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Page 1: SAINT PIERRE DAMIEN ET LES DROITS POLITIQUES DU PAPE · question a paru parfois diJlicilc. Ainsi en jugent, en tout cas, ses dentiers commçntateurs, suit qu'ils renoncent à en péné

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SAINT PIERRE DAMIEN

ET LES DROITS POLITIQUES DU PAPE

~- ~· ~ 1., ....

Parmi ~es autorités que les tlléologicns pontificaux du xtv" siècle aimaient citer en faveur de leur thèse sur les droits politiques du Saint-Siège, figure le texte suivaut :· Qui beato vitae ae~ernae clavigero ten·eni simul et caelestis ilnperii iura commisit. On l'attribuait alors, sur la foi de Gratien, au pape Nicolas Il : ce qui ne pouvait qu'en augmenter le crédit. Mais il n'était pas besoin dè cette illustre origine pour que des dialec­ticiens fussent portés à lire dans ces lignes la conception, à laquelle ils étaient gagnés par ailleurs, d 'un pouvoir pontifical qui embrassait dans sa plénitude le double d9maine temporel et spirituel. On a depuis longtemps reconnu que ce texte est, en réalité, de saint Pierre Damien et que, rendu à son véritable auteur, il apparaît absolument étranger à la question des droits de· la papauté en matière temporelle. ··

Tous les hi$toriens ont observé combien serait peu vraisem­. blable, au milieu du Xl" siècle, l'affirmation d'une autorité poli­tique du Saint-Siège que personne ne soupçonnait en ce mo­ment et que Grégoire VII lui-même, au plus fort de son conflit

' a~ec l'Empire~ devait à peine suggérer. En tout cas, ce n'est pas saint Pierre Damien qui semble destiné à faire exception,

. , puisque notoirement son programme de réforme est toujours établi sur le pr~ncip~ de la distin~tion des pouvoirs et de leur

SAINT l'lEilRE DA!ItiEN ET Ll!S DROitS P<?LITIQUES DU PAPK 361

mutuelle collàboration (1). Mais, ccci reconnu, l'aphorisme en question a paru parfois diJlicilc. Ainsi en jugent, en tout cas, ses dentiers commçntateurs, suit qu'ils renoncent à en péné­trer le seus, soit qu'ils se contentent de l'insinuer avec toutes sortes de précaulious où se tradtiit un peu d 'embarras (2). ll s'cu faut pourtant que ce petit problème d'exégèse soit telle­ment insoluble. Si le texte peut à bon droit sembler obscur ou équivoque quand il est pris à l'état isolé, l'examen du contexte foumit tous les éléments nécessaires pour en éclairer et préciser la siguificat.ion .

L'énigmatique fm·mule sc lit au moins trois fois dans les ·écrits de Pierre Damien. C'est d'abord dans le discqurs qu'il tint en janvier w5g, comme légat du pape Nicolas II, aux Milanais révoltés (3).

Son but est d'élablir l'autorité du Saint-Siège ~ur la grande mélropolc du Nord : il y traite ~n conséquence, suivant ses pro­pres expressions, de praerogativa et pl'~ncipatu Sedis Apostoli­cae (!,). Rien, dans ce tllème général, n'annonce autre chose que la revcndicalion du pouvoir spirituel. S'élevant d'emblée aux prin~ipcs, l'évêque d'Oslic en montre la source dans les litres privilégiés qur donne à l'Eglise romaine la charte de sa fondalion. Les autres Eglises, même les plus vénérables, sont

.. (1) Voir A. FLICHE, Etude sur la volémtque religieuse d l'époque dl

Gréyulre 111. Les Prégrégoriens, Paris, 1916, p. 51-52, et 120-121; A. J . CARLYLE, .4 ltlstory u{ mediaeval potilical theory, t. IV, Edimbourg et. Londres, 1!!22, p. 44-'il:! et 1G8-1G9; G. BAUEILLE, IJtct. de théot. cath., t. lll, art. /Jam ien, col. 49; après L. KuEHN, Petrus Damian! und aeine ,tnsc/tauunyen ilùcr Slaat und Kirclte, Carl!lrulte, 1913, p. 19-31.

