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SELECTIONS D’ENTREE EN FORMATION D’ASSISTANT DE SERVICE SOCIAL D’EDUCATEUR SPECIALISE D’EDUCATEUR DE JEUNES ENFANTS DU JEUDI 23 JANVIER 2014 EPREUVE ECRITE QUESTIONNAIRE Durée : 3h30 Notation : /20 Coef. 1 Vous devez traiter l’ensemble de ces questions. Question n°1 : Avec la mort de Nelson Mandela à l'âge de 95 ans, c'est un homme de mots qui s'en va. Ses phrases ont fait le tour de la planète et resteront dans l'histoire. "Nous devons nous inspirer de sa sagesse, de sa détermination et de son engagement pour nous efforcer de rendre le monde meilleur", a déclaré le secrétaire général de l'ONU Ban Ki- moon. Lors du procès de Rivonia, en 1964, au terme duquel il avait été reconnu coupable de sabotage, de destruction de biens et de violation de la loi en vigueur sur l'interdiction du communisme, avant sa condamnation à la prison à vie, Nelson Mandela prononce une plaidoirie en forme de profession de foi : « Au cours de ma vie, je me suis entièrement consacré à la lutte du peuple africain. J'ai lutté contre la domination blanche et j'ai lutté contre la domination noire. Mon idéal le plus cher a été celui d'une société libre et démocratique dans laquelle tous vivraient en harmonie et avec des chances égales. J'espère vivre assez pour l'atteindre. Mais si cela est nécessaire, c'est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir. » Source : "Un long chemin vers la liberté", publié en 1994, année des premières élections multiraciales de la Rainbow Nation dont il avait rêvé. Que connaissez-vous de ses combats et actions ? Que pensez-vous des hommages rendus tels que "un symbole de réconciliation, de pardon et de magnanimité" ? Question n°2 : D'après les enquêtes réalisées au cours des deux dernières années, on peut estimer que 10 % des écoliers, des collégiens et lycéens rencontrent des problèmes de harcèlement et que 6 % d'entre eux subissent un harcèlement que l'on peut qualifier de sévère à très sévère. Vincent Peillon, Ministre de l’Education a présenté en Novembre 2013 les nouvelles mesures pour agir contre le harcèlement à l'École. - Page 1/2 -

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SELECTIONS D’ENTREE EN FORMATION

D’ASSISTANT DE SERVICE SOCIAL

D’EDUCATEUR SPECIALISE

D’EDUCATEUR DE JEUNES ENFANTS

DU JEUDI 23 JANVIER 2014

EPREUVE ECRITE QUESTIONNAIRE

Durée : 3h30 Notation : /20 Coef. 1

Vous devez traiter l’ensemble de ces questions.

Question n°1 : Avec la mort de Nelson Mandela à l'âge de 95 ans, c'est un homme de mots qui s'en va. Ses phrases ont fait le tour de la planète et resteront dans l'histoire. "Nous devons nous inspirer de sa sagesse, de sa détermination et de son engagement pour nous efforcer de rendre le monde meilleur", a déclaré le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon. Lors du procès de Rivonia, en 1964, au terme duquel il avait été reconnu coupable de sabotage, de destruction de biens et de violation de la loi en vigueur sur l'interdiction du communisme, avant sa condamnation à la prison à vie, Nelson Mandela prononce une plaidoirie en forme de profession de foi : « Au cours de ma vie, je me suis entièrement consacré à la lutte du peuple africain. J'ai lutté contre la domination blanche et j'ai lutté contre la domination noire. Mon idéal le plus cher a été celui d'une société libre et démocratique dans laquelle tous vivraient en harmonie et avec des chances égales. J'espère vivre assez pour l'atteindre. Mais si cela est nécessaire, c'est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir. »

Source : "Un long chemin vers la liberté", publié en 1994, année des premières élections multiraciales de la Rainbow Nation dont il avait rêvé.

Que connaissez-vous de ses combats et actions ? Que pensez-vous des hommages rendus tels que "un symbole de réconciliation, de pardon et de magnanimité" ?

