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Assister la mémoire familiale via l’éditorialisation de l’archive Aperçu d’une recherche- action en contrat CIFRE Lénaïk LEYOUDEC @lleyoudec / [email protected] Séminaire Fab’Mem – CNAM 26/01/16

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Assister la mémoire familiale via

l’éditorialisation de l’archive

Aperçu d’une recherche-action en contrat CIFRE

Lénaïk LEYOUDEC@lleyoudec / [email protected]

Séminaire Fab’Mem – CNAM26/01/16

Le hiatus associé à l’archive numérique

La Pallice, Île de Ré, Nantes, Vannes, Rochefort, Royan [1940-1942]  © ECPAD

Le fossé d’intelligibilité« Les médias technologiques posent différents problèmes pour la préservation et la transmission des contenus. Le premier, qui frappent les deux catégories de médias, est le fossé d’intelligibilité : avec le temps, un contenu se décontextualise et la médiation culturelle devient de plus en plus difficile et spécialisée, pour ne plus être parfois assumée que par quelques experts ou universitaires (par exemple, les anciennes inscriptions et les paléographes, etc.). Le contenu devient inintelligible et perd sa lisibilité culturelle ».Bachimont B., « La présence de l’archive », Intellectica, n°53-54 2010, p. 303

Contexte CIFRE : l’économie de la mémoire familiale

Famille.pm © Perfect Memory

Modalités de la recherche-action

• Collaboration UTC-Perfect Memory

• Équipe et compétences• Le doctorant entre R&D

et acceptabilité sociale du dispositif Famille™

Hypothèse

Une restauration des conditions d’intelligibilité de l’archive est possible via l’éditorialisation de cette dernière au sein d’un architexte dédié à la médiation de la mémoire familiale

L’architexte« Du banal traitement de texte au logiciel d'écriture multimédia, on ne peut produire un texte à l'écran sans outils d'écriture situés en amont. Ainsi le texte est-il placé en abîme dans une autre structure textuelle, un "architexte", qui le régit et lui permet d'exister. Nous nommons architexte (de arkhè, origine et commandement), les outils qui permettent l'existence de l'écrit à l'écran et qui, non contents de représenter la structure du texte, en commandent l'exécution et la réalisation. Autrement dit, le texte naît de l'architexte qui en balise l'écriture. Structure hybride, héritée tout à la fois de l'informatique, de la logique et de la linguistique, l'architexte est un outil d'ingénierie textuelle qui jette un pont nécessaire entre la technique et les langages symboliques. »Souchier E., Jeanneret Y., Le Marec J. (dir.), Lire, écrire, récrire. Objets, signes et pratiques des médias informatisés, BPI, Paris, 2003, p. 23-24

Approche : double expérimentation

• Étude sémiotique d’un corpus de Home Movies afin de faire émerger des effets de sens (marqueurs de mémoire)

• Agrégation des marqueurs en catégories et transcription en recommandations éditoriales et ergonomiques destinées au dispositif technique FAMILLE™

Corpus multi-centré de home movies

• 4 fonds (Cinémathèque de Bretagne, ECPAD, Forum des Images, INA Mémoires partagées)

• Différentes politiques de valorisation patrimoniale• Disparité géographique : France, Maghreb• Disparité temporelle :1940-1984• 20 films étudiés• 100 pages de matériel

Méthodologie• Essai d’une sémiologie des marqueurs de

mémoire• Démarche interprétative (Rastier, Barthes, Metz,

Odin)

Méthodologie : mobiliser la sémantique différentielle

« Nous souhaitons donner à la sémantique linguistique toute la place qui lui revient, en unifiant la description du lexique, de la syntaxe profonde, et des structures textuelles. À chacun des trois paliers traditionnels de la description linguistique (mot, phrase et texte) nous faisons alors correspondre trois paliers de la théorie sémantique (micro-, méso-, et macro-sémantique) en unifiant leur conceptualisation »Rastier F., Cavazza M., Abeillé A., Sémantique pour l’analyse. De la linguistique à l'informatique, Masson, Paris, 2001, p. 25

« Le sens est un niveau d’objectivité qui n’est réductible ni à la référence, ni aux représentations mentales. Il est analysable en traits sémantiques qui sont des moments stabilisés dans des parcours interprétatifs » ; « la problématique interprétative dépasse les textes et peut s’étendre à d’autres objets culturels, comme les images (susceptibles des mêmes méthodologies : recueil de corpus, détermination des genres, indexation par des traits de l’expression) » Rastier F., Sémantique interprétative, PUF, Paris, 3e éd. 2009, p. VI

Appliquer un parcours interprétatif et extraire les

marqueurs de mémoire« Un parcours interprétatif se compose de deux temps : l'assignation, phase de qualification de l'objet puis la sémantisation, marquant l'établissement d'une signification par élaboration de formes et fonds du contenu ». Rastier F., « Objets et performances sémiotiques : l'objectivation critique dans les sciences de la culture » in Texto!, vol. XVI, n°1, Janvier 2011, p. 9

Appliquer la méthodologie interprétative à l’échelle du

passage

« les unités textuelles élémentaires ne sont pas des mots mais des passages. Un passage a pour expression un extrait et pour contenu un fragment. Sur le plan sémantique, les traits pertinents sont organisés pour composer des formes sémantiques, comme les thèmes, qui se détachent sur des fonds sémantiques, les isotopies notamment »Rastier F., Sémantique interprétative, PUF, Paris, 3e éd. 2009, p. VI

Exemple : Vues de Biarritz et de Bayonne (1950)

• Corpus : plans n°13, 14 & 15, début à 1’55’’http://www.ina.fr/video/AMX13000074/vues-de-biarritz-et-de-bayonne-video.html

Analyse plan par plan (extrait)

• Plan n°13 : 1’55’’- 2’00’’: plan large, architecture urbaine spécifique (Sud de la France), présence de végétation et de véhicules au premier et second plan, passants traversant le champ au second plan, personne avec chapeau traversant le premier plan, panoramique latéral mettant à l'image un jardin urbain.

