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LA LETTRE DU HÉRISS O N BRETAGNE VIVANTE 60 ans d'aventure humaine PAGE 2 DÉCHETS NUCLÉAIRES Le débat public en question PAGE 4 Reconnue d’utilité publique depuis 1976 > LH N°269 > Été 2019 Sauver la planète en mangeant

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Page 1: Sauver la planète en mangeant - France Nature Environnement · France Nature Environnement se joint à d’autres ONG pour demander à la Commission européenne d’entamer une procédure

LALETTREDUHÉRISSON

BRETAGNE

VIVANTE

60 ans d'aventurehumaine PAGE 2

DÉCHETS

NUCLÉAIRES

Le débat publicen questionPAGE 4

Reconnue d’utilité publique depuis 1976> LH N°269> Été 2019

Sauverla planète

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LH269 5.qxp_FNE 11/07/2019 16:48 Page1

Page 2: Sauver la planète en mangeant - France Nature Environnement · France Nature Environnement se joint à d’autres ONG pour demander à la Commission européenne d’entamer une procédure

La Lettre du Hérisson est éditée par France Nature Environnement, fédération française des associations de protection de la nature et de l’environnement, fondée en 1968, reconnued’utilité publique en 1976. Directeur de la publication : Michel Dubromel Rédacteur en chef : Antoine Gaillard FNE 81-83 boulevard de Port-Royal 75 013 Paris / www.fne.asso.fr / [email protected] Conception graphique et réalisation : Cito / www.cito.fr Impression et routage : Imprimerie des Hauts de Vilaine – BP 52179 – 35 221 Châteaubourg Cedex / Dépôt légal : Juillet 2019 / ISSN 1632 4315

La reproduction des articles de la Lettre du Hérisson est autorisée pour les particuliers et les associations sous réserve d'en citer la source datée, les auteurs, et sans utiliser lesphotographies. La Lettre du Hérisson est imprimée sur papier recyclé, par un imprimeur labellisé Imprim’Vert.

ACTUS ACTUS

Comment interpréter la multiplication et la diversité desmobilisations populaires de ces derniers mois, depuis lemouvement des Gilets jaunes jusqu’aux manifestations etpétitions pour le climat et la biodiversité toujours plusrassembleuses ?Chaque fois, elles expriment une demande sociétale forte : la volonté des citoyen∙nes d'avoir plus de prise sur lesdécisions politiques qui les impactent – aspiration d’autantplus évidente dès lors qu’il s’agit d’environnement, donc denotre santé, des paysages que nous avons sous les yeux, del'eau que nous buvons et de l’air que nous respirons.L’autre enseignement est qu’on ne peut traiter isolémentenjeux environnementaux et sociaux. C’est pourquoi, depuismars dernier, nous portons collectivement le « Pacte dupouvoir de vivre », en compagnie d’une quarantained’associations et syndicats. L’objectif de ce rassemblementinédit est de réconcilier environnement et justice sociale, en formulant 66 propositions et plusieurs priorités telles que la lutte contre les passoires énergétiques.Ces propositions, nous allons les porter auprès desresponsables politiques nationaux avec un messageessentiel : prétendre répondre à l’urgence écologique etsociale sans norme, sans fiscalité écologique et sansinvestissement massif n’a pas de sens. Il faut par ailleurs semontrer cohérent et ne pas, « en même temps », détricoterles outils de participation des citoyen∙nes aux prises dedécision dans les territoires, comme le fait actuellement ce gouvernement.Nous irons également à la rencontre des élus et acteurslocaux lors du « Tour de France du Pacte du pouvoir devivre », qui sera lancé en septembre. Entre autres objectifs :aider à la réalisation de « pactes territoriaux » pour les éluset les candidats aux municipales. France NatureEnvironnement, forte de son ancrage territorial, de l’expérience de ses 3500 associations affiliées et del’investissement de leurs adhérents, répondra bien sûrprésent.

60 ans d’aventure humaine ; 60 ans à partager,former, informer ; 60 ans de contribution à laconnaissance naturaliste ; 60 ans à convaincreet faire prendre conscience de l’importance depréserver la biodiversité.Depuis sa création, l’association a contribué àde belles réussites telles que la création duConservatoire botanique national de Brest, dela réserve de la mer d’Iroise ou du parc natio-nal d’Armorique. Aujourd’hui encore, ses60 salarié.es et 300 bénévoles agissent pourpréserver les espaces naturels en Bretagnehistorique à travers un réseau unique enFrance de 125 sites protégés et sensibilisentles citoyens, petits comme grands, à l’impor-tance de la nature des écosystèmes équilibrés.

Bretagne Vivante, c’est également 60 ans de com-bats militants : hier pour la reconnaissance desresponsabilités dans le naufrage de l’Amoco-Cadiz, aujourd’hui pour peser sur la stratégie del’État en mer. Au regard des projets envisagésactuellement par les investisseurs, nous ris-quons en effet de voir les mêmes erreurs desurexploitation et d'épuisement des océansqu'on a connues sur terre avec l’agricultureintensive. Bretagne Vivante continue donc soncombat aux côtés d’Eau et Rivières de Bretagneet de France Nature Environnement.Pour en savoir plus et les soutenir, rendez-voussur www.bretagne-vivante.org ou Facebook@BretagneVivante.