Question n°2 :

D'après les enquêtes réalisées au cours des deux dernières années, on peut estimer que 10 % des écoliers, des collégiens et lycéens rencontrent des problèmes de harcèlement et que 6 % d'entre eux subissent un harcèlement que l'on peut qualifier de sévère à très sévère. Vincent Peillon, Ministre de l’Education a présenté en Novembre 2013 les nouvelles mesures pour agir contre le harcèlement à l'École.

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« Au programme : la mise en place de 31 référents académiques à l'écoute des victimes et témoins (formés dans les écoles supérieures de l'enseignement et de l'éducation), 10 dessins animés pour sensibiliser les écoliers, 6 fiches à destination des parents et élèves, un plan de formation pour les enseignants, un guide pour lutter contre cette cyberviolence qui ne s'arrête pas aux portes de l'école et jusqu'à 2000 euros pour récompenser des initiatives dans le cadre d'un prix baptisé « Mobilisons-nous contre le harcèlement ». Que connaissez-vous de ce fléau et que pensez-vous de ce plan d’action ?

Question n°3 :

Le transport collectif de personnes ne représente, en moyenne, que 7% de la part des déplacements sur le territoire réunionnais. Le trafic automobile, lui, sans cesse en croissance concerne plus de 80% des déplacements. Face à une croissance économique et démographique grandissante, la mise en place d’un réseau de transports en commun performant constitue, un enjeu majeur de développement durable pour La Réunion. Quel est votre avis ?

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SELECTIONS D’ENTREE EN FORMATION

D’ASSISTANT DE SERVICE SOCIAL

D’EDUCATEUR SPECIALISE

D’EDUCATEUR DE JEUNES ENFANTS

DU JEUDI 23 JANVIER 2014

EPREUVE ECRITE

NOTE DE SYNTHESE

Durée : 2 heures

CONSIGNE

A partir des textes et témoignages ci-joints, vous réalisez une synthèse sur le sujet suivant : donner les caractéristiques de l’engagement. Votre synthèse très condensée doit se situer dans une fourchette de 350 à 400 mots. Tous les mots comptent, qu’ils soient des mots « pleins » (noms, verbes, adjectifs…) ou des mots outils (articles, auxiliaires du verbe, prépositions, conjonctions de coordination ou de subordination, négations…). Les mots composés comme « parce que » ne valent qu’un. Vous devez préciser à la fin de votre synthèse le nombre de mots que vous avez utilisés.

(noté sur 20, coef. 1)

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Extrait de « UNE HISTOIRE D’ENGAGEMENT »

L’appel à auteurs sur le thème de l’engagement a permis à un groupe d’étudiants en formation

d’éducateur spécialisé et formateur de travailler sur le sens de ce terme. L’occasion « faisant le

larron », selon l’expression consacrée, peut être une manière de questionner la notion

d’engagement : Est-ce cette situation qui a généré « l’engagement » des uns ou des autres ou

est-ce que l’engagement, valeur portée par les uns ou les autres, les a autorisés à s’approprier

cette offre ? Chemin faisant, en partageant réflexions, expériences et convictions, nous nous

sommes interrogés sur ce que peut recouvrir ce mot. Ce sera l’objet de la première partie de cet

article. Derrière la polysémie de ce mot, comment l’engagement du professionnel se manifeste-

t-il vis-à-vis de l’usager, de l’institution, et dans le travail en équipe. Les implications pratiques

de l’engagement seront discutées dans une deuxième partie. De plus si cette démarche

professionnelle peut être considérée comme un gage de qualité dans l’accompagnement, n’y a-

t-il pas à l’instar des défauts des qualités, des paradoxes à l’engagement professionnel ? Les

dérives de l’engagement seront réfléchies dans une troisième partie. Le coup de sifflet est

donné, qu’en est-il de l’engagement ?

Représentations de l’engagement : Qu’entend-on par engagement, levier ou

enfermement ?

