enjeux qui accompagnent l’étude de laségrégation en soulignant ses conséquences négatives d’un point de vue économique etsocial (1.1). Les principales tendances qui marquent l’évolution de la ségrégation socio-économique en France sont ensuite identifiées (1.2).

1.1. Conséquences négatives de la ségrégation spatiale Tout d’abord, la ségrégation occupe une place importante dans le discours politique etmédiatique sur la ville grâce à son pouvoir mobilisateur. Dans certains débats, surtoutpolitiques, la « banlieue sensible » est systématiquement comparée au ghetto noir américainet la lutte contre la ségrégation est souvent justifiée par l’apparition des groupes supposésdangereux ou problématiques. Le thème majeur des deux dernières campagnes électoralesde 2002 et 2007 a d’ailleurs tourné essentiellement autour de l’insécurité associée aux« immigrés » et des quartiers « difficiles » où ils habitent (Donzelot, 2004). SelonPreteceille (2004, p.11), au-delà de l’importance de ces thématisations, elles ne doivent

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Chapitre 1 : Les enjeux de la ségrégation spatiale

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pas être considérées par le chercheur comme un mode de conceptualisation inévitable etexclusif. Bien que le modèle des villes américaines soit fondé sur l’appartenance ethnique,l’explication de la ségrégation des noirs par le besoin de vivre en communauté est loin d’êtreévidente en raison des contraintes que subissent ces populations, notamment vis-à-vis de ladiscrimination dans leurs « choix » de localisation résidentielle. Le riche débat sur l’origine decette ségrégation ethnique aux États-Unis qui oppose depuis plusieurs décennies Galster(1988, 1989), soutenant l’hypothèse de la discrimination, et Clark (1986, 1988), soutenantcelle des préférences ethniques, nous conduit en France à être plus prudents dans lesinterprétations de cette dimension de la ségrégation, difficilement mesurable. Cette difficultén’est en réalité pas liée à la question de la mesure mais à l’interprétation de la ségrégationethnique en termes de causes et de conséquences. Considérer la concentration d’ungroupe ethnique particulier comme négative ou comme une conséquence d’une « auto-ségrégation » ou d’un « isolationnisme » divise également les chercheurs en GrandeBretagne depuis les émeutes des populations « sud-asiatiques » qui ont touché les villesdu nord (Bradford) en 2001 (Simpson, 2004, 2005 versus Johnston et al., 2005). Lesproblèmes d’interprétation de cette ségrégation ne sont pas propres à la France, maisdans un pays où la sphère politique prône l’égalité républicaine et rejette le modèlecommunautaire américain, la ségrégation spatiale exprime un mal social inassumé (Maurin,2004). Néanmoins, le peu de littérature sur la ségrégation ethnique en France est loind’expliquer cette dernière par une préférence pour l’entre-soi 1 (Felouzis, 2003 ; Donzelot,2004). Encore faut-il montrer que la sur-représentation d’individus portant des prénoms dela même consonance est négative (Felouzis, 2003) et qu’elle les « empêche d’accéder etde participer aux différents avantages et rouages de la société urbaine » (Puissant, 2006,p.195). Certes, une grande partie de la population des quartiers difficiles en France est issuede l’immigration. Mais cette population est loin d’être homogène et soudée par les mêmesvaleurs et une volonté de vivre ensemble, basée sur des préférences ethniques qui nedoivent pas être confondues avec le lien social généré par le sentiment d’appartenance aumême territoire et le besoin de solidarité entre les ménages défavorisés. La caractéristiquedominante commune à ces personnes est justement la concentration des handicaps socio-économiques qui constitue une contrainte pour toute mobilité spatiale. Par ailleurs, etcomme le souligne Maurin (2004), les populations les plus démunies sont, contrairementaux idées reçues, moins concentrées sur le territoire que les personnes les plus favorisées.Cela semble d’ailleurs être une caractéristique essentielle des villes européennes (Musterd,2006). Enfin, la question ethnique en France est non seulement difficile à mesurer, puisquela loi française interdit le recueil de données relatives à l’origine raciale ou ethnique, réelleou supposée2, mais elle est surtout superposée à une situation sociale fragile caractérisantune grande partie des immigrés ou supposés tels (Benhamou, 2004 ; Fitoussi et al.2004). Si la question ethnique est largement abordée quand il s’agit de souligner certainesconséquences négatives de la ségrégation, elle devient tout de suite taboue quand elle estassociée à la recherche des déterminants du phénomène. Sans toutefois tomber dans le jeu

1 Dans un récent article Alex Anas va au contraire jusqu’à comparer l’émergence des ghettos d’immigrants en Europe, notamment enFrance et en Allemagne, à celle des ghettos noir américains, soulignant ainsi leur caractère non choisi : « In today’s Europe, Algerianghettos in France or Turkish ghettos in Germany have emerged much like black ghettos have in the United States as immigrants wereinjected into a society with a different culture, language or religion» (Anas, 2007, p.538). Cette comparaison nécessite un éclairageet une mesure de la question de la ségrégation par la communauté scientifique en France pour identifier sa nature et souligner sescauses en la distinguant du contexte américain.2 Le débat politique actuel sur l’autorisation des statistiques ethniques est très controversé entre l’objectif de lutter contre lesdiscriminations poussé au niveau européen et la crainte des effets pervers d’ethnicisation des problèmes sociaux et des dérivescommunautaires.

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de « victimisation/ stigmatisation », réduire la lutte contre la ségrégation en France à l’uniqueaspect communautaire, c’est occulter l’ensemble des problèmes sociaux qui l’entretiennentet renforcer, encore une fois, la distance entre ces populations et le reste de la société aulieu de faciliter leur intégration socio-économique. Pour ces raisons aussi, nous rejoignonsla conclusion de Fitoussi et al. (2004, p.100) pour qui « On ne gagne rien à parler « d’ethnie »sur le modèle anglo-saxon pour désigner l’ensemble des immigrés qui ont une même originenationale ou culturelle ».

Au-delà de ce débat, il est donc primordial de montrer pourquoi nous nous intéressonsen France à la ségrégation socio-spatiale caractérisée principalement par un processusd’inégalité et d’homogénéisation. L’objectif est de préciser les conséquences négatives dece processus conduisant à un état d’inégalité socio-économique entre les espaces de vie età une homogénéisation au sein de ces espaces (Cf. chapitre 2, pour une définition précisede la ségrégation). Ce qui fait référence aux remarques de Preteceille (2004, p.9) soulignant,à juste titre, le manque d’investigation dans ce domaine en France : « Dans le débat françaisactuel, il semble acquis que la ségrégation est un mal qu’il faut combattre. Mais au-delàdu refus abstrait de l’inégalité associée à la ségrégation, peu de réflexions ont été menéessur les effets négatifs de l’absence de mélange, ou sur les effets positifs d’une plus grande‘mixité’».

1.1.1. Du coût économique de la ségrégation à l’équité socialeSelon la Fédération Française des Sociétés d'Assurances(FFSA), le coût des dégâts liésaux violences urbaines de l’automne 2005 pris en compte par les compagnies d’assurancese situe entre 150 et 160 millions d’euros, dont 40 millions pour les 9 000 véhiculesincendiés (Maire-info, 23 octobre 2006). Ce qui représente un tiers des 500 millions d’eurosconsacrés au Plan Espoir Banlieues. Nous savons que dans des contextes à haut risque,le marché d’assurance peut devenir très cher, voire disparaître (Thisse et al. 2004) ce quiréduit le nombre d’entreprises dans certaines zones, voire des villes entières. Bien queces chiffres, entre autres, ne reflètent qu’une partie de ce que peut être le coût socio-économique de la ségrégation spatiale en France (Fitoussi et al. 2004), la mesure de cedernier reste complètement à la marge. La théorie économique montre que la ségrégationa des impacts négatifs mais elle peut aussi avoir des impacts positifs pour la performanceéconomique des populations ségréguées ou la population totale. Les études sur l’impactéconomique de la ségrégation se basent en général sur la question d’accessibilité àl’emploi et le jeu d’externalités positives et négatives, pour expliquer une grande partie desproblèmes de chômage, d’échec scolaire ou de criminalité. Si l’ensemble de ces études sontconcomitantes pour désigner le ghetto comme mauvais pour ses habitants, les résultatsthéoriques et empiriques sur l’ensemble de l’économie ne sont pas toujours unanimes.

En soulignant les coûts et les bénéfices des ghettos à partir de la théorie, Cutler etGlaeser (1997) examinent les effets de la ségrégation sur la scolarisation, l’emploi et lamonoparentalité des noirs américains. Après contrôle des endogénéités potentielles, ilsmontrent un impact négatif net sur la population des zones ségréguées, notamment cellessituées au centre. A l’échelle de la ville et selon l’importance donnée aux interactions entre lefort capital humain et le faible capital humain, la ségrégation peut être perçue négativementcar elle empêche les échanges d’informations (effets de débordement) entre les deux zonességréguées (Benabou, 1993) et peut éloigner de l’optimum socio-économique à cause descomportements d’auto-sélection des élèves visant un haut degré de qualification. Dansun autre modèle théorique, Benabou (1996) précise que si la ville ségréguée est plusefficace à court terme par rapport à la ville mixte, les performances économiques dans

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Chapitre 1 : Les enjeux de la ségrégation spatiale

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la ville mixte seraient meilleures à long terme : « à court terme, une ville stratifiée peutconnaître une croissance du capital humain plus rapide qu’une ville intégrée ; c’est lecas si un accroissement marginal de la mixité sociale dans les écoles locales fait perdredavantage aux enfants des familles hautement qualifiées qu’elle ne fait gagner aux enfantsdes familles faiblement qualifiées. En revanche, à long terme, une ville stratifiée a desperformances inférieures à une ville intégrée, concernant le niveau atteint par le capitalhumain représentatif, abstraction faite des aléas affectant les aptitudes innées, ou mêmeconcernant le taux de croissance de ce capital humain si l’on tient compte de ces aléas »(Fitoussi et al. 2004, p.104).

La stratification sociale, selon le niveau d’éducation et le capital humain, a des effetsnégatifs non seulement sur la population du ghetto ou le quartier défavorisé mais aussisur l’ensemble de l’économie de la ville. Les enjeux de la ségrégation scolaire sontimportants et une place à part doit être faite à l’école (Buisson et al. 2005). Cela dit, au-delà du ghetto et du quartier défavorisé, l’impact négatif de la ségrégation spatiale surla croissance économique de l’ensemble de la ville est encore plus difficile à confirmerd’une manière empirique. « Some neighbourhood effects could be shown. However, furtherresearch is required to assess whether these effects really have a negative aggregate effecton the urban economy through lack of participation in the labour market by those whoreside in poor neighbourhoods. »(Musterd, 2006, p.1338). Si l’étude de Jargowsky (2003)montre que plusieurs villes américaines fortement ségréguées ont enregistré une importantecroissance économique durant les années 1990, l’analyse de Musterd (2006) sur le niveaude ségrégation socio-spatiale et la performance économique des villes européennes parrapport à l’attractivité aux activités n’offre aucune évidence. Au-delà des corrélations quipeuvent être observées, il serait encore plus difficile de préciser le sens de la causalité.La question épineuse de savoir si la ségrégation spatiale est bonne ou mauvaise pourl’économie d’une ville reste ouverte même si, selon le rapport pour le Conseil de l’AnalyseÉconomique (Fitoussi et al. 2004), la ségrégation spatiale peut provoquer à long terme undéficit de croissance économique, rejetant une partie de la main-d’œuvre vers le chômageet conduisant à un décrochage des quartiers en difficulté par rapport au reste de la ville.Les auteurs de ce rapport proposent d’évaluer empiriquement le coût de la non-intégrationéconomique pour se rendre compte de ces enjeux. L’analyse empirique du lien entrela ségrégation spatiale et la croissance économique nous permettra d’apporter quelqueséléments de réponse dans le cadre des villes françaises (Cf. chapitre 3) et de montrer quela relation peut être réversible.

Si l’ensemble des impacts économiques négatifs ne fait pas toujours l’unanimité,car la ségrégation sociale peut être considérée comme optimale d’un point de vuede l’efficacité collective (Jayet, 2004), c’est la concentration de ces handicaps au seindes mêmes territoires voire des mêmes populations qui suscite le plus de malaise.D’ailleurs, la plupart des études abordent la question de la ségrégation spatiale et de sesconséquences négatives en termes d’inégalité et de justice sociale (Cf. chapitre 2). Celadit, la condamnation de la ségrégation ne vient pas seulement d’un « refus abstrait del’inégalité associée à la ségrégation » (Preteceille, 2004) mais d’un refus d’une inégalitéspatiale qui conduit à une inégalité à court terme et renforce une autre inégalité à long terme :« Spatial disparities increase poverty in the short run and also reduce equality of opportunityand therefore contribute to inequality in the long run » (Jargowsky, 2002, p.40). Il n’y a pas dedoute que la ségrégation soit en partie l’inscription spatiale de l’inégalité de revenu (Cheshireet Sheppard, 2004), mais elle n’est pas sans effet sur une pauvreté supplémentaire desquartiers polarisés. Nombreuses sont les études américaines qui commencent à dépasserla seule vision raciale de la ségrégation pour montrer les enjeux et les interactions entre

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la ségrégation socio-spatiale, la pauvreté et les inégalités sociales (Durlauf, 1996 ; Mayer,2000). Les formes actuelles de la ségrégation spatiale renforcent le capital économique,social et humain des populations les plus riches à travers des mécanismes d’entre-soi,laissant à la marge des populations qui concentrent les difficultés sociales. La ségrégationspatiale est négative parce qu’elle limite la capabilité d’un individu (Sen, 2000) habitant unquartier défavorisé dans le choix de son mode de vie et pèse injustement (Rawls, 1987)sur les perspectives de conditions de vie pour ses enfants : « Il fait de ce point de vue peude doute que « l’ensemble - capacités » est autrement plus restreint pour l’habitant d’unezone sensible que pour celui des quartiers moyens, sans même parler des quartiers les plusprisés… la stratification sociale de l’espace urbain apparaît plus injuste encore à l’égarddes descendants : ceux qui naissent dans les quartiers sensibles ont de ce fait même desperspectives de conditions de vie fortement dégradées par rapport aux autres enfants deleur âge… Les préoccupations de justice sociale plaident donc très fortement, elles aussi,en faveur de l’objectif de mixité sociale » (Fitoussi et al. 2004, p.67).

Les conséquences de la ségrégation spatiale sont appréhendées dans les sciencessociales à travers les « effets de quartier ». D’ailleurs, la connaissance exacte de chaquetype d’effet et de son mode de fonctionnement dans les quartiers est indispensable avantd’engager des politiques de lutte contre la ségrégation à travers la mixité sociale (Galster,2007a).

1.1.2. Vers une théorie des effets de quartierDans la théorie économique, les questions des inégalités ont toujours été attachées auprincipe des effets cumulatifs et cela depuis Von Thünen (1780-1850) et son principe decercle vicieux de la pauvreté. Il faut attendre 1944 pour voir émerger le concept de lacausalité circulaire expliquant la difficulté des noirs américains en lien avec la questionde la ségrégation (Myrdal, 1944). Selon Myrdal, l’origine du problème est liée à unecombinaison de facteurs économiques, de préjugés et des politiques ségrégatives racialesqui s’auto-entretiennent constituant ainsi un effet boule de neige (Santi, 1995). Conscientdes difficultés des noirs américains, John Kain (1968) est un des premiers à avoir démontréles conséquences négatives de la ségrégation sur l’accès à l’emploi de cette population àtravers ce qu’il a appelé spatial mismatch. Les travaux des économistes et des sociologuescomme Wilson (1987) ont enrichi cette théorie mettant en avant le rôle de l’espace etles effets de quartier, à travers les interactions entre l’isolement, la concentration de lapauvreté et l’inégalité d’opportunités (Jargowsky, 2002). Le départ des classes moyennesdes centres vers les périphéries a conduit à l’appauvrissement socio-économique et cultureldes populations et des espaces centraux accélérant l’apparition de différentes pathologiesdu ghetto.

Le concept des effets de quartier consiste à dire que le quartier pauvre contribueà l’appauvrissement de ses habitants ou, d’une manière générale, le comportement desindividus et leur performance sont influencés par le quartier dans lequel ils vivent. Jenks etMayer (1990) expliquent les effets de quartier à travers les théorie de contagion et de pairssur les comportements individuels et notamment des jeunes (Wilson, 1987, Crane, 1991) ;les théories de la socialisation collective et le rôle des adultes comme modèles et les théoriesdes institutions et leur rôle dans le contrôle social (écoles, associations, entreprises, servicessociaux) (Marpsat, 1999 ; Mayer, 2001). Ellen et Turner (1997) quant à elles identifient sixmécanismes distincts mais complémentaires à travers lesquels le quartier est susceptibled’influencer les comportements et les caractéristiques des individus : la qualité des serviceslocaux, la socialisation par les adultes, les effets de pairs, les réseaux sociaux, l’exposition

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Chapitre 1 : Les enjeux de la ségrégation spatiale

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au crime et à la violence, et enfin, la distance physique et l’isolement. Enfin, Friedrichs et al(2003) résument l’ensemble des facteurs intervenant dans les effets de quartier et qui fontplus consensus dans la littérature en sciences sociales en quatre catégories qui touchentà la fois le capital économique, humain et social. Ils mettent en avant l’effet des ressourcesdu quartier et notamment la réputation du quartier (effet de stigmatisation) et l’accessibilitéà l’emploi (spatial mismatch) ainsi que les services publics locaux tels que les écoles oules services de santé (capital humain). Ensuite, ils distinguent le modèle d’apprentissagevia les interrelations individuelles et le lien social, basé sur les réseaux personnels et lesgroupes de pairs (capital social privé) et la socialisation et l’efficacité collective qui reposentsur les normes communes et le sens de contrôle de l’espace public local à travers lesinteractions verbales ou visuelles (capital social public). Enfin, ils soulignent l’importance dela perception des résidents envers leur quartier et notamment par rapport au crime, le traficde stupéfiants ou les violences.

Même si les fondements théoriques du lien entre les effets de quartier et lescomportements sociaux sont considérés comme l’œuvre des sociologues urbains et despsychologues (Mayer, 2000), les économistes urbains, depuis les travaux de John Kain,se sont intéressés aux effets négatifs de la ségrégation dans le quartier, à l’emploi età l’école, qui touchent les populations défavorisées et notamment les noirs américains(Glaeser et al. 2004). Il ne s’agit pas de présenter l’ensemble des conséquences négativesde la ségrégation spatiale à travers les effets de quartier mais d’insister sur les seulesconséquences mesurées dans la littérature en sciences économiques et sociales.

1.1.2.1. Spatial mismatch et accès à l’emploi : distance, hystérèse etstigmatisationLe lien théorique entre la ségrégation spatiale et le chômage vient de l’hypothèse duspatial mismatch ou du Mauvais Appariement Spatial (MAS) proposée pour la premièrefois par Kain (1968) pour expliquer le fort taux de chômage des populations noires dansles quartiers centraux de la ville constaté par la commission Kerner suite aux émeutesqui ont touchées les ghettos de certaines villes américaines en 1967 à l’image de LosAngeles. Cette hypothèse distingue deux effets de la ségrégation spatiale sur le tauxde chômage : la distance physique et les effets de quartiers liés aux externalités et àl’hystérésis spatiale (Cutler et Glaeser, 1997 ; Fitoussi et al. 2004). L’impact négatif de laségrégation spatiale se traduit par une distance physique, qui sera maintenue par la suiteà travers les pratiques de discrimination au marché résidentiel, entre ces populations etles pôles d’emplois périphériques. Cette distance physique représente en réalité le coûtgénéralisé de transport entre le lieu de domicile et le lieu de travail de chaque individu.Même si la cause initiale du chômage disparaît (déqualification par exemple), la longuedurée passée à la recherche d’emploi alimente la probabilité de rester encore au chômagepour ces personnes. L’hystérésis spatiale signifie que la concentration des populationsfragiles dans les mêmes zones favorise les effets d’externalités négatives et augmenteleur probabilité future d’être au chômage indépendamment de leur accessibilité physiqueaux emplois (Cutler et Glaeser, 1997). Cette hypothèse (MAS) fondée sur l’observationempirique a rencontré des difficultés de théorisation même si certains auteurs proposentdes modélisations à cheval entre l’économie urbaine et l’économie du travail basées sur lesprincipes de la discrimination dans la localisation résidentielle et le chômage involontaireissu du salaire d’efficience3 (Brueckner et Zenou, 2003).

3 Le concept du salaire d’efficience est développé par les économistes néo-keynésiens pour expliquer le chômage de masse dansles sociétés capitalistes. Selon eux, la diminution de la demande sur le marché de travail et l’augmentation du taux de chômage est

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La ségrégation spatiale joue sur le chômage des habitants des quartiers ségrégués àtravers les autres effets propres aux quartiers indépendamment de l’effet de composition etd’accessibilité physique. Le regroupement résidentiel des chômeurs dans un quartier donneune mauvaise image aux employeurs et renforce la discrimination lors de la recherched’emploi par un candidat habitant ce même quartier. Il s’agit là d’un effet de stigmatisationqui va dans le sens de ce que Zenou et Boccard (2000) qualifient de redlining, pratiquediscriminatoire visant à l’origine à écarter les noirs américains du marché du logement.

1.1.2.2. École, capital humain et ségrégation: effet de pairs et de contagionL’ensemble des études portant sur l’école et l’éducation font référence à la notion de « capitalhumain » (Becker, 1964). Chaque individu est capable d’augmenter son capital humain enrépartissant son temps disponible entre activités de production et activités de formation. Ilarbitre entre le coût présent de la formation et la valeur future des salaires supplémentairesque lui rapportera sa formation. Si cette valeur est supérieure au coût, l’individu décided’augmenter son investissement en capital humain en consacrant des unités de tempssupplémentaires à l’éducation. Cette théorie jugée « ultra-libérale » a rencontré pendantlongtemps une grande hostilité notamment parce qu’elle était soupçonnée de vouloir justifierles importantes inégalités de salaire et de condition de vie par une inégalité irrémédiableet irremplaçable de capital humain, rejetant toute forme d’intervention publique correctiveambitieuse (Piketty, 1997). Même si l’on réduit le rôle de l’école à la seule facilité de sélectiondes individus les plus performants par les employeurs potentiels lors du recrutement, leniveau d’éducation reste indispensable pour obtenir un salaire élevé et augmenter le capitaléconomique. « Un fait statistique robuste et universel relie les salaires individuels au nombred’années de formation initiale suivie par les salariés : selon les pays et les périodes, uneannée supplémentaire augmente de 5 à 10% les salaires en moyenne » (Gurgant, 2004,p.9).

Cependant, les écoles n’offrent pas toutes le même niveau de formation ou du moinsla réussite scolaire des élèves est largement inégale d’une école à une autre. C’est cequ’a tenté d’expliquer le rapport Coleman (1966) suite aux exigences de l’Acte des DroitsCiviques des noirs américains en 1964. L’objectif de ce sociologue, théoricien du capitalsocial, et de son équipe était d’examiner l’effet de la discrimination raciale et de l’inégalitédes chances (d’opportunités) dans le système des écoles publiques américaines trèsmarquées par la ségrégation. Le premier résultat très controversé de ce rapport consisteà dire que la différence de financement entre les écoles n’explique pas la différence desrésultats entre les élèves blancs et noirs qui reste déterminée par le milieu familial. Cerésultat était largement interprété dans le sens : « les écoles ne sont pas importantes ». JohnKain a vivement critiqué certains points méthodologiques de ce rapport et notamment lesbiais liés à la procédure de l’analyse de variance utilisée qui a avantagé les caractéristiquesde la famille au détriment de l’importance des dotations financières des écoles et lanon prise en compte de l’expérience des enseignants (Glaeser et al. 2004). Sensible àce type de difficultés, il a contribué à la fin de sa carrière à la construction de la plusgrande base de données (Kain’s Texas Schools Project) contenant quatre millions d’élèvesdes écoles publiques de l’état de Texas. Cette base permet de suivre l’ensemble desélèves dans le temps, au collège, au travail ou en prison (Glaeser et al. 2004, p.9) etd’identifier les vrais déterminants de réussite ou d’échec scolaire. Au-delà de ces difficultésméthodologiques, le rapport Coleman a soulevé une question importante, celle de l’influence

le résultat de l’augmentation du coût de travail liée à l’augmentation des salaires des employés pratiquée par les entreprises pourmaintenir leur niveau de productivité. Cette explication théorique a bien évidemment ses limites, surtout que l’augmentation de salairesne touche qu’une fine partie des actifs.

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Chapitre 1 : Les enjeux de la ségrégation spatiale

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de la composition des populations à l’école sur leurs résultats. Plus le pourcentage desélèves blancs (favorisés) est élevé, plus leurs résultats scolaires et ceux des autres groupes(noirs) sont bons. Les exigences des élèves blancs stimulent les autres écoliers et tirent leniveau vers le haut. La ségrégation scolaire favorise la réussite dans les écoles fréquentéesmajoritairement par les enfants riches et l’échec scolaire dans les écoles à dominantepauvre à travers un effet de stimulation ou un effet de contagion. Le faible effet des dépensesd’éducation sur la réussite scolaire n’est pas lié au déterminisme du milieu familial d’originemais à l’existence de l’effet de composition sociale des élèves de l’école et du quartier :« Il est plausible que les chances de succès scolaire dépendent plus de la ‘qualité’ de sescamarades de classe que de celle de son enseignant, notamment au niveau primaire etsecondaire » (Piketty, 1997, p.78). Les effets de pairs sont des externalités locales pour lesélèves d’un même établissement ou d’une même classe à travers lesquelles les attributs etles comportements des uns influent sur les performances des autres (Benabou, 1993). Laconcentration des élèves des quartiers pauvres favorise des comportements négatifs, pareffet de contagion (Wilson, 1987 ; Crane, 1991) et influe sur leurs résultats scolaires.

1.1.2.3. Ségrégation et capital social : les réseaux sociauxLa ségrégation spatiale considérée comme une séparation ou une absence d’interactionsentre groupes sociaux (Cf. chapitre 2) est étroitement liée au concept du capital social. Laconcentration des populations fragiles dans des quartiers ségrégués affaiblit leur chance detrouver un emploi à cause de la faiblesse de leurs réseaux sociaux. Nombre de recherchesinsistent sur l’efficacité de cette composante du capital social et les interrelations entre lesréseaux sociaux dans la recherche d’emploi (Montgomery, 1991 ; O'Reagan et Quigley,1998 ; Calvo-Armengol et Jackson, 2004). Au moins la moitié des emplois est obtenue àtravers les liens de proximité et « le bouche à oreille ». Ces réseaux sociaux mobilisablespour la recherche d’emploi et l’entraide sont aussi des ressources importantes que le capitaléconomique et humain. Leurs avantages peuvent être monnayables et convertis en valeurmarchande. Ce qui n’exclut pas l’ensemble des connaissances cognitives et culturellestelles que la maîtrise des langues étrangères, des codes sociaux ou des compétencesartistiques. L’ensemble de ces ressources et relations sociales fait appel à la notion decapital social qui est défini selon Bourdieu (1980, p.2) comme « l’ensemble des ressourcesactuelles ou potentielles qui sont liées à la possession d’un réseau durable de relations plusou moins institutionnalisées d’interconnaissance et d’interreconnaissance ». Pour Bourdieuou Coleman (1988), et plus récemment pour certains économistes (Glaeser, 2000), le capitalsocial est une ressource pour l’individu. Ce capital privé permet d’interpréter les inégalitéssociales, même si Ponthieux (2006) considère que les thématiques d’inégalités (dans lesens de Rawls ou Sen) et de pauvreté sont absentes dans la littérature sur le capital social.

Au-delà de son caractère privé visant la mobilisation de l’ensemble des externalitéspour le renforcement des positions sociales et matérielles des individus, le capital socialréside aussi dans l’intensité du lien social entre les individus. C’est le capital social publicqui, à travers sa dimension collective, peut profiter à la communauté. C’est dans une visionholiste que Putnam (2000) a développé ce principe de capital social basé sur l’engagementcivique : « le capital social fait référence à des caractéristiques de l’organisation socialetelles que les réseaux, les normes et la confiance sociale, qui facilitent la coordination etla coopération en vue d’un bénéfice mutuel » (Perret, 2002, p.23). Il distingue ensuite lebon capital social « Bridging », en tant que liens de connectivité entre les différents groupessociaux (ouvert), du mauvais capital social « bonding », qui représente la concentrationdes liens seulement à l’intérieur des groupes socialement homogènes (fermé). Certes, cettenotion qualifiée par Portes (1998) « d’une sorte de panacée » est difficile à mesurer, mais

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en se basant sur d’autres types d’engagements, plusieurs études soulignent récemmentson importance dans différents domaines sociaux, politiques et économiques (Durlauf etFafchamps, 2004). La mesure des liens sociaux à travers un nombre d’indicateurs, qui vadans ce sens, figure déjà dans les Données sociales de l’INSEE. Ces données relativesà la vie sociale concernent les réseaux de relations de la vie quotidienne, l’engagementassociatif, le sentiment d’insécurité et le rapport à l’injustice. Certains de ces indicateurs sontprésentés par la suite à l’échelle des Zones Urbaines Sensibles (ZUS). L’importance de cecapital pour le développement socio-économique est, donc, bien perçue : « Le capital socialest important pour la vie économique parce que les réseaux, les normes et la confiancefacilitent la coopération (notamment parce qu’ils réduisent les coûts de transaction), maissa valeur sociale déborde largement son utilité économique » (Perret, 2002, p.24). L’idéede l’impact optimal d’une maximisation des nœuds de connectivité entre les individus desdifférents réseaux sociaux sur l’économie d’une ville devient presque intuitive. Encore faut-il la démontrer sur cette échelle globale à l’image du coût économique de la ségrégationspatiale, même si certains travaux commencent à mesurer l’impact positif du capital socialpublic sur la croissance économique (Durlauf, 2002).

A l’échelle microéconomique, plusieurs travaux montrent l’importance des relations liantun individu avec les différents groupes et particulièrement la force des liens faibles dansl’obtention d’un emploi. A travers sa théorie des « structural holes », Burt (1992) montre quela position optimale d’un individu se situe entre les différents groupes (Calvo-Armengol etJackson, 2004 ; 2007). En se basant sur l’importance des liens faibles, Granovetter (1973)montre également qu’il est plus facile de trouver un emploi à travers un lien se situant entredeux réseaux sociaux (bridging) qu’à l’intérieur du même réseau social. Enfin, les travaux lesplus aboutis, principalement anglo-saxons, restent ceux qui concernent les réseaux sociauxet leur impact sur la recherche de l’emploi des individus. L’analyse des conséquences dela ségrégation spatiale sur le capital social passe donc par les réseaux sociaux, un desfacteurs principaux des effets de quartier abordés précédemment. Cela dit, ces travauxthéoriques peuvent être facilement adaptés à d’autres problématiques où les réseauxsociaux jouent un rôle de transmission d’informations. Ioannides et Loury (2004) proposentune récente revue de littérature sur les effets de quartier visant l’impact des réseaux sociauxet l’interaction sociale de proximité sur l’accès à l’information (concernant l’emploi ou autre)et sur les inégalités. Ces travaux testent le rôle de la proximité physique dans la diffusionde l’information. Ils sont unanimes sur l’existence d’un effet des réseaux locaux et sur lesconséquences négatives pouvant être associées à une concentration inégalitaire de cesréseaux. Les enseignements théoriques de Calvo-Armengol et Jackson, (2004) confirmentl’effet d’hystérèse en soulignant le rôle des réseaux sociaux dans l’obtention du premieremploi ou de la disparition de ces réseaux suite à la perte d’emploi. Indépendamment de ladiscrimination des employeurs ou de la démotivation du chômeur liées à l’allongement de ladurée de recherche d’emploi, c’est le processus de désocialisation accompagnant la longuedurée de chômage qui est mis en avant par leur modèle : « Long unemployment spellscan generate a de-socialisation process leading to a progressive removal from labor marketopportunities and to the formation of unemployment traps » (Calvo-Armengol et Jackson,2004, p.449). La ségrégation spatiale entretient et renforce le chômage et la pauvreté enpartie parce qu’elle regroupe des individus disposant de faibles réseaux sociaux.

1.1.2.4. Ségrégation et criminalité : de l’effet de pairs à la stigmatisationLa théorie faisant le lien entre la ségrégation spatiale et le taux de criminalité ou de trafic estbasée sur le principe d’effet de pairs. Il est plus probable qu’un individu commette un crimesi le taux de criminels dans son entourage est élevé. C’est ce qu’affirment Glaeser et al.

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(1996) lorsqu’ils montrent que la corrélation positive entre les décisions de criminalité desindividus est la seule explication des variations de crimes entre différentes zones. En effet,plus le nombre de criminels dans un quartier est élevé, plus la probabilité de devenir criminelest élevée. Les économistes emploient ainsi le terme de multiplicateur social. Si celui-ci esttrès élevé, alors les effets amplificateurs du crime sont très importants et donc il faut éviterla concentration des criminels au même endroit. Selon Freeman et al. (1996), la probabilitéd’être mis en examen devient relativement faible (externalité positive) avec l’augmentationdu nombre de criminels dans un endroit, mais le rendement du crime devient aussi faible(externalité négative). La décision de commettre un crime dans un endroit dépend donc del’arbitrage du commanditaire entre les gains et la probabilité de se faire arrêter dans cetendroit. Ce modèle est valable aussi bien pour le crime que pour l’ensemble des activitésde l’économie souterraine. La ségrégation spatiale, en constituant un frein au marché del’emploi pour les noirs américains, encourage la criminalité et les activités souterraines quideviennent plus rentables par rapport à ce que leur propose le marché de l’emploi (Verdieret Zenou, 2004).

La criminalité comme le développement de l’économie souterraine représente une desconséquences de la ségrégation spatiale les plus redoutées à cause de son caractèreostentatoire et spectaculaire. Cela contribue à la stigmatisation4 des quartiers concernés àtravers cette image négative et renforce la situation socio-économique de leurs habitantset la ségrégation spatiale (le rôle de l’image du quartier dans le choix de localisation etla ségrégation est bien souligné dans la deuxième partie de ce chapitre à travers lespréférences des ménages). Enfin, ce résultat négatif vient bien en aval par rapport auxautres effets cités précédemment et notamment l’échec scolaire et le chômage de masse.

Finalement, la croissance de la littérature théorique sur les effets de quartier, bienqu’issue de paradigmes différents, nous montre que la proximité physique est importante etque le quartier ségrégué influe sur les caractéristiques socio-économiques de ses habitants.Ce que tend à confirmer la littérature empirique.

1.1.3. La ségrégation est négative : des effets de quartier mesurésBien que la littérature empirique concernant les effets de quartier soit largement concentréesur des villes américaines (Jenck et Mayer, 1990 ; Ellen et Turner, 1997), cette questionest de plus en plus traitée en Europe et notamment dans des pays du Nord où les villessont a priori beaucoup moins marquées par la ségrégation spatiale (Friedrichs et al. 2003 ;Musterd et Andersson, 2005, 2006 ; Musterd, 2006 ; Galster et al. 2008).

En général, les études analysant l’origine des difficultés de certains quartiers dela ville se regroupent selon deux tendances. Le premier type d’études considère queces problèmes sociaux sont le résultat des mécanismes socio-économiques générateursd’inégalités et d’exclusion (Marpsat, 1999) et que l’espace et les effets de quartier sontsecondaires. Les effets de quartier sont difficiles à mesurer à cause de certains biaisméthodologiques, comme l’effet de sélection, qui empêchent de montrer clairement lacausalité. Malheureusement, la difficulté de déterminer un effet propre du quartier liée à

4 Ces effets négatifs de la ségrégation devront être analysés en dehors de toute victimisation afin de trouver des solutionsmais ne doivent pas rester la seule propriété du discours politique et médiatique. Aux États-Unis, le rapport Moynihan (1965) quisoulignait le taux important des naissances hors mariage chez les noirs américains habitant le centre a été vivement critiqué et accuséde « blâmer les victimes », ce qui a découragé la communauté scientifique à aborder ces questions pendant plusieurs années etsurtout à expliquer ce phénomène. Le travail de Wilson (1987) a creusé une brèche dans ce domaine en démontrant le lien entre lesmultiples pathologies du ghetto et la ségrégation spatiale (Jargowsky, 2002).

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ces biais était maladroitement interprétée comme une absence d’effet. Le deuxième typed’études montre l’existence des effets de quartier en réglant les biais de méthode. Eneffet, la passage des corrélations et des ressemblances observées entre les individusmarqués par une proximité physique et sociale à une relation de causalité nécessite deneutraliser trois effets (Manski, 1993) : tout d’abord, les individus sont susceptibles d’avoirle même comportement seulement parce qu’ils ont les mêmes caractéristiques individuellesou parce qu’ils sont influencés par une variable commune en partageant la même sourced’information (Manski, 2000). Par exemple, le quartier peut influencer collectivement lechoix de consommation ou de mobilité de ces personnes. Ensuite, les individus s’auto-sélectionnent au sein d’un même quartier ou d’une même école (cet effet de sélection estégalement appelé effet de contexte ou effet social exogène). Dans ce cas là, l’effet dequartier est naturellement sous-estimé et difficile à distinguer de l’effet de sélection. Lesménages sélectionnent d’abord le type de quartier d’habitat selon l’environnement jugéfavorable à leur réussite et celle de leurs enfants (Friedrichs et al. 2003). Enfin, si deuxindividus s’influencent simultanément, leurs comportements sont mutuellement affectés etles uns apprennent des autres (effet social endogène), il est donc difficile d’isoler l’effetdes résultats de l’un sur les résultats de l’autre. Néanmoins, des méthodes variées et trèssophistiquées sont couramment utilisées pour dépasser cette difficulté (Galster, 2007b ;Blasius et al. 2007 ; Galster et al. 2008) et leurs utilisateurs sont unanimes sur l’existence deseffets de quartier. Cette littérature insiste sur l’effet propre du quartier tout en admettant queles individus sont plus ou moins vulnérables selon leurs caractéristiques socio-économiques(Ellen et Turner, 1997).

Les effets de quartier sont confirmés même dans des pays largement connus parleurs systèmes d’aide très performants et marqués par une immigration beaucoup plusrécente que celle de la France et des autres pays européens. Roger Andersson et SakoMusterd ont produit une série d’articles sur une importante base de données « GeoSweden »contenant les caractéristiques démographiques, socio-économiques et des informationsfines sur l’éducation et le lieu d’habitat de toutes les personnes résidentes en Suède entre1990 et 2006 pour chaque année. Ils confirment sur la période 1991-1999 l’existence d’uneffet net de quartier notamment sur la carrière professionnelle (Musterd et Andersson, 2005,2006). Le résultat robuste du récent article de Galster et al. (2008) sur des villes suédoisesva dans ce même sens. Dans d’autres pays comme les Etats-Unis, ou même la France,cet effet de quartier devrait être nettement supérieur : « Yet, we think it is reasonable tospeculate that, were comparable data available in the US, replicating our analysis might wellreveal larger neighborhood effects than we report here. » (Galster et al. 2008, p.868).

En France, plusieurs travaux montrent le lien entre la ségrégation spatiale et la difficultééconomique et sociale des habitants des quartiers polarisés. Bien que les données soientplus rares et moins adaptées, des travaux récents (ci-après) arrivent à démontrer un certaineffet de quartier. A travers l’accès à l’emploi et à l’école, le capital humain, le capitalsocial et les questions de criminalité, nous mettons évidence que la ségrégation spatiale aplus d’effets négatifs que positifs. La ségrégation spatiale renforce le chômage de masse,favorise l’échec scolaire et la reproduction sociale, affecte le capital social et encourage ledéveloppement d’une économie souterraine.

1.1.3.1. La ségrégation spatiale renforce le chômage de masse… Comme le signalent sociologues et économistes, la désintégration sociale commence parl’arrivée du chômage (Juan, 1997 ; Freyssinet, 1998). Les revenus d’activité représententune part importante du capital économique des Français. Ils regroupent 69,7 % des revenus

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Chapitre 1 : Les enjeux de la ségrégation spatiale

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déclarés de l’ensemble des ménages (INSEE-DGI, 2005). Par ailleurs, 89 % de la populationactive ayant un emploi est salariée en 2001 (enquête emploi de l’INSEE). Alors que letaux de chômage atteint 10,9 % de la population active en France et 20,7 % des actifsdes quartiers sensibles5 en 2004 (Tableau 1), un nombre considérable d’emplois souventnon qualifiés reste vacant. Une extrapolation à partir du nombre d'annonces sans réponsede l'ANPE estime ces emplois vacants entre 300 000 et 500 000, ce qui correspondrespectivement à 11 et 18 % de l’ensemble des chômeurs en France.

La concentration spatiale du chômage en France est expliquée en partie par desmécanismes de ségrégation spatiale. Une partie des populations des quartiers n’accèdepas à ces emplois à cause des problèmes de mauvais appariement, de dévalorisation decertains emplois et d’un refus de déclassement de la part des demandeurs d’emplois. Eneffet, lorsque ces jeunes sont diplômés, ils estiment ne pas être censés occuper des emplois

non qualifiés et vivent cette situation comme une forme de discrimination et d’injustice 6

. Face aux conséquences des mécanismes ségrégatifs, le diplôme ne suffit pas (Tableau2) : « Et au bas de l’échelle, il arrive que certains jeunes découvrent que les diplômes nepréservent pas du plafond de verre de la ségrégation et de la mauvaise réputation desquartiers dits ‘ difficiles’ ». (Dubet et Duru-Bellat, 2006, p.3).

Tableau 1: Taux de chômage au sens du BIT selon lesexe, l’âge et le lieu de résidence par rapport aux ZUS (en %)

Champ : population active de 15 ans à moins de 60 ans.Source : enquêtes « Emploi » 2003 et 2004 - Insee. (ONZUS, 2005, p.19)Lecture : En 2004, le taux de chômage de l’ensemble des actifs dans les ZUS est de

20,7%, il ne représente que 10,3% dans la partie hors ZUS des agglomérations avec ZUS,et seulement 8,4% dans les agglomérations sans ZUS et communes rurales.

5 Les Zones Urbaines Sensibles (ZUS) sont, selon l’INSEE, des territoires infra-urbains définis par les pouvoirs publics pour être lacible prioritaire de la politique de la ville, en fonction des considérations locales liées aux difficultés que connaissent les habitants deces territoires. Les 750 ZUS qui regroupent environ 4,7 millions d’habitants en 1999 sont définies par la loi du 14 novembre 1996 issuedu pacte de relance de la politique de la ville qui distingue au sein de ces territoires les Zones de Redynamisation Urbaine (ZRU) etles Zones Franches Urbaines (ZFU). Les ZUS sont définies selon des critères qualitatifs de présence de « grands ensembles » et de« déséquilibre emploi/habitat » déjà mis en avant par la Loi d’orientation pour la ville (LOV) du 13 Juillet 1991 et le décret n°93-203du 5 février 1993 (site de la Délégation Interministérielle à la Ville : www.ville.gouv.fr) .

6 Le déclassement touche une bonne partie des jeunes qualifiés et moins qualifiés : « parmi les jeunes titulaires d’un bac +4 et occupant un emploi, un tiers devient employé »… « là où le père était ouvrier sans diplôme, le fils devra avoir obtenu, au moins,un baccalauréat professionnel pour égaler son père » (Dubet et Duru-Bellat, 2006, p.3).

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La première hypothèse concernant le rôle de la distance entre les quartiers ségréguéset les lieux d’emploi est largement testée aux États-Unis (Ihlanfeldt et Sjoquist, 1990 ;Raphael, 1998 ; Weinberg, 2000) et récemment en France. En utilisant la base des donnéesindividuelles issues de l’enquête TDE (Trajectoires des Demandeurs d’Emplois) de laDARES (Ministère de l’Emploi), certains travaux confirment l’effet du coût des déplacementsdomicile-travail sur le salaire de réserve de l’individu, ce qui va donc allonger la duréede chômage (Bouabdallah et al. 2002). La dimension spatiale de la recherche, y comprisl’absence de moyens de locomotion, joue un rôle déterminant dans les conditions du retourà l’emploi. « Les difficultés de déplacement, obstacle à la recherche d'emploi, affectent plusspécifiquement les chômeurs domiciliés en ZUS et s'ajoutent aux difficultés de réinsertionpropres aux habitants de ces quartiers » (Choffel et Delattre, 2003, p.1).

Cette hypothèse est validée à l’échelle des villes et notamment à Paris (Gobillon etSelod, 2004) et Bordeaux (Gaschet et Gaussier, 2005). En utilisant les données de l’ANPE,Gaschet et Gaussier (2005) montrent que la tension (offres/demandes d’emploi) testéesur plusieurs distances concentriques (1, 5, 8 et 15 km) diminue le taux de chômage. Ilsdistinguent deux échelles de friction spatiale auxquelles s’effectuent le MAS, l’une locale etl’autre régionale. Dans les deux études l’effet de l’accessibilité physique reste relativementfaible même s’il est plus significatif à Bordeaux qu’à Paris. Dans cette dernière, Gobillonet Selod (2004) montrent que l’effet des variables d’accessibilité physiques issues duRecensement de la population est certes significatif mais que celles-ci n’expliquent que35 % de la variance du taux de chômage local alors que 80 % s’explique par les variablesde composition/ ségrégation.

La différence entre Bordeaux et Paris concernant l’effet de l’accessibilité physique peutêtre expliquée par le différentiel de l’offre de transport public qui souligne son caractèrenon suffisant mais nécessaire dans la lutte contre le chômage chez les populationsnon motorisées. Connaissant les limites des transports publics essentiellement radio-concentriques dans des villes de plus en plus étendues et les fortes inégalités d’accessibilitépar rapport à la voiture (Kawabata et Shen, 2007), d’autres travaux soulignent que lavraie question concernant le lien entre l’accessibilité à l’emploi et le chômage de massedes populations modestes n’est pas la distance physique mais l’accès à la motorisation.Selon cette littérature, il ne s’agit pas d’un « spatial mismatch » mais d’un « automobilemismatch » (Raphael et Rice, 2002 ; Mignot et al. 2001)7.

Le taux de chômage est souvent deux fois plus élevé dans les zones classées ZUS parrapport au reste de la ville, et cela pour l’ensemble des niveaux d’éducation (Tableau 2).Ce type de constat a déjà été fait par Nicole Tabard (1993) sur les quartiers de la politiquede la ville. Même si le taux de chômage touche surtout les plus jeunes, il reste plus élevédans les ZUS pour toutes les tranches d’âge par rapport au reste du territoire (Tableau 1).Le fait d’habiter un quartier classé ZUS augmente la durée de chômage, même si l'âge,l'origine nationale, le niveau de formation, l'expérience professionnelle, l'ancienneté dansle dernier emploi ou encore la nature du dernier contrat de travail ont un effet plus net :« Toutes choses égales par ailleurs, résider en ZUS allonge la durée de chômage de 9 %en moyenne » (Choffel et Delattre, 2003, p.3). Dans la plupart des études empiriques surla question du mauvais appariement spatial, l’effet de composition semble plus pertinentque celui de l’accessibilité physique. Ainsi, la ségrégation résidentielle affecte l’accès auxmarchés d’emploi et renforce le chômage de masse même chez les populations diplômées.

7 En France, la question de l’accès à l’emploi et la mobilité est abordée dans une thématique plus large, celle de l’inégalitéd’accès à la ville. Les effets négatifs de la ségrégation liés à l’isolement et l’accessibilité de transports touche la question de l’inégalitéd’accès à l’emploi (Wenglenski, 2003) mais aussi aux aménités et aux loisirs (Paulo, 2006).

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Tableau 2 : Taux de chômage en 2003 et2004 selon le diplôme le plus élevé obtenu (en %)

Lecture : 15,3 % des hommes actifs résidant en ZUS et titulaires d’un diplôme supérieurétaient au chômage en 2004, contre 7,4 % dans la partie hors ZUS des agglomérationsavec ZUS, et seulement 8,4 % dans les agglomérations sans ZUS et communes rurales.

Champ : population active de 15 ans à moins de 60 ans.Source : enquêtes « Emploi » 2003 et 2004 – Insee (ONZUS, 2005, p.20).Le chômage des personnes diplômées souligne le rôle des contraintes à l’embauche

liées à la ségrégation spatiale. Il souligne également le coût de l’éducation non rentabiliséde ces personnes, d’un point de vue économique. L’éducation est un investissement quicoûte en France 6 à 7 % du PIB (Gurgant, 2004, p.9). Mais au-delà du coût, se pose laquestion de l’équité dans l’accès et la qualité de l’éducation.

1.1.3.2. …favorise l’échec scolaire et la reproduction sociale…En France, le taux de difficulté scolaire mesuré à partir d’un ensemble d’indicateurs estbeaucoup plus important dans les zones urbaines sensibles par rapport au reste de la ville.

Par exemple, dans les collèges publics, le pourcentage d’élèves de 6e en retard de 1 anou plus est plus important dans les collèges classés ZUS que dans les collèges hors ZUS(Tableau 3).

Depuis le rapport Coleman (1966), la plupart des études dans le domaine de l’éducationconfirment que les élèves issus des milieux défavorisés risquent davantage de rencontrerdes difficultés scolaires par rapport aux élèves originaires des milieux favorisés. Dans uneédition de France, portrait social, Caille et Rosenwald (2006) montrent que les inégalités deréussite à l’école se forment principalement avant l’entrée en sixième et que les enfants desmilieux modestes sont nettement plus désavantagés. Ceci ne signifie pas que l’école n’apas de rôle à jouer dans la réussite des enfants d’origine socio-économique défavorisée. Lerapport Coleman souligne bien son potentiel effet égalisateur, même s’il considère que lesmoyens financiers ne sont pas déterminants. Cependant, l’homogénéité de l’environnementsocial et notamment scolaire remet en cause la capacité de l’école à corriger les inégalitésde départ, puisqu’elle fabrique en elle-même de l’inégalité à travers la ségrégationrésidentielle et scolaire. Les élèves des quartiers riches multiplient leurs chances de réussite

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en mobilisant les externalités positives offertes par l’homogénéité de leur école, tandis queceux des quartiers pauvres subissent les effets des externalités négatives qui favorisentl’échec scolaire. Cette école à deux vitesses conduit dans les établissements favorisésà l’apprentissage de la compétition, alors que dans les établissements défavorisés, c’estl’apprentissage progressif de la domination sociale qui est entretenu (Duru-Bellat, 2004).

Tableau 3 : Retard scolaire filles-garçons en collègeChamp : collèges publics France métropolitaine et DOMSource : ministère de l’éducation nationale, DEP (ONZUS, 2005, p.92)Il est largement prouvé dans les pays anglo-saxons que les effets de pairs ont un

impact sur les résultats des élèves (Hoxby, 2000 ; Sacerdote, 2001). En France, une partienon négligeable de l’échec scolaire est expliquée par des effets de voisinage (Goux etMaurin, 2005). Ces auteurs utilisent deux stratégies pour tester si derrière la corrélationentre le retard à l’école des enfants et le niveau de retard scolaire du quartier dans lequelils habitent et/ou le niveau socioculturel des autres familles, il existe bien une relation decause à effet. En comparant, d’une part, les performances scolaires des familles venantde s’installer dans le voisinage et des familles déjà présentes et ,d’autre part, les destinsscolaires dans les secteurs HLM et non HLM, ils trouvent un effet causal significatif ducontexte social sur la scolarité. Ce résultat est confirmé par ces mêmes auteurs (Goux etMaurin, 2007) qui montrent que la performance des adolescents à la fin du collège estétroitement influencée par celle des autres adolescents dans le voisinage. Alors qu’il estdifficile de révéler un effet significatif du programme Zones d’Éducation Prioritaires (ZEP)sur la réussite des élèves (Benabou et al. 2004), l'homogénéisation sociale progressive deces collèges et l’augmentation de la proportion des jeunes enseignants peu expérimentésmet au centre le débat sur l’école républicaine et la nécessité de repenser et évaluer la luttecontre la ségrégation spatiale pour garantir l’égalité de chance et des possibles.

Dans un pays où la réputation des écoles fréquentées est décisive pour accéder àcertains emplois, et dans une période où le système économique et social connaît de fortesmutations qui exigent de plus en plus d’adaptation à un environnement concurrentiel enchangement permanent, l’éducation est plus que jamais indispensable aux individus commeaux nations (Gurgant, 2004).

Enfin, au-delà de ses conséquences économiques et inégalitaires, les motivations dela lutte contre la ségrégation à l’école correspondent aussi à une volonté d’intégrationet à un apprentissage du vivre ensemble. L’école est le berceau de la socialisation etdevrait être représentative de l’ensemble de la société. Elle est le lieu de confrontation etd’apprentissage des différences culturelles et sociales mais aussi le lieu de sensibilisationau respect et à la solidarité. Plusieurs études sociologiques montrent l’importance de lapériode scolaire dans la construction des « vrais amis » (Bidart, 1988) et dans la formationdu capital social.

1.1.3.3 …affecte le capital social…

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Les travaux empiriques sur les interactions sociales confirment ce qui est une évidencepour les économistes urbains, à savoir que les individus échangent de l’information par laproximité physique et notamment en résidant dans le même quartier (Ioannides et Loury,2004). A travers une analyse fine sur des actifs de 25 à 59 ans de l’aire métropolitaine deBoston répartis par paires, Bayer et al. (2008) montrent que ces interactions de proximitésont encore plus fortes en fonction du niveau d’éducation, de l’âge et du nombre d’enfantsdans le ménage. De plus, si deux individus habitent le même quartier (Census block), ilest presque deux fois plus probable qu’ils travaillent dans le même quartier qu’au sein d’unterritoire plus large englobant dix quartiers contigus. Après contrôle des effets potentiels (desélection notamment), ils montrent un effet propre du réseau social sur l’accès à l’emploi àtravers l’échange d’information par la proximité résidentielle. Cette étude est celle qui offreles résultats les plus robustes dans ce domaine : « The study that makes the strongestand most compelling case to date for the effects of geographical proximity on job marketoutcomes » (Ioannides et Loury, 2004, p.1080). La ségrégation spatiale, en structurantl’environnement social des uns et des autres renforce l’inégalité de capital social privé.

A un niveau global, Briggs (2005) teste l’effet de la ségrégation résidentielle surl’existence de lien social entre différents groupes « raciaux » aux États-Unis. Il constateque des niveaux élevés de ségrégation résidentielle sont étroitement associés à de faiblesliens d’amitiés « inter-raciales ». Il met ainsi en évidence un effet direct ou indirect de laségrégation qui empêche l’établissement d’un lien avec un individu appartenant à un grouperacial différent, au moins à travers un effet de sélection lors du choix résidentiel. Alesina etLa Ferrara (2000) montrent que la croissance de l’inégalité entre les résidents diminue lecapital social en réduisant la participation et les relations entre les différents groupes. Laségrégation spatiale dégrade le capital social public.

En France, le rapport de l’Observatoire National des Zones Urbaines Sensibles (2004)a tenté d’analyser la vie sociale de leur population à travers un certain nombre d’indicateursutilisés dans l’enquête « Identité-Histoire de vie » et les enquêtes « Vie de Quartier »de l’INSEE (2003 et 2001). Les résultats convergent vers une moindre participation despopulations des ZUS dans la vie politique et électorale par rapport au reste de la population.Ces populations sont moins nombreuses à pratiquer une activité de loisir et sont plusattachées aux loisirs casaniers tels que la télévision, même si cela peut être associéau niveau de revenu. Connaissant l’importance de la langue du pays d’accueil dans leprocessus d’intégration, la part des personnes ayant des difficultés et de la gêne à parlerfrançais n’est pas négligeable : « 15 % des habitants des ZUS entre 18 et 65 ans n’ayantpas le français comme langue d’origine disent ressentir de la gêne à le parler (soit environ4 % des populations des ZUS entre 18 ans et 65 ans) » (ONZUS, 2004, p.120). Leregroupement des populations parlant la même langue du pays d’origine retarde la maîtrisede la langue du pays d’accueil et l’intégration. À travers une étude empirique sur lesdonnées de recensements américains de 1900 à 1990, Lazear (1999) montre que lesimmigrants ont plus de probabilité de parler couramment l’anglais quand ils habitent dansdes communautés avec de faibles proportions d’individus du même pays d’origine.

Par ailleurs, la création d’un ministère de la « cohésion sociale » et la nécessité del’intervention de l’État pour recréer le lien social renforce selon Paquot (2004) l’idée qu’il y afragmentation de la société française et qu’elle est associée à la détérioration du lien social.Cela montre effectivement que le problème est bien perçu.

1.1.3.4. …et encourage le développement d’une économie souterraine

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Ségrégation spatiale et dynamiques métropolitaines

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Les corrélations observées dans les villes américaines entre la polarisation des noirsaméricains dans les ghettos et le taux de criminalité ont conduit les études empiriquesà analyser l’impact de la ségrégation spatiale sur le comportement de violence et decriminalité. Bon nombre de travaux confirment cette évidence, à l’image de Case et Katz(1991) qui trouvent un large effet de pairs sur le comportement de criminalité des jeuneshabitants des quartiers pauvres et l’utilisation des drogues, après avoir contrôlé la potentielleendogénéité de la localisation. Par ailleurs, Kelly (2000) montre l'impact positif de l’inégalitéde revenu sur les crimes avec violences (violent crime), tandis que la pauvreté a un effetsignificatif sur les atteintes aux biens sans usage de violence sur les victimes (propertycrimes).

En France, et d’après l’Observatoire National des Zones Urbaines Sensibles, le taux dedélinquance semble un peu plus élevé dans les zones les plus défavorisées.« Le total desfaits constatés dans les ZUS situées en zone de police s’élève en 2004 à 68 faits pour 1 000habitants en moyenne. Ce taux de délinquance constatée est de 65,6 dans l’ensemble descirconscriptions de sécurité publique d’appartenance de ces ZUS et de 47,3 pour la Francemétropolitaine » (ONZUS, 2005). En réalité, ces chiffres montrent des écarts relativementfaibles entre les ZUS et leurs circonscriptions de sécurité publique d’appartenance. Lacomparaison avec la moyenne nationale reste délicate puisque la délinquance est unphénomène urbain fortement lié à la taille des villes (Glaeser et Sacerdote, 1999). Etablirun lien clair entre la ségrégation et la criminalité reste un défi en France vu le faible nombred’analyses se penchant sur la criminalité et ses mécanismes (Fougère et al. 2006) et lescontroverses qu’elles peuvent susciter.

Dans leur étude sur le crime en France, Fougère et al. (2006) montrent que lacroissance du chômage augmente la criminalité et la délinquance chez les jeunes puisque laformation et le travail des jeunes sortis du système scolaire ou à faible expérience ne paientpas assez. Ils précisent qu’il ne s’agit pas du même effet selon le type de crime : “youthunemployment has a positive and robust causal effect on most property crimes – robberies,burglaries, car thefts,… – and on drug offences when other types of violent crimes, suchas rapes or homicides, appear to be unrelated to labor market conditions ” (Fougère et al.2006, p.18). Les auteurs proposent alors de concentrer les efforts sur les populations pourlesquelles la précarité est susceptible d’entraîner facilement la délinquance.

D’autres explications d’ordre sociologique renforcent le lien entre les effets précédentsde la ségrégation spatiale (échec scolaire, chômage) et la probabilité d’appartenir à desréseaux souterrains et de trafiquants. Le chômage et la précarité des personnes ayantdes diplômes supérieurs dévalorisent les études aux yeux des enfants et contribuentau décrochage et à l’échec scolaire. Les trafiquants deviennent alors le seul modèle deréussite pour ces jeunes (Tafferant, 2005). « L’intégration républicaine et l’ascension sociale, objectifs et modalités de l’efficacité et de l’équité des sociétés n’existent plus ou peu ;elles seraient devenues davantage régressives au point que "ce n’est pas seulementl’ascenseur social qui est en panne, mais le modèle de socialisation. Du coup, les modèlesqui fonctionnent sont les figures négatives, celle du caïd, du business, parce que leur posturea plus de cohérence que celle des animateurs sociaux au chômage" » (Lacour, 2008, p.22).

1.2. Ségrégation socio-spatiale, croissance urbaine à deux vitessesL’inscription des inégalités socio-économiques dans la ville rend plus visible les écartset les ruptures entre les territoires défavorisés où les populations sont menacées de« désintégration sociale » et les territoires favorisés dont la population serait en voie de

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Chapitre 1 : Les enjeux de la ségrégation spatiale

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« désincorporation urbaine » (Fitoussi et al. 2004). Cette forme de croissance urbainesouligne les enjeux et les risques de désolidarisation et d’éclatement de la ville (Mignot,2000).

1.2.1. La ségrégation spatiale : un constat et un processus reconnusSi la mesure de la ségrégation spatiale a occupé pendant plus d’un demi-siècle l’attentiondes chercheurs notamment dans les pays anglo-saxons, son émergence était plus tardiveen France. C’est principalement à partir des années 1970 que des sociologues et desgéographes ont montré à partir d’études monographiques, dont la plupart concerne la villede Paris, l’existence de phénomènes d’exclusion des ouvriers ou de disparités spatialesentre les différentes classes sociales. Il faut attendre les années 20008 pour voir émergerdes travaux d’économistes mettant en évidence une croissance de la ségrégation spatialeà partir des revenus ou des catégories socioprofessionnelles (Fitoussi et al. 2004 ; Maurin,2004 ; Buisson et Mignot, 2005).

L’hésitation de la communauté scientifique à utiliser le terme ségrégation en Francependant longtemps ne signifie pas que le phénomène n’a pas été traité sous d’autresappellations du fait des problèmes de définition et de mesure. Pendant les trente dernièresannées, nombre d’études ont mis en évidence des situations de concentration de groupesdéfavorisés au niveau des quartiers ainsi que des disparités socio-spatiales à l’échelle desagglomérations (pour une revue de littérature des travaux de géographes voir Madoré,2004). Cependant, l’ensemble de ces travaux rencontre la même difficulté : à quel niveau deconcentration, de disparité ou d’isolement admettons-nous qu’il s’agisse de ségrégation ?Il n’existe bien évidemment pas de seuil critique et les études monographiques optentsouvent pour des valeurs arbitraires selon l’espace d’étude9. Les études comparativesont permis, en revanche, de mettre en évidence des villes plus ou moins ségréguéesque d’autres notamment à l’aide d’indices globaux de ségrégation (Lajoie, 1998) ou destypologies de quartiers basées sur l’analyse factorielle (Mansuy et Marpsat, 1994). Cesderniers analysent la division sociale sur 36 agglomérations françaises de plus de 150000 habitants hors Ile-de-France sur la base du recensement de 1982. En croisant lacatégorie socioprofessionnelle avec les secteurs d’activité économique sur plusieurs villes,Tabard (1993) affirme l’existence d’une division socio-spatiale de l’ensemble du territoirefrançais en 1990. Cependant, il reste difficile de juger si la ségrégation socio-spatiale estplus ou moins importante par rapport à d’autres pays notamment à cause des limitesméthodologiques d’un tel benchmarking. La comparaison d’une ville française (Paris)avec une ville américaine largement étudiée en termes de ségrégation socio-économique(comme New York) nous permettra tout de même de situer le niveau de ségrégation enFrance (Cf. chapitre 3).

En revanche, certaines études sociologiques et économiques localisées ont permis decomprendre l’isolement des populations de certains quartiers défavorisés et l’enfermementdes populations riches dans des enclaves bourgeoises et d’analyser leurs types desociabilité. Pinçon et Pinçon-Charlot (2004) montrent l’existence d’une recherche d’entre-soi matériel et culturel à travers les quartiers riches et des clubs socialement homogènes au

8 La thématique du colloque de l’ASRDLF organisé à Lyon par le Laboratoire d’Economie des Transports en 2003 était la croissanceurbaine et la ségrégation spatiale.

9 «On s’accorde généralement à qualifier de « ségrégée » toute unité de recueil de données statistiques dont la populationprésente une distorsion sensible dans sa composition, selon un critère déterminé ou un ensemble d’indicateurs, par rapport à lacomposition moyenne de l’agglomération ou de l’ensemble géographique de référence » (Brun, 1994).

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Ségrégation spatiale et dynamiques métropolitaines

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niveau de l’agglomération parisienne. Ils soulignent également un entre-soi qui est le produitde la gentrification des quartiers populaires par l’arrivée progressive de cadres supérieursattirés par la capitale et notamment par sa partie la plus centrale. Maurin (2004) met enévidence le même type de mécanismes en analysant les données de l’enquête emploi del’INSEE à l’échelle de voisinage (30 à 40 logements adjacents). Il montre que la ségrégationexiste au moins depuis une vingtaine d’années et les indices des différentes formes deségrégation ne cessent de croître. Aujourd’hui, elle traverse l’ensemble de la populationmais elle est de plus en plus le fait des plus riches. En revanche, le territoire devient unenjeu de plus en plus important et la concurrence pour les meilleurs environnements socio-spatiaux de plus en plus rude.

Finalement, les études analytiques du processus ségrégatif, dépendantes de ladisponibilité des données, ont renforcé la place de la question de la ségrégation dansla recherche scientifique sur la ville. L’étude de Tabard (1993) est parmi les premièresà analyser l’évolution de la structure sociale sur l’ensemble du territoire à partir d’unetypologie construite sur les catégories socioprofessionnelles et l’activité économique entre1982 et 1990. Sur la même période, et à partir d’une analyse de la ségrégation dans les20 plus grandes unités urbaines françaises (plus de 250 000 habitants en 1990) à l’échelledes quartiers (5 000 habitants), Lajoie (1998) constate un creusement des écarts sociauxentre centres-villes et banlieues. « Dans la majorité des grandes villes françaises, unetendance se dessine clairement entre les deux derniers recensements : l’accroissementdes disparités sociales entre centres et périphéries urbaines » (Lajoie, 1998, p.193). Siles classes moyennes semblaient évoluer vers plus de mixité spatiale, les niveaux deségrégation aux deux extrêmes de l’échelle sociale, cadres supérieurs et populationssans activité professionnelle, ont augmenté entre les deux recensements. Il explique cetaccroissement de la ségrégation par la hausse du chômage qui a marqué les villesfrançaises, et notamment les plus grandes d’entre elles, mais aussi par le renforcementde la proportion des cadres et des professions intermédiaires au niveau du centre urbain.L’auteur qualifie ce phénomène d’embourgeoisement et de gentrification. En revanche, descommunes périphériques notamment à l’ouest de certaines villes comme Lyon ou Bordeauxcontinuent d’attirer les classes supérieures.

En utilisant une source différente, celle des revenus fiscaux de ménages, deux étudesbasées sur la région parisienne ont mis en évidence une croissance des inégalités socio-spatiales. Sagot (2002) montre une croissance de l’indice d’inégalité spatiale d’entropie(indice de Theil) et une paupérisation des communes défavorisées, entre 1984 et 1996.L’autre étude (François et al. 2003) a permis de constater une ségrégation sur l’espacefrancilien selon une logique concentrique et sectorielle à l’échelle du quartier, et unecroissance des disparités spatiales entre 1990 et 1999 à l’échelle communale, soulignantainsi l’appauvrissement des communes les plus défavorisées. Le cas de la métropoleparisienne malgré toute sa fertilité reste particulier et ce type d’études sur la ségrégationspatiale doit être étendu sur l’ensemble des régions et des villes françaises (Cf. chapitre 3).

D’autres études récentes (Fitoussi et al. 2004 ; Buisson et Mignot, 2005 ; Gaschetet Lacour, 2008), sont concordantes pour montrer l’existence d’une ségrégation spatiale àdifférentes échelles urbaines, que nous confirmons dans le chapitre 3 à travers une analyseà plusieurs niveaux. Cependant, les chercheurs doivent poursuivre leurs efforts afin demieux comprendre les échelles de la ségrégation spatiale et leurs articulations entre leglobal et le local. La ségrégation n’est sûrement pas un artefact d’une échelle particulière,mais un phénomène multiéchelle, contrairement à ce que présument certains auteurs : « laségrégation est certes un fait, statistiquement montré et mesuré, mais c’est quand même

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Chapitre 1 : Les enjeux de la ségrégation spatiale

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un artefact cognitif découlant des découpages sociospatiaux dont ils procèdent et qui ontpour but, précisément, de la faire apparaître » (Genestier, 2005, p.27).

1.2.2. De l’embourgeoisement à la paupérisation : la ville à plusieurs vitessesL’analyse spatiale de la ségrégation met souvent en évidence l’opposition de deuxterritoires : le ghetto noir et la périphérie blanche dans la ville américaine ou sud-africaine ;les quartiers des indigènes et les quartiers européens dans la ville coloniale ; les favelaset les quartiers riches dans la ville sud-américaine. Cela dit, des études américainesplus récentes (Booza et al. 2006) montrent le renforcement de la polarisation sociale desquartiers pauvres et riches au détriment des quartiers des classes moyennes sur les 100plus grandes aires métropolitaines10. La majorité des études en France met en évidenceune forme de dualité s’inscrivant dans le temps entre quartiers défavorisés en paupérisationet d’autres espaces favorisés sélectifs. Ces travaux soulignent souvent l’attractivité ducentre pour les classes aisées et la fuite des classes modestes vers certains secteurs dela périphérie. Dans la revue Esprit, Donzelot (2004) parle de ville à trois vitesses et d’untriple mouvement de séparation : l’embourgeoisement des centres-villes, la fuite des classesmoyennes vers un périurbain moins coûteux et protégé et la relégation des cités d’habitatsocial. Des études empiriques récentes tentent de mesurer cette ségrégation socio-spatiale,en mettant en évidence des tendances à la paupérisation ou à l’embourgeoisement, et dela mettre en lien avec les dynamiques métropolitaines de concentration (au centre et enpériphérie) et d’étalement urbain.

Dans une comparaison des indices de ségrégation sur quatre aires urbaines (Paris,Lyon, Bordeaux et Dijon), Gaschet et Le Gallo (2005) constatent une ségrégation croissantedes travailleurs les moins qualifiés ainsi que des cadres entre 1990 et 1999 notamment dansla métropole parisienne. La concentration des cadres supérieurs dans les quartiers les plusriches révèle selon eux une recherche d’autoségrégation. En soulignant le renforcement dela logique centre-périphérie de Paris, les deux auteurs confirment l’idée d’une polarisationsociale et spatiale qui est principalement le fait de la grande métropole et des changementssocio-économiques issus du processus de globalisation. Sur la même période, et en utilisantles données des revenus fiscaux au sein d’une typologie de quartiers et de communes,François et al. (2003) analysent les fragmentations spatiales de l’espace francilien. Ilsmontrent une paupérisation des communes déjà défavorisées en 1990 mais soulignentsurtout l’accentuation de la concentration de l’ensemble des communes formant le secteurnord nord-est de l’agglomération, le qualifiant de « pôle régional de grande pauvreté ».Cependant, les communes situées dans les deux extrêmes sont relativement homogènescar les plus pauvres d’entre elles n’accueillent jamais un quartier aisé et les plus riches necontiennent pas non plus de quartiers pauvres ; l’image globale de la commune défavoriséerisquant souvent d’accélérer le départ des ménages aisés.