OBSERVATION DES DAUPHINS

Mieux choisir les opérateursFrance Nature Environnement et le Groupe de Recherche sur les Cétacés sebattent depuis plusieurs années pour l’interdiction de la nage commercialeavec les cétacés. Afin de permettre aux amateurs de mammifères marins defaire les bons choix, nous avons classé les opérateurs de sortie cétacés enMéditerranée à partir de deux critères négatifs (pratique de la nage avec lescétacés, assistance aérienne) et un critère positif : l’obtention de la distinctionHigh Quality Whale Watching, qui indique une approche des animaux respec-tueuse du Code de bonne conduite pour l'observation des cétacés. Retrouvez ce classement et signez la pétition pour faire interdire lespratiques néfastes aux cétacés sur fne.asso.fr

LEGS ET DONATIONS

Transmettre pour une naturepréservéeProtéger notre patrimoine naturel commun, préserver la santé et le bien-être detous les êtres vivants, retrouver un monde vivable et désirable : ces actions sontrendues possibles grâce à votre soutien. Reconnue d’utilité publique, notre fédé-ration, qui a reçu le label Don en confiance du Comité de la Charte, est habilitéeà recevoir des legs, des donations et des assurances-vie totalement exonérés desdroits de succession. Faire un legs ou une donation à France NatureEnvironnement, c’est transmettre votre engagement pour la planète et faire vivrevos convictions.Walid Houaidj se tient à votre disposition pour toute demande d’informa-tion et vous accompagne en toute confidentialité : 01 44 08 02 59 [email protected]

ALERTE MONDIALE SURLA BIODIVERSITÉ

La France répond… en augmentant la pression sur la faune

LE CHIFFRE

1 200dauphins communs échoués sur les plages françaisesl’hiver dernier, victimes collatérales de la pêche. La survie de l’espèce dans le Golfe de Gascogne estdésormais en jeu. France Nature Environnement sejoint à d’autres ONG pour demander à la Commissioneuropéenne d’entamer une procédure en infractioncontre la France et les États membres ne respectantpas leurs obligations pour la protection des cétacés.

FNE DANS LES MÉDIAS

Peut-on se débarrasser du plastique ?France 2, Journal de 13h, le 7 mai 2019« La matière vierge plastique coûte au-jourd'hui moins cher que la matière recyclée.Tant qu'on aura ce jeu économique, on nepourra pas avancer sur ces questions. L'objec-tif du Gouvernement de passer à 100 % de recyclage du plastique en 2025 est donc pour

le moment irréaliste. » Eléonore Kubik, chargée de mission prévention des déchets

La création du Conseil de défense écologique, un virage environnementaldu Gouvernement ?France Info, le 23 mai 2019« Ce n'est pas notre sentiment. Nous sommespour l'implication des citoyens, mais cette annonce très médiatique trois jours avant desélections nous interroge. En parallèle, plusieurs

organismes existants, qui ont prouvé leur efficacité, sont en traind'être détricotés ou de perdre en indépendance, comme le Conseilnational de la transition écologique ou le Conseil économique, social et environnemental. Nous avons du mal à voir la cohé-rence. » Jérôme Partos, administrateur

0 600

Impact carbone de cette Lettre du Hérisson

r Oui, je me sens concerné-e par la protection de la nature et de l’environnement

et désire continuer à soutenir les actions de France Nature Environnement.

Je donne : r 15 € r 20 € r 30 € r 50 € ou.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . €

MES COORDONNÉES :r Mme r M.

Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Prénom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Email : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Par votre don vous nous aidez à protéger la Nature et l’EnvironnementA renvoyer sous enveloppe affranchie à FNE – 3 rue de la Lionne – 45 000 Orléans ou à remplir sur fne.asso.fr

Je règle par chèque bancaire ou postal à l'ordre de France Nature Environnement.

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LH 269

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plus rapide, je

donne sur

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France Nature Environnement estagréée par le Comité de la Charte dudon en confiance. comitecharte.org

La Lettre du Hérisson241 kg eq. CO2 pour 3 552 exemplaires (production et distribution)

Soit environ les émissions de gaz à effet de serre d'un aller-retour Lyon-Perpignan en voiture.

Lors de son discours de politique générale du 12 juin, le Premier ministre a promis une « accélérationécologique ». Au même moment était examinée à l’Assemblée nationale une loi d’Orientation desmobilités dans laquelle nous avons eu du mal à percevoir de grandes avancées écologiques. Lesmesures prises en faveur du développement de la mobilité active (vélo) et partagée (transports en com-mun, covoiturage) sont à saluer. La mise en place du forfait mobilité durable, visant à inciter lesFrançais.es à aller au travail en covoiturage ou à vélo, va dans la bonne voie… mais reste optionnelle.Autre déception : l’objectif de fin de vente des voitures 100 % diesel ou essence est fixé à 2040 poursatisfaire la filière automobile, alors que l’urgence climatique impose un objectif de 2030. Enfin, leGouvernement refuse de remettre en cause les subventions et exonérations fiscales accordées au trans-port routier de marchandise et à l’aérien. À ce titre, nous suivrons de près le prochain projet de loi deFinances, qui devra doter la France des outils fiscaux nécessaires pour amorcer la transition écologiquede nos politiques de transport de manière juste et équitable.

