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amerou an a g-L na me se n t L'évolution du processus d'innovation dans la pharmacie et les perspectives de nouvelles coopérations Nord-Sud : la place de l'ethnopharmacologie Régis LARUE DE TOURNEMINE Comprendre le comportement du consommateur à l'égard des médicaments de la rue en Afrique : efficacité perçue, facilité d'usage et sources de satisfaction Abdoulaye OUATTARA , Etude exploratoire du parcours des Etrangers Hautement Qualifiés {EHQ) malgaches expatriés en France : le cas du secteur médical Lovanirina RAMBOARISON-LALAO L'estimation du produit intérieur brut trimestriel et de ses corn posa ntes Blaise MUKOKO, Romuald TCHIEUZING AWOUTCHA Pourquoi les banques sont-elles réticentes à financer les PME camerounaises ? Dieudonné TAKA ISSN 2079-6889

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amerou an a g-L

na me

se n t

L'évolution du processus d'innovation dans la pharmacie et les perspectives de nouvelles coopérations Nord-Sud : la place de l'ethnopharmacologie

Régis LARUE DE TOURNEMINE

Comprendre le comportement du consommateur à l'égard des médicaments de la rue en Afrique : efficacité perçue, facilité d'usage et sources de satisfaction

Abdoulaye OUATTARA

, Etude exploratoire du parcours des Etrangers Hautement Qualifiés {EHQ) malgaches expatriés en France : le cas du secteur médical

Lovanirina RAMBOARISON-LALAO

L'estimation du produit intérieur brut trimestriel et de ses corn posa ntes

Blaise MUKOKO, Romuald TCHIEUZING AWOUTCHA

Pourquoi les banques sont-elles réticentes à financer les PME camerounaises ?

Dieudonné TAKA

ISSN 2079-6889

Revue Camerounaise du Management

COMPRENDRE LE COMPORTEMENT DES CONSOMMATEURS A L'ÉGARD DES MÉDICAMENTS DE LA RUE EN AFRIQUE : EFFICACITÉ PERÇUE, FACILITÉ D'USAGE ET SOURCES DE

SATISFACTION

Abdoulaye OUATTARA Professeur Agrégé, Sciences de Gestion

CESAG, Dakar, Sénégal Courriel : [email protected]

Résumé

L'achat de médicaments de la rue par de nombreux consommateurs africains s'explique apparemment par les conditions économiques défavorables, le faible pouvoir d'achat de la population et par le développement de la contrefaçon qui bénéficie aux acteurs d'une économie frauduleuse en fort développement. Cela dit, l'achat de médicaments illicites nécessite une meilleure compréhension du comportement des consommateurs de ces médicaments si les autorités entendent lutter efficacement contre leur développement. L'objectif de cet article est de mieux comprendre l'efficacité perçue de ces médicaments, les bénéfices éventuels qu'ils peuvent fournir (facilités d'achat et d'usage) et la satisfaction qu'ils procurent aux populations concernées. Les résultats font apparaître que les consommateurs ne sont satisfaits des médicaments de la rue que pour les petites maladies. lls offrent aux consommateurs de multiples avantages qui sont de nature à les détourner du· circuit officiel de distribution des médicaments.

Mots clés : Médicaments de la rue - Consommateurs africains - Satisfaction - Efficacité perçue -Facilités d'usage.

Abstract

The purchase of drugs from the street by many African consumers is apparently due to unfavourable economic conditions and the low purchasing power of the population as well as the development of counterfeit drugs which bene.fit rapidly growing fraudulent economy. However, the purchase of illicit prescription drugs requires a better understanding of consumer behaviour in terms of these medicines if the authorities intend to fight effectively against their development. The aim ofthis paper is to better understand the perceived effectiveness ofthese drugs, the potential benefits they can provide (ease of purchase and use) and the satisfaction they offer ta the users. The results indicate that consumers are only satisfied with street prescription drugs when used for minor ailments. They nonetheless offer consumers many advantages that are likely ta di vert them from the official channels of distribution.