A travers une analyse économétrique des revenus moyens des foyers fiscaux parcommune portant sur l’impact de la croissance économique sur l’étalement urbain entre1986 et 1999, Bresson et al. (2004) montrent que l’étalement urbain est plus sensible àla croissance des revenus des ménages modestes et à la croissance des inégalités entreménages aisés (imposables) et modestes (non imposables). A travers une analyse dela variance intra-communale sur 9 aires urbaines, ils mettent en évidence un processus

10 “Although middle-income families have declined considerably as a share of the overall family income distribution, it is noteworthythat middle-class neighborhoods have disappeared even faster in metropolitan areas, especially in cities. This trend suggests increasedsorting of high- and low-income families into neighborhoods that reflect their own economic profiles, and increased vulnerability ofmiddle-class neighborhoods “tipping” towards higher- or lower-income status” (Booza et al. 2006).

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de ghettoïsation lié aux migrations des ménages aisés vers les communes aisées et desménages modestes vers des communes moins aisées (Bresson et al. 2004).

Les départs des populations des zones les plus défavorisés ne sont souvent pasremplacés et les zones défavorisées continuent de perdre de la population. C’est ce quenous confirmons lors du chapitre 5 à travers l’étude des migrations résidentielles. La mobilitérésidentielle accentue le poids des populations fragiles en modifiant le peuplement desZUS par un effet de sélection (ONZUS, 2005). Les territoires de la pauvreté restent bienstructurés et se renforcent que ce soit à l’échelle du quartier ou à l’échelle communale parcequ’ils n’attirent pas autant qu’ils font fuir. C’est l’un des mécanismes de la paupérisation desquartiers pauvres.

Le deuxième processus de la ségrégation spatiale le plus évoqué par la littérature,après celui de la ghettoïsation, est l’embourgeoisement et la gentrification. Dans les villesfrançaises, une des conséquences du retour au centre des ménages aisés, à travers lagentrification, est la fuite des classes moyennes. Guilly et Noye (2004) analysent l’évolutiondes positions sociales entre 1982 et 1999 sur six villes (Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux,Rennes et Nantes), mettant en évidence un retour de la configuration centre-périphérieet le renforcement du centre historique. La gentrification et la dilatation des activités etdu nombre des ménages aisés de la partie centrale de l’agglomération ont conduit à lafuite des employés et des actifs exerçant une profession intermédiaire (une populationtraditionnellement localisée près du centre) vers la périphérie, sans toutefois se localiserà proximité des populations les plus pauvres des quartiers défavorisés. Ce qui soulignel’hypothèse d’apparition de nouvelles zones de mélange social et de nouvelles centralitéspériphériques ou en zones rurales.

La croissance urbaine est associée à la ségrégation spatiale à travers des mécanismesvisibles sur des espaces différents de la ville mais en étroite interrelation. Dans certainsquartiers huppés des métropoles, les ménages entrants sont socialement identiques voireplus fortunés que les ménages sortants. Avec la croissance des richesses et de la partdes cadres dans les villes, due aux mutations économiques de ces dernières décennies,la concurrence pour se loger dans ces quartiers aisés devient de plus en plus sélective.Celle-ci, alimentée par l’attractivité des grandes villes et notamment de leurs quartierscentraux, conduit à la gentrification, par contiguïté et par sélection, des zones les plushistoriquement valorisées entraînant la fuite des classes moyennes vers la périphérieet faisant disparaître les illusions d’une mixité sociale : « au fur et à mesure qu’ellesgagnent en importance, les classes supérieures repoussent les classes moyennes vers lespériphéries, des communes et quartiers entiers perdant peu à peu leur dernier semblant demélange social » (Maurin, 2004, p.19). Dans les quartiers les plus pauvres, les populationsentrantes sont identiques voire plus fragiles que les populations sortantes, entretenant ainsile processus de ghettoïsation. Cette mobilité spatiale explique pourquoi les revenus moyensdes communes pauvres stagnent voire baissent dans le temps (Cf. chapitre 3).

Derrière l’appauvrissement des quartiers les plus fragiles (le ghetto) et l’enrichissementdes quartiers les plus riches (l’enclave riche), il existe des mouvements intermédiairesqui tirent des quartiers moyens/riches vers le bas (ghettoïsation/mixité) ou des quartiersmoyens/pauvres vers le haut (gentrification /mixité). La mixité sociale qui peut caractériserun quartier devient un état intermédiaire, voire provisoire, se situant entre deux processusde ghettoïsation (déclin) et de gentrification (embourgeoisement).

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Chapitre 1 : Les enjeux de la ségrégation spatiale

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Figure 1 : Le processus de ségrégation et de mixité socialeÀ travers ces deux processus (Figure 1), c’est toute la dynamique de la ségrégation

spatiale qui se trouve située entre deux situations opposées : le ghetto et l’enclave riche.Les situations de mixité qui se trouvent à l’intérieur de cette dualité, bien qu’elles peuventcaractériser la majorité du territoire, ne sont pas identiques car elles sont issues deprocessus différents et contradictoires. Ce sont les mécanismes de la ségrégation spatialequi font en sorte que chaque espace de la ville peut devenir un ghetto ou une enclave, enpassant par des situations de mixité peu stables dans le temps. Reste à savoir pourquoiet comment tels espaces se rapprochent du ghetto et d’autres de l’enclave riche ? La luttecontre la ségrégation spatiale n’est-elle pas la recherche permanente en chaque quartierde la ville de ces situations de mixité provisoires ?

Derrière cette description des étapes du processus ségrégatif à l’intérieur de chaquezone de la ville, nous pouvons trouver un phénomène plus général de croissance urbaineet de métropolisation. Les étapes de la ségrégation visibles sur les différents quartiers dela ville suivent presque toutes les mêmes périodes de la croissance urbaine décrite par lemodèle de cycle de vie urbain. Ce dernier identifie quatre étapes dans la croissance dela ville, selon le principe des économies/déséconomies d’agglomération : une urbanisationcaractérisée par une croissance généralisée de la population ; une suburbanisationmarquée par une croissance plus élevée en périphérie qu’au centre ; une désurbanisationse traduisant par une diminution de la population du centre au profit de la périphérie et enfinune réurbanisation marquant un retour des populations au centre (Van Den Berg, 1987 ;Camagni, 1996). Ce même principe peut être appliqué pour expliquer la ségrégation spatialedes ménages (Anas, 2007 ; Glaeser et Gottlieb, 2006) comme nous le verrons par la suite(2.3). Toutefois, certaines villes peuvent connaître à la fois un étalement urbain et un retourau centre des populations. Tout se passe comme si chaque zone de la ville fonctionnaitselon son propre cycle de vie. Alors que les parties les plus périphériques s’urbanisenten accueillant les classes moyennes, d’autres zones particulières de la banlieue sedésurbanisent en maintenant les populations les plus pauvres et le centre se réurbanise

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en accueillant les classes les plus favorisées. En résumé, les territoires les plus pauvress’appauvrissent et les territoires les plus riches s’enrichissent et s’étalent sur les territoiresdes classes moyennes poussant ainsi leurs populations plus loin vers les périphéries.La croissance permanente de la ville à travers ses forces contradictoires, centripèteset centrifuges, s’accompagne d’un processus dynamique de ségrégation donnant à toutmoment l’image d’une ville divisée entre espaces qui gagnent et espaces qui perdent. Lamétropolisation, à travers la ville globale, accélère cette ségrégation et rend plus visible cecontraste entre territoires mondialisés et territoires de misère. Elle n’est pas seulement undouble phénomène de concentration et d’étalement urbain mais aussi de ségrégation socio-économique (Sassen, 1996 ; Mignot, 2000 ; Buisson et Mignot, 2005 ; Puissant, 2006 ;Gaschet et Lacour, 2008).

2. Les déterminants de la ségrégation spatiale : quelrôle de la forme urbaine ?

La complexité des études qui traitent de la ségrégation réside dans le fait que sescauses et ses effets ne sont pas uniquement extérieurs. Le phénomène est dynamique ets’auto-alimente. De plus, les mécanismes qui peuvent l’expliquer ne sont pas seulementéconomiques mais correspondent aussi à des comportements individuels et collectifs,interagissant avec différentes échelles spatiales (Friedrichs et al. 2003).

L’objectif de cette partie est d’identifier à partir de la littérature les principauxdéterminants de la ségrégation socio-spatiale. Tout d'abord, nous consacrons la premièrepartie aux causes macro-économiques de la ségrégation à savoir la croissance économiqueet son inscription spatiale, les dynamiques urbaines et métropolitaines mais également lesmacro-agents et les politiques publiques (2.1). Ensuite, nous présentons la ségrégationcomme conséquence spontanée du fonctionnement du marché foncier et immobilier àtravers le modèle monocentrique (2.2). Enfin, nous nous focalisons sur l’importance despréférences individuelles des ménages et des externalités spatiales qui permettent, parailleurs, de dépasser l’hypothèse d’homogénéité de l’espace (2.3). Cela nous permet in finede préciser la problématique et les différents questionnements de la thèse.

2.1. Métropolisation et rôle des macro-agentsLa ségrégation, et la polarisation sociale, est considérée comme une conséquenceinéluctable du processus de métropolisation à travers les changements du système productifet de la globalisation de l’économie (Sassen, 1996) mais aussi des mécanismes urbains delocalisation des activités et des populations. S’il y a consensus des différentes disciplinesderrière le rôle des mécanismes urbains et notamment fonciers dans le renforcement de laségrégation, son origine est souvent attribuée à des macro-agents à travers des politiquesinstitutionnelles ou des politiques visant à la modification de l’usage du sol. Même le lienentre la ville globale de Sassen et la ségrégation socio-spatiale est parfois contesté pardes travaux considérant que cette dernière est plutôt la résultante des politiques publiques(Hamnett, 1994, 1996 ; Dielman et Hamnett, 1994).

2.1.1. De l’hypothèse de la convergence à la métropolisation

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A cette échelle globale, l’analyse de la ségrégation spatiale retrouve la théorie de laconvergence à l’échelle intra-nationale. Il s’agit en réalité de l’hypothèse de la divergencequi renforce l’idée d’une croissance économique polarisante et sélective, comme l’a déjàsouligné François Perroux (1961) à travers ses pôles de croissance. « Au delà de l’ambiguïtéde la notion de pôle de croissance, et de la difficulté de définir a priori ces pôles,nous retenons l’idée que cette croissance, qui apparaît en certains points, est sélectiveet ségrégative » (Mignot, 2000, p.60). La ségrégation serait alors la conséquence d’unphénomène global de croissance économique et de métropolisation.

2.1.1.1. Convergence/divergence des économies ?Tout d’abord, l’hypothèse de la convergencepeut être analysée entre les pays. Elle reposesur l’idée selon laquelle les économies des pays pauvres doivent rattraper celles des paysriches à cause des rendements d’échelle décroissants. Les pays à faible revenu ont unpotentiel de développement élevé alors que les pays à revenu élevé ont déjà atteint unniveau (par rapport au sentier d’équilibre de Solow) qui rend difficile d’augmenter encore larichesse. Bien qu’ilexiste une certaine convergence entre les pays à revenu élevé à travers

le rattrapage, dans la deuxième moitié du 20e siècle, des États-Unis par les pays de l’Europede l’Ouest, la tendance à long terme entre les pays riches et les pays pauvres est plutôt à ladivergence et cela depuis 1820 (Madisson, 1997). La convergence entre pays de niveauxde richesse très éloignés au départ n’a rien d’automatique. En Europe, les chiffres du PNBpar habitant du siècle dernier (1800-1913) que nous fournit Paul Bairoch (1997), montrent àla fois une croissance économique générale mais surtout une croissance inégalitaire entrepays notamment par rapport à la distance au Royaume-Uni : « les écarts internationauxse creusent progressivement et atteignant un rapport de 1 à 4 entre les nations les plusriches et les plus pauvres … au fur et à mesure que l’on s’éloigne du Royaume-Uni, ledéveloppement est moindre » (Combes et al. 2006, p.13-14).

Si la littérature sur la convergence/divergence macroéconomique est concordantesur la croissance des inégalités entre revenus moyens des pays, la pondération par lapopulation de chaque pays montre une baisse des inégalités (Bourguignon et al. 2004).Cette pondération, tout à fait justifiée, signifie que les individus de chaque pays ont le mêmerevenu. Ce qui pose des problèmes de mesure liés à la taille et à l’hétérogénéité des payscomme la Chine et l’Inde. La croissance spectaculaire de l’économie chinoise depuis ledébut des années 1980, à l’origine du rattrapage, est accompagnée par une croissance desinégalités entre populations et territoires du même pays.

L’hypothèse de la convergence peut concerner l’analyse des inégalités entrepopulations et territoires à l’intérieur du même pays. C'est surtout à partir des années1970 que cet intérêt pour la convergence se renforce autour de la courbe empirique(U inversé) de Kuznets (1955) qui montre que la distribution des revenus devient plusinégalitaire avec la croissance du revenu des populations (divergence) avant de stagnerpuis baisser avec le revenu (convergence). Kuznets explique cela par le mouvement de lamain d’œuvre de l’agriculture et des zones rurales vers les secteurs industriels des zonesurbaines qui conduit, dans un premier temps, à une augmentation des revenus et à unecroissance des inégalités puis à un resserrement des écarts au fur et à mesure qu’unegrande partie de la population devient urbaine. Cette hypothèse est très critiquée car ellereste associée à un certain optimisme des Trente glorieuses marquées par les importantsgains de productivité. Avec les mutations des économies, les changements des systèmesproductifs et la mondialisation, les inégalités ne peuvent se réduire d’une manière endogène

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avec le seul développement économique. Ce qui nécessite la mise en place au niveaunational de politiques redistributives notamment à travers l’impôt (Piketty, 1997).

A l’échelle spatiale, l’hypothèse de la convergence s’appuie sur la courbe en clochede Williamson (1965). En analysant les disparités inter-régionales entre plusieurs pays enfonction de leur niveau de développement économique et des évolutions au sein du mêmepays, Williamson met en évidence une phase de croissance, une phase de stagnation puisune phase de décroissance à partir des années 1950. Il se trouve qu’à partir des années1980, la reprise des inégalités a mis fin à la période de décroissance de cette courbe.Reste à savoir si cette quatrième phase représente une partie d’une courbe sinusoïdalecomme le suggère Piketty (2006) à l’échelle individuelle. La croissance économique et ledéveloppement de l’emploi et des richesses se fait d'une manière inégalitaire et polariséeen privilégiant certains territoires de l’espace urbain en fonction des économies externesliées à la concentration d’activités (agglomération, accès au marché et aux services…).Cette situation nécessite des interventions successives des politiques publiques pourgarantir des équilibres stables provisoires. Les politiques d’aménagement du territoire vontdans ce sens en compensant les espaces à l’écart du développement par des politiquesd’équipement susceptibles d’accompagner la croissance. Enfin, la réponse à la question dela convergence des inégalités en l’absence d’une intervention est loin d’être achevée (Santi,1995) notamment à l’échelle intra-métropolitaine où les travaux sont rares par rapport àl’échelle régionale ou nationale (Mignot et Aguiléra, 2004).

Il semble nécessaire d’associer l’échelle spatiale à l’échelle individuelle pour mieuxcomprendre les articulations entre les deux types d’inégalité, encore faut-il disposer dedonnées qui soient adaptées (Cf. chapitre 2). L’analyse de la croissance des inégalitésspatiales en fonction du revenu moyen communal (avant redistribution et avec pondération)à plusieurs échelles en France confirme la permanence de la divergence depuis lesannées 1980 (Cf. chapitre 3). Derrière cette divergence et polarisation, il y a des effetsauto-entretenus de revenu et de demande, des effets d’entrainement et de compétitivitéliés à la croissance des activités métropolitaines supérieures (Catin, 1997, p.587). Lamétropolisation exerce un effet polarisateur en permettant aux régions les plus riches desgains de productivité les plus élevés (Catin, 1997 ; Mignot, 2000). Avec la métropolisationet la concurrence entre les villes internationales, les inégalités mondiales sont perceptiblesà l’échelle du même pays voire de la même métropole. La ségrégation spatiale,comme phénomène urbain multi-échelle, est naturellement abordée sous l’angle de lamétropolisation à travers ses composantes économique et spatiale.

2.1.1.2. Métropolisation et ségrégation spatialeLa ségrégation spatiale est la traduction spatiale des inégalités socio-économiques dans laville globale. Elle est également le résultat des interactions des phénomènes proprementintra-urbains de concentration, d’étalement urbain et de reconcentration des populations etdes activités.

La ségrégation est la traduction spatiale des inégalités de la ville globale. Le lienentre métropolisation et polarisation sociale fait référence au concept de ville globale deSassen (1996). La globalisation qui marque l’ensemble de la planète s’observe à l’échelleintra-urbaine de certaines villes, et plus particulièrement New York, Londres et Tokyo.La métropolisation n’est autre que l’inscription spatiale de la mondialisation (Lacour etPuissant, 1999) qui à son tour « sépare ceux qui s’adaptent au monde et ceux qui nele peuvent pas, et elle nous contraint à nous montrer moins solidaires pour faire face àl’ouverture de l’économie » (Fitoussi et Rosanvallon, 1997, p.122). Elle touche les grandes

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Chapitre 1 : Les enjeux de la ségrégation spatiale

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villes à travers le processus de « concentration des activités les plus dynamiques et deshommes les plus qualifiés dans les plus grandes villes » (Buisson et al. 1995). Il s’agit desmétropoles qui gèrent la globalité à travers les exigences de leurs activités supérieures decommandement11, de coordination et de commutation de l’économie globale. Cela avivela concurrence mondiale (Lacour et Puissant, 1999 ; Bourdeau-Lepage et Huriot, 2005)autour de la création, la captation et la diffusion d’activités et d’innovation des Clusties(Lacour, 2008) mais aussi le contraste entre une population huppée (main d’œuvre qualifiée,clientèle richissime et flyover) et une autre population ordinaire, pauvre ou dangereuse.Cette dualité sociale se traduit par la capacité de ces villes à concentrer et gérer les fonctionsurbaines supérieures et à polariser et exclure une grande partie de la population. A cotéde l’accentuation des richesses, des centres de décision, des laboratoires d’innovationet des lieux de la haute finance, il y a également la misère et l’insécurité. La ville dualetraditionnelle, avant d’être capable d’articuler le global et le local (Bourdeau-Lepage etHuriot, 2005), est la traduction d’un espace urbain où le niveau de ségrégation est à sonsommet, car elle distingue deux groupes socialement opposés12. La dualité dans la villeglobale ou informationnelle réside, selon Castells (1989), dans l’opposition entre territoiresde polarisation des activités de l’économie informationnelle branchés à l’espace des fluxet les autres territoires des activités banales et autonomes qui constituent l’espace deslieux. Au-delà de l’ambigüité de ces deux notions, cette distinction tend à sous-estimer lerôle de la proximité physique au sein même de l’espace des flux. L’étude de la ségrégationsociale ne concerne selon Castells que l’espace des lieux et ne peut pas être adaptée dansle cadre de la ville duale (Pflieger, 2006). Pourtant, la gestion de l’espace des flux se faitdans des territoires occupés par les grandes firmes et l’élite sociale n’est pas sans effet surune ségrégation socio-spatiale qui traverse l’ensemble de la ville. Les cadres des grandesfirmes et les activités supérieures dans la ville globale qui sont acteurs dans l’espace desflux occupent et dominent l’espace des lieux : « La troisième strate importante de l’espacedes flux concerne l’organisation spatiale des élites gestionnaires dominantes qui exercentles fonctions de direction autour desquelles cet espace s’articule » (Castells, 1998, cité inPflieger, 2006, p. 324). Derrière ces points de vue divergents, se pose la question de la

11 De ce strict point de vue, la métropolisation n’est pas un phénomène nouveau. De Tocqueville le signale depuis le 18èmesiècle, à travers l’exemple de Paris, même si l’urbain représentait encore la minorité du territoire : « Dès 1740 Montesquieu écrivait àun de ces amis : Il n’y a en France que Paris et les provinces éloignées, parce que Paris n’a pas encore eu le temps de les dévorer » (DeTocqueville, 1952, p.147). Cet auteur mettait en avant la nature du gouvernement plus que la taille de la ville. Les travaux sur l’ancienrégime montrent que Paris et les espaces urbains ne regroupaient qu’une faible part de la population : «Nous savons que le faiturbain était largement minoritaire. Paris n’atteignit le demi-million qu’au XVIIIe siècle, et ne groupa guère plus de 2% des français ;six villes entre soixante et cent mille âmes, une dizaine autour de trente ou quarante mille, moins de cinquante autour de dix-quinzemille, quelques douzaines de gros marchés et de petits centres administratifs : le total arrive difficilement à 3 millions de personnes, àpeine 15% des français.» (Goubert, 1969, p.191), mais cette minorité urbaine dominait déjà l’ensemble du pays : « Mais il est sûr quel’importance des villes ne dérive pas du nombre de leurs habitants. Elles ont pris, de plus en plus, la direction du royaume. Elles enconcentrent les richesses, les talents, tout ce qui brille, tout ce qui compte, tout ce qui détient le pouvoir, la puissance et la culture. Laminorité urbaine domine. » (Goubert, 1969, p.191). Même si l’urbain est loin d’être la minorité aujourd’hui, c’est toujours une minoritéde l’urbain qui domine.

12 Cette question n’est pas nouvelle et dans un entretien avec Pflieger (2006, p.68), Manuel Castells cite à titre d’exemplele travail de Zorbaugh (1929) de l’école de Chicago : « j’ai été fasciné par le travail de Zorbaugh qui, en 1929, explicite toute laproblématique de la ville dualisée, la coexistence de deux cultures à Chicago, entre l’opulence et la pauvreté. Ce travail reste unmodèle pour comprendre la séparation spatiale et culturelle des catégories sociales et l’absence de communication entre les deux.Il reste extrêmement utile pour comprendre les problèmes de ségrégation et d’intégration sociale, qui restent fondamentaux dansnotre société. » .

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définition de la ségrégation, de la population concernée et de la distinction entre l’état et leprocessus, qu’il convient de préciser (Cf. chapitre 2).

D’autres travaux contestent ce lien ambigü entre l’évolution du système productif etl’évolution de la répartition des groupes sociaux (les actifs exclusivement) dans la ville(Hamnett, 1994). En insistant sur le contexte politique de chaque pays, ils considèrent quela nature et les causes de la polarisation avancées par Sassen à travers ses travaux surNew York et Los Angeles ne sont pas nécessairement applicables à d’autres villes globales(Hamnett, 1996). Si Sassen se focalise sur l’économie, les emplois et la population active,c’est parce que le pouvoir économique domine le pouvoir politique (Bourdeau-Lepageet Huriot, 2005) et que les inégalités ne sont pas tant entre actifs et chômeurs (mêmeindemnisés) mais au sein de la même catégorie d’actifs.

Pour expliquer l’accroissement des inégalités intra-groupes qui sont à l’origine dulien entre la métropolisation (traduction spatiale de la globalisation) et la ségrégation,Krugman (1996) et Cohen (1997) soulignent le rôle du progrès technologique. A coté desinégalités traditionnelles inter-groupes (des travailleurs sans diplôme qui s’appauvrissent etles autres qui s’enrichissent), Cohen (1997, p.85) met en évidence de nouvelles inégalitésqui apparaissent au sein du même groupe socio-culturel, ce 0qui crée un appariementsélectif où « les meilleurs vont ensemble ; les médiocres aussi » 13. Les écarts de salairesau sein de la même catégorie des cadres est illustratif. En insistant sur l’aspect quantitatif,Krugman (1996) montre que les technologies de l’information permettent à travers un effetde masse d’élargir l’influence de certains individus et de creuser les écarts de revenu àl’intérieur de la même profession. Quand les personnes plus talentueuses utilisent cestechnologies d’information pour vendre plus de quantités de leur travail, cela se traduit parun « effet superstar » (Rosen, 1981).

La concentration de ces personnes sur les mêmes territoires est certainement à l’originedes forts niveaux d’inégalité et de ségrégation observés dans des villes globales commeNew York (Kim et Jargowsky, 2005). La répercussion dans l’espace de la mondialisationde l’économie et des nouveaux systèmes productifs, par le besoin toujours et encorede proximité physique (Bourdeau-Lepage et Huriot, 2005), rend plus visible la dualité etl’éclatement des inégalités au sein de la métropole mais aussi entre la métropole et le restedu territoire voire d’autres villes à travers la métropolarisation14 (Julien, 1995). Il y a donc unlien entre la métropolisation et la ségrégation spatiale par la concentration socioéconomiquedans des lieux spécifiques et nécessaires pour gérer la globalité (Puissant, 2006).

A coté de l’effet de dualisation, l’impact de la métropolisation sur la ségrégation (lamétro-ségrégation : Lacour, 2008) est renforcé par un effet de masse et de taille (quenous confirmons dans le chapitre 3) ; un effet d’addition et de cumul des « risques »et des handicaps ; un effet de concentration géo-spatiale ; un effet de reconstructionet de rénovation urbaine et un effet de localisation spécifique (ZEP, ZUS…), nécessaireet stigmatisant (Lacour, 2008, p.37). Les travaux de sociologues le montrent bien« Le développement social est, quant a lui, stigmatisant et accentue de ce fait laségrégation » (Juan, 1997, p.61). C’est justement l’absence de certains de ces effets,

13 Il explique cela par la théorie du « O-Ring » (référence au joint défaillant à l’origine de l’explosion de la navette spatialeChallenger qui a couté la vie des passagers, plusieurs milliards à la NASA et le travail de plusieurs équipes) où le moindredysfonctionnement d’une partie menace toute la production. Pour éviter de tels risques dans ce type de production, l’exigence entermes de qualification et talents des actifs et la concurrence qui en résulte sont maximales.

14 Par son attractivité et son influence économique, politique et culturelle à l’échelle régionale, cette métropole construit unréseau de villes qui renforce la polarisation socio-spatiale comme cela peut être le cas autour de la métropole parisienne.

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Chapitre 1 : Les enjeux de la ségrégation spatiale

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notamment le dernier, qu’on reproche à la thèse de la polarisation sociale dans la villeglobale de Sassen. « The weakness of the thesis which sees global city problems asinevitable is that it takes little or no account of the urban social and political context, andlargely ignores both the structure and funding of the welfare state and the structure and roleof the planning system » (Hamnett, 1996, p.109).

La ségrégation est aussi le résultat des dynamiques intra-urbaines.Lamétropolisation s’inscrit dans une autre perspective, celle de l’exacerbation de phénomènesliés à l’urbanisation comme processus complexe (Lacour, 2008). A travers l’image d’uneville à plusieurs vitesses (Cf. 1.2) qu’elle donne, la métropolisation en tant que produitdes dynamiques intra-urbaines est caractérisée par plusieurs processus de concentration,d’étalement urbain, de gentrification mais aussi de ghettoïsation et de ségrégation. Sila concentration et l’étalement urbain des populations et des activités sont a priori desphénomènes quantitatifs, la ghettoïsation et la ségrégation sont aussi qualitatifs dans lamesure où l’accent est mis sur le type de population. La gentrification, en faisant référenceà une reconcentration au centre et un embourgeoisement, regroupe les deux dimensionsqualitatives et quantitatives. La complexité des liens entre ces différents phénomènesréside dans le fait qu’ils sont souvent la conséquence simultanée des mêmes mécanismesde localisation des populations et des activités. L’identification de l’effet des dynamiquesd’étalement urbain ou de gentrification sur la ségrégation spatiale devient un exercicedifficile.

Si l’existence du lien entre étalement urbain et ségrégation semble évidente,notamment dans la littérature américaine, la nature de la relation est complexe et peutdépendre de facteurs communs. Par exemple dans les villes américaines, le préjudice racialest à l’origine à la fois de la fuite du centre, de la ségrégation spatiale et de l’étalementurbain. La suburbanisation des populations, à travers le flight from blight et grâce à l’accèsaux infrastructures routières et à la voiture(Mills et Mieskowsky, 1993), a permis de garantirla séparation résidentielle entre les blancs et les noirs. L’étalement urbain n’est qu’unélément permissif de la séparation physique tout comme les murs qui divisent les villes pouréviter la proximité inéluctable et gênante. La suburbanisation des emplois et l’émergencede vraies villes en périphérie (Garreau, 1991) a renforcé cette séparation et conduit àl’isolement des populations noires du centre par rapport aux activités périphériques. Nousretrouvons ici l’origine de l’hypothèse du Mauvais Appariement Spatial et la ségrégationspatiale qui peut être analysée dans le cadre du modèle monocentrique classique del’économie urbaine ou avec externalité supposant la préexistence d’une hétérogénéitéspatiale. La déconcentration des populations et des activités, dans sa forme dispersée ouconcentrée, renforçant la ville en périphérie et conduisant au déclin du centre traditionnel,semble ainsi ségrégative. La forme polycentrique de la croissance urbaine a renforcé laségrégation raciale mais aussi socio-économique (Cf. chapitre 5). La ségrégation spatialedes populations est également liée à la concentration et à l’étalement urbain des activités.

Dans le paradigme de concurrence monopolistique/rendements croissants (Krugman,1991, cité in Thisse, 2002, p.16), l’installation d’une nouvelle firme avec ses travailleursdans une région a deux effets opposés. Elle augmente le revenu et la demande (effet taillede marché). Ce qui conduit à accroître les profits et à augmenter l’attractivité de la régionde destination (forces centripètes). Elle provoque également une concurrence plus vive surle marché régional (effet de compétition), déprimant les prix et rendant la région moinsattractive (forces centrifuges). Si le premier effet domine le deuxième, la région continueraitd’attirer les entreprises et les emplois à travers un effet boule de neige conduisant à unepolarisation spatiale. Avec la dominance des forces centripètes face aux forces centrifuges

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favorisée par la baisse des coûts de transports à l’échelle régionale (Krugman, 1998), cettepolarisation spatiale devient irréversible. Même si, sous certaines conditions, un processusde re-dispersion est susceptible de s’enclencher (Thisse, 2002). A travers le constat d’unecroissance éclatée des villes, Mignot (2000) met en évidence deux tendances lourdes dela métropolisation, celle de la concentration des firmes et leur étalement urbain, et souligneles enjeux d’une ségrégation caractérisée par l’inéluctabilité des disparités territoriales.

A l’échelle intra-urbaine, la concentration favorise également le niveau le plus élevé dela hiérarchie urbaine (Buisson et al. 2005). L'étalement urbain ne doit pas être interprétécomme la mort de la ville (Glaeser, 1998) mais comme une forme de croissance urbainefavorisant la promotion de la ville hors la ville (Puissant, 2006). En France, le centrehistorique garde son rôle important et se renforce, même si on constate un éclatement dela centralité (Gaschet et Lacour, 2002) et l’apparition de pôles périphériques bien situés lelong des axes de transport (Aguiléra et Mignot, 2003). Les tendances actuelles de retourau centre et de gentrification observées sur les zones centrales de certaines villes sont lapreuve d’une métropolisation qui accepte les retournements (Lacour, 2005). Après le déclin,on parle aujourd’hui de résurgence tout en soulignant l’importance des aménités dans uneville tournée vers la production et la compétitivité mais également vers la consommationet l’attractivité (Glaeser et al., 2001 ; Glaeser et Gottlib, 2006 ; Cheshire, 2006 ; Davezies,2008).

La gentrification est étroitement liée à la ségrégation puisqu’elle se traduit parla transformation de la structure sociale des quartiers pauvres ou ouvriers en attirantdes jeunes cadres et des populations riches. Ce processus est souvent lié à desopérations de rénovation urbaine, mais il est d’abord le résultat de l’arrivée des activités deservices supérieurs (banques, restaurants chics et boutiques de luxe) qui ont remplacé lespopulations modestes et les activités banales (petits commerces) dans la ville globale deSassen. Ce type d’opérations est stimulé par la croissance du prix du foncier et la recherchede nouveaux espaces de production, d’une part, et par les caractéristiques de la populationelle-même à travers les préférences pour la consommation des aménités centrales, laqualité de vie et les relations sociales, d’autre part. Par exemple, dans la ville de Lyon, iln’est pas difficile de distinguer la différence entre la gentrification du quartier Grolée (quartier

relativement aisé du 2e arrondissement et connu pour ses immeubles haussmanniens etses agences de voyages) poussée par un investissement étranger et la gentrification des

quartiers ouvriers de la Croix Rousse (situé dans le 4e arrondissement) par l’arrivée desétudiants, des classes moyennes et des jeunes cadres. Le premier cas correspond à unephase d’embourgeoisement et le deuxième renvoie à une phase de mixité sociale, mêmes’il s’agit dans les deux cas d’un processus ségrégatif.

Dans la littérature économique de la localisation résidentielle intra-urbaine, larénovation dans un contexte de gentrification est expliquée par trois facteurs de ségrégationdes ménages : lois économiques de localisation (revenu et coût de transport/demandede logement) dans le modèle monocentrique ; âge et qualité des logements ; aménités,caractéristiques et comportements de la population du quartier (Helms, 2003)15. Dans unmodèle dynamique basé sur l’âge du logement, Brueckner et Rosenthal (2009) montrent

15 “By and large, the results confirm intuitive expectations and support anecdotal accounts about the determinants of renovation,particularly as it occurs in the context of gentrification. Older, low-density houses in older, moderate-density neighborhoods are mostlikely to be renovated. Accessibility to the CBD matters: improvement is more likely in areas that are close to downtown and well-served by mass transit. Housing vacancy does not deter renovation, but nearby public housing projects do. Neighborhood amenities,including city parks and bodies of water (Lake Michigan in this case), encourage renovation activity.” (Helms, 2003, p.496).

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qu’une élimination de l’impact de la variation spatiale de l’âge du logement réduirait lesdisparités économiques des quartiers entre le centre et la périphérie des villes américainesde plus de 50 %. Ce qui demande de réduire l’âge moyen des logements au centre pourréduire la ségrégation spatiale16. La gentrification peut être considérée non seulementcomme l’anti-sprawl mais aussi comme un instrument de mixité sociale. On n’a peutêtre pas accordé assez d’importance à la ville conviviale de Beckmann (1976) et auxinteractions sociales entre tout ses habitants. Mais au-delà des vertus de la ville dense oula ville compacte vantée notamment dans le cadre du renouvellement urbain et du nouvelurbanisme, le lien avec la ségrégation sociale, même s’il est parfois mesuré (Burton, 2000),reste ambigu (Cf. chapitre 4). Il vient surtout, par ricochet, d’un rejet de l’étalement urbaindans les villes américaines. En France, les politiques de lutte contre l’étalement urbain et laségrégation spatiale sont bien distinctes, respectivement à travers l’objectif de densité et demixité sociale (Cf. chapitre 2). Ce qui pose un autre problème, celui de la conflictualité desobjectifs. Face à la double hypothèse de la gentrification (Pinçon et Pinçon-Charlot, 2004)et de la fuite des classes moyennes vers les périphéries des villes (Guilly et Noye, 2004), lespolitiques de densification des zones centrales des villes peuvent être soupsonnées d’êtreségrégatives (Cf. chapitre 4).

2.1.2. Rôle des macro-agents : politiques urbainesAu-delà du rôle des dynamiques économiques et urbaines dans le renforcement de laségrégation spatiale dans la ville contemporaine, l’impact des politiques publiques etinstitutionnelles est souvent mis en avant notamment aux Etats-Unis. Plusieurs facteurs telsque le poids de l’histoire, l’urbanisme ou la fiscalité confirment le refus puis l’incapacité decette « société d’intégration » d’assurer l’intégration de certains groupes (Puissant, 2006).Derrière le lien entre étalement urbain et ségrégation, Squires et Kubrin (2005) soulignent enamont le rôle des institutions à travers les prêts immobiliers (hypothèque à long terme) et lespratiques discriminatoires dans leur affectation (redlining). Ils insistent sur la responsabilitédes politiques publiques qui favorisent la suburbanisation et l’exclusion. Au-delà des loiséconomiques, les incitations financières et les investissements en termes d’infrastructure,en tant que macro-agents (Henderson et Mitra, 1996 ; Gaschet, 2003), encouragent lafuite des entreprises et creusent l’écart du niveau de développement entre le centre etles pôles périphériques. Les politiques du « zonage d’exclusion » dans les communespériurbaines, en fixant un seuil minimum pour la taille des lots de terrains en vente (2 000

m2 par maison, par exemple), augmentent le coût de logement et dissuadent les ménagesà faible revenu. Cette hypothèse est confirmée par d’autres chercheurs : « Intentionally orunintentionally, local exclusionary zoning regulations, which are rooted in the fragmentedarrangements of local jurisdictions, help isolate higher-income from lower-income families”(Yang et Jargowsky, 2006, p.257). La concentration des logements publics dans la seulepartie centrale de la ville renforce encore la ségrégation spatiale : « Concentration ofpublic housing in central-city high-rise complexes (many of which are now being torn down)reinforced the patterns of economic and racial segregation that persist today » (Squireset Kubrin, 2005, p.57). Cette relation peut toutefois être réversible et certaines politiquesde type Urban Containment, qui visent à contrer l’étalement urbain et favoriser une plus

16 "Our results show that, if the influence of spatial variation in dwelling ages were eliminated, central city/suburban disparitiesin neighborhood economic status would be reduced by up to 50 percent within American cities. In other words, if the housing agedistribution were made uniform across space, reducing average dwelling ages in the central city and raising them in the suburbs,then neighborhood economic status would shift in response, rising in the center and falling in the suburbs.” (Brueckner et Rosenthal,2009, p.29).

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grande équité socio-spatiale à travers la régulation de l’usage du sol, semblent réduire laségrégation résidentielle au sein de certaines villes américaines (Nelson et al. 2003 ; Kato,2006).

En France, contrairement aux États-unis, la ségrégation spatiale n’a jamais étéinstitutionnalisée (Cf. chapitre 2). En revanche, le droit public, même anti-ségrégatif, aparfois contribué à la production de la ségrégation spatiale, comme le soulignent les juristeset les urbanistes (Deschamps, 1998 ; Lelevrier, 2004). Cela dit, la spécificité historico-économique (Majnoni d’Intignano, 2004, p.134) est bien présente dans l’analyse des causesde la ségrégation spatiale. C’est la conjonction d’emplois industriels vacants qui a conduità l’importation de main d’œuvre17 des pays européens et des anciennes colonies et laconstruction des logements à proximité des usines crées dans les années cinquante-soixante. Cette population immigrée et ouvrière est d’ailleurs restée sur place après ladésindustrialisation. Cette analyse va dans le même sens d’une inscription spatiale de lamondialisation et des mutations du système productif à travers l’industrialisation dans lespays européens (Preteceille, 1995). Cela dit, la ségrégation est considérée comme unedes conséquences ou un des effets pervers des politiques des « grands ensembles » desannées 60-70, caractérisés par leur monofonctionalité et leur enclavement. C’est d’ailleursce que souligne Selod (2004, p.138) dans une étude sur la mixité sociale : « une grande partde la ségrégation spatiale s’explique par la politique de construction de grands ensemblesbâtis entre 1963 et 1977 – et qui représentent aujourd’hui plus de 50% du parc de logementssociaux – couplée à la politique de rénovation urbaine des années soixante qui a chassé unepartie de la population la plus pauvre des centres-ville ». C’est l’absence d’une approchesocio-spatiale dans l’attribution des logements sociaux entre des communes favorables etd’autres défavorables à l’accueil des populations ouvrières et immigrées qui est à l’originede cette ségrégation spatiale (Deschamps, 1998). En conséquence, les villes les plusdotées en logements sociaux sont, paradoxalement, parmi les plus ségréguées. En réalité,le logement social de type HLM qui, par sa concentration dans des banlieues conduit àdes quartiers homogènes et à la ségrégation dans les villes, peut maintenir une certainehétérogénéité au sein même de certains voisinages comme l’ont souligné Pinçon et Pinçon-Charlot (2004) sur Paris, à condition que des politiques adéquates aient été menées, afin desoustraire une partie du marché du logement à la spéculation. Cela souligne bien les enjeuxde l’échelle d’analyse et de l’échelle d’action. Si l’on considère que l’échelle pertinented’intervention des politiques est celle de l’agglomération urbaine (Fitoussi et al. 2004), iln’est pas certain que la mixité sociale doive viser la seule commune.

Avant d’affirmer le rôle des politiques dans le processus ségrégatif et leur capacité àréduire la ségrégation spatiale18, il est primordial de saisir les mécanismes économiqueset urbains de la localisation de la population. Sans cela, toute politique dirigiste reflétantnotre incapacité à comprendre le fonctionnement de la ville risque d’avoir des effets inverses(Cheshire, 2006).

2.2. La ségrégation résidentielle : conséquence du fonctionnement dumarché foncier

17 Les historiens insistent sur le rôle des périodes de croissance favorable, depuis la fin du XIXème siècle, dans l’accueil despopulations immigrées pour le motif travail mais aussi celui des crises économiques dans leur rejet (Noiriel, 1988, p.249).

18 Dans la conclusion de sa thèse en droit sur l’impact du droit public sur la ségrégation urbaine, Emmanuelle Deschamps (1998,p.411) met en avant le rôle de la situation économique : « les instruments juridiques sont nombreux, certains sont potentiellementefficaces, et pourtant l’amélioration de la situation économique reste considérée comme la seule issue valable ».

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Chapitre 1 : Les enjeux de la ségrégation spatiale

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La ségrégation résidentielle est expliquée par les lois économiques sur la localisation desménages, qui font appel à la rente foncière différentielle(Alonso, 1964 ; Muth, 1969 ; Mills,1972) qui a des racines plus anciennes dans la théorie de l’occupation productive del’espace agricole de Von Thünen proposée en 1826 (Huriot, 1994). Le ménage, compte tenude son revenu, choisit sa localisation résidentielle en arbitrant simultanément entre le coûtdu logement et le coût du transport pour accéder à son lieu de travail ainsi qu’à d’autresbiens nécessaires à la vie quotidienne, bien composite. La rente d’enchère représente leprix du sol unitaire maximal qu’un individu est prêt à payer en chaque lieu de la ville. Àl’équilibre, les ménages ayant les mêmes capacités d’enchère se retrouvent spontanémentproches les uns des autres en fonction de la distance au centre, formant ainsi une villeségréguée (Fujita, 1989 ; Fitoussi et al. 2004 ; Buisson et Mignot, 2005).

2.2.1. La localisation dans le modèle monocentriqueLe cadre théorique général de la Nouvelle Economie Urbaine (NEU) à travers « la théoriede l’espace résidentiel » (Zoller, 1988, p.73) illustre les déterminants des logiques delocalisation des ménages, en supposant que la localisation des emplois est exogène19. Ilest parfaitement adapté à la fois à l’étude de la polarisation sociale (Fitoussi et al. 2004)mais aussi à l’analyse des facteurs de leur déconcentration (Anas et al. 1998).

Ce modèle standard est basé sur des hypothèses restrictives, que des travauxsuccessifs en économie urbaine ont tenté de relâcher les unes après les autres (Yinger,2005). L’espace est réduit à la seule distance au centre de la ville (Central Business District)qui se résume, techniquement, en un point. Le sol est parfaitement homogène à l’image dela plaine de Von Thünen (pas d’aménités). Les ménages sont identiques par rapport à lataille (composition) et au nombre d’actifs, au goût (fonction d’utilité) et au revenu. Ils sontparfaitement mobiles au sein de la ville (pas de contrainte pour améliorer potentiellementleur utilité) et ils se déplacent de la même manière entre leur lieu de résidence et lelieu d’emploi (CBD). Le modèle se réduit à un anneau suburbain dont l’espace est utiliséuniquement pour résider et se déplacer par les ménages. La fonction d’utilité U du ménagedépend de la consommation d’un bien composite (z) et du nombre d’unités de logement(q). Au delà du problème classique de maximisation dans lequel le ménage décide de laquantité de logement consommée et du lieu de résidence, le point central du modèle résidedans l’émergence de l’outil analytique de la fonction d’enchère indiquant le montant qu’unménage est prêt à payer pour chaque localisation.

D’une manière très simplifiée, l’objectif de chaque ménage ayant un revenu R est dedéterminer z, q, et r (distance au centre), en maximisant son utilité sous une contrainte :

19 Pour des discussions plus fines du modèle voir : Zoller (1988) ; Fujita (1989) ; Yinger (2005).

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Figure 2 : La rente d’enchère d’équilibre

Figure 3 : Répartition des classes de revenuSource : d’après Fujita, 1989La localisation des riches (blancs) au centre et des pauvres (noirs) en périphérie n’est

pas un résultat du modèle mais une rationalisation de la situation de la ville américainebasée sur le constat d’une dominance de la force centrifuge du marché du logement. Lesriches consomment plus de sol et choisissent une localisation périphérique pour bénéficierdu faible prix du sol. Le modèle peut expliquer pourquoi les pauvres habitent au centre tantque l’élasticité de la demande de sol par rapport au revenu est supérieure à celle du coût

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marginal de transport par rapport au revenu (Papageorgiou, 1990 ; Boiteux-Orain et Huriot,2002).

2.2.2. La répartition des groupes de revenu dans l’espace résidentiel

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Le modèle monocentrique offre une bonne explication économique à la formation dela ville polarisée sans toutefois préciser sa forme spatiale20, mais contrairement à d’autresphénomènes tels que l’étalement urbain (expliqué principalement par l’augmentation durevenu et la baisse du coût de transport) il ne peut pas expliquer à lui seul l’originede la ségrégation spatiale. Certains travaux, dans la lignée des thèses sociologiques,supposent par exemple que le marché foncier est plutôt une conséquence de la ségrégationselon qu’il s’agit d’une valorisation ou d’une dévalorisation de l’usage du sol (Grannelle,2004). L’environnement social et la qualité du voisinage sont des facteurs de valorisation/dévalorisation. Le test de cette hypothèse à partir de l’équipement de transport à Lyonmontre un impact positif sur les prix immobiliers (Beckerich, 2001 ; Deymier, 2006). Lemarché foncier est donc à la fois cause et conséquence de la ségrégation résidentielle.L’avantage des thèses sociologiques est de montrer que la ségrégation spatiale dépasselargement les phénomènes de marché qui prévoient mal le long terme, et que l’urbanisationdes terrains neufs ou le renouvellement des terrains urbanisés sont souvent attribués

20 « Il arrive souvent qu’un problème de localisation ait bien une solution dans l’espace économique sans avoir decorrespondance dans l’espace physique et concret de la ville… » (Derycke, 1992, p.170).

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aux macro-agents. En revanche, les thèses économiques illustrent bien le fonctionnementhabituel du marché, une fois une certaine structure de l’usage du sol établie. Il y a donc d’unecertaine manière une séquence dialectique usage- prix- usage (Grannelle, 2004, p.94). Enmodifiant l’usage du sol de l’habitat et de l’emploi, les formes de croissance urbaine del’étalement urbain et du polycentrisme influencent la ségrégation spatiale (Cf. chapitre 4 et5, respectivement). La forme urbaine joue sur la ségrégation spatiale à travers l’usage dusol (Galster et Cutsinger, 2007).

Finalement, la ségrégation spatiale n’est pas uniquement le résultat de l’ensembledes choix individuels guidés par la contrainte du marché mais aussi la conséquence decomportements individuels et collectifs extérieurs au modèle : « an urban model does notdetermine where a household lives; instead, it determines what the price of housing wouldhave to be for the people who live at each location to be content to stay there. Somethingoutside the model, such as idiosyncratic preferences for housing or location, must controlwhich households end up at each location» (Yinger, 2005, p.11). Des modèles plus récentsremplacent la plaine homogène et isotope par un espace hétérogène avec des externalitéspositives et négatives liées à l’interaction des individus entre eux ou avec l’espace pourexpliquer les phénomènes d’étalement urbain (Anas et al. 1998 ; Brueckner, 2000) et/oude la ségrégation spatiale (Brueckner et al. 1999 ; Brueckner et Rosenthal, 2009 ; Glaeseret al. 2008).

2.3. La ségrégation spatiale : résultat des préférences individuellesSelon la littérature, nous pouvons distinguer deux types de préférences souvent combinéesdans la réalité : celles liées à la présence des aménités locales et celles attachées auxexternalités, positives et négatives, liées aux interactions sociales.

2.3.1. Les préférences pour les aménités spatialesLa relation entre biens publics locaux et ségrégation vient selon Tiebout (1956) despréférences des ménages pour les aménités locales, telles que les bonnes écoles, lestransports en commun, et les autres équipements publics. La localisation des individus ayantles mêmes préférences pour les mêmes aménités locales peut conduire à des espacesrelativement homogènes. En supposant qu’ils connaissent parfaitement la fiscalité de lacommune et de l’offre en biens publics et qu’ils sont parfaitement mobiles, les ménages àrevenus similaires tendent spontanément à vivre dans la même commune. C’est le principedu « vote avec les pieds ». Au-delà des questions concernant la portée du modèle de Tieboutsur des contextes différents de celui des États-Unis, ce dernier a permis de montrer quela mobilité résidentielle est révélatrice des préférences des ménages pour les aménitésspatiales qui enfin de compte peuvent conduire à une ségrégation par le revenu et à laformation de clubs.

Des extensions du modèle de Tiebout ont été intégrées dans certains modèles dela Nouvelle Économie Urbaine (Derycke, 1992). Des modèles plus récents intègrent lapréférence des ménages pour les aménités urbaines dans leur choix de localisation.Brueckner et al. (1999) expliquent la différence de configuration riches/pauvres entre Pariset Détroit par la perception différente des aménités centrales et périphériques par lesménages. Les trois auteurs soulignent trois types d’aménités qu’ils distinguent en deuxcatégories :

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∙ Les aménités naturelles sont générées par les caractéristiques topographiques d’unezone (rivières, collines, littoral etc.), tandis que les aménités historiques représententles bâtiments, monuments, parcs et d’autres infrastructures urbaines de qualitéesthétique appréciée par les habitants de la ville et souvent liées à des décisionspolitiques anciennes. Ces deux types d’aménités sont principalement exogènes etpeuvent être considérées comme des déterminants de la localisation des différentesclasses de revenu. Les riches choisissent le centre de Paris parce qu’il offre plusd’avantages en termes d’aménités exogènes et plus particulièrement les aménitéshistoriques par rapport à la périphérie, contrairement à Détroit où aucune forcecentripète ne vient contrebalancer les préférences des riches pour les aménitésnaturelles qui augmentent avec la distance au centre.

∙ Les aménités modernes peuvent contenir l’ensemble des restaurants, théâtresou des équipements sportifs modernes tels que les piscines ou les terrains detennis. Elles sont endogènes car elles dépendent en grande partie des conditionséconomiques du quartier et notamment du revenu de la population. Leur localisationest la conséquence de la répartition des différents groupes de revenu plutôt quel’inverse : « the level of the public good depends critically on the characteristics ofthe local population that is being served by public expenditures on the good – givingrise to local peer and neighborhood externalities that shape the true local publicgood levels » (Nechyba et Walsh, 2004, p.188). Ces aménités peuvent être liées auxaménités historiques à travers les opérations de rénovation des quartiers centraux, etrenforce la préférence des riches pour ces quartiers, comme c’est le cas pour Paris.

Prenons l’exemple de l’école. En France, la qualité et la réputation d’une école est liéeà la qualité de l’enseignement, qui ne dépend pas uniquement du niveau de dépensesassuré a priori par le secteur public, mais aussi au public fréquenté. Ces deux facteurssont interdépendants. Le manque de certaines filières, l’expérience et l’instabilité desenseignants dans certaines écoles, notamment dans des zones périphériques, remettenten cause la qualité de l’enseignement. La proportion d’enseignants de plus de trente ansou ayant moins de deux ans d’expérience dans les établissements en ZUS, par exemple,est sensiblement plus faible qu’ailleurs (ONZUS, 2004). Les profils des enseignants sontdifférents selon que le quartier est socialement favorisé ou défavorisé. Alors que les secteursles plus favorisés de l’Île-de-France disposent de 43 % de professeurs agrégés et de 48 %de professeurs âgés de 50 ans et plus, les secteurs moins favorisés ne comptent que 21 % et17 % respectivement (Maresca et Poquet, 2003). Ceci étant, c’est la composition sociale desécoles qui auto-entretient la ségrégation spatiale. Même si les questions de l’économie del’éducation sont en général sous-exploitées en France par rapport aux pays anglo-saxons,les familles donnent une place importante à l’école et la compétition commence dès l’écoleprimaire21 et avant l’entrée en sixième (Maurin, 2004 ; Caille et Rosenwald, 2006). Le lienentre le lieu de résidence et le lieu de scolarisation à travers « la carte scolaire » renforceencore la ségrégation sociale sur l’aire de recrutement.

Les études empiriques en France ont plus tendance à expliquer la ségrégation spatialepar les préférences pour un environnement social favorable que par la présence desseuls équipements publics. Certains équipements, notamment culturels, sont parfois plusnombreux dans des communes populaires par rapport aux autres communes sans quecela n’attire les ménages favorisés. C’est bien évidemment la composition sociale de ces

21 La différence de prix des logements entre certaines aires de recrutements scolaires adjacents appartenant parfois à la mêmerue est révélatrice de l’importance de la qualité d’enseignement de l’école et son niveau de réussite dans le choix de localisation(Maurin, 2004).

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communes qui fait fuir ou au moins n’attire pas. « La recherche de ‘l’entre-soi’ semble difficileà confondre avec celle des meilleures infrastructures » (Maurin, 2004, p.31).

2.3.2. Les préférences pour les interactions socialesLe besoin d’interaction est à l’origine de l’agglomération. Les études récentes soulignent laportée des interactions sociales dans l’espace, qui représentent selon certains chercheursl’avenir de la recherche dans les sciences sociales (Glaeser, 2000 ; Glaeser et al. 2002).Cela dit, cette même ville qui rassemble peut également séparer selon le type despréférences des ménages. Si chaque individu considère que la proximité des ménagesfavorisés est avantageuse et/ou la proximité d’un ménage défavorisé est désavantageusealors la meilleure réponse serait une ségrégation spatiale. La seule recherche desexternalités positives ou bien l’aversion pour les externalités négatives peut conduire à dessituations de ségrégation spatiale.

2.3.2.1. La recherche des externalités positives : l’entre-soiL’avantage comparatif des villes est la réduction des coûts d’interaction à travers laproximité. Si le concept des économies d’agglomération était utilisé en principe pourexpliquer la concentration des firmes, il peut également être mobilisé pour comprendre laségrégation spatiale des populations. « Cities are not just about production. (...). Just asthe elimination of transport costs between firms improves productivity, eliminating transportcosts between people can radically alter social life» (Glaeser et Gottlieb, 2006, p.1287). Ilexiste des économies d’agglomération (d’échelle) si la proximité des agents économiquespermet de réduire les coûts (Anas, 2007). Certains individus du même groupe choisissent devivre à proximité l’un de l’autre pour profiter des différentes formes de solidarité et d’entraide(circulation d’informations, garde d’enfants mutuelles…). Ce type de réseau est primordialpour certaines populations notamment dans les quartiers pauvres, mais pas seulement. Ilconstitue ainsi un facteur d’attachement au voisinage grâce au développement des liensintenses basé sur la proximité et la réciprocité. On retrouve ici l’autre sens de la relationentre le capital social et la ségrégation spatiale abordée dans la première partie.

Une importante littérature dans la lignée de Clark (1986, 1988) fait référence àcette relation pour expliquer la ségrégation spatiale des minorités ethniques, à l’opposéde l’hypothèse de discrimination défendue par Galster (1988, 1989). Pour tester ceshypothèses, Cutler et al. (1999) s’appuient sur la relation entre le niveau de ségrégationet la différence de prix de logement entre les noirs et les blancs. La ségrégation sur lelogement serait le résultat des préférences des blancs si son augmentation est associéeavec une diminution de la différence de prix de logement entre noirs et blancs. En revanche,elle serait la conséquence d’une discrimination et/ou une préférence des noirs pour desquartiers noirs si son augmentation est accompagnée par une croissance de la différencede prix entre noirs et blancs. Après une régression sur 237 aires métropolitaines, ils trouventun coefficient négatif et statistiquement significatif, montrant ainsi que cette ségrégation estle résultat des préférences des populations blanches qui sont prêts à payer plus pour habiterdes quartiers de blancs. D’autres chercheurs insistent sur l’effet des préférences des noirs(auto-ségrégation) sur le renforcement de la ségrégation même s’il est faible (Ihlanfeldt etScafidi, 2002). Ils soulèvent tout de même la difficulté de distinguer ces préférences pourl’auto-ségrégation de la discrimination (le choisi du subi, voir chapitre 2) et la nécessité demesurer les facteurs à l’origine de l’enfermement des deux populations.

Le pouvoir explicatif donné aux préférences des ménages de classes socialesmodestes à être ensemble en France est souvent surestimé, car il est aussi dépendant

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des stratégies de localisation des ménages riches sur le marché du logement. En effet,les ménages aisés peuvent sélectionner leurs localisations dans le but d’être à proximitéd’autres ménages de la même catégorie sociale, indépendamment des biens publics locaux.Ils sont susceptibles de choisir leurs logements seulement en fonction de l’image duquartier22, en cherchant une « proximité rassurante » pour être « entre soi » (Maurin,2004). La proximité de voisins influents peut générer des bénéfices et des externalitéspositives (Wilson, 1987) où les enfants peuvent jouer un rôle de rapprochement. Chez lagrande bourgeoisie, cet entre-soi permet, en plus, « de vivre en permanence au sein d’unamoncellement de richesses à la fois matérielles et culturelles » (Pinçon et Pinçon-Charlot,2005, p.91). L’exemple de l’école est assez illustratif dans des situations où la scolarité estliée au lieu de résidence. Dans la lignée des travaux de Bénabou (1993, 1996), Nechyba(2003) montre une capitalisation de la valeur des bonnes écoles dans le prix du logement etune émergence de la ségrégation en fonction des revenu. Dans son modèle, la bonne qualitédes écoles est déterminée par les externalités (familles et effets de pairs), et même si toutesles écoles reçoivent le même budget par élève, cela conduit toujours à une ségrégation.

Connu sous le nom de « la tyrannie des petites décisions », Schelling (1978) montredans son modèle micro-économique bidimensionnel de proximité spatiale comment uneville intégrée peut devenir ségréguée, en fonction des préférences des individus parrapport à la composition de leur quartier (tipping-process). Même si aucun individu nesouhaite être dans un groupe homogène, la recherche de la proximité d’un minimum desemblables peut conduire à une situation de ségrégation. En introduisant la dimensiontemporelle, ce chercheurillustre l’importance de la différenciation de l’espace dans le choixde localisation des ménages23. En utilisatnt les enseignements théoriques de ce modèle,Crozet (1987) montre que la ségrégation spatiale entre « français » et « étrangers » dansle quartier des Minguettes dans la banlieue lyonnaise est essentiellemnt le résultat despréférences et d’agrégation de comportements individuels. Dans un premier modèle linéairesimple, Schelling (1969) montre que la ségrégation peut être pareto-optimal si les individusrecherchent à être entre-soi. Supposant une chaîne de sept localisations qui représententles seules maisons sur une rue (Figure 4), nous avons 4 personnes (A) et 3 personnes(B), chacune occupant une maison. Chaque personne a pour préférence d’être au milieude deux personnes du même groupe, ce qui lui donne une utilité supérieure. Si l’agent n’aaucun ou seulement un seul voisin du même groupe, alors il décide de changer de maisondans le but d’augmenter son utilité. Cela signifie que cette situation n’est pas un équilibre. Lasituation (a) n’est pas un équilibre car les agents (5) et (6) veulent échanger leur localisation.Ils modifient par là leur utilité et celle des agents (4) et (7). La situation (b) est un équilibredans lequel la ghettoïsation des agents (B) pareto-domine la situation (a). C’est l’équilibrede la situation (c) qui offre le niveau de bien être social le plus pareto efficient. Ce qui renvoieà une situation de parfaite ségrégation entre les deux groupes (Anas, 2007).

22 « Les configurations spatiales, les ségrégations de populations en « aires naturelles » ne sont pas conçues à partird’un modèle purement agrégatif, comme si le résultat d’ensemble était seulement l’effet non voulu de l’addition de comportementsindividuels. La ségrégation et l’exclusion peuvent aussi être consciemment recherchées, en tant que manifestation d’un ‘ vouloir-vivreensemble’ ou d’un refus de l’autre, de l’étranger, saisi non pas comme individu, mais comme représentant d’un groupe social ouethnique jugé indésirable ». (Grafmeyer, 2004, p.30).

23 Plusieurs modèles s’inspirent de ce travail pour tester certains scénarios et hypothèses en simulant le niveau de ségrégationdans la ville. Les plus récents d’entre eux intègrent les enseignements du modèle monocentrique (Caruso, 2005 ; Wagner, 2004),combinant préférences individuelles et lois du marché, pour apporter des réponses à des scénarios de politiques urbaines qui luttentcontre la ségrégation spatiale. Cependant, ce champ d’étude est à son début et ces modèles souffrent d’un manque d’empirisme.

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Figure 4: La ségrégation comme équilibre dans le modèle de SchellingLa recherche du semblable peut prendre parfois des formes extrêmes de sélection des

ménages pour garantir un effectif optimal permettant de profiter au maximum des avantagesde l’entre-soi24. Les gated communities sont un bon exemple de ce type de mécanismességrégatifs. Ces quartiers enclaves et sécurisés interdits aux non-résidents, construisentdes ensembles dans lesquels l'espace public est privatisé, et proposent un mode de viefondé sur les loisirs(Le Goix, 2005). En France, le phénomène est localisé et prend plutôtla forme d’immeubles collectifs ou de résidences de petite taille. «La résidence collectiveclose sous vidéo-surveillance a fait la notoriété d’un promoteur comme Monné-Decroix dansla région toulousaine. Refermées sur elles-mêmes, ces résidences comprenant un espacepaysager intérieur, voire une piscine ou un court de tennis attirent les cadres qui, happéspar le dynamisme de la région, trouvent dans ces programmes une réponse immédiate àleurs attentes de confort et d’entre-soi » (Batsch et al. 2006, p.42).

Enfin, l’entre-soi peut être délibérément choisi (Pinçon et Pinçon-Charlot, 2005), maisil peut être le résultat d’un ensemble de comportements spontanés d’évitement (Maurin,2004). En revanche, la préservation de l’entre-soi, comme c’est d’ailleurs le cas dans lesgated communities, peut conduire ensuite à des pratiques d’exclusion par les ménages ainsique les promoteurs immobiliers. « Au sud de la France, mais aussi en Île-de-France, lesuccès des résidences et lotissements clos est corrélé à la montée de sentiment d’insécuritémais tient aussi à une demande de « tranquillité » » (Batsch et al. 2006, p.42). Cet entre-soi peut également se transformer en action collective protectrice de type « Not-In-My-Back-Yard » (NIMBY) pour refuser de nouvelles constructions, des logements sociauxnotamment, susceptibles de ramener de nouvelles populations et de déprécier le cadrede vie. Il s’agit là des externalités jugées négatives pour l’entre-soi et qui renforcent laségrégation spatiale à travers des mécanismes d’exclusion.

2.3.2.2. L’aversion pour les externalités négatives : évitement, fuite ouexclusion Si un individu pense qu’il va subir des externalités négatives en résidant à proximité d’unautre groupe, alors il a un préjugé ou une aversion pour l’interaction avec ce groupe. Celan’est pas forcément synonyme de racisme25 qui consiste à considérer ce groupe racial

24 Cela correspond à une des caractéristiques d’un club qui est la recherche d’un équilibre à respecter entre un nombre minimumd’adhérents pour amortir les coûts fixes et un nombre excessif qui abaisserait la qualité du service rendu (Derycke, 1992, p.176).25 « Some white Americans may prefer neighborhoods that have no blacks because they perceive that if blacks moved in, propertyvalues would fall » (Anas, 2007, p.544). Dans certains modèles de microéconomie urbaine et de la même manière que le préjudiceracial, l’agent blanc est considéré comme raciste si celui-ci est prêt à payer un prix supérieur pour ne pas être proche de la zonenoire (Zoller, 1988).

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comme étant inférieur (Anas, 2007). En considérant que la proximité d’un groupe particulierest source d’externalités négatives (préjudice), certains ménages vont éviter ce groupe enanticipant cela dans leur choix de localisation. Suite à un sentiment de dégradation del’environnement social ou à une mobilité sociale, d’autres ménages se retrouvant déjà àproximité vont fuir ce groupe en changeant leur lieu de résidence. Enfin, certains ménagesutilisent des pratiques discriminatoires et d’exclusion envers ce groupe social pour ledissuader de s’installer à proximité et conserver la composition sociale de leur territoire. Laségrégation spatiale peut être le résultat de l’un ou de plusieurs de ces trois mécanismes.

Les mécanismes basés sur le préjudice racial, la discrimination ou l’exclusion fontréférence dans la littérature au ghetto noir : « the African-American ghetto is not voluntarybut results from prejudice, racism, discrimination and exclusion on the part of the whitemajority » (Anas, 2007, p.544).La discrimination sur le marché du logement par rapport à descritères ethniques ou territoriaux ou sociaux peut être à l’origine de l’exclusion de certainespopulations et de la ségrégation spatiale. Un propriétaire qui a peur des risques des loyersimpayés ou de dégradation de son logement préfère le laisser vide, et perdre de l’argent,que de le louer à une classe de population jugée à risque. Cette discrimination pure (Becker,1957 ; Thisse et al. 2004) reste difficile à mesurer en France et la majorité des étudesempiriques sont consacrées aux mécanismes de fuite et aux stratégies d’évitement desménages, plus particulièrement par rapport à l’école. Les sociologues ont depuis longtempsdémontré l’importance des comportements de sociabilité chez les plus jeunes. Dans despays comme les États-Unis ou la France, les systèmes de recrutement scolaire sont baséssur le quartier de résidence. Le système de la carte scolaire reproduit la même distributiondu quartier à l’école. L’homogénéisation de certains quartiers crée de la même manière unehomogénéisation des élèves et l’école devient le microcosme de l’aire de recrutement.

Cela dit, les travaux sur les « stratégies d’évitement » des familles par l’école sont peunombreux en France et concernent principalement la région parisienne (Maresca, 2003 ;Duru-Bellat, 2004), alors qu’une partie non négligeable de l’échec scolaire s’explique pardes effets de voisinage. En utilisant les données de l’enquête emploi de 1991 à 2002, Gouxet Maurin (2005) montrent que l’effet endogène de voisinage sur la probabilité de retardà 15 ans est important, indépendamment du niveau de diplôme et de la nationalité desparents ainsi que du niveau de diplôme et de la proportion d’étrangers dans le voisinage.Au-delà du diplôme et de la nationalité des parents, les enfants habitants depuis au moinsun an dans un quartier sont d’autant plus exposés au retard scolaire qu’ils sont à proximitéd’autres enfants en échec et de familles à revenu modeste (Goux et Maurin, 2005). Lafragilisation progressive de la composante sociale dans les Zones d’Éducation Prioritaire estplus le résultat d’un mécanisme d’évitement que d’un mécanisme de fuite, car les famillesde classes moyennes et supérieures ne viennent pas remplacer les ménages partants(Maurin, 2004). Cependant, les pratiques de « détournement » de la carte scolaire sont desstratégies de fuite qui permettent à la fois de garantir un meilleur environnement scolaire etde conserver les avantages du lieu de résidence. Pinçon et Pinçon-Charlot (2004) montrele recours des parents, au départ très favorables au principe de la mixité, aux dérogationset aux fausses adresses pour régler la question de la scolarisation de leurs enfants dans les

quartiers gentrifiés mais à fort taux de logements sociaux (20e arrondissement de Paris).« Devant l’ambiance de certains établissements, qui leur paraît incompatible avec leursambitions vis-à-vis de l’école, le recours aux dérogations et aux fausses adresses permetd’échapper aux rigueurs de la carte scolaire qui risque d’induire des promiscuités estiméesnéfastes pour l’avenir éducatif de leurs enfants » (Pinçon et Pinçon-Charlot, 2004, p.71).L’analyse des migrations des élèves et collégiens selon la position sociale des parents

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Ségrégation spatiale et dynamiques métropolitaines

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montre les enjeux des pratiques d’évitements. « Prés de la moitié des collégiens appartenantà des familles de cadres supérieurs sont scolarisés hors commune, pour à peine 10% desenfants d’ouvriers » (Oberti, 2004, p.85).

Enfin, ces stratégies d’évitements pratiquées principalement par les ménages favorisésrenforcent la ségrégation au niveau de l’école et parfois la ségrégation résidentielle. « Le« ghetto français » n’est pas tant le lieu d’un affrontement entre inclus et exclus, que lethéâtre sur lequel chaque groupe s’évertue à fuir ou à contourner le groupe immédiatementinférieur dans l’échelle des difficultés » (Maurin, 2004, p.6).

D’un point de vue théorique, les premières modélisations de la ségrégation spatialeen microéconomie urbaine utilisent le « préjudice racial » comme externalité spatiale pourmontrer que les blancs américains, gênés par la proximité des noirs, sont prêts à payerun prix du foncier plus élevé pour les exclure de leur entourage (Rose-Ackerman, 1975 ;Yinger, 1976). Rose-Ackerman (1975) distingue deux zones d’habitats au sein d’un modèlerésidentiel monocentrique : une zone centrale pour « noirs » et une zone périphériquepour « blancs ». En introduisant l’externalité de préjudice racial chez les « blancs » (quimaximisent l’éloignement de la frontière de la zone noire), elle montre une fuite de cesderniers vers la périphérie (avec une pente du prix du sol plus douce par rapport à la situationavant préjudice). Le prix et la densité d’occupation du sol dans la zone noire baissent alorsqu’ils augmentent dans la zone blanche et la frontière entre les deux zones se déplace versla périphérie. Cette ségrégation raciale se traduit par une différenciation du prix foncier entreles deux zones mais aussi par une dépréciation de la zone de contact (frontière) à cause desexternalités négatives liées à la proximité des populations noirs. La ségrégation spatiale,étant une séparation entre le groupe noir et blanc, n’est pas un résultat puisque cela estprésupposé par le modèle. En revanche, elle est renforcée à travers les changements descaractéristiques des deux zones (noire et blanche) suite à l’introduction du facteur préjudiceracial. L’introduction de cette forme d’aversion pour les externalités négatives (intoléranceraciale entre deux groupes) conduit à une dilatation de la zone centrale, une extension dela ville, une modification de la forme urbaine et un renforcement de la ségrégation spatiale.

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Chapitre 1 : Les enjeux de la ségrégation spatiale

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Figure 5 : Ghetto concentrique et ghetto sectoriel (d’après Anas, 2007)Le ghetto sectoriel est plus ségrégatif dès que la population des noirs dépasse les 11,3

% de celle des blancs. En dessous de ce pourcentage c’est le ghetto concentrique qui estle plus ségrégatif (Anas, 2007, p.549). À l’image du ghetto noir de Milhauke, la majorité desvilles où la part des noirs est importante contiennent des ghettos sectoriels. Tout en ignorantles vraies conditions d’émergence du ghetto sectoriel, l’auteur souligne le rôle de l’aversion

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Ségrégation spatiale et dynamiques métropolitaines

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des blancs pour l’interaction avec les noirs. Ce modèle sectoriel explique en grande partiela forme des enclaves de riches et les frontières avec les quartiers pauvres dans les villesfrançaises (Cf. chapitre 5). Au-delà de la forme des frontières du ghetto, de l’enclave oudu centre, c’est la forme de l’ensemble de l’espace urbain qui va être interrogée vis-à-visde la ségrégation spatiale. La forme urbaine, que nous définissons par la suite, n’est ellepas un élément permettant de renforcer la ségrégation spatiale ou de la diminuer à traversle contact entre riches et pauvres des différents quartiers mais aussi à l’intérieur du mêmequartier ? Existe-t-il des formes de villes moins ségrégatives à l’aune de la métropolisation ?Quelle forme pour une ville moins ségréguée ?