© Bretagne Vivante

Au moment même où l’ONU, via un rapport dela Plateforme intergouvernementale scientifiqueet politique sur la biodiversité et les services éco-systémiques (IPBES), alerte la planète quant audéclin toujours plus inquiétant de la biodiversité(cf. rubrique Points de vue p.4), le Gouvernementfrançais va à contre-courant en amplifiant les pos-sibilités de tir et d’effarouchement d’espèces pro-tégées ou considérées comme en danger.Ainsi, alors que la population de loups en Francevient seulement d'atteindre son seuil minimal deviabilité (500 individus), l'État veut augmenter lenombre d'abattages possibles… jusqu’à près de100 loups ! Dans les Pyrénées, il veut expérimen-ter l’effarouchement des ours, y compris par destirs non létaux. Le loup et l’ours étant des espècesprotégées, ces procédés sont contestables d’unpoint de vue réglementaire, d’autant plus que les moyens de protection des troupeaux (chiens,

clôtures, regroupement nocturne, présencehumaine…) sont encore trop peu souvent mis enplace.Enfin, le Gouvernement n'envisage pas de mettreun terme au tir et au piégeage de la belette et duputois. Le putois est pourtant sur la liste rougedes espèces menacées en France, tandis que labelette joue un rôle essentiel dans la régulationdes petits rongeurs. Dans les deux cas, la préda-tion sur les élevages est très marginale et lesmesures de protection des poulaillers sont sim-ples à mettre en œuvre.Après avoir appelé le public et nos sympathi-sant.es à exprimer leur opposition à ces arrêtéslors des phases de consultation publique, noussurveillerons l’évolution de ces arrêtés et n’hési-terons pas, si nécessaire, à contester leur bien-fondé devant les tribunaux.

édito MICHEL DUBROMEL PRÉSIDENT DE FNE

VIE DU MOUVEMENT

Bretagne Vivante a 60 ans !

LOI MOBILITÉ

« L’accélération écologique » en panne sèche

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BIODIVERSITÉ

Le Chacal doré, futur trésor dela faune françaiseJusqu’ici principalement présent en Asie et en Europe centrale et du sud-est, le Chacal doré a été observé cesdernières années en Italie, en Suisse, en Autriche, en Allemagne et depuis 2017 en France, où il a montré sonmuseau pointu sur des clichés pris par des pièges photographiques. Cousin du loup, du renard et du chien, leChacal doré appartiendra-t-il bientôt au bestiaire de la faune française ?

humides, à l’exception de la haute montagne etdes zones d’agriculture intensive ou fortementurbanisées. L’important pour lui est de trouverde la nourriture en quantité suffisante et la tran-quillité nécessaire pour élever ses jeunes.Souvent, la femelle réutilise un terrier de renardou de blaireau pour donner naissance à sa por-tée qui compte entre 2 et 4 petits, parfoisjusqu’à 9. Quatorze semaines après leur nais-sance, les jeunes pourront suivre les adultes à larecherche de nourriture.De mœurs plutôt nocturnes, le chacal vit encouple avec ses petits nés pendant l’année,même s’il arrive, comme chez le renard, qu’unou deux adolescents restent pour aider lesparents à l’élevage de la portée suivante. Maisgénéralement, comme chez le loup, les jeunesadultes quittent le clan et parcourent plusieurscentaines de kilomètres depuis leur lieu de nais-sance pour trouver de nouveaux territoiresfavorables.

Opportuniste avant toutLa taille modeste du Chacal doré ne lui permetpas de s’attaquer à de grandes proies. Il se nourritainsi de petits mammifères, comme des rongeursou des lièvres, des oiseaux et leurs œufs qu’iltrouve au sol, de reptiles et amphibiens, d’in-sectes et de fruits, qu’il capture au gré de sesrecherches, comme le renard.Le chacal est également charognard : il peut profiter des restes d’ongulés (chevreuils, san-gliers…) laissés par des prédateurs plus grandsque lui, voire fouiller dans les décharges pour senourrir de déchets alimentaires.

On lui reconnaît ainsi un rôle essentiel dansl'équilibre écologique par sa consommation desrongeurs et des animaux affaiblis ou malades eten réduisant la propagation de nombreusesmaladies par le nettoyage des carcasses des ani-maux morts.Même dans les pays européens où le Chacal doréest bien installé, les attaques sur le cheptel sontrarissimes. Il y a donc peu de raisons de s’inquié-ter pour cet aspect, a fortiori lorsque des moyensde protection des troupeaux et des poulaillersface au loup et au renard sont déjà correctementmis en place.