Key words : Drugs from the street - Consumer behaviour - African consumers - Satisfaction -Perceived effectiveness - Ease of use.

INTRODUCTION

Dans la plupart des pays en développement, le marché des médicaments de la rue continue de se développer malgré les mesures de répression à l'encontre du marché illicite de produits pharmaceutiques et les campagnes de sensibilisation sur les dangers liés aux médicaments de la rue. Ce marché se développe dans un contexte de grande pauvreté, marqué par des conditions économiques défavorables et par l'absence de répression réelle à l'encontre des vendeurs de

médicaments illicites. Il a aussi été suggere que ces médicaments illicites connaissent du succès du fait qu'ils sont considérés comme étant utiles et particulièrement commodes et faciles à acheter (Ouattara, 2009).

Le marché des médicaments de la rue se développe aussi en Afrique parce que les capacités actuelles des gouvernements des pays en développement, en matière de dépenses de santé, sont limitées. Ces dépenses de santé sont le plus souvent en concurrence avec d'autres dépenses telles que

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celles de l'éducation ou de l'administration générale. De plus, en dehors de la budgétisation directe qui est operee, le financement de la couverture sanitaire est limité aux seuls salariés ; ce qui implique que, dans une grande partie de l'Afrique subsaharienne, une fraction importante de la population n'a pas un accès régulier aux soins de santé. De plus, ces soins ne concernent que quelques prestations médicales.

Le développement du marché des médicaments illicites et de contrefaçon constitue un crime dans les pays en développement, et notamment les pays les plus pauvres. Il constitue un véritable fléau pour des familles qui sont le plus souvent sans protection sociale et sans ressources financières. De plus, il concerne les médicaments les plus indispensables à la santé individuelle et collective des populations africaines qui sont affectées par le paludisme, la tuberculose et le SIDA. Ce marché ne cesse de se développer et ses revenus dépassent ceux du trafic de la drogue. L'utilisation de ces médicaments contribue fortement à faire baisser l'espérance de vie des patients qui prennent d'importants risques pour leur santé en les utilisant (Chirac, 2009).

Certes, les problèmes économiques constituent un important facteur explicatif de l'afflux des populations africaines vers les médicaments de la rue. Cependant, les médicaments illicites trouvent aussi un grand terrain de fertilité en terme de représentations socioculturelles ; -car pour le consommateur africain, le médicament de la rue est synonyme de grande mobilité dans l'espace, de facilité d'accès à l'espace social. En effet, le fait de savoir que des médicaments sont facilement disponibles dans la rue et susceptibles de soigner un large éventail de maladies détourne les patients des services officiels. De plus, il apparaît que la majorité des populations africaines estime que les médicaments illicites sont d'une certaine efficacité (Pale et Lander, 2006) et que de nombreuses questions de santé publique peuvent être abordées sur les lieux de ventes qui constituent un environnement propice et parfaitement intégré dans leur vie quotidienne. La vente de médicaments illicites paraît donc bien adaptée au contexte social du consommateur africain plus que le produit vendu en pharmacie (Jaffre, 1999). Par conséquent, le médicament est loin d'être un objet neutre que le consommateur africain utilise uniquement pour guérir un mal. Son

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utilisation est le reflet de la relation entre le patient, sa culture et la communauté à laquelle il appartient.

Cet article a pour objet de mieux cerner le comportement des consommateurs vis à vis des médicaments illicites vendues dans la rue. Une meilleure compréhension de ces comportements, des bénéfices et de la satisfaction que les consommateurs en retirent permettra de mieux cerner les actions susceptibles de lutter contre ce fléau mondial. L'article s'articule autour de trois parties : dans un premier temps, nous analysons les facteurs favorisant le développement des médicaments illicites ; ensuite la méthodologie utilisée est explicitée ; et enfin, dans une dernière partie, seront analysés les bénéfices perçus par les consommateurs et les satisfactions spécifiques qu'engendrent l'achat et l'utilisation de ces produits.

