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RÉSUMÉ
La France et l’Algérie entretiennent des rapports complexes. Cent-trente-deux années de présence française en Algérie, une guerre de sept ans, six décennies d’immigration des Algériens vers la France ont créé une relation absolument unique et singulière. Une relation passionnelle faite d’une attraction-répulsion réciproque et largement irrationnelle. Concevoir un avenir commun entre la France et l'Algérie est pourtant un devoir impérieux pour les deux pays, notamment en matière de sécurité et de défense. La Méditerranée qui les sépare est redevenue une priorité stratégique pour le monde. La nécessité de garantir les approvisionnements énergétiques, l’importance des flux migratoires en provenance du Sud, la menace du terrorisme islamiste, imposent à la France comme à l’Algérie de s’engager dans une coopération exemplaire pour prévenir et juguler les crises. Cependant, qu’il s’agisse de l’éternel problème des visas ou de l’instrumentalisation de l’histoire coloniale par le nationalisme arabe ou le lobby pied-noir, les actions de coopération bilatérale ne sont jamais à l’abri de la surenchère politique sur chacune des rives de la Méditerranée. Il existe également des interrogations sur la capacité de la France à déployer en faveur de sa coopération militaire avec l’Algérie des moyens à la hauteur du « partenariat d’exception » officiellement engagé entre les deux Etats. Le cadre bilatéral apparaît en fait comme structurellement inadapté au développement de la coopération entre les armées françaises et algériennes. Pour influencer son partenaire algérien sans être nettement identifiée comme initiatrice, la France a intérêt à porter ses efforts vers les institutions militaires multilatérales. Le Dialogue Méditerranéen de l’OTAN est dans cette optique un outil remarquable. L’Armée algérienne y a fait la preuve de sa détermination à rompre avec les années d’isolement international et à se rapprocher des modes opératoires des armées occidentales. Seulement, l’influence des Américains dans l’orientation du DM est telle que les Français ne peuvent entretenir beaucoup d’illusions quant à l’éventualité de s’en servir pour convertir l’Algérie à leur conception de la sécurité en Méditerranée. L’Europe, elle, peut non seulement contribuer à gommer les contradictions de l’impossible couple franco-algérien mais également offrir à la France un formidable multiplicateur d’influence. En s’appuyant sur une mutualisation des moyens militaires des Européens du sud, en offrant un partenariat plus souple que celui de l’OTAN, en favorisant une intégration maghrébine profitable aux Algériens, la France a peut-être découvert avec le « 5+5 Défense » la clé d’une relation équilibrée et attrayante pour l’Algérie. "L’Université n’entend donner aucune approbation ou improbation aux opinions émises dans ce mémoire. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur."
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Bruno CALLA DU FAŸ
LA COOPÉRATION MILITAIRE FRANCO-ALGÉRIENNE
VERS UNE MARGINALISATION DES RELATIONS BILATÉRALES AU PROFIT DE L’OTAN ET DE L’UNION EUROPÉENNE ?
MÉMOIRE DE MASTER 2 RECHERCHE RELATIONS INTERNATIONALES SOUS LA DIRECTION DE MONSIEUR LE PROFESSEUR FRANÇOIS GRESLE
UNIVERSITÉ DE PARIS I SORBONNE – 2006
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« Vive l’Algérie !
Gloire à ceux qui sont morts pour elle afin que d’autres puissent lever la tête et crier leur délivrance à la face de l’humanité honteuse et complice. Mais quand l’Algérie vivra et lèvera la tête, je souhaite qu’elle se souvienne de la France et de tout ce qu’elle lui doit. […]
Vive la France, telle que je l’ai toujours aimée. Vive l’Algérie, telle que je l’espère. Honte aux criminels ! Honte aux tricheurs ! »
Mouloud Feraoun, Journal. 1955-1962, 1962.
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INTRODUCTION
Concevoir un avenir commun entre la France et l'Algérie est un devoir impérieux pour
les deux pays. Cent-trente-deux années de présence française en Algérie, une guerre de sept
ans, six décennies d’immigration des Algériens vers la France ont créé une relation unique
comme les deux Etats n’en entretiennent avec aucun autre. Une relation passionnelle faite
d’une attraction-répulsion réciproque et largement irrationnelle.
Pour la nation algérienne, accouchée dans la douleur d’une impitoyable guerre
d’indépendance doublée d’une guerre civile, la lutte contre l’oppresseur français est un mythe
fondateur indépassable dont la mémoire est le ciment de l’unité de la patrie. Cette blessure, au
cœur de l'identité algérienne, l'hymne national la brandit à la face du monde :
"Ô France ! Le temps des palabres est révolu
Nous l'avons clos comme on ferme un livre Ô France ! Voici venu le jour où il faut rendre des comptes !
Prépare-toi ! Voici notre réponse ! Le verdict, notre Révolution le rendra
Car, nous avons décidé que l'Algérie vivra Soyez-en témoin !"1
C’est pourtant vers la France, vers sa tolérance politique, sa prospérité économique, sa langue
et sa culture, que des millions d’Algériens continuent à se tourner avec l’espoir d’un asile,
d’une vie meilleure, et d’une ouverture intellectuelle sur l’Occident. De tous les peuples du
monde, c’est aux Algériens que la France accorde le plus de visas d’entrée sur son territoire.
Pour des millions de Français, l’Algérie est la terre des ancêtres ou celle des années de service
militaire, le rappel d’un passé recomposé, douloureux ou idéalisé. Elle est surtout presque
toujours la clé de compréhension du monde arabe et musulman et la grille d’explication des
échecs de la politique d’assimilation de l’immigration récente à la Communauté nationale. La
France, devenue en quelques années le premier pays musulman d’Europe, dirige de plus en
plus fréquemment son regard vers l’Algérie pour appréhender l’ébullition internationale et
1 Extrait de la traduction française de l'hymne national algérien écrit par Mufdi Zakariah. www.el-mouradia.dz.
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exorciser ses propres démons. Depuis qu’au milieu des années quatre-vingt-dix la guerre
civile algérienne a exporté sa terreur au nord de la Méditerranée, l’imaginaire des Français
associe immigration, islam, et Algérie dans une représentation terrifiante. La révolte des
banlieues à l’automne 2005 a accentué un peu plus encore les peurs et nourri le repli
identitaire.
Pourtant, le père fondateur de la relation bilatérale, Charles de Gaulle, clamait dès 1963 sa foi
dans « le grand avenir » de la coopération franco-algérienne.2 Même en comité restreint, le
Général prescrivait que « les rapports de la France et de l’Algérie doivent devenir un modèle
de relations entre le monde occidental et les pays sous-développés. »3
Quarante années après les orientations gaulliennes, Jacques Chirac et Abdelaziz Bouteflika
formulent le même vœu, quasiment au mot près. Conclue à l’occasion de la première visite en
Algérie d’un chef d’Etat français depuis l’Indépendance, la Déclaration d’Alger du 2 mars
2003 exprime solennellement la volonté des deux pays de s’engager en faveur de
« l’instauration de rapports privilégiés et d’un partenariat d’exception ayant vocation à se
poser comme modèle de coopération dans la région et dans les relations internationales. »4
La France et l’Algérie sont condamnées à s’entendre. Depuis la fin de la guerre froide, la
Méditerranée qui les sépare est redevenue une priorité stratégique pour le monde. D’abord
parce qu’autour de cette mer, tout à la fois lieu de métissage et zone de fracture,
l’interdépendance des pays du Nord et du Sud ne cesse de croître. Qu’elle soit économique ou
culturelle, la modernité s’est faite univoque, occidentale. La globalisation des échanges, les
mouvements de population, la circulation des informations et des images fondent entre nous
un monde unique même s’il est divers. Ensuite parce que les bouleversements survenus sur la
rive sud ont une répercussion presque immédiate sur les pays du Nord. L’exportation du
terrorisme islamiste est venue rappeler que la sécurité de l’Union Européenne et des Etats-
Unis dépend étroitement de la stabilité de l’espace méditerranéen. La crise politique et surtout
sociale qui guette le Maghreb tout entier pourrait avoir des conséquences plus considérables
encore sur l'Europe voisine et sur les cours des hydrocarbures, c'est-à-dire sur l'économie
mondiale.
2 A l’issue du conseil des ministres du 24 janvier 1963. Cité in Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, Paris, Gallimard, collection Quarto, 2002, p.403. 3 A l’issue du conseil des ministres du 30 janvier 1963. Cité Ibid., p.405. 4 Déclaration commune à Alger de Jacques Chirac et d’Abdelaziz Bouteflika, 2 mars 2003. www.ambafrance-dz.org.
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C’est pour anticiper ces tensions, c’est pour tenter de les désamorcer que la France et
l’Algérie doivent collaborer. Cette coopération doit viser à diversifier le tissu économique
algérien pour créer des emplois. Les entreprises, les grandes écoles, les universités françaises
ont la capacité d’intensifier leurs échanges avec leurs homologues algériennes. Mais ce
développement, cette acquisition de savoir-faire, cette insertion dans la compétition mondiale,
ne peut se concevoir que dans la confiance de tous les acteurs, Algériens et Français, dans la
stabilité du pays. Une stabilité pour laquelle, là encore, la France peut œuvrer.
