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Délivré par le Centre international d’études supérieures en sciences agronomiques Montpellier Préparée au sein de l’école doctorale : Economie et Gestion de Montpellier ED 231 Laboratoire : UMR 1110 MOISA Spécialité : Sciences de Gestion Présentée par Brinda RAMASAWMY Soutenue le 27 Février 2014 devant le jury composé de Intérêt du travail institutionnel dans les dynamiques de filières agricoles Le cas de l’île Maurice M. Karim Messeghem, Professeur, Universite de Montpellier 1 Examinateur/Président du Jury M. Bernard Leca, Professeur, Université Paris - Dauphine Rapporteur M. Didier Chabaud, Professeur, Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse Rapporteur M. Jean Louis Rastoin, Professeur Emérites, Montpellier SupAgro Examinateur M. Ronan Le Velly, Maître de conférences, Montpellier SupAgro Examinateur Mme. Fatiha Fort, Professeur, Montpellier SupAgro Directrice de thèse

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Page 1: sciences agronomiques Montpellier · Un grand merci à mon époux, Sanjay, pour son soutien, son amour, sa confiance, et son apport inestimable dans la révision et la mise en page

Délivré par le

Centre international d’études supérieures en

sciences agronomiques

Montpellier

Préparée au sein de l’école doctorale :

Economie et Gestion de Montpellier – ED 231

Laboratoire : UMR 1110 MOISA

Spécialité : Sciences de Gestion

Présentée par Brinda RAMASAWMY

Soutenue le 27 Février 2014 devant le jury composé de

Intérêt du travail institutionnel dans les dynamiques de

filières agricoles

Le cas de l’île Maurice

M. Karim Messeghem, Professeur, Universite de Montpellier 1 Examinateur/Président du

Jury

M. Bernard Leca, Professeur, Université Paris - Dauphine Rapporteur

M. Didier Chabaud, Professeur, Université d’Avignon et des Pays de

Vaucluse

Rapporteur

M. Jean Louis Rastoin, Professeur Emérites, Montpellier SupAgro Examinateur

M. Ronan Le Velly, Maître de conférences, Montpellier SupAgro Examinateur

Mme. Fatiha Fort, Professeur, Montpellier SupAgro Directrice de thèse

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i

A mes parents, Permal et Meenachee, avec vos 50 ans et plus de vie commune, vous représentez les ‘piliers institutionnels’ de ma vie…règles, valeurs, cultures et

traditions

A Mirish et Sanjay

A mes fidèles amis à quatre pattes (Brownie, Cookie, Maisha, Smoky et Sizzlar)

A mes ancêtres dravidiens du Sud de l’Inde, qui m’ont transmis la force mentale et la sagesse des ‘kshatriya’ (guerriers), ce qui fait de moi ce que je suis aujourd’hui…

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ii

Un jour, l’âne d’un fermier tomba dans un puits. L’animal gémissait pitoyablement

pendant des heures, et le fermier se demandait quoi faire.

Finalement, il décida que l’animal était trop vieux et que le puits devait disparaître de

toute façon, et qu’il n’était donc pas rentable de récupérer l’âne.

Il invita tous ses voisins à venir et l’aider. Tous se saisissent d’une pelle et commencent

à enterrer le puits.

Au début, l’âne réalisa ce qui se produisait et se mit à crier terriblement. Puis, au bout

de quelques secondes, à la stupéfaction de chacun, il se tut. Quelques pelletées plus

tard, le fermier regarda finalement dans le fond du puits fut très étonné de ce qu’il vit.

Avec chaque pelletée de terre qui tombait sur lui, l’âne faisait quelque chose de

stupéfiant. Il se secouait pour enlever la terre de son dos et montait dessus. Pendant

que les voisins du fermier continuaient à pelleter sur l’animal, il se secouait et montait

dessus...

Bientôt, à la grande surprise de chacun, l’âne sortit hors du puits et se mit à trotter !

La vie peut parfois essayer de nous engloutir de toutes sortes de problèmes. La

solution pour s’en sortir et d’avancer. Chacun de nos ennuis est une pierre qui permet

de progresser. Nous pouvons sortir des puits les plus profonds en nous souvenant de

cette histoire.

Une thèse de doctorat étant aussi un parcours initiatique en philosophie, je me suis

laissée guider par cette fable philosophique durant ces cinq années de thèse : pendant

mes moments de doutes, pendant mes moments de faiblesses, pendant que j’essayais

de réconcilier vie personnelle, vie professionnelle et vie de thésarde…

A toutes les femmes du monde entier qui ont le courage de leurs convictions et qui se battent

malgré l’adversité. Je vous salue bien bas…

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REMERCIEMENTS

iii

Tout commença lors d’une conférence que j’avais organisée à l’université de Maurice en

2007. J’y rencontrai Fatiha Fort pour la première fois, et de cette rencontre naquit l’idée

d’une thèse qui débuta fin 2008.

En premier lieu, je tiens à remercier Jean Louis Rastoin, et Fatiha Fort d’avoir cru en moi

et d’avoir soutenu ma candidature comme doctorante au sein de l’Unité Mixte de

Recherche Marchés, Organisations, Institutions, et Stratégies d’Acteurs (l’UMR MOISA) à

Montpellier SupAgro. Je les remercie pour leurs critiques constructives tout au long de ce

travail. Un merci particulier à Fatiha qui a assuré la direction de cette thèse à partir de la

deuxième année en 2009, pour m’avoir soutenu et m’avoir fait avancer dans mes

réflexions et dans la valorisation des résultats.

Je remercie les membres du jury, les rapporteurs M. Bernard Leca et M. Didier Chabaud

ainsi que les examinateurs, M. Jean Louis Rastoin et M. Karim Messeghem d’avoir accepté

de participer à l’évaluation de ce travail.

Je remercie également les membres de mon comité de thèse pour leurs conseils avisés sur

l’avancement de la thèse : Denis Loeillet et Ludovic Temple (CIRAD), Johny Egg (INRA

Montpellier), et Leïla Temri (Montpellier SupAgro).

A l’île Maurice, je souhaite remercier mon employeur, l’université de Maurice, pour

m’avoir autorisé à m’investir pendant cinq ans dans ce travail de thèse. Un grand merci à

l’Ambassade de France à l’île Maurice en partenariat avec l’état mauricien pour le

financement de la thèse à travers le Ministère des Affaires Etrangères Française. Je

remercie aussi toutes les personnes enquêtées sur le terrain à l’ile Maurice pour avoir pris

de leur temps afin de répondre à mes questions : les membres des institutions publiques

(un merci particulier aux personnels de l’Agricultural Research and Extension Unit

(AREU) qui ont accepté de me recevoir plusieurs fois et ont facilité les enquêtes auprès

des acteurs de la filière légumes frais); les membres des institutions agricoles privées (en

particulier Jean Cyril Monty, Jocelyn Kwok, Gopal Pillay, Raïfa Bundhun) ; les centrales

d’achat des supermarchés ; les membres et bureau d’association de producteurs de

légumes ; les mandataires dans les marchés de gros ; et enfin les producteurs (sucriers et

maraîchers) pour leur accueil toujours chaleureux et leur confiance.

Je remercie le personnel de l’EGIDE à Montpellier, l’organisme qui a géré ma bourse de

thèse en France, pour leur accueil et leur soutien, en particulier les personnes qui se sont

chargées de mon dossier : Catherine, Tiphaine et Florian.

L’expérience doctorale c’est aussi un partage quotidien autant sur le plan humain que sur

le plan professionnel. Je remercie ainsi les membres du personnel administratifs et

scientifiques de l’UMR MOISA ainsi que de l’UMR voisine, LAMETA de m’avoir

toujours accueilli avec le sourire. Un grand merci à mes amis doctorants et ex doctorants

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REMERCIEMENTS

iv

Marianne, Fanny, Elodie, Manuel, Iciar et Romina pour tout ce que l’on a partagé. Merci à

l’équipe REGAAL, notamment Selma Tozanli, Paule Moustier et Foued Cheriet pour

leurs apports à mes réflexions théoriques et empiriques. Je remercie l’équipe

administrative du bâtiment 26, Cédric (toujours présent pour un dépannage informatique

express), Christian, Michael, Naïma, Saloua (pour avoir partagé des séances de danse

orientale et des fou rires), sans oublier Christophe (‘Ninou’) du personnel d’entretien des

bureaux pour ses mots d’encouragements quotidiens. Un grand merci aussi à toute

l’équipe du centre de documentation, Pierre Bartoli (Caroline, Jean-Walter, Isabelle,

Laurent et Gabrielle) pour leur accueil et leur efficacité.

Le parcours d’une thèse ne peut se faire sans le soutien des proches- amis et familles.

Merci à mes amis : Mala, et Shane, Ile Maurice ; Roberto, Université de Hambourg ; et

Nicolas Balas, Université Montpellier 1- pour leurs encouragements en tant que

chercheurs et académiciens. Merci à Kurt, mon ‘guru’ spirituel et mon indicateur de

zenitude. Merci à ma famille : Mes parents (pour leur soutien indéfectible ; pour avoir cru

en moi et m’avoir toujours encouragé dans mes études depuis ma petite enfance) ; mes

frères (Umesha et Menon), beaux-frères, belles-sœurs, ma ‘petite sœur’, Anouchka ; mes

cousins; ma famille d’accueil en France (Margaret et Jean à Marseille ; Maligai et Gérard à

Paris ; Vikash et Vaishali à Paris, et Christine, Marc, Alex, Olivier et Anouk à

Montpellier) ; et tous les autres qui ont fait de mon séjour à Montpellier une expérience de

vie inoubliable (Daniel de la Résidence SupAgro; et Soraya pour ses bons petits plats

Malgache).

Merci à toutes les personnes suivantes pour la relecture attentive du manuscrit : Fatiha,

Sanjay, et Reena.

Un grand merci à mon époux, Sanjay, pour son soutien, son amour, sa confiance, et son

apport inestimable dans la révision et la mise en page de mon document de thèse.

En dernier lieu, je remercie mon fils, Mirish, qui a été à mes côtés tout au long de cette

thèse, et qui m’a continuellement motivé du haut de ses 9 ans. J’espère en retour avoir pu

‘institutionnaliser’ en lui les valeurs du travail bien fait et la motivation de toujours aller

jusqu’au bout de ses rêves.

A toutes ces personnes et à celles et ceux que j’ai pu involontairement oublier, ce serait un

C R I M E de ne pas dire……………..M E R C I !

Brinda

Décembre 2013

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SOMMAIRE

v

INTRODUCTION GENERALE ........................................................................................................... 1

PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME .............. 14

CHAPITRE 1 : LES APPORTS DE LA SOCIOLOGIE NEO INSTITUTIONNELLE A L’ANALYSE DE FILIERES AGRICOLES ... 16

SECTION 1 : Les premières perspectives institutionnalistes ..................................................... 17

SECTION 2 : Le néo-institutionnalisme dans les études organisationnelles ............................. 22

SECTION 3 : La sociologie néo-institutionnelle et le concept d’entrepreneur institutionnel ... 49

SECTION 4 : Le travail institutionnel dans les études organisationnelles ................................. 69

SECTION 5: Le néo-institutionnalisme et l’analyse de filières agricoles ................................... 79

SECTION 6 : Proposition d’un modèle conceptuel .................................................................... 89

CONCLUSION DU CHAPITRE 1 ......................................................................................................... 93

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE : LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES ..... 95

SECTION 1 : La genèse du secteur agricole mauricien .............................................................. 96

SECTION 2 : Le succès de la filière canne à sucre .................................................................... 118

SECTION 3 : Notre champ organisationnel-la filière légumes ................................................. 134

CONCLUSION DU CHAPITRE 2 ........................................................................................................ 142

CHAPITRE 3 : LES PROPOSITIONS DE RECHERCHE ............................................................................ 144

SECTION 1 : Terrain exploratoire du champ organisationnel : Résultats et apports .............. 145

SECTION 2 : Elaboration des propositions de recherche ........................................................ 157

CONCLUSION DU CHAPITRE 3 ........................................................................................................ 166

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE ....................................................................................... 168

DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS ................................................................... 172

CHAPITRE 4 : METHODOLOGIE DE RECHERCHE .............................................................................. 174

SECTION 1 : Positionnement épistémologique et design de la recherche .............................. 175

SECTION 2: Sélections des études de cas et collecte des données ........................................ 186

SECTION 3 : Analyse des données des études de cas .............................................................. 189

SECTION 4 : Critères de fiabilité et validité de la recherche ................................................... 193

CONCLUSION DU CHAPITRE 4 ........................................................................................................ 197

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS ......................................................... 199

SECTION 1 : Méso analyse du champ organisationnel ............................................................ 200

SECTION 2 : Micro-analyse des logiques institutionnelles au niveau des acteurs .................. 214

SECTION 3 : Identification des types et formes de travail institutionnel ................................ 246

SECTION 4 : Les résultats des études de cas ........................................................................... 252

CONCLUSION DU CHAPITRE 5 ........................................................................................................ 265

CHAPITRE 6 : DISCUSSION........................................................................................................ 267

SECTION 1 : Les déterminants et les conséquences du travail institutionnel ......................... 268

SECTION 2 : La validation des propositions de recherche ....................................................... 279

CONCLUSION DE LA DISCUSSION ................................................................................................ 283

CONCLUSION GENERALE ............................................................................................................ 285

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SOMMAIRE

vi

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ............................................................................................... 293

LISTE DES TABLEAUX INSERES DANS LE TEXTE ............................................................................ 307

LISTE DES FIGURES INSEREES DANS LE TEXTE .............................................................................. 309

LISTE DES ABREVIATIONS ........................................................................................................... 311

TABLE DES MATIERES ................................................................................................................ 313

ANNEXES................................................................................................................................... 320

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INTRODUCTION GENERALE

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INTRODUCTION GENERALE

1

INTRODUCTION GENERALE

Le sucre représente une denrée importante dans les transactions agricoles internationales: La

production mondiale de sucre, d’après l’organisation internationale du sucre (ISO1), en valeur

brute pour la campagne 2012/2013, était de l’ordre de 183,8 millions de tonnes avec une

consommation mondiale de 170,1 millions de tonnes (FranceAgriMer, 2012). Les estimations

de production pour la campagne 2013/2014 sont prévues à la baisse avec une production

mondiale de 180,8 millions de tonnes, et une consommation mondiale à la hausse qui devrait

s’élever à 176,3 millions de tonnes (FranceAgriMer, 2013). Le marché mondial du sucre est

approvisionné par les principaux pays producteurs et exportateurs, à hauteur d’environ 80%

de sucre de canne (le Brésil, l’Inde, la Thaïlande et l’Australie) et 20% de sucre de betterave

(la France, l’Allemagne, et l’Ex-URSS).

L’économie mondiale du sucre s’est longtemps caractérisée par un degré élevé d’intervention

gouvernementale aussi bien sur les marchés intérieurs qu’au niveau international. Ainsi, la

formation des prix du sucre sur le marché mondial a fortement été influencée par les régimes

spéciaux et les arrangements préférentiels. Le groupe des états d’Afrique, des Caraïbes, et du

Pacifique (ACP), bénéficiaires du protocole sucre (issu de la convention de Lomé de 1975 à

1999 suivi de l’Accord de Cotonou en 2000), a ainsi eu droit à un quota à l’exportation à un

prix préférentiel fixe dérivé des cours de soutien payés aux producteurs betteraviers

européens. Ce régime préférentiel européen a assuré aux états ACP, pendant près de quarante

ans, des prix supérieurs au cours mondial du sucre, et des systèmes de quotas protégeant les

pays exportateurs ACP de la concurrence internationale.

Cependant l’avancée de la mondialisation et de la libéralisation du commerce international a

entraîné dans son sillage la nécessité de réformer les règles internationales du commerce des

biens et des services. C’est ainsi que l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce

(GATT2), mis en œuvre en 1948 pour favoriser le libre-échange entre les pays membres, va

déboucher en 1995 sur la création de l’organisation Mondiale du Commerce (OMC), dont la

tâche est la réforme des échanges mondiaux suite aux négociations du cycle d’Uruguay. En

1 ISO : International Sugar Organization

2 GATT : General Agreement on Tariff and Trade

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INTRODUCTION GENERALE

2

parallèle, un accord particulier, sur les échanges de produits agricoles, obligera les pays

membres de l’OMC à faciliter l’accès de leur marché intérieur et à réduire les aides

gouvernementales au secteur agricole.

Suite aux changements explicités ci-dessus, des accords, tels que l’OCM sucre (Organisation

Commune du Marché) mis en place en 1968 par l’Union Européenne (UE) dans le cadre de sa

politique agricole commune, deviennent incompatibles avec les règlements de l’OMC. C’est

ainsi que les grands pays producteurs sucriers tels que le Brésil, la Thaïlande et l’Australie

dénoncent l’OCM sucre auprès de l’OMC pour contraindre l’UE à mettre fin aux subventions

à ses producteurs betteraviers, et au protocole sucre qui bénéficie aux producteurs de sucre de

canne appartenant au groupe ACP. De ce fait la réforme du protocole sucre entre l’UE et les

états ACP est amorcée en 2006 pour prendre fin en 2009. Les producteurs ACP de sucre de

canne subissent ainsi une baisse du prix subventionné du sucre de 36%. En contrepartie, l’UE

met cependant en place des mesures d’accompagnement financières pour aider les pays

producteurs ACP à réformer leur filière sucrière.

La perte des tarifs préférentiels de l’Union Européenne est un choc exogène qui force les pays

ACP à remettre en question leur secteur agricole. L’application des règlements de l’OMC

pour la libéralisation du commerce international, n’a fait que renforcer les barrières à

l’exportation surtout pour les petits états insulaires en développement (PEID)3 qui n’ont pas

suffisamment de ressources face aux gros pays exportateurs agricoles. Dans un souci

d’améliorer la productivité de leurs secteurs agricoles, ces pays doivent rendre les systèmes de

productions agricoles plus efficaces et baisser les coûts de production, et aussi envisager des

diversifications agricoles dans d’autres activités plus rémunératrices.

Parmi les petits états insulaires dans le groupe ACP, l’île Maurice (Maurice, désormais) a

joué un rôle important car elle était le principal exportateur de sucre, avec 43 pour cent des

exportations totales (Wohlgenant, 1999). Cependant après la réforme du protocole sucre par

l’UE, les quotas d’exportation de sucre des pays ACP, ont été revu et au fil des années

3 Désignation officielle des Nations Unies qui regroupent actuellement 39 petits États insulaires et 12 petits

territoires insulaires selon trois zones géographiques : les Caraïbes, le Pacifique et la région dites AIMS pour

Afrique, Océan Indien, Méditerranée et mer de Chine méridionale

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INTRODUCTION GENERALE

3

Maurice s’est retrouvé avec 23% du quota ACP en 2010-2011 et 18% en 2011-2012

(EuropeanCommission, 2013).

La filière sucre est étroitement associée à l’histoire de Maurice, et constitue un des piliers

économiques du pays. La filière sucre mauricienne, longtemps bénéficiaire du

protectionnisme européen, se retrouve ainsi menacée par la mondialisation avec un manque à

gagner de 782 millions d’euros pour la période 2006 à 2015 (MOAF, 2006).

Au vu de l’importance des conséquences que représente la réforme du protocole sucre ACP-

UE pour l’agriculture et l’économie de Maurice, nous nous sommes intéressées à ce contexte,

que nous préciserons dans la section suivante, pour construire notre objet de recherche.

I-1 Le contexte de la recherche

Maurice est un petit état insulaire avec peu de ressources en termes de terres agricoles pour

pouvoir concurrencer des grands pays producteurs de sucre tels que l’Australie ou le Brésil.

Maurice est même comparée par Grégoire et Théry (2007) au «petit poucet» face à «l’ogre»

(le Brésil) dans sa lutte pour négocier une place sur le marché international du sucre. La

réforme du protocole sucre, un choc exogène pour les producteurs sucriers mauriciens, a

remis en question les objectifs de la filière canne à sucre mauricienne, et a engendré une

profonde restructuration de cette filière avec de nombreux projets de diversification agricoles

et non agricoles. Une des stratégies de diversification de certains gros producteurs sucriers,

acteurs clés de cette filière, est la production intensive et hautement mécanisée de légumes

pour le marché mauricien, ce qui entraîne en conséquence des changements importants dans

la filière locale des légumes.

Le constat de départ est que la réforme du protocole sucre ACP-EU a des effets directs sur la

filière canne à sucre, et indirects sur la filière légumes. Historiquement, ce sont deux filières

qui opèrent chacune dans un cadre institutionnel différent forgé à travers les décennies par les

acteurs avec des règles d’appartenance et de conduite, des valeurs et des croyances, et des

normes propres à chaque filière. Ces deux filières ont certes des liens historiques et une

certaine perméabilité mais fonctionnent de manières très distinctes avec des produits et des

marchés différents. Cependant quand la filière légumes est investie par des nouveaux entrants

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INTRODUCTION GENERALE

4

de la filière canne à sucre avec de nouvelles techniques de production et de nouveaux circuits

de distribution, il y a une remise en question des pratiques, des règles, des normes, et des

valeurs de la filière légumes autant par les nouveaux entrants que par la réaction des acteurs

en place.

Inscrits dans ce contexte, nous nous intéressons surtout à comprendre de quelle façon les

acteurs qui décident d’investir une autre filière peuvent agir sur les institutions existantes, et

comment dans ce processus de changement institutionnel il y a un déclenchement en parallèle

de réactions stratégiques institutionnelles individuelles ou collectives parmi les acteurs en

place.

En effet, les changements observés ne concernent pas uniquement des aspects économiques et

stratégiques des acteurs de la filière mais affectent profondément le mode de fonctionnement

des institutions de la filière légumes.

Pour comprendre comment les acteurs peuvent influencer le cadre institutionnel dans lequel

ils évoluent, nous avons utilisé comme grille de lecture l’application de la théorie néo-

institutionnelle dans les études organisationnelles, et plus particulièrement le courant de la

sociologie néo-institutionnelle pour construire notre cadre de référence théorique comme

décrit dans la section suivante.

I-2 Le cadre de référence théorique de la recherche

Les travaux utilisant les premières perspectives institutionnelles dans la sociologie ont été très

présents depuis la fin du 19e siècle débutant avec les travaux d’Herbert Spencer qui avancent

que la société est un système organique qui évolue dans le temps en s’adaptant à son contexte

ou environnement grâce à ses «organes» qui sont structurés comme des sous-systèmes

institutionnels (Scott, 2008).

D’après Campbell (2004) « Les institutions sont constituées de règles formelles et

informelles, de mécanismes de surveillance et d’application, et de cadres de références qui

définissent le contexte où les individus, les organisations, les états entres autres opèrent et

interagissent. » Les institutions sont aussi conceptualisées comme un construit social qui

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INTRODUCTION GENERALE

5

forme les préférences et détermine ce que les acteurs peuvent définir comme actions légitimes

(Berger et Luckmann, 1967). Une fois les institutions créées, elles servent à canaliser et à

réguler les conflits et de ce fait donnent une forme de stabilité à la société.

Les institutions peuvent être très stables, mais cependant elles peuvent aussi changer

radicalement ou de façon incrémentale. Les institutions sont typiquement conceptualisées

comme « les règles du jeu » (North, 1990). Ainsi des chocs exogènes sur les institutions

introduisent des changements dans les règles formelles et informelles qui affectent les

acteurs/organisations, aussi appelés « les joueurs » (North, 1990). Les chocs exogènes à un

niveau macro peuvent aussi remettre en cause les institutions d’un secteur (niveau méso) et

forcer les acteurs qui y évoluent à faire des choix stratégiques (Peng, 2003).

La littérature nous indique que «le néo-institutionnalisme dans l’analyse organisationnelle se

distingue par son caractère sociologique.» (DiMaggio et Powell, 1991). Il y a ainsi un rejet du

modèle de l’acteur rationnel, l’accent mis sur les institutions comme variables indépendantes,

l’utilisation d’explications culturelles et cognitives, et l’utilisation d’unités d’analyse supra-

individuelles. Nous avons ainsi utilisé la sociologie néo-institutionnelle comme grille de

lecture pour comprendre le processus du changement institutionnel qui s’opère dans la filière

légumes à Maurice, et les effets sur les acteurs/organisations y opérant.

Le courant de la sociologie néo-institutionnelle s’est imposé à partir de la fin des années 1970

comme l’un des courants majeurs pour étudier les relations inter organisationnelles. Portée

par des auteurs qui ont étudié les processus de légitimation (Meyer et Rowan, 1977); les

comportements d’imitations inter organisationnels (DiMaggio et Powell, 1983); et la diffusion

des pratiques parmi les organisations (Tolbert et Zucker, 1983), la sociologie néo

institutionnelle (SNI), dans les années 1980, a fait du mimétisme inter organisationnel son

objet d’analyse et son explication de la plupart des comportements inter organisationnels

(Leca, 2006).

En prenant la perspective des chercheurs institutionnalistes au sein des études

organisationnelles, qui se sont orientés vers les aspects normatifs et cognitifs des institutions

(Meyer et Rowan, 1977, Zucker, 1977, DiMaggio et Powell, 1983, Tolbert et Zucker, 1983),

nous constatons que l’accent est mis sur les causes de l’institutionnalisation dans les

organisations, et les mécanismes qui aident les organisations à acquérir une légitimité en se

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INTRODUCTION GENERALE

6

conformant aux normes et aux exigences de l’environnement institutionnel. Ces travaux ont

montré les comportements stables et répétitifs des organisations pour se conformer à des

activités légitimées des organisations même en présence de pressions institutionnelles

externes (DiMaggio et Powell, 1983, Tolbert et Zucker, 1983, Oliver, 1988). Cet accent sur le

processus de légitimation, de conformité des organisations à leur environnement

institutionnel, et de stabilité a mis de côté les recherches sur les facteurs qui poussent les

organisations à défier, rejeter ou abandonner les pratiques institutionnalisées (Oliver, 1992).

C’est ainsi qu’Oliver (1992) définit le processus de désinstitutionalisation comme la dé-

légitimation d’une pratique établie face aux défis que doivent affronter les organisations, ou

face à l’incapacité des organisations à reproduire des actions légitimes ou prises pour

acquises. Les antécédents de la désinstitutionalisation sont, pour Oliver (1992), des pressions

politiques, fonctionnelles et sociales qui affectent à la fois les organisations à un niveau

micro, et l’environnement institutionnel où évoluent les organisations à un niveau méso. Les

changements qui affectent l’environnement institutionnel peuvent être de nature exogène,

comme l’arrivée de nouveaux entrants avec leur propres logiques institutionnelles (Scott et

al., 2000, Thornton, 2004), ou de nature endogène, comme les disparités entre

l’environnement macro et micro en réaction à des changements au niveau local (Sewell, 1992,

Dacin et al., 2002).

Une des limites de la SNI étant l’absence d’une théorie de l’action autant au niveau des

acteurs individuels que des organisations, cette limite est adressée vers la fin des années 1980

par des auteurs tels que DiMaggio (1988); Holm (1995); Fligstein (1997); Rao (1998) ;

Beckert (1999); Garud et al.(2002); Maguire et al. (2004), pour expliquer le processus de

changement institutionnel causé par des facteurs endogènes au champ organisationnel. Cela

donne lieu à une approche étendue de la SNI (Hoffman et Ventresca, 2002) qui réintègre

l’action stratégique pour rendre compte des capacités des acteurs à agir sur leur

environnement institutionnel.

Toutefois en réintroduisant l’acteur dans le cadre néo-institutionnaliste, les auteurs se sont vus

confrontés au paradoxe de l’agent encastré comme formulé par Holm (1995) : «Comment les

agents peuvent-ils changer des institutions si leurs actions, leurs intentions et leur rationalité

sont toutes conditionnées précisément par ces institutions qu’ils veulent changer ? » Pour

répondre à ce paradoxe, les auteurs de la SNI étendue ont suggéré deux réponses. La première

réponse est celle de Beckert (1999) qui parle du désencastrement de l’acteur de son

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INTRODUCTION GENERALE

7

environnement institutionnel « en prenant du recul » pour réduire les pressions

institutionnelles et redonner à l’acteur des choix stratégiques. La deuxième réponse se fonde

sur la notion de logique institutionnelle (Friedland et Alford, 1991). Les logiques

institutionnelles incluent des présuppositions, des croyances et des règles qui aident les

acteurs à s’organiser et à donner un sens à la réalité sociale (Friedland et Alford, 1991,

Thornton et Ocasio, 1999). La présence de logiques institutionnelles contradictoires ou

complémentaires dans l’environnement institutionnel crée des incohérences et des tensions et

constitue aussi une source de choix stratégiques pour les acteurs (Friedland et Alford, 1991).

Cette diversité de références institutionnelles peut aussi aider les acteurs à s’inspirer de

pratiques dans d’autres champs organisationnels pour changer les règles du jeu (Seo et Creed,

2002). Ces deux réponses au paradoxe de l’agent encastré permettent d’envisager un

changement institutionnel de nature endogène provoqué par des acteurs agissant comme des

entrepreneurs institutionnels.

Le thème de l’entrepreneuriat institutionnel a donné lieu à de nombreux travaux depuis la fin

des années 1980. Nous nous intéressons particulièrement aux apports de ce cadre conceptuel

car il permet une micro-analyse au niveau du champ organisationnel, comme celui de la filière

légumes qui nous intéresse dans cette recherche. L’entrepreneur institutionnel est défini

comme un acteur qui crée ou transpose des pratiques, des croyances ou des modèles et fait en

sorte que les autres acteurs adhèrent à ces nouvelles pratiques et les acceptent comme des

normes (Fligstein, 1997, Zimmerman et Ziet, 2002). Le but des entrepreneurs institutionnels

est d’instaurer ou de changer les règles du jeu. Ils interviennent principalement dans des

champs organisationnels émergents où il y a le développement d’une nouvelle activité, et les

entrepreneurs institutionnels fixent les règles du jeu et légitiment l’activité auprès des parties

prenantes (Aldrich et Fiol, 1994, Zimmerman et Ziet, 2002). Ils interviennent aussi dans des

champs en crise lorsque les institutions en place ne peuvent faire face aux nouvelles exigences

technologiques, légales, économiques ou sociales (Fligstein, 1997). Avec le concept de

l’entrepreneur institutionnel, le changement institutionnel peut être considéré comme un but

stratégique, le champ organisationnel comme une arène sociale et politique et un espace

d’action stratégique pour les acteurs qui y évoluent (Leca, 2006).

Cependant de récentes études ont critiqué le concept de l’entrepreneur institutionnel. Weik,

(2011) évoque un biais individualiste et managérial envers les institutions avec des

entrepreneurs institutionnels qui « créent ou détruisent des institutions de la même façon et

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INTRODUCTION GENERALE

8

pour les mêmes raisons qu’ils fondent des entreprises. » D’autres critiques ont aussi noté le

fait que l’entrepreneur institutionnel est perçu comme un acteur héroïque alors que très peu

d’attention est portée dans la littérature aux efforts collectifs de tous les acteurs, aux échecs, et

aux interdépendances (Lawrence et Suddaby, 2006). Ainsi Lawrence et Suddaby (2006)

introduisent le concept du travail institutionnel qui permet de remettre en perspective les

efforts collectifs de tous les acteurs qui évoluent dans un champ organisationnel pour créer,

déstabiliser ou maintenir les règles institutionnelles. L’approche du travail institutionnel

permet ainsi de dépasser la vision de l’entrepreneur institutionnel et de rendre compte des

activités multiples des différents acteurs vis-à-vis des institutions. En poursuivant leurs

travaux, Lawrence, Suddaby et Leca (2009b) invitent à délimiter plus précisément les

contours de l’approche du travail institutionnel à travers les notions de pratique,

d’intentionnalité, et de l’effort associé au travail des acteurs. Ces auteurs appellent aussi les

chercheurs à se concentrer sur les activités des acteurs impliqués dans le travail institutionnel

plutôt que sur les résultats.

Lawrence et Suddaby (2006) distinguent trois grands types de travail institutionnel : la

création, le maintien et la déstabilisation institutionnelle. En premier lieu, la création

institutionnelle en se basant sur la notion de l’entrepreneuriat institutionnel a reçu le plus

d’attention de la part des chercheurs en organisations. Ce type de travail institutionnel

correspond à la mise en place et à la légitimation de nouvelles règles institutionnelles, de

nouvelles pratiques et de nouveaux standards. En second lieu, les acteurs en place dans un

champ organisationnel doivent, sous certaines conditions, déployer des efforts considérables

pour maintenir les institutions face aux nouveaux entrants dans les organisations ou dans le

champ organisationnel ; face aux changements technologiques ou démographiques ; ou face à

l’évolution du champ organisationnel dans des directions nouvelles et inattendues (Lawrence

et Suddaby, 2006). En dernier lieu, la déstabilisation des institutions nous ramène aux acteurs,

qui souhaitant un changement dans les institutions existantes, doivent convaincre les autres

acteurs du champ organisationnel de se détourner de ces institutions. Il peut y avoir par

exemple, « une remise en cause des croyances, et des fondements moraux et coercitifs des

institutions » (Ben Slimane et Leca, 2010). Les institutions peuvent être déstabilisées) par

l’action individuelle ou collective des acteurs si leurs intérêts ne se trouvent pas dans les

arrangements institutionnels existants (DiMaggio, 1991).

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INTRODUCTION GENERALE

9

Les apports des travaux sur les logiques institutionnelles, l’entrepreneuriat institutionnel et le

travail institutionnel nous servent ainsi de cadre de référence théorique pour analyser et

comprendre les conséquences d’un choc exogène sur les stratégies institutionnelles des

acteurs d’un secteur d’activité qui, dans notre recherche, peuvent être soit les nouveaux

entrants sucriers ou les acteurs « traditionnels » (en place) de la filière légumes à Maurice.

Cette problématique peut être décomposée en trois questions de recherche principales :

Quels sont les facteurs qui déterminent le choix du type de travail institutionnel?

Quelles sont les conditions objectives et subjectives qui permettent aux acteurs

(nouveaux entrants ou en place) d’agir sur les logiques institutionnelles existantes

dans un champ organisationnel ?

Quelles sont les différentes formes de travail institutionnel qui sont utilisées pour

créer, maintenir, ou déstabiliser des institutions ?

Pour répondre à ces questions de recherche, nous avons choisi une démarche de recherche

abductive basée sur des allers retours entre la théorie et le terrain que nous présentons dans la

section suivante.

I-3 La démarche méthodologique de la recherche

La revue de la littérature de la SNI nous permet de construire des grilles de lecture que nous

adapterons à notre champ d’investigation.

Ainsi, l’objet de notre recherche est de traiter de l’apport du travail institutionnel et de ses

conséquences sur les institutions d’une filière agricole.

La thèse défendue dans ce travail de recherche est que le travail institutionnel

offre une perspective sociologique intéressante pour étudier les acteurs d’une filière,

ce qui ajoute une autre dimension en permettant une micro-analyse des dynamiques

de filières agricoles.

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INTRODUCTION GENERALE

10

Une étude exploratoire de notre champ de recherche, la filière légumes, nous permettra de

mieux identifier les acteurs clés, nouveaux entrants et acteurs en place, et d’affiner notre

problématique générale. Nous nous intéresserons ensuite à ces acteurs clés pour comprendre

leurs actions et réactions face aux changements dans leur champ organisationnel, déclenchés

par l’arrivée des nouveaux entrants.

Nous préciserons ensuite les propositions de recherche et mettrons en place une méthodologie

adaptée pour tester la validité de nos propositions de recherche.

Notre recherche utilisera principalement des méthodes qualitatives (analyse de discours et

entretiens avec les acteurs et études de cas).

I-4 Intérêts de cette recherche

Sur le plan académique, notre recherche propose d’utiliser la SNI pour analyser les

comportements stratégiques dans une filière agricole. Il s’agit là d’une originalité majeure car

les nombreux travaux qui concernent le secteur agricole ont généralement mobilisé

l’économie néo-institutionnelle pour les analyses de filière, ou les analyse de chaîne de valeur

et l’économie néo-institutionnelle. Notre ambition est de montrer que l’utilisation de la

perspective institutionnelle dans une analyse de filière, à travers la sociologie néo-

institutionnelle étendue, apportera des éclairages plus larges sur les aspects sociologiques et

humains des comportements des acteurs/organisations.

Sur le plan managérial, notre recherche apportera des éléments de réflexion et d’action pour

les professionnels (sucriers et de la filière légumes) et surtout pour l’orientation des politiques

publiques de soutien. La perspective institutionnelle au sein des études organisationnelles

permet aux praticiens de comprendre que les institutions ne sont pas stables, et que les

acteurs/organisations peuvent agir intentionnellement de façon individuelle ou collective,

pour les changer en fonction de leurs intérêts.

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INTRODUCTION GENERALE

11

I-5 Plan de la thèse

Afin de répondre à notre problématique de recherche, cette thèse s’articule autour de deux

parties : la première partie présentera l’ancrage théorique, le contexte de la recherche, et les

propositions de recherche ; et la deuxième partie abordera la démarche méthodologique ;

l’analyse des résultats et la discussion des résultats.

La première partie, divisée en trois chapitres, justifiera le cadre conceptuel retenu et

contextualisera la problématique. Le chapitre 1 présentera les apports de la sociologie néo-

institutionnelle en soulignant les concepts clés qui en font sa richesse : les institutions, le

champ organisationnel, les logiques institutionnelles, la communauté d’acteurs, le

changement institutionnel, les conditions favorisant l’émergence d’entrepreneurs

institutionnels et le travail institutionnel. Les apports du cadre théorique nous permettront

d’élaborer un modèle conceptuel. Le chapitre 2 exposera le contexte de la recherche et

présentera les deux filières canne à sucre et légumes à Maurice. Nous examinerons le cadre

institutionnel de chacune des deux filières en mettant l’accent sur les pratiques

institutionnalisées existantes. Nous analyserons ensuite les évolutions dans les deux filières en

termes de chocs exogènes et endogènes. Le chapitre 3 exposera l’étude exploratoire et ses

apports à la formulation des propositions de recherche.

La deuxième partie présentera en premier lieu notre posture épistémologique, et justifiera le

design de la recherche ; et en deuxième lieu présentera les résultats et la discussion. Le

chapitre 4 présentera une revue de littérature autour des méthodologies qualitatives. Il définira

aussi le cadre d’analyse choisi pour répondre à notre problématique, ainsi que la stratégie de

recherche et le protocole de l’étude empirique. Le chapitre 5 exposera les résultats empiriques

de nos enquêtes qualitatives et le test de nos propositions de recherche. Le chapitre 6 portera

sur les discussions des résultats à la lumière de la littérature et des développements

empiriques observés.

Enfin la conclusion générale présentera une synthèse des principaux résultats obtenus dans le

cadre de notre recherche, et identifiera les apports, les limites et les prolongements de la

recherche.

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INTRODUCTION GENERALE

12

La figure 1.0 présente la structure générale de la thèse.

Figure1 1.0 : Structure générale de la thèse

Ad

du

ctio

n

Introduction Générale

Première partie:

L’ancrage théorique

et la contextualisation du problème

Chapitre 1:

Les apports de la sociologie néo institutionnelle

à l’analyse de filières agricoles

Chapitre 2 :

Le contexte de la

recherche :

Les filières canne à

sucre et légumes

mauriciennes

Chapitre 3 :

Les propositions de

recherche

Conclusion de la partie théorique et contextuelle

Résumé d’un cadre d’analyse de l’apport des

logiques institutionnelles et du travail

institutionnel dans une analyse de filière

Deuxième partie:

Méthodologie et Résultats

Chapitre 4:

Méthodologie de recherche

Chapitre 5 :

Les résultats des enquêtes et études de cas

Chapitre 6 :

Discussion

Conclusion Générale

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

Chapitre 1:

Les apports de la sociologie néo institutionnelle

à l’analyse de filières agricoles

PREMIERE PARTIE:

L’ANCRAGE THEORIQUE ET

LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

Chapitre 2 :

Le contexte de la recherche :

Les filières canne à sucre et légumes mauriciennes

Chapitre 3 : Les propositions de recherche

Conclusion de la partie théorique et contextuelle

Résumé d’un cadre d’analyse de l’apport des logiques institutionnelles

et du travail institutionnel dans une analyse de filière

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

Cette première partie de la thèse construit notre objet de recherche, qui porte sur les

interactions entre institutions et acteurs, et que nous proposons d’investir à l’île Maurice.

Le choix de l’île Maurice comme cadre d’étude se justifie par le fait que le cas d’un petit

état insulaire faisant face à une restructuration de ses filières agricoles du à des

changements à un niveau macro économique et global, n’est pas un cas isolé mais le cas

d’autres pays du Sud.

La première partie de la thèse est divisée en trois chapitres :

Le chapitre 1 mobilisera le référentiel théorique suite aux questions de recherches

définies dans l’introduction générale. Le cadre théorique mobilisé sera la sociologie néo

institutionnelle étendue et ses concepts clés tels que les logiques institutionnelles, et le

travail institutionnel qui nous permettront de mieux comprendre la relation récursive entre

les institutions et les acteurs/organisations, de conceptualiser notre problématique et

d’avancer un modèle conceptuel.

Le chapitre 2 contextualisera la problématique générale et donnera tout d’abord une

description des filières sucre et légumes par rapport à leurs cadres institutionnels

respectifs, et l’organisation des filières. L’importance du protocole sucre pour la filière

sucre sera ensuite souligné ainsi que les conséquences directes et indirectes de sa réforme

pour les filières sucre et légumes respectivement. L’objectif de ce chapitre sera de donner

les éléments qui ont structuré les environnements institutionnels des deux filières pour

pouvoir expliquer le travail institutionnel des acteurs concernés.

Le chapitre 3 présentera les apports du terrain exploratoire. Ce terrain exploratoire

permettra de mieux cerner la problématique de terrain et de l’affiner pour formuler les

propositions de recherche.

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 1: LES APPORTS DE LA SOCIOLOGIE NEO INSTITUTIONNELLE A L’ANALYSE DE FILIERES

AGRICOLES

Chapitre 1:

Les apports de la sociologie néo institutionnelle

à l’analyse de filières agricoles

PREMIERE PARTIE:

L’ANCRAGE THEORIQUE ET

LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

Chapitre 2 :

Le contexte de la recherche :

Les filières canne à sucre et légumes mauriciennes

Chapitre 3 : Les propositions de recherche

Conclusion de la partie théorique et contextuelle

Résumé d’un cadre d’analyse de l’apport des logiques institutionnelles

et du travail institutionnel dans une analyse de filière

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 1: LES APPORTS DE LA SOCIOLOGIE NEO INSTITUTIONNELLE A L’ANALYSE DE FILIERES

AGRICOLES

16

Chapitre 1 : Les apports de la sociologie néo

institutionnelle à l’analyse de filières

agricoles

Introduction

Dans ce chapitre nous allons construire notre cadre de référence théorique en utilisant les

apports conceptuels de la sociologie néo-institutionnelle (SNI), dans les études

organisationnelles, ce qui nous permettra de conduire une analyse de filière avec une

perspective néo-institutionnelle. Il nous a semblé pertinent de comprendre tout d’abord

brièvement comment la perspective institutionnaliste a été incluse dans les travaux en

économie, mais aussi dans d’autres disciplines telles que la sociologie. Nous verrons ensuite

de manière plus approfondie la relation entre la théorie institutionnelle et les études

organisationnelles jusqu’à l’émergence de nouvelles approches institutionnelles dans les

années 1970. Nous nous intéresserons à une de ces approches en particulier, la sociologie néo-

institutionnelle étendue Nous utiliserons les concepts clés de cette approche pour construire

un modèle conceptuel qui nous permettra de mettre en relation les éléments qui sont

déterminants dans le processus de changement institutionnel au niveau de notre filière à être

analysée.

Ce chapitre a deux objectifs principaux : premièrement justifier le choix conceptuel de la SNI

dans une analyse de filière ; et deuxièmement utiliser les fondements de la SNI pour répondre

à notre problématique et formuler nos propositions de recherche théorique. Pour atteindre le

premier objectif nous essayerons de souligner comment la SNI peut nous aider à mieux cerner

de quelle façon les acteurs d’une filière agissent sur les institutions. La réflexivité des acteurs

et le travail institutionnel qu’ils entreprennent dans une filière pour agir sur les institutions

peut être appréhendé d’un point de vue sociologique. Ainsi la SNI peut nous aider à répondre

à notre problématique qui est de comprendre comment les acteurs peuvent agir pour causer un

changement institutionnel et quels sont les facteurs explicatifs qui permettent aux acteurs

d’agir dans un sens ou dans un autre.

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 1: LES APPORTS DE LA SOCIOLOGIE NEO INSTITUTIONNELLE A L’ANALYSE DE FILIERES

AGRICOLES

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SECTION 1 : Les premières perspectives institutionnalistes

Cette section nous permettra de comprendre le cheminement de la perspective

institutionnaliste dans la littérature et plus spécifiquement dans deux disciplines majeures,

l’économie et la sociologie. Nous verrons ensuite comment la théorie institutionnelle s’est

associée à la théorie des organisations de par les travaux de chercheurs sur les dimensions

non-rationnelles des organisations.

1.1 Les premières perspectives institutionnalistes en économie et

sociologie

Bien que la littérature nous renvoie aux premières perspectives institutionnelles dans des

disciplines telles que l’économie, la science politique et la sociologie, nous nous intéressons

plus particulièrement aux disciplines de l’économie et de la sociologie car ces deux

disciplines ont fortement influencé par la suite les nouvelles approches institutionnelles

avancées par les sociologues et les chercheurs organisationnels (Scott, 2008).

1.1.1 Les premières perspectives institutionnelles en économie

Les plus anciens arguments institutionnels, dans la discipline de l’économie, trouvent leurs

origines en Allemagne et en Autriche vers la fin du 19e siècle à travers le Methodenstreit, le

fameux débat entre la méthode scientifique et les sciences sociales (Chavance, 2007 ; Scott,

2008). Ce débat, mené par Gustave Schmoller de l’école historique Allemande de 1900 à

1904 contre le principal défenseur de l’économie classique, Carl Menger, a pour but de

contester l’homo oeconomicus et les hypothèses simplistes dans l’économie néoclassique,

pour promouvoir des modèles beaucoup plus réalistes qui intègrent le comportement humain

(Scott, 2008). L’école historique Allemande avance que les processus économiques opèrent

dans un cadre social façonné par des forces culturelles et historiques. Les idées de l’école

historique de Schmoller sont reprises au début du 20e siècle par trois économistes

institutionnalistes américains influents: Thorstein Veblen, John Commons et Westley

Mitchell. Ces trois chercheurs, bien qu’ayant certains points de vues divergents, sont très

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 1: LES APPORTS DE LA SOCIOLOGIE NEO INSTITUTIONNELLE A L’ANALYSE DE FILIERES

AGRICOLES

18

critiques envers les modèles économiques conventionnels pour leurs hypothèses qui ne

correspondent pas à la réalité, et le peu d’attention portée aux effets des évolutions historiques

dans la théorie économique. Selon Scott (2008), Veblen suggère que le comportement humain

dans ses relations de groupe est fortement influencé par les habitudes et les conventions ;

Commons, lui, suggère l’utilisation de la transaction, au lieu du choix individuel, comme une

unité d’analyse économique plus appropriée tout en insistant sur les règles de conduite (les

institutions) qui délimitent la poursuite des objectifs des individus et des organisations ; et

Mitchell est le pionnier dans la collecte de données empiriques pour illustrer les principes

économiques qui selon lui doivent être basées sur des faits et non pas sur des théories

abstraites et déductives. Les travaux de ces trois économistes institutionnalistes ont servi à

élaborer des disciplines telles que l’économie du travail, les relations industrielles, et

l’économie industrielle.

1.1.2 Les premières perspectives institutionnelles en sociologie

Les travaux utilisant les premières perspectives institutionnelles dans la sociologie ont été très

présents depuis la fin du 19e siècle débutant avec les travaux d’Herbert Spencer qui avancent

que la société est un système organique qui évolue dans le temps en s’adaptant à son contexte

ou environnement grâce à ses «organes» qui sont structurés comme des sous-systèmes

institutionnels (Scott, 2008). Bien que l’analogie à la biologie de Spencer ne soit pas

conservée par les sociologues des générations futures, la centralité des institutions comme un

aspect d’étude sociologique important est reconnue. Ainsi Kingsley Davis en 1949 définit les

institutions comme « une série de folklores, de mœurs et de lois entrelacés et construits autour

d’une ou plusieurs fonctions. ». Selon Scott (2008) les textes majeur(e)s en sociologie depuis

au moins un siècle ont mis l’accent sur l’importance de systèmes normatifs qui gouvernent les

différentes sphères de la société. L’importance des institutions se retrouve aussi dans les

travaux de Cooley (1956) sur l’interdépendance des individus et des institutions. Hughes

(1936), donnant suite au modèle de Cooley, identifie les éléments essentiels des institutions

comme une séries de mœurs et/ou de règles formelles, qui ne peuvent être accomplies que par

des personnes agissant de façon collective et avec des capacités complémentaires. Cependant

en dépit de tous ces travaux, la sociologie des organisations ne donne pas suffisamment

d’attention à la perspective institutionnelle durant la période 1920 à 1970 (Scott, 2008).

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 1: LES APPORTS DE LA SOCIOLOGIE NEO INSTITUTIONNELLE A L’ANALYSE DE FILIERES

AGRICOLES

19

En retraçant l’analyse institutionnelle associée à la sociologie dans la tradition européenne, on

retrouve en premier lieu la contribution de Karl Marx, dont le travail durant les premières

décennies de la révolution industrielle, met l’accent sur la construction sociale de la réalité.

Deux autres figures majeures sont le sociologue français, Emile Durkheim et l’allemand Max

Weber. Durkheim (1895) définit les faits sociaux comme « (…) des manières d’agir, de

penser et de sentir, extérieures aux individus, et qui sont douées d’un pouvoir de coercition en

vertu duquel elles s’imposent à eux». Pour Durkheim (1895), les individus subissent à leurs

insu des pressions externes qui régissent leurs comportements dans une société. Selon

Durkheim, les institutions sont les produits d’activités conjointes et associatives qui

permettent « d’instituer » en dehors de l’être humain, des façons, initialement subjectives,

d’agir et de juger (Alexander, 1983). De son côté, les écrits de Max Weber, juriste,

sociologue, économiste, historien et philosophe allemand, qualifié d’ « homme d’une

érudition encyclopédique » par Aim (2010), ne mentionnent pas explicitement le concept

d’ « institution », mais avancent comment les règles culturelles définissent les structures et

comportements sociales (Scott, 2008). Weber développe aussi une nouvelle discipline, la

sociologie économique en adoptant les arguments institutionnalistes de l’approche historique

et comparative associée à l’économie, tout en étant d’accord avec Carl Menger sur

l’utilisation des modèles théoriques pour généraliser à partir de systèmes historiques

spécifiques. Ce faisant, Weber développe le concept d’idéaux-types qui sont produits à partir

de l’abstraction d’évènements ou de faits spécifiques et concrets, et qui peuvent guider et

instruire les chercheurs dans des études comparatives pour aider à mieux comprendre le

monde réel.

Le sociologue français Pierre Bourdieu (1971, 1973) combine les arguments de Marx et de

Durkheim en analysant le pouvoir de certains groupes à imposer leurs connaissances et leurs

conceptions de la réalité aux autres. Les travaux de Bourdieu ont influencé les chercheurs en

organisation des années 1980, en particulier sa conception de l’arène sociale, qui est reprise

par DiMaggio et Powell (1983) dans leur définition du champ organisationnel pour mieux

situer le lieu des processus institutionnels qui façonnent les organisations.

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 1: LES APPORTS DE LA SOCIOLOGIE NEO INSTITUTIONNELLE A L’ANALYSE DE FILIERES

AGRICOLES

20

Cette revue de littérature sur les premières perspectives institutionnelles dans les sciences

sociales démontre que les institutions ont été identifiées et analysées très tôt par les

chercheurs en sciences sociales. Cependant d’un autre côté, les études organisationnelles ne

trouvent leurs origines que durant la période de 1937 à 1947 (March,1965). La section

suivante est une revue de littérature sur les travaux reliant les études organisationnelles à la

théorie institutionnelle jusqu’à l’émergence des nouvelles approches institutionnelles (ou néo-

institutionnelles) vers la fin des années 1970.

1.2 La rencontre entre la théorie institutionnelle et les études

organisationnelles

Les recherches reliant les études organisationnelles et les arguments institutionnels ont

commencé au début des années 1940. En se basant sur les travaux de Max Weber sur la

bureaucratie et ses conséquences sur le comportement des organisations, des chercheurs

comme Robert Merton et Philip Selznick de l’université de Columbia ont conduit de

nombreuses recherches qui ont servi à établir la base des études organisationnelles. Selznick

(1948), influencé par les travaux de Merton (1936) sur les conséquences imprévues de

l’action intentionnelle et sur d’autres travaux de Merton sur la bureaucratie, a été une figure

de proue de l’analyse institutionnelle des organisations. Dans son papier de 1948 sur les

fondations de la théorie des organisations, Selznick insiste sur l’importance de comprendre les

dimensions non-rationnelles des organisations. Pour cet auteur, les organisations ne sont pas

seulement des structures mécanistes mises sur pied pour parvenir à des objectifs précis, mais

surtout des systèmes organiques et adaptatifs qui sont affectés par les caractéristiques sociales

de leurs participants et de l’environnement institutionnel où ils opèrent (Selznick, 1948). Dans

son livre sur le leadership dans l’administration, Selznick (1957) nous décrit

l’institutionnalisation comme un processus qui affecte une organisation sur la durée et qui

reflète l’histoire distincte de l’organisation, et la façon dont elle s’est adaptée à son

environnement. Pour Selznick (1957), l’institutionnalisation est une façon pour l’organisation

« d’insuffler des valeurs bien au-delà des besoins purement techniques de l’organisation ». Un

des étudiants de Selznick, Arthur Stinchcombe (1968) ajoute la notion de pouvoir et d’action

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 1: LES APPORTS DE LA SOCIOLOGIE NEO INSTITUTIONNELLE A L’ANALYSE DE FILIERES

AGRICOLES

21

agentique4 en définissant l’institution comme « une structure dans laquelle les personnes,

possédant le pouvoir, s’engagent par rapport à des valeurs ou des intérêts. » Les travaux de

Merton, Selznick et Stinchcombe ont ainsi posé les fondations d’un modèle institutionnel

(Scott, 2008).

Talcott Parsons est un autre auteur majeur reliant l’institutionnalisme aux organisations. Les

travaux de Parsons (1956a, 1956b) mettent l’accent sur la « structure » des organisations qu’il

décrit en utilisant deux perspectives : la perspective culturelle-institutionnelle qui utilise les

valeurs et leurs institutionnalisations, et la perspective du rôle des participants des

organisations. Parsons examine la relation entre les organisations et leur environnement en

avançant que les organisations se légitiment par rapport aux structures normatives élargies qui

prévalent dans les sociétés (Parsons, 1956a).

Deux autres auteurs, Herbert Simon et James March, de l’école de Carnegie, ont aussi

fortement contribué à l’avancement de la théorie institutionnelle. Herbert Simon, économiste

et chercheur américain, a été le premier à parler de la rationalité limitée des individus. Simon

rencontre les limites de la rationalité dans son étude de 1945 sur la prise de décision dans une

administration, et formule le concept de rationalité limitée en 1957 par opposition à la

rationalité parfaite du modèle économique classique (Quinet, 1994). Pour Simon et March, les

valeurs, les cadres cognitifs, les règles et les routines conduisent les individus à se comporter

de façon rationnelle (Scott, 2008). Ainsi selon Simon (1997) « l’individu rationnel est, et doit

être, un individu organisé et institutionnalisé ».

Cette section nous a permis d’établir les liens entre la théorie institutionnelle et les études

organisationnelles. Nous avons survolé les travaux théoriques et empiriques des auteurs clés

qui ont permis à l’institutionnalisme de trouver sa place dans l’étude des organisations, de

même que les concepts importants qui ont aidé à façonner la tournure et l’importance de

l’institutionnalisme pour les autres chercheurs.

4 Nous traduisons le terme ‘agency’ dans la littérature anglo-américaine en empruntant la traduction

d’action ‘agentique’ de Ben Slimane (BEN SLIMANE, K. 2007. Les Stratégies Discursives de

Légitimation du Changement Institutionnel: Le Cas du MPEG4 dans la Télévision Numérique de Terre

en France. Lille: Lille Economie et Management.). A noter que le terme ‘acteur’ a remplacé celui de

‘l’agent’ dans certains courants théoriques à partir des années 1980 pour une position de refus du

déterminisme et pour aussi expliquer que l’acteur puisse agir sur son cadre institutionnel.

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CHAPITRE 1: LES APPORTS DE LA SOCIOLOGIE NEO INSTITUTIONNELLE A L’ANALYSE DE FILIERES

AGRICOLES

22

SECTION 2 : Le néo-institutionnalisme dans les études organisationnelles

Vers la fin des années 1970, la théorie institutionnelle connaît un renouveau dans les sciences

sociales, et est précédée du qualificatif ‘néo’ dans les travaux contemporains (DiMaggio et

Powell, 1991). Cette résurgence de la perspective institutionnelle donne lieu à de nombreux

néo-institutionnalismes dans des domaines divers et variés tels que l’économie, la théorie des

organisations, la science politique, la théorie des choix publics, l’histoire et la sociologie. Au-

delà de leurs divergences, ces différentes approches néo-institutionnelles concordent sur

quelques points: le rejet d’une conception atomistique des processus sociaux (DiMaggio et

Powell, 1991) ; l’importance des dispositifs institutionnels (DiMaggio et Powell, 1991; Rizza,

2008); l’importance des institutions pour définir un comportement homogène des individus; et

finalement les institutions vues comme le produit de l’interaction humaine (Rizza, 2008).

Dans cette section, nous examinerons brièvement la perspective du néo-institutionnalisme

dans deux disciplines, l’économie, et la sociologie des organisations. Nous voyons ensuite

comment la perspective néo institutionnelle est associée à l’étude des organisations avec un

fort biais sociologique.

1.3 Les fondations de la théorie néo institutionnelle

Le néo-institutionnalisme est selon DiMaggio et Powell (1991) « (…) une tentative pour

proposer des réponses nouvelles à de vieilles questions concernant la façon dont les choix

sociaux sont façonnés, médiatisés, canalisés par des dispositifs institutionnels ». Dans le

monde économique, le fait de concevoir les institutions comme « la simple somme de

caractéristiques individuelles » (DiMaggio et Powell, 1991), et d’accorder peu d’attention au

contexte social et à la stabilité des institutions, a eu un coût social élevé. Au sein des études

organisationnelles, la perspective institutionnelle permet de mieux rendre compte, à travers

des modèles alternatifs, de la réalité organisationnelle découlant des études empiriques

(DiMaggio et Powell, 1991).

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23

1.3.1 Le néo institutionnalisme dans la discipline de l’économie

Le néo-institutionnalisme en économie se nourrit de plusieurs contributions, selon Langlois

(1986), telles que les travaux de Simon (1997) sur la rationalité limitée, l’analyse des coûts de

transactions et des droits de propriétés, inspirée des travaux de Coase (1937), les travaux de

Hayek (1948) de l’école Autrichienne moderne, les travaux de Schumpeter (1935) sur

l’innovation, et la théorie évolutionniste développée par Nelson et Winter (1982). Une

branche très étudiée de l’économie néo institutionnelle, l’économie des coûts de transactions,

concernée par les règles et systèmes de gouvernance, s’est développée autour des travaux de

Ronald Coase (1937). La ‘grande idée’ de Coase (1937) est de poser la question sur la nature

de la firme et son importance, de voir au-delà de la boîte noire qui représente la firme dans

l’économie néoclassique, et d’introduire de façon explicite les coûts de transactions dans

l’analyse économique. Son idée est reprise bien plus tard et développée par Williamson

(1975). Stigler (1989) reprend une autre idée de Coase, tirée de son papier de 1960 sur les

problèmes des coûts sociaux, et la formule comme le théorème de Coase. La nouvelle

économie institutionnelle (NEI) est aussi reprise par des historiens de l’économie (North,

1981); des spécialistes du droit et de l’économie (Posner, 1981), des théoriciens des jeux

(Schotter, 1981) et des économistes des organisations (Alchian et Demsetz, 1972; Nelson et

Winter, 1982; Grossman et Hart, 1987).

Comme avancée par Williamson (1985), la nouvelle économie institutionnelle se différencie

de l’économie néoclassique par rapport aux hypothèses standards et postule que l’individu a

une rationalité limitée qui est la conséquence d’une asymétrie d’information et d’une capacité

mentale limitée à utiliser les données. A cause des incertitudes et des risques dans son

environnement, l’individu perçoit des coûts de transactions dans l’acquisition d’information

dans le cadre de ses activités. De plus l’individu peut faire preuve d’opportunisme en fonction

des situations. Les travaux de Williamson se concentrent sur les effets des différentes formes

de gouvernance sur les coûts de transactions, et considèrent donc les organisations comme des

formes institutionnelles qui prennent en considération ce qu’il appelle les « conditions

environnantes » telles que les droits de propriétés, les lois, les normes et les conventions

(Scott, 2008). Cependant d’autres économistes tels que Douglass North (1990) considèrent les

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institutions comme les « règles du jeu » et les organisations comme « les joueurs » qui

emploient des stratégies pour gagner.

1.3.2 Le néo institutionnalisme dans la sociologie des organisations

Les sociologues se sont basés sur différentes théories pour constituer les approches néo

institutionnelles à la sociologie des organisations telles que la théorie cognitive, la théorie de

la culture, la phénoménologie et l’ethnométhodologie (Scott, 2008). La théorie cognitive

reconnaît la participation active des individus dans la perception, l’interprétation et la

construction de sens de la réalité. La théorie de la culture avance que la connaissance

s’acquiert dans un contexte social (Scott, 2008) et que la culture se compose de structures de

sens socialement construites (Geertz, 1973). Des travaux récents ont avancé que la culture

peut participer au changement. Swidler (1986) parle du rôle de la culture pour maintenir la

continuité dans un contexte stable, mais qui agit aussi comme une boîte à outil dans laquelle

puisent les acteurs pour définir leurs lignes d’action lors des périodes de changement.

La phénoménologie, une branche de la psychologie, est utilisée par les chercheurs en études

organisationnelles pour expliquer le comportement des individus en mettant l’accent sur les

cadres cognitifs et culturels qui permettent une définition collective d’une situation et des

stratégies d’actions partagées (DiMaggio et Powell, 1991). Dans ce sens, les données telles

que le discours, les rituels, les connaissances codifiées, et les artefacts culturels (Wuthnow,

1987) aident à analyser plus facilement les différents types de comportements.

L’ethnométhodologie (Garfinkel, 1974) se réfère à l’utilisation du bon sens développé par les

acteurs pour définir leur comportements dans une arène sociale. Les travaux dans ce domaine

analysent les comportements d’acteurs dans leurs milieux de travail pour comprendre

comment ils donnent un sens commun à leurs comportements et actions.

Les travaux et les idées des sociologues organisationnelles, comme décrit ci-dessus ont servi

de base pour initier la théorie néo institutionnelle en sociologie, mais ces travaux n’émergent

en études organisationnelles que dans les années 1970 comme décrit dans la section suivante.

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1.3.3 Le néo institutionnalisme dans l’analyse organisationnelle

D’après Scott (2008), l’utilisation de la théorie institutionnelle, dans les études

organisationnelles, est tout simplement une évolution et une continuation de la révolution

intellectuelle qui commence dans le milieu des années 1960 et qui introduit la théorie des

systèmes ouverts dans les études organisationnelles. Au départ, c’est l’environnement

technique de l’organisation qui prime car ce dernier est considéré comme un système de

production qui transforme les intrants en extrants. Ce n’est que plus tard au milieu des années

1970 que les chercheurs s’intéressent aux forces sociales et culturelles- l’environnement

institutionnel- dans lesquelles évoluent les organisations.

Ainsi, Silverman (1971) introduit les arguments néo institutionnels dans la sociologie des

organisations en proposant une théorie de l’action de l’organisation, pour démontrer que les

perspectives des fonctionnalistes tels que Parsons et Selznick sont trop centrées sur le

caractère stable des institutions. Pour Silverman (1971), l’environnement, dans lequel opèrent

les organisations, n’est pas seulement un réservoir d’intrants et d’extrants, mais constitue

aussi une source de connaissances et d‘interprétation pour les participants dans les

organisations. Dans la même ligne de pensée, le sociologue français, Pierre Bourdieu, lui,

emploie le concept de « champ social » en référence aux arènes sociales régies par des valeurs

et des approches distinctes. Bourdieu utilise aussi le concept « d’habitus » qui se réfère à

l’internalisation par les acteurs d’expériences passées et des perceptions, et de leurs

utilisations pour structurer leurs comportements en fonction des situations (Bourdieu, 1971).

Vers la fin des années 1970, deux articles majeurs réussissent à introduire la perspective néo-

institutionnelle dans l’étude sociologique des organisations : Meyer et Rowan (1977) et

Zucker (1977) en se basant essentiellement sur les travaux de Durkheim, et de Berger et

Luckmann, donnent ainsi naissance à la sociologie néo-institutionnelle dans les études

organisationnelles comme décrites plus en détail dans la section suivante.

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1.4 La sociologie néo institutionnelle (SNI) dans les études

organisationnelles

La champ théorique de la sociologie néo institutionnelle (désormais SNI) dans les études

organisationnelles trouve ses fondations à la fin des années 1970, plus précisément de 1977 à

1983 à travers la publication de plusieurs papiers fondateurs tels que ceux de Meyer et

Rowan, 1977 ; Zucker, 1977 ; Zucker, 1987 ; DiMaggio et Powell, 1983 ; et Tolbert et

Zucker, 1983. L’approche ‘néo’ institutionnelle émerge par opposition au ‘vieil’

institutionnalisme de Selznick et de ses collègues bien que les deux approches rejettent les

modèles traditionnels de rationalité illimitée, et la perspective que les choix des organisations

sont contraints par leur culture et leur environnement (Powell et DiMaggio, 1991). Les deux

approches divergent sur plusieurs aspects : le vieil institutionnalisme considère l’organisation

comme l’institution, et a une perspective plus politique et localisée de l’environnement

organisationnel ; tandis que le nouvel institutionnalisme a une vue plus holiste de

l’environnement organisationnel et rejette l’aspect fonctionnaliste des organisations, en

analysant les effets des influences inter organisationnelles, de la conformité, et de la culture

sur les organisations (Powell et DiMaggio, 1991)

Les travaux des auteurs néo-institutionnalistes cités plus haut se distinguent de la théorie de la

contingence structurelle en ayant premièrement des perspectives plus larges de

l’environnement qui va au-delà des aspects techniques et économiques pour inclure des

dimensions symbolique et culturelles. En second lieu, la structure organisationnelle est perçue

de façon symbolique comme reflétant les caractéristiques de l’environnement au-delà des

préoccupations d’efficacité de l’organisation.

Dans les sections suivantes, nous examinons en détail la richesse des apports de la sociologie

néo-institutionnelle dans les études organisationnelles à travers les concepts clés tels que

l’institution, les règles institutionnelles, le champ organisationnel, l’isomorphisme, et la

légitimité. Nous voyons ensuite comment la SNI a évolué au début des années 1990 pour

répondre à des critiques sur sa perspective déterministe des institutions sur les organisations

en développant l’approche de l’entrepreneuriat institutionnel. Une décennie et demie plus

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tard, des critiques sur cette dernière approche ont donné lieu à une approche étendue, celle du

travail institutionnel. Nous utiliserons les apports des deux dernières approches,

l’entrepreneuriat institutionnel et le travail institutionnel issus d’une sociologie néo-

institutionnelle étendue, pour construire notre modèle conceptuel et l’adapter à une analyse de

filière agricole.

1.4.1 La notion d’institution dans la sociologie néo-institutionnelle

Comme nous l’avons vu précédemment, la notion d’institution a longtemps été le pilier de la

théorie sociologique avec des auteurs tels que Parsons, 1951, Selznick, 1949, 1957, mais elle

a pris de l’importance dans les études sur les organisations dans les travaux de recherches de

Meyer et Rowan, 1977; Zucker, 1977, 1983 ; DiMaggio et Powell 1983; Powell et DiMaggio,

1991, entre autres.

La littérature nous offre plusieurs définitions du concept d’institution. Nous reprenons celle

de Scott (2008) qui nous semble la plus complète : « les institutions sont constituées

d’éléments régulateurs, normatifs, et culturels-cognitifs, qui associés à des activités et

ressources, donnent une stabilité et un sens à la vie sociale». La définition de Scott fait suite

aux travaux de DiMaggio et Powell (1983) qui font la distinction entre les institutions

coercitives, mimétiques et normatives. Scott (2008) poursuit ces travaux et distingue ainsi

trois types d’éléments qui soulignent l’ordre institutionnel : les éléments coercitifs

(régulateurs), les éléments normatifs, et les éléments culturels-cognitifs.

D’après Hoffman (1997), les trois éléments (ou piliers) des institutions forment un continuum

du « conscient à l’inconscient, de ce qui est régi par la loi à ce qui est pris pour acquis ».

Scott (2008) décrit, dans le tableau 1.0 suivant, les différences entre les trois éléments pour

nous permettre de mieux appréhender leur contribution individuelle aux institutions. Dans un

contexte idéal, ces trois éléments pourraient être interdépendants et se renforcer mutuellement

pour contribuer à constituer une structure sociale très puissante.

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Tableau1 1.0 : Les trois piliers des institutions

Piliers Régulateur Normatif Culturel-cognitif

Moyen pour respecter

les piliers

Opportunisme Obligation sociale Pris pour acquis

Compréhension

partagée

Base pour établir

l’ordre

Lois Attentes

contraignantes

Schéma de

comportement

Mécanismes Coercition Normes Mimétisme

Logique Instrumentale Pertinence Orthodoxie

Indicateurs Lois

Règles

Sanctions

Certification

Accréditation

Croyances communes

Logiques d’actions

communes

Isomorphisme

Impact Peur, culpabilité/

l’innocence

Honte/honneur Certitude/Confusion

Base de légitimation Sanctionné

légalement

Gouverné par la

morale

Compréhensible

Reconnue

Soutien culturel

Source : Adapté de (Scott, 2008)

Le pilier régulateur est un élément très étudié des institutions surtout par les économistes néo

institutionnels (Williamson, 1985) et les historiens économistes (North, 1990). L’institution

coercitive impose les règles, les sanctions et le contrôle sur les activités et les comportements

des organisations. Cette forme de régulation est importante pour rendre l’institution viable, et

ce rôle de régulateur peut être joué par une tierce partie, représentée par l’état, par exemple.

Plusieurs travaux ont étudié le pilier régulateur des institutions: North et Thomas (1973)

analysent comment l’institution des droits de propriétés s’est développée dans le monde

occidental du 15e au 17

e siècle ; Williamson (1975, 1985, 1991) développe son cadre

conceptuel de marchés et de hiérarchies pour explique l’émergence de différents types de

formes organisationnelles pour réduire les coûts de transactions économiques au niveau des

entreprises.

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Le pilier normatif est aussi un objet d’étude de certains chercheurs, et se rapporte aux normes

qui sont nécessaires mais pas obligatoires, et qui orientent les acteurs dans leurs prises de

décisions. L’accent est sur les normes aussi bien que sur les valeurs. Scott (2008) définit les

valeurs comme « une conception de ce qui est préférable ou désirable, associé à la mise sur

pied de standards qui sont utilisés comme unités de comparaisons avec les structures et

comportements » ; et les normes comme « des spécifications de la façon de procéder ; les

normes donnent une légitimité aux moyens mis en œuvre pour atteindre des objectifs »

(DiMaggio et Powell, 1991). L’orientation de la recherche sur le pilier normatif doit beaucoup

aux travaux de Durkheim (1895) qui privilégie l’importance des institutions pour répondre

aux problèmes de vie collective. D’autres chercheurs comme March et Olsen (1989), suivant

les travaux de Durkheim, ont établi une différence entre la logique instrumentale (régulatrice)

et la logique de la conformité (normative). Les normes internalisées par les acteurs ou

imposées de l’extérieur, aident à mieux comprendre les phénomènes sociaux, politiques et

économiques (Rizza, 2008). Parmi les travaux qui ont étudié le pilier normatif des institutions,

nous retrouvons entres autres ceux de Selznick (1949) qui analysent les façons dont les

exigences procédurales sont insufflées de valeurs dans la Tennessee Valley Authority ; Roy

(1952) et Burawoy (1979) qui analysent l’institutionnalisation des cadres normatifs de

production parmi les ouvriers d’un atelier d’usinage ; et Brunsson et Jacobson (2000) qui

analysent la construction de standards par des associations professionnelles et des

organisations non-gouvernementales au niveau international.

