sainte-beuve livre d'amour 1904

7/24/2019 Sainte-Beuve Livre d'Amour 1904

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G. A.

SAINTE-BEUVE

de

l'Acadmie

Franaise

Lwre

d

Amour

PRFACE

JULES

TROUBAT

Amor

ck'a

nullo

amato

amar

perdona.

Dante.

Si

faut-il

une

fois

brler

d'un

feu

durable.

La

FosTAiME,

lgies,

II.

PARIS

A.

DUREL,

LIBRAIRE

21,

RUE

DE

l'ancienne-comdie,

21

9

ET

II,

PASS.VGE

DU

COMMERCE

(vi )

Dcembre

igoi


8/228


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JUSTIFICATION

DU

TIRAGE

45o

exemplaires pelil

in-S

numrols

la

[)resse (i

'400)

sur beau

papier

vlin

d'Arches,

fabriqu

spcialemcul

pour celle dition.

5o

exemplaires in-8

numrots

la

presse

il

L),

texte

r-

impos,

sur papier

du

Japon

la

forme.

Plus

quelques

exemplaires

destins

tre oiferls.

N

104


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G.

A.

SAINTE-BEL

VE

de

l'Acadmie

Franaise

Lwre

d

Amour

PRFACE

JULES

TROUBAT

Amor

ch'n nullo

amalo

amar

perdona.

Dante.

Si faui-il

une

fois

brler

d'un

feu

durable.

La

Fontaine,

lgies, II.

PARIS

A.

DUREL,

LIBRAIRE

21,

RUE

DE

l'ancienne-comdie,

21

q

ET

II,

P

.\ S

S

\ G

E DU

COMMERCE

(

V l')

Dcembre

U)o4

^^.^

516827


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PREFACE

M.

Alfred Asseline

a racont qu' la

suite

d'une longue conversation,

o

ils n'avaient

chang que

de

la

tristesse,

M*

Victor

Hugo

lui

avait

dit,

dans son salon,

ce

soir-l

solitaire,

de Guernesey

:

Tu

m'criras

ce

beau

vers

que

tu

citais

tout

l'heure...

M.

Asseline

le

rappelle

la suite

:

Le

Temps,

vieillard

divin,

honore

et

blanchit

tout'.

C'est le dernier

vers

d'un des

plus

beaux

sonnets qui

composent

ce

volume.

Il

devrait

tre

l'pigraphe

de

tout

le

Recueil.

Ce Livre

d'Amour

est

assimilable

de la

mu-

I.

Alfred Asseliine,

\'icior

Hugo intime...,

p.

285, Paris,

Marpon et Flammarion, i885.


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VI

PRFACE.

sique de

cliainbre.

Il faut

aimer

Ijeaucoiip la

Posie

proprement

dite

pour

prendre

plaisir

le lire

et se

laisser,

pour

ainsi

dire, envelop])er

et

pntrer

par

elle. Ceux

qui n'y chercheraient

que

la

satisfaction

d'une

curiosit

malsaine et

badaude

seraient encore

plus

dus.

11

complte le

Recueil des Posies de

Sainte-

Beuve,

et

c'est

ce

titre que

nous

le

publions,

tel

qu'une

premire

dition,

un

nombre res-

treint

d'exemplaires,

en

avait paru

en i843.

L'heure

de

la postrit a

sonn pour

ces

der-

niers

vers,

sans

qu'il

y

soit

besoin, dsormais,

de

plus

de

mystre.

On

n'en parlera plus

mots

couverts,

et c'est

ce

que

l'auteui-

avait

prvu

lui-mme,

quand

il

dictait la note suivante

son

secrtaire

:

Ce

sont

ici

des

vers

d'amour composs

autre-

fois, en ce

temps

o

l'on avait le

bonheur

de

la

jeu-

nesse, des

vrais plaisirs et

des vrais tourments.

On

s'est

dcid

en

assurer l'existence, parce

qu'ils ont

t

faits, de

l'aveu des

deux tres intresss,

pour

consacrer

le

souvenir

de

leur

lien.

Ils portent

avec

eux,

d'ailleurs,

leur

explication

plus

que

sufiisante,

et

n'en

soufTrent

pas

d'autre ici.


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PRFACE.

vu

Fruit rare

et

mystrieux de

plusieurs annes

d'tude, de

contrainte et

de

tendresse,

ils

se

ressen-

tent

par

moments

de ce

manque

de

grand

air

et

de

soleil

;

ils

ont

sans

doute

des

parties

difficiles

et obscures;

mais

ils

y

gagnent

du

moins pour la

vrit,

la

sincrit.

Ceux

qui,

tt

ou

tard,

y

jetteront

les

yeux

pourront

y

remarquer

un mlange et

comme

un

conflit de

deux

inspirations

que le

pote

n'a pas

fondues sans doute

autant qu'il

aurait fallu.

L'amour

antique,

fatal, violent,

y

perce

et

revient

djouer par

accs

l'amour

chrtien, mystique, idal, qui se

flattait

de

rgner. Cette contradiction

et ce

combat

taient

une

partie

de l'orage

mme

que le pote

agitait en son

cur

et qu'il s'est

born

tcher d'ex-

primer.

S'il

lui

tait

permis

de

s'expliquer

par ses

^j^ro-

pres exemples,

il

dirait

que

la manire

de

Joseph

Delorme

revient

ici

traverser

et

troubler celle

des

Consolations, qu'il

y

a

mlange, hlas

et

obscur-

cissement.

On trouvera

peut-tre

qu'il

y

a

chute.

Du

moins,

encore une fois, la posie en

est

sincre,

et

l'me

a

coul

par

la

blessure.

Le

temps

apaise bien

des choses.

L'auteur

avait

dj

fait

entrer

un

certain

nombre

de ces pices

dans

l'dition de

ses


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VIII

PRFACE.

Posies en

deux volumes

qui

parurent,

en

i863,

chez

Michel Lvy,

et

qui

ont

fait partie,

depuis,

dune

faon

dfinitive,

de

la Collection elz-

virienne d'Alphonse

Lemerre, avec

Notice

par

M.

Anatole

France.

Il

ne semble nullement

malsant

aujourd'hui,

du

moins

l'diteur

responsable,

de

reproduire

ce

Livre

d'Amour

dans

son

intgrit

premire,

et

c'est

mme

la

meilleure rponse faire aux

apprciations

malveillantes

et de

parti pris,

portes

sur

une

publication

discrte,

faite,

de

l'aveu

des

deux

tres

intresss,

pour

consacrer

le

souvenir

de

leur

lien

.

11 ne

s'agissait

que

d'assurer

l'existence

d'un

fruit

rare

et

mystrieux

de

plusieurs annes d'tude...

C'est

mal

connatre

l'homme

de

lettres

en

gnral, et

le

pote

en

particulier, que

de

sup-

poser qu'une uvre

de

recueillement

comme

celle-l et

pu tre

et

rester

tout

jamais en-

terre

toute

vive. L'injure

est

facile,

surtout

aux espces

dnigrantes.

Ce

qui

l'est

moins,

c'est de

donner

l'expression

dlicate

ce

mal

d'amour

et

de

jDosie,

qui

a

coul

par

la

blessure .


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PRFACE.

IX

Sans

doute,

il

n'y

a

pas

de

posie en

l'air.

Lame

etBatrix

ne

sont

pas

de vaines

chimres.

Sainte-Beuve

serait

plus

grand

qu'Homre,

Ptrarque

et

Dante,

si

la

passion

exprime

ici

n'avait

t

que

de

pure

fiction.

Aucun critique,

digne

de

ce

nom,

n'oserait

le

soutenir,

et

c'est

la

critique

elle-mme

qui

signerait son

abdi-

cation.

JULES

TROUBAT.

P.

-S.

On

a

joint

cette

dition

les

notes

autographes

de

l'auteur,

qui se

trouvent

sur

l'exemplaire

de

la

Bibliothque

nationale, reli

avec les

Posies

compltes

de

Sainte-Beuve^

(Paris, Charpentier,

i84o),

et donn par

M.

Paul Chron,

de

ladite Bibliothque.

Le

donateur le tenait

de

Sainte-Beuve,

qui

avait

joint

ce

legs partiel, fait

un ami,

deux

cassettes,

pleines

de

lettres.

I. Sainte-Beuve

avait

crit

sur

la

feuille de garde de

l'exemplaire de ses

Posies

compltes,

auquel il avait joint

le

Livre

d'Amour

:

Lege

atque

tace,

et

Jidei

tuse

commissum

secreto

in

posterum

serva.