Tout au long de la décennie sanglante, les services de sécurité français et algériens
n’ont jamais cessé de communiquer. Les renseignements sur les groupes de l’islam radical ont
toujours circulé de part et d’autre de la Méditerranée puisque la menace se joue des frontières.
La lutte contre le terrorisme a créé une solidarité entre les polices que les attentats du 11
septembre 2001 sont venus renforcer. La coopération militaire franco-algérienne n’a en
revanche pas bénéficié d’une même continuité.
L’interruption du processus électoral en janvier 1992 et le déchainement de violences qui l’a
suivi ont conduit la France à suspendre les activités militaires bilatérales et surtout à
interrompre, de facto, la livraison d’armes offensives à l’Armée nationale populaire. Seules la
formation en France de quelques officiers algériens dans des domaines non sensibles et la
cession anecdotique d’équipements défensifs ont permis de maintenir des contacts entre les
deux armées. Il s’agissait pour les gouvernements français successifs de ne pas paraître
cautionner l’éradication physique des islamistes par le système politique militarisé en place à
Alger.
Ce n’est qu’avec l’élection d’Abdelaziz Bouteflika à la présidence de la République en avril
1999 que le régime algérien a paru de nouveau fréquentable. La défaite militaire de la plupart
des maquis djihadistes, le désengagement, au-moins en apparence, de l’Armée de la scène
politique, et l’activisme diplomatique déployé par le Président Bouteflika ont autorisé la
réhabilitation progressive de l’image internationale de l’Algérie. En mai 2000, après onze
années sans aucune visite d’un haut gradé de l’Armée française, un vice-amiral, accompagné
d’une frégate, se rend à Alger. Premier acte d’une reprise du dialogue à tous les niveaux
qu’est venu consacré en juillet 2004 le déplacement dans la capitale algérienne de Michèle
Alliot-Marie, le premier d’un ministre français de la Défense depuis l’Indépendance.
Depuis plus de deux ans, cette refondation des relations militaires bilatérales se matérialise
par des réunions d’état-major annuelles, la croissance de l’offre de formation française, de
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nombreux séminaires, ainsi que des exercices conjoints des marines des deux pays tant en
France qu’en Algérie.
La reprise progressive de la coopération militaire franco-algérienne demeure cependant
incroyablement fragile et modeste au regard des enjeux.
En 2004, Michèle Alliot-Marie s’est rendu à Alger avec la volonté « de tourner la page, sans
oublier l’histoire, mais avec la volonté de construire ensemble l’avenir. » Un avenir que
devait sceller la signature d’un accord-cadre de coopération pour rapprocher les militaires des
deux pays dans tous les domaines, y compris l’armement, et leur permettre dans un proche
avenir de « travailler efficacement ensemble » sur des théâtres d’opérations extérieures.
L’accord prendrait ensuite place dans le Traité d’amitié prévu par la Déclaration d’Alger de
mars 2003.5
La complexité des rapports franco-algériens n’a pourtant pas tardé à remettre en cause ce beau
succès diplomatique. Qu’il s’agisse de l’éternel problème des visas ou de l’instrumentalisation
de l’histoire coloniale par le nationalisme arabe ou le lobby pied-noir, les actions de
coopérations bilatérales ne sont jamais à l’abri de la surenchère politique sur chacune des
rives de la Méditerranée. Depuis qu’en février 2005 quelques députés nostalgiques de
l’Algérie française se sont lancés dans une politisation irresponsable de l’histoire6, il ne se
passe pas de semaine sans qu’un officiel algérien, et singulièrement le premier d’entre eux7,
n’assimile la France coloniale à la terreur nazie. Autant dire que le Traité d’amitié qui devait
être conclu en 2005 et relancer la coopération tous azimuts est compromis pour longtemps.
Au-delà des difficultés inhérentes à la dimension passionnelle de la relation franco-algérienne,
il existe également des interrogations sur la capacité de la France, et même parfois sur sa
détermination réelle, à déployer en faveur de sa coopération militaire avec l’Algérie des
moyens à la hauteur d’un « partenariat d’exception ». Les exportations d’armements et le
volume des formations demeurent largement inférieurs aux attentes immédiates des militaires
algériens.
5 Entretien avec RTL, 19 juillet 2004. www.ambafrance-dz.org. 6 La loi du 23 février 2005 « portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés » stipule dans son article 4 : « Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’Armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit. » 7 Dans la droite ligne de nombreux autres précédents, le Président Bouteflika a notamment déclaré lors de sa visite à Constantine le 16 avril 2006 : « Ce [la colonisation] n'était pas seulement un génocide contre le peuple algérien, mais un génocide contre l'identité algérienne. C'est une entreprise d'acculturation, de dépersonnalisation destinée à anéantir l'âme, la personnalité et l'identité algérienne ainsi que ses fondements. » Cité in Samar Smati, Liberté, 18 avril 2006.
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Au total, le cadre bilatéral apparaît comme structurellement inadapté au développement de la
coopération entre l’Armée française et l’ANP. Mais ce que les deux pays ne parviennent à
faire en tête à tête, ne pourrait-on le réaliser dans un cadre plus large ? La France n’a-t-elle
pas intérêt à porter ses efforts vers les institutions militaires multilatérales pour influencer son
partenaire algérien sans être nettement identifiée comme initiatrice ?
En mars 2000, l’Algérie a rejoint le Dialogue Méditerranéen de l’OTAN. L’Armée algérienne
y a aussitôt fait la preuve de sa détermination à rompre avec les années d’isolement
international et à se rapprocher des modes opératoires des armées occidentales. Son
engagement remarqué a même été un moteur puissant de la transformation croissante depuis
2004 du Dialogue en un véritable partenariat avec des objectifs de coopération opérationnelle.
Les militaires français et algériens peuvent d’ores et déjà y construire une relation de
confiance sans risquer de se voir entraver à tout moment par les tensions politiques.
Seulement, l’influence des Américains dans l’orientation de ce remarquable outil est telle que
les Français ne peuvent entretenir beaucoup d’illusions quant à l’éventualité de s’en servir
pour convertir l’Algérie à leur conception de la sécurité en Méditerranée.
L’Europe, elle, pourrait non seulement contribuer à gommer les contradictions de l’impossible
couple franco-algérien mais également offrir à la France un formidable multiplicateur
d’influence. C’est justement depuis Alger que Michèle Alliot-Marie a proposé en juillet 2004
une « coopération renforcée » entre les pays du Sud de l’UE (France, Italie, Espagne, Malte et
Portugal) et les Etats de l’Union du Maghreb arabe (Algérie, Lybie, Maroc, Mauritanie et
Tunisie). Fondée à Paris dès le mois de décembre suivant, « l’Initiative cinq plus cinq pour la
coopération multilatérale sur les questions de sécurité en Méditerranée occidentale » vise à
« renforcer la compréhension mutuelle » et à « accroître les actions communes » dans les
domaines de la surveillance maritime, de la protection civile et de la sécurité aérienne.8
Débutées avec humilité et pragmatisme, ces micro-coopérations portent en elles des
perspectives prometteuses pour la coopération militaire franco-algérienne puisqu’au rôle
dominant que la France tient dans la politique méditerranéenne de l’UE, répond la supériorité
de l’ANP au sein des armées maghrébines.
En s’appuyant sur une mutualisation des moyens militaires des Européens du sud, en offrant
un partenariat plus souple que celui de l’OTAN, en favorisant une intégration maghrébine
8 Initiative sur la sécurité en Méditerranée occidentale. www.defense.gouv.fr.
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profitable aux Algériens, la France a peut-être découvert avec le « 5+5 Défense » la clé d’une
relation équilibrée et attrayante pour l’Algérie.