Le pilier culturel-cognitif est la principale caractéristique distinctive de la SNI dans les études

organisationnelles (Scott, 2008). L’utilisation du terme culturel-cognitif par Scott (2008) se

réfère aux processus internes d’interprétation (cognitif) qui sont formés par les structures

culturelles externes. La conceptualisation des cultures varie car les croyances divergent

(DiMaggio, 1997). Les acteurs se conforment au pilier culturel-cognitif parce que les routines

sont prises pour acquises comme des modes de comportements acceptés, et que d’autres

formes de comportements seraient inconcevables (Scott, 2008). L’institution cognitive est

basée sur le fait que les institutions sont construites au fil du temps, ancrées sur les

expériences passées des acteurs qui reproduisent des comportements admissibles par tous.

L’institution constitue aussi un élément culturel qui donne un sens aux actions des

organisations. Quelques travaux qui examinent le pilier culturel-cognitif des institutions

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incluent entres autres : Meyer (1994) qui examine le processus culturel qui favorise

l’émergence de formes organisationnelles dans divers contextes ; Dobbin (1994) qui analyse

les divers systèmes de croyances culturelles qui ont façonné les politiques sociaux derrière la

construction des systèmes ferroviaires aux Etats unis, en Angleterre, et en France ; Deephouse

(1996) et Hoffman (1997) qui utilisent l’analyse de discours et autres formes d’analyses de

contenus, au niveau du champ organisationnel pour évaluer la construction de sens dans les

banques et l’environnement corporatiste.

Les trois types piliers institutionnels donnent chacun un motif différent pour légitimer les

actions des acteurs-organisations, par exemple, en offrant une base légale, une autorisation

morale, ou un soutien culturel-cognitif.

Suchman (1995) définit la légitimité comme « une perception généralisée ou une supposition

que les actions des entités sont désirables, correctes, ou appropriées dans un système

construits de normes, valeurs, croyances et définitions. ». Les théoriciens de la dépendance

aux ressources comme Pfeffer et Salancik (1978) renforcent la dimension évaluative de la

légitimité bien qu’ils soulignent aussi l’importance de la dimension culturelle. Les néo

institutionnels, eux mettent l’accent sur la dimension cognitive bien plus que sur la dimension

évaluative. La définition de Suchman tente ainsi de réconcilier les deux perspectives. D’après

Scott (2003), la légitimité est « symbolique » et est un signe visible aux observateurs externes

de l’organisation.

Suchman (1995) distingue trois formes principales de légitimité : la légitimité pragmatique,

morale, ou cognitive. La légitimité pragmatique est basée sur les intérêts calculateurs d’une

organisation par rapport à son « audience proche » Suchman (1995). La légitimité morale se

réfère aux normes, croyances, valeurs et règles du champ organisationnel où opère

l’organisation et qui confèrent une « évaluation normative positive à l’organisation et à ses

activités » Suchman (1995). La légitimité cognitive se réfère à une construction partagée de

sens par les acteurs du champ organisationnel en prenant pour acquis certaines pratiques. Ce

type de légitimité se fait par l’échange d’information et le partage des représentations par les

acteurs.

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Zimmerman et Ziet (2002) offrent une analyse intéressante de la légitimité par rapport aux

nouveaux acteurs d’un champ organisationnel. Selon ces deux auteurs précités, la légitimité

est un « jugement social de ce qui est approprié, acceptable et désirable ». Mais le plus

important c’est que la légitimité est une ressource en soi qui permet à l’acteur d’avoir accès à

d’autres ressources lui donnant la possibilité d’opérer dans le CO et de survivre. Zimmerman

et Ziet (2002) proposent une typologie de stratégies, qui permettent aux acteurs en place ou

nouveaux dans un CO de manipuler leur niveau de légitimité, incluant la conformité, la

sélection, la manipulation et la création.

Le pilier régulateur légitime les organisations qui ont été établies légalement et qui opèrent en

conformité avec les lois qui prévalent. Les organisations internalisent les normes et le pilier

normatif est donc une conception morale pour déterminer la légitimité. La façon dont les

organisations se comportent face à une situation donnée les légitiment du point de vue du

pilier culturel-cognitif (Scott, 2008). Dans des systèmes sociaux stables, les trois piliers

institutionnels peuvent être alignés et offrent à ce moment, de par leurs forces combinées, des

pratiques stables (Scott, 2008).

En dehors de ces trois éléments constituants, l’institution peut être formelle ou informelle. Le

tableau 1.1 de Trouinard (2004) montre qu’il y a une complémentarité entre les deux types

d’institutions, et souligne le caractère dynamique des types d’institutions : des institutions

formelles deviennent, au fil du temps, informelles de par leur intériorisation par les acteurs

concernés. Cela nous ramène à la «construction sociale» des institutions selon Berger et

Luckmann (1967) où les pratiques des individus se conforment à des règles et des sanctions

formelles et ces pratiques deviennent graduellement des habitudes et des routines et

représentent la « réalité sociale ». Il arrive aussi que des institutions informelles deviennent

formelles comme dans le cas où les institutions émergent d’un consensus socialement

construit de façon informelle au départ.

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Tableau2 1.1 : Types d’institutions : Formelles et informelles

Institution Formelle

Structurelle

Institution Informelle

Cognitive

Représentation de l’institution Structures formelles organisées

autour de règles de

fonctionnement formalisées

Structures informelles

représentées par des coutumes,

des règles et pratiques

totalement intériorisées

Moteurs de l’action

individuelle

La contrainte et le contrôle L’habitude, les règles et les

valeurs partagées

Nature de la sanction

Sanction légale Sanction morale

Risque de sanction provenant

d’instances officielles

Risque de rejet, d’expulsion de

la part de la communauté

d’acteurs

Source : (Trouinard, 2004)

L’unité d’analyse des organisations avec une perspective néo-institutionnelle se situe au

niveau du champ où opère les organisations. La compréhension du concept du champ

organisationnel est donc primordiale comme décrite dans la section suivante.

1.4.2 L’unité d’analyse de la SNI : Le champ organisationnel

Dans les premiers travaux sur la SNI, l’unité centrale d’analyse est définie de différentes

façons: la sphère institutionnelle (Fligstein, 1990) ; le champ institutionnel (Meyer et Rowan,

1977; DiMaggio et Powell, 1991) ; le secteur sociétal (Scott et Meyer, 1991) ;

l’environnement institutionnel (Powell, 1991), et l’ordre sociale au niveau local (Fligstein,

2001). Ce n’est que plus tard que le terme de champ organisationnel (désormais CO) est

accepté par l’ensemble des chercheurs comme l’unité centrale d’analyse (Scott et Meyer,

1991). Le sociologue Pierre Bourdieu (1971) a contribué à l’emploi du concept de champ

organisationnel. Dans sa conception du CO, Bourdieu utilise l’analogie au jeu, et conçoit le

CO comme une arène sociale conflictuelle où les joueurs ont pour but de promouvoir leurs

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intérêts, et où certains peuvent à un moment donné imposer leurs « règles du jeu » (voir

North, 1990) sur les autres.

DiMaggio et Powell (1983) définit le champ organisationnel comme « les organisations, qui

collectivement, constituent une zone reconnue de vie institutionnelle : les fournisseurs clés,

les demandeurs de ressources et de produits, les organismes de règlementation, et toutes

autres organisations produisant des produits et services similaires». Cette définition est

fondamentale dans l’utilisation de ce niveau d’analyse dans la SNI car elle permet de prendre

en considération la totalité des acteurs qui sont pertinents à l’analyse. Cependant, Hoffman

(1999) dans son étude sur les industries chimiques et pétrolières des Etats Unis face à la

question de l’environnement, avance que le champ organisationnel peut être aussi formé par

un collectif d’organisations regroupées autour d’une même problématique; et que

l’appartenance au champ peut se rapporter à une période définit dépendant de l’émergence, de

la croissance et du déclin de la problématique. Le champ organisationnel est aussi un niveau

d’analyse intermédiaire entre les organisations et la société, et de ce fait devient instrumental

dans la dissémination et la reproduction des pratiques socialement construites (Scott, 2008).

L’utilité du concept de champ organisationnel comme niveau d’analyse réside dans le fait que

ce concept regroupe un éventail diversifié d’acteurs et d’organisations travaillant dans un

domaine spécifique; met l’accent, pas seulement sur les organisations de producteurs, mais

aussi sur tous les autres acteurs (concurrents, clients, intermédiaires, organismes de

financement et de régulation entres autres); et la prise en considération des autres

organisations qui ont les mêmes caractéristiques et qui se concurrencent pour les mêmes

ressources (Scott, 2008). Ainsi selon Fligstein (2001) l’analyse au niveau du CO permet « une

théorisation à un niveau méso ». En choisissant un produit ou un marché comme un champ

organisationnel, ceci permet, en plus des processus de concurrences qui font l’objet d’analyse

économiques classiques, d’inclure une multitude d’acteurs qui interagissent avec les

organisations et produisent des relations sociales inter organisationnelles qui permettent la

survie de tous les participants (Fligstein, 2001).

Le champ organisationnel a plusieurs composants clés parmi lesquels les systèmes

relationnels, les systèmes culturels-cognitifs, les archétypes organisationnels, et les répertoires

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d’action collective (Scott, 2008). Parmi les systèmes relationnels, le sous-système de

gouvernance est composé d’acteurs publics et privés qui utilisent des moyens de natures

régulatrices ou normatives pour exercer un contrôle sur les activités et les acteurs du CO. Les

systèmes culturels-cognitifs des CO ont pris de l’importance avec le travail de Friedland et

Alford (1991) sur les logiques institutionnelles. Ces derniers définissent la logique

institutionnelle comme « un ensemble de pratiques matérielles et de constructions symbolique

qui constituent les principes d’organisation et qui sont disponibles aux acteurs individuels et

les organisations pour élaborer». L’idée principale derrière les logiques institutionnelles est

que dans les sociétés développées, il y a des cadres de références multiples qui sont

différenciés dans des secteurs tels que l’économie, la politique, la religion etc. Les

organisations qui fonctionnent à un niveau méso sont donc confrontées à des logiques

multiples et souvent contradictoires (Scott, 2008). Les archétypes organisationnels définit, par

Greenwood et Hinings (1993), comme « un ensemble de structures et de systèmes qui

incarnent de façon constante un seul schéma d’interprétation » constituent des modèles de

formes organisationnelles, présents dans le CO, pour les acteurs individuels et les

organisations. En dernier lieu, un autre composant des CO, les répertoires d’actions

collectives, constituent les options disponibles pour les acteurs pour formuler leurs stratégies.

Cependant ces répertoires sont liés par des règles, des normes, des croyances propres au

champ organisationnel. Il est intéressant de noter que les concepts d’archétypes

organisationnels et de répertoires d’action collective aident à mieux comprendre comment les

modèles culturels-cognitifs agissent en promouvant et contraignant l’action sociale à la fois.

Ainsi, les formes organisationnelles fournissent des modèles aux acteurs pour formuler leurs

stratégies ou procédures, et à la fois contraignent les acteurs à ne pas se tourner vers d’autres

formes alternatives, mais aussi donnent un soutien essentiel aux acteurs en termes

d’acceptabilité et de légitimité (Scott, 2008).

Ayant défini les principaux composants des institutions, et le niveau d’analyse de la

perspective institutionnelle dans les études organisationnelles, nous nous intéressons

maintenant à comprendre dans les sections suivantes comment les organisations se

conforment à leur environnement institutionnel (isomorphisme) ou réagissent face aux

pressions institutionnelles en s’engageant dans un processus de changement institutionnel.

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1.4.3 De l’isomorphisme institutionnel au changement institutionnel

Scott (2008) note trois différentes perspectives de la relation entre les organisations et les

institutions : premièrement celle de North (1990) qui utilise une analogie au jeu pour avancer

que les institutions fournissent les règles du jeu, tandis que les organisations sont les joueurs ;

deuxièmement, celle de Williamson (Williamson, 1975, 1985) qui considère que les

organisations et leurs structures et procédures sont des institutions régulatrices qui exercent

une gouvernance sur les systèmes de production et influencent les coûts de transaction ; et

troisièmement, les sociologues qui, utilisant les aspects culturels-cognitifs des institutions,

font la distinction entre les organisations et leurs environnements institutionnels en mettant

l’accent sur les liens entre les processus opérant au niveau de la société et la structure et

l’opération d’organisations individuelles. Nous utilisons la perspective des sociologues dans

notre recherche pour analyser la relation entre les acteurs/organisations et leur environnement

institutionnel. De ce fait nous voyons comment les acteurs/organisations sont en quête de

légitimité en devenant isomorphes avec leur environnement institutionnel à travers des

pressions de nature régulatrice, normative, ou culturelle-cognitive ; mais aussi comment des

chocs exogènes ou endogènes au champ organisationnel peuvent causer un changement

institutionnel et ainsi affecter la relation entre les acteurs et leur environnement.

1.4.3.1 Isomorphisme institutionnel

Pour les sociologues néo-institutionnalistes, la légitimité des organisations se situe au niveau

des aspects structurels et procéduraux des organisations. Ainsi Meyer et Rowan (1977)

avancent que « Indépendamment de leur efficience au niveau de la production, les

organisations qui opèrent dans des environnements institutionnels très élaborés et qui arrivent

à devenir isomorphes avec ces environnements, deviennent légitimes et ont accès aux

ressources dont ils ont besoin pour survivre». De ce fait, il y a isomorphisme institutionnel

lorsque des organisations, qui se trouvent dans le même champ organisationnel, se

conforment aux règles institutionnelles et présentent ainsi des caractéristiques similaires ou

des similitudes structurelles (Dacin, 1997). L’isomorphisme institutionnel favorise le succès

et la survie des organisations. Il permet aux organisations d’éviter un questionnement de leurs

conduites. Les organisations isomorphiques deviennent légitimes, et utilisent cette légitimité

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pour renforcer leurs assises et assurer leur survie (Meyer et Rowan, 1977). En résumé, les

organisations sont sous l’influence des normes culturelles et sociétales qui sont déterminantes

comme facteurs de sélection. Ces normes institutionnelles motivent les organisations à

adopter des pratiques socialement acceptables, influencent les goûts et les préférences, et

délimitent les frontières des activités économiques.

L’isomorphisme des organisations est un aspect très largement étudié dans la théorie des

organisations (voir DiMaggio et Powell, 1983; Oliver, 1988 ; D'Aunno et al., 1991 ;

Haveman, 1993 ; Slack et Hinings, 1994 ; Dacin, 1997 ; Deephouse, 1999 , Davis et al.,

2000). Cependant il y a divergence d’opinion par rapport aux facteurs qui poussent les

organisations à se ressembler. DiMaggio et Powell (1983) et Powell (1991) mettent l’accent

sur l'isomorphisme institutionnel qui analyse la possibilité de convergence de comportement

entre les structures associatives, privées et publiques. Ils observent trois facteurs de

convergence d'isomorphisme: (1) l'isomorphisme normatif : la professionnalisation de la main

d'œuvre, via la standardisation des réseaux éducatifs et des critères de recrutement ; (2)

l'isomorphisme mimétique : dans un contexte d'incertitude et de rationalité limitée, les

organisations ont tendance à s'imiter les unes les autres (Haveman, 1993) ; et (3)

l'isomorphisme coercitif : la pression exercée par l'État, notamment via les financements

publics, peut à terme imposer certains comportements, favorisant ainsi la prise en compte de

normes communes. D’un autre côté, Oliver (1988) a étudié les effets de trois déterminants de

l’isomorphisme des organisations, l’écologie des populations, l’institutionnalisation, et le

choix stratégique, et a conclu à l’importance du choix stratégique comme facteur déterminant

dans la diversité aux niveaux des organisations sur une période de temps donnée. Deephouse

(1999) propose une théorie d’équilibre stratégique qui permet aux organisations d’être à la

fois compétitives en se démarquant des autres, et d’être aussi similaires aux autres

organisations pour être légitimes dans leur environnement institutionnel. En somme, Scott

(2008) avance que les organisations individuels qui ont des activités et des formes

organisationnelles culturellement acceptable, qui reçoivent un soutien des autorités normatifs,

et qui ont l’approbation des autorités légales ont plus de chance de survie que d’autres

organisations qui n’ont pas les mêmes attributs.

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Cependant, plus récemment, le débat sur la structuration des organisations (qui limite les

choix et les possibilités des acteurs), et la capacité d’agence des acteurs-organisations (qui

favorise les actions et choix indépendants) (DiMaggio, 1988), remet en question la stabilité ou

l’isomorphisme des organisations dans un champ organisationnel, et pousse à analyser les

facteurs qui peuvent inciter les organisations à remettre en cause, rejeter ou abandonner des

pratiques institutionnalisées (Oliver, 1992).

La remise en question de l’isomorphisme des organisations a donné lieu à de nombreux

travaux sur le changement institutionnel et les facteurs qui peuvent causer une

désinstitutionalisation.

1.4.3.2 Changement institutionnel

Pour comprendre le processus de changement institutionnel (ou déstructuration), nous nous

référons au concept de structuration de Giddens (1984) qui avance que les structures sociales

existent et se maintiennent par un processus récursif des activités qui les produisent et les

reproduisent. DiMaggio et Powell (1983) utilisent le concept de structuration de Giddens

d’une façon plus étroite en la reliant au degré et à la nature des interactions entre les

organisations au niveau du champ organisationnel. Le niveau de structuration des

organisations dans un champ organisationnel est mesuré par des indicateurs tels que le degré

d’interaction entre les organisations, l’émergence de structures inter organisationnelles de

domination et d’alliance, l’accord sur les logiques institutionnelles qui guident les activités du

champ, le degré d’isomorphisme des formes structurelles par rapport aux organisations qui

utilisent un répertoire limité d’archétypes et d’activités collectives ; et aussi une délimitation

très claire des frontières du champ. En effet, la structuration est un processus qui selon

Greenwood et al. (2002) « décrit le processus de maturité graduelle et de spécification des

rôles, des comportements, et des interactions des communautés d’organisations ». Cependant

les frontières des champs et les comportements ne sont pas fixes indéfiniment mais sont sujets

à des conflits (Holm, 1995, Scott et al., 2000) capables de causer une déstructuration.

Pour comprendre ce qui peut causer une désinstitutionalisation des pratiques d’un champ

organisationnel, il nous semble important d’abord de cerner le processus

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d’institutionnalisation dont le produit final est l’institution. Selon Scott (2008), il y a trois

différentes conceptions des mécanismes qui soulignent le processus d’institutionnalisation des

systèmes sociaux. En premier lieu, les économistes institutionnels tels que North (1990) se

concentrent sur le rôle des incitations comme une force de motivation pour encourager

l’institutionnalisation basée sur le principe des rendements croissants. En deuxième lieu, les

travaux de certains chercheurs tels que Selznick (1948), ancrés sur le pilier normatif des

institutions, et qui prônent l’institutionnalisation basée sur le nombre croissant d’engagements

de la part des acteurs par rapport aux normes et aux valeurs. En troisième lieu, les travaux des

chercheurs, tels que Berger et Luckmann (1967), ancrés sur le pilier culturel-cognitif qui

prônent l’institutionnalisation basée sur l’objectification croissante des valeurs partagées par

les acteurs.

Nous trouvons l’analyse du processus d’institutionnalisation par Berger et Luckmann (1967)

particulièrement intéressante pour comprendre la construction collective des systèmes de

connaissances. Ces deux auteurs, en se basant sur la tradition philosophique de la

phénoménologie, décompose le processus d’institutionnalisation en trois phases :

l’externalisation, l’objectivation et l’internalisation. La première phase, l’externalisation,

concerne la production, dans une interaction sociale, de symboles dont la signification est

partagée par tous les participants ; la deuxième phase, est l’objectivation, pendant laquelle les

symboles produits deviennent une réalité perçue par tous les participants ; et la troisième

phase, l’internalisation, les symboles objectivés sont rendus à la conscience collective pendant

le processus de socialisation.

Les institutions sont stables mais sont aussi exposées à des changements exogènes ou

endogènes. Les changements exogènes peuvent être dus à des déstabilisations dans des

systèmes connexes ou plus larges qui encouragent le questionnement des règles et normes

existantes, causant un changement institutionnel. Bush (1987) définit le changement

institutionnel comme une altération des systèmes de valeur du champ organisationnel. Il fait

la distinction entre les valeurs de type cérémonial (normes qui motivent le choix des

privilèges, le statut des organisations, et les relations de pouvoir entre les acteurs) et celles de

type instrumentale (normes qui motivent le choix des outils et compétences pour aider dans le

processus décisionnaire des organisations).

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Il y a divergence d’opinion sur le processus du changement institutionnel. Tandis que certains

néo-institutionnalistes organisationnels suggèrent que le changement institutionnel suit un

équilibre ponctué, d’autres avancent que le changement institutionnel suit un modèle

d’évolution dans le sens écologique. C'est-à-dire, les pratiques diffusées dans le CO sont

guidées par une concurrence sélective qui favorise les organisations qui arrivent à s’intégrer

au mieux dans leur niche écologique (leur champ organisationnel). Les concepts de

dépendance au sentier et de diffusion sont centraux pour les institutionnalistes

organisationnels, mais ces concepts sont critiqués (Hirsch et Lounsbury, 1997) car ils insistent

trop sur l’importance de la structuration dans le CO, et donnent peu d’importance aux rôles

des acteurs-organisations dans le processus du changement institutionnel (Campbell, 2004).

Nous décrivons ci-dessous les différentes étapes du processus de changement institutionnel en

nous basant sur le modèle avancé par Greenwood et al. (2002) (figure 1.1) qui décrit le

processus de déstructuration d’arrangements institutionnels établis causant un changement

non-isomorphique. Le modèle théorique 1 nous servira de base, et sera enrichi au fur et à

mesure de la revue de littérature pour construire notre modèle conceptuel final (voir section

1.6).

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Figure2 1.1: Modèle Théorique 1: Le changement institutionnel

Source : l’auteur d’après (Greenwood et al., 2002)

· Crises sociales, ruptures

technologiques, changement de

régulation (Greenwood et al,

2002)

· Pressions politiques et

fonctionelles, Inertie ou entropie

organisationelle (Oliver, 1992)

Désinstitutionalisation

ETAPE 1

Pertubation du champ organisationnel

par:

(a) l’arrivée des nouveaux acteurs

(b) la montée en puissance d’acteurs

existants ou d’entrepreneurs

institutionnels

Secousses

Préinstitutionalisation

· Innovations

· Nouvelles pratiques adoptées de

façon indépendante au sein des

organisations

Théorisation

· Mise en evidence d’une faiblesse

au sein du CO

· Proposition d’une solution plus

appropriée que la pratique

existante

· Légitimation de la nouvelle

pratique

ETAPE 2

ETAPE 3

Diffusion

Réinstitutionalisation

Diffusion de la nouvelle pratique à

l’ensemble des acteurs du champ

organisationnel

La pratique devient un mode de

conduite légitime parmi les acteurs

ETAPE 4

ETAPE 5

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Etape 1 : La désinstitutionalisation

La première étape se réfère à une secousse qui cause une désinstitutionalisation des

arrangements institutionnels existants. Plusieurs études ont considéré les facteurs qui peuvent

déclencher un changement institutionnel, tels que les pressions de nature sociale, politique,

fonctionnelle, technologique, ou régulatrice (Oliver, 1992 ; Greenwood et al., 2002), la

libéralisation des économies et la globalisation (Stern et Reardon, 2002 ; Zhao et al., 2006;

Aulakh et Kotabe, 2008), et plus récemment le rôle des entrepreneurs institutionnels

(DiMaggio, 1988 ; Beckert, 1999; Delacour, 2007, Battilana et al., 2009) entre autres.

Nous trouvons dans cette étape du changement institutionnel, le concept de

désinstitutionalisation défini par Oliver (1992) comme « le processus à travers lequel la

légitimité d’une pratique organisationnelle établie ou institutionnalisée se trouve érodée ».

D’après Oliver, les antécédents de la désinstitutionalisation sont des pressions fonctionnelles,

politiques et sociales en sus des pressions organisationnelles d’inertie et d’entropie. Ces

pressions mènent à la dissolution ou le rejet des institutions et s’achèvent par la

désinstitutionalisation. Les pressions fonctionnelles concernent des problèmes dans le niveau

de performance ou la valeur utilitaire des pratiques institutionnalisées. Ces pressions peuvent

être reliées à des changements dans l’environnement institutionnel tels qu’une compétition

pour des ressources (Thornton, 2002; Lounsbury, 2002; Lee et Pennings, 2002; Kraatz et

Moore, 2002). Les pressions de nature politique concernent la remise en question de la

légitimité des arrangements institutionnels existants, résultant de changements dans les

intérêts et la distribution du pouvoir qui soutiennent ces pratiques. Ces pressions politiques

peuvent être en réaction à des crises de performance, des changements dans l’environnement

institutionnel, ou à d’autres facteurs qui provoquent une remise en question de la légitimité

des pratiques institutionnelles (Holm, 1995 ; Greenwood et al., 2002; Townley, 2002) . Les

pressions sociales, comme des croyances hétérogènes ou discordantes suite à une fusion entre

organisations venant de différents champs organisationnels, par exemple, ou des changements

dans les lois ou dans les attentes sociales, peuvent aussi causer un changement institutionnel

(Zilber, 2002).

D’autres changements exogènes peuvent être dus aux nouveaux entrants qui arrivent avec

leurs logiques institutionnelles et colonisent les champs organisationnels stables existants

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(Scott et al., 2000; Thornton, 2004, Ramasawmy et Fort, 2010). Delacour et Leca (2011)

évoquent, par exemple, des pressions institutionnelles normatives et mimétiques (DiMaggio et

Powell, 1983) provenant de l’action collective des acteurs du CO, et qui contribuent à

désinstitutionnaliser le salon des Beaux-arts à Paris. Les sources de changements endogènes

incluent les disparités entre l’environnement macro et micro en réaction à des changements au

niveau local ; ou de mauvaises performances par rapport aux prévisions (Sewell, 1992 ; Dacin

et al., 2002).

Il est intéressant de noter que les comportements organisationnels institutionnalisés qui sont

généralement adoptés pour des raisons sociales bien plus que pour leur efficience économique

ou technique, ne sont pas à l’abri d’un rejet par les acteurs concernés si cela va à l’encontre de

leurs intérêts économiques ou d’un point de vue technique.

Etape 2 : La préinstitutionalisation

Durant cette étape, les organisations innovent indépendamment les unes des autres en

cherchant des solutions techniques aux problèmes perçus dans leurs activités.

Etape 3 : La théorisation

L’étape de la théorisation implique le développement et la spécification de catégories

abstraites, et l’élaboration d’explications causes-effets (Greenwood et al., 2002), permettant

ainsi de simplifier les nouvelles pratiques proposées, et d’expliquer les résultats escomptés.

D’après Tolbert et Zucker (1996), l’étape de la théorisation implique deux activités majeures:

premièrement, la spécification d’une importante lacune au niveau des organisations pour

laquelle la nouvelle pratique proposée est une solution; et deuxièmement, une justification de

l’innovation, et l’alignement de cette innovation avec les normes prévalentes, ce qui lui donne

une légitimité morale.

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Etape 4 : La diffusion

La diffusion de la nouvelle pratique auprès des organisations se fait à travers de nombreux

mécanismes, le but étant d’objectiver la pratique pour qu’il y ait un consensus parmi les

participants.

Etape 5 : La réinstitutionalisation

La nouvelle pratique est entièrement institutionnalisée quand la densité d’adoption fournit une

légitimité cognitive à cette pratique, et que les idées deviennent prises pour acquis comme

l’arrangement institutionnel le plus approprié (Greenwood et al., 2002).

Les études sur le changement institutionnel dans les années 1980 sont particulièrement

centrées sur les changements isomorphiques convergents, et les chercheurs ont beaucoup plus

étudié les effets de contextes institutionnels particuliers sur des entreprises (Tolbert et Zucker,

1983; Meyer et al., 1988). Le premier récit de changement institutionnel conflictuel se trouve

dans les travaux de DiMaggio (1991) où il relie les concepts institutionnels au concept de

structuration de Giddens (1984). L’idée principale est que les structures donnent un contexte

pour l’action mais sont à leur tour reproduites ou changées par les choix des «acteurs bien

informés, résolus, et réfléchis » (Scott, 2008). Dès le milieu des années 1970, Anthony

Giddens (1981) insiste sur la « dualité » des structures qui sont « à la fois le médium et le

vecteur des pratiques qui constituent les systèmes sociaux ». Cela donne lieu à la théorie de la

structuration de Giddens qui implique que la notion de ‘structure’ est celle d’un processus et

se réfère donc à quelque chose de dynamique (Sewell, 1992).

Les structures contraignent et permettent à la fois l’action humaine (Giddens, 1976). Pour

rendre compte de cette action humaine, les différents auteurs s’y réfèrent comme l’action

agentique que Sewell (1992) définit comme « la capacité de l’acteur à réinterpréter et à

mobiliser un éventail de ressources en termes de schémas culturels autres que les schémas qui

constituaient les ressources au départ». Ce dernier observe que tous les êtres humains sont

capables d’action agentique, c’est à dire d’avoir des désirs, de les transformer en intentions, et

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d’agir de façon créative. Nous nous intéressons dans la section suivante au rôle des acteurs

dans le changement institutionnel.

1.4.3.3 Le rôle des acteurs-organisations dans le changement

institutionnel

Une des grandes critiques de la théorie néo-institutionnelle se rapporte à l’accent mis sur

l’aspect homogène des organisations dans un CO et la persistance de normes

institutionnalisées, et surtout l’abstraction faite du rôle des acteurs-organisations dans la

poursuite de leurs intérêts (DiMaggio, 1988).

Dans les premiers travaux sur l’environnement institutionnel, les effets institutionnels sont

déterministes ou ont une perspective ‘top-down’. Cela suppose que les organisations qui

réussissent, se conforment à leurs environnements institutionnels et adoptent des

comportements isomorphiques. Cependant, cette généralité sur l’homogénéité et la passivité

des organisations est subséquemment modifiée pour reconnaître que des pressions

homogénéisatrices sont certainement présentes mais dans des champs organisationnels

délimités (DiMaggio et Powell, 1983). Plusieurs études empiriques du milieu des années 1980

illustrent le fait que « les champs organisationnels sont fragmentés et conflictuels, et

contiennent des besoins et des prescriptions concurrentiels » Scott (2008). A partir des

exemples empiriques, les chercheurs commencent à reconnaître l’importance du choix et de

l’action parmi les acteurs d’un champ organisationnel. Dans son papier fondateur de 1988 sur

l’importance des intérêts et de l’action dans la théorie institutionnel, DiMaggio fait un

plaidoyer pour un réexamen du processus d’institutionnalisation en argumentant que

« l’institutionnalisation est le produit des efforts politiques des acteurs». DiMaggio (1991)

illustre ses arguments en étudiant le champ des musées d’art aux Etats Unis, et conclut que les

professionnels stimulent le changement au niveau du CO pour construire un nouveau champ

avec une nouvelle structure et une nouvelle mission pour les musées.

Oliver (1991) renforce le concept d’action agentique dans les contextes institutionnels en

combinant les arguments de la théorie institutionnelle et de la théorie de la dépendance aux

ressources. Cela lui permet de proposer différentes réactions stratégiques des organisations

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individuelles face aux pressions institutionnelles. D’après Oliver, bien que la réaction la plus

probable soit la conformité, d’autres réactions incluent le compromis, l’évitement, la défiance,

et la manipulation. Oliver a aussi identifié dans la littérature les avantages que confère le

conformisme aux acteurs d’un point de vue institutionnel. Ces avantages incluent entres

autres « plus de prestige, et de stabilité, ou légitimité, ou soutien social, ou soutien interne et

externe, ou accès aux ressources, ou attractivité pour de nouvelles ressources humaines, ou

conformité aux besoins administratifs, ou légitimité auprès de la profession, et /ou

invulnérabilité face aux questions». D’un autre côté, la perspective de dépendance aux

ressources met en avant les avantages de la non-conformité comme la capacité à prendre des

décisions autonomes, la capacité à faire face et à s’adapter aux situations contingentes, la

capacité à altérer ou contrôler son environnement par rapport aux objectifs de son entreprise.

Scott (2008) ajoute un élément collectif aux stratégies individuelles proposées par Oliver en

avançant que les réactions concertées de plusieurs organisations ont aussi le potentiel de

redéfinir les règles et les logiques institutionnelles opérant dans le champ organisationnel.

D’autres travaux prennent en considération les acteurs qui donnent une signification et

insufflent la vie aux institutions (Colomy, 1998; Beckert, 1999 ; Kostova et Roth, 2002;

Lawrence et al., 2002; Townley, 2002 ; Zilber, 2002 ; Dorado, 2005). Le concept de la

capacité d’action agentique est défini par Emirbayer et Mische (1998) comme un engagement

des acteurs construit dans le temps en utilisant leur créativité, leur expérience, et leur

jugement pour résoudre des problèmes de leur champ organisationnel. Le changement

institutionnel de source endogène, est en réaction à la capacité d’action agentique, requiert

une mobilisation de ressources, et dépend des opportunités disponibles dans le CO.

Dorado (2005) propose aussi trois profils de changement institutionnel : l’entrepreneuriat

institutionnel, l’approche convergente (partaking), et l’approche collaborative (convening)5 .

Ces trois profils opèrent dans un CO conditionné par des opportunités opaques, transparentes

ou floues.

5 Traduction de l’auteur

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L’entrepreneuriat institutionnel (voir section 1.5.1) se réfère à des acteurs organisés qui

utilisent le lobbying pour mobiliser leurs ressources et le soutien des autres acteurs pour

satisfaire leurs intérêts. Ces types d’acteurs cherchent un soutien auprès d’acteurs subsidiaires

(les protecteurs) dans le but de s’unir pour acquérir le soutien et l’acceptation des autres

acteurs qui sont parties prenantes du champ organisationnel. D’après Dorado (2005), les

entrepreneurs institutionnels sont plus aptes à introduire des changements innovants dans des

champs organisationnels qui sont transparents en termes d’opportunités (Garud et al., 2002).

Cependant, la position sociale des entrepreneurs peut aussi leur permettre d’identifier des

opportunités même dans des champs organisationnels qui sont opaques ou flous.

L’approche convergente est une approche collective qui se réfère aux actions et interactions

parmi les acteurs indépendants du champ organisationnel sans un but préalablement défini,

mais qui finissent par s’accumuler au fil du temps pour déboucher sur une pratique dominante

qui cause éventuellement dans le temps un changement institutionnel. L’approche

convergente ne requiert pas l’identification d’opportunités, et selon Dorado (2005), peut se

produire donc dans n’importe quel champ organisationnel peu importe la perception des

opportunités présentes. Leblebici et al. (1991) ont analysé les cycles de changement

institutionnel dans l’industrie de la radio commerciale aux Etats Unis, et ont identifié

comment la convergence des actions indépendantes des acteurs dans le champ de la radio a

causé un changement institutionnel dans un champ où les opportunités sont transparentes.

L’approche collaborative se réfère à une collaboration entre les acteurs qui après avoir

identifié un problème social complexe dans le CO, mettent leurs ressources en commun pour

affronter le problème qui est d’un intérêt collectif. Lawrence et al. (2002) ont, par exemple,

étudié le changement institutionnel apporté par une organisation non gouvernementale (ONG)

internationale pour combattre la malnutrition infantile en créant une proto-institution qui

accélère le processus de changement institutionnel.

Le tableau 1.2 présente les trois profils de changement institutionnel proposés par Dorado

(2005)

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AGRICOLES

47

Tableau3 1.2: Profils de changements institutionnels

Profil Mobilisation des

ressources

Type d’action Perception des acteurs des

opportunités dans le champ

organisationnel

Entrepreneuriat

institutionnel

Lobbying Stratégique Opaque, transparente, floue

Convergent Accumulation

Routine Opaque, transparente, floue

Cohérent Transparente, floue

Stratégique Transparente

Collaboratif Mises en commun Stratégique Floue

Source : (Dorado, 2005)

En utilisant le modèle théorique 1 sur le processus du changement institutionnel (Figure 1.1)

d’après Greenwood et al. (2002) et les différents profils et les déterminants du changement

institutionnels de Dorado (2005), nous construisons le modèle théorique 2 (Figure 1.2).

Ce deuxième modèle théorique nous permet d’appréhender le changement institutionnel en

analysant les déterminants (que nous développerons dans la section 3) qui affectent le type

d’action agentique qui se met en place dans un champ organisationnel.

Cette section nous a permis d’avoir un aperçu de la contribution des auteurs fondateurs de la

SNI dans la promotion des concepts tels que l’institution, le champ organisationnel,

l’isomorphisme, les logiques institutionnelles, et le changement institutionnel. Cependant, ce

qui nous intéresse le plus c’est l’importance qu’on prit les acteurs/organisations dans la

sociologie néo-institutionnelle et plus spécifiquement le concept d’entrepreneur institutionnel

que nous examinerons en plus de détails dans la section suivante.

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48

Figure3 1.2 : Modèle théorique 2: Déterminants du processus de changement institutionnel

Source: L’auteur d’après (Greenwood et al., 2002) et (Dorado, 2005)

Secousses

exogènes ou

endogènes au

champ

Organisationnel

Caractéristiques du champ

organisationnel

Degré d’hétérogénéité

Degré d’institutionalisation

Perception des acteurs

des opportunités dans le

champ organisationnel

(transparentes, opaques,

floues)

Type d’action

agentique

(stratégique,

cohérent,

routine)

Mobilisation des

ressources:

Convergent;

Collaboratif;

Entrepreneuriat

Position

sociale des

acteurs

Orientation

temporelle des

acteurs (présent,

passé, futur)

Désinstitutio-

nalisation

Préinstitutio-

nalisationThéorisationDiffusionRéinstitutionalisation

Processus du changement institutionnel

Déterminants du changement institutionnel

Profils du changement institutionnel

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49

SECTION 3 : La sociologie néo-institutionnelle et le concept

d’entrepreneur institutionnel

Dans cette section, nous nous intéresserons en particulier au profil de l’entrepreneuriat

institutionnel car ce concept a donné lieu à de nombreux travaux empiriques. Nous verrons

les conditions qui favorisent l’émergence d’entrepreneurs institutionnels dans un champ

organisationnel et le processus de l’entrepreneuriat institutionnel. Nous aborderons ensuite

les différents types de stratégies institutionnelles utilisées par les acteurs pour agir sur les

institutions et nous terminerons sur les critiques sur l’entrepreneur institutionnel par rapport à

l’emphase des chercheurs aux dépens des autres acteurs du champ organisationnel.

1.5 La sociologie néo-institutionnelle étendue dans les études

organisationnelles

La théorie néo-institutionnelle, dans l’étude des organisations, a longtemps mis à l’écart le

comportement ‘intéressé’ des acteurs-organisations car les règles sont considérées pour

acquises par les acteurs. Les travaux sur l’entrepreneuriat institutionnel visent à construire

une théorie de l’action, car le manque d’emphase sur l’action volontaire des acteurs est une

des plus grandes faiblesses de la théorie néo-institutionnelle «courante» (DiMaggio et Powell,

1991 ; Hirsch et Lounsbury, 1997 ; Desreumaux, 2004). Les récentes études sur

l’entrepreneuriat institutionnel ont pour objectif la réintroduction de l’action agentique dans

l’analyse institutionnaliste, et donnent lieu, selon Hoffman et Ventresca (2002) au « néo-

institutionnalisme étendu ». Cette section passe en revue la richesse des travaux sur

l’entrepreneur institutionnel, ainsi que ses apports et ses limites.

1.5.1 L’entrepreneur institutionnel

De la perspective de la sociologie néo institutionnelle, l’entrepreneur institutionnel (EI, ci-

après), qui peut aussi bien être un individu, ou un groupe d’individus (Fligstein, 1997 ;

Maguire et al., 2004, Delacour, 2007, Bourcieu et al., 2010) ou une organisation ou un

groupe d’organisations (Garud et al., 2002 ; Maguire et al., 2004 ; Greenwood et Suddaby,

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CHAPITRE 1: LES APPORTS DE LA SOCIOLOGIE NEO INSTITUTIONNELLE A L’ANALYSE DE FILIERES

AGRICOLES

50

2006), se saisit des opportunités qui lui permettent de s’adapter de façon stratégique à son

environnement (Suchman, 1995) et ainsi favoriser le processus d’institutionnalisation de

pratiques alternatives (Lawrence et Suddaby, 2006). Le terme ‘entrepreneur institutionnel’

apparaît pour la première fois dans le papier fondateur de DiMaggio (1988), terme qu’il

emprunte à Eisendtadt (1980), où il définit les entrepreneurs institutionnels comme « des

acteurs organisés qui ont suffisamment de ressources et qui trouvent dans ces ressources une

opportunité pour réaliser des intérêts qui ont une forte valeur pour eux». Les entrepreneurs

institutionnels sont des acteurs ayant des intérêts spécifiques dans certaines structures

institutionnelles, et qui sont aux commandes de ressources qui peuvent être utilisées pour

influencer les règles institutionnalisées existantes ou pour créer de nouvelles institutions

malgré des pressions pour maintenir les normes institutionnelles existantes (DiMaggio, 1988;

Garud et al., 2007). Ces acteurs créent des normes cognitives, des modèles d’activités

économiques, des types de comportement qui correspondent à leurs intérêts, et qui visent à

les établir comme standards et légitimes vis à vis d’autres acteurs (Zimmerman et Ziet, 2002).

1.5.1.1 Le profil de l’entrepreneur institutionnel

Battilana et al. (2009) postulent que les entrepreneurs institutionnels sont des agents qui

favorisent le changement, mais qu’ils doivent remplir deux conditions pour être classés

comme entrepreneur institutionnel: (1) être à l’initiative de changements qui divergent des

normes institutionnalisées, et (2) participer activement à l’implémentation de ces

changements. Les acteurs qui initient des changements divergents, qui se démarquent du

modèle institutionnalisé, peuvent donc être considérés comme des entrepreneurs

institutionnels (Greenwood et Hinings, 1996; D'Aunno et al., 2000; Battilana, 2007). Ce

modèle institutionnalisé est souvent appelé la logique institutionnelle (Thornton, 2002 ;

2004 ; Suddaby et Greenwood, 2005) et se réfère à un champ organisationnel qui reflète la

vision partagée des objectifs des acteurs concernés. De plus, la participation active des

acteurs, qui consiste à mobiliser les ressources nécessaires aux changements divergents, est

une condition importante pour qu’ils soient considérés comme des entrepreneurs

institutionnels. Les acteurs qui ont pu introduire une nouvelle pratique divergente dans une

organisation ou dans le CO mais n’ont pas pu convaincre les autres acteurs de l’adopter sont

toujours considérés comme des entrepreneurs institutionnels.

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51

Brechet et al. (2009) nous offrent une construction théorique de « la figure de

l’entrepreneur » et décrivent quatre profils de l’entrepreneur : l’entrepreneur visionnaire,

l’entrepreneur expert, l’entrepreneur relationnel et l’entrepreneur institutionnel. Pour ces

auteurs, l’action entrepreneuriale est à la fois « fondamentalement individuelle et

fondamentalement collective ». L’entrepreneur, porteur d’un projet, ne peut développer

celui-ci sans interagir avec d’autres acteurs et il agit donc dans un collectif. Le projet

entrepreneurial s’appuie aussi sur « une personne ou des groupes de personnes qui joueront

un rôle moteur, catalyseur ou fédérateur». Ces auteurs rejoignent Sewell (1992) qui parle de

la capacité d’action agentique comme à la fois individuelle et collective dans le sens que « la

transposition des schémas et la remobilisation des ressources durant l’action agentique, sont

toujours des formes de communication avec les autres ». Pour Brechet et al. (2009),

l’entrepreneur institutionnel n’est pas un entrepreneur ordinaire mais « un acteur conscient,

visionnaire, expert de ses dossiers et animé d’un vrai projet de modifier les règles qui

prévalent dans un champ organisationnel et qui le structurent dans la longue durée ».

Notre entrepreneur institutionnel est souvent comparé à l’entrepreneur Schumpetérien qui est

un innovateur et un agent du changement. L’innovation est étroitement associée à

l’entrepreneuriat depuis les travaux de Schumpeter (1935) qui mentionnent le processus de la

« destruction créative ». Les mots clés associés à l’entrepreneur institutionnel sont la

motivation, l’intentionnalité, la poursuite des opportunités, et la quête de légitimité.

L’entrepreneur institutionnel est motivé à provoquer des changements divergents dans les

pratiques institutionnalisées. La définition de DiMaggio (1988) de l’entrepreneur

institutionnel parle de la notion d’intérêt. Cependant, au-delà de la notion d’intérêt personnel

comme mentionnée par Lawrence et al. (2005), les travaux sur l’EI qui ont suivi ont montré

que les EIs n’ont pas nécessairement un comportement intéressé (Fligstein, 2001), mais qu’ils

peuvent aussi être motivés par une idéologie (Rao, 1998); des problèmes à résoudre

(Leblebici et al., 1991), des objectifs sociétaux ou environnementaux (Buhr, 2012; Arroyo,

2012) entres autres. Cependant certaines études démontrent aussi que certains EI ont des

intérêts d’ordre matériel (Greenwood et al., 2002).

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52

L’entrepreneur institutionnel agit de façon intentionnelle ou non-intentionnelle. Certains EIs

utilisent des stratégies institutionnelles délibérées pour agir sur les institutions tandis que des

EIs émergents peuvent, de par leurs actions combinées à d’autres intentions, changer les

structures institutionnelles. Les nombreuses exemples empiriques sur les EIs suggèrent

toutefois que les intentions des EIs sont dans la plupart des cas délibérées (Leca et al., 2006).

L’entrepreneur institutionnel est aussi en quête d’opportunités dans le CO. D’après

Schumpeter (1935), les entrepreneurs identifient des opportunités que d’autres acteurs ne

voient pas et inventent des nouvelles technologies et des concepts qui donnent lieu à de

nouvelles activités économiques. Selon Drucker (1985) les entreprises innovantes doivent

contrôler sept sources de changement car ces sources donnent lieu à des opportunités: (1)

l’inattendu- le succès ou l’échec inattendu, (2) l’incongruité- comment est le monde et

comment il devrait être, (3) un besoin de processus- trouver une meilleure façon de faire

quelque chose, (4) l’imprévu- des changements imprévus dans l’industrie ou le marché, (5) la

démographie- changement dans la population, (6) changement de perception, d’humeur, de

sens, et (7) nouvelles connaissances. Eckhardt et Shane (2003), en se basant sur les travaux

de Venkataraman (1997), définissent l’opportunité entrepreneuriale comme « les situations

où les nouveaux produits, services, matières premières, marchés et méthodes d’organisations

peuvent être introduits à travers la formation de relations de cause à effet ». Plus récemment,

Chabaud et Messeghem (2010) mettent l’accent sur le paradigme d’opportunité comme un

paradigme intégrateur des différentes approches théoriques à travers le champ de

l’entrepreneuriat.

En dernier lieu, la quête de légitimité est un autre aspect du processus entrepreneurial, et

permet à l’entrepreneur d’utiliser ses capacités managériales pour exploiter les opportunités

identifiées dans le champ organisationnel. Lawrence (1999) avance que les acteurs doivent

se poser les questions suivantes pour maintenir leur légitimité dans un champ organisationnel

: « Où pouvons-nous aller ? », et « Que pouvons-nous faire ? ». La première question se

rapporte à ce que Lawrence appelle les règles d’adhésion et les barrières institutionnelles qui

délimitent l’entrée dans un champ organisationnel. Les règles d’adhésion aident à organiser

les « interactions, les structures de pouvoir, et l’information partagée parmi les acteurs

engagés dans une activité commune » Lawrence (1999). La seconde question se réfère aux

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AGRICOLES

53

standards de pratiques dans un champ organisationnel. Ces standards, d’après Lawrence

(1999) « fournissent des guides, des normes, et des prescriptions légales se rapportant à

comment ces pratiques peuvent être effectuées dans un contexte institutionnel donné».

Ce concept d’entrepreneurs institutionnels foisonne dans la littérature et trouve de nombreux

exemples empiriques qui démontrent le rôle significatif des professionnels qui sont là pour

apporter des changements dans les champs organisationnels pour promouvoir leurs propres

intérêts. Le type de changement institutionnel apporté par les EIs varie dans les différents

travaux sur le sujet, dépendant du niveau d’analyse qu’il soit au niveau du CO, au niveau de

l’organisation, ou au niveau de l’individu. Ainsi, Fligstein (1997) décrit les compétences de

Jacques Delors en tant qu’acteur stratégique pour faire avancer le traité de Maastricht; Rao et

al. (2000) parlent des mouvements sociaux qui créent de nouvelles formes organisationnelles;

Greenwood et al. (2002) analysent l’apport des associations professionnelles de comptables

au Canada dans la théorisation du changement institutionnel; Maguire et al. (2004) observent

le rôle des entrepreneurs institutionnels dans un champ émergent au Canada, le traitement du

VIH/SIDA; Trouinard (2004) analyse l’arrivée de nouveaux entrants dans le champ de la

presse quotidienne de Paris; Rao et al. (2005) analysent les implications des chefs cuisiniers

de la gastronomie française (cuisine classique) qui empruntent des éléments d’un autre champ

organisationnel (la nouvelle cuisine) et provoquent un changement institutionnel; Mutch

(2007) analyse la contribution de Sir Andrew Barclay Walker dans le transfert des pratiques

prises pour acquis pour promouvoir les brasseries Peter Walker & Son en Ecosse; Svejenova

et al. (2007) illustrent le cas exceptionnel de Ferran Adrià, chef cuisinier et entrepreneur

institutionnel à Barcelone, un acteur majeur de la nouvelle cuisine Espagnole; Ben Slimane

(2007) analyse le rôle des stratégies discursives de l’entrepreneur institutionnel pour

promouvoir une nouvelle technologie, la MPEG4, dans la diffusion des émissions de

télévision; Delacour (2007) analyse les stratégies de légitimation de deux types

d’entrepreneurs institutionnels (individuel et organisation) par rapport à l’institutionnalisation

du tableau interactif dans le champ de l’éducation nationale française; Bourcieu et al. (2010)

parlent des entrepreneurs institutionnels de la filière vitivinicole française qui valorisent leurs

produits pour accéder aux marchés nationaux et internationaux; Ramasawmy et Fort (2011)

parlent de l’émergence d’entrepreneurs institutionnels dans la filière légumes à l’île Maurice

face à l’arrivée de nouveaux entrants. Buhr (2012) parle du rôle d’un collectif d’entrepreneurs

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54

institutionnels qui ont réussi à inclure le secteur de l’aviation dans le programme de l’Union

Européenne de contrôle d’émissions de carbone. Major et Cruz (2013) s’intéressent à

comment un acteur central et dominant dans un champ organisationnel, le ministère de la

santé Portugaise, a pu agir comme un entrepreneur institutionnel pour réorganiser le secteur

de la santé en utilisant des logiques institutionnelles venant d’autres pays. Koene et Ansari

(2013) présentent le cas des entrepreneurs institutionnels Pays Bas qui soutiennent une

nouvelle forme organisationnelle, le travail temporaire.

L’entrepreneuriat institutionnel peut être considéré comme une pression endogène dans le

champ organisationnel aboutissant à un changement institutionnel. Barley et Tolbert (1997)

avancent qu’un changement institutionnel est possible quand les acteurs participent de façon

volontaire et que les conditions du champ organisationnel facilitent l’acquisition des

ressources et donnent une base rationnelle pour questionner les comportements existants.

Cependant une des plus grandes barrières à l’introduction de l’action dans la théorie

institutionnelle est le paradoxe de l’encastrement des acteurs (embedded agency) (Holm,

1995; Seo et Creed, 2002) qui se réfère à la question suivante : « comment est-ce que les

acteurs -individuels ou organisations- peuvent innover si leur croyances et actions sont

déterminées par le champ organisationnel qu’ils veulent changer ? » (Battilana, 2006b). Ce

paradoxe révèle la tension qui existe entre le déterminisme institutionnelle et la capacité des

acteurs à faire des choix. Archer (1982) parle de l’amalgame existant entre la structure et

l’action. En réponse, Barley et Tolbert (1997) proposent une approche diachronique au

changement institutionnel pour réconcilier l’action agentique et les pressions institutionnelles.

Les travaux sur l’entrepreneur institutionnel essayent de résoudre ce paradoxe de l’acteur

encastré, en mettant l’accent sur la capacité de certains acteurs, les entrepreneurs

institutionnels, à se désencastrer des arrangements institutionnels existants pour créer de

nouvelles institutions ou changer celles existantes (Beckert, 1999). Pour ce faire, certaines

conditions favorables à l’émergence des EI sont décrites dans la littérature, que nous

examinons dans la section suivante.

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1.5.1.2 Les conditions qui favorisent l’émergence d’entrepreneurs

institutionnels

Nous nous référons au travail de Battilana (2006b) qui, en se basant sur une revue des travaux

sur l’entrepreneuriat institutionnel publiés dans des revues à comité de lecture, a codifié les

conditions favorisant l’émergence des EI qui se retrouvent en deux catégories majeures : les

conditions se rapportant au niveau du champ organisationnel, et les conditions se rapportant

au niveau des organisations/individus.

1.5.1.2.1 Les conditions favorisant l’entrepreneuriat institutionnel au niveau du champ

organisationnel

Battilana (2006b) identifie trois différents types de conditions au niveau du champ

organisationnel favorisant l’entrepreneuriat institutionnel. Le premier type de condition se

réfère à des secousses sur le CO telles que des chocs externes, des crises sociales (Fligstein,

2001) ; des crises de marché (Holm, 1995) ; la libéralisation du commerce internationale

(Zhao et al., 2006) ; une introduction de nouvelles technologies, ou un changement de

régulation entre autres (Greenwood et al., 2002). D’autres secousses peuvent inclure un

manque de ressources qui résulte en une migration des acteurs dans d’autres CO, où ils

peuvent opérer comme des entrepreneurs institutionnels en introduisant des pratiques

divergentes aux modèles institutionnalisés (Durand et McGuire, 2005).

Le deuxième type de condition est en rapport à des problèmes aigus au niveau du champ qui

peuvent encourager les acteurs des différentes organisations à collaborer en tant

qu’entrepreneurs institutionnels (Philipps et al., 2000).

Le troisième type de condition correspond aux caractéristiques du champ organisationnel. En

particulier les chercheurs se sont penchés sur deux caractéristiques du CO qui affectent

l’action agentique et favorisent l’entrepreneuriat institutionnel : le degré d’hétérogénéité des

arrangements institutionnels dans le CO (Oliver, 1991 ; Sewell, 1992 ; Whittington, 1992 ;

D'Aunno et al., 2000 ; Seo et Creed, 2002), et le degré d’institutionnalisation des

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arrangements institutionnels dans le CO (Zucker, 1977; Oliver, 1991 ; Tolbert et Zucker,

1996). Ainsi, en ce qui concerne la première caractéristique du CO, si les arrangements

institutionnels sont contradictoires et donc hétérogènes, cela peut déclencher une réaction des

acteurs envers les normes institutionnelles et causer un changement divergent. Le degré

d’hétérogénéité des arrangements institutionnels dans un CO, aussi appelé le degré de

multiplicité des référents institutionnels (Oliver, 1991, Sewell, 1992, Whittington, 1992, Seo

et Creed, 2002) peut se définir comme le degré d’ouverture du champ aux idées pratiquées et

aux ressources dans d’autres champs (Greenwood et Hinings, 1996, Whittington, 1992 ; Seo

et Creed, 2002). Plus un champ est ouvert, plus il y a des référents ou logiques

institutionnelles hétérogènes (par exemple des règles ambiguës et contradictoires) qui

peuvent donner lieu à des tensions qui favorisent l’action agentique. Les champs qui sont très

fermés s’exposent moins aux multiples référents institutionnels et cela donne peu de

possibilités pour faciliter l’action créative; tandis que les champs qui sont trop ouverts

donnent lieu à des incertitudes et contraignent les acteurs à adopter des comportements qui

ont un sens (Beckert, 1999 ; Seo et Creed, 2002). Le degré d’hétérogénéité des arrangements

institutionnels dans un CO influence aussi le processus de mobilisation des ressources adopté

par les acteurs (Dorado, 2005).

La deuxième caractéristique du CO, le degré d’institutionnalisation des arrangements

institutionnels, influence aussi l’action agentique et définit les effets déterministes,

contraignants et permissifs des institutions sur les acteurs (Zucker, 1987; Barley et Tolbert,

1997). Le degré d’institutionnalisation d’un champ organisationnel peut se caractériser par

une incertitude extrême (institutionnalisation minimale), une institutionnalisation modérée,

ou une institutionnalisation extrême (Beckert, 1999; Dorado, 2005). Les acteurs adoptent des

comportements à sens ou routiniers dans des champs avec institutionnalisation minimale ;

tandis que dans les champs très institutionnalisés, les comportements sont pris pour acquis de

telle façon que les acteurs ne les questionnent pas. Le changement s’accumule

imperceptiblement dans le temps. Cependant, il y a débat parmi les chercheurs sur l’impact

qu’a le degré d’institutionnalisation sur l’entrepreneuriat institutionnel. Ainsi, selon Beckert

(1999), un CO fortement institutionnalisé peut déclencher des actions stratégiques et ainsi

favoriser l’entrepreneuriat institutionnel. Se basant sur le modèle de Beckert (1999), Dorado

(2005) propose que l’EI se manifeste dans un CO modérément institutionnalisé. D’autres

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chercheurs ont un avis différent, et avancent que le niveau d’incertitude dans un CO très peu

structuré ou peu institutionnalisé est source d’opportunités pour des actions stratégiques de la

part des acteurs (Tolbert et Zucker, 1996 ; DiMaggio, 1988 ; Fligstein, 1997). Ainsi Fligstein

(1997) propose qu’un CO qui n’est pas structuré, offre de grandes opportunité d’action

stratégiques. Il est intéressant de noter que la majorité des études empiriques sur l’EI ont

décrit des CO émergents qui sont peu structurés et qui ont ainsi un niveau d’incertitude élevé

(Garud et al., 2002 ; Zimmerman et Ziet, 2002 ; Maguire et al., 2004)

Les chercheurs institutionnels se rejoignent sur le fait que le changement institutionnel

répond à la volonté et à la capacité créative des acteurs (capacité d’action agentique), à un

besoin de ressources, et dépend des opportunités présentes dans l’environnement. Pour

Dorado (2005), « les opportunités surviennent quand les individus les imaginent et

persuadent les autres de les adopter». En se basant sur les deux caractéristiques du CO décrit

ci-dessus, Dorado (2005) a développé une typologie qui a pour objectif de déterminer les

caractéristiques des CO qui favorisent la quête d’opportunités des EI. Dorado (2005) décrit

des champs fortement institutionnalisés et très peu ouverts aux autres champs, comme

opaques par rapport aux opportunités ; des champs modérément institutionnalisés qui ont des

arrangements institutionnels hétérogènes, comme transparents, et qui offrent ainsi beaucoup

d’opportunités pour les actions stratégiques ; et des champs très peu institutionnalisés qui ont

des arrangements institutionnels hétérogènes, comme flous, car les acteurs doivent œuvrer

dans un environnement très incertain.

1.5.1.2.2 Les conditions favorisant l’entrepreneuriat institutionnel au niveau des

organisations

Les différents travaux sur l’EI ont aussi souligné le rôle facilitateur des caractéristiques

organisationnelles (Leblebici et al., 1991) et des caractéristiques individuelles des acteurs

(Fligstein, 1997, 2001 ; Maguire et al., 2004 ; Battilana, 2006a, 2006b; 2007; 2009; 2011). La

plupart des études se concentrent sur une caractéristique des organisations/acteurs: La

position sociale (périphérique, centre, aux interstices) de l’organisation/de l’acteur individuel

dans le champ organisationnel, ou dans son environnement institutionnel.

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De récentes études (Delbridge et Edwards, 2008; Powell et Colyvas, 2008) ont aussi montré

que les actions de certains acteurs dans le CO peuvent générer des conditions dans le CO, qui

peuvent être exploitées par les entrepreneurs institutionnels pour précipiter le changement

divergent. Cependant, bien que les conditions, qu’elles soient exogènes ou provenant des

autres acteurs du champ, favorisant l’émergence d’entrepreneurs institutionnels dans le CO

existent, tous les acteurs encastrés dans le CO ne vont pas se saisir des opportunités

disponibles et agir en tant qu’entrepreneurs institutionnels. Battilana et al. (2009) suggèrent

que des caractéristiques spécifiques et individuelles des acteurs sont aussi importantes. Ainsi,

Battilana et al. (2009) et Battilana (2011), en se basant sur les travaux de Fligstein (1997;

2001) et Maguire et al. (2004), se concentrent sur les conditions au niveau des individus qui

favorisent l’entrepreneuriat institutionnel que nous développons dans la section suivante.

1.5.1.2.3 Les caractéristiques spécifiques et individuelles des acteurs favorisant

l’entrepreneuriat institutionnel

Fligstein (1997; 2001) démontre que les EIs sont des acteurs ayant des compétences sociales

qui leur permettent de comprendre et d’être proches des situations des autres acteurs du CO.

Cela facilite ainsi la coopération des autres acteurs.

Une étude de Maguire et al. (2004) démontre le rôle important de la position des acteurs par

rapport au ‘sujet’ dominant du CO, comme dans cet exemple, la connaissance du VIH/SIDA.

Ainsi les acteurs qui sont reconnus par rapport à leur position formelle et aussi par rapport à

leurs identités socialement construites et légitimées sont plus aptes à obtenir le soutien et la

collaboration des parties prenantes et ainsi mobiliser les ressources nécessaires à

l’aboutissement de leur projet.

Emibayer et Mische (1998) postulent que la capacité des acteurs à transformer leur champ

organisationnel, est en fonction de leur orientation temporelle. Les acteurs peuvent soit

s’orienter vers le passé en utilisant les expériences vécues, ou bien être orientés dans le

présent et émettre des jugements pratiques en fonction des demandes émergentes; ou encore

être orientés vers le futur en imaginant des scénarios et trajectoires possibles. Les orientations

passées, présentes et futures sont simultanément présentes mais une de ces orientations

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CHAPITRE 1: LES APPORTS DE LA SOCIOLOGIE NEO INSTITUTIONNELLE A L’ANALYSE DE FILIERES

AGRICOLES

59

prédomine, et c’est ce qui amène Dorado (2005) à formuler trois types d’action agentique: la

routine, quand le passé prédomine (Giddens, 1984), la cohérence (sensemaking) quand le

présent prédomine (Weick, 1995), et la stratégie (DiMaggio, 1988) quand le futur est

dominant. Buhr (2012) parle des conditions temporelles qui favorisent l’entrepreneuriat

institutionnel avec l’inclusion du secteur de l’aviation dans le programme de l’Union

Européenne sur les émissions de carbone.

Battilana et al. (2009) proposent aussi que les caractéristiques individuelles des acteurs

comme les facteurs démographiques et psychologiques sont importants comme facteurs

pouvant aider à faire émerger des entrepreneurs institutionnels.

1.5.1.3 Le processus de l’entrepreneuriat institutionnel

Le processus de l’entrepreneuriat institutionnel est décrit par différents auteurs comme un

processus politique et culturelle de nature complexe (DiMaggio, 1988; Fligstein, 1997). En

utilisant le modèle théorique 2 (Figure 1.2), nous construisons le modèle théorique 3 (Figure

1.3) en nous basant sur le travail de Battilana et al. (2009) pour comprendre le processus

favorisant l’émergence des entrepreneurs institutionnels.

Ce modèle propose trois ensembles d’activités qui sont impliquées dans l’implémentation

d’un changement divergent par l’entrepreneur institutionnel dans un CO: (1) Développer une

vision (les entrepreneurs institutionnels doivent proposer une vision du changement prévu et

exposer et partager cette vision avec les autres acteurs du CO) ; (2) Mobiliser les autres

acteurs (les alliés) (acquérir le soutien des autres acteurs pour l’acceptation des nouvelles

pratiques institutionnelles ; et (3) Motiver les alliés pour atteindre et maintenir la vision du

changement (concerne l’éventuel adoption des nouvelles pratiques, et l’institutionnalisation

de ces pratiques). Il est à noter que les conditions et caractéristiques du CO, la position

sociale des acteurs ainsi que le contexte où ils opèrent influencent la mobilisation des

ressources et ainsi tout le processus de l’entrepreneuriat institutionnel.

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AGRICOLES

60

1.5.1.3.1 Mobilisation des ressources

Les entrepreneurs institutionnels puissent de leurs propres acquis pour mobiliser des

ressources. Ces acquis incluent leur légitimité déjà acquises de par leurs expériences et

actions passées ; leur autorité formelle ; leur position dans le CO ; et leur accès aux

ressources rares. Les ressources mobilisées peuvent être, selon Leca et al. (2008), tangibles

ou intangibles.

Les ressources tangibles essentiellement financières sont utiles afin d’éviter les sanctions des

opposants au changement divergent proposé (Greenwood et al., 2002) d’une part; et d’autre

part créer une coalition avec d’autres acteurs (Garud et al., 2002).

Les ressources intangibles incluent la position sociale (ou le capital social) ; la légitimité, et

l’autorité formelle. La position ou le capital social des EIs, défini par Coleman (1988),

comme la position de l’acteur dans un réseau de relations sociales qui lui donne accès à

l’information et au support politique ; et la capacité de l’acteur à puiser de ce capital social

pour influencer les actions des autres acteurs. L’entrepreneur institutionnel, dépendant de sa

position dans le CO peut aussi influencer les autres acteurs. Ainsi, selon Phillips et al. (2004),

un EI central au CO a plus de chance de diffuser et faire accepter ses idées. La légitimité déjà

établie et l’identité de l’EI joue en sa faveur pour la diffusion de son projet. L’autorité

formelle est le droit reconnu de certains acteurs à prendre des décisions dans le CO (Phillips

et al., 2000). Cette autorité formelle est très utile pour les EI dans le ‘cadrage’ (framing)

(Benford et Snow, 2000) de leurs discours pour mobiliser des alliés à leurs projets.

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61

Figure4 1.3: Modèle théorique 3: Le processus de l’entrepreneuriat institutionnel

Source: L’auteur d’après (Greenwood et al., 2002; Dorado, 2005; Battilana et al,. 2009)

Secousses

exogènes ou

endogènes au

champ

organisationnel

Caractéristiques du champ

organisationnel

Degré d’hétérogénéité

Degré d’institutionalisation

Perception des acteurs

des opportunités dans le

champ organisationnel

(transparentes, opaques,

floues)

Type d’action

agentique:

stratégique

Mobilisation des

ressources:

stratégies

discursives

Position

sociale des

acteurs

Orientation

temporelle des

acteurs (futur)

DésinstitutionalisationPréinstitutionalisation

ThéorisationDiffusionRéinstitutionalisation

Processus du changement institutionnel

Contexte de l’entrepreneuriat institutionnel

Processus de l’entrepreneuriat institutionnel

Mobilisation

des alliés

Création

d’une vision

divergente

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62

1.5.1.3.2 Les stratégies institutionnelles

Un conflit apparaît dans les premiers travaux sur la théorie néo-institutionnelle,

essentiellement issu des travaux de Meyer et Rowan (1977) et concerne l’opposition entre les

exigences institutionnelles et la performance efficiente des organisations comme imposée par

les marchés compétitifs. Cette opposition est renforcée par DiMaggio et Powell (1983) qui

avancent que les pressions institutionnelles rendent les entreprises similaires sans pour autant

«les rendre plus efficientes». De plus, cette position fut soulignée par des recherches

antérieures de chercheurs institutionnels qui se sont concentrés sur des organismes publiques

et à but non lucratif. Pour pallier le danger de classifier la théorie néo-institutionnelle comme

une théorie qui étudie les organisations qui sont protégées des forces concurrentielles, de

nombreux chercheurs au début des années 1990 ont posé le principe que les processus

institutionnels fournissent les règles et les normes qui gouvernent la concurrence, et que les

aspects culturels des institutions donnent les éléments qui favorisent les actions stratégiques

(Powell, 1991). Cela nous conduit au concept de stratégie institutionnelle.

Le modèle présenté dans la figure 1.3 nous donne les conditions d’émergence de

l’entrepreneur institutionnel qui agit en stratège en saisissant les opportunités présentes dans

le champ organisationnel. Qu’en est-il des choix stratégiques des acteurs ? Il est entendu que

l’entrepreneur institutionnel se qualifie comme tel en proposant une vision d’un changement

qui diverge des normes institutionnalisées. Nous nous intéressons donc aux formes que

peuvent prendre les choix stratégiques des entrepreneurs institutionnels.

Pour Beckert (1999), le choix stratégique a une place importante dans le champ

organisationnel et il le définit comme « une poursuite planifiée du profit basée sur une

évaluation rationnelle des moyens disponibles et des conditions favorisant les stratégies ».

Beckert (1999) se basant sur les travaux de Schumpeter (1935) fait la différence entre les

managers qui se conforment aux normes institutionnelles et agissent sur les routines et les

entrepreneurs qui eux réagissent d’une façon créative en trouvant d’autres opportunités.

Dans son modèle cyclique de changement institutionnel (figure 1.4), Beckert suggère que

l’action stratégique est possible dans les CO ayant au moins un niveau modéré de

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63

développement institutionnel. Ce niveau de développement permet des calculs stratégiques et

motive le changement à travers des processus entrepreneuriaux. Si le changement a pu être

introduit dans le CO, cela crée une désinstitutionalisation et des incertitudes. Cela résulte en

une adoption de nouvelles pratiques, et une réduction des incertitudes. Une fois la stabilité de

CO retrouvée, les conditions favorisant l’entrepreneuriat et les actions stratégiques sont

présentes de nouveaux.

Figure5 1.4 : Un modèle dynamique des intérêts et des institutions

Source : (Beckert, 1999)

Dorado (2005) ajoute deux scénarios additionnels au modèle de Beckert: l’incertitude

extrême, et l’institutionnalisation extrême. Dans des situations d’extrêmes incertitudes, les

acteurs peuvent se baser sur les comportements ou des routines familières utilisées dans le

passé. Dans des CO extrêmement institutionnalisés, les comportements sont tenus pour

acquis et le potentiel de changement est très faible. Cependant, les petites variations entre les

acteurs dans leurs utilisations des normes institutionnelles peuvent s’accumuler sur le temps

et créer un changement.

Entrepreneur Manager

Institutions

Incertitudes

Création

d’opportunités

stratégiques

Destruction des

institutions

Création de

l’encastrement

Nécessité de créer

la stabilit

é

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64

D’après Lawrence (1999), les ressources requises pour les stratégies institutionnelles sont

différentes de celles requises pour les stratégies concurrentielles. D’un côté, la stratégie

institutionnelle se base sur la capacité de pouvoir définir entièrement, soutenir, et défendre la

légitimité ou la désirabilité de certaines pratiques ou de formes organisationnelles. De l’autre

côté, la stratégie concurrentielle se base sur des pratiques existantes et légitimées, ou utilise

des règles sociales existantes.

Les stratégies institutionnelles peuvent être intentionnelles (délibérées) ou émergentes

(fortuites). Les stratégies institutionnelles peuvent stabiliser des formes ou des pratiques

existantes à travers l’institutionnalisation (Slack et Hinings, 1994) ou la

désinstitutionalisation (Oliver, 1992). D’après Lawrence (1999), les stratégies

concurrentielles sont en réaction au contexte économique, social et technologique d’une

industrie. D’un autre côté, les acteurs utilisent les stratégies institutionnelles pour changer la

nature de la concurrence dans leur industrie soit en changeant les règles d’adhésion ou les

standards de pratique. Les stratégies institutionnelles délibérées peuvent ainsi améliorer la

position concurrentielle d’une entreprise.

Oliver (1991) propose des réponses stratégiques aux processus institutionnels (tableau 1.3).

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65

Tableau4 1.3: Réactions stratégiques aux processus institutionnels

Stratégies Tactiques Exemples

Accord

Adhésion Suivre des normes invisibles, et tenues pour

acquises

Mimétisme Imiter des modèles institutionnels

Obéissance Obéir aux règles et accepter les normes

Compromis

Equilibrage Trouver un équilibre entre les attentes de différents

acteurs et les attentes internes de l’organisation

Pacification Essayer d’accommoder les différents éléments

institutionnels en gardant une adhésion minime aux

attentes institutionnelles

Négociation Négocier avec les parties prenantes du champ

organisationnel

Evitement

Camouflage Camoufler les non conformités aux éléments

institutionnels derrière une façade d’adhésion

Découplage Découpler les activités internes de l’organisation

avec les contacts externes avec le champ

organisationnel

Fuite Changer les buts, objectifs ou même délocaliser les

activités pour éviter l’adhérence

Défiance

Ignorer Ignorer les normes et valeurs

Défiance Remettre en question les règles et normes

institutionnels

Attaquer Utiliser une stratégie agressive de rejet de

l’organisation des pressions institutionnelles

Manipulation

Co-opétition Avoir des partenariats stratégiques pour mobiliser le

soutien d’autres acteurs du champ organisationnel

Influence Influencer les croyances et essayer de changer les

règles institutionnelles

Contrôle Utiliser le pouvoir et la domination sur les sources

de pressions institutionnelles

Source : (Oliver, 1991)

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66

Les stratégies discursives sont une autre façon d’agir sur l’environnement institutionnel. Les

entrepreneurs institutionnels peuvent utiliser le discours ou sa construction pour influencer

leur champ organisationnel (Lawrence et Suddaby, 2006). La littérature sur l’entrepreneuriat

institutionnel regorge d’exemples d’utilisation de stratégies discursives par les EIs (Fligstein,

1997 ; Rao, 1998 ; Rao et al., 2000 ; Seo et Creed, 2002 ; Maguire et al., 2004 ; Ben Slimane,

2007). Selon Ben Slimane (2007), les stratégies discursives sont utilisées par les EIs pour

mettre «[…] la production de textes, de discours au service de leurs velléités de façonnement

des règles du jeu de leurs environnements ». Ainsi, les EIs mobilisent des ressources

symboliques, la plus importante étant les discours, pour construire des cadres de

connaissances et d’interprétation correspondant au concept de ‘cadrage’ mentionné plus haut.