2.4. Conclusion: une forme de ville moins ségréguée ?Face aux exigences du cadre théorique du développement durable, la prise en comptede la ségrégation spatiale dans l’analyse des causes et des conséquences sociales de lacroissance urbaine est plus que jamais incontournable. La ségrégation spatiale produit àlong terme des inégalités d’opportunité de capital humain et social et peut même conduire àun déficit de croissance économique, rejetant une partie de la population vers le chômageet provoquant un décrochage des quartiers en difficulté et un éclatement de la ville.

Figure 6: Cadre conceptuel du processus ségrégatifLes conséquences négatives de la ségrégation socio-spatiale abordées par la littérature

théorique et empirique, à travers le lieu de résidence, l’emploi et l’école, sont au moinscontraires au principe de l’équité sociale. La figure 6 résume l’ensemble des points abordésdans ce premier chapitre, y compris les mécanismes liant la forme urbaine à la ségrégationsocio-spatiale dans la ville.

La question principale de notre thèse concerne l’impact de la forme urbaine sur laségrégation socio-spatiale dans les villes françaises et s’insère dans le cadre généralde la recherche de forme de ville durable. La forme urbaine peut être définie de plusieursmanières et des travaux théoriques anciens distinguent bien ses différentes acceptions

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Chapitre 1 : Les enjeux de la ségrégation spatiale

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basées sur la morphologie ou la structure (Dockes et al. 1977, p.84). La forme urbaine peutapparaître comme volume ou quantité privilégiant ainsi les analyses des densités urbaines,mais elle peut également se limiter au seul dessin urbain et du cadre bâti, ou prendre encompte l’organisation socio-économique de l’ensemble de l’espace urbain. D’une manièregénérale, cette notion renvoie aux différentes formes d’usage du sol qui déterminent « lastructure urbaine » et prend en compte à la fois l’agglomération et l’articulation en réseau.

La forme urbaine est façonnée par les dynamiques métropolitaines de concentration etd’étalement urbain qui modifient ses trois dimensions de densité, de diversité et de design(Cervero et Kockelman, 1997) et affectent par là la ségrégation spatiale. La suburbanisationtouche toutes les villes et favorise à travers sa forme déconcentrée la faible densité. Parailleurs, des centres secondaires complémentaires ou substituables apparaissent et serenforcent en périphérie à cause d’une suburbanisation concentrée ou par une intégrationdans l’aire de fonctionnement métropolitain d’anciennes villes. La forme dense des villesou la forme polycentrique peuvent être perçues comme étant moins ségrégatives. Notreobjectif est d’analyser l’impact de la forme urbaine sur la ségrégation spatiale en partant deces deux principales questions : Les villes denses sont-elles moins ségréguées ? Lesvilles polycentriques sont elles-moins ségréguées ?

Pour compléter ce cadre d’analyse, nous définissons la ségrégation spatiale et nousjustifions les choix méthodologiques liés à sa mesure, dans le deuxième chapitre. Nousmontrons, lors du troisième chapitre, la croissance de inégalités intercommunales àdifférentes échelles globales (nationale, régionale et intra-urbaine) de 1984 à 2004, avantd’insister sur la ségrégation au niveau des aires urbaines pour montrer l’imbrication deséchelles locales (quartier, commune, bassin de vie) en 2001. Dans le quatrième chapitre,nous présentons tout d’abord une revue de littérature théorique et empirique, principalementaméricaine, sur l’étalement urbain, sa mesure et surtout son influence sur la ségrégationspatiale. Nous analysons, ensuite l’effet des densités urbaines sur la ségrégation spatialeau niveau des cent plus grandes aires urbaines en France. Enfin, dans le cinquièmechapitre, nous associons conséquences du polycentrisme et causes de la ségrégationspatiale pour essayer d’expliquer l’impact de l’émergence d’une structure polycentrique surla ségrégation spatiale. Nous tenstons, ensuite d’apporter une première réponse à traversune comparaison de trois aires urbaines de formes différentes : Lyon, Lille et Marseille.

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Ségrégation spatiale et dynamiques métropolitaines

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Chapitre 2 : Appréhender la ségrégationsocio-spatiale

La question de la ségrégation spatiale est, par nature, multidimensionnelle etpluridisciplinaire. Si l’ensemble des disciplines dans les sciences humaines et socialessemble converger vers un consensus pour décrire a minima l’état de la ségrégation commeune séparation physique et souligner parfois son caractère négatif, d’autres désaccordsconcernant ses mécanismes subsistent. Chaque discipline privilégie une définition, unemesure et une échelle particulière, et met en lumière un caractère déterminant selon sapropre approche. Plus d’un demi-siècle de recherche et de mesure de la ségrégation, ensociologie, en géographie et plus tardivement en économie, n’a finalement pas épuisél’intérêt et la curiosité des chercheurs pour comprendre le phénomène dans toute sacomplexité.

Il s’agit, tout d’abord, de préciser une définition mesurable de la ségrégation spatiale eninterrogeant les différents apports théoriques et empiriques en la matière (1). Cette définitiondoit permettre de représenter ce phénomène dans le contexte des villes françaises eninsistant sur son aspect opératoire et sa mesurabilité. Ce qui permet ensuite d’expliquerla méthode utilisée, ses avantages et ses limites, et de justifier le choix des données, deséchelles et des indicateurs de la ségrégation socio-spatiale (2).

1. Définition de la ségrégation spatiale Nous entamons ce sous-chapitre par une interrogation historique et théorique de la notionambiguë de ségrégation en soulignant ses différentes formes et son lien avec la questionde l’inégalité (1.1). Nous montrons ensuite comment ce phénomène a été perçu par lespolitiques publiques en France avant de proposer une définition de la ségrégation spatialeà la fois fidèle et appropriée au contexte urbain des villes françaises (1.2).

1.1. Ségrégation : ambiguïté du terme, multiplicité des formesLa charge et l’ambiguïté sémantique du terme « ségrégation » exigent un certain nombre deprécisions avant d’entreprendre toute réflexion sur ce sujet. La multiplication et la variabilitédes composantes du phénomène le rendent plus complexe, et changent la perception mêmede la société selon les époques et les contextes locaux. Alors, qu’est-ce que la ségrégation ?

1.1.1. Origines de la ségrégation

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Chapitre 2 : Appréhender la ségrégation socio-spatiale

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Étymologiquement, le mot « ségrégation » vient du latin segregatio de segregare 26

« séparer du troupeau », comme l’indique le préfixe se, indiquant séparation, et grex,

troupeau. Le dictionnaire de l’Académie française27 dans ses 4ème et 5ème éditions (1762et 1798) définit le mot ségrégation comme une action par laquelle on met quelqu'un ouquelque chose à part. Dans l’édition suivante (1832) on a explicitement introduit le rapport

avec un groupe action…à part, on le sépare d'un tout, d'une masse. Dans la 8ème édition(1932), le mot est défini scientifiquement en mettant en valeur le caractère de changement,qu’il soit choisi ou subi : En termes de Sciences, il désigne l'Acte par lequel des êtres oudes objets, d'abord mêlés avec d'autres, s'en séparent ou en sont séparés pour être réunisen un groupe nouveau.

Le dictionnaire culturel en langue française (Rey, 2005), définit d’abord la ségrégationcomme « une pratique de l’isolement des habitations, des établissements des colonisateurs,dans les pays colonisés ». La ville coloniale est marquée par l’association de la séparationphysique et de l’inégalité de droit entre colonisateurs et colonisés et renvoie à une situationoù ces individus sont à la fois « inégaux » et « séparés». D’une manière générale,la ségrégation est considérée comme une « séparation imposée, qu’elle soit ethnique,socioculturelle, religieuse, de droit ou de fait, de personnes, de groupes sociaux ou decollectivités, suivant la condition sociale, le niveau d’instruction, l’âge, le sexe » (Rey, 2005).

L’ensemble de ces définitions apporte des renseignements différents, même si ellessont concordantes pour considérer la ségrégation, au moins, comme une séparationphysique. Elles montrent aussi que l’histoire du phénomène est associée aux jugements devaleurs car la ségrégation touche à l’homme, à ses droits et ses libertés.

1.1.1.1. Du « proches mais inégaux » au « séparés mais égaux » La ségrégation, en tant que séparation spatiale des groupes de population distincts, n’estpas un phénomène propre à la ville moderne (Roncayolo, 1993). Cependant, ce moded’organisation spatiale basé sur des mécanismes de pouvoirs non économiques n’était pasexclusif. Plusieurs auteurs soulignent l’existence de mélange de groupes différents dansdes contextes d’inégalité de droit à travers la ville de Socrates ou la ville romaine (Anas,2007). Cette proximité entre groupes sociaux différents était souvent marquée ou mêmeconditionnée par l’existence d’une grande inégalité de droit ou de statut social. « Dans cessociétés, toutefois, la proximité spatiale allait souvent de pair avec une distance sociale trèsgrande entre groupes sociaux et individus. Tout se passait, semble-t-il, comme s’il y avaitsubstitution entre proximité spatiale et distance sociale » (Thisse et al. 2004, p.141). EnFrance, et même si l’architecture des immeubles nous le rappelle encore, plusieurs étudesattestent de l’existence de certaines formes de proximité spatiale des groupes sociauxdistincts au sein de la ville pré-industrielle. La ségrégation verticale a cédé, en grande partie,la place à une ségrégation horizontale. Parallèlement à l’uniformisation des logements àtous les étages des immeubles, le souci de la rentabilité du sol a conduit à la constructiondes logements plus modestes dans les cours (Pinol, 1994 ; Grafmeyer, 1991).

L’émergence de la valeur foncière et l’industrialisation d’une part, et les exigences entermes d’égalité de droit de l’homme, d’autre part, sont à la base des formes contemporaines

26 « Le verbe « ségréger » est selon le dictionnaire de Trévoux (1771) « peu usité », à la différence, depuis quelques décennies,de « ségréguer », qui correspond mieux à la prononciation de « ségrégation » » (Paquot, 2004, p.20). Nous utilisons par la suite leterme « ségrégué » pour désigner un groupe ou un espace marqué par la ségrégation.27 http://www.dicoweb.levillage.org/ [consulté en juin 2004]

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de la ségrégation spatiale. C’est avec la naissance de la ville industrielle que la ségrégationspatiale à travers la division fonctionnelle de l’espace s’est clairement dessinée. Cetteville sépare les quartiers ouvriers proches des usines, des beaux quartiers « bourgeois »protégés et inaccessibles aux « classes laborieuses » à cause de l’absence des moyens delocomotion et de la cherté de la rente foncière. Moreau de Jonnès (Pinol, 1994, p.60) estimedans les annales de la Charité en 1851 : « Il y a deux Paris bien distincts : l’un bourgeoiset l’autre industriel ; l’un qui jouit, l’autre qui produit, et l’œil peut discerner aisément lafrontière qui divise deux populations dont les goûts, les habitudes, les travaux, malgré tousles efforts de fusion démographique, créent une nuance plus tranchée que celles produitespar les différences de langages ». Malgré les mutations du système productif, ce schémaest encore valable dans plusieurs villes françaises de tradition industrielle marquant encoreune opposition Est-Ouest (Cf. chapitre 5).

La ségrégation est aussi est une politique raciste. Elle renvoie au ghetto noir et àl’apartheid. C’est une séparation organisée et réglementée, de la population de couleurd’avec les blancs (dans les écoles, les transports, les magasins, etc.) (Rey, 2005). Laconstitution américaine n’a condamné l’esclavage qu’à partir de 1865, en garantissant lesdroits civiques aux noirs ainsi que leur égalité avec les blancs. Non seulement cette égalitén’était pas respectée, notamment dans les états du Sud, mais c’est à partir des années1880 que les blancs ont joué sur la dimension de l’espace pour que cette égalité devienneobsolète en créant la ségrégation, une autre face du racisme. La ségrégation raciale a étéconstitutionnalisée par la Cour Suprême en 1892, en adoptant la doctrine « séparés maiségaux »28. La participation des noirs à la première et la deuxième guerre mondiale à côtédes blancs a joué sur la déségrégation dans l’armée, qui n’est devenue officielle qu’en 1948.La même Cour Suprême s’est engagée en 1954 dans une politique de déségrégation, encondamnant la ségrégation scolaire, et dans les moyens de transport deux ans plus tard.En 1964 et 1965, toutes les lois raciales qui existaient dans le pays depuis un siècle ont étéabrogées. Si la mise en place des lois a mis un terme à la ségrégation légale, elle n’a paséliminé la ségrégation sociale et raciale29. Le pouvoir ségrégatif de l’inégalité face à la loi afinalement cédé la place à d’autres forces basées sur des formes différentes d’inégalités,encore raciales, mais surtout économiques et sociales.

Enfin, ces exemples nous montrent que la ségrégation est un processus qui dépend del’espace et de l’inégalité. Son étude dans les villes des pays démocratiques nous conduit àinterroger les premiers travaux scientifiques et les fondements théoriques autour de cettethématique.

28 La doctrine « séparés mais égaux » a été adoptée suite à l’affaire « Plessy contre Ferguson » où un métis nommé HomerPlessy a été arrêté, parce qu’il avait refusé de quitter la place qu’il occupait dans un compartiment réservé aux blancs dans un trainde la Nouvelle-Orléans.

29 Nous constatons paradoxalement comment la discrimination positive, cette forme d’inégalité en faveur les plus démunis,instaurée au nom de la lutte contre la ségrégation raciale est aujourd’hui combattue par les conservateurs américains au nom mêmede la norme d’égalité. Cela confirme encore une fois le lien entre l’égalité et la ségrégation et leur cohabitation difficile. Après l’inégalitécomme moyen de lutte contre la ségrégation c’est maintenant l’égalité comme moyen de lutte contre la déségrégation ! « La Coursuprême des Etats-Unis a rendu le 28 juin un arrêt important, Parents v. Seattle, qui restreint dramatiquement les moyens de luttecontre la ségrégation raciale dans les écoles publiques : il est désormais, sinon impossible, du moins fort difficile de recourir à uncritère de race pour préserver la diversité dans le recrutement des élèves… En effet, l'amendement posait seulement que nul "nefera l'objet d'une discrimination ni ne recevra un traitement préférentiel de la part de l'Etat à raison de sa race". La discriminationpositive était donc récusée au nom de la lutte contre la discrimination. C'est l'habileté du combat engagé par les conservateurs : aulieu de revendiquer la ségrégation, comme leurs prédécesseurs des années 1950, c'est au nom de l'égalité qu'ils font obstacle à ladéségrégation. » (Eric Fassin, Le monde, 31/07/2007).

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Chapitre 2 : Appréhender la ségrégation socio-spatiale

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1.1.1.2. Fondements théoriquesLes premiers travaux sur la question de la ségrégation reviennent aux sociologues del’écologie urbaine de l’École de Chicago. Des chercheurs comme Robert Park, ErnestBurgess, Robert McKenzie et Louis Wirth ont investi la ville de Chicago en tant que« laboratoire social » pour comprendre ces dynamiques urbaines30. Dans son articlepublié en 1925 dans l’ouvrage collectif The City, Robert Park définit la ségrégation enanalysant les mécanismes (les intérêts) de la répartition de la population dans la ville.Il montre l’importance de l’interaction sociale à travers la proximité et les contacts devoisinage qui ont tendance à perdre leur importance et à céder la place à d’autres formesd’organisations sociales, avec l’amélioration de la communication et l’accessibilité auxmoyens de transports. Il exclut de ces dynamiques les colonies d’immigrants et les ghettosraciaux isolés qui ont su préserver, selon lui, leur intimité et la solidarité entre leurspopulations. Cependant, il présume (tout comme Louis Wirth) que la tendance inévitable àla mobilité de la société américaine serait en mesure d’éradiquer ces formes de sociabilité etconduire à une intégration progressive (intégration tranquille). La persistance des ghettos31

noirs américains montre finalement que cette vision était trop optimiste, comme le confirmentGrafmeyer et Joseph (2004, p.19-20) : « La seule erreur historique de Park, c’est d’avoircru que la tendance à la mobilité et à la mobilisation de la société urbaine américaineétait suffisante pour faire disparaître entièrement ces formes de sociabilité traditionnellesubsistant dans des poches distinctes ou dans les enclaves ségrégées du milieu urbain,et de déduire des phénomènes d’invasion et de succession tels qu’ils apparaissent dansl’histoire de Harlem, par exemple, une tendance inévitable à la mobilité généralisée etuniforme ».

Dans son modèle des cercles concentriques, Ernest Burgess décrit les différenteszones de la ville de Chicago à partir d’un processus de croissance urbaine basé surune organisation/ désorganisation des individus et des groupes. Ce modèle, davantagesociologique que spatial, confond ghetto et enclave ethnique en considérant les deux

comme un simple résultat des préférences 32 (Marcuse, 2005 ; Vieillard-Baron, 2004). Dansle même ouvrage (The City), Roderick Mc Kenzie souligne que le processus de ségrégationintervient dans le développement de l’agglomération. En revanche, les ségrégations/agrégations sont le résultat de deux types d’invasions : celles qui conduisent à changerl’usage du sol et celles qui se limitent à changer le type d’occupant. En revanche, cesmodèles restent attachés dans leur explication de la ségrégation et la structure urbaine auxlois économiques générales (Castells, 1972). Nous retrouvons ici les principes des modèleséconomiques de la localisation des activités et de la rente foncière explicités en premierchapitre.

30 Pour une sélection d’articles de cette Ecole traduits en français consulter Grafmeyer et Joseph (2004)31 Paradoxalement, le ghetto semble à la base associé à la périphérie plutôt qu’au centre : « The unabridged edition of The RandomHouse Dictionary of the English Language , Random House, New York 1973. According to the dictionary, ghetto derives from themedieval b orghetto , meaning a “settlement outside the city walls” more like today’s suburbs than an American ghetto in an innercity »(Anas, 2007, p.540).

32 Paul Marcuse (2005, p.18)distingue bien les deux même s’il réserve une définition très restrictive pour le ghetto : « A ghettois an area of spatial concentration used by forces within the dominant society to separate and to limit a particular population group,externally defined as racial or ethnic or foreign, held to be, and treated as, inferior by the dominant society… An enclave is an area ofspatial concentration in which members of a particular population group, self-defined by ethnicity or religion or otherwise, congregateas a means of protecting and enhancing their economic, social, political and/or cultural development».

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Enfin, l’ensemble de ces textes ne parle pas de jugements de valeurs et considère laségrégation comme « un processus temporaire lié à la compétition et au conflit, et finalementcomme un postulat provisoirement acceptable du vivre ensemble »(Vieillard-Baron, 2004,p.55). Ce naturalisme est souvent reproché à l’École de Chicago car il occulte certainescomposantes importantes de la ségrégation urbaine, même s’il permet selon Grafmeyer etJoseph (2004) de se démarquer d’une vision politique de la ville. Enfin, les analyses del’École de Chicago ont permis de montrer l’importance des interactions sociales à l’intérieurde la ville et le rôle de l’espace dans l’étude du phénomène de ségrégation.

Les travaux postérieurs des sociologues américains et français ont insisté, au-delàde la séparation physique et des interactions sociales, sur le caractère intentionnel dela ségrégation. « la ségrégation doit donc être considérée à la fois comme un fait socialde mise à distance et comme une séparation physique » (Grafmeyer, 1996, p.209). Lamajorité des études des sociologues puis des géographes américains se sont concentréessur les processus qui conduisent à l’exclusion des noirs dans les ghettos, en mettant enévidence leurs conséquences en termes d’absence d’interactions sociales avec les autresgroupes (Taeuber et Taeuber, 1965 ; Philpott, 1978). En France, il y a eu une émergenced’un ensemble de travaux en sociologie urbaine sur des quartiers ouvriers (Chombart deLauwe et al. 1952) et sur la place des classes sociales dans le système urbain à travers laquestion urbaine (Castells, 1972). La géographie urbaine française33 traite la ségrégationen tant que division sociale de l’espace résidentiel afin de « mieux décrypter les loissusceptibles de rendre compte d’une certaine rationalité dans l’organisation de l’espacegéographique » (Madoré, 2004, p.23). C’est d’ailleurs une des trois pistes proposées parGrafmeyer (1996) pour dépasser le principe de domination raciale et sociale qui marquaitl’étude de la ségrégation jusque là. Parmi les deux autres solutions, la première concernel’étude des enclaves marquées par le regroupement des groupes des minorités ou desgroupes les plus pauvres, ce qui renvoie à la banlieue sensible. La deuxième piste consisteà étudier la ségrégation en tant qu’inégal accès aux biens et aux services offerts par laville. La théorie du spatial mismatch (Cf. chapitre 1) fait référence à ces deux dernièresdimensions en se focalisant sur l’inégalité d’accès à l’emploi des habitants du ghetto noir.

La ségrégation spatiale est passée chez les sociologues de l’absence d’interactionentre les ghettos ethniques à l’exclusion des populations les plus pauvres, à traversdes mécanismes sociaux, alors qu’elle est considérée par les géographes comme unedivision sociale de l’espace due à une inégalité (inégalité-ségrégation). Contrairement auxsociologues et aux géographes, l’intérêt des économistes pour la question de la ségrégationspatiale ne s’est manifesté que récemment. En revanche, comme nous l’avons expliquédans le premier chapitre, ils insistent sur les effets négatifs de la ségrégation en termesd’inégalité (ségrégation-inégalité) et mettent en avant le rôle des dynamiques économiqueset urbaines à travers un processus ségrégatif qui traverse l’ensemble de la population(Maurin, 2004).

1.1.2. Ségrégation, normes (inégalité) et jugements de valeurs L’analyse de la ségrégation spatiale en France nécessite une déconstruction du conceptet les travaux de sociologues et géographes ont largement contribué à cela. L’abandon del’intentionnalité traditionnellement associée à la ségrégation n’est pas lié à une volonté derechercher une définition politiquement correcte (Anas, 2007) mais c’est une manière de

33 « Si les sociologues considèrent la ségrégation en partant des processus qui conduisent à l’exclusion des plus pauvres eten analysant leurs résultats, c’est-à-dire l’absence d’interaction entre les groupes sociaux, les géographes en rendent compte à partirdes inégalités de distribution des couches socio-économiques dans l’espace urbain » (Vieillard-Baron, 2004, p.52).

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Chapitre 2 : Appréhender la ségrégation socio-spatiale

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s’affranchir des connotations du ghetto racial. Cela ne signifie pas un abandon de l’inégalitéet des jugements de valeurs, qui sont cette fois-ci attachées aux conséquences négativesde la ségrégation spatiale sur les populations et territoires les plus pauvres. La dimensionnormative de la ségrégation est souvent présente à travers les approches en termes dejustice sociale, faisant le lien entre les populations, l’espace et l’opportunité (Squires etKubrin, 2005).

1.1.2.1. L’abandon de l’intentionnalité associée à la ségrégationDans le but d’analyser la ségrégation spatiale dans le cadre des villes françaises, la premièreétape principale dans sa définition serait l’abandon de l’idée classique de l’action collectivedélibérée et intentionnelle de séparation physique. Cette idée est liée à un rapport dedomination qui renvoie au ghetto ethnique et racial et à la ville coloniale, qui exclut a prioril’étude de la ségrégation spatiale dans le cadre des villes des pays démocratiques. Mêmeles politiques de mise à l’écart des populations noires américaines sont difficiles à détectercar elles sont souvent combinées avec d’autres facteurs économiques et sociaux dansles stratégies d’exclusion. Plusieurs études, aux États-Unis, soulignent l’émergence d’un« racisme avec le sourire » (racisme d’opinion) qui s’est substitué au racisme traditionnel(racisme de comportement) depuis une vingtaine d’années, mais qui est plus discret(Yinger, 1995). Certaines mettent en avant la dimension sociale dans la concentrationdes minorités raciales sans toutefois négliger les déterminants raciaux de la ségrégationou opposer, selon Squires et Kubrin (2005, p.58), l’approche universaliste basée sur laclasse sociale à l’approche spécifique basée sur l’appartenance raciale. L’appartenanceraciale devient une variable explicative de la ségrégation socio-économique et non pasl’objet à expliquer à travers l’analyse de la ségrégation spatiale (Jargowsky, 1996, 1997,2002, 2003 ; Mayer, 2000). En France, cette condition d’intentionnalité est très rarementassociée à un critère social (Brun, 1994) contrairement à ceux liés à l’immigration (originegéographique, ethnique ou raciale). En même temps, aucune étude ne montre clairementet sans ambiguïté la volonté de séparation et de mise à l’écart souvent associée auxpolitiques de logements pendant les trente glorieuses34. L’objet de l’étude de la ségrégationen France devrait se détacher de l’ensemble de ces connotations et mettre plutôt l’accentsur la dimension économique et sociale, sans toutefois occulter le poids des différentesformes de discrimination, contraires à l’égalité de droit, sur le destin économique et socialdes populations (Fitoussi et al. 2004 ; Amadieu, 2006).

Cela dit, l’abandon de l’idée d’intentionnalité collective ne signifie pas que la ségrégationsociale est un phénomène exclusivement choisi ou complètement non subi par lespopulations concernées. Une grande partie des études empiriques montre que l’originede la ségrégation en France est liée à l’aversion des ménages moyens et aisés pourles externalités négatives à travers les mécanismes d’évitement, de fuite ou d’exclusiondes ménages pauvres (Cf. chapitre 1). Cependant, la présence d’une inégalité liée àune action intentionnelle conduisant à la séparation physique d’un groupe n’est pas unecondition indispensable pour qualifier le phénomène de ségrégation. Cette action est difficileà décorréler des mécanismes de marché, et la ségrégation spatiale peut apparaître dansune ville sans aucune volonté individuelle préalable de séparation, mais seulement enfonction des préférences des individus à ne pas être minoritaires dans leurs quartiers.

34 Même si certains auteurs font le lien systématique entre les politiques de logements et la concentration des classes modestes,souvent des immigrants ou supposés tel, dans les banlieues des villes européennes, cela ne peut pas être considéré comme unevolonté d’exclusion. « Exclusionary policies abound in both North America and Europe. Western European governments build housingprojects in the suburbs that often house minorities or immigrants» (Anas, 2007, p.546)

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C’est ce que montre Schelling (1978) dans un des premiers modèles économiques d’auto-organisation (Cf. chapitre 1). Le caractère normatif de cette séparation physique n’est doncpas pour autant lié à l’inégalité comme cause de la ségrégation mais comme conséquencede la ségrégation. L’étude de la ségrégation spatiale est justifiée, dans notre cadre, par seseffets négatifs sur les populations les plus pauvres, bien identifiés dans le premier chapitre.Ces effets sont « dénoncés » dans le cadre de l’économie politique à travers les principesd’équité et d’égalité d’opportunité.

1.1.2.2. Ségrégation et justice sociale : équité et égalité d’opportunitéLa ségrégation spatiale est la traduction sur l’espace des inégalités socio-économiquesglobales qu’elle contribue ensuite à renforcer à travers le fait des effets de quartier. Elleest donc attachée à une inégalité a-spatiale qui touche l’ensemble de l’espace urbain etune inégalité spatiale dans la distribution socio-économiques qui se produit à l’intérieur del’espace urbain.

La recherche de l’égalité, d’un point de vue économique et social, fait référenceau principe d’égalité des situations et d’égalité d’opportunité. Ces deux principes sontliés dans le cadre de la ségrégation spatiale, et la recherche d’une plus grande égalitéspatiale des situations peut garantir une meilleure égalité d’opportunité. En mettant l’égalitéarithmétique comme situation idéale, le premier principe renvoie à la recherche d’un idéalégalitaire. Il ne vise pas à égaliser les situations, ce qui est nuisible aux dynamiqueséconomiques et sociales, mais dénonce les niveaux élevés des inégalités des situations etleurs croissances qui peuvent corrompre la dynamique démocratique (Fitoussi et Savidan,2003). Le deuxième principe vise à égaliser les opportunités offertes aux individus àtravers leurs conditions de départ, en privilégiant la question d’équité. Certaines politiquesredistributives peuvent être justifiées par la correction des situations désavantageuses decertaines populations selon une caractéristique jugée handicapante. L’équité ne signifie pasl’abandon de la conception de l’égalité mais la recherche d’une dimension plus exigeantede l’égalité (Fitoussi et Rosanvallon, 1996). La notion d’équité repose sur les fondementsde la théorie de la justice sociale et peut constituer un cadre normatif pour l’étude de laségrégation spatiale.

La théorie de la justice sociale occupe une place importante dans l’éthique économiqueet sociale contemporaine. A travers « l’ensemble des principes qui régissent la définition etla répartition équitable des droits et des devoirs entre les membres de la société », cettethéorie se focalise sur le « caractère juste » des institutions sociales (Arsnperger et VanParijs, 2000, p.10). Elle distingue parmi les inégalités, celles qui sont justes et celles qu’ilfaut corriger à l’image de la ségrégation socio-spatiale dans la ville. Entre une conceptionradicalement égalitaire de la justice sociale et une vision libertarienne justifiant, au nomde la liberté, les grandes inégalités de richesse, l’approche égalitariste de Rawls et Sentrouve un écho dans la littérature. Ce succès est lié également à l’indifférence de la normeutilitariste ordinale quant à la nature de la distribution (égalitaire/inégalitaire) du momentoù la conséquence est le plus grand bonheur pour le plus grand nombre ou le moindresacrifice du plus petit nombre. Ce qui a permis l’émergence d’approches alternatives et desamendements au sein même du courant utilitariste (Van Parijs, 1991). La recherche d’uneplus grande égalité spatiale et mixité sociale pour lutter contre la ségrégation spatiale trouvetoute sa justification dans la conception de la justice comme équité chez Rawls et de lajustice comme égalité des capacités fondamentales chez Sen (Arsnperger et Van Parijs,2000 ; Fitoussi et al. 2004).

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La justice comme équité repose selon Rawls (1987)35 sur un premier principe d’égaleliberté et un double principe d’égalité équitable des chances et de différence. A travers lepremier principe, la justice rawlsienne exige une distribution strictement égale des libertésfondamentales considérées comme la première catégorie des biens premiers sociaux. Leprincipe d’égalité équitable des chances assure les mêmes chances d’accès aux différentesfonctions et positions (opportunités offertes). Le dernier principe de différence veille à ceque la distribution des autres biens premiers (pouvoirs et privilèges liées aux fonctionset positions, revenu et richesse, bases sociales de respect de soi) soit en faveur et àl’avantage des plus défavorisés (Van Parijs, 1991). Ce dernier principe a permis d’associerles objectifs d’efficacité et d’égalité justifiant la mise en place des politiques redistributivessocio-territoriales visant à corriger certaines inégalités de la ségrégation spatiale notammentdans le domaine de l’éducation (Cf. 1.2.1). Au-delà des nombreuses critiques découlantde la complexité d’articuler des objectifs de nature contradictoire36 et de concilier libertéet égalité, nous présentons les prolongements proposés par Sen (2000) et qui justifient,également, la lutte contre la ségrégation.

La justice selon Sen rejoint la justice rawlsienne dans l’abandon de l’approche utilitariste(notion d’utilité ou degré de satisfaction des préférences). Mais, au lieu de se focaliserseulement sur les biens premiers sociaux, Sen insiste sur la capacité des individus detransformer ces biens en fonctionnements qui constituent les dimensions importantes dansleur vie (nutrition adéquate, logement, santé, mobilité et participation à la vie économiqueet sociale) (Arsnperger et Van Parijs, 2000). Même s’ils accèdent à la même quantité debiens sociaux, les individus n’ont pas les mêmes capacités à réaliser leurs objectifs dufait des hétérogénéités et des handicaps liés aux caractéristiques des individus ou à leurenvironnement social. La « capabilité » d’une personne ou son « ensemble-capacités »se résume par les différentes combinaisons de fonctionnements qu’elle est capable deréaliser et qui indiquent qu’elle est libre de choisir la vie qu’elle valorise. Les habitantsdes quartiers ségrégués vivent des situations de privation économique et sociale et n’ontpas les mêmes capabilités par rapport aux autres habitants de la ville. Même si elle neprécise pas les capacités fondamentales à égaliser, la justice selon Sen opte pour une priseen compte objective des situations de ces individus et de leur capabilités. L’améliorationde l’accès aux transports pour les habitants des quartiers défavorisés permet certes delutter contre la ségrégation sous la norme de l’intégration ou l’anti-exclusion, mais la mixitésociale des quartiers joue sur les opportunités des habitants (Galster et al. 2008). Enfin,comme le souligne Maurin (2004, p.32) : « le drame de la ségrégation territoriale c’est qu’enconditionnant l’environnement social de chacun, elle pèse aussi de tout son poids sur ledestin de chacun ».

L’égalité d’opportunité se traduit en termes d’exposition aux externalités positives etnégatives qu’elles soient liées aux aménités urbaines ou aux interactions sociales del’ensemble de la population de la ville. Elle renvoie à la mixité sociale à travers le principede proximité physique ou temporelle. L’opportunité au sein d’un espace étant corréléau niveau des richesses de ses habitants, la concentration inégale de ces derniers est

35 Rawls se base sur l’idée d’un état hypothétique d’égalité première « position originelle » dans laquelle tous les individuss’associent et décident quelles seront les structures de base de la société sans savoir eux mêmes ce qu’ils seront dans la société« sous le voile d’ignorance ». En neutralisant l’influence des intérêts, cette procédure devient « équitable » et les principes retenusseront considérés comme « justes ».

36 Pour certains, ce principe libéral justifie l’existence des inégalités et se contente de traiter les symptômes au lieu de s’attaquerà l’origine des inégalités liées à la production, alors que pour d’autres, en faisant abstraction du travail productif, ce principe estextrêmement généreux pour les paresseux (voir Van Parijs, 1991).

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naturellement synonyme d’inégalité d’opportunité (capital économique, humain et social)entre des espaces de la ville qui ont tendance à s’homogénéiser. Enfin, l’étude de laségrégation renvoie à la norme de l’égalité et l’interaction sociale.

1.2. Définition de la ségrégation en FranceAvant de proposer une définition à la ségrégation, il nous semble important de comprendrela perception de la ségrégation spatiale par les politiques urbaines durant les vingt dernièresannées. Cela nous permet de savoir si ces macro-agents ont réussi à freiner la ségrégationspatiale durant cette période en observant ses évolutions (Cf. chapitre 3).

1.2.1. La ségrégation vue par les politiques urbaines : la mixité sociale oul’équité territorialeDepuis les années 1980, période marquée par les émeutes urbaines à Vaulx-en-Velin et auquartier des Minguettes à Lyon, la politique urbaine a placé au centre du débat les questionsde ségrégation en dénonçant la “relégation” de certains groupes sociaux et en prônant plusd’équilibre dans la composition sociale des quartiers notamment en périphérie des villes(Dubedout, 1983 ; Delarue, 1991)37.

Nous pouvons distinguer deux compréhensions différentes du phénomène de laségrégation en France et cela à travers les actions menées par la politique de la villedepuis une vingtaine d’années : une politique qui vise à améliorer l’espace ségrégué et uneautre qui vise la mobilité de la population. Au-delà de cette fausse dichotomie, « Peopleversus Place » (aide à la personne/aide au territoire), l’ensemble de ces politiques socialesa toujours concerné les populations et les territoires les plus pauvres. La lutte contre laségrégation spatiale est souvent associée à la norme de mixité sociale et de l’égalitérépublicaine.

La mixité sociale, après une longue hésitation38, est devenue depuis une vingtained’années un objectif des politiques urbaines visant à lutter contre la ségrégation etpromouvoir la cohésion sociale et l’équité spatiale. Elle désigne le mélange et la diversitédes groupes sociaux et des fonctions urbaines. Mais son application est plus limitée audomaine de l’habitat qu’à celui de l’activité et vise les territoires les plus en difficulté. Depuisla politique de rénovation des quartiers défavorisés de la fin des années 80 jusqu’à ladernière Loi d’Orientation et de Programmation sur la Ville et la Rénovation Urbaine (dite loiBorloo) en 2003, le manque de cohérence entre l’ensemble de ces mesures a souvent étésouligné. La difficulté de définir la ségrégation spatiale, comme iniquité sociale ou ethnique,territoriale ou socio-territoriale, est en partie responsable de l’ambiguïté dans l’interventiondes politiques publiques.

1.2.1.1. Amélioration de l’attractivité des quartiers ségrégués La lutte contre la ségrégation sociale au début des années 1980 se résume à la lutte contrela ghettoïsation et la pauvreté dans les quartiers d’habitat dits « difficiles », considéréscomme des effets des politiques des « grands ensembles » des années 60-70. L’objectifétait de réduire le niveau d’homogénéité sociale de ces quartiers habités par une population

37 Pour une lecture juridique sur le lien entre politiques urbaines et ségrégation spatiale voir Deschamps (1997).38 La mixité sociale a été introduite pour la première fois dans la circulaire Guichard (1973), et elle a mis vingt ans pour être

adoptée dans la politique de la ville (Deschamps, 1997).

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majoritairement pauvre et immigrée et d’améliorer leur accès à l’emploi et aux différentsservices. Différentes mesures ont été testées à l’échelle locale depuis les années 1980dans les programmes de Développement Social des Quartiers, en associant l’état, lescollectivités, les bailleurs sociaux mais aussi les habitants (Donzelot et al. 2003 ; Lelevrier,2004). Elles consistaient au départ à améliorer la qualité du bâti et des services, diversifierla fonction résidentielle et l’offre de logements avec une limitation de l’arrivée de certainespopulations, afin de stopper le processus ségrégatif.

À partir des années 1990, et devant l’échec des politiques de réhabilitation de cesquartiers, d’autres opérations plus radicales ont été entamées à travers les Grands ProjetsUrbains (devenus Grands projets de Ville en 2000) et les programmes de rénovation urbaineet de renouvellement urbain. Les outils de densification par de nouvelles constructionset de dédensification à travers la démolition de tours et de barres d’immeubles devaientpermettre de lisser la valeur foncière entre les quartiers.La loi Borloo vient prolongerles opérations de démolition/reconstruction des logements en renforçant les moyensopérationnels nécessaires pour introduire une diversité de l’habitat et de rente foncière.Mais, face à une crise de logement qui touche particulièrement les grandes villes, l’effortde reconstruction devrait être au moins équivalent à celui des démolitions pour pouvoirrelocaliser les ménages pauvres sortants sur l’ensemble de la ville.

En 1997, et à travers le pacte de relance, de nouveaux outils sont mis en place pourlutter contre la ségrégation urbaine non seulement de l’habitat mais aussi de l’emploi. Lacréation des Zones Franches Urbaines devait permettre aux entreprises s’installant dansces territoires d’être exonérées de taxes, de façon à créer une dynamique de l’activitééconomique et une multifonctionnalité profitant à cette population défavorisée. La créationdes Zones Sensibles Urbaines devait permettre, également, une exonération des surloyersdes ménages les plus favorisés pour éviter leur départ et attirer d’autres ménages aisés. Lespolitiques des Réseaux (ou Zones) d’Éducation Prioritaires sont également des mesures dediscrimination positive territoriales mais qui visent à lutter contre la reproduction sociale. Cespolitiques correspondent au fond au principe de différence rawlsien et reçoivent finalementles mêmes critiques y compris celles de la stigmatisation : « La discrimination positiveterritoriale traite les symptômes, pas l’origine du mal. Elle remédie à la déqualification desservices et à la fuite des emplois. Elle n’en traite pas les causes, c’est-à-dire la concentrationde la pauvreté elle-même » (Donzelot et al. 2003, p.129).

La ségrégation est vue comme un processus qui maintient la concentration despopulations les plus défavorisées dans certains quartiers de la ville à travers le logement. Cetype de politiques s’attaque au dernier maillon du processus ségrégatif : le quartier ségrégué(Maurin, 2004). La lutte contre la ségrégation a connu, ensuite, un changement d’échelled’intervention en essayant de s’attaquer aux mécanismes ségrégatifs tout en ciblant lespopulations modestes. Désormais, c’est l’ensemble de l’agglomération qui est prise encompte.

1.2.1.2. Distribution des populations pauvres sur l’ensemble de la villeLa mise en place de la Loi d’Orientation sur la Ville (LOV) en 1991 et de la loi Solidaritéet Renouvellement Urbains (SRU) a permis de déplacer les politiques de lutte contrela ségrégation du simple quartier prioritaire à une politique de logements à l’échelle del’agglomération voire à l’échelle nationale à travers des mesures législatives. La question dela ségrégation prend une dimension plus globale à travers les politiques urbaines (Loi Voynetsur l’aménagement du territoire, Loi Chevènement sur la coopération intercommunale, LoiGayssot sur la Solidarité et le Renouvellement Urbain) et souligne le souci d’équité dont

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l’état se porte garant. L’objectif de la LOV « anti-ghetto » est d’inciter les communes qui ontmoins de 20 % de logements sociaux ou qui accueillent moins de ménages bénéficiairesd’Aides Pour le Logement (APL) à construire plus de logements sociaux et à accueillirplus de ménages modestes. Ce qui permettrait une plus grande équité territoriale dans ladistribution des logements sociaux et les charges associées. La loi SRU reprend ces mêmesprincipes en les intégrant aux exigences du cadre du « développement durable » et en leurdonnant plus de moyens d’application par une politique volontaire de mixité sociale. L’autreobjectif est de mieux répartir les moyens et les ressources financières entre les communesconcernées par les situations de concentration des populations les plus pauvres et lesautres, afin de réguler les inégalités inter-communales (Lelevrier, 2005). La distribution despopulations pauvres sur les différentes zones de la ville, y compris les plus riches, au-delàde la question de dépense, peut être perçue comme une recherche d’égalité d’opportunité,dans le sens de Sen, à travers le mélange social.

La ségrégation spatiale est appréhendée au niveau de l’habitat, mais à une échellequi dépasse le seul quartier défavorisé. Elle représente l’inégale répartition des populationsles plus pauvres entre les différentes communes de l’espace urbain vue comme uneforme de désolidarisation de la ville. Cet élargissement de l’échelle de la ségrégation, duquartier à l’agglomération, reconnaît le caractère multiéchelle du processus ségrégatif :« L'agglomération serait le niveau pertinent pour prendre des décisions structurantesaffectant le devenir des quartiers de la politique de la ville. Se dessine une sorte de schémaarticulant l'échelle du quartier (proximité, démocratie), de la ville (projet local, cohésion)et de l'agglomération (structuration du développement économique et urbain) ». (Lelevrier,2004, p.13). Cela dit, d’autres questions subsistent quant aux modalités d’intervention despolitiques : Faut t-il aider les lieux ou les personnes ? Faut-il ramener les « riches » chezles « pauvres » ou les « pauvres » chez les « riches » ?

1.2.1.3. People versus Place : une fausse dichotomieLes politiques urbaines se sont attaquées pendant plusieurs années aux conséquencesnégatives de la ségrégation socio-spatiale à travers les quartiers les plus défavorisés.Certaines actions ont tenté d’associer les individus aux opérations de rénovation pourcréer un lien avec leurs quartiers. D’autres mesures ont ciblé les personnes relativementmodestes en leur offrant des aides directes au logement39 ou en leur donnant une chancede se localiser dans un environnement social plus favorable. Derrière la croissance de laségrégation spatiale, que nous confirmons dans le prochain chapitre, émerge un consensusautour d’un échec des politiques de lutte contre la ségrégation. Face à l’absence d’uneévaluation rigoureuse de ces politiques, comme c’est le cas des politiques des ZEP(Benabou et al. 2004), il est plus facile de remettre en cause la pertinence de l’espace oude l’opposer à la personne et vice versa (People versus Place).

La comparaison des démarches de lutte contre la ségrégation en France et aux Etats-Unis, au-delà de la différence racial/social, donne deux processus opposés (Donzelot etal. 2003). Si aux États-Unis les politiques ont commencé par l’espace (place) avant des’orienter vers les individus (people), en France, la démarche est inverse. Il s’agit d’abord de

39 Les aides au logement comportent des aides à la pierre devant favoriser la construction de logements et des aides personnellesversées aux ménages pour les aider à supporter la dépense de logement. Selon le dernier rapport de la cour des comptes (2007),les aides personnelles au logement bénéficient aujourd’hui à plus de 6 millions de ménages pour un coût global de 13,8 Md€ répartientre l’État et la sécurité sociale. Les auteurs du rapport estiment que ces aides ne sont pas efficaces car elles ne ciblent pas lespersonnes qui ont le plus besoin des aides pour se loger. Pour cela, l’État devrait progressivement réduire le nombre des bénéficiaireset rechercher le moyen de remédier à l’inégalité entre allocataires du parc social et allocataires du parc privé.

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d’aider les gens dans les lieux où ils vivent à travers les opérations de développement socialdes quartiers, avant d’aider les lieux où vivent les gens par des politiques volontaristes. Cesdeux expériences relativisent la stricte opposition espace/personne en insistant plutôt surl’ordre chronologique. Ce faux débat n’est pas propre à la France car il divise égalementaux États-unis : « Another unfortunate debate is that between proponents of so-called pro-place policies and those who advocate pro-people policies. Once again, there is a needfor both. And it is also the case that the distinction between policies that focus on improvingneighbourhoods and those emphasising individual development is not as great as is oftensuggested” (Squires et Kubrin, 2005, p.60).

Derrière cette dichotomie se pose la question de savoir si la ségrégation spatiale estexclusivement la traduction spatiale des inégalités individuelles ou si l’espace est lui mêmeau moins en partie responsable de cette ségrégation à travers les effets de quartier. Laréponse apportée dans le premier chapitre, confirmant à la fois les effets des facteurs socio-économiques et les effets propres au quartier, tend à montrer qu’il s’agit bien d’une faussedichotomie.

L’importance de l’espace est confirmée par le succès des politiques du Moving toOpportunity (MTO), visant à relocaliser les ménages des minorités pauvres des quartierscentraux à faible revenu vers les quartiers périphériques à revenu moyen, sur les résultatsdes élèves et la qualité de vie de leurs familles (Squires et Kubrin, 2005). La recherchede mixité sociale par la mobilité spatiale des populations défavorisées vers des quartiersmoyens ou aisés repose sur l’hypothèse d’un rôle positif du quartier. Pour cela, la politiquede la ville volontariste doit aider ces personnes à franchir les différentes contraintes,économiques mais aussi de refus (de type NIMBY). Nous retrouvons ici la stratégie socio-spatiale de type people place-based strategy (Donzelot et al. 2003). Pour éviter les effetsnégatifs du quartier ségrégué, l’amélioration de l’attractivité du quartier ségrégué vis-à-visdes ménages moyens et aisés peut aboutir sur une mixité sociale. Cette stratégie basée surl’espace est celle qui domine la politique de la ville en France. La diversification du quartier,dans le premier cas, peut être vue comme le résultat d’un processus de ghettoïsationalors que, dans le deuxième cas, elle est considérée comme la suite d’un processus degentrification (Cf. chapitre 1).

Avant de concevoir des politiques de lutte contre la ségrégation spatiale, il est crucial derappeler que ces tendances « naturelles » sont guidées par le marché foncier et immobilieret par les préférences individuelles quelles que soient leur type (Cf. chapitre 1). Faut-ilramener les riches chez les pauvres ou les pauvres chez les riches pour créer de la mixitésociale ? Pour la première option, nous savons que le marché est favorable car les ménagesriches peuvent s’installer n’importe où dans la ville. Mais par leurs préférences (recherchedes externalités positives et surtout évitement des externalités négatives), ces ménages nevoudront pas habiter des quartiers polarisés par les pauvres. La solution dans ce cas-làest tournée vers l’espace car elle consiste à valoriser les territoires pauvres pour attirer lespopulations aisées. En revanche, pour la deuxième option, les préférences des populationspauvres sont favorables et il suffit de regarder les migrations résidentielles pour constaterque les ménages s’installent en moyenne dans une commune plus riche que leur précédentecommune de résidence, cherchant ainsi un environnement social plus favorable. Mais lemarché foncier et immobilier leur est défavorable. La solution dans ce cas-là est tournée versces individus en les aidant à se localiser chez les riches, comme c’est le cas des politiquesdu MTO aux États-Unis ou de la loi SRU en France. Alors, faut-il réellement opposer cesdeux types de mesures ?

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1.2.2. Vers une définition mesurableAu-delà de la multiplicité de ses formes, la ségrégation spatiale reste associée à la normed’égalité, d’interaction et de mixité sociales. A coté de la distance physique il y a égalementdistance et inégalité sociales entre les différents groupes de population, qui lui sont liéeset qui posent problème. L’un des piliers dans l’étude de la ségrégation est, d’ailleurs, de « renforcer la connexion sociale en réduisant les distances physiques et sociales entre lesdifférentes catégories de population dans le cadre des agglomérations urbaines » (Fitoussiet al. 2004, p.77). Définir la ségrégation dans le contexte urbain français doit permettre nonseulement de la mesurer mais aussi de suivre des objectifs communs.

A partir des éléments apportés jusque là, nous pouvons définir la ségrégation socio-spatiale comme étant, un processus, alimenté par un ensemble de mécanismes etconduisant à un moment donné à un état d’inégalité socio-économique (1) visible entre lesespaces de vie (2) qui composent l’espace urbain (3)et à une homogénéisation au sein deces espaces de vie.

Cette définition, il ne faut pas le nier, est le résultat d’un ensemble d’aller-retoursentre littérature théorique, littérature empirique et une recherche d’originalité sous une fortecontrainte de disponibilité de données (Davezies, 2004). En prenant en compte à la foisl’inégalité entre les différentes zones de la ville et l’homogénéité à l’intérieur de chaquezone, elle va dans le même sens que la définition proposée par Castells (1972, p.218) dansla question urbaine, qui considère la ségrégation comme « la tendance à l’organisationde l’espace en zones à forte homogénéité sociale interne et à forte disparités socialesentre elles, cette disparité étant comprise non seulement en termes de différence, mais dehiérarchie ». Cela dit, le traitement de la ségrégation spatiale selon la dimension inégalitairereprésente deux avantages en économie. Le premier est la neutralité de la notion d’inégalitéou de la différenciation (Lacour, 2005), car elle se nourrit de repères, d’observations et demesures de la distribution des populations selon leur revenu, leur statut social et culturel. Ledeuxième avantage est de créer une complémentarité entre un champ relativement nouveau« la ségrégation » et une vieille thématique qui ne cesse de se renouveler « l’inégalité ».Il serait vain d’opposer, au sein d’une autre fausse dichotomie, les deux phénomènesen France. La ségrégation incarne la dimension spatiale de l’inégalité et souligne le rôleimportant de l’élément longtemps négligé par les études économiques, « l’espace ». Lesétudes récentes la considèrent comme une nouvelle forme d’inégalité qui regroupe toutesles inégalités (Maurin, 2004 ; Bensaid et al. 2004).

Nous précisons les trois points qui constituent notre définition à savoir les populationsconcernées et leurs caractéristiques (position sociale, revenu), l’échelle locale des espacesde vie (lieu de résidence et/ou travail et/ou école…) et l’échelle globale (Aire urbaine,Région), indispensables dans l’analyse de la ségrégation socio-spatiale (Preteceille, 2004).

1.2.2.1. Les populations concernéesLa majorité des études urbaines se focalise sur l’exclusion des populations en bas del’échelle sociale en mettant en évidence les conséquences de leur déconnexion socio-spatiale. Cependant, les mécanismes de la ségrégation spatiale ne produisent pas que dela séparation visible mais aussi de l’agrégation40. Même si notre définition peut se confondre

40 « Alors que les études sur ce thème s’attachent surtout à dénoncer la relégation des populations les plus pauvres, celles quiportent sur la fragmentation sont plus descriptives, et rendent compte plus souvent de la tendance des plus riches à se regrouperdans des complexes résidentiels fonctionnant en vase clos au niveau des services quotidiens et mettant en cause le principe de laredistribution financière entre quartiers » (Vieillard-Baron, 2004, p.52).

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Chapitre 2 : Appréhender la ségrégation socio-spatiale

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avec la différenciation spatiale, elle a l’avantage de prendre en compte l’ensemble dela population et ne se limite pas seulement aux groupes défavorisés, d’autant plus quenous nous intéressons aux causes de la ségrégation. « L’h omogénéité sociale des beauxquartiers fait prendre conscience de l’ambivalence de la ségrégation : elle n’est jamaisseulement séparation, mais aussi toujours agrégation et recherche de son semblable. Lesdeux processus sont liés » (Pinçon et Pinçon-Charlot, 2004, p.92). Toutefois, la ségrégationn’est pas limitée aux extrêmes, et doit être traitée dans sa continuité, pour se rendre comptedes mécanismes de fuite des quartiers moins favorables et de recherche d’environnementsocial plus favorable. Ce sont d’ailleurs ces mécanismes qui entretiennent « le ghettofrançais » (Maurin, 2004).

L’analyse de la ségrégation en tant qu’inégalité socio-économique traversantl’ensemble de la population nécessite tout de même la définition des groupes selon unou des critères particuliers. C’est le concept sociologique de classe sociale Marxien quiest à l’origine des études sur les inégalités. En distinguant entre ceux qui détiennentle capital et les travailleurs, ce principe est lui aussi lié aux rapports de domination etd’opposition même s’ils sont issus du processus de production dans le sens de Ricardo.La stratification sociale Weberienne représente une société en strates non conflictuelle enidentifiant la position de chaque individu à travers la combinaison de l’ordre économique(revenu), l’ordre social (prestige) et l’ordre politique (pouvoir) (Boudon et Bourricaud, 1982).La construction des groupes sociaux selon Bourdieu (1979) est un mélange des deuxapproches marxienne (domination) et weberienne (multidimentionalité). La position socialede l’individu est déterminée par le capital économique (revenus et patrimoine), le capitalculturel (savoirs et qualifications qu’on retrouve dans le capital humain), le capital socialet le capital symbolique (le pouvoir de posséder les autres formes de capitaux et lesreconnaître). Le poids de chaque capital est différent selon le temps et les sociétés. Lecapital économique reste, selon Bourdieu, le facteur le plus déterminant de la positionsociale avec le capital culturel (humain) dans les sociétés économiquement les plusavancées. La ségrégation spatiale est liée, comme nous l’avons expliqué dans le premierchapitre, au capital économique, humain et social et la multidimensionalité des inégalitésest un fait aujourd’hui (Fitoussi et Savidan, 2003 ; Bihr et Pfefferkorn, 2008). Mais, cela nedoit pas occulter la prédominance et le pouvoir décisif des facteurs économiques sur lesautres capitaux dans une société où, au-delà des extrêmes, les limites entre les strates sontde plus en plus fragiles.

Le concept sociologique de la position sociale est souvent simplifié à cause des limitesimposées par les sources de données. La ségrégation spatiale peut être analysée d’unpoint de vue socio-économique à partir d’un indicateur synthétique des richesses sociales,culturelles et économiques représenté par la catégorie socioprofessionnelle (CSP). Eneffet, les analyses typologiques, combinées à d’autres variables comme le type d’activitééconomique, donnent des résultats très intéressants sur l’inscription spatiale des inégalitéssocio-économiques et de leurs évolutions sur une courte durée (Martin-Houssart et Tabard,2002). Cependant, la légitimité de cette variable d’état (Desrosières et Thévenot, 1988)est souvent remise en question dès qu’il s’agit de l’étude d’un processus de longue durée.Au-delà de la question de la précarité, un cadre des années 1970 n’est plus le mêmecadre d’aujourd’hui et le pourcentage des ouvriers a nettement reculé dans l’ensemble dela population. Pour vérifier la moyennisation de cette catégorie, il suffit de constater que « ladifférence de revenu moyen entre un cadre et un ouvrier est passé de 1 à 4 dans les années1970 à 1 à 2,5 aujourd’hui » (Maurin, 2004, p.21). Le départ intensif à la retraite des papyboomer ouvriers entre deux recensements conduit non seulement à la croissance de la partdes retraités notamment dans les quartiers de tradition ouvrière mais également à la baisse

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du nombre d’ouvriers. On peut suspecter que la division de l’espace résidentiel soit en partiedue à l’évolution même des catégories socio-professionnelles. Ce qui nécessite la prise encompte de l’ensemble des transformations sociogéographiques et la mobilité résidentielledans l’analyse de la ségrégation spatiale des groupes sociaux (Cf. chapitre 5).

La richesse économique est une variable continue et souvent corrélée à la richesseculturelle et sociale. Cependant, les inégalités sont de plus en plus importantes au seinde la même catégorie. L’utilisation des revenus des ménages, fréquemment employésdans les études américaines, peut s’avérer efficace pour l’étude de la ségrégation oude l’inégalité sur plusieurs villes en France notamment sur une longue durée (Piketty,1997). Les études françaises utilisant cette variable synthétique montrent bien, à différentséchelons, son lien étroit avec les caractéristiques socioprofessionnelles et attestent que lerevenu est un puissant révélateur des inégalités structurelles socio-spatiales (François etal. 2003). L’autre avantage dans l’utilisation des revenus dans l’étude de la ségrégationest la facilité de déflater cette variable dans le temps et de neutraliser également les effetsmacroéconomiques. Cette variable continue garantit une certaine neutralité et limite lerisque de déformation de l’information initiale lié à une classification souvent incontournable.L’analyse de la ségrégation spatiale à partir du revenu ne signifie pas une réduction de lasociété à la seule valeur pécuniaire mais un essai de compréhension des mécanismes derépartition de la population selon ce critère économique, voire socio-économique.

Le choix de l’utilisation de la catégorie socioprofessionnelle ou du revenu estsouvent conditionné par la disponibilité des données. La variable de la catégorie socio-professionnelle est incontournable en France en grande partie parce que l’informationspatiale est disponible dans les fichiers du recensement contrairement au revenu qui restesensible au secret statistique et peu fiable dans les enquêtes statistiques. En l’état actuel, lasolution privilégiée consiste à combiner les deux variables à partir des données disponibles(recensements, données administratives de la Direction Générale des Impôts) afin deconfronter les résultats et de montrer parfois leur complémentarité (Cf. chapitre 5).

1.2.2.2. L’échelle locale : du quartier à l’espace de vieLes études de la ségrégation spatiale peuvent être regroupées en deux catégories : cellesbasées sur la localisation et celles qui reposent sur les pratiques. Les deux approchesprennent en compte le principe d’interaction sociale à partir de la proximité physique. Lelieu de résidence, le lieu de travail et l’école sont a priori les seuls lieux où les individuspeuvent avoir une référence spatiale stable, et représentent les seules formes mesurablesde la ségrégation spatiale (Rhein, 1994). Par ailleurs, comme le soulignent les sociologues,chaque lieu est caractérisé par un type particulier de sociabilité selon son intensité (Bidart,1988). Ces formes de ségrégation sont étudiées séparément, mais avec une concentrationdes travaux sur la ségrégation résidentielle.

Il existe plusieurs raisons justifiant la prédominance des études de la ségrégationfaisant référence au lieu de résidence via le quartier comme unité spatiale. La disponibilitéet la représentativité des données issues principalement du recensement de la populationjouent sûrement en faveur des analyses des localisations résidentielles, mais ce n’est bienévidemment pas le seul avantage. Le quartier structure une bonne partie de l’espace devie. Il détermine le choix des écoles à travers le système de « la carte scolaire », maisaussi les interactions basées sur les services de proximité (commerces, espaces de jeudes enfants…). L’image des individus est souvent associée à l’image de leur quartier « dismoi où tu habites je te dirai qui tu es ». Pour les classes aisées l’adresse est un signe

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Chapitre 2 : Appréhender la ségrégation socio-spatiale

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de distinction sociale41 (Pinçon et Pinçon-Charlot, 2004), tandis que pour les habitants desquartiers difficiles, et nous l’avons souligné précédemment, elle représente une source destigmatisation pour l’emploi et un handicap à la mobilité sociale. Le lieu de résidence reste,contrairement à ce qu’on peut imaginer, l’un des principaux vecteurs de socialisation42. Leprincipe de base de la ségrégation résidentielle est la concentration des interactions socialesentre les habitants du même « quartier » à travers la proximité physique.

Les études de la ségrégation portant sur les pratiques analysent les interactions etl’absence d’interaction à travers les espaces vécus. Elles ont l’avantage de prendre encompte non seulement le lieu d’habitat de l’individu mais l’ensemble des lieux d’activitéqui structurent sa vie quotidienne et notamment l’école et le lieu d’emploi. Cependant, cetype d’analyse met en évidence des phénomènes d’entre-soi et l’espace reste secondaire.L’étude de la ségrégation analysant les écarts entre les quartiers (lieux d’interactionsgénérés par la proximité résidentielle) peut être complétée en élargissant l’échelle duquartier vers celle de l’espace de vie. La définition des espaces de vie où la majorité desménages y réside, travaille et scolarise ses enfants permet d’aborder la ségrégation spatialeen tant qu’inégalité entre des espaces relativement distincts (absence relative d’interactions)de la même ville. L’analyse des pratiques à travers la mobilité quotidienne des ménagespermet de distinguer ces espaces relativement autonomes, dans le même sens que lesbassins de vie de l’INSEE (Julien et Pougnard, 2004). Comme le signale Lipietz (1999):« je crois que pour l’espace géographique, c’est l’activité elle-même et les rapports sociauxhumains qui créent la spatialité correspondante, ce qui n’empêche pas, quand on l’a biencompris, de l’objectiver sous forme de données quantitatives ».

Le choix de l’échelle locale pour l’analyse des répartitions socio-spatiales est basé surdes espaces structurés par les acteurs sociaux, du quartier de résidence à l’espace de vie.Un fort niveau de ségrégation serait associé à un niveau élevé d’inégalité entre des espacesautonomes fréquentés par des populations similaires. Cela dit, il n’existe pas une seuleéchelle pertinente de la ségrégation spatiale et chacune est associée à un objectif particulier.Pour mieux comprendre ce phénomène, il est souvent préférable de prendre en compte lesdifférentes échelles dans la mesure du possible car l’analyse de la ségrégation spatiale restelargement attachée aux échelles de la disponibilité des données : « There is non uniquedefinition of a neighborhood and economic segregation in neighborhoods can be viewed atmany scales. What we know about income distribution within US urban neighborhoods hasbeen limited by the data available» (Hardman et Ioannides, 2004, p.371).

1.2.2.3. L’échelle globale : l’espace urbainA travers la littérature abordée jusque là, un consensus semble émerger entre économistes,sociologues et urbanistes pour considérer la ségrégation spatiale sur l’ensemble dupérimètre de la ville et pas seulement sur les quartiers difficiles qui posent problème. Commenous l’avons dit précédemment, les travaux pionniers de l’École de Chicago privilégientla prise en compte de l’ensemble de la ville qui forme une communauté de destin en

41 « A Paris, les numéros d’arrondissements, les noms des rues, les noms des stations de métro, constituent des repèresidentitaires…A Paris, on lie volontiers le niveau social de son interlocuteur à l’arrondissement dans lequel il réside » (Pinçon et Pinçon-Charlot, 2004, p.105).

42 « Avec la dislocation du marché de travail, l’emploi et les relations d’emploi ont perdu de leur portée intégratrice tandis quele quartier redevenait pour beaucoup, par défaut, l’un des principaux vecteurs de socialisation. Le lieu de résidence représente sansdoute un enjeu plus grand encore pour les enfants et les adolescents que pour les adultes. Il conditionne les interactions auxquellesils ont accès à un moment décisif de leur développement et détermine en partie leur avenir » (Maurin, 2004, p.31).

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interaction. Le rapport du Conseil d’Analyse Économique (Fitoussi et al. 2004) estime quel’échelle la plus pertinente de l’évaluation de la ségrégation et de l’intervention publique estcelle des agglomérations urbaines.

Derrière ce consensus, se cache la question de l’échelle pertinente qui peut incarnerla ville aujourd’hui. Il est clair que le seul critère de la continuité du bâti est insuffisantpour caractériser les agglomérations urbaines : « Le critère de continuité spatialedu bâti qui servait à définir les agglomérations urbaines est sans doute insuffisantaujourd’hui, du fait des formes multipolaires ou discontinues d’extension des périphériesurbaines » (Préteceille, 2004, p.17). Par conséquence, il est nécessaire d’intégrer, au delàdes délimitations administratives, l’ensemble des espaces effectivement accessibles et quiforment une unité autonome où tous les actifs habitent et travaillent. Le découpage en airesurbaines est mieux adapté (Preteceille, 2004) même s’il repose lui aussi sur le principe deseuil qui pose parfois des problèmes dans les études des phénomènes urbains liés à lamétropolisation (Julien, 2007). Faut-il raisonner en découpage stable des aires urbaines oualler jusqu’à un découpage en Région urbaine comme c’est le cas pour le bassin parisien(Gilli, 2005) ? Cela pose des problèmes de frontières entre les espaces urbains où les plusgrands absorbent les plus petits et renforce la « cacophonie zonale » (Julien, 2007). Cedilemme n’est certainement pas réglé et à défaut de trouver une meilleure solution nousretenons le même découpage en aire urbaine.

2. Choix méthodologiquesÀ travers les choix méthodologiques, nous précisons les données et les échelles (2.1) avantde détailler les mesures de la ségrégation spatiale utilisées (2.2).

2.1. Les donnéesNous utilisons pour mesurer la ségrégation spatiale les données de revenus et descatégories socioprofessionnelles. Ces dernières sont disponibles à partir des recensementsde 1982, 1990 et 1999 de l’INSEE. Il s’agit principalement de la nomenclature connue enhuit classes (cadres, artisans, professions intermédiaires, employés, ouvriers, retraités etautres sans activité professionnelle) qui vient compléter la mesure de la ségrégation spatialepar les revenus. Nous présentons seulement la donne concernant les sources de revenusutilisées ainsi que les échelles et la méthode qui a servi à estimer les données manquantes.

2.1.1. Les données disponiblesPour l’analyse de la ségrégation spatiale, nous utilisons principalement les données desrevenus issus des déclarations annuelles des foyers fiscaux de la Direction Générale desImpôts (DGI). Cela dit, il existe deux sources de données : celle des revenus imposablesde la DGI et celle des revenus déclarés de la DGI, testés et commercialisés par l’INSEE.Ces données sont différentes, par leurs définitions, leurs échelles et les périodes qu’ellesrecouvrent, mais elles restent complémentaires vis-à-vis de l’objectif de mesure de laségrégation. Un test sur la sensibilité des résultats par rapport aux deux types de donnéesutilisées sera effectué en chapitre 3.

Tableau 4 : La donne en termes de données sur les revenus

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Chapitre 2 : Appréhender la ségrégation socio-spatiale

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Revenu Source Echelleindividuelle

Unitéspatiale deréférence

Éléments renseignés Périoded’observation

Revenuimposable

DGI Foyer fiscal Commune Revenu total, Revenufoyers imposés/ nonimposés

1984-2004

Revenudéclaré

INSEE-DGI

Ménagefiscal

Quartier IRIS Déciles, moyenne,dispersions

2001-2002

2.1.1.1. Les revenus imposables des foyers fiscauxLes données des revenus imposables des foyers fiscaux sont issues des déclarationsannuelles des impôts sur le revenu des particuliers (IRPP). Elles concernent l’ensembledes foyers fiscaux taxés (une déclaration 2042 compte pour un foyer fiscal). Ces donnéessont disponibles depuis 1984 et sont publiées chaque année à partir de l’année 2000 surle site de la DGI ( www.impots.gouv.fr) . Elles renseignent sur le revenu total et le montantde l’impôt par commune, en distinguant entre foyers imposables (ayant un impôt à acquitterou qui ne bénéficient pas d’un remboursement total des crédits d’impôts dont ils disposent)et foyers non imposables (n’ayant aucun impôt à payer). Malheureusement, nous n’avonsaucune information sur la distribution de ces revenus à l’échelle individuelle du foyer fiscal.

Les revenus imposables43 comprennent l’ensemble des revenus bruts aprèsdéduction des charges et des abattements (10 et 20 %) et des plus-values, avantredistribution (Impôts, prestations familiales et aides au logement). Toutes les données quiservent à calculer l’impôt sur le revenu sont prises en compte. Ces revenus sont diffuséspour l’ensemble des communes métropolitaines à l’exception de celles ayant moins de 11foyers fiscaux imposés, ou celles pour lesquelles une seule imposition dépasse le seuil de85 % de la matière imposable ou de l'impôt de la commune. Les modifications parvenuesentre 1984 et 2004 et permettant une comparabilité de l’ensemble des communes sontprises en compte. Par exemple, la commune de Lomme qui a rejoint Lille en 2000 estassociée à cette dernière pendant l’ensemble de la période. C’est la même chose pour lacommune de Octeville qui a rejoint Cherbourg. En revanche, les communes ayant subi desmodifications internes qui ne peuvent pas être prises en compte, comme la réception ou lacession de parcelles avec incidence démographique, sont écartées de l’analyse.

L’avantage de ces données communales est de permettre d’analyser et de suivre lesphotos de la répartition spatiale des revenus, des foyers fiscaux imposés et non imposéssur une longue période (1984-2004). Nous retenons, enfin, l’ensemble des communes dela France métropolitaine renseignées et comparables au long de cette période (32 741 surles 36 606 communes en 2004, ce qui correspond à environ 97 % des foyers fiscaux et97% des revenus).

Ces données administratives ont certes des limites liées à la nature des revenus (ilssont loin de refléter le niveau de vie à cause des abattements et l’absence de redistribution),

43 Ces revenus imposables comprennent selon la DGI (voir ‘La fiscalité française’, à jour le 1er avril 2004 sur le site http://www.impots.gouv.fr [consulté en décembre 2004] : les revenus nets imposables taxés au barème, c'est-à-dire la somme des revenusnets catégoriels (traitements, salaires, pensions après abattements et déductions de 10 et 20 %, revenus des professions nonsalariées…) à laquelle sont retranchés les déficits, les charges (pensions alimentaires …) et les abattements spéciaux (accordés auxpersonnes âgées ou invalides ou pour enfant à charge ayant fondé un foyer distinct) ; le montant total des plus-values y compriscelles taxées à taux proportionnel; la base de tous les revenus exceptionnels taxés selon le régime du quotient ; la base des gainsde levée d'option.

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aux échelles de leur diffusion (le foyer fiscal et l’échelle communale) et à la législationfiscale (en zones frontalières) et son évolution (changement de statut vis-à-vis de l’impôt etmodification des parts des foyers imposés et non imposés dans une commune). Cela dit,en restant prudent, elles permettent de comprendre une partie du processus ségrégatif, ensuivant l’évolution des revenus et des foyers fiscaux dans l’espace.

