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o ENQUÊTE Droit de cuissage à la mairie «Troussage de domestique» dans les toilettes de l'hôtel de ville, pelotage de collaboratrices dans l'ascenseur, baisers forcés dans les couloirs, selon les chiffres de l'AVTT \s élus sont dans le top 4 des auteurs de violences faites aux femmes au travail. Et que dire du maire-roi-en-son- fief qui couvre les agissements de son employé? Rien. Dans les mairies comme dans les partis, l'omerta règne quand on mêle violences sexistes et politiques. Causette est entrée dans les bureaux feutrés des collectivités pour chercher les victimes, leurs agresseurs «cocardes». Du Creusot à Maubeuge, en passant par l'Assemblée, Causette les a trouvés. U n soir d'été, à la mairie de Neuilly-sur-Marne (93). Avant de partir, Martine, la gardienne, vérifie que les portes et les volets sont bien fermés. En sept ans de ronde, l'employée de 42 ans n'est plus surprise de croiser le maire dans les couloirs du bâtiment. Ce soir, c'est différent. Dans l'escalier, Jacques Mahéas lui «pince le mollet». «C'est bizarre», mais la gardienne ne s'«inquiète pas, il n'a peut-être pas fait exprès». Bientôt, l'élu ne se contentera plus d'un geste déplacé... La bise matinale dérape en baiser forcé sur la bouche. Maintenant, le maire guette le passage de la gar- dienne. Dissimulé derrière une porte, il la surprend. «Ilm'attra- pait, raconte, haletante, Martine. // me caressait les seins, les fesses, et moi, j'étais tétanisée. Je me disais que si je réagis- sais violemment, je perdrais mon logement de fonction et mes trois enfants seraient à la rue. » Alors, Martine subit. Et subit encore sa «séance de pelotage, vingt fois, peut-être trente». Elle se demande «pourquoi Quels gestes a-t-elle faits pour «lui faire croire [qu'elle] était intéressée»? Pour le décourager, elle porte des vêtements informes. Malgré son asthme, la gar- dienne se met à fumer, «car il ne supporte pas le tabac». Sa ronde devient un cauchemar, Martine sursaute au moindre bruit, prend des antidépresseurs. À aucun moment elle n'aura le courage de parler. C'est une autre qui le fera: «Le maire s'est jeté sur Samia, la secrétaire de mairie, relate Martine. // l'a embrassée et lui a touché la poitrine, mais elle l'a repoussé et a fait un scandale. » C'est le déclic, la fonctionnaire se confie. Les deux employées se rendent ensemble au commissariat 1. Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail. pour porter plainte : le début d'une longue procédure qui abou- tira, en 2009, à la condamnation de Jacques Mahéas, séna- teur et maire socialiste, pour agression sexuelle contre Martine. En raison de «la personnalité du prévenu» qui est «d'un certain niveau intellectuel [et] d'une aisance soaàte certaine», les juges prononceront une peine de 10000 euros d'amende. C'est donc en raison de son profil, établi par un expert du tri- bunal, que les juges renoncent au sursis. Deux ans et demi après cette décision, l'agresseur est tou- jours maire. Martine, elle, a été poussée à prendre une re- anticipée, a perdu son logement, changé de ville et touche 930 euros par mois. Justice est faite ! Des victimes poussées vers la sortie Martine n'est pas la seule à avoir payé le prix fort pour aor dénoncé. Selon l'Association européenne contre les vio- lences faites aux femmes au travail (AVFT), « quasiment touÊm les victimes de harcèlement et d'agression sexuels perota* leur emploi après avoir oorté olainte. Quel nue so# motm de rupture: démission, licenciement, mutation, ~ - retraite». Dans les collectivités, la gardienne de Neuilly-sur-Mane ssr l'arbre qui cache la forêt. Les cas impliquant des élus srmm en quatrième position des dossiers traités par l'AM ^^H des 150 dossiers annuels). Et pour une qui par - taisent? «Personne ne sait, rétorque l'associe: : particulièrement difficile de dénoncer des élus tout ouss&m