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SOMMAIRE
L'INTÉRÊT STRATÉGIQUE MAJEUR D'UNE COOPÉRATION MILITAIRE AVEC L'ALGÉRIE
LA MÉDITERRANÉE OCCIDENTALE, UN ESPACE PRIORITAIRE Des intérêts économiques, culturels et politiques de premier plan p.15 Un fort potentiel déstabilisateur p.21 L'ANP, UN PARTENAIRE INCONTOURNABLE La crédibilité retrouvée p.44 Vers la professionnalisation ? p.53
UNE RELATION MILITAIRE BILATÉRALE OTAGE DE LA POLITIQUE
UNE RELATION PASSIONNELLE Variations politiques p.68 La normalisation impossible p.88 LA FAIBLESSE DES MOYENS La structure légère de la coopération militaire française p.98 Armement : des exportations marginales p.103 Formation : une collaboration à sens unique p.113
LA NÉCESSITÉ DE PORTER L'EFFORT SUR LE MULTILATÉRAL
LE DIALOGUE MÉDITERRANÉEN DE L'OTAN, UN FAIBLE MULTIPLICATEUR D'INFLUENCE POUR LA FRANCE Un partenariat prometteur p.120 L'hégémonie américaine p.123 INITIATIVE 5+5 DÉFENSE : DISSIMULER LA PUISSANCE FRANÇAISE DERRIÈRE L'EUROPE POUR PROGRESSER ? Une approche humble p.127 L’espoir p.131 CONCLUSION p.133
11
ANNEXES p.136 CHRONOLOGIE p.142 SOURCES p.146 ENTRETIENS p.151 REVUE DE PRESSE p.152 BIBLIOGRAPHIE p.158 INDEX p.162 TABLES DES MATIÈRES p.168
12
SIGLES A.N.P. : Armée nationale populaire algérienne. C.E.M.A. : Chef d’état-major des armées françaises. C.I.E.E.M.G. : Commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (France). C.I.D. : Collège interarmées de défense (France). D.A.S. : Délégation aux affaires stratégiques au Ministère français de la Défense. D.C.M.D. : Direction de la coopération militaire et de défense au Ministère français des Affaires étrangères. D.G.A. : Délégation générale pour l’armement (France). D.G.S.E. : Direction générale des services extérieurs (France). D.M. : Dialogue méditerranéen de l'OTAN. D.R.E.C. : Direction des relations extérieures et de la coopération au MDN algérien. D.R.M. : Direction du renseignement militaire au Ministère français de la Défense. D.R.S. : Département renseignement et sécurité (Algérie). E.M.A. : État-major de l’Armée française. Eurofor : European forces. Forces terrestres européennes. Euromarfor : European maritime forces. Forces maritimes européennes. EuroMeSCo : Euro-Mediterranean Study Commission. Commission d’étude euro-méditerranéenne. F.M.E.S. : Fondation méditerranéenne d’études stratégiques (France). I.F.R.I. : Institut français des Relations internationales. I.H.E.D.N. : Institut des hautes études de la Défense nationale (France). I.N.A.L.C.O. : Institut national des langues et civilisations orientales (France). I.R.I.S. : Institut de Relations internationales et stratégiques (France). M.D.N. : Ministère algérien de la Défense nationale. M.M.L.C. : Mission militaire de liaison et de coordination près l’Ambassade de France en Algérie. O.T.A.N. : Organisation du Traité de l'Atlantique nord. P.E.M. : Partenariat euro-méditerranéen. P.E.S.D. : Politique européenne de sécurité et de défense. U.E. : Union européenne. U.M.A. : Union du Maghreb arabe.
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CARTE
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L'INTÉRÊT STRATÉGIQUE MAJEUR D'UNE COOPÉRATION MILITAIRE
AVEC L'ALGÉRIE
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L’ALGÉRIE ET LA MÉDITERRANÉE OCCIDENTALE
UN ESPACE PRIORITAIRE POUR LA FRANCE
Parce qu’elle est au service du politique, l’Armée française ne peut fonder une volonté
de coopération avec une armée étrangère uniquement sur des critères militaires. Ce n’est pas
le bénéfice opérationnel qui doit seul déterminer les actions de collaboration entre forces
armées. Vouloir renouveler et accroître sa coopération militaire avec un autre Etat, c’est aussi
tenir compte de l’ensemble des intérêts géopolitiques de la France dans ce pays et son espace
régional. L’Algérie, placée au cœur « d’une région dont la stabilité est essentielle pour la
France et pour l’Europe », possède cette « importance géostratégique majeure ».9
DES INTÉRETS ÉCONOMIQUES, CULTURELS ET POLITIQUES DE PREMIER PLAN
L’Algérie est un immense pays. En superficie, il est le deuxième d’Afrique, avec
2 381 740 kilomètres carrés (plus de quatre fois la France). Du Maroc à la Tunisie, sa façade
maritime s’ouvre sur plus de 1 200 kilomètres. De la Méditerranée à ses confins sahariens, la
distance s’allonge à plus de deux mille kilomètres. Au nord, l’Europe n’est séparé d’elle que
par la Méditerranée. L’Espagne est à une demi-heure d’avion, Paris à deux heures. A l’ouest,
à l’est et au sud, l’Algérie occupe une position centrale en Afrique du Nord. Avec quelque
sept mille kilomètres de frontières terrestres, elle est au contact des quatre autres Etats du
Maghreb (Lybie, Maroc, Mauritanie et Tunisie), du Sahara occidental (revendiqué par le
Maroc) et de deux Etats sahéliens (Mali et Niger).
9 Vice-Amiral d’escadre Hervé Giraud, « La coopération militaire et de défense en Méditerranée », juillet 2005, p.86.
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Cet espace énorme, le Sahara le dévore au trois quart. Les trente-deux millions d’Algériens
sont concentrés, pour plus de 90 % d’entre eux, dans la région du Tell, une étroite bande
littorale de 135 000 km². Alger, centre d’attraction de tout le pays, a un million d’habitants, et
trois millions pour le Grand Alger. A l’Ouest, Oran, la deuxième ville du pays, en compte huit
cent mille. A l’Est, Constantine, en réunit 600 000. C’est pourtant au Sud, dans la plus vaste
zone désertique du monde, que se trouve la principale richesse du pays.
Le deuxième fournisseur de gaz de l'Europe
Onzième producteur mondial d’hydrocarbures, l’Algérie dispose de réserves estimées
à plus de quarante-cinq milliards de barils équivalents pétrole, et la prospection pétrolière est
loin d’être achevée. Au rythme actuel, environ un million de barils de pétrole par jour et
quatre-vingt milliards de m³ de gaz par an, la production est d’ores et déjà garantie pour
plusieurs décennies. Surtout, cette richesse ne cesse de croître.
En volume d’abord. La Sonatrach, la compagnie pétrolière nationale, est engagé dans un plan
de développement sur cinq ans de ses capacités d’exploration, d’extraction et d’acheminement
avec l’ambition de pratiquement doubler sa production. La loi d'avril 2005 sur les
hydrocarbures a encore accéléré l’ouverture du secteur aux investissements étrangers entamée
il y a près de quinze ans. Les moyens et le savoir-faire des dizaines de firmes américaines et
européennes, parmi lesquelles Gaz de France et Total, qui se pressent au Sahara vont faciliter
cette expansion. Les Américains ont par exemple investi environ 300 millions de dollars dans
ce secteur pour la seule année 2005, portant ainsi les Etats-Unis au premier rang des
investisseurs étrangers en Algérie.
En valeur ensuite et singulièrement. Depuis environ six ans, la flambée du prix du pétrole ne
se dément pas. Il a franchit, en avril 2006, le seuil historique de 70 dollars le baril. C’est d’une
part la conséquence de la croissance industrielle mondiale. Une croissance dopée en
particulier par l’extraordinaire dynamisme économique de l’Asie et tout spécialement de la
Chine. C’est d’autre part le résultat des tensions multiples qui affectent nombre de pays
producteurs d’hydrocarbures. Qu’il s’agisse de la situation extrêmement préoccupante de
l’Irak, de l’Iran ou, dans une moindre mesure, du Tchad, du Nigéria ou même du Venezuela,
tout porte le marché à amplifier la crainte de ne pas satisfaire les besoins énergétiques de la
globalisation.
L’Algérie profite à plein de cette conjoncture extrêmement favorable. Ses exportations de
pétrole et de gaz ont beaucoup plus que doublé entre 2001 et 2005, passant de 18 à 44
17
milliards de dollars.10 Le secteur des hydrocarbures est en fait le facteur d’insertion
internationale majeur de l’Algérie, tant par les flux commerciaux que par les investissements
étrangers qu’il génère.
L’Europe, toute proche, assure à l’Algérie un immense marché pour son pétrole et son gaz.
Plus de 60 % du total des exportations algériennes d’hydrocarbures se dirigent vers l’Union
européenne. L’Algérie lui est reliée depuis une décennie par le gazoduc transméditerranéen
(Algérie-Tunisie-Italie) et depuis peu par le gazoduc Maghreb-Europe (Algérie-Maroc-
Espagne). Devenue son deuxième fournisseur de gaz naturel après la Russie, l'Algérie assure
30% des importations européennes en gaz naturel. Le doublement des deux gazoducs va
prochainement accroître le volume de ces livraisons. La nouvelle politique européenne de
l'énergie adoptée en mars 2006 par le Conseil européen reconnaît d’ailleurs à l'Algérie « un
rôle stratégique croissant » notamment en matière de gaz naturel liquéfié (GNL), une des
priorités de la politique énergétique européenne, et appelle à la mise en place d'un
« partenariat énergétique ».11 Si l’Espagne et l’Italie sont les premiers clients des
hydrocarbures algériens, la France, actuellement quatrième derrière les Etats-Unis, veut
renforcer ses liens énergétiques avec l'Algérie. Les achats français de gaz et de pétrole
algériens se sont élevés à plus de 3,5 milliards d’euros en 2005, en hausse de 27 % par rapport
à 2004. La part du gaz algérien dans les approvisionnements français représente déjà 12,5 %
(sixième fournisseur). Mais avec la crise énergétique qui oppose l'Europe et la Russie, ce
pourcentage devrait atteindre rapidement 15 %. Un prolongement du gazoduc Maghreb-
Europe vers la France pourrait permettre dès 2009 une nouvelle augmentation. Total et Gaz de
France sont d’ailleurs présents à hauteur de 12 % dans la construction du nouveau gazoduc
Algérie-Espagne (Medgaz) et souhaitent acheter une partie du gaz qui y passera.12
Le premier client de la France au Maghreb
L’abondance des revenus pétroliers donne à l’Algérie les moyens d’une hausse
considérable de ses achats à l’étranger. Entre 2001 et 2005, ses importations ont été
multipliées par deux, passant de 9,5 à 22,1 milliards de dollars. L’Europe en est le principal
fournisseur. En 2002 par exemple, plus de 80 % des importations algériennes provenaient de
10 www.cofacerating.fr. 11 Cité in El Watan, 14 mai 2006. 12 Le Quotidien d’Oran, 13 mai 2006.