Ni chassable, ni protégéPour l’instant, l’espèce ne bénéficie d’aucun sta-tut réglementaire en France. Le Chacal doré esttoutefois protégé en Italie, en Allemagne et enSuisse et figure à l’annexe V de la directive euro-péenne « Habitats Faune Flore sauvages ». Ce statut oblige les États membres à garantir lemaintien de l’espèce dans un état de conserva-tion favorable. Par ailleurs, l’expansion de sonaire de répartition se faisant de façon naturelle etau regard de sa proximité génétique avec le loup,le Chacal doré n’est pas considéré comme uneespèce exotique envahissante.

Une arrivée à prendrecomme une bonne nouvelleAprès les alertes des scientifiques sur l’érosionaccélérée de la biodiversité, l’arrivée naturelle decette nouvelle espèce sur le territoire français estune bonne nouvelle. Elle montre que les écosys-tèmes permettent à plusieurs prédateurs des’installer, même s’il s’agira d’examiner la coexis-tence entre le Chacal doré, le loup et le Renardroux, ce dernier pouvant se trouver en concur-rence avec le nouvel arrivé pour la nourriture etles habitats favorables. Cette arrivée est aussi unebelle opportunité d’améliorer nos connaissancesincomplètes sur la biologie et le comportementde cet animal.

STÉPHANIE MORELLE,

Chargée de mission biodiversité

La conquête de l’ouesteuropéenLe Chacal doré est arrivé il y a plusieurs millé-naires aux portes sud de l’Europe, sa colonisa-tion s’arrêtant alors aux Balkans. Dans les annéessoixante, l’acharnement contre le loup (dont laforte régression a pu laisser vacants des milieuxfavorables), la diminution des abattages de cha-cals dans les Balkans et une évolution plutôtfavorable des paysages agricoles et forestierseuropéens lui ont permis de reprendre saconquête. Le canidé s’établit alors en Hongrie,Roumanie, Bulgarie… jusqu’au nord-est del’Italie. En 2011, les pièges photographiquesposés par les associations de protection de lanature et les chasseurs pour le suivi de la faunedans les Alpes révèlent son passage en Suisse,puis finalement en France en 2017.

Loup, renard et chien toutà la foisLe Chacal doré Canis aureus est un mammifèreappartenant à la famille des canidés, comme leloup, le chien (forme domestique du loup) ouencore le renard. S’il est génétiquementproche du loup, il a une taille plus modeste,proche de celle du renard mais avec unequeue plus courte et très touffue. Son pelageest plutôt fauve avec quelques nuances grisesmêlées de noir (visibles sur le dos et lesoreilles) et deux bandes de couleur claire surle cou.Il s’accommode facilement de milieux divers,qu’il s’agisse de paysages secs ou de zones

CHIEN, LOUP OU CHACAL ?

Des recherches récentes ont montré que les animaux considérés jusqu’alorscomme des chacals en Afrique du Nord constitueraient finalement une autreespèce : le Loup doré africain (Canis anthus).

Appartenant à la même famille que le chien, le Chacal doré peut s’hybrideravec ce dernier. Ceci a été mis en évidence en Croatie. L’hybridation avec leloup est suspectée, mais n’a pas été démontrée pour l’instant.

POINTS DE VUE

Débat sur les déchets nucléaires : le dilemme de la participation

La biodiversité ne sera pas sauvée par des demi-mesures

Depuis le 17 avril et jusqu’au 25 septembre se déroule, dans une quasi-confidentialité, le débat public autourdu Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs.

Que va-t-il advenir de ce débat ? Certes, il permettrasans doute – grâce à l’apport des citoyens et desassociations opposées au nucléaire – une plusgrande transparence sur la situation réelle desmatières et déchets radioactifs en France et sur l’ur-gence à arrêter leur production et leur dissémina-tion. Quelques améliorations verront le jour à lamarge. On posera la question des alternatives à l’en-fouissement des déchets radioactifs à Bure. Mais lacollusion du lobby nucléaire avec les instances dedécision et ses manœuvres pour assurer sa survieaugurent mal d’une prise en compte des élémentsde fond par les pouvoirs publics. L’avenir prochenous le dira.

RÉGINE MILLARAKIS,

Administratrice de MIRABEL Lorraine Nature Environnement

l'entreposage à sec du combustible usé et, enfin, en prépa-rant des cahiers d’acteurs sur des thématiques majeures ououbliées.Pour autant, de nombreuses questions restent en suspens.Considérant que les choix de politique énergétique sont sys-tématiquement verrouillés par les gouvernements successifs,des associations nationales ou riveraines du projet CIGEOd’enfouissement des déchets radioactifs à Bure ont refusé departiciper à un débat dont elles n’attendent rien, sinon l’illu-sion d’un fonctionnement démocratique et participatif.Le dossier mis au débat ne fait par ailleurs pas l’unanimité.La CRIIRAD en dénonce les carences et le juge « truffé d’affirmations erronées et de présentations partisanes ». Elle met en cause notamment la sous-évaluation desvolumes de déchets, de leur durée de vie et de leur radio-toxicité.