Les stratégies rhétoriques (Suddaby et Greenwood, 2005) qui se réfèrent à l’utilisation de

symboles pour persuader les autres de changer leurs attitudes, valeurs et croyances (Cheney

et al., 2004) sont aussi des moyens d’agir sur les institutions.

1.5.1.3.3 La mobilisation des alliés

Le plus grand défi des entrepreneurs institutionnels est de pouvoir partager leur vision du

changement divergent avec les autres acteurs, et d’en faire des alliés pour soutenir

l’implémentation du changement. Pour ce faire, il est impératif de dissocier les acteurs, qui

sont mobilisés, de leur encastrement institutionnel. Les entrepreneurs institutionnels font

aussi face à une opposition des acteurs, les défenseurs des normes institutionnalisées

(DiMaggio, 1988), et qui se sentent menacés par les changements divergents qui attaquent

leurs privilèges organisationnels établis ainsi que leur position sociale dans le CO. Dorado

(2005) propose trois profils de changement institutionnel (voir section 1.4.3.3) : l’approche

de l’entrepreneuriat institutionnel où la mobilisation des ressources se fait à travers le

processus de lobbying (leveraging) auprès des autres acteurs ; l’approche convergente

(partaking) où l’entrepreneuriat institutionnel est une action collective des acteurs qui émerge

de l’action individuelle et indépendante de plusieurs acteurs et qui converge vers le même

objectif ; et l’approche collaborative (convening) où les EIs essayent de convaincre les parties

prenantes à mettre leurs ressources en commun pour cibler un problème d’intérêt commun.

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67

1.5.1.4 Les critiques du concept de l’entrepreneur institutionnel

Selon Weik (2011), bien que le concept de l’entrepreneur institutionnel ait été utile à

plusieurs niveaux tels que la réintroduction de la capacité d’action agentique dans la

sociologie institutionnelle; l’explication du changement institutionnel de façon endogène; et

l’apport du rôle du pouvoir et de la politique dans le changement institutionnel, ce concept a

été utilisé pour « tirer trop de wagons, et de ce fait, a perdu sa signification ». En se basant

sur une revue des publications sur le sujet de l’entrepreneuriat institutionnel de 1999 à 2007,

Weik (2011) formule les deux critiques suivantes sur ce concept: un biais gestionnaire-

individualiste, et un amalgame des concepts de la pratique et de l’action. La première critique

selon Weik (2011) est fondée sur le fait que les entrepreneurs institutionnels agissent de façon

individuelle, et ont une approche managériale envers les institutions, en « créant ou détruisant

des institutions de la même façon et pour les mêmes raisons que pour la création

d’entreprises ». Ce biais soulève plusieurs problèmes. Premièrement, il introduit une

perspective fonctionnaliste dans la théorie institutionnelle, et fait l’impasse sur les

interactions entre la structure et l’action. Deuxièmement, il y a un détournement de l’attention

vers les entrepreneurs héroïques en oubliant « les efforts collectifs des acteurs, les échecs, les

tentatives répétées, les boucles rétroactifs, et toutes les interdépendances qui font la richesse

de l’histoire des institutions. » Weik (2011). Troisièmement, il y a amalgame entre pratique et

action dans le sens que les institutions sont des séries de pratiques au lieu de séquences

d’actions individuelles. Ainsi, un entrepreneur institutionnel ne peut prétendre par une seule

action individuelle créer, détruire ou maintenir une pratique car une pratique est constituée de

plusieurs actions. De ce fait, l’entrepreneur institutionnel a besoin de l’aide collective

d’autres acteurs pour établir une nouvelle pratique. C’est ainsi que Czarniawska (2009)

argumente que le terme d’entrepreneur institutionnel par rapport à un entrepreneur individuel

est un oxymore.

L’approche de l’entrepreneur institutionnel est aussi très critiquée car elle réintroduit le

volontarisme de la théorie des choix rationnels que les chercheurs des premiers travaux sur la

sociologie néo institutionnelle (Meyer et Rowan, 1977; DiMaggio et Powell, 1983) voulaient

absolument éviter. Pour résoudre ce problème d’amalgame entre la structure et l’action, Leca

et Naccache (2006) suggèrent le recours à l’épistémologie réaliste critique qui permet de

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AGRICOLES

68

rendre compte du caractère ontologique des actions agentiques et des structures. Ainsi les

logiques institutionnelles sont définies comme les principes du jeu (Leca et Naccache, 2006)

tandis que les institutions sont les règles du jeu (North, 1990). Le caractère ontologique des

logiques institutionnelles est mis en avant et elles sont conceptualisées comme exogène aux

acteurs (Friedland et Alford, 1991). Dépendant de la spécificité du contexte et des actions

agentiques, les institutions sont les résultats de la façon dont « les acteurs transposent ces

logiques institutionnelles à travers des scripts, règles, et normes précises (…) » (Leca et

Naccache, 2006). Ainsi cette approche permet de proposer « une approche des relations entre

agents et institutions ne privilégiant aucun des deux niveaux. » (Leca, 2006).

Une autre critique de la littérature néo institutionnelle sur l’entrepreneuriat institutionnel est

sa focalisation sur un type d’acteur, l’entrepreneur institutionnel, considéré comme un « Deus

ex machina », ou un entrepreneur héroïque ce qui tend à occulter l’importance des autres

acteurs dans les processus institutionnels. Cette focalisation ne prend pas en considération le

caractère collectif du changement institutionnel (Ben Slimane et Leca, 2010). Cette ligne de

pensée rejoint celle d’Aldrich et Ruef (2006) qui définissent le concept d’entrepreneurs

institutionnels comme des individus ou des organisations qui participent à la création de

nouvelles organisations ou de nouvelles industries ou activités qui requiert la maîtrise de

nouvelles technologies, la création de nouvelles formes et routines organisationnelles, la

création de nouveaux marchés et de chaînes de distribution, et l’obtention d’une légitimité au

niveau légal, normatif et cognitif. Cette définition implique forcément que l’action de

l’entrepreneur institutionnel ne peut être le cas d’un acteur isolé, mais désigne des rôles et des

fonctions divers distribués parmi de nombreux acteurs.

Cette section nous a permis de comprendre les apports des travaux sur l’entrepreneur

institutionnel à la SNI, ses limites, et l’évolution du concept vers le concept de travail

institutionnel pour inclure l’effort collectif des autres acteurs importants dans le champ

organisationnel. Ainsi, les critiques sur le concept de l’entrepreneur institutionnel nous

amènent aux travaux de Lawrence et Suddaby (2006) sur le concept de travail institutionnel,

qui est une avancée théorique significative de la sociologie néo-institutionnelle et que nous

décrivons dans la section suivante.

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AGRICOLES

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SECTION 4 : Le travail institutionnel dans les études organisationnelles

Cette section introduira le récent concept de travail institutionnel qui prend en considération

le travail collectif des acteurs dans un champ organisationnel en opposition à la sur

accentuation sur un seul type d’acteur, l’entrepreneur institutionnel. Nous verrons aussi les

différents types de travail institutionnel ainsi que les formes que le travail institutionnel peut

prendre en fonction des conditions dans le champ organisationnel.

1.5.2 Le travail institutionnel

Le travail institutionnel est une des formes de ‘travail’ que l’on retrouve dans la théorie de

l’organisation et du management. Selon une étude réalisée par Phillips et Lawrence (2012),

l’accent sur le ‘travail’ dans la théorie de l’organisation et du management a pris de l’ampleur

dans les années 2000 et ces auteurs répertorient dans les différents travaux publiés, quinze

formes de ‘travail’ telles que le travail émotionnel, le travail identitaire, le travail sur les

valeurs, le travail discursive, le travail institutionnel entres autres. Toutes ces formes de

travail se rapportent aux efforts déployés par les acteurs pour influencer l’aspect social et

symbolique du contexte où ils évoluent. Selon Lawrence et al. (2011), le travail institutionnel

«décrit les pratiques des acteurs collectifs et individuels visant à créer, maintenir, ou détruire

des institutions». La relation récursive entre les institutions et l’action comme décrite par

Barley et Tolbert (1997), et Philips et al. (2004) nous semble très utile pour expliquer les

récents travaux menant à l’approche du travail institutionnel, et pour ce faire, nous reprenons

le schéma (figure 1.5) proposé par Lawrence et al. (2009b).

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AGRICOLES

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Figure6 1.5 : Relation récursive entre les institutions et l’action

Source : (Lawrence et al., 2009b)

Les travaux utilisant les concepts du néo-institutionnalisme dans les études organisationnelles

ont mis l’accent sur les effets culturels des institutions sur les pratiques et structures

organisationnels (Meyer et Rowan, 1977; Hinings et Greenwood, 1988), et les chercheurs ont

subséquemment expliqué l’isomorphisme des organisations (DiMaggio et Powell, 1983;

Tolbert et Zucker, 1983). Les approches traditionnelles de néo-institutionnalisme se sont

focalisées sur les processus à travers lesquels les institutions influencent l’action agentique

(voir flèche 1 sur figure 1.5). Pour répondre aux critiques des chercheurs sur le rôle limité de

l’action agentique dans les travaux de la sociologie néo-institutionnel, les recherches qui ont

suivi ont étudié l’entrepreneuriat institutionnel et ont décrit les processus à travers lesquels

les acteurs affectent les arrangements institutionnels (voir flèche 2 sur figure 1.5).

Cependant suite à la sur accentuation du rôle des entrepreneurs institutionnels, vus comme

des acteurs « puissants et héroïques qui sont capables de changer les institutions de façon

drastique » (Lawrence et al., 2009b) , d’autres chercheurs ont proposé une approche plus

complète de l’action agentique sur les institutions toujours dans le sens de la flèche 2. Ainsi

les récents travaux sur le travail institutionnel (Lawrence et Suddaby, 2006 ; Lawrence et al.,

2009a ; Lawrence et al., 2013) veulent établir une vision plus large de la relation entre

l’action agentique et les institutions, et éviter de « décrire les acteurs comme dépendants des

INSTITUTIONS ACTIONS

1

2

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

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AGRICOLES

71

influences culturelles des arrangements institutionnelles, ou comme des entrepreneurs

institutionnels hyper musclés ». Ainsi, Lawrence et Suddaby (2006) définissent le travail

institutionnel comme «l’action intentionnelle des acteurs ou des organisations visant à créer,

maintenir, ou déstabiliser des institutions ». Cette définition selon Lawrence et al. (2013) met

l’accent sur trois dimensions importantes : les acteurs institutionnels sont « réfléchis, axés sur

les objectifs et capables » ; les actions des acteurs au centre des dynamiques institutionnelles ;

et la mise en commun de la structure, de l’action agentique et de leurs interactions.

Dans leur vision étendue du travail institutionnel, Lawrence et al. (2009b) proposent une

approche du travail institutionnel qui analyse de façon plus précise et approfondie le

comportement des différents acteurs dans les processus institutionnels. Cette vision prend en

considération la multiplicité d’action agentique sur les processus institutionnels (Section

1.5.2.1), et les notions de travail et de pratique (Section 1.5.2.2) qui doivent aider à

développer une approche théorique du travail institutionnel en pleine gestation (Ben Slimane

et Leca, 2010).

1.5.2.1 L’action agentique : Des activités multiples sur les processus

institutionnels

L’approche du travail institutionnel permet de dépasser la vision de l’entrepreneur

institutionnel et de rendre compte des activités multiples des différents acteurs vis-à-vis des

institutions. L’étude du travail institutionnel a comme point de départ le concept de travail

qui selon Lawrence et al. (2011) se rapporte aux efforts des acteurs individuels et collectifs

pour «suivre, consolider, démolir, bricoler, transformer, or créer de nouvelles institutions

parmi lesquelles ces acteurs vivent, travaillent, se divertissent, et qui leurs donnent un rôle à

jouer, des relations à nouer, des ressources et des routines de fonctionnement. »

Lawrence et Suddaby (2006) distinguent trois grands types de travail institutionnel : la

création, le maintien et la déstabilisation institutionnelle.

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AGRICOLES

72

La création institutionnelle a reçu le plus d’attention de la part des chercheurs en

organisations en se basant sur la notion de l’entrepreneuriat institutionnel. Ce type de travail

institutionnel correspond à la mise en place et à la légitimation de nouvelles règles

institutionnelles, de nouvelles pratiques et de nouveaux standards. Cependant les travaux se

sont surtout concentrés sur les caractéristiques et les conditions qui favorisent l’émergence

d’entrepreneurs institutionnels (Lawrence et Suddaby, 2006). Les acteurs impliqués essayent

de mobiliser le soutien des parties prenantes en constituant des réseaux d’acteurs susceptibles

de soutenir leur diffusion. Lawrence et Suddaby (2006) ont identifié neufs ensembles de

pratiques (Tableau 1.4), divisés en trois types de travail institutionnel ‘créatif’ (le travail

politique, le travail normatif, et le travail cognitif) qu’utilisent les acteurs pour légitimer une

nouvelle pratique et aider à la formation de nouvelles formes organisationnelles.

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AGRICOLES

73

Tableau5 1.4 : Les pratiques permettant la création d’institutions

Source : (Lawrence et Suddaby, 2006)

Le second type de travail institutionnel, le maintien institutionnel, n’a pas reçu beaucoup

d’attention dans la littérature. Lawrence et Suddaby (2006) identifient six types de travail

institutionnel correspondant au maintien des institutions (Tableau 1.5). Les trois premiers

types : création de règles pour soutenir les institutions, maintenir l’ordre à travers le contrôle,

et dissuader peuvent être classés dans la catégorie de l’adhérence aux systèmes de règles

Nature du travail

institutionnel

Pratique Définition

Travail de nature

politique

Plaider en faveur du

projet

Mobilisation de supports politiques et régulateurs à travers

des techniques directes et délibérées de persuasion sociale

Définir Construction de systèmes de règles conférant un statut ou

une identité, définissant les frontières, ou créant des statuts

hiérarchiques dans un champ

Motiver Création de règles de structure à l’origine des droits de

propriétés

Travail de nature

normative

Construire des

identités

Construction de la relation entre un acteur et le champ dans

lequel il opère, ce qui définit son identité

Changer les

associations

normatives

Redéfinition des relations entre des ensembles de pratiques

et les fondations morales et culturelles de ces pratiques

Construire des

réseaux d’acteurs

Connections inter organisationnelles à travers desquelles

des pratiques deviennent sanctionnées par les règles

normatives et qui constituent les nouvelles références à

respecter (proto-institutions)

Travail de nature

cognitive

Mimétisme Utilisation de pratiques, technologies et règles existantes

considérées comme « allant de soi »

Développer et

théorisation des

relations

Développement et spécification de catégories abstraites, et

élaboration de chaînes de cause à effet

Formation Formation des acteurs aux compétences et connaissances

nécessaires pour soutenir la nouvelle institution

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institutionnelles. Les trois autres types de travail institutionnel: valoriser et diaboliser,

création de mythes, et encastrer et rendre routinier peuvent être classés dans la catégorie de la

reproduction de systèmes de normes et de croyances existantes.

Les acteurs en place dans un champ organisationnel doivent, sous certaines conditions,

déployer des efforts considérables pour maintenir les institutions face aux nouveaux entrants

dans les organisations ou dans le champ organisationnel ; face aux changements

technologiques ou démographiques ; ou face à l’évolution du champ organisationnel dans des

directions nouvelles et inattendues (Lawrence et Suddaby, 2006).

Tableau6 1.5: Les pratiques permettant le maintien d’institutions

Source : (Lawrence et Suddaby, 2006)

Nature du

travail

institutionnel

Pratique Définition

Travail de

nature

régulateur

Créer des règles pour

soutenir les institutions

Création d’autorité ou de nouvelles fonctions pour

perpétuer des routines institutionnelles ou assurer la

survie des institutions (ex. à travers la taxation)

Maintenir l’ordre par le

contrôle

Utiliser les fonctions d’audit, de surveillance et de

contrôle pour assurer le respect des institutions

Dissuader Utiliser la dissuasion pour encourager une obéissance

des règles

Travail de

nature

normative

Valoriser et diaboliser Donner au public des images très valorisantes des

acteurs qui respectent les normes ou des images très

négatives de ceux qui ne les respectent pas

Création de mythes Créer des mythes et des légendes autour des

fondations des institutions

Encastrer et rendre

routinier

Créer des routines et pratiques organisationnelles

quotidiennes qui inculquent les fondations normatives

des institutions aux participants

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75

Le troisième type de travail institutionnel, la déstabilisation des institutions, nous ramène aux

acteurs qui, souhaitant un changement dans les institutions existantes, doivent convaincre les

autres acteurs du CO de se détourner de ces institutions. Il peut y avoir par exemple, « une

remise en cause des croyances, et des fondements moraux et coercitifs des institutions » (Ben

Slimane et Leca, 2010). Les institutions peuvent être déstabilisées par l’action individuelle ou

collective des acteurs si leurs intérêts ne se trouvent pas dans les arrangements institutionnels

existants (DiMaggio, 1991). Bien que la création de nouvelles institutions se base sur la

déstabilisation des anciennes, Oliver (1992), à travers sa description du processus de

désinstitutionalisation avec ses propres antécédents, et Lawrence et Suddaby (2006)

argumentent que la déstabilisation des institutions est un travail institutionnel distinct de celui

de la création des institutions. Le tableau 1.6 présente trois pratiques de nature régulatrice qui

visent à déstabiliser les institutions : Déconnecter les sanctions et récompenses des pratiques ;

dissocier les pratiques de leurs fondements moraux ; et remettre en question les présupposées

et les croyances.

Tableau7 1.6: Les pratiques permettant la déstabilisation des d’institutions

Source : (Lawrence et Suddaby, 2006)

Ces trois grands types de travail institutionnel (créer, maintenir ou déstabiliser) et toutes les

stratégies qui y sont associées nous permettent de mieux comprendre les processus

Nature du

travail

institutionnel

Pratique Définition

Travail de

nature

régulatrice

Déconnecter les sanctions

et récompenses des

pratiques

Déconnecter les sanctions et les récompenses des

pratiques, technologies ou règles à travers un

changement légal

Dissocier les pratiques de

leurs fondements moraux

Utiliser des pratiques qui remettent en question

indirectement et graduellement les fondations morales

des institutions

Remettre en question les

présupposées et les

croyances

Encourager de nouvelles pratiques innovantes et

réduire les risques perçus de l’innovation et de la

différentiation

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institutionnels. Il est important de préciser que les mêmes acteurs peuvent à différents

moments créer, maintenir ou déstabiliser les institutions, mais que toutes les actions

agentiques ne peuvent être considérées comme des formes de travail institutionnel (Ben

Slimane et Leca, 2010). Lawrence et al. (2009b) invitent à délimiter plus précisément les

contours de l’approche du travail institutionnel à travers les notions de pratique,

d’intentionnalité, et de l’effort associé au travail des acteurs.

1.5.2.2 La notion de l’intentionnalité et de l’effort

La compréhension du concept de travail institutionnel est liée à deux éléments très

importants: l’intentionnalité et l’effort. Leca et al. (2006) définissent l’intentionnalité des

entrepreneurs institutionnels comme «la volonté de changer l’institution existante à travers le

résultat de leurs actions ». Lawrence et al. (2009b) appellent à se concentrer sur les activités

des acteurs impliqués dans le travail institutionnel plutôt que sur les résultats. Les questions

posées sont ainsi « Pourquoi, comment, quand, et où les acteurs travaillent à la création

d’institutions, par exemple. ». Ces auteurs soulignent aussi le fait de considérer le travail

institutionnel comme des pratiques concrètes utilisées par les acteurs par rapport aux

institutions. Cette perspective analytique permet d’étudier aussi bien les cas de succès, les cas

d’échec, les actions pour contrecarrer le travail institutionnel, et ainsi se départir de la vision

héroïque et toujours vainqueur de l’entrepreneur institutionnel (Lawrence et al., 2009b).

La notion d’intentionnalité des acteurs est importante aussi pour Lawrence et al. (2009b) en

reliant les processus de schématisation, de contextualisation, et de construction d’hypothèses

qu’utilisent les acteurs pour faire le lien entre leurs actions et leurs situations.

Nous nous basons dans cette étude sur les travaux d’Emirbayer et Mische (1998) pour

comprendre le lien entre l’intentionnalité des acteurs et les institutions. Selon ces deux

auteurs précités, l’action agentique a une dimension temporelle, c’est à dire, elle est

composée de trois éléments : l’itération, la projection dans le futur, et l’action pratique-

évaluatrice. L’itération, tournée vers le passé, correspond aux actions des acteurs qui se

basent sur des schémas de pensées et d’actions vécues dans le passé, et qu’ils réutilisent de

façon routinière. Cela permet ainsi de maintenir les institutions, les interactions et les

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77

identités des acteurs dans le temps. La projection dans le futur implique une action créative,

en relation aux « espoirs, craintes et désirs pour le futur des acteurs » (Emirbayer et Mische,

1998), mais aussi « consciente et stratégique » (Lawrence et al., 2011) afin de changer les

institutions. Finalement, l’intentionnalité peut être aussi de nature pratique, et implique la

capacité des acteurs « à porter des jugements normatifs et pratiques sur des possibilités

d’actions en réaction à des demandes émergentes, des dilemmes, et des ambigüités des

situations présentes » (Emirbayer et Mische, 1998).

En dernier lieu, en se basant sur les trois piliers institutionnels de Scott (2008), Lawrence et

al. (2009b) avancent que le travail institutionnel implique l’effort cognitif des acteurs pour se

désencastrer des routines et pratiques institutionnalisées. Au niveau des institutions soutenues

par des piliers régulateurs et normatifs, les acteurs doivent faire l’effort de se distancer des

routines ‘allant de soi’, et aussi effectuer un travail politique ou social pour convaincre les

autres acteurs de la création, du maintien ou de la déstabilisation des institutions.

La littérature récente sur le travail institutionnel s’est focalisée sur comment émerge le travail

institutionnel, qui est impliqué dans le travail institutionnel, et qu’est-ce qui constitue le

travail institutionnel. Dans le premier cas (comment émerge le travail institutionnel), bien que

la majorité des travaux sur la création d’institutions ait pris comme exemple l’entrepreneur

institutionnel comme décrit dans la section 1.5.2.1, il y a eu des exceptions récentes qui ont

utilisées la perspective du travail institutionnel en étudiant aussi bien la création de nouvelles

institutions que le maintien des institutions existantes. Ainsi, Ziestma et Lawrence (2010)

abordent le travail institutionnel dans le champ organisationnel de l’industrie forestière

côtière de la Colombie-Britannique et observent deux formes de travail institutionnel, le

travail sur les délimitations des champs et le travail sur les pratiques institutionnelles ; Gawer

et Phillips (2013) identifient deux formes de travail institutionnel externes (le travail sur les

pratiques institutionnelles et le travail sur la légitimité) à une organisation, Intel Corporation,

pour influencer le champ organisationnel où il opère et ainsi changer la logique

institutionnelle existante.

Dans le deuxième cas (qui est impliqué dans le travail institutionnel), nous retrouvons

quelques exemples dans la littérature de professionnels engagés dans le travail institutionnel.

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78

Ainsi, Suddaby et Viale (2011) décrivent quatre façons à travers lesquelles des professionnels

reconfigurent des institutions et des champs organisationnels ; Lefsrud et Suddaby (2012)

utilisent l’exemple historique de la ruée vers l’or en Californie pour illustrer le rôle des

professionnels dans la reconfiguration du champ organisationnel; Currie et al. (2012)

illustrent le cas d’une certaine élite professionnelle, les médecins spécialisés dans le secteur

de la santé Britannique, qui s’organisent pour répondre à la menace de l’introduction de

nouveaux rôles dans leur champ organisationnel. Or d’autres études considèrent le rôle

d’autres types d’acteurs qui ne sont pas nécessairement des professionnels mais qui sont tout

de même engagés dans un travail institutionnel. Ainsi Dorado (2013) utilisant la méthode de

la théorie enracinée démontre l’engagement d’individus et de groupes sociaux dans

l’avancement de la micro-finance en Bolivie.

Dans le troisième cas (qu’est-ce qui constitue le travail institutionnel), l’accent des différents

travaux se trouve sur la relation entre le travail institutionnel et l’action agentique. Ainsi,

Battilana et D’Aunno (2009) observent dans leur recherche que le type de travail

institutionnel (création, maintien ou déstabilisation) dépend de la dimension que peut prendre

l’action agentique, c'est-à-dire, l’habitude, la projection dans le futur, ou l’évaluation pratique

de la situation. Zundel, Holt et Cornelissen (2012) poussent l’exploration de la relation entre

le travail institutionnel et l’action agentique en étudiant le travail institutionnel qui se met en

place dans une émission de télévision ‘The Wire’ aux Etats-Unis ; et ils démontrent que le

travail institutionnel est influencé par des cycles régénératives ou dégénératives d’influence

qui favorisent ou limitent les actions agentiques.

Cette section nous a permis de mettre en perspective le concept de travail institutionnel qui

nous aide à comprendre que les acteurs dans un champ organisationnel ne peuvent agir

individuellement sur les institutions et que le type de travail institutionnel qui se met en place

peut prendre différentes formes.

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79

SECTION 5: Le néo-institutionnalisme et l’analyse de filières agricoles

Dans cette section nous présenterons l’innovation majeure de cette thèse: l’utilisation de la

sociologie néo-institutionnelle étendue dans l’analyse des dynamiques de filières agricoles.

Nous verrons en premier lieu comment l’analyse de filière a évolué dans le temps et les

différentes méthodes utilisées. Nous introduirons ensuite la perspective néo-institutionnelle

dans l’analyse de filière en justifiant notre démarche.

1.6 La sociologie néo-institutionnelle étendue et l’analyse de filières

agricoles

Nous postulons que les apports conceptuels de la sociologie néo-institutionnelle étendue

peuvent contribuer à l’analyse des filières agricoles dans une perspective analytique et

méthodologique. Pour ce faire, nous présentons tout d’abord brièvement l’évolution dans les

approches qui ont été utilisées dans les analyses de filières agricoles pour enfin justifier le

choix de la sociologie néo-institutionnelle étendue et notamment les concepts de travail

institutionnel et de logiques institutionnelles.

1.6.1 L’analyse des filières agricoles: L’approche filière francophone :

Méthodes et évolution

L’analyse de filière ou l’approche filière n’est qu’une des méthodes utilisées pour analyser

les chaînes de valeur. Dans cette section nous mettons en perspective l’approche filière

francophone par rapport aux autres méthodes d’analyse, nous précisons ses raccordements

théoriques, et enfin nous justifions la pertinence d’une perspective néo-institutionnelle dans

l’approche filière.

Différentes méthodologies ont été développées pour analyser les chaînes de valeur globale.

Elles font partie de l’abondante littérature traitant d’une manière générale des chaînes de

valeur. Dans les paragraphes suivants, nous repérons les approches les plus pertinentes de

cette littérature.

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80

1.6.1.1 La chaîne de valeur de Porter

Le concept de chaîne de valeur trouve ses origines dans les travaux de Porter (1985) dans son

livre sur l’avantage concurrentielle. Selon Porter (1985), la chaîne de valeur décrit l’ensemble

des activités nécessaires pour concevoir un produit ou un service, le gérer à travers

différentes phases de production, à sa distribution aux consommateurs finaux, puis à sa

destruction après utilisation. L’analyse de la chaîne de valeur décrit les activités internes et

externes à une entreprise, et les relie à une analyse de la position concurrentielle de

l’entreprise. Selon Porter, une entreprise a un avantage concurrentiel dépendant de la façon

dont elle gère ses activités et les liens entre ses activités. L’intérêt de cette approche est de

décomposer l’activité de l’entreprise en séquences d’opérations élémentaires et d’identifier

les sources d’avantages concurrentiels potentiels. Ces principales sources d’avantages

concurrentiels apparaissent en comparant la chaîne de valeur de l’entreprise avec les chaînes

de valeur des concurrents, lorsque cela est possible.

1.6.1.2 La chaîne globale de valeur

Selon globalvaluechains.org6 (2009), la chaîne globale de valeur décrit la panoplie complète

des activités mises en œuvre par les entreprises et les employés pour mener un produit de sa

conception à son utilisation finale et même au-delà. Cela inclut les activités telles que la

conception, la production, la commercialisation, la distribution et le service au consommateur

final. Ces activités peuvent se rapporter à une entreprise ou à plusieurs entreprises. Le

concept de chaine de valeur globale était initialement utilisé pour analyser l’impact de la

mondialisation sur le secteur industriel. Au fil du temps, le concept a évolué pour analyser

l’intégration économique des chaines internationales de production (Tallec et Bockel, 2005).

6 Le site web de globalvaluechains.org est l’interface utilisée par un réseau de chercheurs sur les chaînes

globales de valeur pour diffuser et disséminer les dernières publications et résultats de recherches sur la CGV.

Cette initiative a débuté en 2000 avec l’apport de chercheurs tels que Gary Gereffi (Centre sur la

mondialisation, la gouvernance et la compétitivité, Université de Duke, Etats Unis) ; John Humphrey (Institut

pour le développement, Université de Sussex, Royaume Uni) ; et Timothy Sturgeon (Centre sur la performance

industrielle, Institut de Technologie de Massachusetts). Cette initiative est maintenant aussi soutenue par les

Fondations Rockfeller et Alfred P. Sloan.

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81

L’approche de la chaine globale de valeur met en évidence un maillon dominant qui pilote le

reste de la chaine. Ce maillon stratégique selon Tallec et Bockel (2005) correspond « à une

firme dirigeante qui définit et impose plus ou moins fortement aux autres acteurs de la chaîne

les conditions de production et de mise à niveau, en termes de prix, de quantité et de

qualité. » Dépendant de la localisation du maillon stratégique dans la chaine de valeur, cette

dernière peut être ainsi pilotée par l’aval par les acheteurs ou par l’amont par les producteurs.

1.6.1.3 L’approche filière

Selon Raikes et al. (2000), la littérature francophone sur les analyses de filières agricoles

indique que l’approche filière francophone a débuté dans les années 1960 avec des études sur

l’agriculture contractuelle et l’intégration verticale dans le secteur agricole français. Cette

approche est ensuite utilisée dans les pays en voie de développement (ex-colonies françaises)

qui sont dépendants d’une ou plusieurs commodités agricoles telles que le café, le cacao, le

coton ou le sucre. L’approche par filière est appropriée dans le cas de ces ex-colonies car leur

secteur agricole se focalise sur très peu de commodités.

Terpend (1997) définit l’analyse économique par filière comme «une analyse de

l’organisation, à la fois sur un plan linéaire et complémentaire, du système économique d’un

produit ou d’un groupe de produits; c’est la succession d’actions menées par des acteurs pour

produire, transformer, vendre et consommer un produit. Ce produit peut être indifféremment

agricole, industriel, artistique, informatique, etc. ».

L’approche filière a été largement utilisée dans le secteur agricole et agroalimentaire, comme

le justifie Montigaud (1992) à trois niveaux : Premièrement le besoin pour l’état ou une

entreprise de comprendre tout ce qui entoure la production surtout dans un marché de plus en

plus globalisé ; deuxièmement, l’approche filière vient combler les manquements des

approches micro et macroéconomiques ; et troisièmement, cette approche adresse le besoin

de pluridisciplinarité dans la compréhension du fonctionnement du système agroalimentaire.

La notion de filière, nous rappelle Montigaud (1992), est en fait une méthode d’analyse et

non un outil de la théorie économique. Il propose quatre phases successives d’analyse :

description de la structure interne de chaque filière ; analyse du champ stratégique de la

grande distribution ; superposition de la grande distribution avec les filières ; et étude des

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82

conséquences de cette confrontation sur chaque filière. La filière est considérée dans un

premier temps comme une structure fermée. Le but est de caractériser des structures formant

partie de la filière telles que des entreprises qui sont classifiées en sous-systèmes. Les

relations entre ces entreprises et les sous-systèmes et entre le système sont aussi étudiées.

Puis les relations permanentes et réciproques entre les entreprises clés et les structures socio-

technico-économiques de leur environnement sont étudiées pour dégager les stratégies les

plus importantes. L’approche filière permet ainsi de mieux comprendre les stratégies des

acteurs, les mécanismes de structuration des prix et de coordination des acteurs, d’identifier

et de caractériser les contraintes au commerce d’un produit, et d’orienter l’action des

politiques publiques et des institutions. Elle permet d’avoir une vision sur l’activité

commerciale dans sa globalité et de préciser les interdépendances entre les différentes

composantes de la filière (Wade et al., 2004).

Selon Rastoin (2007), il est possible d’utiliser deux approches complémentaires dans

l’analyse de filière : premièrement l’approche amont-aval, de la matière première jusqu’au

consommateur final ou vers d’autres entreprises ; et deuxièmement, l’approche aval-amont,

du marché vers la matière première. Le support méthodologique de l’étude de filières selon

Montigaud (1992) « utilise conjointement et successivement des approches en termes de

systèmes, d’économie industrielle et de management. ». Ainsi Rastoin (2007) présente un

aperçu des méthodes d’analyse des filières agricoles qui ont été mobilisées depuis la création

du concept de filière. Les travaux se basant sur l’analyse de filière en France ont commencé

au début des années 1960 avec la modélisation des filières agricoles en utilisant la

comptabilité nationale (Bencharif et Rastoin, 2007). Ces méthodes sont ensuite complétées

par les travaux des planificateurs tels que Chervel (1987). Les premières analyses, pratiquées

par des économistes des services de planification s’intéressent à la formation des valeurs

ajoutées, aux niveaux relatifs des prix, aux échanges extérieurs aux filières (import-export),

entres autres. Les économistes industriels ont ensuite appliqué les méthodes telles que le

paradigme SCP (Structure, Comportement, Performances), puis l’analyse concurrentielle de

Porter (1993) et stratégique de Chevalier (1995). Ainsi, le modèle SCP est utilisé pour

examiner le comportement des firmes industrielles et mesurer leurs performances en partant

de la structure des marchés. Il est intéressant de noter ici que le modèle SCP est controversé

car il part d’un courant structuraliste qui accentue le caractère déterministe des structures sur

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83

les choix stratégiques des acteurs, à l’instar du caractère déterministe des premiers travaux

utilisant la sociologie néo-institutionnelle. La théorie de l’avantage concurrentiel de Porter va

ensuite être utilisée surtout en transposant le concept de chaîne de valeur à la filière. Ainsi

cette approche considère la répartition de la valeur du produit, observée au stade du

consommateur, entre les différents partenaires de la filière analysée.

D’autres travaux ont recours à des théories économiques telles que la micro-économie néo-

classique, et surtout l’économie néo institutionnelle pour étudier les formes de coordination

dans les filières agroalimentaires (Ménard, 2000). Cela a donné lieu à plusieurs travaux tels

Codron et al. (1998) sur les relations entre fournisseurs et distributeurs dans la grande

distribution alimentaire; utilisation de la théorie des coûts de transaction pour analyser les

modes de coordination des acteurs dans deux filières AOC (Barjolle et Chappuis, 2000), ou

l’analyse des stratégies de qualités dans les filières vinicoles (Rousset, 2004).

Vers les années 2000, l’approche par la chaîne globale de valeurs (CGV) est utilisée pour

apporter une dimension pluridisciplinaire à l’étude des filières et étudier la gouvernance des

filières et les modes de coordination des acteurs. Cette approche, qui s’inspire de l’économie

industrielle, de l’économie évolutionniste et de la sociologie des organisations, s’articule

autour de quatre dimensions principales : une structure input-output, un espace géographique,

un système de gouvernance, et un contexte socio-institutionnel.

Bencharif et Rastoin (2007) soulignent les raccordements théoriques liés aux quatre

dimensions de la CGV. Selon ces auteurs, la structure input-output peut être analysée à

travers la comptabilité de branche, la méthode des effets et les bilans de produits; la structure

géographique décrite par les structures de marché; le contexte socio-institutionnel étudié à

partir de l’économie néo-institutionnelle et de l’économie politique; et le système de

gouvernance qui emprunte aux sciences de gestion, à la théorie des coûts de transaction, à la

sociologie des organisations et aux sciences politiques.

L’approche CGV trouve des applications empiriques dans plusieurs filières comme les

services (Rabach et Kim, 1994), les produits illégaux (cocaïne) (Wilson et Zambrano, 1994),

les chaussures (Schmitz, 1999), l’automobile (Kaplinsky et Morris, 2001;Humphrey, 2003) et

l’habillement (Gereffi et Memedovic, 2003; Gereffi, 1999; Palpacuer et al., 2005; Palpacuer,

2006). Les filières agricoles ont aussi été étudiées en utilisant l’approche CGV telles que les

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fleurs coupées (Hughes, 2000; Wijinands, 2005; Mather, 2008 ; Pedrozo, 2010), le blé

(Bencharif et Rastoin, 2007), les fruits et légumes frais (Reynolds, 1994; Dolan et Humphrey,

2004; Bijman, 2006; Mather, 2008; Walter et Ruffier, 2007 ; Tozanli et El Hadad, 2007),

l’agroalimentaire (Palpacuer et Tozanli, 2008) entres autres.

Cependant la dimension socio-institutionnelle de l’approche CGV se base essentiellement sur

l’économie néo-institutionnelle pour aborder les règles, les normes et les aspects politiques

des filières. Bien qu’il y ait eu aussi une mobilisation de la sociologie des organisations pour

permettre de mieux comprendre l’offre et la structuration des acteurs dans les filières

agroalimentaires, comme par exemple l’application de Bréchet et Schieb-Bienfait (2005) sur

la filière des produits biologiques, nous avançons que la sociologie néo-institutionnelle

étendue a été très peu mobilisée pour analyser les changements qui se produisent au niveau

d’un champ organisationnel dans les filières agricoles et agroalimentaires. On ne retrouve

dans la littérature francophone et dans le secteur agroalimentaire qu’un travail sur les

entrepreneurs institutionnels du vin en France par Bourcieu et al. (2010). Il y a cependant

d’autres travaux francophones, européennes, et anglo-américaines qui empruntent le cadre

théorique de la SNI mais pas dans une perspective d’analyse de filière : la mobilisation contre

les organismes génétiquement modifiés (OGM) pour une agriculture durable (Brulé, 2009) ;

une méso analyse de la grande distribution agroalimentaire en Europe (Bager, 1997) ; et les

marques de distributeurs du terroir et la légitimité (Beylier et al., 2010). La section suivante

introduit la perspective institutionnelle dans l’analyse de filières agricoles.

Notre travail de recherche utilise donc une approche originale pour une analyse à deux

différents niveaux de filières agricoles : une méso analyse du champ organisationnel

représenté par la filière agricole et des interactions des différents acteurs principaux ; et une

micro-analyse du travail institutionnel de chaque acteur de la filière. Sous cet angle, la

sociologie néo-institutionnelle nous offre un champ théorique intéressant dans la mesure où

elle appréhende le fonctionnement des secteurs d’activités qui s’organisent autour

d’institutions héritées du passé et des règles de conduite et d’appartenances spécifiques.

D’autre part, les tenants de ce courant mettent en avant un cadre d’analyse original pour

intégrer la diversité des acteurs, à travers le concept de champ organisationnel.

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 1: LES APPORTS DE LA SOCIOLOGIE NEO INSTITUTIONNELLE A L’ANALYSE DE FILIERES

AGRICOLES

85

1.6.2 La perspective institutionnelle dans l’analyse de filières agricoles

La notion d’une filière agroindustrielle peut être schématisée selon la figure 1.6. Nous avons

rajouté une dimension institutionnelle pour rappeler que la filière opère dans un cadre

institutionnel qui influence le comportement des acteurs et qui est aussi influencé par les

acteurs.

Figure7 1.6: Modèle théorique 3: Schématisation du concept de filière

Source : l’auteur d’après (Rastoin, 2007)

Matières premières

Cœur de filière

(Transformation

industrielle)

Canaux de

distribution

Marché pertinent

(Produits

substituables)

Marchés

« amont »

(Fournisseurs)

Flux de produits

Chaîne de valeur

Flux monétaires

Marchés « aval »

(Clients)

Etat, Accords

Internationaux

Flux

d’informations

Environnement

institutionnel (formel et

informel)

Niveau Macro

Niveau Méso AVAL

AMONT

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 1: LES APPORTS DE LA SOCIOLOGIE NEO INSTITUTIONNELLE A L’ANALYSE DE FILIERES

AGRICOLES

86

Le tableau 1.7 résume les approches théoriques et méthodologiques utilisées dans l’analyse

de filière d’après Bencharif et Rastoin (2007). Nous y avons rajouté l’utilisation de notre

cadre conceptuel.

Tableau8 1.7: Typologie de la recherche en analyse de filière appliquée à l’agroalimentaire

Types de travaux Bases théoriques et méthodologiques Date

Agribusiness et complexe

agroindustriel

Analyse input/output, économie industrielle 1957

Structure des marchés Micro-économie néo-classique 1980

Coordination des acteurs Economie néo-institutionnelle, Théorie des

coûts de transactions

1990

Dynamique et prospective Théorie des systèmes et analyse stratégique 1995

Chaîne globale de valeur Approche multidisciplinaire (économie,

gestion, sociologie)

2000

Changement institutionnel Sociologie néo-institutionnelle, entrepreneuriat

institutionnel, logique institutionnelle, travail

institutionnel

2013

Source : L’auteur adapté de (Bencharif et Rastoin, 2007)

La pertinence de l’utilisation de la sociologie néo-institutionnelle étendue dans une analyse

de filière agricole réside à quatre niveaux :

Premièrement, l’unité d’analyse de l’approche filière (la filière de production d’un

produit) et l’unité d’analyse de la SNI (le champ organisationnel) ont des similarités.

Ainsi si nous comparons la définition de Tallec et Bockel (2005) sur la filière de

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 1: LES APPORTS DE LA SOCIOLOGIE NEO INSTITUTIONNELLE A L’ANALYSE DE FILIERES

AGRICOLES

87

production7 et la définition de DiMaggio et Powell (1983) sur le champ

organisationnel8 nous observons que l’accent est mis sur les agents et organisations

qui opèrent dans un marché pour un même produit. Le niveau d’analyse est méso-

économique dans les deux cas. Selon Fligstein (2001), les champs organisationnels

sont des arènes où interagissent les acteurs en place, qui bénéficient des arrangements

existants, et les contestataires, qui eux ont pour objectif de changer les règles pour

satisfaire leurs propres intérêts. Ainsi, en assimilant une filière de production à un

champ organisationnel, nous nous trouvons en mesure d’utiliser les éléments d’une

analyse institutionnelle sociologique tels le niveau de structuration de la filière, les

conditions au niveau de la filière entres autres pour comprendre les facteurs qui

peuvent favoriser une déstructuration de la filière de production.

Deuxièmement, l’utilisation de la SNI étendue dans une analyse de filière permet de

compléter cette analyse par une dimension sociologique et institutionnelle. Ainsi

selon Tallec et Bockel (2005), dans une analyse de filière classique, il y a tout d’abord

une analyse institutionnelle (identification des flux et des acteurs qui opèrent dans la

filière de production et analyse des nœuds de décisions et de collaboration entre les

acteurs); une analyse comparative (analyse des aspects concurrentielles dans des

filières connexes telles que les marges et les stratégies des acteurs); une analyse

fonctionnelle (identification des contraintes en amont et en aval de la filière), et une

analyse économique (utilisation d’outils de modélisation). Nous avançons que la SNI

étendue peut renforcer l’analyse institutionnelle des filières en mettant l’accent sur

l’aspect sociologique des interactions entre les acteurs et les piliers institutionnels. La

SNI se base sur les racines théoriques empruntées à des domaines divers chers aux

7 «l’ensemble des agents (ou fractions d’agent) économiques qui contribuent directement à la production, puis

à la transformation et à l’acheminement jusqu’au marché de réalisation d’un même produit agricole (ou

d’élevage)». (TALLEC, F. & BOCKEL, L. 2005. L'approche Filière. Analyse Fonctionnelle et Identification des Flux.

In: FAO (ed.) EASYPol. Rome: Food and Agriculture Organization.)

8 « les organisations, qui collectivement, constituent une zone reconnue de vie institutionnelle : les

fournisseurs clés, les demandeurs de ressources et de produits, les organismes de règlementation, et toutes

autres organisations produisant des produits et services similaires». (DIMAGGIO, P. J. & POWELL, W. W. 1983.

The Iron cage revisited: Institutional isomorphism and collective rationality in organizational fields. American

Sociological Review, 48, 147-160.)

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 1: LES APPORTS DE LA SOCIOLOGIE NEO INSTITUTIONNELLE A L’ANALYSE DE FILIERES

AGRICOLES

88

sociologues tels que la phénoménologie, l’ethnométhodologie et la psychologie

cognitive. La pertinence du SNI se situe dans ses idées autour des structures

institutionnelles cognitives et normatives prises pour acquises et qui soit contraignent

les acteurs ou les soutiennent dans leurs actions. Ainsi, la perspective de la sociologie

néo-institutionnelle dans une analyse de filière nous permet de souligner l’importance

des institutions dans le fonctionnement des acteurs individuels et des organisations

dans la filière.

Troisièmement, la SNI nous permet de ramener l’analyse au niveau micro pour

comprendre les stratégies institutionnelles des acteurs d’une filière à travers les

concepts de l’entrepreneur institutionnel et du travail institutionnel. En utilisant les

apports des travaux sur l’entrepreneuriat institutionnel, nous arrivons à comprendre

quels sont les facteurs qui peuvent amener des entrepreneurs institutionnels à émerger

dans une filière de production ; et quelles peuvent être les stratégies institutionnelles

utilisées par les acteurs pour mener à bien leurs projets. De plus, il est aussi

intéressant de comprendre les actions collectives des différents acteurs vis à vis des

institutions soit pour la création, le maintien ou la déstabilisation institutionnelle.

Quatrièmement, l’utilisation de la SNI étendue donne la possibilité d’analyser les

effets d’un choc exogène à la filière en sus des changements endogènes, et les

répercussions sur les comportements stratégiques des acteurs et de déterminer si le

processus de changement institutionnel a été enclenché dans la filière.

Dans cette section, nous avons explicité comment l’utilisation de la perspective néo-

institutionnaliste dans une analyse de filière agricole peut nous apporter des éléments de

compréhension par rapport au travail institutionnel effectué par les acteurs/organisations sur

les institutions.

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 1: LES APPORTS DE LA SOCIOLOGIE NEO INSTITUTIONNELLE A L’ANALYSE DE FILIERES

AGRICOLES

89

SECTION 6 : Proposition d’un modèle conceptuel

Dans cette section, nous allons élaborer un modèle conceptuel, utilisant la perspective néo-

institutionnelle dans l’analyse de filières agricoles, basé sur les différents modèles théoriques

conçus dans les sections précédentes de ce chapitre. Notre modèle conceptuel utilise comme

grille de lecture un croisement de la littérature sur les logiques institutionnelles et la

littérature sur le travail institutionnel.

1.6.3 Proposition d’un modèle conceptuel utilisant la perspective néo-

institutionnelle dans l’analyse de filières agricoles

En utilisant les différents modèles théoriques (Figures 1.1, 1.2, 1.3, et 1.6) qui nous ont

semblé pertinents tout au long de notre revue de littérature, nous proposons un modèle

conceptuel (Figure 1.7) qui synthétise notre apport théorique de l’utilisation de la perspective

néo-institutionnelle dans l’analyse de filières agricoles.

La première partie de ce modèle conceptuel représente la schématisation d’une filière de

production avec un accent mis sur deux éléments importants de la filière : les acteurs

(individuels et les organisations) et la relation dans les deux sens (flèche 1 et 2) qui existent

entre eux et les piliers institutionnels (régulateurs, normatifs et culturel-cognitifs). Pour les

besoins de notre étude, nous nous focalisons sur l’influence des acteurs de la filière sur les

piliers institutionnels (flèche 2). Nous développons cette influence dans la deuxième partie du

modèle en essayant de comprendre l’apport des caractéristiques des acteurs et du champ

organisationnel sur l’intentionnalité des acteurs d’entreprendre un ou plusieurs types de

travail institutionnel (création, maintien ou destruction des institutions). Suite à ce travail

institutionnel, les acteurs mobilisent de façons stratégiques des ressources pour légitimer

leurs actions. Ces actions peuvent ou pas déboucher sur un changement institutionnel qui

affectera la filière et ses acteurs. La filière étant dynamique, le même processus

recommencera dès qu’un ou plusieurs acteurs décident de s’engager dans un travail

institutionnel.

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 1: LES APPORTS DE LA SOCIOLOGIE NEO INSTITUTIONNELLE A L’ANALYSE DE FILIERES

AGRICOLES

90

Figure8 1.7: Proposition d’un modèle conceptuel de l’utilisation de la perspective néo-

institutionnelle dans l’analyse de filière

Source: l’auteur

Notre revue de littérature autour du champ théorique de la sociologie néo-institutionnelle

nous a permis d’identifier les faiblesses de la SNI qui ont abouti à l’inclusion des recherches

sur l’entrepreneuriat institutionnel. Cependant les critiques sur la notion de l’entrepreneur

institutionnel ont subséquemment donné lieu à l’approche par le travail institutionnel qui

permet de prendre en considération tous les précédents travaux mais en rendant compte de la

multiplicité d’actions agentiques dans un champ organisationnel. De plus, nous utilisons un

autre pan de la littérature néo-institutionnelle qui a évolué autour du concept de logique

institutionnelle définit par Thornton et Ocasio (2008) comme les symboles culturels et les

pratiques matériels, incluant les hypothèses, les valeurs, et les croyances socialement et

historiquement construits, et qui sont utilisés par les individus et les organisations pour

donner un sens à leurs activités quotidiennes, les aider à organiser leur temps, et à reproduire

leurs expériences. La perspective des logiques institutionnelles est une meta théorie pour

analyser les interrelations entre les institutions, les individus et les organisations dans des

systèmes sociaux.

Les stratégies

de légitimation

des acteurs

Intentionnalité

des acteurs Type de

travail

institutionnel

Acteurs clés d’une filière

(individuels et

organisations)

Institutions

Pilier

Régulateur

Pilier

Normatif

Pilier

Culturel-

cognitif

Créer des

institutions

(Entrepreneuriat

institutionnel)

Maintenir des

institutions

Déstabiliser des

institutions

Champ organisationnel de la filière

(niveau méso)

Mobilisation

des

ressources

Processus du

changement

institutionnel

Type d’action

agentique

Les caractéristiques du champ

organisationnel

Les

caractéristiques

des acteurs

1 2

Les logiques

institutionnelles

de la filière

Formes de

travail

institutionnel

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 1: LES APPORTS DE LA SOCIOLOGIE NEO INSTITUTIONNELLE A L’ANALYSE DE FILIERES

AGRICOLES

91

Nous allons utiliser cette grille de lecture dans le secteur agricole pour une analyse de filière

agricole. Ainsi pour comprendre le changement ou le maintien institutionnel qui peut avoir

lieu dans une filière, nous allons utiliser les apports du travail institutionnel et les relier à la

nature des interactions entre les organisations au niveau du champ organisationnel. Le niveau

de structuration des organisations dans un champ organisationnel est mesuré par des

indicateurs tels que le degré d’interaction entre les organisations, l’émergence de structures

inter organisationnelles de domination et d’alliance, l’accord sur les logiques institutionnelles

qui guident les activités du champ, le degré d’isomorphisme des formes structurelles par

rapport aux organisations qui utilisent un répertoire limité d’archétypes et d’activités

collectives ; et aussi une délimitation très clair des frontières du champ. En effet, la

structuration est un processus qui selon Greenwood et al. (2002) « décrit le processus de

maturité graduelle et de spécification des rôles, des comportements, et des interactions des

communautés d’organisations ». Cependant les frontières des champs et les comportements

ne sont pas fixes indéfiniment mais sont sujets à des conflits (Holm, 1995, Scott et al., 2000)

qui peuvent causer une déstructuration.

Notre cadre de référence conceptuel se base donc sur les récentes recherches sur le travail

institutionnel (Lawrence et Suddaby, 2006 ; Lawrence et al., 2009a, Lawrence et al., 2013) et

sera utilisé pour répondre à notre question suivante :

« Sous quelles conditions les acteurs d’une filière agricole mettent en œuvre

différents types (et formes) de travail institutionnel pour modifier les logiques

institutionnelles existantes de la filière ? »

Cette question de recherche utilise une variable dépendante, le type de travail institutionnel,

la création, le maintien ou la déstabilisation des institutions qui donne lieu à différents formes

de travail institutionnel (travail identitaire, travail sur les valeurs, travail culturel etc.). A

travers cette problématique, nous essayons de déterminer quels sont les facteurs explicatifs du

choix du type de travail institutionnel par les nouveaux acteurs d’un champ organisationnel,

et ensuite d’analyser les stratégies institutionnelles utilisées par les acteurs en place,

exprimées sous différentes formes de travail institutionnel, face aux nouvelles logiques

institutionnelles. Le schéma présenté dans la figure 1.8 synthétise les relations entre notre

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 1: LES APPORTS DE LA SOCIOLOGIE NEO INSTITUTIONNELLE A L’ANALYSE DE FILIERES

AGRICOLES

92

variable dépendante représentant le choix du type de travail institutionnel et les variables

indépendantes.

Figure9 1.8: Schématisation des variables dépendantes et indépendantes de la question de

recherche

Dans cette section, nous avons ainsi proposé un cadre conceptuel qui met en relation les

caractéristiques du CO (degré d’institutionnalisation et l’hétérogénéité des logiques

institutionnelles) et des acteurs (l’orientation et la position sociale) et le type de travail

institutionnel (création, maintien ou destruction). Ce modèle doit maintenant être appliqué

aux filières agricoles de l’Ile Maurice et en particulier les filières sucre et légumes qui ont

subit un choc exogène. Le chapitre 2 présentera les caractéristiques de ces 2 CO qui nous

serviront de terrain d’application de notre modèle et nous aidera à développer nos

propositions de recherche.

Variable dépendante

Choix du type de

travail institutionnel

Variables

indépendantes

Facteurs

explicatives

Créer

Maintenir

Destabiliser

Processus de

changement

institutionnel

Déterminants du

travail institutionnel

Type de

Travail

institutionnel

Conséquences

du travail

Institutionnel

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 1: LES APPORTS DE LA SOCIOLOGIE NEO INSTITUTIONNELLE A L’ANALYSE DE FILIERES

AGRICOLES

93

Conclusion du chapitre 1

Ce chapitre nous a permis de passer en revue l’évolution de l’utilisation de la théorie néo-

institutionnelle dans les études organisationnelles de la fin des années 1970 avec les travaux de

Meyer et Rowan (1977) aux récentes études sur le travail institutionnel (Lawrence et Suddaby;

2006 ; Lawrence et al., 2009b ; Lawrence et al., 2013).

Les premiers travaux des années 1980 mettent l’accent sur le phénomène de mimétisme à travers

lequel les organisations adoptent des comportements similaires dans leur champ organisationnel

pour devenir isomorphes et ainsi se légitimer. En considérant que les institutions subissent des

pressions et changent, les travaux qui suivent se concentrent sur le changement institutionnel en

décrivant essentiellement des chocs exogènes qui défient les institutions. Suite au plaidoyer de

DiMaggio (1988) pour rendre compte de l’action agentique dans l’analyse institutionnelle, les

chercheurs se sont concentrés sur les sources endogènes de changement institutionnel et

notamment le rôle des acteurs. DiMaggio (1988) introduit ainsi le concept d’entrepreneur

institutionnel, en se basant sur les travaux de Eisenstadt (1980 ) pour décrire le rôle des acteurs et

de leurs actions dans la création, diffusion et stabilisation des institutions. L’article de DiMaggio

inspire de nombreux travaux sur l’entrepreneuriat institutionnel de 1990 à 2010. Cependant, Holm

(1995) soulève le paradoxe de l’acteur encastré qui relève de la tension qui existe entre les

structures institutionnelles de nature déterministes et l’action agentique. Des critiques sur le

caractère héroïque de l’entrepreneur institutionnel et l’oubli du rôle des autres acteurs poussent

certains chercheurs à développer l’approche du travail institutionnel. Le travail institutionnel

entend ainsi prendre en considération le rôle agentique de tous les acteurs d’un champ

organisationnel dans le processus de création, de maintien, ou de déstabilisation des institutions.

Cette revue de littérature sur la sociologie néo institutionnelle et ses nouvelles approches en études

des organisations, nous donne une grille de lecture et un référentiel théorique basés sur le travail

institutionnel, tout en gardant la richesse des travaux sur l’entrepreneuriat institutionnel sans

tomber dans sa démesure. Ce cadre de référence théorique nous permet de proposer un modèle

conceptuel. Pour nous permettre de relier ce modèle conceptuel à un contexte empirique, nous

décrivons le contexte de notre recherche dans le prochain chapitre

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

Chapitre 1:

Les apports de la sociologie néo institutionnelle

à l’analyse de filières agricoles

PREMIERE PARTIE:

L’ANCRAGE THEORIQUE ET

LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

Chapitre 2 :

Le contexte de la recherche :

Les filières canne à sucre et légumes mauriciennes

Chapitre 3 : Les propositions de recherche

Conclusion de la partie théorique et contextuelle

Résumé d’un cadre d’analyse de l’apport des logiques institutionnelles

et du travail institutionnel dans une analyse de filière

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

95

Chapitre 2 : Le contexte de la recherche : Les filières

canne à sucre et légumes mauriciennes

Introduction

La République de Maurice (désormais Maurice), est un état insulaire situé dans l’ouest de

l'océan indien, et comprend l’île principale, Maurice, et les îles avoisinantes tels que

Rodrigues, Agalega, St Brandon, Tromelin et des petits îlots. Maurice a été successivement

colonisée par les hollandais, les français et les britanniques avant d’acquérir son indépendance

le 12 mars 1968, et le statut de république, le 12 mars 1992. Maurice compte

approximativement 1,3 millions d’habitants de cultures et d’origines divers à ce jour. La

surface totale de la république mauricienne est de 2045 km2, avec une zone économique

exclusive de 1,9 million km2

. Les îles Maurice et Rodrigues comptent 1969 kilomètres carrés

(186500 hectares).

En se référant à l’histoire de Maurice, la forte dépendance de ce pays sur la culture

commerciale de la canne à sucre est presque tricentenaire. Cette monoculture a contribué au

développement économique du pays en lui permettant d’investir dans d’autres piliers de

l’économie tels que le secteur manufacturier (notamment les usines de textile), le secteur du

tourisme, et plus récemment le secteur des services financiers. Cela explique pourquoi la

réforme du protocole sucre entre l’UE et les pays ACP en 2006, a causé une pression exogène

forte sur la filière sucre avec pour conséquence une restructuration de cette filière. Une filière

voisine, la filière légumes a subi à son tour une pression indirecte avec l’entrée de nouveaux

acteurs venant de la filière sucre.

Ce chapitre a pour objectif de décrire la structure et le fonctionnement de la filière canne à

sucre et de la filière légumes pour que l’on puisse bien saisir les enjeux de chaque filière.

Nous décrirons ensuite le choc exogène, causé par la réforme du protocole sucre, avec des

conséquences directes sur la filière sucre et indirectes sur la filière légumes.

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

96

SECTION 1 : La genèse du secteur agricole mauricien

Cette première section a pour objectif de préciser les conditions naturelles et historiques qui

ont aidé à façonner le secteur agricole mauricien. Nous verrons ce que les différentes périodes

de colonisation de Maurice ont apporté au développement des filières agricoles et l’emphase

sur la filière canne à sucre pendant les quatre décennies qui ont suivi l’indépendance de

Maurice.

2.1 Le contexte économique de la république de Maurice : Un bref

profil

D’après l’African Economic Outlook (AEO, 2011), la République de Maurice a mis l’accent

sur la diversification des quatre piliers de son économie- le sucre, le textile, le tourisme et les

services financiers pour pallier les chocs, accroitre sa productivité et sa compétitivité, et

encourager la croissance économique et la création d’emplois.

Le Produit Intérieur Brut (PIB) est passé de 3,1 % en 2009 à 4,1 % en 2010, et le pays a pu

maintenir une croissance économique malgré les défis au niveau local et international. Le taux

d’inflation est passé de 2,5 % à 2,9% de 2009 à 2010. En 2010, les arrivées touristiques

étaient estimées à 934000 personnes équivalentes à des revenues de l’ordre de MUR 10,6

milliards. Le secteur primaire (essentiellement le secteur agricole) a connu une baisse de

croissance (-2,5%) en 2010 à comparer à une baisse de 8,7% en 2009. Le secteur secondaire a

aussi connu une légère baisse de croissance (-2,9%) en 2010 contre -3% en 2009. Le secteur

tertiaire lui a connu un taux de croissance de +4,8% en 2010 contre +2,8% en 2009.

Les principaux partenaires commerciaux de Maurice restent la France et la Grande Bretagne.

Cependant Maurice a aussi de nouveaux alliés économiques tels que l’Inde et la Chine pour le

commerce et l’investissement. D’autres partenaires émergents sont la Malaisie, Singapour et

les Emirats Arabes Unis.

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

97

2.2 Le secteur agricole mauricien : historique et bilan

Cette section présente l’apport de l’histoire au développement du secteur agricole mauricien.

Nous pensons que comprendre les étapes qui ont menées à la formation de différentes filières

de production agricoles depuis la colonisation de l’ile est importante car cela nous renseigne

sur la formation des institutions qui structurent les filières et les actions des acteurs qui y

opèrent.

2.2.1 Des colonies à l’indépendance en 1968

L’île Maurice, nommée Mauritius par les hollandais lors de la prise de possession de l’île en

1598, a connu ses premiers actes d’agriculture en 1639 après l’installation des hollandais en

1638 à travers la Compagnie Hollandaise des Indes Orientales. Le développement de la

culture de la canne à sucre à Maurice est étroitement lié à l’histoire du pays et de son

peuplement. Les premières tiges de canne à sucre furent introduites à Maurice en novembre

1639 de Java, de même que des semences, des fruits, et des animaux. La production de sucre

n’étant pas viable à l’époque, l’accent était mise sur la production de l’arrack, l’ancêtre du

rhum, produit de la fermentation de la canne à sucre. Ce n’est que vers la fin du 17e siècle que

les hollandais se tournèrent vers la production du sucre roux et raffiné en utilisant des esclaves

africains comme main d’œuvre. Les hollandais ont aussi introduit d’autres cultures tels que

les cultures vivrières, le maïs, la patate douce, le riz, le blé, le tabac, l’indigo, la vigne, les

légumes, l’ananas et d’autres fruits (Manrakhan, 1997). Cependant les hollandais durent

abandonner Maurice en 1710 à cause de problèmes tels que les dégâts causés aux productions

agricoles par les cyclones, les sècheresses et les rats.

Les français prirent possession de l’île Maurice en 1715 et la renommèrent l’Isle de France.

Les premiers colons français arrivèrent en 1721, mais l’île commença à prospérer

économiquement à partir de 1735 avec l’arrivée de Mahé de Labourdonnais, administrateur

employé par la Compagnie Française des Indes Orientales. Sous l’administration de

Labourdonnais, Maurice devint un centre majeur en termes d’activités commerciales,

maritimes et militaires. Le tableau 2.0 présente les cultures agricoles vers le milieu du 18e

siècle jusqu’au début du 19e siècle.

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

98

Tableau9 2.0: Cultures agricoles sous l'occupation française de Maurice

Cultures agricoles (Tonnes)

Période Milieu des

années 1760

Milieu des

années 1770

Vers la fin des

années 1780

Début des

années 1800

Clous de girofles * 5 5 15

Café * * 125 175

Coton * 20 150 70

Graines 70 100 70 *

Indigo * * 1 35

Mais 780 1750 890 Pas disponible

Manioc Pas disponible Pas disponible 7500 Pas disponible

Riz 240 150 70 Pas disponible

Sucre Pas disponible 225 2750 4000

Blé 160 500 330 Pas disponible

Clé : * - pas de production Source : (Manrakhan, 1997)

L’Isle de France fut capturée par les anglais en 1810, officiellement cédée par la France en

1814, et sera rebaptisée Maurice. Le gouverneur anglais, Sir Robert Farquhar joua un rôle

important dans la promotion de la culture de la canne à sucre en demandant au parlement

britannique la baisse de la taxe de sortie sur le sucre mauricien en 1826. Plusieurs facteurs à

ce moment contribuent au développement de l’industrie sucrière mauricienne : la baisse sur la

taxe de sortie pour le sucre exporté, la compensation de 2,1 millions de livre sterlings

accordée aux producteurs sucriers pour la libération des esclaves, l’arrivée des travailleurs

indiens sous contrat dans les champs de canne, ainsi que des progrès techniques au niveau des

champs et des usines sucrières.

Vers les années 1830, il y avait 16000 hectares sous culture de canne à sucre avec une

production annuelle de 35000 tonnes de sucre. Avec l’affranchissement des esclaves en 1835

et l’arrivée des travailleurs indiens, l’industrie sucrière connut une expansion à partir de 1840.

La superficie sous canne à sucre passa à 51000 hectares et la production sucrière tourna

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

99

autour de 125000 à 130000 tonnes par an. La Station Agronomique, un centre de recherche

agricole, fut mis sur pied en 1893.

Au début du 20e siècle, le nombre d’usines sucrières en opération fut réduit de 303 en 1863 à

80 en 1903, et un tiers des superficies sous canne à sucre appartenaient aux petits producteurs

d’origine indienne. Maurice bénéficia aussi d’un marché garanti et de prix élevés grâce au

système impérial britannique pour l’exportation du sucre sur le Royaume Uni. L’accord

international sur le sucre devint opératoire en 1953 et permit à Maurice de bénéficier de prix

et de marchés garantis.

En 1960, une commission présidée par le professeur J.E Meade (Prix Nobel d’Economie en

1977) travailla sur la structure économique et sociale de Maurice et conclut, par rapport au

secteur agricole, qu’il fallait réduire l’expansion de l’industrie sucrière, et augmenter la

production de cultures vivrières, légumes, et production animale. Trois ans plus tard, une

deuxième commission sur l’industrie sucrière mauricienne, présidée par le Dr T Balogh de

l’université d’Oxford, émit des avis contraires au rapport Meade. Le rapport Balogh

recommanda la contribution et la collaboration de l’industrie sucrière pour la diversification

de l’économie mauricienne. Les recommandations du rapport Meade furent cependant

implémentées avec l’objectif principal de réduire les importations et créer l’emploi à Maurice.

Après l’indépendance de Maurice en 1968, le pays connut une nouvelle phase

d’industrialisation avec la création de la zone franche manufacturière en 1970. Ainsi

commença la diversification massive de l’économie mauricienne en utilisant les revenues de

l’industrie sucrière.

2.2.2 De l’indépendance en 1968 à nos jours

Au début des années 1970, la répartition des terres à Maurice était à prédominance agricole

(48,3%) sur les 186500 hectares de terres disponible (Figure 2.0).

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

100

Figure10 2.0: Répartition des terres au début des années 1970

Source : (Manrakhan, 1997)

Vers le milieu des années 70, il y a eu une transition marquée dans l’économie du pays, d’une

prédominance agricole à une économie basée sur l’industrie, le secteur des services et le

tourisme. Bien que l’importance du secteur agricole ait connu une baisse au fil du temps, ce

secteur a quand même retenu une place importante dans l’économie du pays surtout par

rapport à la filière sucre. La contribution de secteur agricole au PIB est ainsi passée en 40 ans

de 23 % en 1970 (Manrakhan, 1997, p6) à 3,8 % en 2010 (Figure 2.1). Ce déclin est

essentiellement dû à la baisse de production agricole au niveau de la canne à sucre, des

cultures vivrières et de la production animale. En parallèle, d’autres piliers de l’économie, tel

que le secteur des services, notamment le secteur financier et l’hôtellerie ont pris une

importance grandissante. D’après la Chambre de Commerce et d’Industrie de Maurice

(MCCI, 2011), il y a eu une baisse de 4,6 % en termes de valeur ajoutée du secteur agricole de

10,8 à 10,3 milliards de roupies en 2010, bien que l’industrie sucrière se soit tournée vers la

production de sucre raffiné à haute valeur ajoutée.

Zones de construction

14%

Réservoirs et routes3%

Forêts et paturages35%

canne à sucre45%

thé2%

Autres cultures 1%

Production Agricole48%

Début des années 1970

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

101

Figure11 2.1 : Contribution du secteur agricole au PIB de 1980 à 2010

Source : (CSO, 2010)

Maurice, avec 1,3 millions d’habitants, consomme autour de 630000 tonnes par an de produits

alimentaires sous diverses formes-matières premières, produits frais, surgelés, transformés,

etc. Le pays ne produit que 27% de cette consommation. En 2010, les importations de

produits alimentaires (produits de consommation et animaux vivants) se sont chiffrées à 24

millions de roupies ce qui représentent 17,7 % de la totalité des importations du pays (Figure

2.2).

Figure12 2.2 : Importation de produits alimentaires et animaux vivants 2000-2010

Source : (CSO, 2010)

17

74.3 3.8

2624

2220.1

57

69

7476.3

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

1980 2005 2009 2010

Co

ntr

ibutio

n a

u P

IB (

%)

Année

Secteur Agricole (%) Industrie (%) Secteur des Services (%)

12,6 %

14,8 %

17,7 %

0.0

2.0

4.0

6.0

8.0

10.0

12.0

14.0

16.0

18.0

20.0

2000 2005 2010

% d

e la

to

tali

té d

es

imp

ort

atio

ns

Importation de Produits Alimentaires et Animaux vivants

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

102

2.2.2.1 Le secteur non-sucre

Le secteur agricole mauricien est arbitrairement divisé en deux grandes catégories : le secteur

sucre et le secteur non-sucre (littéralement, toutes les productions agricoles (végétales et

animales) autre que la production de la canne à sucre). La description du secteur sucre sera

reprise en détail dans la section 2.3. Nous nous attarderons ici à décrire dans les grandes

lignes le secteur non-sucre, avant de détailler la filière qui nous intéresse dans ce secteur,

notamment la filière des légumes, dans la section 2.4.

Le secteur non sucre de l’agriculture mauricienne est divisé en deux grandes catégories

(Tableau 2.1) : les activités primaires (horticulture, élevage et aquaculture), et les activités

secondaires de transformation (l’agro-industrie). Les activités sont classées par ordre

d’importance par rapport à leur contribution au secteur non-sucre.

Les caractéristiques du secteur non-sucre sont les suivantes :

Une grande partie du secteur est constituée de production de produits frais (légumes,

fruits) consommés sans transformation.

L’aviculture (notamment le poulet de table) représente la part la plus importante de la

production animale de Maurice avec une intégration verticale de la production des

poussins jusqu’à la transformation de la volaille pour le marché domestique.

Le secteur de l’agro-industrie est aussi constitué d’un nombre restreint d’entreprises

engagées dans la production de produits de base tels que la farine de blé, l’huile

comestible, les produits laitiers frais, les provendes (aliments pour animaux) ; la

margarine entres autres. Cependant il y a une dépendance forte sur les matières

premières importées.

Il y a en parallèle de nombreuses petites entreprises semi-industrielles ou artisanales

utilisant dans la plupart des cas des intrants locaux.

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

103

Tableau10 2.1 : Structure du secteur agricole non-sucre

Activités Primaires Activités Secondaires (Transformation)

Horticulture Elevage Aquaculture Industrielle Semi-

industrielle Artisanale

Gra

nd

e Im

po

rta

nce

Légumes Avicole Conserverie de thon

Minoterie

Provenderie

Raffinerie d’huile

Volaille

Fleurs

Moyen

ne

imp

ort

an

ce

Fruits Porcin Produits laitiers

Fruits et légumes

Pâtes/nouilles

Boulangerie

Pâtisserie

Confiserie

Fruits et

légumes

Moin

dre

im

port

an

ce

Bovin

Ovin

Caprin

Pisciculture

Crustacés

Pâtes/

Nouilles

Produits

laitiers

Fruits et

légumes

Pâtes/

Nouilles

Produits

laitiers

Boulangerie

Pâtisserie

Source : Adapté de (Humbert, 2003)

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

104

Les indicateurs du secteur non-sucre

La figure 2.3 montre l’importance grandissante du secteur non-sucre par rapport au secteur

sucre à partir de 2006.