18
l’Union européenne.13 Les Européens s'attendent surtout à profiter largement de l'accord
d'association conclu entre l'Algérie et l'UE en avril 2002. Entré en vigueur le 1er septembre
2005, il vise à établir progressivement d'ici à 2010 une zone de libre échange euro-
méditerranéenne.14 L'intérêt, tant pour les Européens que pour les Algériens, c'est de voir
demain le Maghreb central se constituer en un vaste marché de 100 millions de
consommateurs. Car jusqu'à présent, en raison des antagonismes politiques et de l'absence de
complémentarité économique, le commerce de l'Algérie avec ses voisins maghrébins est
marginal : 0,28 % des importations et 0,71 % des exportations du pays.15
Le rang éminent du commerce européen s’explique en particulier par celui de la France qui
n’a jamais cessé d’être depuis l’Indépendance le premier exportateur vers l’Algérie. En 2001,
les produits français détenaient carrément 34,2 % du marché algérien, avec 3,7 milliards
d’euros. Alors que, la même année, le Maroc et la Tunisie n’en importaient que pour
respectivement 1,91 et 2,47 milliards d’euros.16 Certes, l’augmentation des importations
algériennes s’est accompagnée d’une diversification de leurs fournisseurs. Mais avec 22,1 %
de parts de marché en 2005, la France demeure loin devant l’Italie (7,5 %), les États-Unis et la
Chine (6,5 %), l’Allemagne (6,2 %) et l’Espagne (4,8 %). Ses exportations vers l’Algérie ont
même progressé tant en valeur absolue qu’en valeur relative, s’établissant à 4,7 milliards
d’euros, en progression de 10,3 % par rapport à 2004.17 La France est présente dans tous les
secteurs : dans le pétrole bien sûr, mais également dans l’aéronautique, l’industrie, le
bâtiment, l’hydraulique, l’agroalimentaire, etc. Quelque 325 entreprises françaises sont ainsi
venues en juin 2006 à la Foire Internationale d’Alger, dont 175 qui y participaient pour la
première fois. Un engouement justifié par le fait que 80 % de leurs devancières ont signé des
contrats à la suite de l’édition précédente.18 Ce dynamisme ne devrait pas faiblir puisque selon
les prévisions du Fond Monétaire International, les importations algériennes vont continuer de
croître et atteindre les 30 milliards de dollars dès 2010.19
13 CNUCED. Cité in Zakya Daoud, « Les diplomaties du Maghreb : une réorientation stratégique vers les États-Unis », novembre 2004, p.79. 14 Yasmine Ferroukhi, La Tribune, 29 août 2005. Pour une vision d'ensemble, voir Dorothée Schmid, « Le partenariat euro-méditerranéen : une entreprise inachevée », novembre 2004, p.67 à 74. 15 Saïd Haddad, « Une économie entre rente et immobilisme », in Khadija Mohsen-Finan (dir.), L’Algérie : une improbable sortie de crise ?, 2002, p.87. 16 Quai d’Orsay. Cité in Samy Ghorbal, « Notre ami Jacques Chirac », Jeune Afrique n°2238, 30 novembre 2003, p.89. 17 Ambassade de France en Algérie. Citée in Meziane Rabhi, Liberté, 3 mai 2006. 18 Chambre française de commerce et d’industrie en Algérie (Cfcia). Citée in Chafaâ Bouaiche, Infosoir, 1 juin 2006. 19 Cité in Meziane Rabhi, Liberté, 29 mai 2006.
19
Le deuxième pays francophone du Monde
Au-delà de ses importants intérêts économiques, l’Algérie représente également pour
la France un foyer essentiel de la culture francophone. Certes, la langue officielle de l’Algérie
est l’arabe. Et depuis l’Indépendance les gouvernements algériens successifs n’ont pas
ménagé leurs efforts en faveur de « l’arabisation », gage à leurs yeux de la cohésion
nationale.20 Pourtant, en dehors des écoles, des institutions et des médias, les dialectes arabo-
maghrébins conservent encore largement l’ascendant sur l’arabe classique. La révolte de la
Kabylie au printemps 2001 est venue aussi rappeler qu’environ 30 % de la population
pratique le Tamazight, socle de la culture berbère. Depuis mai 2002, une modification
constitutionnelle offre enfin un statut pour cette seconde « langue nationale » et le
gouvernement s’est engagé en janvier 2005 à une plus grande reconnaissance de la spécificité
berbère.21 Le dogme de l’arabité tend donc à se libéraliser.
Sans menacer ni l’arabe ni le berbère, le français est cependant partout. Il n’est pas
simplement l’apanage d’une grande partie de l’élite. Il n’est pas uniquement le vecteur d’une
bonne moitié des quotidiens nationaux. Il est plus que la clé de l’ouverture sur l’Occident, ses
journaux, ses télévisions, ses radios, Internet. Il est en fait présent jusque dans la moindre
conversation du quotidien, au cœur même d’une phrase en arabe ou en berbère. L’Algérie
n’est rien moins que le deuxième pays francophone au monde par le nombre de ses locuteurs
réguliers en français.
L'avantage de la France est naturellement de maintenir et de développer les moyens de son
rayonnement linguistique et culturel en Algérie. Elle l'a toujours fait depuis 1962 à travers une
coopération culturelle, scientifique et technique. Au grès des variations politiques entre Paris
et Alger, cela s'est traduit avec plus ou moins de vigueur.22 La guerre civile algérienne l'a
même presque complètement interrompue dans les années 1990. Et malgré ses récents efforts,
la France n'y consacrait en 2003 que 50 centimes d’euros par algérien, contre 2 euros par
habitant au Maroc, et 1,75 euro en Tunisie.23 Aujourd'hui, elle repose principalement sur cinq
centres culturels (Alger, Annaba, Constantine, Oran et Tlemcen), sur le Lycée Alexandre
20 Voir Ahmed Moatassime, « Islam, Arabisation et francophonie. Une interface possible à l’interrogation "Algérie-France-Islam" ? », in Joseph Jurt (dir.), Algérie, France, Islam, 1997, p.55 à 75. 21 Voir "La question berbère", in Khadija Mohsen-Finan, « Le Maghreb entre ouvertures nécessaires et autoritarismes possibles », 2005, p.122. 22 Nous reviendrons sur les relations politiques franco-algériennes dans la seconde partie de cette étude. 23 Quai d’Orsay. Cité in Samy Ghorbal, « Notre ami Jacques Chirac », Jeune Afrique n°2238, 30 novembre 2003, p.88.
20
Dumas et l’Ecole supérieure des affaires à Alger, et, surtout, sur l’accueil d’étudiants et de
chercheurs algériens en France.24
Une aire d'influence décisive pour la politique étrangère de la France
La proximité géographique, l’histoire unique entre les deux pays, la force des relations
économiques, culturelles et migratoires, donnent nécessairement un intérêt majeur aux
relations politiques qu’entretient la France avec l’Algérie. Pour la France, l’importance de ces
rapports dépasse même très largement le cadre étroit d’une simple concertation entre Etats.25
L’Algérie est une des priorités de la politique étrangère de la France, parce qu’elle est une des
clés de son influence mondiale.
Depuis deux siècles, la France porte une attention particulière à l’espace arabo-musulman. Au
sortir de l’époque coloniale, le Général de Gaulle a souhaité reconstruire une « politique arabe
de la France ». Il s’agissait de s’appuyer sur une relation privilégiée avec cette partie du
monde pour redonner à la puissance française les moyens d’une influence globale. Elle
impliquait le triple impératif d’une amitié affichée avec le monde arabe, d’une activité
soutenue de la diplomatie française dans cette zone, et d’une volonté de différenciation avec
les autres puissances, notamment les Etats-Unis.26 Il y a seulement dix ans, en avril 1996, à
l’Université du Caire, le Président Chirac assurait encore que « La politique arabe de la
France doit être une dimension essentielle de sa politique étrangère. »27 Depuis, la diplomatie
française donne le sentiment de vouloir substituer à cette vision d’ensemble du monde arabe,
des politiques adaptées à l’échelle régionale. Parmi, ces espaces stratégiques, le Maghreb
central (Algérie, Maroc, Tunisie) est une « priorité majeure ».28
Parce qu’elle est la principale puissance européenne du Sud et parce qu’elle abrite la plus
importante communauté musulmane en Europe, la France exprime régulièrement la volonté
d’être un « pont entre les deux rives de la Méditerranée ».29 A l’heure de l’élargissement de
l’UE vers l’Est, elle se veut l’avocat des intérêts des pays de la rive sud, et singulièrement du
24 Présentation des relations bilatérales, 3 janvier 2005. www.ambafrance-dz.org. 25 Nous reviendrons dans la deuxième partie de cette étude sur la complexité spécifique de ces relations. 26 Frédéric Charillon, « La politique française au Moyen-Orient : la nouvelle donne », 2005, p.47. 27 Cité Ibid. 28 Alain Rémy, « La Méditerranée, une priorité française », juillet 2005, p.95. Alain Rémy est directeur adjoint Afrique du Nord / Moyen-Orient au Ministère des Affaires étrangères. 29 Conférence de Bernard Emié, « La Politique de la France dans la zone Afrique du Nord – Moyen-Orient : les principaux enjeux », 10 mai 2003. Bernard Emié est directeur Afrique du Nord / Moyen Orient au Ministère des Affaires étrangères. www.fmes-france.org.
