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Santé respiratoire des femmes ; une fragilité méconnue
parDre Martine Dulude,
pneumologue Hôpital Hôtel-Dieu de Sorel
25 octobre 2019
Pablo Picasso
Woman withCigarette, 1903
Objectifs
Comprendre pourquoi la santé pulmonaire des femmes diffère de celle des hommes.
Apprécier de quelle façon les maladies respiratoires les plus courantes (ou plus rares, mais spécifiques) affectent les femmes.
Questionner comment ces différences pourraient influencer notre prise en charge des patientes atteintes ou suspectées de maladie pulmonaire.
Conflits d’intérêts
• Conférencière pour : AstraZeneca, Biron, Boehringer-Ingelheim, Novartis, Pfizer
• Aucun conflit d’intérêt relié à cette présentation
PhysiologieDifférences
socio-culturelles
Occupations/loisirs
Tabagisme
Accès aux soins/médecine alternative
Cycle menstruel
Grossesse/allaitement
Taille
… …
Fonction respiratoire selon le genre
Différence dès la naissance chez les bébés prématurés.
-moins de morbidité/mortalité par insuffisance respiratoire
-meilleure compliance pulmonaire (par différence dans la composition/fonction du surfactant?)
En général, taille des femmes < que celle des hommes :
- ↓ volumes pulmonaires- ↓ CVF, ↓ VEMS, ↓ DEP (mais ratio VEMS/CVF idem)- ↓ DLCO
En fonction pulmonaire, les valeurs prédites dépendent de la taille.
Fonction respiratoire selon le genre
Indépendamment de la grandeur et du poids, les femmes ont :
-↓ volumes pulmonaires-↓ nombre de bronches-↓ aire de surface alvéolaire (mais même nombre d’alvéoles par unité d’aire de surface)-↓ calibre des voies aériennes-↓ débits inspiratoires et expiratoires, ↓ ventilation-↓ DLCO (mais DLCO/VA idem) :
DLCO varie avec le cycle menstruel (prob par changement du volume sanguin capillaire)max juste avant le début des menstruations et min environ au J3 du cycle
-compliance pulmonaire idem
-déclin du VEMS avec l’âge plus lent chez la femme (car perte force musculaire respiratoire plus lente)
Fonction respiratoire selon le genre
Pendant l’adolescence : « dysanapsis » = croissance disproportionnée de la taille des v. aériennes et de la taille des poumons
Chez les filles, croissance proportionnée.
Chez les garçons, ↑ disproportionnée de la croissance des voies aériennes.Voies aériennes conductrices plus longues, ↓ proportion alvéoles/v. aériennes
→ ↑ résistance des voies aériennes, ↓ DEP chez les adolescents
Fonction respiratoire selon le genre
Exercice chez la femme :
- ↓ débit expiratoire de pointe (v. aériennes plus petites, volumes pulm plus petits)
- ↑ consommation d’O2
- ↓ capacité ventilatoire max (en situation N, on n’atteint jamais sa capacité ventilatoire max à l’exercice, mais les femmes se rendent plus près)
- + de désaturation à l’exercice intense
- hyperventilation inadéquate (2e morphologie pulmonaire)
- environ la moitié de la DLCO des hommes à l’exercice! (volume sanguin 40% moins grand)
- ↓ performance à l’exercice
Maladies respiratoires retrouvées surtout chez la femme
LAM (lymphangioléiomyomatose)
LAM (lymphangioléiomyomatose)
Presque exclusivement des femmes, en âge de reproduction (surtout fin 30e-début 40e)
Prévalence? ∼ 2-3/1 million des femmes au Québec?Association génétique avec sclérose tubéreuse (autosomal dominant)
10-15% (vs +?) des LAM auraient aussi sclérose tubéreuse-retard intellectuel-épilepsie-tumeurs bénignes multiples (peau, cerveau, organes…)
et plus à risque de développer des cancers
2015 au Québec : 38 pts avec LAM dont 9 avec aussi sclérose tubéreuse1004 pts avec sclérose tubéreuse
-Clinique : - destruction pulmonaire kystique- dyspnée à l'exercice progressive- pneumothorax récidivants- chylothorax/chyloascite- tumeurs abdominales (angiomyolipomes)- hyperT pulmonaire
-CT : -kystes diffus, ronds, bilatéraux, à parois minces de tailles variées (1-45 mm)-chez ptes avec sclérose tubéreuse : nodules (hyperplasie pneumocytaire micronodulaire multifocale)
-Anomalie la + fréquente aux TFR : ↓ DLCO
*Rôle important des hormones féminines (œstrogènes, prolactine) dans l’induction et la progression de la LAM
-prédilection pour femmes en âge de reproduction-exacerbations pd grossesse, cycle menstruel et avec oestrogènes exogènes
(contraception, Tx de fertilité)-détérioration plus lente après la ménopause-récepteurs hormonaux sur les cellules de LAM
Patho : infiltration musculaire lisse de parenchyme pulm, v.a., lymphatiques, vx + changements kystiques à parois minces
Tx : -sirolimus (inhibiteurs mTOR)=inhibition de la prolifération des cellules musculaires lisses
-éviter suppléments d'oestrogènes, grossesse
Hypertension artérielle pulmonaire idiopathique
Hypertension artérielle pulmonaire :
Prévalence estimée : 5-15/1 million1,7 à 4,8 femmes : 1 homme
HAP idiopathique :
Surtout jeunes femmes dans la 30aine?
