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1812 - La Campagne de Russie VERS LA GUERRE Le 9 mai 1812, à 6 heures du matin, Napoléon quitte le palais de Saint-Cloud, accompagné de l’impératrice Marie-Louise. Il va rejoindre les forces de la Grande Armée qui se massent aux frontières de l’empire russe. Le thème de ce moment, que l’on peut considérer comme celui de l’ouverture de la Campagne de Russie de 1812, est particulièrement éloquent. Il repose sur une triplice dissonante Jupiter-Saturne-Uranus, activée par une dissonance de Soleil-Vénus, avec au cœur du thème, dans l’axe de l’horizon, une opposition Mars-Neptune. Ainsi, le tout est rigoureusement lié autour d’un enchaînement de mi-points (Mars/Neptune = Soleil/Saturne = Jupiter/Uranus). La conjonction Mars-Neptune est la signature dominante du thème de Napoléon I er , et elle se retrouve dans nombre de thèmes de généraux et de maréchaux de l’époque. L’axe Mars/Neptune est en lui-même significateur d’ « extermination, anéantissement, destruction ». L’implication des autres axes évoque une œuvre d’extermination sur une longue durée (avec Saturne), mais aussi l’idée d’une chance, d’une prospérité suivis de grandes déceptions, de la perte de fortune et de patrimoine (avec Jupiter). Avec Neptune, l’axe Soleil/ Saturne suggère des blocages et des inhibitions du fait de fausseté ou de malentendu (ce qui peut traduire l’état des relations diplomatiques entre les deux empires français et russe. Quant à l’axe Jupiter-Uranus, en principe significateur de chance, de bonheur, de prospérité soudaine et de réussite matérielle, il devient, s’il est mal aspect, évocateur de malchance et de malheur soudain. Avec Saturne, il y a le risque de perte soudaine. Départ de Saint-Cloud 9 mai 1812 – 6h Saint-Cloud Semi-carré SA-UR Dissonance de JU ME rétrograde MA/NE=SO/SA=JU/UR 1812

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1812 - La Campagne de Russie

VERS LA GUERRE Le 9 mai 1812, à 6 heures du matin, Napoléon quitte le palais de Saint-Cloud, accompagné de

l’impératrice Marie-Louise. Il va rejoindre les forces de la Grande Armée qui se massent aux frontières de l’empire russe. Le thème de ce moment, que l’on peut considérer comme celui de l’ouverture de la Campagne de Russie de 1812, est particulièrement éloquent. Il repose sur une triplice dissonante Jupiter-Saturne-Uranus, activée par une dissonance de Soleil-Vénus, avec au cœur du thème, dans l’axe de l’horizon, une opposition Mars-Neptune. Ainsi, le tout est rigoureusement lié autour d’un enchaînement de mi-points (Mars/Neptune = Soleil/Saturne = Jupiter/Uranus).

La conjonction Mars-Neptune est la signature dominante du thème de Napoléon Ier, et elle se

retrouve dans nombre de thèmes de généraux et de maréchaux de l’époque. L’axe Mars/Neptune est en lui-même significateur d’ « extermination, anéantissement, destruction ». L’implication des autres axes évoque une œuvre d’extermination sur une longue durée (avec Saturne), mais aussi l’idée d’une chance, d’une prospérité suivis de grandes déceptions, de la perte de fortune et de patrimoine (avec Jupiter). Avec Neptune, l’axe Soleil/ Saturne suggère des blocages et des inhibitions du fait de fausseté ou de malentendu (ce qui peut traduire l’état des relations diplomatiques entre les deux empires français et russe. Quant à l’axe Jupiter-Uranus, en principe significateur de chance, de bonheur, de prospérité soudaine et de réussite matérielle, il devient, s’il est mal aspect, évocateur de malchance et de malheur soudain. Avec Saturne, il y a le risque de perte soudaine.

Départ de Saint-Cloud

9 mai 1812 – 6hSaint-Cloud

Semi-carré SA-URDissonance de JU

ME rétrograde

MA/NE=SO/SA=JU/UR

1812

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La pièce maîtresse de cette configuration est le semi-carré évolutif Saturne-Uranus. Saturne (à 8°

Capricorne) et Uranus (à 22° Scorpion) sont en forte résonance avec la conjonction Saturne-Uranus de 1761 (à 8° Bélier). Le lien avec la conjonction racine du cycle en cours, datant de 1805, passe par les deux Mars (de 1805 et de 1812) : le Mars de 1805 se situe dans l’axe Saturne-Uranus de 1812 ; et le Mars de 1812 est au sesqui-carré de la conjonction Saturne-Uranus de 1805 (à 23° Balence). Ainsi, le cycle Saturne-Uranus concerne toute la génération des acteurs qui auront une trentaine d’années au moment de la Révolution française et une cinquantaine d’année en 1812, et le même cycle est en phase avec les destinées de l’Empire français fondé par Napoléon Bonaparte.

Thème cyclique – Conjonction Saturne-Uranus

14 mai 1761 / 9 mai 1812 17 nov. 1805 / 9 mai 1812

1812

3

Toute la période napoléonienne, de 1800 à 1815 se déroule, comme l’a montré André Barbault,

sous le déploiement d’un gigantesque courant cosmique :

Une exceptionnelle concentration de planètes où en chapelet se renouvellent six grandes conjonctions en huit ans, de 1802 à 1809. A travers ces renouvellements cycliques en succession, c’est le monde qui est en pleine mutation. Les quatre grands cycles de Jupiter avec les trans-jupitériennes (Saturne-Uranus, Neptune-Pluton) sont en phase ascendante à partir de 1802 ; pour basculer ensuite successivement en phase descendante de 1810 à 1814 : puissance de décroissance régressive. Evolution à laquelle concourt le cycle Saturne-Uranus qui entre dans sa phase de première crise de semi-carré en 1812. Les historiens s’entendent à situer l’apogée de l’Empire en 1810-1811. Avec la campagne de Russie, c’est le déclin, puis la chute libre1.

La fin de l’Empire s’opère durant le transit de Saturne, passant d’un semi-carré à Uranus (1812) à

un semi-carré à Neptune (1815) : ébranlement, puis dissolution du grand rêve impérial.

1 BARBAULT André, « Astralités de Napoléon », L’Astrologue, n° 130, 2000, p. 59.

EG – Lentes – 1800-1815

1802

1803

1804

1805

1808

1809

1810

1811

1812

1814

1812 : semi-carré SA-UR

1815 : semi-carré SA-NE

1812

4

Le tableau des déclinaisons, durant le demi-siècle qui s’étend de 1775 à 1825, confirme cette analyse : on observe une puissante concentration dans l’hémisphère Sud, autour du parallèle Neptune-Pluton (1808-1809), ponctué par les deux parallèles Saturne-Pluton de novembre 1809 et de janvier 1816. Par ailleurs, le parallèle Uranus-Pluton ponctue toute l’année 1812.

André Barbault résume également la trajectoire de l’épopée napoléonienne - du Consulat à vie

jusqu’à Waterloo - par rapport à un cycle de Jupiter transitant le Soleil natal, et à un demi-cycle de Saturne, passant du Milieu du Ciel au Fond du Ciel.

1812

Déclinaisons – 1775-1825

Trajectoire de l’épopée napoléonienneConsulat

Waterloo

1812

5

Le thème de l’Empire français (du 18 mai 1804) est fortement charpenté et structuré autour de la

triplice Jupiter-Saturne-Uranus (avec Uranus dans l’axe Jupiter/Saturne). Un Mars particulièrement agressif (à 20° Bélier) se situe à l’exacte opposition de l’axe Jupiter/Uranus. En outre, le cycle Uranus-Neptune (qui sera renouvelé en 1821, l’année de la mort de Napoléon à Sainte-Hélène) est encore dans la phase du semi-carré involutif, avec un relais dissonant de Soleil-Vénus.

L’année 1812, dont la signature est une dissonance entre Jupiter, Saturne et Uranus, se présente

bien comme une année cruciale, en résonance avec la structure fondamentale du thème de l’Empire. Un empire qui s’étend sur 750 000 km2 et qui compte alors plus de 44 millions d’habitants, à quoi il faut ajouter près de 40 millions parmi ses vassaux.

Le thème de l’Empire russe, proclamé sous le règne de Pierre le Grand le 22 octobre 1721,

présente curieusement une structure analogue autour du trio Jupiter-Saturne-Uranus, avec Jupiter dans l’axe Saturne-/uranus, tandis que Neptune est en opposition à l’axe Jupiter/Saturne (avec un relais harmonique de Pluton).

Empire français

Empire français 18 mai 1804 – 15h

Paris

1812

Empire russe

1812

Empire russe22 oct. 1721

Thème solaire

6

Ainsi, pour l’Empire russe, l’année 1812 est également une année cruciale, en forte résonance avec le thème natal. Mais cet empire, qui compte 40 millions de suets à l’avènement d’Alexandre Ier en mars 1801, s’est construit dans la durée. Sur la masse paysanne, seuls deux grands centres urbains émergent, Moscou et Saint-Pétersbourg, les deux capitales de l’empire avoisinant chacune les 250 000 habitants. Aux yeux de Napoléon, la Russie apparaît comme un pays à peine civilisé qu’il convient de repousser vers l’est, à la périphérie du continent européen.

Les liens entre les deux thèmes sont puissants : Mars (dans l’axe Jupiter/Uranus) français affecte

le semi-carré Saturne-Uranus russe ; Saturne français est au semi-carré du Jupiter (dans l’axe Saturne/Uranus) russe ; l’opposition Soleil-Neptune touche le Neptune russe ; la Lune est exactement conjointe au Pluton russe.

Synastrie des deux Empires

MA=JU/URsur UR et SA

SA sur JU=SA/UR

LU sur PL

SO-NE sur NE

Cercle intérieur : Empire russeCercle extérieur : Empire français

7

Le trio Jupiter-Saturne-Uranus est également présent dans le thème de la dynastie des Romanov

(le début du règne de Mikhaïl Romanov, le 3 mars 1613, qui met fin au « Temps des Troubles »). Les trois planètes forment un carré en T avec Uranus apex (à 22° Gémeaux) ; cette structure est reliée au Soleil (à 13° Poissons) et elle est flanquée d’un carré Mars-Neptune qui recouvre le carré Jupiter-Uranus ; enfin, Pluton se situe dans l’axe Saturne/Uranus, au double semi-carré de ces deux planètes. On peut considérer ce thème fondateur de la dynastie des Romanov comme thème de la Russie impériale jusqu’à la Révolution de février 1917.

Dans la guerre qui éclate en juin 1812, mais que l’on sent venir depuis quelques années déjà, la

responsabilité de Napoléon est écrasante. Contrairement à ce qu’affirme avec véhémence Jean Tulard : « Non, ce n’est pas Napoléon qui a déclenché la guerre contre le tsar »2, Marie-Pierre Rey, professeur d’histoire russe et soviétique à la Sorbonne et qui dirige le Centre de recherche en histoire des Slaves, souligne, dans son récent ouvrage L’Effroyable tragédie la partialité de l’historiographie française :

En France, nombre d’historiens, insistant d’abord sur l’échec des négociations franco-russes qui aurait « contraint » Napoléon à attaquer, ont eu tendance à minimiser la nature impérialiste de l’attaque portée contre la Russie, à saluer le génie militaire de Napoléon et la conduite courageuse des soldats sur le terrain3.

2 TULARD Jean, « Causes et ambiguïtés de la campagne de 1812 », La Nouvelle Revue d’Histoire, n° 60, mai-juin 2012, p. 32. 3 REY Marie-Pierre, L’Effroyable tragédie. Une nouvelle histoire de la campagne de Russie, Flammarion, 2012, p. 12.

Dynastie des Romanov

1812

Début de règne de Mikhaïl Romanov

3 mars 1613 – Moscou(21 fév. Julien)

8

A la suite de l’humiliant désastre de Friedland (14 juin 1807), Alexandre Ier est contraint de négocier avec l’empereur des Français une paix honorable. Malgré la rencontre des deux empereurs à Tilsit aur un radeau au milieu du Niémen (25 juin-7 juillet 1807), la réconciliation n’est qu’apparente, et les relations franco-russes vont se dégrader de façon continue jusqu’en 1812. La cause principale en est le blocus continental imposé par Napoléon en vue de mettre à genoux l’Angleterre. Alors que l’empire russe réalise la plus grande partie de son commerce extérieur avec l’Angleterre, le blocus continental engendre en Russie une crise économique et financière : le rouble perd la moitié de sa valeur, le Trésor impérial connaît un déficit croissant et les produits agricoles ne trouvent plus de débouchés. La question polonaise constitue une autre pierre d’achoppement : après le rattachement en 1809 d’une partie des terres confisquées à l’Autriche en Galicie au grand-duché de Varsovie, le tsar n’arrive pas à obtenir de Napoléon l’assurance du non-rétablissement d’un royaume de Pologne. Enfin, l’annexion par Napoléon du duché d’Oldenbourg, en décembre 1810, atteint personnellement le tsar, qui est le beau-frère du fils du duc d’Oldenbourg. Cette mesure confirme Alexandre Ier dans sa vision de l’empereur des Français comme un usurpateur et un tyran mettant en péril l’équilibre européen. Pour Alexandre et ses proches conseillers, il est clair, dès l’été 1810, que la guerre aura lieu. A partir de cette époque, le ministre de la Guerre, Barclay de Tolly, envisage une stratégie construite sur une retraite vers l’est, sacrifiant les terres de Lituanie et de Biélorussie. Les effectifs de l’armée russe sont augmentés. De son côté, Napoléon évoque de plus en plus ouvertment, dans sa correspondance, « la guerre qui vient ». En France comme en Russie, les premiers mois de l’année 1812 sont marqués par une activité fébrile, tant sur le plan diplomatique et politique que sur le plan militaire.