Les princivuux endroits où s'aHtrme cette conception fondamentale sont Opusc. IV ct LVII, 1 (P. L ., t. CXLV, col. 86.87 et 820-821); Serm. LXIX (P. L., t. CXLIV, col. !lOO); Tipis!. lll, G; IV, 9 et Vll, 3 (Ibid., col. 2!!4, 315 et 440). Dualisme politique d'autant plus frappant que, dans le' texte cité en dernier lieu et ailleurs encore, l'auteur admet que le Chris& a réuni en sa personne la dignité de prêtre et de roi. Principe d'où l'on ne mnnquait .pas de conclure, au XlV' siècle, que ce double privilège s'est ègalement tlansmis à son vicaire.

(2) CARLYLE, op. cU., t. lV, p. 46 et _168, et après lui, E. JORDAN, Bulle­tin ctu Jubité fele Vante], 1!!21, p . 280, note 2.

Les aucieus auteurs étaient plus décidés, sans doute parce qu'ils y avaient regardé de plus près, et l'on y trouve esquissée la solution que l..t présente note a. pour but d'ét.ablir. Voir Fr. NEUKIRCH, Vas Leben der l'ct rus Damtanl, Gœttingue, 11.!75, p. 86-87 et J. Kl.ElNERMANNS, Der heilioe Petrus Damtani, Steyl, 1882, p . 158-159. •

(3) Opusc. v. - P .. L., t. CXLV, col. 91. Sur l'histoll'e et l'issue do cette r!'>volte. voir FLICHE, p. 4().43,

(4) Ibtd., col. 92.

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.. 862 BtiLUl'Ut 1!~ J;.ITT~MTti~JF ~CcLtSJA8TIQtl~

d'origine p'Ul'elllent hqmaine (sive rex sive imperator sive ouiustibeC condiçionis /l,omo purus insliluit ) et, par suite, ' ne pc~vent llVOir que des droits limités, suivant les intentions ou la pu,ias&nc~ de leur fonqateur. .Mais ' 1' Eglise de Home jl ,

dt~ iustJtl!ée piJr le créateqr de l'univers : f"o1~ quaelibet ten·ena senteTJtiQ. sed Wuà verbun~ quo constructum est caelullt et terr4. lin faut-il davan~u.go pour justifier l'universalité de sa ·· juridiction ? Prinqipe général que l'orate!lr appiique aussitôt ù l'Eglise de. Mi,lan et que, par un argument ad hominem des· plus opportuns, il est ensuite heure~.IX de confirmer par 1~

'téJnoignage de saint Ambroise. · ' C'est dans le développmnent de ces prêmisses théologiques qu'apparan la phri.:t~o coutcsLéc, dont voici la teneur complète :. .Romanam autem Ecclcsiam solus ipse jnn,lavit, super pet1·am jldt!i mox n~certHs e1·exit, qui beato vitae aeternae clavigero tert~eni. s~mut et cqelcstis imperii iura commisit. li y est queS;­tion, .comme on le voit, d'opposer .la fondatjon divine de l'f:gliso romaine à l'institution tôut humaine des autres. Mais, non content de rappeler cc fait capital, Pi1•t'ro Damien tient ici • à rapporte!' les paroles qui l'accompllgnèrrnl. Sans ètre propre­men~ urta cita~io'n, ~on texte est uuc allusion manifl'stc: à celui da l' f:vaugile, qu'il suit pas ~ pas et dont il reproduit modo oratol'io les traits essentiels.

a) Beatus es Simon Ba r lona ... Tn • es Petrus et super hanc petram

aedificabo Ecctesium meam. 1.1) Et tibi dabo etaves rcy11l cue­torum. c) Et qnodcumque ligu­verls super terrum erit Ugat.um et ln cael~s . . (MATTH., xvi; 17-1!1) .

a') Homanam nutcm l~c c / rstam solus lpse fuuùavit, Sll]Jer pc­tram tlùei mox nuscentis erexlt. 11' ) qui ùcalo vitae 't cfenu:zr cla­riy ero c' ) tcrr~mt simul ct eue. Lcs tis irnperli lura co111misH.