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— o —

E N Q U Ê T E

Droit de cuissage à la mairie

«Troussage de domestique» dans les toilettes de l'hôtel de ville, pelotage de collaboratrices dans l'ascenseur, baisers forcés dans les couloirs, selon les chiffres de l'AVTT \s élus sont dans le top 4 des auteurs de violences faites aux femmes au travail. Et que dire du maire-roi-en-son-fief qui couvre les agissements de son employé? Rien. Dans les mairies comme dans les partis, l'omerta règne quand on mêle violences sexistes et politiques. Causette est entrée dans les bureaux feutrés des collectivités pour chercher les victimes, leurs agresseurs «cocardes». Du Creusot à Maubeuge, en passant par l'Assemblée, Causette les a trouvés.

U n soir d'été, à la mairie de Neuilly-sur-Marne (93). Avant de partir, Martine, la gardienne, vérifie que les portes et les volets sont bien fermés. En sept ans de

ronde, l'employée de 42 ans n'est plus surprise de croiser le maire dans les couloirs du bâtiment. Ce soir, c'est différent. Dans l'escalier, Jacques Mahéas lui «pince le mollet». «C'est bizarre», mais la gardienne ne s'«inquiète pas, il n'a peut-être pas fait exprès». Bientôt, l'élu ne se contentera plus d'un geste déplacé... La bise matinale dérape en baiser forcé sur la bouche. Maintenant, le maire guette le passage de la gar­dienne. Dissimulé derrière une porte, il la surprend. «Ilm'attra­pait, raconte, haletante, Martine. // me caressait les seins, les fesses, et moi, j'étais tétanisée. Je me disais que si je réagis­sais violemment, je perdrais mon logement de fonction et mes trois enfants seraient à la rue. » Alors, Martine subit. Et subit encore sa «séance de pelotage, vingt fois, peut-être trente». Elle se demande «pourquoi ?» Quels gestes a-t-elle faits pour «lui faire croire [qu'elle] était intéressée»? Pour le décourager, elle porte des vêtements informes. Malgré son asthme, la gar­dienne se met à fumer, «car il ne supporte pas le tabac». Sa ronde devient un cauchemar, Martine sursaute au moindre bruit, prend des antidépresseurs. À aucun moment elle n'aura le courage de parler. C'est une autre qui le fera: «Le maire s'est jeté sur Samia, la secrétaire de mairie, relate Martine. // l'a embrassée et lui a touché la poitrine, mais elle l'a repoussé et a fait un scandale. » C'est le déclic, la fonctionnaire se confie. Les deux employées se rendent ensemble au commissariat

1. Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail.

pour porter plainte : le début d'une longue procédure qui abou­tira, en 2009, à la condamnation de Jacques Mahéas, séna­teur et maire socialiste, pour agression sexuelle contre Martine. En raison de «la personnalité du prévenu» qui est «d'un certain niveau intellectuel [et] d'une aisance soaàte certaine», les juges prononceront une peine de 10000 euros d'amende. C'est donc en raison de son profil, établi par un expert du tri­bunal, que les juges renoncent au sursis. Deux ans et demi après cette décision, l'agresseur est tou­jours maire. Martine, elle, a été poussée à prendre une re­anticipée, a perdu son logement, changé de ville et touche 930 euros par mois. Justice est faite !

Des victimes poussées vers la sortie Martine n'est pas la seule à avoir payé le prix fort pour aor dénoncé. Selon l'Association européenne contre les vio­lences faites aux femmes au travail (AVFT), « quasiment touÊm les victimes de harcèlement et d'agression sexuels perota* leur emploi après avoir oorté olainte. Quel nue so# motm de rupture: démission, licenciement, mutation, ~ -retraite». Dans les collectivités, la gardienne de Neuilly-sur-Mane ssr l'arbre qui cache la forêt. Les cas impliquant des élus srmm en quatrième position des dossiers traités par l 'AM^^H des 150 dossiers annuels). Et pour une qui par -taisent? «Personne ne sait, rétorque l'associe: : particulièrement difficile de dénoncer des élus tout ouss&m

