seigneurs et paysans bretons du moyen age à la révolution… · au temps de la « féodalité »,...

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Jean Gallet Seigneurs et payss bretons du Moyen Age à la Révolution ÉDITIONS OUEST-NCE 13 rue du Breil, Rennes Extrait de la publication

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Jean Gallet

Seigneurs et paysans bretons du Moyen Age à la Révolution

ÉDITIONS OUEST-FRANCE 13 rue du Breil, Rennes

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Dans la collection « De mémoire d'homme: l'histoire» (dirigée par Lucien Bély) :

A la rencontre des Etrusques (J.-R. Jannot) [épuisé]

Ancêtres et terroirs (L. Elegoët)

Les Animaux sacrés dans l'antiquité (J. Prieur) [épuisé]

Archives du corps (J. Léonard) [épuisé]

Bagnards à Brest (P. Henwood)

La Civilisation celtique (C-1. Guyonvarc'h et F. Le Roux)

La Cour de Henri III (J. Boucher) [épuisé]

Les Druides (C-J. Guyonvarc'h et F. Le Roux)

Le Fer contre laforêt (F. Domic) [épuisé]

La Fin du bagne (D. Donet-Vincent)

La Grande Epoque de la marine à voile (M. Acerra et J. Meyer)

Histoire des 14 Juillet (J.-P. Bois)

La Mort dans l'antiquité romaine (J. Prieur) [épuisé]

Pêcheurs d'Islande (J.-L. Avril et M. Quéméré) [épuisé]

Les Petites Ecoles sous l'Ancien Régime (B. Grosperrin) [épuisé]

Les Religieux en Bretagne sous l'Ancien Régime (G. Minois) [épuisé]

Richelieuface à la mer (P. Castagnos) [épuisé]

Le Rouge de Malte (A. Plaisse)

La Rue au Moyen Age (J.-P. Leguay)

Saint Bruno, le premier chartreux (B. Bligny) [épuisé]

Saint Jacques à Compostelle (1. Chocheyras)

Seigneurs et paysans bretons du Moyen Age à la Révolution (1. Gallet)

La Société celtique (C-J. Guyonvarc'h et F. Le Roux)

Les Sépulcres flottants (P. Masson) [épuisé]

Les Terroristes russes (1. Fenner) [épuisé]

La Traite des Noirs (S. Daget)

Les Vikings et les Celtes (1. Renaud)

Les Vikings et la Normandie (1. Renaud)

© 1992, Édilarge S.A. - Éditions Ouest-France, Rennes ISBN : 978-2-73-735216-4

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INTRODUCTION

Au temps de la « féodalité » , les seigneurs disposaient de pouvoirs sou­verains et gouvernaient leurs terres selon leur « bon plaisir » . Mais , dès la fin du Moyen Age, à peu près partout en Europe occidentale , les seigneurs virent leur puissance décliner, « l 'heure des souverainetés féodales était close 1 ». En France, les seigneuries , marginalisées par les agents du roi, contestées par les communautés paysannes, rongées de l ' intérieur par des fermiers qui tiraient le plus clair des bénéfices, devinrent , alors , parfois, des institutions sans influence effective sur l 'existence des habitants . Et les seigneurs , des « rentiers du sol » , insouciants du sort de leurs sujets 2.

Les seigneuries bretonnes n'ont pas connu un tel déclin, et le régime seigneurial a gardé en Bretagne des caractères originaux . Loin. de Paris, mal contrôlés par l 'administration royale , les seigneurs maintenaient en Bretagne des formes coutumières de sujétion, des relations féodales effectives , des régimes agraires voisins de la servitude, et ils conservaient avec leurs paysans des rapports personnels directs 1. Et les flambées de violence comme la révolte des Bonnets rouges ou encore, les luttes des Bleus et des Blancs pendant la Révolution, pourraient s 'expliquer, en partie, par l ' influence d'un régime seigneurial qui aurait , dans ces pays plus qu'ailleurs , créé entre les seigneurs et leurs sujets 4, des liens solides ou des antagonismes profonds .