Pour certains, l’engagement limiterait nos comportements et nos actions à « l’insu de notre plein

gré ». Les objets de notre implication seraient les mêmes que ceux de notre aliénation, laquelle

s’évaluerait au regard d’agendas bien remplis qui ne pourraient inférer que sacrifice et

abnégation. Les manches retroussées et l’ombre d’un surmoi stimuleraient des prises de

décision pour y aller « coûte que coûte », « au prix de ». Pour d’autres, l’engagement serait

l’expression d’un positionnement singulier, il y aurait « un plus » à un exercice formel et

stéréotypé de compétences. Valeur personnelle, enthousiasme intrinsèque, trait de personnalité

marquant un goût pour le sens dans l’action professionnelle, l’engagement serait perçu comme

un moyen qui oblitèrerait la pertinence d’un emploi. L’engagement serait-il le trait d’union entre

identité personnelle et identité professionnelle ?

Qu’en est-il de l’engagement dans le champ de l’éducation spécialisée ? Revenons à la

définition de la profession et du contexte d’intervention de l’Educateur Spécialisé dans le décret

de 2007 « L’éducateur spécialisé, dans le cadre des politiques partenariales de prévention, de

protection et d’insertion, aide au développement de la personnalité et à l’épanouissement de la

personne ainsi qu’à la mise en œuvre de pratiques d’action collective en direction des groupes

et des territoires. (…) L’éducateur spécialisé est impliqué dans une relation socio-éducative de

proximité inscrite dans une temporalité ». N’importe quel quidam pourrait avoir une

représentation « naïve » de l’engagement comme une caractéristique intrinsèque à tout

professionnels du champ de l’éducation spécialisée. La notion d’aide ne pourrait être corrélée

qu’avec des intentions bienveillantes chez celles et ceux qui veulent exercer ce métier. Le don

de soi serait la pierre angulaire des motivations de celles et ceux s’impliquant dans cette voie

professionnelle (Fablet, 2009).

Termes et définitions

Selon la définition générale, « l’engagement est la participation active, par une option conforme

à ses convictions profondes, à la vie sociale, politique, religieuse ou intellectuelle de son

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temps. » (Trésor de la Langue Française Informatisé). Chaque personne manifeste son

engagement par le biais d’actions diverses dans lesquelles il s’exprime. Dans le cadre social,

une personne qui s’engage dans du bénévolat auprès d’une association donne de son temps,

sans rémunération financière, pour aider l’autre, en usant de ses compétences et de ses

motivations. Une première explication consisterait à dire que la personne, libre de toute attente,

cherche à « donner pour l’autre ». Mais pourquoi s’engage-t-on ?

L’engagement : une valeur ajoutée

L’engagement se constitue par l’apport de croyances, connaissances, éducation et

environnement, acquis durant la vie de l’individu et ce depuis son plus jeune âge. À défaut de le

penser comme concept, l’engagement est avant tout l’expression dispositionnelle d’un individu

dans une collectivité. L’individu s’investi pour la première fois dans une action bénévole, le

pensera et le ressentira avec conviction et certitude. En effet, des déterminants socio-

économiques et psychologiques ne sont pas négligeables et permettent d’observer

explicitement l’engagement et son évolution indéniable dans le bénévolat. La construction de

son identité de bénévole, la place choisie (ou pas ?) dans l’association, l’action commune ou

idoine, et l’estime de soi sont les principaux critères de sélections chez l’individu s’engageant

dans la collectivité.

Bénévoles comme professionnels, ne sont-ils pas non plus actifs pour satisfaire un désir,

combler un vide ou compenser un manque ? Souvent les personnes victimes de traumatismes

veulent agir dans un domaine particulier impliquant le don de soi (travail social, éducation,

bénévolat), soit parce qu’ils estiment comprendre la douleur de l’autre, (« J’ai été battu, je

comprends ces personnes, elles ont besoin d’écoute et de soins »), soit parce qu’il s’agit d’un

moyen, voire d’un mécanisme, leur permettant de comprendre eux-mêmes leur(s) propre(s)