M LE MAIRE EST UN BON VIVANT, UN GAULOIS. UNE DES PLAIGNANTES LAVAIT LES CARREAUX EN STRING »

Les pressions sont fortes, ils ont le bras long et le font savoir, les victimes se disent que personne ne va les croire. » Même quand elles portent plainte, le plus dur reste à passer : le procès. Leurs agresseurs sont défendus par des ténors du barreau. Celui de Jacques Mahéas n'est autre que Jean-Pierre Mignard, membre du Conseil national du PS et peut-être prochain ministre de la Justice. Enfin,- «ffe§ condamnations sont rares», observe CAVFT et les juges concluent rarement à des peines d'inéligibilité. L'idée prévaut que ce que le peuple a fait, seul le peuple peut le défaire. À Puylaroque, village du Tarn-et-Garonne, on garde le souve­nir amer d'une mobilisation vaine, face à un maire condamné

en 2004 pour agression et harcèlement sexuels sur des employées. Julien Courdesses, l'élu divers droite est resté en place, droit dans ses bottes, jusqu'à la fin de son mandat. Pourquoi se gêner? La justice ne lui a pas retiré ses droits civiques et ses pairs minoraient : « C'est un bon vivant, un Gaulois», «[Une des plaignantes] lavait les carreaux en string», rigolait à l'époque son deuxième adjoint2. Les élus du d é p a r t e m e n t - ui i d é p u t é UMF et U C U A sei ia-

teurs PRG (Parti radical de gauche) -, tous alertés, n'ont pas réagi. Et la préfecture n'a pas moufté. Pourtant, elle aurait pu. Le Code des collectivités permet la révocation d'un maire s'il perd son «autorité morale»3. Un élu coupable d'«attentat à la pudeur» en a fait les frais, il y a vingt-cinq ans. Depuis, rien.

2. La Dépêche du Midi, octobre 2001.

40 • C A U S E T T E # 2 3

C'est ainsi que Jacques Mahéas, l'agresseur de Neuilly-sur-Marne, et le maire de Puylaroque ont continué d'arborer l'écharpe tricolore en dépit de leur condamnation. Julien Courdesses ne s'est pas représenté en 2008. Les leçons ont-elles été tirées? Non, dans les communes de France, dans le silence et l'impunité, la liste des agresseurs s'allonge...

L'omerta dans les mairies

Dans les bureaux de l'hôtel de ville de Maubeuge, l'horreur •siùrafi •àaré tirrrq ans. Entre 2006 et 2011, Anna 4, collaboratrice du maire, le socia­liste Rémi Pauvros, aurait subi des viols, des agressions et du harcèlement sexuels. Causette s'est procuré le courrier de l'AVFT qui reprend son témoignage. Tout aurait commencé par des remarques: «J'ai vu une actrice de cul ce midi, t'es habillée pareil. » Il serait quatre à avoir agressé l'employée en CDD. Quatre membres du Parti socialiste, parmi lesquels des élus, un directeur de cabinet et un salarié de la fédération du Nord. L'un d'eux commence à la harceler «plus directement», jusqu'à «la poussera [...] des rapports sexuels non consentis et non protégés.» C'est l'engrenage: l'agresseur présumé «contraint» Anna à des «rapports de même nature avec le directeur de cabinet». Elle «devient alors leur objet. » Un troi­sième entre dans la danse: il l'a «contrainte à pratiquer une fellation». Vient un quatrième: «À plusieurs reprises, dans le bureau [d'Anna] ou lors de réunions, il touche sa poitrine, ses fesses. » Durant toute cette période, «Anna leur a signifié ses refus», mais «ils ne sont pas acceptés: "Je sais ce que tu veux, je sais que tu aimes ça"», auraient-ils dit. Au bout d'elle-même, la jeune collaboratrice va trouver dans la tentative de suicide sa seule échappatoire. L'acte désespéré «aboutit à une hospitalisation de six semaines». C'est là qu'Anna «prend conscience de ce qui s'était passé ». Soutenue par le person­nel soignant et par son mari, elle osera rompre le silence et mettre des mots sur son enfer. Anna a fait un pas, mais le plus long est devant elle. À sa sortie de l'hôpital, elle écrit un courrier à Rémi Pauvros et prend rendez-vous, espérant qu'il usera de son pouvoir de sanction disciplinaire5. Elle sera déçue. Un seul des agres­seurs présumés sera démissionné. Officiellement, pour se consacrer à ses projets professionnels. «Il a reconnu une relation consentie, justifie Nathalie Montfort, première adjointe au maire de Maubeuge interrogée par Causette. C'était sa