En mai 1812, au moment où Napoléon quitte la France pour se rendre en Prusse-Orientale en

passant par Dresde où tous les souverains vaincus viennent lui rendre allégeance, Jupiter transite le semi-carré Saturne-Uranus. En juin, Mars transite sur cette zone (le 12), tandis que la conjonction Mars-Jupiter du 28 juin se trouve en dissonance avec l’axe des Nœuds lunaires. La guerre est alors engagée depuis quatre jours. Lorsqu’elle touchera à sa fin, en décembre, l’axe des Nœuds sera relié directement au semi-carré Saturne-Uranus.

EG - 1812

12 juin 1812 28 juin 1812 2 déc. 1812

1812

9

Le tableau des déclinaisons décrit bien le double mouvement de l’année 1812 : l’invasion de la

Russie commence alors que Soleil et Mars ont rejoint Jupiter au plus haut de la déclinaison Nord. Le 19 octobre, jour où Napoléon quitte Moscou, Jupiter se trouve en contre-parallèle à Pluton ; la retraite de Russie culmine avec la bataille de la Bérézina le 26 novembre, lorsque le Soleil se trouvera en parallèle avec Uranus-Pluton en déclinaison Sud.

Au début juin, alors qu’il se trouve à Posen (Poznan), Napoléon est persuadé que le tsar cèdera après la première bataille perdue ; il semble même espérer que la menace des troupes déployées derrière le Niémen suffira à amener une détente. Mais le 4 juin, alors qu’il se trouve à Thorn (Torun), sur la Vistule, son état d’esprit est tout à la guerre, comme en témoignent les souvenirs d’un officier polonais :

A présent que le sort en est irrévocablement jeté, il se livre tout entier à ses instincts guerriers ; il se retrouve uniquement soldat, il ne rêve plus que victoire et conquêtes. Une nuit, les officiers de service qui couchaient auprès de son appartement furent stupéfaits de l’entendre entonner à pleine voix un air approprié aux circonstances, un de ces refrains révolutionnaires qui avaient mis si souvent les Français dans le chemin de la victoire, la strophe fameuse du Chant du Départ :

Et du Nord au Midi, la trompette guerrière A sonné l’heure des combats. Tremblez, ennemis de la France…

Le 8 juin, à Dantzig, alors qu’avec les autorités de la ville Napoléon parle encore de négociations

possibles, il est plus franc avec son aide de camp, le général Rapp, gouverneur de la ville : il lui avoue que la guerre est commencée. Après avoir séjourné à Königsberg, Napoléon arrive le 23 juin à Nauhardyzski, le village le plus proche face à Kovno (Kaunas) de l’autre côté du Niémen. A ce moment, le tsar Alexandre se trouve à Vilno (Vilnius), où il a rejoint Barclay de Tolly fin avril. Roman Soltyk, alors chef d’escadron d’un régiment de lanciers polonais, rapporte une étrange anecdote à propos de Napoléon, parti en reconnaissance en arrière des hauteurs qui cachent le Niémen, suivi par quelques-uns de ses proches :

Déclinaisons – 1812

1812

19 oct.

26 nov.

Invasion

Retraite

10

Ils virent tout à coup son cheval faire un brusque écart, lui-même tourner sur sa selle, tomber et disparaître. On s’élança à l’endroit où il était tombé. Il était déjà debout et s’était relevé de lui-même, sans autre mal qu’une contusion à la hanche ; il se tenait droit et immobile près de son cheval frémissant. Un lièvre parti entre les jambes de l’animal avait occasionné le bond qui avait désarçonné le cavalier, toujours négligent à cheval et distrait. Il ne proféra aucune parole. Subitement assombri et comme frappé, il se remit silencieusement en selle, et le petit groupe de cavaliers reprit sa course à grande allure4.

Sombre présage, à la veille de l’assaut de la Grande Armée contre la Russie.

Par le nombre des troupes et par leur armement, les forces des deux empires s’équilibrent à peu

près au seuil de la campagne de 1812. Cependant, les armées russes doivent également protéger au nord Saint-Pétersbourg et maintenir des forces en Finlande face à la Suède, tout en se couvrant au sud face aux troupes autrichiennes et face à une éventuelle menace ottomane.

4 SOLTYK Roman, Napoléon en 1812. Mémoires historiques et militaires sur la campagne de Russie, Paris, 1836. (Réimpr., Paris, 2006)..

Tableau des forces en présence

Les forces au 24 juin 1812 (Niémen) Russie : 512 000 / GA : 430 000

Grande Armée : 644 000 (dont 350 000 Français

Infanterie – Cavalerie - ArtillerieRusses

GA380 000 / 80 000 / 52 000330 000 / 70 000 / 30 000

Du Niémen à Moscou GA Russes

240 000235 000

130 000160 000 110 000140 000124 000 150 000110 000

Du 24 au 27 juin – Niémen28 juillet – Vitebsk3 août16 août – Smolensk5 sept. – Schevardino7 sept. Borodino14 sept. MoscouDe Moscou à la Bérézina

104 000 130 00096 000 90 00070 00042 00036 00035 000 135 000

19 oct. - Moscou25 oct. - Maloïaroslavets1er nov. - Viazma9 nov. – Smolensk13 nov. Smolensk20 nov. - Bérézina

Pertes à BorodinoRusses

GA45 000 (1/3)28 000 (1/5)

Grande Armée à la fin nov.

15 000 soldats35 000 traînards

1812

11

L’INVASION Au début juin 1812, le vieux comte Vorontzov, ambassadeur de Russie à Londres, prédit, avec

une surprenante lucidité, l’issue de la guerre.

L’Europe tout entière, les yeux grands ouverts, attend les événements diplomatiques et politiques, mais je ne crains aucunement les opérations militaires. Même si au début elles nous sont défavorables, nous pouvons gagner, en nous obstinant dans la guerre défensive et en battant en retraite. Si l’ennemi commence à nous poursuivre, il est perdu, car au fur et à mesure qu’il s’éloigen de ses bases de ravitaillement et de ses dépôts de munitions et qu’il s’enfonce dans un pays sans routes, privé des vivres qu’une armée de cosaques lui enlèvera en l’encerclant de tous côtés, sa situation deviendra de plus en plus précaire, et il finira par être décimé par l’hiver qui a toujours été notre allié le plus fidèle. Lettre à son fils, datée de Londres, le 5 juin 18125.

A partir de minuit, le 24 juin, les troupes du 1er corps d’armée et la cavalerie passent le Niémen,

sous les yeux de l’empereur, juché sur une colline ; à 5 heures du matin, Napoléon franchit à son tour le fleuve et au soir il établit son camp au monastère russe de la Sainte-Croix, à un quart de lieue de Kovno.

Dans ce thème, qui est celui de l’ouverture des hostilités, Pluton (19° Poissons) qui se lève au-dessus de l’Ascendant est au cœur d’une double configuration : un carré en T avec une opposition Lune-Mercure dans l’axe Gémeaux-Sagittaire, et un grand triangle avec Jupiter et Uranus. Pluton se trouve conjoint au Saturne du thème de la dynastie des Romanov, structuré également sur un axe autour des 20° des signes Mutables. Saturne culmine au Milieu du Ciel au début du Capricorne - un Saturne en X qui peut laisser présager une chute. La Lune et Pluton se situent sur l’axe Saturne/Neptune, signature d’une déception. En effet, Napoléon s’étonne de ne rencontrer aucun obstacle sur sa route : Kaunas est déserte. Son objectif est d’obtenir au plus vite une bataille décisive et de mener une guerre courte qui lui assure face à la Russie une victoire analogue à celles qu’il a remportées contre la Prusse et l’Autriche. Il poursuivra cette chimère jusqu’à Borodino où un succès mitigé lui ouvrira les portes de Moscou sans pour autant lui apporter la paix victorieuse tant souhaitée. 5 TARLE Eugène, La Campagne de Russie 1812, Gallimard, 1950, p. 44.

Passage du Niémen

24 juin 1812 – 0hKaunas

Carré en T LU-ME-PLTrigone JU-UR-PL

LU=PL=SA/NE

1812

12

L’armée russe occidentale, sur le Niémen, est divisée en deux corps : le gros des troupes sous le

commandement du tsar et de Barclay de Tolly ; un autre groupe dirigé par Bagration plus au sud. Napoléon décide de se porter lui-même sur Kovno (Kaunas) et Vilno (Vilnius), confiant à son frère, le roi Jérôme de Westphalie et à Poniatowski d’attaquer Bagration, tandis que le vice-roi Eugène de Beauharnais devra s’interposer entre les deux armées occidentales. Au nord Macdonald, avec les troupes prussiennes, doit se diriger sur Mitau (Jelgava) et Riga ; au sud, Reynier et Schwarzenberg (troupes autrichiennes) sont chargés de neutraliser l’armée de Tormassov. A une chaleur étouffante succède bientôt une pluie torrentielle, il y a plus de 60 000 malades dans la Grande Armée et les approvisionnements font défaut. L’armée russe, abandonnant Vilno, se replie vers le camp fortifié de Drissa, situé sur la Dvina, à l’intersection des routes de Moscou et de Saint-Pétersbourg. Mais cette position est vite abandonnée, et les troupes russes vont revuler en direction de Vitebsk. S’attardant à Vilno, Napoléon ne tarde pas à décevoir les attentes des Lituaniens désireux de voir reconstituer le royaume de Pologne-Lituanie : la priorité de l’empereur est de ménager son allié autrichien.

Plus au sud, Bagration, en difficulté face aux fantassins de Davout qui approchent de Minsk, parvient cependant à échapper à Jérôme, incapable d’exécuter les ordres de Napoléon. Dans la nuit du 18 au 19 juillet, le tsar Alexandre se décide à partir pour Moscou, confiant à Barclayt de Tolly le commandement de son armée.

Carte – L’invasion de 1812

MOSCOUBorodino

Smolensk

VitebskVilna

Kovno

http://historyatlas.narod.ru/rus1812.gif

1812

13

15 - Vitebsk Le 28 juillet la Grande Armée fait une piteuse entrée dans Vitebsk, vidée de ses habitants et déjà

en proie aux flammes. Au soir d’une journée marquée par une chaleur exceptionnellement torride, Napoléon tient un conseil de guerre qui se clôture sur une déclaration solennelle : l’empereur fait part de son intention de terminer la campagne à Vitebsk, d’organiser la Lituanie et la Russie Blanche, de fortifier ses positions, de compléter l’armée, et, s’étant solidement et pour longtemps établi dans les énormes territoires conquis, d’attendre tranquillement les négociations de paix avec Alexandre. Mais cette décision - qui était d’une grande sagesse politique - ne devait pas tenir plus de deux jours.

Dans le thème de cette soirée du 28 juillet, une conjonction Soleil-Mars se relie à Pluton (19°

Poissons) et tombe sur l’axe Saturne/Ascendant. L’axe Soleil/Mars=Pluton indique « un homme qui fait des plans », tandis que Mars dans l’axe Ascendant/Saturne est indicateur d’une lourdeur et d’une difficulté dans la prise de décision. Par ailleurs, la Lune en Bélier active le semi-carré Saturne-Uranus, configuration maîtresse de l’année 1812. Napoléon demeure quinze jours à Vitebsk, qu’il quitte le 13 août en direction de Smolensk.