Il

n'y a

pas

de mystres pour

la

postrit,

qui

les

vente tous.

b


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X

PRI%FACE,

On

publierait

un

mmoire

curieux

et

piquant

avec

l'histoire

des

lettres

revendiques

la

mort de

Sainte

Bcuvo.

Tout

s'arrangea

l'amiable avec

la princesse

Mathilde,

grce

au

bon

concours

de

Gustave

Flaubert, qui

inter-

vint

pour

la

dfense

du

lgataire

universel

de

Sainte-Beuve,

et

aussi au choix que

celui-ci

avait

fait

d'un

bon avou.

M*

Cheramy.

Les

lettres, lgues Chron,

furent

distraites

de

la

succession,

comme

n'en

intressant

ni

l'actif ni le

passif, et

remises

leur

destina-

taire, dont

le

nom

tait

crit

sur

les

cassettes,

dans

le cabinet de

M.

Benot-Ghampy, au Palais

de

Justice,

la

suite

d'un

rfr,

rendu par

ce

magistrat. On a

su,

depuis, quelles avaient

t

brles,

en petit

comit, aprs

la mort

du

bibliothcaire

conservateur,

sous

l'il

du

docteur

Chron,

fils,

dcd

lui-mme, qui

crut

devoir

en

faire

ce

sacrifice.

Un

dernier

mol

pour

ne

rien

laisser

dans

l'ombre.

Cette

prface

tait

crite

avant la

publication,

par

la

Revue

de

Paris,

du

i

juil-

let

1904,

de Lettres

une

jeune

fille,

o Sainte-


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PRFACE.

Beuve,

rpondant

une

question

qui

lui

a

fait

dire

ailleurs

:

Moi

je

chantais pour

tre aim

'

crivait

le

28

janvier

i858

:

J'ai

des

vers

bien

anciens

et

non

publis,

non

publiables...

Gomme

cela

ne

s'adresse ni

une

Iris

en

l'air,

ni

une

nuageuse Elvire,

mais

un

tre

fort

rel

et

fort

existant, cela

n'est

pas

publiable

et ne

le

sera

peut-tre

jamais

convenablement.

Celui qui excutera aprs

moi mes

volonts

sera

juge

souverain,

dans

sa

dlicatesse.

Sans

le

vouloir

(on peut

nous

en

croire),

nous

avons

parl

aussi,

plus haut,

de

posie en

l'air, et

nous

ne

pouvons

l'attribuer qu'

une

rminis-

cence

d'ide et

de

style,

qui

nous est

revenue

notre

insu.

Comme

le

secrtaire

de

Montaigne

en

voyage, nous imitons

le

matre

avec

lequel

nous avons si longtemps

vcu

et

respir le

mme

air.

Notre

dtermination

de

publier

le

Livre

d'Amour tait

dj

prise aussi,

avant

de

connatre

la latitude

que

Sainte-Beuve

laisse

ici

celui

qui

excutera

ses

volonts

aprs

lui,

et nous l'avons

trouve

corrobore

dans

un


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25/228

Je

ne

publierais

pas le

Livre

d'Amour,

si

je

supposais

qu'en

le

publiant

je vais

l'encontre

des

dsirs

de

Sainte-Beuve.

On

a dit

que

lorsque

le

livre

fut

imprim

en

1843, ((

quatre

ou

cinq

exemplaires,

distribus

sous

le

manteau,

furent

aussitt

retirs

par

leur

auteur,

qui

fit

dtruire

tous

les

exemplaires

du

Livre

d'Amour,

sauf

un

annot

par

lui

et

quelques

autres

qui

se

dissimu-

laient,

relis,

la

suite

de

certains

de

ses

ouvrages

j)

(Eclair,

8

octobre

1904).

Ces

affirmations

si

nettes rsu-

ment

les

bruits

qui

courent

depuis

soixante

ans

parmi

les

bibliophiles.

Elles

sont

contraires

aux

intentions

vraies

du

pote,

qui

a

voulu

que

l'existence

de

cet

ouvrage

ft

assure,

comme

il

l'a

dclar

par la

noie qu'il

a dic-

te

M.

Troubat,

et

que

celui-ci

reproduit

dans

la

pr-

face

ci-dessus.

L'assertion

de

M.

roubat

est

d'ailleurs

confirme par

un

document

sign

de

la

main

de

Sainte-

Beuve.

La

Revue

des

Deux

Mondes

a

publi,

cette

anne


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27/228

NOTE

DE

L'DITEUR.

iv

INTENTION

EXPRESSE

EST

QUE CE LIVRE

NE

PERISSE

PAS.

S'il devait retarder lui-mme cette

publication,

il la

recommanderait, aprs lui,

quelque

autre

de

fidle et

de

sur.

Je

n'ignoi'e

pas qu'un jour,

sous une

impulsion

dont

le

mobile

nous

chappe,

Sainte-Beuve

a

dtruit

la

presque totalit

de

ces

2o4 exemplaires.

Mais

je

sais

aussi

qu'il ne

les

a

pas tous

dtruits.

Je

sais, ainsi

que

M. Troubat

le

rappelle,

qu'il

laissait

en i858

son

lgataire

la

libert

de publier

ces

vers d'amour.

Et

je

ne puis

m'empcher

de

croire

qu'il

avait

gard

un

faible

pour eux,

que son

excuteur

testamentaire,

qui

le

connaissait

bien,

a

t

fidle

sa

pense

de derrire

la

tte

en

se dcidant

les

faire imprimer

et

que

moi-mme,

en

les

publiant vingt

ans aprs

qu'a

dis-

paru

la

dernire

des

trois

personnes qui

ne devaient

pas voir

cette

publication

,

je

ralise

u l'intention

expresse

de

l'auteur.

{Note

de

l'diteur.)


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INVOCATION.

3

Voil ce qu'ils m'ont

dit,

ceux

qui

connaissent l'me;

Je

les

crois, et j'attends

la

tempte

et la

flamme;

Je

cherche

autour de

moi,

comme

un

homme averti,

Demandant

mon cur :

a

N'ai-je

donc rien

senti?

Et

comme, l'autre soir, quittant

la causerie

D'une

femme

pudique

et

saintement

chrie,

Heureux

de

son

sourire et

de ses doigts baiss,

Je

revenais, la lvre et

le

front

embrass;

Comme, en mille dtours,

la

flatteuse

insomnie

Faisait luire

mes yeux

son image

bnie.

Et qu'

travers

un

bois, volant

pour la saisir.

Mon

me se

prenait

aux

ronces

du dsir,

Un moment

j'esprai que,

fondant

sur

sa proie,

Amour

me

dchirait, et

j'en

eus

grande

joie.

Mais tout s'vanouit bientt

dans

le

sommeil.

Et je

ne

sentais

plus

de blessure

au rveil.

Amour, o

donc es-tu?

descends,

vautour

sublime;

J'talerai

mon cur

pour qu'il

soit

ta

victime;

Je

t'ouvrirai

ma

veine

et mon

flanc

tout

fumant;

Docile

ton essor,

comme

un

crdule

amant.

J'irai,

j'irai

partout

o

montera

ton

aile;

Je

chrirai sans

fin

ta

morsure

ternelle.


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k

LIVRE D-A.\fOUR.

Tu me

seras

Ugcr

et

doux,

matre

ador

Jamais

gazon

fltri,

jamais sable

altr,

Jamais

guerriers

mourants

dont la

plaine

est jonche

I\

'ont

plus

avidement

bu la pluie

panche

Que

moi,

rdant,

la nuit, aux

lieux

les

plus

dserts,

Je

ne boirai

mes

pleurs

cuisants,

mes

pleurs

amers.

Oui,

mme sans

bonheur,

mme

sans esprance,

Quelque passion

folle,

abme de

souffrance.

Quelque

amour dsastreux,

flau

de tout devoir;

Oui,

pourvu

qu'il

dchane

en

moi

tout

son

pouvoir.

Pourvu

que bien

avant dans ma

chair

il

se plonge.

Qu'il

aiguise

mes

jours et

sans piti me

ronge;

Qu'importe? je

l'accepte

et

je

m'attache

lui.

Plus de

fade

langueur, de

vague et

mol

ennui;

La

tempte,

en

soufflant

dans

une

me largie,

Des

hautes

facults

rallume

l'nergie;

La

foudre

clate

en

nous,

et

si

l'homme

est

vaincu.

Avant

de

succomber ,

du

moins

il

a vcu.