21
Maghreb, auprès de ses partenaires de l’Union. En novembre 2003, Renaud Muselier, à
l’époque secrétaire d’Etat aux Affaire étrangères, estimait que « Le crédit de la France dans
cette région, encore renforcé par nos positions sur la crise irakienne, peut être mis au service
[…] d’une coopération renforcée entre l'Union européenne et des blocs régionaux au Sud,
comme le Maghreb : il s'agit là d'encourager l'intégration sud-sud, souvent déficiente ».30
Si la France tient à jouer un « rôle particulier » au sud de la Méditerranée, c’est surtout qu’elle
a la conviction que c'est dans sa capacité à être à l'écoute de ces Etats et de leurs peuples, que
c'est dans sa capacité à plaider leur cause auprès du reste de l’Occident, que c'est dans sa
capacité à imaginer des projets pour les accompagner vers le progrès politique, économique et
social, que résident quelques-uns des motifs les plus sérieux pour justifier de sa place de
membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU. La France a la conviction que c'est en
partie au Maghreb qu’elle peut défendre son rang de puissance et continuer à peser sur
l’équilibre du monde.31
UN FORT POTENTIEL DESTABILISATEUR
Par sa situation géographique, par son importance démographique et par son poids
énergétique, l’Algérie peut être qualifiée d’Etat-pivot, c’est-à-dire susceptible d’affecter la
stabilité régionale et internationale. C’est un Etat dont l’effondrement aurait des conséquences
désastreuses pour ses voisins. Tant par le risque d’un embrasement général du Maghreb que
par ses répercussions sur l’Europe toute proche et même sur l’ensemble de l’économie
mondiale sous le coup d’une nouvelle envolée des cours pétroliers.
UNE SITUATION ÉCONOMIQUE ET SOCIALE EXPLOSIVE
30 Conférence, « La Politique méditerranéenne de la France », 15 novembre 2003. www.fmes-france.org. 31 Yazid Sabeg, « De l’avenir de la relation franco-algérienne », Le Figaro, 04 février 2006. Nous verrons plus en détails dans la troisième partie de cette étude les relations de la France avec ses partenaires occidentaux à propos de la Méditerranée et tout spécialement de l’Algérie.
22
Avec une pointe de désespoir, les Algériens ironisent quelquefois sur l’insupportable
paradoxe économique de l’Algérie, celui d’être un « pays pauvre à milliards ».32 Car en dépit
de recettes pétrolières extraordinaires et d’une situation financière inespérée depuis quelques
années, la majeure partie de la population algérienne est maintenue dans une misère
économique et une profonde désespérance sociale.
Dans un entretien accordé, avec une franchise inhabituelle, au magazine Le Point en octobre
2005, le Premier Ministre Ahmed Ouyahia dressait lui–même un tableau sombre de
l’économie algérienne. En 2004, l’Algérie a exporté seulement 780 millions de dollars hors
hydrocarbures. Dans le même temps, elle a importé pour 18 milliards de dollars. Du coup,
avertit l’ancien chef du gouvernement, « si les cours du pétrole s’effondrent et que dans trente
ans nous n’en avons plus, ce sera l’Ethiopie. » Et il ajoute que, malgré « le volontarisme du
gouvernement pour soutenir l’agriculture et l’industrie », « exporter dix milliards de dollars
hors hydrocarbures va nous demander dix ans. » En attendant, il annonce que certes
l’ouverture économique de l’Algérie vers l’Europe va se traduire par « un passage douloureux
[pour l’Algérie] qui risque de nous faire perdre 500 000 emplois », mais que l’Etat va injecter
55 milliards de dollars d’ici à 2009 dans « la consolidation de la croissance ».33
Dans cette courte interview, les principaux handicaps économiques de l’Algérie sont
transparents : l’absence de compétitivité qui fait du pays un acteur passif de la mondialisation,
la dépendance chronique et fataliste à l’argent du pétrole, la toute puissance de l’Etat qui
s’ingère partout et qui a appris à son peuple à tout attendre de lui. Il n’y manque que le risque
d’explosion sociale pour que le tableau soit complet.
Dès son indépendance, l’Algérie a succombé à la malédiction qui pèse sur les grands pays
mono-exportateurs d’hydrocarbures, celle « d’une économie rentière et improductive »34 où
les facteurs de croissance sont presque uniquement exogènes. C’est la rente pétrolière qui a
conduit à entreprendre des projets industriels complètement déconnectés et destructeurs des
potentiels du pays. C’est la rente qui entretient l’ensemble du pays sous perfusion artificielle
pour le plus grand bénéfice du régime algérien. Un pouvoir qui distribue la manne comme on
le ferait de la morphine pour rendre supportable son incapacité à réformer une société de
production massive de chômeurs condamnés à l’assistanat, à l’extrémisme ou à l’exil.
32 Cités in Florence Beaugé, Le Monde, 16 juillet 2004. 33 Le Point n°1725, 6 octobre 2005. 34 Saïd Haddad, « Une économie entre rente et immobilisme », in Khadija Mohsen-Finan (dir.), L’Algérie : une improbable sortie de crise ?, 2002, p.74.
23
L’échec du collectivisme industriel
Le sous-sol algérien est parmi les plus riches du monde. A eux seuls, pétrole et gaz
contribuent à 30 % du PNB, à 97 % des exportations et à 60 % des recettes du Trésor. Mais
cette industrie d’extraction et de raffinage, souvent de très haute technicité, ne nécessite
qu’une manœuvre relativement réduite. La Sonatrach, la compagnie pétrolière nationale et
première entreprise du continent africain, emploie « seulement » 120 000 personnes. S’il ne
peut occuper l’ensemble d’une population sans cesse grandissante, le secteur pétrolier donne
en revanche à l’Etat les moyens d’intervenir dans le reste de l’économie.
Le départ des Français en 1962 avait laissé l’agriculture et l’industrie dans une situation
critique et l’on compte, au lendemain de l’Indépendance, plus de deux millions de chômeurs
dans un pays où le pourcentage de la population active ne dépasse pas 30 % (moins de quatre
millions). Le choix des chefs de l’Algérie indépendante d’investir l’argent du pétrole dans une
grande politique industrielle devait, en même temps que de résoudre le problème du chômage,
faire du pays le héraut de l’émancipation politique et économique du Tiers-Monde. L’option
de l’industrie industrialisante (usines clés en main), dictée par la faiblesse du niveau technique
local, s’est cependant rapidement caractérisée par le sacrifice de l’agriculture et par l’échec
complet du système productif national. Le manque d’ouvriers qualifiés, la faible productivité,
l’inadéquation des produits fabriqués, l’obsolescence des technologies utilisées, la
concurrence de la production étrangère et le développement du secteur informel expliquent
que l’industrie algérienne n’ait jamais été compétitive. La rente fournie par les exportations de
pétrole et de gaz a assuré pendant deux décennies la survie de ce système. Mais la chute
spectaculaire des recettes tirées des hydrocarbures au milieu des années 1980 (de 13 à 7
milliards de dollars entre 1985 et 1986), l’a définitivement condamné. L’Algérie n’en a plus
les moyens, et les tragiques années suivantes vont accélérer l’entrée du pays dans l’économie
de marché.35
Guerre civile et libéralisme
A la fin des années 1980, la chute brutale du prix du pétrole et l’abandon du modèle
socialiste révèlent les faiblesses structurelles de l’économie algérienne et la sclérose de l’Etat-
FLN. En octobre 1988, la révolte de la jeunesse, nombreuse et désespérée par le chômage de
35 Ibid., p.77.
24
masse, en est le symbole, dans toute sa violence. Sa répression sanglante par l’Armée est un
traumatisme qui affecte en profondeur les fondements même du régime. Dans un réflexe de
survie, le pouvoir opte pour un processus de libéralisation de l’économie et de
démocratisation de la vie politique.
A court et moyen terme, il est inéluctable que le desserrement de l’emprise de l’Etat sur
l’économie et sur les consciences déstabilise un peu plus encore une population déjà fragilisée
par des années de crise et de frustration. Cette conjoncture est éminemment défavorable à une
introduction brusque de la démocratie.36 Le choix de conjuguer simultanément libéralisation
économique et libre choix politique conduit inévitablement à faire imploser le système.
Ce sont les islamistes, l’opposition la plus structurée et la plus déterminée à la rupture, qui
profitent de l’incapacité du Président Chadli Bendjedid à maîtriser l’ouverture. Le refus de
l’Armée, qui s’estime gardienne des valeurs intemporelles de la nation, de reconnaître la
victoire du FIS par les urnes plonge l’Algérie dans la guerre civile en janvier 1992.
Paradoxalement, c’est dans ce contexte chaotique que le passage d’une économie dirigée à
une économie de marché est acquis. En dix ans, de 1992 à 2002, l’Etat a fermé plus de mille
entreprises publiques et supprimé plus de 500 000 emplois. Il a également ouvert la voie à une
série de réformes dont l’ambition est de libérer l’économie de son carcan administratif et
bureaucratique. Mais en dépit de ces efforts, d’abord déterminés puis sporadiques, la
transformation de la nature de l’économie algérienne demeure toujours en suspens.37
Aujourd’hui, l’illusion de la bonne santé économique de l’Algérie n’est entretenue que par
l’envolée des cours mondiaux des hydrocarbures. L’addiction du pays à la rente pétrolière
reste totale. Et c’est sur elle seule que l’on continue à fonder tous les espoirs de croissance.