Vitebsk

28 juillet 1812 – 21hVitebsk

1812

14

Le 3 août, les armées de Barclay et celle de Bagration ont enfin réussi à opérer leur jonction, rendant envisageable de passer à l’offensive, conformément aux vœux des troupes désireuses de résister à l’invasion. Car cette fois-ci, l’envahisseur pénétrait dans le centre de la Russie. Par le passé, Smolensk, ville fortifiée par de hautes et impressionnantes murailles, avait barré la route aux ennemis. Cette fois-ci, les tours et les murailles de l’ancienne cité ne tarderaient pas à s’écrouler sous des coups comme elles n’en avaient jamais éprouvé. La tragédie de Smolensk est évoquée par un témoin oculaire, Ivan Maslov :

Les faubourgs embrasés par les flammes, une fumée dense et multicolore, le ciel pourpre, le fracas des bombes qui explosaient, le tonnerre des canons, la fusillade fiévreuse, le roulement des tambours, les gémissements et les cris des vieillards, des femmes et des enfants, la foule tombée à genoux, les mains tendues vers le ciel, voici ce qui frappa nos yeux et nos oreilles et déchira notre cœur… Des habitants fuyaient sans savoir où ils allaient. Les régiments russes allaient au feu, les uns sauvaient leur vie, les autres la sacrifiaient. Une longue théorie de chariots emmenaient les blessés. A la tombée de la nuit on évacua de la ville l’icône de Notre-Dame de Smolensk ; le triste carillon des cloches se confondit avec le vacarme des maisons qui s’écroulaient et le bruit de la bataille. La nuit descendit, ne faisant qu’augmenter la terreur et la confusion6.

L’horreur de la situation est aggravée par la présence dans la ville de tous les blessés des combats

précédents (Moghilev, Vitebsk, Krasnoié). Des milliers de ces malheureux, restés sans aucun soin médical, sont concentrés dans la partie de la ville appelée « le Vieux Quartier ». Ce Vieux Quartier prit feu alors que le bataille se déroulait seulement aux environs de Smolensk, et il fut anéanti par les flammes pendant la retraite de l’armée russe qui ne put sauver personne de cet enfer. Le colonel Combes témoigne de l’affreux spectacle qui se présente aux Français entrant dans ce quartier :

La force de notre attaque et l’impétuosité de notre poursuite laissant aux Russes à peine le temps de démolir le pont, ne leur permirent pas d’évacuer les blessés. Ces malheureux, voués ainsi à une mort affreuse, gisaient là en tas au milieu de décombres fumants et de poutres en feu, à demi carbonisés, n’ayant plus d’aspect humain. La pose de beaucoup d’entre eux laissait deviner les souffrances horribles qu’ils avaient dû endurer avant leur mort, en essayant de fuit les éléments déchaînés. Je tremblais d’horreur devant ce spectacle qui restera toujours gravé dans ma mémoire. Etouffés par la chaleur et la fumée, bouleversés par cette horrible vision, nous nous empressâmes de sortir de la ville. J’avais l’impression de laisser un enfer devant moi7.

6 Ibid., p. 117. 7 Ibid., p. 119.

15

Le thème de ce jour active puissamment le trio Jupiter-Saturne-Uranus, en relation avec Mars et

Pluton. Un grand carré, ayant pour apex l’axe Saturne/Neptune, relie Pluton à Mercure sur l’axe Jupiter/Uranus. Mars, au milieu du Lion, active directement le semi-carré Saturne-Uranus. La tragédie de Smolensk, c’est d’abord l’horrible vision d’un immense brasier, au milieu duquel périssent des milliers de blessés - image terrifiante de cette tornade de feu qui s’abat sur la Russie durant l’année 1812. Fait nouveau, les civils ont été fortement éprouvés : sur les 2 250 maisons que comptait la ville avant les combats, 350 seulement sont encore debout. L’ampleur de ces violences et de ces destructions contribue à souder la population contre l’envahisseur.

Axe Pluton = Jupiter/Uranus = Saturne/Neptune

Au moment du drame de Smolensk, à la mi-août, Pluton se trouve au croisement des deux axes

Jupiter/Uranus et Saturne/Pluton, configuration transitée alors par Mercure. On retrouvera le même transit mercurien lors de l’entrée de la Grande Armée à Moscou, le 14 septembre, puis au moment de la Bérézina vers la fin novembre.

Smolensk16 août 1812 – 6h

Smolensk

1812

16

La prise de Smolensk se révèle terriblement coûteuse en vies humaines et en souffrances. La Grande Armée l’a emporté sur le terrain, mais la résistance des Russes a causé de lourdes pertes. Quant aux combattants russes, leur moral est au plus bas, et le nouveau revers qui livre à l’ennemi une ville située en plein cœur du territoire russe déchaîne de vives critiques à l’encontre du haut commandement russe. La stratégie de repli décidée par Barclay de Tolly et entérinée par Alexandre Ier se heurte à un mouvement de critique ainsi qu’à la colère ouverte de certains généraux. Le 20 août, à la suite d’un conseil extraordinaire convoqué par le tsar à Saint-Pétersbourg, Barclay de Tolly est démis de ses fonctions de commandant en chef et Mikhaïl Koutouzov, qu’Alexandre déteste, le remplace à cette charge. Marie-Pierre Rey le présente sous un jour assez peu favorable, tout en soulignant son charisme :

Koutouzov est connu pour sa paresse, son obséquiosité de courtisan, son goût du luxe et ses mœurs légères. Bien loin du portrait héroïque et mythique qu’en a laissé Tolstoï, Koutouzov suscite de la désapprobation et de la répulsion chez nombre de ses contemporains. Mais le vieux soldat bénéficie au sein de l’armée et de l’opinion d’une très grande popularité en raison de ses hauts faits d’armes. Parce qu’il est russe, l’homme paraît mieux à même d’incarner la guerre patriotique dès lors que cette dernière se déroule au cœur du territoire russe8.

Du reste, la stratégie de repli est maintenue. Quant à Napoléon, il hésite encore, à ce moment-là,

entre deux stratégies : faire une pause susceptible d’aider la Grande Armée à se remettre sur pied, ou continuer l’offensive vers Moscou, pour y rechercher la victoire. Dans la nuit du 24 au 25 août, il ordonne à ses troupes de reprendre leur marche en direction de la ville sacrée. Le 28 août, la Grande Armée arrive à Viazma : la ville, qui compte 15 000 habitants environ, sert d’entrepôt au commerce russe et recèle des magasins immenses. Mais à leur entrée, les troupes ne trouvent qu’une cité fantôme, vidée de sa population. La chaleur caniculaire et le manque d’eau affectent durement les hommes et les chevaux.

Les nouvelles sensationnelles sur le redoutable adversaire qui marchait droit sur Moscou, écrasant

toute résistance, avaient depuis longtemps mis en branle la seconde capitale. L’apparition d’Alexandre releva aussitôt le moral de la population. Le 27 juillet eut lieu au Kremlin une réunion de la noblesse et des marchands qui versèrent des subsides considérabels pour la poursuite de la guerre et résolurent de lever et d’équiper jusqu’à 80 000 hommes dans le gouvernement de Moscou :

L’enthousiasme du peuple était énorme. Le sentiment dominant était la colère, et non la peur. Les contemporains témoignent qu’à ce oment critique toutes les classes de la société s’unirent dans un élan unanime, en proclamant que mieux valait mourir que se soumettre à l’agresseur. Les paysans, les ouvriers, les marchands, les nobles rivalisaient dans l’expression de leur désir de participer à la lutte sans merci contre Napoléon, l’envahisseur9.

En acceptant le commandement suprême, Koutouzov avait pris en quelque sorte l’engagement

moral de livrer combat afin de défendre Moscou. Selon Clausewitz, il considérait cette bataille comme un mal inévitable.

L’histoire mondiale connaît peu de batailles aussi sanglantes, aussi acharnées et aussi importantes, quant aux conséquences qu’elle provoque, que la bataille de Borodino. Napoléon y démolit, pour ainsi dire, la moitié de l’armée russe et, quelques jours plus tard, il entra à Moscou. Malgré cela, il ne réussit ni à briser le moral du reste des troupes, ni à effrayer le peuple russe qui, juste après Borodino et la chute de Moscou, redoubla sa résistance furieuse à l’ennemi10.

8 REY Marie-Pierre, op. cit., p. 134. 9 TARLE Eugène, op. cit., p. 131. 10 Ibid., p. 152.

17

La signature du thème de la bataille de Borodino - situé à 124 km de Moscou - est celle d’une

opposition Soleil-Pluton reliée à Jupiter et à l’axe Mars/Saturne, le tableau évoquant la concentration de toutes ses forces afin de détruire quelque chose à fond. Les troupes se mettent en mouvement vers 3h30 et la canonnade commence vers 5 heures du matin. Marie-Pierre Rey signale que pour une bataille de dix heures, il y eut une densité moyenne de 3 coups de canon par seconde et de plus de 430 coups de fusil par minute : un enfer qui préfigure les horreurs de la guerre de position durant la Première Guerre mondiale. Le mot d’ordre de Koutouzov était de tenir bon face aux attaques de la Grande Armée et de tenir les positions. Les canonnades ne seront suspendues que vers 18 heures, avec la tombée de la nuit. Koutouzov décide de se replier au-delà de Mojaïsk. Le sous-lieutenant Ducque, cité par Marie-Pierre Rey, témoigne de l’épouvantable boucherie :

Tout le terrain qui l’environnait et qu’ils traversèrent était littéralement couvert de cadavres d’hommes et de chevaux. […] Le plus grand nombre de tués était des fantassins qui se trouvaient dessous les cavaliers et les chevaux tués, et dont la cavalerie avait passé par-dessus en chargeant. Jamais ces deux hommes n’avaient vu choses aussi affreuses. Ce mélange d’hommes, d’armes et de chevaux, de cuirasses, de casques en fer et en cuivre de notre cavalerie formait un tableau difficile à peindre. […] Cette effrayante scène de carnage est au-dessus de nos forces pour la dépeindre. L’horreur de cette épouvantable boucherie était encore augmentée par les gémissements des mourants qui gisaient parmi les morts11.

Au soir, maussade, ne parlant à personne, Napoléon, accompagné de sa suite et des généraux qui

n’osaient pas interrompre son silence, parcourut le champ de bataille et contempla de ses yeux enflammés les interminables amoncellements de cadavres. Selon l’historien russe Eugène Tarlé, Borodino s’avéra une grande victoire morale du peuple russe sur le dictateur pan-européen :

C’est sur les champs de Borodino que fut commencée l’entreprise gigantesque et difficile du renversement de Napoléon, entreprise qui ne devait se terminer que trois ans plus tard, dans la plaine de Waterloo. […] Le peuple russe ne se sentait pas vaincu non plus, et sa mémoire garda le souvenir de Borodino, non pas comme une défaite, mais comme la preuve de sa résistance contre la plus redoutable des atteintes à son indépendance nationale12.

11 REY Marie-Pierre, op. cit., p. 161. 12 TARLE Eugène, op. cit., p. 163 et 165.

Borodino

7 sept. 1812 – 3h30Borodino

JU=MA/SA=SO/PL

Opposition SO-PL

1812

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19 - Carte - Plan de Moscou – insérer dans le texte - citation Le sort de Moscou fut décidé durant la journée du 3 septembre. Le comte Rostopchine,

gouverneur de la ville, écrit au tsar : « Je vous réponds sur ma tête que Bonaparte trouvera Moscou aussi déserte que Smolensk ». La survie de l’armée, c’est-à-dire la survie de l’empire tout entier, commande qu’on lui sacrifie la ville. Le soir, dans le petit village de Fili, Koutouzov réunit son état-major dans l’isba d’un paysan nommé Frolov : il conclut la réunion en ordonnant la retraite et il expédie à Rostopchine un courrier lui annonçant qu’il renonce à défendre Moscou.

L’avant-garde de la Grande Armée pénètre dans Moscou le 14 septembre en tout début d’après-

midi, sous un soleil éclatant. A deux heures de l’après-midi, Napoléon et sa suite atteignirent le sommet du mont Poklonnaïa13, et le panorama de Moscou s’offrit soudain à leurs yeux :

Un soleil radieux inondait de ses rayons cette ville immense, resplendissante, avec ses innombrables coupoles dorées. La Vieille Garde, derrière la suite, oubliant la discipline et rompant les rangs, s’amassa au sommet du mont. Des milliers de voix criaient : « Moscou ! Moscou ! » Vive l’Empereur ! » Et de nouveau : « Moscou ! Moscou ! ». Arrivé au faîte du mont, Napoléon s’arrêta et, sans cacher son ravissement, s’exclama aussi : « Moscou ! » Témoin de cette scène, le comte de Ségur remarqua que les maréchaux, oubliant leur dépit et grisés par l’enthousiasme de la gloire, s’élancèrent pour féliciter l’Empereur : « La voilà donc, enfin, cette ville fameuse ! » La réponse de Napoléon fut : « Il était temps. » Même en cet instant, enivré de victoires et d’orgueil, il n’oubliait pas combien il avait été difficile d’atteindre cette beauté presque autant asiatique qu’européenne.

Tous ceux qui ont vécu ces heures sur la Poklonnaïa, simples soldats de la garde ou généraux de la suite, devaient dire plus tard qu’elles marquèrent pour eux le grand moment de la campagne de 1812 ; ils étaient prêts à croire que la résistance du peuple russe était brisée et que l’armistice et la paix n’était qu’une question de jours14.