33/228

//

N'avoir qu'un seul dsir,

n'aimer

qu'un

tre

an monde,

L'aimer d'amour

ardente,

idale

et

profonde;

Voir

presque tous

les

jours,

et

souvent

sans

tmoins.

Cette

beaut,

l'objet de

mes uniques soins;

Lui

parler

longuement

des

doux secrets de l'me.

De

l'une et

l'autre

vie;

et,

sitt

que

la

Jamme

Qui

sort de

son regard s'est

trop mle

au

mien,

Ralentir

tout

coup le

rapide

entretien;

Sous

ma

paupire

en

pleurs

noyer tnon

tincelle;

Refouler

les torrents

de mon

cur

qui ruisselle;

Me taire,

ou

lui

parler

d'un

accent moins

aimant.

De

peur de donner

jour

l'attendrissement;

Ou

bien

quand,

prs de

moi, muette,

indiffrente

,

Elle

livre

au

hasard

sa rverie

errante,

Moi

devant

qui

toujours

elle

est

seule,

elle

est tout,

Etre l

comme

un

meuble,

en

silence,

debout;


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35/228

III'

Oh

que

son jeune

cur

soit

paisible et

repose.

Que rien

n'attriste

plus

ses yeux

bleus

obscurcis

Pour

Elle le

sourire

ou

les

larmes

sans

cause

Pour

moi

les

vrais

soucis

Pour

moi

le

sacrifice

et sa

brlante

veille.

Le

silence

et l'ennui

de

ne

rien

exprimer.

Comme

au

novice

amant

qui

croit que

c'est

merveille

Qu'on

puisse

un

jour l'aimer

Pour

moi,

lorsqu'en passant

son

frais

regard

m'attire

Et dit avec bonheur

:

Ami,

ne

viens-tu

pas?

Pour

moi,

comme

un

fardeau,

dlisiter

lui

dire

Mon

cur

et ses combats;

1.

Fait

non

pour

elle

directement,

mais

dans

sa

pense,

et

en

dguisant

la

couleur de

ses

yeux

;

ce

devait tre

mis

dans un roman.


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39/228

L'ENFANCE

D'ADLE.

H

Car

l'amour

forcen,

pauvres

femmes,

vous

prend,

N'importe

o,

vierge, pouse ou

mre, allant,

courant

Thtre

et bals, assise

au

foyer

domestique

\

Et

malgr

vos

remords,

vos

cris,

folle

ou

pudique.

Vous

enlace

cent

fois

et

vous

tord dans ses

nuds

Mais

que

c'est

pis sous l'il

d'un

matre

souponneux,

Adle tendre agneau

que

de

luttes dans l'ombre.

Quand ton lion

jaloux,

hors

de

lui, la voix sombre.

Revenait

usurpant

sa place

ton ct.

Redemandait

son

droit,

sa

part dans

ta

beaut.

Et qu'en ses bras de

fer,

brise,

vanouie,

Tu retrouvais

toujours

quelque ruse

inoue

Pour te

garder

fidle

au

timide vainqueur

Qui

ne

veut

et n'aura

rien

de

toi

que

ton

cur

Va

je

te

sens,

Amie;

et

ton

secret supplice,

Tes torrents

refouls,

silence,

sacrifice.

Mystre inaccompli

qui gne

renfermer.

Vux,

soupirs,

sein

brlant

en proie au mal d'aimer.

Paupire

appesantie,

immense,

ouverte peine.

Mariant

sa noirceur

des sourcils

d'bne,

1.

Se

rappeler

Thocrite,

Idylle

II,

vers

135.


40/228

i2 LIVRE

D-yiMorn.

Larmes

fixes

luisant dans

des

yeux

embrass.

Lvre aride

ayant

soif

d'aveux

et

de

baisers,

Puis les sensations

d'tincelles errantes,

Tout le

sang

qui

fourmille et

des

langueurs

mourantes.

Va,

je

te

sais,

Amie;

au prisme de

ma

foi,

Au miroir

de mon

cur,

je

te

contemple en

moi;

Absent,

j'ai

l

ta

vie dlumine

et peinte;

L, mut et

jour,

j'entends

chaque pas,

chaque

plainte.

Et tu

ne peux rien

dire,

imaginer,

sentir.

Qui

n'y vienne

l'mstant

briller ou

retentir.

Ainsi, quand,

notre

espoir,

ta

tante

l'Espagnole,

Qui connut

trop

l'amour

pour

l'estimer

frivole,

Arrive,

l'apportant

un

message ador,

Je crois te

voir

bondir

comme un

faon

altr,

La

presser,

l'embrasser,

et, si de chambre

en

chambre

Elle

fuit,

tu la suis tremblant

de

chaque

membre.

Comme

ce

faon

suivrait

dans

les

bois

de

Windsor

Sa

mre,

implorant

d'elle un peu de

lait encor.

Ce

que j'ai dit\

ce que j'ai

fait,

et mon visage

Et

mon

accent, s'il

a

sembl

de

bon prsage.

Tu

veux

tout;

pour

te plaire

il

faut

tout repasser.

Et, quand

on a

tout

dit, tu

veux recommencer.

1

.

Ainsi

Mcde

dans le po'cnie

des

Argonaulcs, livre

111,

vers

^.


41/228

L'ENFANCE D'ADLE.

13

N'est-ce

pas

vrai,

dis-moi?

dis si

mon

cur

devine

Et

ton

acre

insomnie,

et ta joie enfantine,

Et

durant

tes

oublis, aux

instants

les

meilleurs,

Ton

souris

ngligent

gar dans

les

pleurs.

Non,

tant

d'amour

n'est

pas

de ces

tides

contres,

Paris

ne

mrit

point

ces

passions

sacres

;

Son

soleil

est

trop

froid

et

son

monde trop

vam

.

Femme, o

donc

as-tu

pris ta

part du

feu

divin?

Oii

posa ton

berceau ?

Quel soleil

d'Idume

Fconda

longuement

ton

enfance

embaume.

Et

du

plus

chaud

arme

et

du

plus doux

poison

Couva le

sourd

mlange

au

fond

de

ta raison

?

O

naissent

les

beauts

pareilles

la

tienne?

Ou sont

les

pas

tranants,

l'allure

ionienne.

Les noirs

cheveux

lustrs

sur un col

obscurci,

L'il

aigu

d'pervier

armant

un

fier

sourcil,

Oui,

d'un

jeune

pervier

qui

s'tonne

et

se

dresse,

Tout le reste

ineffable

en

douceur et

paresse?

O

sont

tes surs

enfin

?

je

me

le

dis

souvent.

Un

jour,

un

voyageur

revenu

du

Levant,

A ton

type hardi

crut

voir

une

Maltaise.

Moi,

ton me

plutt me

dit

sainte Thrse,

Trop

tendre,

et

s'immolant,

et,

le

corps

consum,

Jonchant

la

dalle

humide aux

pieds

du

Bien-aim;


42/228

1U

LIVRE

D'A M OU

fi.

Ou

Celle,

Celle encor

du

couvent

prs

du

Tage,

Qu'un regard d'tranger atteignit

au

passage.

Et

qui, depuis

ce jour

o

vola son aveu,

I\ adora

que

l'ingrat

l'autel

de

son Dieu\

Mais pour

qu'en

tout ceci tu sois

juge

suprme.

Je

te

vais

raconter

ton

enfance

foi-mme.

Quoi

qu'il

semble

d'abord, elle est

ne

Paris.

D'un

lait paisible et

doux ses

premiers ans nourris.

Tous

pareils,

n'eurent point

de

couleur

ni de

nombre;

Les

gouttes,

sans compter, passaient,

glissaient dans

l'ombre,

Avant

de

luire au

jour,

l'onde s'amoncela;

Avant d'tinceler,

le

beau

fruit

se

voila.

La

Rveuse,

longtemps

muette, enveloppe.

De

chants

intrieurs n'eut point l'me occupe,

Et

ses

pleurs

ternels

qu'en vain

l'on essuyait

Disaient

que

quelque

chose

en elle s'ennuyait.

Seulement au

berceau de

l'enfance

pleureuse

Une mre

veillait,

de sa

fille

amoureuse.

Et,

calmant

chaque

fois

les

ennuis apaiss.

Faisait

tous ces

sanglots

expirer

en

baisers;

J . [.a

Hflliriciisc portugaise.


43/228


44/228

16

LIVRE

n- AMOUR.