FACTEURS FAVORISANT LE DÉVELOPPEMENT DU MARCHÉ DE MÉDICAMENTS DE LA RUE

Plusieurs facteurs socioéconomiques et culturels contribuent au développement du marché des médicaments illicites. Ce développement est lié au phénomène de la contrefaçon ; à la pratique de l'automédication qui est courante dans les pays en développement, notamment pour des produits sophistiqués nécessitant une ordonnance médicale ; et enfin aux conditions de mise en marché des médicaments (coût, disponibilité et accessibilité des médicaments illicites).

Les médicaments de contrefaçon

Du fait de l'explosion des échanges économiques dans le monde, de nombreuses lacunes règlementaires dans le domaine pharmaceutique et de l'absence de contrôle de qualité indépendant, on assiste de plus en plus au développement des productions locales de qualité incertaine. Selon une enquête réalisée par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), sur 26 pays africains, près de la moitié ne possède aucune assurance qualité. De plus, on estime que 40% des médicaments contrefaits sont écoulés dans les pays développés contre 60% dans les pays en développement dont les frontières ne permettent pas des contrôles fiables. Selon l'OMS, le développement de la contrefaçon trouve son origine dans l'extrême pauvreté d'une grande frange de la population mondiale qui n'hésite pas à s'approvisionner en dehors

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du système officiel de distribution des médicaments.

La contrefaçon de médicaments renvoie à deux notions : l'une se rapporte à la transgression des droits de propriétés industrielles et l'autre fait référence au non respect de la qualité. D'une manière générale, la contrefaçon est la reproduction frauduleuse d'une œuvre littéraire, artistique ou d'un produit manufacturé. Elle constitue une atteinte aux droits de l'auteur de l'invention. Le médicament contrefait étant défini comme un produit qui est délibérément et frauduleusement mal étiqueté pour en dissimuler la source, peut s'appliquer aux produits de marque comme aux produits génériques et peut être constitué d'ingrédients corrects ou différents sans principes actifs ou en quantités insuffisantes, ou encore avoir un faux conditionnement (Sébastien, 2004). La contrefaçon se développe sous l'effet de plusieurs facteurs : l'absence d'une législation forte et adaptée pour combattre ce phénomène à travers le contrôle de la fabrication et de la distribution des médicaments, l'absence d'autorités nationales de réglementation pharmaceutique chargées des évaluations de la qualité des médicaments produits localement ou importés, le manque de sanctions pénales à l'encontre des personnes qui commettent des violations de la législation pharmaceutique et l'insuffisance de l'offre par rapport à la demande des médicaments.

Les recherches effectuées sur les produits contrefaits montrent que dans la moitié de cas, ces derniers ne contiennent pas de principes actifs et dans les autres cas, ils en contiennent moins ou contiennent d'autres produits ou des impuretés. En Afrique, plus de 50% des médicaments en circulation sont contrefaits et ce marché parallèle des médicaments est devenu, aujourd'hui en Côte d'Ivoire comme dans bien d'autres pays de l'Afrique de l'Ouest, un phénomène de société, un drame. Il occupe une proportion importante du marché pharmaceutique, de l'ordre de 5% à 6%. Les médicaments les plus fréquemment contrefaits surtout dans les pays en développement sont ceux qui visent à guérir des maladies infectieuses et des maladies graves, comme la malaria, la tuberculose et le VIH/SIDA, ou encore des infections banales. Il apparaît aussi que la résistance aux anti-parasitaires et particulièrement aux antipaludéens sont en grande partie liées au fait que les patients

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consomment des produits sous dosés ou mal préparés.

La contrefaçon constitue une entreprise très lucrative qui n'exige pas de logistique importante, ni de grandes infrastructures de production. En effet, on peut produire de faux médicaments à des coûts peu élevés. De plus, de la fabrication à la distribution, l'assurance qualité du médicament est un processus difficilement applicable et contrôlé dans les pays en développement. Garantir la qualité des produits pharmaceutiques présente un coût réel et fabriquer un médicament de qualité à bas prix relève d'un grand défi que doivent affronter les pays en développement. Ceci d'autant plus que les différentes législations des pays africains ne sont pas toujours favorables à la répression du marché illicite de médicaments qui représente 30 à 60% du marché formel.