Grand fut le contraste entre cet enthousiasme et le sentiment de malaise qui s’empare des troupes qui s’égrènent dans les rues d’une ville déserte.

Etant entré dans la ville après l’infanterie, - raconte un artilleur français, - je traversai de grandes places et des rues. Je regardai par les fenêtres de chaque maison et, ne trouvant âme qui vive, me sentis glacé d’effroi. De temps à autre nous croisions nos régiments de cavalerie qui parcouraient les rues au galop sans trouver personne15.

Napoléon pénètre dans la ville avec la Garde impériale par la porte Dorogomilov et s’installe au

Kremlin.

13 La montagne avait une importance stratégique et offrait la plus belle vue sur la capitale russe, dominant la route de Smolensk. Son nom vient du verbe russe s'incliner car d'après une vieille tradition, toute personne entrant ou quittant la ville par cette route devait s'incliner devant elle. 14 TARLE Eugène, op. cit., p. 184. 15 Ibid., p. 188.

19

La configuration de Borodino se retrouve, une semaine plus tard, la conjonction Soleil-Mercure

se trouvant toujours dans l’orbe de l’opposition à Pluton. Au moment où la Grande Armée contemple la ville sacrée depuis le mont Poklonnaïa, l’axe Mars/Saturne transite le Milieu du Ciel - signe d’affliction et de tristesse, de souffrance due à des séparations. Souffrance qui est celle d’une population paniquée, qui s’est enfuie en masse de la capitale :

Une foule anxieuse et bouleversée se pressait jour et nuit dans les rues de Moscou dans l’attente de l’orage qui allait fondre sur elle. Les uns jugeaient que Moscou était perdue, les autres, jusqu’à la dernière minute, croyaient que Koutouzov allait livrer bataille sous les murs de la ville. Des dizaines et des dizaines de milliers de personnes quittaient Moscou, devançant ou accompagnant l’armée ; des flots humains inondaient les routes et débordaient même à travers les champs et les prairies. Rien ne venait interrompre cet exode. A l’est de Moscou, sur un rayon de plusieurs dizaines de kilomètres, les routes étaient embouteilles par les fuyards. Les habitants de cette énorme capitale étaient tous devenus des nomades sans abri16.

Dans la nuit, en plusieurs points de Moscou bien éloignés les uns des autres, des feux ont éclaté.

Le vent de nord-ouest se lève au matin. Le lendemain, 16 septembre, tout Moscou est en flammes : un « déluge de feu » selon l’abbé Surrugues, curé français de la paroisse catholique de Saint-Louis, demeuré sur place. Jusqu’au 20 septembre, la ville se consume lentement au point qu’un cinquième seulement des maisons et des édifices resteront debout.

Devant la menace d’une propagation de l’incendie au Kremlin, Napoléon décida de passer au

palais de Pétrovskoïé, situé en dehors de la ville sur la route de Saint-Pétersbourg, et entouré de bois et de terrains vagues. Le vice-roi Eugène, Ségur, Berthier et Murat marchaient près de l’Empereur. Ils ne purent jamais oublier cette sortie du Kremlin.

16 Ibid., p. 174.

Moscou

14 sept. 1812 – 14h30Moscou

1812

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Voici le célèbre témoignage du comte de Ségur :

Nous étions assiégés par un océan de flammes ; elles bloquaient toutes les portes de la citadelle, et repoussèrent les premières sorties qui furent tentées. Après quelques tâtonnements, on découvrit, à tarvers les rochers, une poterne qui donnait sur la Moscova. Ce fut par cet étroit passage que Napoléon, ses officiers et sa garde parvinrent à s’échapper du Kremlin. Mais qu’avaient-il gagné à cette sortie ? Plus près de l’incendie, ils ne pouvaient ni reculer ni demeurer : et comment avancer, comment s’élancer à tarvers les vagues de cette mer de feu ? Ceux qui avaient parcouru la ville, assourdis par la tempête, aveuglés par les cendres, ne pouvaient plus se reconnaître, puisque les rues disparaissaient dans la fumée et sous les décombres. Il fallait pourtant se hâter. A chaque instant croissait autour de nous le mugissement des flammes. Une seule route étroite, tortueuse et toute brûlante, s’offrait plutôt comme l’entrée que comme la sortie de cet enfer. L’Empereur s’élança à pied et sans hésiter dans ce dangereux passage. Il s’avança au travers du pétillement de ces brasiers, au bruit du craquement des voûtes et de la chute des poutres brûlantes et des toits de fer ardent qui croulaient autour de lui. Ces débris embarrassaient ses pas… Nous marchions sur une terre de feu, sous un ciel de feu, entre deux murailles de feu. Une chaleur pénétrante brûlait nos yeux qu’il fallait cependant tenir ouverts et fixés sur le danger. Un air dévorant, des cendres étincelantes, des flammes détachées, embrasaient notre respiration courte, sèche, haletante, et déjà presque suffoquée par la fumée17.

Durant les six jours que dura l’incendie, les occupants se livrèrent à un pillage effréné :

Les soldats et les maraudeurs français faisaient irruption dans les maisons et emportaient tout ce que le feu avait épargné. Ils s’emparaiet du linge, des fourrures et même de manteaux de femme. Parfois les maraudeurs déshabillaient complètement les passants, ou leur enlevaient leurs chaussures, leurs pardessus ou leurs vestons ; ceux qui voulaient leur résister étaient battus furieusement et souvent jusqu’à la mort. Il y eut des cas où les pillards torturèrent leurs victimes, surtout les gens d’église, car les soldats étaient convaincus que les représentants du culte avaient caché quelque part l’or et l’argent des églises. Parfois les Français appréhendaient et torturaient des marchands et des paysans les prenant pour des prêtres à cause de leurs barbes. Les gens arrêtés dans la rue étaient forcés de porter derrière les pillards les sacs avec leur butin ; puis on les obligeait à travailler, à bêcher dans les potagers et à débarrasser les routes de cadavres d’hommes et de bêtes crevées18.

Pour Marie-Pierre Rey, il ne fait pas de doute que Rostopchine a pris la responsabilité d’incendier

la capitale pour priver l’ennemi de ses ressources. Dans la nuit du 13 au 14 septembre, le gouverneur de Moscou a fait évacuer les 2100 pompiers et les 96 pompes à eau qui assuraient la protection contre le feu. Il convoque dans le plus grand secret quelques collaborateurs de confiance, bourgeois ou employés de police, qui reçurent des instructions précises sur les édifices et les quartiers qu’il fallait réduire en cendres. La fille de Rostopchine témoigne pour sa part que « ce ne furent point des brigands ou des bandits qui mirent le feu à la ville, mais des hommes dévoués à leur patrie et à leur devoir »19. A ces hommes s’adjoindront toutefois près de 600 prisonniers de droit commun libérés sur ordre de Koutouzov.

Quant au tsar, malgré l’épreuve terrible que constitue pour lui la reddition de Moscou, il s’affirme

déterminé à poursuivre le combat et reste fidèle à l’objectif qu’il s’est fixé : refuser toute négociation avec Napoléon tant qu’un seul soldat ennemi sera encore présent sur le sol impérial.

17 Ibid., p. 192. 18 Ibid., p. 189. 19 REY Marie-Pierre, op. cit., p. 178.

21

Dans sa retraite vers l’est de Moscou, Koutouzov réussit une habile manœuvre : tandis que son

arrière-garde attirait vers Riazan Murat qui le poursuivait, il fit obliquer le gros de l’arrmée vers le sud, en direction de Taroutino, où il prit ses quartiers le 4 octobre. Là, il se trouvait en contact avec les centres d’approvisionnement de Russie centrale et avec les centres de production d’armes de Kalouga et de Toula. Oar cette position, il coupait la Grande Armée des provinces encore intactes du sud et menaçait ses communications à l’ouest. En même temps, les effectifs de l’armée russe croissaient et cette armée changeait de nature avec l’apparition des partisans placés sous le commandement du poète et colonel Denis Davydov.

Koutouzov entreprit enfin de monter une attaque surprise destinée à en finir avec l’avant-garde de

la Grande Armée. Le 18 octobre, l’avant-garde est attaquée sur sa gauche et sur sa droite. Le Soleil, dans l’axe Mars/Uranus (action palpitante et énergique) est au double semi-carré de Vénus-Saturne ; Jupiter culmine au Milieu du Ciel. La bataille de Taroutino, peu importante par ses résultats militaires, eut de grandes conséquences :

Elle rehaussa le moral de l’armée : ce fut le premier combat de cette campagne où les Russes passaient à l’offensive et obtenaient un succès. Et cela constitua cet ultime facteur décisif qui poussa Napoléon à sortir finalement de Moscou20.

Le 19 octobre, au matin, les premiers régiments de la Grande Armée quittent Moscou ; les

derniers sortiront de la ville le 23, à 1 heure du matin.

20 TARLE Eugène, op. cit., p. 255.

Taroutino

18 oct. 1812 – 4h15 TUTaroutino

1812

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Pour se venger du silence d’Alexandre à ses trois propositions de paix, Napoléon donna ordre à

Mortier, commandant en chef de la garnison de Moscou, de faire sauter le Kremlin. Mortier fit appréhender tous les Russes restés à Moscou afin de les employer comme main-d’œuvre pour miner le Kremlin avec ses palais, ses églises et ses tours. Pendant tois jours on mena activement des travaux souterrains. Les Russes qui refusaient de pratiquer des mines sous le Kremlin furent cruellement battus. Eugène Tarlé fait le récit de ce sinistre épisode final :

Le 21 octobre commencèrent les explosions qui firent trembler la terre à Moscou. L’Arsenal et une partie du mur du kremlin sautèrent, le palais d’angle et les églises prirent feu, la tour Nicolas et les autres tours sur le fleuve furent en partie détruiets. Par bonheur, la pluie ayant mouillé les mèches, les explosions n’eurent pas l’effet escompté par Napoléon. Cependant, la force des explosions fut telle que les murs, non seulement dans l’enceinte du Kremlin, mais aussi en dehors de celiu-ci, s’écroulèrent. Le clocher d’Ivan le Grand ne dut son salut qu’au hasard : les mèches de la mine étaient mouillées. Après chaque explosion, le Kremlin et la Place Rouge retentissaient des plaintes et des cris des blessés, enterrés ou à demi morts de peur. L’armée napoléonienne abandonna les décombres de Moscou. La nuit du 22 au 23, soudain, plusieurs nouvelles explosions tonnèrent l’une après l’autre. Les habitants furent saisis de panique. Les explosions furent si puissantes que des maisons s’écroulèrent dans le quartier de Kitaï et que les vitres furent brisées et même les châssis des fenêtres cassés dans des édifices fort éloignés21.

Le général Benckendorff témoigne, pour sa part, de ses sentiments lorsque, de retour à Moscou

après le départ des Français, il constate les dégâts causés au Kremlin dans la cathédrale de la Dormition (Ouspenski Sobor), où les tsars se faisaient couronner et om l’on inhumait les chefs de l’Église russe :

J’entrai seul avec un officier dans cette cathédrale que je n’avais vue que lors du couronnement de l’Empereur, brillante de richesse et remplie des Grands de l’Empire ; je fus saisi d’horreur en revoyant ce temple révéré que les flammes même avaient épargné, bouleversé par l’impiété d’une soldatesque effrénée, et me persuadai que l’état dans lequel il se trouvait devait être caché aux yeux du peuple. Les reliques des saints étaient mutilées, leurs tombeaux remplis d’ordures ; les ornements de ces tombeaux en étaient arrachés. Les imges qui décoraient l’église étaient salies, déchirées ; tout ce qui avait pu provoquer ou tromper l’avidité du soldat était enlevé, l’autel était renversé, des tonneuax de vin avaient inondé ces parquets sacrés et des cadavres d’hommes et de chevaux infectaient ces voûtes destinées à l’encens. Je me hâtai de mettre mon cachet sur la porte et d’en défendre l’entrée par une garde considérable. Tout le reste du Kremlin était devenu la proie des flammes ou avait été ébranlé par l’explosion des mines ; l’Arsenal, l’église d’Ivan Veliky, des tours et des murs ne formaient que des amas de pierres22.

21 Ibid., p. 258. 22 REY Marie-Pierre, op. cit., p. 223.

23

Une terrible bataille allait encore se dérouler les 24 et 25 octobre à Maloïaroslavets, au sud de

Moscou, sur la route de Kalouga. Au cours de la jounée du 24, pendant que le canon tonnait sans répit, la ville passa de mains en mains à huit reprises. Mars (0° Balance) est au carré de Saturne, tandis que Soleil-Mercure, en dissonance d’une opposition Vénus-Pluton, se situe sur l’axe Mars/Uranus. Au soir, lorsque la canonnade se tut, la ville brûlait, on entendait les cris effroyables des habitants carbonisés vifs dans leurs maisons et des blessés qui n’avaient pu se traîner hors des rues où s’écroulaient des édifices en flammes. Les Français ne pouvaient aider les malheureux : le feu faisait rage à tel point qu’on ne pouvait à aucun prix s’approcher ni du centre de la ville ni de plusieurs de ses faubourgs.