seconde aventure [à l'intérieur de la mairie, ndlr]. On lui a demandé, que ce soit consenti ou pas, de prendre ses res­ponsabilités.» Et les autres? Rien. Reçus en entretien, deux ont nié les faits et le dernier a reconnu «une relation consen­tie» avec Anna. Pas de viol, pas d'agression. « N'oubliez pas que ces gens sont mariés, insiste la première adjointe. Com­prenez, on ne peut pas porter des accusations quand il y a des familles derrière.» En outre, «je connais la plupart des collaborateurs qu'[Anna] dénonce depuis plus de vingt ans, c'est difficile. » Et pourtant, Nathalie Montfort le reconnaît: «Il y a toujours un doute. »

Alors, pourquoi ne pas avoir alerté la justice? «[Anna] a bien précisé que son but n'était pas de déstabiliser la mairie, répond l'adjointe. Loin d'elle l'idée de créer un remous terrible [...] Donc, on s'est dit qu'on allait respecter sa volonté. » Voilà com­ment la mairie de Maubeuge justifie son entorse à la loi. Car c'en est une : Rémi Pauvros, maire, membre du Conseil national PS et aspirant député, est tenu d'avertir «sans délai» le procu­reur dans les cas où il «acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit»6. Il ne l'a pas fait.

Martine Aubry règle les affaires en famille

Alertée par la situation, l'AVFT a envoyé un courrier à Martine Aubry. Pas de réponse. Pourtant, la lettre n'a pas atterri dans la poubelle de la première secrétaire du PS, mais sur le bureau de Benoît Hamon, son porte-parole. C'est là, en présence de Cau­sette, que ce dernier découvre le contenu du courrier. «Ça ne redescend pas jusqu'à moi», explique-t-il, sans parvenir à justi­fier le silence de sa patronne sur cette affaire. Ce n'est pas qu'elle n'aime pas écrire, simplement, quand Martine Aubry décide d'intervenir, elle le fait à sa façon : en famille. En 2011, au Creusot, Laura4, une employée de la piscine municipale, dénonce ses collègues auprès du maire PS, de la justice et de l'AVFT. Elle dit avoir été victime d'agression sexuelle, de harcèlement moral et sexuel. Infor­mée par l'association, la patronne du PS ne répond pas. Mais de passage pour un meeting, fin août, à quelques kilo­mètres du Creusot, elle craint d'être interpellée. Dans un courrier que s'est procuré Causette, sa garde rapprochée k i conseille d'appeler le maire afin de «voir avec lui s'il peut faire quelque chose». Bizarrement, le principal agresse»*' présumé de Laura est immédiatement changé de service (ce

3. Art. L2122-16 du Code général des collectivités territoriales et Conseil d'État du 12 juin 1987; Chalvet.

4. Le prénom a été modifié.

5. Le maire a un pouvoir de sanction, notamment à l'encontre d'un agent en cas de harcèlement sexuel, loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et

obligations des fonctionnaires.

6. Art. 40 du C o d e de procédure pénale : « Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit, est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République [...]»

C A U S E T T E #23 • 41

ENQUÊTE

qu'elle réclame depuis des mois). Quinze jours après, elle reçoit un étrange coup de fil du cabinet de Martine Aubry à Lille... qui lui demande si le nécessaire a été fait. Selon toute vraisemblance, l'intervention de l'état-major a porté ses fruits. Le maire du Creusot, André Billardon, nie avoir été rappelé à l'ordre. On l'aura compris, les histoires de violences sexistes en politique, ça se règle, dixit l'AVFT, «selon une logique de clan, en interne». Et quelquefois, pour éviter le scandale ou le tribunal, les élus vont jusqu'à dégainer le chéquier...