Les conditions de mise en marché des médicaments illicites

Les recherches réalisées sur l'achat des médicaments de la rue font apparaître que le prix des produits de la rue est nettement inférieur à ceux pratiqués en pharmacie. C'est essentiellement cette raison qui encourage les consommateurs de la rue, qui disposent le plus souvent d'un pouvoir d'achat limité, à se procurer des médicaments dans la rue. Certes le prix constitue un important facteur de motivation des consommateurs. Mais force est de constater que les lieux de vente que sont la rue et les marchés traditionnels offrent au consommateur africain de nombreuses facilités d'usage et d'accès. En particulier, il est facile d'acheter au micro détail et la disponibilité des médicaments est totale dans la mesure où les vendeurs proposent leurs produits à tout moment de la journée.

De plus, la grande proximité entre vendeur et acheteur de médicaments est de nature à faciliter la transaction commerciale de ce type de médicaments. Sur les marchés illicites, les médicaments sont vendus à bas prix et au détail, en fonction des besoins immédiats des consommateurs. La vente se déroule dans la rue qui constitue un environnement familier aux consommateurs africains et qui est parfaitement intégré dans leur vie quotidienne. Ceci facilite l'achat de ces produits. Plus que les produits qui sont vendus à travers le circuit officiel, la vente de médicàments de la rue paraît donc bien

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exposés durant de longues heures à la poussière, à l'humidité et à de fortes chaleurs.

Les vendeurs de médicaments ne se contentent pas de vendre ces derniers, mais ils jouent aussi le rôle de conseillers et de prescripteurs dans la mesure où ils recommandent des médicaments à certains patients qui en éprouvent le besoin. Les opérations de vente de médicaments, dans la rue, se déroulent sous les différentes formes suivantes : vente ambulante, petit tablier et dans certains cas, sous forme de petites boutiques artisanales. Les pharmacies constituent une source importante d'approvisionnement des marchés parallèles de médicaments. En effet, lorsque la date de péremption des médicaments est proche, les officines consentent des remises importantes aux vendeurs de la rue qui ont a insi la possibilité d'écouler leurs marchandises à des prix défiant toute concurrence.

De plus, il apparaît nécessaire de souligner le fait qu'une partie non négligeable des médicaments de la rue provient des agents de santé des formations publiques; et qu'ils sont aussi le fait de détournements de dons multiples de médicaments consentis aux formations sanitaires ou même le fait de vols de médicaments dans les formations sanitaires publiques, les pharmacies ou les centrales d'achat. Il convient de remarquer que dans certains cas, il s'agit de détournements d'échantillons de médicaments offerts aux structures sanitaires exerçant dans les pays en développement.

La plupart du temps, les prix pratiqués font l'objet de négociations entre vendeurs et acheteurs. C'est essentiellement pour cette raison que les prix réellement payés, par les patients, qui ont la possibilité d'acheter leurs médicaments au micro détail sur ces lieux de vente, sont inférieurs à ceux des pharmacies.

Phase quantitative

La phase quantitative de notre étude a reposé sur un questionnaire qui comportait des questions relatives aux satisfactions

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spécifiques, à l'efficacité, aux facteurs socio culturels et aux bénéfices liés à l'approvisionnement et à l'achat des médicaments de la rue.