Figure13 2.3 : Contribution du secteur non-sucre au PIB de 2000-2010

Source : (CSO, 2010)

Ce graphique nous démontre la baisse de la contribution de l’industrie sucrière à partir des

années 2000 tournant autour de 3% pendant quelques années pour continuer à baisser à partir

de 2006 et arriver à 1,1 % en 2010. En parallèle, le secteur non-sucre a connu une légère plus

grande contribution au PIB à partir de 2007 pour tourner autour de 2,5%.

Le graphique suivant (Figure 2.4) illustre l’évolution de la production totale de produits

agricoles non sucre à Maurice de 1970 à 2000, en faisant la différence entre produits

primaires et produits secondaires (transformés).

Figure14 2.4: Evolution de la production de produits primaires et transformés de 1970-2000

Source :(Humbert, 2003)

1976 1980 1985 1990 1995 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010

Sucre 17.8 8.1 11.1 8.1 5.8 3.3 3.7 2.9 3.1 3.2 3.0 2.6 2.0 1.8 1.4 1.1

Non Sucre 4.7 4.3 4.2 4.0 3.7 3.2 3.2 3.0 2.9 2.9 2.7 2.6 2.5 2.3 2.5 2.5

0.0

2.0

4.0

6.0

8.0

10.0

12.0

14.0

16.0

18.0

20.0

% P

IB

Annonce par l'UE de la

réforme du

protocole sucre

Fin du protocole

sucre

0

50

100

150

200

250

300

350

1970 1975 1980 1985 1995 2000

Ton

ne

s

Produits primaires

Produits transformés

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

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105

Il ressort de ce graphique que la production totale du secteur non sucre a doublé sur la période

1970 à 2000. Cependant c’est l’agro-industrie qui a contribué à cette croissance.

2.2.2.2 Les politiques de diversification agricoles mauricienne du secteur

non-sucre: de l’indépendance à 2008

En 1968/69, Maurice, jeune pays indépendant, adopte des mesures pour sortir de l’austérité :

les priorités sont axées sur le développement du secteur agricole, le tourisme et le secteur

manufacturier. Avec une coupe record de 718000 tonnes de sucre en 1973, le pays a connu

une période de prospérité de 1973 à 1979. Les investissements furent concentrés en priorité

sur le secteur manufacturier et le secteur du tourisme, négligeant le secteur agricole. En dix

ans depuis l’indépendance, le pays se retrouva dans l’austérité avec à la clé une dévaluation

de la roupie mauricienne en 1979. Malgré l’accent sur le secteur sucrier, il y eut à travers les

années de grandes orientations politiques (Tableau 2.2) au niveau national pour développer le

secteur non-sucre.

Tableau11 2.2: Les principales initiatives des politiques publiques dans le secteur non-sucre de

1970 à 2008

Année Principales initiatives des politiques publiques

1974 National Foodcrop Production Committee

1979 National Agricultural Production Conference

1980 High Powered Committee

1983 White Paper on Agricultural Diversification

1988 Sugar Industry Efficiency Act

2003 Non Sugar Sector Strategic Plan 2003-2007

2007 Strategic Options for Crop Diversification and Livestock 2007-2015

2008 A Sustainable Diversified Agri-Food Sector Strategy for Mauritius 2008-2015

2008 Food Security Fund Committee Strategic Plan 2008-2011

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CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

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106

Les politiques agricoles mauriciennes de diversification peuvent être catégorisées en quatre

décennies distinctes : Les années 1970, 1980, 1990, et 2000

Première décennie: Les années 1970

Vers le milieu des années 1970; les acteurs clés du secteur agricole mauricien se rendirent

compte qu’il fallait à tout prix diversifier la production agricole pour réduire la dépendance

sur l’importation due à l’inflation grandissante dans le monde et les conséquences de la

flambée du prix du pétrole sur l’économie mauricienne.

Une première stratégie de diversification agricole vit le jour en 1974 et dura jusqu’à 1990. Un

comité national sur les cultures vivrières (National Foodcrop Committee) fut établi la même

année. Ce comité recommanda une politique de substitution à l’importation pour atteindre

l’autosuffisance pour certaines commodités agricoles pour réduire la dépendance de Maurice

des importations de produits alimentaires.

En 1979, une conférence nationale sur la production agricole (National Agricultural

Production Conference) fut tenue avec pour objectif de donner un nouveau départ à la

diversification agricole.

Pendant cette décennie, on peut aussi noter les mesures incitatives et les changements dans la

structure du secteur agricole suivants :

Promotion des cultures vivrières en entrelignes dans les champs de canne, dans les

terres de rotation de la canne à sucre, et dans les potagers permanents9.

L’institut de recherche sur l’industrie sucrière (MSIRI) s’intéresse aux cultures

vivrières telles que la pomme de terre, la pomme d’amour entres autres.

9 Un potager permanent d’après la loi sur l’efficience de l’industrie sucrière (SIE Act, 1988), se réfère à un

terrain consacré pendant au moins 8 années à la production de cultures horticoles ; ou une serre

hydroponique ; ou à la production de champignon ; ou encore à l’aquaculture.

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

107

Diversification dans l’élevage pour produire de la viande bovine et du lait.

Lancement de l’élevage de crevettes géantes d’eau douce (Macrobrachium

rosenbergii) appelées communément ‘camaron’ à Maurice.

Mise sur pied de l’Office des Marchés (Agricultural Marketing Board-AMB) comme

recommandé par les rapports Meade et Balogh

Mise sur pied d’une organisation publique ayant autorité dans le domaine de la

production de viande, la Mauritius Meat Authority

Deuxième décennie: Les années 1980

En Mai 1980, la chambre d’Agriculture (Mauritius Chamber of Agriculture-MCA désormais),

en réaction à la demande des politiques publiques de diversifier le secteur agricole, invita les

producteurs agricoles à produire davantage de sucre et de cultures vivrières mais non au

détriment de l’industrie sucrière.

Début septembre 1980, deux journées de réflexions sur les moyens de promouvoir la

diversification agricole eurent lieu avec de nombreux experts du secteur agricole mauricien.

L’accent fut mis sur la production de riz grâce à un fonds d’aide de l’UE, ce qui aida à

transformer environ 100 hectares en riziculture. A l’issue de ces journées de réflexion, le plan

de 1980 sur la diversification agricole fut présenté et un comité avec des pouvoirs élargies

(High Powered Committee) et présidé par le ministre de l’agriculture de l’époque fut instauré

pour veiller à la bonne mise en œuvre de ce plan.

Le plan de diversification agricole de 1980 identifia les contraintes à une augmentation de la

production alimentaire telles que la disponibilité de terres agricoles ; le manque d’irrigation

dans les zones de cultures ; disponibilité de la main d’œuvre ; les facilités de crédits ; la

politique fiscale ; la politique des prix ; l’absence d’un système d’assurance des récoltes ; la

commercialisation et le stockage des produits ; et l’appui de la recherche agricole.

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

108

En prenant en considération ces contraintes, le plan de diversification agricole de 1980

prévoyait les stratégies suivantes :

Production de riz sur une base de projets-pilotes gérés en activités commerciales. Les

producteurs de légumes ainsi que ceux des établissements sucriers sont concernés. La

priorité est axée sur l’irrigation des plaines du Nord et de l’ouest de Maurice

Doubler la production de mais pour passer à 8000 tonnes par an en 1985. Subsides

accordés à l’AMB pour l’importation des semences de maïs.

Production animale (viande bovine, cerf, mouton et porc)

Production laitière

En 1983, le ministère de l’agriculture publia un livre blanc sur la diversification agricole

(White Paper on Agricultural Diversification) avec pour objectif de relancer la production

horticole et animale et de consolider la politique de substitution à l’importation.

En 1984, les politiques publiques encouragèrent le développement de l’agro-industrie et

l’exportation des produits à haute valeur ajoutée.

En 1988, une nouvelle loi fut promulguée concernant l’efficience au niveau de l’industrie

sucrière (Sugar Industry Efficiency Act) avec pour but d’encourager les établissements

sucriers à louer davantage de terres pour la production vivrière. Des amendements furent

apportés à cette loi en 2001 et puis en 2007 pour répondre aux exigences de l’industrie

sucrière.

Les initiatives et les mesures incitatives de cette décennie sont les suivantes :

Allocation d’un certificat de développement au secteur agricole non-sucre

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CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

109

De nombreuses mesures incitatives telles que des subventions, des prêts à taux

d’intérêts préférentiels ; des subventions sur les intrants ; des exonérations des droits

de douane sur l’importation d’équipements agricoles entres autres.

Contrôle de l’AMB sur les importations de produits agricoles, et offre des prix et un

marché garantis pour certaines productions locales stratégiques telles que la pomme de

terre, l’oignon, l’ail, le maïs et l’arachide

De nombreuses mesures incitatives pour promouvoir l’agro-industrie

La libéralisation des exportations de fruits et de légumes

Etablissement d’un organisme parapublic, le conseil sur la recherche agro-alimentaire

(Food and Agricultural Research Council- FARC) en 1985 pour coordonner

uniquement la recherche et la vulgarisation des techniques dans le secteur agricole non

sucre

En faisant un premier bilan de la période de 1970 à 1990, on note que Maurice a pu atteindre

l’autosuffisance dans la pomme de terre de 1985 à 1987 ; il y eut aussi une augmentation dans

la production de maïs jusqu’à 40% des besoins du pays à l’époque.

Cependant ces deux décennies de diversification connurent un succès mitigé à cause des

raisons suivantes (Jugernauth, 2008) :

La politique des autorités mauriciennes était claire et visait l’autosuffisance

alimentaire et la substitution des importations.

Les établissements sucriers avaient participé en utilisant des cultures interlignes avec

la canne à sucre, ou dans des terres en rotation. Ces établissements étaient rassurés par

les travaux de la MSIRI démontrant que les cultures de diversification n’avaient pas

d’effets néfastes sur la production de la canne à sucre.

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

110

Le gouvernement mauricien introduisit de nombreuses mesures telles que les subsides

aux producteurs, les facilités de stockage et d’écoulement des produits, et des prix

garanties par l’Office des Marchés (l’Agricultural Marketing Board) pour encourager

les producteurs à augmenter leurs productions et à s’intéresser à d’autres cultures sans

avoir besoin d’investir dans la commercialisation des produits.

Soutien technique de la production agricole par des organismes de recherche tel que

l’industrie mauricienne de recherche sur l’industrie sucrière (MSIRI) ; les services

publics de recherche agricole ; l’expertise étrangère ; ainsi que les fonds d’aide

internationale ont aussi contribué à la promotion de la production agricole locale.

Cependant malgré tous les efforts des politiques publiques, de nombreuses productions

agricoles (riz, maïs, arachide) durent être abandonnées face aux sérieuses difficultés durant

leur phase de développement. Les raisons de ces échecs sont décrites brièvement ci-dessous :

La production de riz commença avec des projets pilotes vers la fin des années 1970.

Ces projets échouèrent parce que les variétés de riz avaient un faible rendement car

pas adaptées aux conditions locales ; les conditions locales (cyclones et sècheresses)

rendait la culture de riz très fragile ; et les importations de riz coûtaient moins cher

(MUR 3500/tonne) à comparer par rapport au coût de production (MUR

10000/tonne).

En 1983, le gouvernement voulait atteindre l’autosuffisance dans la production du

maïs en encourageant la production entre lignes dans les champs de canne à sucre et

les plantations à pleins champs. L’accent fut donc mis sur la recherche variétale et les

techniques de production. Les autorités mauriciennes encouragèrent les producteurs de

maïs en offrant un prix garanti, et en finançant, à travers le fonds de développement

européen, la construction de trois centres de séchage pour la transformation du maïs

destiné aux usines de fabrication d’aliments pour animaux. Cependant la production

de maïs commença à baisser à partir de 1986 de 6000 tonnes en 1985 pour arriver à

300 tonnes 10 ans plus tard. Cette baisse est essentiellement due au prix garanti qui est

resté à MUR 4240 de 1986 à 1988 (pour atteindre un pic de MUR 5000/tonne en

1989) et qui ne permettait pas de couvrir les coûts de production. De plus le prix du

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CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

111

maïs importé passa de MUR 3350/tonne en 1985 à MUR 2000/tonne en 1988, ce qui

rendait la production locale moins économique. D’autres facteurs ayant causé le déclin

de la production de maïs inclus l’incidence de la culture entreligne du mais sur le

rendement de la canne à sucre ; les effets désastreux des cyclones, et le manque

d’irrigation.

Troisième décennie: Les années 1990

Les principaux évènements par rapport à la diversification du secteur non sucre de cette

décennie sont les suivants ;

Etablissement d’une unité de recherche et de vulgarisation agricole parapublique,

l’Agricultural Research and Extension Unit (AREU) pour s’occuper de la recherche et

de la vulgarisation agricole dans le secteur non sucre uniquement.

Libéralisation des cultures telles que la pomme de terre et l’oignon

Libéralisation du secteur de l’élevage

Retrait de l’Etat au niveau des subventions agricoles et des produits contrôlés

Cette troisième décennie de diversification agricole (1990-2000) n’a pas connu de succès et

les cultures visées ont surtout régressé à l’exception des légumes qui n’étaient pas dans le

plan. Les raisons de l’échec de cette diversification sont les suivantes :

Changement de politiques publiques- pas de politique de substitution à l’importation

mais accent sur les cultures rentables.

Disparition des subsides mais maintient des prix garantis sur la pomme de terre et

l’oignon.

Augmentation des coûts de production due à l’augmentation du prix de la main

d’œuvre et des intrants (fertilisants et produits phyto sanitaires).

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

112

Quatrième décennie : Les années 2000

La quatrième décennie de diversification agricole démarre avec en 2001 un rapport de la

Chambre d’Agriculture sur la nouvelle orientation stratégique de l’agro-entrepreneuriat à

Maurice (New Strategic Orientation for the Agribusiness Sector in Mauritius). Ce rapport

avait pour but de revisiter l’approche traditionnelle utilisée dans les précédentes décennies

pour diversifier le secteur agricole non sucre. Les stratégies proposées étaient centrées sur une

approche plus réaliste des objectifs de production, l’accent sur la valeur ajoutée aux produits

primaires, et la coopération régionale dans le secteur agricole.

Les propositions de la Chambre d’Agriculture ainsi que les contributions d’autres

professionnels dans le secteur permirent à l’AREU de publier en 2003 le plan stratégique du

secteur non sucre (Non Sugar Sector Strategic Plan-NSSSP 2003-2007). Le NSSSP avait pour

ambition de moderniser la production agricole non sucre en utilisant de nouvelles

technologies telles que la biotechnologie ; de faire de Maurice un pôle d’excellence régional

dans trois domaines : l’agro-industrie, l’utilisation de la biotechnologie dans les secteurs

agricole, et la recherche et formation agricole.

En Avril 2006 se tint un forum sur l’agro-entrepreneuriat avec les professionnels du secteur

agricole mauricien. L’objectif de ce forum était de faire un état des lieux et d’explorer de

nouvelles opportunités telles que l’exportation. A l’issu de ce forum, l’accent fut mis sur la

recherche de nouvelles technologies, l’innovation, l’entrepreneuriat et les normes sanitaires.

En 2007, l’AREU publia les options stratégiques pour la diversification horticole et animale

(Strategic Options for Crop Diversification and Livestock 2007-2015). Ce plan s’appuya sur

le NSSSP et formula de nouvelles stratégies prenant en considération les enjeux tels que la

restructuration de l’industrie sucrière, la politique de sécurité alimentaire du pays, de même

que les projections d’augmentation de nombre de touristes dans les années à venir. Les

objectifs définis dans le plan de 2007 sont entres autres d’augmenter la production agricole et

alimentaire d’une façon durable et compétitive : en utilisant des méthodes de production

innovantes; en commercialisant des nouveaux produits à valeur ajoutée; et en dénichant de

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

113

nouveaux marchés. Le plan se concentra sur l’identification d’opportunités, l’aptitude des

terres à la production ; les objectifs de production, les besoins en capital ; et tous les mesures

incitatives pour encourager la production agricole pour les produits agricoles clés, et les

nouveaux produits.

En 2008, la crise alimentaire mondiale causée par la flambée des prix des denrées

alimentaires, a mis en exergue la dépendance de Maurice de l’importation des produits

alimentaires. Trois experts locaux du secteur agricole, notamment le directeur de

l’Agricultural Research and Extension Unit (AREU), le responsable de la diversification

agricole de la Chambre d’Agriculture (MCA), et le responsable des cultures vivrières de

l’institut de la recherche sur l’industrie sucrière (MSIRI) ont accordé une entrevue à un

quotidien mauricien, et ont fait le constat suivant de l’impact de la crise alimentaire mondiale

de 2008 sur Maurice (Jugernauth, 2008) :

Il y a un grand besoin de diversification agricole et d’augmenter l’autosuffisance dans

certains aliments tels que la pomme de terre, l’oignon, le maïs, et le lait pour réduire

les dépenses liées à l’importation de ces produits.

Le maïs est une céréale importée comptant pour plus de 80% dans le coût de

production du poulet produit industriellement à Maurice. De plus la forte demande

mondiale pour la fabrication de biocarburant tel que l’éthanol et l’augmentation des

coûts de fret fait qu’il est important de considérer la production locale de maïs sur les

terres disponibles.

Il faut aussi revoir les productions où il y autosuffisance en production telles que la

tomate locale (communément appelée, pomme d’amour), le piment et l’ananas car les

importations des produits dérivés de la tomate (ketchup, sauces et jus de tomates) sont

énormes.

Les principaux obstacles se trouvent dans le manque de terres agricoles pour les

cultures à exploiter; les maladies; les frais de stockage; et les longues périodes de

rotations des terres.

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

114

Il y a un grand potentiel régional d’exploitation des terres disponibles dans des pays

tels que Madagascar et le Mozambique. Cependant la production agricole soutenue par

les entrepreneurs mauriciens n’a pas vraiment décollé à cause de nombreuses

contraintes : Administration lourde : la juridiction des terres tombe sous la tutelle de

plusieurs ministères malgaches ce qui rend les démarches administratives très pesantes

pour les entrepreneurs étrangers ; le manque d’infrastructure (réseaux routiers, port

avec des moyens modernes) pour accéder aux régions agricoles et pour acheminer les

produits destinés à l’exportation ; un secteur agricole malgache peu structuré : peu

d’exploitation à un niveau industriel ; peu de facilité de financement pour développer

des entreprises agricoles ; pratiques culturales au niveau des champs peu avancées.

Cette crise alimentaire de 2008 a remis en question la stratégie de sécurité alimentaire de

Maurice. Historiquement, Maurice s’est basé indirectement sur son secteur agricole pour

assurer des produits alimentaires à la population, en utilisant les revenus du secteur sucrier.

De plus les habitudes alimentaires des mauriciens ont évolué avec beaucoup plus d’accent sur

les produits transformés, et une exigence accrue sur la qualité, et les produits de marques.

Dans cette optique, le gouvernement s’attela à relever les nombreux défis pour promouvoir

une politique de sécurité alimentaire et publia en 2008, un autre plan stratégique pour une

vision durable d’un secteur agricole diversifié (A Sustainable Diversified Agri-Food Sector

Strategy for Mauritius 2008-2015). La vision des autorités publiques était de restructurer sur

une période de 7 ans le secteur agricole mauricien avec les stratégies suivantes :

Adopter des systèmes de production diversifiés et multifonctionnels pour assurer une

production alimentaire stable ; et améliorer les habitudes alimentaires et la santé des

mauriciens.

Moderniser le secteur et le rendre compétitif; durable économiquement, socialement et

respectueux de l’environnement.

Rendre le secteur flexible et à l’écoute des consommateurs

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

115

En Juin 2008, le gouvernement mauricien vota un budget de MUR 1 milliard pour constituer

un fonds de sécurité alimentaire. Un comité, le Food Security Fund Committee (FSF), fut

constitué pour gérer ce fonds. Ce comité publia un rapport en 2008 en spécifiant les actions

prioritaires pour promouvoir la production alimentaire locale. Une autre priorité du FSF est de

rendre autonomes les petits producteurs et encourager leur participation active et leur

implication dans des projets de développement agricole. LA FSF veut promouvoir une

nouvelle classe d’entrepreneurs parmi les producteurs agricoles.

La FSF a développé les indicateurs suivants pour atteindre ses objectifs (FSF, 2008) :

Augmenter le volume de production des cultures prioritaires (pomme de terre, oignon,

pomme d’amour, fruits, maïs, féculents)

Maintenir l’autosuffisance au niveau du poulet de table et des légumes frais

Introduire des cultures protéagineuses (soja)

Libérer des terres pour la production de cultures vivrières

Encourager le regroupement des petits producteurs

Augmenter l’autosuffisance dans les produits suivants : lait frais, la viande de bœuf, de

mouton, de porc et de chèvre

Sensibiliser la population sur de bonnes habitudes alimentaires

Augmenter la production de poissons

Atténuer les contraintes des petits producteurs à commercialiser leurs produits

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

116

Encourager la coopération régionale pour certains produits tels que la pomme de terre,

le maïs, le riz, l’oignon et les grains secs

Un résumé de ces quatre décennies diversification agricole, de 1970 à 2010 nous amène au

constat suivant :

La première décennie (1970-1980) a été une période de lancement de grandes idées pour

développer le secteur agricole, non-sucre, avec une politique d’autosuffisance et de

substitution à l’importation avec un fort appui des politiques publiques.

La deuxième décennie (1980-1990) a été une période de consolidation projets précédents avec

de nouveaux objectifs tels que l’exportation des produits locaux.

La troisième décennie (1990-2000) a vu une rationalisation des perspectives de diversification

basée sur les expériences du passé. Du coté des politiques publiques, il y a eu une

libéralisation de la production agricole, et un désengagement de l’Etat et de ses institutions.

La quatrième décennie (2000-2010) qui nous ramène à des préoccupations actuelles, a vu une

remise en question des politiques de diversification dans le non sucre surtout vers le milieu de

la décennie avec la réforme annoncée du protocole sucre menant à la restructuration de

l’industrie sucrière, et la crise alimentaire mondiale de 2008.

Nous voyons qu’à travers ces quarante années de volonté de diversifier le secteur agricole

mauricien, il n’y a eu que très peu de succès à l’exception de l’autosuffisance atteinte pour les

légumes frais, le poulet de table, et les œufs. En ce qui concerne les exportations agricoles,

elles sont limitées aux fleurs coupées telles que l’anthurium, et à de petits volumes de fruits

tropicaux, ananas et litchi.

Les raisons principales qui expliquent ce peu de succès sont les nombreuses contraintes

auxquelles doivent faire face les petits états insulaires en développement (PEID), tels que

Maurice: un marché domestique restreint ; la distance géographique avec les marchés

rémunérateurs (coût excessif de fret) ; usages concurrentiels pour les ressources foncières et

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

117

les ressources naturelles (exemple eau) par divers secteurs de l’économie ; des conditions

agronomiques (maladies, ravageurs, et climatiques (cyclones, sècheresses, inondation)

défavorables ; et la faible gamme de cultures qui soient économiquement viables.

Cette section nous a montré que le secteur agricole mauricien s’est concentré pendant de

nombreuses décennies sur le secteur de l’industrie sucrière et ne s’est intéressé à la

diversification agricole que vers les années 1970. Nous avons vu une succession de politiques

publiques visant à diversifier le secteur agricole et cela montre le travail institutionnel qui

s’est joué au niveau des différentes parties prenantes et qui a abouti à des décisions pas

nécessairement positives pour le secteur agricole.

Ceci nous amène au succès qu’a connu la culture de la canne à sucre à Maurice et que nous

développerons dans la section suivante.

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

118

SECTION 2 : Le succès de la filière canne à sucre

Dans cette section nous allons décrire la filière canne à sucre à travers sa structure, ses

produits et ses acteurs principaux. Nous aborderons ensuite le protocole sucre, accord signé

entre l’UE et les pays ACP exportateurs de sucre pour comprendre son importance dans le

développement de la filière CAS, et finalement nous verrons comment la filière CAS a du

réagir suite à la réforme du protocole sucre.

2.3 La filière canne à sucre

Une filière est caractérisée par des conditions de production, des acteurs et des moyens de

coordination.

2.3.1 Description de la filière

2.3.1.1 Question de nomenclature

Au niveau du secteur agricole mauricien, on se réfère au terme ‘industrie sucrière’ jusqu’en

2006, année où on a procédé à une profonde restructuration de ce secteur qui l’a transformé en

‘industrie cannière’ en référence à l’utilisation et la valorisation de la canne à sucre et ses

sous-produits. Nous avons décidé de nous référer dans ce travail à la filière canne à sucre

(désormais filière CAS dans le texte) pour trois raisons principales: premièrement pour la

différencier du sucre provenant de la betterave; deuxièmement pour une question de

nomenclature car le terme ‘industrie’ se réfère au secteur secondaire tandis qu’à notre avis le

terme ‘filière’ correspondant au CO de notre terrain est plus englobant de tous les acteurs qui

participent à la production, à la transformation, et à la commercialisation du produit sans

oublier les structures d’appui ; et troisièmement pour pouvoir la comparer sans équivoque à la

filière légumes.

2.3.1.2 Les aspects agro-climatiques et techniques

Le secteur agricole à l’ile Maurice est divisé en trois zones agro-écologiques dépendant du

niveau de pluviométrie et du types de sols: les zones surhumides (2400 mm de pluie/année),

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

119

les zones humides (1200-2400 mm de pluie/année), et les zones sub humides (1200 mm de

pluie/année).

La canne à sucre est une culture pérenne, plantée en plein champ, et les premières plantes qui

sont récoltées sont appelées les cannes vierges. Après la récolte, les racines laissées dans le

sol se régénèrent et forment la deuxième repousse. Il y a environ 6 à 8 repousses avant que le

champ soit labouré (soit 6 à 8 ans de production), et replanté après une période de jachère de 7

mois. La période de croissance de la canne à sucre dure de Novembre à Juin ; la période de

maturation de Juillet à Octobre. Il a deux saisons : la Grande Saison qui se réfère à un cycle

de culture avec une récolte en Septembre-Novembre et une replantation en Mars. La canne

vierge est récoltée 16 à 17 mois plus tard ; et la Petite Saison avec une récolte précoce en

Juin-Aout, et la canne vierge est récoltée 12 mois plus tard.

La culture de la canne à sucre dispose de technologies modernes développées par des années

de recherche par la MSIRI (voir section 1.3.1.6). Les problèmes majeurs de la production de

la canne à sucre demeurent les aléas climatiques tels que la sècheresse ou les fortes

pluviométries.

2.3.1.3 Les produits de la filière CAS

La canne à sucre est cultivée pour le sucrose contenu dans ses tiges et qui est extrait et

transformé en sucre. Le produit principal est le sucre avec un fort accent sur le sucre brut

(80%) destiné aux raffineries et les sucres spéciaux (20%) à forte valeur ajoutée tels que le

muscovado, la demerara qui sont reconnus pour leurs ingrédients naturels et leurs qualités

organoleptiques et destinés à la consommation directe sur les marchés d’exportation.

Les sous-produits obtenus après transformation industrielle sont :

30 000 tonnes de mélasse utilisées localement pour la fabrication d’alcool comestible et

l’alimentation des animaux ; et 12 000 tonnes sont disponibles pour l’exportation ou la

production de biocarburant (éthanol).

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

120

La bagasse (fibre de canne à sucre après transformation) utilisée comme combustible dans les

chaudières des usines sucrières. Ce combustible naturel a rendu les usines sucrières

autosuffisantes en termes de demande énergétique. Au départ, la totalité de l’électricité et les

vapeurs générées par la combustion de la bagasse étaient utilisées pour la production du sucre.

En 1957, avec l’avènement de chaudières plus efficientes, les usines sucrières commencèrent

à vendre de l’électricité à l’organisme public qui gère la fourniture d’électricité pour Maurice,

la Central Electricity Board (CEB). Au fil des années, 7 usines sucrières vendent de

l’électricité issu de la combustion de la bagasse au CEB (représentant 18% de la demande

énergétique de Maurice) ; et 3 centrales thermiques furent installées, opérant indépendamment

des usines sucrières, et utilisant aussi bien de la bagasse provenant des usines sucrières et

aussi du charbon pour produire de l’électricité qu’elles revendent à la CEB (45% de la

demande énergétique de Maurice).

2.3.1.4 Les acteurs de la filière CAS

L’industrie sucrière mauricienne reconnaît essentiellement trois grandes catégories de

partenaires: le secteur corporatiste (usiniers et propriétés sucrières) ; les petits producteurs ; et

les employés. Cependant dans notre utilisation du concept de filière nous ajoutons les autres

acteurs tels que les structures d’appui, et l’état mauricien.

Grace aux efforts de l’état mauricien, les bénéfices découlant du protocole sucre ont été

partagés parmi les producteurs et employés de ce secteur. Ainsi, les petits et moyens

producteurs ont droit à 78% du prix de vente du sucre et à la totalité de la mélasse, issus du

broyage des cannes à sucre provenant de leurs champs. Ils ont aussi droit à MUR 0,1 pour

chaque kilo Watt Heure (kWh) d’électricité généré de la bagasse. Les employés ont aussi droit

à un emploi permanent bien que cette activité soit saisonnière. La plupart des 28 000 petits

producteurs et les 25 000 employés de l’industrie sucrière, ainsi qu’un bon nombre

d’employés à la retraite sont actionnaires d’un fond d’investissement qui détient 20% des

actions des usines sucrières et 10-20% des centrales thermiques.

La production de la canne à sucre est essentiellement commerciale, et les producteurs sont

catégorisés en 4 groupes distincts :

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

121

1. Les producteurs-usiniers, les propriétés sucrières représentant 70% de la production

2. Les moyens et grands producteurs représentant 5% de la production

3. Les petits producteurs, environ 28000 et cultivant ≤ 4 hectares, représentent 23 % de

la production

4. Les métayers représentant 2% de la production.

Le tableau 2.3 montre la distribution des différentes catégories de producteurs par rapport à la

superficie cultivée.

Tableau12 2.3 : Distribution des producteurs de canne à sucre en fonction de la superficie cultivée

Superficie (Hectares) Nombre de producteurs % de la production totale

0 - 0,5 15400 4,6

0,5 – 1,0 7000 6,1

1,0 – 2,0 3700 6,1

2,0 – 5,0 1900 6,6

5,0 – 10,0 350 2,9

10,0 – 25,0 105 1,7

25,0 – 50,0 20 0,7

50 plus 68 71,4

Source : (MAAS, 2006)

Comme le démontre le tableau 2.3, la filière canne à sucre est très concentrée au niveau des

gros producteurs avec plus de 70% de la production provenant de ces producteurs ayant 50

hectares et plus de superficie cultivée.

2.3.1.5 La production

La figure 2.5 nous indique les superficies récoltées pour les différentes catégories de

producteurs sur la période de 1975 à 2009. Il est à noter qu’à partir de 2002, il y a eu une

baisse dans les récoltes pour les usiniers et propriétés sucrières due au plan de restructuration

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

122

de la filière canne à sucre et la centralisation des activités de transformation dans les usines

résultant en un certain nombre d’usines qui ont fermé leurs portes.

Figure15 2.5: Superficie sous canne à sucre pour diverses catégories de producteurs de 1975 à 2009

Source : (CSO, 2010)

Les usiniers/propriétés sucrières représentent les six dernières propriétés sucrières possédant

des usines pour la transformation de la canne à sucre. Les métayers sont les producteurs qui

louent à bail des terrains appartenant aux propriétés sucrières, et les producteurs propriétaires

sont ceux qui possèdent les terres qu’ils cultivent. Tous les producteurs de canne à sucre de

Maurice doivent envoyer leurs récoltes aux usiniers dans leur région respective pour la

transformation en sucre.

0

5000

10000

15000

20000

25000

30000

35000

40000

45000

50000

19

75

19

76

19

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78

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79

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19

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19

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19

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19

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19

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19

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20

00

20

01

20

02

20

03

20

04

20

05

20

06

20

07

20

08

20

09

Sup

erf

icie

colt

ée

(H

ect

are

s)

Année

Usiniers/Propriétés sucrières

Métayers

Producteurs Propriétaires

2 per. Mov. Avg. (Usiniers/Propriétés sucrières)

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

123

Le nombre d’usines est passé d’un pic de 303 en 1863 (Manrakhan, 1997) à 6 usines en 2010

(Figure 2.6)

Figure16 2.6: Nombre d’usines sucrières en opération de 1789 à 2010

La figure 2.7 donne une indication de la production de sucre de 1980 à 2010. A noter une

baisse importante en 1999 dû à une période de sécheresse en 1999.

Figure17 2.7 : Production de sucre de 1980 à 2010

Source : (CSO, 2010)

-

100 000

200 000

300 000

400 000

500 000

600 000

700 000

800 000

19

80

19

81

19

82

19

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19

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19

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19

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19

90

19

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19

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19

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19

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19

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19

98

19

99

20

00

20

01

20

02

20

03

20

04

20

05

20

06

20

07

20

08

20

09

20

10

Tonnes de sucre

Fin du protocole

sucre

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

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LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

124

2.3.1.6 Les structures d’appui à la filière CAS

Il y a de nombreuses organisations qui œuvrent pour soutenir la filière CAS (Tableau 2.4)

Tableau13 2.4 : Les organisations au service de la filière CAS

Organisation Fonctions Source de financement

Mauritius Sugar Authority

(MSA)

Formulation de politique et de

stratégies pour la filière

Cess10

Mauritius Sugar Industry

Research Institute (MSIRI)

Recherche, développement, et

vulgarisation

Cess

Cane Planters and Millers

Arbitration and Control Board

Tests sur la canne à sucre envoyée

aux usines; contrôle sur les poids;

et arbitrage de différends entre

producteurs et usiniers

Cess

Sugar Planters Mechanical Pool

Corporation (SPMPC)

Fourniture des équipements et

machines pour la préparation des

terres des petits producteurs

63% venant du cess

37% de la location des

équipements /machines

Farmers Service Corporation

(FSC)

Service de vulgarisation 80% venant du cess

20% de l’état mauricien

Mauritius Sugar Terminal

Corporation (MSTC)

Stockage et manipulation du sucre

brut destiné à l’exportation

Cess

Sugar Industry Labour Welfare

Fund (SILWF)

Bien-être social et facilités de

loisirs pour les petits producteurs et

de leurs familles

20% venant du cess

80% de la vente du sucre

Mauritius Sugar Syndicate (MSS) Commercialisation du sucre Fonds provenant de la

vente du sucre

Sugar Insurance Fund Board

(SIFB)

Assurance des récoltes Prime d’assurance

Bagged Sugar Storage and

Distribution Company (BSSDC)

Stockage, manipulation du sucre en

sac pour l’exportation et le marché

local

Financé par la Mauritius

Sugar Syndicate

Irrigation Authority Implémentation et contrôle des

projets d’irrigation pour les petits

producteurs

L’état mauricien pour les

dépenses récurrentes ; et

les fonds d’aide bilatérales

pour les dépenses

d’investissement

10 Le ‘cess’ est une taxe prélevée sur les revenus du sucre exporté pour financer certaines organisations au

service de la filière CAS

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CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

125

2.3.2 Le protocole sucre : Entre grandeur, décadence et renouveau

Le protocole sucre entre les pays ACP et l’UE prit fin officiellement le 30 septembre 2009.

On peut retracer l’histoire du protocole sucre jusqu’en 1919 avec le Imperial Preference

System, qui est un droit de douane préférentiel pour le sucre venant des colonies de l’empire

britannique. En 1951, le Commonwealth Sugar Agreement fut signé entre le gouvernement

britannique et Maurice pour fournir en sucre le Royaume Uni.

La coopération ACP- Europe remonte à la signature du Traité de Rome en 1957 et prend

forme à travers les deux conventions de Yaoundé en 1963 et 1969, les quatre conventions de

Lomé (1975, 1979, 1984, et 1989), et enfin, la convention de Cotonou en 2000.

C’est à travers l’adhésion du Royaume Uni à la Communauté Economique Européenne et la

convention de Lomé I en 1975 que naquit le protocole sucre. Ce dernier donna à Maurice un

quota garanti de 491 030 tonnes de sucre à un prix équivalent de celui du marché européen

pour une durée indéterminée. Avec le protocole sucre, Maurice, grâce à ses revenus

importants provenant du secteur sucre, put se diversifier dans les secteurs de textiles et du

tourisme.

Dans les années 1990, les changements géopolitiques et un nouvel ordre économique mondial

changèrent la donne. Cette période est aussi marquée par la création de l’OMC en 1995. Ces

changements bouleversent les relations EU-ACP. La commission européenne (CE) fait

comprendre aux pays ACP qu’elle est en contravention avec les règles de l’OMC en

accordant des préférences commerciales aux ACP. Afin de protéger son marché intérieur et de

maintenir la marge préférentielle des pays ACP, l’UE demande une dérogation à l’OMC qui

fut obtenue en 1995, et reconduite de 2001 à 2007.

Le coup de grâce au protocole sucre est donné par le panel constitué du Brésil, de la

Thaïlande et de l’Australie en 2004-2005 pour dénoncer le régime sucrier européen. L’UE

perd cette affaire et se voit obligée de réformer son régime sucrier en baissant les prix d’une

totalité de 36% sur quatre ans, et en coupant les quotas internes jusqu’en septembre 2009. Le

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

126

régime sucrier de l’UE et le protocole sucre étant étroitement liés, les répercussions sont

énormes pour les pays ACP, malgré les mesures d’accompagnement proposées par l’UE.

Avec la fin du protocole sucre, les exportations de sucre vers l’Europe furent encadrées par un

nouvel accord commercial, l’Accord de Partenariat Economique (APE). Cet accord prévoit

des quotas régionaux à l’inverse des quotas nationaux sous le protocole sucre. Ainsi, Maurice

s’est jointe au Zimbabwe dans la région de l’Afrique Orientale et Australe (Eastern and

Southern Africa) et obtenu un quota d’environ 550 000 tonnes de sucre sur la période 2009 à

2011, et 632 000 tonnes de 2011 à 2015.

La fin du protocole sucre est considérée par la filière CAS comme le début d’une ère pour la

filière avec de nombreux projets déjà implémentés et de nouveaux défis à relever.

2.3.3 Les politiques publiques des colonies à nos jours

La réforme de la filière CAS a débuté en 1859, mais a pris de l’essor à partir de 1984 avec une

stratégie nationale de l’Etat pour développer ce secteur. En 1988, une étude sur l’efficience de

l’industrie sucrière fut effectuée et permit de faire adopter une loi appelée la Sugar Industry

Efficiency Act (SIE). Un programme de développement de la bagasse comme source

d’électricité fut instauré en 1991.

En 1994, un arrangement fut parvenu entre le gouvernement et les producteurs sucriers : l’état

mauricien accepta d’abolir la taxe de sortie à l’exportation sur le sucre et les usiniers

acceptèrent de démocratiser les usines en vendant 20% des actions des usines aux employés et

aux producteurs à travers un fond d’investissement, la Sugar Investment Trust (SIT).

En 1997, il y eut une étude sur la centralisation des usines sucrières (Blue Print on

Centralisation of Sugar Milling Operations in Mauritius). A l’issue de ce rapport, trois usines

furent fermées jusqu’en 2000; un accord commercial fut signé entre l’état et les usiniers

concernant l’achat d’électricité provenant de la bagasse auprès des usines sucrières pendant la

période où les usines transforment la canne à sucre ; et auprès de centrales thermiques

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

127

fonctionnant pendant toute l’année et utilisant aussi bien la bagasse que le charbon pour

produire l’électricité.

Pendant la période 1996 à 2000, le problème d’irrigation dans les plaines du nord de Maurice

fut résolu avec la construction d’un barrage ; et la réhabilitation de canaux et de réservoirs.

En 2001, l’état mauricien publia un rapport stratégique sur le secteur sucre (Sugar Sector

Strategic Plan 2001-2005). Ce plan stratégique revisita la loi SIE. Les points importants du

plan étaient : l’implémentation du plan de retraite volontaire (Voluntary Retirement Scheme-

VRS) d’environ 8 000 employés du secteur ; la fermeture de trois usines sucrières ; et la

signature d’un accord pour l’achat d’une nouvelle centrale thermique. Cependant le coût du

VRS endetta la filière sucre considérablement.

En 2005, l’état mauricien publia un plan stratégique intérimaire et demanda à un cabinet de

consultant étranger de viser ce plan. Après cette étude, deux plans d’actions furent soumis au

gouvernement mauricien : le plan d’action accéléré 2005-2015 et le plan de route de

l’industrie sucrière mauricienne pour le 21e siècle. Ces deux rapports furent soumis à la

commission européenne lors des négociations pour les mesures d’accompagnement de l’UE

suite à la réforme du régime sucrier.

En avril 2006, l’état mauricien publia un nouveau plan stratégique et actionnable pour la

période 2006 à 2015 (Multi Annual Adaptation Strategy Action Plan 2006-2015, MAAS). Le

MAAS a été le fruit d’un dialogue entre tous les partenaires de la filière CAS pour trouver un

consensus et pour que chaque acteur concerné s’approprie les stratégies énoncées dans le

plan. Ce plan est une réaction des autorités mauriciennes et des acteurs clés de la filière CAS

à l’annonce de la réforme du régime sucrier européen qui a résulté en une baisse de 36% du

prix du sucre vendu sur le marché de l’UE. Les stratégies du MAAS sont élaborées dans la

section 1.3.4.2. Il est à noter que le MAAS fut élaboré en 2006 dans un contexte économique

difficile pour Maurice ayant à faire face à un déficit budgétaire très important ; et à l’érosion

des préférences dans le secteur sucre et textiles (démantèlement des accords multi fibres).

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

128

2.3.4 La filière canne à sucre post-réforme protocole sucre

2.3.4.1 Pourquoi la canne à sucre a-t-elle été une culture à succès?

A ce stade de la description de la filière CAS, il est important de se poser la question

suivante : pourquoi la culture de la canne à sucre est presque tricentenaire à Maurice ? Qu’est-

ce qui a fait le succès de cette filière ? Pourquoi continue-t-elle de perdurer malgré la réforme

du protocole sucre ? Les raisons sont multiples :

1. La canne à sucre est plus qu’une culture de rente, elle a en effet un rôle

multifonctionnel qui s’étend aux sphères économiques, sociales, énergétiques et

environnementales.

Rôle économique: Les rentes provenant de l’exportation du sucre sont de l’ordre d’US $ 300

million par année. Ces revenus permettent le développement d’autres secteurs de l’économie

mauricienne ; et aident à la stratégie de sécurité alimentaire en contribuant à la facture des

importations alimentaires à la hauteur de 65%.

Rôle socio-économique : Quelques 20 000 personnes sont employées directement dans la

filière CAS. Au moins 60 000 personnes dans les régions rurales sont impliquées directement

ou indirectement dans la filière. Cela a permis d’éviter l’exode rural vers les villes et réduire

le problème d’urbanisation dans un pays où la densité de la population est élevée, 650

personnes par km2.

Rôle énergétique : L’utilisation de la bagasse comme combustible a contribué à la demande

énergétique de Maurice.

Rôle environnemental : La canne à sucre est connue pour être un bon capteur de dioxyde de

carbone dans l’atmosphère, ce qui rend cette culture en ligne avec le protocole de Kyoto, dont

Maurice est un pays signataire. La culture de la canne à sucre utilise un minimum d’intrants

chimiques (fort accent sur le contrôle biologique des ravageurs). Cette culture pérenne aide à

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

129

la conservation des sols en évitant l’érosion. Ceci a des effets positifs indirects sur d’autres

secteurs d’activités tels que la pèche, et le tourisme.

La culture de la canne à sucre a aussi des effets esthétiques qui sont importants pour

l’industrie touristique.

2. La résistance de la culture de la canne à sucre aux forts vents cycloniques, aux pestes

et aux maladies a fait de cette culture commerciale une des plus rentables à long

terme. Il est bon de rappeler que plusieurs autres cultures ont été essayées depuis le

début de la colonisation de Maurice mais que plusieurs ont été abandonnées après de

coûteux projets de recherche et d’essais de terrain car non-viables économiquement ou

peu résistants aux conditions agro-climatiques du pays.

3. Le marché d’exportation a été assuré par des accords commerciaux préférentiels,

assurant ainsi des revenus stables aux producteurs.

4. Cet environnement stable a permis des investissements substantiels dans la recherche,

la technologie et les gains d’efficience pour la filière CAS.

5. Les revenus dérivés de la filière CAS ont permis à Maurice de diversifier son

économie (secteur manufacturier, tourisme et services). Comme le montre la figure

2.8, le sucre a eu d’importantes contributions au PIB de Maurice bien que cette

contribution ait baissé au fil des années, comme nous l’avons montré dans le précédent

chapitre.

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

130

Figure18 2.8: Contribution de la filière sucre au PIB 1976-2011

1. La filière CAS a aussi adopté une politique double de diversification : dans le secteur

sucre (utilisation optimale des sous-produits ; production de sucres spéciaux ;

utilisation optimale des interlignes des champs de canne à sucre et des terres en

rotation pour la production de légumes) et hors sucre (investissement dans

l’immobilier, l’hôtellerie).

2.3.4.2 Qu’a fait la filière CAS face à la menace de la réforme du protocole

sucre?

Vu l’importance de la filière CAS dans le paysage mauricien, les acteurs clés de la filière

aussi bien que le gouvernement mauricien ont réagi bien en amont de la réforme du protocole

sucre ; et pris les mesures nécessaires pour la survie de la filière. Ces mesures ont pris la

forme d’un plan stratégique pour la filière CAS, le Multi Annual Adaptation Strategy

(MAAS) 2006-2015 et sont brièvement décrites ci-dessous :

La transformation de la filière CAS en un pôle de développement avec pour objectif

de passer de la production du sucre brut à la production de différents types de sucres :

brut, spéciaux, et raffiné ; d’optimiser le potentiel de la filière dans sa contribution à la

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

131

production d’électricité pour Maurice ; et la production de biocarburant, l’éthanol de la

mélasse.

La mise sur pied d’un secteur compétitif, viable et durable.

La réduction de la dépendance de Maurice sur l’importation d’huile lourde pour sa

production d’électricité.

Le soutien à la filière CAS pour encourager son apport multifonctionnel à Maurice

tant sur le plan économique, environnemental et social.

2.3.4.3 Quid de la diversification agricole de la filière CAS ?

Le déclic est venu de l’industrie sucrière qui ayant bénéficié de bons revenus à travers la

culture de la canne à sucre pendant de nombreuses années, y a consacré les meilleures

ressources, et a considéré les sous-produits de la canne à sucre et les autres cultures agricoles

comme concurrentiels à la production du sucre brut.

Avec l’érosion des préférences commerciales, l’industrie sucrière a du relativiser l’importance

de la canne à sucre.

Avec les nombreux échecs au fil des décennies par rapport aux autres cultures agricoles (voir

section 1.2.2.2), la filière CAS a continué à utiliser les interlignes et les terres en rotation pour

les cultures autre que la canne à sucre. De plus, l’accent est surtout mis sur la production de

légumes car les différents projets et essais ont démontré la non-viabilité économique de

produire à grande échelle des cultures telles que le riz, le maïs, le blé et certains fruits.

La révision de la loi SIE en 2001 a permis d’augmenter les cultures vivrières en donnant accès

aux terres de rotation aux petits producteurs pour la production de légumes. Les propriétés

sucrières se sont concentrées sur des cultures mécanisables telles que la pomme de terre, la

carotte, et la pomme d’amour.

Le MAAS prévoit que dans l’optique d’augmenter les cultures vivrières à Maurice, des

superficies additionnelles de terres sous canne à sucre seront libérées.

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

132

La figure 2.9 montre la baisse dans les superficies de terres sous canne, une baisse qui

coïncide avec l’annonce de la réforme du protocole sucre.

Figure19 2.9: Superficie sous canne à sucre de 1980 à 2010

Source : (MCA, 2010)

Comme le démontre la figure 2.10, la superficie sous production agricole est passée de 46% à

43%, les 3% de moins représentant les terres sous canne à sucre qui ont été abandonnées ou

reconverties pour des activités non-agricoles (CSO, 2010). Cela est dû à la centralisation des

usines et utilisation d’une partie des terres pour compenser les employés qui ont pris leur

retraite volontaire.

Figure20 2.10 : L’utilisation des terres à Maurice entre 1995 et 2005

Source : (MOE, 2006)

Plantation de canne à sucre

41%

Autres activités agricoles

3%

Plantation de thé2%

Forets et paturages

31%

Réservoirs et lacs1%

Routes2%

Zones de construction

20%

1995

Plantation de canne à sucre

39%

Autres activités agricoles

4%

Plantation de thé0%

Forets et paturages

25%

Réservoirs et lacs2%

Routes2%

Zones de construction

25%

Champ de cannes

abandonnés

3%

2005

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

133

Le danger est surtout du côté des petits producteurs de canne à sucre qui n’y voient plus une

entreprise rentable et qui préfèrent soit laisser les champs à l’abandon ou bien convertir les

terres dans d’autres secteurs d’activités.

Bien que la contribution de la filière CAS aux produits agricoles diminue au fil des années, de

50% en 2006 à 31,5% en 2010 (Figure 2.11), cette filière a encore un bel avenir de par son

importance comme décrite dans les sections précédentes.

Figure21 2.11: Contribution de la filière CAS au secteur agricole de 2006 à 2010 en %

Source : (CSO, 2010)

Cette section décrit la filière canne à sucre comme une filière très structurée avec un

encadrement au niveau de l’état mauricien aussi bien qu’au niveau du secteur privé. Cette

filière s’est construite au fil des décennies et les principaux acteurs, les gros et les petits

producteurs sucriers, œuvrent dans un cadre technique très sophistiqué, développé par de

longues années de recherche tant au niveau des techniques de production au champ, qu’au

niveau de la transformation de la canne à sucre dans les usines sucrières. Le protocole sucre

entre l’UE et les pays ACP a permis à cette filière de se développer et d’atteindre des hauts

niveaux de performance. Cependant la réforme du protocole sucre a tout remis en question, et

a forcé les acteurs de la filière à considérer la diversification des produits de la filière comme

une option rentable et durable pour la filière, et une façon de se reconstruire autrement.

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CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

134

SECTION 3 : Notre champ organisationnel-la filière légumes

Cette section présentera les principales caractéristiques de la filière légumes, ses produits et

acteurs principaux ainsi que ses nombreux défis.

2.4 La filière légumes

La filière légumes est une filière commerciale relativement récente par rapport à la filière

canne à sucre. La production de légumes pour le marché a augmenté avec la diversification

des différents secteurs d’activités non agricoles et le besoin d’approvisionner les habitants en

légumes frais.

2.4.1 Description de la filière

2.4.1.1 Question de définition

Il nous faut une fois de plus bien expliciter le choix du terme filière légumes car dans le

contexte mauricien il y a une différence entre les légumes frais appelés aussi cultures vivrières

pour lesquelles le pays est autosuffisant, et les légumes tels que l’oignon, l’ail et la pomme de

terre qui sont importés pendant certaines périodes de l’année et qui sont stockés en chambre

froides. Nous avons donc choisi de nous référer au terme ‘légumes’ qui englobent les produits

qui constituent le CO de notre recherche.

2.4.1.2 Production

Les plantations de légumes se font à travers Maurice dans les zones arides comme dans les

zones humides. Une grande partie de la production (40%) se fait par des producteurs à temps

plein tandis que le reste se fait par des producteurs qui sont employés dans d’autres secteurs

d’activités et qui cultivent des légumes à temps partiel. La production des légumes frais se fait

essentiellement par de petits producteurs (moins de 0, 25 hectares) avec très peu

d’exploitations dépassant les 5 hectares.

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

135

La production de légumes augmente continuellement de 1980 à 1985. Une baisse est notée

pendant la période 1986 à 1988 suivie d’une nouvelle croissance dans la production de 62280

tonnes en 1989 à 77519 tonnes en 1999.

Figure22 2.12 : Superficie sous culture et production de légumes de 1980 à 2009

Cette augmentation est attribuée aux plus grandes superficies sous culture, et aussi une

amélioration des techniques de production (Figure 2.12)

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

136

En 2001, la production de légumes était à 129010 tonnes représentant une croissance

moyenne de 5% sur la période de 1995 à 2001. Les prix des légumes sont saisonniers, avec

des pics de février à avril.

2.4.1.3 Les produits

Les légumes qui ont une grande importance à l’île Maurice comprennent : la pomme de terre,

l’oignon, la tomate (pomme d’amour), la carotte entres autres.

La pomme de terre :

Production : 25000 tonnes

Demande : 14000 tonnes

Importation : 11000 tonnes (exclusivement de l’Inde)

Objectif de l’état : Produire localement 20000 tonnes en 2011

Produire 5000 tonnes dans la région

Pour produire les 20000 tonnes de pomme de terre, il faudrait 250 hectares de terres

additionnelles. Il faudrait aussi des capacités de stockage de froid pour environ 6000 tonnes

de pomme de terre pour les besoins hors saison. Ces capacités de stockage existent à l’AMB.

L’oignon:

Production : 6000 tonnes (1600 tonnes variétés locales et 4400 variétés à haut rendement)

Les propriétés sucrières contribuent 30% à la production locale et la différence vient des petits

planteurs.

Demande : 16000 tonnes

Importation : 11000 tonnes (exclusivement de l‘inde)

Objectif de l’état : Produire localement 12000 tonnes en 2011

Produire 4000 tonnes dans la région

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

137

Pour produire les 12000 tonnes d’oignon, il faudrait 190 hectares de terres additionnelles en

2015. Il faudra aussi mettre sur pied 4 unités de fumage de 500 tonnes chacune.

Légumes frais (autres que pomme de terre et oignon)

171 hectares ont été identifiés pour augmenter la production de légumes frais (autre que la

pomme de terre et l’oignon) de 3500 tonnes pour la consommation locale. Cependant, étant

déjà autosuffisant en légumes frais pour la consommation finale, il est important de bien

planifier la plantation des légumes pour ne pas déstabiliser le marché par une surproduction.

Tomate (ou pomme d’amour)

La production annuelle de la tomate est de 14, 700 tonnes sur une superficie de 935 hectares.

Le prix de la tomate varie de MUR 13 le kg à MRU 105 le kg dépendant de la disponibilité du

produit sur le marché. Il est estimé que la production de la tomate doit grimper à 28000 tonnes

en 2015 pour répondre aux besoins de la population et du secteur du tourisme.

Crucifères: Chou et Chou-fleur

Parmi les crucifères les plus communs produits localement, nous retrouvons le chou, le chou-

fleur et le brocoli. La consommation par tête d’habitant tourne autour de 4 à 5 kg pour le chou

et de 2 à 3 kg pour le chou-fleur ; tandis que la production totale 6000 tonnes pour les deux

légumes. Maurice est auto-suffisant en ce qui concerne le chou et le chou-fleur. Cependant, il

est prévu d’augmenter la superficie sous production de ces deux légumes par 90 hectares pour

fournir le secteur touristique.

Carotte

La consommation par tête d’habitant de carotte est en moyenne de 4 kg avec une demande

tournant autour de 4300 tonnes par année. La carotte est consommée sous différentes formes,

frais, surgelées, sous forme de jus, ou en boîte. Environ 3 à 4 tonnes de carottes transformées

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CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

138

sont importées annuellement. Il est estimé qu’il faudrait 350 hectares de terres pour viser une

production de 5610 tonnes de carottes en 2015.

Maïs

Le maïs, utilisé pour la consommation humaine et comme aliment dans les productions

animales, est cultivé soit en plein champ, soit dans les interlignes de la canne à sucre. A partir

de 1986, les superficies sous maïs se sont réduites à cause du maïs importé qui coûte moins

cher. Autour de 75000 tonnes de maïs en grains sont importées de l’Argentine à un coût de

MUR 386 millions. Ces dernières années, la production de maïs a décliné en moyenne par 350

tonnes localement, et est limitée aux épis de maïs destinés au marché local.

2.4.1.3 Les acteurs de la filière légumes

Les acteurs principaux de la filière légumes sont au niveau de la production: les petits,

moyens et gros producteurs (incluant ceux de la filière CAS qui cultive les légumes en

interlignes); au niveau de la distribution, les grossistes et les mandataires (marché de gros), et

les détaillants (grande distribution). Au niveau des structures d’appui il y de nombreuses

organisations publiques et privés qui apportent un soutien technique et administratif aux

producteurs (Voir section 2.4.1.5).

2.4.1.5 Les structures d’appui au secteur agricole

La filière légumes est composée d’une diversité d’acteurs qui donnent un soutien technique ou

d’ordre professionnelle aux producteurs et/ou aux distributeurs de légumes. Ces acteurs

proviennent d’organisations publiques (recherche, vulgarisation) et d’organisations privées,

(fournisseurs d’intrants, association de producteurs). Les détails sur leurs objectifs et activités

sont fournis dans les tableaux 2.5, 2.6 et 2.7 en Annexe 1.

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CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

139

2.4.1.6 Les structures de commercialisation

60% des 100000 tonnes de fruits et légumes frais produites annuellement passent à travers les

marchés de gros. Il y a une grande dépendance des petits producteurs par rapport aux

intermédiaires (grossistes et mandataires). Ces petits producteurs perçoivent en moyenne un

revenu qui représente 30-40% du prix final de revente.

En vue de ces problèmes sus mentionnés, le gouvernement a décidé de mettre sur pied un

marché de gros national en appliquant les normes d’hygiène nécessaires tout en réduisant le

gaspillage en encourant la manipulation adéquate des produits frais périssables. Ce marché

sera placé sous l’autorité de l’AMB.

2.4.2 Les défis de la filière légumes

Les défis et les contraintes auxquels doit faire face la filière légumes sont nombreux et se

trouvent au niveau de la production, de la commercialisation, et des structures d’appui.

Au niveau de la production, les contraintes sont les suivantes :

Difficultés à moderniser les techniques de production pour faire face aux exigences du

marché domestique.

Les coûts élevés des intrants, essentiellement la main d’œuvre et les

fertilisants/pesticides

Peu de mécanisation et de facilités d’irrigation

Très peu de planification nationale de la production ce qui donne lieu à des périodes

de surabondance ou de pénuries.

Abandon des terres sous production ou perte de la main d’œuvre pour d’autres

secteurs plus rémunérateurs.

Echec dans les diverses tentatives de regroupement des petits producteurs ce qui

empêche la mise en place de projets communs de mécanisation et d’irrigation

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CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

140

Résistance des petits producteurs aux changements (difficulté à adopter des moyens de

gestion modernes de la production)

Au niveau de la commercialisation, il y a très peu de liens formels entre les producteurs et les

distributeurs.

Au niveau des structures d’appui, il y a un manque de coordination et de vulgarisation de

l’information qui ne permet pas de répondre de manière efficiente aux attentes et besoins des

acteurs de la filière légumes.

2.5 La problématique générale

La description de la filière CAS et de la filière légumes nous donne un aperçu du

fonctionnement des deux filières, et des contraintes et défis auxquels elles doivent faire face

toutes les deux. Nous notons l’implication de l’Etat dans la filière CAS compte tenu de son

importance économique pour Maurice. Nous notons aussi les réactions des politiques

publiques pour garantir une politique de sécurité alimentaire pour le pays. Mais ce qui nous

intéresse c’est comment la réforme du protocole sucre a été un choc exogène indirect pour la

filière légumes de par l’entrée sur le marché des légumes de gros producteurs et distributeurs

issus de la filière CAS. Notre problématique générale découle de ce constat.

La libéralisation économique des marchés protégés peut être un des facteurs exogènes

conduisant à un changement institutionnel (Zhao et al., 2006, Aulakh et Kotabe, 2008). Des

pressions venant des organismes tels que l’OMC, la Banque Mondiale, et le Fonds Monétaire

Internationale ont poussé à la libéralisation des économies des pays en voie de développement

(PVD) et leur intégration dans l’économie globale. Il y a eu des transformations au niveau des

organisations pour que ces dernières puissent s’adapter à un nouvel environnement compétitif.

Dans le contexte de notre recherche, des pressions de l’OMC sur l’UE pour abolir les prix

préférentiels accordés aux pays ACP ont forcé des pays comme Maurice à réorganiser le

secteur sucre pour mieux s’adapter à un environnement global compétitif. La baisse du prix

du sucre de 36% par rapport au prix préférentiel du protocole sucre a automatiquement

engendré des baisses de revenus pour les producteurs sucriers. Certains petits producteurs

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

141

sucriers, qui sont en activité à temps partiel, ont abandonné leur terre sous production de

canne à sucre ou se sont tournés vers des développements fonciers, ne trouvant plus la

production sucrière rentable. Les gros producteurs sucriers n’étaient pas trop encastrés

(Newman, 2000) dans leur environnement institutionnel passé, et ont pu s’en défaire pour

s’adapter aux nouvelles règles du jeu.

Le secteur sucre a eu quelques années pour se préparer à la fin du protocole sucre et a aussi

bénéficié des mesures d’accompagnement en terme de fonds d’aide de l’UE pour financer des

projets de diversification en sous-produits de la canne (production de sucres spéciaux,

production de biocarburant, et centrale thermique à partir de la bagasse etc.) mais aussi

diversification dans la production horticole (fruits, légumes et ornementaux). Les aides

financières de l’UE ont ainsi permis aux sucriers d’épierrer les terrains marginaux pour

permettre la mécanisation des terres difficiles et l’installation de systèmes d’irrigation

sophistiqués. Cela a favorisé la mise en place de productions horticoles de grande envergure.

Les sucriers ont visé dans un premier temps la production de produits frais non périssables

tels que la pomme de terre et l’oignon pour répondre à un manque de ces produits sur le

marché mauricien à certaines périodes de l’année, et aussi pour bénéficier des mesures

incitatives mises en place par l’état pour promouvoir la production de ces légumes.

Inscrit dans ce contexte, notre travail a pour objectif de comprendre le travail institutionnel

des acteurs de la filière sucre qui ont investi la filière légumes avec leurs logiques

institutionnelles, et les effets sur le cadre institutionnel de la filière qui a été ‘envahie’, ainsi

que le travail institutionnel des acteurs en place.

Cette section nous a permis d’observer que la filière des légumes est très peu structurée

malgré un encadrement technique de haut niveau par un organisme public de recherche et de

vulgarisation. C’est une filière qui connaît un vieillissement des producteurs avec une relève

pas toujours assurée, et une production qui est restée fortement traditionnelle surtout au

niveau des petits producteurs. Nous avons pu à la fin de cette section, affiner notre

problématique générale par rapport au contexte de notre travail de recherche.

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE :

LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES

142

Conclusion du chapitre 2

Ce chapitre nous a permis de bien cerner les enjeux des filières CAS et légumes. Au départ ce

sont deux filières qui ont certes des liens historiques et une certaine perméabilité mais elles

opèrent chacune dans un cadre institutionnel différent. Nous avons vu que le niveau de

structuration de la filière CAS est élevé, et qu’elle a une grande capacité à s’adapter à des

chocs externes. Cela est du à un soutien très fort de l’état mauricien à l’industrie sucrière qui

était jusqu’à récemment l’un des piliers majeurs de l’économie mauricienne. La réforme du

protocole sucre entre les pays ACP et l’UE a remis en question la filière CAS. Cependant

grâce aux mesures d’accompagnement de l’UE, les acteurs principaux (usiniers-producteurs et

gros producteurs sucriers) de la filière CAS ont pu diversifier cette filière vers d’autres

produits à valeur ajoutée tels que l’énergie, les sucres spéciaux, le biodiesel entres autres. Une

partie des terres sous canne à sucre a été utilisée pour la culture de légumes. Ainsi nous avons

observé l’émergence de nouveaux entrants dans la filière légumes avec des technologies

modernes de production, des ressources conséquentes en termes de capitaux, de main d’œuvre

et de terres. Ces nouveaux entrants ont apporté des changements dans la filière légumes.

En revanche et malgré des efforts de l’état depuis les années 1970s en faveur de la

diversification agricole hors sucre, le secteur non-sucre incluant la filière légumes, est

relativement peu développé, et fait face à de nombreux défis qui ralentissent sa modernisation.

Au niveau de la production, les techniques utilisées pour la plupart des petits et moyens

producteurs sont traditionnelles ; au niveau de la commercialisation, il y a très peu de liens

formels entre les producteurs et les distributeurs, et au niveau des structures d’appui, il y a un

manque de coordination qui ne permet pas de répondre de manière efficiente aux attentes et

besoins des acteurs de la filière légumes.

Pour nous aider à mieux appréhender les changements intervenus dans la filière légumes,

nous avons entreprit un terrain exploratoire dont nous présenterons les résultats dans le

prochain chapitre. Les apports du terrain exploratoire nous aideront à développer nos

propositions de recherche.

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 3 : LES PROPOSITIONS DE RECHERCHE

Chapitre 1:

Les apports de la sociologie néo institutionnelle

à l’analyse de filières agricoles

PREMIERE PARTIE:

L’ANCRAGE THEORIQUE ET

LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

Chapitre 2 :

Le contexte de la recherche :

Les filières canne à sucre et légumes mauriciennes

Chapitre 3 : Les propositions de recherche

Conclusion de la partie théorique et contextuelle

Résumé d’un cadre d’analyse de l’apport des logiques institutionnelles

et du travail institutionnel dans une analyse de filière

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 3 : LES PROPOSITIONS DE RECHERCHE

144

Chapitre 3 : Les propositions de recherche

Introduction

Notre revue de littérature autour de la sociologie néo-institutionnelle dans les études

organisationnelles nous oriente vers deux niveaux d’analyse : premièrement une méso-analyse

au niveau du champ organisationnel d’une filière de production, et deuxièmement une micro-

analyse pour comprendre le travail institutionnel qui se fait au niveau des acteurs individuels

ou organisationnels de cette filière.

Basé sur les éléments de la littérature sur la SNI et les données secondaires sur notre champ

organisationnel, la filière légumes, nous avons pu élaborer une problématique générale et des

questions de recherche plus précises. Cependant, il nous a semblé pertinent avant de nous

lancer dans une étude empirique poussée, d’avoir quelques données de terrain exploratoire

pour nous aider à mieux formuler nos propositions de recherche.

Ce chapitre est divisé en deux sections : la première section présentera la démarche de notre

terrain exploratoire, les résultats que nous avons obtenus et l’apport de ces résultats à notre

compréhension de notre champ organisationnel, la filière légumes ; et la deuxième section

présentera nos propositions de recherche basées conjointement sur notre revue de littérature et

les apports de notre terrain exploratoire.

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 3 : LES PROPOSITIONS DE RECHERCHE

145

SECTION 1 : Terrain exploratoire du champ organisationnel : Résultats

et apports

Cette section présentera la démarche de notre terrain exploratoire par rapport à la

méthodologie utilisée, et les sources de données. Nous décrirons ensuite les principaux

résultats relatifs aux principaux acteurs de la filière légumes, la structure de la filière, les

piliers institutionnels qui existent dans cette filière. Nous terminerons cette section en

précisant les apports du terrain exploratoire à une meilleure compréhension de notre champ

organisationnel ce qui nous permettra de formuler nos propositions de recherche.

3.1 Présentation de l’étude exploratoire

En se basant sur ce cadre théorique et notre problématique, nous décidons d’effectuer un

terrain exploratoire pour nous permettre de mieux appréhender les enjeux de la filière légumes

face à l’arrivée des nouveaux entrants venant de la filière sucre.

3.1.1 : Méthodologie de l’étude exploratoire

Nous avons donc conduit des enquêtes exploratoires avec un guide d’entretien organisé autour

de trois grands thèmes : Identification des rôles et fonctions des acteurs principaux de la

filière légumes ; identification des piliers institutionnels de la filière ; Identification des

principaux nouveaux entrants et leurs rôles et fonctions dans la filière légumes. La structure

du guide d’entretien est donnée en Annexe 2.

Nous avons tout d’abord contacté l’organisme public responsable de la vulgarisation de la

recherche sur la canne à sucre auprès des petits producteurs sucriers, la Farmers Services

Corporation (FSC). Notre démarche était basée sur la compréhension de l’impact qu’à eu la

réforme du protocole sucre au niveau des petits producteurs de la filière sucre. Suite à cet

entretien, nous avons établi que les petits producteurs de la filière sucre n’étaient pas

directement affectés par la réforme du protocole sucre étant donné que la majorité d’entre eux

sont des producteurs à temps partiel, et ils ne dépendent pas directement des revenus

provenant de la culture de la canne à sucre.

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 3 : LES PROPOSITIONS DE RECHERCHE

146

Nous avons donc été orientés vers les gros producteurs sucriers et essentiellement les usiniers-

producteurs qui sont directement concernés par cette réforme. Pour identifier les acteurs

principaux de la filière sucre qui se sont diversifiés dans la filière légumes, nous avons

contacté la division de vulgarisation des recherches sucrières pour les gros producteurs

sucriers et usiniers-producteurs, de l’organisme de recherche sucrière, la MSIRI. Nous avons

ainsi pu identifier à l’issue de cette entretien deux acteurs principaux qui sont des nouveaux

entrants dans la filière légumes : un usinier-producteur qui s’est diversifié dans les légumes à

grande échelle ; et un regroupement de quatre usiniers-producteurs qui se sont associés pour

la production et transformation des légumes.

Nous avons ensuite contacté l’organisme public de recherche et de vulgarisation auprès des

producteurs agricoles (non-sucre), l’AREU, avec pour objectif de cerner les principaux

acteurs de la filière légumes. Nous avons ainsi identifié des acteurs au niveau de la production

(5 petits producteurs, 2 gros producteurs, et 2 associations de producteurs) ; au niveau du

circuit de distribution des légumes (3 mandataires, 2 grossistes, 2 détaillants, 2 entreprises de

distribution, 2 hypermarchés), et finalement au niveau de la consommation de légumes (2

hôtels de luxe, 1 agro-industrie). Nous présenterons ci-dessous les principaux résultats qui

ressortent de cette étude exploratoire et nous les complèterons par des données secondaires

sur la filière légumes.

3.1.2 Les résultats de l’étude exploratoire

La filière légumes (FL) a deux domaines principaux d’activités: la production en amont de la

filière et le circuit de distribution en aval. Les acteurs, autres que les producteurs et

distributeurs, qui ont un rôle important dans ce champ organisationnel inclut les associations

de producteurs, les organismes publics de recherche agricole, et les clients principaux tels que

la grande distribution et les hôtels.

Figure 3.0 illustre la FL comme un champ organisationnel avec des acteurs ayant un but

commun, la production, distribution et vente de légumes comme une activité économique.

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 3 : LES PROPOSITIONS DE RECHERCHE

147

Figure23 3.0 : La filière légumes mauricienne

Le domaine de production consiste de petits, moyens et gros producteurs, tandis que le

domaine de la distribution inclut les grossistes, mandataires, et détaillants. L’intersection entre

ces deux domaines (A) représente les acteurs qui sont impliqués dans les deux types

d’activités. Au bout de la chaîne nous retrouvons les clients (consommateurs mauriciens et

hôtels de luxe) Les autres acteurs importants au niveau macroéconomique sont les organismes

publics (l’état, les organismes de recherche, les organismes régulateur), et les associations de

consommateur.

3.1.2.1. Les acteurs économiques de la filière légumes

Les principaux acteurs économiques de la filière légumes sont les producteurs de légumes en

place, les grossistes, les mandataires, les détaillants et les clients tels que les hôtels de luxe et

la grande distribution. Suite à un entretien avec un agro-industriel, il se trouve que les agro-

industries en activité dans la transformation de légumes, dépendent à 99% des matières

premières importées, et l’agro-industrie n’a donc pas été considérée ici comme un acteur clé

dans la filière légumes. Nous donnons ci-dessous une brève description de ces acteurs :

Association de

consommateurs

Organismes

régulateurOrganismes

public

Domaine de

Production

Fournisseurs

d’intrantsDomaine de

Distribution

Fournisseurs

d’intrantsA

Niveau méso économique

Niveau macro-économique

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 3 : LES PROPOSITIONS DE RECHERCHE

148

Les producteurs peuvent être catégorisés en petit exploitant (moins de 0,42 hectares), moyen

exploitant (de 0,42 à 5 hectares), à gros exploitant (plus de 5 hectares). La majorité de ces

producteurs produisent en plein champ, et leurs exploitations sont très peu mécanisées. Les

petits et moyens exploitants sont pour la plupart propriétaires de leur terrain, tandis que les

gros exploitants louent une partie de leur terrain auprès de particuliers, d’usiniers-producteurs

de la filière sucre, ou louent des terrains à bail appartenant à l’état.