La Bretagne offre un terrain d' investigation fort complexe . La diversité des pays oppose la Bretagne maritime et la Bretagne de l ' intérieur, la Basse­Bretagne et la Haute-Bretagne, les pays d '« usements » , ceux du domaine congéable notamment 6, et les pays qui ignoraient ces usements . La diversité provient aussi de l 'habitat dispersé, de l ' individualisme agraire , de l 'autonomie des villages, des frairies et des cordellées, de l 'abondance des châteaux et des coutumes particulières des seigneurs .

La diversité des cadres empêche de faire coïncider les renseignements . La seigneurie d 'un côté, la paroisse et le « corps politique » de l 'autre, formaient deux institutions séparées . De ce fait , les renseignements fournis par l 'une et

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Les seigneurs dans la mémoire collective bretonne

La mémoire populaire a conservé le souvenir des seigneurs. Lors d'une � assem­blée _, tandis qu 'une bombarde égrenait quelques notes, un chiffonnier de passage (un � pillaouer .) , un mendiant ou un laboureur . . . entonnait une rengaine qu 'il connaissait 01/ qu 'il improvisait ; l'assistance reprenait ses paroles. Assez souvent, ces chansons mettaient en scène des seigneurs aux prises avec leurs sujets.

« Le faucon a étranglé la poule, la paysanne a tué le comte le comte tué, on a opprimé le peuple. »

Mais les paysans chantaient aussi ,'

« Bonjour seigneur de Rustéfan, bonjour à tous, grands et petits »,

Évoquant, cette fois, le souvenir de seigneurs débonnaires, charitables et protecteurs. Ou encore, le plus naturellement du monde, ils chantaient la beauté des filles du seigneur aperfues furtivement à la chapelle,'

« Braoan merch'hed a voa er vro-ze, Merch'hed otro ann Faou a-neuze »,

ce qui veut dire,'

« Les plus belles filles de ce pays-là étaient alors les filles du seigneur du Faou. »

Les seigneurs bretons ont inspiré bien d'autres chansons populaires,' Le vassal de du Guesclin, La mort du marquis de Pontcal(l)ec, Le départ du manoir, Le baron de ]auioz, Les moines rouges (les Templiers) , La révolte des gens de Plouyé, Le seigneur Nann qui refusa d'épouser une korrigan.

Si on en croit les chansons populaires recueillies de la bouche même des chantel/rs et dont on a récemment prouvé l'authenticité, les seigneurs faisaient partie de l'imaginaire des Bretons al/ même titre ql/e la Ville d' ls, l'enchanteur Merlin 01/ les korrigans qui dansaient dans la lande ' .

par l 'autre ne portent pas toujours sur les mêmes ensembles . Il n 'est pas souvent possible d 'utiliser conjointement un terrier, par exemple, qui donne les droits seigneuriaux et féodaux, et un registre de capitation qui indique les montants de l ' impôt, parce que ces documents ne recouvrent pas exac­tement, l 'un et l 'autre, le même territoire, et ne concernent pas les mêmes habitants . On dispose donc souvent d'exemples nombreux, mais , comme on ne peut les rapporter à un ensemble il n 'est pas possible de savoir si ces exemples sont représentatifs ou non. La diversité des cadres administratifs limite les estimations statistiques .

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Le temps a aussi introduit ses différences . La réformation du terrier royal à la fin du xvII" siècle, opération complémentaire mais distincte des réfor­mations de la noblesse et l ' installation de l ' Intendance séparent deux époques : après 168 5 , une nouvelle législation et une nouvelle administration encadrent la seigneurie . Le changement se voit dans les sources elles-mêmes : les documents au travers desquels on peut étudier la seigneurie avant la réfor­mation, et après la réformation, ne sont pas identiques .