Elle

n'a

point connu

la (jat

matinale,

Ml

sa jeune

voix aux

chants

que

l'aube exhale,

Pill

la

haie en

fleurs

et

le

premier

fruit

mr,

Ou

bondi,

blanc

chevreau

qu'enivre un

lait

trop

pur.

Ce

temps-l

fut

pour

elle un lony

vide, une

attente;

Nul

prlude

en

son

tre

avant

Vheure

clatante

;

Rien n'y

devait

briller qu' la haute

clart.

Et

la

qrce

elle-mme

attendit

la

beaut.

Parfois

c'est

un

rideau

de pluie

et

de

nuages

Qui

voile

ainsi

l'aurore

aux

profonds

paysages.

Pour

leur

ouvrir bientt

plus

de

ciel

et d'azur.

Parfois

quelque

fort,

du

front

d'un

mont

obscur.

Domine

la

valle au

levant,

l'environne.

Et

prolonge la

nuit sous sa

morne couronne.

L'ombre

est

froide

porter, l'eau

ruisselle

au

gazon,

Tant que

l'astre

n'a

pas

gravi

.wn

horizon;

Mais, ds qu'il

l'a

gravi, sa

lumire

jalouse

Ne

souffre

dj

pliu^

les jeux

sur

la

pelouse

;

Et,

c'est

l'heure, au logis, du

travail

commenc.

Du

livre lire

seule

et du

store

baiss.

Et

l'enfance

s'en

va,

jusqu'au

bout contenue.

Ignorant

sa

corbeille

son

paule

nue.


45/228

L'ENFANCE

DADLE.

17

Et nen

laissant

tomber

sur

l'ge

qui la

suit

Que

l'ingnuit dont

le

parfum

survit.

Les

souvenirs

d'alors

sont

une

vague

histoire;

De

ces

temps

mon

Adle

a

peu

gard

mmoire;

Elle

sait

que

de place

elle

a

chang

deux

fois.

Qu'elle

fut

en

Bretagne,

Nantes,

quelques

mois

:

Mais le port, les bateaux

dont la mer

est seme,

Les

bords panouis de

la Loire

anime

Glissrent,

et

son

me

peine

s'y

tourna.

A

Naples,

o

plus tard

sa mre

l'emmena.

Ce

fut

le

mme

oubli, la mme

indiffrence

;

Le

spectacle des lieux

la laissa

comme

en France.

Elle ne

marquait

pas

ce

curieux

dsir.

Illusion

d'enfant,

de vouloir

tout saisir.

Les

lacs,

les

deux

profonds,

leur

lumire

ternelle.

Se

mlaient

sans treinte

sa vague

prunelle.

Et

rien

ne s'y

fixa

que,

le

long des

chemins,

D'avoir vu, tout

un jour,

les

ttes et

les

mains

Des brigands

du

pays,

victimes

dmembres.

Qu'un

vainqueur

talait

l'effroi

des

contres.

Ses

yeux

prirent

ds

lors

un

air

d'tonnement.

Son visage romain

rva

plus

gravement,

3


46/228

18

LIVRE

D'AMOVR.

Et

quand

on atteignit Naples

la

fortune

O

son

pre

attendait

notre Adle tonne.

Ds

qu'on

fut

de

voiture

au

logis descendu,

Elle,

distraite

encor,

le

regard

siL'spendu,

Dj

dore

au

front

et

l'paule

brunie.

Par

instinct,

tout

d'abord,

de

nave

harmonie,

Et pour

songer

l'aise

en ces

lieux trangers,

Alla

droit

au jardin

sous

un

bois

d'orangers.

Aux

plus

sereins moments de mes heures

profondes,

J'ai discern

toujours en

celui-ci

deux

mondes :

D'un

ct,

les

objets,

les

formes,

les

couleurs;

Ce qui

saisit

les

yeux

et rpand

l'me

ailleurs:

Les

climats

enchants,

les

fleurs

que

la

Nature

Tresse en

mille

faons

aux

plis de sa

ceinture;

L'Art, debout, radieux avec ses

monuments,

L'Histoire et du

pass

les

retentissements,

Le

Sicle, ce

qu'il

a

de

haut

ou

de

frivole

;

Voir

et

savoir

enfin,

appliquer sa

parole

Et ses

sens

et

son tre aux

choses

du

dehors;

Jouir des lieux, des

temps; au

drame

humain

d'alors

Avec

grce applaudir

ou

se

joindre

avec

transes

;

Poursuivre,

oiseau

lger,

l'clat

des apparences,


47/228

L'ENFANCE

D'ADLE.

19

Et

bien des

fois

du,

tout

froiss

des

filets,

Croire

encore

aux chos

et

voler

aux

rejlets

;

A

chaque

mouvement o

l'univers se

joue

Se

pencher, curieux, aux

rayons

de

sa

roue,

Mme

y

porter la

main

jusqu'

s'en

repentir;

D'un

ct,

tout

cela;

de

l'autre,

aimer,

sentir

Sentir

et vivre en

soi,

n'avoir rien qui s'enlve.

Possder

son

foyer,

sa lumire et

sa

sve

;

Aller au

fond

d'abord,

et sous

ce monde-ci

En

toucher un

plus

simple

et

par l'autre

obscurci;

Ne

voir

en nos

Edens

que voile

et

que nuages.

N'y

pas

regarder

plus

qu'aux

grossires images

Qu' sa

mre

l'enfant

montre et

fait

admirer;

Se

taire,

mal

entendre,

oublier, ignorer;

Savoir,

sans

avoir

vu,

ce que

fout

signifie;

Par

la

porte d'ivoire

tre entr

dans

la

vie;

Garder, loin

des

passants,

le

jour

intrieur

Qui

donne

de

bien loin

sur

un soleil meilleur;

Et, sans se dissiper aux

folles

tincelles,

Sans

heurter la

vitre

et s'y briser les

ailes.

Demeurer

en

son

lieu,

certaine

du

retour.

Et

s'asseoir ds l'entre en

attendant

l'Amour


48/228

20

LIVRE

DAyfOUP.

Ainsi

ds

leur

enfance

Adle

et

ses

pareilles.

Nous

tous,

enfants

e'mus

d'un

ge

de

merveilles,

Bercs

sous

l'tendard

aux

salves des canons,

Des

combats

d'outre-Rhin

balbutiant

les noms.

Nous

avons

souvenir

de

plus

d'une

journe

Oii

l'Empire

leva

sa

tte

couronne;

Quelque

magnificence,

une

arme, un convoi,

Un

Te-Deum

ardent,

la

naissance

d'un

Roi;

Et

l'Empereur

lui-mme,

au

moment des

campagnes.

Il

passait

dnombrant les

aigles, ses

compagnes;

Du

geste

il

saluait

tout

un

peuple au dpart.

Et,

moi

qui

parle ici,

mon

front

eut son

regard

Adle

fut

absente

ces

pompes d'Empire,

Nul

casque

blouissant

n'attira

son

sourire,

Et

l'ge entier

d'airain

ne

put

rien imprimer

En

son

me

noye

aux

approches

d'aimer.

Aime

donc,

n'attends plus.

Enfant,

et

sois

aime;

Et

puisquaux

autres

soins

ton

enfance

est

ferme.

panche ton

amour,

vers ta

mre

d'abord;

Rends-lui tous

ses

baisers,

pressentiment

de mort;

Pends-toi

bien

ce

cou

qui

jamais

ne

se

lasse,

A

ce

bras

le

plus

par

qui

jamais nous

enlace;


49/228


50/228

22

LIVRE

D'AMOUR.

Ef

remra

longtemps les

romans de

tes

rves

sensible

Clermont,

Princesse

de

Clves

Aime-le donc

aussi,

lui c'tait mon

destin

De ne pouvoir,

hlas couronner ton

matin,

Et ce pass

d'ailleurs n'est

plus rien que

chimre;

Aimc-lc:

puis

ta

fille,

aime-la,

jeune

mre

Oh oui. qu'importe? eux tous,

ensemble ou

tour tour.

D'un

vague

ou d'un

profond

ou

d'un rapide

amour

Aime-les;

en

ton

cur

fais-

toi

mille

retraites;

Ouvres-y

les

trsors

de

tes sources

secrtes;

Oui.

pourvu

qu'entranant

et

torrents

et ruisseaux,

Notre

amour

soit le

fleuve

unique,

aux

larges

eaux;

Oui,

si tu

m'aimes

plus

que

l'ombre de

l'amie,

Que ta

mre,

martyre

au

cercueil

endormie.

Plus

qu'un

premier

enfant

ou

qu'un

suprme

adieu.