Les grossistes-particuliers sont pour la plupart des négociants (ou marchands) qui agissent à

un niveau individuel et vont négocier l’achat des légumes directement aux champs. Ils

forment un maillon important dans la filière car ils représentent le lien entre le petit et moyen

producteur et le mandataire, et permettent de compenser le manque de logistique au niveau de

la production. Il y a cependant l’émergence de nouveaux types de grossistes qui ont formé des

sociétés de distribution. Ils ont investi dans des stations de conditionnements, des chambres

froides, et des véhicules réfrigérés, et s’approvisionnent directement auprès des producteurs

ou à travers les marchés de gros. Ils importent aussi certains légumes non disponibles sur le

marché local. Ces grossistes acheminent leurs produits de qualité essentiellement vers les

hôtels de luxe.

Les mandataires sont des agents privés qui officient dans les marchés de gros. Leur rôle est

essentiellement de vendre, pour le compte des producteurs, les légumes aux enchères deux

fois par semaine. Ils agissent donc au nom du producteur et perçoivent une commission de

10% sur le prix final de vente. Les mandataires ont aussi un rôle social très important car ils

assurent une disponibilité de liquidités aux producteurs pour financer l’achat d’intrants. Ce

même service est étendu aux grossistes qui achètent les légumes dans les marchés de gros.

Les mandataires représentent ainsi un maillon fort de la filière car 80% des légumes transitent

à travers les marchés de gros.

Les détaillants se trouvent être l’avant dernier maillon de la filière avant les consommateurs

qui achètent dans les foires et marchés urbains et ruraux. Ces détaillants achètent

essentiellement les légumes auprès de mandataires, quoique certains détaillants soient eux-

mêmes des petits producteurs qui viennent vendre directement leurs légumes dans les foires et

marchés.

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 3 : LES PROPOSITIONS DE RECHERCHE

149

Il faut noter à ce stade que les mandataires et grossistes-particulier peuvent avoir plusieurs

fonctions. En effet, les filières de distribution autrefois cloisonnées se sont complexifiées et,

aujourd’hui, il n’est pas rare de voir une même entreprise assurer plusieurs fonctions

(production, importation, expédition, vente au détail). Ces fonctions de distribution ont un

coût, financé par une marge.

Les hôtels de luxe à l’île Maurice, qui ont une importance capitale dans l’industrie locale de

tourisme haut de gamme, ont un besoin journalier en produits de qualité. Les chefs cuisiniers

dans les chaînes d’hôtel font appel à des centrales d’achat avec un cahier des charges et des

exigences bien précis, et préfèrent avoir affaire à des grossistes spécialisés dans la vente aux

hôtels qu’acheter directement aux producteurs pour des raisons de qualité et de régularité.

Le secteur de la grande distribution (GD) à l’île Maurice est composé de trois

hypermarchés internationaux, et de plusieurs chaînes de supermarchés locales. La GD s’est

lancé dans la promotion des légumes il y a une dizaine d’années. Elle vise une clientèle de

professionnels qui n’a pas le temps de fréquenter les foires et marchés traditionnels, et

proposent aussi des produits en découpe, frais et emballés.

Nous terminons cette partie sur les acteurs clés de la FL en nous tournant vers les

consommateurs mauriciens qui sont les derniers maillons de la filière et représentent quand

même le plus gros marché pour les légumes non transformés. Les habitudes alimentaires

mauriciennes associées aux différentes cultures et religions présentes dans l’île, donnent une

importance particulière aux légumes tout au long de l’année, et bien que l’emphase ne soit pas

sur des produits de qualité (le prix étant un facteur déterminant), il y a donc une forte

demande locale pour les légumes et dans les marchés de proximité.

3.1.2 Structure de la filière légumes

Les légumes qui ont une grande importance à l’île Maurice comprennent entres autres la

pomme de terre, l’oignon, la tomate (nom local : pomme d’amour), la carotte, et les

cucurbitacées. La filière légumes garde une structure composite, c’est à dire, qu’il y a une

coexistence de plusieurs systèmes de production et différents types de producteurs, de même

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 3 : LES PROPOSITIONS DE RECHERCHE

150

que différents types de commercialisation et de vente au détail, et diverses modes de

régulation de la filière. En se basant sur la catégorisation de Codron (1994) nous avons

identifié trois types de circuits de production :

Les circuits courts :

Dans ce type de circuit, nous avons le producteur vendeur qui commercialise directement ses

légumes soit au consommateur (vente à la ferme ; vente au bord des champs) ; soit en

livraisons aux clients tels que des détaillants (en direct ou sur marché de gros) ou des

restaurateurs (en direct) en particulier pour des légumes fragiles ; ou soit sur des marchés de

détails.

Les circuits de marché physique (ou circuits longs) :

Ces circuits sont constitués de négociants ou grossistes (particuliers ou sociétés) spécialisés en

légumes qui s’approvisionnent auprès des producteurs aux champs et acheminent les produits

par les marchés de gros et débouchent sur les marchés de détails urbains (supermarchés,

hypermarchés) et les boutiques spécialisées. Il y aussi les producteurs expéditeurs qui

envoient leurs légumes directement au marché de gros pour la vente à travers les mandataires.

Il est à noter que l’accès aux marchés urbains et ruraux est réglementé par les autorités

locales. Les détaillants détiennent un permis qui les autorise à vendre les produits sur les étals.

Cependant, les producteurs qui vendent leurs légumes à travers le marché de gros ne sont pas

enregistrés auprès d’une autorité régulatrice.

Les circuits intégrés hors marchés:

Ces circuits sont souvent associés à des productions de légumes en plein champ ou sous serres

et des stations de conditionnement connexes gérées par des sociétés de distribution en amont

et qui approvisionnent des supermarchés et/ou des hôtels de luxe.

La filière légumes dans le contexte mauricien pourrait donc être représentée schématiquement

comme dans la Figure 3.1. Ce schéma permet de repérer les flux des produits des producteurs

aux consommateurs.

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 3 : LES PROPOSITIONS DE RECHERCHE

151

Figure24 3.1 : Principaux canaux de distribution pour les légumes provenant des producteurs

traditionnels de légumes et des gros producteurs sucrier

Source : Adapté de (Pareanen,2008)

La majorité des producteurs traditionnels vendent leurs légumes à travers les trois principaux

marchés de gros (Vacoas, Port-Louis et Flacq). 70% des producteurs qui vendent aux marchés

de gros sont des petits et moyens producteurs (49% ont moins de 0.42 hectares et 21%

cultivent plus de 0.42 hectares). 16% des fournisseurs des marchés de gros sont des

contractuels, et 14% des usiniers-producteurs. A noter que 65% des petits et moyens

producteurs reçoivent des facilités de crédits des mandataires. Cela a un impact sur la relation

de pouvoir entre le mandataire et le producteur.

Producteurs

légumes(moins de 0,42ha)

Producteurs

légumes

(plus de 0,42ha)

Producteurs

contractuels

Usiniers-

Producteurs

50% camionneursMarchés de

gros

Assembleur

Détaillants marchés (31%)

Détaillants foires (31%)

Boutiques, marchands

ambulants (9%)

Autres restaurants, hôtels

et supermarchés (11%)

Grossistes

60 – 85%

5-15%

10 – 25%

19%

Hôtels et restaurants (43%)

Supermarchés (23%)

Contractuels (25%)

Detaillants boutiques (6%)

Contractuels

– ferme animale (3%)

Détaillants marchés

Détaillants foires

Boutiques

Supermarchés

Légumes transportés par les assembleurs

Légendes

Légumes transportés par les camionneurs

Producteurs expédient produits aux marchés de gros et aux grossistes

Niveau de la production Vente au Gros Vente au détail

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 3 : LES PROPOSITIONS DE RECHERCHE

152

3.1.2.3. Les piliers institutionnels de la filière légumes

En nous servant du tableau de Scott (2008) qui définit les trois piliers des institutions (voir

section 1.4.1) et le tableau de Trouinard (2004) qui différencie entre les institutions formelles

et informelles, nous avons utilisé les données secondaires sur la filière légumes et les données

primaires de notre terrain exploratoire pour identifier les indicateurs dans la filière qui se

réfère aux trois piliers institutionnels comme présenté dans le tableau 3.1.

Tableau14 3.1: Les trois piliers institutionnels de la filière légumes

Pilier Indicateur Type

d’institution

(formel/

informel)

Exemples Acteur(s)

directement

concerné(s) dans

la filière légumes

Régulateur Lois Formel

Dangerous Chemical Control

Act 2004 : régule l’utilisation

de pesticides

Producteurs

Fournisseurs

d’intrants

The Genetically Modified

Organisms Act 2004: régule

l’importation et l’utilisation de

produits génétiquement

modifiés.

Producteurs

Fournisseurs

d’intrants

Food Act 1998 : production de

produits alimentaires

Producteurs,

distributeurs

Sugar Industry Efficiency

Act 2001: conversion des

terres à but non-agricole

Location des interlignes de

canne à sucre, ou champ en

rotation pour culture de

légumes

Producteurs en

place et

nouveaux

(sucriers)

Mauritius Agricultural

Marketing Act 1964 : Subsides

sur les semences de pomme de

terre

Producteurs

Distributeurs

Normatif Normes/

standards

Formel

Critères de qualité pour l’achat

de pomme de terre et d’oignon

par l’AMB

Producteurs

Distributeurs

Informel

Cahier de charge pour l’achat

de légumes par les hôtels de

luxe

Producteurs

Distributeurs

Culturel-

cognitif

Logiques

institutionnelles

Informel Données non disponibles Producteurs en

place

Nouveaux

producteurs

Distributeurs en

place

Nouveaux

distributeurs

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 3 : LES PROPOSITIONS DE RECHERCHE

153

Le tableau 3.1 nous donne un aperçu global des piliers institutionnels qui existent dans la

filière légumes.

3.1.3 Les apports de l’étude exploratoire

L’étude exploratoire de la filière légumes à l’île Maurice nous a permis de mieux cerner les

enjeux de cette filière par rapport aux effets indirects de la réforme du protocole sucre; et

d’identifier les agents économiques clés de la filière des légumes.

La filière légumes souffre de nombreuses faiblesses: manque de vision d'ensemble des

réseaux d'acheminement des produits par les agents économiques ce qui ne permet pas à ces

derniers de comprendre le fonctionnement du système ; un bon nombre de petits producteurs

utilisent des pratiques culturales traditionnelles et sont réticents aux nouvelles techniques de

production. La filière légumes est peu structurée en amont au niveau des producteurs, et ce

sont les intermédiaires qui se sont organisés pour s'approprier des parts de marché importants

auprès des hôtels et de la grande distribution.

Les mandataires qui officient dans les marchés de gros ont officiellement un rôle de médiateur

entre le producteur et l’acheteur. Mais dans la pratique, l’importance des mandataires est tout

autre. Ils contrôlent le flux de légumes qui transitent à travers les marchés de gros, et ils

offrent des facilités de crédits aux producteurs et aussi aux acheteurs dans les marchés de

gros. Cependant en contrepartie, il y a un manque de transparence dans la fixation des prix de

vente. Ce qui devait être au départ une enchère pour trouver le meilleur prix pour le

producteur devient vite une négociation entre le mandataire et l’acheteur potentiel. Le

producteur qui, faute de temps, n’est souvent pas physiquement présent au marché de gros

prend le risque de recevoir un prix pour son produit qui ne reflète pas nécessairement le prix

de vente. Plusieurs acteurs économiques de la filière légumes sont d’accord pour dire que

l’infrastructure et le fonctionnement des marchés de gros sont dépassés. Mais les alternatives

sont contraignantes pour la majorité des producteurs comme la vente directe au champ aux

grossistes (ce genre de circuit est ponctuel et dépend du volume de produit sur le marché ; les

grossistes ne s’intéressant aux ventes directes qu’en cas de pénurie) ; ou les ventes directes

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 3 : LES PROPOSITIONS DE RECHERCHE

154

aux supermarchés ou à des compagnies de distribution (circuits qui demeurent inaccessibles

pour les producteurs individuels qui ne peuvent assumer les frais de transports, ainsi que le

cahier des charges généralement associés à ces circuits de distributions). Cependant la vente à

travers le marché de gros reste prédominante, malgré les contraintes de ce système qui est

dépassé tant au niveau des infrastructures qu’au niveau de l’efficience.

Il ressort de cette analyse que les producteurs traditionnels de légumes sont encastrés dans un

système de production archaïque et désuet, et qu’ils subissent les contraintes et les diktats de

certains agents économiques tels que les mandataires. Ces mandataires sont en quelque sorte

le maillon stratégique de la filière légumes car au moins 80% des légumes transitent par les

marchés de gros faute d’une structure ou d’un circuit de distribution plus efficient. La

majorité des producteurs traditionnels de légumes font aussi face à des limites cognitives de

leur environnement institutionnel (Yami, 2003) et ne réalisent pas directement l’impact que

peut avoir l’arrivée des usiniers-producteurs à long terme sur le marché des légumes. Ce qui

fait qu’ils ne sont pas réactifs ou proactifs face aux nouveaux entrants dans la filière.

Les producteurs sucriers, quant à eux, ont dû faire face à une désinstitutionalisation du secteur

sucre car les principes du jeu (les logiques institutionnelles) ont changé. Pour s’adapter, les

usiniers-producteurs et les gros producteurs sucriers se sont transformés en entrepreneurs et

opportunistes pour se diversifier dans la production horticole. Nous nous rapportons aux

travaux empiriques de DiMaggio (1991), Fligstein (1997) ; Kondra et Hinings (1998),

Greenwood et al. (2002), Battilana (2006b), Battilana et al. (2009) qui montrent le rôle

significatif des professionnels qui sont là pour apporter des changements dans les champs

institutionnels pour promouvoir leurs propres intérêts. De ce fait on peut dire que les usiniers-

producteurs et les gros producteurs sucriers ayant subi un changement institutionnel dans le

secteur sucre ont à leur tour causé un choc exogène à la filière légumes. En entrant dans la

filière légumes, ces producteurs sucriers ont choisi une stratégie de réseau (Peng, 2003) pour

se mettre en place. De ce fait, ils entrent en concurrence frontale avec les producteurs

traditionnels de légumes en utilisant les infrastructures existantes telles que les marchés de

gros, et aussi en utilisant les réseaux et relations tels que les grossistes-particuliers qui

préfèrent dans une certaine mesure s’approvisionner auprès d’un seul gros producteur sucrier

qu’auprès de plusieurs petits et moyens producteurs (traditionnels) pour minimiser leurs coûts

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 3 : LES PROPOSITIONS DE RECHERCHE

155

de transactions. D’autres gros producteurs sucriers ont choisi une stratégie collective

confédérée (Astley et Fombrun, 1983), et se sont constitués en groupe d’affaires en se basant

sur leurs ressources et capacités communes (Guillen, 2000) telles que la terre et les capitaux

pour entrer dans la filière légumes plus rapidement et efficacement.

Cependant, notre étude exploratoire a fait aussi ressortir qu’il y a certains acteurs

économiques traditionnels de légumes qui sont avant-gardistes et ont des stratégies

institutionnelles pour mieux rentabiliser leur production. Certains se sont regroupés pour

bénéficier d’une technologie de production commune ; d’autres pour faciliter les achats

d’intrants auprès des agro fournisseurs, et d’autres encore ont formé des compagnies de

distribution qui court-circuitent les traditionnels marchés de gros en s’approvisionnant

directement auprès des producteurs aux champs. Ces formes de stratégies institutionnelles

collectives sont des signes tangibles des effets d’une stratégie d’adaptation de certains acteurs

face aux nouvelles règles du jeu, et qui mènent inéluctablement à une restructuration de la

filière.

L’étude exploratoire nous a apporté des éléments nouveaux qui complètent notre

compréhension de la filière légumes. Elle nous a permis d’affiner notre problématique

générale et de reformuler notre question de recherche de façon plus précise, associé à notre

cadre conceptuel développé dans le premier chapitre, comme suit :

Quels sont les types et formes de travail institutionnel qui sont menés par les

nouveaux acteurs de la filière légumes pour modifier les logiques institutionnelles

existantes de la filière ; et quels sont les types et formes de travail institutionnel qui

sont utilisés par les acteurs en place de la filière légumes face à la possibilité de

nouvelles logiques institutionnelles?

Cette question s’intéresse aux institutions, au changement institutionnel, aux logiques

institutionnelles, et au travail institutionnel. Notre cadre théorique initial nous permet à la fois

d’examiner l’ensemble de la filière légumes dans une perspective méso, et à la fois de

comprendre le travail institutionnel qui se fait au niveau des acteurs individuels et

organisationnels avec une perspective micro.

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 3 : LES PROPOSITIONS DE RECHERCHE

156

Cependant à ce stade de notre recherche, les apports des données secondaires et de l’étude

exploratoire ne sont pas suffisants pour nous apporter un éclairage sur plusieurs dimensions

de la filière légumes. Nous nous posons les questions suivantes :

1) Est-ce que les acteurs en place et nouveaux du CO légumes sont légitimes par

rapport aux piliers régulateurs, normatifs et culturel-cognitif ?

2) Pouvons nous identifier les logiques institutionnelles qui déterminent le pilier

culturel-cognitif du CO légumes ?

3) Est-ce que ces logiques institutionnelles sont homogènes ou hétérogènes ?

4) Quel est le degré d’institutionnalisation de ces logiques institutionnelles dans la

filière légumes ?

5) Quel est le degré de structuration de la filière légumes, c'est-à-dire, son degré

d’ouverture aux logiques institutionnelles externes ?

6) Quelles sont les caractéristiques des acteurs qui influencent leur travail

institutionnel ?

Cette section nous a permis d’avoir une idée plus précise de notre contexte empirique en nous

donnant des éléments de réponse à nos questions de recherche à travers les apports de notre

terrain exploratoire. Cependant plusieurs autres questions ont été soulevées, et pour nous

permettre de répondre à ces questions nous formulerons, dans la prochaine section, des

propositions de recherche basées sur des conjectures issues de notre terrain exploratoire.

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 3 : LES PROPOSITIONS DE RECHERCHE

157

SECTION 2 : Elaboration des propositions de recherche

Cette section a pour objectif d’expliciter les apports de notre terrain exploratoire à travers les

conjectures que nous formulerons et qui nous permettront de préciser nos propositions de

recherche.

3.2 Apports du terrain exploratoire à la formulation des propositions

de recherche

Ayant abordé notre terrain exploratoire avec des concepts issus de notre revue de la littérature

sur la SNI, nous avons avancé des conjectures basées sur nos observations du terrain et à

travers les entretiens avec les acteurs de notre champ organisationnel. Nous exposons ces

conjectures ci-dessous.

3.2.1 Conjectures

Notre terrain exploratoire et notre cadre conceptuel nous ont permis d’avancer les conjectures

suivantes :

Les effets de l’arrivée des nouveaux acteurs dans la filière légumes?

L’étude exploratoire nous a permis d’observer les effets directs de la réforme du protocole

sucre sur la filière sucre et les effets indirects sur la filière légumes (Tableau 3.2) suite à la

réforme du protocole sucre :

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 3 : LES PROPOSITIONS DE RECHERCHE

158

Tableau15 3.2 : Effets directs et indirects des nouveaux entrants dans la filière légumes

Effets directs sur la filière sucre Effets indirects sur la filière légumes

Venant d’une filière très structurée,

beaucoup de petits producteurs de sucre

opérant à temps partiel dans la filière

sucre, avec la baisse du prix du sucre, ont

soit abandonné leur culture soit se sont

diversifiés dans des activités non-

agricoles.

Les usiniers-producteurs et les gros

producteurs sucriers utilisent les

infrastructures et circuits de distribution

existants (tels que les grossistes) dans la

filière légumes pour acheminer leurs

produits essentiellement aux marchés de

gros.

Les gros producteurs sucriers, ayant des

actifs spécifiques très importants, ont

utilisé leurs ressources (terre, capitaux)

pour se diversifier dans les légumes et ont

saisi les opportunités dans le champ

institutionnel de par les mesures

incitatives de l’état, ainsi que l’aide

financière de l’UE.

Les intermédiaires tels que les grossistes qui

achètent des légumes directement aux

champs trouvent plus d’avantages à acheter

en gros avec les gros producteurs sucriers,

car cela réduit leurs coûts de transaction.

Les producteurs traditionnels de légumes

bénéficient d’aides financières de l’état pour

des projets communs qui permettent

l’augmentation des volumes de production.

Certains producteurs réagissent et se

regroupent, et utilisent donc une stratégie

collective de mise en commun de leurs

ressources pour moderniser leurs techniques

de production et/ou améliorer les circuits de

distribution.

Les producteurs traditionnels de légumes en place font face à certaines contraintes telles

qu’un coût de production très élevé, accès difficile au crédit; peu de moyen pour la

mécanisation. Il y a donc très peu d’investissement dans la productivité et la qualité par

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 3 : LES PROPOSITIONS DE RECHERCHE

159

manque de moyens et cela rend l’accès difficile aux marchés de niches (GD, hôtels).

Cependant, les mesures incitatives de l’état mauricien, suite à la crise alimentaire mondiale de

2008, ont créé des opportunités pour certains producteurs traditionnels avant-gardistes qui ont

adopté des stratégies collectives en se regroupant en association de producteurs pour investir

dans l’amélioration de la valeur ajoutée en proposant des légumes prédécoupés en barquette

pour les supermarchés. D’autres ont mis leurs ressources en commun pour profiter d’outils de

mécanisation qui améliorent la productivité de leurs activités agricoles. D’autres encore se

sont lancés dans des compagnies de distribution avec des stations de conditionnements et

jouent le rôle de grossistes auprès des producteurs de légumes, et approvisionnent ainsi les

hôtels de luxe.

Ces observations nous amènent à la première et à la deuxième conjecture:

La première conjecture: nous supposons que les conditions du champ organisationnel de la

filière légumes telles que son degré d’ouverture et son hétérogénéité induisent les conditions

nécessaires à différents types de travail institutionnel parmi les nouveaux acteurs et les

acteurs en place dans la filière.

La deuxième conjecture: Nous supposons que certaines caractéristiques des acteurs (nouveau

et en place) telles que leur orientation temporelle et leur position sociale favorisent le choix

du type de travail institutionnel.

Nous nous intéressons maintenant aux usiniers-producteurs et gros producteurs sucriers

comme nouveaux agents économiques dans la filière légumes. D’après le plan stratégique

pour l’industrie sucrière mauricienne, en 2009, il y avait 70000 hectares de terre sous canne à

sucre, avec une prévision de 55000 hectares pour 2013. La diversification des terres sous

canne à sucre s’est orientée vers la production de légumes, fruits, ornementaux, et production

animale. Les fruits et légumes suivants sont produits : pomme de terre, oignon, giraumon,

carotte, pomme d’amour, litchi, mangue, papaye, banane, ananas.

Les usiniers-producteurs/gros producteurs sucriers se sont tournés en priorité vers la culture

des non-périssables telle que la pomme de terre, les carottes, la courge pour répondre à un

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 3 : LES PROPOSITIONS DE RECHERCHE

160

besoin sur le marché. Ils ont investi massivement dans l’épierrage des champs pour pouvoir

mécaniser la production et la récolte. Il y a eu aussi des investissements conséquents dans des

infrastructures telles que les stations de traitements post-récoltes et les chambres froides pour

favoriser le stockage des produits en surplus et profiter ainsi des meilleurs prix sur le marché.

Certains usiniers-producteurs se sont réunis en groupe stratégique pour produire de la pomme

de terre et aussi investir dans une usine de conditionnement et de transformation en frites

surgelés.

Les usiniers-producteurs/gros producteurs sucriers vendent essentiellement aux grossistes

directement aux champs. Mais dans le futur ils ont prévu une stratégie de vente axée sur les

marchés de niche tels que les hôtels de luxe.

Ces nouveaux acteurs de la filière ont introduit de nouvelles méthodes de production et de

nouvelles formes de coordination avec d’un côté des relations privilégiées avec des acteurs

traditionnels de la filière (grossistes) et de l’autre côté par l’organisation de la production sous

formes de groupe d’affaires introduisant des innovations en matière de production et de

transformation.

La troisième conjecture est donc la suivante : nous supposons que les nouveaux arrivants

dans la filière légumes ont entrepris un travail institutionnel pour changer les logiques

institutionnelles existantes. Nous avançons donc, que le champ institutionnel de la filière

légumes a subi des changements au niveau des logiques institutionnelles existantes.

3.2.2 Les propositions de recherche

Notre grille de lecture basée sur un croisement de la littérature sur les entrepreneurs

institutionnels, la littérature sur le travail institutionnel et la littérature sur les logiques

institutionnelles, et les résultats du terrain exploratoire et les conjectures, les données

secondaires empiriques sont utilisées pour développer nos propositions de recherche.

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 3 : LES PROPOSITIONS DE RECHERCHE

161

Le choix du type de travail institutionnel adopté par un acteur dans un champ organisationnel

dépend de plusieurs facteurs. Si le choix de l’acteur se porte sur la création ou la

déstabilisation des institutions, cela nous ramène aux travaux sur l’entrepreneuriat

institutionnel qui proposent des conditions objectives des champs organisationnels, aussi bien

que des caractéristiques personnelles des acteurs qui favorisent leurs projets. Si le choix de

l’acteur se porte sur le maintien des institutions pour préserver ses acquis, nous retrouvons les

stratégies discursives des acteurs pour préserver leurs acquis (Ben Slimane, 2007; Maguire et

Hardy, 2009) ou maintenir leur légitimité et la légitimité des arrangements institutionnels

existants face à des alternatifs (Trank et Washington, 2009).

D’après Newman (2000), les entreprises qui sont trop encastrées dans leur environnement

institutionnel du passé auront plus de mal à se transformer et à s’adapter aux nouvelles règles

du jeu. Ce n’est pas le cas des gros producteurs sucriers car suite au choc exogène causé par la

réforme du protocole sucre, une des stratégies d’adaptation des gros producteurs sucriers a été

la diversification dans la production de légumes. Les producteurs sucriers ont choisi

initialement une stratégie de réseaux pour s’intégrer dans la filière légumes en utilisant les

infrastructures déjà présentes comme les marchés de gros et les services proposés par les

intermédiaires tels que les grossistes. Il est possible de supposer qu’au fil du temps, les

producteurs sucriers se démarqueront des producteurs traditionnels de légumes en adoptant

une stratégie basée sur les ressources, les compétences et les capacités. Nous nous intéressons

à tester si l’arrivée des producteurs sucriers dans le champ institutionnel de la filière des

légumes est un choc exogène qui a changé les règles institutionnelles.

Les conditions du champ institutionnel qui favorisent le travail institutionnel se rapportent

premièrement au degré d’ouverture du champ aux logiques institutionnelles ce qui provoque

des tensions et favorisent l’action stratégique, et deuxièmement au niveau du degré

d’institutionnalisation des logiques institutionnelles du champ.

3.2.2.1 Proposition P1

La première proposition de recherche (P1) concerne les conditions objectives d’un champ

organisationnel qui favorisent la recherche d’opportunités pour les acteurs en place ainsi que

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 3 : LES PROPOSITIONS DE RECHERCHE

162

pour les acteurs externes au champ. Ces conditions sont objectives car elles ne peuvent être

influencées par les acteurs mais servent de point de départ pour déclencher le processus de

changement institutionnel. Ainsi nous retrouvons dans la littérature les conditions au niveau

des champs organisationnels tels que les chocs exogènes, les situations de crises (Greenwood

et al., 2002, Fligstein, 1997, Holm, 1995). Des ressources rares peuvent aussi pousser des

acteurs à migrer dans d’autres champs (Durand et McGuire, 2005). Les caractéristiques des

champs organisationnels tels que le degré d’hétérogénéité et le degré d’institutionnalisation

des pratiques institutionnels (Dorado, 2005) influencent le processus de changement

institutionnel.

La première proposition de recherche (P1) peut être reformulée ainsi :

P1 : Le type de travail institutionnel dépend des caractéristiques du champ

organisationnel

Cependant comme le champ organisationnel a plusieurs composants clés parmi lesquels les

systèmes relationnels, les systèmes culturels-cognitifs, les archétypes organisationnels, et les

répertoires d’action collective (Scott, 2008), nous nous concentrons sur les systèmes culturels-

cognitifs sous la forme des logiques institutionnelles pour établir leur degré d’hétérogénéité et

d’institutionnalisation.

Ainsi, la proposition H1 peut être décomposée en deux sous-propositions P1a et P1b pour

mieux cerner deux caractéristiques importantes du champ organisationnel : le degré

d’hétérogénéité des logiques institutionnelles et le degré d’institutionnalisation des logiques

institutionnelles

P1a: Le type de travail institutionnel dépend du degré d’hétérogénéité des logiques

institutionnelles dans le champ organisationnel

P1b: Le type de travail institutionnel dépend du degré d’institutionnalisation des

logiques institutionnelles dans le champ organisationnel

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 3 : LES PROPOSITIONS DE RECHERCHE

163

Des entretiens qualitatifs auprès d’association de producteurs, et auprès de producteurs qui

opèrent seuls nous aiderons à vérifier cette deuxième proposition de recherche.

La filière légumes est une filière où les organisations et individus sont très encastrés et qui

perpétue les mêmes types d’organisations depuis plusieurs décennies. Il y a cependant du

renouveau avec l’émergence d’un nouveau genre d’entrepreneurs qui veulent changer les

normes et mythes institutionnels et venir avec de nouvelles idées et techniques de production

et de distribution des légumes. Ce sont des entrepreneurs institutionnels qui veulent dévier de

la norme institutionnelle et imposer leurs propres standards et intérêts tout en légitimant leurs

actions et leur appartenance au champ institutionnel.

3.2.2.2 Proposition P2

La deuxième proposition de recherche (P2) concerne les caractéristiques subjectives des

acteurs individuels ou organisationnels et peut être formulée ainsi :

P2 : Le type de travail institutionnel dépend des caractéristiques des acteurs individuels

ou organisationnels

La proposition P2 peut être décomposée en deux sous-propositions P2a et P2b pour mieux

cerner deux caractéristiques subjectives des acteurs individuels ou organisationnels : leur

orientation temporelle et leur position sociale dans le champ organisationnel où ils sont en

activité.

P2a: Le type de travail institutionnel dépend de l’orientation temporelle des acteurs

individuels ou organisationnels.

P2b: Le type de travail institutionnel dépend de la position sociale des acteurs

individuels ou organisationnels.

En premier lieu, l’orientation temporelle des acteurs influence leur intentionnalité par rapport

au type de travail institutionnel qu’ils entreprennent. L’intentionnalité est une dimension

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 3 : LES PROPOSITIONS DE RECHERCHE

164

cognitive qui permet de qualifier de travail institutionnel, les actions ou pratiques des acteurs.

Emirbayer et Mische (1998) définissent trois formes d’intentionnalité basées sur l’orientation

temporelle des acteurs. Ainsi une forme d’intentionnalité tournée vers le passé permet aux

acteurs de se baser sur leurs expériences et de sélectionner, et d’utiliser des schémas de

pensées et d’actions ‘allant de soi’. Une deuxième forme d’intentionnalité se base sur le

moment présent, et s’appuie sur « la contextualisation de l’expérience sociale », ce qui

implique une délibération individuelle ou collective sur les exigences des situations

normatives. Une troisième forme d’intentionnalité est orientée vers le futur et les acteurs font

des hypothèses sur les stratégies possibles aux situations problématiques. Lawrence et al.,

(2009b) postulent que la schématisation (passé), la contextualisation (présent) et la

construction d’hypothèses aident les acteurs à relier leurs actions à leurs situations.

En deuxième lieu, la position sociale des acteurs individuels ou organisationnels peut jouer un

rôle dans le changement divergent des normes institutionnelles en influençant la perception

des conditions présentes dans le CO. Sewell (1992) argumente que la capacité d’action

agentique est déterminée par une multitude de schémas culturels et de ressources qui sont dus

au milieu social où évolue l’acteur. Il y a cependant des variations dans les études car certains

parlent d’organisations avec une position sociale faible qui ont plus de chances de provoquer

des changements divergents (Garud et al., 2002; Haveman et Rao, 1997; Hirsch, 1986) ;

tandis que d’autres chercheurs parlent d’organisations avec une position sociale élevée qui

sont plus aptes à provoquer des changements (Greenwood et Suddaby, 2006;Greenwood et

al., 2002). Battilana et al.,(2009) postulent que ces variances sont dues aux différences dans

les conditions des CO, c’est à dire le degré de hétérogénéité et d’institutionnalisation (Dorado,

2005); et aussi au type de changement divergent qui est causé (Battilana, 2007). Leblebici et

al. (1991) démontrent, à travers une étude du champ de diffusion des ondes radiophoniques

aux Etats Unis, que la plupart des nouvelles pratiques sont introduites par des acteurs

périphériques du champ. Les acteurs puissants du CO, pour protéger leurs intérêts dans les

pratiques institutionnalisées, se servent de leurs ressources pour « maintenir le statu quo ou

favoriser les pratiques introduites qui confirment les pratiques déjà établies ». Garud et al.

(2002) illustrent le rôle de Sun Microsystèmes, en tant qu’organisation à la périphérie du CO,

dans la diffusion de la plateforme Java pour contrer la domination de Microsoft, acteur

centrale du CO. Munnir et Phillips (2005) décrivent le rôle de Kodak comme acteur

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 3 : LES PROPOSITIONS DE RECHERCHE

165

périphérique du champ de la photographie qui réussit à dominer le champ et les

professionnels de la photographie, avec l’introduction de la pellicule. Rao et al. (2000)

décrivent la formation de nouvelles formes organisationnelles dans les interstices entre

différents champs organisationnels.

3.2.2.3 Proposition P3

Finalement la troisième proposition de recherche (P3) se rapporte au changement

institutionnel dans la filière sucre qui a provoqué un travail institutionnel dans la filière des

légumes et a changé les logiques institutionnelles existantes.

P3 : Les différents types de travail institutionnel entrepris par les acteurs (nouveaux et

en place) de la filière légumes ont changé les logiques institutionnelles existantes

Nous proposons de tester cette proposition de recherche en nous référant aux sources de

donnes secondaires et primaires dans le but d’identifier les logiques institutionnelles présentes

avant et après l’arrivée des nouveaux entrants dans la FL. Notre objectif est d’identifier s’il y

a eu de nouvelles logiques institutionnelles et dans quelles mesures ces nouvelles logiques ont

pu être légitimées dans le champ organisationnel à travers les différents types de travail

institutionnel entrepris par les acteurs nouveaux et en place.

Cette section est une étape décisive dans notre travail de recherche car elle décrit l’élaboration

de nos propositions de recherche qui s’appuient aussi bien sur notre cadre conceptuel que sur

les apports de notre terrain exploratoire. Nous avons ainsi pu formuler trois propositions de

recherche qui nous aide à cerner à la fois le niveau méso et le niveau micro de notre champ

organisationnel.

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CHAPITRE 3 : LES PROPOSITIONS DE RECHERCHE

166

Conclusion du chapitre 3

Notre étude exploratoire a permis premièrement d’affiner notre compréhension de la

structure de la filière légumes et d’identifier les différences de vision, et deuxièmement

d’appréhender du point de vue des acteurs de la filière légumes, les effets perçus de

l’arrivée des nouveaux entrants de la filière sucre dans la filière légumes.

Nous avons ainsi observé que les producteurs traditionnels de légumes en place font face à

certaines contraintes telles qu’un coût de production très élevé, accès difficile au crédit; et

peu de moyen pour la mécanisation. Ces contraintes freinent la modernisation de la filière

au niveau des petits producteurs. Les usiniers-producteurs/gros producteurs sucriers se

sont tournés en priorité vers la culture des non-périssables pour répondre à un besoin sur le

marché. Ils ont investi massivement dans des techniques modernes de production pour

favoriser le stockage des produits en surplus et profiter ainsi des meilleurs prix sur le

marché.

Notre travail de recherche est donc motivé par la compréhension du travail institutionnel

entreprit par les nouveaux acteurs (sucriers) dans la filière légumes pour réussir leurs

activités, et le travail institutionnel des acteurs en place en réaction aux nouveaux entrants.

A la fin de ce chapitre, basé sur les résultats de notre étude exploratoire, de notre cadre

théorique, et de nos données secondaires, nous avons pu formuler trois propositions de

recherche qui permettent de cerner l’action agentique à travers le travail institutionnel. La

première proposition, P1, identifie les conditions objectives du champ organisationnel qui

favorise un type de travail institutionnel soit la création, le maintien ou la déstabilisation

des institutions. La deuxième proposition P2, s’intéresse aux caractéristiques subjectives

des acteurs qui influencent le type de travail institutionnel ; et la troisième proposition vise

à établir si l’arrivée des nouveaux entrants de la filière sucre dans la filière légumes ont

changé les logiques institutionnelles existantes.

Pour nous permettre de relier ces propositions de recherche à notre contexte empirique,

nous décrivons la méthodologie de notre recherche dans le prochain chapitre.

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CONCLUSION DE LA PARTIE THEORIQUE ET CONTEXTUELLE

Chapitre 1:

Les apports de la sociologie néo institutionnelle

à l’analyse de filières agricoles

PREMIERE PARTIE:

L’ANCRAGE THEORIQUE ET

LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

Chapitre 2 :

Le contexte de la recherche :

Les filières canne à sucre et légumes mauriciennes

Chapitre 3 : Les propositions de recherche

Conclusion de la partie théorique et contextuelle

Résumé d’un cadre d’analyse de l’apport des logiques institutionnelles

et du travail institutionnel dans une analyse de filière

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CONCLUSION DE LA PARTIE THEORIQUE ET CONTEXTUELLE

168

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

Au travers de ces trois chapitres nous avons vu émerger des concepts et des observations

que nous considérons comme utiles et importants dans le cadre de ce travail de recherche.

Dans le chapitre 1, nous avons développé notre connaissance de la littérature sur la

sociologie néo-institutionnelle (SNI). Nous avons tout d’abord explore l’évolution de cette

littérature jusqu’à son utilisation dans les études organisationnelles. Cela a permis de faire

émerger des concepts clés comme le champ organisationnel, les logiques institutionnelles,

et l’entrepreneuriat institutionnel. Cependant les critiques sur l’entrepreneuriat

institutionnel ont donne lieu a un autre concept, le travail institutionnel, qui prend en

considération le travail entreprit par tous les acteurs d’un champ organisationnel soit pour

créer, maintenir ou déstabiliser les institutions d’un champ organisationnel en utilisant

leurs logiques institutionnelles dominantes. Ces concepts ont servi à élaborer un modèle

conceptuel reliant les logiques institutionnelles au travail institutionnel en prenant en

considération les déterminants du travail institutionnel, c'est-à-dire les caractéristiques du

champ organisationnel et les caractéristiques des acteurs.

Dans le chapitre 2, nous avons présenté le contexte de notre recherche, c'est-à-dire, une

description de notre champ organisationnel, la filière légumes, ses politiques publiques au

fil de son histoire, et les échecs de sa diversification. Nous avons aussi décrit une filière

voisine, la filière canne a sucre, très structurée et bien organisée au niveau de tous les

acteurs, et qui avec la reforme du protocole sucre entre les pays ACP et l’UE, a du se

diversifier dans d’autres activités agricoles et non-agricoles pour assurer sa survie et celle

de ses acteurs principaux, les producteurs de canne a sucre. Nous nous sommes ainsi

focalisées sur la diversification des producteurs sucriers dans la production de légumes à

grande échelle. Ces producteurs sucriers ont leurs logiques institutionnelles issus des

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CONCLUSION DE LA PARTIE THEORIQUE ET CONTEXTUELLE

169

institutions de la filière canne à sucre, et ils ont investit un champ organisationnel avec des

acteurs ayant eux aussi leurs propres logiques institutionnelles. Notre objectif est donc de

comprendre quel est le type de travail institutionnel qui se met en place au niveau des

nouveaux entrants dans la filière légumes et au niveau des acteurs en place et quels sont

les déterminants qui favorisent un type de travail institutionnel ou un autre.

Dans le chapitre 3, nous nous sommes basées sur notre cadre théorique initial et sur notre

contexte issu des données secondaires, pour mener un terrain exploratoire avec pour

objectif de mieux cerner les enjeux du terrain. Notre terrain exploratoire nous a permis

d’identifier les acteurs principaux de notre champ organisationnel au niveau de la

production et du circuit de distribution, et aussi d’identifier les principaux acteurs de la

filière sucre qui ont provoqué des changements dans la filière légumes. Nous avons ainsi

proposé un cadre d’analyse ci-dessous (Figure 3.2).

Caractéristiques du

champ organisationnel

Les principaux acteurs

(logiques

institutionnelles en

place et nouvelles)

Orientation temporelle

Position sociale

Degré d’hétérogénéité

Degré

d’institutionnalisation

Types de travail

institutionnel (créer,

maintenir, déstabiliser)

Changement

institutionnel

P1a

P1b

P2a

P2b

P3

Figure25 3.2 : Cadre d’analyse

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PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME

CONCLUSION DE LA PARTIE THEORIQUE ET CONTEXTUELLE

170

Ce cadre d’analyse nous a permis de dériver trois propositions et leurs sous-propositions

de recherche.

Proposition 1 (P1): Le type de travail institutionnel dépend des caractéristiques du champ

organisationnel

P1a: Le type de travail institutionnel dépend du degré d’hétérogénéité des logiques

institutionnelles dans le champ organisationnel

P1b: Le type de travail institutionnel dépend du degré d’institutionnalisation des logiques

institutionnelles dans le champ organisationnel

Proposition 2 (P2) : Le type de travail institutionnel dépend des caractéristiques des

acteurs individuels ou organisationnels

P2a: Le type de travail institutionnel dépend de l’orientation temporelle des acteurs

individuels ou organisationnels.

P2b: Le type de travail institutionnel dépend de la position sociale des acteurs individuels

ou organisationnels.

Proposition 3 (P3): Les différents types de travail institutionnel entrepris par les acteurs

(nouveaux et en place) de la filière légumes ont changé les logiques institutionnelles

existantes

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

Chapitre 4:

Méthodologie de recherche

DEUXIEME PARTIE:

MÉTHODOLOGIE ET RÉSULTATS

Chapitre 5 :

Les résultats des enquêtes et études de cas

Chapitre 6 :

Discussion

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

172

DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

Cette deuxième partie de la thèse développe la partie méthodologique de ce

travail de recherche, présente les résultats et les analyses des données de terrain et

articulent ces analyses avec un retour à la littérature.

La deuxième partie de la thèse est divisée en trois chapitres :

Le chapitre 4 présentera notre positionnement épistémologique dans ce travail de

recherche, et précisera le design de la recherche et la méthodologie mise en œuvre

pour la sélection des acteurs et la sélection des études de cas pour la collecte de

données sur le terrain. Nous décrirons ensuite les outils d’analyse de nos données

primaires et secondaires avant de terminer sur les critères de fiabilité et de validité

de cette recherche.

Le chapitre 5 exposera les résultats de notre étude de terrain à deux niveaux :

premièrement au niveau méso de la filière légumes en insistant sur les

caractéristiques du champ organisationnel et plus spécifiquement un de ces

composants, les logiques institutionnelles. Nous décrirons les conditions

objectives du champ organisationnel en termes du degré d’hétérogénéité des

logiques institutionnelles et de leur degré d’institutionnalisation auprès des acteurs

principaux de la filière. Nous ferons ensuite le lien entre les logiques

institutionnelles et le travail institutionnel entreprit par les acteurs en place et

nouveaux à travers une analyse de nos études de cas.

Le chapitre 6 articulera les liens entre nos résultats et la littérature mobilisée et

nous permettra de tester nos propositions de recherche.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 4 : METHODOLOGIE DE RECHERCHE

Chapitre 4:

Méthodologie de recherche

DEUXIEME PARTIE:

MÉTHODOLOGIE ET RÉSULTATS

Chapitre 5 :

Les résultats des enquêtes et études de cas

Chapitre 6 :

Discussion

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 4 : METHODOLOGIE DE RECHERCHE

174

Chapitre 4 : Méthodologie de recherche

Introduction

Ce chapitre a pour objectif d’exposer notre méthodologie de recherche. Nous montrerons

notre cheminement épistémologique qui nous a permis de situer notre recherche dans les

différents paradigmes existants. Nous expliciterons le design de la recherche qui démontrera

les différentes étapes depuis le constat de départ jusqu’à l’analyse de données. Nous nous

intéresserons ensuite à la méthodologie des études de cas pour expliciter notre sélection des

cas dans le champ organisationnel. L’analyse des données, étant une étape cruciale, nous

aborderons ainsi les méthodes d’analyses quantitatives que nous avons utilisées pour donner

un sens à nos données empiriques. Finalement, nous ferons ressortir de quelle façon nous

avons assuré la validité interne et externe de notre travail de recherche ainsi que la fiabilité

des données recueillies.

Ce chapitre est divisé en quatre sections. La première section présentera notre positionnement

épistémologique ainsi que le design de la recherche. La deuxième section explicitera la

sélection de cas dans la filière légumes. La troisième section décrira le mode de collecte et

d’analyse des données primaires. Dans la dernière section, nous discuterons des critères de

fiabilité et de validité de la recherche.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 4 : METHODOLOGIE DE RECHERCHE

175

SECTION 1 : Positionnement épistémologique et design de la recherche

Le chercheur dans sa démarche de recherche est guidé par un filet ou un ensemble de prises

de position appelé paradigme ou cadres épistémologiques. « L'épistémologie a pour objet

l'étude des sciences. Elle s'interroge sur ce qu'est la science en discutant de la nature, de la

méthode et de la valeur de la connaissance. Tout travail de recherche repose, en effet, sur une

certaine vision du monde, utilise une méthode, propose des résultats visant à prédire,

prescrire, comprendre, construire ou expliquer. » (Perret et Séville, 2003). La recherche en

sciences de gestion ne fait pas exception et s’appuie sur le principe d’accumulation des

connaissances mais aussi sur la construction scientifique d’un design de recherche. Nous

présenterons dans cette section le cadre épistémologique utilisé pour mener notre

investigation et nos choix méthodologiques

4.1 Les cadres épistémologiques

Un chercheur doit pouvoir selon Perret et Séville (2003) interroger sa démarche de recherche

à travers trois questions principales :

Quelle est la nature de la connaissance produite ?

Le chercheur s’interroge donc sur l’indépendance du sujet et de l’objet de recherche.

Est-ce que la ‘réalité’ est objective ? Est-ce que la ‘réalité’ est une interprétation du

chercheur ? Ou bien est-ce que cette ‘réalité’ est construite par le chercheur ?

Giordano (2003) fait la distinction entre le terme «ontologie » désignant la façon dont

la réalité est envisagée, et le terme «épistémologie» qui spécifie la nature du lien entre

le chercheur (le sujet) et son objet de recherche. Il s’agit donc par rapport à la question

principale de s’interroger sur l’ontologie du chercheur (la nature de la ‘réalité’), c'est-

à-dire, sa vision du monde social, et la nature du lien sujet/objet (épistémologie).

Comment la connaissance scientifique est-elle produite ?

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 4 : METHODOLOGIE DE RECHERCHE

176

Ici, le chercheur doit expliciter le cheminement de production de la connaissance

scientifique : est-elle produite par un processus d’explication, d’interprétation ou de

construction ?

Quels sont la valeur et le statut de cette connaissance ?

Est-ce que la connaissance a une valeur scientifique ou non ? Quels sont les critères

qui permettent de valider la connaissance produite ?

Le but d’une recherche est de répondre à la question qui y est posée, de trouver des éléments

de solution au problème soulevé, et de faire avancer les connaissances sur un sujet donné.

L’approche que privilégiera le chercheur pour arriver à ses fins dépend du paradigme auquel

il adhère.

Au sein du champ des sciences de l’administration, plusieurs paradigmes coexistent. Ces

paradigmes se situent le long d’un continuum allant d’une vue objective de la réalité à une

vue plus subjective de cette même réalité. Le chercheur se trouve dans les trois grands

paradigmes épistémologiques usuellement identifiés comme les principaux repères

épistémologiques en sciences de l'organisation : le paradigme positiviste, le paradigme

interprétativiste et le paradigme constructiviste.

4.1.1 Le paradigme positiviste et l’approche hypothético-déductive

Le paradigme positiviste tire ses origines des sciences de la nature. L’être humain y est

considéré comme un organisme vivant répondant à des lois de la nature, au même titre que les

plantes ou les insectes. Ce paradigme est celui qui jouit de la faveur du plus grand nombre de

chercheurs en sciences de l’administration, bien que plus récemment sa suprématie ait été

sérieusement contestée. Selon ce paradigme, la nature des organisations est objective : il

n’existe qu’une seule réalité concrète, indépendante de toute opinion, qui attend d’être

découverte et explorée. La société et les organisations peuvent être vues comme des structures

formées de composantes observables et mesurables, ayant des relations déterminées et

prévisibles entre elles. Les êtres humains ne sont qu’un produit des forces externes de

l’environnement auxquelles ils sont exposés, c’est-à-dire que leurs actions sont dictées par des

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 4 : METHODOLOGIE DE RECHERCHE

177

lois générales de cet environnement. Le défi consiste donc à découvrir ces lois générales, ces

relations prévisibles.

L’approche privilégiée par les tenants de ce paradigme est l’approche hypothético-déductive.

Cette approche va du général vers le particulier, c’est-à dire que le chercheur formule une

question de recherche en s’inspirant d’une théorie de portée générale, émet des hypothèses

concernant une situation particulière et teste ces hypothèses afin de les infirmer ou confirmer

et ainsi supporter ou ajouter à la théorie initiale. La connaissance produite par les positivistes

est objective et ne dépend pas du contexte dans la mesure où elle correspond à la mise à jour

de lois, d’une réalité immuable, extérieure à l’individu et indépendante du contexte

d’interactions des acteurs.

4.1.2 Le paradigme constructiviste et l’approche holistico-inductive

Ce paradigme est à l’autre pôle du continuum des paradigmes car ici les individus

construisent leur propre réalité du monde qui les entoure. Il n’y a donc pas une seule réalité,

mais plusieurs réalités fondamentalement subjectives, en ce sens que la réalité dépend de la

manière dont un individu interprète une situation ou un phénomène donné.

Sous ce paradigme, le défi du chercheur est donc de réussir à percevoir un phénomène selon

le point de vue des sujets observés et d’essayer d’y découvrir des formes communes de

compréhension. Pour ce faire, l’approche holistico-inductive est favorisée. À l’opposé de

l’approche déductive, l’approche inductive va du particulier vers le général. Selon cette

approche, le chercheur tente initialement de faire complètement abstraction de la théorie

existante pour aborder le phénomène particulier qu’il a choisi d’étudier avec le moins d’idées

préconçues possible. Une question générale de recherche peut être formulée, mais elle ne doit

pas restreindre ou entraver la collecte d’informations. Le chercheur recueille sur le terrain

auprès des acteurs concernés des descriptions, impressions ou explications des événements

qu’ils vivent. De ces témoignages il tente de dégager des schèmes communs d’interprétation

qui expliqueraient certains comportements. C’est ainsi qu’éventuellement émergent du terrain

les éléments d’une théorie quelquefois qualifiée de particulière.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 4 : METHODOLOGIE DE RECHERCHE

178

Cette théorie est susceptible d’acquérir une portée plus générale si le processus de recherche

est poursuivi sur d’autres terrains et dépasse ainsi le cadre du phénomène particulier

initialement étudié.

4.1.3 Le paradigme interprétativiste

Alors que le positivisme veut expliquer la réalité, le paradigme interprétativiste cherche avant

tout à la comprendre. Le projet interprétativiste passe par la compréhension du sens que les

acteurs donnent à la réalité et place ainsi ces derniers au coeur du dispositif. Apporter des

interprétations aux comportements nécessite de « retrouver les significations locales que les

acteurs en donnent » (Perret et Séville, 2003), c’est-à-dire des significations situées dans un

contexte spatio-temporel. La prise en compte du contexte par le chercheur est dès lors

fondamentale. L’interprétativisme est focalisé sur l’autonomie de l’acteur et sur sa capacité à

modifier les événements.

Les recherches interprétativistes utilisent des données empiriques relatives aux personnes

intégrant le cadre de référence de l’acteur pour représenter les situations ainsi que des données

théoriques pluridisciplinaires (Wacheux, 1996). Les chercheurs s’intéressent alors aux

phénomènes en situation ou aux événements singuliers (caractère idiographique) et cherchent

à « se mettre à la place de l’autre » pour percevoir ce qu’il ressent (caractère d’empathie).

Les principales réponses apportées par chacun de ces trois paradigmes sont résumées dans le

tableau 4.1 ci-dessous.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 4 : METHODOLOGIE DE RECHERCHE

179

Tableau16 4.1 : Positions épistémologiques des paradigmes positiviste, interprétativiste et

constructiviste

Les paradigmes

Les questions épistémologiques

Positivisme Interprétativisme Constructivisme

Quel est le statut de la

connaissance

Hypothèse réaliste

Il existe une

essence propre à

l’objet de la

connaissance

Hypothèse relativiste

L’essence de l’objet ne peut être atteinte

(interprétativisme ou constructivisme modéré) ou

n’existe pas (constructivisme radical)

Quelle est la nature de la

‘réalité’ ? (ontologie)

La ‘réalité’ est une

donnée objective.

La ‘réalité’ est interprétée par

des sujets connaissants.

La ‘réalité’ est

construite par des sujets

connaissants.

Il y a une co-

construction de la

‘réalité’ de par

l’interaction

chercheur/objet

Quelle est la nature du

lien chercheur/objet ?

(épistémologie)

Indépendance du

chercheur et de

l’objet.

Le chercheur

observe la ‘réalité’.

Dépendance du chercheur et

de l’objet (empathie)

Empathie entre le chercheur

et son objet de recherche.

Le chercheur interprète ce

que les acteurs disent ou

font ; qui eux-mêmes

interprètent l’objet de

recherche.

Dépendance du

chercheur et de l’objet

(interaction)

Le chercheur, en

interaction avec les

acteurs, co-construit des

interprétations et/ou des

projets.

Comment la connaissance

est-elle produite ?

La découverte

La recherche est

formulée en termes

de « pour quelles

causes… »

L’interprétation

La recherche est formulée en

termes de « pour quelles

motivations des acteurs… »

La construction

La recherche est

formulée en termes de

« pour quelles

finalités… »

Quel est le chemin de la

connaissance ?

Le processus de

construction de

connaissances

Explication

Fondé sur la

découverte de

régularités et de

causalités

Compréhension

Fondé sur la compréhension

empathique des

représentations d’acteurs

Construction

Fondé sur la conception

d’un phénomène/projet

Quelle est la valeur de la

connaissance produite ?

Les critères de validité

Vérifiabilité

Confirmabilité

Réfutabilité

Idiographie

Empathie

Adéquation

Enseignabilité

Source : adapté de (Perret et Séville, 2003) et (Giordano, 2003-

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 4 : METHODOLOGIE DE RECHERCHE

180

4.2 Le positionnement épistémologique et la démarche de la recherche

Selon Giordano (2003), le chercheur se doit de « définir l’articulation

ontologie/épistémologie/méthodologie pour argumenter sur la cohérence de son dispositif et

permettre l’évaluation de sa recherche ».

Dans le cadre de la présente recherche, pour déterminer notre positionnement

ontologique/épistémologique nous essayons de répondre aux trois questions suivantes (Perret

et Séville, 2003) :

(1) Quelle est la nature de la connaissance produite ?

Notre question de recherche nous amène à comprendre et interpréter le travail

institutionnel des acteurs de la filière légumes face à un changement institutionnel.

Notre ontologie est une interprétation de la réalité des acteurs dans la filière légumes.

Notre objectif n’est pas de construire une réalité mais de la comprendre, donc nous

nous départons du paradigme constructiviste. De plus cette réalité est subjective car il

y a une dépendance entre l’objet et le chercheur de par l’appartenance du chercheur à

la région, et les liens professionnels qui peuvent exister avec certains acteurs. La

nature de la connaissance produite se rapproche plus du paradigme interprétativiste.

(2) Comment la connaissance scientifique est-elle créée ?

Le paradigme interprétativiste domine notre démarche de recherche. Dans un premier

temps, nous interprétons les observations empiriques du terrain exploratoire pour en

tirer des conjectures, et pouvoir formuler les propositions de recherche. Dans un

deuxième temps, nous intervenons auprès des acteurs pour comprendre les facteurs qui

motivent le choix du travail institutionnel. En dernier lieu, nous essayons de

comprendre comment les différents types de travail institutionnel entrepris par les

acteurs ont changé les logiques institutionnelles de la filière légumes. La logique de

compréhension et l’empathie avec les acteurs nous ramènent toujours au paradigme

interprétativiste.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 4 : METHODOLOGIE DE RECHERCHE

181

(3) Quels sont la valeur et le statut de cette connaissance ?

La filière légumes frais à l’île Maurice a sa propre dynamique, sa propre histoire, ses

propres acteurs, son environnement institutionnel, sa technologie etc. Notre recherche

a donc un caractère idiographique dans le sens où l’on étudie le cas particulier de la

filière légumes frais à l’île Maurice. Il y a interdépendance entre l’objet et le chercheur

qui prouve le caractère empathique de la recherche. Nous essayons aussi de valider la

connaissance établie à partir des données du terrain à partir de sa reproductibilité. Sous

cet angle, notre positionnement épistémologique se rapporte donc aux éléments du

paradigme interprétativiste.

Notre recherche se base donc sur une posture interprétativiste qui nous semble la plus

appropriée dans l’étude d’une région particulière.

La finalité des sciences de gestion la distingue d’autres sciences. Au-delà de la construction

ou du test d’une théorie, les sciences de gestion visent à créer des connaissances

opérationnelles, actionnables et concrètement utilisables par le praticien. Une recherche en

gestion se caractérise ainsi conjointement par la pertinence des approches théoriques

mobilisées, la validité et la scientificité de la méthodologie mise en œuvre et sa capacité à

préconiser l’action managériale.

Notre démarche de recherche est une démarche hybride qui favorise les allers-retours entre les

observations empiriques et les connaissances théoriques. Cette démarche suppose l’utilisation

différée des trois démarches, déductive, inductive et abductive, selon l’étape de la recherche.

La démarche déductive consiste à élaborer une ou plusieurs hypothèses et à les tester ensuite

sur le terrain. La démarche inductive passe par l’observation d’un cas particulier à la

généralisation. Tandis que la démarche abductive consiste à observer, tirer des conjectures et

en discuter. Le chercheur en management utilise plus une démarche abductive qu’inductive

car le but n’est pas de produire des lois universelles.

Nous avons dans un premier temps utilisé une démarche abductive en faisant un travail de

documentation empirique sur la filière sucre et légumes frais à l’ile Maurice, et en faisant une

première enquête exploratoire auprès des acteurs stratégiques des deux filières. Ce constat

nous a permis d’affiner notre problématique. Dans un deuxième temps, toujours dans la

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 4 : METHODOLOGIE DE RECHERCHE

182

logique de la démarche abductive, la structure de notre terrain a guidé nos choix théoriques et

nous a permis d’avancer des propositions de recherche basées sur les conjectures identifiées.

Dans un troisième temps, nous allons utiliser la démarche déductive pour tester nos

propositions de recherche.

La mobilisation d’une démarche abductive présente l’intérêt majeur d’ajuster régulièrement la

problématique de la recherche au terrain. Ces allers-retours permettent d’éviter une distorsion

trop grande entre les construits théoriques et la réalité observée. En effet, l’étude empirique

présente presque toujours des spécificités, ou des phénomènes non planifiés ex-ante, qui

viennent troubler la démarche initialement prévue. La démarche abductive permet, dans une

certaine mesure, d’intégrer ces phénomènes non identifiés et d’assurer plus avant la cohérence

entre la conceptualisation et le terrain.

4.3 Le design de la recherche

Notre positionnement épistémologique et notre mode de raisonnement nous donnent un guide

général qui nous permet de définir l’objectif de la recherche. Nous avons opté pour une

approche à dominante qualitative pour privilégier les données issues de situations naturelles et

aider à prendre en considération le point de vues des acteurs eux-mêmes (Silverman, 1993).

En nous inspirant du fait que le cheminement d’une recherche qualitative n’est pas linéaire et

est fait d’allers et retours constants et de récursivités (Giordano, 2003), nous avons construit

le design de la recherche que nous développons dans la section suivante.

4.3.1 Le design de la recherche et méthodologie mise en œuvre

Le design de la recherche et la méthodologie mise en œuvre tout au long de la rechercher est

décrite chronologiquement dans la figure 4.1.

(1) Constat

Notre recherche démarre par un constat : La réforme du protocole sucre entre l’UE et

les pays ACP est un choc exogène pour la filière sucre mauricienne. Nous constatons

une diversification des activités agricoles des gros producteurs sucriers vers le secteur

horticole. Nous constatons aussi que l’arrivee des nouveaux entrants dans la filière

legumes a causé un choc exogène dans cette filière.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 4 : METHODOLOGIE DE RECHERCHE

183

Figure26 4.1 : Design de la recherche

Conjectures

Trois éléments importants emergent de notre étude exploratoire :

(1) comment le choc exogéne (arrivée des nouveaux entrants)

dans la filière legumes a changé les logiques institutionnelles, (2)

le travail institutionnel qui se met en place au niveau des

nouveaux acteurs et des acteurs en place (3) les conditions de la

filière qui influencent le type de travail institutionnel

Constat

La réforme du protocole sucre entre l’UE et les pays ACP est un

choc exogène pour la filière sucre mauricienne. Nous constatons

une diversification des activités agricoles des gros producteurs

sucriers vers le secteur horticole. Nous constatons aussi que

l’arrivee des nouveaux entrants dans la filière legumes a causé un

choc exogène dans cette filière.

Cadre théorique et Formulation de la problématique générale

Cadre théorique pluriel: sociologie néo institutionnelle dans

l’étude des organisations; le travail institutionnel, les logiques

institutionnelles

Problématique générale: Quels sont les types de travail

institutionnel qui sont utilisés parmi les nouveaux acteurs de la

filière légumes pour modifier les logiques institutionnelles

existantes de la filière ; et quels sont les types de travail

institutionnel qui sont utilisés par les acteurs en place de la filière

légumes face à la possibilité de nouvelles logiques

institutionnelles?

Propositions de recherche

Analyse de données et Résultats

Question de départ

Qu’est-ce que les nouveaux acteurs apportent à la filière légumes

et comment réagissent les acteurs en place?

Données Secondaires et

Etude Exploratoire (Entretiens semi-directifs)

Revue de littérature

Etude de cas unique et enchâssé

La filière légumes et ses différents acteurs

Discussion

Conclusion, apports et perspectives

Démarche

Abductive

Démarche

déductive

Démarche

Hybride

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 4 : METHODOLOGIE DE RECHERCHE

184

(2) Question de départ

Le constat nous mène à la question de départ : Qu’est-ce que les nouveaux acteurs

apportent à la filière légumes et comment réagissent les acteurs en place ?

(3) Revue de littérature

Notre incursion dans la littérature a été un très long parcours fait d’allers-retours avec

les données de terrain avant que l’on se stabilise dans un champ théorique particulier,

la sociologie néo-institutionnelle, et qu’émergent les concepts clés tels que le travail

institutionnel et les logiques institutionnelles qui ont aidé à établir le cadre théorique et

le modèle conceptuel de notre recherche.

(4) Données secondaires et étude exploratoire

Au départ, après une brève revue de littérature, nous avons réalisé une étude

exploratoire de la filière légumes à Maurice afin de déterminer si la réforme du

protocole sucre qui a affecté la filière canne à sucre avait des conséquences sur les

acteurs de la filière légumes, et quelles étaient leurs réactions. Pour nous aider dans

cette tâche, nous avons aussi collecté en parallèle des données secondaires sur la

filière canne à sucre et la filière légumes. L’apport des données secondaires et de

l’étude exploratoire nous ont permis de formuler des conjectures, et aussi d’identifier

les différents acteurs en place de la filière légumes et les nouveaux acteurs venant de

la filière canne à sucre.

(5) Conjectures

Trois éléments importants ont emergé de notre étude exploratoire : (1) comment le

choc exogéne (arrivée des nouveaux entrants) dans la filière legumes a changé les

logiques institutionnelles, (2) le travail institutionnel qui se met en place au niveau des

nouveaux acteurs et des acteurs en place (3) les conditions de la filière légumes qui

influencent le type de travail institutionnel.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 4 : METHODOLOGIE DE RECHERCHE

185

(6) Propositions de recherche

Nous avons construit des propositions de recherche qui ont été enrichies au fur et à

mesure de nos allers-retours.

(7) Cadre théorique et formulation de la problématique générale

Ces conjectures nous ont permis de reconsidérer notre problématique initiale et de

consolider notre cadre théorique.

(8) Etudes de cas

La filière légumes est considérée comme notre cas d’étude. Nous explicitons notre

choix de l’étude de cas et notre sélection des unités d’analyse dans la section 2 de ce

chapitre.

(9) Analyse de données et résultats

Notre démarche de recherche étant une démarche hybride variant l’abduction et

l’induction, l’analyse des données a été constituée de nombreux allers-retours entre

observations empiriques et grille de lecture théorique ce qui nous à permis de

reconsidérer notre cadre théorique et notre problématique. Le mode d’analyse des

données est détaillé dans la section 3. Les résultats de nos études de cas nous ont

permis de valider nos propositions de recherche.

(10) Discussion

Nos résultats nous ont permis de conclure cette recherche en mettant l’accent sur les

apports théoriques, managériales et les perspectives de recherche.

Cette section a permis de clarifier notre positionnement épistémologique et de guider le

lecteur par rapport à la démarche méthodologique de notre travail de recherche.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 4 : METHODOLOGIE DE RECHERCHE

186

SECTION 2: Sélections des études de cas et collecte des données

La posture épistémologique choisie et le design de la recherche nous amène à faire des

allers/retours entre le terrain et la littérature. Dans cette section nous présenterons la démarche

méthodologique par rapport à nos études de cas ainsi que les sources de nos données

secondaires et primaires.

4.4 Sélection du cas et des sous-unités

L’étude de cas, selon Yin (1994) est une « recherche empirique qui étudie un phénomène

contemporain dans un contexte réel surtout quand les frontières entre le phénomène et le

contexte n’apparaissent pas clairement, et qui mobilisent des sources empiriques multiples ».

Cette méthode est particulièrement adaptée pour répondre à des questions de recherche de

type « comment ? ou « pourquoi ? » concernant des phénomènes sur lesquels le chercheur a

peu ou pas de contrôle.

Avant de s’engager dans une étude de cas, il est important de bien choisir le design et le type

d’étude de cas par rapport à la problématique et les objectifs du chercheur. Yin (1994)

identifie quatre types de design d’étude de cas : L’étude holistique du cas particulier (Type

1) ; l’étude intégrée ou contextualisée du cas particulier (Type 2) ; l’étude multicas holistique

(Type 3) ; et l’étude multicas intégrée ou contextualisée (Type 4). De plus, il y a plusieurs

types d’études de cas tels qu’identifiés par Yin (1994), des cas à visée descriptive ou

explicative ; par Stake (1995), des cas intrinsèque, instrumentale et collective ; et Merriam

(1988), des cas à visée descriptive, interprétative, évaluative, ethnographique, historique,

psychologique ou sociologique.

Nous avons choisi le design d’étude de cas du Type 2, c'est-à-dire l’étude intégrée du cas

particulier car cela nous donne la possibilité d’étudier les sous-unités d’analyse (les acteurs

individuels et organisationnels) de notre cas (la filière légumes). De plus l’étude de cas

interprétative nous a semblé la plus appropriée car elle permet de décrire de façon détaillée le

cas et d’utiliser les données recueillies pour soutenir ou réfuter nos postulats théoriques.

L’usage d’une certaine réflexivité est indispensable lorsque l’on a des connaissances

endogènes du milieu d’étude. En ayant toujours à l’esprit, lors des différentes étapes de notre

analyse, la relation qui nous unit à l’objet d’étude, on est en mesure de faire de cette

familiarité un atout pour la recherche.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 4 : METHODOLOGIE DE RECHERCHE

187

4.5 Collecte des données des études de cas

Les sources de données pour la méthode de l’étude de cas peuvent être multiples. Yin (1994)

identifie six sources de données majeures : les archives, les entretiens, les observations

directes, les observations participantes, et les objets physiques. Pour notre recherche, nous

avons choisi d’utiliser les archives à travers la recherche documentaire, et les entretiens semi-

directifs.

4.5.1 La recherche documentaire

Notre recherche documentaire se situe à deux niveaux : théorique (avec une revue de la

littérature scientifique pour établir notre cadre théorique), et empirique/statistique (documents

publiques et internes) pour dresser un constat de la filière légumes à l’ile Maurice

4.5.2 Les entretiens semi-directifs

La formulation de notre problématique autour de la filière légumes avec l’arrivée des

nouveaux entrants, la pertinence des réactions des acteurs en place, et l’émergence de

nouveaux types d’acteurs nous invitent à l’analyse aussi bien d’un ensemble d’individus en

interaction (association de producteurs, coopératives etc.) qu’à l’analyse d’individus

(nouveaux entrants, producteurs non-regroupés et opérant seuls, nouveaux types d’acteurs).

Les entretiens semi-directifs avec guide d’entretien se prêtent bien à ce type d’analyse.

La méthodologie de l’étude de cas implique un choix essentiel pour la validité de la

recherche: le nombre d’entretiens. La décision du nombre d’entretiens découle de l’équilibre

entre les objectifs de la recherche, la saturation théorique et la faisabilité en termes de durée.

L’objectif de notre recherche ne nécessite pas la confirmation d’hypothèses sur une large

population théorique mais davantage la mise en relief d’éléments de compréhension du

phénomène étudié (Wacheux, 1996). La saturation théorique, soit « le moment à partir duquel

l’apprentissage incrémentiel est minime, les chercheurs observant des phénomènes déjà

constatés » (Hlady-Rispal, 2002) guide également le nombre de cas de l’échantillon. La

saturation traduit la rencontre par le chercheur de résultats similaires dans des cas différents.

Une fois cette saturation atteinte, l’intérêt de mener des entretiens supplémentaires est limité.

Enfin, le nombre d’entretiens doit être cohérent avec la durée d’un travail doctoral.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 4 : METHODOLOGIE DE RECHERCHE

188

4.5.3 Collecte de données

La collecte des données répond au principe de triangulation des données, fondatrice de la

validité de construit d’une recherche (Hlady-Rispal, 2002). Nos données proviennent de trois

sources différentes : Les données secondaires publiques (rapports techniques des institutions

agricoles publiques; les études publiées) ; les données secondaires privées (documents

internes, plan stratégique de l’entreprise), et les données primaires des entretiens semi-directif

auprès des acteurs stratégiques de la filière légumes.

Les données primaires ont été collectées auprès des sous-unités de notre cas, les acteurs de la

filière légumes (Tableau 2.3), en utilisant des guides d’entretien semi-directifs (Annexe 2).

Tableau17 4.2 : Entretiens qualitatifs

Type d’acteur Taille de l’entreprise Niveau d’analyse Nombres

d’entretiens (*)

Usiniers producteurs Gros

(Plus de 400 hectares)

Organisation 6

Producteurs sucriers Gros (Plus de 50 hectares) Organisation 1

Producteurs traditionnels

de légumes frais opérant

en individuel

Petit (moins de 0,25

hectares) Individuel

8

Moyen (0,25 à 5 hectares) 3

Gros (Plus de 5 hectares) 3

Associations de

producteurs

Gros (plus de 100

membres)

Organisation 6

Grossistes particulier

Grossistes entreprise

Petit (moins de 10

employés)

Individuel 2

Gros (Plus de 10

employés)

Organisation 3

Mandataires Gros (Plus de 10

employés)

Individuel 4

Les clients de la FL

(La GD)

Gros (hypermarchés) Organisation 3

Les clients de la FL

(Hôtels de luxe)

Gros (plus de 4 étoiles) Organisation 3

Les institutions (publics

et prives)

Pas applicable Organisation 11

TOTAL 53

(*) En se basant sur le principe de saturation théorique.

Cette section a explicité le design de notre étude de cas, l’étude intégrée du cas particulier car cela

nous donne la possibilité d’étudier les sous-unités d’analyse (les acteurs individuels et

organisationnels) de notre cas (la filière légumes). Nous avons aussi donné des détails sur le

nombre de cas dans les sous-unités d’analyse.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 4 : METHODOLOGIE DE RECHERCHE

189

SECTION 3 : Analyse des données des études de cas

Cette section explicitera les méthodes qualitatives d’analyse de données que nous avons

utilisées. Ainsi dans un premier temps nous nous intéresserons à une analyse thématique des

entretiens pour identifier les logiques institutionnelles ainsi que le travail institutionnel des

acteurs de notre champ organisationnel. Dans un deuxième temps, nous expliquerons le choix

de l’analyse qualitative comparée pour analyser l’utilisation des logiques institutionnelles

auprès des différents acteurs.

4.6 Codage ouvert, de premier niveau

Notre démarche exploratoire dans la filière légumes nous oriente vers une analyse thématique

(Tableau 4.3) car nous avons un corpus important, à faible lisibilité et non homogène.