Ce débat devrait être l’occasion de dresser un bilande la politique de gestion des matières et déchetsradioactifs, de recenser les besoins et de déterminer

les objectifs à atteindre pour l’améliorer. Ce n’est donc rienmoins que tout l’aval du cycle nucléaire pour les années2019-2021 qui est concerné par ce Plan, tant au quotidien surles sites existants que pour les projets à venir. C’est pourtantla première fois qu’il est soumis à un débat public, alors quenous en sommes à la cinquième édition.Le débat a été soigneusement préparé par la Commissionnationale du débat public (CNDP) qui a en charge son ani-mation. Plusieurs associations nationales – dont FranceNature Environnement – ont participé à enrichir les élé-ments soumis au débat en questionnant le dossier du maî-tre d’ouvrage, en alimentant la note de clarification descontroverses techniques, en réclamant des expertises com-plémentaires sur les alternatives au stockage profond et

Un million d’espèces animales et végétales pourraient disparaître de la surface de la Terre dans les prochaines décennies.

manière de percevoir et gérer la nature. Il s’agitnotamment de réorienter de façon ambitieuse etvolontariste les politiques qui nous ont amenés danscette situation : l'artificialisation des sols, la surexploi-tation des espèces, les rejets polluants, etc.Les possibilités d’actions sont nombreuses et modula-bles selon les lieux, systèmes et échelles : développe-ment de l’agroécologie, exploitation forestière et pis-cicole durable, finance verte, etc. En France, l’enjeu cléest certainement la pleine mise en œuvre de la trameverte et bleue. Car au-delà du maintien et de la restau-ration d’un réseau fonctionnel de milieux naturelsfavorables aux espèces, cette politique réinterrogetout notre aménagement du territoire : formesurbaines et accès aux services, préservation des terresagricoles, modes et infrastructures de transport, etc.

L’intérêt est qu’elle se décline du niveau national au niveau local, tant avec les outilsd’urbanisme des collectivités territoriales qu’autravers des plantations et clôtures qu’un parti-culier peut choisir dans son jardin. Elleembarque donc chacun des acteurs qui, en s’engageant avec détermination et force, contri-bueront à la reconquête de la biodiversité aubénéfice de toutes et tous.

CHRISTIAN HOSY,

Coordinateur du réseau Biodiversité de France Nature Environnement

Ce n’est pas le slogan d’une publicité choc ou laune d’un journal à sensation, mais bien leconstat dressé par 145 scientifiques d’une cin-

quantaine de pays qui ont épluché quelque 15 000 pu-blications et mené de nombreuses auditions pendanttrois ans. C’est dire le sérieux de cette alerte sur l’étatde santé de la nature lancée par le rapport de la Plate-forme intergouvernementale sur la biodiversité et lesservices écosystémiques (IPBES) publié en mai.

Ce robuste et copieux document établit sans ambi-guïté que notre espèce est à la fois la principale causeet l’une des victimes de cette dégradation massive dela biodiversité qui s’accélère et n’épargne aucunerégion du globe. Mais il représente également unappel à l’action et confirme que des solutions existent,qui impliquent un changement profond dans notre

« La collusion du lobby nucléaire avec les instances

de décision augurent mal d’une prise en compte

des éléments de fond par les pouvoirs publics »

« Des solutions existent, qui impliquent

un changement profond dans notre

manière de percevoir et gérer la nature »

Malgré son nom, leChacal doré est généti-quement plus proche duLoup commun que desautres espèces de chacalprésentes en Afrique.

>

Les documents du débat public et cahiersd’acteurs cités ici sont disponibles sur le site

dédié de la CNDP : pngmdr.debatpublic.fr

Voir également les sites du Réseau Sortir du Nucléaire et de la CRIIRAD, ainsi que les

dossiers sur le projet CIGEO sur le site de France Nature Environnement :

sortirdunucleaire.org / criirad.org / fne.asso.fr

© Christophe Gilles

4 > La lettre du hérisson > N°269 N°269 > La lettre du hérisson > 5

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> Réduire la consommation de produits animaux

Produire et consommer moins de protéinesanimales au profit des protéines végétalesrelâche grandement la pression sur les sur-faces agricoles et la ressource en eau,pour unapport nutritif équivalent. En se tournantvers une consommation de viande de meil-leure qualité, meilleure pour sa santé, onfavorise aussi le bien-être animal.

> Mettre fin au gaspillage alimentaire

En mettant fin au gaspillage alimentaire,nous pouvons épargner à l’atmosphèrel’équivalent d’1/3 des émissions de gaz à effetde serre des véhicules particuliers du pays.La lutte contre le gaspillage alimentaire favo-rise également les cercles vertueux et contri-bue à une solidarité alimentaire plus durable,offrant à tous les bénéficiaires une alimenta-tion répondant à leurs besoins d’équilibrenutritionnel.

> Proposer une alimentation sans risque,accessible à tou.tes

La sortie des pesticides (interdiction des pesticides les plus dangereux et transitionvers des modes de production moins dépen-dants des produits chimiques) freinera le déclin de la biodiversité et permettra auxsols et à l’eau de retrouver leurs richesses et qualités naturelles. Dans le même temps,elle réduira l’exposition des consommateurs,des riverains et des agriculteurs à des produits pouvant causer troubles de la ferti-lité, maladie de Parkinson, cancers…

DOSSIER

Par ailleurs, ce système industriel de l’agroali-mentaire et de la distribution tend à la guerredu prix le plus bas, sans se soucier du revenudes agriculteurs et de la qualité des produits.