Écrite par plusieurs générations d 'éminents chercheurs 1, l 'histoire de la seigneurie a été renouvelée, comme l 'ensemble de l 'histoire de la Bretagne moderne, par l 'œuvre de Jean Meyer, et, tout spécialement, par « La noblesse bretonne au XVIIIe siècle » 8. Grâce à une érudition impressionnante, à une méthode rigoureuse, grâce aussi à sa « vertu d 'étonnement » , Jean Meyer a découvert des réalités insoupçonnées avant lui, en même temps qu'il ouvrait des voies nouvelles à la recherche. A qui veut étudier la seigneurie en Bretagne, après Henti Sée, Jean Meyer, Roland Mousnier, les pistes se présentent donc nombreuses .

« La seigneurie bretonne de 1450 à 1 680 , l ' exemple du Vannetais » cher­chait à découvrir les relations entre les seigneurs bretons et leurs sujets , dans un des pays bretons 9 . Le Vannetais avait des traits originaux : un usement de domaine congéable peu contraignant, de grandes seigneuries en crise, un nombre restreint de petites juridictions, des droits seigneuriaux et féodaux sans grande importance . . . qui donnaient aux relations entre les seigneurs et les sujets , de 1 4 50 à 1 680 du moins, des caractères qu'on ne pourrait pas étendre à la Bretagne entière sans examen .

La diversité si surprenante des pays, les contrastes entre les époques, la richesse et l 'hétérogénéité des archives , stimulent les recherches sur un régime seigneurial qui ne fut le même ni partout ni toujours . Ce livre présente quelques jalons dans une enquête qui n 'a pas fini de susciter l ' intérêt 10.

Madame la comtesse d 'Humières, d 'heureuse mémoire, m'accorda l 'au­torisation de consulter les Archives de Kerguéhennec conservées aux Archives départementales du Morbihan ; mes remerciements vont à Monsieur le comte Pierre d'Humières et à sa famille.

J'exprime également ma gratitude à Mademoiselle Amélie Lefebure, Conservateur des collections du Musée Condé à Chantilly, qui m'a ouvert la collection des manuscrits du Musée Condé.

Notes

1. Roland Mousnier, Les XVI' et XVII ' siècles, p. 117. 2 . Pour la France: Marc Bloch, Les caractères originaux de l'histoire rurale française, p. 137-

155. Roland Mousnier, Fureurs paysannes, p. 40.

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3 . Colbert de Croissy, Procès-verbal de visite des côtes et évêchés de Bretagne, 1 665 . Cf. : ]. Kerhervé, F. Roudault, J. Tanguy, La Bretagne en 1665 .

Bechameil de Nointel, Mémoire sur la province de Bretagne, 1 698 . Cf. : Jean Bérenger, Jean Meyer, La Bretagne de la fin du XVIl' siècle.

Roland Mousnier, Fureurs paysannes, p. 4 1 , p. 1 2 1 - 1 34 . 4 . Sur les différentes interprétations de ces guerres. Cf. : Roger Dupuy, Révolution et contre­

révolution en Bretagne, M.S.H.A.B., t. LXIV, 1 987 , p. 389-4 1 3 . 5 . Hersart de La Villemarqué, Barzaz-Breiz, p. 2 5 , 80, 1 30, 1 84, 205 , 22 1 , 2 50, 266,

326. Donatien Laurent, Le carnet de roure de La Villemarqué et l 'authenticité du Barzaz-Breiz,

M.S.H.A.B., t. LXV, 1 988, p. 36 1 -387 . 6 . Dans une exploitation « à domaine congéable », un foncier possédait le « roc nu », support

de l'exploitation, un «domanier» ou « édificier», possédait les édifices et les superfices de cette même exploitation.

7 . É. de Cornulier, Essai sur le dictionnaire des terres . . . , 1 8 5 7 . Armand du Chatellier, L'agriculture et les classes agricoles, 1 863 . Arthur de La Borderie, Géographie féodale, 1 889 . André Giffard, Les justices seigneuriales, 1 90 3 . Henri Sée, Les classes rurales e n Bretagne, 1 906 ... , etc. 8. Jean Meyer, La noblesse bretonne au XVIII' siècle, Paris, 1 966, 2 vol. 1 292 p., dont :

p. XXI à LXVI: « Un essai de bibliographie critique » et, p. LXVII-CV: « Une présentation des sources. »

9 . Jean Gallet, La seigneurie bretonne 1450- 1680, l'exemple du Vannetais ... , 1 9 8 3 . 1 0 . Les comparaisons, qui peuvent faire voir les originalités, viendront, le plus souvent,

des duchés de Lorraine et de Bar.