Le parallélisn1e ~st évident, sauf qw• ks propositions com·­donné~ d» st-y~è hébraïque sont synthétisées par notre orateur de manière à mellro cri vedettr; les droits IIIIÎVP~sl'ls do Picrrl.' qui sopl tout l'qbjet de son 'discours. Mai:; l'odginal dm111n ici le At'll~ de lp réplique : les droit.s d1• Pic•rr1· doiycnt s'<'niPndrr d\ltn"' ·il''torjté ql\Ï s'étend à 1~ terre comll'l' au ciel et l'on peut conj1'Cturer quo crs impcrii i11rn, d'nppat'l'lH'C politirpl<', sout \out simplemen' nne ;tssorialion sl!gftPI'I~(' pnr l<'s clal'r.<; rr·ani. En tout cas, ce n'est pas la ual.nre d<' rr pouvoir qni rs.t en

.ur.z ·.~- ., .. :,;

\ ~. 5' ~··l-f-~ . "' • . -'- ''1''

SAir~T PlEI\RE nÂ111uEN ET ~ous .unom1 PPI-ITtQu,as nu' P~B ·, ~ .

eau~>e, mnis uniquement son étendue (J ) . . Ni le ~tJjll~, ni, les oil·-con~lances u'amcnaionL l'auteur il mudliiel' lo Cllracl~e de llll •

source : il ue s'agissait pas pour lui d<: glvber en pro.fori~,e~r, . cunu'ue on a pu le faire plus tard, la çompréhçnsiqn'..dE;s ,pr9..: ' ·, ' messes évongéliqlu·~; il lui· · sufli~;ait d;eu rmarquur · l'oxlensjon sans bomes. Voilà pourquoi· nous J'a\'91Js VlJ SP!lligner celle particularité que le f1.1IH.Julcur do n~gJise: c~L . au~si Je ·,qréateUl du ciel cl do la turm.· L'Ùnmcnsité de . sa· puissunce f.IO):,Ulet dè ·

. I'Omprcndrc et s'il un étuit ' besoiil, de légitimer . .lii; ~él,égatio\1 illin1itéo tfu'il eu fait ia son vicah:e içHJas, , ·. '•

Non scullllliCIIL l'Çvèquo d'Ostie Se 1 éft·I:tl do la i!Oile.· e't pour ~tinsi dire l'Il gros, à la promesse éva11géliquc, Jnais ,il)a veu~ ,

. utilisor ù ses lins. En el'fct., ·ù lrnvcrs tout' le · pa~saga op .. scnt -.• ~ , courir uue ut·gurnenlution implicite, bù l'ltn . dcs pdvilège" de · PiurrP, parei' qu'il ost inc~mtrsté', ,sert it justilicr J:auh·.c, qui " ·

.est ou parait' momentanément en lfUcstlon. A cel ~gard, la ~nenlion dt1s pouvoirs célestes de l'Apôt.ro intervient ·comme . 1 •

balle d'un raisonnemont a joi·tiori. Si, par:la volonté souvérainc , '.: · -· .. ·?:;:;\:, du Christ, la juridiction de .. Piri'J'e s'étend jusque ~dans· les '·: .~ ;}: eieu~. à plus forte raison n'est-elle soumise à &ucune barrière territol'ialc sur la ten·f> (a). Cette i-pduction, que la seule logi-que du morecau su1Ti1•ait à autoriser, nst, rte plus ; justifiée par,. un texte formel, qui préc~dc hnmédiat!lmenl les ligne1 que nous étudions· l't qui, par ·. conséquent, . jol.te :sur elles une huuiùrc décish e :

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Qltall nntl'm provlncla pcr omnin reA'Utl terrarum ah . elus · dHiOIIE' ext.r!lnPa reper~tur cuju~ ,arbHrlo jpsu.m q~oque , cnel4m e! l_lgatur ct soh•1tur T. · · ~