2.1.1.2. Les revenus déclarés des ménages fiscauxLes revenus fiscaux déclarés sont issus de la même base de l’impôt sur le revenu (IRPP).Ils correspondent à la somme des ressources déclarées par les contribuables sur ladéclaration des revenus, avant redistribution et avant tout abattement à la différence durevenu imposable. Ces données sont diffusées depuis l’année 2000 à l’échelle communale( www.insee.fr) alors que les revenus à l’échelle infra-communale (quartier IRIS) ne sontdisponibles que pour l’année 2001 et 2002 (INSEE-DGI, 2005). Nous nous focalisons surl’année 2001, plus proche de la date du dernier recensement (1999) pour l’analyse de l’étatde ségrégation. De la même manière que les revenus imposables, les revenus déclarésregroupent (Encadré 1) les revenus des activités salariées et non salariées ; les pensions,retraites (hors minimum vieillesse) et rentes ; certains revenus du patrimoine (les revenusdes valeurs et capitaux mobiliers imposables et revenus fonciers nets) et les revenussociaux imposables (indemnités de maladie et de chômage, hors RMI).

Les revenus sont attribués à un ménage fiscal qui est constitué par le regroupementdes foyers fiscaux (déclarations 2042) répertoriés dans le même logement (mêmeTaxe d’Habitation). Il faut souligner que le ménage fiscal est relativement différent duménage classique au sens de l’INSEE car il exclut les ménages constitués de personnesne disposant pas de leur indépendance fiscale (principalement des étudiants) et lescontribuables vivant en collectivité (foyers et autres). Il ne prend pas également les ménagesconcernés par un événement de type mariage, séparation ou décès avec un défaut decouverture d’environ 2,8 % du nombre « théorique » total de ménages fiscaux en Francemétropolitaine (INSEE-DGI, 2005).

Encadré 1 : La composition des revenus déclarés des ménages fiscaux

Les revenus salariaux sont des revenus d’activité qui comprennent : les salaires, les salairesd’associés, la rémunération des gérants et associés (nets de cotisations sociales mais ycompris les CSG et CRDS non déductibles) ; les droits d’auteur ; les avantages en nature ; les indemnités journalières de maladie ; les allocations perçues en cas de chômage ; certaines allocations de pré-retraite ; les revenus perçus à l’étranger par des résidents enFrance (ces revenus sont assimilés à des salaires bien qu’ils puissent en réalité correspondreà une autre catégorie de revenus : la déclaration de revenus ne permet pas de les distinguer). Les revenus des professions non salariées sont des bénéfices nets de déficits et horsplus-values des indépendants. Ils comprennent les trois catégories suivantes : BénéficesAgricoles (BA). Bénéfices Industriels et Commerciaux professionnels (BIC). Bénéfices NonCommerciaux professionnels (BNC). Les pensions, retraites et rentes comprennent : lespensions, rentes, allocations de retraite et de vieillesse ; les pensions, allocations et rentesd’invalidité ; les avantages en nature ; les rentes viagères à titre gratuit (reçues en vertud’un acte de donation ou d’un testament) ; les pensions alimentaires nettes (les pensionsversées sont soustraites des pensions perçues) ; les rentes viagères à titre onéreux (unefraction des rentes viagères perçues en contrepartie d’une somme d’argent versée ou de latransmission d’un bien, rentes allouées en dommages-intérêts par décision de justice). Lesautres revenus sont essentiellement des revenus du patrimoine : les revenus des valeurs

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Chapitre 2 : Appréhender la ségrégation socio-spatiale

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et capitaux mobiliers imposables au titre de l’IRPP, ce qui exclut les revenus défiscaliséscomme le livret A et les produits de placements soumis à prélèvement libératoire ; lesrevenus fonciers nets (loyers, fermages, parts de SCI, affichage) ; les revenus accessoires :il s’agit des Bénéfices Industriels et Commerciaux (BIC) non professionnels, des BénéficesNon Commerciaux non professionnels et des recettes brutes de locations meublées nonprofessionnelles.

Source INSEE-DGI, 2005Contrairement aux revenus imposables, ces données au niveau du ménage fiscal sont

plus fines et beaucoup plus détaillées. La base de données de l’INSEE-DGI (2005) offredes renseignements sur le revenu à l’échelle individuelle de l’Unité de Consommation quireflète mieux le niveau de vie du ménage. Elle donne des informations spatiales au niveaudu quartier IRIS sur les déciles de revenu, la moyenne et les niveaux de dispersion etdes inégalités des revenus (écart-type, indice de Gini). La disponibilité des données etles échelles conditionnent largement, comme nous le verrons par la suite, l’étude de laségrégation spatiale.

Enfin, le choix de ces deux sources de données de revenus vient du fait que toutes lesautres données sur les revenus fiscaux sont a-spatiales (à l’exception du fichier FILOCOM,difficilement accessible) sinon beaucoup moins fiables lorsqu’elles proviennent d’enquêtespar « interview ». Le revenu dans ce type d’enquêtes, même s’il est censé prendre encompte les prestations sociales par exemple, est largement sous-estimé par rapport aurevenu fiscal (environ 15 % pour les revenus de l’enquête ménages de Lyon en 1995,Bouzouina et Nicolas, 2008). Toutefois, au-delà des avantages dans l’utilisation des revenusfiscaux pour l’étude de la ségrégation et des inégalités, mais aussi des inconvénients et desreproches (Champagne et Maurice, 2001 ; Houriez et Roux, 2001), cette source demeure laplus fiable et la seule capable de supporter ce genre d’études sur plusieurs villes, à plusieurséchelles et sur une longue durée44. Toutefois, les données incontournables sur les mobilitésrésidentielles intercommunales des populations issues des deux derniers recensements(1990 et 1999) sont utilisées pour compléter l’analyse du processus ségrégatif (Cf. chapitre5).

2.1.2. Les échellesIl s’agit de préciser les différentes échelles de mesure, d’analyse et d’observation utilisées.A l’échelle individuelle, le revenu déclaré doit prendre en compte la composition du ménagefiscal pour constituer un revenu par Unité de Consommation (UC), plus proche du niveaude vie. L’échelle spatiale de mesure (échelle locale) varie du quartier IRIS, à la commune,à l’espace de vie. L’échelle spatiale d’observation (échelle globale) est principalement l’aireurbaine.

2.1.2.1. Échelle individuelle : le revenu par UC

44 Face à la contrainte de disponibilité des données spatiales, les revenus issues de sources administratives devront êtreutilisés pour analyser l’inscription spatiale de la pauvreté et la ségrégation : « … les données des enquêtes existantes ne sont passuffisamment représentatives pour permettre une approche de la pauvreté territoriale par décomposition des observations nationales.Seules les sources administratives peuvent permettre une mobilisation de données territoriales, sous réserve de disponibilité desdonnées et de précautions méthodologiques importantes. Les résultats demeurent ainsi parcellaires, ce qui ne veut pas dire qu’ilsdoivent être négligés et qu’ils ne peuvent être capitalisés. » (ONPES, 2006, p.57).

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Ségrégation spatiale et dynamiques métropolitaines

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L’unité de consommation (UC) est l’échelle privilégiée pour la mesure des inégalités engénéral (Hourriez et Olier, 1997, INSEE-DGI, 2005). Elle permet de neutraliser les effets decomposition et prend en compte les économies d’échelle à l’intérieur de chaque ménageliées à la consommation des biens collectifs tels que le logement. En le divisant par lenombre d’unité de consommation par ménage, le revenu se rapproche du niveau de vie.Il est plus facile de comparer les niveaux de revenus entre des zones et des ménages detailles différentes en attribuant à chaque individu, quelque soit son âge, un revenu par UC(équivalent adulte).

La définition d’une échelle d’équivalence est liée à un certain nombre d’hypothèses etde conventions concernant les dépenses du ménage par rapport à sa taille. Les échellesles plus connues sont celle d’Oxford et celle de l’OCDE (modifiée). La première est plusancienne et attribue un poids de 1 au premier adulte du ménage, un poids de 0,7 auxautres adultes et un poids de 0,5 aux enfants de moins de 14 ans. La seconde attribue lemême poids au premier adulte de référence (1), mais elle donne des poids plus faibles auxautres personnes de 14 ans ou plus (0,5) ainsi qu’aux enfants de moins de 14 ans (0,3).Contrairement à l’échelle d’Oxford, l’échelle de l’OCDE ne sous-estime pas le niveau de viedes familles et correspond mieux aux changements de la structure des enquêtes Budgetsdes familles. L’échelle d’équivalence modifiée de l’INSEE, que nous utilisons dans notrecadre, est proche de celle de l’OCDE. Elle est couramment utilisée par l’INSEE et Eurostatpour étudier les revenus exprimés par « équivalent adulte ».

La mesure des unités de consommation nécessite des informations sur la compositiondu ménage. La base de données des revenus déclarés (INSEE-DGI, 2005) offre desinformations à l’échelle de l’UC, de la personne et du ménage fiscal, mais elles ne sont pasdisponibles sur certaines zones du fait du secret statistique. Nous calculons alors le nombred’individus ou d’unité de consommation par zone à partir des données du RecensementGénéral de la Population (RGP) de 1999. Pour le revenu imposable, ces informations(composition du ménage par commune) ne sont disponibles que tous les dix ans sur labase du RGP, et nous disposons alors seulement des données des années 1990 et 1999.La seule échelle individuelle permettant le suivi annuel du niveau de la ségrégation estcelle du foyer fiscal, qui se voit attribué le revenu imposable moyen de sa commune derésidence. Cela dit, la ségrégation spatiale et les inégalités de revenus intercommunalessont également mesurées par UC en 1990 et 1999 pour permettre plus de cohérence dansles comparaisons (Cf. chapitre 3).

2.1.2.2. Échelle spatiale de mesure : quartier IRIS, commune, espace de vieA travers la littérature empirique, nous pouvons distinguer deux manières de définir l’échellede mesure de la ségrégation spatiale. L’échelle de mesure peut être définie a posteriorien intégrant les paramètres de contiguïté entre les unités spatiales au sein des indicesspatiaux de ségrégation45 ou a priori en agrégeant des unités spatiales semblables pourconstituer des entités relativement indépendantes. L’autre distinction déjà abordée est celleconcernant la définition de l’échelle selon la proximité spatiale (contiguïté) ou selon lespratiques.

L’avantage de la première mesure paramétrique est de prendre en compte la contigüitéentre les différentes unités spatiales et d’éviter ce que White (1983) qualifie de problème de

45 « Ces indices sont spatialisés car ils prennent en compte explicitement la distribution géographique des unités dans leursformulations et car les interactions spatiales entre les groupes de population localisés dans des unités adjacentes sont déterminantesdans le calcul du niveau de ségrégation » (Gaschet et Le gallo, 2005, p.6).

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Chapitre 2 : Appréhender la ségrégation socio-spatiale

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l’échiquier « Chekerboard problem » (Dawkins, 2004 ; Kim et Jargowsky, 2005) ou ce que lesgéographes appellent le MAUP : « The Modifiable Areal Unit Problem » (Openshaw, 1984).Cette question est traitée sous l’angle de la dimension regroupement ou agrégation spatialedans la mesure de la ségrégation résidentielle. Supposons que chaque case (blanche ougrise) est habitée par un nombre de population homogène selon un critère particulier (Figure7). Au sein de la même ville, le niveau de ségrégation spatiale peut radicalement changerselon les délimitations de l’échelle de mesure retenue ou sa finesse. Une ville qui apparaîttrès intégrée à une échelle particulière (1) peut s’avérer complètement ségréguée à uneéchelle construite par agrégation d’unités semblables contiguës (2). De la même manière,une ville complètement mixte à une échelle large (3) peut être complètement ségréguéeà une échelle très fine (4). Pour cela, l’analyse cartographique reste très complémentaireaux analyses par des indices dans la mesure de la ségrégation spatiale. Cette méthode (aposteriori) est moins sensible aux changements des unités spatiales de référence puisquederrière l’agrégation des unités semblables adjacentes, elle vise à déterminer l’échellespatiale la plus explicative de l’inégalité et à mesurer potentiellement le niveau le plus élevéde la ségrégation spatiale à partir des indicateurs. Ce qui est aussi l’objectif de la deuxièmeméthode (a priori), sauf qu’elle exige une connaissance préalable des zones agrégées selonla contiguïté et/ou plusieurs critères (ruptures naturelles, type d’habitat, fréquentation…).Les données spatiales les plus fines permettent alors une meilleure compréhension dela ségrégation car elles peuvent être agrégées afin de construire des unités relativementindépendantes et homogènes en fonction de l’objectif de l’étude. Il reste que ces donnéesles plus fines ne sont disponibles qu’à l’échelle de la commune ou de « l’IRIS », construit àpartir d’îlots contigus. Notre objectif est, en grande partie, de chercher une complémentaritéentre l’échelle communale et l’échelle du quartier pour analyser la ségrégation spatiale etson évolution en France (Cf. chapitre 3). La confrontation des échelles existantes avecl’échelle la plus fine nous semble tout à fait adaptée.

Figure 7 : Effet des échelles de mesure sur le niveau de ségrégationL’INSEE a construit l’unité spatiale la plus fine (IRIS-2000 : Îlots Regroupés pour

l'Information Statistique) en agrégeant des îlots contigus formant des « petits quartiers »relativement distincts et homogènes. L’analyse de la ségrégation spatiale à cette échelleest très pertinente et tout à fait justifiée, même si certains travaux les agrègent au sein desindicateurs spatiaux (Gaschet et Le Gallo, 2005). Nous appelons « quartiers » tous lesIRIS-2000 issus des découpages de toutes les communes de plus de 10 000 habitants etla plupart des communes de 5 000 à 10 000 (15 400 IRIS en France métropolitaine, dont14 200 IRIS d’habitat, 860 IRIS d’activité et 330 IRIS divers tels que les bois et les parcs)ainsi que toutes les petites communes métropolitaines non découpées (34 700 communesde moins de 5 000 habitants). Ce découpage est proche du principe du tract aux Etats-Unis, utilisé dans les études sur le voisinage ou le quartier, qui est relativement homogène

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et contient 4 000 habitants, en moyenne. Nous retenons pour l’analyse de la ségrégationspatiale en 2001 tous les IRIS d’au moins 100 habitants (50 ménages), quelque soit leurtype. Ce qui correspond, tout simplement, au seuil de diffusion du revenu médian dans labase de données des revenus déclarés (INSEE-DGI, 2005).

L’échelle administrative de la commune permet d’analyser l’évolution de la ségrégationspatiale entre 1984 et 2004, mais aussi de comprendre les enjeux liés à l’hétérogénéité decette unité spatiale (Cf. chapitre 3). Cette entité spatiale a l’avantage d’être très stable dansle temps et constitue un espace qui organise plusieurs activités administratives, citoyennes,culturelles et sportives (Préteceille et al. 2005).

Par ailleurs, toutes les informations y compris celles concernant la mobilité domicile-travail ou domicile-étude sont disponibles à ce niveau. A partir de là, d’autres échellespeuvent être construites en prenant en compte non pas la contigüité mais les pratiquesde mobilité. Le but est de mesurer la ségrégation forcément spatiale mais basée surl’agrégation d’unités par les pratiques. Deux unités peuvent être regroupées non pasparce qu’elles sont contiguës mais parce que la majorité des individus résidant ces deuxunités habitent, travaillent ou étudient dans cette entité spatiale et ont plus de chancesde se croiser. La ségrégation est en effet basée, comme nous l’avons vu, sur le principed’interaction et n’est pas générée uniquement par la contiguïté des unités spatiales. Deuxunités non contiguës peuvent être regroupées si elles constituent un seul espace de viegrâce à des simples effets tunnel.

Le bassin de vie de l’INSEE est le plus petit territoire sur lequel les habitants ontaccès à la fois aux équipements et à l’emploi (Julien et Pougnard, 2004). Dans la dernièreversion de l’INSEE (Carte 1), le zonage du territoire de la France métropolitaine donne1 916 bassins de vie, dont 1 745 bassins de vie des petites villes et des bourgs et 171bassins de vie des grandes agglomérations. L’autonomie des bassins de vie des petitesvilles et des bourgs est testée vis-à-vis de l’emploi et des équipements concurrentiels(hypermarché et supermarché, vétérinaire, banque, magasin de vêtements, magasin dechaussures, librairie, magasin d’électroménager, magasin de meubles, droguerie, grandesurface non alimentaire, marché de détail), non concurrentiels (gendarmerie, perception,notaire, ANPE, maison de retraite, bureau de poste, crèche ou halte-garderie, installationsportive couverte, piscine couverte, école de musique, cinéma), de santé (médecin,infirmier, pharmacie, masseur-kinésithérapeute, dentiste, ambulance, maternité, urgences,hôpital de court séjour, hôpital de moyen et long séjour) et d’éducation (collège, lycéegénéral et/ou technologique, lycée professionnel) 46.

46 Pour mesurer le degré d’autonomie de chacun des 1 745 bassins de vie des bourgs et petites villes vis-à-vis de l’emploi etdes équipements, un score compris entre 0 et 20 a été construit. Il est constitué d’une composante relative aux équipements et d’uneautre relative à l’emploi. Le score partiel d’équipements (sur 12) tient compte du niveau absolu d’équipements présents dans le bassinet d’un niveau attendu en fonction de la population résidente. Il accorde une même importance aux quatre types d’équipements : desanté, d’éducation, non concurrentiels et concurrentiels. Le score partiel d’emploi (sur 8) résulte à la fois du nombre d’emplois dansle bassin et du taux d’emploi, défini comme le rapport des emplois offerts dans le bassin au nombre de personnes y résidant et ayantun emploi (plus ce taux est élevé, plus le bassin de vie est attractif pour l’emploi). Un quart des bassins de vie (430) ont un scoretotal inférieur à 8 : ils sont qualifiés de « dépendants » et sont représentés par un point sur la carte : leurs habitants doivent quitterplus fréquemment leur bassin de vie pour accéder aux services ou à l’emploi. Le fait de rapporter la diversité des bassins de vie àun indicateur unique est forcément réducteur. Cette approche, statistique, nécessite évidemment d’être complétée par une analyselocale. Elle seule permet de juger de l’équipement réel d’un bassin et de l’accessibilité à ces équipements pour toutes ses communes(Julien et Pougnard, 2004).

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Chapitre 2 : Appréhender la ségrégation socio-spatiale

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Carte 1 : Les bassins de vieSource : Julien et Pougnard (2004)Même si les bassins de vie dans les grandes agglomérations sont de taille importante,

à l’image de Paris et Lyon, ils représentent des entités accessibles et autonomes dont lesquartiers sont interdépendants. La forte accessibilité offerte permet à une grande partie despopulations d’habiter, de travailler et d’effectuer ses services. Pour cela, nous prenons encompte l’ensemble des bassins de vie pour mesurer la ségrégation spatiale dans les airesurbaines (Cf. chapitre 3).

2.1.2.3. Échelle spatiale d’observation : l’aire urbaineL’échelle d’observation de la ségrégation spatiale est principalement l’aire urbaine, mêmesi elle est complétée par l’échelle régionale ou celle de la France entière. La définition del’aire urbaine est basée sur la continuité du bâti (pour le pôle urbain) et sur les pratiques demobilité domicile-travail. Selon l’INSEE, une aire urbaine est un ensemble de communes,d'un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle urbain (5 000 emplois), et par

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des communes rurales ou unités urbaines (couronne périurbaine) dont au moins 40 %de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communesattirées par celui-ci. Nous utilisons le zonage en aires urbaines de 1999. Il contient 354 airesurbaines regroupant 13 908 communes. Ce zonage en aire urbaine constitue un espaced’habitat et d’emploi de taille raisonnable permettant à la fois d’analyser la forme urbaineet la ségrégation spatiale au niveau local (Julien, 2007). Cela dit, le seuil d’attraction de40 % autour d’un pôle urbain est susceptible de limiter l’émergence de configurations autresque monocentriques. La croissance des distances des déplacements domicile-travail quicontinuent à structurer une bonne partie de l’espace de vie et surtout la disponibilité desdonnées au niveau de l’aire urbaine sont décisives pour le choix de cette échelle globale.

L’analyse de la ségrégation intra-urbaine sera limitée aux 100 plus grandes airesurbaines. Il s’agit des aires urbaines d’au moins 80 000 habitants (qui précèdent les deuxaires urbaines corses de Bastia et Ajaccio) et qui ont plus de 50 IRIS de plus de 100habitants. Ces aires urbaines contiennent suffisamment de communes pour pouvoir faireune analyse à cette échelle. Là encore, la contrainte de la taille et de la diffusion des donnéesjoue fortement sur le choix des aires urbaines à analyser.

2.1.3. L’estimation des données manquantes sur les revenus déclarésLes revenus imposables des foyers fiscaux étant bien renseignés, l’estimation des donnéesmanquantes concerne principalement les revenus déclarés des ménages fiscaux à causedes exigences du secret statistique. Cela nous conduit à choisir une méthode pour produireces informations sur l’échelle la plus fine de l’IRIS. Parmi plusieurs méthodes d’imputationdes données manquantes (Armoogum et Madre, 1998), nous utilisons des simulations pardes régressions multiples. À travers cette méthode, nous utilisons l’ensemble des autresvariables renseignées au niveau des revenus par quartiles ainsi que d’autres variablessocio-économiques pour estimer une équation de régression. Les cellules vides serontensuite remplacées par les résultats de l’équation. Selon les outils de mesure choisis (Cf2.2) nous sommes amenés à estimer le revenu moyen ainsi que les revenus par décilepermettant de définir la distribution des revenus par quartier –IRIS.

L’estimation des revenus moyens par UC manquants en 2001 se fait en plusieursétapes. Tout d’abord, nous cherchons cette information sur la base de 2002. Si elle n’estpas disponible, nous utilisons les autres données renseignées en 2001, à savoir les revenuspar quartile, le revenu médian, le revenu moyen de la commune d’appartenance de l’IRISou les variables socio-économiques quand le revenu moyen de la commune n’est pasdiffusé parce que l’IRIS est une petite commune. Nous construisons quatre modèles derégression pour estimer le revenu moyen sur l’ensemble des aires urbaines (Annexe 1),

selon la disponibilité de ces données. C’est le 3ème quartile qui explique le mieux la variancedu revenu moyen dans le premier modèle (98 %). Le revenu médian, disponible à un seuilde 50 ménages, explique 92 % de la variance dans le deuxième modèle. Le revenu moyende la commune d’appartenance explique 64 % de la variance dans le troisième modèle.Enfin, c’est le nombre de cadres qui explique le mieux la variance du revenu (57 %) dansle dernier modèle. Il explique, avec le nombre de chômeurs par IRIS, plus de 70 % de lavariance. Cela dit, il y a très peu d’IRIS dont les revenus sont estimés à partir de ce derniermodèle. Nous montrons en annexe 2 le nombre d’IRIS par aire urbaine estimés pour chaquemodèle. Si l’information n’est pas diffusée pour le revenu moyen en 2001, nous complétons

par le revenu moyen de 2002, sinon nous l’estimons au 3ème quartile, au revenu médian,au revenu moyen de la commune ou seulement à partir des variables socio-économiques

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Chapitre 2 : Appréhender la ségrégation socio-spatiale

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(RGP 1999). Le niveau de diffusion du revenu moyen des IRIS est élevé dans une grandepartie des aires urbaines. Même si le pourcentage des IRIS dont le revenu moyen est connudans certaines urbaines est faible (Metz, Dijon, Amiens, Besançon, Pau, Agen…), ces IRISregroupent la plupart de la population de l’aire urbaine. Il ne faut pas oublier que les revenusmoyens seront pondérés par la population de l’IRIS pour calculer les indices d’inégalitéspatiale, ce qui minimise l’impact d’une éventuelle erreure dans l’estimation.

Pour l’analyse plus fine de la ségrégation spatiale en 2001 prenant en compte ladistribution des revenus à l’intérieur même du quartier, nous estimons les déciles à partirdes données socio-économiques issues du RGP 1999. Chaque décile est estimé dans uneaire urbaine à partir d’une régression de type stepwise sur des données des catégoriessocioprofessionnelles (cadres, chômeurs, ouvriers…), de la taille du ménage ou le niveau

de motorisation par IRIS. Par exemple, 50 % de la variance du 1er décile est expliqué parle nombre de chômeurs à Lyon (46 % à Marseille et 61 % à Lille) alors que 62 % de la

variance du 9ème décile est expliquée par le nombre de cadres par IRIS (58 % à Marseilleet 69 % à Lille). Ces données, une fois estimées, vont servir pour construire des classes derevenus, par interpolation, et analyser leur répartition dans les trois aires urbaines de Lyon,Lille et Marseille (Cf. chapitre 5).

2.2. La mesure de la ségrégation spatialeLa ségrégation spatiale est mesurée à partir des indicateurs résumant à un moment donnél’état ou les états d’inégalité, d’homogénéité ou de concentration dans la répartition despopulations sur l’espace. Après une brève présentation des dimensions empiriques de laségrégation résidentielle, nous montrons les deux méthodes de mesure de la ségrégationutilisées, à savoir la décomposition des indices globaux d’inégalité et l’analyse de larépartition des classes de revenu a-spatiale (analyse des seuils de concentration) et spatiale(analyse cartographique).

2.2.1. Dimensions empiriques de la ségrégation résidentielleLa littérature empirique sur la ségrégation spatiale est principalement américaine et reposesur la distinction des groupes ethniques et notamment sur l’opposition d’une minorité àune majorité. Son objectif est de mesurer la séparation et l’inégalité entre les groupes etd’analyser leurs évolutions. Ce qui permet de tester la célèbre conclusion du rapport dela commission Kerner dans les années 1960 :“our nation is moving toward two societies,one black, one white separate and unequal”.Les nombreux indicateurs développés sontregroupés par Massey et Denton (1988) au sein de cinq dimensionsde la ségrégationpar rapport au lieu de résidence. Ces dimensions (evenness, exposure, concentration,clustering, and centralization) qualifiés d’hyperségrégation représentent, à travers lesdifférents indicateurs, un tableau de bord pour l’observation de la ségrégation dans la ville(Cutler et al. 1999 ; Puissant, 2006).

La dimension de l’inégalité renvoie à la distribution déséquilibrée des groupes depopulation selon une ou plusieurs caractéristiques socio-économiques à travers les unitésspatiales de la ville. Cette dimension concerne souvent un groupe particulier se situant enbas de l’échelle sociale. En prenant en compte le groupe se situant en haut de l’échellesociale, cette mesure permettra de comparer les deux distributions et de constater parexemple que le groupe le plus favorisé est beaucoup plus ségrégué que le groupe le plusdéfavorisé. En revanche, la mesure d’inégalité peut englober l’ensemble de la population de

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la ville sans distinction de groupes, si le critère socioéconomique est une variable continuecomme le niveau de richesse. Dans ce cas, il serait plus intéressant de comparer des villesentre elles. Un espace urbain est plus ségrégué qu’un autre si la répartition des revenusest plus inégalitaire entre ses différentes unités spatiales. Des indicateurs globaux tels quel’écart-type, l’indice de Gini ou l’indice de Theil interprètent facilement le niveau de l’inégalitéspatiale dans la ville sans distinction de groupes de revenus (Jargowsky, 1996, 1997). Enplus, la disponibilité de l’information sur la distribution à l’échelle individuelle permet dedistinguer l’inégalité entre les quartiers de l’inégalité à l’intérieur même des quartiers à partirde la décomposition. En prenant en compte le niveau d’homogénéité à l’intérieur des unitésspatiales, cette mesure prend en compte également la question de l’interaction sociale.

L’interaction sociale représente un des principes fondateurs de la ségrégationspatiale, depuis les travaux fondateurs de l’École de Chicago. L’isolement ou l’expositionrenvoie au degré d’homogénéité/hétérogénéité et à la possibilité d’interaction à l’intérieurdes unités spatiales. Elle mesure la probabilité qu’un membre d’un groupe rencontre unmembre de son groupe ou un membre d’un autre groupe dans son unité spatiale. Cettedimension apporte une information complémentaire à l’inégalité entre les unités spatiales etpermet de mieux décrire la ségrégation spatiale. C’est sur ces deux dimensions, inégalitéet interaction, que nous nous baserons par la suite pour mesurer la ségrégation spatiale àpartir de la décomposition d’indices globaux.

La centralisation est une simple mesure de la proximité d’un groupe de population aucentre de la ville. Cependant, cette dimension est plus adaptée au contexte métropolitaindes villes américaines, où dans la plupart d’entre elles les minorités ethniques les plusdéfavorisées se localisent dans les quartiers centraux les plus vétustes et les plusdéconnectés des emplois suburbains. Plus un groupe est localisé près du centre-ville, plusil est centralisé. En revanche, l’image et la place qu’occupe le centre historique diffèrentd’une ville à l’autre. En France, le centre représente plusieurs opportunités d’emplois et deservices et les ménages ont une préférence pour les aménités centrales. Dans ce cas, leraisonnement peut être inversé car c’est l’éloignement du centre qui peut être considérécomme une composante de la ségrégation spatiale. Cette question peut être liée à unedes pistes proposées par Grafmeyer (1996) concernant l’accès inégal à la ville en termesd’emplois et d’aménités et qui fait référence à la norme d’intégration. Cette dimension n’estpas traitée dans le cadre de la thèse.

La concentration est une dimension qui prend en compte une des caractéristiquesde l’espace physique qui est la superficie. Un groupe est considéré comme concentré s’iloccupe une superficie réduite au sein de la ville. La majorité des études ne donnent pasd’importance à la superficie car les unités spatiales centrales sont beaucoup plus réduitesque celles en périphérie, et selon les préférences du groupe pour la localisation, celui-cipeut être plus ou moins concentré. Certains travaux considèrent un groupe comme étantconcentré dans une ville lorsque ses populations occupent des unités spatiales où ils sontmajoritaires, prenant en compte ainsi la dimension d’homogénéité interne et d’interactionsociale. L’analyse des seuils de concentration des groupes de revenus offre une bonnemesure de la ségrégation spatiale (Jargowsky, 1997 ; Poulsen et al. 2002).

Le regroupement ou l’agrégation spatiale prend en compte également la dimensionspatiale à travers la contiguïté entre les unités résidentielles. Le regroupement peut êtreeffectué non seulement en termes de contiguïté spatiale mais à partir des pratiques demobilités effectives des ménages sans spécifier un groupe particulier, révélant ainsi leurespace de vie. En général, les groupes qui occupent des unités spatiales adjacentesformant ainsi une enclave sont considérés comme ségrégués contrairement aux groupes

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Chapitre 2 : Appréhender la ségrégation socio-spatiale

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qui occupent des unités spatiales plus dispersées. Cette dimension est associée au choix del’échelle locale pour l’analyse de la ségrégation et les indices associés sont censés prendreen compte « l’effet d’échiquier » abordé précédemment. Cette caractéristique est déjà priseen compte dans la définition de l’INSEE des IRIS à partir des plus petites unités spatialescontiguës (Îlots). Les quartiers IRIS constituent déjà des unités relativement homogènes,d’un point de vue socio-économique, et continues, d'un point de vue spatial. Les indicesque nous utilisons n’intègrent pas des paramètres spatiaux, mais nous considérons queles échelles de mesure, définies a priori, sont relativement indépendantes. L’analysecartographique est en mesure de prendre en compte la concentration et la continuité spatialeet les frontières entre les groupes de revenus.

Enfin, d’un point de vue théorique, la plupart de ces dimensions seront prises en comptedans notre mesure de la ségrégation spatiale des villes françaises. D’un point de vueméthodologique, nous retenons principalement la dimension inégalitaire dans la définitionde la ségrégation à partir des indices globaux. Cette mesure quantitative est facile à utilisersur 100 aires urbaines et souvent décomposable car elle prend en compte l’homogénéitéinterne. Cependant, elle n’est pas non plus exempte de difficultés car « toute mesured’inégalité implique des jugements de valeur et les indices utilisés ne sont jamais neutres »(Atkinson et al. 2001, p.17). L’analyse de la répartition des groupes de revenus à traversles seuils de concentration et l’analyse cartographique est complémentaire, mais elle restelimitée dans le cadre de la thèse à quelques aires urbaines (Cf. chapitre 5).

2.2.2. Décomposition d’indices globaux d’inégalité: inter-zones et intra-zones

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Ce principe généralisé ici constitue la base de plusieurs travaux de sociologueset d’économistes, principalement américains, analysant la ségrégation spatiale à partirde la variable continue du revenu. Parmi les mesures objectives 47 décomposables etenvisageables de l’inégalité, certains font appel à l’écart-type (Jargowsky, 1996, 1997 ;Yang et Jargowsky, 2006) ou la variance (Mayer, 2000, 2001 ; Wheeler, 2006), les indicesd’entropie généralisée (Mussard et al. 2003) ou de l’indice de Gini (Dawkins, 2004 ; Ducloset al. 2004 ; Kim et Jargowsky, 2005 ; Arrar, 2006).

47 Il existe deux catégories de mesures : les mesures objectives et les mesures normatives. Alors que la première catégorietente de mesurer la distribution relative des revenus par rapport à la situation égalitaire en utilisant différents outils statistiques, ladeuxième catégorie introduit des normes de bien-être social et les jugements éthiques sont omniprésents dans la mesure. Au risquede confondre la mesure de l’inégalité avec celle de la perte du bien-être, ce sont souvent les mesures objectives qui sont privilégiées.

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Chapitre 2 : Appréhender la ségrégation socio-spatiale

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[accès à la note : Pour une classification des propriétés des indices d’inégalité voirPurwanto (2004, p.146-164).]

La décomposition s’écrit :

Les deux dernières méthodes de décomposition nécessitent des données de revenuà l’échelle des ménages. Ne disposant que des revenus moyens par zone, nous utilisonsnaturellement la première méthode. Cela dit, pour mesurer l’inégalité entre des zones trèslarges comme les régions, l’utilisation du revenu moyen de ces dernières pose problème.Il est plus pertinent d’utiliser la décomposition à partir des revenus des unités spatiales lesplus fines, à savoir, les quartiers-IRIS ou les communes (Cf. chapitre 3).

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Il faut enfin signaler que les différentes formes de l’indice de Gini utilisées ici nenécessitent pas un découpage par classes de revenus (Jargowsky, 1996, 1997).

2.2.2.1. L’indice de Gini de ségrégation

Figure 8 : Courbes de Lorenz d’inégalité de revenuentre unités spatiales (Lk) et entre ménages (Li)

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Chapitre 2 : Appréhender la ségrégation socio-spatiale

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Le coefficient de Gini est neutre et indépendant de la moyenne. Il est parfaitementdécomposable en sous-groupes même si ces derniers se superposent. Le terme résiduelissu du chevauchement des distributions des revenus des sous-groupes, qui n’est autre quela transvariation, est pris en compte dans la décomposition de l’indice de Gini (Mussard etal. 2003 ; Mussard et al. 2004). « La transvariation fournit les inégalités inter-groupes pourlesquelles le chevauchement entre les distributions est important. Elle définit les inégalitésentre les sous populations où les salaires des groupes les plus pauvres sont plus élevés queceux des populations les plus riches » (Mussard et al. 2004, p.131). Pour la décompositionen inégalité inter-zone et une inégalité intra-zone, la source de la transvariation viendraitde l’existence dans des quartiers riches des ménages plus pauvres que dans les quartierspauvres. La distribution des revenus par déciles nous permet de montrer quelques cas defigure au niveau de certains quartiers IRIS (Figure 9).

Figure 9 : Exemple de transvariation entre deux quartiers lyonnaisSource: élaboration propre, données INSEE-DGI, 2005Les ménages les plus pauvres dans le quartier de Bel Air à Saint Priest ont des

revenus plus importants que les ménages pauvres du quartier aisé de la Martinière (1er

arrondissement). Mais, quel est le poids de cette transvariation dans l’inégalité entre lesquartiers ou entre les communes? Face à l’absence de données au niveau individuel pour

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effecteur une décomposition de type Mussard et al. (2004), la solution est de tester lasensibilité des résultats d’autres indicateurs mesurant les inégalités inter-zone par rapport àla moyenne (coefficient de variation) ou l’entropie (indice de Theil) (Cf. chapitre 3). Cela dit,cet indicateur est largement utilisé dans sa forme décomposée, intra-zones et inter-zones,pour mesurer la contribution de l’inégalité spatiale (urbain/semi-urbain/rural) dans l’inégalitédes revenus entre les ménages (Araar, 2006) et de la ségrégation spatiale entre quartiers(Dawkins, 2004 ; Kim et Jargowsky, 2005). Certains travaux se contentent même de la seuleinégalité inter-zones pour décrire la ségrégation spatiale (Kim et Jargowsky, 2005).

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Chapitre 2 : Appréhender la ségrégation socio-spatiale

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Figure 10 : Variations de l’indice de ségrégation enfonction de ses deux composantes intra-zones et inter-zones

Source : élaboration propre

2.2.2.2. Mesures basées sur l’écart-type

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En comparant les résultats de la mesure de la ségrégation spatiale à partir du NSIavec celles de l’indice de Gini de ségrégation sur les 25 plus grandes aires métropolitainesaméricaines, Kim et Jargowsky (2005) montre une très forte corrélation (R = 0,98). Ilsconcluent ainsi à ce que les deux mesures représentent le même phénomène (Figure 11).

Figure 11 : Corrélation entre l’indice de Gini et le NSISource : Kim et Jargowsky (2005, p.15)

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Chapitre 2 : Appréhender la ségrégation socio-spatiale

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2.2.2.3. Indice d’entropie de TheilL’indice de Theil (1967) mesure l’état du désordre d’un système et repose sur le principephysique d’entropie et sa variation entre la situation réelle et la situation égalitaire. Toutcomme l’indice de Hirschman-Herfindahl ou de Bourguignon, l’indice de Theil est un casparticulier des ratios d’entropie généralisés (Mussard et al. 2003). Il représente l’écart entrele poids d’un individu dans la population et le poids de son revenu dans le revenu total.Cet écart varie de 0, pour une situation d’égalité, à log n, dans le cas où un seul individuconcentre l’ensemble des revenus.

Depuis les travaux de Theil (1967) visant à désagréger la distribution des revenusaméricains par région et par race, cet indice a suscité un intérêt particulier pour ladécomposition spatiale de l’inégalité pour l’analyse de la ségrégation.

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2.2.3. Analyse des seuils de concentration et fragmentation spatialeSi les indicateurs de ségrégation spatiale utilisés sont bien adaptés à l’analyse à partird’une variable continue comme le revenu, l’analyse des seuils de concentration et lafragmentation spatiale (mixités et polarisations) exige une segmentation en groupes derevenus. L’identification des groupes de populations varie, dans notre cas, d’une simplevision dichotomique séparant les foyers imposables des non imposables, à une prise encompte des populations pauvres déclarant un revenu inférieur à la médiane, en passant parune définition des populations par quintile de revenu.

2.2.3.1. Analyse des seuils de concentrationsL’origine de l’analyse des seuils de concentration des populations (threshold analysis)vient des études américaines sur le ghetto noir et les limites d’utilisation d’un seul seuil.Une fois définies la population pauvre et la population riche, la question de la définitiondes ghettos de pauvres et des enclaves de riches reste posée. À partir de quel seuil de

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Chapitre 2 : Appréhender la ségrégation socio-spatiale

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concentration des populations modestes pouvons nous considérer un territoire comme étant« pauvre » ? Les travaux américains, dans la lignée de Jargowsky (1997), identifient les« ghettos » à partir d’un seuil de 40 % de populations pauvres. La pertinence de ce seuilet ses effets sur les résultats qui en découlent suscitent un débat aux États-unis (Galster,2005 ; Jargowsky, 2005). Ne s’agissant pas dans notre cadre de la pauvreté dans sonstrict sens, l’usage d’un seul seuil pour analyser la concentration des populations à faiblerevenu ou des populations aisées serait encore plus réducteur. L’utilisation d’un seul seuildans l’étude de la ségrégation a longtemps été critiquée par les sociologues à cause des« inconvénients théoriques et pratiques qui découlent de ce raisonnement » (Grafmeyer,1996, p.209). L’analyse à partir de plusieurs seuils permettrait au contraire une lecturecontinue de la concentration des populations concernées et de contourner les effets deseuil (Poulsen et al. 2002 ; Johnston et al. 2002). Cela revient à identifier le niveau deconcentration de l’ensemble de la population pauvre ou riche de l’aire urbaine pour chaqueseuil fixé à l’échelle du quartier ou de la commune. Cette méthode est encore plus adaptéedans le cadre des études comparatives.

La méthode de l’analyse des seuils utilisée par Johnston et al. (2002) a permis decomparer la ségrégation raciale et le profil de concentration de quatre groupes ethniques(blancs, noirs américains, hispaniques et asiatiques) entre deux villes postmodernes (LosAngeles et Miami) et deux villes modernes (Chicago et New York) et de suivre leur évolutionpour chaque ville (Figure 12). Il s’agit de déterminer pour chaque seuil de concentrationd’un groupe ethnique par quartier, sa part dans l’ensemble de la population de la ville. Ungroupe est complètement ségrégué s’il occupe entièrement quelques quartiers de la ville,soit 100 % de cette population se retrouve dans des quartiers où ils sont entre eux.

Figure 12 : Analyse des seuils de concentrationdes quatre groupes ethniques en 2000

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Source : Johnston et al. 2002, p.51Dans cette étude américaine, la ségrégation est plus importante à Chicago et New York,

par rapport aux deux autres villes postmodernes, notamment pour les blancs et les noirs.A Chicago, 75 % des noirs américains et 90 % des blancs habitent des quartiers où ilssont majoritaires, c’est-à-dire au moins 50 % par quartier. Ce qui montre également que lesblancs sont largement plus concentrés que les noirs (Figure 12).

Dans le cadre de la comparaison des aires urbaines de Lyon, Lille et Marseille, cetteméthode est parfaitement adaptée pour identifier les profils de concentration des différentsgroupes de revenus ou des catégories sociales. Cette lecture synthétique à partir deplusieurs seuils reste a-spatiale, d’où l’intérêt de préciser les territoires concernés par lespolarisations et les mixités des populations et de les suivre dans le temps, dans la mesuredu possible.

2.2.3.1. Fragmentation spatiale : typologie de polarisations et de mixitéssociales L’analyse temporelle de la ségrégation spatiale se base sur le suivi des revenus moyens oude la répartition des foyers fiscaux non imposés par commune. Elle permet de distinguerles tendances de ghettoïsation ou de gentrification qui caractérisent les différents territoires.Les communes pauvres sont-elles encore plus pauvres qu’il y a une vingtaine d’années ?L’analyse typologique de l’état de ségrégation en 2001 a l’avantage d’utiliser la distributiondes quintiles de revenu à l’intérieur du quartier pour illustrer les situations de polarisationdes populations riches et pauvres et les situations intermédiaires de mixité. L’analyse dela répartition des populations par quintile nous permet de comprendre les fragmentationsspatiales et l’isolement des différents groupes de populations.

Le profil des revenus pour chaque quartier est identifié en fonction des quintiles del’aire urbaine d’appartenance, et cela à partir des interpolations linéaires. Dans certainsquartiers, plus de 80 % de la population déclare un revenu inférieur au premier quintilede l’aire urbaine. Le seuil correspondant au premier quintile reste comparable au seuil depauvreté dans les trois villes. Il représente 762€/mois à Lyon ; 556€/mois à Marseille et 609€/mois à Lille. Si l’on définit la population pauvre comme étant celle qui déclare un revenuinférieur à la moitié de la médiane de l’ensemble de l’aire urbaine, alors le seuil de pauvretéserait de 675€/mois à Lyon ; 592€/mois à Marseille et 589€/mois à Lille (Bouzouina, 2007).

La typologie de polarisation et de mixité sociale à l’échelle du quartier est effectuée àpartir des Classifications Ascendantes Hiérarchiques (CAH) (Volle, 1985), en sélectionnantla solution permettant de maximiser la part de l’inertie inter-classes dans l’inertie totalesuivant la méthode Ward (1963). Si le profil des populations dans chaque quartier estidentifié par rapport à celui de l’aire urbaine, l’analyse typologique doit prendre en compte lesquartiers de l’ensemble des trois aires urbaines pour permettre une meilleure comparabilité.

2.3. Conclusion : démarche d’analyse Nous avons essayé de dépasser l’ambiguïté du terme ségrégation et de la multiplicité deses formes pour donner une définition mesurable dans le contexte des villes françaises. Laségrégation est un processus alimenté par un ensemble de mécanismes et conduisant à unmoment donné à un état d’inégalité socio-économique visible entre les espaces de viequicomposent l’espace urbain et à une homogénéisation au sein de ces espaces de vie.

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Chapitre 2 : Appréhender la ségrégation socio-spatiale

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Au-delà de la distinction entre l’état et le processus, cette définition de la ségrégationmet en avant la dimension de l’inégalité inter-zones et l’homogénéité intra-zones maisaussi la question des échelles spatiales. Limitée par la disponibilité des données, notredémarche consiste à analyser des photos des disparités et des inégalités spatiales àl’échelle communale, avant de prendre en compte l’homogénéité interne et se focaliser surl’échelle la plus fine, celle du quartier IRIS. En effet, pour mieux comprendre la ségrégationspatiale, nous adoptons une approche multiéchelles variant du global au local (Cf. chapitre3). L’échelle d’observation globale varie de l’ensemble du pays à l’aire urbaine, en passantpar l’échelle régionale. De la même manière, l’échelle d’analyse locale concerne le quartier,la commune et l’espace de vie prenant en compte à la fois le principe de proximité etd’accessibilité.

Pour mesurer la ségrégation spatiale, en prenant en compte les deux dimensionsd’hétérogénéité inter-zones et d’homogénéité intra-zones, nous utilisons la décompositiondes indices globaux d’inégalité de revenu (Cf. chapitre 3 et 4) mais aussi l’analyse des seuilsde concentration et de la fragmentation spatiale des classes de revenu et des catégoriessociales (Cf. chapitre 5). Les indices globaux de Gini, de Theil ou le NSI permettent demesurer la part de l’inégalité spatiale dans l’inégalité tôtale sur plusieurs villes. Ils ontl’avantage d’offrir une information synthétique et ne nécessitent pas de répartition préalablede classes de revenu contrairement aux analyses des seuils. Cela dit, ces dernières donnentune information plus complète sur les inégalités de concentration des différents groupeset elles sont plus adaptées aux études comparatives. Enfin, l’analyse cartographique estla plus appropriée pour illustrer les zones de polarisations et de mixités des groupes derevenus ou des catégories sociales. Encore une fois, les données des revenus et descatégories sociales peuvent être utilisées d’une manière complémentaire pour pouvoirexpliquer la ségrégation spatiale dans les villes françaises.

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Chapitre 3 : La ségrégation spatiale etses échelles

Comme la majorité des thématiques concernant la ville, la ségrégation se manifeste àplusieurs échelles spatiales. Pour comprendre les phénomènes urbains, les recherchesréalisées en France ces dernières décennies, sociologiques principalement, sont passéespar trois étapes, chacune étant attachée à une échelle particulière d’analyse. Lequestionnement sur les disparités spatiales a tout d’abord concerné l’échelle des régionset notamment les relations entre l’espace urbain et l’espace rural. C’est le constat d’undéséquilibre Paris-Province qui conduit en France à la mise en place des politiquesd’aménagement du territoire dans les années 1950 (Buisson et al. 2005). Le premier objectifà travers cette vision technique et globalisante était de maîtriser la croissance urbaine etparticulièrement les dynamiques de concentration et d’étalement urbain de la métropoleparisienne. Le phénomène urbain est ensuite abordé sous l’angle critique en visant àidentifier ses déterminants économiques et politiques. M. Castells (1972) illustre à travers« la question urbaine » les articulations entre le système urbain et les structures socialessur le plan économique, avant de rectifier ensuite leur décalage avec les pratiques sociales(Pflieger, 2005). La dernière phase constitue justement un retour à l’intra-urbain et aulocal à travers les pratiques sociales et les réseaux de sociabilité. « Cette dernière étapecorrespond certainement à la projection de la crise économique sur la société urbaine,mais elle traduit une nouvelle perception du phénomène urbain ; envisagé d’abord commedonnée que devait prendre en compte les aménageurs puis comme produit à analyser dansses déterminations économiques… » (Ganne, 1980, cité in Bonnafous et Puel, 1983, p.152).La succession de ces différentes ères montre que l’analyse de la ségrégation spatiale,comme pour tout phénomène urbain, ne se réduit pas à une seule échelle particulière.

La ségrégation est un phénomène lié aux interactions sociales basées sur l’espace etla proximité physique. Il est cependant difficile de définir une seule échelle pertinente de laségrégation, qu’elle soit locale ou globale (Preteceille, 2004). Selon l’objectif de la recherchepar rapport au type d’interaction ainsi que la disponibilité des données, chaque étudeprivilégie une échelle particulière avec des résultats qui renvoient à la nécessité d’intégrerd’autres niveaux d’analyse. Certaines études à des échelles globales reconnaissent lanécessité de compléter leurs résultats à des niveaux d’analyse plus fins et notammentà l’échelle du quartier, alors que d’autres travaux, à des échelles intra-urbaines fines,soulignent l’importance de prendre en compte l’ensemble de l’espace urbain et d’intégrer lesmigrants alternants dans l’étude de la ségrégation spatiale. Ce dernier besoin a été soulignépar de nombreuses recherches de sociologues notamment sur l’agglomération parisienne(Préteceille, 2004 ; Pinçon-Pinçon-Charlot, 2004). Le manque de cohérence et la difficilecomplémentarité entre les différentes études sont dus en partie à la multitude des outilsméthodologiques. Certains auteurs réduisent la ségrégation à l’ordre d’artefact de l’échellespatiale ou de l’outil de mesure choisie. Comme chaque objet spatial, la ségrégation doitêtre appréhendée à plusieurs échelles territoriales (Ferras, 1995) pour pouvoir l’identifier etcomprendre ses articulations entre le global et le local.

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Chapitre 3 : La ségrégation spatiale et ses échelles

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En utilisant les mêmes outils méthodologiques, l’objectif de ce chapitre est de montrerque la ségrégation en France existe à plusieurs échelles spatiales. Tout d’abord, il s’agitde montrer à travers l’analyse des revenus imposables des foyers fiscaux à l’échellecommunale que les inégalités spatiales et les écarts entre les espaces les plus pauvreset les espaces les plus riches se sont accentués au cours des vingt dernières années,à l’échelle nationale, régionale et intra-urbaine. Il s’agit, ensuite, de cibler l’analyse desrevenus déclarés des ménages fiscaux à l’échelle intra-urbaine, à travers des donnéesdétaillées à l’échelle du quartier IRIS, pour atteindre deux objectifs : identifier le degré deségrégation spatiale à l’échelle du quartier, de la commune et celle du bassin de vie, etmettre en cohérence ces trois échelles d’analyse pour comprendre la ségrégation intra-urbaine.

1. Évolution des inégalités spatiales intercommunalesde 1984 à 2004

En faisant référence à l’hypothèse de la convergence à l’échelle intra-nationale et lapossibilité de retournement de la courbe de Kuznets et de Williamsson (Cf. chapitre 1),l’objectif est de montrer la croissance des inégalités à l’échelle nationale, régionale (interet intra-régionale) et intra-urbaine en partant des revenus moyens par commune. Loind’inverser la tendance de la croissance des inégalités, la croissance économique semblela renforcer à différentes échelles spatiales.

La disposition de plusieurs indicateurs en plus de la mesure de la tendance centrale estnécessaire pour mieux décrire les disparités et la ségrégation. D'une part, différents indicespermettent d'évaluer la concentration des revenus (comme l’indice de Gini, cf. chapitre2) et d'autre part, de simples ratios, tels que les ratios entre les groupes de revenus lesplus élevés et les plus bas, apportent des explications supplémentaires. Nous nous basonsprincipalement dans ce chapitre sur la comparaison des revenus moyens et des indices deGini pondérés par le nombre des foyers fiscaux à différentes échelles spatiales, de 1984 à2004. Nous retenons l’ensemble des communes de la France métropolitaine renseignéesau long de cette période (32 741 sur les 36 606 communes métropolitaines et 33 736 348sur les 34 813 337 foyers fiscaux, en 2004). Seulement 3 % des foyers fiscaux ne sont paspris en compte dans l’analyse.

L’évolution des inégalités spatiales des revenus sera analysée d’abord à l’échellenationale en mettant en évidence leur lien avec la croissance économique (1.1). L’analysesera abordée ensuite à l’échelle régionale en montrant la croissance des inégalités entre lescommunes de la même région mais aussi entre les régions (1.2). Enfin, l’échelle des airesurbaines confirme les écarts croissants des revenus entre les territoires les plus pauvres etles plus riches et l’accroissement des inégalités intercommunales durant ces vingt dernièresannées (1.3).

1.1. Au niveau national : une croissante polarisation rythmée par lacroissance économique

Les inégalités de revenu en France ont baissé au cours du dernier siècle. Pendant la périoded’industrialisation, le développement de la formation et de l’éducation a permis de resserrer

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les écarts de qualifications et de salaires, dans les pays développés. Cependant, avec ladésindustrialisation et les mutations profondes du système productif, les nouveaux secteursmoteurs de l’économie ont ciblé les personnes très qualifiées et rejeter les autres vers lessecteurs les moins productifs et le chômage, relançant ainsi les inégalités (Piketty, 1997).Alors que les chiffres officiels tendent à souligner une stabilité des inégalités de revenus desménages en France durant ces vingt dernières années, les résultats des travaux utilisantles sources fiscales convergent vers un accroissement significatif des écarts entre leshauts revenus et la moyenne nationale (Champagne et Maurice, 2001 ; Hourriez et Roux,2001 ; Legendre, 2004 ; Landais, 2007). L’analyse spatiale, quant à elle, renforce ce dernierconstat, en montrant des territoires de plus en plus inégalitaires. Cela n’est guère surprenantsachant que les inégalités entre les ménages se traduisent souvent dans l’espace renforçantainsi la ségrégation spatiale (Mayer, 2000). La courbe de Kuznets se retourne-elle durantces vingt dernières années ? Est-elle sinusoïdale ? Bien que l’analyse soit basée sur lerevenu moyen par commune pondéré par le nombre d’individus et non pas le revenu parindividu, elle est en mesure d’apporter des éléments de réponse et de montrer que lacroissance économique est polarisante.

L’analyse graphique de l’évolution du revenu moyen net imposable des foyersfiscaux montre une relative croissance sur les différents territoires suivant logiquementles tendances de la croissance économique (Figure 13). Le niveau de richesse est plusimportant dans les aires urbaines et ce d’autant plus que leur taille augmente. Néanmoins,la croissance des revenus est aussi importante dans les espaces non-urbains, notammentdans les communes multipolarisées.

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Chapitre 3 : La ségrégation spatiale et ses échelles

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Figure 13 : Évolution du revenu moyen net imposable des foyers fiscauxau sein des différents territoires, de 1984 à 2004 (Euro constant 1998*)

* à partir des indices des prix à la consommation de l’INSEE (en annexe 3) Source :élaboration propre, données de la DGI

La croissance des inégalités intercommunales a augmenté entre 1984 et 2004 saufpour l’espace rural (Figure 14). A l’intérieur de cette période, l’accroissement de la dispersiondes revenus, même s’il semble suivre les tendances de la croissance des revenus moyens,reste nettement plus sensible aux périodes favorable (Figure 13 et 14). Seule l’année 2001est marquée à la fois par une croissance du revenu moyen et une baisse des inégalitésintercommunales. Alors que l’accroissement des disparités est encore plus important entreles communes urbaines (+40 %), la dispersion des revenus des communes rurales anotablement baissé (-9 %), notamment entre 1990 et 2004 (-24 %). Cette tendance semblecohérente avec l’hypothèse de fuite/évitement des classes moyennes des territoires les plusdéfavorisés pour s’installer plus loin dans les espaces ruraux(Guilluy et Noye, 2004).

Figure 14 : Évolution de la dispersion du revenu moyen net imposable desfoyers fiscaux par commune au sein des différents territoires, de 1984 à 2004Source : élaboration propre, données de la DGILa thèse d’une croissance économique polarisante à l’échelle nationale est renforcée

à travers l’analyse de l’évolution des inégalités intercommunales de revenus en fonctiondes variations de la croissance économique mesurée en volume du PIB en France (Figure15). A l’exception de l’année 1990, les disparités suivent les mêmes tendances que lacroissance économique, mais elles sont plus sensibles aux périodes de croissance quecelles de décroissance. Cette tendance à la croissance des inégalités intercommunalesdurant ces vingt dernières années va dans le même sens de l’analyse de la répartitiondes activités économiques à l’échelle inter-régionale (Santi, 1995). La croissance de cesinégalités entre 1984 et 2004 marque ainsi un retournement de la courbe de Kuznets.Seules les périodes de récession économique sont marquées par une baisse de l’inégalité

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Ségrégation spatiale et dynamiques métropolitaines

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intercommunale. Les périodes de croissance favorables contribuent largement à creuser lesécarts de revenu entre les foyers fiscaux selon leur commune de résidence. Ce déséquilibrejustifie les mesures redistributives et de solidarité en faveur des populations et territoiresles plus lésés.

Figure 15 : Évolution des disparités intercommunales de revenu en fonctiondes variations de la croissance économique française en volume de PIB*

Source : élaboration propre, données : DGI. *champ France métropolitaine et Dom,Insee- comptes nationaux Base 2000

Ce lien entre croissance économique et inégalité spatiale est à vérifier à l’échelle desaires urbaines à partir d’un autre indice que le PIB, difficile à calculer à cette échelle.L’ensemble des bases des taxes fiscales à travers le potentiel fiscal étant difficile à suivresur une longue période, le simple revenu moyen peut se substituer à un indice de richesseterritoriale. Cela permettra de tester si la croissance des inégalités spatiales mesuréesà partir des revenus moyens de leurs ménages est réellement liée aux tendances de lacroissance économique des villes, même si une période de vingt ans reste relativementcourte. Le lien établi à l’échelle nationale montrant des inégalités qui baissent pendant lespériodes de récession économique ne serait-il pas lié seulement à quelques aires urbainesaffluentes et notamment à la métropole parisienne ? Avant d’apporter des éléments deréponse à cette question, nous nous penchons d’abord sur les évolutions des inégalitésau niveau régional. Il s’agit d’abord d’analyser l’évolution de l’inégalité inter-régionale,permettant de tester le retournement de la courbe de Williamson, à partir du revenu moyenpar commune. Les inégalités sont, ensuite, traitées à l’intérieur de chaque région pourspécifier leurs origines par rapport aux espaces les plus riches et les plus pauvres.

1.2. Au niveau régional : croissance des écarts entre espaces richeset espaces pauvres

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Chapitre 3 : La ségrégation spatiale et ses échelles

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L’analyse des revenus moyens à l’échelle régionale montre à la fois une croissance desinégalités entre les régions et une augmentation des écarts, au sein de chaque région, entredes communes qui s’appauvrissent et d’autres qui s’enrichissent.

1.2.1. Croissance des inégalités inter-régionalesLe revenu moyen augmente entre 1984 et 2004 sur toutes les régions françaises, àl’exception de la région corse. La plus forte hausse est celle enregistrée en Alsace (+16,6 %)devant La Bretagne (+15,5 %), le Pays de la Loire (+14,5 %), Rhône Alpes (+13,2) etl’Île de France (+12,3 %). Cependant, les hausses les plus faibles (moins de 5,5 %) sontenregistrées dans les régions du nord (Haute Normandie, Picardie, Champagne-ardenneet le Nord-Pas-de-Calais). L’évolution du revenu moyen suit les mêmes tendances qu’auniveau national, à l’exception de la région Alsace, qui voit augmenter son revenu moyenmême pendant la période de baisse (1990-1996) et de la Corse qui voit son revenu moyendiminuer pendant la première période favorable.

L’écart du revenu entre la région la plus riche (Île de France) et la région la plus pauvre(Corse) est plus important en 2004 qu’en 1984 (55 % contre 44 %). La croissance du revenumoyen en Corse et sa relative stagnation en Île de France a certes permis de réduire cetécart depuis 1999, mais cela ne signifie pas que les disparités inter-régionales se sont pourautant réduites car les communes les plus riches dans les grandes métropoles sont de plusen plus riches.

En décomposant les inégalités de revenus entre les communes françaises en inégalitésintra-régionales et inter-régionales à partir de l’indice de Gini (Araar, 2006 ; Duclos et al.2004, Cf. chapitre 2), nous constatons que ces dernières ont augmenté entre 1984 et 2004(+23 %) même si elles ont relativement baissé pendant les deux périodes de récessionéconomique en 199048 et en 2000. Les dernières données disponibles montrent que cesinégalités inter-régionales sont légèrement reparties à la hausse en 2004 (Figure 16).

48 Certaines études analysant l’activité économique soulignent le rôle de la récession des années 1990 qui a surtout touchéles régions les plus développées dans ce qu’on appelle le « rééquilibrage régional négatif » : «La récession que connaissent les paysindustriels depuis 1990 a eu un impact immédiat sur les disparités régionales, en frappant en priorité les régions les plus développées,assurant par là ce que l’on a appelé un ‘rééquilibrage régional négatif’ : les disparités diminuent ‘par le haut’, du fait d’un ralentissementde l’activité affectant d’abord les régions les plus développées » (Davezies, 1993, p.40).

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Figure 16 : Évolution des inégalités entre communes au niveau intra et inter-régionalSource : élaboration propre, données DGI.Ces résultats renforcent ainsi l’hypothèse de la fin de la phase de décroissance de la

courbe en cloche de Williamson déjà mise en évidence à l’échelle inter-régionale depuisles années 1950. «Les années 80, et avec elles l’accroissement dans la plupart des paysdes inégalités spatiales, semblent avoir sonné le glas de la courbe de Williamson, mêmes’il faut se garder des constats trop hâtifs, tant il est difficile de faire la part des chosesentre divergence conjoncturelle et convergence structurelle ou divergence structurelle etconvergence conjoncturelle. » (Santi, 1995, p.216). Les deux périodes de croissance etde décroissance de la cloche ne doivent pas être considérées d’une manière mécanique,sans prendre en compte l’effet de métropolisation et le rôle de la région parisienne dans lacroissance des inégalités.

1.2.2. Au sein de la même région, les communes pauvres s’appauvrissent etles communes riches s’enrichissent

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Chapitre 3 : La ségrégation spatiale et ses échelles

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Figure 17 : La croissance des inégalités intercommunalesentre 1984 et 2004 caractérise les régions les plus urbaines

Source : élaboration propre, données DGI.Les hausses les plus importantes des inégalités intercommunales concernent la région

de l’Île de France (+67 %), le Nord-pas-de-Calais (+48 %), la région PACA (+46 %) et laHaute Normandie (+44 %), mais aussi la région d’Alsace (+39 %), Rhône-Alpes (+38 %) etla Picardie (+36 %). Sur l’Ile de France, une étude similaire de l’IAURIF (Sagot, 2002) montreune croissance des disparités spatiales entre 1984 et 1996, à partir de l’indice d’entropiede Theil.

Pour préciser l’analyse de cette dispersion, nous avons comparé les évolutionsobservées sur le décile des communes le plus riche et le décile le plus pauvre danschaque région, en fonction des revenus en 2004. Les analyses sont faites seulement surles communes de plus de 2000 habitants selon le RGP 1999.

Tableau 5 : Revenu moyen des communes pauvres (premier décile) et riches (dernier décile) par régionentre 1984 et 2004 (en Euro constant 1998)

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Évolution du revenumoyen des communespauvres entre

Évolution du revenumoyen des communesriches entre

Revenumoyen descommunesriches/Revenumoyen descommunespauvresen :

Régions Revenumoyenparfoyerfiscalen2004(€2004)

84-9090-9696-0000-0484-0484-9090-9696-0000-0484-041984 2004Île-de-France 22048 -2,3 -8,9 -0,4 -3,1 -14,1+33,6-10,1 +24,0+0,3 +49,42,32 3,43Alsace 17720 +1,5 -2,6 +0,8 +1,5 1,2 +12,7+5,8 +7,6 +4,1 +33,61,47 1,78Rhône-Alpes 17325 -2,6 -6,0 +2,2 +1,5 -5,1 +18,0-6,7 +15,9+3,1 +31,71,81 2,4PACA 16319 -3,4 -8,4 +0,3 +3,8 -8,0 +9,9 -7,6 +8,2 +6,7 +17,21,77 2,09Centre 16183 -1,0 -6,4 +3,1 +0,6 -4,0 +8,5 -1,6 +6,2 +1,7 +15,31,7 1,91Pays de la Loire 15973 -2,5 -1,5 +5,0 +4,5 5,4 +7,0 +0,9 +8,9 +4,8 +23,11,79 1,85Bretagne 15931 -3,2 -0,7 +5,2 +4,5 5,7 +6,3 +1,8 +9,5 +5,6 +25,21,84 1,85Haute-Normandie 15888 -5,3 -8,8 +2,8 +1,6 -9,8 +9,9 -0,1 +7,1 -0,5 +17,11,87 2,39Champagne-Ardenne

15710 -2,7 -7,8 +3,0 +1,4 -6,3 +10,6-9,8 +7,1 +1,7 +8,6 1,78 2,01

Franche-Comté 15703 -1,9 -6,3 +4,4 +0,7 -3,5 +6,1 -0,1 +11,6-5,1 +12,21,57 1,72Bourgogne 15685 -1,0 -7,6 +1,2 +1,5 -6,0 +8,2 -3,9 +7,8 +2,5 +14,91,67 1,92Picardie 15642 -2,6 -9,3 +0,7 -0,6 -11,6+13,1-7,3 +6,6 +1,5 +13,41,86 2,19Aquitaine 15639 -5,6 -8,3 +2,7 +3,3 -8,2 +5,3 -4,4 +7,9 +5,0 +14,01,75 1,98Midi-Pyrénées 15585 -4,4 -5,4 +2,7 +2,0 -5,3 +8,0 -3,2 +7,1 +7,3 +20,11,79 1,98Lorraine 15492 -3,0 -6,1 +1,5 +5,4 -2,6 +4,0 +1,2 +4,1 +4,7 +14,81,83 1,97Basse-Normandie 15155 -5,5 -6,0 +2,0 +2,4 -7,2 +6,5 -0,9 +5,8 +5,1 +17,41,66 1,89Poitou-Charentes 14986 -3,6 -7,7 +3,4 +3,1 -5,1 +4,5 +1,8 +5,6 +8,8 +22,21,65 1,85Auvergne 14801 -5,2 -4,1 +2,9 +3,3 -3,4 +5,8 -0,5 +5,1 +4,6 +15,71,77 2,01Limousin 14645 -5,6 -3,2 +1,6 +3,4 -4,1 +11,3-8,3 +6,5 +1,4 +10,21,66 1,73Languedoc-Roussillon

14569 -4,1 -6,1 +2,1 +4,3 -4,0 +3,2 -3,9 +8,2 +5,8 +13,51,84 1,94

Nord – Pas-de-Calais

14554 -5,1 -8,2 +2,1 +1,5 -9,6 +12,5-1,3 +7,2 +3,5 +23,31,84 2,37

Corse 14146 -11,6 -8,8 +3,5 +9,9 -8,2 -2,4 -4,2 +4,9 +7,9 +5,9 1,42 1,7

Source : élaboration propre, données de la DGIÀ l’intérieur des régions, les évolutions des deux déciles extrêmes (Tableau 5) entre

1984 et 2004 sont divergentes :

∙ Sur les 22 régions, 19 ont une évolution négative du revenu moyen du décile descommunes pauvres. On relèvera toutefois qu’entre 1996 et 2000, tous les revenusdes déciles pauvres ont augmenté dans l’ensemble des régions à l’exception dela région la plus riche. Les communes franciliennes qui forment le décile le pluspauvre en 2004 ont continué de perdre en revenu même pendant cette deuxièmepériode de croissance économique favorable49. En Île de France, Basse Normandieet Champagne-Ardenne toutes les communes représentant le décile le plus pauvreont vu une évolution négative de leurs revenus (92 % en Nord-Pas-de-Calais et enHaute Normandie, 86 % en Picardie, 72 % en Rhône-Alpes, 74 % en Provence-

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Chapitre 3 : La ségrégation spatiale et ses échelles

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Alpes-Côte d’Azur et plus de 60 % dans l’ensemble des régions). En revanche, ellesne sont que moins de 20 % en Bretagne, en Pays de la Loire et en Alsace à avoircette évolution.

∙ Le revenu moyen du décile des communes les plus riches en 2004 a augmenté danstoutes les régions, même en Corse (+5,9 %) de 1984 à 2004. L’augmentation est trèsélevée dans les 3 régions les plus riches (49,4 %, 33,6 %, 31,7 %, respectivement),mais aussi dans des régions beaucoup moins riches (Nord-Pas-de-Calais, 23,3 %).Au sein de chaque région, quasiment toutes les communes riches voient leur revenuaugmenter. Dans la région parisienne, 95 % des communes formant le décile leplus riche ont eu une évolution positive de leur revenu moyen. Cette augmentationpeut atteindre le double, comme dans le septième arrondissement de Paris. Il fautsignaler que la conjoncture économique entre 1990 et 1996 était défavorable auxcommunes riches dans la majorité des régions (Tableau 5) contribuant ainsi à freinerles disparités intercommunales. En revanche, ces communes profitent largement despériodes de croissance favorables pour accentuer les écarts avec les communes lesplus pauvres.

∙ Enfin, l’écart entre le revenu moyen du premier décile et celui du dernier décile s’estde plus en plus creusé, au sein de chaque région. Si la région parisienne était laseule ayant un rapport entre les deux déciles supérieur à 2 en 1984, en 1990 lesrégions Rhône-Alpes, Haute-Normandie et Nord-pas-de-Calais l’ont rejoint. En 2004,près de la moitié des régions ont atteint cet écart.

Il y a donc accroissement des écarts de revenus au sein des régions françaises entre lescommunes riches et les communes les plus pauvres, pour un revenu moyen qui augmenteglobalement. Ces tendances ne sont pas propres à l’échelle régionale, qui regroupe desespaces urbains et des espaces ruraux, car nous les retrouvons également au niveau desaires urbaines où elles sont encore plus marquées.

1.3. Au niveau intra-urbain : croissance généralisée des inégalitésspatiales

Il s’agit d’abord de montrer la croissance des inégalités intercommunales des revenusdes foyers fiscaux à partir de la mesure de la tendance centrale de l’indice de Gini etde souligner la possibilité d’un effet de la taille de la population. Ensuite, les évolutionsdes revenus moyens des aires urbaines sont analysées en fonction des inégalitésintercommunales pour déduire que la croissance économique polarisante peut mêmeêtre freinée par la ségrégation spatiale. L’analyse comparative de l’évolution des revenusmoyens des communes les plus pauvres et les plus riches montre des écarts qui secreusent. Contrairement aux idées reçues, ce phénomène n’est pas nécessairement dûà un appauvrissement de certains territoires, mais plutôt à l'enrichissement des territoiresdéjà les mieux dotés. Enfin, les résultats des inégalités intercommunales mesurés à partirdes revenus imposables sont confrontés avec ceux calculés en 2001 à partir des revenusdéclarés pour tester leur sensibilité et confirmer leur pertinence.