souffrance(s). (« Je ne comprends pas pourquoi ma mère m’a abandonné, je m’en suis remis,

je ne suis pas tout seul, je suis résilient mais je comprendrais peut être ma souffrance à travers

mon identification dans l’accompagnement de l’autre »). Pour ne pas citer « le père » de la

résilience, Cyrulnik (2005, p. ) « nous sommes tous un jour ou l’autre, confrontés à un

traumatisme plus ou moins difficile à combattre, nous devons tous vivre avec «le murmure de

nos fantômes». Lorsque notre réalité de vie est ou a été particulièrement difficile, les facteurs

de protection et/ou mécanisme de défense contribuant à la résilience, tels que l’activisme

(mécanisme adaptatif) ou l’estime de soi (facteur de protection) et sont exprimés à travers cet

engagement. La personne peut très bien être mue par un désir de « s’oublier » ou de « fuir »

des questionnements douloureux ou trop intensément difficiles à gérer.

Au regard de la littérature sur le bénévolat (Penner & Finkelstein, 1998 ; Penner, 2002),

l’engagement dans l’action éducative chez l’éducateur spécialisé peut être défini comme une

action prosociale, certes, aux sources de motivations quadruple (égoïstes, principalistes,

altruistes, collectivistes) impliquant un modèle identificatoire du bénévole/professionnel dans la

construction et l’affirmation de son rôle afin de vivre spontanément cette expérience. Outre les

motivations de compensation évoquées ci-dessus, l’engagement, considéré comme valeur

affirmée, est un concept développé en 1966 avec Kiesler et Sakumura, qui proposent la

définition suivante : « L’engagement est le lien qui unit l’individu à ses actes

comportementaux. » Nous pouvons alors supposer que dans le travail du professionnel, la

personne actrice de ses convictions, respectueuse de ses valeurs et de celles des autres serait

impliquée dans « un savoir-faire » prouvant un engagement réel dans le travail (ex : c’est un

passionné de verre, il est souffleur depuis plus de 20 ans et c’est le meilleur de la région !)

L’investissement sans compter, l’implication à tout niveau dans son corps de métier et

l’expérience accumulée dans l‘exercice d’une technique particulière du souffleur de verre dans

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les tâches de son travail est l’expression de sa passion à laquelle il s’adonne et qui fait de sa

technique « le meilleur de la région » mais c’est également la reconnaissance des autres

(connus et inconnus) qui lui permet d’entretenir et perdurer l’exercice de ses valeurs au travers

de ses objets et d’évoluer dans sa pratique. La finalité permet le maintien du lien social entre

les différents acteurs environnant. L’engagement est donc qualitatif. Le souci de « bien faire »

implique de l’empathie pour l’autre.

L’engagement : un agencement de valeurs et de comportements

Pour d’autres l’engagement n’est pas qu’une affaire de volonté. Barthélémy, Dubois et Pasquier

(2006) mènent des expérimentations sur ce thème. En effet, l’analyse de la théorie de l’équilibre

structural indique que l’engagement serait un concept lié à l’intuition pertinente qui constitue

l’opérationnalisation d’un individu dans ses croyances. Lors d’une expérience réalisée auprès

d’étudiants, des mots du lexique politique (noms, partis…) la pertinence des réponses données

impliquait l’engagement de chaque individu. Les données exploitées permirent de rendre

compte que la majorité des réponses pertinentes émanaient d’étudiants impliqués activement

dans une matière. La même expérience fut réalisée avec des bénévoles et des salariés de

partis politiques divers. Elle démontrait que lorsque les salariés répondaient, leurs réponses,

pertinentes et consistantes, se différenciaient de la qualité des réponses des bénévoles qui était

moindre. Logique, soit, que les personnes plus impliquées dans leur travail entretiennent mieux

la qualité de leurs compétences.

D’autres psychologues sociaux, Joule et Beauvois (2006), distinguent deux types

d’engagement : l’engagement interne qui consiste à produire un engagement en fonction de

nos propres attentes et désirs, et qui « dépend [alors] de ce que sont les gens » ; ainsi que

l’engagement externe qui est la provocation de la consistance cognitive par la situation

d’engagement, « c’est la situation qui engage, ou n’engage pas, la personne dans ses actes ».