Le silence, ç a s'achète

À cinq reprises dans sa carrière, Jean-François Cassant a reçu des assistantes parlementaires qui se plaignaient d'être harcelées sexuellement par leur député. Ce repré­sentant du syndicat des collaborateurs parlemen­taires (USCP-UNSA-AN) l'a constaté : «Pour quatre d'entre elles, cela s'est réglé par une transaction financière. » Cau­sette a eu copie d'une version de l'un de ces « protocoles transactionnels», passé entre un député UMP - toujours en place - et sa collaboratrice. En échange de quelques mil­liers d'euros, le député s'assure du silence de sa salariée. Dans le compte rendu de l'entretien préalable à son licen­ciement, celle-ci mentionne «une parure de table, un cof­fret à cigarettes électronique, une étole...» que lui aurait offerts le député. Rien n'est écrit sur la contrepartie de ces cadeaux, mais l'élu fait remarquer, avant de prendre congé : «Vous ne savez pas rester discrète sur des éléments d'ordre privé, c'est un mauvais point pour travailler dans notre univers politique.» Grillée, l'attachée qui a osé se plaindre? Peut-être pas, puisqu'elle a choisi de ne pas aller devant la justice. Et comment lui en vouloir... «Les auteurs de violences sexistes ont une conscience assez nette de leur impunité, commente l'AVFT. Les juges les

condamnent rarement à l'inéligibilité et l'État ne les révoque pas. » Quant aux partis politiques, ils rechignent à faire le ménage dans leurs propres rangs. À droite et à gauche, on se défend: «Nous ne sommes pas des instances judi­ciaires!» On fait moins de manières quand il s'agit d'exclure Georges Frêche du PS pour ses multiples sorties racistes, ou quand on menace le député UMP Christian Vanneste de le faire après qu'il ait tenu des propos homophobes. Il faut croire qu'en politique, les violences sexistes sont un non-sujet. «On considère ce genre de cas avec complai­sance», se désespère la sénatrice UMP Chantai Jouanno.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Département de la Seine-Saint-Denis

VILLE DE NEUILLY-SUR-MARNE

Jacques MAHÉAS Neuilly-sur-Marne, le 20 Juillet 2011 Sénateur Maire

Cher(e) ami(e),

Souhaitant couper court à certaines rumeurs, je tiens à te confirmer que je n'ai pas démissionné ni de la mairie, ni du Parti Socialiste. Je me suis simplement « mis en congé » du PS, j'y reviendrai quand celui-ci sera capable de défendre ceux qui sont victimes d'un complot et non comme M. AUBRY de m'accuser (par l'intermédiaire de B. HAMON) afin de m'exclure du PS.

fit

VOUS NE SAVEZ PAS RESTER DISCRETE

SUR DES ÉLÉMENTS D'ORDRE PRIVÉ, C'EST UN MAUVAIS POINT POUR TRAVAILLER

DANS NOTRE UNIVERS POLITIQUE

H

42 • C A U S E T T E #23

ENQUÊT

UMP: QUAND UN ANCIEN SECRÉTAIRE D'ÉTAT

SE PREND POUR COLUMBO

À l'UMP, on préfère jouer les enquêteurs. Dans une commune tenue par un ancien secrétaire d'État, Léa 1 est venue se plaindre du harcèlement sexuel du chef de la police municipale. L'employée a réuni les e-mails, les photos et vidéos pornographiques que lui a envoyés son chef, ainsi que ses protestations écrites. Elle révèle aussi que son supérieur lui propose une arme (de 7e catégorie, non létale) en échange de ses faveurs sexuelles. Preuves insuffisantes pour la mairie, qui lui conseille de faire mine d'accepter la transaction pour récupérer le pistolet. Une manière «de disposer d'un élément matériel lui permettant d'étayer un dépôt de plainte ultérieur», justifie le maire. Léa s'exécute, mais le chef de police est blanchi en conseil de discipline et la plainte déposée, classée sans suite... Raison invoquée :

p - r i c o d ' u r n e - - .r- erm ctjf-n

alternative de nature non pénale» (sic). Il y a neuf mois, Léa a déposé une nouvelle plainte, qui est en cours d'instruction.