DU CHAMP À L’ASSIETTEUn quart des aliments que nous absorbons ontété « transformés » d’une façon ou d’une autre(yaourts, plats préparés, pâtisseries, etc.) : lesétapes entre le champ et notre estomac sontdonc nombreuses et, avec elles, les pressionssur l’environnement. La phase de transforma-tion, qui incombe principalement à l’industrieagroalimentaire, consomme par exemplebeaucoup d’eau, nécessaire à la fabrication desproduits et au lavage des machines.

L’étape de distribution, quant à elle, est gour-mande en énergie, notamment dans la grandedistribution, pour assurer la réfrigération desaliments et le chauffage ou la climatisation desgrandes surfaces.Chaque étape (dont la dernière, la consomma-tion proprement dite) implique des transportsconsommateurs d’hydrocarbures et émetteursde gaz à effet de serre. Et chacune joue par ailleurs un rôle dans le phénomène préoccu-pant du gaspillage alimentaire : 10 millions detonnes de produits perdus et gaspillés par anen France !

VITE, UN NOUVEAUMODÈLE !On le voit, ce modèle de production et deconsommation alimentaires est incapable degarantir tant la préservation de notre environ-nement que celle de notre santé. Il est par ail-leurs source d’une sévère injustice sociale endéfaveur des petits producteurs.Heureusement, les moyens de sortir de cette spirale sont connus et ont déjà fait leurs preuves1. Reste à les mettre en œuvre collectivement.

> Favoriser les productions de proximité

La relocalisation de la production encouragela diversification des exploitations et des cul-tures et ainsi la résilience des territoires. Elleréduit également les gaz à effet de serre enlimitant les transports. Enfin, elle recrée dulien entre agriculteurs et consommateurs.

> Encourager économiquement les bonnespratiquesLa généralisation de ces bonnes pratiques pas-sera nécessairement par leur valorisation éco-nomique. L’information claire et complète duconsommateur quant aux modes de produc-tion des aliments permettra de créer une plus-value pour les pratiques vertueuses, a fortiorilorsque seront réellement pris en compte,dans le prix final, les impacts négatifs dumodèle industriel (coût des pollutions etémissions de gaz à effet de serre supportés parla société).

MISSION : ALIMENTATIONMalgré ce contexte, les habitudes de consom-mation des Français.es n’évoluent encore qu’àla marge et les ménages ne consacrent plusque 20 % de leur budget à l’alimentation(contre 35 % en 1960). Ceux qui le souhaitentsont malheureusement peu encouragés par des gouvernements bien trop conciliantsface au lobby agro-industriel. La « loiAlimentation » tant vantée par M. Macronaura ainsi constitué une belle occasion man-quée d’amorcer le nécessaire changement demodèle. Et la récente autorisation d’apposer lelabel « Bio » sur des légumes produits enserres chauffées ne fera qu’ajouter à la confu-sion des consommateurs… Car entre les ques-tions nutritionnelles, sanitaires et environne-mentales, il est difficile aujourd‘hui de trouverune information claire et fiable connectantl’ensemble des enjeux : qualités nutritives, ori-gine géographique, traitements phytosani-taires subis, saisonnalité, transformation, etc.Pourtant, les citoyen.nes sont au cœur de ladynamique alimentaire et peuvent ainsi pesersur le système pour le faire évoluer. C’estpourquoi France Nature Environnementlance à la rentrée 2019 une campagne de sen-sibilisation destinée aux 18 – 35 ans :« Mission : alimentation ». L’objectif : faciliterleur engagement dans une démarche d’ali-mentation durable, favorable à leur santé,bénéfique à l’environnement et rémunératricepour les producteurs.Diffusée pendant 10 semaines par mail, surnotre site internet et les réseaux sociaux, notrecampagne leur permettra de piocher à leurguise au sein d’un programme d’astuces sim-ples et pratiques : comment réduire son gas-pillage alimentaire et sa production dedéchets, consommer davantage de protéinesvégétales, décrypter les étiquettes, etc.Bien sûr, un.e citoyen.ne n’est pas qu’un.econsommateur/trice : l’objectif de notre cam-pagne est donc également de leur donner lesmoyens de devenir eux-mêmes ambassadeursde l’alimentation durable, en parlant aux res-taurateurs, en invitant ses ami.es chez soipour des repas locaux et bio, en partageant sesrecettes de légumineuses et ses bons plansanti-gaspi… Mieux informé.es des impacts etdes évolutions possibles de notre modèle ali-mentaire, ils et elles seront également plus àmême d’interpeller, avec nous, élus et déci-deurs pour qu’ils mettent enfin en œuvre lesorientations qui s’imposent à l’échelle natio-nale et internationale (réorientation des aidesde la Politique Agricole Commune, fiscalité,règles dans la restauration collective, etc.).Qu’on soit militant.e, curieux.se ou gour-mand.e, on se donne donc rendez-vous enseptembre sur fne.asso.fr pour le lancementde la Mission : alimentation !