Que

l'poux

dans sa gloire, et ta

file,

et

ton Dieu

Oui,

si

jusqu'

la

mort,

dans

nos

charmantes

ruses.

Aux

plus divins

moments de

nos

mes

confuses.

Tu

me redis, le

front

contre

mon

sein

qui

bout

:

c(

Ami,

j'ai tout

senti, mais,

toi,

tu

passes

tout

Assez, Adle,

assez,

gardons-nous

du

blasphme;

Qu'un

coin de ciel

toujours luise

aux

regards

que

j'aime;


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26

LIVRE D'A

MOU

B.

Par

Toi,

cVune

prompte clmence,

Sa voix, gui

se

taisait,

tout

d'un coup

recommence.

Par

Toi renat

son chant secret.

Plus

secret

que

jamais,

pliLs tendre,

Que

la

Gloire

ne

peut

entendre,

Mais

que

l'Amour coute,

en nous

disant tout

bas

Quelle belle,

un

jour,

console

(Quand nous

ne serons plus)

nous

lira

dans

l'alle

Oii plus d'ombre

retient ses pas.

Et s'il

survient,

par

aventure.

Quelque

indiscret dans sa

lecture,

Elle

rougit,

pourtant n'ayant

rien cacher;

Car,

loin de Toi,

quand aux

doctrines

De

volupt sans

frein

ou

d'ardentes

ruines

Toute

mon

me allait

pencher,

Par Toi

dsormais

rpare,

Ma

posie,

encor

sacre,

A

peint notre

amour

mme

ici-bas orphelin

Par Toi

l'on

pleure et

l'on

pardonne;

Et

de

nos

premiers ans

cette

sainte

couronne.

On

la

rve

notre

dclin.


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VI

Sonnet

Que

vient-elle

me dire, aux plus tendres instants,

En

rponse aux soupirs d'une

me

consume,

Que

vient-elle

conter,

ma

folle

Bien-aime,

De

charmes djleuris, de ravages

du

temps,

De bandeaux

de

cheveux dj moins clatants?

Qua-t-elle

me

montrer sur

sa

tte embaume.

Comme

un

peu

de

jasmin

dans

l'paisse

rame,

Quelques

rares endroits plis ds

le

printemps?


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28

LIVBE

DAMOin.

Qu'a-t-elle?

dites-moi;

fut-on

jamais

pkis

belle?

Le dsir la

revt d\ine

Jlamme

nouvelle;

Sa

taille est de

quinze

ans,

ses yeux

gagnent

aux

pleurs,

Et, pour mieux

couronner

ma jeune

Fiance,

Amour

qui

fait

tout

bien,

docile

ma

pense,

Mle

ses noirs

cheveux

quelque

neige de

fleurs.

1

septembre 1831.


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VII

A Ad...

Oh

ne les pleure

point

ces

lettres

inquites

Qu'il

te

faut,

pauvre

Amie,

tes

heures

secrtes

Dvorer en

tremblant

et vite

anantir;

Ne

dsire

jamais t'y

plus

appesantir.

Ce

qu'en

mots gars

tour

tour

je t'envoie

D'panchement

amer,

de

tristesse

ou

de

joie.

Prends-le,

puis brle, oublie, et,

si

c'est

un

trsor.

Mon

me intarissable en

peut donner

encor.

L'arbre

est

l,

fais

un

signe, et

les

fleurs

trop

heureuses

Sur chacun de tes

jours

vont pleuvoir

plus nombreuses.

Vis donc, et laisse aux

vents

aller chaque dbris.

Et

ces

pages,

vois-tu, qu'aiment tes yeux chris.

Plutt

qu'un

coin

les cache

loisir conserves,

C'est

mieux

pour

moi,

c'est

mieux,

qu'aussitt

arrives.


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32

L1VB

D'AMOUR.

O

chaque motion

temps

y

vint

clore;

Comment s'accrut ce

feu

qui

maintenant

dvore.

Quelle

yrce

en

naissant,

quelle humide

lueur,

Tendre

clat

du

matin,

innocente chaleur

:

Amiti

toujours vive

et jamais

dfinie;

Abandon

et devoir,

plnitude, harmonie;

Tes

enfants,

leurs

baisers, un

poux glorieux.

Mon visage assidu, dlices

de

tes

yeux;

Un compos

flatteur

o,

sous

la rgle

austre.

Vaguement

se

glissait une part de

mystre.

Assez

pour

animer

sans

trouble

et

sans

effroi

Chaque

heure

de

tes

jours,

trop

peu

dj

pour

moi

Alors

tu

me diras par quelles tincelles.

Par

quel

subtil

clair

de

mes

regards

fidles.

Par

ffuels

pleurs de

ma

voix

que

j'touffais

en vain.

Mon secret commena

de

couler dans ton

sein,

Et

ton

tonnement

suivi

de

tant

de

joie,

Et ta premire

atteinte,

ma

charmante Proie

Tandis

qu'ignorant tout

et

rebelle

l'espoir.

De peur

d'aigrir

mon mal, j'vitais de te voir.

Et quand

ma

folle

erreur,

un

moment gracieuse.

Entre nous

deux bientt

fatale

et

soucieuse.

Grandit,

se

ft

ombrage,

et,

d'un

air

de raison.

M'entrana

hors

de

toi

chercher

la gurison.


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34

LIVRE D-

AMOUR.

Qu'il

ait

couru le

monde

ou l'ait

pris

et

chang,

N'a

tant

senti

que toi

qui

n'as jamais

boug

Oui,

tu

m'criras

tout,

fconde

et

naturelle,

En

ta

langue

coulante

o

rien

ne

fait

querelle;

Je

l'attends

et

j'y

compte,

et

d'avance

en

retour

A

mon

propre

miroir je te peins

notre

amour;

Je

te le peins en

moi,

tel

qu'il

fat,

tel

qu'il

aime,

Heureux

si

mon rcit et

le

tien sont le

mme

Moi,

vois-tu (ne

ris

pas,

le mot est srieux),

Adle,

mon midi,

dj

je

me sens

vieux;

Je le

sens ce

cur qui

se

fixe

et

s'lve,

A

cet

esprit plus

mr,

aux

lenteurs

de

ma

sve,

Au

tour humble et

svre

o tendent

volontiers

Les

dbris

rsigns

de

mes

penchants

ailiers

;

A

cette intelligence,

il

est vrai,

plus

lucide,

Sans

vapeur

fantastique

et

sans

foudre

homicide.

Mais

d'o mon

bon

soleil

chaque heure

s'enfuit.

Et

dont

le

clair

cristal

frissonne

avant la

nuit

;

Je

le

sens

bien

souvent

ma

tte

qui

pse.

Aux

cheveux

dont

ma

main, qui s'y

baignait l'aise.


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38

LIVRE

DAMOVR.

Et

n'ayant

jusque-l

fait

d'ode

ou

d'lgie

Qu'en

article

au

journal

aprs

ma chirurgie.

Ce journal,

toutefois,

ce Globe srieux

O,

mes

jours de loisir,

j'crivais de

mon

mieux.

C'tait l'issue ouverte

mon me

importune :

Des

auteurs

du

moment

j'y

marquais

la

fortune.

Et

l'loge

naf,

le

blme

courageux

Exeraient ma candeur

enflamme

ces

jeux.

J'osais

fronder

en plein

les

modes usurpes.

Sur les

banquets

flatteurs

suspendre

des

pes.

Rompre

les

succs

faux

et le

laurier qui

ment

;

Et

ce

qu'aussi

j'aimais,

je

l'aimais

hautement;

J'admirais

comme

un

frre,

avec

joie,

avec

larmes;

De mes plus

belles surs

je dnonais

les

charmes

;

Et,

sous

la

moquerie

ou

les ddains

muets,

Plusieurs

me

semblaient

grands,

et je

les saluais.

Ainsi je

fis

pour

Lui,

qu'on

raillait comme trange

Ce

qu'il

chantait

de

simple ta douce

louange

Se

rpta

surtout dans mes chos ravis;

De

l

je

le connus, et

de l je

te vis.

En

entrant

je la vis, ma

future

matresse,

A

ct

du

gnie un peu

reine et desse.

En

sarrau

du

matin,

clatante

sans

art,

M'

embarrassant

d'abord

de

son

fixe

regard.


67/228

RCIT.

39

Et

moi

qui

d'Elle

lui

dtournais

ma

paupire.

Moi

pudique

et

troubl,

le

front

dans

la

lumire.