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CHAPITRE PREMIER

PAYS D'HABITAT DISPERSÉ

En Bretagne, les paysans et leurs maîtres vivaient dans un cadre bien particulier : celui de l 'habitat dispersé. Les paysans habitaient de petits villages séparés les uns des autres et indépendants . Les maîtres possédaient des manoirs eux aussi éparpillés dans les terres, près des villages.

Semis de villages

Les habitants d 'une paroisse bretonne ne vivaient pas tous agglomérés au même endroit , autour d 'une église ; au contraire, ils vivaient, tous, éparpillés sur toute l 'étendue de la paroisse, dans de petits groupes de maisons appelés « villages » : un village, c 'était seulement quelques toits entourés de jardins, de prés , de champs et de landes . Et chaque paroisse se composait de plusieurs dizaines de ces villages .

Au village de Lenn Cadarn vivaient J ean-Thomas Cam, avec sa femme, et Jeannette Tilly, qui était veuve d 'Yvon Cam ; ils habitaient deux maisons, de part et d'autre d 'un chemin . Et ces deux maisons formaient, en 1 480, le tout du village de Lenn Cadarn, paroisse de Plouigneau, près de Morlaix 1. Au village voisin de Lanergoetz, dans cette même paroisse de Plouigneau : 4 maisons seulement . Les 432 foyers de paysans de la paroisse de Plouigneau vivaient dans 1 06 villages qui ressemblaient à Lenn Cadarn et à Lanergoetz.

Chacun de ces villages ne comptait que quelques maisons. 3 villages en comptaient tout de même plus de 1 0 , mais 96 avaient moins de 10 maisons, et 7 villages n 'étaient formés que d 'une seule maison chacun . . . De même, sur la côte Sud , les 204 foyers de la paroisse de Carnac se répartissaient en 70 villages, de 1 à Il foyers chacun 2. Comme n' importe où ailleurs en Bretagne. La dispersion des paysans dans des villages de quelques fermes se retrouvait partout, à quelques exceptions près , aussi bien en pays gallo qu'en pays bretonnant, dans les 1 300 paroisses rurales de la Bretagne .

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1 . Manoir. 2. Maison paysanne .

Les villages de la paroisse de Carnac (Morbihan, canton de Quiberon) . Les foyers (tous n 'ont pas été localisés) , s 'éparpillaient sur l'ensemble du territoire ; des marchands et des artisans habitaient hors du bourg, dans les villages. Des manoirs : Couetrallen, Kermau, Beaumer, Ker­marguezen, Le Laz, Kerbler, Kercado, étaient construits aux limites de la paroisse, près de la côte el le long de la rivière de Crach.

Distingué de « la campagne » , des « villages » ou des « terroirs » , le bourg avait son originalité : l 'église, le presbytère, le cimetière, une taverne ou plusieurs, des maisons d'artisans, de marchands, parfois aussi la maison d 'un notaire ou d'un officier de seigneurie. Certains bourgs peuplés d 'agents des seigneurs et d 'agents de l 'administration royale faisaient figure de petites villes ou de bourgades . Quelques maisons y étaient plus spacieuses que celles des villages . La plupart du temps cependant, avant le XIXe siècle, le bourg n'était qu'un village parmi les autres, pas toujours le plus peuplé ni le plus riche.

« Village », « ker » , « clachan »

Sauf pour les activités religieuses, les habitants d 'une même paroisse ne menaient pas une vie commune . La dispersion de l 'habitat s 'alliait à l ' indi­vidualisme agraire . Chaque village avait son propre terroir . Autour des maisons, s ' étendaient les appartenances et dépendances du village : des « issues », des

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champs, des prés , des prairies, des landes . . . qui formaient les exploitations des gens du village. Et aussi des chapelles, parfois grandes comme des églises , où les paysans suivaient des offices religieux, où l 'officier de la seigneurie proclamait ses sentences , et auprès desquelles se tenaient aussi des foires champêtres . Un village ou un groupe de quelques villages formant une frairie ou une cordellée, avec des manoirs , un moulin , une chapelle . . . , pouvait donc mener une existence autonome. Et il la menait réellement, pour le travail de la terre en tout cas .