1.3.1. Croissance de l’inégalité entre l’ensemble des communes : un effettaille ?

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Ségrégation spatiale et dynamiques métropolitaines

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[accès à la note : Le revenu moyen de cette aire urbaine augmente pendant cettepériode, mais d’une manière générale sur toutes les communes, même les plus pauvres.L’INSEE soulignait déjà les salaires élevés à Niort, du fait de la forte présence de personneld’encadrement et de professions intermédiaires (40 % des emplois) qui tire le salaire moyenvers le haut, et lisse les écarts entre les communes (INSEE Poitou-Charentes - Décimal n° 193 - Février 1999). Cette aire urbaine attire une part importante des emplois supérieurs,notamment dans les banques-assurances (grandes mutuelles d’assurance) et dans lesservices aux entreprises qui augmente entre 1990 et 1999. Cette baisse d’inégalité spatialeexceptionnelle est elle le produit de la croissance généralisée ou la faible attractivité pourles populations modestes qui résident plus dans l’espace rural ?]

Une autre mesure objective des inégalités spatiales, à partir de l’indice d’entropie deTheil, montre les mêmes tendances de croissance sur l’ensemble des aires urbaines maisavec une croissance plus aigue sur Paris, l’aire urbaine la plus marquée par les inégalitésspatiales à cette échelle d’analyse (Figure 18, Annexe 4).

Figure 18 : Évolution de la dispersion du revenu moyendes foyers fiscaux par commune entre 1984 et 2004 pour les

15 plus grandes Aires urbaines françaises (indice de Gini)Source : élaboration propre, données DGIQuelque soit la mesure utilisée, les plus importants niveaux d’inégalités

intercommunales caractérisent les aires urbaines les plus peuplées à l’image de Paris,

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Chapitre 3 : La ségrégation spatiale et ses échelles

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Lille, Marseille et Lyon, sans toutefois que ce lien soit systématique sur l’ensemble desvilles étudiées. Le test des corrélations entre la taille de population et les inégalitésintercommunales sur l’ensemble des 100 plus grandes aires urbaines confirme ce constat.Le coefficient de détermination entre le niveau d’inégalité intercommunale et le nombre defoyers fiscaux dans chaque aire urbaine varie de 0,24 à 0,31 pour chaque année de lapériode 1984-2004. En utilisant les données de population issues du recensement (1990 et1999), le coefficient de détermination entre les inégalités de revenus intercommunales parunité de consommation et la taille de population reste relativement modeste même s’il atteint0,31 en 1990 et 0,34 en 1999. En revanche, ce coefficient atteint à peine la valeur 0,05quand il s’agit de tester le lien entre l’évolution des deux variables entre 1984 et 2004 ouentre 1990 et 1999. Cela n’est pas surprenant sachant que la ségrégation est un phénomènespatial lent et complexe.

Enfin, l’examen des corrélations doit être étendue à l’échelle moins hétérogène duquartier pour pouvoir établir un lien clair entre la taille de la ville et le niveau de sesinégalités spatiales et de préciser sa nature (Cf. chapitre 4). Comme nous le soulignonsdans le premier chapitre, la ségrégation est liée d’une manière complexe à la taille de laville mais également à sa structure économique au sein d’un phénomène plus global demétropolisation favorisant la concentration des hommes et des richesses (Sassen, 1996 ;Buisson et al. 1995 ; Lacour et Puissant, 1999 ; Buisson et Mignot, 2005 ; Puissant, 2006 ;Gaschet et Lacour, 2008).

1.3.2. Croissance des écarts entre espaces riches et espaces pauvres etcroissance économiqueNous analysons tout d’abord la croissance des inégalités spatiales en fonction du revenu del’aire urbaine avant de montrer qu’elle est souvent le résultat des territoires les plus aisés.

1.3.2.1. Croissance des inégalités spatiales par rapport au revenu de l’aireurbaineLes revenus moyens (en euros 1998) des 100 plus grandes aires urbaines en 2004 varientde 19 991 €/foyer fiscal, pour Paris la plus riche de l’échantillon, à 11 490 €/foyer fiscal,à Douai-Lens et 11 313 €/foyer fiscal à Maubeuge pour les plus pauvres, soit un écartimportant de près de 74 %.

L’analyse de l’évolution entre 1984 et 2004 des revenus moyens montre une croissancesur la plupart des 100 aires urbaines. Quatre aires urbaines seulement ont eu une évolutionglobale négative sur cette période. La baisse la plus importante est celle enregistrée à Creil(-7 %), juste avant Maubeuge (-4 %), Elbeuf (-3 %) et Evreux (-1 %). Ce sont en revanche lesaires urbaines proches de la Suisse qui ont eu les hausses les plus importantes de revenumoyen, notamment Genève-Annemasse (+56 %), Bâle-Saint Louis qui fait partie de l’EuroDistrict (+29 %) et Annecy (+19,5 %). Nous retrouvons également des aires urbaines deBretagne (Rennes, Vannes et Quimper), du Pays de la Loire (Nantes et Saint-Nazaire) etd’Alsace (Colmar et Strasbourg). Un tiers des aires urbaines, notamment les plus riches,ont eu une croissance du revenu moyen supérieure à 10 % et un tiers ont une croissancerelativement faible, située entre 0 et 5 %. Il convient de tester le lien entre l’évolution desrevenus moyens et celle des inégalités intercommunales au sein de ces aires urbaines poursavoir si la croissance économique réduit la ségrégation spatiale ou la renforce à cetteéchelle d’analyse.

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L’analyse de l’évolution des revenus moyens et des inégalités intercommunalescalculées à partir de l’indice de Gini confirme le lien établi à l’échelle nationale surnombreuses aires urbaines (18 %) comme Paris, Lyon, Nice et Dijon (Annexe 5 : Paris).En effet, l’indice d’inégalité spatiale suit les mêmes tendances du revenu moyen dansces aires urbaines. Moins sensibles à la période de récession économique nationale(1990-1996), les inégalités intercommunales dans certaines aires urbaines, en Alsacenotamment, continuent d’augmenter avec le revenu moyen de 1984 à 2004 (Annexe 5 :Strasbourg). Pendant la même période (1990-1996) et dans la plupart des aires urbaines,l’indice de Gini a continué à augmenter alors que le revenu moyen a baissé. Cela estle cas de 71 % des aires urbaines étudiées qui ont été notamment marquées par unepaupérisation des communes les plus pauvres, comme c’est le cas à Marseille et Lille(Annexe 5 : Marseille). Même dans les quatre aires urbaines qui voient leur revenu moyenbaisser entre 1984 et 2004 (Creil, Maubeuge, Elbeuf et Évreux), les inégalités spatiales ontaugmenté (Annexe 5 : Creil).

S’il est avéré que la croissance des revenus des territoires/populations les plus richesrenforce les disparités et la ségrégation spatiale, nous suspectons à l’inverse, un effetnégatif de la ségrégation sur la croissance des richesses de l’ensemble de certainesaires urbaines. Dans l’aire urbaine de Creil, les revenus moyens des communes pauvrescontinuent à baisser (Creil, Montataire) alors que les revenus des communes relativementaisées (Verneuil-en-Halatte) peinent à décoller. Par ailleurs, le nombre de foyers fiscaux esten légère progression dans l’ensemble des communes de cette aire urbaine. La ségrégationspatiale est donc maintenue par le bas et semble affecter non seulement les espaces lesplus ségréguées mais l’ensemble de l’aire urbaine. Nous rejoignons en partie la conclusionde Fitoussi et al. (2004) pour lesquels la ségrégation spatiale peut provoquer à long terme,un déficit de croissance économique à travers les mécanismes de chômage de masseet de décrochage des quartiers en difficulté. La ségrégation spatiale est donc capablede nuire à l’efficacité économique d’une ville et cela renforce les enjeux de lutte contrece phénomène à long terme soulignés dans le premier chapitre. L’enjeu de la difficultééconomique qui marque ce type de villes concernées par la métropolarisation dûe à saproximité de la métropole parisienne (Julien, 1994) est souvent réduit au seul souci d’équitéspatiale (Baudelle et Peyrony, 2005).

A l’échelle des aires urbaines, la croissance économique semble favoriserl’accroissement des inégalités spatiales. Si la récession économique conduit ensuite à labaisse de ces inégalités dans une partie des aires urbaines les plus riches (rééquilibragepar le haut), elle les renforce dans la plupart des aires urbaines, notamment par le bas. Danscertaines, la récession économique constitue avec la ségrégation spatiale un mécanismeauto-entretenu.

1.3.2.2. Des inégalités spatiales alimentées par les territoires/populations lesplus richesUne analyse plus fine sur l’ensemble des aires urbaines ayant un minimum de 15 communesde plus de 2000 habitants50 montre que c’est l’ensemble des communes les moins richesqui voient par ailleurs la progression la plus faible de leur revenu fiscal moyen, alors que lescommunes aux revenus les plus élevées sont également caractérisées par les progressionsles plus fortes :

50 En retenant pour cela les cinq communes les plus pauvres et les cinq communes les plus riches de chaque aire urbaine à conditiond’avoir 5 communes intermédiaires, nous obtenons en fin de compte un total de 48 aires urbaines. Des seuils de 10 et de 20 communesont été testés sur des grandes AU et donnent les mêmes tendances.

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Chapitre 3 : La ségrégation spatiale et ses échelles

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∙ Dans 60 % des aires urbaines étudiées le revenu moyen des communes pauvresa baissé. Comme l’indiquent le Tableau 2 et l’annexe 6 (exhaustif), les plus fortesbaisses sont enregistrées à Paris et à Marseille, mais aussi à Lyon, Lille, Bordeauxet Valenciennes (-11,2 %). Pour les aires urbaines dont le revenu des communespauvres a progressé, cette hausse reste faible (entre 0 et 7 %), sauf dans le casdes aires urbaines de Nantes, Rennes, Angers et Toulouse. Les communes les pluspauvres en 2004 sont beaucoup moins pauvres par rapport à 1984 dans les airesurbaines de Nantes (+19%) et Rennes (+13%) qui ont pu gagner des revenus entre1984 et 1990 et les renforcer entre 2000 et 2004. Ces deux résultats sont cohérentsavec ceux de Guilluy et Noye (2004, p.23) qui constatent une baisse généraliséedes classes populaires dans l’ensemble des quartiers des deux aires urbaines deRennes et Nantes : « Ces quartiers se sont en effet embourgeoisés depuis unevingtaine d’années grâce à l’arrivée de jeunes cadres. Dans les périphéries proches,c’es-à-dire les communes périurbaines en contact avec l’agglomération, la part desclasses populaires est stable ou en légère régression ». Ces tendances restent uneexception et les territoires marqués par la mobilité sociale sont souvent centraux ouse situent sur des axes de transport faisant le lien avec des métropoles dynamiquesou appartenant à des aires urbaines frontalières. Par exemple, si les communespauvres de l’aire urbaine de Thionville ont vu leur revenu progresser pendant ladernière période, cela n’a pas permis de réduire les inégalités spatiales avec lescommunes les plus riches, notamment des faubourgs Nord attirés par le Luxembourg.

∙ Le revenu moyen des communes riches a augmenté dans toutes les aires urbaines.Cette augmentation est supérieure à 10 % dans toutes les aires urbaines, àl’exception de Limoges, et atteint + 65 % à Paris et + 50 % à Lyon. L’aire urbaineparisienne concentre et entretient à la fois l’extrême richesse et la grande pauvretéà l’image des grandes métropoles mondiales (Sassen, 1996). Cependant, lescommunes les plus pauvres ont été plus sensibles à la première période deconjoncture que les communes les plus riches, à l’exception de Paris (Tableau 6).L’étude de François et al. (2003) montre le déclassement de certaines communesriches parisiennes mais aussi l’appauvrissement des communes les plus modestes,entre 1990 et 1999. Il existe de fortes corrélations positives entre le niveau de revenumoyen des communes les plus riches de l’aire urbaine et son niveau d’inégalitéintercommunale calculée par l’indice de Gini. Le coefficient de détermination estde 0,57 en 1984, 0,66 en 1990, 0,63 en 1996, 0,67 en 2000 et 0,64 en 2004.Cependant, il ne dépasse pas les 0,2 pour montrer les corrélations négatives avec lesrevenus des communes les plus pauvres. Les évolutions des inégalités spatiales desaires urbaines sont plus corrélées avec la croissance des revenus des communesriches pendant les différentes périodes de croissance économique par rapportaux communes les plus pauvres. Le coefficient de détermination varie de 0,31 à0,37 entre les différentes périodes, même s’il n’atteint que 0,1 entre 1984 et 2004.L’inégalité spatiale, même si elle est plus visible sur les espaces les plus pauvres, estglobalement plus le produit des espaces les plus riches. La croissance des revenusest plus susceptible de produire de la ségrégation spatiale dans les aires urbainesquand elle touche les populations et les territoires déjà les plus riches.

∙ Enfin, l’écart entre le revenu moyen des communes riches et le revenu moyen descommunes pauvres au sein d’une même aire urbaine est de plus en plus élevé. En1984, seules quatre aires urbaines avaient des écarts supérieurs à 2 (Paris, Lyon,Lille et Grenoble). En 2004, elles ont doublé et les écarts se sont accrus (Tableau 6),comme à Paris (6) et à Lyon (3,7). Le suivi des écarts de revenu entre les mêmes

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Ségrégation spatiale et dynamiques métropolitaines

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communes les plus pauvres et les mêmes communes les plus riches définies en 1984(Annexe 6) ou en 2004 (Tableau 6, Annexe 7) dans chaque aire urbaine montre unetendance nette à la croissance, notamment dans les plus grandes aires urbaines.

Tableau 6 : Revenu moyen des communes riches et pauvres de quelques aires urbaines entre 1984 et 2004*

Évolution du revenumoyen des 5 communesles plus pauvres entre

Évolution du revenumoyen des 5 communesles plus riches entre

Revenumoyen des 5communesles plusriches / Revenumoyen des 5communes lesplus pauvresen :

Airesurbaines

Revenumoyenen2004

84-9090-9696-0000-0484-0484-9090-9696-0000-0484-041984 2004Paris 22065 -5,8 -11,6 -2,6 -6,4 -24,0 +47,7-13,9 +29,9-0,3 +64,82,84 5,98Lyon 18568 -5,4 -7,0 +0,0 -0,9 -12,8 +27,6-1,7 +20,6-0,7 +50,12,29 3,71Marseille 16235 -9,2 -12,6 -3,3 +2,8 -21,0 +9,4 -3,2 +4,4 15,8 +28,01,94 3,00Lille 16521 -5,6 -8,4 +2,3 +0,4 -11,2 +16,1-2,2 +10,3-1,5 +23,42,02 2,78Rouen 16367 -5,9 -6,4 +3,1 +1,6 -7,8 +10,5-0,4 +9,4 -0,8 +19,41,85 2,76Grenoble 18547 -0,8 -7,0 +3,1 +2,3 -2,8 +14,7-3,3 +17,4+0,2 +30,52,01 2,42Bordeaux 16950 -8,8 -8,2 +1,3 +4,7 -11,2 +6,2 -3,4 +9,1 +6,4 +19,01,75 2,25Metz 16505 -1,2 -4,8 +2,3 +5,3 +1,4 +9,8 +7,0 +4,6 +2,0 +25,41,85 2,21Montpellier 16765 -2,2 -10,1 +0,0 +3,2 -9,3 +2,0 -2,8 +15,3+3,7 +18,41,92 2,05

* Aires Urbaines dont l’écart est supérieur à 2 en 2004 (pour les résultats des 100 airesurbaines : voir annexe 8) Source : élaboration propre, données de la DGI

Ainsi, la croissance des revenus dans les communes riches est très forte, et, mêmesi certaines communes pauvres ne s’appauvrissent pas, les écarts se creusent car lesrevenus moyens dans ces communes progressent peu. Finalement, au sein du mêmeespace de la quotidienneté, les territoires les plus aisés s’enrichissent par le biais desmobilités sociales ou résidentielles profitant des périodes de croissances économiquesalors que les territoires pauvres restent à l’écart. Dans les communes pauvres se sont lesménages pauvres qui s’installent alors que dans les communes riches ce sont des ménagesplus riches qui remplacent les ménages sortants (Maurin, 2004). Nous reviendrons sur leprocessus d’homogénéisation des communes dans certaines aires urbaines à travers lesmigrations résidentielles des catégories sociales dans le chapitre 5. La relative attractivitédes communes pauvres dans certaines aires urbaines frontalières ou à l’ouest de la Francen’empêche pas de constater l’existence d’une inégalité spatiale à l’échelle communaleque l’on interprète en terme de ségrégation. Cette inégalité intercommunale ne cessed’augmenter durant ces vingt dernières années non seulement dans les plus grandesmétropoles mais dans l’ensemble des villes. Pour les aires urbaines comme pour lesrégions, la croissance économique semble polarisante en matière de revenus car elle estplus favorable aux espaces les plus riches et très peu favorable voire défavorable auxespaces les plus pauvres51. Avec la croissance du chômage et de la précarité, au sein même

51 Un examen de l’évolution de la dispersion des revenus en 2001 entre les communes des 51 groupements à fiscalitépropre de plus de 100 000 habitants et ayant chacun un minimum de 10 communes (8 Communautés Urbaines, 39 Communautésd’Agglomération, 3 Communautés de Communes et 1 Syndicats d’Agglomération Nouvelle) montre une croissance des disparités de

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Chapitre 3 : La ségrégation spatiale et ses échelles

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des lieux privilégiés du développement, les politiques urbaines basées sur une convergenceet une croissance générale des revenus par une croissance économique de la ville nesemblent plus pertinentes. Il y a donc un enjeu particulier à étudier ces fragmentations intra-urbaines et à en esquisser les ressorts.

En revanche, les inégalités et leur évolution sont mesurées à partir des revenusimposables des foyers fiscaux de la Direction Générale des Impôts après les différentsabattements. Cela peut conduire à sous-estimer les revenus dans certaines communesqui concentrent les ménages qui en bénéficient. Depuis 2001, les données des revenusdéclarés avant abattement sont désormais disponibles à l’échelle communale ainsi qu’àl’IRIS. La comparaison des niveaux d’inégalités intercommunales à partir des deux sourcespermettra de tester la sensibilité des résultats obtenus jusque là sur les 100 aires urbainesà partir de cette année de référence.

1.3.3. Mesure t-on le même phénomène par les revenus imposables et lesrevenus déclarés ?La mesure des inégalités spatiales à partir des revenus moyens déclarés des ménagesfiscaux en 2001 permet de mobiliser les informations sur la distribution des revenusindividuels disponibles sur différentes échelles spatiales. Ces données permettent deprendre en compte les économies d’échelle au sein de chaque ménage à partir de l’unitéde consommation. Nous allons donc mesurer les inégalités intercommunales en utilisantles revenus moyens déclarés par unité de consommation pour les comparer ensuite avecles mêmes inégalités mesurées à partir des revenus moyens imposables par foyer fiscal etpar unité de consommation (Cf. chapitre 2). Cela nous permet de tester la pertinence denos résultats précédents ainsi que la sensibilité de la mesure de la ségrégation spatiale parrapport au type de revenu et à l’unité de mesure choisis. Pour cela, il suffit de comparerles résultats des inégalités intercommunales calculés à partir des revenus imposables etdéclarés, selon les deux sources de données (DGI, INSEE-DGI), en neutralisant égalementl’échelle de mesure.

Finalement, les inégalités intercommunales calculées jusqu’ici à partir des revenusimposables à l’échelle du foyer fiscal, sur les 100 aires urbaines, ne sont pas très éloignésde celles calculées à partir des revenus déclarés des ménages fiscaux à l’échelle del’unité de consommation. Le niveau de corrélation est relativement élevé et le coefficientde détermination est de 0,81 (Figure 19), montrant ainsi qu’il s’agit du même phénomènemesuré.

revenus. La tendance à la croissance de l’inégalité spatiale intercommunale est générale et difficile à attribuer aux seuls effets deszonages de l’action publique.

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Ségrégation spatiale et dynamiques métropolitaines

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Figure 19 : Comparaison de l'inégalité intercommunale dans les100 aires urbaines selon le type de revenu (imposable et déclaré) etl’unité de mesure (foyer fiscal et unité de consommation) en 2001.

Source : élaboration propre, données DGI et INSEE-DGI (2004).Pour tester l’impact propre au type de données (revenu fiscal/ revenu déclaré), nous

avons neutralisé l’effet de l’unité de mesure (foyer fiscal/ UC). Nous constatons (Figure 19)que le niveau de corrélation entre les deux indices de Gini est nettement et logiquement

plus important (R2 de 0,91). Cela signifie qu’au-delà des différences qui peuvent existerentre les deux bases de données (Champagne et Maurice, 2001), l’utilisation des revenus àpartir des deux sources de données débouche sur des résultats assez comparables. Cetteconvergence dans l’inégalité entre les communes de la même aire urbaine retrouvée pourl’année 2001 conforte nos résultats précédents et laisse supposer que les inégalités aurontégalement augmenté même en utilisant les revenus déclarés des ménages fiscaux.

L’analyse infra-communale des revenus des ménages fiscaux en 2001 recouvre, elleaussi, des disparités qui peuvent être très importantes entre quartiers. Mais ce zonage étantrelativement récent, il n’est pas actuellement possible de suivre l’évolution de ces disparitésdans le temps. Il nous permet cependant de mieux préciser le niveau de la ségrégationintra-urbaine en prenant en compte le niveau d’inégalité entre les individus au sein de l’aireurbaine.

2. L’état de la ségrégation spatiale intra-urbaine en2001

Nous avons jusque là mis en évidence une croissance des disparités à différentes échellesà partir des revenus moyens des foyers fiscaux par commune. La disponibilité desinformations au niveau individuel à des échelles fines nous permet dans un premier tempsd’analyser les inégalités entre les quartiers par rapport à l’inégalité de revenus des ménagesde chacune des aires urbaines (2.1). La mesure est ensuite étendue à l’échelle communaleet celle des bassins de vie de l’INSEE dans le but de comprendre les articulations de laségrégation spatiale entre les différentes échelles (2.2).

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Chapitre 3 : La ségrégation spatiale et ses échelles

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2.1. Ségrégation à l’échelle du quartier dans les 100 plus grandesaires urbaines

Les revenus moyens déclarés par Unité de Consommation (UC) au niveau des quartiers(INSEE-DGI, 2005) nous permettent de mesurer et décrire la part de l’inégalité de revenusentre les quartiers dans l’inégalité entre les individus de chaque aire urbaine. Les résultatssont en mesure de confirmer l’existence d’un effet taille de l’aire urbaine, même s’il n’est pasmécanique et de souligner plus particulièrement le statut de la métropole parisienne commela ville la plus ségréguée en France. Enfin, le niveau de ségrégation des villes françaisesnécessite d’être resitué, même approximativement, dans le contexte international. Unecomparaison des niveaux de ségrégation entre l’aire urbaine de Paris et quelques airesmétropolitaines américaines calculés à partir du même indice permet d’apporter quelqueséléments de réponse.

2.1.1. L’inégalité entre les quartiers représente une part importante del’inégalité de revenus entre les ménagesComme nous l’avons définit dans le chapitre précédent, la ségrégation spatiale représentela part de l’inégalité entre les quartiers dans l’inégalité totale entre les ménages de la ville.Nous montrons, tout d’abord, que les indices utilisés pour le calcul des inégalités entre lesquartiers donnent des résultats presque identiques. Ensuite, nous analysons ces inégalitésspatiales en fonction des inégalités entre les ménages sur les cent aires urbaines.

2.1.1.1. Les inégalités de revenus entre les quartiersTout d’abord, les résultats de l’inégalité de revenu par UC calculés à partir de l’indice deGini à l’échelle du quartier sont similaires à ceux obtenus par les deux mesures objectivesdu coefficient de variation et de l’indice d’entropie de Theil (Figure 20)52. Le niveau trèsélevé des deux coefficients de détermination (0,98 pour le coefficient de variation et 0,96pour l’indice de Theil) montre que ces différentes mesures reflètent le même phénomèned’inégalité spatiale. Cela confirme la pertinence de l’indice de Gini comme mesure desinégalités et de ségrégation spatiales à l’échelle de l’aire urbaine. Pour les mêmes raisonsévoquées dans le chapitre précédent concernant la disponibilité de l’information ainsi queles propriétés de chacune de ces mesures, notre analyse sera basée principalement surl’indice de Gini.

52 Comme nous l’avons déjà constaté à l’échelle communale, l’indice d’entropie, qui accorde plus d’importance aux revenus se situanten bas de la distribution, indique un degré d’inégalité spatiale plus important sur l’aire urbaine parisienne par rapport à l’indice de Gini.Ce dernier est moins sensible aux valeurs extrêmes et donne plus de poids aux revenus situés au milieu de la distribution.

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Figure 20 : Inégalités entre les quartiers dans les 100 airesurbaines selon l’indice de Gini, de Theil et le coefficient de variation

Source : élaboration propre, données DGI et INSEE-DGI (2004).La carte des inégalités spatiales entre les quartiers de la même aire urbaine

nous montre une relative opposition est-ouest, avec une concentration autour des plusgrandes aires urbaines notamment Paris, Lille, Marseille ou Lyon (Carte 2). Cela soulignel’importance de la taille et de l’histoire de l’urbanisation des villes, notamment vis-à-vis del’industrialisation et l’immigration. Bien que certaines villes de l’ouest enregistrent un niveaud’inégalité spatiale relativement élevé, comme c’est le cas de Bordeaux et Toulouse, lesaires urbaines des régions de l’ouest sont largement moins inégalitaires.

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Chapitre 3 : La ségrégation spatiale et ses échelles

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Carte 2 : Inégalités spatiales sur les 100 plus grandes aires urbaines françaisesSource : élaboration propre, données: INSEE-DGI (2005)En région Bretagne, par exemple, les aires urbaines connaissent moins d’inégalités

entre leurs quartiers. Il existe bien dans cette région, considérée comme « la moinsinégalitaire de toutes les régions en matière de revenus, une hétérogénéité des niveauxde revenus entre quartiers » (Insee-Bretagne, 2004, p.10). Dans les régions de l’est, cesont en général les aires urbaines les plus peuplées qui concentrent les inégalités spatiales.Une étude de l’INSEE et de la Région Alsace (2004) montre une concentration des trèshauts revenus en périphérie des grandes communes (Strasbourg, Mulhouse et Colmar),sachant que le degré des disparités inter-quartiers dans ces aires urbaines est nettementplus important par rapport au reste de la région.

2.1.1.2. Les inégalités de revenus entre les ménagesLa prise en compte des inégalités globales est indispensable pour comprendre laségrégation spatiale à l’intérieur des villes. Les chiffres sur l’inégalité de revenu desménages par UC mesurés à partir de l’indice de Gini (INSEE-DGI, 2005) montrent desniveaux nettement plus élevés à Paris, au nord et au sud de la France mais aussi surcertaines villes frontalières comme Genève-Annemasse (Carte 3). Les inégalités de revenusne touchent pas seulement les aires urbaines les plus pauvres (Maubeuge, Béziers) maiségalement les plus riches (Paris, Genève-Annemasse, Nice). L’aire urbaine parisienne estla plus marquée par les inégalités spatiales comme par les inégalités entre les ménageset reflète l’exemple de la ville globale de Sassen (1996). Le lien entre ces deux typesd’inégalité (Mayer, 2000) est confirmé, mais il n’est pas systématique. Le coefficient de

détermination sur les 100 aires urbaines reste relativement modeste (R2 = 0,36). En effet,les inégalités spatiales ne sont pas seulement la traduction dans l’espace des inégalitésglobales mais aussi le résultat d’autres mécanismes intra-urbains (Cf. chapitre 1). Celamontre l’intérêt de prendre en considération l’inégalité entre les ménages pour comprendrele degré d’homogénéité à l’intérieur des quartiers et la ségrégation spatiale.

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Carte 3 : Inégalités de revenu des ménages parUC sur les 100 plus grandes aires urbaines françaises

Source : élaboration propre, données: INSEE-DGI (2005)

2.1.1.3. La ségrégation spatiale des ménages

En comparant l’aire urbaine de Nice et de Strasbourg qui ont le même niveaud’inégalité entre les quartiers (0,145 et 0,146), nous constatons que Strasbourg est plusségréguée que Nice puisque une part plus importante de son inégalité réside entre lesquartiers (0,425 contre 0,378). Les aires urbaines de Bordeaux et Rouen ont relativement lemême niveau d’inégalité entre les ménages (0,341 et 0,343, respectivement), mais Rouen

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Chapitre 3 : La ségrégation spatiale et ses échelles

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est plus marquée par les inégalités entre quartiers (0,162 contre 0,128 pour Bordeaux)et logiquement plus ségréguée (0,477 contre 0,375 à Bordeaux). Cela signifie que lesménages ayant les revenus les plus élevés à Rouen sont plus concentrés et les quartierssont plus homogènes par rapport à ceux de l’aire urbaine bordelaise.

Carte 4 : Niveau de ségrégation sur les 100 plus grandes aires urbaines françaisesSource : élaboration propre, données: INSEE-DGI (2005)En observant le niveau de ségrégation sur les 100 plus grandes aires urbaines (Carte

4), il serait difficile d’avancer des explications d’ordre géographique, sauf à signaler laconcentration d’aires urbaines relativement ségréguées autour de Paris. Cette aire urbaineest la plus ségréguée de France, avecun indice de ségrégation de 0,53. Si parmi les airesurbaines les plus ségrégées beaucoup sont de taille importante comme Lille, Marseille,Grenoble, Rouen ou Le Havre, d’autres villes de taille moyenne comme Creil, aux marges deParis le sont aussi. Les facteurs liés à l’histoire de la ville et au processus de son urbanisationdoivent être pris en compte dans l’explication de la ségrégation des villes en France (Cf.chapitre 4).

2.1.2. Des villes françaises moins ségréguées que les villes américaines ?Les comparaisons internationales utilisant l’indice de Gini sont concordantes pour

montrer que les inégalités de revenu sont beaucoup plus importantes entre les ménagesaméricains par rapport aux ménages français (Piketty, 1997 ; Fitoussi et Van Haeperen,1998). Si ce type de comparaison est inexistant en ce qui concerne la ségrégationspatiale au sein des villes de différents pays, c’est à cause de la difficulté que posentles échelles spatiales qui s’ajoutent à la nature différente des données de revenus. Ilsemble intuitivement acquis que les villes américaines soient plus ségréguées que les villesfrançaises, en considérant d’une part que les villes américaines sont plus inégalitaires que

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les villes françaises et en faisant le lien entre niveau d’inégalité et niveau de ségrégation,d’autre part (Mayer, 2000).

Tableau 7 : Eléments de comparaison de la ségrégation de revenu entre villes françaises et villesaméricaines

Type de données Source dedonnées

Indice demesure

Échellelocale(quartier)

Échelleglobale(espaceurbain)

France Revenus déclarésdes ménages fiscauxen 2001 avantredistributions, ycompris les minimasociaux

Déclarationsexhaustivesdes impôts(INSEE-DGI,2004)

Gini deségrégation(Kim etJargowsky,2005)

IRIS(2000à 5000habitants)

Aire urbaine(AU)

États-Unis Revenus déclarésdes ménagesen 1999 avantredistributions, saufquelques aidessociales

Questionnairesondage(1/5) durecensement2000 (annexe9)

Gini deségrégation(Kim etJargowsky,2005)

Tract(2000à 5000habitants)

MetropolitanStatisticalArea (MSA)

Loin de prétendre à la stricte comparaison entre deux contextes urbains largementdifférents qui rejoint ainsi la différence dans la nature des données et des découpagesurbains, l’objectif est de resituer le niveau de ségrégation des villes françaises dans lecontexte international. Les récentes études sur la ségrégation par le revenu sont plusnombreuses et plus diffusées dans le cadre des villes américaines. Nous mesuronsla ségrégation de revenu dans les villes françaises de sorte qu’elle soit relativementcomparable avec celle obtenue par Kim et Jargowsky (2005) sur les 25 plus grandes airesmétropolitaines américaines. Nous présentons les différents éléments de mesure de laségrégation dans les deux contextes (nature de données, indice de mesure, échelles), ensoulignant les différences dans le Tableau 7.

Même si les données utilisées pour la mesure de la ségrégation spatiale sont de naturedifférente entre les deux pays, les échelles spatiales sont comparables et l’indice de mesureest le même. Au-delà de la différence entre le principe du ménage de recensement et celuidu ménage fiscal (INSEE-DGI, 2005), ainsi que la probabilité de sous-estimation plus fortedans les questionnaires de type recensement, l’examen des questions relatives au revenudu ménage dans le recensement 2000 de la population américaine (annexe 9) montre unegrande ressemblance avec les composantes des revenus fiscaux français. Les deux typesde revenus sont présentés avant les déductions/redistributions à l’exception des montants,a priori faibles, des aides sociales intégrées dans le revenu des ménages américains.

La ségrégation dans les villes américaines est calculée à l’échelle du ménage sansprise en compte de sa composition (Kim et Jargowsky, 2005). Nous sommes alors amenésà mesurer la ségrégation dans les villes françaises à partir du revenu entier de ménage,même si cette échelle n’est pas la plus appropriée pour représenter les inégalités.

Les inégalités entre les ménages sont plus importantes si l’on prend en compte lerevenu entier du ménage contrairement à celles calculées sur les revenus moyens des

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Chapitre 3 : La ségrégation spatiale et ses échelles

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ménages par UC. Cela est lié en partie au renforcement du poids des revenus des famillesaisées bi-actifs par rapport aux revenus des ménages modestes à une seule personne.

À l’échelle des quartiers, les résultats des inégalités spatiales suivent cette mêmelogique sauf dans certaines aires urbaines (19 %), notamment à Paris. Dans cette aireurbaine, les inégalités de revenu moyen des ménages par quartier sont moins importantes(0,175) que les inégalités entre les revenus moyens des quartiers par UC (0,208). Ce quis’explique par l’effet de composition des ménages et notamment des quartiers les plusriches. Alors que la prise en compte de la taille du ménage lisse les écarts entre les revenusmoyens des différents quartiers, les écarts avec les quartiers centraux les plus riches restentimportants. Plus de 70 % des ménages ne dépassent pas 2 personnes dans ces quartiers

et notamment dans le 7ème et le 16ème arrondissements dû principalement à la présencede jeunes cadres.

Pour des raisons de différences de taille entre les aires urbaines françaises et les airesmétropolitaines américaines53, la comparaison sera limitée entre Paris, d’une part, et NewYork, Los Angeles, Chicago, Washington et Detroit, d’autre part (Tableau 8).

Les villes américaines sont plus riches et plus inégalitaires. L’inégalité de revenuentre les ménages parisiens est beaucoup moins élevée (0,417) par rapport aux villesaméricaines, à l’exception de Washington (0,428) où le niveau est relativement comparable.Les inégalités entre les quartiers sont également moins élevées par rapport à New York etLos Angeles mais elles sont comparables à celles à Chicago et plus élevées par rapport àWashington et Detroit. L’aire urbaine parisienne est largement moins ségréguée et moinsmarquée par les inégalités spatiales que l’aire métropolitaine de New York. En revanche, elleest plus ségréguée et spatialement plus inégalitaire que Washington ou Detroit (Tableau 8).

Tableau 8 : Inégalité entre ménages, inégalité spatiale et ségrégation spatiale à Paris et des villesaméricaines

Aire urbaine/ Metropolitan StatisticalArea

Nombre deménages

Revenu

moyen 54

Inégalitéentre lesménages

inégalitéentre lesquartiers

Ségrégationspatiale

Paris 4589843 36381 0,417 0,175 0,420New York-NortheasternNJ

3482324 62237 0,535 0,249 0,465

Los Angeles-Long Beach,CA

3135972 60975 0,496 0,185 0,374

Chicago-Gary-Lake, IL 2937970 68059 0,456 0,173 0,381Washington, DC/MD/VA 1777008 80813 0,428 0,155 0,362Detroit, MI 1692431 63625 0,444 0,167 0,376

Source : élaboration propre ; Kim et Jargowsky (2005) pour les villes américainesEnfin, cette tentative de comparaison a permis de resituer le niveau de ségrégation des

villes françaises par rapport aux villes américaines via l’aire urbaine parisienne à partir desrevenus des ménages.

53 « Metropolitan Statistical Area.—A Core Based Statistical Area associated with at least one urbanized area that has apopulation of at least 50,000. The Metropolitan Statistical Area comprises the Central County or counties containing the core, plusadjacent outlying counties having a high degree of social and economic integration with the central county as measured throughcommuting. » (Federal Register, 2000, p.82238).

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Ségrégation spatiale et dynamiques métropolitaines

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2.2. Ségrégation à l’échelle communale et à l’échelle du bassin de viede l’INSEE : quelle imbrication par rapport à l’échelle du quartier ?

L’analyse de la ségrégation en tant qu’inégalité spatiale en France était jusque là limitéeprincipalement à l’échelle communale à cause de la disponibilité des données. Nous avonsbien montré sa croissance durant ces vingt dernières années à partir des revenus moyenspar commune. En revanche, il est indispensable de faire le lien entre cette échelle et l’échelledu quartier, dont les données sont disponibles pour l’année 2001.

Le premier objectif est de comparer le niveau d’inégalité spatiale entre les 100 villesen supposant, d’une part, que les ménages de la même commune ont le même revenu(homogénéité des revenus à l’échelle communale), et que les ménages du même quartieront le même revenu (homogénéité des revenus à l’échelle du quartier), d’autre part. Celapermettra de montrer que la ségrégation est plus élevée à l’échelle fine du quartier,confirmant ainsi la ségrégation existante à l’échelle communale et renforçant encore plusson niveau sur certaines aires urbaines.

L’autre objectif est de comparer la ségrégation entre les bassins de vie et la ségrégationentre les quartiers dans les 100 aires urbaines, en partant de l’hypothèse d’homogénéitédes revenus des ménages à l’échelle du quartier. Cela consiste à décomposer l’inégalitéentre quartiers en une inégalité au sein des bassins de vie et une inégalité entre les bassinsde vie en utilisant le revenu moyen par quartier comme unité de mesure (Cf. chapitre 2).

2.2.1. Une ségrégation plus importante à l’échelle du quartierNotre mesure de la ségrégation spatiale repose sur le principe de la décomposition del’inégalité entre une composante intra-zones et une composante inter-zones. Il semblelogique que l’inégalité inter-zones soient plus importante et se rapproche de l’inégalité totalesi le découpage spatial est de plus en plus fin55. Les zones de taille importantes sontsouvent caractérisées par une plus forte hétérogénéité sociale interne et dissimulent degrandes disparités spatiales à des échelles plus fines. Cela est l’une des conséquencesde l’effet d’échiquier, chekerboard problem, qui consiste à sous-estimer le niveau deségrégation à des échelles d’agrégation importantes, souvent administratives, imposées parla disponibilité des données. Dans le cas contraire, cet effet conduit à sous-estimer le niveaude ségrégation dans une ville à des échelles fines, en séparant certains quartiers contiguset identiques au lieu de les considérer comme une seule entité spatiale. Ce deuxième casconsiste à substituer les limites traditionnelles de la commune par le principe de la contiguïtéentre les quartiers pour construire des nouveaux découpages reflétant, en principe, leniveau de ségrégation le plus élevé. En revanche, l’objectif ici est de comparer les résultatsà l’échelle communale avec ceux à l’échelle du quartier afin de tester leurs robustesses etde comprendre leur cohérence spatiale, et nous serons plutôt dans le premier cas.

Effectivement, le niveau de ségrégation calculé à l’échelle du quartier est plus importantque celui calculé à l’échelle communale, et cela dans toutes les aires urbaines étudiées.Cela renforce les résultats obtenus par les chercheurs américains (Wong, 2003) et français,notamment sur la région parisienne : « La mesure de la ségrégation faisait d'ailleurseffectivement apparaître en Île-de-France une ségrégation plus forte si l’on prenait ledécoupage en quartiers que si l’on restait au niveau communal » (Preteceille, 2004). Encore,la différence du niveau de ségrégation entre les deux échelles à Paris n’est pas très

55 Statistiquement, la ségrégation serait maximale si nous considérons que chaque individu occupe un espace indépendant, ce quiserait une situation absurde.

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Chapitre 3 : La ségrégation spatiale et ses échelles

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importante (0,03) par rapport à d’autres aires urbaines comme Nîmes (0,11), Le Havre ouReims (0,1). La commune-centre dans ces aires urbaines regroupe souvent des quartierssocialement contrastés. Dans l’aire urbaine parisienne, le niveau de ségrégation spatiale àl’échelle communale est très proche de celui à l’échelle du quartier puisque les quartierspauvres se trouvent souvent dans des communes pauvres et les communes riches sontégalement composées de quartiers riches.

2.2.2. Rang des aires urbaines entre ségrégation à l’échelle communale et àl’échelle du quartierLa comparaison du niveau de ségrégation des 100 aires urbaines entre l’échelle communaleet l’échelle du quartier montre une certaine stabilité au niveau des extrêmes. Cependant, leniveau de corrélation de l’indice de Gini calculé sur les deux échelles n’est pas fortement

élevé (R2 de 0,51). Ce qui montre que nous n’observons pas exactement le mêmephénomène de ségrégation entre les deux échelles spatiales. En découpant les 100 airesurbaines en 3 classes de tailles identiques, en fonction de leur niveau de ségrégationà l’échelle de la commune et à l’échelle du quartier, nous obtenons une typologie de9 classes d’aires urbaines. Cela permet de distinguer les aires urbaines qui conserventrelativement leur groupe entre l’échelle communale et l’échelle du quartier, mais aussi lesaires urbaines qui rejoignent des groupes plus ou moins ségrégués. Nous constatons toutd’abord que 54 % des 100 aires urbaines conservent leur groupe en passant de l’échellecommunale à l’échelle du quartier ; 22 % rejoignent des groupes plus ségrégués et 24 %font partie des groupes moins ségrégués. Comme nous l’avons vu précédemment, le niveaude ségrégation est toujours plus élevé à l’échelle fine du quartier par rapport à l’échellecommunale. Le passage d’un groupe ségrégué à l’échelle communale à un groupe moinsségrégué à l’échelle du quartier est plus lié à un déclassement par d’autres aires urbainesdont l’écart entre les deux échelles est plus élevé. Par ailleurs, très peu d’aires urbaines(8 %) passent du groupe le plus ségrégué au groupe le moins ségrégué et vice versa(Tableau 9).

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Tableau 9 : Les 9 types d'aires urbaines selon le niveau deségrégation à l'échelle communale et à l'échelle du quartier*

* C= commune ; I : Iris ; SE : Ségrégation Élevée ; SM : Ségrégation Moyenne ; SF :Ségrégation Faible. Il ne s’agit pas ici du niveau de ségrégation mais de la classe de l’aireurbaine en fonction de son niveau de ségrégation parmi les 100 aires urbaine) ** L’aireurbaine de Fréjus ne contient que 3 communes et la comparaison entre les deux échellesn’a donc pas de sens.

2.2.2.1. Des aires urbaines dont le rang est semblable entre les deux échellesA l’image de l’aire urbaine de Paris, les quartiers de certaines aires urbaines ressemblent enmoyenne à leurs communes du fait de la forte cohésion entre les communes monolithiqueset leurs quartiers aisésd’une part, et de l’homogénéité des communes pauvres d’une autrepart : « D’une façon générale, les communes riches et très riches (type 1 et 2) sontcomposées, en majorité, de quartiers IRIS du même type, c'est-à-dire dont une majoritéde ménages a un revenu élevé ou très élevé... Les communes très spécialisées dans larésidence des plus pauvres (type 7), spatialement très regroupées, sont celles qui atteignentle degré d’homogénéité interne le plus élevé. » (François et al. 2003, p.55-57).

En passant de l’échelle communale à l’échelle du quartier, la majorité des aires urbaines(54 %) conservent leur classe par rapport au niveau de ségrégation et notamment lesplus ségréguées d’entre elles (Tableau 9). Nous constatons que les aires urbaines les plusségréguées à l’échelle de la commune sont également les plus ségréguées à l’échelle finedu quartier. A l’exception du Havre, Reims et Nîmes, les aires urbaines appartenant audécile le plus ségrégué à l’échelle communale se retrouvent au sein du même décile auniveau du quartier (Paris, Lyon, Marseille, Lille, Rouen, Grenoble et Creil). Ce résultat est lemême en utilisant le NSI (Mignot et Bouzouina, 2005). D’autres aires urbaines aux niveaux

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de ségrégation moyens (Toulouse ou Bordeaux) ou faibles (Brest ou Pau) conserventégalement la même classe (Tableau 9).

2.2.2.2. Des aires urbaines changeant de rang avec le changement d’échelleDans certaines aires urbaines, le revenu moyen de la commune cache une plus grandedisparité interne. Cette disparité n’est pas seulement liée à l’opposition entre quartier pauvreet quartier aisé, mais à la distinction des quartiers très riches des quartiers intermédiaires,au sein de certaines communes aisées d’une part, et à l’identification des nombreuxquartiers pauvres qu’abritent certaines communes modestes, d’autre part. Ces disparitéssont principalement liées à l’hétérogénéité entre les quartiers de la commune-centre. C’estpour cette raison que l’échelle du quartier révèle dans ces aires urbaines une ségrégationplus importante qu’au niveau de la commune. C’est le cas de l’aire urbaine de Nîmes où sacommune-centre regroupe des quartiers pauvres (Galerie Wagner, Jean Perrin, Galilée) etdes quartiers riches (Tour Magne, Camplanie), dont les écarts de revenus sont extrêmementimportants. Les écarts entre le quartier riche de Front de Mer et le quartier pauvre deMatisse, à Calais, ou les quartiers riches du centre ville de Saint Quentin avec les quartiersEurope/Remicourt renforcent la ségrégation spatiale à cette échelle.

Les aires urbaines moyennement ségréguées à l’échelle communale (comme Nice,Strasbourg ou Reims) ou peu ségréguées (comme Angers ou Le Mans) sont égalementmarquées par des indices de ségrégation largement plus élevés à l’échelle du quartier.Cette ségrégation élevée au niveau du quartier conduit à déclasser d’autres aires urbainesqui étaient parmi les plus ségréguées à l’échelle communale. C’est le cas de Genève-Annemasse où la ségrégation n’a pas beaucoup augmentée (0,08 au niveau de la communeet 0,09 à l’échelle du quartier) puisqu’elle se situe principalement entre l’ensemble descommunes riches et moyennes frontalières. Ce sont les trois aires urbaines frontalières(Genève- Annemasse, Bâle- Saint-Louis et Montbéliard) qui se retrouvent déclassées dupremier tiercile au troisième tiercile (Tableau 9) puisque leurs niveaux de ségrégation onttrès peu changé entre les deux échelles spatiales par rapport au reste des aires urbaines.

L’échelle du quartier confirme le statut de la majorité des aires urbaines par rapport auniveau de ségrégation obtenu à l’échelle communale. L’hétérogénéité des revenus entreles quartiers de certaines grosses communes, au centre notamment, révèle un niveau deségrégation plus élevé dans des aires urbaines désormais moins ségréguées à l’échellecommunale. Ces aires urbaines se retrouvent parmi les plus ségréguées décalant ainsid’autres aires urbaines dont l’hétérogénéité des quartiers au sein des communes-centresest plus faible.

L’échelle communale offre une image assez proche de la ségrégation spatiale dansla majorité des villes françaises par rapport à l’échelle du quartier puisque les deuxdécoupages sont basés sur la proximité spatiale par rapport au lieu de résidence.Cependant, l’observation de la ségrégation spatiale des aires urbaines mesurée à l’échelledu bassin de vie de l’INSEE, définie à partir du principe de l’accessibilité à l’emploi et auxaménités, est susceptible d’apporter des réponses différentes mais complémentaires.

2.2.3. Du quartier au bassin de vie : quelle cohérence?Le bassin de vie représente, selon l’INSEE, la plus petite échelle spatiale sur laquelle leshabitants ont accès à la fois à l’emploi et aux équipements (Julien et Pougnard, 2004).L’échelle globale de l’aire urbaine construite sur la base des emplois est plus autonomeet plus large et elle regroupe parfois plusieurs bassins de vie. Notre objectif ici est de

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comprendre la ségrégation des aires urbaines mesurée à l’échelle du bassin de vie. Celaconsiste à distinguer l’inégalité de revenu entre les bassins de vie de l’inégalité entre lesquartiers du même bassin de vie en considérant que les revenus des ménages du mêmequartier sont identiques (Cf. chapitre 2). Nous limitons notre analyse aux seules airesurbaines contenant plus de 10 bassins de vie, soit 25 aires urbaines. Les bassins de viesont définis à partir des données communales.

Par rapport à l’échelle du quartier, l’inégalité spatiale des aires urbaines estnaturellement encore plus faible à l’échelle des bassins de vie (Figure 21). En revanche,il n’existe aucune relation entre le niveau des inégalités entre les bassins de vie et lesinégalités entre les quartiers. Les aires urbaines les plus marquées par les inégalités àl’échelle du bassin de vie ont parfois un niveau d’inégalité inter-quartiers relativementélevé (Montpellier, Amiens et Strasbourg), moyen (Caen) ou faible (Rennes, Clermont-Ferrand, Genève-Annemasse et Montbéliard). Les niveaux les plus faibles d’inégalité entreles bassins de vie caractérisent Metz, Nancy, Tours, Orléans, Le Mans, Marseille et Lille(Figure 21).

Figure 21 : Inégalité entre quartiers et inégalitéentre bassins de vie dans les 25 aires urbaines

Source : élaboration propre, données INSEE-DGI (2004)Par rapport à l’échelle communale, les inégalités entre bassins de vie et la ségrégation

spatiale sont moins importantes. Cependant, à Rennes, la ségrégation spatiale à l’échelledes bassins de vie est légèrement plus importante que la ségrégation à l’échelle communale(0,211 contre 0,208). Nous retrouvons ici une des conséquences de l’effet échiquier déjàabordées dans la partie précédente, mais cette fois-ci c’est l’échelle plus petite, de lacommune, qui occulte des inégalités à une échelle plus grande, du bassin de vie.

Par ailleurs, Marseille et Lille, qui sont parmi les aires urbaines les plus ségréguées àl’échelle du quartier (0,488, 0,493, respectivement), se retrouvent avec des faibles niveaux

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Chapitre 3 : La ségrégation spatiale et ses échelles

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d’inégalités entre les bassins de vie (0,029, 0,03, respectivement) et des faibles niveauxde ségrégation (0,073, 0,079, respectivement). Ces deux aires urbaines sont marquées parleurs centres secondaires de Aix-en-Provence et de Roubaix-Tourcoing et sont considéréespar nombre de recherches comme des villes polycentriques (Mignot et al. 2004 ; Cf. chapitre5). Les aires urbaines polycentriques sont-elles plus ségréguées à l’échelle du quartier(proximité) alors qu’elles sont moins ségréguées à l’échelle du bassin de vie (accessibilité) ?Le constat effectué sur l’aire urbaine parisienne va dans ce sens, en mettant en avant deuxhypothèses à la fois contradictoires mais complémentaires. Nous apporterons des élémentsde réponse à la première partie de la question à travers l’analyse de la ségrégation spatialeà l’échelle communale et à l’échelle du quartier dans le chapitre 5.

2.3. En conclusionL’analyse des revenus fiscaux des ménages selon plusieurs échelles spatiales nousa permis de confirmer certaines hypothèses et d’apporter des éléments de réponsespermettant de comprendre la ségrégation spatiale en France.

La ségrégation en France est loin d’être un simple artefact d’une échelle spatialeparticulière. Elle est un fait reconnu suivant différentes échelles globales (nationale,régionale, et intra-urbaine) et confirmé à des niveaux de mesure intra-urbains variés(bassins de vie, communes et quartiers).

Les inégalités intercommunales augmentent durant ces vingt dernières années surl’ensemble des territoires et plus particulièrement dans l’espace urbain. Loin de réduireles inégalités spatiales, la croissance des richesses des ménages contribue à leuraccroissement à l’échelle nationale mais aussi sur la majorité des aires urbaines françaises.Alors que le revenu moyen des ménages augmente sur l’ensemble des territoires, les écartsde revenus se sont creusés entre les communes riches et les communes pauvres pendant lapériode 1984-2004. Même si certaines communes pauvres voient leurs revenus légèrementaugmenter, cette croissance est faible. Les communes riches sont de plus en plus riches etles inégalités intercommunales sont plus le produit de cette croissance forte. La croissancedes inégalités socio-spatiales accompagne la croissance et le développement économique.Cela renforce le doute sur le potentiel effet égalisateur de la seule croissance économiqueet met en avant l’influence du phénomène de la métropolisation à l’échelle des villes.

L’inégalité spatiale entre les quartiers de la même aire urbaine représente unepart importante de l’inégalité totale entre les ménages, au détriment de l’inégalité etl’hétérogénéité à l’intérieur des quartiers, montrant ainsi une forte ségrégation spatiale. Lamétropole parisienne est l’aire urbaine la plus ségréguée en France, comme c’est d’ailleursle cas de la métropole américaine de New York. Au-delà des limites de la comparaisonentre ces deux contextes urbains différents, Paris est beaucoup moins inégalitaire et moinsségréguée que New York, mais elle n’est pas moins marquée par les inégalités entre lesquartiers et la ségrégation spatiale par rapport à d’autres aires métropolitaines telles queWashington ou Detroit. A travers l’exemple parisien, nous soulignons l’importance à lafois de la taille de population et des emplois supérieurs comme des facteurs susceptiblesd’expliquer le fort niveau de ségrégation, sans toutefois les considérer comme exclusifs. Lechapitre 4 aura pour objectif d’identifier les autres variables explicatives à travers l’examendu lien entre la densité et la ségrégation spatiale sur l’ensemble des 100 aires urbaines.

La ségrégation intra-urbaine est étroitement liée à la question de l’échelle de mesure,qu’elle soit basée sur la proximité par rapport au lieu de résidence (quartier, commune) ousur l’accès à l’emploi et aux aménités pour les habitants (bassin de vie). Les interactions

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sociales sont différentes selon le lieu de résidence, d’étude ou de travail et chaqueterritoire nous renseigne sur un degré et un type particulier de ségrégation. Il n’existe, bienévidemment, pas une seule échelle de mesure pertinente et l’ensemble des échelles sontcomplémentaires pour comprendre les imbrications de la ségrégation spatiale dans la ville.

La ségrégation spatiale est plus élevée selon que l’échelle de mesure est réduite. Elleest plus élevée à l’échelle du quartier par rapport à l’échelle communale, mais les airesurbaines les plus ségréguées à l’échelle communale sont également les plus ségréguéesà l’échelle du quartier. Certaines ont même un niveau d’inégalité entre les quartiersrelativement proche de celui constaté entre les communes, comme c’est le cas à Paris. Danscette aire urbaine, les quartiers aisés et pauvres ressemblent à leur commune. En revanche,certaines aires urbaines apparemment moins ségréguées à l’échelle de la commune seretrouvent parmi les plus ségréguées à l’échelle fine du quartier, à l’image de Nîmes. Celaest expliqué par la forte hétérogénéité de la commune-centre qui regroupe des quartierspauvres et des quartiers aisés.

Par ailleurs, l’échelle des bassins de vie de l’INSEE apporte une information différentemais complémentaire. Alors que certaines aires urbaines, a priori polycentriques, sont parmiles plus ségréguées à l’échelle du quartier (Lille et Marseille), elles se retrouvent parmi lesvilles les moins ségréguées à l’échelle du bassin de vie. Cela permet d’avancer l’hypothèseselon laquelle les aires urbaines polycentriques sont moins ségréguées à l’échelle du bassinde vie (accessibilité) mais elles sont plus ségréguées à l’échelle du quartier (proximité).C’est la deuxième partie de cette hypothèse que nous tentons de tester dans le chapitre5, à travers l’analyse du rôle du polycentrisme dans la ségrégation spatiale à l’échelle duquartier et de la commune.

Enfin, pour mieux comprendre la ségrégation spatiale dans la ville il serait souhaitabled’analyser la concentration de l’inégalité à plusieurs niveaux d’agrégation spatiale, enpartant de l’échelle individuelle jusqu’à celle de l’espace urbain.

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Chapitre 4 : Étalement urbain, densité et ségrégation : une analyse sur 100 aires urbaines

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Chapitre 4 : Étalement urbain, densité etségrégation : une analyse sur 100 airesurbaines

Les dynamiques métropolitaines de suburbanisation des populations et des activités ontprofondément changé le visage et le fonctionnement des villes contemporaines. Propulsépar la croissance de la taille des villes, la concurrence sur ses externalités positives ou lafuite de ses externalités négatives, l’augmentation du niveau de vie et la baisse du coûtde transport, ce développement urbain à faible densité est souvent jugé peu compatibleavec les objectifs économiques et environnementaux du développement durable. Il estconsommateur d’espace et d’énergie car il encourage souvent le mode individuel d’habitatet de transport vers le centre de la ville. Il est parfois considéré comme une structure urbaineségrégative sous prétexte qu’il ébranle la densité, les interactions et de lien social dans laville et isole une partie de sa population. L’étalement urbain est-il réellement responsablede tous ces maux et plus particulièrement celui de la ségrégation spatiale ?

Dans une large partie de la littérature américaine, la question de la ségrégation urbaineest étroitement liée à la déconcentration de la population, à travers les mouvements duwhite flight (Mieszkowski et Mills, 1993),contribuant à la formation des edges cities (Garreau,1991) et au déclin du centre. De ce point de vue, les villes étalées ou à faible densité ontsouvent été considérées comme les plus ségrégées. Des travaux plus récents ont examinél’effet de la forme urbaine sur la ségrégation à travers la densité et l’étalement urbain(Pendall et Carruthers, 2003 ; Galster et Cutsinguer, 2005 ; Glaeser et Gottlieb, 2006 ; Yanget Jargowsky, 2006). Les résultats sont peu concluants, mais permettent de réinterroger leprincipe même de la ville compacte et de ces avantages par rapport à la dimension sociale.

En France, le fait que la densité et la mixité sociale soient deux objectifs de la politiqueurbaine visant d’une part à réduire l’étalement urbain, et d’autre part la ségrégation spatiale,nécessite d’autant plus une analyse conjointe. Avec l’émergence des thèses portant surla gentrification (Pinçon et Pinçon-Charlot, 2004) et la fuite des classes moyennes versles périphéries des villes (Guilly et Noye, 2004), les politiques de densification des zonescentrales des villes sont remises en cause, car elles sont considérées comme des actionsde pure valorisation de l’espace contribuant ainsi à la ségrégation.

Ce chapitre vise à analyser l’impact de la forme étalée de la croissance urbaine sur laségrégation spatiale à travers la densité. Nous commençons tout d’abord par une revue delittérature sur la relation entre l’étalement urbain, la densité et la ségrégation spatiale, enprécisant la nature du lien attendu (1). Ensuite, nous analysons empiriquement la relationentre la densité de population et la ségrégation spatiale (2), sur les 100 plus grandesaires urbaines françaises à partir des résultats obtenus à l’échelle du quartier en 2001 (Cf.chapitre 3). Nous tentons également de déterminer à partir de la littérature, principalementaméricaine, et l’analyse exploratoire, les principaux déterminants de la ségrégation spatialedans les villes françaises. Notre objectif est de vérifier, dans un premier temps, si la faibledensité résidentielle de l’aire urbaine est réellement responsable de la ségrégation. Une plusforte densité permet dans ce cas un rapprochement des différents groupes sociaux et facilite

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les interactions sociales. C’est d’ailleurs le principe même de « la ville conviviale » cher àBeckmann (Derycke, 1992 ; Fujita et Thisse, 2003). La distinction centre-périphérie à partirdu modèle monocentrique de Bussière amendé (Bonnafous et Tabourin, 1998 ; Tabourin etal. 1995) permet, dans un deuxième temps, de tester l’effet de la densité centrale et sonniveau d’étalement (dilatation) ainsi que la densité périphérique sur le niveau de ségrégationde l’aire urbaine.

1. L’étalement urbain ou la faible densité favorisent-ilsla ségrégation ?

À l’image de la dynamique de la ségrégation spatiale, le modèle de « cycle de vieurbain » (Cf. chapitre 1) définit l’étalement urbain ou la suburbanisation comme unedes quatre phases de la croissance urbaine marquée par une croissance des zonespériphériques plus importante par rapport à celle du centre. Avant de mettre en revue lalittérature traitant l’influence de l’étalement urbain sur la ségrégation spatiale (1.2), il convientde définir ce phénomène et de le mesurer dans le cadre de la ville monocentrique (1.1).

1.1. De l’étalement urbain à la forme urbaine

1.1.1. Qu’est-ce que l’étalement urbain ?L’étalement urbain est au centre des débats dans les études urbaines, notamment avecl’émergence du cadre du développement durable. Malgré les efforts des chercheurs,l’étalement urbain reste relativement mal défini par la littérature théorique. Le terme« étalement » peut être non seulement compris d’une manière péjorative en décrivant uncertain type de développement du sol, mais il peut représenter « tout et rien » si on reprendles termes de Galster et al. (2001). Le terme suburbanisation est souvent préféré, même sipour les économistes urbains, l’étalement n’est autre qu’une suburbanisation excessive56

(Brueckner, 2000 ; Mills, 2003). Les principales critiques à l’égard de l’étalement urbainconcernent son caractère non planifié, non esthétique, voire déshumanisant et socialementisolant et Los Angeles est l’exemple le plus récurrent dans la littérature sur cette question(Ewing, 1997 ; Banerjee et Verma, 2005 ; Yang et Jargowsky, 2006).

1.1.1.1. Ville étalée ou ville dense ?Alors que l’étalement est perçu aujourd’hui comme un mal qu’il faut combattre, il estparfois surprenant de constater que les premières visions de la planification des urbanistesnotamment en Amérique du Nord considéraient l’étalement ou le développement à faibledensité comme étant une forme urbaine idéale. Tout dépend du contexte, des argumentset des valeurs défendues vis-à-vis de l’étalement urbain et les conséquences des forcescontradictoires de concentration et de dispersion (Banerjee et Verma, 2005). Le rôle del’aménagement est de minimiser les conséquences négatives et de maximiser les bénéfices.

Il y a eu dans l’histoire de l’aménagement plusieurs visions de la forme de la ville selonles différentes priorités économique, environnementale et sociale. Pour le même objectif

56 Dans le cadre de la thèse, nous utilisons les deux termes d’étalement urbain et de suburbanisation sans donner importance àcette distinction ou à l’aspect péjoratif.

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Chapitre 4 : Étalement urbain, densité et ségrégation : une analyse sur 100 aires urbaines

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d’efficacité économique (décongestion), certains urbanistes « utopistes » proposaient la villedispersée alors que d’autres prônaient la ville dense. Nous allons retenir deux exemplesillustratifs de la variabilité et de la contradiction des jugements portés sur la forme urbaine. Lepremier concerne Le Corbusier qui considère la densité comme la meilleure solution pour laville, tandis que le deuxième, celui de F-L Wright, favorise la dispersion et la dédensificationde la ville.

Le principe dans la réflexion chez Le Corbusier (1887-1965) est d’augmenter la densitédes villes, tout en améliorant la mobilité et la vitesse en particulier. La meilleure solutionest d’élever au maximum les densités dans les centres pour garantir la proximité. Il s’agitde la cité-jardin verticale (cité radieuse) qui prend la place de la cité-jardin horizontale deHoward qui vise à associer les vertus de la ville et celles de la campagne. Cependant, unseul immeuble fera l’équivalent de toute une cité. Ce qui permet de gagner de l’espacevert et de garantir l’efficacité économique grâce à la vitesse, car la ville qui dispose dela vitesse, dispose du succès (Wachter, 2003). Le Corbusier considère que les solutionsvisant à réduire les densités et la congestion au sein des villes ne sont pas efficaces carelles engendrent souvent des coûts d’urbanisation importants, notamment d’infrastructuresroutières, et augmentent les migrations alternantes des banlieusards. En 1922, il proposemême de bâtir une ville verte moderne de trois millions d’habitants à Paris sur la rive droitede la Seine capable de mettre fin aux problèmes des déplacements périphériques.

Même s’il donne lui aussi une grande importance à la mobilité, l’exemple de Broadacrecity ou la « non-ville » de Frank Lloyd Wright (1867-1959), proposée en 1932, était uneprescription pour l’étalement et la dispersion par excellence. Ce projet centré sur l’individu,

l’anti-densité et l’anti-proximité propose un acre (autour de 4000 m2) de sol par personne etmet l’automobile au centre de ses rapport avec l’espace. Wright voit dans la concentrationde la ville la source de tous les maux et considère que la dispersion est plus appropriée pourune société ouverte, efficace et intégrée grâce à l’automobile. Les activités économiquespeuvent se développer sur les nœuds du réseau sans hiérarchie de type centre-périphérie.D’autres recommandations pour la faible densité avaient même pour objectif de minimiserles effets négatifs de la ville dense sur l’écosystème et la santé des populations (Banerjeeet Verma, 2005). Il ne faut pas oublier que l’étalement urbain était également la solutionà la pollution et la promiscuité entre l’usine et l’espace résidentiel : « Le lieu de travailtend à être séparé du lieu de résidence, car la proximité d’établissements industriels etcommerciaux rend une zone impropre -à la fois économiquement et socialement- à des finsrésidentiels » (Wirth, 1938 in Grafmeyer et Joseph, p. 270). Cela dit, cet étalement sélectifétait à l’origine de la division fonctionnelle de l’espace et de la ségrégation socio-spatialedans la ville industrielle, car il ne concernait pas toutes les classes sociales. D’ailleurs, trèspeu de littérature a explicitement abordé la question de l’équité et les implications socialesde la forme urbaine étalée (Squires, 2002).

1.1.1.2. Définir l’étalement urbainDes travaux plus récents ont tenté d’apporter des définitions plus claires d’un point de vueconceptuel mais aussi opérationnel à l’étalement urbain. Par exemple, Galster et al. (2001)définissent l’étalement urbain comme un mode d’usage du sol reflétant un faible niveau deshuit dimensions suivantes : densité, continuité, concentration (entre quartiers), clustering(à l’intérieur des quartiers), centralité, nucléarité (mono-multipolarité), mixité d’usage et

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proximité 57. Après un test sur 13 aires urbaines des différentes régions, ils ont construit unindice synthétique et classé les villes américaines en fonction de leur niveau d’étalement.Les aires urbaines de Atlanta, Miami et Détroit sont les plus étalées alors que les vieillesvilles de New York, Chicago et Boston sont les moins étalées. Cependant, l’agrégation ausein d’un même indice de dimensions divergentes n’est pas toujours souhaitable. Squires(2002, p.2) définit l’étalement à partir de la faible densité, la dépendance automobile et lenouveau développement périphérique : « a pattern of urban and metropolitan growth thatreflects low density, automobile-dependent, exclusionary new developement on the fringeof settled areas often surrounding a deteriorating city ». Cette définition précise différentsaspects interdépendants de la suburbanisation et souligne bien le lien entre l’étalementurbain et la ségrégation spatiale. D’autres travaux économiques insistent essentiellementsur le critère de la faible densité dans la définition de l’étalement urbain (Nechyba et Walsh,2004). L’analyse de la suburbanisation dans le cadre du modèle monocentrique peut êtreuniquement basée sur la densité et le gradient de densité (Cf. chapitre 1).

1.1.2. Caractériser la forme urbaine étalée dans la ville monocentrique : ladensitéNous nous focalisons dans ce chapitre sur la dimension de la densité pour caractériserl’étalement et la forme urbaine à travers quelques indicateurs complémentaires. Il s’agitde la densité de population et de son gradient basé sur la distance au centre de la villemonocentrique.

1.1.2.1. Le gradient de densité urbaine : la distance au centrePour mesurer l’étalement urbain des ménages, nous utilisons le modèle empirique deRené Bussière qui se base dans ses formulations sur les hypothèses de base du modèlemonocentrique de l’économie urbaine (Cf. chapitre 1). Ce modèle, appliqué pour la premièrefois à la localisation résidentielle à Paris et publié en 1972, a montré une grande précision àdéfinir les limites et les dimensions spatio-temporelles de la suburbanisation des ménagesmais aussi des entreprises (Tabourin et al. 1995).

Le but de ce modèle est de reconstituer la distribution des densités D(x,y) pour chaquepoint de coordonnées (x,y) au sein de l’espace urbain. Deux contraintes sont liées à cettefonction dont la première est liée à la population totale (N). La seconde est associée à lasomme totale des coûts généralisés de localisation notés en chaque point c(x,y) qui est unequantité finie (C) (Bonnafous et Tabourin, 1998) :

57 « Sprawl is a pattern of land use in an urbanised area that exhibits low levels of some combination of eight distinct dimensions:density, continuity, concentration, clustering, centrality, nuclearity, mixed uses and proximity.” (Galster et al., 2001, p.685).

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Chapitre 4 : Étalement urbain, densité et ségrégation : une analyse sur 100 aires urbaines

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Pour déterminer la fonction d(x,y) la plus probable, Bussière propose une solution quimaximise l’entropie du système, sous les contraintes précitées, elle s’écrit comme suit :

Ce modèle théorique de densité n’est opérationnel que pour une forme déterminéede la forme du coût généralisé de localisation c(x,y). Il n’est applicable que sur lesvilles monocentriques de type Alonso (Cf. chapitre 1) et qu’on peut caractériser par descoordonnées polaires :

Ce qui devient très simple en considérant que la fonction c(r, q ) est indépendante de q :

Bussière a réussi a prouvé à travers des tests statistiques la résistance de la forme laplus simple, celle d’un coût généralisé de localisation qui ne dépend que du coût de transportau centre pour lequel c(r)=r. Ce qui donne une fonction de densité :

En se basant sur la fonction exponentielle de densité attribué à Clark (1951) (Bonnafouset Tabourin, 1998 ; Tabourin et al. 1995) :

On peut facilement déduire la fonction de population cumulée à une distance r ducentre :

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où les paramètres de densité du modèle sont :- r : la distance au centre,- A : la densité extrapolée au centre de la ville

Selon la formulation (1’) du modèle simple de Bussière, la courbe de la populationcumulée a une asymptote horizontale, ce qui veut dire qu’au-delà d’une certaine distanceil n’y a plus de population additionnelle.

Des travaux sur un périmètre de 45 Km de Lyon (Tabourin et al. 1995) ont montré quel’asymptote n’est pas horizontale, surtout avec l’amélioration des moyens de transport. Cequi les a conduit à proposer un amendement. Mathématiquement, il s’agit tout simplementd’ajouter une fonction linéaire à la fonction de Bussière pour obtenir le modèle amendé :

Kr représente le niveau de déconcentration périphérique lié à l’effet des infrastructuresde transport.

En utilisant les gradients de densité, selon le modèle de Bussière ou la loi de Clark,plusieurs travaux en France montrent la permanence de l’étalement urbain des populationsdans les villes françaises depuis 1975 (Mignot, 2000 ; Peguy, 2000 ; Bouzouina, 2003).

Pour mesurer l’étalement urbain ou la dilatation de la zone dense centrale nous utilisonsle modèle de Bussière amendé à partir des données de populations de 1999 disponiblesà l’échelle fine du quartier.