Le 25 octobre à l’aube, Koutouzov ordonna à l’armée russe de se retirer à deux kilomètres et

demi au sud de Maloïaroslavets. Napoléon avait compris que, s’il voulait s’ouvrir la route de Kalouga, il aurait à engager un nouveau Borodino. Il ne s’y résolut pas :

Pour la première fois fois depuis cette sanglante campagne de Russie il tourna le dos à l’armée russe et se résolut à être poursuivi au lieu de poursuivre. La véritable retraite de la Grande Armée commença non pas le 19 octobre, lorsque Napoléon la fit sortir de Moscou pour marcher sur Kalouga, mais le soir du 24 octobre, lorsqu’il se décida à renoncer à Kalouga et à battre en retraite en se retirant à Borovsk23.

D’ailleurs, le 25 à l’aube, l’Empereur faillit être tué ou capturé par un détachement de Cosaques

qui surprirent le petit groupe qui l’accompagnait.

23 TARLE Eugène, op. cit., p. 270.

Maloïaroslavets

24 oct. 1812 – 4hMaloïaroslavets

1812

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LA RETRAITE

La retraite de la Grande Armée débuta par l’explosion stupide du Kremlin qui fit monter jusqu’au paroxysme la colère des gens rentrés à Moscou et qu’ils trouvèrent en ruines. Tout le monde considérait cet acte final comme une haineuse forfanterie. La retraite était accompagnée, conformément à l’ordre de Napoléon, de l’incendie systématique de toutes les villes et de tous les villages par lesquels passait l’armée française. A Viazma, on trouva des prisonniers russes enfermés dans une église qui ne fut pas brûlée par chance pure. Tout le long du chemin de la retraite, il y avait une interminable ligne de points noirs : c’étaient des rangs de prisonniers russes tués par l’ennemi, soit sous le prétexte qu’ils étaient malades ou trop faibles pour suivre l’armée, soit sans aucun prétexte, seulement pour se débarrasser des bouches superflues au moment où il n’y avait rien à manger24.

Si les pluies glacées qui s’abattent sur la région causent d’innombrables pertes, les hommes

souffrent encore davantage de la faim et des privations. Marie-Pierre Rey va jusqu’à évoquer des cas d’anthropophagie durant le repli en direction de Smolensk. Napoléon a reporté tous ses espoirs sur les magasins de vivres qu’il pensait y trouver : mais la ville morte, à demi ruinée et à demi brûlée, réserva une nouvelle déception à l’armée qui y pénétra le 9 novembre. Les vivres furent pillés par les premiers arrivés, et Napoléon dut renoncer à son projet de se maintenir à Smolensk pour fournir à son armée un peu de repos et de réconfort. Pendant ce temps, Koutouzov opérait au flanc sud une manœuvre de « poursuite parallèle », évitant le contact direct, mais contraignant les restes de la Grande Armée à une fuite éperdue :

Toutes les épreuves subies par la Grande Armée entre Maloïaroslavets et Smolensk pâlirent en comparaison du gouffre qui s’ouvrit sous ses pieds après Smolensk et qui devait l’engloutir presque entièrement25.

24 Ibid., p. 281. 25 Ibid., p. 285.

Carte – La retraite et la contre-offensive russe

Taroutino

MOSCOU

Bérézina

http://historyatlas.narod.ru/rus1812.gif

MaloïaroslavetsSmolensk

1812

25

Le 5 novembre, Tchitchagov est parvnu à unir l’armée de Moldavie à celle de Tormassov. Il se dirige vers le nord pour fusionner avec Wittgenstein et barrer la route à la Grande Armée. Dès la mi-novembre, le froid est devenu tel qu’il engourdit et que les soldats assoupis durant quelques secondes ne se réveillent plus. Les combattants ne sont plus que des spectres déshumansés et il n’existe plus aucune discipline, sinon dans la Vieille Garde, réduite à 6 000 hommes, qui demeure fortement attachée à Napoléon et en impose encore à l’ennemi, comme le prouve le témoignage du poète Denis Davydov :

La Vieille Garde, au milieu de laquelle se trouvait Napoléon lui-même, s’approcha… Nous enfourchâmes nos montures et nous nous plaçâmes près de la grand-route. Apercevant nos bandes bruyantes, l’ennemi arma ses fusils et continua fièrement sa marche, sans presser le pas. Tous nos efforts pour détacher un seul soldat de ses colonnes serrées restèrent vains : les hommes, comme taillés en granit, méprisaient toutes nos tentatives et restaient intacts. Je n’oublierai jamais la démarche libre, aisée et l’allure menaçante de ces guerriers éprouvés par tous les aspects de la mort. Avec leurs hauts bonnets à poil, leurs uniformes bleus aux sangles blanches, leurs plumets et leurs épaulettes rouges, ils ressemblaient à des pavots dressés dans un champ de neige… [299] Nos Cosaques avaient l’habitude de galoper autour de l’ennemi, lui arrachant des bagages et des canons qui traînaient et encerclant les compagnies éparpillées ou détachées. Mais ces colonnes-là restaient inébranlables. En vain, les colonels, les officiers, les sou-officiers ou les simples Cosaques fonçaient sur elles : les colonnes avançaient, l’une après l’autre, nous chassant à coups de feu et se moquant de nos raids inutiles… La Garde avec Napoléon passa parmi nos Cosaques comme un navire armé de cent canons passe parmi les barques des pêcheurs26.

Napoléon quitte Smolensk le 14 novembre, se dirigeant en direction de Borissov où se trouve le seul pont sur lequel il peut espérer organiser la traversée de la Bérézina. Venant de Minsk, Tchitchagov est chargé de lui barrer la route, l’armée de Wittgenstein, venant du nord, devant refermer le piège sur les restes de la Grande Armée poursuivie, à distance, par Koutouzov. A 15 km au nord de Borissov se trouve le gué de Stoudianka, où la rivière est large de 110 mètres et profonde de 1,5 à 2 mètres. Napoléon va mettre à profit cette situation pour réussir une de ses manœuvres où il excelle à tromper l’ennemi - grâce « à la magie neptunienne de son génie militaire », selon les termes d’André Barbault.

Le 25 novembre, grâce à une série de démonstrations et de manœuvres, Napoléon réussit à détourner l’attention de Tchitchagov et à la fixer sur Borissov et au sud de la ville. Tandis que Tchitchagov massait ses forces dans cette direction, Murat, Oudinot et deux générauc du génie, Eblée et Chasseloup-Laubat, construisirent en toute hâte deux ponts à Studianka. La nuit du 25 au 26 novembre, la Garde Impériale entra à Studianka. Napoléon, arrivé à l’aube, ordonna de commencer immédiatement la traversée. Il n’avait à ce moment que 19 000 combattants sous la main. La traversée s’effectua pendant qu’on échangeait des coups de fusils avec le détachement du général Tchaplitz qui avait remarqué le premier la sortie des troupes françaises de Borissov. Napoléon fit occuper solidement les deux rives aux têtes des ponts jetés sur la Bérézina près de Studianka. Les troupes affluèrent pendant toute la journée du 26 novembre. La nuit du 26 au 27, Napoléon ordonna à Ney de passer sur la rive droite avec les restes de son corps et toute la Jeune Garde. La traversée dura toute la nuit et la matinée du 27 novembre. Les bataillons français, l’un après l’autre, passaient sur la rive droite. A deux heures de l’après-midi, ce fut le tour de la Vieille Garde avec Napoléon, suivis par les divisions du maréchal Victior. Les troupes s’alignaient en ordre de combat sur la rive droite. Le 28 novembre, les combats furent très durs, sans apporter aucun avantage aux Russes. (…) Le 29 novembre, à 9 heures du matin, le général Eblé, malgré les cris et les supplications de milliers de blessés, de désarmés et de tous ceux qui traînaient avec les bagages, donna l’odre de brûler les deux ponts qu’il avait construits avec Chasseloup-Laubat27.

26 Ibid., p. 298. 27 Ibid., p. 305-306.

26

Le thème solaire pour le 28 novembre est un concentré où le Soleil et Mars viennent activer les

axes Jupiter/Saturne et Uranus/Pluton. Dans son roman Il neigeait, Patrick Rambaud a donné un tableau hallucinant du sort réservé à

ceux qui furent abandonnés sur la rive gauche où les cosaques de Platov sèment la terreur et la mort. Les voitures brisées et éventrées laissent échapper des trésors pillés par les cosaques :

Toutes les richesses de Moscou y étaient rassemblées ; on y voyait plus de 10 000 voitures, et dans ce nombre, de magnifiques équipages, berlines, calèches, phaétons, droshkis, etc. pris dans la capitale, les hôtesl des seigneurs ou dans les ateliers des selliers, trophées qu’on s’était proposé de mener à Paris. Tous ces équipages, les fourgons, les chariots des paysans, étaient remplis d’obets du plus grand prix : on y trouva des bijoux très riches, de superbes fourrures, des perles, des diamants en profusion, les vases sacrés des églises de Moscou, des habits de prêtres, des chasubles brodées en pierres précieuses, la croix de l’église de Saint-Ivan le Grand, des collections d gravures, beaucoup de livres, des superbes bibliothèques des comtes Boutourline et Razoumovski, des vaisselles d’argent, et jusqu’à des porcelaiens. Nous trouvâmes aussi, parmi les voitures laissées ou brisées, tous les fourgons de l’état-major, du génie, des portefeuilles des affaires étrangères, d’immenses paquets de lettres, des cartes géographiques très précieuses, tous les plans des marches et des combats, des journaux, et une grande partie des bagages de Napoléon et de ses généraux28.

La bataille de la Bérézina coûta aux Russes des pertes avoisinant 14 000 à 15 000 morts et à la

Grande Armée 13 000 morts et blessés, sans compter les pertes civiles.

28 REY Marie-Pierre, op. cit., p. 277.

Bataille de la Bérézina

28 nov. 1812 – 8hStoudianka

SO=MA=JU/SA=UR/PL

27

On observera qu’une série de quintiles (aspects de 72° ou 144°) relient, durant l’année 1812, le

cycle Jupiter-Saturne avec Pluton. Ces quintiles étaient activés par le Soleil le 21 mai, alors que l’empereur était accueilli avec faste à Dresde par les souverains du royaume de Saxe. Ils sont activés par un relais martien le 28 novembre, au moment le plus fort de la bataille de la Bérézina.

Bérézina - Quintiles

Dresde Bérézina

28 nov.21 mai

1812

28

Eugène Tarlé brosse un tableau synthétique de cette pathétique retraite :

Les derniers jours de la lutte sanglante étaient arrivés. L’agonie de l’armée napoléonienne, commencée le 17 novembre, à son départ de Smolensk, dura jusqu’au soir du 14 décembre, lorsque le maréchal Ney, à la tête de quelques centaines de soldats valides et de quelques milliers d’hommes désarmés, de malades et de blessés, poursuivi par Platov, traversa en se défendant, le Niémen et fut le dernier Français à atteindre la rive prussienne. Pendant cette agonie, Napoléon put se rendre compte de plus en plus clairement des proportions inouïes et effroyables de sa déroute. Les officiers et les soldats français survivants de cette campagne disaient que la première étape de leur retraite (Maloïaroslavets-Vereïa-Viazma-Smolensk) avait été fort pénible, mais que les horreurs endurées pendant la seconde (Smolensk-Krasnoïé-Bérézina-Vilna-Kovno) restaient inimaginables29.

Aussitôt après la Bérézina, commencèrent les grands froids. A partir du 28 novembre et jusqu’au

12 décembre, le froid atteignit 20°, 23° et même 28° au-dessous de zéro. Pendant la nuit, à deux reprises différentes, le thermomètre descendit en dessous de 30°. Cette nouvelle épreuve porta le coup de grâce à l’armée napoléonienne. Le 9 décembre, les premières bandes de ces hommes à demi gelés et affamés entrèrent à Vilna. Ils se mirent aussitôt, dans une sorte de folie, à forcer et à piller les magasins de vivres. Le lendemain, les premiers détachements russes s’approchèrent de la ville. Ney prit le commandement de la retraite de Vilna à Kovno vers le Niémen. A huit heures du soir, le 14 décembre 1812, après que tout son détachement eut atteint la rive prussienne, le maréchal Ney avec sa suite composée de quelques officiers, traversa le dernier pont sur le Niémen.