En d’autres termes, un effet de causes et conséquences s’opère dans un univers de croyances

en conformité avec ses propres convictions. L’expérience du « pied-dans-la-porte » (Procédure

d’amorçage), dans le champ du travail social, consisterait à entrouvrir l’idée d’une relation du

professionnel à l’usager. Les conséquences de cette ouverture relationnelle sont liées à

l’engagement. Cela impliquerait que lorsque l’on s’engage, une dimension temporelle serait

prise en compte puisque c’est sur la durée que s’opèrerait l’accumulation d’expériences,

déterminant alors cet engagement, celui qui nous mettrait en valeur, et qui entretiendrait et

améliorerait notre consistance cognitive. L’engagé serait alors celui qui recherche et entretient

le désir exigeant de sa pratique (Je peux toujours faire mieux), le désir d’identification, (les

autres reconnaissent la qualité de mon travail, « c’est moi qui ait fait ça ?!!! ») et le désir de

satisfaction propre aux valeurs de l’individu. (Je suis reconnu). Le professionnel fait des heures

supplémentaires, il répond au téléphone en dehors de ses heures de travail. Le lien créé avec

l’usager ne suffit pas. Par compensation, le professionnel cherche alors à être reconnu.

De Christel Kam-Mone1, Bérengère Martinet

1, Isabelle Pichon

2 et Romain Riviere

1

1 Etudiant(e) en formation d’Educateur Spécialisé, IRTS de la Réunion

2 Cadre de formation – Docteur en Sciences Psychologiques, IRTS de la Réunion

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Extrait de L’engagement professionnel et l’importance

de la construction du sens

5.- Les clés de l’engagement

Que ce soit dans le domaine de la formation, à qui l’on peut reprocher une « intelligence

parcellaire compartimentée, mécaniste, disjonctive, réductionniste » (Morin, 2000, p. 44) qui

porte atteinte à la complexité du savoir par la fragmentation des connaissances, ou encore,

dans les milieux de soins, qui voient le principe de taylorisation du travail l’emporter sur la

vocation holistique du soin, il s’agit de pouvoir redonner du sens à l’activité. Or ce sens émane

dans une large mesure de la cohérence que l’individu peut construire entre les données du

contexte et ses propres motivations et valeurs. Il y a donc lieu de réaliser un travail à ce niveau-

là si l’on souhaite qu’un engagement réellement mature et pérenne puisse voir le jour. Un

engagement particulier qui ne manquera pas d’avoir un impact certain sur l’identité personnelle

et professionnelle de l’individu. Identité qui, à son tour, influencera la manière dont ce dernier

concevra le sens de son activité au travers du pôle personnel, d’orientation plus téléologique :

motivation, autonomie… et du pôle organisationnel ou sociétal : conditions de travail,

responsabilités…

Pouvoir entrer dans ce cheminement nécessite une prise de distance et une réflexion, en

amont, sur ses propres valeurs et motivations. Car l’étudiant n’entre pas en formation comme

une page blanche sur laquelle il suffirait d’inscrire les composantes de la profession. Il se

présente comme un individu doué d’une personnalité, imprégné d’un contexte socio-culturel,

formé dans le moule d’un donné éducatif particulier, et véhiculant des valeurs héritées, plus ou

moins conscientes. Ce sont l’ensemble de ces éléments qui constituent la grille de lecture à

travers laquelle il va entrevoir le monde qui l’entoure ainsi que son univers professionnel, et

finalement constituer également la base de son éthique professionnelle. Il paraît dès lors

important que l’étudiant soit accompagné dans une démarche itérative de questionnement sur

le contexte dans lequel il est immergé, avec son lot de contraintes et ses sources de

satisfaction, ainsi que sur sa propre personne, ses ressentis et son positionnement. Le souci de