Pourtant, officiellement, « le cap de l’économie libérale est irréversible ».38 Il est désormais
acquis, au-moins dans le discours des autorités, que « ce sont les entreprises qui créent la
richesse. »39 Et peu importe que le secteur privé national ne soit toujours pas armé pour
36 Tocqueville a mis en évidence il y a déjà un siècle et demi ce paradoxe de la nécessité et du danger pour un pouvoir despotique d’éviter une révolution en se corrigeant : « Le moment le plus dangereux, pour un mauvais gouvernement, écrit-il, est d’ordinaire celui où il commence à se reformer. […] Il arrive le plus souvent qu’un peuple qui avait supporté sans se plaindre, et comme s’il ne les sentait pas, les lois les plus accablantes, les rejette violemment dès que le poids s’en allège. […] Le mal qu’on souffrait patiemment comme inévitable semble insupportable dès qu’on conçoit l’idée de s’y soustraire. » L’Ancien Régime et la Révolution, 1856. Robert Laffont, collection Bouquins, 2002, p.1058. 37 Saïd Haddad, « Une économie entre rente et immobilisme », in Khadija Mohsen-Finan (dir.), L’Algérie : une improbable sortie de crise ?, 2002, p.74. 38 Ahmed Ouyahia, entretien avec Le Point n°1725, 6 octobre 2005. 39 Premier ministre Ali Benflis, entretien avec Jeune Afrique n°186, décembre 2002. Cité in Luis Martinez, « L’Algérie de l’après-11 septembre 2001 », 2003, p.150.
25
suppléer le désengagement de l’Etat, affronter la mondialisation des échanges et enfin créer
des emplois.
En l’absence d’intégration maghrébine40, le marché local est trop étroit et les consommateurs
insuffisamment solvables. L’état et l’efficience des moyens de communication sont presque
toujours affligeants. Les privatisations ou les restructurations des entreprises publiques,
quoique d’un coût social déjà très lourd, restent partout inachevés. La réforme du secteur
bancaire, indispensable à l’accès au crédit et donc à la reprise des investissements, est sans
cesse différée. L’oppressante bureaucratie continue d’entraver jusqu’à l’absurde les initiatives
privées. Elle n’est d’ailleurs souvent que le paravent d’une corruption qui est « une norme en
Algérie, que se soit sur le plan social ou politique. »41 Surtout, la rentabilité du capital est
extrêmement faible. Outre « un manque criant de main-d’œuvre qualifiée »42, les experts du
Fond Monétaire international (FMI) constatent dans un récent rapport consacré à l’Algérie
que, « en dépit des coûts de main-d’œuvre absolus peu élevés de l’Algérie, les entreprises ne
jouissent pas d’un avantage en matière de coût en raison de la faible productivité de la main-
d’œuvre ». Certes, « Le salaire brut en Algérie correspond à environ 40% du salaire brut de
certains pays comme la Hongrie, la Pologne, la République tchèque et la Slovénie et est
légèrement supérieur à celui de la Chine », mais dans le même temps, « le PIB par heure ne
correspond qu’à environ 25% de celui des pays nommés plus haut ».43 La conclusion est sans
appel : le FMI ne table sur aucune hausse significative des exportations hors hydrocarbures
d’ici à 2010.44
Convoitise et prudence de l’investissement étranger
Dans les faits, l’Etat demeure le moteur, en même temps que le frein, de l’économie
algérienne. L’intérêt extrêmement sélectif et prudent des investisseurs étrangers en est la
meilleure preuve. Le seul domaine qui intéresse véritablement ces-derniers en dehors des
hydrocarbures, ce sont les commandes publiques. La hausse du prix du pétrole a en effet
40 En 1989, l’Algérie, la Lybie, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie ont créé l’Union du Maghreb Arabe qui devait développer la coopération dans tous les domaines et permettre notamment à terme une certaine complémentarité économique. Le projet est mort-né notamment en raison des antagonismes politiques entre l’Algérie et le Maroc. 41 Saïd Haddad, « Une économie entre rente et immobilisme », in Khadija Mohsen-Finan (dir.), L’Algérie : une improbable sortie de crise ?, 2002, p.89. 42 Bernard Faure, directeur général de Sanofi-Aventis en Algérie. Cité in Philippe Le Cœur, « La France, un investisseur prudent en Algérie », Le Monde, 6 juin 2006. 43 Mars 2006. Cité in Faïçal Medjahed, « Le salaire minimum en Algérie est plus faible par rapport aux pays voisins », Liberté, 29 mai 2006. 44 Meziane Rabhi, « L’Algérie aura 130 milliards de dollars en 2010 », Liberté, 29 mai 2006.
26
permis de remplir considérablement les caisses de l’Etat. Les réserves de changes atteignent
64 milliards de dollars fin avril 200645, et, selon le FMI, elles devraient atteindre 130 milliards
de dollars en 201046.
En 1999, sur les 530 millions de dollars d’investissement directs étrangers (IDE), 500
concernait le secteur des hydrocarbures.47 Depuis, les investissements hors énergies ont connu
une croissance relativement importante mais presque uniquement déterminée par les recettes
pétrolières considérables. Il s’agit de profiter des largesses publiques sans immobiliser des
capitaux importants puis de rapatrier les profits. C’est en tout cas la recommandation
persistante des institutions internationales d’analyse du commerce extérieur, tels la Coface.
Celle-ci vient à peine de réviser à la baisse le risque-pays, jusque-là maintenu à un niveau
élevé. Elle stigmatise en particulier « les fragilités de l’environnement géopolitique et de la
gouvernance » et « la fragilité du secteur bancaire ».48 Du coup, le nombre d’entreprises
étrangères qui opèrent en dehors des secteurs de l’énergie, de l’importation et des travaux
publiques est extrêmement faible, et la majorité d’entre-elles sont de simples PME.49
Les entreprises françaises forment le premier investisseur direct étranger en Algérie, en
dehors du secteur des hydrocarbures, avec 140 millions de dollars (en flux) et 1,4 milliard
d'euros (en stock) pour 2005. Ces investissements sont mêmes en progression de 74 % par
rapport à 2004, et demeurent bien plus élevés que ceux des autres pays.50 Pourtant, malgré
leur intérêt croissant pour l’Algérie, seule une centaine d’entreprises françaises (Michelin,
Sanofi-Aventis, Carrefour, Casino, Accor, Danone, etc.) y produisent aujourd’hui des biens et
des services, employant moins de 7 000 personnes.51 Surtout, ces investissements ont des
ambitions limitées. Il ne s’agit pas de développer les capacités exportatrices de l’Algérie, mais
uniquement de répondre aux besoins du marché local.
45 D’après le Ministre algérien des Finances Mourad Medelci. Cité in Mohamed Mehdi, « 64 milliards de dollars dans la tirelire », Le Quotidien d'Oran, 4 juin 2006. 46 Meziane Rabhi, « L’Algérie aura 130 milliards de dollars en 2010 », Liberté, 29 mai 2006. 47 Saïd Haddad, « Une économie entre rente et immobilisme », in Khadija Mohsen-Finan (dir.), L’Algérie : une improbable sortie de crise ?, 2002, p.83. 48 Depuis 2000 et jusqu’en 2005, la Coface a maintenu la note B pour l’Algérie (« Un environnement économique et politique incertain est susceptible d'affecter des comportements de paiement souvent médiocres. »). En janvier 2006, l’agence de notation lui a délivré la note A4 (« Le comportement de paiement souvent assez moyen pourrait en outre être affecté par un environnement économique et politique qui pourrait se détériorer, la probabilité que cela conduise à un défaut de paiement reste acceptable. »). L’Algérie rejoint ainsi le Maroc et la Tunisie. La note pays attribuée par la Coface mesure le niveau moyen de risque d'impayé à court terme présenté par les entreprises d'un pays. Elle indique dans quelle mesure un engagement financier d'une entreprise est influencé par les perspectives économiques, financières et politiques du pays concerné (échelle de A1 à D). www.cofacerating.fr. 49 S. Hafid, « 2604 compagnies étrangères actives en Algérie », El Khabar, 13 juin 2006. 50 Cité in Mohamed Mehdi, « 64 milliards de dollars dans la tirelire », Le Quotidien d'Oran, 4 juin 2006. 51 D’après Pierre Mourlevat, chef de la mission économique française à Alger. Cité in Philippe Le Cœur, « La France, un investisseur prudent en Algérie », Le Monde, 6 juin 2006.
27
Démographie et niveau de vie
Ce qui frappe à la vue du peuple algérien, c’est son extrême jeunesse. Les moins de
vingt-quatre ans en représentent près de 60 %. C’est qu’en quarante ans, la population
algérienne a été multipliée par plus de trois, passant de neuf millions en 1962 à trente-deux
millions aujourd’hui. Ce fait a deux conséquences sur l’économie. D’un côté, la part de la
population active dans la population totale est faible. Ce qui suppose pour celui qui travaille la
charge de nombreux membres de sa famille. De l’autre, le marché du travail doit faire face
chaque année à 250 000 nouveaux arrivants. Ce double défi, celui de salaires élevés pour les
travailleurs et celui d’une dynamique de création d’emplois, l’économie algérienne est, nous
l’avons vu, incapable de le relever.