1.1.2.2. La faible densité de populationLa faible densité est la caractéristique la plus souvent associée à la forme urbaine étalée.D’une manière générale, il y a consensus autour de l’usage de cette variable pour mesurerl’étalement urbain, considéré comme le rapport entre la taille d’une population et une

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Chapitre 4 : Étalement urbain, densité et ségrégation : une analyse sur 100 aires urbaines

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superficie. Mais, il existe bien évidemment plusieurs types de densité selon l’objet derecherche qui sont parfois sources de malentendus. Comme nous nous intéressons àl’étalement résidentiel des ménages dans le cadre de la ville monocentrique, la densitéde l’aire urbaine est mesurée à partir du nombre de personnes et de la superficie brutede l’aire urbaine. Certaines études associent la population et l’emploi pour mesurer ladensité humaine, même si les deux logiques de localisation sont différentes d’un point devue théorique. D’autres études urbanistiques analysent la densité des logements à traversle nombre de résidences principales pour une surface donnée (densité résidentielle). Lechoix de la densité brute de population (densité démographique) n’est pas anodin dansle but d’analyser la ségrégation spatiale, car l’ensemble des espaces de la ville joue unrôle vis-à-vis de l’interaction sociale. Même si, dans la recherche de plus de réalisme, lamajorité des études tendent à utiliser la surface urbanisée dans la mesure de la densité, lasuppression des surfaces non-urbanisées dans l’étude de la ségrégation spatiale serait unchoix arbitraire. Ces espaces (fleuves, bois…) peuvent être des aménités appréciées par lespopulations ou représenter une séparation physique entre des quartiers parfois contrastés,ce qui influence dans les deux cas la ségrégation spatiale. Dans son analyse de la questionde la densification et du confort spatial, Piron (2006) nuance l’usage systématique de ladensité urbanisée : « En effet, retirer tel ou tel type d’espace- les bois de Boulogne et deVincennes à Paris, ou les calanques à Marseille- serait un choix arbitraire et non fondépuisque c’est souvent la présence d’espaces libres à certains endroits qui permet d’accepterdes densités bâties fortes à d’autres » (Piron, 2006, p.12).

En revanche, la densité brute de l’ensemble de l’aire urbaine pose la question ducontraste entre les espaces périphériques agricoles, très peu denses, et l’espace central,très dense, dans la majorité des villes françaises. La distinction entre la densité centrale,proche de la densité nette, et la densité périphérique constitue une bonne alternative. Ellese base sur l’estimation du gradient de densité de population à partir du modèle de Bussière.

Enfin, nous caractérisons l’état de l’étalement urbain dans notre cadre à partir de ladensité et de la dilatation de la zone dense centrale. Ces deux variables peuvent êtreutilisées pour caractériser la ville compacte marquée par une forte densité et un faibleétalement urbain.

1.2. Impact de l’étalement urbain et de la densité sur la ségrégationLes études sur les causes de la ségrégation spatiale et les conséquences de l’étalementurbain se sont développées d’une manière séparée. La littérature théorique associantles deux phénomènes est rare et concerne principalement les villes américaines (Cf.chapitre 1). Ce qui explique le faible apport théorique et l’ambiguïté de la relation entre lasuburbanisation et la ségrégation. Dans ce cas, seules les analyses empiriques peuventapporter des éléments de réponse.

1.2.1. Apports théoriquesPour l’analyse du lien théorique entre l’étalement urbain et la ségrégation, nous faisons engrande partie référence au cadre d’analyse construit dans le premier chapitre. Ce cadrethéorique aborde la question des déterminants de la ségrégation spatiale en lien avec lacroissance urbaine, en soulignant l’importance de l’espace et de l’usage du sol (cf. chapitre1).

Tout d’abord, les villes sont les lieux privilégiés de l’interaction sociale entre les hommes(Glaeser et al. 2001 ; Glaeser et Gottlieb, 2006 ; Lacour, 2005). L’avantage des zones

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urbaines denses est de faciliter les relations interpersonnelles et la proximité physiqueest un facteur « permissif » car elle n’est pas forcément synonyme de proximité sociale(Chambordon et Lemaire, 1970). Cependant, plusieurs travaux montrent que les individusvivant dans les quartiers denses des grandes villes sont plus susceptibles de socialiser avecleurs voisins (Glaeser et Sacerdote, 1999). Nous avons bien souligné le rôle important quepeut jouer la proximité des groupes différents pour réduire la concentration des externalitésnégatives, freiner les écarts de capital humain et social, et recréer le lien social au seinde la ville (Cf. chapitre 1). C’est le naturel grégaire des êtres humains qui conduit à laconcentration spatiale de la population dans des zones denses. D’un point de vue théorique,chaque ménage fait un arbitrage entre la distance moyenne qui le sépare des autresindividus avec lesquels il interagit et la quantité de sol qu’il acquiert sur le marché foncier.Le modèle économique de la ville conviviale de Beckmann (1976) est l’un des premiersà avoir utilisé ce type d’arbitrage (Fujita et Thisse, 2003, p.221). Le rôle des externalitéssociales entre individus, à l’origine de la formation de la ville, n’a peut être pas été assez misen avant par rapport à la question de la ségrégation. À coté de l’arbitrage entre emploi etrésidence, il faut également prendre en compte les possibilités d’interactions de différentstypes entre les habitants de la ville. Chaque ménage maximise son utilité en fonction de ladistance moyenne qui le sépare de tous les autres, ce qui adoucit les profils de rente ou dedensité. On peut même adopter, selon Derycke, (1992, p.172), « un moyen terme entre laville conviviale et la ville ségrégée en ne privilégiant que la proximité par rapport aux classessociales ou de revenus comparables aux ménages considérés ».

Si la densité favorise la proximité et l’interaction sociale, l’étalement urbain est perçu,par conséquence, comme un facteur de distance et d’isolement. Cependant, l’impact de ladensité et de l’étalement urbain sur la ségrégation spatiale n’est pas clair. Il est au mieuxindirect (Pendall et Carruthers, 2003), car il dépend du marché foncier et des préférencesdes ménages (Cf. chapitre 1).

La densité permet en principe de rapprocher l’ensemble de la population de la ville, ycompris aux emplois, mais elle ne garantit pas nécessairement une mixité sociale. Ses effetssur la ségrégation par le revenu sont ambigus car elle peut être la cause et la conséquenced’une concurrence entre les ménages pour les meilleures localisations (Alonso, 1964).En créant une compétition sur la zone centrale entre les ménages riches et les activitéssupérieures, la densité peut conduire à des mécanismes d’éviction des populations lesplus modestes vers des zones périphériques et une spécialisation du centre historique. Cemécanisme ségrégatif est observé sur plusieurs villes américaines (Pendall et Carruthers,2003).

La densité peut également affecter le niveau de ségrégation à travers les préférencesdes individus. Les interactions sociales ne sont pas toutes source d’externalités positives,ce qui conduit, parfois, les ménages à opter pour l’entre-soi ou choisir des zones à faibledensité. Dawkins (2005) met en évidence un lien entre la densité de population et laségrégation, entre les blancs et les noirs américains, calculé par l’indice de Gini au niveaudu quartier. Dans les zones à faible densité, et dans une logique d’évitement, les ménagesde races différentes peuvent vivre les uns à coté des autres car cela n’exige que très peud’interactions sociales. Cette justification est valable aussi bien pour une ségrégation socialeque pour une ségrégation raciale. Ainsi, une politique de densification, accompagnée d’uneforte contrainte sur le marché foncier, peut favoriser l’entre-soi, si la proximité avec d’autresgroupes n’est pas souhaitée.

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Chapitre 4 : Étalement urbain, densité et ségrégation : une analyse sur 100 aires urbaines

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Face à l’absence de cadre théorique traitant le lien implicite entre l’étalement urbainet la ségrégation spatiale (Pouyanne, 2008), des travaux empiriques tentent de souleverl’ambiguïté et d’apporter des réponses plus claires.

1.2.2. Réponses empiriquesLes travaux empiriques testant l’impact de l’étalement urbain sur la ségrégation spatiale nesont pas toujours unanimes. Certains considèrent que l’étalement favorise la ségrégationspatiale renforçant encore son image négative alors que d’autres estiment au contraire quela suburbanisation peut être positive pour l’intégration de certaines populations.

1.2.2.1. Un étalement urbain plus ségrégatif : la densité diminue laségrégation Une partie de la littérature montre que l’étalement urbain favorise la ségrégation spatiale. Enutilisant les huit dimensions d’usage du sol qui caractérisent l’étalement urbain (Galster etal. 2001), Galster et Cutsinger (2007) montrent d’une manière générale un effet positif sur laségrégation spatiale. Dans leurs résultats, même la forme concentrée de la suburbanisation,constatée à travers le renforcement de la multipolarité est favorable à la ségrégation (Cf.chapitre 5). En utilisant le gradient de densité de Clark, la densité et le niveau d’homogénéitédes nouvelles constructions basé sur l’âge du parc de logement, Yang et Jargowsky (2006)montrent également un effet positif de la suburbanisation sur la ségrégation des ménagesen fonction du revenu. Même si l’indice de ségrégation (NSI) baisse entre 1990 et 2000, lesvilles les plus marquées par la suburbanisation des ménages sont celles qui connaissentla plus faible réduction de la ségrégation. Il existe un effet négatif du gradient de la densitéurbaine (b) sur le niveau de ségrégation, reflétant ainsi un étalement urbain ségrégatif.Ce qui suppose, par ricochet, que la ville compacte ou la ville dense favorise la faibleségrégation.

À travers un échantillon de 58 aires métropolitaines les plus grandes en 1990, BondHuie (2000) analyse la relation entre différents types de densité et les cinq dimensions de laségrégation (Black/Blancs) proposés par Massey et Denton (1988a). Il trouve que la densitéde population et d’habitat diminue le niveau de concentration des noirs américains au niveaudu centre, déterminé par l’indice de centralisation. L’étalement urbain favorise la ségrégationsociale quand il prend des formes strictes de recherche d’entre-soi de nouveaux espacespériphériques protégés, comme c’est le cas des gated communities dans la région de LosAngeles (Le Goix, 2005).

La suburbanisation et la faible densité peuvent diminuer la ségrégation spatiale. Dansune analyse préliminaire sur 25 villes moyennes (80 000-220 000 habitants) en Grande-Bretagne, Burton (2000) teste l’hypothèse selon laquelle la forte densité urbaine favorisel’équité sociale. En faisant référence à la justice sociale, elle teste le lien entre la densité et laségrégation sociale, parmi d’autres indicateurs. Elle constate une corrélation inverse entrela densité de population et l’indice de dissimilarité mesurant la ségrégation des groupes àfaible revenu, des ménages non-motorisés, des familles monoparentales et des ménagespropriétaires. Les villes denses semblent donc moins ségréguées. Derrière cette corrélation,Burton considère que ce lien ne concerne pas la densité en soi mais plutôt le type delogement et le statut d’occupation. En effet, la ségrégation des populations modestesest plus faible dans les villes avec des fortes proportions de logements à forte densité(appartements et pâtée de maisons). Elle est, en revanche, plus élevée dans les villesdominées par des logements à faible densité (maisons isolées). Ce type de logements estoccupé par des ménages propriétaires où il est très peu probable qu’ils soient des ménages

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modestes. La mixité sociale caractérise les villes dont le logement est dense, à conditiond’avoir des ménages riches qui restent attachés aux aménités centrales. Les ménages sontségrégués selon leur capacité à payer un logement (Cf. chapitre 1). L’auteur reste trèsréservé quant à la généralisation d’un tel résultat en rappelant qu’il s’agit seulement d’unecorrélation établie sur un nombre très limité de villes.

1.2.2.2. Un étalement urbain moins ségrégatif : la densité renforce laségrégationLa suburbanisation des ménages n’a pas que des effets négatifs, car elle permet aux plusmodestes d’accéder en périphérie à des logements plus spacieux à moindre prix58. Masseyet Denton (1988b) analysent la suburbanisation des noirs, hispaniques et asiatiques dans59 aires métropolitaines entre 1970 et 1980 et testent son effet sur la ségrégation en 1980.Ils constatent que les noirs américains, moins étalés que les hispaniques et les asiatiques,sont moins ségrégués en périphérie par rapport au centre, mais ce niveau de ségrégationreste nettement plus important par rapport à celui des autres minorités. Dans ce même sens,Glaeser et Kahn (2004) montrent que les zones périphériques sont plus intégrées d’un pointde vue racial que les villes centres notamment parce qu’elles permettent aux ménages noirsde consommer plus d’espace de logement et d’être propriétaires. Kahn (2001) souligne quela qualité de vie de ces populations dépend de l’arbitrage entre le logement périphériqueconsommé et la perte en termes d’opportunité d’emploi à cause du spatial mismatch. Ilestime qu’une législation visant la lutte contre l’étalement urbain peut réduire l’opportunitédes minorités à accéder à ces logements périphériques en diminuant l’offre nouvelle et enaugmentant le prix du marché immobilier : « affordability is likely to decrease in the presenceof more antisprawl legislation. Such rules reduce the supply of new housing, which in turnraises the price of homes » (Kahn, 2001, p.84). Par ailleurs, Bond Huie (2000) montrentque la densité de population favorise l’isolement des noirs américains. L’étalement ou ladécentralisation favorise l’hétérogénéité à l’intérieur des quartiers. Cet argument va dans lemême sens que celui de Dawkins (2005) qui montre une corrélation significative et positiveentre l’indice de Gini d’inégalité de revenu entre les quartiers (ségrégation) et la densitéde population sur 231 aires métropolitaines en 2000. En effet, il suppose que habiter unezone peu dense n’exige que très peu d’interactions et donc pose moins de problèmes decohabitation entre les différents groupes.

L’étalement urbain en tant que faible densité est plus associé à l’hétérogénéité àl’intérieur des quartiers qu’à celle entre les quartiers. En utilisant la décomposition de lavariance des revenus sur 359 aires métropolitaines en 1980, 1990 et 2000, Wheeler (2006)distingue inégalités internes aux quartiers et inégalités entre les quartiers. Il démontre quela baisse de la densité résidentielle augmente l’inégalité de revenus entre les ménages,et que cette augmentation est surtout liée à la croissance de l’inégalité à l’intérieur desquartiers. En revanche, il constate que la variation de l’inégalité entre les quartiers n’estpas affectée par la densité de population : « In general, the findings suggest that between-neighborhood income gaps do not rise significantly as cities spread out » (Wheeler, 2006,p.21). Cette analyse montre, à notre sens, un étalement urbain moins ségrégatif car ilfavorise l’hétérogénéité à l’intérieur des quartiers. Les résultats de Glaeser et Gottlieb (2006)confirment cela. L’analyse du lien entre la densité et la ségrégation raciale mesuré à partir

58 “Suburbanisation of employment and population may involve losses, but without doubt, there are also gains. Among these arecheaper, better, and roomier housing. While crowded cities may offer many amenities for middle class and high income adults, it isarguable whether they provide any real benefits to children, especially to those residing in the most overcrowded parts” (Beesley etKain, 1964, p.193).

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de l’indice de dissimilarité montre que les villes denses sont les plus ségréguées (Figure22) : « dense cities are also places where racial segregation is higher…suburbanisation andintegration are more likely to move together » (Glaeser et Gottlieb, 2006, p.1297).

Figure 22 : Densité de population et ségrégationdans les aires métropolitaines américaines.

Source : Glaeser et Gottlieb, 2006, p.1297

1.2.2.3. Une relation ambiguë entre densité et ségrégationLa littérature empirique, essentiellement américaine, ne permet pas de trancher par rapportau sens de la relation entre l’étalement urbain, la densité et la ségrégation spatiale, à l’imagede la littérature théorique. Certaines études constatent une absence de lien alors que laplupart concluent sur une relation non linéaire.

Même si cela n’était pas l’objectif principal de leur étude, Cutler et al (1999) ne trouventaucune relation significative en régressant les indices de dissimilarité et d’isolement avec ladensité de population transformée sous une forme multiplicative (Log). Bien qu’ils identifientune relation quadratique entre les dimensions de la ségrégation raciale et plusieurs facteursde l’usage du sol des noirs, hispaniques et asiatiques, Galster et Cutsinguer (2007) montrentque les paramètres de la densité ne sont pas significatifs : « The density/continuity and mixeduse land use factors never proved statistically significant predictors » (Galster et Cutsinguer,2005, p.537).

Par ailleurs, Pendall et Carruthers (2003) concluent à une relation quadratique entre ladensité nette d’emplois et de population et les deux indices de dissimilarité et d’isolementdes classes de revenus les plus faibles. Yang et Jargowsky (2006) trouvent des résultatssimilaires entre la densité brute de population et l’indice de ségrégation (NSI). Le paramètrede la densité est de signe positif alors que celui de la densité au carré est négatif, montrantune ségrégation qui augmente en fonction de la densité mais à un taux décroissant. C’estce que Pendall et Carruthers (2003) qualifient de fishball effect. D’une manière générale, larelation empirique entre la ségrégation et les différentes mesures de l’usage du sol est non

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linéaire. À l’exception de la densité et de la mixité, Glaster et Cutsinger (2007) montrent unerelation de forme U entre les différents facteurs d’usage du sol en 1990 et le changement duniveau de ségrégation entre 1990 et 2000. Ces résultats montrent le défi pour les décideurspolitiques visant à réduire la ségrégation spatiale et la répartition des groupes sociaux eninfluençant l’usage du sol.

En France, il semble acquit que l’étalement urbain est lié à la ségrégation des quartiersdéfavorisés et certains chercheurs proposent « de refaire la ville sur place, de préserversa compacité, de renouer avec la mixité sociale qu’elle peut ainsi faire prévaloir contre lesdeux tendances qui s’entretiennent mutuellement : la désintégration sociale des anciensquartiers ouvriers et l’étalement urbain » (Donzelot et al. 2003, p.138). Cependant, l’analyseempirique de la relation entre l’étalement et la ségrégation est rarement analysée, quece soit en termes de densité, comme nous allons le voir par la suite, ou de migrationrésidentielle (Cf. chapitre 5).

2. Analyse de l’effet des densités sur la ségrégationIl s’agit tout d’abord d’identifier les déterminants de la ségrégation spatiale à l’échelle desaires urbaines en France (2.1). L’objectif, ensuite, est de tester l’effet de l’étalement urbainet de la densité de l’aire urbaine (2.2), avant de distinguer densité centrale et densitépériphérique et d’analyser leur effet sur la ségrégation spatiale de l’ensemble des 100 airesurbaines (2.3).

2.1. Quelles variables pour expliquer la ségrégation spatiale des villesfrançaises ?

La complexité du phénomène ségrégatif et l’imbrication des échelles (micro, méso et macro)rendent plus difficile l’interprétation du phénomène et conduisent à prendre en compte denombreuses dimensions urbaines, économiques, démographiques et historiques de la ville.La ségrégation spatiale existe dans toutes les villes mais à des degrés différents et sousdes formes variables. Notre objectif consiste à identifier les facteurs susceptibles d’expliquerles différences des niveaux de ségrégation entre les villes françaises. L’ensemble desvariables utilisées sont résumées dans le Tableau 11, à la fin de cette sous-partie. À notreconnaissance, ce travail n’a jamais été fait en France à cette échelle spatiale. La littératureconsacrée à l’analyse des déterminants de la ségrégation spatiale à l’échelle des villes estessentiellement américaine.

2.1.1. Structure urbaine et taille urbaineAu-delà de la description statistique des variables de la structure urbaine (gradient etdensités) qui feront l’objet de notre analyse, nous montrons l’influence de la taille urbaine(population) à la fois sur la ségrégation spatiale mesurée à l’échelle du quartier, mais aussisur la densité et l’étalement urbain.

2.1.1.1. Gradient et densités : statistiques descriptivesLes variables de la structure urbaine se limitent ici au gradient de densité reflétant ladilatation de la zone dense centrale, mais aussi les densités calculées à différentes échelles

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Chapitre 4 : Étalement urbain, densité et ségrégation : une analyse sur 100 aires urbaines

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(aire urbaine, centre et périphérie). Selon ces deux critères, une aire urbaine est considéréecomme étalée si le paramètre b est plus faible, ce que veut dire que son niveau de dilatation(1/b) est plus élevé, ou si elle est marquée par une faible densité. Si on suppose quela suburbanisation favorise la ségrégation spatiale, alors le signe de l’effet du niveau dedilatation serait positif et celui de la densité serait négatif.

L’indice d’étalement urbain en tache d’huile ou l’indice de dilatation de la zonecentrale est mesuré à partir des simulations sur le modèle de Bussière amendé présentéprécédemment. Pour cela, nous utilisons la population par quartier (IRIS) issue durecensement général de la population (RGP, 1999). Cet indice est basé sur la distanceà un point qui incarne le centre de la ville et qu’il faut identifier sur l’ensemble descent aires urbaines. Nous définissons l’IRIS central, en principe, comme le siège de lapréfecture (Mignot et al. 2004) ou le centre historique. Cette définition se base sur lecritère administratif, parmi d’autres (Peguy, 2000), mais nous prenons le soin de vérifierà chaque fois que l’Iris central se situe à l’intérieur d’une forte densité d’emplois et depopulation, à l’aide d’un outil cartographique. L’application du modèle de Bussière à l’échelledu quartier donne des résultats satisfaisants sur l’ensemble des aires urbaines, à l’image deParis (Figure 23). Seulement cinq aires urbaines frontalières (Metz, Valenciennes, Béthune,Genève-Annemasse et Thionville) ne sont pas prises en compte par manque de fiabilité

dans l’ajustement du modèle à partir du R2.

Figure 23 : Modèle de Bussière amendé appliqué à l’aire urbaine de ParisSource : élaboration propre, données INSEE RGP 1999Les statistiques descriptives de l’indice d’étalement et des autres facteurs de la

structure urbaine sont présentées dans le Tableau 10. L’indice d’étalement le plus faibleconcerne l’aire urbaine de Béziers où la densité commence à fléchir à partir d’un rayon demoins de 1 km autour du centre, alors que son niveau le plus élevé dépasse les 7 kms etconcerne l’aire urbaine parisienne. La valeur de la densité qui correspond à ce périmètreest appelée densité centrale. C’est justement l’aire urbaine de Paris qui enrégistre le niveaule plus élevé de la densité centrale (176 hab/hectare), loin devant Roanne qui concentreà peine 5 hab/hectare.

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En moyenne, la densité de population dans l’ensemble de l’aire urbaine est inférieure àtrois personnes par hectare (Tableau 10). Elle varie de 0,7 hab/hectare dans l’aire urbainede Châteauroux pour atteindre 12 hab/hectare dans l’aire urbaine lilloise. Ces deux airesurbaines sont également marquées par la plus faible et la plus forte densité périphérique,(0,6 et 8,6, respectivement). Cela montre que la valeur de la densité de l’aire urbaineest déterminée en grande partie par la périphérie, d’où la necéssité de distinguer, lors del’analyse de la ségrégation, la densité centrale et la densité périphérique.

Tableau 10 : Statistiques descriptives des indicateurs de la structure urbaine

Variable Moyenne Ecart-type Minimum MaximumIndice d'étalement (r =1/b; km) 1,74 0,91 0,80 7,34Densité de l'aire urbaine (hab/hectare)

2,63 1,81 0,74 11,73

Densité centrale (hab/hectare) 46,48 25,45 4,65 176,39Densité périphérique (hab/hectare) 2,15 1,47 0,60 8,57

Source : élaboration propre, données INSEE RGP 1999, 95 aires urbainesNous reviendrons dans la partie suivante (2.2) sur l’analyse de l’effet de ces indicateurs

sur la ségrégation spatiale de l’aire urbaine. Tout d’abord, il est important de souligner l’effetde la taille de la ville à la fois sur la ségrégation spatiale et sur les indicateurs de la structureurbaine et l’indice d’étalement urbain en particulier.

2.1.2.2. Effets de la taille urbaineNous avons déjà souligné lors du chapitre 3 que les aires urbaines les plus marquées par lesdisparités spatiales sont les plus peuplées à l’image de Paris. L’analyse de la ségrégationspatiale à l’échelle du quartier en fonction du logarithme du nombre d’habitants de l’aireurbaine confirme l’existence d’un effet taille (Figure 24). Même si le niveau de ségrégationdans les deux villes de Creil (100 000 hab) et Le Havre (300 000 hab) semble tiré par

d’autres facteurs, le nuage de points indique une relation significative (R2 = 0,38). Eneffet, la première ville est marquée par une forte concentration de logements sociaux etla deuxième est une ville industrielle qui a été entièrement reconstruite après la deuxièmeguerre mondiale. Si on écarte ces deux aires urbaines de Creil et Le Havre, désignées sur

la Figure, nous obtenons un coefficient de détermination nettement plus élevé (R2 = 0,45).L’effet de la taille urbaine, mesuré à partir du logarithme de la population, sur la

ségrégation spatiale est positif car le niveau de différenciation entre les quartiers dans lesgrandes villes est souvent plus élevé. Cette différenciation est liée à des mécanismes deconcurrence sur le marché foncier et des préférences individuelles (Cf. chapitre 1). Lestravaux pionniers de l’Ecole de Chicago soulignent déjà que l’accroissement de la taillede la ville favorise la ségrégation spatiale59. Certaines études américaines montrent le

59 « Toujours, depuis la politique d’Aristote, on a admis que l’accroissement au-delà d’une certaine limite du nombre d’habitantsfixés en un lieu affectera leurs relations mutuelles et le caractère de la ville. Les grands nombres impliquent, on l’a fait remarquer, unegamme plus étendue de variations individuelles. En outre, plus nombreux sont les individus entrant dans un processus d’interaction,plus grande la différenciation potentielle entre eux. On peut donc s’attendre à ce que les caractéristiques personnelles, les métiers, lavie culturelle et les idées des membres d’une communauté urbaine se distinguent entre des pôles plus largement séparés que ceuxdes ruraux. On peut en déduire aisément que de telles variations doivent donner naissance à la ségrégation spatiale des individus enfonction de la couleur de leur peau, de leur héritage ethnique, de leur statut économique et social, de leurs goûts et préférences. »(Wirth, 1938 cité in Grafmeyer et Joseph, 2004, p.265-266).

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lien entre la taille de la ville dans sa forme logarithmique et son niveau de ségrégationspatiale. Dans le but d’expliquer la croissance de l’indice de ségrégation (NSI) sur 731aires métropolitaines entre 1970 et 1990, Jargowsky (1996) introduit la variable Log depopulation parmi d’autres variables du contexte physique, sans qu’elle soit significative.En revanche, l’effet de cette variable devient significatif et positif dès qu’il introduit desvariables concernant la transformation de la structure économique. L’effet de la populationsemble être expliqué par l’addition des variables de l’emploi qualifié, l’emploi industrielet le changement du revenu moyen (Jargowsky, 1996). En renouvelant le même travailsur une période plus récente, Yang et Jargowsky (2006) montrent clairement l’effet de lacroissance de la population entre 1990 et 2000 sur le niveau de ségrégation des 523 airesmétropolitaines.

Figure 24 : Indice de ségrégation en fonction de la taille de population de l’aire urbaineSource : élaboration propre, Données INSEE-DGI, 2005 ; INSEE, RGP 1999Nous savons par ailleurs que l’étalement urbain est influencé par la croissance de la

taille de la ville et des revenus des ménages (Anas et al. 1998). En effet, les aires urbainesles plus peuplées sont celles où l’indice d’étalement urbain est le plus important (Figure 25).Ce travail réalisé à l’échelle fine du quartier renforce d’autres résultats obtenus à l’échellecommunale montrant que la taille de population favorise l’étalement urbain des villes ou aumoins la dilatation de leurs zones denses centrales (Mignot, 2000 ; Peguy, 2000 ; Bouzouina,2003).

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Figure 25 : Indice d’étalement urbain en fonction de la taille de l’aire urbaineSource : élaboration propre, Données INSEE, RGP 1999La forte corrélation entre la taille de la ville et l’ensemble des indicateurs de la structure

urbaine (densité et indice d’étalement) pose un vrai problème de multicolinéarité avec cettevariable dans le cadre des modèles de régression statiques. L’objectif étant de tester l’effetde la densité et de l’indice d’étalement urbain, nous avons choisi de ne pas prendre encompte la taille urbaine dans un premier temps et de construire des groupes homogènespour s’affranchir de l’effet taille dans la mesure du possible. Il faut signaler que l’échantilloncontient moins de 100 aires urbaines. Pour éviter le problème de multicolinéarité, plusieurstravaux procèdent ainsi, et ne prennent pas en compte la taille urbaine dans leurs modèlesstatiques (Pendall et Carruthers, 2003 ; Yang et Jargowsky, 2006).

Enfin, même si l’objectif est de tester l’effet de la forme urbaine à travers la densité,il est important d’intégrer d’autres facteurs susceptibles d’expliquer la ségrégation : « (…),it is worth noting because the fact that urban growth is moving in both directions -inwardand outward- at once underscores the need to account for a wide range of factors,including history, when considering the relationship between urban form and incomesegregation » (Pendall et Carruthers, 2003, p.548). La ségrégation spatiale est associée àla structure urbaine mais aussi à la structure démographique, économique et à l’histoire dela ville et de son urbanisation.

2.1.2. Structure économique, démographique et politiques urbainesIl s’agit ensuite de sélectionner les autres variables explicatives les plus pertinentesconcernant la structure économique, la structure démographique mais aussi l’histoire de laville et des politiques urbaines.

2.1.2.1. Structure économiqueAux États-Unis, l’analyse de la ségrégation est basée principalement sur la répartitiondes groupes ethniques au sein des villes. En France, la distribution des catégories socio-professionnelles dans l’espace est la solution la plus souvent privilégiée. Plusieurs études

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monographiques et comparatives montrent le lien entre la concentration des cadres et deschômeurs et le niveau de ségrégation des villes (Gaschet et Gaussier, 2008 ; Preteceille,2003).

Carte 5 : Emploi total en 1999 et taux d’emplois métropolitains supérieursSource : Julien, 2002La littérature sur les grandes métropoles mondiales (Sassen, 1996) souligne à la fois

leur importante dynamique permettant de concentrer et de gérer les fonctions supérieureset les richesses mais aussi de séparer les espaces des flux et des espaces des lieux etde renforcer la ségrégation spatiale (Cf. chapitre 1). La métropole parisienne considéréecomme l’une des villes globales (après New York, Londres et Tokyo) est effectivementla plus ségréguée des aires urbaines françaises (0,526). Alors qu’elle regroupe 27 %de l’ensemble de l’emploi en France, Paris polarise presque la moitié des EmploisMétropolitains Supérieurs (49 %) en 1999, ce qui représente 16 % l’ensemble de l’emploitotal (Carte 5).

Une des spécificités des métropoles est leur capacité à offrir des emplois qualifiés et àpolariser les cadres. Par ailleurs, la croissance de la demande pour les personnes qualifiéesaccentue les différenciations sociales et peut conduire à la ségrégation spatiale (Jargowsky,1996 ; Berry et Glaeser, 2005). L’impact du nombre des cadres d’entreprises sur le niveaude ségrégation résidentielle est bien souligné sur la région parisienne : « Ce sont doncessentiellement les classes supérieures et moyennes liées aux entreprises qui contribuent àla bipolarisation résidentielle » (Préteceille, 2003, p.67). Nous montrons la corrélation entrele pourcentage des emplois de cadres d’entreprises et le niveau de ségrégation spatiale surles 100 aires urbaines étudiées (Figure 26), renforcée par l’exemple parisien.

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Figure 26 : Indice de ségrégation en fonction du pourcentage des emplois qualifiésSource : élaboration propre, Données INSEE-DGI, 2005 ; INSEE, RGP 1999Certains travaux ont analysé de près l’influence des activités de haute technologie sur

la différenciation résidentielle (Pecqueur et Rousier, 2005). En insistant sur la dimensionhistorique dans le district technologique grenoblois, ces derniers montrent un effet « hightech » suivant les mouvements résidentiels et renforçant la division sociale de l’espace. Ilfaut signaler que l’impact de la forte urbanisation qui a marquée cette ville pendant les trenteglorieuses a largement dessiné le paysage résidentiel. 45 % des logements à Grenoble ontété construits entre 1949 et 1974, ce qui est proche du pourcentage le plus élevé de 47 %au Havre.

La dynamique d’emplois dans les métropoles est souvent accompagnée par uneattractivité résidentielle et une dynamique dans les activités immobilières. Les métropolesattractives pour l’emploi et le fort capital humain, comme Paris, ne sont pas seulementdes lieux de production mais aussi de consommation des aménités (Glaeser et al. 2001).Cela dit, d’autres villes moins importantes peuvent attirer des ménages aisés voulantprofiter de ses aménités naturelles. Les deux phénomènes contribuent bien évidemmentà la croissance des prix du marché foncier et immobilier. Reste que l’absence dedonnées illustrant les disparités dans le marché immobilier dans chaque aire urbaine privecertainement notre étude d’une bonne variable explicative. Nous supposons que les villesles plus marquées par les dynamiques des activités immobilières sont les plus ségréguées.En écartant les aires urbaines de Nice et de Fréjus où le pourcentage des activitésimmobilières est le plus élevé (environ 3 %) et la ségrégation est relativement moyenne,la relation entre ces deux variables devient linéaire avec un coefficient de détermination de0,28.

Au-delà de l’effet du chômage confirmé par la littérature et son interaction avec laségrégation spatiale, d’autres travaux insistent sur l’impact de la pauvreté sur la ségrégationspatiale dans les villes américaines (Wilson, 1987, Jargowsky, 1996). La croissance de lapauvreté dans une ville encourage la fuite des classes moyennes et la recherche de l’entre-soi, ce qui renforce l’homogénéité des quartiers de la ville. Ce qui signifie que, plus la ville estpauvre plus son niveau de ségrégation est élevé. Cependant, en analysant la ségrégation

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spatiale en fonction du seuil de pauvreté (moitié du revenu médian) dans chacune des 100aires urbaines nous ne constatons aucune relation évidente (Figure 27).

Figure 27 : Indice de ségrégation en fonctiondu seuil de pauvreté dans les 100 aires urbaines

Source : élaboration propre, Données INSEE-DGI, 2005Nous retenons, enfin, les critères du chômage, du pourcentage de l’emploi de cadres

d’entreprises et celui dans l’activité immobilière comme variables économiques explicativesdu niveau de la ségrégation dans les aires urbaines françaises (Tableau 11).

2.1.2.2. Structure démographiqueAu-delà de l’effet de la taille de la population, d’autres variables démographiques peuventinluencer la ségrégation spatiale. Avec les tendances respectivement, de gentrification oude ghettoïsation, le fait que les ménages pauvres ou riches ne changent pas de quartier derésidence favorise la mixité sociale (Cf. chapitre 1). Les caractéristiques démographiquesqui sont moins favorables au deménagement d’un ménage riche d’un quartier pauvre oud’un ménage pauvre d’un quartier riche contribuent donc à la réduction de la ségrégationspatiale. Cela dit, ces mêmes mécanismes peuvent renforcer la ségrégation si les ménagespauvres restent attachés aux quartiers pauvres et les ménages riches aux quartiers riches.La relation est donc non linéaire. C’est à travers cette explication que les travaux empiriquesjustifient l’impact des variables comme la taille du ménage, l’âge ou le statut d’occupationdu logement sur la ségrégation spatiale (Pendall et Carruthers, 2003 ; Yang et Jargowsky,2006).

À travers une analyse sur des villes américaines, ces deux travaux montrent qu’il y aun effet négatif des populations les plus âgées sur le niveau de ségrégation. En France,cette population est répartie dans la ville d’une manière relativement hétérogène à causedes mécanismes de vieillissement sur place (Ghékière, 1998). Ces retraités des trenteglorieuses, ayant en moyenne des revenus par UC plus élevés, dus à l’autonomie desenfants, permettent de lisser les écarts entre les quartiers. Il y a ici un enjeu particulierpour associer mixité sociale et mixité intergénérationnelle. En effet, l’analyse de l’indice deségrégation en fonction du pourcentage des retraités dans l’aire urbaine montre une relation

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quadratique à travers laquelle la ségrégation diminue essentiellement, mais avec un tauxdécroissant (Figure 28).

Figure 28 : Indice de ségrégation en fonctiondu pourcentage des retraités dans la population

Source : élaboration propre, Données INSEE-DGI, 2005 ; INSEE, RGP 1999La taille importante du ménage peut être également une contrainte à la mobilité

résidentielle contribuant à maintenir les ménages dans leur quartier même quand ilsdeviennent plus riches. Les études américaines montrent que les villes avec une importantepart de familles nombreuses (> 4 personnes) sont moins ségréguées (Pendall et Carruthers,2003 ; Yang et Jargowsky, 2006). Dans notre cas, cette variable ne semble pas significative.L’indice de ségrégation est calculé sur des revenus par UC qui prennent déjà en compte lacomposition du ménage. En ce qui concerne le statut d’occupation, le pourcentage élevéde locataires est associé à un fort niveau de ségrégation. Ce qui suppose que les villes oùles propriétaires sont plus nombreux que les locataires, sont moins ségréguées (l’accès àla propriété limite le déménagement et encourage la mixité sociale). Cependant, derrièrel’influence supposée de la variable du pourcentage des locataires, corrélée à la taille, secache un effet de concentration des logements des familles modestes et notamment duparc HLM.

2.1.2.3. Histoire de la ville et politiques urbainesLa ségrégation spatiale est un phénomène lent qui est étroitement associé à l’histoire dela ville et des politiques successives de logement. Les périodes d’urbanisation accéléréemarquent profondément la forme urbaine et la ségrégation spatiale des villes. Favoriséepar les phases de croissance économique favorables, la construction des logements sefait souvent de manière uniforme. Au-delà de l’effet présumé de l’étalement urbain, c’estla construction de nouveaux logements homogènes en périphérie des villes qui favorise laségrégation spatiale (Yang et Jargowsky, 2006). Pour expliquer la ségrégation spatiale àtravers la dimension historique en France, nous insistons sur le pourcentage des logementsconstruits pendant les trente glorieuses et sur la part de l’habitat social dans l’ensemble duparc logement.

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Le niveau de corrélation entre l’indice de ségrégation et le pourcentage des Habitationsà Loyer Modéré (HLM) est non négligeable (Figure 29). De plus cette variable estcomplètement indépendente de la taille urbaine. Du fait de l’inégale répartition deslogements de type HLM au sein des villes françaises, les aires urbaines qui accueillentun pourcentage important de ce type de logements sociaux sont souvent parmi les plusségréguées. En effet, ces logements abritent essentiellement des ménages à faiblesressources et des jeunes. Nous ne reviendrons pas sur la littérature théorique analysantl’impact des politiques de logements sur la ségrégation spatiale bien détaillée dans lechapitre 1 à travers le rôle des macro-agents.

Figure 29 : Niveau de ségrégation et pourcentage des HLM par aire urbaineSource : élaboration propre, Données INSEE-DGI, 2005 ; INSEE, RGP 1999Les différentes variables supposées influencer le niveau de ségrégation à travers

l’indice de Gini de ségrégation sont regroupées dans quatre groupes et présentées de lamanière suivante :

La ségrégation mesurée sur les quartiers de chaque aire urbaine est fonction descaractéristiques de la structure urbaine (SU), de la structure économique (SE), de lastructure démographique (SD), de l’histoire de la ville et des politiques de l’habitat (HP) etd’autres facteurs non observés (u). L’ensemble des variables est défini dans le Tableau 11.

Tableau 11 : Ensemble des variables explicatives utilisées

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Variables DéfinitionsDensité de l’aire urbaine Rapport de la population sur la surface

brute de l’aire urbaine (hab/hectare)Densité centrale Rapport de la population du centre sur

la surface brute correspondante (hab/hectare)

Densité périphérique Rapport de la population périphériquesur la surface brute correspondante(hab/hectare)

Structureurbaine

Étalement de la zone densecentrale

Distance au centre qui correspond à ladensité maximale (Km)

Ln de la population de l’aireurbaine

Logarithme du nombre de personneshabitant l’aire urbaine

Retraités Part des retraités dans la populationtotale (%)

Structuredémographique

Étrangers Part des étrangers dans la populationtotale (%)

Emplois cadresd’entreprises

Part d’emplois occupés par des cadresd’entreprises (%)

Emplois activitésimmobilières

Part d’emplois occupés dans le secteurdes activités immobilières (%)

Structureéconomique

Chômeurs Part des chômeurs dans la population(%)

HLM Part des HLM dans l’ensemble deslogements (%)

Histoire de laville et politique delogements Logements construits

pendant les trenteglorieuses

Part des logements construits entre 1949et 1974 (%)

Enfin, la ségrégation spatiale est avant tout la conséquence des préférences à l’échelleindividuelle, comme nous l’avons signalé dans le premier chapitre. Il existe donc un niveauminimum de ségrégation dans toutes les villes et les différents facteurs cités précédemmentconduisent simplement à le renforcer. Cela justifie la prise en compte de la constante (c)dans la spécification des modèles de régression multiple dans la suite de l’analyse :

2.2. Densités, étalement urbain et ségrégation : une analyse des effetsDans l’objectif de tester l’effet des différents niveaux de densité sur le degré de ségrégationdes aires urbaines, deux régressions multiples (MCO) sont réalisées. Dans la première,

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Chapitre 4 : Étalement urbain, densité et ségrégation : une analyse sur 100 aires urbaines

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nous introduisons seulement la densité de l’aire urbaine pour désigner la structure urbaineavec les autres variables explicatives (2.2.1). Dans la deuxième, nous remplaçons la densitéglobale de l’aire urbaine par la densité centrale et la densité périphérique (2.2.2). Lasélection des variables explicatives repose sur la technique stepwise qui prend en comptela colinéarité entre les variables exogènes (les variables non significatives, à 90% au moins,ne sont pas affichées dans les tableaux de résultats).

2.2.1. Densité de l’aire urbaine et ségrégationIl s’agit de tester si les aires urbaines denses sont les moins ségréguées et d’analyser letype de la relation, avant de montrer l’existence d’un effet densité indépendamment de lataille urbaine.

2.2.1.1. Les aires urbaines denses sont-elles moins ségréguées ?

Les résultats du modèle empirique de régression multiple60 sur l’ensemble des airesurbaines sont résumés dans le Tableau 12. Ce dernier montre les variables explicatives, lesparamètres estimés et leur niveau de significativité, les t de student et l’écart-type. Toutesles variables présentées sont significatives à 1 % et expliquent une grande partie de lavariance de l’indice de ségrégation. Le coefficient de détermination ajusté du modèle est de0,72. Seules les variables significatives à 90 % sont retenues dans les résultats (au final,elle sont toutes significatives à 99 %). Il faut rappeler que la variable taille urbaine n’est pasintroduite pour éviter le problème de multicolinéarité.

Tableau 12 : Résultats du test de l’effet de la densité de l’aire urbaine sur son niveau de ségrégation

Variable Paramètre Écart-type

t- student

Constante 0,19462*** 0,04748 4,099

Densité de l’aire urbaine 0,01032***

0,00229 4,498

Retraités -0,00592***0,00155 -3,823

Emplois cadres d’entreprises 0,00785*** 0,00291 2,700

Emplois activités immobilières 0,03760*** 0,00958 3,926

Chômeurs 0,00859*** 0,00302 2,850

HLM 0,00301*** 0,00074 4,088

Logements construits pendant les trenteglorieuses 0,00230*** 0,00078 2,950

R2 ajusté = 0,72 ; ***significatif à 1% ; n=94Le test de la densité de population montre l’existence d’un lien significatif avec le

niveau de ségrégation (Tableau 12). Le signe positif suppose que que les aires urbainesfrançaises les plus denses sont les plus ségréguées. Ce qui semble, en première analyse,incompatible avec l’objectif d’une équité spatiale à travers la ville dense. Ce résultat renforceles conclusions des travaux américains de Glaeser et Gottlieb (2006) ou de Dawkins (2005)

60 D’autres régressions ont été réalisées à partir du simple indice de Gini pondéré (Gk) et l’indice d’entropie généralisé (Cf. chapitre

2). À quelques différences prés, les résultats sont comparables et les mêmes variables explicatives sont retenues.

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Ségrégation spatiale et dynamiques métropolitaines

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pour qui la suburbanisation et la faible densité favorisent l’intégration et la mixité socialecontrairement à la forte densité.

Cela dit, la relation entre l’indice de ségrégation et la densité brute de l’aire urbainen’est pas évidente (Figure 30). Elle n’est certainement pas quadratique comme le suggèrentPendall et Carruthers (2003) car le paramètre de la densité au carré, introduite dans lemodèle de régression, n’est pas significatif. Ces auteurs montrent que la relation entrele niveau de ségrégation des ménages les plus pauvres (ceux qui gagnent moins de lamoitié du revenu médian de l’aire urbaine) et la densité nette d’emplois et de population estquadratique, croissante dans un premier temps puis décroissante (Pendall et Carruthers,2003). Mais au-delà des deux contextes différents, notamment par rapport à la dispersionde la taille entre les villes, les deux résultats ne sont pas complètement comparables. D’unepart, nous utilisons la surface brute dans le calcul de la densité et non la surface urbanisée,et d’autre part, nous prenons en compte l’ensemble de la population et pas uniquement lesménages les plus pauvres.

Figure 30 : Indice de ségrégation en fonction de la densité de l’aire urbaineSource : élaboration propre, Données INSEE-DGI, 2005 ; INSEE, RGP 1999Cependant, la forme de la relation ne peut pas être considérée comme linéaire. Elle

est tirée seulement par quelques points (Lille, Paris, Douai-Lens, Creil et Forbach), et lecoefficient de détermination n’est pas très élevé (0,34)61. Même si l’effet de la densité sur laségrégation semble significatif, la forme de la relation demeure ambiguë voire inexistante.La densité est une variable construite à partir de la taille, ce qui nécessite la prise en comptede cette dernière lors de l’analyse des effets.

2.2.2.2. Y a t-il un effet propre à la densité ?

61 Le niveau de corrélation est plus important entre le niveau de ségrégation et la densité d’emplois (R2 de 0,39).

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Chapitre 4 : Étalement urbain, densité et ségrégation : une analyse sur 100 aires urbaines

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Les résultats relativement similaires dans les deux groupes d’aires urbaines n’offrentaucune évidence quant à la relation entre la densité et le niveau de ségrégation. Nousprésentons seulement les résultats du deuxième groupe des aires urbaines moyennes. Ladensité de l’aire urbaine n’a aucun effet sur le niveau de ségrégation (Tableau 13), ce quiconfirme l’effet taille souligné précédemment. La concentration des logements sociaux àtravers le pourcentage des HLM reste le facteur le plus déterminant. Ce facteur est luiaussi associé à l’histoire industrielle, à l’immigration mais aussi au jeu d’acteurs politiques(Deschamps, 1998). Pour ce groupe d’aires urbaines moyennes (80 000-130 000 habitants),la commune-centre est la seule qui contient plus de 20 000 habitants, à l’exception de l’aireurbaine de Fréjus-Saint Raphaël écartée de l’analyse. L’effet de la part des HLM dans leslogements de l’aire urbaine explique 62 % de la variance de l’indice de ségrégation (Figure31). L’effet significatif du pourcentage des retraités, des étrangers et des chômeurs est aussiconfirmé sur ce groupe d’aires urbaines (Tableau 13).

Tableau 13 : Test de l’effet densité sur les aires urbaines moyennes (80-130 000 hab)

Variable Paramètres Ecart-type t studentConstante 0,305*** 0,046 6,577Retraités -0,005*** 0,002 -2,775Chômeurs 0,006* 0,003 1,703HLM 0,005*** 0,001 4,381Etrangers 0,004*** 0,002 2,112

R2 ajusté = 0,66 ; ***significatif à 1% ; *significatif à 10% ; n=48Nous retrouvons, dans ce groupe, l’impact historique de l’inégale répartition spatiale

de logements sociaux sur la ségrégation de la population dans les quartiers de la ville.Cependant, pour les grandes aires urbaines le phénomène ségrégatif devient plus complexecar d’autres d’éléments entrent en jeu et notamment ceux liés à la structure économiqueet à la métropolisation. Pour l’autre groupe d’aires urbaines (150 000 - 450 000 habitants),le niveau de ségrégation est essentiellement expliqué par la présence des retraités et deschômeurs (48 % de la variance). Si les chômeurs augmentent la ségrégation, les retraitésont tendence à la diminuer d’une manière linéaire, car l’effet de la densité au carré n’estpas non plus sigificatif.

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Figure 31 : Part de logements sociaux et ségrégationdans les aires urbaines moyennes (80-130 000 hab)

Source : élaboration propre, Données INSEE-DGI, 2005 ; INSEE, RGP 1999Enfin, la mesure de la densité à partir de la surface brute présente l’inconvénient de

prendre en compte les terrains agricoles. La faible densité de Dijon ou Reims, par exemple,est surtout liée à leur faible densité périphérique, car leurs zones centrales sont parmi lesplus denses en France. La distinction entre densité centrale (plus proche de la densité nette)et densité périphérique permet d’apporter plus de précisions, et de tester l’effet de chacunesur le niveau de ségrégation de l’aire urbaine. Il faut signaler que ces deux variables de

densité sont très faiblement corrélées (R2 = 0,05 seulement) et leur introduction dans lamême régression ne pose pas de problème de multicolinéarité.

2.2.2. Densité centrale, densité périphérique et ségrégationDans la majorité des études empiriques en France, la distinction entre le centre et lapériphérie se fait à partir du découpage administratif communal. Au lieu de considérerla commune- centre comme la zone centrale, nous privilégions l’approche des densitésrésidentielles à partir du modèle de Bussière amendé abordée précédemment. Nous avonsvu que le niveau de dilatation de la zone centrale peut atteindre jusqu’à plus de 4 Km à Lilleou 7 Km à Paris, dépassant ainsi les limites administratives de la commune-centre. Au-delàde la distinction entre le centre et la périphérie, cet indice d’étalement représente aussi unindicateur de la forme urbaine.

2.2.2.1. La dilatation de la ville n’influence pas la ségrégationL’analyse de la ségrégation en fonction de l’étalement de la zone centrale sur l’ensembledes aires urbaines ne montre aucun effet significatif face aux autres variables explicatives(Tableau 14). La densité périphérique est la seule variable de la structure urbaine qui sembleavoir un effet significatif et positif sur le niveau de ségrégation de l’aire urbaine.

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Chapitre 4 : Étalement urbain, densité et ségrégation : une analyse sur 100 aires urbaines

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Tableau 14 : Résultats des tests de l’effet de l’étalement de la zone centrale, densité centrale et densitépériphérique sur le niveau de ségrégation de l’aire urbaine

Variable Paramètre Écart-type t- studentConstante 0,18754*** 0,04795 3,911

Densité périphérique 0,01150 *** 0,00277 4,155Retraités -0,00582*** 0,00157 -3,714

Emplois cadres d’entreprises 0,00914*** 0,00287 3,190

Emplois activités immobilières 0,03787*** 0,00972 3,898

Chômeurs 0,00904*** 0,00305 2,967

HLM 0,00307*** 0,00075 4,118

Logements construits pendant les trenteglorieuses 0,00223*** 0,00079 2,830

R2 ajusté = 0,71 ; ***significatif à 1% ; n=94

Même si le niveau de corrélation n’est pas négligeable (R2 = 0,31), il n’y a pas derelation évidente entre les deux indices de ségrégation et d’étalement de la zones centrale(Figure 32), d’autant plus que la droite est tirée par les deux points correspondant à Paris etLille. La forme du nuage de points est nettement plus plate sans les deux villes, et l’indice dedétermination atteint à peine la valeur 0,2. L’étalement est associé non seulement à la taillemais aussi au niveau d’emploi qualifié. L’effet de l’indice d’étalement s’efface dès que lavariable du pourcentage de l’emploi occupé par des cadres d’entreprises est introduite. Lesaires urbaines ayant les zones denses centrales les plus étalées (dilatées) ne sont donc pasnécessairement les plus ségréguées. Le niveau de dilatation de la ville mesuré par l’indiced’étalement urbain n’a aucun effet sur le niveau de ségrégation.

A l’image de l’indice d’étalement résidentiel, il est difficile d’établir un lien entre lesdifférentes variables de la structure urbaine sélectionnées et le niveau de ségrégation del’aire urbaine. Néanmoins, les deux hypothèses selon lesquelles les villes à forte densitécentrale ou à faible densité périphérique seront les plus ségréguées ne semblent pasvérifiées à travers notre analyse sur l’ensemble des aires urbaines (Tableau 14).

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Figure 32 : Dilatation de la zone centrale et ségrégationSource : élaboration propre, Données INSEE-DGI, 2005 ; INSEE, RGP 1999

2.2.2.2. Forte densité centrale et ségrégationLe débat autour de l’impact de la densification des zones centrales de la ville en termesde ségrégation spatiale s’articule autour de deux hypothèses contradictoires. La première,dans la lignée de la ville conviviale de Beckmann (1976), considère que la forte densitépermettrait de rapprocher les différents groupes de populations, de recréer de la mixité et lelien social dans la ville. La deuxième hypothèse estime que la densification des centres estsynonyme de gentrification et de fuite des classes modestes et moyennes. Par conséquent,la forte densité centrale favoriserait l’homogénéisation du centre et la ségrégation spatialedans la ville. Cette hypothèse repose sur le mécanisme d’éviction du marché foncier etimmobilier lié aux politiques de réhabilitation des centres et à la valorisation de l’usagedu sol (Cf. chapitre 1). Ce type d’opération contribue parfois à faire disparaître une partienon négligeable du logement privé à bas prix et à renforcer l’homogénéisation sociale decertains quartiers. Mais l’impact sur le prix de l’immobilier et la ségrégation dans l’ensemblede la ville nécessiterait d’être vérifié sur une longue durée, notamment en France. Dans lecontexte des villes américaines, Wassmer et Baas (2006) montrent que l’hypothèse selonlaquelle un renforcement de la densité d’une zone urbaine conduirait à une augmentationdu prix médian des logements n’est pas soutenue sauf raisons historiques. Par ailleurs,Dawkins et Sanchez (2004) constatent que les métropoles avec des politiques limitant lasuburbanisation enregistrent moins de ségrégation en 2000 et connaissent une importantebaisse depuis 1990. Cela dit, notre objectif est de tester le lien direct entre la densité centraleet le niveau de ségrégation des aires urbaines à une date donnée (2001).

D’après les résultats précédents (Tableau 14), la densité centrale de populationn’a aucun effet sur la ségrégation spatiale de l’aire urbaine. Là encore, la structureéconomique métropolitaine de la ville représentée par le pourcentage des emplois occupéspar des cadres d’entreprises est plus pertinente. Nous savons que cette variable est

à la fois associée à la densité centrale (R2 = 0,46) et à la taille urbaine (R2 = 0,58).En partant des deux groupes de populations de taille comparables (80 000-130 000 et

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Chapitre 4 : Étalement urbain, densité et ségrégation : une analyse sur 100 aires urbaines

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150 000-450 000 habitants), nous avons donc testé l’effet du pourcentage des emplois decadres d’entreprises en construisant des petits groupes à densité centrale identique. Un desgroupes, dont la taille est comprise entre 80 000 et 130 000 habitants et la densité centraleentre 3 et 4 habitants/hectare (16 aires urbaines), montre un effet propre à cette variablede la structure économique. L’indice de détermination est de 0,36. En effet, ce n’est pas ladensité du centre qui joue sur la ségrégation, mais le volume d’emplois supérieurs dans lesentreprises de l’aire urbaine qui attire les cadres et le fort capital humain (Berry et Glaeser,2005). Quand les ménages riches privilégient une localisation centrale, pour profiter desdifférentes aménités, comme c’est le cas dans la métropole parisienne, cela n’est pas sansconséquence sur le niveau de densité et d’homogénéité du centre (Brueckner et al. 1999).

Enfin, densifier les parties centrales des villes n’implique, en principe, ni une baisse niune hausse de la ségrégation spatiale. C’est ce que nous pouvons supposer via l’absencede lien entre la densité centrale et la ségrégation spatiale des villes étudiées. Cependant,la question centrale touche le type de quartier et le public concernés et la densificationpeut avoir des effets contradictoires selon qu’elle suive le processus de ghettoïsation ou degentrification (Figure 1, chapitre 1). Seules les analyses dynamiques permettront de testersi les politiques de densification visant purement à lutter contre l’étalement urbain n’ontpas d’effet sur la ségrégation spatiale. En attendant, il est tout à fait justifié que la loi SRUinsiste sur la mixité sociale et la lutte contre la ségrégation (20 % de logements sociauxpar commune de plus de 3 500 habitants) en même temps que la densité et la lutte contrel’étalement urbain (suppression du plafond légal de densité).

2.2.2.3. Faible densité périphérique et ségrégationLe développement à faible densité en périphérie des villes est souvent associé à laségrégation spatiale, comme nous l’avons déjà souligné à travers la littérature théorique.Cependant, le signe positif et significatif de la corrélation entre la faible densité périphériqueet la ségrégation de l’aire urbaine (Tableau 14) contredit l’idée reçue selon laquellel’étalement urbain serait responsable de la ségrégation spatiale. À l’inverse, il n’est paspossible d’affirmer l’existence d’un effet positif de la densité périphérique sur le niveau deségrégation. La relation est quasiment inexistante (Figure 33), y compris au sein des deuxgroupes d’aires urbaines de tailles comparables.

Figure 33 : Densité périphérique et ségrégation spatiale des aires urbaines

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Au final, parmi l’ensemble des variables de la structure urbaine testées, la densitépériphérique est la seule qui semble avoir une relation significative, même si elle est faible,avec l’indice de ségrégation (Tableau 14). Le signe positif de la corrélation conduiraità affirmer que les villes avec les périphéries les plus denses seraient aussi les plusségréguées. L’étalement urbain peut être définit comme une « densification de territoiressitués de plus en plus loin du cœur de la ville » (Julien, 2007, p.7). Ce processus neconduit pas toujours à une faible densité mais aussi au renforcement de la densité des pôlespériphériques secondaires (Giuliano et al. 2005). Le fort niveau de ségrégation à Lille etMarseille, où les périphéries sont plus denses, nous conduit également à remettre en causele rôle du polycentrisme dans la réduction de la ségrégation. Ceci supposerait cependantune analyse beaucoup plus fine que l’approche centre-périphérie réalisée ici (Cf. chapitre 5).

2.3. En conclusionDans un contexte théorique non stabilisé et exclusivement américain, nous avons tentéd’analyser de manière empirique la relation entre la densité résidentielle et la ségrégationpar les revenus des ménages dans le cadre des aires urbaines françaises. D’une part,la faible densité, élément longtemps associé à la suburbanisation des ménages richesaux États-Unis, ne semble pas liée à la ségrégation sociale au sein des aires urbainesfrançaises. Les résultats des corrélations laisseraient au contraire supposer l’inverse, caren moyenne, le niveau de ségrégation est plus important dans les aires urbaines les plusdenses ou ayant des fortes densités périphériques. Cependant les tests de cette relationsur des groupes relativement homogènes de populations n’offrent aucune évidence quantà l’impact de la densité ou la densité périphérique sur le niveau de ségrégation d’une aireurbaine. D’autre part, il n’y a aucun effet de la densité centrale ni de son niveau de dilatationsur le niveau de ségrégation par rapport aux autres caractéristiques socioéconomiques del’aire urbaine.

Cette analyse globale nous montre en premier lieu la complexité du phénomène de laségrégation en France. Si la dimension historique de la ville à travers la concentration deslogements de type HLM explique en bonne partie le niveau de ségrégation dans les airesurbaines moyennes (autour de 100 000 habitants), d’autres facteurs socio-économiquesviennent contribuer au processus ségrégatif sur des villes de tailles plus importantes. Laconcentration des emplois qualifiés et des richesses peut accélérer d’autres mécanismességrégatifs à travers le marché foncier et immobilier, rendant plus difficile la mise enœuvre des potentielles politiques correctrices. Des analyses comparatives sur des formesurbaines contrastées seront en mesure d’approfondir l’analyse et de mettre en évidence lesparticularités et les similitudes des mécanismes ségrégatifs dans chaque ville (Cf. chapitre5).

Enfin, les analyses présentées ici nous ont permis d’apporter une réponse, aussipartielle soit-elle, à la relation entre la densité de l’aire urbaine et son niveau de ségrégationet de remettre en cause certaines idées reçues, notamment celles des vertus supposéesde la centralité à réduire les inégalités socio-spatiales de la ville.

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Chapitre 5 : Polycentrisme et ségrégation : une comparaison sur trois aires urbaines

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Chapitre 5 : Polycentrisme etségrégation : une comparaison sur troisaires urbaines

La croissance urbaine dans la ville contemporaine a connu de profondes transformationset ne peut être représentée par le seul modèle monocentrique. Les mouvements dedécentralisation de population et d’activités ont conduit à un étalement urbain parfoisdispersé mais plus souvent concentré, notamment en ce qui concerne les activités. Ils setraduisent par le renforcement des pôles périphériques bien accessibles au centre et parfoispar l’intégration dans l’aire métropolitaine des « villes satellites » voire des aires urbainesentières, faisant émerger ainsi des formes polycentriques.

À la différence de la forme dispersée de l’étalement urbain, cette forme urbaine estperçue comme une opportunité pour une ville plus durable. L’hypothèse d’un polycentrismeintra-urbain favorable à la réduction de la mobilité et de la ségrégation spatiale estsouvent avancée (Mignot et Aguiléra, 2004). L’idée est que l’émergence d’un centresecondaire en périphérie permettrait de diversifier la population et de réduire la polarisationsociale. Dans les politiques de l’aménagement du territoire, le polycentrisme est justifié parl’objectif d’équité territoriale à l’échelle nationale et de lutte contre la ségrégation spatialeà l’échelle intra-urbaine (Baudelle et Peyrony, 2005). Face au pouvoir grandissant desdynamiques économiques et urbaines face au pouvoir politique, il semble tout à fait justifiéd’essayer de les comprendre et de les orienter d’une manière permettant de mieux gérerefficacité économique et équité sociale. Les centres influencent l’ensemble de l’espaceurbain et structurent la répartition des populations et des activités. Leur émergence enpériphérie traditionnellement résidentielle peut être une opportunité de rapprochement despopulations périphériques aux emplois et de réduction de la ségrégation spatiale dans laville. Encore faut-il éclairer le lien existant entre la dynamique métropolitaine polycentrique etla ségrégation intra-urbaine. Les recherches théoriques et empiriques ne se sont pas assezintéressées aux conséquences de l’émergence d’une forme polycentrique sur la structureéconomique et sociale de la ville et notamment sur la ségrégation spatiale.

Face au peu de littérature économique consacrée à ce sujet, l’objectif de ce chapitreest de tester empiriquement l’hypothèse selon laquelle les villes polycentriques seraientmoins ségréguées. Ce qui nous conduit naturellement à éclairer le lien existant entre lepolycentrisme et la ségrégation socio-spatiale et les mécanismes par lesquels le premierpeut influencer la deuxième (1). Cela nous permet ensuite d’apporter des éléments deréponse à travers une comparaison de trois aires urbaines en France, Lyon, Lille et Marseille(2).

1. Comprendre le lien entre le polycentrisme et laségrégation

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Pour identifier le lien entre le polycentrisme et la ségrégation spatiale et le sens de la relation,il est primordial de comprendre tout d’abord l’émergence de cette nouvelle configurationurbaine.

Le polycentrisme : une nouvelle configuration urbaine

1.1.1. De la suburbanisation au polycentrismeLe cadre théorique de la ville monocentrique explique très bien la suburbanisation desménages (Cf. chapitre 1). Les études théoriques et empiriques sur le phénomène dedéconcentration de la population concluent pour la plupart d’entre elles à un étalementprogressif des ménages qui quittent le centre historique pour s’installer en périphérie.Cependant, ce modèle théorique de croissance urbaine utilisé jusque là ne prend pas encompte la décentralisation des emplois et notamment dans sa forme concentrée, car il estbasé sur l’hypothèse selon laquelle tous les emplois sont localisé au centre. En relachantcette hypothèse, des travaux empiriques montrent également une suburbanisation desemplois en périphérie de la ville monocentrique (Tabourin et al. 1995).

En appliquant à l’échelle communale le modèle de Bussière dans sa forme originale(Cf. chapitre 4), Bouzouina (2003) montre une croissance de l’étalement des populations etdes emplois et une relative baisse du poids du centre sur six aires urbaines entre 1975 et1999. La densité extrapolée au centre, A, diminue pendant cette période pour la populationet pour les emplois (à l’exception de Dijon). Le gradient de densité, b, baisse d’une manièresystématique pour l’emploi et la population confirmant ainsi un étalement urbain généralisé(Tableau 15).

Tableau 15 : Paramètres de densité d’emploi et de population sur sept aires urbaines en 1975 et 1999(modèle de Bussière simple)

Gradients de densité depopulation et d’emploi

Année Paris Lyon Marseille Bordeaux Grenoble Dijon SaintEtienne

Population 1975 30000 15000 10500 10100 11700 10000 14000A (densité extrapolé au

centre) 1999 26000 13000 8500 9500 9200 9000 105001975 0,14 0,26 0,23 0,30 0,41 0,49 0,50b (gradient de densité)1999 0,12 0,23 0,19 0,26 0,34 0,43 0,46

Emploi 1975 27000 10800 4300 7500 5900 7000 6200A (densité extrapolé au

centre) 1999 19000 8100 2800 5800 5200 8000 52001975 0,19 0,34 0,24 0,40 0,46 0,62 0,53b (gradient de densité)1999 0,16 0,27 0,19 0,31 0,39 0,61 0,51

Source : Bouzouina (2003) complété sur ParisCes résultats montrent que les emplois sont aussi marqués par l’étalement urbain,

même s’ils restent moins éloignés du centre historique par rapport à la population. Ladécentralisation des emplois est plus sensible à l’accessibilité aux infrastructures detransports qui leur permet en partie de rester connectés au centre historique (Gaschet,2001 ; Mignot et al. 2004). C’est notamment le cas des services aux entreprises (Aguiléra-Belanger, 2001). Cette décentralisation est également liée à la croissance de la taille dela ville qui produit des externalités négatives telles que la congestion pour les entreprises.

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Chapitre 5 : Polycentrisme et ségrégation : une comparaison sur trois aires urbaines

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Même si la taille des communes marseillaises pose des difficultés pour l’application dumodèle de Bussière, nous constatons que les villes les plus peuplées sont les plus étaléesen termes d’emplois (Cf. chapitre 4). L’existence d’un pôle secondaire important à Marseille,comme nous allons le voir par la suite, rend encore moins pertinent le calage à l’échellecommunale de ce modèle basé sur les enseignements de la Nouvelle Économie Urbaine(NEU).

La suburbanisation des emplois est également en interaction avec celle despopulations, et le débat autour de la question : « do people follow jobs or do jobs followpeople ? » est toujours ouvert (Steinnes, 1982 ; Gaschet, 2001). Cela dit, la logiqueest cependant différente concernant la déconcentration des entreprises qui valorisentl’agglomération et se retrouvent concentrées dans des pôles d’emplois périphériques.Les économistes sont conscients de ces transformations de la structure urbaine etde la multiplicité des centres « un espace donné a rarement un centre unique.Il existe généralement un centre principal (ou plusieurs) et des centres de moindreimportance » (Huriot et Perreur, 1994, p.50). Cela ne date pas d’aujourd’hui, et les travauxde McDonald et McMillen (1990) mettent en évidence plusieurs pics dans les fonctions de

la valeur du sol dans la ville de Chicago depuis le début du 20ème siècle. L’émergencede pôles secondaires est le résultat d’un processus de suburbanisation qui se manifesteen trois étapes (Boiteux-Orain et Huriot, 2002). Il s’agit tout d’abord d’un étalement urbainaccompagné par une baisse des gradients de densité de population et d’emploi liée àleur accroissement plus important en périphérie. Cette suburbanisation fait apparaître desnouvelles concentrations d’activités en périphérie, faisant émerger des pôles secondaires,avant de différencier les pôles et recomposer l’organisation urbaine au fur et à mesure quel’économie des villes évolue vers les services.

Pour expliquer la déconcentration des emplois et l’émergence de pôles périphériques,les modèles théoriques de la Nouvelle Économie Urbaine, à l’image de celui de White(1976), ont été conduits à introduire différentes hypothèses permettant de détourner larigidité du cadre monocentrique. Comme le signale McMillen (2001), l’acceptation dumonocentrisme est plus liée à une contrainte mathématique qu’à une description précisede la réalité. Ce cadre théorique n’est, à la base, pas capable d’expliquer la concentrationdes emplois et la formation de pôles périphériques, tout simplement parce qu’il considèreque l’ensemble des emplois sont concentrés dans le centre historique. En prenant encompte les économies d’agglomération à travers le principe général de l’auto-organisationet les forces contradictoires, centripètes et centrifuges, le cadre de la Nouvelle ÉconomieGéographique est plus adapté pour expliquer la formation des pôles d’emplois périphériques(Fujita et Thisse, 2003). Dans la présence de plusieurs secteurs de production et selonle type des économies d’agglomération, les pôles peuvent être diversifiés ou spécialisés.Ils sont parfaitement diversifiés et concurrents si les économies d’agglomération sont detype Jacobs (1969), s’agissant des économies d’urbanisation externes à chaque firme et àchaque secteur (Lacour et Puissant, 1999). Ils sont fonction de la taille de l’agglomérationet peuvent se baser sur les externalités d’information et le capital humain. La diversité auniveau du pôle peut être le résultat de l’existence de coûts de transport élevés (Huriot et al.2003). En revanche, les pôles sont spécialisés en présence des économies d’agglomérationde type MAR (Marshall, Arrow, Romer), ou des économies de localisation selon la distinctionde Hoover, externes aux firmes mais internes au secteur d’activité. Ils sont le résultat de lafuite des déséconomies engendrées par la taille de la ville et des économies de coûts liéesà la taille du secteur dans l’économie de la ville.

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Ségrégation spatiale et dynamiques métropolitaines

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Même si plusieurs travaux théoriques et empiriques tentent d’intégrer les centrespériphériques dans leurs analyses, le polycentrisme reste difficile à définir, ses formes sontmultiples et les conséquences de l’émergence d’une telle forme sont parfois ambiguës.Cela vient en partie de l’absence de dialogue entre les études théoriques et empiriques(McMillen et Smith, 2003). Les modèles théoriques se sont focalisés sur l’examen d’équilibrede la configuration spatiale des villes polycentriques en soulignant le rôle de la taille depopulation et le coût des transports, tandis que les modèles empiriques se sont concentréssur l’identification des centres secondaires et sur l’analyse de leurs effets sur la densitéd’emploi et de population ou sur le prix de l’immobilier.

D’autres travaux associent enseignements théoriques et résultats empiriques etmettent en évidence plusieurs types de polycentrismes. Anas et al. (1998) présententles formes fonctionnelles d’une structure polycentrique, en utilisant différentes hypothèsessur la manière dont chaque agent valorise l’accès aux différents centres à partir desa localisation. Les centres périphériques ainsi que le centre historique peuvent êtreconsidérés comme parfaitement substituables et la ville est séparée par des zonesd’influence indépendantes propres à chaque centre. Sinon ils sont considérés commecomplémentaires et chaque agent a besoin d’accéder aux différents centres de la ville. Lescentres secondaires restent pour la plupart subsidiaires par rapport au centre historique,d’où l’appellation sub-centers. Certains d’entre eux sont des anciennes villes qui ontprogressivement intégré une aire urbaine cohérente en expansion. D’autres sont denouvelles villes, de type edge cities (Garreau, 1991), qui émergent à proximité des nœudsdu réseau de transport, et plus souvent loin du centre historique (Anas et al. 1998). Laspécialisation fonctionnelle ou sectorielle est un des critères de distinction entre les formespolycentriques à travers le test de l’hypothèse de substituabilité et de complémentarité(Gaschet, 2001). Ce critère n’est pas le seul car le poids du centre par rapport aux pôlessecondaires, leurs localisations (distance et accessibilité) et leurs histoires (villes nouvelles,banlieues dortoirs, zones d’activité, anciennes ville industrielle, etc.) sont également desfacteurs de différenciation (Aguiléra et Mignot, 2007).