ANTOINE GAILLARD

Source bibliographique : Alimentation et environnement – Champs d’actions pour les professionnels, ADEME, 20161 Voir notre dossier en ligne consacré à l’agroécologie surfne.asso.fr

SAUVER LA PLANÈTEen mangeantEn l’espace de quelques mois, la mobilisation face aux crises climatiques et environ-nementales a pris une nouvelle ampleur. Elle questionne à la fois le rôle de l’individudésireux d’agir mais se sentant impuissant et celui de gouvernements rechignant àprendre les mesures qui s’imposent. Sans mettre de côté l’indispensable lobbyingcitoyen – de façon directe ou à travers l’action d’ONG comme la nôtre – l’individuen quête d’un levier d’action lui permettant de faire une réelle différence dans sonquotidien pourra se tourner (ou plutôt baisser la tête) vers… son assiette !

66 % de l’alimen-tation mondiale repose sur9 espèces végétales

¼des émissions de GESfrançaisessont dues àl’alimentation

du nombre de microorganismes, d’insectes et devers de terre qui y vivent. Or cette petite faune dusol est essentielle pour lui apporter la matièreorganique qui le rend fertile et pour aérer la terre. La pulvérisation de ces produits entraîne par ailleurs une pollution de l’air à l’ammoniac et auxparticules. Les sols subissent également une pollution auxnitrates dans les régions où se pratique l’élevageintensif. Pour sa part, l’alimentation des animaux d’éle-vage (soja, maïs…) accapare d’importantes surfaces agricoles et peut être une cause majeurede déforestation dans certains pays. Enfin, l’irrigation massive de certaines culturesaltère l’équilibre des nappes phréatiques et descours d’eau.

Une activité aussi triviale que « faire lescourses » peut parfois s’apparenter à un par-cours du combattant. Pendant longtemps, leshypermarchés ont connu une croissance expo-nentielle, en nombre comme en surface, et,avec eux, la taille des rayonnages de denrées,alimentés par des logiques marketing faisantpeu de cas des considérations sanitaires, envi-ronnementales ou sociales. Heureusement, lesalternatives tendent à se multiplier (nouvellesépiceries, magasins de producteurs, AMAP,supermarchés coopératifs…) mais, ce faisant,enrichissent encore une offre face à laquelle onpeut rapidement se sentir désarmé.Pour autant, la demande pour une alimenta-tion durable et de qualité est bien là. Si lesscandales alimentaires récents (œufs contami-nés au fipronil, vache folle, perturbateursendocriniens…) ont avant tout placé les ques-tions de santé au cœur des préoccupations, laprise de conscience grandissante des crisesaffectant le climat, la biodiversité et le mondeagricole met en lumière les liens entre cesquestions et le rôle clef de notre modèle deproduction et de transformation des aliments.

ALIMENTATION ET ENVIRONNEMENT : DES LIENS ÉTROITSL’état de l’environnement – la richesse des solset de la biodiversité, la qualité et la disponibi-lité de l’eau… – impacte directement notre ali-mentation et, en retour, celle-ci a uneempreinte majeure sur l’environnement. Si l’ensemble de notre chaîne alimentaire estconcerné (production, transformation, trans-port, consommation…), ses impacts environ-nementaux, tant positifs que négatifs, sont enpremier lieu liés à la production agricole, quiutilise 54 % de la superficie du pays.Or cette activité repose encore trop largementsur un modèle productiviste issu du siècle der-nier et soumis à des injonctions économiques etcommerciales déraisonnables : emploi massifd’engrais et de pesticides de synthèse, concen-tration sur quelques variétés végétales et racesanimales, mécanisation à grande échelle…Autant de pratiques qui ont profondément bou-leversé l’environnement dans lequel elles sesont déployées.Engrais et pesticides modifient la compositiondes sols, entraînant notamment une diminution

« Les citoyen.nes sont au cœurde la dynamique alimentaire »

« Les moyens de sortir de cettespirale sont connus et ont déjàfait leurs preuves »

Pour ¾ desFrançais.es,le prix est le critèred’achat central Sofinco, Opinion Way, 2016

© Marion Jouffroy

© Marion Jouffroy

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Impliquée depuis deux ans dans les actions de France Nature Environnement sur le thème des forêts, Laure Subirana faitprofiter la fédération de la richesse d’un parcours qui l’a amenée, depuis son Sud natal jusqu’au Jura où elle s’est installéepour sa retraite récente, à comprendre l’importance de l’écoute et de la transmission.