Les années de guerre civile ont profondément amputée le niveau de vie des Algériens. En
1980, le PIB par habitant était de 3 550 dollars. En 2004, malgré l’envolée du prix du pétrole,
il était presque deux fois moindre : 2 092 dollars. Mais même cet écart ne rend pas compte de
la paupérisation de la plus grande partie de la population, y compris la classe moyenne
littéralement clochardisée. Sur 32 millions d’Algériens, 12 millions subsistent avec moins de
18 000 dinars (274 euros) par an, soit 50 dinars (0,75 euros) par jour, c’est-à-dire au-dessous
du seuil de pauvreté. Une dégradation sociale majeure qui s’accompagne du développement
de l’analphabétisme (plus de 30 %) et du retour des maladies que l’on croyait éradiquées
(tuberculose et typhoïde).52
Cette situation s’explique par l’extrême faiblesse du salaire minimum (6 000 dinars, soit 60
euros, en 2003), et surtout par un chômage de masse. Officiellement, 30 % des actifs sont sans
emplois (contre 20 % en 1987), soit près de quatre millions de personnes. Mais chez les moins
de 30 ans, ce pourcentage double et les deux tiers de ces jeunes chômeurs sont des « primo-
demandeurs », c’est-à-dire sans aucune expérience professionnelle. Pour ces millions
d’Algériens, l’économie de bazar et la contrebande (le trabendo), reste la seule bouffée
d’oxygène qui échappe à l’Etat.
Entre addiction et révolte
Le pouvoir algérien a choisit sous couvert de l’instrumentalisation du libéralisme de
perpétuer le mythe de l’Etat providence. Il distribue la rente à une société apathique, fatiguée
52 Khadija Mohsen-Finan, « Le Maghreb entre ouvertures nécessaires et autoritarismes possibles », 2005, p.119.
28
par les violences et aspirant à un mieux-être. Cela présente l’avantage de constituer des
clientèles toutes dévouées au régime tant que celui-ci les corrompt. Mais cet immobilisme à
un coût. Il brise les énergies individuelles et conditionne le progrès à l’importation de savoir-
faire et de technologies venus de l’étranger. Il marginalise le pays et obère son avenir. Si bien
que dans l’Algérie d’aujourd’hui, comme dans la France pré-révolutionnaire qu’analysait
Tocqueville dans L’Ancien Régime et la Révolution, « personne n’imagine pouvoir mener à
bien une affaire importante si l’Etat ne s’en mêle ». Et la conséquence ordinaire de cette
tutelle oppressante, c’est que « chacun s’en prend au gouvernement de toutes ses misères ».53
L’Algérie de 2006 présente de singulières similitudes avec la situation qui prévalait avant les
événements d’octobre 1988.54 La crise est toujours là, et elle n’est pas traitée. Depuis 2004,
les émeutes jusqu’ici relativement sporadiques, se sont multipliées à une échelle inédite. Une
tentation permanente de la violence et de la radicalisation s’est emparée de la jeunesse
populaire, désœuvrée et en proie à un immense ressentiment social. Sa révolte peut résulter du
moindre incident pour protester tant contre les pénuries d’eau, les coupures d’électricité, le
manque de logements, que contre les deux seules réponses apportées par le pouvoir, la
corruption et la répression. En quelques mois, il y a eu des révoltes dans la plupart des villes
du pays : Ghardaïa, Constantine, Annaba, Tlemcen, Mostaganem, Tamanrasset… Chaque fois
le calme n’a été ramené qu’au prix de l’intervention des forces de l’ordre.55
L’aide de la France
Pour éviter la consommation de la rupture entre le pouvoir algérien et son peuple,
l’aide de la France est timorée. L’Algérie est éligible à l’ensemble des instruments de l’aide
publique au développement (APD) française. Elle cumule notamment, de manière
exceptionnelle, le bénéfice des interventions de l’Agence française de développement (AFD)
et l’éligibilité à la Réserve Pays Emergents. De 71 millions d’euros en 2001 (2,4 euros par
habitant), l’aide a été réévaluée à 95 millions en 2002 (3 €/hab.). Par comparaison avec ce que
reçoivent le Maroc (6,5 €/hab.) et la Tunisie (9,8 €/hab.), cela reste particulièrement faible.56
Mais contrairement à ses voisins, l’Etat algérien n’a plus besoin d’argent frais. Les recettes
pétrolières sont telles que le pays procède actuellement au remboursement anticipé de la 53 Alexis de Tocqueville, 1856. Robert Laffont, collection Bouquins, 2002, p.994 à 996. 54 Djaafer Said, in Khadija Mohsen-Finan (dir.), « L’Algérie : ouverture ou statu quo ? », décembre 2004. 55 Lakhdar Benchiba, « Guérilla au sommet de l’Etat : changement, conservation ou restauration », in Khadija Mohsen-Finan (dir.), L’Algérie : une improbable sortie de crise ?, 2002, p.51. 56 Quai d’Orsay. Cité in Samy Ghorbal, « Notre ami Jacques Chirac », Jeune Afrique n°2238, 30 novembre 2003, p.88.
29
totalité de sa dette auprès des bailleurs de fonds du Club de Paris (8 milliards de dollars, dont
1,6 à la France).57 Aussi, l’action financière publique de la France s’oriente vers le soutien des
investissements directs en Algérie. En 2004, 288 millions d’euros de la dette algérienne
auprès de l’AFD ont été mis à disposition de l’Algérie pour qu’elle les convertisse en
investissement français dans les secteurs des transports (projets de métro et de tramway
d’Alger, modernisation du réseau ferroviaire de la banlieue d’Alger), de l’eau (projet de
transfert d’eau de Taksebt, modernisation et gestion des réseaux de distribution d’eau d’Alger,
d’Oran et de Constantine) ou encore de l’habitat et de l’urbanisme (réhabilitation des zones
d’habitat précaire et reconstruction d’édifices détruits par le séisme de 2003, participation des
groupes français de BTP au développement du logement en Algérie). Parallèlement, 55
millions d’euros, sous forme de prêts bonifiés, ont été octroyés par l’Agence Française de
Développement pour faciliter l’investissement des PME algériennes.58 Enfin, la France
participe également à l’effort de modernisation de l’appareil économique au travers de la
Banque Européenne d’Investissement qui a engagé 227 millions d’euros en Algérie pour la
seule année 2002.
Ce n’est cependant pas avec cette frêle assistance française, ni même au prix d’un
timide saupoudrage de réformes économiques et sociales que le régime algérien échappera à
une crise énorme. Dans les cercles du pouvoir, on pourrait rêver de trouver le salut dans une
ouverture économique déconnectée de la libéralisation politique suivant le scenario chinois.
Or, ce pari de la croissance hors hydrocarbures ne peut reposer que sur un désengagement de
l’État de tous les secteurs déficitaires au profit d’élites économiques privées seules capables
d’une profonde restructuration et d’innovations. Mais cela reviendrait à sacrifier une large
part de la clientèle captive traditionnelle du régime et à remettre en cause ses privilèges.59
L’instrumentalisation du libéralisme afin de perpétuer le système rentier ne peut que conduire
à l’échec, si la libéralisation annoncée ne s’accompagne pas de son corolaire, c'est-à-dire la
transparence, la lutte contre la corruption et la participation de la population aux choix de la
Cité.60 Avec tous les risques d’emballement que cela comporte pour « un mauvais
gouvernement ».
57 Accord algéro-français pour le remboursement anticipé de la dette, 11 mai 2006. www.mae.dz 58 Présentation des relations bilatérales, 3 janvier 2005. www.ambafrance-dz.org 59 Voir la conclusion de Philippe Droz-Vincent sur l’avenir de l’autoritarisme syrien dans Moyen-Orient : pouvoirs autoritaires, sociétés bloquées, Paris, PUF, 2004. 60 Saïd Haddad, « Une économie entre rente et immobilisme », in Khadija Mohsen-Finan (dir.), L’Algérie : une improbable sortie de crise ?, 2002, p.103.
30
LA MENACE ISLAMISTE
L’accroissement des inégalités constitue une véritable bombe à retardement aussi par
ses conséquences politiques. Contrairement au Maroc par exemple, la société algérienne a été
nourrie d’une idéologie de l’égalité et de la justice sociale.61 La guerre de libération a propagé
le mythe d’une l’Algérie indépendante qui serait égalitaire et où, par conséquent, chaque
Algérien aurait le droit de bénéficier des largesses de l’Etat. En clamant sans cesse que l’Etat
algérien n’existe que parce que « un million et demi de shahid » se sont sacrifiés pour son
édification, les chefs de l’Algérie souveraine ont ensuite constamment entretenu cette passion
pour l’égalité. Pendant deux décennies, leur discours s’est matérialisé par la distribution d’une
partie de la rente pétrolière. Le mirage de l’égalité a rempli son office d’exutoire à l’absence
de liberté.