1.1.2. Émergence de centres substituables ou complémentaires au centrehistoriqueAvant d’appréhender le lien entre la concentration des emplois dans des pôles périphériqueset la répartition des groupes de populations, il est primordial de comprendre la nature desinteractions entre firmes mais aussi entre firmes et ménages, et la relation entre les pôleset le centre historique (Fujita et Thisse, 2003). Il s’agit en effet, de savoir si les pôlessecondaires sont concurrents au centre historique, ou si ils sont plutôt complémentaires.Dans le premier cas, les pôles périphériques reproduisent les mêmes activités de lacentralité basées sur la proximité et l’interaction. Avec le temps, ils deviennent autonomes etindépendants du centre historique et vident ce dernier de ses activités les plus stratégiques,à l’image de ce qui s’est passé dans certaines edges cities aux Etats-Unis. C’est la thèsedu déclin et la ghettoïsation du centre historique. Dans le deuxième cas, ces pôles d’emploin’accueillent que certains types particuliers d’activités stratégiques qui se délocalisent ducentre vers la périphérie. Chaque pôle spécialisé reste complémentaire au centre historiqueou avec les autres pôles périphériques (Anas et al. 1998 ; Lacour et Puissant, 1999).

L’explication théorique de l’émergence des pôles secondaires dans les modèles de laNEG se base sur la précision des forces d’agglomération et de dispersion qui alimententle processus d’auto-organisation à l‘échelle microéconomique ou la mise en avant du rôledes macro-agents. Pour faire apparaître des pôles substituables ou complémentaires à

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l’échelle intra-urbaine, les modèles à interaction spatiale (Fujita-Imai-Ogawa) combinent lesexternalités informationnelles et les coûts de transport, alors que les modèles inter-urbains(Fujita-Krugman-Mori) utilisent les forces d’agglomérations liées à la variété des produits etles coûts de transport des biens industriels et agricoles (Huriot et al. 2003). L’introduction dedifférents secteurs d’activité ou de fonctions dans le premier type de modèles permet de faireapparaître des pôles spécialisés à l’échelle intra-urbaine (Ota et Fujita, 1993). L’interventiondes macro-agents peut donner lieu à des pôles secondaires (Henderson et Mitra, 1996), quisont souvent complémentaires du centre historique (Gaschet, 2003).

1.1.2.1. L’émergence de centres concurrents

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Figure 34 : Villes polycentriques de Fujita et Ogawa (1982)** d’après Fujita et Thisse, 2003Dans le premier cas, les deux centres d’affaires émergents sont de taille égale, ce qui

peut représenter deux villes voisines appartenant à la même aire urbaine. Dans le deuxièmecas, la ville d’équilibre contient un centre principal dominant et deux centres secondaires dela même taille. Les zones grises sont occupées par des firmes et les zones blanches parles ménages et les flèches représentent le sens des migrations alternantes des actifs. Lefait que certains travailleurs traversent le centre secondaire pour aller travailler au centreprincipal illustre la forte attractivité de ce dernier vis-à-vis de l’ensemble de l’agglomérationet la limite de celle des centres secondaires sur le seul voisinage. Cela montre égalementque les firmes du centre secondaire n’ont pas intérêt à s’éloigner du centre principal pourpouvoir bénéficier de ses effets externes. Dans le dernier cas, la configuration d’équilibre estcaractérisée par l’apparition de trois centres autonomes de taille presque identique. Chaquecentre attire dans les deux sens les actifs en provenance des deux zones résidentiellesavoisinantes (Fujita et Thisse, 2003).

Ce type de modèle souligne bien l’importance de la taille de population et les coûts detransport dans l’émergence de configurations polycentriques. On peut également conclureque, d’un point de vue empirique, les migrations alternantes sont un bon indicateurpour identifier les pôles secondaires, analyser leurs niveaux d’attractivité et distinguer lesdifférents types de polycentrisme. Le marché du travail et les interactions entre les pôlessont essentiels dans la définition d’un espace urbain polycentrique sinon il ne serait plusquestion de ville mais de système de villes ou de système urbain régional (Fujita et al. 1999 ;Abde-Rahman et Anas, 2004). De ce point de vue, la définition des aires urbaines à partirdes flux des migrations alternantes est satisfaisante.

Cependant, le modèle de Fujita et Ogawa (1982) n’explique pas la localisation desfirmes multi-établissements et l’émergence des pôles spécialisés. Pourtant, les étudesempiriques montrent que la complémentarité entre le centre et les centres secondaires estla forme dominante du polycentrisme (Anas et al. 1998 ; Gaschet, 2001). À travers uneétude sur le marché immobilier des bureaux et de commerce à Los Angeles, Sivitanidou(1996, p.147) montre que l’hypothèse de substituabilité n’est pas vérifiée : « The findingsof this study suggest that secondary centers do not fully substitute for the main center and,furthermore, do not fully substitute for each other ». D’autres modèles d’interaction spatialeexpliquent mieux cette tendance à travers la spécialisation fonctionnelle et sectorielle (Otaet Fujita, 1993).

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1.1.2.2. L’émergence de centres spécialisés

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Figure 35 : Configurations d’équilibres de Ota et Fujita (1993)Source : Ota et Fujita (1993)Ces configurations dépendent des valeurs des différents paramètres et convergent vers

deux principaux résultats :

∙ La décroissance des coûts des migrations alternantes augmente la séparation entreespace de production et espace résidentiel.

∙ La baisse des coûts de communication intra-firme favorise la séparation entreles activités front offices, qui s’installent dans le centre de la ville, et les activitésback offices, qui s’implantent en périphérie. Cette configuration est socialementségrégative car, lorsque le coût de communication intrafirme est faible, laconcentration des unités centrales au centre ville est entourée par un secteurrésidentiel, alors que les unités annexes et leurs employés sont rejetés aux confins del’aire urbaine (Fujita et Thisse, 2003, p.269).

La distinction entre les unités centrales et les unités annexes et les activités qui lescaractérisent peut être un élément de distinction entre les pôles secondaires substituablesou complémentaires au centre historique. L’analyse de la spécialisation sectorielle oufonctionnelle des pôles secondaires par rapport aux fonctions et aux secteurs d’activité quiprivilégient le centre historique est ainsi d’une grande pertinence.

Cela dit, l’émergence des pôles secondaires spécialisés ou diversifiés n’est pastoujours la conséquence des interactions individuelles entre firmes et ménages, mais peutégalement être le résultat des macro-agents.

1.1.2.3. Le rôle des macro-agentsNous avons souligné dans le premier chapitre que la ségrégation spatiale n’est passeulement liée à des mécanismes de marché foncier et de préférences individuelles,mais qu’elle est aussi associée à certaines décisions des macros-agents. L’apparitiondes pôles d’emploi périphériques et leur nature sont également dépendantes de cetype de mécanismes non-concurrentiels (Henderson et Mitra, 1996). Ces grands acteurs

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sont généralement des promoteurs d’immobilier ou des gouvernements urbains ayantsuffisamment de poids pour créer des économies d’agglomération nécessaires pourattirer, en périphérie, un type d’activités (parc d’activité) ou des activités diversifiées etdes ménages (Villes Nouvelles). Cette intervention a l’avantage d’inciter le déplacementsimultané d’un nombre important d’agents vers des zones spécialement aménagées pourles accueillir (accessibles, riches en aménités…). L’implication de ces grands agents dansl’apparition et la détermination de la taille et du type de pôle secondaire est nettementplus importante dans la réalité par rapport à la place qu’elle occupe dans la littératureéconomique (Anas et al. 1998). Dans une étude empirique sur l’agglomération bordelaise,Gaschet (2003) analyse la sensibilité des différents secteurs d’activités aux économiesd’agglomération des 93 parcs d’activité. Il distingue trois groupes de secteurs dont lepremier est insensible à l’accessibilité routière et à l’aménagement des parcs. Il s’agit dusecteur de service aux particuliers et du commerce de détail, plus attachés à la densitéde population. Le deuxième groupe, celui du secteur de l’industrie, des transports et ducommerce de gros, est, en revanche, très sensible à l’accessibilité. Enfin, le groupe desservices aux entreprises est particulièrement sensible à l’aménagement et aux aménités.Cette analyse explique l’émergence de pôles secondaires spécialisés et complémentairesdu centre historique. Le rôle des macro-agents peut être associé à la question de la tailleoptimale de la ville, aux économies et aux déséconomies d’agglomération, notamment dansle cadre des Villes Nouvelles (Huriot et al. 2003). L’émergence d’une Ville Nouvelle, capabled’offrir des économies d’agglomération, est une réponse à la sous-optimalité de l’ancienneville liée à la croissance de sa taille et de ces externalités négatives. En France, les politiquesd’aménagement du territoire ont largement contribué à la création de Villes Nouvelles dansles années 60 qui sont plus souvent des pôles d’emploi spécialisés ou de pôles d’habitatque de vraies villes ou de centres substituables au centre historique. La question qui sepose est de savoir si le rôle des macro-agents est suffisant pour créer une Ville (Nouvelle)concurrente au centre historique alors que ce dernier est souvent dominant ?

Cette littérature théorique, présentée ici, est indispensable pour comprendrel’émergence de la configuration polycentrique, et préciser la nature des centres secondaireset leur relation avec le centre historique. Ce qui peut fournir quelques enseignements àl’analyse empirique qui s’intéresse à l’impact de ces centres sur la ville, et cherche à lesidentifier.

1.1.3. Identification des centres secondaires dans la littérature empiriqueEn général, derrière l’exercice d’identification des pôles d’emploi il y a un objectif précis.En plus de comprendre la structure polycentrique des villes qui marque les dynamiquesurbaines modernes, le but est d’analyser son impact sur d’autres phénomènes urbains. Letype de polycentrisme et les exigences d’identification des centres secondaires peuventvarier selon le phénomène étudié. Pour analyser la ségrégation socio-spatiale, il ne suffit pasd’identifier des simples concentrations d’emploi mais des centres attractifs aux populationset capables d’influencer leur répartition spatiale.

À travers une revue de littérature, Anas et al. (1998) décrivent la ville polycentriqueen soulignant les principales caractéristiques empiriques des centres secondaires quicorrespondent aussi bien aux villes américaines qu’aux villes européennes (Lacour, 1999,p.87) : Les centres secondaires se trouvent dans les villes nouvelles mais également dansles anciennes villes ; leur nombre et leurs frontières sont très sensibles à la définitionretenue ; ils peuvent se déployer en corridors (d’où l’importance des échanges en matièrede migrations alternantes) ; les capacités d’emplois de ces centres tiennent une place

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essentielle. Il ne s’agit pas seulement de banlieues résidentielles, commerciales ou de citésdortoirs, mais souvent de « vraies villes » ; ils permettent d’expliquer la structure localed’emploi, de population et du marché foncier et immobilier ; ils n’éliminent pas l’influencedu centre principal.

Il existe plusieurs méthodes d’identification des centres secondaires que Baumont etLe Gallo (1999) classent en deux catégories souvent mêlées dans les études empiriques.Les méthodes exogènes s’appuient sur les caractéristiques définissant la concentrationd’activités de population à partir des seuils et des analyses statistiques, alors queles méthodes endogènes s’appuient sur la caractéristique d’influence significative surl’organisation spatiale de l’espace urbain. Cette distinction est identique à celle différenciantles méthodes de choix de l’échelle pertinente de la ségrégation spatiale (Cf. chapitre 2).Dans le premier cas, le choix est basé sur une connaissance sociologique préalable del’espace d’étude a priori alors que dans le deuxième cas, il repose sur le résultat a posterioride l’introduction de paramètres permettant de mesurer le degré d’influence spatiale d’unezone (à travers l’autocorrélation spatiale, par exemple). Si l’on peut reprocher parfoisaux méthodes exogènes le choix de certains critères ou de certains seuils, les critiquesdes méthodes endogènes concernent surtout leur manque de visibilité dû parfois à leurformalisation « boîte noire ».

Les méthodes exogènes peuvent être des mesures fonctionnelles ou globales deconcentration (Huriot et al. 2003), les pôles étant, au moins, des zones de concentrationd’activité et de population. La mesure fonctionnelle la plus célèbre est sans doute celle deGarreau (1991) qui caractérise environ 200 edges cities aux Etats-Unis. Ce dernier prenden compte cinq critères pour identifier ces centres secondaires substituables au centrehistorique (CBD) : 5 millions de pieds carrés d’espace réservé aux bureaux ; 600 000pieds carrés de surface réservée au commerce ; une attractivité pour les migrants domicile-travail extérieurs (plus d’emploi que de logements) ; une perception locale confirmant l’idéed’une vraie ville multifonctionnelle ; une ville qui, il y a trente ans, n’était qu’une zonerésidentielle ou rurale (Anas et al. 1998). Ces critères sélectifs permettent d’identifier lespôles concurrents semblables au CBD et capables de recréer ses propres activités (tertiairesupérieur). Dans le même sens, Cervero (1989) choisit trois critères moins restrictifs :1 million de pieds carrés d’espace réservé aux bureaux ; 2 000 actifs et une localisation àl’extérieur d’un rayon de 5 miles du CBD. Cependant, la principale critique de cette mesureconcerne le choix des activités de centralité, très restrictif, et celui de la non pertinencedu critère absolu de la surface. Les centres secondaires ne sont pas toujours les lieux dela reproduction de la centralité, et ces critères basés sur la fonction du centre excluentprématurément un nombre de centres complémentaires influents. Il est préférable d’utiliserdes mesures globales, même sélectives, pour ressortir l’ensemble des pôles d’emploiavant de se limiter à un type particulier d’activités jugées de centralité : « …il semblequ’une définition doit être en mesure d’identifier les pôles d’emploi à partir d’indicateurs deconcentration globale, avant d’en proposer une classification par contenu » (Huriot et al.2003, p.18).

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En plus du critère de la densité d’emploi, l’identification des centres secondaires peutêtre basée sur le critère d’influence sur l’ensemble de la structure urbaine, à travers lacroissance au niveau local de la densité de population, du prix du foncier et de l’immobilier(McMillen, 2001 ; McMiIllen et Smith, 2003). Ce critère d’influence peut être basé sur ledegré d’attraction et/ou d’émission des flux : « Un centre, pour une fonction donnée, est unlieu d’attraction et/ou de diffusion…Un lieu est d’autant plus central pour une fonction deservice localisé qu’il est attractif, c’est à dire comporte une offre importante et diversifiée etqu’il est relativement proche des autres lieux, c’est à dire accessible » (Huriot et Perreur,1994, p.50). Des études récentes utilisent les flux des migrations alternantes pour identifierles pôles d’emplois secondaires (Berroir et al. 2002 ; Mignot et al. 2004 ; Schwanen et al.2004 ; Aguiléra, 2005). Avec la métropolisation et l’élargissement de l’aire de fonctionnementdes villes, les zones d’emploi et les migrations alternantes sont d’une grande pertinencepour caractériser les espaces polycentriques (Lacour, 1999). Les migrations alternantespermettent en particulier de préciser le rapport de force, en termes de polarisation d’actifs,non seulement entre le centre et la périphérie (Schwanen et al. 2004), mais aussi entre

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l’ensemble des centres (centre et centres secondaires). Elles permettent également detester la dépendance ou l’autonomie de chaque pôle vis-à-vis du centre historique.

Notre méthode d’identification des pôles d’emploi, comme nous allons le voir en2.2.1, est basée sur l’analyse des migrations alternantes, afin de sélectionner les centressecondaires qui ressemblent au centre selon les critères de la spécialisation sectorielle etfonctionnelle. Avant cela, il est important de préciser notre objectif qui consiste à analyserl’impact du polycentrisme sur la ségrégation socio-spatiale ainsi que les hypothèsesthéoriques et empiriques sur lesquelles il repose.

1.2. Polycentrisme et ségrégation : quelles hypothèses ?En économie, le lien entre la ségrégation spatiale et la forme polycentrique de la croissanceurbaine fait référence aux deux hypothèses du Mauvais Appariement Spatial, à savoir,l’effet de l’environnement social du voisinage et l’accessibilité physique (Kain, 1968 ; Cutleret Glaeser, 1997 ; Galster et Cutsinger, 2007). L’existence d’un centre secondaire peutinfluencer la ségrégation en modifiant l’inégalité de concentration spatiale des populationset les conséquences des externalités positives et négatives qui sont associées. Ellepeut également être une opportunité de rapprochement et d’intégration des populationsfragiles pour accéder à l’emploi. Ces questions ne sont pas limitées à l’accès à l’emploi etsont abordées plus généralement à travers les effets de quartier. En France, les travauxempiriques sur les effets de quartier (Cf. chapitre 1) insistent sur l’impact de l’environnementsocial (Piketty, 1997 ; Maurin, 2004 ; Goux et Maurin, 2007), raison de plus pour nousconcentrer par la suite sur la dimension polarisation/mixité sociale de la ségrégationspatiale.

Il est primordial de comprendre les fondements théoriques des hypothèsesprécédentes, en cherchant à établir un lien entre les conséquences du (des)polycentrisme(s) et les déterminants de la ségrégation, avant d’interroger la littératureempirique susceptible de les confirmer ou de les infirmer. À notre connaissance, ce lien n’ajamais été clairement abordé dans la littérature économique.

1.2.1. Émergence de centres secondaires, usage du sol et ségrégation :quels mécanismes ?A l’échelle microéconomique, la ségrégation spatiale est la conséquence spontanée dufonctionnement du marché foncier et immobilier dans la ville monocentrique (Cf. chapitre1). Chaque ménage choisit sa localisation en fonction de son revenu, le prix du logementet le coût de transport. Les ménages ayant le même revenu auront les mêmes possibilitésde choix de localisation. La ségrégation est également le résultat des préférences desindividus vis-à-vis des aménités spatiales ou de l’environnement social (Brueckner et al.1999). Par conséquence, toute transformation dans l’usage du sol liée à l’habitat ou l’activitéest susceptible de modifier la ségrégation spatiale (Grannelle, 2004), en influençant larente foncière des ménages (marché foncier et coût de transport) et les aménités socialeset spatiales. La ségrégation spatiale est également la conséquence indirecte du marchéfoncier et des préférences des ménages à travers la valorisation et la dévalorisation del’usage du sol (Grannelle, 2004 ; Galster et Cutsinger, 2007). C’est dans ce cadre que sesitue le lien entre le polycentrisme et la ségrégation spatiale.

1.2.1.1. Ajustement dans le spatial mismatch

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Chapitre 5 : Polycentrisme et ségrégation : une comparaison sur trois aires urbaines

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Suivant les enseignements de la théorie du Mauvais Appariement Spatial (Cf. chapitre1), l’émergence des centres secondaires crée une distance physique entre les ménagescentraux et les emplois périphériques et renforce le chômage et la ségrégation spatiale.Ces pôles d’emploi peuvent, toutefois, représenter une opportunité de rapprochementdes populations périphériques et réduire la ségrégation à travers les réajustements dansle spatial mismatch : “Patterns of how employment nodes are developed will affectsegregation to the degree that commuting cost gradients are changed and interracial incomedifferentials are modified through adjustments in spatial mismatch”(Galster et Cutsinger,2007, p.528). Cela dépend toutefois de la vérification de l’hypothèse de la localisationconjointe des emplois et des populations les plus fragiles. Il reste que la forme polycentrique,contrairement à l’étalement dispersé de l’emploi, rend envisageable une politique detransport efficace reliant les populations aux centres d’emploi, même dans le cadre desvilles américaines : “Large subcenters may have enough jobs to warrant designing publictransportation that brings central city workers to suburban job locations, which can helpalleviate problems of a “spatial mismatch” between jobs and central city workers” (McMillen,2001, p.15).

1.2.1.2. Usage du sol et modification du marché foncier localL’émergence d’un centre secondaire en périphérie de la ville monocentrique constitueun profond changement dans l’usage du sol. Elle valorise les terrains autour du centresecondaire et modifie le prix du marché foncier et immobilier, en attirant les actifs souhaitantréduire leurs migrations alternantes en habitant à proximité de leurs emplois. Elle augmenteégalement le revenu des populations périphériques propriétaires de ces terrains et réduit lesécarts de revenus entre le centre et la périphérie : « All dimensions of metropolitan housingand employment land uses will affect segregation to the degree that they alter real householdincomes through changes in the average price of land/housing packages” (Galster etCutsinger, 2005, p.528). La théorie urbaine stipule que le prix d’une unité de logement doitêtre plus élevé au niveau des centres secondaires, ce qui conduit à des parcelles plus petiteset une plus grande densité de population. Cela peut relâcher la pression foncière autourdu centre historique en offrant de nouvelles possibilités de localisation. Si certains travauxmontrent que les prix des logements sont plus élevés à proximité des centres secondaires(McMillen, 2003), cela dépend d’autres éléments tels que les préférences de localisationdes ménages aisés. Les prix et la superficie des lots de terrains peuvent être plus importantsplus loin des centres secondaires si les ménages à fort revenu ont tendance à habiter plusloin de ces centres secondaires. Par ailleurs, ces pôles secondaires sont peut être encorelargement un phénomène non résidentiel, et leur effet sur les prix des logements et la densitéde population, à moins d’être justifié empiriquement, reste encore limité (McMillen, 2003).

1.2.1.3. Usage du sol et préférences des ménages aisésEnfin, par les préférences accordées aux aménités spatiales et à l’environnement socialpar les groupes de ménages, un nouveau centre secondaire serait susceptible d’attirerune population hétérogène ou homogène. Tout dépend du type de logement et d’activitésqu’offre ce centre et l’image susceptible de favoriser la mixité ou la ségrégation socio-spatiale. “Patterns of how housing is developed will affect segregation to the degree thatit changes inter-group prejudices through propinquity and contact” (Galster et Cutsinger,2007, p.528). Selon l’importance accordée par les ménages à l’interaction inter et intra-groupe, l’émergence d’un centre secondaire peut être l’occasion pour aller vers une plusgrande mixité sociale ou renforcer la ségrégation spatiale. Cependant, un centre secondaireest aussi une opportunité de regroupement des populations ayant une préférence pour

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l’entre-soi. Il peut également inciter les ménages riches à aller vivre plus loin pour préserverles avantages de la périphérie et éviter les interactions sociales jugées négatives. L’imagedu centre secondaire, son histoire et son potentiel d’être un nouvel espace de résidenceet d’activité sont décisifs pour l’attractivité des différentes catégories des ménages etnotamment des plus aisées. La ségrégation spatiale est plus le résultat de la concentrationdes populations riches que celui de la polarisation des populations pauvres (Cf. chapitres1&3). Il est important de prendre en compte le niveau de richesse du centre secondaireémergeant ainsi que la répartition initiale des populations entre le centre et la périphérie.L’apparition d’un centre périphérique n’a pas le même impact sur la ségrégation socio-spatiale selon que la population locale est riche ou pauvre. La réduction de la ségrégationest plus importante dans le cas d’un centre secondaire riche (Annexe 14).

Si, visiblement, l’émergence d’une forme polycentrique n’est pas sans effet sur l’usagedu sol et le niveau de ségrégation socio-spatiale de la ville, la nature de la relation resteambigue. En effet, comme le signale Galster et Cutsinger (2007), la même dimension del’usage du sol peut engendrer des effets contradictoires sur la ségrégation spatiale. Celadépend de plusieurs hypothèses concernant le type du polycentrisme et les mécanismes desa formation. Pour pouvoir apporter des réponses empiriques à la relation indirecte entre lepolycentrisme et la ségrégation spatiale en France, il est important de distinguer certainesformes polycentriques existantes.

1.2.2. Polycentrismes en FranceLa littérature théorique et empirique propose plusieurs critères de distinction des centressecondaires et de l’émergence de formes polycentriques. Le critère fonctionnel qui concernela substituabilité ou la complémentarité par rapport au centre historique ; celui touchantau mode d’apparition issue des interactions à l’échelle individuelle ou des macro-agents,du processus d’émergence ou d’intégration ; ou, enfin, celui concernant la localisationpar rapport au centre (distance, accessibilité)62. En s’inspirant de ces critères, parmid’autres, et dans l’objectif d’analyser la ségrégation spatiale, nous pouvons retenir enFrance, trois types de polycentrismes parfois mêlés entre eux : celui des villes nouvelles,résultat de l’aménagement du territoire ; un polycentrisme marqué par l’émergence et lerenforcement de pôles d’emploi spécialisés, bien accessibles et largement dépendants ducentre historique ; un polycentrisme issu de l’intégration des villes anciennes relativementdistantes dans l’aire de fonctionnement d’un espace métropolitain.

Le premier type de polycentrisme est issu des documents de planification del’agglomération parisienne des années 1960 et notamment le Schéma Directeur de 1965qui a donné naissance aux villes nouvelles. L’objectif principal derrière la création de centresurbains nouveaux était de contrer le monocentrisme des fonctions urbaines de la métropoleparisienne (Baudelle et Peyrony, 2005). Toutefois, loin de concurrencer le centre, ces villesnouvelles ont au contraire renforcé le poids de l’agglomération parisienne, soutenant ainsil’hypothèse de la complémentarité et la difficulté de faire apparaître un polycentrisme rêvé.Dans les politiques de l’aménagement du territoire, le polycentrisme est justifié par l’objectifd’équité territoriale à l’échelle nationale et de lutte contre la ségrégation spatiale à l’échelleintra-urbaine. Encore faut-il éclairer le lien existant entre le polycentrisme et la ségrégationintra-urbaine.

62 Selon le principe « effet d’ombre » obtenu par les travaux théoriques sur les systèmes des villes de Krugman sur la localisationdes centres, l’attractivité exercée par un centre sur les activités productives vide l’espace alentour de ces activités et pour qu’unautre centre économique existe et perdure, il faut qu’il soit suffisamment attractif et qu’il se situe à une distance minimale du ou descentres » (Baumont et Le Gallo, 1999, p.5).

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Chapitre 5 : Polycentrisme et ségrégation : une comparaison sur trois aires urbaines

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Le deuxième type de polycentrisme correspond à une forme désormais banale demultipolarisation qui touche presque toutes les grandes villes françaises, comme c’est lecàs à Bordeaux et Lyon. Les pôles d’emplois spécialisés qui sont souvent l’œuvre desmacro-agents (Gaschet, 2003) concentrent même des activités autrefois réservées aucentre historique telles que les services aux entreprises (Aguiléra-Belanger, 2001), mais ilsrenforcent encore plus le pouvoir du centre, la forme monocentrique et l’extension de lamétropole. La forte accessibilité entre le centre et ces pôles secondaires d’emploi contribuefortement à l’émergence et au renforcement de ces derniers mais elle les condamne,paradoxalement, à être dépendants du centre historique.

Enfin, le troisième type de polycentrisme concerne l’absorbation par une aire urbainemonocentrique des villes anciennes pour les intégrer dans son aire de fonctionnementmétropolitain. La forme polycentrique d’une ville n’est pas nécessairement la conséquencede l’émergence d’un nouveau centre car elle est souvent le résultat de l’intégration de villessatellites ou l’intégration d’aires urbaines entières déjà existantes (Anas et al. 1998). Face àla difficulté de voir émerger des « vrais centres », cette forme polycentrique, conséquence dela métropolisation (Mignot, 1999), est peut être la seule permettant d’avoir des centres à lafois attractifs et autonomes. Mais il n’est pas certain qu’ils soient capables de concurrencerou de remplacer le centre historique de l’agglomération. L’apparition d’une telle forme nesignifie absolument pas la Mort de la ville, mais seulement le dépassement de sa structureclassique : « Le polycentrisme est bien le dépassement de relations mécaniques entre uncentre et sa périphérie : c’est l’émergence de nouvelles villes ou l’appropriation par des villesanciennes de nouveaux rôles et de nouveaux échelons de responsabilité et de pouvoir ; c’estencore une organisation urbaine qui, loin de dissoudre la centralité exclusivement afférenteà une seule ville, la fait vivre et fonctionner » (Gaschet et Lacour, 2002, p.65).

Face à l’inéluctabilité de l’étalement urbain, cette forme concentrée de la croissanceurbaine est perçue comme une opportunité de rapprochement des populationspériphériques à l’emploi et de réduction de la ségrégation spatiale. Un polycentrisme« organisé » des villes serait alors une réponse aux deux tendances lourdes de lamétropolisation que sont l’étalement urbain et la ségrégation spatiale (Mignot et Aguiléra,2004). Pourtant, l’idée d’un polycentrisme plus économe et moins ségrégatif reposantsur l’hypothèse de co-localisation de l’emploi et de la résidence est contredite parl’accroissement des distances moyennes des migrations alternantes (Aguiléra, 2005) et lafaible accessibilité à l’emploi qui caractérise les populations modestes (Wenglenski, 2003).

1.2.3. Des villes polycentriques plus ségréguées ?Tout d’abord, si l’on considère que le déclin du centre est une condition sine-qua-nonpour l’apparition de centres secondaires substituables, alors le polycentrisme est forcémentségrégatif. En quittant le centre historique pour s’installer au centre secondaire, les activitéset les ménages aisés « mobiles » creusent les inégalités spatiales et renforcent la dualitésociale dans l’ensemble de la métropole. Avec le processus de ghettoïsation, déclenché parle white flight from blight (Mieskowsky et Mills, 1993) et renforcé par l’attractivité des edgecities concurrentes au centre historique (Garreau, 1991), le lien positif entre le polycentrismeet la ségrégation spatiale est indéniable. Ce sont les préférences individuelles de fuite del’environnement social négatif du CBD et la recherche d’aménités naturelles qui sont àl’origine de la suburbanisation des ménages, de l’émergence de centres secondaires et dela ségrégation spatiale dans les villes américaines.

En France, l’apparition des formes polycentriques n’est pas accompagnée par undéclin et une ghettoïsation du centre historique comme c’est le cas de certaines villes

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Ségrégation spatiale et dynamiques métropolitaines

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américaines. Quel que soit le type du polycentrisme, le centre ne se vide pas mais restele lieu de concentration des populations et des activités63. De ce point de vue, il estdifficile d’associer l’émergence du polycentrisme à la ségrégation spatiale. Cependant,dans le précédent chapitre, nous avons montré que la ségrégation spatiale est plus liéeà la densité périphérique qu’à celle du centre. Derrière cette corrélation nous supposonsun impact positif de la forme polarisée de l’étalement, à savoir le polycentrisme, sur laségrégation spatiale. D’ailleurs, Galster et Cutsinger (2007) montrent à travers une analysede régression multiple sur un échantillon représentatif de 50 grandes aires métropolitainesaméricaines que le renforcement des pôles secondaires entre 1990 et 2000 a aggravé laségrégation spatiale entre les groupes ethniques. Ce lien, très peu abordé par la littérature,reste à tester selon les formes polycentriques des villes abordées précédemment.

En ce qui concerne le polycentrisme parisien (Larceneux et Boiteux-Orain, 2006) etmême si de véritables pôles d’emplois se renforcent en périphérie, cette forme urbaineest considérée comme un modèle hybride ou « mono-multicentrique » (Huriot et al. 2003)car le centre historique reste dominant. Elle est surtout perçue comme le résultat despolitiques des villes nouvelles. Ces dernières ont largement contribué à la concentrationdes populations modestes en périphérie pavillonnaire de l’aire urbaine parisienne, alorsque le centre historique continue d’attirer les activités supérieures et les ménages aisés.Même si aujourd’hui certains aménageurs voient en cette forme une opportunité pourrenverser la tendance ségrégative, au moins vis-à-vis de l’éloignement de ces populationsmodestes de l’emploi, l’observation empirique entre 1990 et 1999 montre le contraire. Eneffet, l’augmentation la plus sensible des trajets domicile-travail concerne les ouvriers et lesemployés, alors que ceux des cadres restent stables (Wenglenski, 2003 ; Berger, 2006).Cela reflète de ce point de vue l’échec d’un urbanisme « industrialiste » (Larceneux etBoiteux-Orain, 2006) peu conforme aux aspirations des habitants et porteur d’une fortetendance à la ségrégation socio-spatiale. L’évolution vers une structure polycentriquesemble clairement renforcer les inégalités spatiales et la division sociale de l’espaceparisien : « Si elle freine l’augmentation des trajets domicile-travail, l’évolution vers uncertain degré de polycentrisme conduit à une accentuation des processus de division socialede l’espace francilien » (Berger, 2006, p.35). Dans un contexte de valorisation du centrehistorique, la création de villes nouvelles a plus de chance de concentrer des populationsmodestes que des emplois ou des populations aisées. L’exemple de la ville nouvelle créedans les années 1990 en périphérie de la métropole algérienne de Constantine montreune ségrégation socio-spatiale se développant entre les nouveaux quartiers périphériquespauvres et les anciens quartiers centraux riches (Meghraoui, 2004). Même s’ils arrivent àcaptiver certains types d’emplois, ces pôles périphériques auront du mal à se défaire del’image négative de la polarisation sociale, d’attirer des populations moyennes et aiséeset de recréer la mixité sociale. Pour l’instant, et selon un premier bilan de cette maigrelittérature empirique, ce type de polycentrisme semble plutôt ségrégatif.

L’exemple de l’aire urbaine parisienne, avec son centre riche et ses centres secondairesissus des villes nouvelles, est particulier. Le lien entre polycentrisme et ségrégation resteà tester dans d’autres villes où la forme polycentrique est différente. Les pôles d’emploisspécialisés émergeant en proche périphérie de certaines villes comme Lyon, Bordeaux ouDijon sont très dépendants du centre historique et leur influence sur la structure résidentielle

63 « Cities in western Europe have evolved somewhat differently. Being much older, many still have centers which started outas medieval towns. There is a greater mixture of residences and businesses in the core, possibly because of the rich cultural amenitiesthere. Apartment buildings are more common and public transportation more important. Nevertheless, as in North American cities,there has been massive suburbanization and the emergence of edge cities ».(Anas et al. 1998, p.7).

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Chapitre 5 : Polycentrisme et ségrégation : une comparaison sur trois aires urbaines

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reste au moins limitée (Bouzouina, 2003 ; Gaschet, 2003 ; Huriot et al. 2003 ; Aguiléraet Mignot, 2007). Cela dit, certains travaux de sociologues montrent que la spécialisationfonctionnelle des espaces favorise la ségrégation spatiale des populations (Juan, 1997).Ainsi, c’est la forme polycentrique basée sur l’intégration de vrais centres secondairesexistants qui est plus susceptible d’influencer la répartition des groupes de populationssur l’ensemble de l’aire urbaine, et d’autant plus que le centre historique concentre lespopulations modestes.

Dans les grandes agglomérations françaises, les populations à revenus modestessont généralement plus concentrées dans le centre historique qu’en périphérie. Paris etLyon étant des exceptions (Mansuy et Pallez, 2002) liées sans doute aux effets perversdes politiques de concentration en périphérie des grands ensembles dans les années1960-1970. Dans des villes où le centre abrite les populations modestes, l’apparition d’uncentre secondaire donnerait l’occasion pour les populations aisées pour se regrouper ets’éloigner des populations modestes tout en profitant des avantages de la centralité. Maiscela dépend de la composition sociale et du niveau de revenu initial des résidents ducentre secondaire. Une comparaison entre Lyon, Lille et Marseille (Bouzouina, 2007) montreque les populations pauvres (déclarant moins de la moitié du revenu médian de l’aireurbaine) sont plus concentrées à Marseille, puis à Lille et largement devant Lyon. Le centrehistorique, dans les deux villes polycentriques, concentre une grande partie de la populationmodeste, et même si le centre secondaire de Aix-en-Provence polarise les populationsriches et ceux de Roubaix et Tourcoing polarisent les populations pauvres, leur présencesemble renforcer la ségrégation spatiale des plus modestes au lieu de l’atténuer. Maisla ségrégation ne concerne pas seulement les populations pauvres car elle est souventla conséquence des stratégies de localisation des ménages aisés. Tout en confirmant leniveau élevé de la ségrégation dans les deux villes polycentriques, la mesure par l’indicede Gini de ségrégation à l’échelle du quartier met en évidence une ségrégation légèrementplus élevée à Lille-Roubaix-Tourcoing (Cf. chapitre 3). L’indice de ségrégation montre quel’inégalité entre les quartiers explique 43,6% de l’inégalité de revenu entre les ménages àLyon, 48,8% à Marseille et 49,3% à Lille. Cette forte ségrégation à Lille est la conséquencede la forte concentration des ménages aisés à l’écart des centres (historique et secondaires)largement occupés par les ménages les plus pauvres. Dans tous les cas, indépendammentdu niveau d’inégalité entre les ménages pris en compte par l’indice de ségrégation, les villespolycentriques semblent plus ségréguées.

Pourtant, au-delà de la question de l’acceptabilité, une politique volontariste baséesur la mobilité résidentielle et visant à densifier et recréer de la mixité dans des pôlespériphériques permettrait de réduire les disparités et la ségrégation spatiales (Annexe 14)d’une manière plus importante par rapport au renforcement du centre historique. À traverscette tentative de modélisation, nous montrons la complexité du lien entre polycentrisme etségrégation à travers le seul revenu. L’intégration des préférences des ménages rendraitcertainement cette relation encore plus complexe.

Une comparaison plus fine en termes de polarisation et de mixité des différentsgroupes de populations permet de tester ces hypothèses et d’apporter des explicationssupplémentaires.

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Ségrégation spatiale et dynamiques métropolitaines

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2. Comparaison des trois aires urbaines de Lyon, Lilleet Marseille

Nous commençons tout d’abord par montrer que les trois villes sélectionnées sontrelativement comparables, avant d’analyser le processus de ségrégation à l’échellecommunale en distinguant entre le centre et les centres secondaires. Nous nous focalisonsensuite sur l’échelle fine du quartier pour mieux préciser les résultats en 2001.

2.1. Trois formes urbaines comparables pour analyser le lien avec laségrégation

L’avantage de comparer les aires urbaines de Lyon, Lille et Marseille réside dans le faitqu’elles se distinguent vis-à-vis de la forme monocentrique et polycentrique, mais aussiparce qu’elles sont comparables par rapport aux principaux déterminants de la ségrégationspatiale (Cf. chapitre 4).

2.1.1. Deux aires urbaines polycentriques et une monocentrique La distinction des villes polycentriques et monocentriques revient à identifier à l’intérieurde l’aire urbaine des centres secondaires en dehors du centre historique. Pour cela, nousprenons en compte les migrations alternantes (Schwanen et al. 2004 ; Mignot et al. 2004),en insistant également sur le critère de l’autonomie ou la non dépendance, notamment vis-à-vis du centre. Le centre historique et ses limites géographiques sont prédéfinis à partir ducritère de la densité d’emploi maximale autour d’un quartier de forte activité incarnant à lafois la centralité économique, historique et symbolique.

2.1.1.1. La définition du centreLa définition du centre historique et de ses limites géographiques se base sur uneconnaissance préalable des villes étudiées. Pour Lyon, le quartier de la préfecture, lieu

central des arrondissements les plus denses en emploi (1er, 2ème, 3ème – 10 000 emploi/

Km2 - et 6ème arrondissements), fait le lien entre la presqu’île et la Part-Dieu qui constituentl’hyper-centre. Bien que les limites du centre soient largement dépendantes de l’échellede diffusion de données, à savoir l’échelle communale, les migrations alternantes entrela commune de Lyon et celle de Villeurbanne ont largement dépassé ces délimitationsadministratives constituant une seule enceinte. Un quart des actifs travaillant à Villeurbannesont lyonnais et un tiers des actifs villeurbannais travaillent à Lyon en 1999. Par ailleurs,en utilisant le modèle de Bussière, dans le chapitre précédent nous avons montré quela zone dense centrale de population de l’aire urbaine lyonnaise contient la majorité desquartiers villeurbannais (jusqu’à Cusset). Cette méthode de délimitation du centre ne peutmalheureusement pas être appliquée sur les emplois, qui ne sont pas disponible à l’échelledu quartier IRIS. Dans l’aire urbaine de Marseille, le quartier de la bourse, autour du

vieux port dans le 1er arrondissement de Marseille (l’arrondissement le plus dense avec

11 600 emplois/Km2, juste avant les 6ème, 5ème, 3ème et 4ème arrondissement), constituel’hyper-centre. La commune de Marseille représente l’ensemble du centre historique. En cequi concerne l’aire urbaine de Lille, nous considérons les quartiers d’activité de Lille-centre

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Chapitre 5 : Polycentrisme et ségrégation : une comparaison sur trois aires urbaines

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se situant au sud du vieux Lille comme étant l’hyper-centre. Avec 5 000 emplois/Km2, lacommune-centre de Lille est la plus dense en emploi, juste avant Roubaix et Tourcoing.

2.1.1.2. L’identification des centres secondairesL’identification des centres secondaires pour l’analyse de la ségrégation spatiale se faitd’une manière très sélective, se basant sur deux types d’analyse : quantitative et qualitative.

La première étape se base sur une analyse quantitative des flux domicile-travailen 1999. Il s’agit tout d’abord de désigner, en dehors du centre, les communes lesplus attractives qui concentrent la majorité des emplois périphériques. Pour cela, noussélectionnons dans chaque aire urbaine les communes regroupant 2000 emplois. Celareprésente 87 % des emplois à Lyon (77 % des emplois hors centre), 91 % des emplois àMarseille (81 % des emplois hors centre) et 90 % des emplois à Lille (86 % des emploishors centre). Parmi ces communes, nous identifions celles qui sont largement dépendantesdu centre historique ou d’une autre commune. Nous considérons comme dépendante toutecommune envoyant vers une seule commune un nombre d’actifs supérieur à celui detous ses actifs travaillant sur place. L’objectif étant d’identifier des centres secondaires,les communes dépendantes du centre historique ne peuvent être retenues et sont misesen une catégorie à part. En revanche, celles qui sont dépendantes d’une autre communesont agrégées à cette dernière au sein d’un pôle d’emploi. Ce critère d’autonomie peut êtreégalement perçu comme un indicateur de mixité emplois/actifs, important pour l’analysede la ségrégation. Cela donne une première information sur la capacité de certainescommunes, comme Roubaix et Tourcoing à Lille et Aix-en-Provence à Marseille, à constituerdes vrais pôles dominant d’autres zones limitrophes à fort niveau d’emploi. Les autrescommunes de plus de 2 000 emplois non dépendantes du centre historique ni d’une autrecommune sont agrégées entre elles par contiguïté et en maximisant les flux intra-pôlespour construire des pôles d’emploi périphériques (Mignot et al. 2004). Une commune isoléepeut être également considérée comme un pôle. Cette méthode permet de différencier,dans ce qui est considéré souvent comme la périphérie, les pôles d’emplois dépendants ducentre des autres pôles d’emploi et du reste de la périphérie. Cette dernière ne concentrequ’environ 10 % des emplois et reste largement résidentielle. Elle met en avant l’influence decertains pôles, susceptibles de constituer des centres secondaires, et l’incapacité d’autreszones d’emplois à résister face au centre historique. Si l’influence des pôles de Roubaixet de Tourcoing à Lille (Carte 6) et celle d’Aix-en-Provence à Marseille (Carte 7) estincontestable, les pôles lyonnais (Carte 8), même les plus dynamiques, peinent à résisterface à un centre très dominant (Bouzouina, 2003).

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Carte 6 : Polarités secondaires à Lille mesurées par les migrations alternantesSource : élaboration propre, Données migrations alternantes INSEE, RGP 1999

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Carte 7 : Polarités secondaires à Marseille mesurées par les migrations alternantesSource : élaboration propre, Données migrations alternantes INSEE, RGP 1999

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Carte 8 : Polarités secondaires à Lyon mesurées par les migrations alternantesSource : élaboration propre, Données migrations alternantes INSEE, RGP 1999Enfin, l’analyse des migrations alternantes permet de mettre en évidence des zones

d’emplois périphériques relativement attractives et autonomes selon les trois aires urbainesétudiées. Elle montre surtout un modèle largement monocentrique à Lyon et deux modèlespolycentriques à Lille et Marseille (le premier est tricentrique voire quadricentrique et lesecond est duocentrique). Dans leur identification des centres secondaires, dans le butd’analyser l’impact du polycentrisme sur la mobilité domicile-travail, Mignot et al. (2004) etAguiléra et Mignot (2007) trouvent des résultats comparables.

La deuxième étape porte sur l’analyse qualitative des emplois selon leur secteurd’activité et le profil des actifs qui les occupent en 1999. A travers l’analyse de laspécialisation sectorielle, nous testons la capacité des pôles secondaires et d’emplois dereproduire les attributs de la centralité urbaine et de générer et concentrer les activitéstraditionnellement associées au centre qui favorisent l’interaction sociale. Les activitésde centralité ou ayant une préférence pour la centralité sont les services supérieurs auxentreprises, les activités financières et immobilières, les services aux particuliers et lecommerce de détail (Gaschet, 2001, p.253). Nous utilisons la nomenclature des emploisde l’INSEE (1994) en NES36 pour distinguer les activités liées au centre (Commerce J3,Activités financières L0, Activités immobilières M0, Conseils et assistance N2, Recherche et

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développement N4, Hôtels et restaurants P1, Activités récréatives, culturelles et sportivesP2) des autres activités périphériques pour comparer leur différents pourcentages entre lecentre historique et les pôles secondaires.

Tableau 16 : Activités de centralité dans le centre et les pôles périphériques de Lyon (%)

Pôle* CommercesActivitésfinancières

Servicessupérieursauxentreprises

servicesà lapersonne

Totalactivités dela centralité

Lyon-centre 5,9 7,4 10,4 5,7 29,4St-Fons 2,7 0,8 4,0 1,7 9,1St-Quentin_Abeau 4,0 1,8 4,5 3,3 13,5St-Priest 11,4 1,6 3,3 3,5 19,9Vaulx-en-Velin 4,4 1,5 3,4 2,3 11,6Givors 13,2 2,2 2,2 2,7 20,4Meyzieu 8,7 2,2 2,6 2,7 16,1Neuville/saone 7,1 2,0 4,7 1,9 15,8Brignais 3,6 3,7 6,8 2,0 16,1St-Vulbas 0,1 4,6 0,5 1,3 6,6Trevous 6,3 5,1 3,1 1,9 16,3L'Arbresle 7,5 4,3 3,4 2,8 18,0Montluel 3,9 5,3 2,4 3,8 15,4Pont-de-Cheruy 5,6 0,5 2,5 3,6 12,2Aire Urbaine 6,1 4,4 7,6 4,3 22,4

* les différents pôles sont classés par ordre décroissant selon le nombre d’emploi ;Source données RGP 1999

La répartition des activités de la centralité par secteur dans chaque pôle de l’aire urbainelyonnaise confirme la dominance du centre historique déjà constatée à travers l’analysequantitative des migrations alternantes. 29,4 % des emplois du centre sont des emploisde centralité, dont 10,4 % sont des emplois de services supérieurs aux entreprises, ce quiest de loin le pourcentage le plus élevé par rapport aux autres pôles (Tableau 16). Lespôles périphériques de Saint Priest ou de Givors, très accessibles au centre, sont largementspécialisés dans les activités de commerce et concentrent notamment les grandes surfaces.Le poids des autres pôles reste très faible à l’image de celui de Saint Quentin Fallavier quiregroupe la Ville Nouvelle de l’Isle d’Abeau.

Dans l’aire urbaine de Marseille, le centre historique maintient les activités de centralitémais il est largement concurrencé par le centre secondaire d’Aix en Provence. 30,1 % desemplois à Aix sont des emplois de centralité contre seulement 24,1 % à Marseille (Tableau17). De plus, le pourcentage des emplois dans les services supérieurs aux entreprisesest nettement plus élevé à Aix par rapport à Marseille (10,7 % et 5,4 %, respectivement).De ce point de vue, l’hypothèse de substituabilité est confirmée même s’il est difficile deprétendre que le processus d’intégration de la ville d’Aix en Provence a conduit à un déclindu centre historique. Le pôle secondaire d’Aubagne, proche du centre, concentre 27 % desemplois de centralité, mais il est plus spécialisé dans les activités de commerce. Cette formeduocentrique particulière de l’aire urbaine de Marseille permet d’analyser, par la suite, larelation entre le centre historique et le centre secondaire en ce qui concerne la ségrégationsocio-spatiale et de la comparer à l’aire urbaine monocentrique de Lyon.

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Tableau 17: Activités de centralité dans les centres et les pôles périphériques de Marseille (%)

Pôle* CommercesActivitésfinancières

Servicessupérieursauxentreprises

servicesà lapersonne

Totalactivités dela centralité

Marseille-centre 7,6 6,0 5,4 5,1 24,1Aix-en-Provence 8,1 5,2 10,7 6,0 30,1Vitrolles 7,6 1,4 3,8 3,7 16,5Martigues 7,8 2,9 4,0 4,2 18,9Aubagne 13,6 3,6 4,7 5,0 26,9Rousset 3,7 1,2 1,8 2,3 9,0St-Maximin 9,2 2,8 4,7 4,6 21,3Aire Urbaine 8,1 4,7 5,9 5,0 23,7

* les différents pôles sont classés par ordre décroissant selon le nombre d’emploi ;Source données RGP 1999

L’analyse sectorielle des activités dans les centres secondaires et les pôles lillois(Tableau 18) est la meilleur illustration de la nécessité de distinguer entre le principe decentre et centralité (Gaschet et Lacour, 2002). Alors que le centre secondaire de Tourcoingest attractif et domine plusieurs zones d’emplois, il est incapable de reproduire les activitésde la centralité et reste largement spécialisé dans les commerces. En revanche, le pôle deVilleneuve d’Ascq, ancienne Ville Nouvelle (1970-1983) très accessible au centre de Lille,est moins influent sur le marché local mais il parvient à recréer des activités centrales tellesque les services supérieurs aux entreprises et les services à la personne.

Tableau 18 : Activités de centralité dans les centres et les pôles périphériques de Lille (%)

Pôle* CommercesActivitésfinancières

Servicessupérieurs auxentreprises

servicesà lapersonne

Totalactivités dela centralité

Lille-centre 6,0 8,1 7,3 7,0 28,3Roubaix 15,3 6,5 6,0 2,9 30,7Tourcoing 10,6 2,7 3,0 2,8 19,2Villeneuve-d'Ascq

8,4 2,0 14,9 4,9 30,2

Lomme 8,7 2,0 3,2 4,4 18,3Seclin 5,3 3,4 12,6 2,3 23,6Orchies 7,9 3,0 4,3 3,4 18,6 Aire Urbaine 9,0 5,1 7,0 4,4 25,5

* les différents pôles sont classés par ordre décroissant selon le nombre d’emploi ;Source données RGP 1999

À une échelle plus réduite, le pôle de Seclin est spécialisé dans les services supérieursaux entreprises, profitant sûrement de la présence de l’aéroport sur son territoire. Lecentre secondaire de Roubaix est celui qui se rapproche le plus du centre, mais son faiblepourcentage des services à la personne et la forte présence des activités de commercefont de lui un centre complémentaire au centre historique. Il est également spécialisé, avecTourcoing, dans l’industrie des biens intermédiaires (industrie textile, industrie du bois etdu papier, chimie et plastique, métallurgie et transformation des métaux). Lille se confirme

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Chapitre 5 : Polycentrisme et ségrégation : une comparaison sur trois aires urbaines

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en tant que ville polycentrique avec trois pôles secondaires importants. Les deux ancienscentres secondaires sont influents mais relativement pauvres alors que le pôle récent estplus riche mais, par sa proximité (à 10 minutes seulement de Lille), il est susceptible d’êtreune extension du centre historique.

L’analyse des emplois selon le profil de leurs occupants renforce les résultats de laspécialisation sectorielle des activités. Alors que les emplois de cadres sont plus concentrésdans le centre, par le besoin de contact, les emplois d’ouvriers sont beaucoup moinsprésents par rapport à l’ensemble de la ville. La surreprésentation des emplois de cadreset la faible part des emplois ouvriers à Aix en Provence par rapport à l’ensemble de l’aireurbaine (20,4 % contre 15,5 % et 15,8 % contre 18,9 %, respectivement) confirment saressemblance au centre de Marseille et son statut de centre secondaire substituable. Enrevanche, le pourcentage des emplois d’ouvrier est plus élevé dans les centres secondairesde Roubaix et Tourcoing par rapport à Villeneuve d’Ascq qui concentre beaucoup de cadresgrâce, en partie, à son campus universitaire. Dans cette ville ouvrière (25,1 % d’emploisouvriers, Tableau 19), la division spatiale de l’emploi constatée à l’échelle communale estaccompagnée, comme nous allons le voir, par une ségrégation résidentielle.

Tableau 19 : Spécialisation des emplois selon la catégorie socioprofessionnelle de leurs occupants(fonctionnelle)

AgriculteursArtisanset Chefsd'entreprises

Cadres Professionintermédiaire

Employés Ouvriers

Lyon-centre 0,0 6,1 20,6 28,1 31,0 14,2Aire Urbaine 0,8 6,3 15,8 27,2 27,3 22,7Marseille-centre 0,1 6,2 16,3 27,4 33,9 16,0Aix-en-Provence 0,3 6,4 20,4 27,1 30,0 15,8Aire Urbaine 0,4 6,7 15,5 26,9 31,7 18,9Lille-centre 0,0 3,7 17,5 28,7 36,0 14,2Roubaix 0,1 4,6 11,9 24,7 29,3 29,4Tourcoing 0,3 5,2 9,8 22,3 26,9 35,6Villeneuve-d'Ascq 0,1 2,6 21,8 27,6 28,0 19,9Aire Urbaine 0,5 4,6 14,1 25,8 30,0 25,1

Source données RGP 1999, sondage au 1/4Au-delà de la comparaison monocentrisme/polycentrisme à travers les trois aires

urbaines, il est intéressant de comparer les deux formes polycentriques de Lille et Marseille.D’un côté, nous avons un centre secondaire riche et concurrent (Aix en Provence) et del’autre coté, deux centres secondaires pauvres et complémentaires (Roubaix et Tourcoing).

2.1.2. Trois villes comparables par rapport aux déterminants de laségrégation Avant de tester le rôle potentiel des centres secondaires dans la ségrégation spatiale àtravers la comparaison de Lyon, Lille et Marseille, il est important de vérifier si les différencesde niveaux de ségrégation ne sont pas liées aux autres déterminants. Au-delà de la structureurbaine, le niveau de ségrégation spatiale est effet déterminé par la taille de la ville, parsa structure soio-démographique et économique mais aussi par son histoire et celle despolitiques de logement (Cf. chapitre 4).

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Ségrégation spatiale et dynamiques métropolitaines

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Nous nous focalisons sur les facteurs les plus discriminants, car il est impossiblede neutraliser l’ensemble des critères. L’objectif est de montrer que la comparaison n’estpas biaisée par d’autres facteurs indépendamment de la structure urbaine. Tout d’abord,parmi l’échantillon des 100 aires urbaines de plus de 80 000 habitants (Tableau 20),les trois villes sont comparables par rapport au critère de la taille de population quiaffecte la ségrégation d’une manière non linéaire (logarithmique). Il s’agit des trois seulesaires urbaines dépassant un million d’habitants après la métropole parisienne (11 millionsd’habitants). Ensuite, nous savons que la concentration des logements sociaux favorise laségrégation spatiale. Mais, par rapport à une moyenne de 15 % de logements HLM, unminimum de 4 % (à Fréjus) et un maximum de 36 % (à Creil), les trois aires urbaines restentrelativement comparables même si Marseille frôle le 15 %. La forte présence des emploisde cadres d’entreprises favorise, également, la ségrégation spatiale. Lyon est relativementmieux dotée car elle est proche du maximum à Grenoble (9,5 %), mais le pourcentage dansles trois villes est supérieur à la moyenne (4,5 %). Enfin, le nombre de retraités est censébaisser la ségrégation spatiale d’une ville. Même si Marseille concentre un niveau plus élevéde cette catégorie sociale par rapport à Lille et Lyon, il reste équivalent à la moyenne des100 aires urbaines (hors Paris).

Ces aires urbaines sont également comparables par rapport à d’autres facteurs, commele nombre d’étrangers. Cependant, le taux de chômage est nettement moins élevé à Lyonet le pourcentage des logements construits pendant les trente glorieuses est beaucoup plusélevé à Marseille. Cela montre la difficulté de neutraliser l’ensemble des déterminants de laségrégation, surtout face à la rareté des villes clairement polycentriques (Anas et al. 1998)et souligne bien les limites de notre démarche.

Tableau 20 : Niveau des principaux déterminants de la ségrégation spatiale à Lyon, Marseille et Lille enfonction des 100 aires urbaines (*Hors Paris)

Taille depopulation

HLM Emploiscadresentreprises

Retraités

Lyon 1 648 216 19% 8,5% 19%Marseille 1 516 340 15% 6,6% 22%Lille 1 143 125 18% 7% 18%Min100AU 78 500 4% 2% 17%Max100AU 1 648 216 36% 9,5% 30%Moyenne 100 AU* 380 000 15% 4,5% 22%

Source : données RGP 1999

2.2. Processus de ségrégation à l’échelle communaleL’analyse des inégalités intercommunales effectuée dans le chapitre 3 à partir des indicesglobaux et des revenus moyens montre une ségrégation croissante entre 1984 et 2004, maisassez proche dans les 3 aires urbaines de Lyon, Lille et Marseille. Cependant, la périodede récession (1990-1996) qui a touché les trois villes était accompagnée par une baissedes inégalités intercommunales à Lyon mais une hausse à Lille et Marseille. L’analyse del’indice de Gini nous permet de constater que Marseille a toujours été l’aire urbaine la plusségréguée à l’échelle communale, alors que Lyon est devenue la moins ségréguée depuiscette phase de récession économique (Figure 36).

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Chapitre 5 : Polycentrisme et ségrégation : une comparaison sur trois aires urbaines

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Figure 36 : Inégalités intercommunales à Lyon, Lille et Marseille entre 1984 et 2004Source : élaboration propre ; données DGIAvant 1990, l’aire urbaine de Lyon était plus marquée par les inégalités

intercommunales que l’aire urbaine lilloise. Cependant, les résultats obtenus par les indicesglobaux nécessitent d’être complétés.

L’analyse fine des revenus et de la répartition des foyers fiscaux confirme ce résultat,en montrant que les deux aires urbaines polycentriques sont largement plus ségréguées.Loin d’atténuer la ségrégation spatiale, les centres secondaires semblent la renforcerencore plus. Par ailleurs, l’analyse des migrations résidentielles permet d’apporter desinformations complémentaires en soulignant l’attraction des centres vis-à-vis des différentsgroupes sociaux. La définition des groupes varie de la simple dichotomie séparant lesfoyers imposables des non imposables à une prise en compte des différentes catégoriessocioprofessionnelles.

2.2.1. Analyse des revenus et des foyers fiscaux de 1984 à 2004L’analyse de la répartition des foyers fiscaux non imposés sur les aires urbaines de Lyon,Lille et Marseille confirme le constat d’une concentration encore plus forte qu’il y a vingt ans,au-delà de l’effet des mesures de recomposition des tranches d’imposition (notamment en1986 et 1996). La concentration des foyers non imposés a augmenté dans les trois airesurbaines notamment entre 1984 et 1996. Nous savons, par ailleurs, que le revenu moyendes communes les plus pauvres a notablement baissé pendant cette même période (Cf.chapitre 3).

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Ségrégation spatiale et dynamiques métropolitaines

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Figure 37: Concentration des foyers nonimposés à Lyon, Lille et Marseille entre 1984 et 2004

Source : données DGI Lecture : Y% des foyers fiscaux non imposés de l’aire urbainehabitent dans des communes où ils sont au moins X%.

Bien que la concentration de ces populations soit plus faible dans l’aire urbainelyonnaise par rapport à Marseille et Lille (Figure 37), elle a tout de même augmenté. En1984, 2 % des foyers non imposés de l’aire urbaine habitaient dans des communes où ilsétaient majoritaires (au moins 50 % par commune). En 1986, leur pourcentage a beaucoupaugmenté (égal à 15 %), en grande partie à cause des mesures fiscales. Aujourd’hui, pour lemême seuil de 50 % par commune, ils représentent 20 % des foyers fiscaux de l’aire urbaine.En 2004, dans les deux aires urbaines de Lille et Marseille, 60 % des foyers non imposéshabitent des communes où ils sont majoritaires en 2004 (au moins 50 % des habitants),alors qu’ils ne représentaient que 40 % en 1986. Ce constat est encore plus clair à desniveaux de seuils plus élevés. Alors qu’aucune commune n’atteignait le seuil de 70 % defoyers non imposés en 1986, aujourd’hui parmi l’ensemble de ces foyers, 11 % de lillois et14 % de marseillais se retrouvent concernés au sein de ces communes (Figure 37).

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Chapitre 5 : Polycentrisme et ségrégation : une comparaison sur trois aires urbaines

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L’analyse des seuils de concentration (Cf. chapitre 2) des foyers fiscaux non imposésmontre qu’en effet les deux villes polycentriques sont plus ségréguées quelque soit le seuilretenu. L’aire urbaine de Marseille est celle qui concentre le plus les ménages modestes, quine correspondent pas seulement à des chômeurs mais aussi à des ouvriers et des retraités.Cela dit, cette lecture à partir de plusieurs seuils reste a-spatiale d’où l’intérêt de préciserles territoires concernés par la polarisation des foyers modestes et de les suivre dans letemps, tout en soulignant le rôle du centre, des centres secondaires et des autres zonesd’emploi périphériques précédemment identifiés.

Au-delà de la tendance à la gentrification qui est susceptible de concerner certaineszones de la partie centrale de la ville et de la proche périphérie, ce sont les mêmes territoiresde la ville qui concentrent la grande partie des populations modestes et cela depuis vingtans. L’analyse de la répartition des foyers fiscaux non imposés à l’échelle communale révèleun renforcement de leur concentration sur les communes les plus pauvres (Cartes 9, 10 et11). Cette tendance est très nette pendant la période de croissance économique favorable(1984-1990) mais aussi pendant la période de récession qui l’a suivie (1990-1996). Même enprenant en compte l’effet potentiel de mesures de recomposition des tranches d’imposition,nous constatons, sauf quelques exceptions, que la part des foyers non imposés a égalementaugmenté notamment entre 1986 et 1996 sur les communes les plus pauvres dans lestrois aires urbaines étudiées. Si au contraire, la part de ces foyers modestes baissedans certaines communes, cette légère baisse est loin de compenser la forte croissanceenregistrée durant la période précédente.

D’une manière générale, le revenu moyen augmente dans le centre de Lyon et lepourcentage des ménages aisés accroît, entre 1984 et 2004, même s’il décroît dans les

8ème et 9ème arrondissements et dans la commune de Villeurbanne, marqués par uneforte concentration des populations dans certains quartiers proches de la périphérie classésen ZUS.

Figure 38 : Évolution du revenu moyen dans lecentre, les zones d’emplois périphériques et la périphérie

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Source : élaboration propre, données DGIAu-delà de la bonne santé du centre de Lyon, c’est notamment le reste de la

périphérie (cette périphérie ne contient que 13 % des emplois de l’aire urbaine, selonnotre zonage : Carte 8) qui voit son niveau de revenu augmenter. Elle rattrape en 2004la zone d’emploi périphérique de l’ouest, qui a toujours attiré une population largementaisée et un fort niveau d’activité, à l’image d’Écully, et pour laquelle le revenu des ménagescontinue d’augmenter (Figure 38). Nous appelons zones d’emplois périphériques ou pôlespériphériques l’ensemble des communes de plus de 2000 habitants qui n’appartiennentni au centre ni à un centre secondaire. Cela revient à écarter les centres (historique etsecondaires) et le reste de la périphérie. Bien qu’elles appartiennent à la même couronne,le contraste entre les zones d’emploi de l’est et de l’ouest lyonnais en termes de revenudes ménages est flagrant. Les ménages habitant les zones d’emploi de l’est sont de loinles plus modestes (Figure 38).

Carte 9: Pourcentage des foyers fiscaux non imposés par communeet leur évolution entre 1984 et 2004 dans l’aire urbaine de Lyon

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Chapitre 5 : Polycentrisme et ségrégation : une comparaison sur trois aires urbaines

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Source : élaboration propre, données DGIEn effet, les foyers modestes dans les communes de l’est et du sud de la proche

périphérie lyonnaise sont encore plus concentrés qu’il y a une vingtaine d’années sur lesmêmes espaces que les pôles d’emploi spécialisés dans les activités d’exécution (Carte 9).Même avec les efforts de renouvellement urbain, la commune de Vaulx-en-Velin concentreencore la part la plus importante des foyers non imposés (66 %), alors que les communesde l’ouest lyonnais, à l’image de Saint Didier au Mont d’Or ou de Charbonnières les Bains,frôlent à peine les 20 % depuis 20 ans. Cette opposition est/ouest en première couronne (detype Hoyt) vient compléter un monocentrisme lyonnais marqué également par une deuxièmecouronne à dominante aisée et une périphérie lointaine à dominante modeste.

Carte 10 : Pourcentage des foyers fiscaux non imposés par communeet leur évolution entre 1984 et 2004 dans l’aire urbaine de Marseille

Source : élaboration propre, données DGILe revenu moyen du centre historique de l’aire urbaine de Marseille baisse

considérablement entre 1984 et 1999 même s’il commence à se stabiliser et légèrement

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augmenter (Figure 39). Ce sont toujours les mêmes territoires, au nord de la commune

(du 1er au 3ème et du 13ème jusqu’au 16ème arrondissement), qui concentrent les plusforts pourcentages de foyers modestes qui dépassent largement la seule catégorie deschômeurs. Alors qu’ils étaient déjà parmi les plus polarisés de France, la concentration desfoyers non imposés a encore augmenté de plus de 40 % dans les communes pauvres ducentre, entre 1984 et 2004. Aujourd’hui, plus de 70 % des foyers fiscaux ne sont pas imposésdans ces communes (Carte 10) qui regroupent 20 % des foyers non imposés de l’aireurbaine marseillaise. En revanche, le centre secondaire d’Aix-en-Provence est riche, mêmes’il se fait rattraper par le reste de la périphérie à cause de la forte baisse de son revenu et dela croissance de la part des foyers non imposés entre 1990 et 1998. Seules les migrationsrésidentielles peuvent expliquer le lien entre le relatif déclin du centre, la dynamique de lapériphérie et du centre secondaire et la croissance de la ségrégation spatiale dans cette ville.Il y a sans doute des raisons historiques, mais cette forme polycentrique semble favoriserla croissance des revenus et des ménages aisés au niveau du centre secondaire et lapériphérie qui entoure les deux centres.

Figure 39 : Évolution du revenu moyen dans le centre, le centre secondaire,les zones d’emploi périphériques et la périphérie de Marseille et Lille

Source : élaboration propre, données DGIDans l’aire urbaine lilloise, le revenu moyen baisse dans le centre historique de la ville

et dans le centre secondaire de Roubaix (Figure 39) et la part des ménages modestescontinue d’augmenter. Même si les deux centres secondaires de Roubaix et Tourcoingintègrent dans leurs périphéries des communes convoitées par les ménages aisés commeCroix et Mouvaux, leurs revenus restent largement inférieurs à celui de la zone d’emploipériphérique, proche des centres, ou du reste de la périphérie. Cette dernière a, depuis1984, largement renforcé les écarts de revenu avec les zones d’emploi traditionnellementles plus riches qui se trouvent autour des centres. Si on considère que le revenu estun critère d’influence sur la structure urbaine, en principe corrélé au prix de l’immobilier,alors l’influence des centres secondaires, si elle existe, se manifeste davantage dans lespériphéries (McMillen, 2003). Les ménages aisés semblent plus attirés dans le choix deleur espace résidentiel par les conditions et les aménités périphériques que par la proximitéphysique des centres et des lieux de production polarisés par les ménages modestes. Faceà la rareté des espaces périphériques par la polycentralité resserrée et la forte densité etde la ville, mais aussi le besoin d’accessibilité aux centres, les ménages les plus offrantsse retrouvent concentrés sur quelques espaces privilégiés, renforçant ainsi la ségrégationspatiale.

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Chapitre 5 : Polycentrisme et ségrégation : une comparaison sur trois aires urbaines

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Carte 11 : Pourcentage des foyers fiscaux non imposés parcommune et leur évolution entre 1984 et 2004 dans l’aire urbaine de Lille

Source : élaboration propre, données DGILes ménages modestes sont de plus en plus concentrés dans le centre, les centres

secondaires et les autres zones d’emplois périphériques. Les zones les plus marquéespar la concentration des ménages aisés se trouvent en périphérie sous forme de ceinturesconnectées aux centres, parfois à travers des zones intermédiaires (Carte 11), commesi l’objectif était de minimiser le contact avec les zones centrales polarisant une fortepopulation modeste. Le raisonnement du modèle de Anas (2007) sur les conditions dela formation du ghetto sectoriel (Cf. chapitre 1), décrit dans le premier chapitre, peutexpliquer la concentration des ménages aisés sur ces ceintures sectorielles afin d’éviter lecontact avec les populations modestes (ouvriers et personnes sans activité professionnelle)surreprésentées dans l’aire urbaine de Lille. Au niveau des centres, le pourcentage desfoyers fiscaux non imposés augmente de plus de 40 % dans les communes de Roubaix,Tourcoing, Wattrelos et Hem, alors qu’elle augmente de 30 % dans le centre de Lille. Lesdeux communes de Roubaix et Tourcoing, contenant chacune plus de 60 % des foyers non

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imposés, concentrent à elles seules plus de 20 % des foyers non imposables lillois en 2004,alors que le centre historique polarise 23 % de cette population. Les populations lilloises lesplus modestes semblent attachées à la centralité historique à Lille, Roubaix et Tourcoing et/ou les populations aisées montrent une grande préférence pour les aménités périphériques.Les communes qui gagnent sont celles qui entourent immédiatement les centres et surtoutcelles qui se retrouvent au milieu de ces centres, y compris le pôle secondaire de Villeneuved’Ascq. Les ménages aisés de ces zones profitent à la fois de l’accessibilité à l’emploi etdes aménités périphériques.

La concentration des populations modestes est nettement plus importante dans lesaires urbaines de Marseille et Lille par rapport à l’aire urbaine lyonnaise. Le centre historiquedes deux villes polycentriques concentre plus de populations modestes par rapport aucentre de Lyon. Les centres secondaires à Lille et Marseille sont aussi marqués par lapolarisation des différentes classes de populations. Nous retrouvons d’un côté, un centred’Aix en Provence polarisant les riches, et de l’autre, des centres secondaires de Roubaix etTourcoing polarisant les populations modestes. Dans ces deux villes, la présence de centressecondaires, bien qu’ils soient différents, semble renforcer la ségrégation spatiale au lieu del’atténuer. L’analyse de la concentration des foyers fiscaux montre également une relativeséparation entre les pôles d’emplois, acceuillant souvent des ménages modestes, et leszones de concentration des ménages aisés.