1. Par peur d'éventuelles représailles, la victime nous a demandé de modifier son prénom et de taire le nom de la commune.

Une socialiste, qui souhaite garder l'anonymat, va plus loin : «Quand un cas se présente, c'estledéni. On se cache les yeux. C'est l'omerta la plus totale. » Et l'AVFT d'ajouter: «S'il n'y a pas de pression médiatique ou de mobilisation de l'opinion publique, les partis ne réagissent pas. » Il a fallu que Benoît Hamon soit interpellé publiquement pour que Jacques Mahéas, condamné depuis deux ans déjà, fasse l'objet d'une procédure d'ex­clusion - une première dans l'histoire du PS. Malin, le maire s'est «mis en congé» du Parti. Un tour de passe-passe qui lui permet de claironner, dans une lettre à s e s adminis t rés-

«Je n'ai pas démissionné du Parti socialiste. » Au fait, Dominique Strauss-Kahn non plus. Pourtant, le parquet de Paris a estimé, dans un communiqué, que «des faits pouvant être qualifiés d'agression sexuelle» contre Tristane Banon avaient eu lieu. En passant, Causette a vérifié: le presque candidat est toujours membre du Parti.

Leila MINANO et Julia PASCUAL - PHOTOS : Franck JUÉRY pour Causette

Note de la rédaction : contactés par Causette, Jacques Mahéas et Martine Aubry n'ont pas donné

suite à nos demandes d'interview.

CAUSETTE #23 • 43

ENQUÊT

UMP: QUAND UN ANCIEN SECRÉTAIRE D'ÉTAT

SE PREND POUR COLUMBO

À l'UMP, on préfère jouer les enquêteurs. Dans une commune tenue par un ancien secrétaire d'État, Léa 1 est venue se plaindre du harcèlement sexuel du chef de la police municipale. L'employée a réuni les e-mails, les photos et vidéos pornographiques que lui a envoyés son chef, ainsi que ses protestations écrites. Elle révèle aussi que son supérieur lui propose une arme (de T catégorie, non létale) en échange de ses faveurs sexuelles. Preuves insuffisantes pour la mairie, qui lui conseille de faire mine d'accepter la transaction pour récupérer le pistolet. Une manière «de disposer d'un élément matériel lui permettant d'étayer un dépôt de plainte ultérieur», justifie le maire. Léa s'exécute, mais le chef de police est blanchi en conseil de discipline et la plainte déposée, classée sans suite... Raison invoquée : prise d'une «sanction alternative de nature non pénale» (sic). Il y a neuf mois, Léa a déposé une nouvelle plainte, qui est en cours d'instruction.

1. Par peur d'éventuelles représailles, la victime nous a demandé de modifier son prénom et de taire le nom de la commune.

Une socialiste, qui souhaite garder l'anonymat, va plus loin : «Quand un cas se présente, c'estledéni. On se cache les yeux. C'est l'omerta la plus totale. » Et l'AVFT d'ajouter: «S'il n'y a pas de pression médiatique ou de mobilisation de l'opinion publique, les partis ne réagissent pas.» Il a fallu que Benoît Hamon soit interpellé publiquement pour que Jacques Mahéas, condamné depuis deux ans déjà, fasse l'objet d'une procédure d'ex­clusion - une première dans l'histoire du PS. Malin, le maire s'est «mis en congé» du Parti. Un tour de passe-passe qui lui permet de claironner, dans une lettre à ses administrés : «Je n'ai pas démissionné du Parti socialiste. » Au fait, Dominique Strauss-Kahn non plus. Pourtant, le parquet de Paris a estimé, dans un communiqué, que «des faits pouvant être qualifiés d'agression sexuelle» contre Tristane Banon avaient eu lieu. En passant, Causette a vérifié: le presque candidat est toujours membre du Parti.