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1 1 . Four et puits : exiJtence vraisemblable. 2. Four et puitJ atteJtés dans le document. 3. Chemins.

LeJ villages voisinJ du manoir de Lohac, Baden, Morbihan. LeJ habitants deJ jermeJ dispoJaient de jourJ, de puitJ, de moulinJ, d'une chapelle, et deJ dépendanceJ du manoir proche 3.

La vie ne se déroulait pas sous le regard d'une institution communale fixant des règles et veillant à leur application. Les paysans d 'un village vivaient relativement isolés , c 'est-à-dire sans relations avec une communauté civile plus vaste - si ce n 'est la seigneurie . C'était le règne de l ' individualisme agraire .

La dispersion des habitants en un « semis agricole fondamental » , carac­téristique des pays celtiques , a paru si originale au professeur Evans qu 'il préfère employer le terme gaélique « clachan » , plutôt que le mot « village » qui évoque un « habitat groupé plurifonctionnel » , comme dans l ' est de la France 4. Et il est bien vrai que ces paysans dispersés sur tout le territoire de

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leur paroisse vivaient dans des conditions différentes de celles que connaissaient les habitants des pays d'habitat groupé qui, eux, vivaient tous autour du même clocher, soumis à une discipline communautaire rigoureuse, sous le contrôle du maire, des échevins et des gardes champêtres 5.

Semis de manoirs

L 'habitat dispersé offrait une autre originalité : au semis des villages correspondait un semis de manoirs .

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Les manoirs de Plouigneau (Finistère, canton de Morlaix 6) Nom du village Nom du manoir Propriétaire du manoir

Lanidy Mahé Kerguern Le Gludic? Lanidy Lanidy Le seigneur du Ponthou Lanidy Le Findy Guillaume Nycholas. An Cozquer Le Mur Le seigneur de Kergornadeth Kerlehuezre Gouznehan Tanguy Kerjagu Kergueguen Kergueguen Jean Porzbotguen Kerhelou Hervé Deryen Le bâtard de la Maison Kerhelou Bizien Le Rouge Bizien Le Rouge? Keriou Guergolve Laurent Cary Bourronguel Bourronguel ? Bourronguel Kernethallec Jehan du Gaspern Kervatheza Jean Le Rouge Jean Le Rouge Lusnully Kerdouallen Jean Estienne Kerguiziou Lusnully Kergueniou Olivier Touppin Kerliesec Goezbriend François de Goesbriend Killiden Kerilliden Yves de Porzbotguen Lanleya Lanleya Jean du Parc Lesglueden Kerhellou Jean Cazlen Kerstrat Guille Bertrand Guille du Quenquis Leshanahuezre Grouerguen Olivier Touppin Kerancroix Kerlofhezre J ehan Le Roux Kerdudoret Jean Le Rouge Roezfaou fils de feu Even Le Rouge Kerhouarn La Villeneuve Au seigneur du Ponthou Kergueguen Cazin Hervé Estienne Ankeresam Encreniel Lesmellezre H. Coetsoeff ? Lesmellezre Le Fertz? ? Kerdilles Kernamiou Charles Kerjagu Kerdilles Nesan La veuve N edellec An Garu Kerbriem Coetnoult

La paroisse de Plouigneau, avec sa trêve, Lannéanou, couvrait 6 37 3 ha. Tous les lieux cités s'intitulaient «manoirs» ou « hôtel et manoir» (Lesglueden) ou «tour et manoir» (Lanleya). La structure se maintint: en 1 7 5 3 , d'après les déclarations pour le vingtième, dans cette paroisse, il restait au moins 3 0 manoirs; un manoir pour 200 hectares 7 .