Tableau18 4.3 : Les facteurs de choix d’un type d’analyse de données textuelles

Analyses

Lexicales

Analyses

Linguistiques

Analyses

Cognitives

Analyses

Thématiques

Cadre

Méthodologique

- exploratoire

- modèle

- exploratoire - exploratoire - exploratoire

- modèle

Implication

du chercheur

- Faible

- Forte

- Faible

- Forte - Forte

Axe temporel - instantané

- longitudinal

- instantané - instantané - instantané

- longitudinal

Objet d’analyse - un groupe - un individu - une situation - un projet

Taille du corpus - importante - limitée - limitée - importante

Lisibilité Corpus - forte - forte - faible - faible

Homogénéité Corpus - faible - forte - forte - faible

Structuration langage - faible - faible - forte

Moment de l’analyse

statistique

- découverte ex-ante

- contrôle ex-post

- ex-ante

- ex-post

- ex-post

Source : (Fallery et Rodhain, 2007)

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 4 : METHODOLOGIE DE RECHERCHE

190

Une analyse de contenu consiste à lire un corpus, fragment par fragment, pour en définir le

contenu en le codant selon des catégories qui peuvent être construites et améliorées au cours

de la lecture. Dans un premier temps les significations des textes sont catégorisées dans une

grille d’analyse, et dans un deuxième temps intervient l’analyse statistique sur les éléments de

la grille d’analyse : fréquence d’apparition, variation selon les interlocuteurs, selon les

contextes, interdépendance entre les éléments du modèle. Le logiciel NVivo 10 a été utilisé

pour coder les données, et nous avons retenu les unités d’analyse constituées de phrases et de

paragraphes.

4.6.1 La décontextualisation par le codage des thèmes

Le codage a été réalisé de manière émergente. Il s’agit d’un codage ouvert consistant à

nommer et catégoriser les phénomènes grâce à un examen approfondi des données. Cela

correspond à la phase de décontextualisation des données qui consiste à sortir de son contexte

un extrait du texte, afin de le rendre sémantiquement indépendant : cette étape de codage,

entièrement libre et le plus souvent manuelle, permet de stocker les informations, de les

qualifier et de les organiser (Fallery et Rodhain, 2007).

4.6.2 La recontextualisation par les matrices et modèles

Recontextualiser consiste dans NVivo à regrouper les nœuds pour en faire un tout intelligible

et porteur de sens. La première fonctionnalité offerte permet de faire une relecture assistée du

corpus : recherche textuelle sur un mot ou une expression (avec création possible d’un

nouveau nœud pour chaque recherche), recherche des co-occurrences en croisant un attribut et

un nœud, ou recherche matricielle avec intersection, union, négation, différence, matrice

d’intersection, matrice de différence. La figure 4.2 montre un exemple de codage par nœuds

et la figure 4.3 un exemple de fréquences des mots dans les entretiens.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 4 : METHODOLOGIE DE RECHERCHE

191

Figure27 4.2 : Codage par nœuds

Figure28 4.3 : Fréquence des mots

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 4 : METHODOLOGIE DE RECHERCHE

192

4.7 Analyse qualitative comparée

Nous avons utilisé la méthode de l’analyse qualitative comparée (Qualitative Comparative

Analysis, QCA) de Ragin (1987) pour comprendre l’articulation des logiques institutionnelles

au niveau des acteurs car nous avons un faible nombre de cas.

La QCA est une méthode d’analyse qualitative systématique des cas étudiés qui s’appuie sur

l’algèbre booléenne. Les différentes étapes de la QCA sont comme suit. Le chercheur choisit

en premier lieu la variable dépendante à étudier et cette variable booléenne prend deux

valeurs (1 ou 0) selon la présence (1) ou l’absence (0) du phénomène à étudier. En deuxième

lieu, le chercheur, en se basant sur sa connaissance des cas et du terrain, choisit les variables

indépendantes les plus pertinentes pour expliquer le phénomène, et dichotomise ces variables

en utilisant les valeurs (0 ou 1) correspondent, par exemple, à la présence /absence d’une

condition. En troisième lieu, le chercheur utilise un logiciel pour produire un tableau de vérité

en fonction du nombre de variables indépendantes.

Le chercheur peut ensuite chercher le modèle explicatif du phénomène en utilisant l’algèbre

booléenne et obtient un résultat qui représente l’explication la plus parcimonieuse. Mais le

cas échéant, la QCA identifie aussi les différents scénarios causals expliquant le phénomène

étudié. L’intérêt de l’algèbre booléenne est de permettre le traitement de nombreux cas de

façon rigoureuse.

La QCA selon Ragin (1987) pousse le chercheur à être à la fois analytique car il lui permet de

modéliser le cas sous forme de variables, et holiste car il tient compte des combinaisons de

variables, considérées comme un tout.

Cette section nous a permis d’expliquer comment nous avons procédé à l’analyse de nos

données primaires et secondaires à travers deux méthodologies, l’analyse thématique et

l’analyse qualitative comparée.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 4 : METHODOLOGIE DE RECHERCHE

193

SECTION 4 : Critères de fiabilité et validité de la recherche

La fiabilité selon Grawitz (1990) réside « dans la concordance d’observations faites avec les

mêmes instruments par des opérateurs différents sur les mêmes sujets ». Sa détermination est

problématique en recherche qualitative puisque le principal instrument de mesure est le

chercheur lui-même. La question de la fiabilité demande de l’attention à deux niveaux : lors

de la collecte des données et lors de l’analyse des données.

Dans cette section, nous mettrons l’emphase sur la fiabilité de notre travail de recherche, ainsi

que sur sa validité interne et externe.

4.8 La fiabilité ou la fidélité de la recherche

En premier lieu, les compétences et la préparation du chercheur pour l’entretien ne sont pas

identiques. Même si les questions sont standardisées, les réponses obtenues par deux

chercheurs peuvent être différentes. Ensuite, les interviewés peuvent ne pas donner

exactement les mêmes réponses selon leur interlocuteur. Enfin, la relation constituée entre un

interviewé et un intervieweur est à chaque fois unique. Ces biais ont été considérés et

combattus avec la plus grande fermeté possible, par l’adoption d’une démarche aussi

rigoureuse que possible tant dans la collecte que dans l’analyse des données.

Weber (1990) propose trois sous-critères pour mesurer la fiabilité de l’analyse :

La stabilité : il s’agit de vérifier si on obtient les mêmes résultats lorsque les données

sont codées par le même codeur à plusieurs reprises.

La précision : cette dimension se réfère à la comparaison entre le codage et une norme.

Elle est rarement prise en compte.

La reproductibilité : le chercheur compare les résultats lorsque les mêmes données

sont codées par des personnes différentes. Cela implique l’utilisation d’un protocole

de codage commun et l’estimation de la fiabilité inter-codeur.

Puisque l’objectif principal est de vérifier jusqu’à quel degré deux applications de la même

mesure, dans les mêmes conditions, produisent un résultat identique (Hlady-Rispal, 2002), le

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 4 : METHODOLOGIE DE RECHERCHE

194

choix a été fait dans la présente recherche de procéder à une double-analyse effectuée par un

autre chercheur (Hirschman, 1986). A cette fin, le cheminement adopté a été celui

recommandé par Yin (1994) : un protocole de recherche a été élaboré, permettant de retracer

la démarche de recherche et d’analyse. Ce document, ainsi que le récit d’un de nos

interviewés, ont été présentés à un autre chercheur, connaissant la méthode d’analyse utilisée.

Après avoir défini l’unité d’analyse, un échantillon de texte a été codé indépendamment par

les deux codeurs. A la suite de ce double codage, la fiabilité inter codeurs a été analysée. Le

taux de fiabilité a pu être calculé (section 4.8.1), puisque l’échantillon de texte codé

comportait plus de 100 unités codées, nombre à partir duquel le codage d’unités

supplémentaires a peu d’impact sur les estimations des taux d’accord.

4.8.1 Calcul de la fiabilité du codage

Indice de fiabilité = (2 x N) / (I+J)

N = nombre d’unités de codage communes aux deux analyses concernées

I = nombre d’unités de codage utilisées par l’analyste A

J = nombre d’unités de codage utilisées par l’analyste B

Si un indice égal à 1 est exceptionnel, les auteurs pensent que des indices de l’ordre de 0,70-

0,80 traduisent un assez fort recouvrement entre les deux analyses. Selon ce calcul qui est le

plus adapté pour un codage par proposition, le travail effectué dans le cadre de la présente

recherche a conduit à un indice de 0,65, qui illustre un recouvrement élevé entre les deux

codages.

4.9 La validité de la recherche

La validité d’une recherche peut être appréhendée de par sa validité théorique, sa validité

interne ainsi que sa validité externe.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 4 : METHODOLOGIE DE RECHERCHE

195

4.9.1 La validité théorique ou du construit

Le construit est la représentation abstraite d’un phénomène que l’on cherche à appréhender.

Par conséquent, la validité du construit renvoie à la question suivante : le construit créé par le

chercheur correspond-il au phénomène étudié ? Autrement dit, elle vise à valider

l’établissement de mesures opérationnelles correctes pour les concepts et paradigmes

théoriques étudiés (Hlady-Rispal, 2002). Selon Yin (1994), le fait d’utiliser plusieurs sources

d’informations augmentera la richesse de la méthode utilisée puisqu’il permettra d’asseoir les

résultats sur la convergence des informations. La présente recherche se base sur une

principale source de données : celle des entretiens avec les différents acteurs de la filière

légumes. Cette source de données a été complétée par plusieurs autres sources

4.9.2 La validité interne

La validité interne renvoie à la crédibilité et à l’authenticité interne des résultats générés. Lors

de la retranscription des interviews, les critères suggérés par la littérature sur la

vraisemblance, l’adéquation, la plausibilité et l’authenticité (Miles et Huberman, 2003) ont

été intégrés.

4.9.3 Validité externe

La validité externe interroge sur le caractère « généralisable », c’est-à-dire « transférable » des

résultats. Dans une logique quantitative, elle vise à connaître la probabilité pour que les

résultats observés dans un échantillon soient également présents dans la population-mère,

source de l’échantillon. Cela est de peu d’utilité pour les études qualitatives.

La validité externe d’une recherche qualitative se mesure essentiellement à l’aune de la

démarche même de la recherche. Selon Thiétart et al. (1999) « seul le chercheur est

réellement en mesure de dire (...) comment il entend dépasser les spécificités locales de

chaque cas pour généraliser les résultats à un univers plus vaste ». Pour ces auteurs, deux

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 4 : METHODOLOGIE DE RECHERCHE

196

éléments ont une incidence directe sur la validité externe de la recherche : la manière de

choisir le terrain d’étude et la manière d’analyser les données collectées.

Pour empêcher l’influence des biais dans la présente étude, une attention particulière a été

portée, lors de la mise en place de l’étude terrain, à la détermination de l’échantillon, à la

maîtrise du contexte d’environnement et à celle de la période de l’étude.

Cette section a donné des éclaircissements sur les critères de fiabilité et de validité de notre

travail de recherche. Nous avons ainsi établit un indice de fiabilité de 0,65 entre deux codeurs

indépendants ce qui indique un assez fort recouvrement. Nous avons aussi démontré de quelle

façon nous avons assuré aussi bien la validité interne que la validité externe de notre

recherche.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 4 : METHODOLOGIE DE RECHERCHE

197

Conclusion du chapitre 4

Ce chapitre a précisé et justifié le positionnement épistémologique de la présente recherche

et le cheminement méthodologique retenu.

Notre recherche se base sur le paradigme interprétativiste et une démarche de recherche

abductive avec des allers et retours constants à la littérature. Cette démarche nous a permis

d’enrichir ce travail de recherche en affinant constamment notre problématique et notre

cadre théorique jusqu’à ce qu’on ait pu mobiliser la littérature approprié et le cadre

d’analyse adéquat pour formuler nos propositions de recherche.

Nous avons ensuite précisé le design de la recherche et explicité la sélection des cas et la

collecte de données.

Nous avons aussi décrit l’analyse de nos données par la méthode de l’analyse thématique

et la méthode de l’analyse qualitative comparative pour comparer nos études de cas.

L’analyse de contenu des discours des acteurs enquêtés nous a permis d’identifier les

logiques institutionnelles auxquelles ils adhèrent, tandis que l’analyse qualitative

comparative nous a donné la possibilité d’analyser chaque logique institutionnelle à travers

les variables indépendantes et de préciser les conditions qui favorisent l’adoption d’une

logique institutionnelle.

Finalement nous avons précisé la fiabilité et la validité interne et externe de nos résultats à

travers différents moyens tels que triangulation, saturation des données et retour à la

littérature. Nous avons aussi essayé d’être critiques envers notre propre travail pour assurer

sa fiabilité et sa validité et nous espérons y être arrivées.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

Chapitre 4:

Méthodologie de recherche

DEUXIEME PARTIE:

MÉTHODOLOGIE ET RÉSULTATS

Chapitre 5 :

Les résultats des enquêtes et études de cas

Chapitre 6 :

Discussion

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

199

Chapitre 5 : Les résultats des enquêtes et études de

cas

Introduction

Ce travail de recherche a pour objectif d’analyser les répercussions de l’entrée des

producteurs sucriers dans la filière légumes en utilisant une perspective néo-institutionnelle.

Cette angle d’approche nous semble pertinent car elle nous permet d’analyser notre champ

organisationnel, la filière légumes, et de tester nos propositions de recherche à deux niveaux :

en premier lieu au niveau méso pour caractériser le CO en termes de son degré

d’hétérogénéité et d’homogénéité par rapport aux logiques institutionnelles ; et en deuxième

lieu au niveau micro pour analyser le travail institutionnel qui se met en place chez l’acteur

individuel ou organisationnel, en place ou nouveau, pour créer de nouvelles logiques

institutionnelles, maintenir ou déstabiliser les logiques institutionnelles existantes.

Pour cela nous avons mené des enquêtes de terrain auprès des principaux acteurs en place et

nouveaux de la filière légumes.

Ce chapitre est consacré à la présentation des résultats de nos enquêtes de terrain et de nos

études de cas. Nous présenterons dans une première section les résultats au niveau méso liés

aux caractéristiques du champ organisationnel et des principaux acteurs de la filière légumes.

Dans la seconde section, nous exposerons les résultats au niveau micro pour chacun des cas

étudiés tout au long de la filière notamment dans le domaine de la production et dans le

domaine de la distribution. Dans la troisième section, nous procéderons au test des

propositions de recherche.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

200

SECTION 1 : Méso analyse du champ organisationnel

Nous rappelons qu’un champ organisationnel comporte plusieurs éléments constitutifs qui

permet de le caractériser (Scott, 2008). Nous avons choisi de nous focaliser sur un de ces

composants, les systèmes culturels-cognitifs, et plus spécifiquement les logiques

institutionnelles, qui ont pris de l’importance avec les travaux de Friedland et Alford (1991),

Thornton et Ocasio (2008) et plus récemment Thornton et al. (2012), pour caractériser notre

champ organisationnel en termes des différents types de logiques institutionnelles, et du degré

d’hétérogénéité et d’institutionnalisation de ces logiques institutionnelles dans le champ

organisationnel. Cette section présentera dans un premier temps les logiques institutionnelles

qui ont émergé des analyses de contenu des enquêtes auprès des acteurs de la filière légumes,

et qui sous tendent le comportement de ces acteurs. Dans un deuxième temps, nous

analyserons le degré d’hétérogénéité et d’institutionnalisation (ou de structuration) de notre

champ organisationnel

5.1 : Les caractéristiques du champ organisationnel de la filière légumes

Pour rappel, nous avons délimité la frontière du champ organisationnel de la filière légumes

en fonction des deux critères ci-dessous : Le premier critère se rapporte à la définition d’un

champ organisationnel comme celle proposée par DiMaggio et Powell (1983), « les

organisations, qui collectivement, constituent une zone reconnue de vie institutionnelle : les

fournisseurs clés, les demandeurs de ressources et de produits, les organismes de

règlementation, et toutes autres organisations produisant des produits et services similaires» .

Le deuxième critère s’articule autour des types d’activités regroupées autour d’un produit ou

d’un service (Fligstein, 2001). Ainsi basé sur ces deux critères, nous avons défini les contours

de notre champ organisationnel autour d’un produit, les légumes destinés au marché local

mauricien, et autour des acteurs individuels et organisationnels qui sont reconnus et légitimes

dans le CO et qui ont des activités reliées soit à la production ou à la distribution de légumes.

De la même façon, nous avons utilisé les mêmes concepts pour considérer la filière canne à

sucre comme un champ organisationnel, voisin de notre champ organisationnel à l’étude (la

filière légumes). Plus spécifiquement nous nous sommes intéressées à identifier et caractériser

les acteurs principaux de la filière CAS qui sont des nouveaux entrants dans la filière

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

201

légumes, et ce qu’ils ont emmené dans la filière légumes en terme de nouvelles logiques

institutionnelles ainsi que le travail institutionnel qu’ils ont entreprit pour agir sur les logiques

institutionnelles existantes dans la filière légumes.

Les principaux acteurs de notre champ organisationnels sont décrits comme suit et nous allons

expliciter nos résultats en fonction de ces acteurs :

Premièrement les acteurs en place (les petits producteurs de légumes (PP), les moyens

producteurs de légumes (MP), les gros producteurs de légumes (GP), les fournisseurs

d’intrants (FI), les mandataires (M), les grossistes-particulier (G-P), et les grossistes-moyenne

entreprise (G-ME) ; et deuxièmement les nouveaux acteurs (les usiniers-

producteurs/producteurs sucriers (PS), et les grossistes-grande entreprise (G-GE)

5.1.1 Les logiques institutionnelles de la filière légumes

En nous basant sur la définition de Thornton et Ocasio (2008) qui considère que les logiques

institutionnelle sont les symboles culturels et les pratiques matériels, incluant les hypothèses,

les valeurs, et les croyances socialement et historiquement construits, et qui sont utilisés par

les individus et les organisations pour donner un sens à leur activités quotidiennes, les aider à

organiser leur temps, et à reproduire leurs expériences, nous avons utilisé la démarche de

recherche abductive et inductive avec des allers-retours entre la littérature et le terrain pour

identifier les logiques institutionnelles qui caractérisent la filière légumes. Nous avons divisé

la filière légumes en deux domaines qui sont toutefois perméables car il y a des acteurs qui se

retrouvent dans les deux domaines. Le premier domaine concerne la production de légumes et

le deuxième, le circuit de distribution.

Nous utilisons les données secondaires et les données primaires issues des enquêtes de terrain

pour construire la base de données. En utilisant la méthode de codage ouvert de données

décrit dans le chapitre 4, nous élaborons des thèmes et des dimensions agrégées comme décrit

dans la figure 5.1.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

202

Figure29 5.1 : Analyse thématique des discours – Identification des logiques institutionnelles

Les petits producteurs ne modernisent

pas leurs techniques de production et

investissent leurs profits dans les

besoins de la famille

Concepts

1e Niveau

Thèmes

2e Niveau Dimensions agrégées

La famille est la priorité des

petits producteurs de

légumes

Logique Familiale

Le métier de mandataire et de

grossiste-particulier se perpétue de

père en fils

Maintien d’une dynastie très

rentable

Les petits producteurs gardent

précieusement le contrôle sur leur

ressource principale, leur terre

Refus de la collectivité

Les petits et moyens producteurs

gardent jalousement les techniques et

les informations sur leur production

Les associations de producteurs ne

fonctionnent pas, et les projets de

regroupement sont souvent des échecs

Logique individualiste

Refus d’une gestion

commune des terres

Secret sur l’information et

privatisation sur la

connaissance

Les mandataires contrôlent les trois

marchés de gros et contrôle le prix et

la quantité de légumes transitant par

les marchés de gros

Les grossistes-particulier ont établit

des liens privilégiés avec les

détaillants de la GD et les hôtels de

luxe

Fixation des prix et des

quantités de légumes

Barrière à l’entrée pour les

nouveaux venus dans le

circuit de distribution et

nombre limité d’acteurs

Logique de cartellisation

Les gros producteurs investissent dans

des stations de post-récoltes, tri, et

emballage de légumes

Regroupement de moyens producteurs

avec des liens familiaux pour la

transformation de légumes

Innovation en terme

d’emballage et de qualité

Transformation des légumes

en produits secondaires

destinés à la GD

Logique entrepreneuriale

Les moyens et gros producteurs de

légumes adoptent des nouvelles

techniques de production, et innovent

par rapport aux matières premières

Les moyens et gros producteurs

investissent dans des nouveaux

produits

Modernisation de la

production

Mimétisme par rapport aux

nouveaux entrants dans la

productionLogique de marché

Les grossistes-particuliers cherchent

de nouveaux circuits de distribution

Compétition avec les sociétés

de distribution

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

203

Cette analyse des discours des différents acteurs concernés dans la filière, nous a permis

d’identifier trois types de logiques institutionnelles, inhérentes à la filière légumes (logique

familiale, la logique individualiste, la logique de cartellisation), et qui conditionnent le jeu des

acteurs en place dans les deux domaines de la production et de la distribution, et deux

logiques institutionnelles (la logique entrepreneuriale, et la logique de marché) qui ont pris de

l’importance dans la filière auprès de certains acteurs en place.

Le tableau 5.1 ci-dessous nous montre les différentes logiques institutionnelles et les acteurs

en place qui adhèrent à ces logiques avant et après l’arrivée des nouveaux entrants dans la

filière. Nous observons que les petits et moyens producteurs de légumes adoptent aussi bien la

logique familiale que la logique individualiste. La logique de cartellisation est essentiellement

adoptée par les mandataires et les grossistes-particuliers ; et les gros producteurs de légumes,

les fournisseurs d’intrants et les grossistes-moyenne entreprise adoptent les logiques

entrepreneuriale et marché. Les nouveaux entrants dans la filière légumes, les usiniers-

producteurs/gros producteurs sucriers et les grossistes-grande entreprises adoptent eux la

logique entrepreneuriale et marché.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

204

Tableau19 5.1 : Les logiques institutionnelles de la filière légumes

Les acteurs en place avant l’arrivée des nouveaux entrants

Logique

familiale

Logique individualiste Logique de

cartellisation

Logique

entrepreneuriale

Logique de

marché

Petits et

moyens

producteurs

de légumes

Petits et moyens

producteurs de légumes

Dirigeants d’association

de producteur

Mandataires

Grossistes-

particuliers

Gros producteurs

de légumes

Fournisseurs

d’intrants

Grossistes-

moyenne

entreprise

Gros

producteurs

de légumes

Fournisseurs

d’intrants

Grossistes-

moyenne

entreprise

Les acteurs en place et les nouveaux entrants

Petits et

moyens

producteurs

de légumes

Petits et moyens

producteurs de légumes

Dirigeants d’association

de producteur

Mandataires

Grossistes-

particuliers

Moyens

producteurs de

légumes

Gros producteurs

de légumes

Usiniers-

producteurs/gros

producteurs

sucriers

Grossistes-

moyenne

entreprise

Grossistes-grande

entreprise

Moyens

producteurs

de légumes

Les

mandataires

Grossistes-

particuliers

Gros

producteurs

de légumes

Usiniers-

producteurs/

gros

producteurs

sucriers

Grossistes-

moyenne

entreprise

Grossistes-

grande

entreprise

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

205

A ce stade de notre analyse de données, notre perspective méso de la filière, ne nous permet

pas d’expliquer comment les acteurs utilisent les logiques institutionnelles, et si elles sont

complémentaires ou conflictuelles. Nous proposons de répondre à ces questions dans la

section 2 de ce chapitre en adoptant une perspective micro analytique au niveau des acteurs.

Mais avant cela nous proposons de caractériser les logiques institutionnelles identifiées par

rapport à leur degré d’hétérogénéité et d’institutionnalisation dans notre champ

organisationnel.

5.1.1.1 Le degré d’hétérogénéité des logiques institutionnelles du CO

L’indicateur utilisé pour déterminer le degré d’hétérogénéité des logiques institutionnelles est

le nombre de logiques institutionnelles qui structure les actions des différents acteurs. C’est

donc un continuum en partant de extrêmement homogène à extrêmement hétérogène en

passant par moyennent homogène et moyennement hétérogène comme décrit dans la figure

5.2.

Figure30 5.2 : Continuum du degré d’hétérogénéité des logiques institutionnelles

Parmi nos cinq logiques institutionnelles identifiées, la logique familiale et la logique

individualiste sont complémentaires ; et la logique de marché et la logique entrepreneuriale

sont aussi complémentaires. Une combinaison d’autres logiques est conflictuelle.

En nous basant sur ce continuum décrit dans la figure 5.2, nous observons qu’avec plus de

trois logiques institutionnelles conflictuelles, nous avons un CO très hétérogène.

Extrêmement

homogène

(Une logique

dominante)

Extrêmement

hétérogène

(Plus de trois logiques

conflictuelles)

Moyennement

homogène

(Deux logiques

complémentaires ou

conflictuelles)

Moyennement

hétérogène

(Trois logiques

conflictuelles)

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

206

5.1.1.2 Le degré d’institutionnalisation des logiques institutionnelles du

CO

Nous essayons dans cette section d’établir le degré d’institutionnalisation des logiques

institutionnelles de la filière légumes. Pour y arriver nous nous référons au concept de

structuration de Giddens (1984), et plus particulièrement au sens de DiMaggio et Powell

(1983) qui décrivent quelques indicateurs utilisés pour comprendre à quel point un CO est

structuré: le degré d’interaction entre les organisations, l’émergence de structures inter

organisationnelles de domination et d’alliance, l’accord sur les logiques institutionnelles qui

guident les activités du champ, le degré d’isomorphisme des formes structurelles par rapport

aux organisations qui utilisent un répertoire limité d’archétypes et d’activités collectives; et

une délimitation très clair des frontières du champ.

5.1.1.2.1 Le degré d’interaction entre les acteurs

Pour pouvoir caractériser les interactions de nature professionnelle entre les différents acteurs

de la production et de la distribution de la filière légumes, nous avons construit une échelle de

valeur comme décrit dans la figure 5.3. A une extrémité de cette échelle, nous avons le

scénario de « Pas d’interaction » avec une valeur de 0, et à l’autre extrémité, le scénario «très

régulier» avec une valeur de 1. Entre les deux extrémités nous avons des interactions «rare»

(valeur 0,25), «occasionnel» (valeur 0,5) et régulier (valeur 0,75).

Figure31 5.3 : Continuum du degré d’interaction entre les acteurs

Nous avons utilisé le continuum de degré d’interaction des acteurs (Figure 5.3) pour

construire le tableau 5.2 et nous mettons en évidence les relations où il y a de fortes

interactions.

Pas d’interaction Très régulierRare Occasionnel Régulier

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

207

Tableau20 5.2 : Degré d’interaction entre les acteurs de la filière légumes

PP MP GP FI PS M G-P G-ME G-GE

PP 0,25 0,25 0,25 0,75 0 0,25 0,75 0,5 0

MP 0,25 0,5 0, 1 0,5 1 1 0,5 0

GP 0,25 0 0,25 1 0,75 1 1 0,75 0

FI 0,75 1 1 0,75 1 0,75 0,75 0 0

PS 0 0,5 0,75 1 0,5 1 1 1 1

M 0,25 1 1 0,75 1 0,75 1 0,75 0

G-P 0,75 1 1 0,75 1 1 0,75 0 0

G-ME 0,5 0,5 0,75 0 1 0,75 0 0,25 0

G-GE 0 0 0 0 1 0 0 0 0,25

PP : Petit producteur ; MP : Moyen producteur ; GP : Gros producteur ; FI : Fournisseur d’intrants ; PS : Producteur sucrier ;

M : Mandataire ; G-P : Grossiste-particulier ; G-ME/ Grossiste-Moyenne Entreprise ; G-GE : Grossiste-Grande entreprise

Les interactions les plus fréquentes pour les petits producteurs de légumes sont en amont de la

production avec les fournisseurs d’intrants et en aval avec les grossistes –particulier pour la

distribution de légumes car ces petits producteurs sont dépendants des fournisseurs d’intrants

pour les intrants agricoles, et des grossistes-particuliers pour l’acheminement de leurs

légumes dans les circuits de distribution. Le moyen producteur de légumes interagit le plus

régulièrement avec le fournisseur d’intrants pour l’achat des ses intrants pour la production

de légumes, et avec le mandataire et le grossiste-particulier pour la distribution de ses

légumes. Le gros producteur de légumes a des interactions, au niveau de la production, très

régulières avec les fournisseurs d’intrants, et régulières avec les producteurs sucriers pour la

location des terres pendant l’entrecoupe de la canne à sucre. Au niveau de la distribution des

légumes, le gros producteur de légumes interagit très régulièrement avec les mandataires, et

les grossistes-particuliers et régulièrement avec les grossistes-moyenne entreprises. Le

fournisseur d’intrants, étant un acteur clé dans la production des légumes, interagit

régulièrement à très régulièrement avec toutes les catégories d’acteurs de la production, et

régulièrement avec les mandataires et grossistes-particulier qui peuvent aussi être des

producteurs.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

208

Il est intéressant de noter que le mandataire a des interactions avec tous les acteurs principaux

de la filière légumes à l’exception du grossiste-grande entreprise, ce qui démontre

l’importance de cet acteur dans la filière.

Le grossiste-particulier a des interactions très régulières avec le petit, moyen et gros

producteur ainsi que le producteur sucrier, mais aucunes interactions avec le grossiste-

moyenne entreprise et grande entreprise car ceux-ci expédient leurs légumes directement chez

leurs clients. Au niveau du circuit de distribution traditionnel, le grossiste-particulier interagit

très régulièrement avec le mandataire.

Le grossiste-moyenne entreprise a des interactions très régulières avec le producteur sucrier,

et régulières avec le mandataire pour s’approvisionner en légumes. Il a aussi des contacts

occasionnels avec les petits, moyens et gros producteurs de légumes pour l’achat de légumes

au champ.

L’usinier-producteur/ producteur sucrier, comme nouvel entrant dans la filière légumes, a des

interactions avec tous les principaux acteurs de la production et de la distribution à

l’exception du petit producteur de légumes. Les échanges les plus régulières se font en amont

avec les fournisseurs d’intrants, et en aval avec les mandataires, les grossistes-particuliers, et

les grossistes-grande entreprises. Les interactions avec les moyens et gros producteurs de

légumes sont essentiellement pour la location des terres.

Le grossiste-grande entreprise, nouvel entrant dans la filière légumes, est le seul acteur qui n’a

pas d’interaction avec les autres acteurs en place du CO. Il interagit très régulièrement avec

les usiniers-producteurs sucriers qui l’approvisionnent en légumes.

5.1.1.2.2 Les structures de domination ou d’alliance

Une des logiques institutionnelles observées dans la filière légumes est la logique de

cartellisation qui se rapporte à l’existence de relations de domination au niveau du circuit de

distribution chez les mandataires et les grossistes-particuliers.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

209

5.1.1.2.3 Le degré d’isomorphisme des acteurs en place

Les logiques institutionnelles exercent des pressions isomorphiques sur les acteurs en place de

la filière légumes et offrent un contexte institutionnel pour que les acteurs puissent définir

leurs stratégies concurrentielles (Lawrence, 1999). Les pressions normatives, coercitives et

mimétiques identifiées auprès des acteurs enquêtés, et à travers les données secondaires sont

résumées dans le tableau 5.3.

Tableau21 5.3: Pressions normatives, coercitives et mimétiques sur les acteurs principaux de la

filière légumes

Types d’acteur Isomorphisme normatif Isomorphisme

coercitif

Isomorphisme mimétique

Les fournisseurs

d’intrants

Il y a des règles d’adhésion

parmi les professionnels

dans la fourniture

d’intrants, et ces règles

agissent comme des

barrières à l’entrée.

L’environnement

régulateur exerce un

contrôle très rigoureux

sur l’importation de

produits chimiques

agricoles.

Il y a très peu de grands

fournisseurs d’intrants. Les petits

fournisseurs adoptent un

comportement mimétique. Les gros

fournisseurs favorisent la demande

en produits chimiques agricole

ainsi que les autres matières

premières venant des gros

producteurs sucriers, nouveaux

entrants dans la filière légumes

Petits Producteurs Bien qu’étant membres

d’associations de

producteurs, les petits

producteurs opèrent

individuellement et

souvent de façon isolée.

Les organismes

régulateurs imposent

des bonnes pratiques

agricoles aux

producteurs, à travers

des prescriptions

légales (ex. types et

volumes d’intrants

chimiques).

Les petites superficies sous cultures

et le manqué de moyens (financiers

et main d ‘œuvre) impose un

comportement mimétique.

Moyens/gros

producteurs

Les moyens et gros producteurs

ayant accès aux ressources

financières ont tendance à imiter les

pratiques agricoles des meneurs

dans la filière légumes tels que la

mécanisation de certaines étapes de

production, l’utilisation de

nouvelles matières premières

(semences, bio pesticides etc.)

Les nouveaux

entrants – gros

producteurs

sucriers

Les gros producteurs

sucriers, venant d’un

champ institutionnel très

fermé, ont des règles

d’adhésion très fortes qui

sont des barrières à

l’entrée.

Il n’y a que 6 gros producteurs

sucriers dans la filière sucre, et la

diversification de avec succès de

certains dans la production de

légumes induit un comportement

mimétique chez les moyens et gros

producteurs de légumes en place.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

210

Tableau 5.3 : Pressions normatives, coercitives et mimétiques sur les acteurs principaux

de la filière légumes (suite)

Types d’acteur Isomorphisme normatif Isomorphisme

coercitif

Isomorphisme mimétique

Mandataires Il y a très peu de

mandataires pour les trois

marchés de gros et ils ont

un grand contrôle sur la

chaîne de distribution, et

une forte barrière à

l’entrée.

Grossistes-

Particuliers

Il y a très peu de

grossistes-particuliers et ils

ont un grand contrôle sur

la chaîne de distribution, et

une forte barrière à

l’entrée.

Grossistes-

Moyenne

Entreprises

Les entreprises sont

soumises aux règles

d’opération imposées

par l’état.

Grossistes-Grande

Entreprises

Il existe très peu de

grandes entreprises de

distribution de légumes

frais, et ils sont surtout

concernés par les normes

de qualité pour la mise en

marché des légumes.

Nous notons un isomorphisme mimétique au niveau des petits et moyens producteurs de

légumes et un isomorphisme coercitive et normative par rapport aux lois régulant la filière

légumes et les normes et standards du marché respectivement.

5.1.1.2.3 L’accord sur les logiques institutionnelles

Les figures 5.2 et 5.3 montrent l’accord des principaux acteurs de la filière légumes sur les

logiques institutionnelles existantes de la filière. Les pourcentages ont été calculés en fonction

du degré d’adhésion des acteurs appartenant à chaque catégorie respective à une ou plusieurs

logiques institutionnelles. Nous avons présenté la situation avant l’arrivée des nouveaux

entrants dans la filière (figure 5.2) et après l’arrivée des nouveaux entrants (Figure 5.3)

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

211

Figure32 5.2 : Accord des acteurs en place de la filière légumes sur les logiques institutionnelles

existantes

Avant l’arrivée des nouveaux entrants dans la filière légumes, deux catégories d’acteurs

s’accordaient sur deux logiques institutionnelles de façon égale (25%), les logiques familiales

et individualistes, deux autres catégories d’acteurs (mandataires et grossistes-particuliers

s’accordaient sur la logique de cartellisation (12%) ; et les autres acteurs principaux, les gros

producteurs de légumes, les fournisseurs d’intrants et les grossistes-moyenne entreprise

adoptaient une logique de marché (25%) et aussi une logique entrepreneuriale (13%).

Figure33 5.3 : Accord des acteurs en place et nouveaux de la filière légumes sur les logiques

institutionnelles existantes et nouvelles

25%

25%

12%

13%

25%

Accord entre les acteurs (en place) sur les logiques institutionnelles

PP-Petit producteurMP-Moyen Producteur

GP-Gros producteurFI-Fournisseur d'intrantsM-MandataireG-P-Grossiste particulierG-ME- Grossiste-Moyenne entreprise

Logique individualiste (PP, MP, M, G-P)

Logique de marché (GP, FI G-ME)

Logique de

cartellisation (M, G-P)

Logique entrepreneuriale (GP, FI, G-ME)

Logique familiale (PP, MP, GP, M, G-P)

18%

Logique individualiste (PP, MP, M, G-P)

18%

Logique de cartellisation (M, G-P)

11%

Logique entrepreneuriale (GP,

PS, FI, M, G-P, G-ME, G-

GE)25%

Logique de marché (MP, GP, PS, FI, M, G-P, G-ME,

G-GE)

28%

Accord entre les acteurs (en place et nouveaux)sur les logiques institutionnelles

PP-Petit producteurMP-Moyen ProducteurGP-Gros producteurPS-Producteur sucrierFI-Fournisseur d'intrantsM-MandataireG-P-Grossiste particulierG-ME- Grossiste-Moyenne entrepriseG-GE-Grossiste-Grosse entreprise

Logique familiale (PP, MP, M, G-P)

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

212

En nous basant sur la figure 5.3, nous voyons qu’il y a eu des changements sur l’accord sur

les logiques institutionnelles avec l’arrivée des nouveaux entrants. Il y a eu beaucoup plus

d’acteurs (28%) qui s’accordent sur la logique de marché à l’exception du petit producteur de

légumes. La logique entrepreneuriale a aussi été adoptée par plus d’acteurs (25%) à

l’exception des petits et moyens producteurs de légumes. En ce qui concerne la logique de

cartellisation, elle est concentrée (11%) au niveau des mandataires, et des grossistes-

particuliers. La logique individualiste est présente parmi un groupe restreint (18%) incluant

les petits et moyens producteurs, les mandataires et les grossistes-particuliers.

En nous basant sur les résultats des différents indicateurs du niveau de structuration de la

filière légumes, nous construisons le tableau 5.4.

Tableau22 5.4 : Score des différents indicateurs de structuration de la filière légumes

Score

Indicateurs

Peu élevé

Score =0,5

Elevé

Score =0,75

Total

score

Degré d’interaction

entre les acteurs

Mais les interactions

sont concentrées entre

quelques acteurs

0,75

Les structures de

domination/alliance

Il y a une structure d’alliance

(cartel) entre les mandataires

et les grossistes-particulier

0,5

Degré

d’isomorphisme des

acteurs en place

Cela concerne surtout les

petits et moyens producteurs

de légumes

0,5

Accord sur les

logiques

institutionnelles

Il y a plusieurs logiques

institutionnelles qui causent

des conflits parmi les acteurs

0,5

Score Moyen 0,56

En nous basant sur une échelle de 0 à 1, avec un niveau du CO ‘peu structurée’ (valeur 0), un

niveau ‘moyennement structurée’ (valeur 0,5) et un niveau ‘très structuré’ (valeur 1), nous

concluons que la filière légumes a un niveau de structuration légèrement au dessus de la

moyenne avec un score moyen de 0,56.

En nous référant aux analyses des données sur le degré d’’hétérogénéité et

d’institutionnalisation des logiques institutionnelles dans la filière légumes, nous concluons

qu’avec des logiques institutionnelles très hétérogènes et un champ organisationnel

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

213

moyennement structurée ou institutionnalisée, ceci offre un terrain propice pour des

changements institutionnels (Oliver, 1991, Sewell, 1992, Whittington, 1992, Seo et Creed,

2002).

Dans cette première section, nous avons mené une analyse méso de notre champ

organisationnel, la filière légumes, ce qui nous a permis de : premièrement identifier les

logiques institutionnelles de la filière, et deuxièmement de caractériser le degré

d’hétérogénéité des logiques identifiées, et troisièmement, d’analyser le degré de structuration

ou d’institutionnalisation de notre champ organisationnel. Ces résultats se rapportent à une

dimension importante de notre modèle conceptuel à savoir les caractéristiques objectives de

notre champ organisationnel, ce qui nous permettra éventuellement de vérifier notre première

proposition de recherche sur le lien entre le type de travail institutionnel et les caractéristiques

du champ organisationnel.

Nous examinons dans la section suivante, une autre dimension de notre modèle conceptuel,

les caractéristiques des acteurs de notre CO. Pour ce faire, nous analyserons nos données en

utilisant la perspective des acteurs d’un point de vue micro.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

214

SECTION 2 : Micro-analyse des logiques institutionnelles au niveau des

acteurs

Dans cette section, nous analyserons chaque logique institutionnelle identifiée dans notre

champ organisationnel au niveau des acteurs du champ pour nous aider à comprendre les

conditions qui poussent un acteur à adopter une logique au dépend d’une autre.

Pour nous aider dans cette analyse, nous avons mobilisé la méthode comparative11

ou

l’analyse qualitative comparée développé par Ragin (1987) que nous avons décrit dans le

chapitre 4. Cette méthode d’analyse a été surtout utilisé dans les sciences politiques et en

sociologie mais a quand même été utilisée en sciences de gestion dans des travaux empiriques

(Chanson et al., 2005).

5.2 Analyse qualitative comparative des logiques institutionnelles par

rapport aux acteurs

5.2.1 La logique familiale

La logique familiale a été considérée dans de nombreux travaux (voir Miller et al., 2011 ;

Greenwood et al., 2010). Ainsi d’après Berrone et al. (2010) la richesse socio-émotionnelle,

c'est-à-dire le fait d’utiliser l’entreprise et ses ressources pour offrir des bénéfices émotionnels

et sociaux à la famille, est importante dans les entreprises familiales. Cette richesse socio-

émotionnelle peut prendre plusieurs formes telles que la possibilité d’offrir une carrière

professionnelle aux membres de la famille et une sécurité financière à la génération présente

et future.

La logique familiale est très présente parmi les petits et moyens producteurs de légumes. Nous

l’avons souvent retrouvé dans le discours des personnes enquêtées sur le terrain comme en

témoignent les verbatim ci-dessous :

11 Qualitative Comparative Method

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

215

« Nous étions douze enfants. Au départ je n’étais pas intéressé par la production. J’ai

pris un l’emploi au ministère de la santé. Je travaille au champ le matin et le soir je

suis au bureau. Cela m’a permit de financer l’éducation de mes enfants. »

Entretien avec un petit producteur de légumes, Novembre 2010

« J’ai deux bons garçons qui ont bien étudié. J’ai aussi mon épouse qui m’aide au

champ

Non, mes enfants ne s’intéressent pas à la production de légumes. J’ai préféré avec

l’argent de mes récoltes, investir dans leur éducation formelle, et ils se sont spécialisés

dans des domaines autres que l’agriculture. Donc, moi je continue ma petite production

jusqu’à la fin de mes jours.

Cependant, je leur ai dit que mon vœu le plus cher est qu’ils conservent mon terrain et

continue la production de légumes après ma mort. Je ne veux pas qu’ils vendent mon

terrain car ils doivent apprécier le fait que cette terre les a nourrit et a servi à les

éduquer. »

Entretien avec un producteur moyen de légumes, Novembre 2010

Sachant que, pour les agriculteurs mauriciens des régions rurales et périurbaines, la

production agricole est étroitement imbriquée dans la vie sociale (Pareanen, 2008), nous

postulons que la logique familiale se situe entre la logique de subsistance et la logique de

marché.

Pour nous aider à comprendre les conditions qui favorisent l’adoption de la logique familiale,

nous utilisons trois facteurs propres à la logique de subsistance (Bonnal, 1997) et qui nous

semblent aussi applicables à la logique familiale : le risque et l'incertitude liés aux activités

agricoles qui poussent les producteurs à privilégier une logique de minimisation du risque et

des incertitudes agro-climatiques et économiques; la dépendance sur les facilités offerts par

l’Etat et ses représentants pour des aides techniques et financières; et la dépendance vis-à-vis

du circuit de distribution à travers les mandataires et/ou grossistes. Ces trois facteurs

déterminent le comportement du producteur et nous nous servons de l’analyse qualitative

comparée pour comprendre quels sont les catégories de producteurs les plus concernés par

cette logique familiale. Nous avons mobilisé trois variables (conditions) pour tenter

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

216

d’expliquer comment la logique familiale se construit dans le discours des acteurs et ainsi

pouvoir comparer les différentes unités d’analyse pour les acteurs principaux de la filière

légumes : (1) le contrôle des risques dans les activités agricoles, (2) la dépendance sur l’Etat,

et (3) la dépendance vis-à-vis des mandataires/grossistes.

Nous construisons un tableau (tableau 5.5) avec les données primaires issues des enquêtes de

terrain. Dans ce tableau, nous avons voulu comparer les cas des petits et moyens producteurs

qui adhèrent à la logique familiale et les cas des gros producteurs de légumes et des usiniers-

producteurs/gros producteurs sucriers pour qui la logique familiale est absente des discours.

Tableau23 5.5 : Données brutes (trois conditions)

CAS CONTRISQ

(%)

DEPETAT

(%)

DEPMAR

(%)

LOGIQUE

FAMILIALE

Nombre de

cas

Petit

producteur 30 80 90 1 10

Moyen

producteur 40 60 60 1 5

Gros

producteur 70 50 60 0 2

Producteur

sucrier 90 5 50 0 7

Les variables indépendantes :

CONTRISQ représente la condition de contrôle de risques dans les activités agricoles.

DEPETAT représente la condition de la dépendance de l’acteur sur les facilités

offertes par l’Etat.

DEPMAR représente la condition de la dépendance de l’acteur sur les autres acteurs

qui opèrent dans le circuit de distribution, mandataires et/ou grossistes.

La variable dépendante :

LOGIQUE FAMILIALE prend la valeur de 0 pour indiquer son absence et la valeur

de 1 pour indiquer sa présence.

Nous avons ensuite transformé ces données brutes en données dichotomiques pour pouvoir les

utiliser dans l’analyse qualitative comparée.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

217

Ainsi, CONTRISQ prend la valeur de 0 si le contrôle des risques dépasse les 50% car c’est

considéré comme un contrôle élevé ; et la valeur de 1 pour moins de 50% de contrôle des

risques. DEPETAT prend la valeur de 1 si la dépendance sur les services de l’Etat dépasse les

30%, et la valeur de 0 si la dépendance est moins de 30%. DEPMAR prend la valeur de 1 si la

dépendance sur les mandataires et/ou grossistes est plus de 50% et la valeur de 0 si la

dépendance est moins de 50%.

Nous construisons le tableau 5.6 avec les données dichotomiques.

Tableau24 5.6 : Données dichotomiques (trois conditions)

CAS CONTRISQ DEPETAT DEPMAR LOGIQUE

FAMILIALE

Petit producteur 1 1 1 1

Moyen

producteur 1 1 1 1

Gros producteur 0 1 1 0

Producteur

sucrier 0 0 1 0

Ce tableau est ensuite inséré dans un logiciel informatique pour construire le tableau de vérité

(tableau 5.7).

Tableau25 5.7 : Tableau de vérité- Logique familiale

CAS CONTRISQ DEPETAT DEPMAR LOGIQUE

FAMILIALE

Petit producteur, Moyen

Producteur 1 1 1 1

Gros producteur 0 1 1 0

Producteur sucrier 0 0 1 0

Le tableau de vérité nous permet de transformer les quatre cas en trois configurations. Il y a

une configuration où la logique familiale est observée (cas des petits et moyens producteurs).

Les deux autres configurations (gros producteurs et producteurs sucrier) démontrent une

absence de logique familiale comme observé dans le diagramme de Venn (Figure 5.6).

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

218

Figure34 5.4 : Diagramme de Venn-Logique familiale

En adoptant la notation de l’algèbre booléenne, une combinaison causale est proposée pour la

conséquence de logique familiale. L'algèbre booléenne permet d'énoncer une formule

minimale de cette combinaison:

CONTRISQ(1)*DEPETAT(1)*DEPMAR(1)= LOGIQUE FAMILIALE (1)

Cette formule descriptive se lit comme suit : Un faible contrôle sur les risques agricoles ET

une grande dépendance des services de l’Etat ET une grande dépendance sur les acteurs de la

distribution sont des conditions qui favorisent l’adoption de la logique familiale. Ce sont les

petits et moyens producteurs qui se retrouvent dans ce cas.

Par ailleurs, la formule minimale booléenne dans les cas où la logique familiale n’est pas

observée, s’énonce comme suit :

CONTRISQ(0)*DEPMAR(1) = LOGIQUE FAMILIALE (0)

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

219

La logique familiale est absente quand il y a un contrôle élevé des risques agricoles ET une

dépendance par rapport aux acteurs de la distribution, le cas des gros producteurs sucriers et

des gros producteurs en place de la filière légumes.

5.2.2 La logique de marché

La logique de marché a émergé des discours de tous les acteurs de la filière mais prend une

dimension plus importante pour certains acteurs tels que les moyens et gros producteurs de

légumes, les gros producteurs sucriers, les mandataires, les grossistes en place et les

nouveaux. Cette logique, selon Thornton (2001) inclut entres autres des pratiques telles que la

compétition pour les ressources, l’augmentation des profits de l’entreprise, la construction

d’une position concurrentielle, et la mise en place des circuits de commercialisation. Selon

Garrow (2013), cette logique de marché consiste aussi à se conformer aux standards de qualité

sur le marché, à être efficient et à avoir une stratégie par rapport aux prix des produits.

Pour corroborer ces observations faites ci-dessus, nous avons utilisé quatre variables

indépendantes pour analyser la présence ou l’absence de la logique de marché (variable

dépendante) parmi les acteurs de la filière. Nous construisons le tableau 5.8 avec les données

dichotomiques car les variables indépendantes ne sont pas directement quantifiables mais sont

basées sur une perception du comportement et des actions des acteurs.

Nous avons comparé les différents acteurs en place et nouveau de notre CO par rapport à

l’absence ou la présence de la logique de marché.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

220

Tableau26 5.8 : Données dichotomiques (quatre conditions)

CAS PRODQUAL STRADIFF COMPRES EFFC LOGIQUE DE

MARCHE

Petit producteur 0 0 0 0 0

Moyen producteur 0 0 1 1 1

Gros producteur 0 1 1 1 1

Producteur sucrier 1 1 1 1 1

Mandataire 0 1 - 0 1

Grossiste-Particulier 0 0 1 1 1

Grossiste-Moyen

Entreprise 1 1 1 1 1

Grossiste-Grande

Entreprise 1 1 1 1 1

Les variables indépendantes :

PRODQUAL représente les pratiques adoptées par les acteurs (production ou

distribution) pour promouvoir la qualité de leurs produits par rapport aux standards de

qualité du marché. Les pratiques qui visent une bonne qualité des produits ont une

valeur de 1, et une absence de pratiques visant la qualité, une valeur de 0.

STRADIFF représente les pratiques adoptées par les acteurs (production ou

distribution) pour différencier leurs produits par rapport aux concurrents pour se

construire une position concurrentielle sur le marché. Les pratiques qui visent une

différenciation des produits ont une valeur de 1, et une absence de différentiation de

produits (commodités brutes), une valeur de 0.

COMPRES représente l’attitude compétitive des acteurs pour acquérir des ressources

telles que le capital, les terres cultivables et la main d’œuvre. Une attitude compétitive

pour les ressources a une valeur de 1, et une absence d’attitude compétitive, une valeur

de 0.

EFFC représente les pratiques qui visent l’efficience de l’entreprise vis-à-vis de la

maîtrise des coûts de production, la maximisation des profits, et la recherche du

meilleur moyen de commercialisation des produits. Des pratiques efficientes ont une

valeur de 1 et des pratiques inefficientes, une valeur de 0.

La variable dépendante :

LOGIQUE DE MARCHE prend la valeur de 0 pour indiquer son absence et la valeur

de 1 pour indiquer sa présence.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

221

Tableau27 5.9 : Tableau de vérité- Logique de marché

CAS PRODQUAL STRADIFF COMPRES EFFC LOGIQUE

DE MARCHE

Petit producteur 0 0 0 0 0

Moyen producteur,

Grossiste-particulier 0 0 1 1 1

Gros Producteur 0 1 1 1 1

Producteur sucrier, Grossiste-

moyenne entreprise,

Grossiste-grande entreprise

1 1 1 1 1

Mandataire 0 1 1 0 1

Le tableau de vérité nous permet de transformer les huit cas en cinq configurations. Il y a

quatre configurations où la logique de marché est observée et une seule configuration où la

logique de marché est absente comme illustrée dans le diagramme de Venn (Figure 5.7).

Figure35 5.5 : Diagramme de Venn-Logique de marché

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

222

En adoptant la notation de l’algèbre booléenne, trois combinaisons causales sont proposées

pour la conséquence de la logique de marché. L'algèbre booléenne permet d'énoncer une

formule minimale de ces trois combinaisons :

PRODQUAL(0)*COMPRES(1)*EFFC(1) + STRADIFF(1)*COMPRES(1)*EFFC(1)

+ PRODQUAL(0)*STRADIFF(1)*COMPRES(1) = LOGIQUE DE MARCHE (1)

Cette formule descriptive se lit comme suit: Des produits de faible qualités ET une

compétition pour les ressources ET de l’efficience dans la production (le cas des Producteurs

Moyens, Grossiste-particulier et Gros Producteurs) OU une stratégie de différentiation des

produits ET une compétition pour les ressources ET de l’efficience dans la production (Gros

Producteurs, Producteurs sucrier, Grossistes-moyenne entreprise, Grossistes-grande

entreprise) OU des produits de faibles qualités ET une stratégie de différentiation des produits

ET une compétition pour les ressources (Gros Producteurs et Mandataires) sont des conditions

favorisant la logique de marché.

La formule minimale booléenne dans les cas où la logique de marché n’est pas observée,

s’énonce comme suit :

PRODQUAL(0)*STRADIFF(0)*COMPRES(0)*EFFC(0) = LOGIQUE DE MARCHE (0)

La logique de marché n’est pas observée quand il y a une absence de produits de qualité

répondants aux normes du marché ET pas de stratégie de différentiation des produits ET pas

de compétition pour les ressources ET pas d’efficience dans la production. Ce cas est observé

essentiellement chez les petits producteurs de légumes.

Notre analyse nous permet de conclure qu’une compétition pour les ressources (financières,

accès à la terre, main d’œuvre, et technologie) est une condition nécessaire mais pas suffisante

pour expliquer l’articulation de la logique de marché chez les acteurs de la filière légumes.

Nécessaire parce que cette condition se retrouve dans les trois combinaisons causales, mais

pas suffisante parce qu’elle se combine avec d’autres conditions telles qu’une faible qualité

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

223

des produits, une stratégie de différentiation des légumes, et une efficience au niveau de la

production et de la distribution des légumes.

5.2.3 La logique individualiste

La logique individualiste a émergé dans les discours des petits et moyens producteurs, et des

dirigeants d’association de producteurs. Le discours de fournisseurs d’intrants et des

institutions publiques et privée qui côtoient ces acteurs précités confirme la présence de la

logique individualiste. Cette logique est en opposition de la logique d’action collective (voir

Astley et Fombrun, 1983). Nous notons que bien que les petits et moyens producteurs

fonctionnent comme membre d’associations de producteurs pour assurer leur légitimité, leur

comportement est individualiste quand il s’agit de la gestion de leur entreprise. Nous

observons aussi que les dirigeants d’associations de producteurs ont aussi bien des intérêts

collectifs que personnels. En nous basant sur le continuum de Le Roy et Guillotreau (2002)

nous arrivons à identifier des formes de comportements individuels tels que le secret de

l’information, la privatisation des connaissances, la défiance mutuelle, l’opportunisme et la

flexibilité. Nous décrivons brièvement ces formes de comportements individualistes ci-

dessous en donnant des exemples de verbatim de nos acteurs.

Le secret de l’information se rapporte à la dissimulation de l’information acquise pour

satisfaire ses intérêts personnels.

« Cependant un des gros soucis auquel nous faisons face, c’est l’accès aux données des gros

producteurs sucriers concernant leurs cultures vivrières. Ces derniers opèrent comme des

entreprises à grande échelle et pour eux ces données sont de nature privée car il y a

concurrence dans le secteur. Mais d’un autre côté les producteurs sucriers ont accès aux

données des producteurs en place car ces données sont accessibles sur un site web public. »

Entretien avec le directeur d’un organisme de recherche agricole, Octobre 2010

La privatisation de la connaissance, c’est ne pas partager les connaissances acquises à travers

les institutions de recherche, les fournisseurs d’intrants, ou son propre réseau professionnel.

« Ecoutez, moi en tant que fournisseur d’intrants agricoles, je côtoie plusieurs producteurs. Il

arrive qu’un producteur achète un pesticide et me demande de ne pas dire à son voisin

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

224

producteur ce qu’il a utilisé. Il peut même aller jusqu’à détruire l’emballage du pesticide

pour ne pas laisser de trace par rapport aux intrants qu’il utilise dans sa production ! C’est

pour vous illustrer à quel point certains producteurs peuvent être individualistes. »

Entretien avec un fournisseur d’intrant, Novembre 2010

La défiance mutuelle c’est faire fi des règles et des normes du champ organisationnel et

produire selon sa propre logique.

« Les producteurs tiennent à leurs terrains individuels. Ils ne veulent pas enlever les

frontières car ils ont peur de perdre un peu de terre. Moi, je pense qu’ils utilisent toutes sortes

de prétextes pour s’accrocher à leurs terres. Chacun travaille pour soi et c’est souvent lié à la

culture des producteurs ici. »

Entretien avec un petit producteur, Novembre 2010

Un comportement opportuniste est relié à l’utilisation du réseau social et professionnel pour

percevoir les opportunités dans la filière.

« D’après moi, il faudrait que les producteurs collaborent ce qui n’est pas le cas actuellement.

Avez-vous vu le nombre d’associations de producteurs qui ne fonctionnent pas ? Une

association peut être composée de quatre à cinq personnes qui ne travaillent que pour leurs

intérêts personnels et pas pour la collectivité. »

Entretien avec un fournisseur d’intrant, Nov 2010

Un comportement flexible c’est changer de culture de production ou d’activité professionnelle

en fonction des opportunités présentes.

« Je suis un mandataire, mais aussi un grossiste-particulier, et je m’approvisionne chez le

nouveau gros producteur sucrier qui produit des légumes à grande échelle. Pour moi, ce

nouvel entrant dans la filière légumes est une opportunité. »

Entretien avec un mandataire, Octobre 2010

Nous utilisons ces formes de comportement comme des variables indépendantes pour analyser

la présence ou absence de la logique individualiste (variable dépendante) parmi les acteurs de

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

225

la filière. Nous construisons le tableau 5.10 avec les données dichotomiques car les variables

indépendantes ne sont pas directement quantifiables mais sont basées sur une perception du

comportement des acteurs.

Tableau28 5.10 : Données dichotomiques (quatre conditions)

CAS INF CONN DEFMUT OPP FLEX LOGIQUE

INDIVIDUALISTE

Petit producteur 1 1 1 1 1 1

Moyen producteur 1 1 1 1 1 1

Gros producteur 1 0 1 1 0 1

Producteur sucrier 1 0 0 1 1 0

Fournisseur

d’intrants

0 0 0 1 1 0

Mandataire 1 1 1 1 0 1

Grossiste-

Particulier

1 1 1 1 0 1

Grossiste-Moyen

Entreprise

1 1 1 1 0 1

Grossiste-Grande

Entreprise

1 0 0 1 0 0

Les variables indépendantes :

INF représente le comportement de l’acteur vis-à-vis d’une information ayant trait à

son domaine d’activité professionnelle. Un comportement qui vise à cacher des

informations a une valeur de 1, et un comportement d’échange d’information, une

valeur de 0.

CONN représente le comportement de l’acteur par rapport à une privatisation des

connaissances techniques (valeur 1) ou une publicité des connaissances (valeur 0)

DEF représente le comportement de l’acteur par rapport à une défiance mutuelle vis-à-

vis des autres acteurs de la filière (valeur 1) ou une confiance mutuelle (valeur 0)

OPP représente le comportement opportuniste de l’acteur (valeur 1) ou bien son

engagement dans la filière (valeur 0)

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

226

FLEX représente la flexibilité professionnelle et personnelle de l’acteur de par son

comportement individualiste (valeur 1) ou bien son inertie dans la filière (valeur 0)

La variable dépendante :

LOGIQUE INDIVIDUALISTE prend la valeur de 0 pour indiquer son absence et la

valeur de 1 pour indiquer sa présence.

Tableau29 5.11 Tableau de vérité- Logique individualiste

CAS INF CONN DEFMUT OPP FLEX LOGIQUE

INDIVIDUALISTE

Petit producteur

Moyen producteur

1 1 1 1 1 1

Gros producteur 1 0 1 1 0 1

Producteur sucrier 1 0 0 1 1 0

Fournisseur d’intrants 0 0 0 1 1 0

Mandataire

Grossiste-particulier

Grossiste-moyenne

entreprise

1 1 1 1 0 1

Grossiste-Grande

Entreprise

1 0 0 1 0 0

Le tableau de vérité (tableau 5.11) nous permet de transformer les dix cas en six

configurations. Il y a trois configurations où la logique individualiste est observée et trois

autres configurations où la logique individualiste est absente comme illustrée dans le

diagramme de Venn (Figure 5.6).

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

227

Figure36 5.6 : Diagramme de Venn-Logique individualiste

En adoptant la notation de l’algèbre booléenne, deux combinaisons causales sont proposées

pour la conséquence de logique individualiste. L'algèbre booléenne permet d'énoncer une

formule minimale de ces deux combinaisons :

INF(1)*CONN(1)*DEF(1)*OPP(1) + INF(1)*DEF(1)*OPP(1)*FLEX(0)

= LOGIQUE INDIVIDUALISTE (1)

Cette formule descriptive se lit comme suit: Le secret de l’information ET une privatisation

des connaissances ET une défiance mutuelle ET un comportement opportuniste OU le secret

de l’information ET une défiance mutuelle ET un comportement opportuniste ET moins de

flexibilité dans les activités agricoles favorisent l’adoption de la logique individualiste. C’est

le cas des petits producteurs, moyens producteurs, mandataires, grossistes-particuliers,

grossistes-moyenne entreprise.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

228

La formule minimale booléenne dans les cas où la logique individualiste n’est pas observée,

s’énonce comme suit :

CONN(0)*DEF(0)*OPP(1)*FLEX(1) + INF(1)*CONN(0)*DEF(0)*OPP(1)

= LOGIQUE INDIVIDUALISTE (0)

La logique individualiste est absente quand il y a une flexibilité dans les activités agricoles ET

un comportement opportuniste ET un partage des connaissances techniques ET une confiance

mutuelle entre acteurs OU le secret de l’information entre les acteurs ET un partage des

connaissances ET une confiance mutuelle ET une attitude opportuniste.

Notre analyse nous permet donc de conclure que le secret de l’information, la défiance

mutuelle et un comportement opportuniste sont des conditions nécessaires mais pas

suffisantes pour expliquer l’adoption de la logique individualiste. Nécessaires car elles sont

présentes dans les deux combinaisons causales, mais pas suffisantes car elles se combinent

d'une part avec la privatisation des connaissances et d’autre part avec une inertie qui est plus

associée à un comportement collectif qu’individualiste.

5.2.4 La logique de cartellisation

Nous observons une logique de cartellisation, en opposition d’une logique de marché libre,

essentiellement dans le circuit de distribution de légumes au niveau des différents acteurs.

Premièrement, les mandataires, chargés de la vente des légumes pour les petits producteurs

contre une commission, utilisent une logique de cartellisation qui leur permet de contrôler

l’expédition des légumes vers le marché de gros, tout en offrant des privilèges en termes de

facilités de crédit aux producteurs et grossistes pour fidéliser les échanges. De plus ces

mêmes mandataires utilisent une logique familiale favorisée par l’état, dans le sens que quand

leur mandat arrive à expiration, l’appel d’offre des autorités publiques concernées donne

priorité aux enfants ou aux héritiers directs des mandataires pour continuer l’entreprise

familiale. En deuxième lieu, les grossistes-particuliers qui achètent les légumes en gros des

mandataires ont eux aussi une logique de cartellisation car leurs activités sont concentrées

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

229

parmi quelques grossistes qui contrôlent ce marché en utilisant leur réseau et leurs ressources

matérielles (essentiellement financières).

Pour corroborer ces observations faites ci-dessus, nous avons utilisés quatre variables

indépendantes pour analyser la présence ou absence de la logique de cartellisation (variable

dépendante) parmi les acteurs du circuit de distribution de la filière légumes.

Nous construisons un tableau (tableau 5.12) avec les données primaires issues des enquêtes de

terrain.

Tableau30 5.12 : Données brutes (quatre conditions)

CAS FIXPRI FIXQUAN BARRENT NOMFIRM LOGIQUE DE

CARTELLISATION

Mandataire oui oui oui 30 1

Grossiste-Particulier oui oui oui 200 1

Grossiste-Moyen

Entreprise

non non non 10 0

Grossiste-Grande

Entreprise

oui oui non 5 0

Les variables indépendantes :

FIXPRI représente une des conditions qui indique la présence de pratiques

caractéristiques des cartels, c'est-à-dire la fixation des prix. Dans notre cas, cela à trait

au truquage des offres lors des appels d’offres pour le meilleur prix dans le marché de

gros par une connivence entre le mandataire et le grossiste.

FIXQUAN représente une deuxième condition qui indique la présence de pratiques

caractéristiques des cartels, c'est-à-dire la fixation des quantités. Dans notre cas, les

mandataires contrôlent la majorité (80%) des légumes dans le circuit de distribution.

BARRENT représente les barrières à l’entrée qui existent aussi bien pour l’exercice

des fonctions d’un mandataire, et aussi pour avoir des parts de marchés comme

grossiste.

NOMFIRM représente le nombre d’entreprises pour chaque catégorie d’acteurs.

Comme observé dans le tableau 5.10, il y a peu d’entreprises pour chaque catégorie

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

230

qui confirme une autre condition de la présence de cartels, c'est-à-dire, peu

d’entreprises qui dominent un marché.

La variable dépendante :

LOGIQUE DE CARTELLISATION prend la valeur de 0 pour indiquer son absence et

la valeur de 1 pour indiquer sa présence.

Nous construisons le tableau 5.13 avec les données dichotomiques pour les quatre variables.

Tableau31 5.13 : Données dichotomiques (quatre conditions)

CAS FIXPRI FIXQUAN BARRENT NOMFIRM LOGIQUE DE

CARTELLISATION

Mandataire 1 1 1 1 1

Grossiste-Particulier 1 1 1 1 1

Grossiste-Moyen

Entreprise

0 0 0 1 0

Grossiste-Grande

Entreprise

1 1 0 1 1

Les variables indépendantes :

FIXPRI a une valeur de 1 dans les cas où les prix des légumes sont fixés par les

acteurs, et une valeur de 0 dans les cas où le prix des légumes sont déterminés par le

marché.

FIXQUAN a une valeur de 1 dans les cas où les mandataires/grossistes contrôlent la

quantité de légumes qui transitent dans le circuit de distribution, et une valeur de 0

dans les cas où la quantité de légumes dépend de l’offre et de la demande.

BARRENT a une valeur de 1 dans les cas où les mandataires/grossistes contrôlent les

entrées de nouveaux acteurs dans leur milieu professionnel, et une valeur de 0 dans les

cas où il n’y a pas de barrières à l’entrée.

NOMFIRM a une valeur de 1 dans les cas où il y a peu d’entreprises pour un marché,

et une valeur de 0 dans les cas où il y a beaucoup d’entreprises.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

231

Tableau32 5.14 : Tableau de vérité- Logique de cartellisation

CAS FIXPRI FIXQUAN BARRENT NOMFIRM LOGIQUE DE

CARTELLISATION

Mandataire,

grossiste-particulier

1 1 1 1 1

Grossiste-Moyen

Entreprise

0 0 0 1 0

Grossiste-Grande

Entreprise

1 1 0 1 1

Le tableau de vérité nous permet de transformer les quatre cas en trois configurations. Il y a

deux configurations où la logique de cartellisation est observée et une configuration où la

logique de cartellisation est absente comme illustrée dans le diagramme de Venn (Figure 5.7).

Figure37 5.7 : Diagramme de Venn-Logique de cartellisation

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

232

En adoptant la notation de l’algèbre booléenne, une combinaison causale est proposée pour la

conséquence de logique de cartellisation. L'algèbre booléenne permet d'énoncer une formule

minimale de cette combinaison :

FIXPRI(1)*FIXQUAN(1)*NOMFIRM(1) = LOGIQUE DE CARTELLISATION (1)

Cette formule descriptive se lit comme suit: Une fixation des prix des légumes ET une

fixation des quantités de légumes ET un nombre restreint d’entreprises opérant dans la

distribution sont des conditions qui favorisent une logique de cartellisation.

La formule minimale booléenne dans les cas où la logique de cartellisation n’est pas observée,

s’énonce comme suit :

FIXPRI(0)*FIXQUAN(0)*BARRENT(0)*NOMFIRM(1)

= LOGIQUE DE CARTELLISATION (0)

La logique de cartellisation est absente quand les prix des légumes ET la quantité de légumes

sur le marché sont déterminés par la loi de l’offre et de la demande ET quand il n’y a pas de

barrières à l’entrée ET même si il ya un petit nombre d’entreprises dans ce secteur d’activité.

Notre analyse nous permet donc de conclure que la fixation des prix et des quantités de

légumes qui transitent dans le circuit de distribution et le nombre restreint d’entreprises sont

des conditions nécessaires et suffisantes à l’articulation d’une logique de cartellisation car

elles se réfèrent à une unique combinaison causale.

5.2.5 La logique entrepreneuriale

La logique entrepreneuriale est centrée autour des activités d’acteurs individuels ou

organisationnels qui utilisent cette logique pour gérer leurs échanges avec les autres acteurs

avec pour objectif d’assurer la viabilité à long terme de leurs entreprises. Ses échanges

peuvent être routiniers mais quelquefois elles peuvent prendre des formes innovantes ou

créatives (Spedale et Watson, 2013). Selon Schumpeter (1935), il y a cinq types

d’innovations : les nouveaux produits/services, les nouveaux procédés techniques, les

nouvelles sources de matières premières, les nouvelles formes d’organisation de production

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

233

industrielle, et les nouveaux marchés. De plus l’attitude de l’entrepreneur envers les risques

associés (Drucker, 1985) à son secteur d’activité est aussi un indicateur de la logique

entrepreneuriale. Nous avons noté plusieurs types d’innovation dans les discours des

différents acteurs de la filière légumes.

Pour corroborer ces observations faites ci-dessus, nous avons utilisés six variables

indépendantes pour analyser la présence ou absence de la logique entrepreneuriale (variable

dépendante) parmi les acteurs de la filière. Nous construisons le tableau 5.15 avec les données

dichotomiques car les variables indépendantes ne sont pas directement quantifiables mais sont

basés sur une perception du comportement des acteurs.

Tableau33 5.15 : Données dichotomiques (six conditions)

CAS INNOV

PROD

INNOV

TECH

INNOV

MP

INNOV

ORG

INNOV

MAR

ATTD

RISQ

LOGIQUE

ENTRE-

PRENEURIALE

Petit producteur 0 0 0 0 0 0 0

Moyen producteur 0 1 0 0 0 0 0

Gros producteur 1 1 1 1 1 1 1

Producteur sucrier 1 1 1 1 1 1 1

Fournisseur d’intrants 1 1 1 1 1 1 1

Mandataire 0 0 - 0 1 1 1

Grossiste-Particulier 0 0 - 0 1 1 1

Grossiste-Moyen

Entreprise

1 1 1 1 1 1 1

Grossiste-Grande

Entreprise

0 1 1 1 1 1 1

Les variables indépendantes :

INNOVPROD représente les pratiques de l’acteur reliées à la mise sur le marché de

nouveaux produits ou services. Cette variable prend la valeur de 1 pour des

produits/services innovants, et la valeur de 0 pour l’absence de produits/services

innovants.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

234

INNOVTECH représente les pratiques de l’acteur reliées à l’utilisation de nouveaux

procédés ou de nouvelles techniques qui améliorent soit la production ou la

distribution des produits/services. Cette variable prend la valeur de 1 pour l’utilisation

de nouvelles techniques, et la valeur de 0 pour l’utilisation des méthodes

traditionnelles.

INNOVMP représente l’utilisation de nouvelles matières premières qui améliore la

production des légumes. Cette variable prend la valeur de 1 pour l’utilisation de

nouvelles matières premières, et la valeur de 0 pour l’utilisation des matières

premières traditionnelles.

INNOVORG représente la mise sur pied de nouvelles formes organisationnelles. Cette

variable prend la valeur de 1 pour la mise sur pied de nouvelles formes

organisationnelles, et la valeur de 0 pour des formes organisationnelles traditionnelles.

INNOVMAR représente la recherche de nouveaux marchés pour les produits/services.

Cette variable prend la valeur de 1 pour la mise en vente des produits/services dans

des nouveaux marchés, et la valeur de 0 pour l’utilisation des circuits traditionnels de

distribution.

ATTDRISQ représente l’attitude des acteurs envers les risques associés à la

production et/ou distribution des légumes. Cette variable prend la valeur de 1 pour une

attitude entrepreneuriale envers les risques, et la valeur de 0 pour un refus des risques.