J'tais tout

au

pote;

et

son

vaste

discours,

A

peine

commenc

se

droulant

toujours.

Parmi

les jets

brillants

et

l'cume

sonore,

Comme

un

torrent

sacr

que

le

pasteur

adore,

Faisait

flotter

sans

cesse

et

saillir

mes

yeux

Dans

chaque

onde

nouvelle

une

lyre

des

dieux;

Et

mon

choix

fut

rapide,

et

j'eus

ma

destine

Debout

la

jeune

pouse

coutait

enchane;

Et

je me

demandais

quel

merveilleux

accord

Liait

ces

flots

grondants

ce

palmier

du

bord.

Puis

elle

se

lassa

bientt

d'tre

attentive;

Sa

pense

oublieuse

chappa

sur

la

rive;

Ses

mains,

en

apparence,

au

mnage

avaient

soin

;

Mais

quelque

char

ail

promenait

l'me

au

loin,

Et

je

la

saluai

trois

fois,

ma

sortie,

...

Elle

n'entendait

rien,

s'il

ne

l'et

avertie.

O

vous,

vers

qui

j'aspire

et

dont

j'ose

mon

tour

Baiser

la

blanche

robe,

matres

en

amour

I\os

Virgiles,

nous,

en

haute

posie.

En

gravit

suave,

en

chrtienne

ambroisie:


68/228

UO

LIVRE

D

A MO un.

Aeux

du

grand

Mdton,

qui, sous leur ple clair,

Laissez,

sans

les

bnir,

Hamlet

avec

Werther,

Dont Lara ni Ren

n'ont

l'haleine divine.

Et qu'aiment

Manzoni,

Wordsworth

et

Lamartine

;

vous,

Dante, Ptrarque, harmonieux

amants.

Qui

nous

avez not

vos

plus

secrets

tourments.

Et

peint ds le

bouton

vos

fleurs

adolescentes

Et

la

tendre

verdeur

de vos

palmes

dcentes;

Vous

qu'claira

soudain

votre

objet

nonpareil

Comme

au

matin

d'avril un lever de soleil,

Et qui

solennisez Van, et le mois, et l'heure,

La

minute

oii

le

Dieu

mit

en

vous

sa

demeure.

Dites,

comprenez-vous ce prsage, et

pourquoi

Il

fallut

l'avertir et

la

tirer

vers

moi;

Pourquoi ce

fut

ainsi

durant

deux ans

peut-tre,

Nos

regards

s'

effleurant

sans qu'amour en pt natre;

L'un

pour

Vautre

incertains

;

Elle

anime

ailleurs,

Distraite, et in honorant

parfois

entre

plusieurs

;

Moi rien

qu'

Lui, dvot

sa lyre sacre;

Trouvant

l, sous son

aile. Arqua,

Tibur,

Ascre,

L'univers;

et d'en

bas rvrant

le

fruit

d'or

Que

l'ombrage

profond

lui gardait en

trsor

Dites

pourquoi

ce

fruit,

dans

son

attrait

svre.

Aux

instants

o le

cur

nomme

un nom

qu'il

prfre.


69/228

RCIT.

Ul

M'aurait

paru

de

loin

comme

un

trop

fier

prsent;

Pourquoi

sur

ce

front

dirjne,

ce

tour

imposant,

Je

rattachai

si

tard

la

grce

souveraine;

Et

comment

toujours

pris

aux

buissons

de

la plaine,

Aux

sentiers

du

vallon,

pas

lents

je

montai

La

colline

de

grande

et

sereine

beaut

Certes,

c'tait

chez

moi

moins vertu

que

faiblesse.

La

Muse,

en

me

touchant,

me

baigna

de

mollesse;

Mon

pret

de sage,

attidie aux

zphirs,

Laissa

du

premier jour

courir

tous mes

dsirs;

Ma

raison

oublia

de

rgner

davantage.

Ainsi

c'tait

faiblesse,

inconstance,

partage.

Tendresse

qui

chantait

quelque

volage

espoir.

Et

ne

savait,

hlas

lancer

ni

recevoir

L'tincelle

rapide et

de

foudre

mle.

D'o

prend

feu

sur son

char

l'me au

ciel

envole.

Tout

me

vint

de l'aveugle

habitude

et

du

temps.

Au

lieu

d'un dard

au

cur,

comme

les

combattants.

J'eus le

venin

cach

que

le miel

insinue.

Les

tortueux dlais

d'une

plaie

inconnue,

La

langueur

irritante

o se

bercent

les

sens;

Tourments moins

glorieux, moins

beaux,

moins

mnoccnts.

Mais

plus

rels

au

fond

pour

la

moelle

qui

crie

Qu'une

resplend'Lssantc et prompte

idoltrie;

6


70/228

42

LIVRE

D'AMOUR.

Un

amour

plus

infirme

en

naissant,

et plus dur

A

contenir

ensuite

au

type

chaste

et

pur^'....

Pourtant

un jour

(dj

bien

prh

de

deux

annes

Avaient

distrait sans but

mes

fautes

entranes

;

Dj

j'avais

en

vers

chant

ton

poux-roi'-,

Ton

nouveau-n

d'alors, niais

rien encor sur

toi),

Un

jour,

comme

j'entrais

vef^s l'heure de

trois

heures.

Chers

instants

consacrs et

qu'aujourd'hui tu

pleures,

Il venait

de sortir; tu

voulus, je m'assis;

Nous suivmes longtemps

je ne sais

quels

rcits,

Mais

qui me

tenaient

moins que

fa

langueur

charge.

Ta

beaut

si

superbe

et toute ngliqe

,

Laquelle

encor

baignant

aux voiles

de

la

nuit,

Entr'ouvrait

au

soleil

et la

fleur

et le

fruit

:

Tel,

en un

val

ombreux,

sur la

pente

boise,

Un

narcisse enivrant

garde

tard la rose;

1.

On

sait

les

vers

de

Molire

dans

la

Princesse d'lide (Acte I,

scne

I) :

Ah

qu'il est

bien

peu

vrai

que

ce

qu'on

doit

aimer.

Aussitt qu'on le

voit,

prend

droit

de

nous charmer.

Et

qu'un premier coup

d'oeil allume

en

nous les

flammes

On le Ciel,

en

naissant, a destin nos mes

cl les siiirants.

2.

Ava:,

au sens anti(jue.


71/228

HCIT.

It3

Tel,

aux

chaleurs

d't,

sur

les

tantjs

dormants,

Au

pied

des

vieux

chteaux peupls

d'enchantements,

Au

sein

des

verts

fosss,

aux

pleins bassins

d'Armide,

Nage

un

blanc

nnuphar

dans sa

splendeur

humide.

J'osai

voir,

j'osai

lire

au

calice

entr'ouvert;

J'osai

sentir

d'abord

ce

parfum

qui

me

perd;

Pour la

premire

fois,

le

rayon

tjui

m'claire

Fit

jouer

mes

yeux un dsir de

te

plaire.

Frle

atome

tremblant,

presque

un

jeu

d'Ariel,

Mais

devenu

bientt

monde,

soleil

et

ciel.

Ta

beaut

dans

l'oubli

dvoilait sa

lumire.

Un

moment,

au

miroir,

d'une

main

en

arrire.

Debout, tu

dnouas

tes

cheveux rejets :

J'allais sortir

alors,

mais

tu

me dis

:

Restez

Et,

sous tes

doigts

pleuvant,

la

chevelure

immense

Exhalait

jusqu'

moi des

senteurs de

semence

*

.

Arme

ainsi

du

peigne,

on et

dit

la

voir.

Une

jeune Immortelle

avec un

casque noir .

Telle

tu

m'apparus,

d'un air de Desdmone,

ma

belle

Guerrire

et toute ta

personne

Fut divine

mes

yeux.

Depuis ce jour,

tout bas...

1.

liiade

XIV, vers

ilU et suiv., ioUelte

de

Junon.

2.

C'est

peu

prs

le vers

d'Alfred

de

Musset dans

les Conles

d'Espagne

et

d'Italie.


72/228

hk

LIVRE

It'AMOlR.

Qu'est-ce?

j'allais

poursuivre

et dire

les

combats,

Les

dsirs

touffs,

les ardeurs et

les

larmes;

Mais,

tandis qu'au

rcit

W'op plein

de

sombres

charmes

Lentement je reviens comme

aux

seuls

biens cachs,

A

travers

les

ennuis

de

mes

jours

empchs,

Tandis

que

je reprends

de

longs

intervalles

Le tissu

dploy

des tristesses

fatales,

Voil

que

tout

s'claire et

tout

change

la

fois.