Dans beaucoup de paroisses bretonnes, en Basse-Bretagne, mais en Haute­Bretagne aussi , des manoirs s 'élevaient, nombreux, construits près des villages . Les dépendances de ces manoirs s 'étendaient sur de grandes superficies : des bois et des landes, avec, souvent, un moulin, un colombier, une chapelle . . . La présence de ces « châteaux » ou « manoirs » à côté des villages renforçait le fractionnement du territoire de la paroisse en portions autonomes.

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Le château de Beauregard, paroisse de Maroué, Près de Lamballe. Sur le cadastre; on voit le château, un des dix châteaux de cette paroisse à l'éPoque, et le

village de Pont-au-Provost, petite portion de cette paroisse. Des avenues bordées de grands arbres mènent au château formé d'un carré de bâtiments, autour d'une cour, avec, dans un angle, une tour ronde. Près du château, des jardins � à la française », des jardins potagers, des vergers, une pépinière, des dos, des courtils ; le long d'une avenue, la chapelle et, sur la droite, le colombier. Ensuite, la chènevière, le fenil, des champs : � les grandes et les petites longues rayes de Beauregard ». Proche du château, à quelques centaines de mètres : le village de Pont-au-Provost, ses jardins, ses prés, ses champs et la noé (la lande) . Entre le château et le village : la , batterie », l'aire à battre de Beauregard".

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� �1

] . Bois. 2. Prés. 3. Landes et vagues. 4. Pâture. 5. Jardins. 6 . Vergers.

de

Le château de la Chesnaye et le village de Poulindu, en Arradon (Morbihan, arr" et can­ton de Vannes), A .D.M . , série 3 P. Les bois et les étangs, autour du château, des prés le long du ruisseau et à côté des maisons du village, des landes et vagues et quelques pâtures, tenaient la plus grande place, et entouraient des jardins, et quelques grandes parcelles de labours. Bois et landes, dépendances du manoir, pouvaient éventuellement servir aux gens des villages 9.

À la dispersion des maisons paysannes, répondait une dispersion des maisons des maîtres . Anciens bastions militaires , parfois chefs-lieux de seigneuries, toujours centres agricoles, les manoirs, châteaux, maisons fortes" . faisaient partie du paysage breton et ils constituaient les éléments essentiels d 'une organisation administrative et agricole du territoire .

Les paysans vivaient sous l' autorité des maîtres de ces lieux . Parfois, les maîtres qui possédaient ces manoirs rendaient la justice : ils étaient de véritables seigneurs . Parfois , ils n 'avaient pas ces pouvoirs , ils faisaient partie des simples propriétaires fonciers , des maîtres qui , eux aussi , comptaient dans la vie quotidienne des paysans .

Le semis de villages et les semis de manoirs ne rendent évidemment pas compte de toutes les réalités du régime seigneurial et féodal de la Bretagne. Mais , avant d'entrer dans les archives , il faut d 'abord regarder ce paysage :

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il peut expliquer certains des traits originaux des relations entre les seigneurs et les paysans bretons.

Notes

1 . A.D.L.A., B 2984 (Plouigneau, Finistère, arr'" de Morlaix, canton du Ponthou). 2 . A.D.L.A., B 2986, 2987 (Carnac, Morbihan, canton de Quiberon). Au bourg de Glomel :

en 1680, 1 3 maisons, couvertes de genêts, certaines bâties sur pilotis. A.N., PI 5 4 1 , f" 159. 3 . A.D.M., E 2 5 56 et série P cadastre, Baden. 4. Pierre Flatres, Typologie morphologique des habitats . . . , M.S.H.A.B., t. 64, 1987 , p. 287. 5 . Guy Cabourdin, Terre et hommes en Lorraine ... ouv. cité, I I , p. 534 ; Jean Gallet, Le bon

plaisir du baron de Fénétrange, ouv. cité, p. 1 1 6 . 6 . A.D.L.A., B 2984. 7 . A.D.F., 3 C 156 . 8 . A.D.C.A., série 3 P. 9 . A.D.M., série P cadastre, Arradon.