La variable dépendante :

LOGIQUE ENTREPRENEURIALE prend la valeur de 0 pour indiquer son absence et

la valeur de 1 pour indiquer sa présence.

Le tableau de vérité (tableau 5.16) nous permet de transformer les neuf cas en six

configurations. Il y a quatre configurations où la logique entrepreneuriale est observée et deux

autres configurations où la logique entrepreneuriale est absente comme illustrée dans le

diagramme de Venn (Figure 5.8).

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

235

Tableau34 5.16 : Tableau de vérité-Logique entrepreneuriale

CAS INNOV

PROD

INNOV

TECH

INNOV

MP

INNOV

ORG

INNOV

MAR

ATTD

RISQ

LOGIQUE

ENTRE-

PRENEURIALE

Petit producteur 0 0 0 0 0 0 0

Moyen producteur 0 1 0 0 0 0 0

Gros producteur,

producteur sucrier,

Fournisseur

d’intrants, Grossiste-

Moyenne Entreprise

1 1 1 1 1 1 1

Mandataire,

Grossiste-Particulier

0 0 0 0 1 1 1

Mandataire,

Grossiste-Particulier

0 0 1 0 1 1 1

Grossiste-Grande

Entreprise

0 1 1 1 1 1 1

Figure38 5.8 : Diagramme de Venn-Logique entrepreneuriale

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

236

En adoptant la notation de l’algèbre booléenne, deux combinaisons causales sont proposées

pour la conséquence de la logique entrepreneuriale. L'algèbre booléenne permet d'énoncer une

formule minimale de ces trois combinaisons :

INNOVTECH(1)*INNOVMP(1)*INNOVORG(1)*INNOVMAR(1)*ATTDRISQ(1)

+ INNOVPROD(0)*INNOVTECH(0)*INNOVORG(0)*INNOVMAR(1)*ATTDRISQ(1)

= LOGIQUE ENTREPRENEURIALE (1)

Cette formule descriptive se lit comme suit: l’adoption de l’innovation au niveau technique

ET matières premières ET nouvelles formes organisationnelles ET identification de nouveaux

marchés ET attitude favorable aux risques associés aux activités de production et/ou de

distribution (les cas des gros producteurs, producteurs sucrier, fournisseurs d'Intrants,

grossistes-Moyenne Entreprise, et grossistes-Grande entreprise) OU pas d’innovation au

niveau des produits ET pas de nouvelles techniques ET pas de nouvelles formes

organisationnelles mais ET la recherche de nouveaux marchés ET une attitude favorable aux

risques associés aux activités de production et/ou de distribution (les cas des mandataires

(INNOVMP:0), grossistes-particulier(INNOVMP:0), mandataire (INNOVMP:1), et

grossistes-particulier(INNOVMP:1) favorisent l’adoption de la logique entrepreneurial.

La formule minimale booléenne dans les cas où la logique entrepreneuriale n’est pas

observée, s’énonce comme suit :

INNOVPROD(0)*INNOVMP(0)*INNOVORG(0)*INNOVMAR(0)*ATTDRISQ(0)

= LOGIQUE ENTREPRENEURIALE (0)

La logique entrepreneuriale est absente quand il n’y a pas d’innovation dans les produits ET

dans les matières premières ET dans la forme organisationnelle ET dans la recherche de

nouveaux marchés ET quand il y a un refus de prendre des risques ou de minimiser les risques

associés aux activités professionnelles. C’est le cas des petits et moyens producteurs de

légumes.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

237

Notre analyse nous permet donc de conclure que la recherche de nouveaux marchés et une

bonne attitude envers les risques sont des conditions nécessaires mais pas suffisantes pour

expliquer la logique entrepreneuriale. Nécessaires car elles sont présentes dans les deux

combinaisons causales, mais pas suffisantes car elles se combinent d'une part avec

l’innovation technique et l’innovation en matières premières et d’autre part avec une absence

d’innovation techniques et l’utilisation de marchés traditionnels.

Cette analyse au niveau des acteurs nous a permis d’identifier les conditions et les

combinaisons causales qui favorisent ou non la présence d’une logique institutionnelle. Ainsi

nous avons vu qu’il y a des variables indépendantes dont la présence est une condition

nécessaire mais pas suffisante pour que la logique institutionnelle soit utilisée par l’acteur

concerné. L’intérêt de cette analyse c’est de pouvoir aller au-delà de la simple identification

d’une logique institutionnelle à travers une analyse thématique du contenu des enquêtes.

Ainsi, la logique institutionnelle est considérée comme une variable dépendante qui peut être

analysée en termes des variables indépendantes qui peuvent la constituer. Ces variables

indépendantes ont été identifiées par rapport à la littérature et à partir de notre connaissance

du terrain d’étude. Cette méthode d’analyse nous permet de mieux comprendre l’importance

d’une logique institutionnelle pour un acteur en particulier et surtout de pouvoir comparer

cette importance auprès de plusieurs catégories d’acteurs qui adoptent ou non la logique en

question.

5.3 Les caractéristiques des logiques institutionnelles au niveau des

acteurs

Dans la première section de ce chapitre, nous avions identifié le degré d’hétérogénéité et

d’institutionnalisation des logiques institutionnelles dans le champ organisationnel, mais à un

niveau méso. Nous avions conclu que les logiques institutionnelles présentes dans le CO sont

extrêmement hétérogènes, et que le CO est moyennement structuré ou institutionnalisé, ce qui

offre une opportunité aux acteurs pour causer des changements divergents.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

238

Nous proposons dans cette partie de ramener notre analyse au niveau micro avec un double

objectif : premièrement analyser l’hétérogénéité des logiques institutionnelles au niveau de

chaque acteur du CO en observant le nombre de logiques institutionnelles complémentaires

et/ou conflictuelles pour chaque acteur ; et deuxièmement, comprendre à quel degré les

acteurs sont dépendants d’une ou plusieurs logiques institutionnelles.

5.3.1 Le degré d’hétérogénéité des logiques institutionnelles au niveau des

acteurs

Nous nous référons au continuum du degré d’hétérogénéité des logiques institutionnelles que

nous avions élaboré dans la section 5.1.1.1 pour construire le tableau 5.17 qui nous permettra

de coder le degré d’hétérogénéité des logiques institutionnelles au niveau des acteurs.

Tableau35 5.17 : Critères de détermination du degré d’hétérogénéité des logiques institutionnelles

Critères Degré d’hétérogénéité des logiques institutionnelles

Continuum Très homogène Moyennement

homogène

Moyennement

hétérogène

Très hétérogène

Nombre de

logiques

Une seule logique

dominante

Deux logiques

complémentaires

ou conflictuelles

Trois logiques

conflictuelles

Plus de trois

logiques

conflictuelles

Echelle de valeur 0 0,5 0,75 1

Nous appliquons les critères définis ci-dessus pour chaque logique institutionnelle identifiée

et par rapport à chaque acteur important de la filière (Tableau 5.18). Pour chaque type de

logique identifiée, nous avons indiqué sa présence (P) ou son absence (A) pour chaque acteur

important de la filière légumes.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

239

Tableau36 5.18 : Degré d’hétérogénéité des logiques institutionnelles par acteur

Logique

Familiale

Logique

Individualiste

Logique de

cartellisation

Logique

entrepre-

neuriale

Logique

de

marché

Degré

d’hétéro-

généité

Petit producteur P P A A A 0,5

Moyen Producteur P P A A P 0,75

Gros Producteur P A A P P 0,75

Producteur sucrier A A A P P 0,5

Fournisseur

d’intrants A A A P P 0,5

Mandataire P P P P P 1

Grossiste-

Particulier P P P P P 1

Grossiste-Moyenne

Entreprise A P A P P 0,75

Grossiste-Grande

Entreprise A A P P P 0,75

A : Absence de la logique ; P : Présence de la logique

Globalement on constate que les logiques institutionnelles qui prévalent chez les mandataires

et les grossistes sont très hétérogènes. En revanche les plus faibles hétérogénéités sont

présentes chez les petits producteurs et les producteurs sucriers. Ce qui peut paraître

paradoxal mais nous avons vu plus haut que ces deux catégories d’acteurs utilisent deux

logiques complémentaires qui leur suffisent par rapport à leurs objectifs respectifs, garantir la

sécurité financière de la famille pour le petit producteur, et avoir le maximum de revenues

pour le producteur sucrier.

5.3.2 Le degré d’institutionnalisation des logiques institutionnelles au niveau

des acteurs

L’indicateur du degré d’institutionnalisation des logiques institutionnelles dans la filière

légumes est basé sur un continuum de l’extrême incertitude (pas d’institutionnalisation)

(Dorado, 2005) à l’extrême institutionnalisation (Dorado, 2005) en passant par

l’institutionnalisation modéré (Beckert, 1999). Nous avons aussi rajouté deux autres niveaux,

faible institutionnalisation et forte institutionnalisation comme décrit dans la figure 5.7 :

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

240

En nous basant sur le continuum du degré d’institutionnalisation des logiques

institutionnelles, nous déterminons les critères (tableau 5.19) qui nous permettront de coder le

degré d’institutionnalisation des logiques institutionnelles que nous avons identifié dans la

filière légumes pour chaque acteur important de la filière.

Tableau37 5.19 : Critères de détermination du degré d’institutionnalisation des logiques

institutionnelles

Critères Degré d’institutionnalisation des logiques institutionnelles

Continuum Extrême

incertitude

Faible

institutionnalisation

Forte

institutionnalisation

Extrême

institutionnalisation

Echelle de valeur 0 0,5 0,75 1

Nous appliquons les critères définis ci-dessus pour chaque logique institutionnelle présente et

absente (A) identifiée et par rapport à chaque acteur important de la filière (Tableau 5.20).

Pour chaque type de logique identifiée, nous avons indiqué son degré d’institutionnalisation

auprès de chaque acteur.

Tableau38 5.20 : Degré d’institutionnalisation des logiques institutionnelles par acteur

Degré d’institutionnalisation

Logique

Familiale

Logique

Individualiste

Logique de

cartellisation

Logique

entrepreneuriale

Logique de

marché

Petit producteur 1 1 A A A

Moyen Producteur 0,75 0,75 A A 0,5

Gros Producteur 0,5 A A 0,75 1

Producteur sucrier A A A 1 1

Fournisseur d’intrants A A A 1 1

Mandataire 1 0,75 1 0,75 0,5

Grossiste-Particulier 1 1 1 0,5 0,5

Grossiste-Moyenne

Entreprise A 0,5 A 0,75 1

Grossiste-Grande

Entreprise A A 0,5 1 1

A : Absence de la logique

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

241

On peut constater que le petit producteur de légumes est guidé dans ses actions par deux

logiques différentes mais complémentaires, la logique familiale et la logique individualiste.

La logique familiale est dominante et structure les pratiques et les activités du petit

producteur. Ce dernier évolue donc dans un cadre cognitif moyennement homogène Ces deux

logiques sont extrêmement institutionnalisées (1).

Le moyen producteur de légumes évolue dans un cadre moyennement hétérogène car il est

guidé par trois types de logiques institutionnelles : la logique familiale, la logique

individualiste et la logique de marché. Bien que la logique familiale soit toujours dominante et

fortement institutionnalisée (0,75), la logique de marché, bien que faiblement

institutionnalisée (0,5) introduit une source de conflits dans les schémas d’interprétation du

moyen producteur de légumes.

Le gros producteur de légumes évolue dans en environnement cognitif moyennement

hétérogène guidé par trois logiques institutionnelles : la logique familiale, la logique

entrepreneuriale et la logique de marché. De par son extrême institutionnalisation (1), la

logique de marché devient dominante et est associée à une logique entrepreneuriale fortement

institutionnalisée (0,75). Cependant, la présence de la logique familiale, même si faiblement

institutionnalisée (0,5) peut créer des tensions entre les intérêts commerciales et les intérêts de

la famille.

Le producteur sucrier, de même que le fournisseur d’intrants, oriente ses actions en fonction

de la logique entrepreneuriale et la logique de marché, toutes les deux extrêmement

institutionnalisées (1) mais complémentaires.

Le mandataire fait face à cinq logiques institutionnelles conflictuelles : la logique familiale, la

logique individualiste, la logique de cartellisation, la logique entrepreneuriale, et la logique de

marché. Parmi ces logiques, la logique familiale et la logique de cartellisation sont

extrêmement institutionnalisées (1), les logiques individualistes et entrepreneuriales,

fortement institutionnalisées (0,75) et la logique de marché faiblement institutionnalisée (0,5).

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

242

Le mandataire évolue donc avec un cadre cognitif très hétérogène ce qui influence son

comportement et ses actions dans la filière légumes.

Le grossiste-particulier opère avec cinq logiques institutionnelles conflictuelles : la logique

familiale, la logique individualiste, la logique de cartellisation, la logique entrepreneuriale, et

la logique de marché. Les logiques familiales, individualistes et de cartellisations sont

extrêmement institutionnalisées (1) tandis que les logiques entrepreneuriale et de marché sont

faiblement institutionnalisées (0,5). Le grossiste-particulier fait face à des logiques

conflictuelles qui influencent ses activités professionnelles.

Le grossiste-moyenne entreprise opère dans un cadre moyennement hétérogène avec trois

logiques institutionnelles : la logique individualiste, la logique entrepreneuriale et la logique

de marché. Cependant la logique individualiste est faiblement institutionnalisée (0,5) tandis

que la logique entrepreneuriale est fortement institutionnalisée (0,75) et la logique de marché

extrêmement institutionnalisée (1) et complémentaires.

Le grossiste-grande entreprise fonctionne avec trois logiques institutionnelles donc deux qui

sont complémentaires et extrêmement institutionnalisées (1), la logique entrepreneuriale et la

logique de marché, et une logique conflictuelle, la logique de cartellisation, faiblement

institutionnalisée (0,5).

Cette analyse du degré d’hétérogénéité et d’institutionnalisation des logiques institutionnelles

au niveau des acteurs nous a permis de mesurer ces deux variables explicatives du choix du

type de travail institutionnel des acteurs.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

243

5.4 Les caractéristiques des acteurs du champ organisationnel

Ayant défini les caractéristiques du champ organisationnel, nous nous attelons maintenant à

décrire deux caractéristiques des acteurs qui sont importants par rapport à leurs influences sur

le travail institutionnel des acteurs : leur orientation temporelle et leur position sociale.

En premier lieu en nous basant sur les différentes dimensions de l’orientation temporelle des

acteurs selon Emirbayer and Mische (1998), nous nous retrouvons avec trois cas de

figures possibles: les acteurs résolument ancrés dans le passé et qui se basent sur leurs

expériences et vécu pour continuer avec leur activités routinières ; les acteurs qui opèrent dans

un environnement incertain et qui doivent donc baser leurs activités dans le temps présent

sans pouvoir se rattacher aux expériences du passé ou bien élaborer des stratégies pour le

futur ; et les acteurs qui sont tournés vers le futur et élaborent des stratégies dans ce sens.

Selon Dorado (2005), les trois formes d’orientations temporelles sont présents chez chaque

acteur mais à un moment donné dans le temps, une seule forme domine.

En deuxième lieu, nous examinons la position sociale d’un acteur dans un champ

organisationnel et pour nous aider, nous nous référons aux travaux de Leblebici et al. (1991),

Haveman et Rao (1997) et Garud et al. (2002) sur les acteurs centraux et périphériques et les

travaux de Phillips et al. (2000) et Rao et al. (2000) sur les acteurs aux interstices de

différents champs organisationnels.

Le tableau 5.21 présente les caractéristiques des différents acteurs de la filière. Nous avons

mesuré l’orientation temporelle et la position sociale des acteurs en les interrogeant sur leurs

activités professionnelles et en identifiant à travers une analyse de discours les mots et les

phrases qui les relient à une orientation temporelle particulière et à leur position sociale dans

le CO.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

244

Tableau39 5.21: Caractéristiques des acteurs de la filière légumes

Orientation temporelle Position sociale

Passé Présent Futur Centrale Périphérique Interstices

Petit Producteur X X

Moyen producteur X X

Gros producteur X X

Producteur sucrier X X

Fournisseur

d’intrants

X X

Mandataire X X

Grossiste-Particulier X X

Grossiste-Moyenne

Entreprise

X X

Grossiste-Grande

Entreprise

X X

Ce tableau nous permet de faire les observations suivantes : La majorité des acteurs sont

orientés vers le futur dans leurs activités et stratégies sauf pour le petit producteur (passé) et le

moyen producteur (présent). Le petit producteur utilise, par exemple, des méthodes

traditionnelles de production, refuse la modernisation, et est résolument tourné vers le passé.

De plus, il se marginalise par rapport aux autres acteurs du CO et se retrouve ainsi à la

périphérie du CO. Les fournisseurs d’intrants, les mandataires et les grossistes- particulier

sont des acteurs centraux dans la filière et ils sont orientés vers le futur. Ces acteurs sont bien

placés pour percevoir les opportunités dans la filière de par leurs liens avec plusieurs acteurs

en amont et en aval de la filière. Les nouveaux entrants (producteur sucrier et grossiste-grande

entreprise) sont aux interstices de la filière légumes et de la filière canne à sucre, et ils sont

orientés vers le futur car ce sont des entrepreneurs ayant une vision très moderne des

opportunités du CO qui leur permettrait de rentabiliser leurs entreprises de diversification

dans les légumes.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

245

Cette section nous a brossé un tableau de la micro analyse au niveau des acteurs du champ

organisationnel. Nous avons ainsi pu démontrer le niveau d’hétérogénéité et

d’institutionnalisation des logiques institutionnelles au niveau des différents acteurs. De plus

nous avons caractérisé nos acteurs en termes de leurs orientations temporelles et de leurs

positions sociales.

Cette section nous ayant permis de cerner les caractéristiques du champ organisationnel et

celles des acteurs, notre objectif dans la prochaine section est maintenant d’identifier les types

et formes de travail institutionnel qui sont utilisés par les acteurs de la filière légumes suite à

l’arrivée de nouveaux entrants dans le champ organisationnel. Ceci est en rapport avec notre

modèle de recherche. En effet on cherche à montrer que le choix du type de travail

institutionnel est influencé d’une part par les caractéristiques du CO et d’autre part par le type

d’acteurs à travers deux caractéristiques liées à l’orientation temporelle et à la position

sociale. Nous allons maintenant chercher à identifier les différents types de travail

institutionnel qui ont eu lieu dans la filière et ceux qui sont en cours.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

246

SECTION 3 : Identification des types et formes de travail institutionnel

Cette section présentera notre analyse thématique des enquêtes qui nous ont permis

d’identifier les différents types et formes de travail institutionnel entreprit par les acteurs en

place et nouveaux de la filière légumes. Nous présenterons tout d’abord les différentes étapes

dans notre analyse thématique et nous décrirons ensuite les types et formes de travail

institutionnel des différents acteurs de notre CO.

5.5 Etapes dans l’identification des types et formes de travail

institutionnel

5.5.1 La chronologies des événements clés dans le secteur agricole

Nous avons en premier lieu utilisé nos données secondaires sur les événements importants

dans les filières sucre et légumes qui ont mené à des changements dans la filière qui nous

intéresse, la filière légumes. En nous basant sur Pratt (2009), nous nous concentrons sur les

acteurs principaux et les parties prenantes de la filière légumes . Nous avons ainsi dans un

premier temps construit une chronologie des événements (Tableau 5.22) qui ont conduit à

notre problématique.

Tableau40 5.22 : Chronologie des événements clés dans le secteur agricole mauricien

Date Evénement

2004-2005 Un panel constitué du Brésil, de la Thaïlande et de l’Australie dénonce, auprès

de l’OMC, le régime sucrier européen qui est étroitement lié au protocole sucre

entre l’UE et les pays ACP. L’UE est obligé de réformer le protocole sucre en

baissant les prix d’une totalité de 36% sur quatre ans, et en coupant les quotas

internes jusqu’en septembre 2009.

2005 Publication par l’état mauricien d’un plan d’action a accéléré 2005-2015 et le

plan de route de l’industrie sucrière mauricienne pour le 21e siècle. Ces deux

rapports furent soumis à la commission européenne lors des négociations pour

les mesures d’accompagnement de l’UE suite à la réforme du régime sucrier.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

247

Date Evénement

Avril 2006 Publication par l’état mauricien d’un nouveau plan stratégique pour la filière

sucre, la Multi Annual Adaptation Strategy Action Plan 2006-2015 (MAAS). ).

Le MAAS a été le fruit d’un dialogue entre tous les partenaires de la filière

CAS pour trouver un consensus et pour que chaque acteur concerné s’approprie

les stratégies énoncées dans le plan.

Avril 2006 Organisation d’un forum sur l’agro-entrepreneuriat avec les professionnels du

secteur agricole mauricien. L’objectif de ce forum était de faire un état des

lieux et d’explorer de nouvelles opportunités telles que l’exportation. A l’issu

de ce forum, l’accent fut mis sur la recherche de nouvelles technologies,

l’innovation, l’entrepreneuriat et les normes sanitaires.

2007 Publication par l’AREU des options stratégiques pour la diversification

horticole et animale (Strategic Options for Crop Diversification and Livestock

2007-2015). Ce plan s’appuya sur le NSSSP et formula de nouvelles stratégies

prenant en considération les enjeux tels que la restructuration de l’industrie

sucrière, la politique de sécurité alimentaire du pays, de même que les

projections d’augmentation de nombre de touristes dans les années à venir. Les

objectifs définit dans le plan de 2007 sont inter alia d’augmenter la production

agricole et alimentaire d’une façon durable et compétitive : en utilisant des

méthodes de production innovantes; en commercialisant des nouveaux produits

à valeur ajoutée; et en dénichant de nouveaux marchés. Le plan se concentra sur

l’identification d’opportunités, l’aptitude des terres à la production ; les

objectifs de production, les besoins en capital ; et tous les mesures incitatives

pour encourager la production agricole pour les produits agricoles clés, et les

nouveaux produits

2008 La crise alimentaire mondiale causée par la flambée des prix des denrées

alimentaires, a mis en exergue la sur dépendance de Maurice sur l’importation

des produits alimentaires.

2008 Afin de promouvoir une politique de sécurité alimentaire, l’état mauricien

publia en 2008, un autre plan stratégique pour une vision durable d’un secteur

agricole diversifié (A Sustainable Diversified Agri-Food Sector Strategy for

Mauritius 2008-2015)

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

248

Date Evénement

Juin 2008 L’état mauricien vota un budget de MUR 1 milliard pour constituer un fond de

sécurité alimentaire. Un comité, le Food Security Fund Committee (FSF), fut

constitué pour gérer ce fond. Ce comité publia un rapport en 2008 en spécifiant

les actions prioritaires pour promouvoir la production alimentaire locale. Une

autre priorité du FSF est de rendre autonome les petits producteurs et

encourager leur participation active et leur implication dans des projets de

développement agricole. LA FSF veut promouvoir une nouvelle classe

d’entrepreneurs parmi les producteurs agricoles.

30

septembre

2009

Fin officiel du protocole sucre. Les exportations de sucre des pays ACP vers

l’UE sont désormais encadrées par un nouvel accord commercial, l’Accord de

Partenariat Economique (APE). Cet accord prévoit des quotas régionaux à

l’inverse des quotas nationaux sous le protocole sucre. Ainsi, Maurice s’est

joint au Zimbabwe dans la région de l’Afrique Orientale et Australe (Eastern

and Southern Africa) et obtenu un quota d’environ 550000 tonnes de sucre sur

la période 2009 à 2011, et 632000 tonnes de 2011 à 2015.

Clé : En gris pâle: les événements importants pour la filière sucre

En gris foncé : les événements importants pour la filière légumes

Les étapes clés dans la filière sucre avant la réforme du protocole sucre démontrent les efforts

de l’état et des acteurs clés de cette filière pour encadrer et structurer cette filière et la rendre

efficiente. Dans la filière légumes, ce n’est que dans les années 1970’s que débute un

programme de diversification du secteur agricole avec pour but de réduire la dépendance du

secteur sur la canne à sucre et aussi réduire les dépenses liées à l’importation de produits

alimentaires. L’annonce de la réforme du protocole sucre en 2005 et la crise alimentaire

mondiale de 2008 sont deux événements majeurs qui poussent autant la filière sucre que la

filière légumes à réagir. Avec l’arrivée de nouveaux acteurs venant de la filière sucre dans la

filière légumes avec leurs logiques institutionnelles, nous analysons quels sont les types et

formes de travail institutionnel qui sont utilisés autant par les acteurs en place en réaction aux

nouveaux entrants, et par les nouveaux entrants pour se faire une place dans la filière légumes.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

249

5.5.2 Codage et structure des données

Nous utilisons les données secondaires et les données primaires issues des enquêtes de terrain

pour construire la base de données. En utilisant la méthode de codage ouvert de données

décrit dans le chapitre 4, nous élaborons des thèmes et des dimensions agrégées comme décrit

dans la figure 5.9. (voir Annexe 3 pour les illustrations de verbatim).

Figure39 5.9 : Analyse thématique des discours-Identification du travail institutionnel

Les petits et moyens

producteurs de légumes ne

croient pas dans les projets de

regroupement

Concepts

1e Niveau

Thèmes

2e NiveauDimensions agrégées

Echecs des projets de

regroupement des

producteursRésistance contre des

changements dans les

habitudes des acteurs en

placeLes mandataires ne croient

pas dans un marché de gros

national, moderne et

centralisé

Rejet d’un nouveau

circuit de distribution de

légumes

Introduction de nouvelles

pratiques et technologies au

niveau de la production par

les producteurs sucriers

Adoption, par les moyens

et gros producteurs de

légumes, des pratiques et

technologies utilisées par

les producteurs sucriers

Organisation de portes

ouvertes par les producteurs

sucriers pour les autres

producteurs de la filière

légumes

Reconnaisance, par les

moyens et gros producteurs de

légumes, des pratiques et

technologies utilisées par les

producteurs sucriers

Légitimation de nouvelles

pratiques dans la

production de légumes

Changements dans les

pratiques traditionnelles

de production de légumes

Partage de connaissances

entre les nouveaux

entrants et les producteurs

en place

Introduction de nouvelles

variétés de pomme de terre

adaptées pour différents types

de plats

Campagne de promotion de la

pomme de terre à travers les

médias pour remplacer le riz

et le blé comme aliments de

base

Elargir la gamme de

variétés de pomme de

terre disponibles sur le

marché

Provoquer un changement

dans les habitudes

alimentaires

Changer le cadre cognitif

des consommateurs

Investissement dans des

stations de post-récoltes, tri, et

emballage de légumes

Production de légumes en

découpe

Innovation en terme

d’emballage et de qualité

Transformation des

légumes en produits

secondaires

Changer les normes et

standards du marché de

légumes

Intégration verticale de la

production à la distribution

La grande distribution

proposent de plus en plus des

légumes frais

Innovation en terme

d’une nouvelle forme

organisationnelle

Accent mis sur la

présentation, la qualité et

la disponibilité des

légumes

Changer le circuit de

distribution

traditionnelle

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

250

5.5.3 Les différents types et formes de travail institutionnel dans la filière

légumes

En nous basant sur la figure 5.9, nous remettons en contexte les dimensions agrégées en

l’intégrant à la théorie sur le travail institutionnel. En premier lieu nous identifions les types

de travail institutionnel en nous référant aux tableaux 1.4, 1.5 et 1.6 du chapitre 1 pour

pouvoir catégoriser nos dimensions agrégées en type de travail institutionnel. Ainsi, la

résistance des acteurs en place contre des changements dans leurs habitudes est considéré

comme un travail de maintien des institutions comme le soulignent Lawrence et Suddaby

(2006) par rapport aux acteurs qui déploient des efforts considérables face à l’évolution du

champ organisationnel dans des directions nouvelles et inattendues. La légitimation de

nouvelles pratiques dans la production de légumes est un travail de nature normative visant à

la création d’institutions en redéfinissant les relations entre des ensembles de pratiques et les

fondations morales et culturelles de ces pratiques (Lawrence et Suddaby, 2006). Le

changement des normes et des standards du marché de légumes, et le changement du circuit

de distribution traditionnel à travers les intermédiaires sont reliés à un travail de

déstabilisation des pratiques existantes dans le CO.

En deuxième lieu, nous identifions la forme de travail institutionnel associée au type de travail

institutionnel identifié. Nous nous basons sur les formes de travail institutionnel identifiées

dans la littérature pour définir les formes de travail institutionnel qui ont émergé des analyses

thématiques. Ainsi, le travail de maintien est associé à deux formes de travail institutionnel :

la résistance passive des petits producteurs, et la résistance active des mandataires et

grossistes-particulier. Le travail de création est associé à une forme de légitimation des

usiniers-producteurs comme nouvel entrant dans la filière légumes. Le travail de

déstabilisation par rapport aux changements de normes est une forme de travail normative ; et

finalement le travail de déstabilisation pour changer le circuit de distribution traditionnel est

une forme de travail de désintermédiation visant à éliminer ou contourner les intermédiaires

traditionnels de la filière légumes.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

251

Nous résumons ces différents types et formes de travail institutionnel (tableau 5.23) qui

émergent des actions des acteurs de la filière légumes.

Tableau41 5.23 : Types et formes de travail institutionnel dans la filière légumes

Dimension agrégée Type de travail institutionnel Forme de travail institutionnel

Résistance contre des

changements dans les habitudes

des acteurs en place

Maintien Travail de résistance passive

Travail de résistance active

Légitimation de nouvelles

pratiques dans la production de

légumes

Création Travail de légitimation

Changer les normes et standards

du marché de légumes

Déstabilisation Travail normatif

Changer le circuit de

distribution traditionnel à

travers les intermédiaires

Déstabilisation Travail de désintermédiation

Notre analyse dans cette section, nous a permis d’identifier la présence de trois types de

travail institutionnel, création, maintien et déstabilisation, ainsi que cinq formes de travail

institutionnel : travail de résistance passive et active, travail de légitimation, travail normatif

et travail de désintermédiation. Nous nous servons de ces résultats pour explorer en détail

certains acteurs de la filière qui présentent des cas de figures intéressant à analyser. Nous

analysons les résultats des études de cas dans la section suivante.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

252

SECTION 4 : Les résultats des études de cas

Cette section présentera six études de cas qui décrivent les différents types et formes de travail

institutionnel identifiés dans la section précédente. Nous avons choisi ces six cas car ils

représentent les différentes catégories d’acteurs principaux dans notre CO et surtout l’analyse

de ces cas nous permettrons de mieux comprendre l’articulation des logiques institutionnelles

sur les types et formes de travail institutionnel entreprit par les acteurs de la filière légumes.

5.6 Etudes de cas des acteurs : Type(s) et forme(s) de travail

institutionnel

Nous avons observé que certains acteurs sont engagés dans différentes formes de travail

institutionnel en parallèle et nous avons ainsi regroupé ces cas comme décrit dans le tableau

5.24.

Tableau42 5.24 : Etudes de cas dans la filière légumes

Acteur type Forme(s) de

travail

institutionnel

Nombre de cas

Petit producteur en place (PEP-Petit) Résistance passive 1

Regroupement de petits producteurs (REGROUP-Petit) Resistance passive

et

désintermédiation

1

Mandataire (MAND) Résistance active 1

Regroupement de moyens producteurs (REGROUP-Moyen) Normative 1

Nouvel entrant-producteur (Propriété sucrière) NE-PS Légitimation et

normative

1

Nouvel entrant-distributeur (Grossiste-grande entreprise)

(GROST-GE)

Normative et

désintermédiation

1

Total nombre de cas 6

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

253

5.6.1 Le cas d’un petit producteur de légumes

Tableau43 5.25 : Principales caractéristiques d’un petit producteur de légumes

PETIT PRODUCTEUR EN PLACE (PEP-Petit)

Profil Petite entreprise familiale avec en moyenne 25 ans d’expérience

dans la culture de légumes.

Superficie sous production : 0,25 hectares

Age : Plus de 60 ans

Niveau d’éducation : élémentaire

Propriétaire de ses champs

Principales activités Culture de légumes en plein champ. Activité à temps plein.

Position sociale A la périphérie du champ organisationnel

Orientation temporelle Passé et présent

Logique institutionnelle

dominante et complémentaire

Logique familiale et individualiste

Perception des opportunités

dans le champ organisationnel

Floue

Pratiques innovantes Aucunes pratiques innovantes. Utilisation des méthodes

traditionnelles de production et de distribution des légumes

Perception sur l’arrivée des

nouveaux entrants dans la

filière

Il est d’avis que les nouveaux entrants dans la production de

légumes, les gros producteurs sucriers sont des concurrents mais

qu’ils ne sont pas une menace pour les producteurs en place.

Type d’action agentique Routine

Type de travail institutionnel Maintien

Forme(s) de travail

institutionnel

Travail de résistance passive

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

254

Le cas du petit producteur de légumes (PEP-Petit) est représentatif des autres petits

producteurs, c'est-à-dire des producteurs vieillissants, utilisant des méthodes traditionnelles de

production héritées de leurs parents, eux –aussi, producteurs, et très ancrés dans une logique

familiale. La terre sous culture, dont ils sont propriétaires, est considérée comme une

ressource très importante et cela explique leur résistance à se joindre à des projets communs

de peur de perdre leur souveraineté et leur indépendance vis-à-vis de ce bien principal. Bien

qu’il soit membre d’une association de producteur, le petit producteur a aussi une logique

individualiste qui le marginalise dans la filière légumes. De ce fait, il ne perçoit pas les

opportunités dans la filière et se raccroche à ses expériences du passé pour continuer une

production routinière de légumes. Face à des situations de risques, tels que cyclones,

inondations, sécheresses, il adopte un comportement orienté aussi sur le présent pour donner

un sens à la situation à laquelle il fait face. Le petit producteur perçoit les nouveaux entrants

dans la filière légumes comme un changement important, mais il ne se sent pas directement

concerné car les légumes qu’il produit ne concurrencent pas les légumes produits à grande

échelle par les nouveaux gros producteurs. On peut observer ainsi que le petit producteur de

légumes, en général, n’a pas l’ambition d’innover, mais œuvre de façon passive à maintenir

ses acquis et résiste aux changements dans la filière.

5.6.2 Le cas d’un regroupement de moyens producteurs de légumes

Dans notre deuxième étude de cas, nous nous intéressons à un projet de regroupement de

petits producteurs dans l’est de Maurice. L’intérêt de cette étude de cas est de comprendre les

objectifs de ce projet pilote et pourquoi il a faillit.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

255

Tableau44 5.26 : Principales caractéristiques d’un regroupement de petits producteurs de légumes

REGROUPEMENT DE PETITS PRODUCTEURS (REGROUP-Petit)

Profil Regroupement de 300 petits producteurs de la région de Belle Mare

et de Trou D’Eau Douce dans l’est de Maurice.

Superficie par producteur : Approximativement 0,5 hectare

Age : Variant de 45 à 65 ans

Niveau d’éducation : primaire/collège

Principales activités Culture de légumes en plein champ. Activité à temps plein.

Position sociale A la périphérie du champ organisationnel

Orientation temporelle Présent

Logique institutionnelle

dominante et

complémentaire

Logique familiale et individualiste

Perception des opportunités

dans le champ

organisationnel

Floue

Pratiques innovantes Aucunes pratiques innovantes. Utilisation des méthodes

traditionnelles de production et de distribution des légumes

Perception sur l’arrivée des

nouveaux entrants dans la

filière

Ils sont d’avis que les nouveaux entrants dans la production de

légumes, les gros producteurs sucriers sont des concurrents mais

qu’ils ne sont pas une menace pour eux.

Type d’action agentique Stratégique

Type de travail institutionnel Maintien

Forme(s) de travail

institutionnel

Travail de résistance passive et de désintermédiation

Ce projet pilote de regroupement est à l’initiative d’un organisme œuvrant pour la promotion

de la productivité et de la concurrence dans le secteur public et privé, la National Productivity

and Competitiveness Council (NPCC). La NPCC a aussi pour objectif d’encourager la mise

en réseau et le regroupement des acteurs d’une filière de production. C’est dans cette optique

que la NPCC a voulu regrouper 350 petits producteurs de l’est du pays. Ayant fait une étude

préliminaire sur les problèmes et les opportunités des petits producteurs dans la région de l’est

du pays, la NPCC avait pour objectifs précis de d’améliorer la condition sociale des

producteurs, d’augmenter leur pouvoir de négociation et surtout d’augmenter leurs revenus en

contournant un acteur important dans le circuit de distribution, le grossiste-particulier, et ainsi

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

256

vendre directement aux principaux clients de la région, les hôtels de luxe. Il y avait donc un

travail de désintermédiation derrière ce projet de regroupement.

D’après le responsable du projet à la NPCC, il a fallu un an de préparation avec des sessions

d’explications et de mises en confiance des petits producteurs avant de démarrer le projet. Il

fallait aussi trouver un petit producteur parmi les 350 qui pouvait apporter une cohésion au

groupe sans donner la perception de favoriser ses intérêts personnels ou ceux de certains

producteurs. C’est ainsi qu’un producteur, un ancien dirigeant d’une association de

producteurs de la région de l’est, s’est retrouvé à la tête du groupe de 350 producteurs des

régions de Belle-Mare et Trou D’Eau Douce et a fondé une entreprise appelée le RDR

AgroFarm. Le but de cette entreprise était de fournir de légumes frais directement aux hôtels

de luxe de la région de l’est du pays. Au départ, les hôtels se sont mis d’accord sur

l’approvisionnement de la cafétéria du personnel des hôtels car les légumes fournit par les

petits producteurs ne respectaient pas les cahiers de charges en termes de normes et de

certification de qualité. Cependant ce projet de regroupement a faillit pour les raisons

suivantes :

Il y avait un manque de confiance entre les petits producteurs. Au départ ils étaient au nombre

de 300, sont passés à 50 après quelques mois et pour finir il n’y avait que 10 producteurs dans

le groupe. La logique individualiste prédominait sur la logique collective.

Les hôtels de luxe n’ont pas joué leur rôle de soutien aux petits producteurs. Le paiement pour

les légumes se faisait après trois mois et cela a causé un problème de liquidité pour les petits

producteurs.

Les plus grandes faiblesses des petits producteurs étaient la gestion financière de leur

entreprise commune et la gestion de la commercialisation des légumes. De plus il n’y avait

pas de séparation entre les actifs de l’entreprise et des biens personnels des actionnaires ce qui

fait que les familles respectives des petits producteurs étaient à risque en cas de faillite de

l’entreprise commune.

On peut conclure que ce projet a faillit car la logique individualiste a prédominé sur la logique

collective. La logique familiale (préserver ses biens personnels) a aussi dominé la logique de

marché (œuvrer comme un collectif pour vendre des légumes aux hôtels). Le travail de

désintermédiation des grossistes-particulier pour vendre directement aux hôtels n’a pas

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

257

fonctionné par manque de cohésion du groupe de producteurs. Il y a en effet eu plus un travail

de résistance passive des petits producteurs individuels à l’intérieur du groupe de par un refus

de gestion commune des biens, une méfiance par rapport au dirigeant de l’entreprise, et un

refus de prendre des risques par rapport au bien-être et à la richesse socio-émotionnelle de la

famille.

5.6.3 Le cas d’un mandataire

Tableau45 5.27 : Principales caractéristiques d’un mandataire

MANDATAIRE (MAND)

Profil

Un ancien producteur qui s’est reconverti en grossiste-particulier et

mandataire.

Age : 65 ans

Niveau d’éducation : primaire

Principales activités Il agit en tant que mandataire dans un marché de gros.

Il est aussi un grossiste-particulier qui achète des légumes avec les

producteurs pour revendre aux autres grossistes et détaillants à

travers le marché de gros.

Position sociale Centrale à la filière

Orientation temporelle Passé, présent et futur

Logique institutionnelle

dominante

Logique de cartellisation

Autres logiques

institutionnelles

Logique familiale, logique individualiste, logique entrepreneuriale

et logique de marché

Perception des opportunités

dans le champ organisationnel

Transparente

Pratiques innovantes Aucunes pratiques innovantes. Utilisation des méthodes

traditionnelles de distribution des légumes

Perception sur l’arrivée des

nouveaux entrants dans la

filière

Opportunité d’utiliser ses différents rôles multifonctionnels pour se

saisir des opportunités dans le CO.

Type d’action agentique Stratégique

Type de travail institutionnel Maintien

Forme(s) de travail

institutionnel

Travail de résistance active

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

258

Le cas d’un mandataire (MAND) dans la filière légumes a des aspects très intéressants à

étudier. En premier lieu c’est un acteur incontournable du circuit de distribution traditionnel

de légumes car près de 80% des légumes produits dans l’île transitent à travers les trois

marchés de gros principaux de Maurice. Il est aussi un maillon important dans la filière car il

offre des facilités de crédits aussi bien aux producteurs qu’aux grossistes. Le mandataire, étant

donc un acteur central de la filière légumes, est bien placé pour percevoir les opportunités de

la filière. C’est ainsi que pour lui, les nouveaux entrants dans la filière, les usiniers-

producteurs/gros producteurs sucriers, sont considérés comme une opportunité car c’est une

source d’approvisionnement en gros de légumes de qualité. MAND opère avec une logique

dominante de cartellisation, c'est-à-dire, il n’y a pas de transparence dans la fixation des prix

des légumes, et il y a connivence entre le mandataire et le grossiste-particulier au détriment

des producteurs. Le mandataire, de par sa multifonctionnalité, a aussi d’autres logiques

institutionnelles qui sont en conflits. Ainsi les deux logiques complémentaires, familiales et

individualistes, sont en conflits avec la logique entrepreneuriale, et la logique de marché. Le

mandataire est aussi très conservateur dans son métier et farouchement opposé aux

changements dans le circuit traditionnel de distribution. Ainsi le projet de l’état de mettre sur

pied un marché de gros national avec plus de transparence sur les prix des légumes et un

contrôle sur les producteurs qui vendent leurs légumes dans ce marché, a rencontré une

résistance active de la part des mandataires.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

259

5.6.4 Le cas d’un regroupement de moyens producteurs de légumes

Tableau46 5.28 : Principales caractéristiques d’un regroupement de moyens producteurs

REGROUPEMENT DE MOYENS PRODUCTEURS (REGROUP-MOYEN)

Profil Un regroupement de quatre moyens producteurs de légumes qui ont des

liens familiaux

Principales activités Culture de légumes sur une superficie commune de 10 hectares.

Vente des légumes à travers le marché de gros

Transformation d’une partie des légumes en découpe.

Position sociale Centrale

Orientation temporelle Future

Logique

institutionnelle

dominante

Logique entrepreneuriale

Autres logiques

institutionnelles

Logique de marché

Perception des

opportunités dans le

champ organisationnel

Transparente

Pratiques innovantes Découpe des légumes et mis en barquette

Perception sur

l’arrivée des nouveaux

entrants dans la filière

Opportunité pour apprendre sur les nouvelles techniques de production.

Type d’action

agentique

Stratégique

Type de travail

institutionnel

Création

Forme(s) de travail

institutionnel

Normative

Ce regroupement de moyens producteurs est une entreprise verticalement intégrée qui produit

ses matières premières, les légumes, qui sont découpés, mis en barquette et envoyés

directement aux supermarchés. C’est un partenariat entre quatre moyens producteurs de

légumes qui ont des liens familiaux ce qui a certainement facilité le succès du regroupement,

à l’opposé du cas des petits producteurs (REGROUP-Petit). La logique dominante est la

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

260

logique entrepreneuriale complétée par la logique de marché. L’idée de mettre des légumes

découpés en barquette a germé lors d’un voyage d’un des partenaires du groupe à Cape Town

en Afrique du Sud. Le projet s’est rapidement concrétisé à Maurice et a reçu une réponse

positive de la part des supermarchés, étant un nouveau produit pour le marché mauricien.

Cependant, après quelques temps, les supermarchés ont eux aussi commencé à produire leurs

propres légumes découpés en utilisant les légumes frais invendus ce qui a été une rude

concurrence pour le REGROUP-MOYEN. Mais ces derniers ayant l’esprit d’entrepreneuriat,

se sont diversifiés dans des légumes plus rares pour différencier leurs produits. REGROUP-

MOYEN a toutes les caractéristiques d’entrepreneurs institutionnels qui ont changé les modes

de consommation des mauriciens.

5.6.5 Le cas d’un nouvel entrant dans la filière légumes (Usinier-producteur)

Tableau47 5.29 : Principales caractéristiques d’un nouvel entrant –producteur

NOUVEL ENTRANT- USINIER-PRODUCTEUR (NE-PS)

Profil Propriété sucrière

Principales activités Culture de la canne à sucre

Diversification dans la culture de légumes

Position sociale A la périphérie de la filière légumes

Orientation temporelle Futur

Logiques institutionnelles

dominante

Logique entrepreneuriale

Autres logiques

institutionnelles

Logique de marché

Perception des

opportunités dans le champ

organisationnel

Transparente

Pratiques innovantes Utilisation de treillisage (tuteurs) pour les plantes de tomates

Nouvelles variétés de tomates, et nouveaux intrants

Mécanisation intensive au niveau de la production

Mécanisation intensive au niveau du conditionnement

Perception sur l’arrivée des

nouveaux entrants dans la

filière

Opportunité pour apprendre sur les nouvelles techniques de

production.

Type de travail

institutionnel

Création et déstabilisation

Forme(s) de travail

institutionnel

Travail de légitimation et travail normatif

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

261

Ce nouvel entrant (NE-PS) dans la filière légumes est une des plus petites propriétés sucrières

du pays avec 4000 hectares de terre. NE-PS produit toujours de la canne à sucre, de l’énergie,

des fruits et des légumes et des ornementaux. En 2002, NE-PS a investit dans un projet

d’épierrage et de mécanisation sur 400 hectares. Les roches ont été vendues à une entreprise

et l’argent a servi à financer les opérations d’épierrage et de mécanisation. Ce projet a donné

la possibilité à NE-PS de se lancer dans des projets de diversification comme les fruits et

légumes. Ce projet rapporte 25% du chiffres d’affaire de NE-PS est a représenté un gros

investissement financier. La production de légumes se fait sur 200 hectares et fournit 50% de

la demande de la demande sur le marché local. NE-PS produit des semi-périssables comme la

pomme de terre, la carotte, la courge (giraumon), et un périssable (la pomme d’amour -80-90

tonnes/ha). La vente se fait directement aux grossistes avec 100% de marge brute avant les

coûts fixes Il n’y a pas de contrat formel avec les grossistes qui sont simplement enregistrés

comme acheteurs auprès de NE-PS. L’accent a été mis sur la conservation post-récolte avec

un investissement dans deux bâtiments (1 million d’euro) : chaîne de tri et de

conditionnement pour la pomme d’amour et la carotte. Il y a aussi eu des investissements dans

la technologie avec un apport de la technologie provenant de l’étranger. Par exemple,

introduction de tuteurs et treillis pour la production de la pomme d’amour. NE-PS a accomplit

à travers son projet de diversification dans les légumes un travail normatif en misant sur la

production de légumes de qualité pour le marché mauricien. NE-PS a aussi investit dans un

projet social en mettant sur pied un marché de détail pour les producteurs de la région. C’est

un travail de légitimation de sa présence dans la filière légumes. Des journées portes ouvertes

sont aussi régulièrement organisées pour permettre aux producteurs de légumes en place de

constater de visu les nouvelles techniques de production au champ. Ceci a permit de renforcer

la position sociale et la légitimité de NE-PS qui est passé d’un acteur périphérique dans la

filière à un acteur central car comme mentionné plus haut, 50% des légumes qui transitent par

le marché de gros proviennent de NE-PS à travers les grossistes-particulier. De plus, les

pratiques de production innovantes ont permis de professionnaliser un secteur traditionnel.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

262

5.6.6 Le cas d’un nouvel entrant-distributeur (grossiste-grande entreprise)

Tableau48 5.30 : Principales caractéristiques d’un nouvel entrant-distributeur

NOUVEL ENTRANT-DISTRIBUTEUR (GROSSISTE-GRANDE ENTREPRISE) (GROST-

GE)

Profil Cette entreprise de distribution est verticalement intégrée à un

regroupement de quatre propriétés sucrières situées dans les sud de

Maurice.

Principales activités Production de la pomme de terre sur 310 hectares de terre qui

représente le tiers de la production du pays.

Assemblage des pommes de terre, conditionnement, mis en sac et

distribution auprès des super/hypermarchés.

Position sociale Périphérie de la filière légumes

Orientation temporelle Futur

Logiques institutionnelles

dominante

Logique entrepreneuriale

Autres logiques

institutionnelles

Logique de marché

Perception des opportunités

dans la filière légumes

Transparente

Pratiques innovantes Conditionnement et tri (calibrages des pommes de terre)

Mis en sachet

Production de différentes variétés

Perception sur l’arrivée des

nouveaux entrants dans la

filière

Opportunité pour le circuit de distribution de se moderniser

Type d’action agentique Stratégique

Type de travail institutionnel Création et déstabilisation

Forme(s) de travail

institutionnel

Travail normatif et travail de désintermédiation

Le cas de ce grossiste-grande entreprise est intéressant à plusieurs niveaux. Utilisant la

logique entrepreneuriale et la logique de marché, cette entreprise qui est verticalement

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

263

intégrée de la production à la distribution a pour objectif principal de valoriser un produit, la

pomme de terre de plusieurs façons : En premier lieu, en diversifiant la gamme de variétés

disponibles sur le marché mauricien, chaque variété étant appropriée pour un plat particulier.

En second lieu, l’idée principale était de remplacer à long terme le riz et le blé (importés)

comme aliment de base par la pomme de terre produite localement. En troisième lieu, il y a

aussi eu un investissement dans une station de tri et de conditionnement afin de miser sur des

produits de qualité et des emballages adaptés aux besoins de la clientèle. Les produits sont

directement envoyés aux super/hypermarchés en contournant les grossistes-particulier.

On peut observer dans ces trois activités précitées, deux formes de travail institutionnel : un

travail normatif, avec des produits calibrés et emballés, et un travail de désintermédiation en

fournissant directement les pommes de terre à la grande distribution.

Cette section nous a permis d’exposer les types et formes de travail institutionnel identifiés

auprès des principaux acteurs de notre champ organisationnel. Nous avons ainsi trouvé que

l’usinier-producteur (NE-PS) qui s’est diversifié à grande échelle dans la production de

légumes est un entrepreneur institutionnel qui a entreprit un travail institutionnel de création

pour se légitimer dans le CO. Il a aussi déstabilisé la filière par un travail normatif en

produisant des légumes de meilleure qualité. En réaction, les moyens et gros producteurs en

place ont réagit en modernisant leurs techniques de production ce qui a contribué à la

légitimation de NE-PS. Le petit producteur de légumes a adopté une forme de résistance

passive à la modernisation des techniques de production car il ne se sent pas directement

concerné par ces changements étant solidement ancrés dans sa logique familiale. Dans le

circuit de distribution de légumes, le nouvel entrant, le grossiste-grande entreprise (GROST-

GE) est un autre entrepreneur institutionnel qui, avec une logique entrepreneuriale dominante,

a voulu à travers un travail institutionnel normatif, produire des pommes de terre de

différentes variétés et de qualité pour le marché local. GROS-GE a aussi voulu intégré

verticalement la production des pommes de terre à la station de conditionnement et de

distribution pour contourner les intermédiaires traditionnels de la filière légumes. Cependant

il a rencontré une résistance active de la part de ces intermédiaires, les grossistes-particuliers.

Nous résumons les principaux résultats de ce chapitre dans le tableau 5.31 et nous discuterons

ces résultats dans le prochain chapitre.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

264

Tableau49 5.31 : Résumé des principaux résultats de la recherche

Acteur de la

filière légumes

Logique

institutionnelle

dominante

Logique (s)

institutionnelle

coexistant(s)

Degré

d’hétérogénéité

des logiques

institutionnelles

Degré

d’institutionnalisation de

la logique dominante

Orientation

temporelle

Position

sociale

Type de travail

institutionnel

Forme de

travail

institutionnel

Les acteurs de la production

Petit Producteur Familiale Individualiste,

marché

Moyennement

Hétérogène

Extrême

institutionnalisation

Passé et

présent

Périphérique Maintien Résistance

passive

Moyen

producteur

Familiale Individualiste,

marché

Moyennement

Hétérogène

Institutionnalisation

modéré

Présent, futur Centrale Maintien Résistance

passive

Producteur

sucrier

Entrepreneuriale Marché Moyennement

Homogène

Institutionnalisation

modéré

Futur Interstice Création et

déstabilisation

Légitimation

Les acteurs de la distribution

Mandataire et

grossiste-

particulier

Cartellisation Familiale,

individualiste,

entrepreneuriale,

marché

Très Hétérogène Extrême

institutionnalisation

Présent et

futur

Centrale Maintien Résistance active

Grossiste-

grande

entreprise

Entrepreneuriale Marché Moyennement

homogène

Institutionnalisation

modéré

Futur Interstice Création et

déstabilisation

Normatif,

désintermédiation

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS

265

Conclusion du chapitre 5

Ce chapitre a exposé les résultats de notre terrain d’étude au niveau méso de la filière

légumes et au niveau micro des acteurs principaux de la filière.

Au niveau méso, nous avons identifié, à travers une analyse thématique de contenu, cinq

logiques institutionnelles de notre champ organisationnel : la logique familiale, la logique

individualiste, la logique de cartellisation, la logique de marché et la logique

entrepreneuriale. Nous avons caractérisé ces logiques institutionnelles en fonction de leur

degré d’hétérogénéité et d’institutionnalisation dans le CO. Nous avons ainsi pu déduire que

le champ organisationnel est très hétérogène et moyennement institutionnalisé ce qui offre

les conditions propices à des changements.

Au niveau micro, nous avons aussi caractérisé les logiques institutionnelles en fonction de

leur degré d’hétérogénéité et d’institutionnalisation auprès des acteurs principaux de la

filière. Cette analyse nous a permis de comprendre que certains acteurs adhèrent à une

logique dominante, d’autres à deux logiques complémentaires, et d’autres font face à des

logiques conflictuelles.

Nous avons ensuite identifié, à travers une analyse thématique de contenu, trois types de

travail institutionnel (création, maintien et déstabilisation) et cinq formes de travail

institutionnel (résistance passive, résistance active, normative, légitimation et

désintermédiation).

Nous avons mis en relation les logiques institutionnelles et les types et formes de travail

institutionnel à travers six études de cas.

Nous discuterons de ces résultats et les mettrons en perspectives par rapport à notre modèle

conceptuel et la littérature mobilisé dans le prochain chapitre.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 6 : DISCUSSION

Chapitre 4:

Méthodologie de recherche

DEUXIEME PARTIE:

MÉTHODOLOGIE ET RÉSULTATS

Chapitre 5 :

Les résultats des enquêtes et études de cas

Chapitre 6 :

Discussion

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 6 : DISCUSSION

267

Chapitre 6 : Discussion

Introduction

Nous avons proposé un modèle conceptuel (chapitre 1) qui met en relation un des composants

d’un champ organisationnel, les logiques institutionnelles, et le travail institutionnel. Nous

avons voulu comprendre les déterminants du type de travail institutionnel qui se met en place

dans un champ organisationnel, et les conséquences de ce travail institutionnel sur les

logiques institutionnelles existantes et qui peuvent éventuellement causer un changement

institutionnel.

Afin de tester ce modèle nous avons procédé à l’analyse des données secondaires et primaires

en plusieurs étapes. Premièrement nous avons identifié les logiques institutionnelles de la

filière légumes, et déterminé leur degré d’hétérogénéité dans le champ organisationnel et

d’institutionnalisation auprès des acteurs concernés. Deuxièmement, nous avons caractérisé le

champ organisationnel, la filière légumes, selon son degré de structuration ou

d’institutionnalisation. Troisièmement, nous avons décrit les caractéristiques individuelles des

acteurs en fonction de leur orientation temporelle et leur position sociale. Quatrièmement

nous avons identifié les types et formes de travail institutionnel entrepris par les acteurs de la

filière légumes.

Notre analyse des données secondaires et primaires de la filière légumes nous a permis

d’identifier cinq types de logiques institutionnelles: la logique familiale, la logique de marché,

la logique individualiste, la logique de cartellisation, et la logique entrepreneuriale. Pour

chacun des acteurs de la filière, il y a une logique dominante mais aussi d’autres logiques qui

coexistent soit en complémentarité à la logique dominante soit en conflit ce qui peut amener à

un changement de logique pour l’acteur concerné. Nous avons aussi identifié cinq formes de

travail institutionnel : le travail de résistance passive, le travail de résistance active, le travail

de légitimation, le travail normatif, et le travail de désintermédiation.

Dans ce dernier chapitre nous allons mettre en perspective ces résultats avec notre modèle

conceptuel et nos propositions de recherche et les confronter à la littérature mobilisée.

Ce chapitre est divisé en deux sections : dans la première section nous confronterons nos

résultats à la littérature mobilisée dans notre cadre théorique pour établir leur validité externe;

et dans la deuxième section, nous discuterons de la validité de nos propositions de recherche.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 6 : DISCUSSION

268

SECTION 1 : Les déterminants et les conséquences du travail

institutionnel

Dans cette section, nous nous baserons sur les résultats résumés dans le tableau 5.31 du

précédent chapitre pour faire un retour à la littérature.

6.1 Les déterminants du travail institutionnel

Ce travail de recherche nous a permis d’analyser deux déterminants du travail institutionnel

des acteurs d’un champ organisationnel : les caractéristiques objectives du champ

organisationnel, et les caractéristiques individuels des acteurs.

6.1.1 Les caractéristiques du champ organisationnel

Pour pouvoir caractériser notre champ organisationnel, nous nous sommes focalisées sur un

des composants de champ, la logique institutionnelle. Notre analyse de données nous a permis

d’identifier cinq logiques institutionnelles qui conditionnent les actions des acteurs dans la

filière légumes. Nous avons établit que les logiques institutionnelles de la filière légumes sont

extrêmement hétérogènes ce qui favorisent l’entrepreneuriat institutionnel (Oliver, 1991 ;

Sewell, 1992 ; Whittington, 1992 ; D'Aunno et al., 2000 ; Seo et Creed, 2002). Nos résultats

montrent aussi que notre filière de légumes est moyennement structurée (institutionnalisée) ce

qui encourage des changements divergents par des acteurs qui ne sont pas satisfaits des

arrangements institutionnels, comme certains chercheurs (Tolbert et Zucker, 1996 ;

DiMaggio, 1988 ; Fligstein, 1997).qui avancent que le niveau d’incertitude dans un CO très

peu structuré ou peu institutionnalisé est source d’opportunités pour des actions stratégiques

de la part des acteurs

Ainsi comme le décrit Dorado (2005), des champs modérément institutionnalisés qui ont des

arrangements institutionnels hétérogènes, sont transparents, et offrent ainsi beaucoup

d’opportunités pour les actions stratégiques. C’est le cas de notre champ organisationnel, la

filière légumes.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 6 : DISCUSSION

269

Dans la section suivante, nous discuterons de comment les acteurs en place de la filière

légumes, utilisant une logique institutionnelle qui dominait au moment de leurs actions, ont

développé une ou des formes de travail institutionnel en réaction aux nouveaux arrivants

provenant de la filière sucre.

6.1.2 Les caractéristiques des acteurs

Nous avons analysé deux caractéristiques des acteurs d’un champ organisationnel qui selon

Battilana (2006a) favorisent l’action agentique : la position sociale et l’orientation temporelle

des acteurs. Les acteurs qui sont reconnus par rapport à leur position formelle et aussi par

rapport à leurs identités socialement construites et légitimées sont plus aptes à obtenir le

soutien et la collaboration des parties prenantes et ainsi mobiliser les ressources nécessaires à

l’aboutissement de leur projet (Maguire et al., 2004). Nos résultats montrent que certains

acteurs sont centraux au CO (moyen producteur, mandataire, grossiste-particulier) et certains

à la périphérie du CO (petit producteur), et les nouveaux entrants dans les interstices entre

deux CO, la filière légumes et la filière CAS.

Selon Emibayer et Mische (1998), la capacité des acteurs à transformer leur champ

organisationnel, est en fonction de leur orientation temporelle. Les acteurs peuvent soit

s’orienter vers le passé en utilisant les expériences vécues, ou bien être orientés dans le

présent et émettre des jugements pratiques en fonction des demandes émergentes; ou encore

être orientés vers le futur en imaginant des scénarios et trajectoires possibles. Nos acteurs de

la filière légumes sont orientés vers le passé et le présent dans le cas des petits producteurs de

légumes ; vers le présent et le futur pour les moyens producteurs, mandataires et grossistes-

particuliers ; et vers le futur pour les nouveaux entrants.

Nous utilisons les caractéristiques de notre CO ainsi que les deux caractéristiques

individuelles des acteurs de notre CO pour comprendre comment ils s’articulent au niveau des

différentes catégories d’acteurs. Nous considérons en premier lieu les acteurs au niveau de la

production de légumes. Notre objectif est de discuter comment l’arrivée d’un gros producteur

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 6 : DISCUSSION

270

sucrier dans la production de légumes a influencé les logiques institutionnelles existantes et

quelles sont les types et les formes de travail institutionnel qui se sont mis en place par les

acteurs en place de la production et par le nouvel entrant.

6.1.2.1 Le petit producteur de légumes

Le petit producteur de légumes dans la filière légumes est guidé dans ses activités

professionnelles par une logique dominante extrêmement institutionnalisée, la logique

familiale. Il y a cependant deux autres logiques qui coexistent avec la logique dominante, la

logique individualiste et la logique de marché. Dans un monde de plus en plus caractérisé par

un pluralisme institutionnel (Kraatz et Block, 2008), cela implique une multitude de logiques

institutionnelles qui se concurrencent, et les individus, et les organisations, font ainsi face à

des motivations conflictuelles. Selon Pache et Santos (2013), l’hypothèse selon laquelle les

individus dans les organisations soit adhèrent ou soit résistent à une logique ne tient pas car

cette approche dichotomique ne prend pas en considération le niveau d’adhésion (novice,

familier ou identification) et les différents types de comportements ou réactions que les

individus peuvent avoir comme l’ignorance de l’influence d’une logique concurrentielle, la

conformité à une logique, la défiance face à une nouvelle logique, la compartimentalisation de

différentes logiques conflictuelles, et la combinaison de différentes logiques pour créer une

nouvelle logique. Dans le contexte de notre recherche, nous avons observé que les petits

producteurs opèrent donc avec un cadre cognitif moyennement hétérogène composé de deux

logiques institutionnelles qui se complètent (logique familiale et individualiste) et une logique

conflictuelle, la logique de marché.

Selon Fairclough et Micelotta (2013), bien qu’il y a eu beaucoup de recherche sur les logiques

institutionnelles, les chercheurs se sont concentrés sur certains types de logiques seulement et

négligés les logiques n’ayant pas trait au marché telle que la logique familiale. Comme nous

l’avions souligné dans le chapitre 5, dans la filière légumes, la logique familiale se situe entre

la logique de subsistance et la logique de marché. D’après Olivier de Sardan (1995), le paysan

perçoit son quotidien comme soumis aux risques et incertitudes, et de ce fait, l’agriculture

africaine est largement influencée par une logique de subsistance qui définit son

comportement économique et stratégique. Ce constat est toujours d’actualité dans le cas des

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 6 : DISCUSSION

271

petits et certains producteurs moyens de légumes qui, vendent leurs excédents de légumes

pour subvenir en priorité aux besoins de la famille, et garantir sa reproduction physique et

sociale. Les petits producteurs s’identifient fortement à la logique familiale et comme le

soulignent Pache et Santos (2013), un individu qui s’identifie à une logique se sent à la fois

émotionnellement et idéologiquement engagé dans cette logique qui définit ce que cet

individu fait, ce qu’il représente et ses relations sociales.

La logique familiale est aussi soutenue par les politiques publiques mauriciennes, qui à travers

un environnement légal et réglementaire, encourage directement ou indirectement la survie

des petites entreprises familiales. Ainsi, les PME bénéficient d’emprunts à taux et conditions

préférentiels des banques publiques de développement. De plus, l’idéologie des partis

politiques, qui se sont succédés depuis l’indépendance de Maurice en 1968, est

historiquement associée à la préservation des petits et moyens producteurs.

La logique individualiste se caractérise par un comportement individuel basé sur le secret de

l’information, la privatisation des connaissances, la défiance mutuelle, l’opportunisme, et la

flexibilité. De plus cette logique se retrouve aussi chez les dirigeants d’association de petits et

moyens producteurs qui poursuivent en même temps une politique collective pour tous les

membres de leur organisation et en parallèle adoptent un comportement individuel par rapport

à leurs propres intérêts. On retrouve cette analyse des organisations paysannes (OP) dans

l’étude de Mercoiret (1994) qui décrivent les OP comme «des systèmes d'action collective

qui ont des règles de fonctionnement internes formalisées et relativement stables et qui sont

bâties autour d'objectifs partagés. Ces objectifs communs n'excluent pas l'existence d'objectifs

et d'intérêts particuliers chez les différents membres, objectifs qui peuvent être diversement

convergents ou compatibles ». Cette analyse laisse entrevoir les luttes de pouvoir qui peuvent

se mettre en place dans les OP. Dans la filière légumes, les associations de producteurs ont

généralement un nombre réduit de membres qui se rassemblent pour une activité précise,

comme acheter des intrants en gros pour bénéficier de prix réduits. Il y a une méfiance des

producteurs individuels vis-à-vis des structures collectives et bien souvent une ignorance des

possibilités offertes par les associations de producteurs.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 6 : DISCUSSION

272

Nos résultats montrent que les acteurs de la filière légumes, qui adoptent la logique

individualiste en complément de la logique familiale, gardent jalousement les informations

concernant leur activité de production et/ou de distribution, ont une défiance mutuelle qui

n’est pas ouvertement exprimée mais qui se traduit dans la pratique par une résistance au

projet de regroupement. Le type de travail institutionnel utilisé par les petits producteurs de

légumes est le maintien de leurs acquis, c'est-à-dire, un refus du changement et une farouche

tendance à la préservation de la logique familiale associée à une logique individualiste. Cela

se traduit par une forme de travail institutionnel que l’on a nommé, résistance passive. Le cas

de l’échec de REGROUP-Petit, une association de petits producteurs de l’est de l’île,

regroupés pour fournir les hôtels de leur région en légumes, est un exemple de résistance

passive des petits producteurs qui, par peur d’une gestion collective de leurs biens qui leur

ôterait leur autonomie et mettrait leur famille en danger, préfèrent avoir un comportement

individuel. De plus dans l’évolution de la filière légumes, les petits producteurs sont passés

d’une position sociale centrale à la périphérie du champ organisationnel. Ceci peut encore une

fois s’expliquer par la dominance de la logique familiale qui a empêché les petits producteurs

à investir dans la modernisation de leur entreprise pour favoriser la richesse socio-

émotionnelle de la famille. Nous retrouvons cette forme de défiance vis à vis d’une nouvelle

logique dans l’étude de Townley (1997) qui explique comment les enseignants-chercheurs,

des universités au Royaume Uni, ont opposé une résistance à l’introduction de systèmes

d’évaluation de leur performance, ce qui était en opposition à la logique dominante dans leur

monde académique, celle de la liberté et de l’autonomie professionnelle.

Une filière de production sans acteurs ayant une logique de marché n’aurait pas de sens, et

c’est bien pour cela que l’on retrouve cette logique dans la filière légumes. Cependant, elle est

« ignorée » par les petits producteurs au sens de Pache et Santos (2013) qui définit l’ignorance

comme un manque de réaction face à une logique par absence d’information ou de

sensibilisation sur l’influence de cette logique. Les petits producteurs, au fil des années, se

sont marginalisés et sont maintenant des acteurs vieillissants avec une orientation temporelle

vers le passé par rapport à leurs méthodes de production, et aussi une orientation temporelle

vers le présent pour vivre au jour le jour face aux risques et incertitudes de leur métier de leur

quotidien. La survie de ces petits producteurs est remise en question avec les nouvelles

logiques institutionnelles qui proviennent des autres acteurs en place et nouveaux de la filière.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 6 : DISCUSSION

273

6.1.2.2 Le moyen producteur de légumes

Le moyen producteur de légumes est confronté, comme le petit producteur, à trois logiques

institutionnelles, les logiques familiales et individualistes qui sont complémentaires, et la

logique de marché.

Cependant pour les moyens producteurs, il est intéressant d’observer que bien que la logique

familiale soit la logique dominante, elle est modérément institutionnalisée. Face à une logique

de marché venant des opportunités dans la filière, les moyens producteurs, peuvent

abandonner ou mettre de côté des logiques habituelles pour adopter de nouvelles logiques.

Ainsi nous observons que les moyens producteurs innovent en adoptant de nouvelles

techniques de production provenant des nouveaux entrants (usiniers-producteurs/gros

producteurs sucriers) dans la filière. Cela rejoint les travaux de Phillips et Zuckerman (2001)

qui décrivent les acteurs avec un statut peu élevé qui vont au-delà de la conformité et innovent

en combinant les logiques (Pache et Santos, 2013). Ce genre d’acteur considère donc les

logiques comme une ressource stratégique (Durand et al., 2013) et utilisent le meilleur de

chaque logique pour en tirer un avantage combiné. Pour illustrer cette idée, nous prenons le

cas d’un regroupement de producteurs réussi, celui de REGROUP-moyen, qui est un groupe

de quatre producteurs moyens ayant des liens familiaux et qui ont mis en commun leurs

ressources pour cultiver des légumes, les expédier à la vente en gros, et en transformer une

partie en découpe. Le fait que les quatre producteurs ont des liens familiaux n’est peut-être

pas étranger au fait que leur entreprise commune a pu réussir car la logique familiale est

respectée.

Bien que les moyens producteurs soient centraux dans le champ organisationnel de par la

taille de leur exploitation qui leur permet d’avoir une entreprise profitable, ils ont une

orientation temporelle vers le présent faisant face aux incertitudes et aux risques de leur

métier. De plus, en dépit du fait qu’une logique de marché inclut des pratiques telles que la

compétition pour les ressources, l’augmentation les profits de l’entreprise, la construction

d’une position concurrentielle (Thornton, 2001), la conformité aux standards de qualité sur le

marché, l’efficience et la présence d’une stratégie de prix (Garrow, 2013), nous montrons que

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 6 : DISCUSSION

274

les acteurs de la filière légumes mettent l’accent sur la compétition pour les ressources

physiques telles que les terres cultivables, et financières au dépens de la qualité des produits.

Les moyens producteurs adoptent ainsi un maintien de leurs acquis et adoptent une forme de

résistance passive aux nouveaux entrants dans la filière, c'est-à-dire, bénéficiant à la fois des

opportunités des nouvelles pratiques et techniques de production, et gardant toute leur

autonomie.

6.1.2.3 L’usinier–producteur/gros producteur sucrier

Dans cette section, nous discutons du cas d’un usinier-producteur qui a diversifié une bonne

partie de ses terres pour la culture de légumes en plein champ. Ce producteur se trouve donc

dans les interstices de deux champs organisationnels, la filière sucre et la filière légumes.

Venant d’une filière très structurée et orientée vers le future avec des stratégies de production

de légumes misant sur la performance, l’efficience et la profitabilité, il n’est pas étonnant

qu’il soit guidé par deux logiques institutionnelles, entrepreneuriales et marchés, les deux

étant complémentaires et pas conflictuelles.

Cependant, le but premier du gros producteur sucrier étant d’assurer sa légitimité dans cette

nouvelle filière légumes, nous avons observé trois pratiques aidant à son travail institutionnel

de légitimation. Premièrement, le gros producteur sucrier s’appuyant sur son expérience dans

la filière sucre, où la production est très mécanisée et rationnelle, assure un transfert de

connaissances et de compétences pour améliorer la production de légumes à grande échelle.

Le gros producteur sucrier partage ses connaissances en organisant des journées portes

ouvertes pour les petits et moyens producteurs. Ceci a eu pour résultat, une réaction de

mimétisme au niveau de la part de certains producteurs moyens qui ont utilisé des machines,

et des équipements adaptés à leur échelle de production. Deuxièmement le gros producteur

sucrier a créé un marché de village dans la région où il opère pour donner aux producteurs de

cette région un espace pour vendre leurs légumes. Troisièmement, selon Binder (2007), « les

individus réels, dans des contextes réels, avec une grande expérience conséquente, jouent avec

les logiques institutionnelles, les remettent en question, les combinent à d’autres logiques

institutionnelles venant d’autres champs organisationnels, prennent ce qu’ils peuvent utiliser

et les adaptent à leurs besoins». Ceci s’applique au gros producteur sucrier qui, de par son

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 6 : DISCUSSION

275

besoin de légitimation dans la filière légumes, n’a pas déstabilisé la filière et a crée son propre

circuit de distribution en s’appuyant sur le circuit traditionnel impliquant les grossistes

particuliers.

Le gros producteur sucrier a toutes les caractéristiques d’un entrepreneur institutionnel,

orienté vers le futur, développant des stratégies de légitimation, et mobilisant des ressources

tangibles (financières) et intangibles (soutien des alliés) pour arriver à ses fins.