Œstrogènes = facteur de risque pour développer HAP
HAP = vasculopathie proliférative des artérioles pulmonaires
Souvent le seul Sx : dyspnée à l’effort
Autres Sx : -fatigue-douleurs thoraciques-éventuellement : signes d’insuffisance cardiaque droite, syncopes
Survie médiane dans les années 1980 : 3 ans
2012 :
Pneumothorax cataménial
• Pneumothorax récidivant dans les 72 heures avant ou au début des menstruations• Souvent associé à endométriose• Extrêmement rare
Hémoptysies cataméniales• Hémoptysies récidivantes dans les 72 heures avant ou au début des menstruations• Souvent associé à endométriose• Extrêmement rare
Hémothorax 2e endométriose
Maladies respiratoires retrouvées de façon plus fréquente chez la femme
Pneumopathies associées aux maladies auto-immunes
Pneumopathies interstitielles (fibrose pulmonaire)Hypertension pulmonaire
…
Embolies pulmonaires***lien avec hormones (contraceptifs surtout chez fumeuses, grossesse, hormonoTx)
…
Généralement, en grossesse, ↓ Sx de mal auto-immunes
↑ réactivité immunitaire chez la femme
Maladies respiratoires avec évolution différente chez la femme
1) MPOC
2) Asthme
3) Cancer pulmonaire
4) Apnée du sommeil
5) Fibrose pulmonaire idiopathique
1) MPOC
Facteurs de risque de MPOC
Hommes Femmes
Tabagisme -Pic ds années 1970 aux É-U -Pic ds années 1980 aux É-U, continue d’augmenter ds pays en voie de dével
-↑ sensibilité au tabagisme
Expositions occupationnelles Agriculture, mines, différentes industries -Bcq plus de femmes qui travaillent maintenant dans des milieux traditionnellement masculins
-Traditionnellement, + de textiles, cuivre, céramique, verrerie, etc.
Expositions non-occupationnelles ↑ importante de pollution extérieure dsplrs pays, hommes ont souvent travail
avec + déplacements à l’extérieur
-↑ expo à pollution extérieure avec ↑ travail ds milieux + masculins
-Expo importante à pollution intérieure dspays en voies de développement
(cuisson/chauffage avec biomasse)
Asthme Asthme = comorbidité + fact risque MPOC Femmes asthmatiques + à risque de MPOC et + utilisation soins de santé
Facteurs génétiques Prédisposition à MPOC sévère en jeune âge
Infections Pneumonies + fréquentes IVRS + fréquentes
Écart entre les sexes en 1978 : 10%en 2018 : 2%
Ds pays en voie de développement, on prévoit que tabagisme chez les femmes va continuer d’augmenter ad 20% en 2025.
Ds plrs pays développés, la prévalence de la MPOC chez les femmes a même dépassé celle des hommes.
Qi Gan, Wen et al. Female smokers beyond the perimenopausal periodare at increased risk of chronic obstructive pulmonary disease : a systematic review and meta-analysis. Respiratory Research 2006, 7:52.
Les femmes fumeuses ont 50% plus de risque de développer une MPOC que les
hommes fumeurs.
Sorheim, Inga-Cecilie et al. Gender differences in COPD : are women more susceptible to smoking effects than men? Thorax 2010;65:480-485.
Chez fumeurs < 20 P-A,Femmes ont VEMS plus bas que les hommes pour la même exposition tabagique
> 20 P-A : pas de différence
Chez les pts MPOC < 60 ans, les femmes ont une MPOC plus sévère pour une exposition tabagique plus légère.
Pourquoi les femmes sont-elles plus susceptibles aux effets néfastes du tabagisme?
Hypothèses :
Susceptibilité génétiqueFamilles avec prévalence très élevée de MPOC chez les femmes
Poumons plus petits et v. aériennes plus petites = plus d’exposition pulmonaire pour la même qtt de cigarettes
Exposition à la fumée 2e, différences dans le type de cigarettes ou la technique d’inhalation
Différences hormonales dans le métabolisme de la fumée de cigarette (cytochromes P450 ↑ par estradiol)
Les femmes avec MPOC sévère sont à plus haut risque d’hospitalisation, de décès par insuffisance respiratoire et de comorbidités que les hommes.
Depuis année 2000, aux États-Unis, plus de femmes que d’hommes décèdent de la MPOC.
Chez les femmes avec MPOC (surtout sévère), bronchite chronique > emphysème
(reflète la MPOC associée à pollution intérieure?)