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CHAPITRE II

LES PAYSANS

Les paysans bretons tenaient des exploitations modestes , et ils tiraient leurs revenus d'une polyculture toute traditionnelle, destinée à l 'autoconsommation plus qu'à la vente à l 'extérieur.

Néanmoins, les transformations qui avaient changé les économies et les sociétés un peu partout en Eutope, n 'avaient-elles pas bouleversé aussi , malgré tout, les conditions de vie et les structures sociales de ces campagnes bretonnes, et favorisé l 'essor de quelques laboureurs capables de se dresser contre les seigneurs ?

Villages désertés

Au début des Temps modernes, la Bretagne offrait le spectacle d 'une terre en partie abandonnée et en friche.

Des villages presque vides, des fermes en ruine, se rencontraient encore fréquemment. Épidémies, famines et guerres avaient fait disparaître une partie des habitants: à peu près 40 % des habitants, entre 1 392 et 1 460. De plus, des paysans quittaient leurs paroisses pour aller vivre dans des contrées voisines où les conditions de vie paraissaient meilleures 1 .

Les exploitations abandonnées ou « tenues frostes » représentaient parfois une partie appréciable des fermes . Comme dans le Vannetais, où l 'abandon touchait de 2 1 à 6 1 % des exploitations, et aussi bien dans le nord de la Province, dans l 'évêché de Tréguier, par exemple, où les exploitations frostes représentaient parfois le quart ou même la moitié de l 'ensemble des exploi­tations d'une paroisse : 14 % à Plouigneau, 2 5 % à Buhulien, 28 % à Pleumeur-Bodou, 3 2 % à Ploubezre, 36 % à Perros-Guirec, 40 % à Saint­Michel , 49 % à Ploaret 2 .

Les paysans qu i restaient travaillaient dans des conditions spéciales . Peu nombreux, ces paysans ne manquaient pas de terres : ils annexaient les tenues abandonnées ou bien ils n'en prenaient qu'une partie seulement ; ils tenaient

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Extrait de la publication

« par-dehors » , c 'est-à-dire qu'ils cultivaient les champs mais ils n 'occupaient pas les maisons ; parfois, les paysans se contentaient des prés , et laissaient les terres labourables au « pasnage » , dans le lot des terres communes ouvertes au pacage des bestiaux ou encore, ils les laissaient « à l 'esgaubue » et, de temps à autre, ils brûlaient ces friches et cultivaient les terres pendant quelques années ' .

Tenues labourées e t tenues frostes à Questembert en 1460

- Tenues en bon état :

Nom de la tenue Nom du domanier État de la tenue - Tauxo Le Médec, Guého Labourée - Le Gacff Le Médec, Guého Labourée - Heyo Le Médec, Guého Labourée - Kerlodion H. Le Bourru Labourée - Kerberhuet J . Boure Labourée, etc. Il y avait, en tOut, 5 8 tenues en bon état .

- Tenues fcostes :

Nom de la tenue - Guimarho

- Cochart - Guillemot - Guillemoto (1) - Kerpézo - Poulden - Rio - Auvaillant

- Guimarho

- Casterhuet - Guidai - Au Bourhis etc.

Nom du domanier baillée à J. Boure.

P. Quenquis P. Quenquis P. Quenquis Kérantarf Kérantarf Kérantarf

Éon Talhoët

Malenfant

En tout, une centaine de tenues fcostes·.

État de la tenue Froste. Annexée à la tenue de J. Boure, Kerberhuer. Froste. Froste. Froste . (frostes, annexées) (baillées en une seule tenue pour faire maison) Froste ; on ne sait où elle est ni de quel rapport . Fcoste, baillée pour faire maison et paie 1 géline, 1 perrée d 'avoine, 50 sols de �� convenant ». Froste . Tenue par-dehors. Froste. Au pasnage. Froste. Au pasnage. Sauf les prés,

Tous les pays bretons ne furent pas aussi fortement dévastés . Si certaines paroisses se vidaient , c 'était parfois au bénéfice de paroisses voisines . Cepen­dant, même partielle, la dépopulation de la Bretagne a peut-être exercé une influence sur le sort de la paysannerie. Si dans les différents types de contrats : la motte, le bail à domaine congéable et la quévaise, des clauses obligeaient les paysans à rester au village et à entretenir les champs, si d'autres clauses

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Extrait de la publication

les incitaient à bâtir et à défricher, c 'est sans doute parce que des villages étaient dépeuplés , parce que des terres restaient incultes , et parce que la main-d'œuvre manquait.