Leila MINANO et Julia PASCUAL - PHOTOS: Franck JUÉRY pour Causette

Note de la rédaction: contactés par Causette, Jacques Mahéas et Martine Aubry n'ont pas donné

suite à nos demandes d'interview.

CAUSETTE #23 • 43

ENQUÊTE

La vie (très) privée des élus de la République

Le devoir d'exemplarité des élus s'arrête-t-il à la porte de la mairie, du conseil général ou de leur permanence parlementaire? Non, répondent en choeur les partis. Dans sa vie privée, comme dans l'exercice de ses fonctions, le comportement d'un élu doit être conforme aux valeurs du Parti. Mais il faut confronter ces déclarations à la réalité...

e Paris, le 28 février 2012 Communiqué de presse

A Paris, contre un élu de la diversité, EELV revendique l'application de la « la double peine » !

Depuis plusieurs mois, le groupe EELV 19 e a décidé de poursuivre de sa vindicte publique un

jeune élu socialiste, issu de la diversité, mis en cause pour des faits privés sans rapport avec

l'exercice de son mandat

Y acine Chaouat, maire adjoint PS du 19e arrondis­sement de Paris, chargé de la médiation, a été condamné, fin 2011, à six mois de prison avec sursis

pour violences conjugales. Plusieurs mois après la décision, des élus verts réclament sa démission, mais la mairie PS ne lâche pas son adjoint. Dans un communiqué, elle défend «un jeune élu socialiste, issu de la diversité [sic], mis en cause pour des faits privés». Interrogé par Médiapart, Roger Madec, le maire, va plus loin : « C'est pas quelqu'un de violent, [...] la peine était disproportionnée. [...] Il y a peut-être un geste regrettable, mais dans cette affaire, il y a deux victimes. » Regrettable, le geste? Fatma Chaouat, 21 ans, a été battue à coups de ceinture, puis retenue à son domicile (quatorze jours d'incapacité temporaire de travail). «C'est horrible! réa­git un élu PS de l'arrondissement, les communiqués du maire n'ont pas été discutés. On n'est pas d'accord, mais on est pris en otage, car on ne veut pas déstabiliser l'équipe muni­cipale en pleine campagne présidentielle. » Quant à EELV, qui joue les redresseurs de torts à la mairie du 19e, le Parti n'a pas de leçon à donner. Stéphane Pocrain, membre de la garde rapprochée d'Eva Joly, a été condamné pour violences conjugales en 2008 et, il y a deux mois, pour abandon de famille et non-paiement de la pension alimen­taire. Dans un courrier interne, une cinquantaine de militants

verts réclament que le collaborateur «soit écarté des cercles officiels et officieux de la campagne d'Eva Joly au plus vite». « C'est un vrai problème pour un Parti qui a un positionne­ment clairement féministe», justifie, dépitée, une des signa­taires de la lettre. Quatre mois après le courrier, Stéphane Pocrain est toujours dans les petits papiers d'Eva.

Quand on veut, on peut En dépit de cette distinction vie privée/vie publique, utilisée comme bouclier par le maire du 19e - et par d'autres élus quand un de leurs pairs est condamné -, il arrive pourtant que des représentants de la nation soient démissionnes pour des faits relevant de leur vie privée. En avril 2011, Guy Rouveyre, conseiller général PCF et pre­mier adjoint d'Échirolles (38), a ainsi été contraint à démis­sionner de ses mandats après que son maire a découvert sa condamnation en 2010 pour deux agressions sexuelles sur mineur de 16 ans. De même, le conseiller municipal UMP du Mesnil-Saint-Denis (78), Maurice Gutman, condamné en 2010 à deux mois avec sursis pour proposition sexuelle à une mineure de 15 ans, a, selon la mairie, «démissionné immé­diatement». L'élu aurait même... «changé de ville».

L. M. et J. P.

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