Dans le thème de ce moment tragique qui met fin à la campagne de Russie, les trois éléments qui

viennent porter un sceau sur un moment précis de l’Histoire sont présents et actifs : le Soleil qui marque le jour) est relié à Jupiter et à Pluton ; la Lune (qui marque l’heure) également, et en plus en opposition exacte à Mars ; l’axe MC/AS (qui indique la minute) est relié à tous les autres éléments du thème ! Tragique signature d’une déroute complète, intervenue au terme d’une expédition qui dura 173 jours.

29 TARLE Eugène, op. cit., p. 286.

Traversée du Niémen

14 déc. 1812 – 20hKaunas

1812

29

Le 6 décembre, à Smorgone, Napoléon avait quitté l’armée, ayant confié à Murat le

commandement de ce qui en restait. Napoléon fit son voyage en traîneau en compagnie de Caulaincourt, d’un officier polonais du nom de Vonsovitch et de son domestique mamelouk, Roustan. Dans ses Mémoires, Caulaincourt rapporte que l’Empereur était parfaitement calme. Il ne s’inquiétait apparemment que fort peu de tout ce qui venait d’arriver. Il était déjà absorbé par les soucis et les projets sur la nouvelle guerre grandiose qui l’attendait en 1813.

LES PROTAGONISTES

Napoléon IerNapoléon Ier

15 août 1969 – 11h30Ajaccio

1814

Napoléon Ier – Les trois figures marquantes

1814

30

Dans une passionnante et passionnée étude des astralités de Napoléon Ier, André Barbault a bien mis en évidence les trois structures fondamentales de ce thème à tous égards exceptionnel, dont la pièce maîtresse est un polygone à cinq côtés sous la prédominance de la conjonction Mars-Neptune :

La position centrale est occupée par Neptune en Vierge, le grand collecteur des composantes de cette configuration. En lui peut se percevoir un plasma humain chrgé d’un grand rêve commun, évasion collective d’âmes portées par une haute marée passionnelle, emportés dans le tourbillon d’une grandiose aventure historique. Or, Mars vient coiffer la voûte de ce temple. Actualisation du triangle des transsaturniennes qu’apporte le triangle isocèle Vénus-Mars-Jupiter. Trigone Vénus-Jupiter : facilité, concours de circonstances favorables30.

André Barbault souligne que cette configuration martienne de Napoléon est pratiquement unique

en son genre : aucun des grands généraux de l’époque ne possède un Mars aussi éminent et valorisé que le sien. Cette conjonction Mars-Neptune est une « signature » qui semble attachée aux périodes révolutionnaires :

La conjonction Mars-Neptune se rencontre chez les trois leaders de la Révolution française : Danton, Tobespierre et Saint-Just, le même indice apparaissant à la Révolution bolchévique chez Lénine, Trotski et Staline. Le cycle Mars-Neptune scande le règne de la Commune insurrectionnelle, de la conjonction présente au 10 août 1792, quand le roi Louis XVI est détrôné, à la suivante qui accompagne le 9 Thermidor, alors que Robespierre est renversé. Pour la troisième fois revient cette conjonction Mars-Neptune au 18-Brumaire (9 novembre 1799), lors du coup d’État qui met fin au Directoire et installe au pouvoir Bonaparte, Premier Consul31.

André Barbault relève ensuite les angularités de Jupiter l’Ascendant, du Soleil au Milieu du Ciel

et d’Uranus au Descendant : il y voit la signature d’un « homme à l’ego surdimensionné, d’une débordante volonté de puissance, dévoré par le démon de l’ambition, envoûté par le pouvoir, tendu à l’extrême vers l’autorité, la suprématie, le prestige, la grandeur, le colossal, l’épopée ».

En contraste avec la plénitude souveraine de ce grand trigone entre les trois transsatunriennes

(Uranus, Neptune et Pluton), l’opposition de la Lune en exil en Capricorne à Saturne en exil en Cancer , en dissonance de Mars, apparaît comme le point faible du thème. Selon André Barbault, la Lune saturnisée du Capricorne indique une tendance à la dépersonnalisation, l’accent vital se sublimant dans l’ambition. « A sa manière, Napoléon est un ascète. Il fuit le sommeil, la table et la femme. Absorbé par le travail, ses distractions sont rares et courtes et il ne s’amuse guère aux fêtes ».

30 BARBAULT André, « Astralités de Napoléon », L’Astrologue, n° 130, 2000, p. 11. 31 Ibid., p. 16.

31

La troisième figure, lourde de tensions, est constituée par l’opposition, sur la ligne de l’horizon et

au carré du Milieu du Ciel, de l’opposition Jupiter-Uranus. André Barbault observe que le grand tournant du règne tombe au moment de l’hémicycle uranien, lors du passage d’Uranus sur Jupiter natal en Maison I (aspect exact le 14 novembre 1810) :

C’est le suprême basculement de l’existence avec tout d’abord le divorce d’avec Joséphine le 15 décembre 1809 (Uranus à 12° Scorpion), et ensuite le mariage avec Marie-Louise le 2 avril 1810 (Uranus à 18° du Scorpion). Une opposition Jupiter-Uranus se reconstitue sur l’opposition natale, dans l’inversion des positions. Le règne de Napoléon est à son sommet et il le couronne avec la naissance du roi de Rome,le 20 mars 181132.

Un mois plus tard, le 13 décembre, Napoléon procède à l’annexion des côtes allemandes de la

mer du Nord, ce qui contribuera à créer une tension redoublée dans les relations franco-russes. Au début de l’année 1811, la Russie décidera de rompre le blocus continental, tandis que Napoléon annexe le duché d’Oldenbourg, ce qui va mettre le feu aux poudres et conduire à la guerre des deux empires en 1812.

32 Ibid., p. 61.

Napoléon Ier – Le tournant du règne

1814

MA/PL sur l’axe des Noeuds

Uranus sur JupiterJU=MA/PL

14 nov. 1810

Joséphine / Marie-Louise

Le roi de Rome

32

Parmi les points faibles du thème on peut relever la dissonance du semi-carré Mars-Saturne. Elle

est reliée, d’une façon redoutable, aux axesJupiter/Pluton et Uranus/Pluton, qui forment entre eux un carré à 13° des signes Mutables, impliquant ainsi la conjonction Mars-Neptune de Napoléon. Ce 13e degré sera transité par Neptune en décembre 1812, au moment où le maréchal Ney traverse le Niémen et quitte la Russie.

On peut relever aussi la forte position de Chiron dans le thème de Napoléon : un Chiron situé au

carré de l’axe des Nœuds lunaires, avec un lien à Mercure et à l’Ascendant. André Barbault célèbre avec beaucoup de lyrisme le grand trigone entre les trois

transsaturniennes au moment de la naissance de Napoléon, phénomène qu’il présente comme unique au cours du millénaire :

La rencontre d’une double stature : la convergence d’une « toile de fond » exceptionnelle, milieu porteur inouï, et d’une « signature » quasi omnipotente, concentré ultime d’instant-lieu. Un triple trigone des trois astres les plus lents : le triangle équilatéral Uranus-Neptune-Pluton, ce phénomène unique du millénaire tenant lieu d’une apothéose. […] La convergence triangulaire des trois trigones de ce trio astral constitue une phase ultime d’épanouissement de société. Il y a là comme le suprême accomplissement d’un âge d’or. Le fruit de cette graine est la venue des philosophes des « Lumières ». Avec eux surgissent les grandes aspirations libératrices qui conduisent à vider le monde de la présence de Dieu pour mieux y installer l’humain33.

33 Ibid., p. 8-9.

Napoléon Ier – Deux figures secondaires

MA=SA=JU/PL=UR/PL Chiron-ME-Nœuds-Asc

1814

33

De fait, dans le cours des cycles Neptune-Pluton, on peut distinguer une courte phase

d’harmoniques triangulaires qui précèdent le moment de l’opposition (1101-1105, 1594-1509, 2087-2091) et une phase de longue durée pour le trigone involutif Neptune-Pluton qui suit l’opposition (1214-1294, 1704-1786, 2194-2277). C’est durant ces longues phases que l’on peut rencontrer de brèves périodes durant lesquelles un trigone Uranus-Neptune coïncide avec un trigone Uranus-Pluton (1251-1261, 1768-1773 - le phénomène ne se reproduira pas après l’opposition Neptune-Pluton de 2140).

Le Grand Trigone Uranus-Neptune-Pluton

UR-NENE-PLUR-PL

1101-1105 1214-129411531110

1110

1251-1255

1256-1261

UR-NENE-PLUR-PL

1594-1598 1704-178616461597

1597

1768-1772

1770-1773

UR-NENE-PLUR-PL

2087-2091 2194-227721402222-2224

1812

Harmoniques Uranus-Neptune-Pluton – 1000-2000

1110 1254

1597 1769

1812

34

Dans l’histoire du monde, le sens d’une configuration analogue diffère selon la « qualité » des temps qui relève davantage de la cyclologie traditionnelle que de l’astrologie mondiale. Le grand trigone Uranus-Neptune-Pluton de 1254 marquait, en quelque sorte, une plénitude de la Chrétienté occidentale, au mitan du règne de Saint Louis, plénitude qui précédait de quelques décennies l’entrée dans une nouvelle phase involutive que René Guénon associe à la disparition de l’Ordre du Temple en 1307. Les harmoniques de 1769, autour de la naissance de Napoléon et de Chateaubriand, correspondent à l’apogée de la brillante civilisation française classique qui rayonne sur l’Europe tout entière, jusqu’à Saint-Pétersbourg ; elles précèdent de peu la découverte d’Uranus (1781) qui marque l’avènement d’un processus révolutionnaire qui ira en s’élargissant et en s’approfondissant avec les découvertes ultérieures de Neptune (1846) et de Pluton (1930).

Le thème du tsar Alexandre Ier porte la marque de la triplice Jupiter-Saturne-Uranus, Jupiter se

trouvant dans l’axe Saturne/Uranus. Deux configurations dissonantes se dessinent autour des cycles Jupiter-Pluton (avec Vénus) et Saturne-Neptune (avec Mars). Le relais est assuré autour de l’Ascendant, dans l’axe Mars/Pluton. Uranus, au Fond du Ciel, a subi deux transits majeurs : en 1807-1808, à l’époque de la défaite de Friedland et du traité de Tilsit, le carré de Pluton ; en 1812, l’opposition de Neptune. L’année suivante, au moment de la victoire décisive sur Napoléon lors de la Bataille des Nations à Leipzig, Neptune transitera le Milieu du Ciel du tsar.

Le tsar Alexandre Ier

Alexandre Ier 23 déc. 1777 – 10h45

Saint-Pétersbourg1812

1807-1808 – Pluton carré Uranus1812 – Neptune opposé Uranus

35

Deux des fortes structures du thème de Napoléon affectent le thème d’Alexandre : La fameuse

conjonction Mars-Neptune de l’empereur (avec l’opposition Lune-Saturne) touche le sesqui-carré Uranus-Pluton et Vénus du tsar. La redoutable opposition Jupiter-Uranus du premier tombe sur le semi-carré Saturne-Neptune (en dissonance avec Mars) du second. Enfin, le Jupiter d’Alexandre (dans l’axe Saturne/Uranus) est sous le feu d’un sesqui-carré Soleil-Pluton de Napoléon.

Face au génie militaire exceptionnel de Napoléon, le tsar reconnaît lui-même qu’il n’est pas en

mesure de rivaliser avec lui. Mais il saura jouer habilement des cartes dont il dispose sur le plan politique et diplomatique. Ayant eu la sagesse de répondre aux instances de l’état-major et de sa sœur Catherine en quittant l’armée et en laissant le commandement à Barclay de Tolly puis à Koutouzov, il joue pleinement son rôle de ciment de la nation russe en rassemblant autour de lui, à Moscou, toutes les forces du pays :

Le 26 juillet, alors qu’Alexandre visite le monastère de la Trinité Saint-Serge, Platon, le métropolite centenaire de Moscou et de Kolomenskoe, lui fait parvenir l’icône bénie de Serge de Radonège. Le 27 juillet, le Saint-Synode édicte un manifeste appelant, au nom de Dieu, au renforcement de l’unité nationale : plus que jamais, l’union du tsar, de l’Église et du peuple est scellée contre l’ennemi34.

Sur le plan diplomatique, il assure ses arrières en signant, dans le sud, une paix avec les

Ottomans, et dans le nord avec les Suédois. Le 28 mai, le traité de Bucarest met fin à la guerre avec l’empire ottoman, et la Bessarabie revient à la Russie. Du 24 au 30 août, se tient sur l’île d’Albo , en mer Baltique, une rencontre au sommet entre Alexandre Ier et le roi Charles de Suède (Bernadotte). Un traité confirme la cession de la Finlande à l’Empire russe en échange de la Norvège. Le tsar peut distraire ainsi de ses frontières lointaines un certain nombre de forces militaires qui iront affronter la Grande Armée. 34 REY Marie-Pierre, op. cit., p. 115.