Villages reconstruits

Encore souvent victimes des épidémies et des disettes, les paysans sont parvenus néanmoins à repeupler leurs villages, surtout près de la côte, et à faire reculer les friches . Un recul très lent. Pour voir toutes les maIsons habitées , il faudra attendre la fin de la Ligue.

Devenus alors plus nombreux, le long des côtes surtout, les paysans édifièrent de nouveaux villages et de nouvelles exploitations. On peut le constater à Carnac. Dans cette paroisse, il y avait, en 1 4 5 5 , 1 42 tenues habitées et 38 tenues frostes ; 2 0 ans plus tard, en 147 5 , il y avait encore 20 tenues frostes ; deux cents ans après, en 1 68 5 , il n 'y avait plus du tout de tenues frostes , et on comptait 305 exploitations occupées, soit le double des exploitations de 145 5 ; l ' essor se poursuivit pendant le XVIIIe siècle : les asseye urs qui ont rédigé le registre de la capitation de 1 782 , et qui , dans leurs listes, n 'ont compté ni les pauvres ni les exempts, ont pourtant dénombré, dans cette paroisse , plus de 3 3 0 exploitations 5.

Contrastes entre la côte et l'intérieur

• Aucune autre province n 'est aussi vide .' 1 800 000 individus sont occupés dans les villes de commerce, dans les ports, sur les chantiers, sur les côtes, sans aucun rapport avec l'intérieur de la Province et la culture des terres . . . Ce qu 'on nomme la campagne ne contient pas 500 000 habitants, pour 1 600 lieues ca"ées . • En 1 788, opinion d'un administrateur qui plaidait en faveur des afféagements et d'une meilleure administration des forêts royales 6 .

Là où ils étaient nombreux, les paysans ont défriché les terres ; les noms des parcelles portent témoignage de ces travaux : des « terres chaudes et labourables » nommées « Le champ des genêts », « Le bois étroit » , « Le petit bois » , « Le bois Jégo », . . . étaient des terres reconquises , comme « les pièces de terre qui étaient sous bois taillis », ou comme la « tenue logée (tenue avec une maison) où soulait être le bois Danillet ». Les nobles , d 'autre part, profitant de l 'augmentation du nombre des paysans et d 'un renouveau de l 'économie, ont construit de nouveaux châteaux, ils ont édifié de nouvelles métairies et des moulins.

La reconstruction des villages transforma les conditions de vie et de travail . Trouver des terres à exploiter devenait sans doute plus difficile au XVIIIe siècle que deux cents ans auparavant . Les fonciers qui, pour exploiter leurs terres,

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CABOURDIN (Guy) , Terre et hommes en Lorraine 1550- 1635, 2 tomes, Nancy, 1 9 7 7 .

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TABLE DES MATIÈRES

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Chapitre premier : Pays d 'habitat dispersé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . I l Chapitre II : Les paysans . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 8 Chapitre III : Les châteaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54 Chapitre IV : Les seigneuries . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68 Chapitre V : Les seigneurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94 Chapitre VI : Les simples fonciers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 16 Chapitre VII : Les officiers de seigneuries . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 3 8 Chapitre VIII : Les serfs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 50 Chapitre IX : Les quévaisiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 70 Chapitre X : Les domaniers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188 Chapitre XI : Complanteurs, fermiers et métayers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 224 Chapitre XII : Les droits féodaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 238 Chapitre XIII : Les droits seigneuriaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 263 Chapitre XIV : Crises et révoltes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 300 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 327 Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 332

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