Nous avons jusque là interprété la croissance des disparités intercommunales derevenu et de concentration des ménages modestes comme le résultat d’un processusségrégatif, en analysant les « photos » successives des différents territoires. Cependant,l’accroissement des disparités territoriales, à cause de la hausse de la part d’un groupedans un lieu ou de la baisse de celle d’un autre groupe dans un autre lieu, peut être laconséquence des différents mécanismes de transformations sociodémographiques ou desoldes migratoires ( Fillipi, 2007). L’analyse des migrations résidentielles des différentsgroupes sociaux permet de préciser si cette évolution est liée aux phénomènes migratoiresentre les territoires ou à une mobilité sociodémographique au sein du même territoire.Elle permet d’apporter des explications à l’évolution inégalitaire du niveau de revenu etde la ségrégation entre le centre, les centres secondaires et les périphéries constatéeprécédemment.

2.2.2. Catégories sociales et mobilités résidentielles entre 1982, 1990 et 1999L’analyse des migrations résidentielles vise à comprendre le rôle des centres seondairesdans le renforcement des disparités entre les territoires et de l’homogénéité à l’intérieur dumême territoire, dans chaque aire urbaine polycentrique. Malheureusement, les périodesdes trois recensements (1982, 1990 et 1999) ne permettent pas de lier d’une manièreprécise les flux migratoires aux fluctuations des revenus selon les rythmes de la croissanceéconomique. Par exemple, il est difficile d’expliquer, au-delà de la seule évolution desrevenus entre les communes (Cf. chapitre 3), comment et par quel mécanisme la périodede récession (1990-1996) a réduit la ségrégation spatiale à Lyon alors qu’elle l’a augmentéà Lille et Marseille, à travers les migrations résidentielles des ménages. Cette difficulté nousconduit à caler notre analyse sur les deux périodes issus des recensements (1982-1990et 1990-1999), suivant les catégories socioprofessionnelles. Dans chaque recensement,des questions sont posées sur la commune de résidence actuelle et sur la communede résidence antérieure de chaque individu. Il est important de signaler que le niveaud’observation concerne l’individu et non pas le ménage.

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Chapitre 5 : Polycentrisme et ségrégation : une comparaison sur trois aires urbaines

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Notre travail consiste tout d’abord à analyser la répartition des différentes catégoriessocioprofessionnelles (cadres, artisans et chefs d’entreprises ; professions intermédiaires ;employés ; ouvriers, retraités ; autres personnes sans activité professionnelle) entrele centre, les centres secondaires, les zones d’emploi périphérique (pôles d’emploidépendants du centre et pôles d’emploi périphériques) et le reste de la périphérie, en 1982,1990 et 1999. Nous tentons ensuite d’expliquer les évolutions de la répartition socio-spatialeà partir des migrations résidentielles, dans chaque aire urbaine, en nous focalisant sur leséchanges migratoires et sur la nature de la relation entre le centre historique et les centressecondaires.

2.2.2.1. Lyon : vers un centre mixte dominant une proche périphérieségréguéeL’analyse des revenus fiscaux a montré un centre qui s’enrichit entre 1982 et 1990 avant deperdre en revenu moyen entre 1990 et 1999. Dans l’ensemble, le revenu moyen du centreaugmente légèrement entre 1982 et 1999 (Figure 38).

Les évolutions des catégories sociales à l’intérieur du centre sont marquées par lacroissance de la part des cadres et des professions intermédiaires et par la baisse de celledes ouvriers et des employés. Contrairement à ce qu’on peut imaginer, l’accroissementdu nombre des cadres est davantage le résultat des fortes mobilités sociales et destransformations sociodémographiques que celui d’un solde migratoire positif. En termesde migrations résidentielles, les cadres quittant le centre pour s’installer ailleurs sont plusnombreux que ceux attirés par le centre (-8 % entre 1982 et 1990 et -6,6 % entre 1990 et1999 : Tableau 21). Ce qui fait la différence entre la première période de croissance desrevenus et celle de leur décroissance au niveau du centre est probablement la forte fuitedes ouvriers (-5,8 %), des retraités (-13 %) et des personnes sans activités professionnelle(-8,3 %) entre 1982 et 1990. Pendant la période 1990-1999, le centre est désormais plusattractif vis-à-vis des populations moyennes et modestes et notamment des professionsintermédiaires (+6,4 %) et des employés (+9 %). Cette évolution a sans doute contribué àla mixité sociale entre les populations aisées restant à l’intérieur du centre et l’ensembledes classes moyennes et modestes. Pour comprendre l’évolution de la ségrégation et lerôle du centre dans ce phénomène, il est important d’identifier les territoires d’origine deces populations et les territoires de destination des cadres sortants du centre. Les zonesd’emploi périphériques sont attractives seulement entre 1982 et 1990 alors que le reste de lapériphérie continue d’attirer l’ensemble des catégories sociales pendant les deux périodes(Tableau 21), marquant ainsi la continuité de la tendance générale de l’étalement urbain.

Nous constatons tout d’abord qu’une grande partie des cadres quittant le centre deLyon est attirée par les communes appartenant aux zones d’emplois périphériques (horscentres et reste de la périphérie). S’ils étaient 47% à emménager dans ces pôles et 41 % àaller en périphérie entre 1982 et 1990, ils sont plus nombreux, entre 1990 et 1999, à fairele choix de la proximité du centre (52 % pour les pôles d’emplois périphériques contre 36 %pour le reste de la périphérie).

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Ségrégation spatiale et dynamiques métropolitaines

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Tableau 21: Évolution des catégories sociales sur les différentsterritoires de l’aire urbaine de Lyon et leurs mobilités résidentielles

Source : données RGP 1982, 1990, 1999Nous savons par ailleurs que parmi les migrants à l’intérieur de l’aire urbaine de Lyon

entre 1990 et 1999, les cadres sont les seuls à se rapprocher du centre en changeant decommune de résidence (en 1999, ils habitent à 16,2 Km du centre au lieu de 16,5 Km en199064). Cela dit, les cadres sortants du centre font souvent le choix de l’ouest lyonnais, etparticulièrement les communes relativement aisées de Caluire, Sainte-Foy-lès-Lyon, Tassinou Écully, mais aussi des communes de l’est lyonnais comme Meyzieu, Genas ou Rillieux-la-Pape.

En revanche, la relative mixité retrouvée à l’intérieur du centre s’opère au prix d’undépart vers le centre des employés et des personnes exerçant une profession intermédiairedes communes les plus pauvres de la proche banlieue est, notamment entre 1990 et 1999.C’est notamment le cas de la commune de Vaulx-en-Velin, Vénissieux, Bron ou Saint-Priest, marquées également par la mobilité résidentielle vers d’autres communes voisinesde la périphérie comme Meyzieu ou Décines-Charpieu. Cela dit, la cause du déclin de cescommunes n’est pas tant la fuite dont le taux reste relativement stable que l’évitement desclasses moyennes et aisées mais aussi des catégories modestes à l’image de ce qui s’estpassé à Vaulx-en-Velin (Tableau 22). Ce constat montre l’importance de l’image et la forcedes effets de stigmatisation dans le processus ségrégatif (Cf. chapitre 1). Par ailleurs etparadoxalement, les mêmes communes de Caluire et de Rillieux-la-Pape qui attirent lescadres du centre font fuir leurs classes moyennes vers le centre. Cette évolution supposeune croissance de l’hétérogénéité au sein de ces communes, entre les quartiers qui lescomposent .

Tableau 22 : Population, entrants et sortants de la commune de Vaulx-en-Velin entre 1982 et 1999

64 En revanche, les personnes exerçant une profession intermédiaire se sont éloignées en moyenne du centre en migrantvers une autre commune entre 1990 et 1999 (16,44 et 17,13 km, respectivement). Ce résultat confirme le constat de la fuite desclasses moyennes (Guilly et Noye, 2004), même si les ouvriers restent toujours les plus éloignés du centre (17,02 km en 1990 et17,85 km en 1999).

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Chapitre 5 : Polycentrisme et ségrégation : une comparaison sur trois aires urbaines

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Population 82 90 99 Entrants82-90

Sortants82-90

Entrants90-99

Sortants90-99

Vaulx-en-velin

44516 44161 38951 14728(33%)

17028(38%)

11307(26%)

17225(39%)

Source : données RGP 1982, 1990, 1999Le monocentrisme lyonnais, même s’il distingue bien l’est de l’ouest et exclut la banlieue

défavorisée, réussit à structurer avec une couronne périphérique un espace à la foisd’emploi diversifié et d’habitat relativement mixte à l’échelle communale.

2.2.2.2. Marseille : une rencontre d’un centre secondaire riche et de lapériphérie d’un centre historique résistant au déclinL’analyse des revenus fiscaux sur l’aire urbaine de Marseille nous a révélé un centrehistorique pauvre, qui continue de décliner durant les deux dernières périodes derecensement (1982-1990 et 1990-1999) et un centre secondaire riche dont le revenu moyenpar foyer fiscal augemnte légèrement (Figure 39).

L’analyse des évolutions des catégories sociales montre particulièrement une fortecroissance des retraités au centre (14 % en 1982 et 19 % en 1999) et une baissedes ouvriers (Tableau 23). Le nombre et le pourcentage des cadres, des professionsintermédiaires et des employés augmentent légèrement dans le centre de Marseille,confirmant l’image d’un centre, ou d’une partie du centre, qui ne se vide pas de ses groupessociaux moyens et aisés, malgré le déclin démographique de la première période (Tableau23). Par ailleurs, les flux migratoires montrent une fuite généralisée, notamment entre1982 et 1990, qui a particulièrement touché les populations aisées. La baisse continue durevenu dans le centre semble s’expliquer par l’accroissement de la proportion de retraités,notamment des anciens ouvriers, et par de la fuite des populations moyennes et aisées.Tout d’abord, le solde migratoire négatif des retraités (les sortants sont plus nombreuxque les entrants) montre que l’accroissement de leur nombre dans le centre est plusle résultat de la transformation sociodémographique (mobilité descendante) de certainescatégories sociales, comme celles des ouvriers par exemple. Ensuite, nous supposonsqu’il s’agit d’une fuite et non d’un évitement (Cf. chapitre 1) puisque le pourcentage decadres sortants entre 1982 et 1990 était largement supérieur à celui constaté entre 1990 et1999 (46 % contre 35 %, respectivement), alors que le pourcentage des entrants est restérelativement stable (28 % contre 31 %, respectivement). Il est donc nécessaire d’expliquerles mécanismes de la fuite du centre, illustrée par le solde migratoire négatif des cadrespendant la première période (-14 %), leurs conséquences sur la ségrégation et de soulignerle rôle du centre secondaire dans leur renforcement. La deuxième période 1990-1999 estmoins marquée par la fuite des groupes aisés. Dans ce contexte, le retour des employéset des personnes sans activité professionnelle, dont le solde migratoire est de +1,7 % et+3,1 %, respectivement, contribue au maintien de la concentration des ménages modestesdu centre. La majorité de ces populations viennent des communes d’Aubagne et de Vitrollesmais surtout d’autres communes riches comme Allauch et Aix-en-Provence renforçant ainsiles disparités intercommunales.

Le centre secondaire de Aix-en-Provence est plus riche que le centre de Marseilleet le pourcentage des cadres et des professions intermédiaires est nettement plusélevé (Tableau 23). La croissance des cadres dans le centre secondaire est liée à destransformations sociodémographiques, car le solde migratoire, bien que moins élevé qu’àMarseille, reste négatif. Il est, en revanche, plus favorable aux catégories moyennes et

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Ségrégation spatiale et dynamiques métropolitaines

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modestes, notamment entre 1990 et 1999, période pendant laquelle le revenu moyen stagneet la part des foyers non imposés augmente (Figure 39). Par ailleurs, les pôles d’emploipériphériques et le reste de la périphérie sont les territoires les plus attractifs pour l’ensembledes populations.

En analysant la fuite des cadres du centre historique, principal facteurd’appauvrissement du centre et de ségrégation spatiale, nous constatons que leurdestination privilégiée est de plus en plus la proche périphérie. Alors que 15 % des cadressortants du centre entre 1990 et 1999 s’installent à Aix en Provence et 37 % dans lesdifférents pôles d’emploi périphériques, 48 % préfèrent la périphérie résidentielle. Aix-en-Provence est la commune qui attire plus de cadres marseillais, juste avant Allauch, Cassiset l’ensemble des communes aisées de la première couronne. Cependant, 30 % des cadressortants d’Aix-en-Provence s’installent dans le centre de Marseille et 60 % s’installent enpériphérie notamment dans les communes qui entourent le centre secondaire. Cela signifiequ’en termes de migrations résidentielles, le centre secondaire est encore loin de polariserl’ensemble des populations aisées quittant le centre historique. Au contraire, il n’est pascapable de retenir ces cadres qui migrent davantage vers le centre et la périphérie. Lenombre de cadres quittant le centre secondaire pour s’installer dans le centre historiqueentre 1990 et 1999 a augmenté de 45 % par rapport à la période entre 1982 et 1990 alorsqu’il a baissé dans le sens inverse pour l’ensemble des catégories sociales à l’exception desprofessions intermédiaires. Après la première période marquée par la fuite des cadres versle centre secondaire et surtout vers le reste de la périphérie, le centre commence à devenirattractif sans toutefois renverser la tendance (solde négatif de -4,7, Tableau 23). Les deuxcentres, relativement distants permettent, grâce à leur forte accessibilité autoroutière, auxpopulations les plus aisées de s’installer dans des zones privilégiées de la périphérie touten restant au milieu des deux centralités.

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Chapitre 5 : Polycentrisme et ségrégation : une comparaison sur trois aires urbaines

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Tableau 23 : Évolution des catégories sociales sur les différentsterritoires de l’aire urbaine de Marseille et leurs mobilités résidentielles

Source : données RGP 1982, 1990, 1999L’intégration d’un centre secondaire riche dans un espace dominé par un centre

pauvre renforce la ségrégation spatiale dans l’aire urbaine de Marseille par la périphérie.La rencontre de la périphérie du centre historique avec le centre secondaire attire lespopulations aisées sur les zones les plus riches en aménités et accroît les disparitésspatiales avec le centre historique. La déconcentration des ménages aisés en périphérie estrelativement concentrée sur les mêmes territoires les plus aisés et favorise la ségrégationspatiale.

2.2.2.3. Lille : des centres qui font fuir, une périphérie qui attireLe centre historique et les centres secondaires à Lille sont marqués par une stagnationvoire une baisse des revenus par foyer fiscal, contrairement au reste de la périphérie quicreuse les écarts avec l’ensemble de la ville. La dynamique de la ségrégation spatiale

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est marquée par le double mouvement de concentration des ménages modestes dans lescentres et des ménages aisés dans les zones d’emploi en proche périphérie et en périphérierésidentielle. Cette tendance semble s’expliquer principalement par la fuite généralisée descentres et notamment de la part des cadres. Le solde migratoire de ce groupe est largementnégatif dans le centre (-28 % entre 1982-1990 et -29 % entre 1990-1999 : Tableau 24)mais aussi dans l’ensemble des centres secondaires (-10 % et -13 %, respectivement).Mais de la même manière qu’à Marseille, le centre ne s’est pas vidé grâce aux différentestransformations socio-démographqiues. Ce constat montre qu’au-delà des lieux qui font fuirces populations, d’autres espaces centraux les attirent et les maintiennent sur place. Parailleurs, seule la catégorie des ouvriers a connue un solde positif au niveau des centressecondaires et notamment dans les communes de Roubaix et Tourcoing pendant cettevague de fuite (1982- 1990). Cette évolution a renforcé encore plus leur fragilité et l’écartavec les autres zones qui accueillent les cadres, notamment en périphérie.

En effet, parmi les cadres quittant le centre historique entre 1982 et 1990 tout en restantà l’intérieur de l’aire urbaine, 25 % rejoignent les centres secondaires (dont la moitié àVilleneuve d’Ascq). En revanche, 56 % s’installent dans les zones d’emploi périphériques et19 % seulement optent pour la périphérie. Entre 1990 et 1999, les cadres quittant le centresont désormais moins nombreux que durant la période précédente à s’installer dans ceszones d’emploi périphériques très convoitées et sélectives (51 %). Ils se dirigent un peuplus vers la périphérie (25 %). Cette dernière est la zone la plus attractive pour les différentsgroupes sociaux, à l’exception des ouvriers et des retraités (Tableau 24).

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Chapitre 5 : Polycentrisme et ségrégation : une comparaison sur trois aires urbaines

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Tableau 24: Évolution des catégories sociales sur les différentsterritoires de l’aire urbaine de Lille et leurs mobilités résidentielles

Source : données RGP 1982, 1990, 1999Le polycentrisme lillois favorise la fuite des classes aisées des différents centres pour se

concentrer en proche périphérie ou en périphérie résidentielle renforçant ainsi la ségrégationspatiale.

2.2.3. Une concentration périphérique plus forte des ménages aisés enprésence des centres secondairesCette analyse des migrations résidentielles montre en premier lieu la forte attractionde la périphérie vis-à-vis des différentes catégories sociales et notamment des classesaisées et moyennes. Dans toutes les aires urbaines, le solde migratoire est favorable àla périphérie. Les cadres quittent les centres et les centres secondaires pour s’installerdans les zones privilégiées de la périphérie, sans que leur nombre et leur pourcentagene baisse grâce à des mutations sociodémographiques. Le centre, comme la ville, reste

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le lieu privilégié de mobilité sociale et de réalisation des projets. Ces évolutions résultentvraisemblablement d’un effet cycle de vie, mais notre analyse, faute de données disponibles,ne permet pas de distinguer les migrants selon le type de ménage. Cela étant, notreobjectif n’est pas d’identifier les déterminants de la périurbanisation (Andan et al. 1999),mais d’analyser les mouvements résidentiels des différents groupes sociaux par rapportaux centres secondaires et de déduire leurs impact sur la ségrégation spatiale. Unedistinction s’établit nettement entre les lieux qui attirent les emplois et les lieux qui attirentles populations, et notamment les plus aisées. Cette monofonctionalité limite, au moins,les chances de réduction de la ségrégation spatiale par l’émergence et le renforcementde centres secondaires. Dans les agglomérations de Marseille et Lille, où les centreshistoriques sont relativement pauvres, la présence de centres secondaires accélère lafuite des ménages vers les espaces périphériques les plus riches en aménités et les plusaccessibles aux différentes centralités. Cette dynamique de fuite renforce la concurrenceautour de ces espaces en faveur des ménages les plus riches et accroît la ségrégationspatiale notamment quand le centre secondaire concentre des populations pauvres.

Par ailleurs, l’échelle communale, même si elle permet d’analyser les flux migratoires,peut cacher des hétérogénéités internes. En effet, des quartiers pauvres peuvent êtrejuxtaposés à des quartiers riches au sein de la même commune (Cf. chapitre 3). L’analyseà l’échelle du quartier reflète mieux la proximité physique et apporte plus de précisionsur la distribution des ménages à l’échelle locale. Malheureusement ce découpage, dontl’utilisation statistique est relativement récente, ne permet pas d’analyse temporelle. Nousallons présenter dans ce qui suit les conclusions concernant la ségrégation que l’on peuttirer d’une analyse des données à l’échelle du quartier du recensement de 1999 et dessources fiscales de 2001.

2.3. État de ségrégation à l’échelle du quartier en 2001Au-delà des disparités croissantes et de l’homogénéisation constatées à l’échellecommunale entre le centre, les centres secondaires et la périphérie, l’objectif de l’analyseà l’échelle du quartier est de distinguer les zones de polarisation et de mixité au sein mêmedes centres. Il s’agit tout d’abord de montrer si, à cette échelle fine, les populations pauvressont plus concentrées ou réparties d’une manière encore plus homogène dans le cas desdeux villes polycentriques de Lille et Marseille.

2.3.1. Analyse des seuils de concentration des populations pauvresNous considérons comme pauvre ou à faible revenu tous les individus gagnant moins dela moitié du revenu par UC médian de l’aire urbaine ou appartenant au premier quintile,en 2001 (Cf. chapitre 2). Dans les deux cas, la concentration des populations pauvres estnettement plus élevée à Marseille puis, dans une moindre mesure, à Lille, qu’à Lyon (Figure40 et 41).

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Chapitre 5 : Polycentrisme et ségrégation : une comparaison sur trois aires urbaines

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Figure 40 : concentration des populationspauvres (inférieur à la moitié du revenu médian)

Source : données INSEE-DGI 2005

2.3.1.1 Lyon : des populations pauvres moins concentrées mais reléguéesen première couronne EstParmi les trois aires urbaines étudiées, la métropole lyonnaise est celle qui concentre lemoins les populations pauvres. En reprenant le seuil de 40 % d’habitants pauvres parquartier, nous constatons qu’il correspond à une concentration de 20 % de l’ensemble decette population. Pour un seuil de 50 %, 14 % seulement des populations pauvres habitentdans des quartiers où ils sont majoritaires, alors que contrairement aux deux autres villes,aucun quartier ne compte 70 % de pauvres ou plus.

Alors qu’en général les centres des grandes agglomérations concentrent plus depauvres que la périphérie, Lyon et Paris font l’exception (Mansuy et Pallez, 2002). Cetteréalité est souvent considérée comme un des effets pervers des politiques de la ville etnotamment de la concentration des grands ensembles dans les années 1960-1970 enpériphérie. Une étude basée sur les bénéficiaires du Revenu Minimum d’Insertion dansl’agglomération lyonnaise (Mignot et al. 2001) montre que ces populations sont localiséespartout mais à des degrés de concentration très variés. En effet, une plus grande partie dela population pauvre lyonnaise (au seuil de 50 % du revenu médian) se retrouve concentréeen première couronne, dessinant une « banane » le long de l’axe routier périphérique,de Rillieux-la-Pape jusqu’à Vénissieux, en passant par certains quartiers de Villeurbanne,

Vaulx-en-Velin et Bron. Les quartiers centraux de la Duchère dans le 9ème arrondissement

ou la Guillotière dans le 3ème arrondissement restent les seuls à concentrer encore une

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grande partie des populations pauvres par rapport à leurs voisins. Avec la croissancedes prix de l’immobilier et les tendances à la gentrification des centres, les projets derenouvellement urbain auront en principe plus de facilité à attirer des populations moyennesou aisées ayant une préférence pour la centralité. Si elle était avérée, cette évolutionpermettrait sans doute de recréer de la mixité sociale, mais risquerait de n’être qu’unepériode intermédiaire dans le cas d’une éviction de l’ensemble des populations modesteset moyennes vers des quartiers polarisés, à long terme (Cf. chapitre 1).

2.3.1.2. Marseille : des populations pauvres plus concentrées, dans la partienord du centre historiqueL’aire urbaine marseillaise est celle qui concentre le plus les populations pauvres, quel quesoit le seuil considéré (Figure 40 et 41). Plus de 40 % des populations déclarant moins de lamoitié du revenu médian de l’aire urbaine habitent dans des quartiers où ils sont au moins40 %, soit le double du niveau enregistré à Lyon. Ils sont encore 28 % à habiter des quartiersoù ils sont majoritaires (au moins 50 %), et 13 % à partager des quartiers de la ville avec aumoins 70 % de leur semblables. Même si la question de la « ghettoïsation » est difficile àaborder à travers le seul prisme du revenu, notamment dans les villes françaises où le centregarde toujours son caractère attractif, le niveau de concentration spatiale des populationsmodestes est suffisamment fort pour qualifier ces derniers quartiers de « ghettos ».

Ces quartiers à dominante pauvre représentent une entité spatiale dans la partienord du centre historique à partir du vieux port (les quartiers Saint Ferréol et Garede l’est) avec une ligne de démarcation au long de La Canebière. Ils correspondentaux mêmes arrondissements concentrant les foyers non imposables cités à l’échelle

communale, qui s’avèrent finalement très homogènes notamment dans les 1er, 2ème et

3ème arrondissements. Le pourcentage de population pauvre dans ces quartiers dépasselargement les 75 %, comme c’est le cas à Thubaneau, Montolieu et Bellevue-Pyat ou encoreà Kallisté, où au moins 30 % de la population ne déclare aucun revenu. Ces territoiresabritent des chômeurs et des ouvriers mais on y retrouve surtout un nombre important deretraités qui, contrairement aux autres villes, sont bien concentrés au centre. Les retraitésdont le nombre augmente depuis vingt ans au centre sont largement plus concentrés dansl’aire urbaine de Marseille (Cf. annexe 11).

2.3.1.3. Lille : une population pauvre attachée aux centralitésL’aire urbaine lilloise se trouve quant à elle dans une situation intermédiaire, entre Lyon etMarseille, en ce qui concerne la concentration des populations pauvres. Plus de 30 % de seshabitants les plus pauvres résident des quartiers où leur proportion dépasse le seuil de 40 %et plus d’un pauvre sur cinq habite un quartier majoritairement occupé par une populationpauvre (plus de 50 %). Cela étant, à des seuils beaucoup plus élevés (70 % ou plus), lasituation de cette aire urbaine est plus proche de celle de Marseille. Les quartiers les pluspolarisés se retrouvent dans la partie sud du centre lillois traversée par l’A25 notammentautour de la place Barthélémy-Dorez, mais également à Roubaix, Tourcoing, Hem et Mons-en-Baroeul. Ce sont les quartiers centraux lillois de Strasbourg, Concorde, Croisette etBelfort ainsi que les quartiers Roubaisiens de Trois Ponts et Alma qui concentrent plus de70 % des populations pauvres65. Ils correspondent aux territoires de la politique de la villeet notamment aux Zones Urbaines Sensibles. Contrairement à Marseille, les quartiers du

65 Ces populations sont également concentrées dans les quartiers de Pont rompu ou Schweitzer à Tourcoing, Longchamp à Hem etNapoléon, Lamartine à Mons-en-Baroeul.

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Chapitre 5 : Polycentrisme et ségrégation : une comparaison sur trois aires urbaines

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centre secondaire de Roubaix concentrent également les populations pauvres à l’imagedu centre historique. Cette forme polycentrique de l’espace urbain lillois, marquée parl’héritage de l’opposition entre quartiers ouvriers et quartiers bourgeois, semble renforcer lapolarisation des populations pauvres au lieu de les répartir sur l’ensemble de la ville.

Figure 41 : Concentration des 20% des populations les pluspauvres et les 20% les plus riches sur les trois aires urbaines

Source : données INSEE-DGI, 2005Cela dit, la forte ségrégation enregistrée à Lille à partir des indices de ségrégation (cf.

chapitre 3) est davantage le résultat de la concentration des populations aisées au niveaudes quartiers, notamment en proche périphérie. L’analyse des seuils de concentration àpartir d’une répartition par quintile de revenu confirme le fait que Marseille est l’aire urbainequi concentre les populations pauvres et montre que Lille est, en revanche, celle quiconcentre les populations les plus aisées (Figure 41) et notamment les cadres (Annexe12). Cependant, il est nécessaire d’aller au-delà de cette analyse globale dichotomiquenon seulement pour identifier non seulement les zones de polarisation spatiale des pluspauvres et des plus riches, mais aussi pour préciser celles marquées par une mixité desdifférentes classes de revenu. Les populations pauvres n’habitent certainement pas toutesdes quartiers polarisés et certains de ces ménages partagent parfois les mêmes quartiersque les populations aisées. Il est donc nécessaire de raisonner en termes de localisationrelative de ces différents espaces.

2.3.2. Analyse cartographique : polarisations et mixitésPour analyser les polarisations et les mixités de classes de revenu dans les centres,les centres secondaires et les périphéries, nous construisons, à partir d’une classificationascendante hiérarchique une typologie des quartiers de l’ensemble des trois aires urbainesselon la part de chaque quintile de revenu dans le quartier (Cf. chapitre 2). Le pourcentagedes populations pauvres, moyennes-pauvres, moyennes, moyennes-riches et riches danschaque quartier est mesuré selon la distribution des quintiles de revenu de son aire urbaine(Q1, Q2, Q3, Q4 et Q5). Par exemple, une population d’un quartier est consédérée commepauvre si elle déclare un revenu inférieur au premier quintile de l’aire urbaine. La meilleureclassification permettant de maximiser la variance interclasses (0,85) de l’ensemble des1956 quartiers de plus de 100 habitants dans les trois aires urbaines est celle en 9

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classes (Tableau 25, Annexe 13). Au-delà de l’opposition entre quartiers pauvres et riches,cette typologie permet de distinguer d’une manière fine entre les profils de mixité, cequi permet de mieux comprendre le processus ségrégatif (Cf. chapitre 1). Mais, faute dedonnées diachroniques, on ne sait pas s’il s’agit d’une mixité stable dans le temps ou d’uneconséquence provisoire d’un processus de gentrification ou, au contraire, de ghettoïsation.

Tableau 25 : Typologie en 9 classes avec leurs centroïdesSource : données INSEE-DGI, 2005

2.3.2.1. Au sein même du centre : des zones polarisées par les riches, deszones polarisés par les pauvres et des zones intermédiaires de mixitéEn France, notamment dans des villes comme Paris ou Lyon, la concentration despopulations riches au centre est justifiée dans les modèles de l’économie urbaine par lespréférences des ménages pour les aménités urbaines (Brueckner et al. 1999). Au-delà decette vision modélisatrice, le centre reste le lieu de concentration des différents groupes depopulations, en distinguant souvent les zones riches des zones pauvres par des espacesintermédiaires de mixité.

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Chapitre 5 : Polycentrisme et ségrégation : une comparaison sur trois aires urbaines

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Carte 12 : Polarisations et mixités sociales à LyonSource : données INSEE-DGI 2005

À Lyon, l’hypercentre et notamment la zone regroupant les quartiers des 2ème, 3ème

et 6ème arrondissements le long du Rhône est dominé par les populations riches (Carte 12)Cette zone riche est suivie par deux demi-cercles de quartiers relativement mixtes, mêmesi le quartier de la Guillotière semble encore résister à la gentrification. Le premier, à l’est,regroupe des quartiers occupés par des populations moyennes et modestes, à l’exception

de certains quartiers dans le 8ème arrondissement (Montplaisir) qui attirent des populationsaisées. Cependant, le deuxième demi-cercle, à l’ouest, mêle populations moyennes etaisées. Cette relative opposition devient plus marquée en première couronne où d’un côtése trouvent les quartiers pauvres de l’est lyonnais et de l’autre les quartiers riches de l’ouest(à l’exception de la Duchère). Cela dit, une grande partie du centre est occupée par despopulations mixtes.

Dans les deux villes polycentriques, le centre historique est également coupé en deuxparties (riche et pauvre) bien séparées. À Marseille, les quartiers pauvres situés au nord

du vieux port sont opposés aux quartiers riches des 7ème, 8ème et 9ème arrondissementssitués au sud (Carte 13). En effet, même dans ce centre populaire où une grande partiede la population est composée de retraités, il existe une séparation entre les quartierspauvres cités précédemment et les quartiers aisés autour de Lord Duveen, Cadenelle,Estrangin et Perrier. Cependant, les deux zones sont séparées par d’autres quartiersmixtes, relativement modestes au contact des quartiers pauvres et relativement aisés aucontact des quartiers riches. En comparant nos résultats avec des travaux antérieurs, onconstate que certains quartiers centraux d’employés et d’inactifs identifiés en 1982 (Mansuyet Marpsat, 1994, p.213-214) sont devenus des quartiers mixtes, voire aisés (Palais dejustice, Vauban ou Le Carnas). La gentrification est sélective selon les aménités urbaines

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et architecturales et touche parfois des quartiers populaires comme ceux de l’Hôtel de Ville,Joliette ou Noailles qui changeront encore de profil dans quelques années. Les autresquartiers populaires (à l’image de Belsunce ou Saint Just) et la plupart des quartiers ouvriersjeunes (aujourd’hui à dominante retraités) poursuivent leur processus de ghettoïsation etmaintiennent la ségrégation spatiale au sein du même centre.

À Lille, la partie sud polarise les populations pauvres, alors que les quelques quartierspolarisés par les riches se trouvent au nord du centre notamment dans le Vieux Lille, entreles quartiers du Grand Boulevard de la Madeleine et les quartiers de Lambersart. Ce quartierqui abritait il y a des dizaines d’années des populations pauvres est devenu un des quartiersles plus prisés de la ville et continue sa phase de gentrification, conformément au processusségrégatif décrit dans le premier chapitre (Carte 14), en attirant des ménages aisés. Celaétant, la majorité des quartiers du nord lillois sont finalement assez mixtes, contrairementà ce que montrent les lectures basées sur le seul revenu moyen. Cependant, ils peuventsuivre dans l’avenir le même chemin que le Vieux Lille, mais seules les analyses temporellesà des échelles fines permettraient de le quantifier.

Carte 13 : Polarisations et mixités sociales à Marseille

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Chapitre 5 : Polycentrisme et ségrégation : une comparaison sur trois aires urbaines

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Source : données INSEE-DGI 2005Il est plus courant de trouver des populations pauvres dans des quartiers à dominante

aisée, mais beaucoup plus rare des populations aisées dans des quartiers à dominantepauvre. Pourtant il est économiquement plus facile pour un riche de s’installer dans unquartier pauvre que le contraire. Les logements sociaux rescapés de la spéculation dumarché immobilier ont permis de maintenir les populations modestes dans des quartiersde plus en plus recherchés. La quasi-absence des populations riches dans les quartierspauvres confirme la thèse de l’évitement et de la valorisation des aménités urbaines parles ménages riches. Les populations riches sont plus sensibles à la présence d’un seuilminimum de riches dans le quartier. Cela est conforme au processus de gentrification car cesont les classes moyennes qui investissent largement les quartiers pauvres avant que lesclasses riches ne commencent à s’installer. Les politiques visant à attirer des populationsriches dans les territoires pauvres doivent s’attendre à un processus lent et sélectif selonl’image et les caractéristiques de chaque espace.

2.3.2.2. Des centres secondaires relativement polarisantsDans l’aire urbaine marseillaise, le centre secondaire d’Aix-en-Provence structure unespace polarisé dans sa majorité par des populations riches, à l’exception de quelquesquartiers centraux relativement mixtes, probablement les mêmes qui ont attiré des ouvrierset des employés entre 1982 et 1990. L’intégration du centre secondaire polarisé d’Aix-en-Provence dans l’aire de fonctionnement de la métropole marseillaise n’est pas près deréduire la dualité existant au sein du même centre historique.

Au-delà des quelques quartiers regroupant des populations modestes et moyennes,les centres secondaires de Roubaix et Tourcoing concentrent des quartiers pauvres qui seretrouvent opposés à des quartiers périphériques riches. Ils reproduisent en quelque sortele même schéma de concentration que celui du centre-sud et ouest avec Villeneuve d’Ascq.Cette forme bipolaire de la pauvreté illustre une forme particulière de ségrégation spatiale oùles populations riches sont « obligées » d’être plus concentrées dans des secteurs en formede ceinture pour conserver leur entre-soi. Les cadres sont nettement plus concentrés à Lille

(Annexe 13) et les populations riches (appartenant au 5ème quintile) de l’aire urbaine lilloisesont d’ailleurs parmi les plus concentrées en France, à l’image de la métropole parisienne.

2.3.2.3. Périphéries des villes : territoires mixtes des classes aisées etmoyennesContrairement à ce que l’on peut observer à l’échelle communale en utilisant les revenusmoyens, ce ne sont pas exclusivement les populations les plus pauvres qui sont localiséesdans les périphéries lointaines mais plutôt les classes moyennes. Ces territoires sont plusmixtes, mais plus étendus relativisant ainsi le principe de proximité physique. Cette faibledensité peut être même la condition sine qua non d’une forte hétérogénéité à l’intérieurde ces espaces car elle n’oblige pas à des interactions sociales entre les différentsgroupes (Dawkins, 2005). Les quelques zones de concentration des ménages modestes enpériphérie sont souvent liées à l’existence d’un pôle d’emploi périphérique.

À Lyon, la périphérie proche est occupée principalement par un mélange de populationsaisées et moyennes presque sans distinction entre l’est et l’ouest (Carte 12). Avec lacroissance du prix de l’immobilier dans la zone la plus centrale, cette couronne attire deplus en plus de familles aisées. La périphérie plus lointaine est mixte mais dominée par lesclasses moyennes. Les populations modestes sont encore surreprésentées à l’extrémité

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ouest de l’aire urbaine et sur les zones d’emploi périphériques de l’est lyonnais. L’analyseà l’échelle communale a déjà montré que ces surreprésentations sont très stables dans letemps.

La périphérie marseillaise est caractérisée par des quartiers dominés par les riches oupartagés avec les classes moyennes (Carte 13). Les populations les plus riches semblentprivilégier certains territoires particuliers de la périphérie en contact avec les zones richesdu centre. Ils se trouvent autour du centre secondaire de Aix-en-Provence ou à l’ouestdans la commune d’Allauch, alors que les classes moyennes et aisées occupent d’unemanière mixte le reste du territoire autour du centre et du centre secondaire. Les autresterritoires d’emploi périphériques de Vitrolles, Martigues ou Saint-Maximin concentrent despopulations modestes et moyennes.

À Lille, la périphérie séparant le centre historique des centres secondaires estlargement polarisée par des populations riches (Carte 14), notamment en suivant l’axedu Grand Boulevard Madeleine et Buisson jusqu’à Bondues en passant par Marcq-en-Baroeul ou jusqu’à la zone regroupant les quartiers riches de Croix, Hem et le sud deRoubaix (Barbieux). Cette zone est parmi les rares espaces où se juxtaposent quartierspolarisés riches et quartiers dominés par les pauvres, vraisemblablement en raison del’attraction particulière du parc de loisir. Les populations riches sont aussi concentréesdans d’autres zones périphériques précises notamment au nord ouest de Lille et surtoutà l’est du pôle de Villeneuve d’Ascq dans les quartiers de Héron et Brigode. Les quartierspériphériques riches en « sandwich » entre le centre de Lille et les centres secondairessemblent résister à la proximité des quartiers pauvres. Au-delà des nombreux espacesverts qui les séparent des centres secondaires, la forme sectorielle de ces enclavesriches traduirait peut être un choix délibéré de vivre à l’écart des populations pauvres descentres. La présence d’un centre secondaire pauvre renforce la ségrégation en poussant lesménages aisés à se concentrer en périphérie selon différents mécanismes de préférences(recherche d’entre-soi, fuite ou évitement). Par ailleurs, les périphéries plus lointainessont composées de quartiers mixtes, rassemblant principalement des populations aiséeset moyennes. Mais leur attractivité croissante vis-à-vis de ces populations, à travers lesmigrations résidentielles, est susceptible de renforcer encore les écarts avec les centreset ainsi la ségrégation spatiale à travers un mouvement de périurbanisation des moinsdéfavorisés.

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Chapitre 5 : Polycentrisme et ségrégation : une comparaison sur trois aires urbaines

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Carte 14 : Polarisations et mixités sociales à LilleSource : données INSEE-DGI 2005Finalement, les périphéries des villes apparaissent comme des lieux qui n’excluent

ni les populations pauvres ni les populations riches. Elles sont au contraire des territoiresde mixité, même si parfois ce sont les classes moyennes qui dominent. On peut certess’interroger en ce qui concerne la traduction de cette mixité en termes d’interactions socialesau sein d’espaces étendus et peu denses, mais cet état de l’étalement urbain en tant quefaible densité ne semble pas associé à la ségrégation d’un point de vue de la proximité(division sociale de l’espace). Encore une fois il ne suffit pas de densifier pour créer de lamixité dans la ville (Cf. chapitre 4). La forme polarisée de cet étalement, comme c’est le casà Lille et Marseille semble au contraire favoriser la ségrégation spatiale et l’analyse de lafuite des cadres, qui se fait d’une manière concentrée en périphérie à partir des migrationsrésidentielles, l’a bien confirmé notamment entre 1982 et 1990.

2.4. En conclusion

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Tout d’abord, cette analyse des trois aires urbaines de Lyon, Lille et Marseille apporte uneréponse nette : les deux villes polycentriques sont largement plus ségréguées. Ce résultatest valable quelque soit l’échelle prise en compte, communale ou infra-communale, et lapopulation concernée.

Bien que chaque ville constitue un modèle de ségrégation différent, la structure urbainemarseillaise est plus marquée par la concentration des populations modestes alors que cellede Lille est caractérisée davantage par la concentration des populations aisées. Cela dit,le renforcement de la ségrégation spatiale est toujours l’œuvre des populations aisées qui,fuyant souvent les quartiers pauvres du (des) centre(s), se concentrent en périphérie dansdes espaces privilégiés riches en aménités urbaines et sociales.

Dans le cas de Lyon, la ségrégation spatiale reste marquée par l’opposition est/ouesten première couronne et l’exclusion de la « banlieue ». Ce phénomène est alimenté par desmécanismes de fuite vers le centre et la périphérie, qui touchent l’ensemble des catégoriessociales et qui ne sont surtout pas remplacés. Au-delà de cet évitement, lié sans doute à uneffet d’image et de stigmatisation qui fragilise ces territoires les plus défavorisés, le centrede Lyon, toujours dynamique, parvient à accueillir des populations mixtes sur la majoritéde son territoire, y compris des populations aux revenus moyens et modestes venant deszones défavorisés. L’opposition est/ouest est nettement moins prononcée en deuxièmecouronne, qui voit apparaître des zones de mixité entre les populations moyennes et aisées,à l’écart des pôles d’emploi généralement spécialisés dans les activités d’exécution. Celan’est certainement pas suffisant pour contrer la tendance générale à la croissance de laségrégation, mais permet pour l’instant de l’atténuer, au prix d’un éloignement des classesmoyennes vers la périphérie.

L’exemple de Lyon montre que l’étalement urbain des classes moyennes et aiséespermet de recréer de la mixité sur des espaces périphériques moins favorisés. Lapériphérie lyonnaise accueille, en effet, principalement des populations moyennes, maisaussi des populations modestes au niveau des pôles d’emploi périphériques. Encoreune fois, la même périurbanisation susceptible de créer de la mixité peut égalementrenforcer la ségrégation lorsqu’elle concentre les mêmes populations sur les mêmesterritoires périphériques (Cf. chapitre 4). Pour l’instant, le monocentrisme lyonnais ou lemonocentrisme relayé, comme le qualifient Aguiléra et Mignot (2007), même s’il distinguebien l’est de l’ouest et exclue la banlieue défavorisée, arrive à structurer avec une couronnepériphérique à la fois un espace d’emploi diversifié et d’habitat relativement mixte, parrapport aux deux autres villes polycentriques.

Même si les centres historiques se maintiennent à Lille et Marseille grâce auxmutations socio-démographiques de cet espace d’intégration, la ségrégation spatialesemble principalement le résultat des mécanismes de fuite/évitement, particulièrementdes classes aisées, qui ont touché cette partie de la ville. L’aire urbaine de Marseilleconcentre l’écrasante partie de sa population pauvre dans le centre historique alors que lespopulations pauvres dans l’aire urbaine de Lille se trouvent principalement réparties entrele centre et les deux centres secondaires de Roubaix et Tourcoing. Il n’est pas étonnantqu’un polycentrisme apparaît dans deux villes où le centre est pauvre et on se demanded’ailleurs si ce n’est pas une condition pour voir émerger une telle structure urbaine. Celadit, les deux polycentrismes sont bien distingués même s’ils sont issus d’un processussemblable d’intégration de villes périphériques. Nous retrouvons, d’un côté, le centre d’Aixen Provence polarisant les riches et, de l’autre, les centres secondaires de Roubaix etTourcoing polarisant les populations modestes. Dans ces deux villes, la présence de centres

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Chapitre 5 : Polycentrisme et ségrégation : une comparaison sur trois aires urbaines

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secondaires, bien qu’ils soient différents, semble renforcer la ségrégation spatiale au lieude l’atténuer.

De manière générale, l’analyse de la répartition des ménages par rapport aux pôlesd’emploi montre une tendance à la séparation entre l’espace de production et l’espacerésidentiel des ménages aisés. Dans les villes de Marseille et Lille, où les centres historiquessont relativement pauvres, la présence de centres secondaires semble accélérer la fuite desménages vers les espaces périphériques les plus riches en aménités et les plus accessiblesaux différentes centralités. Cela renforce la concurrence autour de ces espaces en faveurdes ménages les plus riches et accroît la ségrégation spatiale, notamment quand le centresecondaire concentre des populations pauvres.

L’intégration d’un centre secondaire riche dans un espace dominé par un centrepauvre semble renforcer la ségrégation spatiale dans l’aire urbaine de Marseille par lapériphérie. La rencontre de la périphérie du centre historique avec le centre secondaireattire les populations aisées vers les zones les plus riches en aménités et accroît lesdisparités spatiales avec le centre historique. La déconcentration des ménages aisés enpériphérie est relativement concentrée sur les mêmes territoires les plus aisés et favorise laségrégation spatiale. Le polycentrisme lillois, plus ancien et plus resséré, semble renforcerla concentration des populations aisées par des mécanismes semblables. Toutefois, labipolarité de la pauvreté entre le centre et les centres secondaires représente une contraintenon seulement par rapport à la disponibilité d’espace périphérique résidentiel, mais aussipar rapport à la proximité, a priori non souhaitée, des populations pauvres. Cela produitune concentration encore plus importante et avec des formes particulières, à cause desstratégies des ménages aisés pour minimiser le contact avec les quartiers défavoriséstellement proches et de protéger l’entre-soi. C’est cette polarisation des classes aiséesen proche périphérie combinée avec la bipolarité de la pauvreté qui fait de Lille la plusségréguée des trois aires urbaines.

L’analyse de la ségrégation en lien avec le polycentrisme nous montre également ladifficulté de voir apparaître dans une seule aire urbaine un centre secondaire complètementsubstituable au centre historique (Anas et al. 1998). Même pendant les période de déclin etde fuite des ménages aisés, les centres se maintiennent grâce à leurs aménités mais aussi àleur capacité d’être un espace d’intégration et de mobilité sociale, rejetant ainsi l’hypothèsede la Mort du centre et d’autant plus celle de la ville. L’influence des centres secondaires,même les plus riches, en termes d’attraction des revenus et des ménages aisés, semblelimitée par rapport à celle de la périphérie. Les ménages aisés semblent plus attirés, dans lechoix de leur espace résidentiel, par les conditions et les aménités périphériques que par laproximité physique à des lieux de production par ailleurs accessibles. Ce constat est encoreplus vrai quand les lieux de la centralité sont polarisés par les ménages modestes. Faceà la rareté des espaces périphériques à cause d’un polycentrisme resserré marqué par laforte densité, mais aussi en raison du besoin d’accessibilité aux centres, les ménages lesplus offrants se retrouvent concentrés sur quelques espaces privilégiés, renforçant ainsi laségrégation spatiale.

Enfin, faut-il pour autant conclure à un polycentrisme ségrégatif ? Notre comparaisonreste insuffisante pour apporter une réponse définitive, notamment à cause de ladiversité des formes polycentriques. Par ailleurs, elle permet de renforcer l’hypothèsede la dominance du centre historique. Les politiques visant à faire apparaître des pôlespériphériques concurrents au centre sont vouées à l’échec à moins que ce dernier soitmarqué par le déclin. Dans ce cas, l’une des conséquences est inévitablement la croissancede la ségrégation spatiale dans l’ensemble de la ville. Il serait plus judicieux de développer

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Ségrégation spatiale et dynamiques métropolitaines

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des aménités et des logements diversifiés, notamment pour les familles, pour renforcer descentres secondaires complémentaires à un centre historique toujours important. C’est surcette idée que devrait se baser le polycentrisme organisé des villes si son objectif est deréduire la ségrégation spatiale.

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Conclusion générale

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Conclusion générale

À travers cette thèse, nous avons analysé, à l’aune des dynamiques métropolitaines,l’impact de la forme urbaine sur la ségrégation spatiale en France, en inscrivant cettedernière dans le cadre du développement durable.

Conséquences de la ségrégation spatiale, effets dequartier et ville durable

La lutte contre la ségrégation spatiale est un objectif clairement affiché dans les textes dedroit public. Pour favoriser une plus grande mixité sociale, la loi Solidarité et RenouvellementUrbains (SRU) du 13 décembre 2000 vise un minimum de 20 % de logements sociaux pourtoutes les communes ayant plus de 3 500 habitants et appartenant à une agglomérationde plus de 50 000 habitants. En effet, la ségrégation spatiale pose problème à la villedurable, non pas parce qu’elle est abstraitement associée à l’inégalité mais à cause deses conséquences négatives sur les populations pauvres polarisées, voire sur l’ensemblede la ville. Les effets de quartier sont démontrés même dans des villes suédoises oùla ségrégation socio-spatiale est probablement inférieure à celle des villes françaises ouétasuniennes (Galster et al. 2007). Les différents effets de quartier, d’hystérésis, de pairs,de stigmatisation sont puissants et peuvent déclencher un processus auto-entretenu dedéclin à travers des mouvements de fuite mais surtout d’évitement des territoires lesplus défavorisés, renforçant ainsi la ségrégation. Il était donc primordial de mesurer laségrégation en France et de chercher à comprendre ses mécanismes et ses causes pourmieux l’appréhender dans nos villes.

Les études analysant le lien entre la forme urbaine et la ségrégation spatiale sontrares et principalement américaines, pourtant les hypothèses de villes denses ou de villespolycentriques moins ségréguées sont souvent avancées en France. Il nous a alors semblépertinent d’aborder cette problématique et d’associer littérature sur les conséquences del’étalement urbain et du polycentrisme et littérature sur les causes de la ségrégation spatialedans le but de tester ces hypothèses empiriquement. Notre analyse empirique de la formeurbaine et de la ségrégation sur plusieurs villes en France est donc nouvelle et certainsrésultats restent exploratoires.

Avant de détailler l’ensemble des résultats et les principaux enseignements quien découlent, il nous semble important de montrer l’intérêt des choix méthodologiquesconcernant la mesure et l’analyse, mais aussi leurs limites et les futures améliorationspossibles.

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Intérêts et limites des choix méthodologiques de lamesure et de l’analyse

La mesurePour quantifier la ségrégation, nous avons fait appel à différents outils de mesure

simples et complémentaires permettant d’interpréter une ou deux dimensions de laségrégation spatiale à partir des revenus et des catégories sociales. Des indicateurssynthétiques globaux simples tels que l’indice de Gini ont permis de mesurer la ségrégationspatiale sur l’ensemble des régions et des aires urbaines en France durant les vingtdernières années. Par ailleurs, les analyses de cartes et des seuils de concentration ontaffiné les résultats en offrant des informations supplémentaires à une échelle fine. Ladisponibilité de l’information statistique à l’échelle de l’IRIS évolutif dans le recensement encontinu ne permettrait pas d’effectuer ce type d’analyse dans le temps. Elle favoriserait, enrevanche, les mesures par les indices synthétiques de ségrégation, capables de prendreen compte les modifications de l’échelle spatiale de mesure. La capitalisation des sourcesadministratives, telles que les données fiscales, sera certainement incontournable dansl’avenir pour effectuer des analyses spatio-temporelles complémentaires à celles fourniespar les indicateurs de ségrégation.

Enfin, ces mesures n’ont traité la ségrégation qu’à partir de la proximité, en se focalisantsur la dimension de l’inégalité et de l’homogénéité spatiales. D’autres indicateurs peuventaborder cette question à partir d’aspects tels que l’accessibilité.

L’analyseEn ce qui concerne l’analyse de la ségrégation spatiale, nous avons essayé de prendre

en compte les dimensions spatiale et temporelle. En effet, nous avons pris le soin devérifier l’imbrication des échelles, du global au local, pour mieux interpréter les résultats desanalyses effectuées au niveau communal et infra-communal. Le problème de la disponibilitédes données à l’échelle du quartier nous a conduit à réduire l’analyse de l’impact desdensités sur la ségrégation à la seule année 2001. Nous avons, en revanche, insisté, lorsde l’analyse à l’échelle communale, sur la dynamique de la ségrégation durant les vingtdernières années.

Nous avons tenté lors de l’analyse statique méso/macroscopique de l’impact dela densité et de l’étalement urbain sur la ségrégation dans les cent aires urbainesde contrôler l’effet de certaines variables comme la taille urbaine en construisant desgroupes homogènes. Mais le nombre limité d’aires urbaines ne permet pas d’étendrele raisonnement « toutes choses égales par ailleurs » pour tester l’effet proprede chaque variable. Les analyses dynamiques seront certainement plus appropriées,encore faut-il disposer des données adaptées et aller au-delà de la période des deuxderniers recensements 1990-1999, qui ne permet malheureusement pas de constater deschangements à l’échelle des villes.

La comparaison plus fine de trois aires urbaines a l’avantage de permettre l’analysedes mécanismes ségrégatifs à travers les mobilités résidentielles à l’échelle communale.En mariant revenu et catégorie sociale, nous avons pu mettre en évidence certainsmécanismes du processus ségrégatif en lien avec l’étalement urbain et le polycentrisme.La mobilité domicile-travail est un bon indicateur d’attractivité et d’autonomie des pôles, etla spécialisation sectorielle et fonctionnelle permet de distinguer leur caractère substituableou complémentaire vis-à-vis du centre historique. La mobilité résidentielle, quant à elle,

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Conclusion générale

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est révélatrice de préférences individuelles pour les aménités spatiales et l’environnementsocial. Les résultats, préliminaires, plaident à notre sens pour un prolongement de l’analysesur plusieurs aires urbaines.

Résultats et enseignementsLa ségrégation existe et se renforce

Tout d’abord, nos résultats confirment l’existence de la ségrégation socio-spatiale enFrance. Ce phénomène n’est pas un artefact d’une échelle particulière, car il est mesuré etdémontré à différentes échelles spatiales d’observation et d’analyse. L’analyse multi-échellemontre une ségrégation encore plus prononcée à des niveaux plus fins et notamment celuidu quartier. En effet, à cet échelon les inégalités spatiales de revenu expliquent parfoisplus que la moitié des inégalités individuelles, notamment dans l’aire urbaine parisienne(53 %), ce qui illustre à la fois les fortes disparités entre les quartiers et l’homogénéisationà l’intérieur de ces quartiers.

Dans plusieurs quartiers, comme c’est le cas à Marseille, à Lille et à Lyon, les ménagesles plus riches et les plus pauvres, définit à partir des quintiles de revenu, se retrouventmajoritaires (+ 50 %). Le niveau d’homogénéisation peut atteindre des seuils nettement plusélevés qui dépassent les 70 %. A Marseille, par exemple, 30 % des populations pauvreshabitent dans des quartiers où ils sont au moins majoritaires et plus de 10 % sont concentrésdans des quartiers où ils représentent au moins 70 % des populations. Cela ne signifiepas que la ségrégation est propre aux populations pauvres car dans sa dynamique, cephénomène est d’abord la conséquence des populations les plus aisées.

La ségrégation spatiale augmente du fait de la croissance des inégalités spatiales, maisaussi de l’homogénéisation de certains territoires. Nous avons montré que les inégalitésintercommunales ont continué de croître durant les vingt dernières années au niveaunational, régional et intra-urbain. Le niveau d’inégalité intercommunale, mesuré par l’indicede Gini, a augmenté de 60 % dans l’aire urbaine parisienne et a doublé dans l’aire urbainede Montpellier. La croissance des inégalités, même si elle est plus visible sur les espaces lesplus pauvres, est globalement le produit des espaces les plus riches. Pour les aires urbainescomme pour les régions, la croissance économique est polarisante. Elle est plus favorableaux territoires les plus aisés et très peu favorable, voire défavorable, aux territoires les plusmodestes. Ce constat justifie la mise en place des politiques redistributives.

La ségrégation n’est pas uniquement la traduction spatiale des inégalités individuelles,car elle est également alimentée par les mouvements migratoires qui renforcentl’homogénéité à l’intérieur des espaces résidentiels. Nous avons montré, à travers lacomparaison des aires urbaines de Lyon, Lille et Marseille, que les migrations résidentiellessont relativement sélectives et révèlent des mécanismes de recherche d’entre-soi, de fuiteet surtout d’évitement des territoires se trouvant en bas de la hiérarchie sociale, confirmantd’autres résultats antérieurs (Maurin, 2004).

Absence de lien entre les densités et la ségrégationL’analyse de l’impact de l’étalement urbain et de la faible densité sur la ségrégation

spatiale dans les 100 aires urbaines montre une absence de lien entre les deuxphénomènes. La faible densité, souvent associée à l’étalement urbain, n’est absolumentpas liée au niveau de la ségrégation de l’aire urbaine. Au contraire, les villes les plus

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ségréguées sont relativement les plus denses, notamment au niveau de leurs périphéries.Cependant, le test de l’effet des différents types de densité sur des groupes de tailleurbaine homogène nous conduit à rejeter les hypothèses d’une densité plus ou moinsségrégative. Ceci confirme l’ambigüité du lien entre densité et ségrégation soulevée auniveau théorique. Il serait difficile de prétendre à l’indépendance des deux phénomènesou encore moins d’admettre qu’une même politique de lutte contre l’étalement urbain, àtravers la densité, permettrait de favoriser la mixité sociale. Pour tester l’effet d’une politiquede densification et la conflictualité des objectifs de lutte contre l’étalement urbain et contrela ségrégation spatiale, il serait indispensable d’effectuer une analyse dynamique. Pourl’instant, le législateur, via la loi SRU, a parfaitement raison de distinguer l’objectif dedensification et l’objectif de mixité sociale.

L’hypothèse d’un polycentrisme moins ségrégatif nuancéeL’analyse exploratoire du lien entre le polycentrisme et la ségrégation spatiale à partir

des trois aires urbaines de Lyon, Lille et Marseille nous conduit à rejeter l’hypothèse d’unpolycentrisme plus favorable à la mixité sociale et moins ségrégatif. A travers l’examen dulien entre le centre et les pôles secondaires, les conditions d’émergence de ces derniers etla répartition des populations, nous avons mis en évidence trois types de polycentrisme ettrois modèles de ségrégation différents d’une ville à l’autre. Ce que nous pouvons déduirede cette analyse empirique mais aussi théorique est qu’un polycentrisme accompagnépar un déclin du centre est inévitablement ségrégatif et que les deux processus s’auto-renforcent. Par ailleurs, l’apparition de centres secondaires substituables et concurrentsau centre historique semble associée au déclin de ce dernier. Dans le contexte des villesfrançaises où le centre reste dominant, la recherche de ce type de polycentrisme pourréduire la ségrégation serait non seulement vouée à l’échec mais peut avoir des effetsinverses. En effet, même pendant les périodes marquées par la fuite des ménages aisés,le centre historique ne se vide pas de ses populations. Par ailleurs, les centres secondairesne semblent pas le concurrencer. Les ménages aisés se dirigent principalement vers lespériphéries résidentielles pour profiter de ses différentes aménités mais restent attachés aucentre historique en se localisant sur des zones accessibles. Le centre historique reste lelieu privilégié d’intégration et de mobilité sociale et la complémentarité est la caractéristiqueessentielle des polycentrismes dans les trois villes (Gaschet, 2001).

Le constat de villes polycentriques plus ségréguées n’est certainement pas suffisantpour conclure à un polycentrisme plus ségrégatif, mais permet de nuancer l’hypothèseinverse. Face à la dominance du centre et les préférences des ménages aisés pour lecadre de vie et les aménités des espaces périphériques, il serait peut-être plus efficacede renforcer la centralité des pôles secondaires complémentaires au centre historique endiversifiant l’offre de logement et des aménités pour l’ensemble des catégories sociales.

La ségrégation : métropolisation et histoire de la villeSi la densité n’influence pas la ségrégation spatiale, la taille urbaine et l’histoire de

la ville et des politiques de logement sont déterminantes. La ségrégation augmente avecla taille de la ville et le développement des activités « supérieures ». Ces mécanismesavivent la concurrence sur le marché foncier et immobilier et renforcent l’hétérogénéitéentre les différents espaces de la ville. Par ailleurs, la dimension historique est encoreprésente à travers l’opposition entre l’Est et l’Ouest issue de l’héritage de la ville industrielleet la concentration spatiale des logements sociaux associée aux politiques de grandsensembles. Ce résultat nous renvoie au débat sur l’origine de la polarisation socialeopposant la thèse de la ville globale (Sassen, 1996) et celle des politiques publiques(Hamnett, 1994). Si la polarisation sociale de la métropole parisienne est expliquée par des

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Conclusion générale

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dynamiques métropolitaines liées à la taille et à l’attractivité de et pour l’emploi supérieur,la ségrégation dans les villes moyennes est encore structurée par les facteurs historiquesdes politiques de logement.

D’ailleurs, l’un des instruments de lutte contre la ségrégation sociale vise une répartitionplus uniforme des logements sociaux sur l’ensemble du territoire. Face aux forces desmécanismes ségrégatifs, naturels ou économiques, il serait difficile d’envisager uneinversion de la tendance à la ségrégation sans politique ambitieuse de construction dedifférents types de logements répartis sur l'ensemble de la ville. Cependant, cette réponsereste évidemment partielle sans la création des conditions nécessaires à une attractionrenouvelée de l’ensemble des quartiers et des communes. La ségrégation spatiale estavant tout la conséquence auto-entretenue de la tendance « naturelle » à l’entre-soi ou àl’évitement de la part des populations aisées et moyennes.

Implications politiques : lutter contre la ségrégationspatiale

L’analyse de l’impact de la forme urbaine sur la ségrégation à l’échelle des villes n’offrepas des suggestions précises pour l’intervention des politiques publiques. Cependant, ellepermet, à travers la compréhension des dynamiques métropolitaines, d’éclairer le lien entrel’espace et l’usage du sol, le marché foncier, les préférences individuelles, les effets dequartier et la ségrégation spatiale.

Tout d’abord, la loi SRU offre un cadre général à travers l’objectif de mixité sociale,mais la lutte contre la ségrégation spatiale doit être adaptée à chaque effet de quartier.Par exemple, une politique de lutte contre un effet d’enclavement doit être distinguéed’une politique de lutte contre un effet de stigmatisation, malgré leur complémentarité. Lalutte contre la ségrégation dans certains quartiers de la ville nécessite de « casser desimages négatives » à l’origine des effets de stigmatisation et d’évitement et de « valoriserd’autres aspects ». Même si l’amélioration de l’accessibilité d’un quartier isolé favorise sondésenclavement, elle n’attire pas nécessairement des populations aisées et l’impact enterme d’image n’est pas le même selon qu’il s’agit d’une mise en service d’un bus ou d’untramway par exemple. Les tendances récentes observées dans la commune de Vaulx-en-Velin confirment cette analyse.

La solution n’est pas simple, certes, mais ce n’est pas une raison pour rejeter l’efficacitédes politiques visant l’espace. Face à l’absence d’une évaluation rigoureuse des différentespolitiques de lutte contre la ségrégation (Benabou et al. 2004), il est bien évidemmentplus facile de remettre en cause la pertinence des politiques d’aide au territoire et de lesopposer aux politiques d’aide à la personne. Pourtant, nous avons mis en évidence queles tendances de la ségrégation spatiale suivent « naturellement » les mécanismes dumarché de l’immobilier et les préférences individuelles. À travers ces deux mécanismes,les politiques visant à recréer de la mixité sociale peuvent cibler à la fois l’espace enaméliorant son attractivité pour les ménages aisés et les individus en les aidant à s’installerdans des territoires plus riches. Nous savons que le marché foncier ne constitue pas unecontrainte pour les ménages riches car ils peuvent s’installer dans tous les territoires dela ville, mais ils sont sensibles aux externalités et préfèrent ne pas habiter des quartierspauvres. Dans ce cas, la solution viserait l’espace. Nous savons par ailleurs que les

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ménages pauvres sont sensibles à l’amélioration de leur environnement social, mais lemarché immobilier leur est défavorable. Dans ce cas, la solution serait de cibler ces individusen les aidant à s’installer dans des territoires riches. Au lieu d’opposer les politiques d’aideau territoire aux politiques d’aide à la personne, il semble plus judicieux de chercher unemeilleure articulation pour mieux lutter contre le processus ségrégatif et les inégalités quil’accompagnent et l’entretiennent.

Pistes de rechercheLes travaux économiques sur la ségrégation spatiale se sont pendant longtemps focaliséssur la seule question du spatial mismatch et l’accès à l’emploi. Dans ce travail, nous avonsproposé un cadre d’analyse plus général à travers lequel nous avons effectué une analyseempirique de l’influence de la forme urbaine sur la ségrégation spatiale, en lien avec lesdynamiques métropolitaines. Nous avons apporté des éléments de réponse permettantd’éclairer cette question nouvelle, mais ce travail soulève lui-même de nouvelles questions.Au-delà des possibilités d’améliorations sur le plan méthodologique déjà soulignées, ilnous semble important de mettre en avant quelques éléments prospectifs en termes derecherche.

L’analyse bibliographique du chapitre 1 sur les conséquences de la ségrégation pose laquestion du coût de la ségrégation et de la nécessité de mesurer les effets de quartier et leurimpact à l’échelle locale mais aussi à l’échelle des villes. Cette étape est indispensable pourcomprendre les différentes dimensions et les enjeux de la ségrégation spatiale en France.

Le travail effectué dans le chapitre 3 nous a permis de souligner l’importance deséchelles spatiales dans l’analyse de la ségrégation. Si l’échelle du quartier et l’échellecommunale ont été relativement bien analysées, l’échelle de l’espace de vie mériterait êtreétudiée et précisée davantage. La comparaison des niveaux de ségrégation à l’échelledes bassins de vie sur Lyon, Lille et Marseille montre des aires urbaines plutot moinsségréguées. L’analyse de cette hypothèse sur plusieurs villes à l’échelle des espaces devie, identifiés à partir des pratiques de mobilité domicile-travail et domicile-étude, permettraitd’apporter de nouvelles réponses.

Concernant la compréhension du lien entre polycentrisme et ségrégation, les modèlesthéoriques et de simulation peuvent être d’une grande utilité. Notre modèle présenté enAnnexe 14 nous a permis de mettre en évidence l’importance de la prise en comptedu revenu dans une politique de renforcement de la densité et de la mixité d’un pôlepériphérique dont le but est de réduire la ségrégation spatiale de la ville. La décision derenforcer le centre historique ou un pôle périphérique dépend d’une manière complexedu revenu de ce dernier. Ce travail nécessite d’être affiné. D’autres types de simulationsintégrant la dynamique des préférences individuelles de type Schelling dans un modèlede localisation de ménages d’une ville monocentrique et duocentrique permettraient decomparer le processus ségrégatif entre les deux villes.

Enfin, la compréhension et la prise en compte des préférences individuelles sontnécessaires pour analyser la ségrégation spatiale et l’étalement urbain. Les migrationsrésidentielles permettent d’analyser les stratégies de localisation des ménages et leurscomportements et de comprendre le processus ségrégatif dans les villes.

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Annexes

Annexe 1 : Paramètres des modèles d’estimation desrevenus :

Modèle 1 : à partir du 3ème quartile(R² ajusté = 0,979 ; N=13127)

Modèle 2 : à partir du revenu médian(R² ajusté = 0,938 ; N=13127)

Modèle 3 : à partir du revenu moyen de la commune d’appartenance de l’IRIS(R² ajusté = 0,837 ; N=11574)

Modèle 4 : à partir des seules variables socioéconomiques

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Annexes

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(R² ajusté = 0,744 ; N=13127)

Annexe 2 : Nombre d’IRIS dont le revenu moyen estdiffusé en 2001 et 2002 ou estimé à partir des quatremodèles de régression (cf.annexe 1)

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Annexe 3 : Indices des prix à la consommation enbase 100 en 1998 incluant le tabac, séries longuesrétropolées, de 1984 à 2004

Source : à partir des indices des prix à la consommation de janvier 1970 à décembre2006 (incluant le tabac) www.insee.fr

Annexe 4 : Évolution de la dispersion du revenumoyen des foyers fiscaux par commune entre 1984et 2004 pour les 15 plus grandes Aires urbainesfrançaises (indice de Theil)

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Annexes

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Source : élaboration propre, données DGI

Annexe 5 : Évolution des inégalités intercommunalespar rapport aux revenus moyens dans les airesurbaines de Paris, Strasbourg, Marseille et Creil

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Ségrégation spatiale et dynamiques métropolitaines

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Source: élaboration propre, Données de la DGI

Annexe 6 : Le rapport de revenu entre les communesles plus riches et les communes les plus pauvres en1984, et son évolution jusqu’en 2004 sur les 15 plusgrandes aires urbaines françaises

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Annexes

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Annexe 7 : Le rapport de revenu entre les communesles plus riches et les communes les plus pauvres en2004, et son évolution depuis 1984 sur les 15 plusgrandes aires urbaines françaises

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Source: élaboration propre, Données de la DGI

Annexe 8 : Évolution du revenu moyen des communesriches et des communes pauvres sur les 100 airesurbaines entre 1984 et 2004

Annexe 9 : Reproduction des questions concernantles revenus des ménages selon le Census 2000

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Annexes

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Source : www.census.gov

Annexe 10 : Inégalité entre les quartiers, inégalitésentre les ménages (UC) et ségrégation spatiale sur les100 plus grandes aires urbaines en 2001

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Source: élaboration propre, Données INSEE-DGI, 2004; * calcul INSEE

Annexe 11: concentration des cadres à Lille, Marseilleet Lyon

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Source : données RGP 1999

Annexe 12 : concentration des retraités de Marseille,Lille et Lyon

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Annexes

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Source : données RGP 1999

Annexe 13: Dendrogramme de la ClassificationAscendante Hiérarchique en 9 classes

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Annexe 14. Densifier et recréer de la mixité enpériphérie ou au centre pour réduire la ségrégationdans la ville : quel impact du revenu ?

Recréation d’une centralité périphérique et ségrégation

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Annexes

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Recréer de la centralité dans une unité urbaine (nouveau centre secondaire) enrenforçant sa densité et son niveau de mixité permet de réduire le niveau de ségrégationau sein de cet espace urbain en cas de présence d’un centre déjà dominant. L’applicationsur les trois aires urbaines de Lyon, Lille et Marseille confirme ce résultat.

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Annexes

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Quel est le scénario qui permet une réduction plus importante de la ségrégation ?

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Y1= 18398 ; Ym= 18643 ; alpha= 0,01 ; K= 296 (Source : revenu fiscaux 2004, DGI)

Dans l’aire urbaine de Marseille, il serait quasiment plus efficace de créer un centrepériphérique que de renforcer le centre historique pour réduire la ségrégation spatiale.Les écarts de niveau de disparités montrent un scénario de recréation de centralitépériphérique moins ségrégatif que celui du renforcement du centre historique, notammentquand le revenu de la commune concernée est faible ou élevé. Enfin, l’évolution vers unpolycentrisme permet une plus forte réduction de la ségrégation quand elle cible les centressecondaires les plus pauvres mais surtout les plus riches (Figure a, b et c).

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Annexes

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Y1= 13678 ; Ym= 17285 ; alpha= 0,01 ; K= 130 (Source : revenu fiscaux 2004, DGI)

Y1= 14703 ; Ym= 17977 ; alpha= 0,01 ; K= 82 (Source : revenu fiscaux 2004, DGI)