Biais dans le diagnostic de MPOC
Femmes sont moins susceptibles d’avoir un dx de MPOC (spirométrie) que les hommes
MPOC traditionnellement associée aux hommes
Sx de présentation différents : -plus de dyspnée-plus de toux-moins d’expectorations-plus de fatigue-plus de symptômes anxio-dépressifs
Moins d’accès aux soins de santé (surtout pays en voie de développement)
Est-ce qu’on devrait traiter différemment les hommes et les femmes atteints de MPOC?
Pour l’instant, très peu de données.
-Corticostéroïdes inhalés semblent moins efficaces chez les femmes que chez les hommes pour réduire les expectos, mais plus de détérioration clinique à l’arrêt des CSI.
-Macrolides chroniques (azithromycine) semblent plus efficaces chez les femmes.
-Plus de bénéfice émotionnel & psychosocial de la réadaptation pulmonaire chez les femmes, mais moins d’effet soutenu à long terme de la réadaptation.
-Pour l’arrêt tabagique, les hommes semblent mieux répondre aux thérapies de remplacement nicotinique, mais les femmes semblent mieux répondre aux effets gustatifs/sensitifs.Bupropion (Zyban) & varenicline (Champix) : pas de différence.
2) Asthme
Chez les enfants 0-14 ans, il y a moins de visites à l’urgence & d’hospitalisations pour asthme chez les filles que chez les garçons.
Dysynapsis chez les garçons (croissance non proportionnelle des poumons et des v aériennes)
Association asthme-obésité chez les filles seulement (pas chez les garçons).
Enfance
PubertéAsthme ↓ chez les garçons et ↑ chez les filles.
↑ hyperréactivité bronchique chez les filles, reliée au cycle menstruel.PC20 diminue de moitié pendant le cycle menstruel, niveau le + bas pendant la phase lutéale (pic œstrogène + progestérone)
Ménarche hâtive ↑ 2x risque de développer de l’asthme
Âge adulte
-Plus d’association asthme-obésité chez les femmes 12-44 ans-Plus d’asthme sévère chez les femmes : 4,4 femmes : 1 homme-Plus d’utilisation des soins de santé pour asthme-Exposition à la fumée 2e et à la pollution extérieure est associée à une augmentation de la prévalence de l’asthme chez les femmes, mais pas chez les hommes.
Femmes avec asthme prémenstruel (1/3 des femmes asthmatiques): + à risque d’asthme sévère.Contraceptifs semblent protecteurs.
↑ risque d’asthme de façon linéaire avec le nombre de grossesses
Ménopause
↓ Sévérité de l’asthme entre 50 & 65 ans chez les femmes ménopauséesEffet protecteur annulé par hormonoTx, surtout œstrogènes conjugués
3) Cancer pulmonaire
Cancer le plus fréquent (sauf cancers de la peau non-mélanomes) et 1ère cause de mortalité par cancer chez l’homme et chez la femme.On estime que, au Canada, environ 1 femme sur 15 sera atteinte d’un cancer du poumon au cours de sa vie et que 1 sur 19 en mourra.
**Études contradictoires ++ sur susceptibilité des femmes aux effets cancérigènes du tabagisme
Incidence & mortalité 2e cancer du poumon toujours plus grands chez les hommes que chez les femmes.
Plus jeunes, plus de non-fumeuses, plus d’adénocarcinome
Meilleur pronostic chez les femmes :-meilleure réponse à la chirurgie et la chimiothérapie-diminution de la mortalité opératoire
4) Apnée du sommeil
Grossesse
Ménopause
↑ ronflement↑ apnée obstructive du sommeil
6-15 sem de grossesse : 3,6% des femmes22-31 sem de grossesse : 8,3% des femmes
Femmes post-ménopausées ont 2,6x plus de risque d’avoir SAHOS (IAH > 5) que femmes préménopausées.3,5x plus de risque d’avoir SAHOS sévère
Est-ce qu’hormonoTx pourrait aider?
**Femmes souvent sous-diagnostiquées.
En 2016-2017, 6,4% des canadiens avec dx de SAHS
5) Fibrose pulmonaire idiopathique
IncidenceHommes : 6,4/100 000 pers-annéesFemmes : 5,9/100 000 pers-annéesÉtats-Unis
Hypothèse
Femmes auraient une protection contre les maladies reliées au vieillissement par telomères + long (sur chromosomes), raccourcissant moins vite 2e oestrogènes,donc moins de production de radicaux libres.
Raghu, Ganesh et al. Incidence and prevalence of idiopathic pulmonary fibrosis in US adults 18-64 years old. Eur Respir J 2016; 48: 179–186
Conclusion
Des différences importantes existent entre les femmes et les hommes, autant du point de vue physiologique que culturel, et elles doivent être prises en compte chez nos patients pour une meilleure prise en charge.
Il faut questionner les femmes atteintes de maladie pulmonaire sur les liens hormonaux possibles de leur maladie (cycle menstruel, grossesse, contraceptif, ménopause, hormonoTx, etc.)
Garder en tête que la présentation et l’évolution de la maladie peut être différente entre les femmes et les hommes.
Les femmes fumeuses ont 50% plus de risque de développer une MPOC que les hommes fumeurs.
À l’ère de la thérapie personnalisée, des options thérapeutiques différentes selon le genre à suivre??
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Références