Des recherches antérieures (Ouattara, 2009) ont montré que, d'une mamere générale, les consommateurs dans leur grande majorité ne sont pas satisfaits des médicaments de la rue. Nous avons voulu dépasser cette mesure globale de satisfaction et comprendre 1c1 les éléments de la satisfaction. Nous avons donc voulu comprendre les satisfactions spécifiques des consommateurs de médicaments de la rue. La mesure de la satisfaction a été élaborée en utilisant 3 indices (satisfaction, insatisfaction, neutralité) et fait référence à la perception globale qu'un public a de l'utilisation d'un bien ou d'un service. De plus, la dimension des échelles (échelles à 3 points) a été retenue pour permettre aux consommateurs, à majorité analphabètes, de répondre facilement aux questions. Les enquêtes ont été effectuées sur un échantillon de 276 individus dans deux pays africains (155 observations au Sénégal et 121 observations au Cameroun). Les données ont été collectées dans deux villes (Douala au Cameroun, en Afrique centrale et Dakar au Sénégal, en Afrique de l'ouest). Cette couverture de deux régions d'Afrique centrale et d'Afrique occidentale a permis de faire des comparaisons de comportements et d'effectuer les mesures de satisfaction et d'attitudes vis à vis des médicaments de la rue dans des milieux socioculturels relativement différents.

Principaux résultats

Satisfaction

Pour mieux appréhender le degré d'insatisfaction des populations africaines à l'égard des médicaments illicites, l'examen du tableau 1 relatif aux satisfactions et insatisfactions spécifiques permet de mieux comprendre les sources de satisfaction ou d'insatisfaction liées à l'utilisation de ces médicaments.

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Tableau 1 : Satisfactions spécifiques à l'égard des médicaments de la rue (en pourcentages des personnes interrogées)

Dakar Douala Concepts relatifs aux satisfactions spécifiques des médicaments de la rue

+ NS

+ NSP - p -

% % % % % %

- Soulagement après utilisation des médicaments de la rue 47,6 46,7 5.7 52 40,1 7,9

- Satisfaction pour les petites maladies 52 46 2 69,5 23, 5 7

- Satisfaction par rapport à l'emballage 29,5 69,5 1 22,5 64,9 12,6

- Satisfaction par rapport à un large éventail de maladies 36,2 58,1 5,7 33,1 56,3 10,6

- Satisfaction par rapport aux maladies courantes

La satisfaction des consommateurs à l'égard des médicaments de la rue porte essentiellement sur les petites maladies qui ne nécessitent pas de traitements sophistiqués (52% de satisfaction pour Dakar et 69% pour Douala) et les maladies courantes (63% de satisfaction pour Dakar et 60% pour Douala). Par contre, la majorité des consommateurs de médicaments de la rue estiment qu'ils ne sont pas satisfaits de ces médicaments pour un large éventail de maladies (58%

62,9 33,3 3,8 59,3 29,4 11,3

d'insatisfaction pour Dakar et 56% pour Douala).

Efficacité perçue et qualité perçue des médicaments de la rue

Il convient d'analyser l'efficacité et la qualité perçue des médicaments de la rue par les consommateurs, pour se faire des idées précises de la manière dont les médicaments de la rue sont perçus par rapport à ceux des pharmacies.

Tableau 2 : Efficacité perçue, qualité perçue et conservation des médicaments de la rue

Concepts relatifs à l'efficacité, la qualité et la Dakar Douala conservation des médicaments de la rue + - NSP + NSP -

% % % % % %

- Les médicaments de la rue sont de même qualité que 27,6 69,5 2,9 23,2 59,6 17,2 ceux des pharmacies

- Les médicaments de la rue sont aussi efficaces que 25,9 71,2 2,9 25,8 60,9 13,3 ceux des pharmacies

- La conservation des médicaments de la rue ne pose pas 24,8 73,3 1,9 10,3 79,8 9,9 des problèmes

Sur l'ensemble des deux villes, les médicaments de la rue ne sont pas perçus comme étant aussi efficaces que ceux des pharmacies (71 % d'opinions défavorables à Dakar et 61 % d'opinions défavorables à Douala). De plus, il apparaît clairement que les consommateurs de médicaments de la rue perçoivent bien des différences de qualité entre les médicaments des pharmacies et ceux de la rue (71 % d'opinions défavorables à Dakar et 61 % d'opinions défavorables à Douala). C'est d'ailleurs pour cette raison

qu'une grande majorité des consommateurs estiment que la conservation de ces médicaments pose de sérieux problèmes du fait de leur exposition prolongée à de fortes la chaleur (73% d'opinions défavorables à Dakar et 80% d'opinions défavorables à Douala).