Quelques

printemps

de

plus

ont embelli

les

bois

Et prpar

pour

nous la charmille

paissie

;

Pour nous

car ta

prison s'est

enfin

adoucie.

Car

lui, le

dur

jaloux,

l'orgueilleux

offens,

S'est pris

au

pige

aussi

d'un

amour insens.

Il court

aprs

l'objet

qui, nuit et

jour, l'enlve;

Et nous,

pi^ompts

jouir

de chaque courte

trve,

Nous

courons

non

moins

vite

aux

bois

les

plus

voisins,

Comme

en

la

jeune

Idylle,

ombrager nos

larcins;

Si

bien,

qu'au

frais

retour

de nos

marches

fleuries,

Au

seuil,

o nous

entrons,

des

blanches

laiteries.

L'htesse,

habitue

nous

revoir

tous deux.

Sourit

et

semble

dire

:

Ah

ce sont

les

heureux


73/228

RCIT.

45

Printemps qui

sitt

rachte

Les

mois

perdus et les ans

Fracheur

facile

et

parfaite

Au

sortir des maux pesants

Germes que

la terre

enfante.

Dsirs dont l'me

s'enchante,

Aprs

d'amres rigueurs

Prompt oubli dans

la

valle,

Source

en

nous renouvele,

Rajeunisseniifnt

des

curs

Hier la grle

et

la

tenipte

Sur

nous

roulaient

en

clats;

Aujourd'hui nous

avons

fte

Dans la plaine

des

lilas

'

.

La

sve,

un

temps

endormie.

Partout

monte,

mon

Amie,

Et

va

fconder

l't.

Tes

pleurs

coulent,

mme

signe,

Comme les

pleurs

de la

vigne.

Ce

n'est

que

luxe

et

beaut.

1.

Probablement

Romainville.


74/228


75/228

IX

...

glisser

sur

les penses.

M DE

SVIGS.

// est

ici

toujours,

il

ne

part que demain

;

Si

je

le

devanais si

mon

premier chemin

Me

ramenait

Bivre,

au

Coteau

de

Chevreuse',

Ainsi que

l'a

nomm ma langue

aventureuse;

Si nous

recommencions ds le

prochain

soleil

Ces

deux

heures d'amour matinal

et

vermeil,

Dans ces

bois, par

le

frais,

bien

avant

qu'il

arrixic

.

Mais

comment l'avertir

temps,

pauvre

Captive?

Comment, sans

hasarder mon visage

connu.

Te

donner

le

signal

que

je suis revenu ?

Tout message

indiscret,

une

lettre essaye.

Risquerait

un

long

trouble ta vie

pie.

1

.

Ce

n'est

pas

proprement

le

coteau

de

(llievreiise,

mais

bien

In

route (jui mne

Chevreu.'ie.

'


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50

LIVnE

IVAMOUn.

Va,

renoue

loisir

ces

mots

que

fu

commences:

Ayons,

comme autrefois,

nos discours, nos silences,

Et,

ferms

au

dehors,

vivons troitement

De

toutes

les

douceurs

de

ce rare moment.

Oh

oui,

causons

sans

trouble et comme

d'habitude

De

nous,

de notre

amour,

ma

seule

et

vive

tude.

De

ces

riens

dont

nos

curs

n'coutent

que

l'accent.

Laisse-moi

te

louer de

l'clat

renaissant

Que la

marche

et

Vair libre

et

la grande

lumire

Versent

sur

ta beaut,

tout

un

an, prisonnire.

Si cet

clat

fragile

a

tort de me ravir.

Mon

idole

est

plus haut,

et

le temps

peut

svir.

Dans

ma

fidlit

guri

de

ce qui change.

Autant

que toi

j'aspire...

Elle

doute...

qu'entcnds-je?

Vite

repentez-vous,

et de vos doigts baiss

Essuyez

mes yeux

ces

pleurs que

vous

causez.

Et

redites-

moi

bien,

et

jurez-moi

vous-mme

Que

toujours

vous serez cette Adle

que

j'aime,

Amante

de

l'amour et

de sa rude

loi

:

Que rien

ne

vous

pourra

dsenchanter de

moi;

Que

si,

lui, le jaloux,

plus

tard

redevient

tendre,

Que

si,

dans

ce

doux

cur,

l'affliction

s'engendre,

Si

l'An

(je

de

prire,

assidu

dans

tes

nuits.

Te

touche

plus

souvent de son cleste

buis

;


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81/228


82/228

5

LIVRE

D'AMOUR.

Oh oui,

je

conus

tout,

et

dans

Vinstant, mon Dieu,

De

mon

flambeau

chri

je

reus

tout ton

feu

.'

Oh pardonne, et

ton

Christ

me

pardonna, j'espre.

Car Toi, car

Lui, dans l'instant

salutaire.

Je

fis

tout

remonter,

et le

divin

clair.

En

traversant

mon

cur,

y

consuma

la

chair.

J'arrivai, je trouvai

ceux dont la

faim

m'appelle.

Eh

que vis-je d'abord

?

misre relle

Oh

rien

de gracieux

et d' plaisir rcv.

Et

qu'un premier

sourire

a bientt

relev'.

Pas de

front

virginal

inclin vers la mre.

Pas

de

beaux cheveux

blancs

misre,

misre

Et

pourtant sous l'horreur

des

haillons amasss.

Comme

arbres

tout

entiers en racines

politiss.

Les

vertus

subsistaient depuis longues

annes,

Trsor tel, qu'en retour

des

oboles donnes.

Contemplant

les

devoirs pratiqus sans

flchir.

Pour

une

Eternit

j'avais

m'

enrichir

Depuis

ce

moment-l, redoublant d'amour

tendre.

De

chaste

et pur amour

oii

l'Ange

peut

descendre.

Pour

Elle,

pour

qu'

bien

ceci

lui

soit compt.

Je soigne la

famille,

et

quand

j'ai

suscit

Un

bienfaiteur

de

plus,

quelque

bont

de

femme

Comme il en est encor,

je me dis

dans

mon me

:


83/228

ELLE

ME

DIT

UN JOUR...

55

C'est

Elle

sous

ce

nom,

Elle

qu'ils vont bnir

(Nos

noms,

mme en

leurs

vux,

ne

doirent

pas

s'unir )

C'est

Elle,

sans savoir,

que

leur vive

prire

Recommande

surtout,

c'est

Elle la

premire,

Vigilante,

invisible,

et par

qui

Dieu

voulut

Leur

rouvrir

son

secours

en

cet

humain

salut

La Charit

fervente

est

une mre pure

(Raphal quelque

part

sous

ces traits

la

figure) ;

Son il

regarde

au

loin,

et les

enfants

venus

Contre elle de tous points

se

serrent,

froids

et

nus.

Un

de ses

bras

les

tient;

Vautre

bras en

implore;

Elle en

presse

son

sein,

et son

il

cherche

encore.

Quelques-uns par

derrire,

atteignant

ses

plis,

Et

sentis seulement,

sont

dj

recueillis.

Jamais, jamais

assez,

sainte

hospitalire

Mais

ce que Raphal

en sa noble

manire

Ne dit pas,

c'est

qu'au cur

elle

a

souvent

son mal.

Elle

aussi,

quelque

plaie

l'aiguillon

fatal;

Pourtant,

comme

l'insu

de

la

douleur

qui

creuse.

Chaque

orphelin

qui vient

enlve

l'me

heureuse

Et

nous

pouvons

ainsi

sans

blasphme.

Elle

et

moi,

Toucher

ces objets

de

prire

et de

foi.


84/228

56

LIVRE

DAMDIR.

Souffrir

et nous sevrer, aimer nos

chemins

sombres.

C'est l notre

lot

mme

en

ce

monde des ombres.

Les plus gais de nos jours et

les

mieux

partags

Sont ceux

encore

o seuls, et

loin

des

yeu,c lgers.

Dans les

petits sentiers

du

lointain

cimetire

Ensemble

nous

passons

une

heure

tout

entire.

En ce

lieu

qui

pour

nous

garde

des

morts

sacrs,

Nos

pas

sont lents

et doux,

nos propos

murmurs;

Rarement

le

soleil,

dbordant

sur

nos

ttes.

Rayonne

ces

jours-l; de

nos

timides

ftes

Les rejlets mi-voils

ont

gagn la

saison :

C'est vapeur

suspendue

et tide nuaison\

Si quelque

veuve

en

deuil

dans

le

sentier

se

montre,

Un cyprs

qu'on

dtourne

vite la

rencontre.