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·.. . ~ . .. ··· .. -.\ . •' '·'

\ ... ~ · (1) On rn ppt•ucllora· Epist., 1, 12 . .:... P : L .• t. CXLIV, ool. 216 ':. ·, Quis ' .'· '.'.f'· ,\ ,$~

rn lm nesclat quod prlucrv~ o postolorum Petrus potestntPm regnl cne · , ' ·. .: /t~ l(:slls ncrcpil, vir'tutem ligand! sive solvcndi quod 'vellet ln c11ells ac ·• · . r ;'.:; trrrl!; ohtinuit t • Et eJir,ore ePs puroles pri'tées à saint Pierre ù~ws · •·· •r·•··· ,.1 St•rnt. XXX, illitl., col 667 : • Potestatem Jfgandl non solum in terra sed • ,r · et. lu caelestlbus haheo. •

(2) Bellarmin, qui o lJIPn vn que ce texte s'Inspire de l'Evangile, eHt loin cl'en réaliser l'écruillbrP interne quruul Il l'inlrrprète comme une simi!IP r P. pétltlnrt oit tout. dispurnlt de l'Inférence qnP l'auteur en veut ,,,.,,,llil r. • Cil i· ' q o; l'rira couor·ssll ut qnod illP solveret et Ul;~nret in ' lrl'l'l~ r~-~ "' 1 ~ >lutum nul Jlgatum et in cnelis. Allusit euïm Nicolaus llll Vl'l'll'l l'n ••1 •1 ·•ntth ~'"J. • l>r TJnmana Pauunce, v, :;. Clpn ·q omJJf,z, éd:llou Vlv~s. 1. II, p. 151. · ·

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364 liULLBTlN DB LlTTÊBATUl\B ECcLÉSIASTiQUB

On peut estimer que notre orateur force un peu la nole en disant que le pouvoir de Pierre va jusqu'à '' lier >> et " délier •>

le ciel même (1). Mais il ne saurait y a.voir aucune ambiguïté sur l'idée qui se cache sous ces formules de rhétorique el pas davantage sur' la conclusion que l'auteur en prétend tirer. Si l'autorité de Pierre est telle que les sentences qu'il porte ici-bas sont ratifiées là-haut par l'autorité divine; si par là-~ême il a, d'une cel'taine façon, qualité pour commander dans les cieux, il s'ensuit évidemment, en vcrtù de l'adage : Qui potest plus potest' minus. qu'aucuntJ partie de la terre n'échappe à son gou- . vernem~nt. Ainsi les terreni imperii iura, qui interviennent un peu plus bas, sont une simple __.variante de sa juridiction pr.r omnia regna terra.rum. Pierre Damien n'envisage pas ici les conséquences éventuelles du poùvoir pontifical dans l'ordre politique, mais seulement l'aire géographique de son rayonne­ment dans l'ordre religieux.

Il tenait, d'ailleurs, sutlisamment à cette expression de sa pensée pour la reproduire mot à mot, plus de trois ans après, dans sa Disceptatio synodalis, rédigée au moment de l'assem­blée d'Augsbom:g qui devait décider entre le pape Alexan­dre Il et l'antipape Cadalous (octobre 1062). L'avocat de l'Eglise romaine,· qui est censé plaider coutre celui de l'Enipereur -c'est-à-dire le porte-parole de Damien lui-même - commence par montrer que cette affaire intéresse toutes les Eglises (ad cunctas jE~clesias.. perttnere), parce que toutes reposent sur Rome comme sur leur fondement (omnium jundamentum est et basis). C'est à ce propos qu'il rappelle, dans les termes que nous connaissons, l'origine divine de cette Eglise et les glo­rieuses prérogatives de son autorité (2). 'Ici encore, il n'est pas question de droits politiques, inais bien de la dignité spéciale · du Saint-Siège et de l'importance majeure qui lui revient dans le monde catholique, par comparaison avec les Eglises locales, 4 raison de son universelle primauté. . ' ·

Une troisième fois l'évêque d'Ostie revient à sa formule favo-• 1 • •

(1) Ct. Serm. XXVI, col. 646 : • Dignatio gloriosa hornimem in terris positum caelis imperitare ... •

(2) Opusc. IV, col. 67-68. Pour le fond de l'atfaire et l'analyse du dialo· gue, voir FLICHE, p. <16-47 et 116·120.