soi au sens foucaldien d’examen de soi, de ses valeurs, de ses pensées, apparaît ici comme

capital. Pour Foucault (2001) le « souci de soi » (epimeleia heautou) est intimement lié au

principe delphique « connais-toi toi-même » (gnothi seauton). Ce dernier principe étant

considéré dans une relation de subordination au premier par Socrate qui voit le « souci de soi »

comme un fondement essentiel. L’importance que le philosophe grec accorde à cette notion est

clairement perceptible lorsqu’il invite ses concitoyens, tel Alcibiade, à ne pas se négliger mais à

se préoccuper de ce qui les anime réellement au plus profond d’eux-mêmes (Platon, trad.

Croiset, 2002). Il ne s’agit pas uniquement de la connaissance de soi au sens cartésien du

terme, mais bien plutôt d’une connaissance accompagnée d’une transformation de soi

(metanoia) et de sa relation au monde, qui nécessite effectivement une introspection et un

chemin vers la connaissance de la vérité. Cette introspection est profondément éthique en ce

sens que l’individu doit pouvoir se constituer sa propre base axiologique et la défendre. Car le

souci de soi implique de faire des choix et de ne pas se laisser bercer à tous vents de doctrines.

La connaissance de soi est la condition préalable de la connaissance de l’Autre (Ricœur, 1990),

et donc aussi de la relation professionnelle dans laquelle les acteurs évoluent. Le souci de soi

constitue une invitation à devenir pleinement sujet responsable de ses actes. Il apparaît comme

« un principe constitutif de nos actions…» (Foucault, 2001, p. 518). Cette introspection permet,

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comme le montre le schéma, de reposer notre réflexion sur le monde, de l’examiner à la lumière

de nos valeurs et d’en dégager un sens nouveau au travers d’un positionnement argumenté. Le

professionnel n’est alors plus laissé à l’arbitraire des conditions d’exercice, mais se voit octroyé

un certain pouvoir au travers d’un positionnement réfléchi qui permette aux instances

hiérarchiques de mesurer les conséquences des formes d’organisation ou de gestion qui

prévalent. Si « penser c’est dire, non » pour Alain, réfléchir sur le monde au travers de nos

valeurs, c’est pouvoir exprimer les limites d’un travail devenu incompatible avec ces dernières.

C’est dans ce cheminement que l’étudiant doit être accompagné afin de mieux pouvoir

circonscrire les frontières dans lesquelles son engagement peut s’exercer et s’épanouir, sans

devenir source de nuisance à sa santé. Il s’agit, selon une enseignante, de former les jeunes à

« cette capacité à avoir une forme de clarté et de courage pour être effectivement en

adéquation entre les valeurs promues et les valeurs effectives ».

Et, par le biais de cet engagement, il pourra alors s’ouvrir pleinement aux joies de sa profession

et trouver là un sens profondément existentiel puisque l’« engagement est l’ultime support qui

procure un sens à l’existence dans son ensemble : Exister est synonyme de s’engager.»

(Savadogo, 2008, p.60).

Cette réflexion sur l’engagement professionnel renferme, selon nous, trois dimensions

parallèles. À travers un accompagnement ciblé, l’étudiant peut découvrir une dimension

personnelle d’implication dans sa profession. Il peut s’engager avec plus d’assurance dans son

travail. Mais c’est également une dimension collective qui est visée au travers du

développement de la profession et de son identité, étant donné que la profession est constituée

de la somme d’engagements individuels. Plus ceux-ci se vivront dans une dynamique positive

et constructive et plus la profession s’en verra favorablement influencée. Enfin, la troisième

dimension envisagée se veut sociétale, car au-delà de l’individuel et du collectif, il en va de la

préservation des qualités éthiques des relations entre les personnes. C’est donc ici la place de

l’humain lui-même qui est sous la loupe avec la question de la cohésion sociale. Pour Bobineau

(2010), il s’agit de trouver une voie pour garantir la survie de l’humanité.

De Véronique Haberey-Knuessi

Haute école de santé Arc – Neuchâtel, Suisse