Nous considérons en deuxième lieu les acteurs au niveau de la distribution de légumes. Notre

objectif est de discuter comment l’arrivée d’une grande entreprise de distribution de légumes

a influencé les logiques institutionnelles existantes et quelles sont les types et les formes de

travail institutionnel qui se sont mis en place par les acteurs en place de la distribution et par

le nouvel entrant.

6.1.2.4 Le mandataire et le grossiste-particulier

Dans cette section nous discutons de deux catégories d’acteurs, a priori distincts dans leurs

fonctions, mais qui se ressemblent sur beaucoup de points. Le mandataire a pour objectif de

vendre les légumes du producteur dans le marché de gros, et il perçoit une commission

équivalente à 8% du prix de vente. Il n’intervient donc ni dans la production de légumes ni

dans la distribution. Cependant dans la réalité, la plupart des mandataires sont

multifonctionnels et peuvent être à la fois producteurs, mandataires, grossistes et même

détaillants.

Le grossiste-particulier achète des légumes aux mandataires pour les revendre aux détaillants.

Le mandataire, comme le grossiste-particulier, est un maillon important du circuit de

distribution. Le mandataire donne des facilités de crédits de façon informelle aussi bien aux

producteurs qu’aux grossistes-particuliers. De ce fait il perpétue le mythe quant à son

importance et de son immuabilité dans la filière légumes. Le mandataire et le grossiste-

particulier sont des acteurs dominants de la filière qui au sens de Bourdieu et Wacquant

(1992) essayent d’usurper, d’exclure et d’établir un monopole sur les mécanismes de la

reproduction d’un champ organisationnel. De par sa position centrale dans le champ, les liens

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 6 : DISCUSSION

276

du mandataire en amont avec les producteurs et en aval avec les grossistes lui donnent une

bonne perception des opportunités dans la filière légumes. Ainsi le mandataire change de rôle

et de fonctions selon les opportunités qui se présentent dans le champ organisationnel.

Nous avons observé que le mandataire et le grossiste-particulier opèrent avec une logique

dominante de cartellisation, mais qu’il y a d’autres logiques qui influencent ces acteurs en

incluant la logique familiale, individualiste, entrepreneuriale et marché. Comme proposé par

Pache et Santos (2013), toutes ces logiques ne sont pas conflictuelles car l’individu peut les

compartimentaliser et les utiliser à sa convenance en fonction du contexte. De ce fait, le

mandataire et le grossiste-particulier utilisent leur logique dominante de cartellisation dans le

marché de gros en s’accordant sur les prix et les quantités de légumes qui y transitent. Les

grossistes-particuliers s’accordent entre eux pour créer des barrières à l’entrée dans le circuit

de distribution du marché au gros vers les détaillants. Les mandataires changent de rôle pour

agir comme grossiste-particulier quand l’opportunité se présente comme dans le cas de

l’arrivée du gros producteur sucrier par exemple qui a la capacité de produire en volume et en

qualité, ce qui permet au mandataire/grossiste-particulier d’adopter une logique de marché,

d’acheter en gros et de revendre dans le circuit de distribution traditionnel.

Le mandataire et le grossiste-particulier utilisent tous les deux un travail de maintien de leurs

acquis et cela s’exprime par une forme de résistance active à tout changement qui remettrait

en question leur domination dans le circuit de distribution. Ainsi le mandataire s’oppose à la

création d’un marché national de gros, moderne, centralisé et transparent car cela impliquerait

la fin des mandataires traditionnels. Ce projet de l’état, qui date d’au moins cinq ans ne s’est

jamais concrétisé, car le mandataire a l’appui de ses alliés auprès des acteurs de la production

de légumes et des acteurs de la distribution car chacun y trouve son compte et ne veut pas

changer pour un autre système de distribution de légumes. Les grossistes-particuliers sont eux

aussi résistants aux changements et aux nouveaux venus dans leur métier. Nous reprenons ici

l’exemple de REGROUP-Petit, l’association de petits producteurs de l’est du pays, qui voulait

vendre directement aux hôtels de luxe de leur région qui d’habitude achètent avec les

grossistes-particuliers. Ces derniers sont des fournisseurs de longue date des hôtels de luxe, et

respectent leur cahier de charges. Une des autres raisons de l’échec de REGROUP-Petit a été

le fait que les grossistes-particuliers sont des acteurs dominants auprès des hôtels de luxe.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 6 : DISCUSSION

277

Les grossistes-particuliers ont aussi utilisé une autre forme de travail institutionnel, le travail

de résistance active, suite à l’entrée d’une grande entreprise dans le circuit de distribution, le

cas de GROST-GE. Nous explicitons cet exemple dans la section suivante.

6.1.2.5 Le Grossiste-Grande Entreprise

Nous présentons ici le cas d’une grande entreprise de distribution, GROST-GE, nouvel

entrant dans le circuit de distribution de légumes mais qui n’a pas duré.

GROS-GE était une intégration verticale d’un regroupement de quatre gros producteurs

sucriers pour l’assemblage, et l’expédition d’un produit, la pomme de terre, vers une station

de tri et d’emballage et de distribution vers les super/hyper marchés. Les producteurs avaient

misé sur différentes variétés de pomme de terre adaptées à différentes recettes de cuisine. Un

autre objectif de cette entreprise était de se lancer dans la transformation de la pomme de terre

en frites surgelées.

Cette grande entreprise fonctionnait avec une logique entrepreneuriale dominante et une

logique de marché complémentaire. Elle avait toutes les caractéristiques d’un entrepreneur

institutionnel qui visait à créer une nouvelle forme organisationnelle, et aussi de nouveaux

standards sur le marché. GROST-GE avait donc adopté une forme de travail institutionnel

normative pour provoquer des changements au niveau des consommateurs : La sélection, le tri

et l’emballage des pommes de terre pour assurer une meilleure qualité sur le marché ; et aussi

les différentes variétés de pomme de terre pour élargir la gamme disponible sur le marché. De

plus une des stratégies de GROST-GE était de contourner le grossiste-particulier et de livrer

les pommes de terre emballées directement dans les super/hyper marchés. GROST-GE avait

donc adopté une forme de travail institutionnel que l’on a appelé désintermédiation, c'est-à-

dire la suppression des intermédiaires dans un circuit de distribution. En résumé, GROST-GE,

un acteur aux interstices de la filière sucre et de la filière légumes avec une logique

entrepreneuriale dominante a voulu apporter des changements divergents dans le circuit de

distribution de la pomme de terre mais a fait face à un échec pour différentes raisons.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 6 : DISCUSSION

278

Premièrement, GROST-GE était dans une position de challenger par rapport aux acteurs en

place et dominant du circuit de distribution. GROST-GE a voulu capitaliser sur ses ressources

provenant de la filière sucre pour changer les logiques institutionnelles de la filière légumes.

Cependant, les grossistes-particuliers bénéficiant des arrangements institutionnels existants

qui constituent une source de pouvoir pour eux, (Battilana, 2006a), avaient à cœur le maintien

ou le status quo sur leurs privilèges. Les grossistes-particulier ont ainsi résisté au challenger,

GROST-GE, en investissant dans l’emballage des pommes de terre (qui traditionnellement

étaient fournies en vrac) et en proposant un prix plus bas aux super/hyper marchés. Ainsi, les

grossistes-particuliers ont utilisé la résistance active comme forme de travail institutionnel

pour assurer la stabilité et la continuité institutionnelle (Micelotta et Washington, 2013).

Ainsi, selon Curie et al (2012), les, acteurs en place, confrontés à l’impossibilité d’arrêter un

changement, adaptent leurs activités et leurs rôles en prenant une part active dans l’orientation

du changement pendant qu’il se met en place. De ce fait, en s’appuyant sur leur légitimité

dans le champ organisationnel, ils peuvent moduler le changement divergent pour leurs

propres bénéfices.

Deuxièmement, les consommateurs mauriciens n’étaient pas prêts à changer leurs habitudes

alimentaires et adopter de nouvelles variétés de pomme de terre dans leur assiette. De plus, le

mauricien moyen préfère acheter des légumes, comme la pomme de terre en vrac car cela lui

permet de trier à sa convenance ce qui n’est pas le cas pour des pommes de terre emballées.

Toutes ces raisons réunies ont conduit à l’échec du projet de GROST-GE.

Cette section nous a permis de discuter des déterminants du travail institutionnel et des

conséquences de ce dernier sur le champ organisationnel, et plus particulièrement sur les

logiques institutionnelles. Nous avons ainsi vu des cas où un nouvel acteur agit en

entrepreneur institutionnel pour changer les logiques institutionnelles existantes et réussit à se

légitimer aux yeux des acteurs en place. Nous avons aussi vu le cas d’un autre nouvel entrant

qui voulait changer drastiquement les logiques institutionnelles existantes et a failli à cause de

la résistance active des acteurs en place.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 6 : DISCUSSION

279

SECTION 2 : La validation des propositions de recherche

Dans cette section, nous utiliserons la discussion sur les résultats dans la section précédente

pour tester nos propositions de recherche qui sont résumées dans le tableau 6.1.

6.2 Discussion sur les propositions de recherche

Tableau50 6.1: Rappel des propositions de recherche

Proposition P1: Le type de travail institutionnel

dépend des caractéristiques de la filière légumes

Proposition P1a: Le type de travail institutionnel

dépend du degré d’hétérogénéité des logiques

institutionnelles dans la filière légumes.

Proposition P1b: Le type de travail institutionnel

dépend du degré d’institutionnalisation des

logiques institutionnelles dans la filière légumes.

Proposition P2 : Le type de travail institutionnel

dépend des caractéristiques des acteurs (nouveaux

et en place) individuels ou organisationnels de la

filière légumes

Proposition P2a: Le type de travail institutionnel

dépend de l’orientation temporelle des acteurs

(nouveaux et en place) individuels ou

organisationnels.

Proposition P2b: Le type de travail institutionnel

dépend de la position sociale des acteurs

(nouveaux et en place) individuels ou

organisationnels.

Proposition P3 : Les différentes formes de travail

institutionnel entreprit par les acteurs (nouveaux

et en place) de la filière légumes ont changé les

logiques institutionnelles existantes

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 6 : DISCUSSION

280

6.2.1 Proposition 1 : Lien entre le type de travail institutionnel et le degré

d’hétérogénéité et d’institutionnalisation des logiques institutionnelles

Notre première proposition de recherche (P1) concerne le type de travail institutionnel

(création, maintien ou déstabilisation) qui dépend des caractéristiques du champ

organisationnel. Nous avions subdivisé cette proposition en deux sous-propositions pour

cerner deux caractéristiques du champ organisationnel, le degré d’hétérogénéité (P1a) et le

degré d’institutionnalisation (P1b) des logiques institutionnelles.

Concernant la sous-proposition (P1a), nos résultats ont démontré qu’il y a une hétérogénéité

des logiques institutionnelles conflictuelles dans la filière légumes. Cependant ces logiques ne

concernent pas les mêmes acteurs car chacun y puise comme dans un répertoire en fonction de

ses besoins (Pache et Santos, 2013). Nous avons aussi observé que le type de travail

institutionnel ne dépend pas que d’un degré d’hétérogénéité car le travail de maintien se fait

aussi bien quand les logiques institutionnelles sont moyennement hétérogènes ou très

hétérogènes. Le travail de création et de déstabilisation s’opère quand les logiques

institutionnelles sont moyennement homogènes. Le type de travail institutionnel n’est donc

pas fonction de degré d’hétérogénéité des logiques institutionnelles. Notre proposition P1a

n’est donc pas validée.

Concernant la sous-proposition (P1b), nos résultats ont démontré que concernant le maintien

des institutions, les logiques institutionnelles dans la filière légumes sont soit modérément

institutionnalisées ou extrêmement institutionnalisées. Par rapport à la création ou la

déstabilisation des institutions, nous voyons que les logiques institutionnelles peuvent être

modérément institutionnalisées. Le type de travail institutionnel n’est donc pas fonction du

degré d’institutionnalisation des logiques institutionnelles. La proposition P1b n’est donc pas

validée.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 6 : DISCUSSION

281

6.2.2 Proposition 2 : Lien entre le type de travail institutionnel et les

caractéristiques des acteurs

Notre deuxième proposition de recherche (P2) concerne le type de travail institutionnel

(création, maintien ou déstabilisation) qui dépend des caractéristiques des acteurs du

organisationnel. Nous avions subdivisé cette proposition en deux sous-propositions pour

cerner deux caractéristiques, l’orientation temporelle (P2a) et la position sociale (P2b) des

logiques institutionnelles.

Concernant la sous-proposition (P2a), nos résultats ont démontré que concernant le maintien

des institutions, les acteurs de la filière peuvent être soit tournés vers le passé, le présent ou le

futur. Concernant la création ou la déstabilisation des institutions, les acteurs sont tournés vers

le futur. Ces résultats rejoignent ceux de Dorado (2005) qui observe que les trois différentes

orientations temporelles agissent en conjonction, mais qu’une d’entre elle peut dominer et

influencer l’acteur à un moment donné. Notre sous proposition P2a est donc validée.

La sous-proposition P2b concerne la position sociale des acteurs de la filière. Nous avons

observé que deux acteurs qui se trouvent à l’interstice des deux filières ont agit comme

entrepreneurs institutionnels pour amener des changements divergents dans la filière légumes.

Deux acteurs centraux du champ organisationnel, les mandataires et les grossistes-particuliers,

se sont engagés dans le maintien des logiques institutionnelles pour préserver leurs acquis.

Cela rejoint les résultats de Rao et al. (2000) qui ont démontré le rôle joué par des acteurs à

l’interstice des champs organisationnels. Notre sous-proposition P2b est validée.

Nous pouvons déduire que le type de travail institutionnel qui se met en place par les acteurs

d’une filière ne dépend pas d’un degré spécifique d’hétérogénéité ou d’institutionnalisation

des logiques institutionnelles mais se rapporte plus à comment l’acteur réflexif va se servir de

ses caractéristiques personnelles comme son orientation temporelle et sa position sociale pour

réagir à une nouvelle logique institutionnelle.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 6 : DISCUSSION

282

6.2.3 Proposition 3 : Lien entre les formes de travail institutionnel et leur

impact sur une modification des logiques institutionnelles

Notre troisième proposition de recherche cherchait à établir si les formes de travail

institutionnel mis en œuvre par les acteurs de la filière légumes ont changé ou modifié les

logiques institutionnelles existantes.

Avec l’arrivée du gros producteur sucrier dans la filière légumes, une logique entrepreneuriale

s’est rajoutée au répertoire des logiques institutionnelles de la filière. Certains acteurs de la

filière y ont été réceptifs comme les moyens et gros producteurs au niveau de la production, et

les mandataires et grossistes au niveau de la distribution, sans toutefois abandonner leur

propre logique dominante. D’autres acteurs, comme les petits producteurs, étant à la

périphérie du champ organisationnel, ont ignoré l’influence que peut représenter cette

nouvelle logique, ou ne peuvent se permettre de s’y plier faute de ressources.

La grande entreprise de distribution, GROST-GE voulait aussi promouvoir une logique

entrepreneuriale en innovant au niveau de la commercialisation de son produit. Cependant il

leur a été difficile de déplacer la logique dominante des grossistes-particuliers, car ces

derniers ont opposé une résistance active à une modification du circuit traditionnel de

distribution.

On peut déduire que les logiques institutionnelles de la filière légumes n’ont pas changé mais

que les logiques entrepreneuriales et marchés ont prise une plus grande importance pour les

acteurs en place dans le répertoire des logiques institutionnelles de la filière légumes. Ces

deux logiques ont fait évoluer la filière légumes vers le modernisme à travers des producteurs

en place prêts à investir dans de nouvelles techniques et moyens de production et ayant le gros

producteur sucrier comme preuve de réussite. Notre proposition de recherche est partiellement

validée.

Cette section a permis de tester et de valider nos propositions de recherche. La première

proposition de recherche n’a pas été validée, la deuxième validée, et la troisième partiellement

validée.

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DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS

CHAPITRE 6 : DISCUSSION

283

CONCLUSION DE LA DISCUSSION

Ce chapitre a mis en perspective les déterminants et les conséquences des différents types

et formes de travail institutionnel entreprit par les acteurs en place et nouveau de la filière

légumes. Ainsi notre méso-analyse nous a permis de conclure que les caractéristiques du

champ organisationnel en fonction du degré d’hétérogénéité et d’institutionnalisation des

logiques institutionnelles influencent l’action agentique. Cependant, une analyse plus

poussée au niveau de acteurs pour déterminer le degré d’hétérogénéité et

d’institutionnalisation des logiques institutionnelles à leur niveau individuel nous montre

que l’on ne peut pas associer directement un certain degré d’hétérogénéité et

d’institutionnalisation à un type de travail institutionnel particulier. Il y a d’autres facteurs

explicatifs qui influencent l’intentionnalité des acteurs.

Notre micro-analyse des caractéristiques individuelles des acteurs, en fonction de leur

orientation temporelle et leur position sociale, a démontré que ces deux variables sont des

variables explicatives qui déterminent le type de travail institutionnel entreprit par les

acteurs du champ organisationnel.

Notre méso analyse au niveau du champ organisationnel, pour analyser si les logiques

institutionnelles ont changé, a démontré que deux logiques institutionnelles existantes

mais peu utilisées (logique de marché et logique entrepreneuriale) ont pris de l’importance

pour certains acteurs en place du champ organisationnel avec l’arrivée des nouveaux

entrants dans la filière.

Nous concluons cette discussion en résumant la validité de nos propositions de recherche :

Proposition P1a : Pas validée

Proposition P1b: Pas validée

Proposition P2a: Validée

Proposition P2b: Validée

Proposition P3 Partiellement validée

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CONCLUSION GENERALE

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CONCLUSION GENERALE

285

CONCLUSION GENERALE

Introduire une approche néo-institutionnelle dans l’analyse des filières agricole a été un des

objectifs de cette recherche. En effet cette approche est pertinente pour étudier les

changements qui peuvent affecter une filière et pour identifier le travail entreprit par les

principaux acteurs pour influencer ces changements.

Ainsi nous avons proposé un modèle conceptuel qui met en relation les logiques

institutionnelles du champ organisationnel et le type de travail institutionnel entreprit par les

acteurs en place et nouveaux.

Nous avons appliqué ce modèle à la filière légumes de l’Ile Maurice qui a connu un

changement important du fait de l’entrée de nouveaux acteurs dans son champ

organisationnel.

La filière sucre, bien structurée et la filière légumes très peu structurée, se sont toutes les deux

retrouvées face à des défis à relever pour être soutenable dans le long terme : En 2004-2005

l’annonce de la réforme du protocole sucre par l’UE remet en questions trois cent ans de

production sucrière ; et la crise alimentaire mondiale de 2008 démontre la fragilité de la

sécurité alimentaire de Maurice et la sur dépendance du pays sur les importations

alimentaires.

Dans un contexte global de libéralisation des marchés et la réduction du protectionnisme dans

la production agricole, nous avons analysé la logique de diversification des gros producteurs

sucriers qui ont convertis une partie de leurs terres sous canne à sucre en culture vivrière.

Notre problématique s’est dès lors focalisée sur les nouveaux entrants dans la filière légumes

et les stratégies institutionnelles adoptées par les acteurs en place de la filière légumes. Notre

question de recherche s’articule autour de l’identification des différents types de travail

institutionnel qui se mettent en place en réaction à de nouvelles logiques institutionnelles.

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CONCLUSION GENERALE

286

Les apports de la recherche

Apports théoriques

L’analyse des filières est une approche ancienne trouvant ses origines au début des années

1960s avec la modélisation des filières agricoles en utilisant la comptabilité nationale

(Bencharif et Rastoin, 2007). Elle a par la suite été enrichie de plusieurs apports de

l’économie industrielle (modèle SCP), de la nouvelle économie institutionnelle (Coûts de

transactions de Williamson (1985)), des sciences de gestion (Porter, 1985) et enfin des apports

de chaîne globale de valeur de Gereffi (1999)). L’approche filière permet ainsi de mieux

comprendre les stratégies des acteurs, les mécanismes de structuration des prix et la

répartition de la valeur ajoutée et de coordination des acteurs, d’identifier et de caractériser les

contraintes au commerce d’un produit, et d’orienter l’action des politiques publiques et des

institutions. Elle permet d’avoir une vision sur l’activité commerciale dans sa globalité et de

préciser les interdépendances entre les différentes composantes de la filière (Wade et al.,

2004). Notre recherche montre la pertinence des apports de la sociologie néo-institutionnelle à

travers l’analyse des logiques institutionnelles et du travail institutionnel qui interviennent

dans le cas de changements institutionnels. Dans de nombreux pays les changements

institutionnels deviennent de plus en plus nombreux et peuvent être causés par des

changements dans les accords internationaux, dans les politiques publiques, induits par les

changements climatiques, ou tout simplement par la diversification d’un secteur dans d’autres

activités de production.

Nous montrons ainsi que le travail institutionnel entrepris par les différents acteurs dans le

sens du maintien, de la déstabilisation ou de la création, dépend des caractéristiques du CO,

des caractéristiques des acteurs eux-mêmes.

Notre étude a aussi fait émerger trois nouveaux types de logiques institutionnelles:

individualiste, cartellisation et entrepreneuriale, et deux nouvelles formes de travail

institutionnel: travail de résistance passive et active et travail de désintermédiation qui ne sont

pas répertoriés dans la littérature.

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CONCLUSION GENERALE

287

Ce travail de recherche a aussi croisé la littérature sur les logiques institutionnelles et le travail

institutionnel, et montré que ces deux cadres conceptuels sont complémentaires à une

meilleure compréhension du comportement des acteurs dans un champ organisationnel

comme postulé par Zilber (2013).

Apports méthodologiques

Notre analyse double à un niveau méso et micro de notre champ organisationnel nous as aidé

à mieux comprendre et interpréter le comportement des acteurs. De plus, notre utilisation de

l’analyse qualitative comparée nous a semblé pertinente pour nous permettre d’approfondir

notre micro-analyse des cas au niveau des acteurs. Nous pensons que cette méthode

qualitative peut enrichir les travaux en sciences de gestion.

Apports managériaux

Les apports managériaux de cette recherche visent à mieux faire comprendre le comportement

des acteurs d’une filière. Nous pensons que cette compréhension sera utile à trois catégories

de parties prenantes :

Pour les acteurs de la filière :

Il est important de comprendre le processus par lequel les chocs exogènes qui entraînent des

changements importants dans les institutions établies sont reçus par les différents acteurs et

mesurer la vulnérabilité de ces derniers par rapport aux changements qui interviennent dans

les filières.

Pour les chefs de projets de développement de chaînes de valeur agricoles

C’est important pour les chefs de projet de développement de chaînes de valeur agricoles de

comprendre quelles sont les logiques qui dominent le cadre cognitif d’un acteur et quelles

sont les formes de travail institutionnel qu’il peut adopter en réaction à une modification des

logiques institutionnelles dans la filière où il opère. Cela peut aider à mieux cibler les

interventions dans les chaînes de valeur afin d’agir par rapport aux besoins réels des acteurs

de la filière.

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CONCLUSION GENERALE

288

Pour les politiques publiques

En réaction à des chocs exogènes les politiques vont mettre en place des outils et des

décisions qui vont permettre de réduire les impacts négatifs sur la filière. Nos résultats

peuvent être utiles pour identifier les jeux des différents acteurs et prévoir l’évolution des

institutions de la filière.

Limites de la recherche

Comme tout travail de recherche académique, cette thèse souffre de quelques limites qui ne

remettent pas en cause sa validité mais offrent en contrepartie des perspectives intéressantes

pour des recherches futures.

Une première limite se rapporte à l’identification des logiques institutionnelles. Nous avons

utilisé une analyse thématique et fait des allers-retours entre la littérature et les données de

terrain pour nous permettre d’identifier les logiques institutionnelles de la filière légumes.

Cependant il se peut que le discours des acteurs ne contienne pas tous les éléments qui

peuvent aider à cerner toutes les logiques et à les différencier selon leur importance. Ainsi

comme l’observent Thornton et al. (2012), une meilleure compréhension au niveau micro des

logiques institutionnelles de façon tangible est très importante.

Une deuxième limite est associée à un élément de notre modèle conceptuel, l’intentionnalité

des acteurs que nous avons pris comme un trait personnel stable alors qu’il peut évoluer dans

le temps.

Une troisième limite concerne un aspect théorique de la recherche. Nous avons fait de

nombreux allers-retours du terrain à la littérature pour nous assurer d’élargir notre cadre

conceptuel et inclure au maximum les concepts clés qui nous ont aidé à défendre la thèse de

ce travail. Cependant, il n’a pas été possible de tout inclure comme par exemple les liens entre

l’utilisation stratégique des logiques institutionnelles et la littérature sur le management

stratégique.

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CONCLUSION GENERALE

289

Une quatrième limite se réfère à la validité externe de nos résultats et aux précautions à

prendre quant à une tentative de généralisation hâtive des résultats de cette recherche portant

sur un cas spécifique, c'est-à-dire à une filière de production agricole.

Perspectives de la recherche

A la fin de cette thèse, nous avons montré le potentiel qu’offre la perspective néo

institutionnelle dans l’analyse des dynamiques des filières agricoles. Les résultats de notre

recherche ainsi que les limites de ce travail ouvrent de nouvelles pistes d’études intéressantes

à explorer que nous exposons ci-dessous :

Une méthodologie pour faire émerger les logiques institutionnelles d’un terrain

d’étude

Comme le proposent Weber et al. (2013), une approche systématique et méthodologique

utilisant la théorie enracinée et une analyse de contenu permettrait de mieux cerner la réalité

d’un terrain et identifier aussi bien les logiques conflictuelles que les logiques

complémentaires d’un champ organisationnel.

Ouvrir la boîte noire de l’intentionnalité des acteurs

Au-delà de la boîte noire que représente l’intentionnalité des acteurs, nous proposons une

approche pluridisciplinaire pour comprendre ce qui motive un acteur à agir dans un sens ou

dans un autre en prenant en considérations les facteurs environnementaux. Ainsi par exemple

des études en psychologie expérimentale (voir Burns et al., 2012) qui utilisent des expériences

pour comprendre l’intentionnalité ; des études en modélisation cognitive (voir Bonchek-

Dokow et Kaminka, 2013) qui différencient entre l’action intentionnelle et l’action non

intentionnelle.

Voronov et Vince (2012) offrent une autre dimension de l’intentionnalité, l’investissement

cognitif et émotionnel de l’acteur dans son champ organisationnel. Dans notre recherche,

identifier l’investissement cognitif et émotionnel des petits producteurs peut nous donner des

indices concernant la résistance aux changements de ces acteurs.

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CONCLUSION GENERALE

290

Nous proposons l’utilisation de la théorie du comportement planifié (Ajzen, 1985) pour

analyser l’intention des acteurs d’une filière à adopter un type et une forme de travail

institutionnel.

Les logiques institutionnelles comme ressources stratégiques

Nous proposons que des études empiriques plus poussées permettrait de comprendre de quelle

façon les acteurs d’une filière utilisent les logiques institutionnelles comme des ressources

stratégiques pour entreprendre leur travail institutionnel de création, de maintien ou de

déstabilisation. Des études récentes (voir Gawer et Phillips, 2013; Durand et al., 2013) a fait

ce lien essentiel entre la réaction des acteurs à des changements de logiques institutionnelles

et le travail institutionnel entreprit face à ces changements. Il serait ainsi intéressant de croiser

la littérature sur le management stratégique avec la littérature sur les logiques institutionnelles

et le travail institutionnel pour introduire cette dimension sociologique à l’analyse des

stratégies d’acteurs.

Etudier les changements institutionnels en dynamique sur longue période

Cette étude nous a permis de mieux comprendre la richesse de la littérature sur les logiques

institutionnelles et le travail institutionnel. Nous pensons qu’une recherche future pourrait

s’articuler autour d’une étude longitudinale de la filière sucre, une filière tricentenaire, pour

comprendre l’évolution des logiques au fil des années et les réactions des acteurs de cette

filière bien structurée à un choc exogène.

Nous concluons en disant que notre recherche et le cadre théorique que nous avons mobilisé,

nous ont permis de jeter les bases pour mieux appréhender les effets d’un changement

institutionnel sur une filière agricole. Dans le cas de la filière légumes à l’île Maurice, les

incitations de l’état à augmenter la production de légumes localement, l’arrivée des gros

producteurs sucriers sur le marché des légumes, les insuffisances ou dysfonctionnements des

institutions existantes, l’émergence d’entrepreneurs institutionnels parmi les anciens et les

nouveaux acteurs de la filière entres autres sont autant de facteurs réunis dans le champ

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CONCLUSION GENERALE

291

organisationnel avec des intentions de travail institutionnel différentes et qui vont

profondément modifier les logiques actuelles.

Notre recherche a eu lieu au milieu de ces activités et de ces changements en cours dont on ne

connaît pas encore l’issue finale.

Notre travail de recherche nous permet de conclure que le champ organisationnel est

effectivement une arène sociale (Bourdieu et Wacquant, 1992), où les joueurs (North, 1990)

utilisent les principes du jeu (Leca, 2006), les logiques institutionnelles, pour créer, maintenir

ou déstabiliser les règles du jeu (North, 1990), les institutions.

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REFERENCES

BIBLIOGRAPHIQUES

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LISTE DES TABLEAUX

307

LISTE DES TABLEAUX INSERES DANS LE TEXTE

Tableau1 1.0 : Les trois piliers des institutions ................................................................... 28

Tableau2 1.1 : Types d’institutions : Formelles et informelles ............................................ 32

Tableau3 1.2: Profils de changements institutionnels ........................................................ 47

Tableau4 1.3: Réactions stratégiques aux processus institutionnels ................................... 65

Tableau5 1.4 : Les pratiques permettant la création d’institutions ..................................... 73

Tableau6 1.5: Les pratiques permettant le maintien d’institutions .................................... 74

Tableau7 1.6: Les pratiques permettant la déstabilisation des d’institutions ..................... 75

Tableau8 1.7: Typologie de la recherche en analyse de filière appliquée à l’agroalimentaire ....................................................................................................................................... 86

Tableau9 2.0: Cultures agricoles sous l'occupation française de Maurice ........................... 98

Tableau10 2.1 : Structure du secteur agricole non-sucre .................................................... 103

Tableau11 2.2: Les principales initiatives des politiques publiques dans le secteur non-sucre de 1970 à 2008 .............................................................................................................. 105

Tableau12 2.3 : Distribution des producteurs de canne à sucre en fonction de la superficie cultivée .......................................................................................................................... 121

Tableau13 2.4 : Les organisations au service de la filière CAS ............................................. 124

Tableau14 3.1: Les trois piliers institutionnels de la filière légumes .................................... 152

Tableau15 3.2 : Effets directs et indirects des nouveaux entrants dans la filière légumes .... 158

Tableau16 4.1 : Positions épistémologiques des paradigmes positiviste, interprétativiste et constructiviste ............................................................................................................... 179

Tableau17 4.2 : Entretiens qualitatifs ................................................................................. 188

Tableau18 4.3 : Les facteurs de choix d’un type d’analyse de données textuelles ............... 189

Tableau19 5.1 : Les logiques institutionnelles de la filière légumes ..................................... 204

Tableau20 5.2 : Degré d’interaction entre les acteurs de la filière légumes ......................... 207

Tableau21 5.3: Pressions normatives, coercitives et mimétiques sur les acteurs principaux de la filière légumes ........................................................................................................... 209

Tableau22 5.4 : Score des différents indicateurs de structuration de la filière légumes ....... 212

Tableau23 5.5 : Données brutes (trois conditions) .............................................................. 216

Tableau24 5.6 : Données dichotomiques (trois conditions)................................................. 217

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LISTE DES TABLEAUX

308

Tableau25 5.7 : Tableau de vérité- Logique familiale .......................................................... 217

Tableau26 5.8 : Données dichotomiques (quatre conditions) ............................................. 220

Tableau27 5.9 : Tableau de vérité- Logique de marché ....................................................... 221

Tableau28 5.10 : Données dichotomiques (quatre conditions) ........................................... 225

Tableau29 5.11 Tableau de vérité- Logique individualiste .................................................. 226

Tableau30 5.12 : Données brutes (quatre conditions) ........................................................ 229

Tableau31 5.13 : Données dichotomiques (quatre conditions) ........................................... 230

Tableau32 5.14 : Tableau de vérité- Logique de cartellisation ............................................. 231

Tableau33 5.15 : Données dichotomiques (six conditions) .................................................. 233

Tableau34 5.16 : Tableau de vérité-Logique entrepreneuriale ............................................ 235

Tableau35 5.17 : Critères de détermination du degré d’hétérogénéité des logiques institutionnelles ............................................................................................................. 238

Tableau36 5.18 : Degré d’hétérogénéité des logiques institutionnelles par acteur .............. 239

Tableau37 5.19 : Critères de détermination du degré d’institutionnalisation des logiques institutionnelles ............................................................................................................. 240

Tableau38 5.20 : Degré d’institutionnalisation des logiques institutionnelles par acteur ..... 240

Tableau39 5.21: Caractéristiques des acteurs de la filière légumes ..................................... 244

Tableau40 5.22 : Chronologie des événements clés dans le secteur agricole mauricien ....... 246

Tableau41 5.23 : Types et formes de travail institutionnel dans la filière légumes .............. 251

Tableau42 5.24 : Etudes de cas dans la filière légumes ....................................................... 252

Tableau43 5.25 : Principales caractéristiques d’un petit producteur de légumes................. 253

Tableau44 5.26 : Principales caractéristiques d’un regroupement de petits producteurs de légumes ......................................................................................................................... 255

Tableau45 5.27 : Principales caractéristiques d’un mandataire........................................... 257

Tableau46 5.28 : Principales caractéristiques d’un regroupement de moyens producteurs . 259

Tableau47 5.29 : Principales caractéristiques d’un nouvel entrant –producteur.................. 260

Tableau48 5.30 : Principales caractéristiques d’un nouvel entrant-distributeur .................. 262

Tableau49 5.31 : Résumé des principaux résultats de la recherche ..................................... 264

Tableau50 6.1: Rappel des propositions de recherche ........................................................ 279

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LISTE DES FIGURES

309

LISTE DES FIGURES INSEREES DANS LE TEXTE

Figure1 1.0 : Structure générale de la thèse....................................................................... 12

Figure2 1.1: Modèle Théorique 1: Le changement institutionnel........................................ 40

Figure3 1.2 : Modèle théorique 2: Déterminants du processus de changement institutionnel ....................................................................................................................................... 48

Figure4 1.3: Modèle théorique 3: Le processus de l’entrepreneuriat institutionnel ............ 61

Figure5 1.4 : Un modèle dynamique des intérêts et des institutions .................................. 63

Figure6 1.5 : Relation récursive entre les institutions et l’action ........................................ 70

Figure7 1.6: Modèle théorique 3: Schématisation du concept de filière ............................. 85

Figure8 1.7: Proposition d’un modèle conceptuel de l’utilisation de la perspective néo-institutionnelle dans l’analyse de filière .......................................................................... 90

Figure9 1.8: Schématisation des variables dépendantes et indépendantes de la question de recherche ....................................................................................................................... 92

Figure10 2.0: Répartition des terres au début des années 1970 .......................................... 100

Figure11 2.1 : Contribution du secteur agricole au PIB de 1980 à 2010 ............................... 101

Figure12 2.2 : Importation de produits alimentaires et animaux vivants 2000-2010 ............ 101

Figure13 2.3 : Contribution du secteur non-sucre au PIB de 2000-2010 ............................... 104

Figure14 2.4: Evolution de la production de produits primaires et transformés de 1970-2000 ...................................................................................................................................... 104

Figure15 2.5: Superficie sous canne à sucre pour diverses catégories de producteurs de 1975 à 2009 ........................................................................................................................... 122

Figure16 2.6: Nombre d’usines sucrières en opération de 1789 à 2010 ............................... 123

Figure17 2.7 : Production de sucre de 1980 à 2010 ............................................................. 123

Figure18 2.8: Contribution de la filière sucre au PIB 1976-2011 .......................................... 130

Figure19 2.9: Superficie sous canne à sucre de 1980 à 2010 ............................................... 132

Figure20 2.10 : L’utilisation des terres à Maurice entre 1995 et 2005.................................. 132

Figure21 2.11: Contribution de la filière CAS au secteur agricole de 2006 à 2010 en % ........ 133

Figure22 2.12 : Superficie sous culture et production de légumes de 1980 à 2009 .............. 135

Figure23 3.0 : La filière légumes mauricienne ..................................................................... 147

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LISTE DES FIGURES

310

Figure24 3.1 : Principaux canaux de distribution pour les légumes provenant des producteurs traditionnels de légumes et des gros producteurs sucrier ............................................... 151

Figure25 3.2 : Cadre d’analyse ........................................................................................... 169

Figure26 4.1 : Design de la recherche ................................................................................. 183

Figure27 4.2 : Codage par nœuds ....................................................................................... 191

Figure28 4.3 : Fréquence des mots ..................................................................................... 191

Figure29 5.1 : Analyse thématique des discours – Identification des logiques institutionnelles ...................................................................................................................................... 202

Figure30 5.2 : Continuum du degré d’hétérogénéité des logiques institutionnelles ............. 205

Figure31 5.3 : Continuum du degré d’interaction entre les acteurs ..................................... 206

Figure32 5.2 : Accord des acteurs en place de la filière légumes sur les logiques institutionnelles existantes ............................................................................................ 211

Figure33 5.3 : Accord des acteurs en place et nouveaux de la filière légumes sur les logiques institutionnelles existantes et nouvelles ......................................................................... 211

Figure34 5.4 : Diagramme de Venn-Logique familiale ......................................................... 218

Figure35 5.5 : Diagramme de Venn-Logique de marché ...................................................... 221

Figure36 5.6 : Diagramme de Venn-Logique individualiste ................................................. 227

Figure37 5.7 : Diagramme de Venn-Logique de cartellisation ............................................. 231

Figure38 5.8 : Diagramme de Venn-Logique entrepreneuriale ............................................ 235

Figure39 5.9 : Analyse thématique des discours-Identification du travail institutionnel ...... 249

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LISTE DES ABREVIATIONS

311

LISTE DES ABREVIATIONS

ACP : Afrique Caraïbes Pacifique

AOC : Appellation d’Origine Contrôlée

AMB : Agricultural Marketing Board

APE : Accord de Partenariat Economique

AREU : Agricultural Research and Extension Unit

ASC : Accord Sucre Commonwealth

CAS : Canne à Sucre

CE : Commission Européenne

CEB : Central Electricity Board

CGV : Chaine Globale de Valeurs

CEE : Communauté Economique Européenne

CO : Champ Organisationnel

EI : Entrepreneur Institutionnel

FARC : Food and Agricultural Research Council

FL : Filière Légumes

FSC : Farmers Services Corporation

FI : Fournisseur d’Intrants

FSF: Food Security Fund

GD: Grande Distribution

GP: Gros Producteur

G-GE: Grossiste-Grande Entreprise

G-ME: Grossiste-Moyenne Entreprise

G-P: Grossiste-Particulier

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LISTE DES ABREVIATIONS

312

Ha: Hectare

Kg: Kilogramme

kWh: Kilo Watt heure

OCM : Organisation Commune du Marché

OMC : Organisation Mondiale du Commerce

ONG : Organisation Non Gouvernementale

MAAS : Multi Annual Adaptation Strategy Plan

MCA Mauritius Chamber of Agriculture

M: Mandataire

MP: Moyen Producteur

MSIRI Mauritius Sugar Industry Research Institute

MUR: Roupies Mauricienne

NPCC: National Productivity and Competitiveness Council

NSSSP : Non Sugar Sector Strategic Plan

PIED : Petits Etats Insulaires en Développement

PIB : Produit Intérieur Brut

PP : Petit Producteur

PS : Producteur Sucrier

PVD : Pays en Voie de Développement

QCA : Qualitative Comparative Analysis

RM : République de Maurice

SCP : Structure Comportement Performance

SIE : Sugar Industry Efficiency

SNI : Sociologie Néo Institutionnelle

UE : Union Européenne

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TABLE DES MATIERES

313

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION GENERALE ........................................................................................................... 1

I-1 LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE ............................................................................................. 3

I-2 LE CADRE DE REFERENCE THEORIQUE DE LA RECHERCHE ............................................................... 4

I-3 LA DEMARCHE METHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE .................................................................. 9

I-4 INTERETS DE CETTE RECHERCHE ............................................................................................ 10

I-5 PLAN DE LA THESE ............................................................................................................ 11

PREMIERE PARTIE: L’ANCRAGE THEORIQUE ET LA CONTEXTUALISATION DU PROBLEME .............. 14

CHAPITRE 1 : LES APPORTS DE LA SOCIOLOGIE NEO INSTITUTIONNELLE A L’ANALYSE DE FILIERES AGRICOLES ... 16

SECTION 1 : Les premières perspectives institutionnalistes ..................................................... 17

1.1 Les premières perspectives institutionnalistes en économie et sociologie .................. 17

1.1.1 Les premières perspectives institutionnelles en économie .................................. 17

1.1.2 Les premières perspectives institutionnelles en sociologie .................................. 18

1.2 La rencontre entre la théorie institutionnelle et les études organisationnelles ........... 20

SECTION 2 : Le néo-institutionnalisme dans les études organisationnelles ............................. 22

1.3 Les fondations de la théorie néo institutionnelle ......................................................... 22

1.3.1 Le néo institutionnalisme dans la discipline de l’économie .................................. 23

1.3.2 Le néo institutionnalisme dans la sociologie des organisations ............................ 24

1.3.3 Le néo institutionnalisme dans l’analyse organisationnelle .................................. 25

1.4 La sociologie néo institutionnelle (SNI) dans les études organisationnelles ................. 26

1.4.1 La notion d’institution dans la sociologie néo-institutionnelle ............................. 27

1.4.2 L’unité d’analyse de la SNI : Le champ organisationnel ........................................ 32

1.4.3 De l’isomorphisme institutionnel au changement institutionnel ......................... 35

1.4.3.1 Isomorphisme institutionnel .............................................................................. 35

1.4.3.2 Changement institutionnel ................................................................................. 37

1.4.3.3 Le rôle des acteurs-organisations dans le changement institutionnel .............. 44

SECTION 3 : La sociologie néo-institutionnelle et le concept d’entrepreneur institutionnel ... 49

1.5 La sociologie néo-institutionnelle étendue dans les études organisationnelles ........... 49

1.5.1 L’entrepreneur institutionnel ................................................................................ 49

1.5.1.1 Le profil de l’entrepreneur institutionnel .......................................................... 50

1.5.1.2 Les conditions qui favorisent l’émergence d’entrepreneurs institutionnels ..... 55

1.5.1.2.1 Les conditions favorisant l’entrepreneuriat institutionnel au niveau du

champ organisationnel .................................................................................................. 55

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TABLE DES MATIERES

314

1.5.1.2.2 Les conditions favorisant l’entrepreneuriat institutionnel au niveau des

organisations ................................................................................................................. 57

1.5.1.2.3 Les caractéristiques spécifiques et individuelles des acteurs favorisant

l’entrepreneuriat institutionnel .................................................................................... 58

1.5.1.3 Le processus de l’entrepreneuriat institutionnel ............................................... 59

1.5.1.3.1 Mobilisation des ressources ........................................................................ 60

1.5.1.3.2 Les stratégies institutionnelles .................................................................... 62

1.5.1.3.3 La mobilisation des alliés ............................................................................. 66

1.5.1.4 Les critiques du concept de l’entrepreneur institutionnel ................................. 67

SECTION 4 : Le travail institutionnel dans les études organisationnelles ................................. 69

1.5.2 Le travail institutionnel .......................................................................................... 69

1.5.2.1 L’action agentique : Des activités multiples sur les processus institutionnels... 71

1.5.2.2 La notion de l’intentionnalité et de l’effort ........................................................ 76

SECTION 5: Le néo-institutionnalisme et l’analyse de filières agricoles ................................... 79

1.6 La sociologie néo-institutionnelle étendue et l’analyse de filières agricoles ................ 79

1.6.1 L’analyse des filières agricoles: L’approche filière francophone : Méthodes et

évolution ............................................................................................................................... 79

1.6.1.1 La chaîne de valeur de Porter ............................................................................. 80

1.6.1.2 La chaîne globale de valeur ................................................................................ 80

1.6.1.3 L’approche filière ................................................................................................ 81

1.6.2 La perspective institutionnelle dans l’analyse de filières agricoles ....................... 85

SECTION 6 : Proposition d’un modèle conceptuel .................................................................... 89

1.6.3 Proposition d’un modèle conceptuel utilisant la perspective néo-institutionnelle

dans l’analyse de filières agricoles ........................................................................................ 89

CONCLUSION DU CHAPITRE 1 ......................................................................................................... 93

CHAPITRE 2 : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE : LES FILIERES CANNE A SUCRE ET LEGUMES MAURICIENNES ..... 95

SECTION 1 : La genèse du secteur agricole mauricien .............................................................. 96

2.1 Le contexte économique de la république de Maurice : Un bref profil ........................ 96

2.2 Le secteur agricole mauricien : historique et bilan ....................................................... 97

2.2.1 Des colonies à l’indépendance en 1968 ................................................................ 97

2.2.2 De l’indépendance en 1968 à nos jours ................................................................ 99

2.2.2.1 Le secteur non-sucre ........................................................................................ 102

2.2.2.2 Les politiques de diversification agricoles mauricienne du secteur non-sucre: de

l’indépendance à 2008 .................................................................................................... 105

SECTION 2 : Le succès de la filière canne à sucre .................................................................... 118

2.3 La filière canne à sucre ................................................................................................ 118

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TABLE DES MATIERES

315

2.3.1 Description de la filière ........................................................................................ 118

2.3.1.1 Question de nomenclature .............................................................................. 118

2.3.1.2 Les aspects agro-climatiques et techniques ..................................................... 118

2.3.1.3 Les produits de la filière CAS ............................................................................ 119

2.3.1.4 Les acteurs de la filière CAS .............................................................................. 120

2.3.1.5 La production ................................................................................................... 121

2.3.1.6 Les structures d’appui à la filière CAS .............................................................. 124

2.3.2 Le protocole sucre : Entre grandeur, décadence et renouveau .......................... 125

2.3.3 Les politiques publiques des colonies à nos jours ............................................... 126

2.3.4 La filière canne à sucre post-réforme protocole sucre ....................................... 128

2.3.4.1 Pourquoi la canne à sucre a-t-elle été une culture à succès? .......................... 128

2.3.4.2 Qu’a fait la filière CAS face à la menace de la réforme du protocole sucre? ... 130

2.3.4.3 Quid de la diversification agricole de la filière CAS ? ....................................... 131

SECTION 3 : Notre champ organisationnel-la filière légumes ................................................. 134

2.4 La filière légumes ......................................................................................................... 134

2.4.1 Description de la filière ........................................................................................ 134

2.4.1.1 Question de définition ...................................................................................... 134

2.4.1.2 Production ........................................................................................................ 134

2.4.1.3 Les produits ...................................................................................................... 136

2.4.1.3 Les acteurs de la filière légumes ...................................................................... 138

2.4.1.5 Les structures d’appui au secteur agricole ....................................................... 138

2.4.1.6 Les structures de commercialisation ................................................................ 139

2.4.2 Les défis de la filière légumes .............................................................................. 139

2.5 La problématique générale ......................................................................................... 140

CONCLUSION DU CHAPITRE 2 ........................................................................................................ 142

CHAPITRE 3 : LES PROPOSITIONS DE RECHERCHE ............................................................................ 144

SECTION 1 : Terrain exploratoire du champ organisationnel : Résultats et apports .............. 145

3.1 Présentation de l’étude exploratoire .......................................................................... 145

3.1.1 : Méthodologie de l’étude exploratoire ..................................................................... 145

3.1.2 Les résultats de l’étude exploratoire ................................................................... 146

3.1.2.1. Les acteurs économiques de la filière légumes ............................................... 147

3.1.2 Structure de la filière légumes ............................................................................ 149

3.1.2.3. Les piliers institutionnels de la filière légumes................................................... 152

3.1.3 Les apports de l’étude exploratoire .................................................................... 153

SECTION 2 : Elaboration des propositions de recherche ........................................................ 157

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TABLE DES MATIERES

316

3.2 Apports du terrain exploratoire à la formulation des propositions de recherche ...... 157

3.2.1 Conjectures ................................................................................................................. 157

3.2.2 Les propositions de recherche ............................................................................ 160

3.2.2.1 Proposition P1 .................................................................................................. 161

3.2.2.2 Proposition P2 .................................................................................................. 163

3.2.2.3 Proposition P3 .................................................................................................. 165

CONCLUSION DU CHAPITRE 3 ........................................................................................................ 166

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE ....................................................................................... 168

DEUXIEME PARTIE: METHODOLOGIE ET RESULTATS ................................................................... 172

CHAPITRE 4 : METHODOLOGIE DE RECHERCHE .............................................................................. 174

SECTION 1 : Positionnement épistémologique et design de la recherche .............................. 175

4.1 Les cadres épistémologiques ....................................................................................... 175

4.1.1 Le paradigme positiviste et l’approche hypothético-déductive .......................... 176

4.1.2 Le paradigme constructiviste et l’approche holistico-inductive ......................... 177

4.1.3 Le paradigme interprétativiste ............................................................................ 178

4.2 Le positionnement épistémologique et la démarche de la recherche........................ 180

4.3 Le design de la recherche ............................................................................................ 182

4.3.1 Le design de la recherche et méthodologie mise en œuvre ............................... 182

SECTION 2: Sélections des études de cas et collecte des données ........................................ 186

4.4 Sélection du cas et des sous-unités ............................................................................. 186

4.5 Collecte des données des études de cas ..................................................................... 187

4.5.1 La recherche documentaire ................................................................................. 187

4.5.2 Les entretiens semi-directifs ............................................................................... 187

4.5.3 Collecte de données ........................................................................................... 188

SECTION 3 : Analyse des données des études de cas .............................................................. 189

4.6 Codage ouvert, de premier niveau .............................................................................. 189

4.6.1 La décontextualisation par le codage des thèmes .............................................. 190

4.6.2 La recontextualisation par les matrices et modèles ............................................ 190

4.7 Analyse qualitative comparée ..................................................................................... 192

SECTION 4 : Critères de fiabilité et validité de la recherche ................................................... 193

4.8 La fiabilité ou la fidélité de la recherche ..................................................................... 193

4.8.1 Calcul de la fiabilité du codage ............................................................................ 194

4.9 La validité de la recherche ........................................................................................... 194

4.9.1 La validité théorique ou du construit .................................................................. 195

4.9.2 La validité interne ................................................................................................ 195

4.9.3 Validité externe ................................................................................................... 195

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TABLE DES MATIERES

317

CONCLUSION DU CHAPITRE 4 ........................................................................................................ 197

CHAPITRE 5 : LES RESULTATS DES ENQUETES ET ETUDES DE CAS ......................................................... 199

SECTION 1 : Méso analyse du champ organisationnel ............................................................ 200

5.1 : Les caractéristiques du champ organisationnel de la filière légumes ............................. 200

5.1.1 Les logiques institutionnelles de la filière légumes ............................................. 201

5.1.1.1 Le degré d’hétérogénéité des logiques institutionnelles du CO ...................... 205

5.1.1.2 Le degré d’institutionnalisation des logiques institutionnelles du CO ............. 206

5.1.1.2.1 Le degré d’interaction entre les acteurs ................................................... 206

5.1.1.2.2 Les structures de domination ou d’alliance .............................................. 208

5.1.1.2.3 Le degré d’isomorphisme des acteurs en place ........................................ 209

5.1.1.2.3 L’accord sur les logiques institutionnelles................................................. 210

SECTION 2 : Micro-analyse des logiques institutionnelles au niveau des acteurs .................. 214

5.2 Analyse qualitative comparative des logiques institutionnelles par rapport aux acteurs 214

5.2.1 La logique familiale .............................................................................................. 214

5.2.2 La logique de marché.......................................................................................... 219

5.2.3 La logique individualiste ............................................................................................. 223

5.2.4 La logique de cartellisation ......................................................................................... 228

5.2.5 La logique entrepreneuriale ....................................................................................... 232

5.3 Les caractéristiques des logiques institutionnelles au niveau des acteurs ................. 237

5.3.1 Le degré d’hétérogénéité des logiques institutionnelles au niveau des acteurs 238

5.3.2 Le degré d’institutionnalisation des logiques institutionnelles au niveau des

acteurs ............................................................................................................................. 239

5.4 Les caractéristiques des acteurs du champ organisationnel ....................................... 243

SECTION 3 : Identification des types et formes de travail institutionnel ................................ 246

5.5 Etapes dans l’identification des types et formes de travail institutionnel .................. 246

5.5.1 La chronologies des événements clés dans le secteur agricole .......................... 246

5.5.2 Codage et structure des données ........................................................................ 249

5.5.3 Les différents types et formes de travail institutionnel dans la filière légumes . 250

SECTION 4 : Les résultats des études de cas ........................................................................... 252

5.6 Etudes de cas des acteurs : Type(s) et forme(s) de travail institutionnel ................... 252

5.6.1 Le cas d’un petit producteur de légumes ............................................................ 253

5.6.2 Le cas d’un regroupement de moyens producteurs de légumes ........................ 254

5.6.3 Le cas d’un mandataire ....................................................................................... 257

5.6.4 Le cas d’un regroupement de moyens producteurs de légumes ........................ 259

5.6.5 Le cas d’un nouvel entrant dans la filière légumes (Usinier-producteur) ........... 260

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TABLE DES MATIERES

318

5.6.6 Le cas d’un nouvel entrant-distributeur (grossiste-grande entreprise) .............. 262

CONCLUSION DU CHAPITRE 5 ........................................................................................................ 265

CHAPITRE 6 : DISCUSSION........................................................................................................ 267

SECTION 1 : Les déterminants et les conséquences du travail institutionnel ......................... 268

6.1 Les déterminants du travail institutionnel .................................................................. 268

6.1.1 Les caractéristiques du champ organisationnel .................................................. 268

6.1.2 Les caractéristiques des acteurs .......................................................................... 269

6.1.2.1 Le petit producteur de légumes ....................................................................... 270

6.1.2.2 Le moyen producteur de légumes.................................................................... 273

6.1.2.3 L’usinier–producteur/gros producteur sucrier ................................................ 274

6.1.2.4 Le mandataire et le grossiste-particulier .......................................................... 275

6.1.2.5 Le Grossiste-Grande Entreprise ........................................................................ 277

SECTION 2 : La validation des propositions de recherche ....................................................... 279

6.2 Discussion sur les propositions de recherche ............................................................. 279

6.2.1 Proposition 1 : Lien entre le type de travail institutionnel et le degré

d’hétérogénéité et d’institutionnalisation des logiques institutionnelles .......................... 280

6.2.2 Proposition 2 : Lien entre le type de travail institutionnel et les caractéristiques

des acteurs .......................................................................................................................... 281

6.2.3 Proposition 3 : Lien entre les formes de travail institutionnel et leur impact sur

une modification des logiques institutionnelles ................................................................. 282

CONCLUSION DE LA DISCUSSION ................................................................................................ 283

CONCLUSION GENERALE ............................................................................................................ 285

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ............................................................................................... 293

LISTE DES TABLEAUX INSERES DANS LE TEXTE ............................................................................ 307

LISTE DES FIGURES INSEREES DANS LE TEXTE .............................................................................. 309

LISTE DES ABREVIATIONS ........................................................................................................... 311

TABLE DES MATIERES ................................................................................................................ 313

ANNEXES................................................................................................................................... 320

Annexe 1 : Institutions publics et privés qui encadrent les activités agricoles de la filière

légumes ....................................................................................................................... 320

Annexe 2 : Guides d’entretien ............................................................................................. 323

Annexe 3 : Thèmes et concepts et verbatim ....................................................................... 328

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ANNEXES

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ANNEXES

320

ANNEXES

Annexe 1 : Institutions publics et privés qui encadrent les activités agricoles

de la filière légumes

Les tableaux suivants (Tableau 2.5, 2.6 et 2.7) présentes les institutions/organismes publics et

privés qui soutiennent, participent et encadrent les activités agricoles dans le secteur non-

sucre.

Tableau 2.5: Institutions clés dans la recherche et formation agricole

Institution clé Profil Activités

Food and

Agricultural

Research Council

(FARC)

Mise sur pied en 1985

Responsable de la coordination,

promotion et harmonisation de la

recherche dans le secteur agricole et

agro-alimentaire.

Détermine les stratégies de recherche et

de développement clés, et les transferts

des technologies et pratiques émergentes

Donne des facilités pour

acclimater des plantules de

culture tissulaires

Vente subventionnée de

plantules de banane

Vente de plantes (gerbera,

aloe vera)

Organise des réunions

régulières des scientifiques

mauriciens dans le domaine

agricole

Mauritius Sugar

Industry

Research Institute

(MSIRI)12

Fondé en 1953

Mission : s’engager dans la

recherche de haut calibre et le

développement de la canne à

sucre et autres cultures pour

répondre aux besoins

commerciaux et sociétaux de

Maurice

Les activités de recherche

tournent autour de quatre

thématiques : l’agronomie,

l’ingénierie, les ressources et

la biologie

12 A noter qu’à partir de Mars 2012, la MSIRI n’existe plus en temps qu’organisme à part entière, mais a été

regroupé ainsi que d’autres organismes de soutien à l’industrie sucrière (le Control Board, La Farmers Service

Centre, La Mauritius Sugar Authority, La Mauritius Sugar Terminal Corporation, et la Sugar Planters Mechanical

Pool Corporation) sous une seule institution, la Mauritius Cane Industry Authority (MCIA), dans une politique

de centralisation des ressources dans le domaine sucrier.

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ANNEXES

321

Tableau 2.5: Institutions clés dans la recherche et formation agricole (suite)

Institution clé Profil Activités

Agricultural

Research and

Extension Unit

(AREU)

Mise sur pied en 1994 · Mission: promouvoir

l’excellence dans la recherche

et la vulgarisation agricole

pour mieux servir sa clientèle,

tout en s’alignant avec les

politiques agricoles publiques

· Faire de la recherché

stratégique et adaptatif dans

divers domaines agricoles tels

que l’agronomie, recherche sur

les fruits, les légumes, les

ornementaux, la pathologie

végétale, l’entomologie, la

gestion des ressources

agricoles, la production et la

santé animale

Les services

agricoles du

Ministère de

l’agro-industrie et

de la sécurité

alimentaire

Un des départements majeurs du

Ministère de l’agro-industrie et de la

sécurité alimentaire

Mission: fournir des services

techniques et des intrants

agricoles aux entrepreneurs et

aux membres du public en

générale

Ce département est composé

de plusieurs divisions:

Chimie agricole,

développement agricole,

agronomie, horticulture,

protection des végétaux,

entomologie, laboratoire de

technologie alimentaire,

production animale, services

vétérinaires

Faculté

d’Agriculture de

l’Université de

Maurice

Une des cinq facultés de l’Université de

Maurice

Mission : Proposer des formations

au niveau licence, Masters et

doctorat dans tous les domaines

agricoles incluant l’horticulture,

l’agroforesterie, les sciences agro-

alimentaires, la biotechnologie ; et

assurer une recherche de haut

niveau ainsi que des conseils

professionnels en ligne avec les

besoins du pays

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ANNEXES

322

Tableau 2.6 : Institutions clés : Soutien technique aux agriculteurs

Institution clé Profil Activités

Agricultural

Marketing Board

(Office des

marchés)

Mise sur pied en 1964 avec pour objectif

de promouvoir la diversification agricole

Promouvoir les cultures

locales

Organisme régulateur des

normes et standards de

qualité pour certains produits

agricoles (pomme de terre,

oignon)

Irrigation

Authority

Organisme para-étatique Donne un soutien technique

aux personnes/entreprises

agricoles implémentant des

projets d’irrigation

Approvisionner les

producteurs en eau

subventionnée

Imports dripper lines at duty

free prices on behalf of

planters.

Regroupement et formation

des agriculteurs

Agrofournisseurs

privés

Vaste réseau d’agrofournisseurs à

Maurice

Fournissent des intrants

agricoles aux agriculteurs

Tableau 2.7 : Institutions clés : Associations des agriculteurs

Institution clé Profil Activités

Association

Professionnelle

Des Producteurs-

Exportateurs De

Produits

Horticoles De

Maurice

(APEXHOM)

Association de producteur et exportateurs

de produits horticoles

Très actif dans la mise sur pied

de normes et standards de qualité

pour le marché local et les

produits destinés à l’exportation

Coopératives

d’agriculteurs et

associations de

producteurs

Plusieurs coopératives d’agriculteurs et

associations de producteurs dans le

secteur végétale, animale et de la pêche.

Offrent plusieurs facilités aux

membres tells que l’accès aux

intrants

Agit comme une force de lobby

auprès des décideurs public

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ANNEXES

323

Annexe 2 : Guides d’entretien

2.1 Guide d’entretien –Terrain Exploratoire

Une liste de questions a été utilisée pour le terrain exploratoire:

Quels sont les principaux acteurs de la filière légumes?

Quels sont leurs rôles et leurs fonctions dans la filière?

Quels sont les problèmes, contraintes et opportunités de la filière légumes?

Quels sont les principaux acteurs de la filière CAS qui se sont diversifiés dans les

légumes?

Quelle est la perception des acteurs en place de la filière légumes sur les nouveaux

acteurs?

2.2 Guide d’entretien- Enquêtes de terrain

Exemple d’un guide d’entretien envoyé à un acteur avant l’entretien.

Bonjour Monsieur XXX,

Tout d’abord merci de me recevoir.

Je vous explique en quelques mots les objectifs de ma recherche :

Le titre de ma thèse : Les stratégies d’adaptations des acteurs de la filière légumes frais à l’ile

Maurice dans un contexte de changement institutionnel.

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ANNEXES

324

La problématique de ma recherche tourne autour d’une plus grande diversification des

sucriers dans le domaine horticole à la fin du protocole sucre. En me basant sur le courant

théorique de la sociologie néo institutionnelle, je me pose les questions suivantes :

La fin du protocole sucre a été un choc exogène au secteur sucre mauricien. Cela a causé un

changement institutionnel dans la filière sucre. Les règles institutionnelles (formelles et

informelles) ont changé parce que les acteurs principaux, les gros producteurs sucriers

(propriétés sucrières), ont réagi. Ils se sont diversifiés entre autre dans le secteur horticole. De

ce fait ils ont investi une autre filière agricole, la filière fruits et légumes frais.

Ce qui m’intéresse particulièrement, c’est la filière légumes à l’ile Maurice. Avec l’entrée des

gros producteurs sucriers sur le marché des légumes, cela peut être considérée comme un choc

exogène à la filière légumes frais et être la cause d’un changement institutionnel (hypothèse)

avec des effets positifs et/ou négatifs dans cette filière. Comment ont réagi les producteurs

traditionnels de légumes face à ces ‘nouveaux arrivants’ (nouveaux de par les plus grosses

volumes de production)? Je voudrais aussi étudier les stratégies institutionnelles des acteurs

de la filière légumes face aux nouveaux arrivants. Un concept dans la théorie sur l’économie

institutionnelle est celui de l’entrepreneur institutionnel. C’est un entrepreneur qui apporte des

changements divergents dans le champ organisationnel (CO) où il opère ou qu’il veut investir.

Son objectif est d’emmener une nouvelle vision, de rallier les acteurs du CI autour de cette

vision et de changer une/plusieurs pratiques institutionnelles existantes. Une autre de mes

hypothèses de recherche est de vérifier si des entrepreneurs institutionnels ont émergé dans la

filière légumes frais. Ces entrepreneurs institutionnels peuvent être les sucriers qui se sont

diversifiés dans la filière légumes frais et/ou les producteurs traditionnels existants qui ont

réagi et ont adopté de nouvelles pratiques innovantes.

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ANNEXES

325

Questions générales sur la filière légumes frais à l’ile Maurice :

(1) Qui sont les acteurs du secteur sucre mauricien ?

(2) Qui sont les acteurs de la filière légumes frais mauricienne ?

(3) Quelles ont été les impacts (positives et/ou négatives) de la fin du protocole sucre sur

(a) Le secteur sucre

(b) Le secteur horticole

(4) Quelles étaient les règles existantes (formelles et informelles) dans le secteur sucre

avant la fin du protocole sucre et quelles sont les nouvelles règles du jeu pour les

acteurs (producteurs sucriers, usiniers, institutions, autres) après la fin du protocole

sucre ?

(5) Une des stratégies d’adaptation des producteurs sucriers a été la diversification dans le

secteur horticole ?

Pourquoi ?

Quels sont les objectifs à long terme de cette diversification agricole ?

(6) Quelles étaient les règles existantes (formelles et informelles) dans la filière légumes

avant la fin du protocole sucre et quelles sont les nouvelles règles du jeu pour les

acteurs (producteurs sucriers, usiniers, institutions, autres) avec l’arrivée des gros

producteurs sucriers sur le marché ?

(7) Quels sont les effets (positifs et/ou négatifs) de l’arrivée des gros producteurs sucriers

dans la filière légumes frais ?

(8) Qu’en est-t-il des petits producteurs sucriers en ce qui concerne la diversification

dans le secteur horticole ?

(9) Pensez vous que les gros producteurs sucriers ont causé des changements divergents

dans la filière légumes frais ? Si oui, lesquels ? (Par changement divergent, j’entends

des changements qui bouleversent les pratiques existantes pour les remplacer par

d’autres qui sont éventuellement adoptées par tous les acteurs du champ institutionnel)

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ANNEXES

326

(10) Quel est votre avis sur la filière légumes frais à ce jour au niveau de la production,

de la distribution et des institutions (privés et publics)?

Niveau

d’analyse

Forces Faiblesses Opportunités Menaces

Production

(petits, gros,

moyens)

Distribution

(grossistes,

boites de

distributions,

mandataires

(auctioneer),

détaillants

Institutions

publics

(recherche et

vulgarisation,

AMB,

Université)

Institutions

privés

(Associations de

producteurs)

(11) Quelles sont d’après vous les stratégies utilisées par les producteurs de légumes

traditionnels ou les nouveaux entrepreneurs (ce qui font une demande auprès de l’état

pour louer des terrains pour la production agricole) pour faire face à l’entrée des gros

producteurs sucriers sur le marché ?

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ANNEXES

327

(12) Pensez-vous que les producteurs traditionnels de légumes frais ou les autres acteurs

de la filière légumes frais ont causé des changements divergents dans la filière

légumes frais? Si oui, lesquels ? (Je voudrais savoir à travers cette question si il y a

émergence d’entrepreneurs institutionnels parmi les acteurs de la filière légumes frais

autres que les nouveaux arrivants)

(13) Que pensez vous du ‘Food Security Fund’ et des mesures incitatives de l’état pour

encourager la production des fruits et légumes à Maurice ?

(14) Comment voyez-vous l’évolution de la filière légumes frais dans les années à venir ?

Questions spécifiques par rapport à votre entreprise :

(1) Profil :

Données démographiques : Age, niveau d’éducation, statut social et professionnel

Expérience dans le domaine agricole :

Nombre d’années dans l’entreprise :

(2) Historique de l’entreprise (Objectifs, description des activités, technologie utilisée

etc.)

(3) Pensez-vous que votre entreprise a causé un changement divergent dans le domaine de

la production des légumes frais à l’ile Maurice ? Si, oui ? comment ?

(4) Quels sont les conditions/opportunités dans la filière légumes frais qui vous permettent

d’opérer ?

(5) Quelles sont les difficultés/menaces que vous rencontrez dans l’opération de votre

entreprise ?

(6) Quelles sont les stratégies futures de votre entreprise ?

Merci de votre aide.

Bien cordialement

Brinda Ramasawmy

Doctorante, Montpellier Sup Agro

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ANNEXES

328

Annexe 3 : Thèmes et concepts et verbatim

3.1 Analyse thématique- Identification de type et formes de travail institutionnel

Thèmes et concepts Illustration de verbatim

Echecs des projets de regroupement des

producteurs

(…) Cependant, les associations qui se sont

formées ne fonctionnent éventuellement pas

en collectif. Je vous donne l’exemple des

producteurs dans la région de Banane : le

projet qui était au départ de nature collective

ne l’est plus car chaque participant gère sa

terre de façon individuelle.

Rejet d’un nouveau circuit de distribution de

légumes

Le premier intermédiaire, c’est le

mandataire dans le marché au gros.

Cependant le fonctionnement des

mandataires est archaïque mais il y a un fort

lobby de leur part pour perdurer le système.

Idéalement, il devrait y avoir de la

transparence au niveau du marché de gros.

C’est pourquoi les autorités publiques

veulent mettre sur pied le marché de gros

national.

Changements dans les pratiques

traditionnelles de production de légumes

Il y a eu une prise de conscience des moyens

et gros producteurs de légumes pour

améliorer les techniques de production. Ils

savent qu’ils doivent aller au delà de la

production primaire et se lancer dans la

transformation. Par exemple : la carotte est

un produit de qualité mis sur le marché par

les usiniers-producteur, nouveaux entrants

dans la filière. Pendant les périodes

cycloniques, il faut importer. Pour occuper

ce marché, les moyens et gros producteurs en

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ANNEXES

329

place ont investi dans la mécanisation et

post-récoltes pour améliorer les carottes et

concurrencer les sucriers.

Partage de connaissance entre les nouveaux

entrants et les producteurs en place

Nous organisons des journées portes

ouvertes pour permettre aux producteurs de

la région de voir nos techniques modernes de

production de légumes.

Adoption, par les moyens et gros producteurs

de légumes, des pratiques et technologies

utilisées par les producteurs sucriers

Oui, NE-PS est moins à risque grâce à ces

investissements dans des systèmes

d’irrigation et de mécanisation. Mais j’ai

noté que les producteurs de la région ont

commencé à investir dans la mécanisation et

dans des systèmes d’irrigation depuis

l’arrivée de NE-PS dans la filière légumes.

(…) certaines pratiques de NE-PS, telles que

le semis mécanisé, à été adopté par certains

producteurs qui ont adopté des machines à

plus petite échelle pour mécaniser la

semence au champ.

Transformation des légumes en produits

secondaires

Nous avons décidé de ne nous regrouper

pour transformer le surplus de légumes en

découpe pour la GD.

Innovation en termes d’une nouvelle forme

organisationnelle

Nous avons voulu intégrer la production de

la pomme de terre et avoir notre station de

conditionnement et vendre nos produits

directement à la GD.

Accent mis sur la présentation, la qualité et la

disponibilité des légumes

Nos produits sont mis en valeur dans des

sachets d’emballage qui répondent aux

attentes d’une clientèle moderne.

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Brinda RAMASAWMY

Thèse de doctorat en Sciences de gestion

Intérêt du travail institutionnel dans les dynamiques de filières agricoles

Le cas de l’île Maurice

Résumé : Ce travail de recherche vise à utiliser la sociologie néo-institutionnelle et

ses concepts clés tels que les logiques institutionnelles et le travail institutionnel pour

analyser comment les acteurs agissent sur les institutions au niveau d’une filière

agricole. Nous avons choisi de vérifier l’applicabilité de notre cadre théorique dans un

contexte empirique subissant un changement institutionnel, la filière légumes

mauricienne. Pour valider le cadre théorique choisi, nous avons tout d’abord mené un

terrain exploratoire. A travers une analyse thématique des enquêtes, nous avons

identifié les logiques institutionnelles qui orientent les actions de nos principaux

acteurs dans la filière légumes mauricienne, et les types et formes de travail

institutionnel entreprit par les acteurs en place et nouveaux de la filière légumes. Cette

thèse permet de conclure que l’étude du travail institutionnel dans une dynamique de

filière agricole a toute son importance car l’approche sociologique permet aux

chercheurs de mieux appréhender le comportement des acteurs de la filière.

Mots clés : sociologie néo-institutionnelle, logique institutionnelle, travail

institutionnelle, filière agricole, analyse de contenu thématique, analyse qualitative

comparée.

Institutional work and the dynamics of agricultural value chains

The case of Mauritius

Abstract: This research work aimed at using sociological neo institutionalism and

its key concepts, institutional logics, and institutional work to understand the work

undertaken by actors in an agricultural value chain. We have chosen the Mauritian

vegetable value chain, in the context of an institutional change, as a field of study to

apply the theoretical concepts. An exploratory study was carried out to validate the

theoretical framework selected. Thematic content analysis allowed us to identify

the institutional logics of the vegetable value chain as well as the different types

and forms of institutional work undertaken by the incumbent and new actors. This

research work allows us to conclude that the use of the concept of institutional work

to understand the dynamics of an agricultural value chain is important as the

sociological lens enables researchers to better understand actors’ behavior in a

value chain.

Key words: sociological neo institutionalism, institutional logics, and institutional,

agricultural value chain, thematic analysis, qualitative comparative analysis

Laboratoire UMR MOISA 1110

(Marchés, Organisations, Institutions et Stratégies d’Acteurs)

Montpellier SupAgro, 2 place Pierre Viala, 34 060 Montpellier Cedex 2