• Plan n°14 : 2’01’’- 2’06’’: plan américain, caméra fixe, deux femmes et un homme (vêtus avec distinction : costume, tailleur, chapeau, cravate et canne) avancent vers la caméra dans une rue piétonne et quittent le champ par la gauche, véhicules, architecture et végétation urbaines à l'arrière-plan

• Plan n°15 : 2’07’’-2’22 : plan d'ensemble, bord de mer avec plage, nombreux vacanciers avec matériel et jeux de plage, panoramique latéral, architecture balnéaire à l'arrière-plan, phare et bord de mer à l'arrière-plan

Interprétation des passages

• Approches micro-, méso- puis macro-sémantique• Identifications de marqueurs génériques au sein

des passages• Confrontation du corpus à l’intertexte

o « un corpus qui entretient des relations fonctionnelles avec un texte déterminé », Rastier, 2008, p.11

Résultats : rassembler les marqueurs de mémoire en

catégories• Deux catégories (non exhaustives) de marqueurs• Le volet encyclopédique : les marqueurs

contextuels• Le volet sensible : les marqueurs d’affect (le

punctum)• “Le second élément vient casser (ou scander) le studium. Cette fois, ce

n’est pas moi qui vais le chercher (comme j’unvestis de ma conscience souveraine le champ du studium), c’est lui qui part de la scène, comme une flèche, et vient me percer. Un mot existe en latin pour désigner cette blessure, cette piqûre, cette marque faite par un instrument pointu ; ce mot m’irait d’autant mieux qu’il renvoie aussi à l’idée de ponctuation et que les photos dont je parle sont en effet comme ponctuées, parfois même mouchetées, de ces points sensibles ; précisément, ces marques, ces blessures sont des points. Ce second élément qui vient déranger le studium, je l’appellerai donc le punctum ; car punctum, c’est aussi : piqûre, petit trou, petite tache, petite coupure – et aussi coup de dés. Le punctum d’une photo, c’est ce hasard qui, en elle, me point (mais aussi me meurtrit, me poigne)”. Barthes R., La Chambre claire, Gallimard, Paris, 1980, pp 48-49

Autour de l’usager : témoin standard et lecteur modèle

• Faire le lien entre la méthodologie interprétative du chercheur et les modalités éditoriales d’un dispositif : le choix du témoin standard

• Le lecteur modèle (Eco U., Lector in fabula, Grasset, Paris, 1985), interprétation comme une co-construction, avec des “mondes possibles”

• L’utilisateur et son encyclopédie, annotant un document patrimonial “ouvert”

Du fonds patrimonial à l’architexte Famille™

• Résultats : Catégories (non exhaustives) de marqueurs : descriptifs (volet encyclopédique) et ressentis (volet sensible)

• Instrumentation : o Éditorialisation de l’archiveo Conception d’une expérience utilisateur : signes passeurs et

modèles narratifs

Signes passeurs« L’écran est un espace unique duquel se cristallisent toutes les fonctionnalités de l’écriture. Confrontés à cet « unimédia » saturé de signes et de codes, nous disposons de « signes outils » singuliers, des « signes passeurs » qui nous donnent accès aux multiples modalités du texte. Ainsi des icônes, boutons, flèches de navigation et autres mots « hypertextualisés ». C’est à travers ces signes que s’articule l’homogénéité apparente du texte à l’écran et l’hétérogénéité du dispositif technique ».Souchier E., Jeanneret Y., « Écriture numérique ou médias informatisés », dans Dossier pour la science, hors série octobre-janvier 2002, p. 105

Ancrage sensible : accompagner la médiation de

la mémoire familiale

© INA

Ancrage descriptif : mobiliser les Linked Open

Data

Architexte Famille™

Freebase

L’annotation au coeur du processus d’éditorialisation• Démonstration action d’annotation :

famille.player.pm (média “Children playing outside”)

Interroger l’éditorialisation• Reconnaissance automatique de la parole,

reconnaissance d’entités nommées, segmentation des plans, système de reconnaissance de visages

• Statut des métadonnées

Interroger l’architexte

© Perfect Memory

Interroger l’architexte• Polyphonie sémiotique du player (document,

annotations, fiches contextuelles LOD), performance sémiotique complexe (Rastier F., "Objets et performances sémiotiques : l'objectivation critique dans les sciences de la culture" in Texto!, vol. XVI, n°1, Janvier 2011)

• Tension entre mémoire et oubli au sein du dispositif : l’oubli de l’oubli (Douehi M., Pour un humanisme numérique, Seuil, Paris, 2011)

• La puissance du cadre (Beguin-Verbrugge A., Images en texte, Images du texte. Dispositifs graphiques et communication écrite, Presses universitaires du Septentrion, Villeneuve d’Ascq, 2006, 313 p.)

Interroger l’architexte (2)• Dispositif de redocumentarisation ou de

dé-documentarisation ? Statut patrimonial de l’archive

• Régimes d’historicité• Réception : prescription et détournement du

dispositif• Valeur heuristique de l’architexte : découverte

(encyclopédique et sensible)• L’architexte comme prothèse ?

Questions ?

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