LAURE SUBIRANAPasseuse de sens

PORTRAIT

et les encourager à s’ouvrir à certaines choses. On croitqu’on travaille sur un document, mais en vrai on tra-vaille sur la sensibilisation des gens qu’on rencontre.Et c’est peut-être ça le plus important, parce que cetélu, il sera amené par la suite à prendre d’autres déci-sions, au-delà de l’objet de la réunion. Et si nous avonsréussi à le sensibiliser un peu, peut-être qu’il ne pren-dra pas tout à fait la même décision… »La sensibilisation, un sujet que l’institutrice désormais retraitée connaît bien… « Quand je mebats pour sauver une mare à tritons près de chez moiface à tel voisin qui va considérer que « ça fait pas pro-pre », en fait je continue mon travail d’institutrice.Ayant appris des autres, je fais passer à mon tour. »Dès lors, la militante peut espérer une doublerécompense : la sauvegarde des tritons, et…« le regard des gens qui découvrent. C’est formidable,ce regard tout à coup élargi et pétillant ! »

ANTOINE GAILLARD

1 Longs camions transportant les troncs d’arbres coupés.

2 Véhicules lourds employés pour les opérations de coupe en forêt.

j’ai déjà pu observer les abatteuses2 en action. C’est unspectacle marquant, qui pousse à se poser des questionset à s’impliquer. »Estimant n’avoir que peu de compétences dansles questions de gestion forestière, la nouvellevenue dans le réseau hésite dans un premiertemps à prendre certains dossiers en charge.« On m’a alors expliqué qu’au contraire, le réseauavait justement besoin de quelqu’un qui a les piedssur terre, pour poser les bonnes questions aux spécia-listes. De fil en aiguille, je me suis retrouvée à repré-senter la fédération aux réunions du Contrat ForêtBois régional de Bourgogne-Franche-Comté ! »Laure illustre là une tendance bien connue ausein des associations, où les bonnes volontéssont rapidement mises à contribution sur beau-coup de projets, avec parfois un risque de décou-ragement ou d’épuisement. « Heureusement, àFNE, on arrive toujours à trouver des gens avec quion s’entend et avec lesquels on arrive à travailler enmettant en synergie les compétences et l’énergie dechacun. Et ce sont souvent des personnes ouvertes etsympathiques, ce qui rend la discussion stimulante. »On en revient ainsi à l’humain, dépositaire del’avenir du monde qui avait déjà incité Laure à de-venir enseignante. « Quand on est en réunion avecdes élus, des agents, des partenaires… je pense quenotre simple présence peut faire réfléchir ces personnes

Le rendez-vous pris dans un café au petitmatin ne pouvait souffrir de la moindreapproximation dans l’organisation :

Laure fait en effet partie de ces résistant.es deplus en plus rares à n’avoir pas de téléphoneportable. Au cours de notre entretien, ce choixde vie apparaîtra de plus en plus naturel de lapart d’une institutrice et écrivaine pour quiles questions d’attention, d’observation et deconcentration sont vitales. « Mon père, qui étaitquelqu’un de très intelligent et fondamentalementcurieux, m’a appris à regarder le monde et surtoutà me poser des questions sur ce que je voyais. J’ai donc été très tôt attentive à tout ce qui m’entourait. »Logiquement, la jeune Laure chercha alors à dé-velopper cet intérêt pour la nature environnantedans ses études. Après l’obtention d’un DUT engénie de l’environnement, une première expé-rience professionnelle en laboratoire à l’INRAl’amène cependant à réaliser que ce n’est pas àtravers un microscope qu’elle veut observer etressentir la nature. « Je me suis dit que le meilleurmoyen d’avoir prise sur l’environnement, c’était peut-être à travers l’humain et son regard. J’ai alors passé leconcours de l’Éducation nationale et suis devenue ins-titutrice. »Lorsqu’elle s’installe en Lorraine, elle arrive dansune région marquée par les ravages environne-mentaux d’une industrie sur le déclin. Noussommes en 1986 : l’accident de Tchernobyl vientd’avoir lieu, quelques mois avant que soit mis enservice le premier réacteur de la centrale nu-cléaire de Cattenom… visible depuis le balcon dunouveau lieu de résidence de Laure. « Forcément,dans un tel contexte, les problématiques environne-mentales faisaient l’objet de nombreuses discussionset j’ai fini par rejoindre les organisations citoyennesqui s’y impliquaient. »Quand, bien des années plus tard, Laure quittela Lorraine pour le Jura, elle espère alors arriverdans un territoire épargné par les excès du déve-loppement, où elle pourrait profiter d’un envi-ronnement préservé sans avoir nécessairement àle défendre. « Mais quelques mois après notre arri-vée, notre voisine est venue me voir car elle était in-quiète face aux projets d’exploitation du gaz de schistequi se trouvait sous nos pieds… et j’ai donc rejoint uncollectif anti-gaz de schiste ! »Très vite, cette nouvelle implication dans la vie du territoire l’amène à découvrir Jura NatureEnvironnement, fédération à laquelle elle adhèreaussitôt. Quatre ans plus tard, elle reçoit un appelà bénévoles du réseau « forêt » de France NatureEnvironnement. « La forêt, c’est une composante es-sentielle du Jura. Ici, on a tous vu passer les grumiers1

sur les routes près de chez soi. Et depuis mon jardin,

REPÈRES

1985 : stage de find'étude (DUT) sur lessemis forestiers à Québec

1987 : entrée dansl'Éducation nationale

2014 à 2016 : administratrice à JuraNature Environnement

Octobre 2016 : rejoint le réseau forêt de France Nature Environnement

Décembre 2016 : publie son premierroman, Hasard et Perception - Gabriel(Les 3 Colonnes)

« Je me suis dit que le meilleur moyend’avoir prise sur l’environnement, c’étaitpeut-être à travers l’humain et son regard »

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