Synastrie Napoléon - Alexandre

1812

Sur VE-UR-PL LU-MA-NE-SA

Sur JU=SA/URPL et SO

Sur MA-SA-NEJU-UR

Cercle intérieur : Alexandre Cercle extérieur : Napoléon

36

La principale caractéristique de Koutouzov, qui signe son exceptionnelle faculté de résistance, est

la triple conjonction Mars-Jupiter-Pluton en Scorpion, avec Saturne au semi-carré de l’axe Mars/Jupiter. Figure qui est également au cœur du trigone Soleil-Lune, autre signature de sa vocation profonde de grand capitaine, formé à l’école de Souvorov. Koutouzov intègre l’armée russe à l’âge de 14 ans, il acquiert une solide culture, connaissant six langues, l’arithmétique et la géographie : sous les règnes de Catherine II et de Paul Ier, il participera à plusieurs négociations diplomatiques, étant ambassadeur à Constantinople, puis à Berlin. Il meurt en Silésie le 28 avril 1813, alors qu’il s’apprête, à la tête des forces alliées de la sixième coalition, à déclencher une offensive contre les forces de Napoléon. Son Soleil, à 13° Vierge, se situe sur le Mars de Napoléon.

Mikhaïl Illarionovitch Koutouzov Mikhaïl Koutouzov

5 sept. 1745Saint-Pétersbourg

Thème nodal

1812

37

La triplice Jupiter-Saturne-Uranus est bien présente dans le thème de Léon Tolstoï, mais reliée par la conjonction des axes Lune-Mercure et Jupiter/Saturne à 20° de la Vierge. En outre, on trouve une conjonction Mars-Neptune en Capricorne en Maison VII et Jupiter, à 11° Scorpion, tombe sur le Jupiter de Koutouzov et au voisinage de celui de Napoléon, ainsi que sur le Saturne d’Alexandre Ier.

Léon Tolstoï

Léon Tolstoï9 sept. 1828 – 22h52

Toula

1812

Guerre et Paix

Synastrie avec Tolstoï

Guerre et Paix19 mars 1863

1812

Conseil autour de Koutouzov, à Fili, le 13 sept. 1812

38

La conception du roman Guerre et Paix de Tolstoï se fait en plusieurs étapes. Tout d’abord, l’aministie qui, à l'avènement d'Alexandre II, a permis le retour de certains décembristes exilés en Sibérie, lui a suggéré l'idée d'un roman confrontant à travers l'un d'eux la Russie de 1856 à celle de 1825. Ce proet reçoit, en 1860, un commencement de réalisation. Mais l’auteur est ramené à l’époque des guerres contre Napoléon, qui ont provoqué l’élan national d’où est sortie la rébellion décembriste. Son imagination travaille alors sur cette période, qui est celle de la jeunesse de ses parents. En fait, la conception de Guerre et Paix va coïncider avec le cinquantenaire de la victoire contre Napoléon. Alors qu’en février et mars 1865 ont été publiés, dans les numéros 1 et 2 du Messager russe, les chapitres 1 à 38 de son roman intitulé 1805, Tolstoï a l’idée, le 19 mars 1865, d’écrire « un roman historique et psychologique sur Alexandre et Napoléon ». Il faudra attendre encore deux ans pour qu’en mars 1867 soit adopté le titre La Guerre et la Paix. Du 25 au 27 septembre 1867, Tolstoï se rend à Borodino, où il étudie le site de la bataille. Lorsque sortent les trois premiers livres de La Guerre et la Paix le 17 décembre 1867, c’est un immense succès, auquel l’auteur ne s’attendait aucunement. Finalement, en décembre 1869, l’ouvrage est intégralement publié. C’est encore à la date du 18 et 19 mars - mais huit ans plus tard, en 1873 - que Tolstoï rédige la première ébauche d’Anna Karénine, sujet auquel il a pensé pour la première fois le 23 février 1870.

Dans le thème dressé pour le 19 mars 1863, Saturne, au trigone de Mars-Uranus, transite l’axe

Saturne/Uranus du thème natal de Tolstoï. La conjonction Mars-Uranus active le point sensible du thème, Mercure dans l’axe Soleil-Lune, à 20° Vierge. Le transit de Neptune sur Pluton natal indique une puissante inspiration créatrice.

39

Le meilleur adaptateur du chef-d’œuvre de Tolstoï au cinéma, Serguéï Bondartchouk, présente

trois liens marquants avec le thème de l’écrivain. Un carré Mars-Saturne afffecte le semi-carré Soleil-Saturne de Tolstoï. Une conjonction Lune-Uranus se situe sur le Milieu du Ciel du romancier, et le Milieu du Ciel de Bondartchouk est au carré de l’Ascendant de Tolstoï. Le film a été réalisé de 1965 à 1967, un siècle après la publication du roman.

SUITES ET CONSEQUENCES DE LA GUERRE

Serguéi Bondartchouk

Synastrie avec TolstoïSerguéï Bondartchouk

25 sept. 1920 – s.h.Bilozerka 1812

La Bataille des NationsLeipzigBataille des Nations

19 oct. 18131812

Synastrie avecNapoléon

40

Napoléon ne se relèvera pas de la campagne de Russie. Une nouvelle fois, l’Europe coalisée se lève contre lui et, à partir du printemps 1813, il doit faire face à une nouvelle coalition russo-austro-prussienne. la bataille décisie a lieu à Leipzig, du 16 au 19 octobre. Au cours de la bataille, du fait des renforts qui arrivent sur place, l’équilibre des forces bascule en faveur des alliés.

Le thème de cette bataille décisive présente une concentration entre les axes planétaires reliés à

Pluton : sur la zone sensible de 20° des signes Mutables, Pluton est au carré des axes Saturne/Uranus et Soleile/Mars en Sagittaire, eux-mêmes au semi-carré de l’axe Jupiter/Saturne. Pour midi, dans le thème nodal, toutes ces configurations sont reliées à l’axe Milieu du Ciel/Ascendant.

Par rapport au thème de Napoléon, on relève le carré de Neptune à la conjonction natale Mars-

Neptune, avec un relais dissonant du Soleil. Cette défaite signe la fin de la présence française en Allemagne et le début de la campagne de

France. Le 30 Mars 1814, Paris capitule ; le 4 avril, Napoléon abdique à Fontainebleau. Le 30 mai, la signature du premier traité se Paris met un terme au conflit.

LA CLEMENCE D’ALEXANDRE

Si Napoléon fut grand dans la guerre, Alexandre Ier fut grand dans la paix. On aurait pu

s’attendre, après tant de souffrances et d’humiliations, à ce que le vainqueur traite durement ceux de ses sujets qui avaient collaboré avec l’ennemi et qu’il impose au vaincu des conditions draconiennes. Si ce comportement devint la norme au XXe siècle à l’issue de chacune des deux guerres mondiales, il en alla tout autrement au sortir de la campagne de Russie. Entré le 23 décembre 1812 à Vilno, le tsar fait publier le lendemain un décret d’amnistie envers les Polonais :

La tonalité du document manifeste une vision politique du tsar - la concorde et l’unité impériales doivent prévaloir sur l’esprit de revanche. C’est au nom de la miséricorde divien que les Polonais ayant combattu contre les troupes du tsar et ayant été faits prisonniers pourront eux aussi bénéficier de la mesure35.

Ensuite, désireux d’en finir avec la guerre et sa cohorte de traumatismes et de permettre à la

société russe de reprendre une vie normale, Alexandre Ier adopte, à l’été 1814, un décret d’aministie générale ayant pour effet de relaxer tous les collaborateurs de l’administration française - Français ou Russes :

A côté de nos fidèles sujets qui forment l’immense majorité de nos peuples, nous trouvons avec douleur un certain nombre, heureusement très faible, d’égarés qui, les uns par peur des menaces de l’ennemi, d’autres entraînés par séduction et corruption, d’autres, enfin, par dépravation de mœurs et par méchanceté de cœur, oubliant leur devoir sacré d’amour envers la patrie et de respect de la vertu, se sont rangés aux côtés de l’ennemi injuste et perdide, détesté de Dieu et des hommes ; lesquels égarés auraient dû être châtiés en proportion de leurs fautes ; mais Nous, en cette heure de triomphe et de félicité universelle, cédant à la voix qui crie en Nous miséricorde, Nous leur accordons sans exceptio une grâce générale. En suite de quoi, Nous ordonnons que soient libérés sur toute l’étendue de Notre pays tous ceux qui, sous quelque forme que ce soit, sont empriosnnés, déportés ou détenus ; et que les biens meubles et immeubles qui avaient été confisqués à cette occasion ou soumis à une surveillance quelconque soient rendus à leurs possesseurs dans les conditions d’antan ; que toutes les poursuites contre eux soient interrompues et qu’ils ne soient soumis à aucune vexation ; bref, qu’ils soient remis en l’état où ils se trouvaient avant de tomber dans la faute que Nous leur pardonnons en toute miséricorde, et que Nous oublions, dans l’espoir que la prédominance de Notre grâce sur l’équité les conduira à un utile repentir ; et que par leur vie, exempte de reproches, ils effaceront de la mémoire des hommes des agissements qui les avaient privés du respect des honnêtes gens, ce bien précieux entre tous.36

35 Ibid., p. 296. 36 Ibid., p. 231.

41

EMPIRE UNIVERSEL VS SAINTE ALLIANCE André Barbault a décelé, dans le thème de Napoléon, quelque chose de particulièrement

dangereux, qui s’exprime par la configuration la plus expansionniste qui soit : l’opposition Jupiter-Uranus dans l’axe de l’horizon. Le carré Soleil-Jupiter angulaire sous tension uranienne donne une touche démesurée, exorbitante. L’empereur est mû par une irrésistible poussée de dilatation et de quête de puissance. Sa référence n’est rien moins que l’empire de Charlemagne, le rêve d’un Empire d’Occident :

Mon fils doit être l’homme des idées nouvelles et de la cause que j’ai fait triompher partout… réunir l’Europe dans les liens fédératifs indissolubles. Ma destinée n’est pas accomplie ; je veux achever ce qui n’est qu’ébauché ; il me faut un code européen, une cour de cassation européenne, une même monnaie, les mêmes poids et mesures, les mêmes lois ; il faut que je fasse de tous les peuples de l’Europe un même peuple et de Paris la capitale du Monde37.

Pour sa part, l’historien russe Eugène Tarlé rapporte que les contemporains jugeaient que les

générations futures auraient de la peine à s’imaginer l’atmosphère de cet époque, et il cite le témoignage d’un ami de Pouchkine, le prince P. Viazmski :

Napoléon inspirait de la frayeur aussi bien aux souverains qu’aux peuples. Ceux qui n’ont pas vécu à cette époque ne peuvent se représenter combien étouffant était l’air qu’on respirait. D’une façon ou d’une autre, le sort de chaque État et même de chaque individu dépendait des caprices du cabinet des Tuileries, ou des ordres militaires du G.Q.G. de Napoléon. Tout le monde vivait dans l’attente d’un tremblement de terre ou d’une éruption volcanique, personne ne pouvait agir ou respirer à son aise38.

Par ailleurs, Marie-Pierre Rey rappelle que, selon l’historien André Ratchinski, Napoléon aurait

eu le dessein de sacraliser son œuvre de conquête du monde en se faisant couronner au Kremlin. S’emparant de la « Troisième Rome », Napoléon donnait à son expédition une dimension messianique. Il apparaît cependant que Napoléon était avant tout porteur - et exporteur - des idéaux de la Révolution française et que la Grande Armée était une force radicalement déchristianisée. De cela témoigne l’abbé Surrugues, curé de la paroissse catholique de Moscou :

Vous saurez ce que c’est que le christianisme de cette armée, quand vous apprendrez que dans un corps de 400 000 hommes, tel qu’il était au passage du Niémen, il ne se trouvait pas un seul aumônier. […] La religion n’est pour eux qu’un mot vide de sens39.

S’il y a une dimension religieuse, voire mystique, on le trouve chez ceux qui combattent

Napoléon, défini comme « l’infâme » ou « l’Antéchrist », et dont les troupes n’hésitent pas à transformer en écuries les quelques églises encore debout.

Quant au tsar, Marie-Pierre Rey montre bien qu’il sort complètement renouvelé des épreuves, en

homme qui a connu une véritable révolution spirituelle :

Pour le tsar, s’il est parvenu à vaincre Napoléon, c’est parce qye Dieu lui est venu en aide. Pour Alexandre Ier, entré dans Paris en mars 1814 à la tête des troupes coalisées, l’heure victorieuse n’est ni aux représailles ni à la revanche. Il rêve d’une ère nouvelle, fondée sur l’entente fraternelle et chrétienne des souverains d’Europe40.