Bénéfices perçus d'approvisionnement

du mode

xeuue Camerounaise de Management

Certes les consommateurs dans leur grande m ajorité ne sont pas satisfaits des médicaments de la rue, mais ils estiment que

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ces derniers leur offrent de nombreuses facilités et bénéfices liés à l'approvisionnement et à l'achat dans la rue (voir tableau 3).

Tableau 3 : Principaux bénéfices liés aux médicaments de la rue

Dakar Douala

Principaux bénéfices des médicaments de la rue + - NSP + - NSP

% % % % % %

- Médicaments adaptés aux besoins de santé des 51 ,4 44,8 3,8 35,6 47 17,4 consommateurs

- Poss ibilité d'acheter ces médicaments à crédit 51,4 42,9 5,7 43,9 43,5 12,6

- Possibilité d'acheter ces médicaments en détail 68 29 3 74,6 17,9 7,5

- Pas d'obligation de présenter une ordonnance au 72,4 moment de l'achat 25,7 1,9 53,6 39,1 7,3

- Pas de consultation payante avant l'achat 61,9 34,3 3,8 57,6 35,8 6,6

- L'achat de médicaments de la rue est effectué pour 14,3 78,1 7,6 24 70,7 5,3 des questions de confidentialité

- Le prix des médicaments de la rue est plus intéressant 74,3 22,8 2,9 74,5 17,9 7,60 que celui des pharmacies

- Les médicaments de la rue peuvent être achetés selon 68,6 29,5 1,9 65,6 24,5 9,9 les moyens des consommateurs

L'engouement des consommateurs à l'égard des médicaments de la rue peut être expliqué par les multiples commodités que ces derniers leur offrent. Il s'agit notamment de la vente des médicaments au micro détail (75% d'opinions favorables pour Douala et 68% pour Dakar). De plus, la vente de ces médicaments offre des facilités indéniables telles que l'achat de médicaments selon les possibilités financières des patients qui sont le plus souvent limitées (69% d'opinions favorables à Dakar et 66% d'opinions favorables à Douala). Il en est de même pour la possibilité d'acheter des médicaments, sans ordonnance et sans consultation préalable d'un médecin, qui constitue une pratique apprec1ee en Afrique (72% d'opinions favorables à Dakar et 54% à Douala).

La principale raison d'utilisation des médicaments de la rue est le prix de ces médicaments qui est perçu comme étant plus intéressant que celui des pharmacies (7 4% des

personnes à Dakar et 75% des personnes à Douala partagent cette opinion). Cette situation est largement expliquée par le faible pouvoir d'achat de la grande majorité des populations africaines. Il apparaît aussi que l'achat des médicaments dans la rue est très rarement effectué pour des raisons de confidentialité (78% d 'opinions défavorables à Dakar et 71 % à Douala). Cette situation s'explique par le fait que les produits illicites sont vendus sur des lieux publics tels que les marchés traditionnels.

Pour comprendre davantage le phénomène d 'achat des médicaments de la rue, il est nécessaire d'analyser les aspects sociaux et relationnels de ces médicaments. L'analyse du tableau 4 permet d 'avoir de plus amples connaissances sur différents concepts relatifs aux lieux de vente, aux liens entre acheteurs et vendeurs et aux attentes des acheteurs à l'égard des vendeurs.

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Tableau 4 : Aspects relationnels liés à l'achat des médicaments de la rue

Concepts relatifs aux liens entre vendèurs et Dakar Douala

acheteurs de médicament de la rue + - NSP + - NSP

% % % % % %

- Le lieu de vente de ces médicaments permet des 28,6 63,8 7,6 22,4 60,3 17,3 échanges sur différentes questions du domaine de la santé - Le vendeur s'intéresse aux problèmes autres que ceux de 22,8 72,4 4,8 15,9 69,5 14,6 santé du patient - Le vendeur comprend les problèmes financiers patients