La pit

funbre,

errant sous les rameaux.

Donne

au bonheur

discret

le

souvenir des

maux.

Le

prpare

l'absence;

et

quand, l'heure

coule,

On

part,

rentr chacun dans

sa

foule

mle.

On voit longtemps encor

la

pierre

o

l'on

pria.

Et

la tombe blanchir

sous

son

acacia

1.

Limes

crat

tcrniis,

lonrja

subnubilus

uinbra.

Ovide.


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88/228

60

LIVRE ir

AMOUR

(Tant

son

soin

est

ailleurs ),

ou

par soudains

bats,

Et

d'un

air

de

chercher,

parcourant

grands

pas

Ses chambres,

et

rangeant

des places

meilleures

D'indiffrents

objets

durant

de

vagues

heures;...

Ainsi

le

jour

s'coule,

et l'on

vient: il est tard.

Et

la

voil

surprise.

Oh

dites,

quel

brouillard.

Par

un

ciel

si

charmant,

cache

donc la valle?

Quel

souffle

claircira l'onde aux saules mle

?

Tantt, ds le

matin,

au

sortir des

rideaux,

Vigilante,

empresse,

des

atours

nouveaux

D'abord

elle s'essaie,

et

ce

sont des

parures

Plein les tiroirs

ouverts, et

des

choix de

ceintures,

Dentelles, bracelets et

ferronnire

d'or.

Sous ses

mains

assembls, ses cheveux,

noir trsor,

Qu'en

arrire abondants

un peigne

allier

redresse.

Au

devant, par

anneaux crps

ou

qu'elle tresse,

S'pandent,

ou

s'en

vont,

simples

bandeaux

unis;

Puis, la

robe s'attache, et

les

choix sont

Jinis;

Et

comme

pour l'clat de

toute une

soire.

On la

voit,

ds

midi, radieuse et

pare.

(Ju'a-t-elle?

quels

projets

sont

les

siens?

et pour qui?

Fdil-il

ciel

de

printemps? le soleil

a-t-il

lui?


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91/228

XIII

Un

beau

printemps

qui

fuit

un t

qui

commence

Derrire

nous dj

le

mois

des

plus

longs

jours

Loin

de

la ville

en deuil,

arne de

dmence

\

Chacun

part

et

se

fie

de

meilleurs

sjours.

On m 'crit

:

((

Laissez

l la

politique

amre

;

Ce roi

dans

l'embarras

vaut-il

tant de

courroux?

((

Proltaire

loquent,

un peu

moins

de

chimre:

Vous

avez

votre

part et

nos

bois

sont

vous...

Le chteau

vous attend, ou, si c'est

trop

d'emphase,

Le

blanc

chalet vous rit

au

front

de

la

fort.

u

La

mer

baigne ses

pieds;

chaque

fiot

qui

nous

rase,

Comme

une ride au

sable, te l'me

un

regret.

I

.

Anne du

cholra, du

cloilrc Saint-Merry.

Juin 1832.


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6lt

LIVRE

n'A

M

OU R.

((

Quand

Vouviujan s'y lve,

au

ciel

seul est la

foudre

Ocan et

fort,

tout

se courbe

en ce lieu.

((

Un trne

humain

sans vous saura

bien

se dissoudre

:

Dans

ma

tempte

assis,

venez

causer

de

Dieu.

u

Mes

filles

y

seront,

et

des

Rouges-Fontaines

((

Nous irons

tous

revoir

l'onde et

le htre pais,

((

Non plus

par

les

hasai^ds des

ronces

incertaines,

Mais

par les

bords

riants

des

sentiers

que

j'ai

faits,

n

Eh

non,

je

n'irai

pas,

tant la

ville

inquite

Me

tient

ni

ce

dsert

par

Ulric

embelli.

Ni l'antique Saint-Point,

colline du

pote.

Ni

vous qui me priez.

Madame,

Chantilly,

.

.

.

Pardon,

je n'irai

pas, dans

ce

Paris je

reste.

Fivre

de

politique,

acharnement?

D'accord.

Certes,

nos

parvenus

font

leur

rgne

funeste.

Et

c'est

mriter bien que

de

combattre

encor;

Certes,

pour

qui

rvait

de

France

.souveraine.

Elle est

pesante

aux

pieds,

nausabonde

au

cur,

Depuis

deux

ans

passs,

la boue o

l'on

nous

trane.

L'affront

a

rchauff

mon

sang

de vieux

ligiur.


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94/228

66 LIVRE

D'AMOUR.

Et

demain comme hier,

et

pas plus

de message

Ainsi

vont les printemps.

Ne

riez

pas,

Sage,

Ni

vous

pour

qui

l'amour est

tout dlicieux

Ne

riez

pas

de moi:

ne

m'offrez

pas

d'ombrage

Et

vous qu'ont

fascins

Naples et son rivage.

Ne

m'en

peignez

pas tant la lumire

et

les

cieux

Toujours

l'aspect,

toujours le

cadre :

oii

donc

est

rame?

Pourquoi

le

frais

Tibur

sans

Lyd qui

m'enflamme?

Chantilly

sans

Clermont^

;

ombrages

superflus

Mais

que

je

chrirai

mes

peines

fortunes.

Si

je

gagne

l'attente,

o

schent

nos

annes.

De

la voir

une

fois

de

plus

1.

Mademoiselle de

Clerinont,

dans

la

jolie

nouvelle

de madame

de

Genlis.


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XIV

My

shame in crowds, luy solitary

pride.

GoLDSMiTU,

Tlie

deserted village.

Jeune,

avide,

inconnu.

J'ai

dsir la gloire,

J'ai

voulu

quelque

clat

mon

front

ennobli;

Pais,

quand j'eus obtenu plus que je n'osais croire,

J'ai soudain

demand

l'oubli.

J'ai

fait,

pour

regagner

l'obscurit premire,

Le

contraire des

forts

et des

curs glorieux;

Je

me

suis tu longtemps,

j'ai

cach

la

bannire

Qu'appelaient dj

bien des yeux.

J'ai

fui

mon nom

redit

et

le

bruit dj

proche,

Aussi

prompt, je

crois

bien, qu'un

autre,

aux

jours

passs,

Que

voulait

faire

vque

Aquile,

Antioche,

Fuyait

les

peuples

empresss.


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97/228

JEUNE,

AVIDE,

INCONNU...

69

sainte

Posie,

intime,

et qu'il

faut

taire,

Belle aujourd'hui

pour

une...,

un

jour

pour

quelques-uns.

Mon

secret devant

tous, mon

orgueil

solitaire,

Amour, a

doubl

tes

parfums

Aussi

je

viens

toi,

mais

plus

timide encore,

De moi

laissant au

monde

un

spectre sans

chanson.

Une

ombre

qui

sourit :

l'me a

suivi

l'aurore

Et

se

renferme

en

son

buisson.

Au

loin l'air

retentit;

l'orme

superbe

expose

Mille prix

disputs

ses

rameaux

pendants

:

Le buisson

s'paissit d'une

fleur

longtemps close,

Qui ne se

penche qu'en

dedans.

Hlas

et

bien

souvent en vain elle

se

penche,

Car

Celle qui devait,

temps,

la

respirer,

Esclave,

ne vient pas,

et la

rose trop blanche

Aura

pass sans enivrer.

Posie

odorante,

immobile

et

plie

Berceau tout

d'paisseur, et d'ombre, et

de

gazon

Blancheur

que nul

zphir

n'essuie

et

ne

dplie

Rose oh ne boit

nul rayon


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72

LIVRE

D'AMOUR.

C'est l

ma

crainte,

Amie; et

je me dis

parfois,

Couronn

de

tes

dons,

lorsqii'

ainsi je te

vois

Prodigue,

incomparable,

offrant

sans qu'on t'implore.

Oubliant,

donnant

tout,

demandant

grce encore,

La

demandant

quand

c'est

moi

de

l'obtenir,

A

toi,

clment

objet,

de

rgner

et

bnir,

Je

me

dis :

a Sous

mon

nom

elle

dresse

une

idole.

Elle

m'y

croit

semblable,

et

dans

une

aurole

Sa

vision se

peint le

fragile

mortel;

(

Elle

aime en

moi

son

rcve

et

non l'tre rel.

Mais

plus tard

et

des

nuds d'ici-bas

dtache.

Sitt

du

bleu

parvis

la

sainte-beuve livre d'amour 1904

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