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SAINT PlERl\E DAMIEN ET LES DROJTS POLITIQUES DU PAPJ! 365

rite, en traitant du pouvoir coërcilif. Après avoir longuement exploité lt•s préceptes et les exemples de rigueur contenus dans l'Ancien Testament, il ÏilYoque l'autorité du Christ qui n'a pas craint de faire à P.ierre de durs reproches, et cela justement quand il venait de l'établir .~ans ses privilèges de chef. ·

Salvator etlnm noster ... , mox ut Petro caeli terraeque iura commisH, protluus eum dura redarguUone corripuit (l).i , •.. ,

En effet, le blâme infligé à Pierre se lit dans MATTII., xvi, 23, ct cette scène suit immédiatement la confession de Césarée, à la suite de laquelle le même Pierre avait été constitué fondement de l'Eglise et préposé au royaume des cieux (ibid., I8-Ig). Investiture que Pierre Damien, suivant' son habitude, traduit à , nouveau par caeli terraeque ittra. Cette expression, ·que rien n'appelait dans le contexte, n'est, de toute évidence;. qu'un résumé personnel de l'Evangile et ne saurait pas plus le dépas­ser que dans les cas précédents (2). Tout au plu~ cette insistance peut-elle servir à éclairer la psychologie de notre auieur - et

~

par là-même un peu celle de tout son temps - en marquant , sa propcnc;ion à revêtir d'une foi me juridique le. langage sim­ple de Jésus.

' . Si l'interprétation de ces textes pouvait avoir besoin d'une

confirmation, on la trouverait dans cette strophe d'une hymne à saint Pierr~, où sout célébrés les privilèges de l'Apôtre. C'est toujours l'Evangile que l'ahteur y traduit, mais avec les nuan­ces spéciales de son style, qui transparaissent jusque sous les exigences du mètre.

Supernae claves ianuae tlbi, Petre, sunt traditae tuisque patent legibus terrena. cum cnelestibus (3).

...

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. .

(1) Opusc. LVII, 3; col. 822. (2) Ail.leu~s encore Pierre Damien fait allusion à la même scène, et

cette fois avec une clarté qui ne laisse prise à aucune équivoque : • Nnm et . lpse Dom ln us Petrum universali pM us Eccleslne praetuUt. delmle gravis t·eorehcuslonts lnvectione pulsavit. • Eplst. IV, 12. - P. L. t. CXLIV, col. 324. On ne manquera pas d'apercevoir à quJll point s'écltu­rent l'une L'nutœ ces deux fonnes d'une même pensée.

(3) Carm. 72.- P. L., t. CXLV, col. 9U.

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366 BULLETIN DE LITTÉRATURE ECCLÉSIASTIQUE

Qu'il s'agisse comme tout à. llwur<' de iura ou comme ici de leges, c'est touJours une manière de désigner la pleiuc aulo1·ité qui revient au chef de l'Église dans le monde des âmes, cl cela sans nul doute avec toute l'ampleur que comporte l'Bvangilt•, mais non moins incontestablement suivant la même direction.

Il. reste qu'ailleurs saint Pierre Damien a célébré la préémi­nence du Souverain Ponlife -tamquam re.c regum et princeps imperatorum (1) . Cependant on ne voit pas qu'il ait jan1ais entrevu - ou du moins exprimé -ses droits en matière politi­que. La fameuse phrase qu'exploitèrent les ~péculàtifs du xrv" siècle au profit de la stricte théocratie poutilicalc u'a pu donner cette illusion qu'en étant détachée de son eontexte ct transposée sur un plan absolument ' étranger à l'esprit de son auteur (2>. Replacée dans son cadre historique et logique, elle ne signifie nulln part autre rh ose que la ferme revendication des tlroits spirituels de la papauté.