- Le patient apprécie tous les conseils du vendeur

- Le patient satisfait le recommande à ses proches

- Possibilité d'avoir accès au vendeur à tous moments

Les patients, lorsqu'ils sont satisfaits de l'utilisation des médicaments de la rue, ont tendance à les recommander à leurs proches notamment leurs amis et parents (60% d'opinions favorables à Dakar et 59% à Douala). L'achat des médicaments de la rue est aussi motivé par le fait que la plupart des vendeurs comprennent bien les problèmes financiers des patients. Cet aspect socioculturel des médicaments est plus marqué au Sénégal qu'au Cameroun (59% d'opinions favorables à Dakar et 53 % d'opinions favorables à Douala).

Cependant, il apparaît que les patients n'apprécient pas toujours les conseils des vendeurs de médicaments qui pour la plupart n'ont pas de qualifiçation médicale ou pharmaceutique leur permettant d'exercer ce type d'activité (71 % d'opinions défavorables à Dakar et 69% à Douala). Les lieux de vente des médicaments illicites sont rarement considérés comme des lieux qui permettent aux patients d'effectuer des échanges sur différentes questions du domaine de la santé (64% des personnes à Dakar et 60% à Douala ne partagent pas cette opinion). De plus, le fait que les patients ont la possibilité de rentrer en contact à tout moment avec les vendeurs, constitue une commodité qui est bien appréciée dans les pays en développement (63% d'opinions favorables à Dakar et 54% à Douala).

CONCLUSION

Cette étude relative aux satisfactions spécifiques, à l'efficacité et aux facteurs liés aux aspects pratiques et sociaux des médicaments de la rue a permis de mesurer le degré de satisfaction des consommateurs ainsi

des 59 37,2 3,8 53 38,4 8,6

26,7 71,4 1,9 22,5 68,9 8,6

60 36,2 3,8 59 34,8 6,2

62,9 34,2 2,9 54 34,7 11,3

que les aspects liés aux bénéfices perçus de ces médicaments. D'une manière générale, il apparaît que les satisfactions spécifiques ne portent que sur les petites maladies qui ne nécessitent pas de traitement sophistiqué et sur les maladies courantes qui n'exigent pas de la part du patient une consultation de spécialiste. Ce résultat est d'autant plus intéressant que les recherches antérieures ont montré que les consommateurs perçoivent bien le risque global lié à l'achat de ces médicaments. Les risques spécifiques encourus dans l'achat de ces médicaments sont bien perçus. Les risques (physique et psychologique) sont les plus présents chez les consommateurs de médicaments de la rue.

L'achat de médicaments de la rue est certes motivé par le coût élevé des médicaments des officines par rapport à ceux de la rue, mais aussi pour des raisons de commodités et des raisons socioculturelles. En effet, ces médicaments sont disponibles à tout moment de la journée, à proximité des consommateurs qui ont la possibilité de les acheter en détail en fonction de leurs moyens financiers. Ces consommateurs n'hésitent pas, en cas de satisfaction, à recommander ces médicaments à leurs proches (parents et amis). De plus, le fait que le vendeur de médicaments se soucie des problèmes financiers des patients, contribue au développement de ce marché illicite. Les résultats obtenus de cette recherche sont certes limités car essentiellement descriptifs. Cependant, ils permettent de mieux comprendre les principales raisons d'utilisation des produits illicites et de leur mode de distribution.

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Cette étude de nature exploratoire permet d'envisager des voies ultérieures de recherche notamment pour déterminer les principaux facteurs liés à la satisfaction des consommateurs de la rue. Une meilleure connaissance des comportements des consommateurs, par rapport à des produits dangereux, est importante du point de vue de la gestion de la santé publique. C'est en combattant les croyances favorables aux médicaments de la rue, en s'appuyant sur les risques perçus par les consommateurs, en identifiant les classes thérapeutiques qui posent de véritables problèmes et en comprenant les raisons d'utilisation que les pouvoirs publics peuvent développer des programmes de lutte efficace contre ces produits illicites et leur distribution.

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