Le jour de Pâques 1814 le tsar fait célébrer, sur la place de la Concorde, un service solennel à la

grâce de Dieu, et un Te Deum retentit à l’endroit même où Louis XVI a été guillotiné. En septembre 1815, Alexandre Ier propose aux souverains prussien et autrichien la signature d’un traité de « Sainte-

37 BARBAULT André, op. cit., p. 37. 38 TARLE Eugène, op. cit., p. 20. 39 REY Marie-Pierre, op. cit., p. 204. 40 Ibid., p. 305.

42

Alliance », suscitant scepticisme et ironie parmi les diplomates chevronnés. Au nom de l’équilibre entre les puissances, le tsar obtient pour la France des conditions avantageuses :

Alexandre tient à établir une distinction très nette entre la responsabilité pleine et entière de Napoléon et l’innocence du peuple français, à ses yeux lui aussi victime de la tyrannie napoléonienne. Au lendemain de l’irréversible défaite de Waterloo, les conditions imposées à la France sont sensiblement moins favorables puisque la France est ramenée à ses frontières de 1790 et qu’une sanction financière s’ajoute à la sanction teritoriale. Mais le pays parvient à échapper à tout démembrement : là encore, l’intervention d’Alexandre Ier se révèle décisive41.

TRIOMPHE DE LA THALASSOCRATIE

Eugène Tarlé souligne l’opposition résolue de Koutouzov face aux exigences formulées par

l’attaché militaire anglais Robert Wilson qui l’espionnait et le dénigrait auprès de la cour de Saint-Pétersbourg. Alors que l’Angleterre visait avant tout à la mort ou à la capture de Napoléon, ce qui aurait entraîné la chute de son empire, la priorité de Koutouzov était de libérer la Russie en causant le moins de pertes possibles à l’armée russe. Robert Wilson se lamentait de la retraite des Russes au-dekà de Maloïaroslavets, qui avait sauvé, selon son opinion, l’ennemi d’un anéntissement inévitable. A quoi Koutouzov rétorquait sans ménagement :

Je n’ai que faire de vos objections. A mon ennemi, je préfère laisser un « pont d’oe », selon votre expression, plutôt que de recevoir un « coup de collier ». En outre, je dirai de nouveau et je vous l’ai déjà dit, que je ne suis en aucune manière convaincu que la totale destruction de l’empereur Napoléon et de son armée serait d’un grand bénéfice pour le monde. Sa succession n’incomberait ni à la Russie ni à aucune autre puissance continentale mais à la puissance qui maîtrise la mer, et dont la domination deviendrait alors intolérable42.

Koutouzov, qui était un fin politique, avait prévu ce qui se produisit après la chute de Napoléon :

ce fut l’Angleterre qui, à l’exclusion de tout autre pays du continent, en tira le plus grand profit. Le commerce et la monnaie russes se trouvèrent dès lors dans une dépendance directe de Londres.

LA MEMOIRE DE 1812 EN RUSSIE

Selon Eugène Tarlé, les conséquences de la guerre furent énormes pour la Russie, et la première

fut l’affirmation d’une puissante conscience nationale :

C’est la résistance du peuple russe et non pas le froid et l’étendue du territoire qui a remporté la victoire sur Napoléon. Le peuple russe défendit son droit à une existence nationale indépendante, et le fit avec une volonté de vaincre si indomptable, avec un héroïsme si authentique, avec un tel mépris de la gloriole et avec un tel enthousiasme, qu’aucun autre peuple de l’époque, sauf le peuple espagnol, ne peut lui être comparé43.

41 Ibid., p. 306. 42 Ibid., p. 246. 43 TARLE Eugène, op. cit., p. 329.

43

Ce n’est qu’avec le règne de Nicolas Ier que la « guerre partiotique » de 1812 devient une

référence mémorielle majeure. Le 26 août 1839, le champ de bataille de Borodino est officiellement étigé en lieu de mémoire sacrée de l’histoire russe. A Moscou, où la place Rouge a été entièrement réaménagée, et qui est devenue une des plus belles villes d’Europe, se poursuivent les travaux de construction d’une cathédrale dédiée au Christ Sauveur en signe de gratitude à l’égard de la Providence Divine. Il faudra attendre 1881 pour que l’édifice soit achevé. L’église est consacrée deux ans plus tard, à l’occasion du sacre d’Alexandre III. C’est lors de cette cérémonie qu’est jouée l’Ouverture solennelle 1812, composée pour la circonstance par Tchaïkovski. Cette cathédrale, dynamitée le 5 décembre 1931 pour construire un Palais des Soviets qui ne fut jamais édifié, devint le lieu de la Piscine Moskva de 1958 à 1994. Le patriarcat de Russie obtint sa reconstruction et la nouvelle cathédrale du Christ Sauveur fut consacrée le 19 août 2000.

Dans le thème du sacre d’Alexandre III, on note que l’axe des Nœuds s’inscrit au carré de

l’opposition Lune-Saturne de Napoléon Ier. Les axes Mars/Saturne et Uranus/Pluton sont conjoints à 22° Lion, tandis que l’axe Jupiter/Saturne, relié à Vénus, elle-même au carré de l’axe MC/AS, situé à 13° Poissons, un des points sensibles des thèmes concernant la Russie.

Sacre d’Alexandre III – Cathédrale du Christ Sauveur

1812Sacre d’Alexandre III27 mai 1883

Moscou

Cathédrale du Christ SauveurMoscou, 1903

44

CONCLUSION - BRUTALISATION ET BARBARISATION Marie-Pierre Rey écrit que « la guerre de 1812 fut l’une des premières guerres de l’histoire

européenne en voie de ‘totalisation’ ». Plusieurs historiens ont adopté, l’appliquant à l’évolution de la société européenne durant la Première Guerre mondiale, le terme de « brutalisation ». Ce concept a été introduit par George L. Mosse dans son ouvrage sur la Grande Guerre, paru en 199044. Il entend par là désigner un processus de banalisation de la violence, de la souffrance et de la mort de masse, un endurcissement des esprits qui constitue, à ses yeux, la matrice des totalitarismes. Si un tel processus est bien à l’œuvre sur une vaste échelle à l’époque de la Première Guerre mondiale, il nous semble - et la campagne de Russie en est la plus effroyable illustration - que la matrice de la brutalisation apparaît déjà avec la Révolution française et se déploie une première fois durant les guerres napoléoniennes. Dans son discours aux Lucs-sur-Boulogne, le 25 septembre 1993, Soljénitsyne montrait dans la terreur exercée sur la Vendée au nom des idéaux révolutionnaires le germe des massacres de populations à grande échelle effectués au nom du communisme en Union Soviétique, en Chine et ailleurs. La guerre de 1812 - véritable tornade de feu qui s’abat sur la Russie jusqu’au cœur du pays, Moscou - révèle un degré de cruauté qui glace d’effroi les acteurs eux-mêmes : « « Nous connûmes par expérience les dernières extrémités que l’espèce humaine peut endurer », écrira le sous-lieutenant Ducque. Une cruauté dont n’est pas exempt Napoléon lui-même, comme en témoigne cet épisode devant Smolensk en flammes :

A 2 heures, près de sa tente, à peu de distance du château d’Ivanovskaïa, devant un feu de bivouac, l’Empereur, Berthier, Bessières, Caulaincourt contemplent l’incendie de la ville qui éclaire l’horizon. « N’est-ce pas que c’est un beau spectacle ? dit l’Empereur. - Horrible, Sire… - Bah ! Messieurs, rappelez-vous ce mot d’un empereur romain, le corps d’un ennemi mort sent toujours bon. » Après son entrée dans Smolensk, il dit : « Avant un mois, nous serons à Moscou ; dans six semaines, nous aurons la paix. » Il le croyait fermement.

Le propre de la barbarisation, ce n’est pas la cruauté des faits en eux-mêmes, c’est l’insensibilité,

le durcissement du cœur, l’accoutumance à l’horreur. A la cruauté des envahisseurs répondra bientôt celle des résistants : le sort des prisonniers n’est enviable ni d’un côté ni de l’autre. Même si la mansuétude du tsar Alexandre permettra à plusieurs dizaines de milliers de soldats de survivre, les paysans russes infligeront des traitements barbares aux prisonniers de la Grande Armée, enterrés vivants ou brûlés vifs. En se retirant, la Grande Armée répand la terreur autour d’elle. A Viazma, réduite en cendres le 31 octobre, 300 prisonniers russes sont enfermés dans une église et condamnés à y être brûlés vifs : ils seront sauvés in extremis par leurs caparades. Les souffrances endurées par la faim durant la retraite entre Moscou et Smolensk sont tels que l’on signale plusieurs cas d’anthropophagie, et même d’autophagie :

Les témoins oculaires affirmaient que les Français dévoraient leurs morts. Ils racontaient, entre autres, avoir souvent rencontré des Français dans quelques granges où ils cherchaient à se protéger contre le froid, assis autour d’un feu, grillant les cadavres de leurs camarades dont ils taillaient les meilleurs morceaux pour apaiser leur faim ; exténués, s’affaiblissant d’heure en heure, ils tombaient morts, pour servir, à leur tour, de nourriture aux nouveaux arrivés qui s’étaient à grand-peine traînés jusque-là45.

44 MOSSE George L., La Brutalisation des sociétés européennes. De la Grande Guerre au totalitarisme, Hachette, 2000. 45 TARLE Eugène, op. cit., p. 312.

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Pour les Russes, l’invasion de 1812 fut ressentie comme aussi cruelle que celle des Mongols au XIIIe siècle :

Lorsqu’en octobre le général Lauriston, ambassadeur de Napoléon, se plaignit à Koutouzov des « procédés barbares » des paysans russes envers les Français, le vieux généralissime, pour expliquer et excuser ce fait, lui dit que les paysans russes avaient adopté envers les Français la même attitude que celle de leurs ancêtres vis-à-vis des Mongols. Lauriston fut froissé par cette comparaison de l’armée civilsisée de son Empereur avec les hordes de Gengis-Khan, mais elle illustre fort bien la psychologie du paysan russe qui voyait une immense horde armée envahir sa patrie pour la déchirer, la piller, le brûler et la saigner. « Dévastation tartare », c’est par ces termes que les paysans des environs de Moscou qualifièrent pendant de longues années l’invasion napoléonienne46.

Charles Ridoux

Amfroipret, le 18 juin 2012

BIBLIOGRAPHIE CATE Curtis, La Campagne de Russie, 1812. Le duel des empereurs, Paris, Tallandier, 2006. DUCQUE Gaspard, Journal de marche du sous-lieutenant Ducque, éd. de L. Nagy, Paris, La

Vouivre, 2004. RAMBAUD Patrick, Il neigeait, Paris, Grasset, 2000. REY Marie-Pierre, Alexandre Ier, Paris, Flammarion, 2009. REY Marie-Pierre, L’Effroyable tragédie. Une nouvelle histoire de la campagne de Russie,

Flammarion, 2012. TARLE Eugène, La Campagne de Russie, 1812, Paris, Gallimard, 1950. TROITSKI Nicolas, 1812. La grande année de la Russie, Moscou, Omega, 2007 (en russe). TROITSKI Vsevolod, La guerre patriotique de 1812 et la littérature du XIXe siècle, Moscou, RAN,

1998 (en russe). ZAMOYSKY A., Moscou, 1812. Napoleon’s Fatal March, London, Harper Collins, 2004. ZEMTSOV Vladimir, 1812 : l’incendie de Moscou, Moscou, Kniga, 2010 (en russe).

46 Ibid., p. 200.

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DONNEES DE NAISSANCE Alexandre Ier - Alexandre Ier - 23 décembre 1777 - 10h45 - Saint-Pétersbourg Bataille des Nations - 19 octobre 1813 - Leipzig Bérézina - 28 novembre 1812 - 8h - Stoudianka Bondartchouk Serguéï - 25 septembre 1920 - Bilozerka Borodino - 7 septembre 1812 - 3h30 - Borodino Départ de Saint-Cloud - 9 mai 1812 - 6h - Saint-Cloud Dynastie des Romanov - 3 mars 1613 - Moscou (21 fév. julien) Empire français - 18 mai 1804 - 15h - Paris Empire russe - 22 octobre 1721 Koutouzov Mikhaïl - 5 septembre 1745 - Saint-Pétersbourg Maloïaroslavets - 24 octobre 1812 - 4h - Maloïaroslavets Moscou - 14 septembre 1812 - 14h30 - Moscou Napoléon Ier - 15 août 1769 - 11h30 - Ajaccio Passage du Niémen (aller) - 24 juin 1812 - 0h - Kaunas Passage du Niémen (retour) - 14 décembre 1812 - 20h - Kaunas Sacre d’Alexandre III - 27 mai 1883 - Moscou Smolensk - 16 août 1812 - 6h - Smolensk Taroutino - 18 octobre 1812 - 4h15 TU Tolstoï Léon - 9 septembre 1828 - 22h52 - Toula Vitebsk - 28 juillet 1812 - 21h - Vitebsk