Jean RtvtÈIIE. -.· J1.'

(1) Opu~c . XXIII; lhttl., col. 474. Pnr compensntlon on ~c rttppcllel'n cette dérlnration sur ln cll!rnilé de l'f'mpereur : • Eo superlor quis()unm in humano genere repertrl non polult. • OJIU&. LVI 4, col. 812.

(2) Ce contrespm; appurait déjà cltrz les canonistes du x11• siècle, qui la rer;lCout.ralent sous le nom rie Nicolas II dans le [)écrct rle Gratien. Voir dans CARLYLE, t. Il, p. 200-2!1!!. les gloses de Rufin et d'Etienne de . Tournai. L'un et l'outre, cependont. rnpportent à titre documentaire une autre it' terprétutlon qui l'exr•lique pnr un simple rnppel de ln t•ro­messe évan~t~lique. On peut regretter qu'ils n'aient pas fait prévaloir ce sens littéraL -

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CuossAT, S. J., !.a Somme des Sentences, œuvre de lfug.~és de Mortagne vers 1155, avec préface· et introducli_on ,piJ.,r J. DE GuELT.INCK, S .• J. (Spicilegium. Sacr~m Lovaniens~; . :'•.;. fuse. 5). Louvain, tg~3, 86

, v1-212 p. · ':i. ",.) " ..,." .:,;i ~ ~ • t~

On le suit de reste, el I'iuLroùuction si documentée du P. d/ G~el- . · . . '1/:)~ .J

Iinck en fouruit la pruu-vc abondante, peu de controverses ont été · · :' •. ·~· •· au~si souvent rcpl'iscs, nu cours du dcruicr quart de siècle, que celle . ' · r'. de l'nuthcnti ciJé de ln Summa Sentmtiarum, publiée sous le nom ·· · ,.· · ·~ de Hugues de Snint -Vir1lor. Le P. Porlolit~ avait porté à la thèse .favo­l'llblll un coup rpri avait pam rl'uhord rlécisif. Pui~. l'on s'était ravisé. Ce n'csl pourtant pns sans un vif étonnement que l'on avait pu lire dons l 'Histoire de la métiwde scolastique, au tome II, le plaidoyer si · déterminé de l\l. Grablml1111 en faveur de · l'authenticité. Le dernier ' hislol'i cn de Ilugttes, 'f. Vernet, en 1g:u, sc contentait encore .d'écrire qu'elle était tri·s rlo:llf'nse. Pendant que se disputaient ainsi les critl­qtH'S, le P. l\Iurr·cl Ghossal l>tudiait le problème tout entier · de la S11mmn, nvl'c I'Citl' tnnrtcité dans ln recherche et la vaste érudition tjlll! manifeRtrut ~cs nnlrcl! travaux. Petit à petit, une conviction se formait en lui. Ap1·l·~ plus de v~ngt années d'études elle l'amenait à formuler la conclusion que représente le titre ml\me de l'ouvrage, puhlil> par le SpirilP(Iitlfn Sncrum Lo11nniP.n.~e, avec ce m~me luxe dan~ la prl>~cntalion et rflltr ri!'hcssri d'annotntions et de tab~es, déjà s\gnull-~ ù propo~ 1l'urw puLiiration antérieure. Ln livre, et c'est là

·nrw pn1·till rJ,. snn inth1\t, s'nttaehc, en une langue volontiers fami­lière, plaisant,. 1'1 pnrfoi8 un peu verbeuse, où so comP,Iaît l'auteur, à unus fnirr pnrrnmir l1..:; étapes de re voyage de découverte. Mais f!url­qn'i>· l.- rc't. psyr·h r.lnc-irpH' et pl>dngogiquP. que présente crtw f~>çn.n de nro1·r'·dPr. on mf' pPrmPIIl'!l, dnns un hut de clarté et ·de prPci~ion, de ~nin1• lliH' autre mt! thode et de relaver, avant tout, les ré~nltats ohjec­lifll. On peul ain11i ramener à deux problèmes ceux quo résout ·l'au-,