Seulement, la chute de la rente, au milieu des années 1980, a fait imploser ce système. Le
cœur du pouvoir, jusque-là « espace clos, coupé et isolé de sa société, […] inatteignable et
non soumis à la contestation potentielle »62, s’est retrouvé mis à nu. Son accaparement par des
clans a logiquement excité la haine violente et inapaisable de l’inégalité. Le régime a alors
pensé survivre en se libéralisant. Or, comme l’a jugé Abdelaziz Bouteflika peu après les
émeutes d’octobre 1988, « le peuple voulait du pain, on lui a donné de la démocratie ».63
Après trois décennies d’anesthésie politique, les Algériens ressemblent alors à la nation
française à la veille de la Révolution. A l’instar des Français que décrivaient Tocqueville dans
L’Ancien Régime et la Révolution, ils sont plus animés de la passion de l’égalité que de celle
de la liberté. Ils réclament « des réformes plus que des droits ».64 « Ils n’ont pas seulement la
haine de certains privilèges, la diversité même leur est odieuse : ils adoreraient l’égalité
jusque dans la servitude. »65
La guerre civile
Pour les élections municipales de juin 1990, la première consultation libre et honnête
du peuple algérien depuis l’Indépendance, le Front Islamique du Salut a recueilli 4,3 millions
de suffrages, soit 33,7 % des inscrits (13 millions) et 54,2 % des votants. C’est-à-dire qu’un 61 Luis Martinez, « L’Algérie de l’après-11 septembre 2001 », 2003, p.160. 62 Philippe Droz-Vincent, Moyen-Orient : pouvoirs autoritaires, sociétés bloquées, Paris, PUF, 2004, p.169. 63 Cité par le Professeur Naoufel Brahimi el Mili, in Khadija Mohsen-Finan (dir.), « L’Algérie : ouverture ou statu quo ? », décembre 2004. 64 1856. Robert Laffont, collection Bouquins, 2002, p.1051. 65 Ibid., p.1047.
31
Algérien en âge de voter sur trois a apporté sa voix à une organisation qui certes veut une
rupture radicale avec l’ère de l’Etat-FLN mais pour le remplacer par la théocratie et
l’instauration de la sharia. Un an et demi plus tard, en décembre 1991, quant il s’agit d’élire
l’Assemblée populaire nationale, dont le contrôle offrirait cette fois au FIS le pouvoir de
mettre en œuvre ce programme, il se trouve encore 3,3 millions d’électeurs (soit 47,3 % des
suffrages exprimés mais moins d’un quart des inscrits) pour choisir ce parti. Et bien que la
probabilité de la victoire du FIS soit largement connue avant l’élection, plus d’un Algérien sur
deux en âge de prendre part au vote ne s’est pas déplacé.66 Aussi lorsque, le 11 janvier
suivant, les chefs militaires refusent de reconnaître le résultat du scrutin et affirment devoir
assumer le salut de la Patrie, cela ne peut être au nom des Algériens mais malgré-eux.
Les années qui suivent ce coup d’Etat témoignent d’une guerre civile entre Algériens et non
d’un simple affrontement entre l’Armée régulière et les guérillas islamistes. Par sa durée (six
ans, de 1992 à 1998), par le nombre des « rebelles » (30 000 à leur apogée en 1994) et celui
bien plus considérable de leurs soutiens, par le quadrillage obligé de l’ensemble du territoire
par des forces de l’ordre et paramilitaires considérables (environ 600 000 hommes), et par le
nombre de ses morts (entre 100 000 et 200 000), le conflit qui ensanglante l’Algérie dans les
années 1990 révèle une fracture de la nation algérienne. Non certes pas une fracture unique et
nette. La majorité des Algériens ne se sont engagés ni aux côtés des islamistes, ni en soutien
du pouvoir. Mais la violence des deux camps les a contraints à vivre dans la terreur et
finalement à constituer un enjeu de la lutte. C’est la volonté de faire basculer les
« attentistes » (sic) qui peut expliquer la dérive sacrificielle de la violence islamiste et la
réponse implacable de l’Armée.67
En accédant au rang de guerre totale, la crise algérienne s’inscrit paradoxalement dans un
imaginaire politique où l’islam a peu de place au regard des constructions historiques héritées
de la guerre de libération. En fait, les islamistes fondent leur théologie politique sur les mêmes
mythes fondateurs que le pouvoir. Leur violence se nourrit du souvenir de la victoire des
66 Professor Werner Ruf, « Perspectives de la crise en Algérie. La responsabilité internationale », octobre 1995, in Joseph Jurt (dir.), Algérie, France, Islam, 1997, p.227. 67 Sur la guerre civile, il est bien difficile de recommander un ouvrage particulier. Il faut reconnaître que l’insuffisance de sources fiables, le manque de recul historique et l’absence de sérénité rendent encore prématurée la rédaction d’ouvrages de référence. La revue Pouvoirs n°86 (éditions du Seuil) de septembre 1998 consacrée à "L'Algérie" réunit cependant les analyses de quelques-uns des plus grands spécialistes français du monde arabe (Jean Leca, Rémy Leveau, etc.). Voir également Rémy Leveau, L’Algérie dans la guerre, Bruxelles, Complexe, 1995 ; Luis Martinez, La guerre civile algérienne. 1990-1998, Paris, Karthala, 1998 ; et Benjamin Stora, La guerre invisible. Algérie, années 1990, Paris, Presse de Sciences-Po, 2001.
32
Moudjahidin qui, en dépit du rapport de forces écrasant en faveur de l’État colonial, ont réussi
à instaurer un État indépendant. Cette résistance héroïque des Algériens, « de l’émir
Abdelkader au FLN », constitue la base inébranlable de la croyance au changement par la
violence. Et c’est aussi au nom de cette filiation que islamistes justifient leur volonté de
frapper l’Occident et singulièrement la France, accusée d’être le principal soutien du régime
d’Alger.68
Trente ans après l’Indépendance, la France voit réduire en quelques mois les derniers vestiges
de sa présence et de son influence culturelle en Algérie. D’abord sous la forme de la fermeture
sous la menace de ses établissements d’enseignement, de la remise en cause générale de la
place de la langue et de la culture française par les islamistes mais aussi par le pouvoir établi
qui se sert du sentiment anti-français pour donner des gages à certaines franges de sa
population, puis surtout de centaines d’attentats contre ses ressortissants (près de cent morts)
et contre les Algériens francophones. La France est également menacée jusque sur son propre
sol. Du détournement d’un Airbus en 1994, par un commando du Groupe Islamique Armé
projetant de le faire exploser sur la Tour Eiffel, aux attentats à Paris en 1995 et 1996 menés
avec la complicité de quelques jeunes Français d’origine algérienne, les tentatives d’exporter
le conflit ont été aussi nombreuses que tragiques.
Aujourd’hui
Certes, à présent, le temps des grands affrontements sanglants opposant le pouvoir à
divers groupes armées paraît révolu. Depuis le début de 1998, la violence n’a cessé de
décroître. Pour 2000 et 2001, la presse recense 2 300 victimes (contre plus de 1 300 lors du
seul mois du ramadan de l’année 1997).69 La fin de l’islamisme radical, prophétisée par des
islamologues comme Gilles Kepel70, a même été chaleureusement célébrée par la presse
algérienne. Pourtant, plusieurs facteurs contribuent à laisser penser que la violence islamiste a
atteint un niveau incompressible. Si l’islamisme a échoué à prendre le pouvoir et s’il a essuyé
les contrecoups de la dérive terroriste sanguinaire de sa frange radicale, il risque à terme et sur
fond de crise social, de représenter encore l’alternative au changement du système en place.
La crise interne du régime, conjuguée à l’extrême fragilisation sociale d’une grande partie de
68 Luis Martinez, « Le cheminement singulier de la violence islamiste en Algérie », juillet 2003, p.172. 69 Luis Martinez, « L’Algérie de l’après-11 septembre 2001 », 2003, p.149. 70 Gilles Kepel, Jihad, expansion et déclin de l’islamisme, Paris, Gallimard, 2000.
33
la population, peut redonner de la vigueur à un courant dont on annonce peut-être trop
rapidement le crépuscule.
Dès 2002, le Général Touati considérait « que l’on peut soutenir que le danger de
talibanisation de l’Algérie est sérieusement éloigné. »71 Depuis son analyse s’est vu
corroborer par les statistiques officielles qui font état de 17 000 terroristes abattus par les
forces de sécurité et d’au-moins 6 000 combattants du Djihad ayant choisi de déposer les
armes à la suite des différentes mesures d’amnistie décidées en 1995, et surtout en 1999 et
2005. La perspective d’une réintégration dans la vie civile assortie de l’impunité a séduit une
majorité des maquisards.72 Cette décroissance de la guérilla est également confirmée par
d’éminents universitaires spécialistes du Maghreb. Luis Martinez qualifie la permanence de la
violence islamiste de « résiduelle »73 ; Rémy Leveau confirme que « L’islamisme radical […]
n’a plus de chances aujourd’hui de contrôler le pouvoir par une action subversive » ; et Bruno
Etienne ajoute « qu’en tant que force politique autonome, [l’islamisme] n’a aucune capacité à
mettre en danger les pouvoirs établis. »74
Seulement, tous ces observateurs nuancent leurs propos en constatant que les islamistes
restent partout présents en Algérie. Surtout « l’islamisation par le bas de la société civile » a
été une réussite, dont le signe le plus éclatant est la généralisation du voile chez les femmes
algériennes.75 Même Hervé Bourges, connu pour ses amitiés avec la nomenklatura algérienne,
reconnaît que « L’influence des islamistes existe aujourd’hui dans tous le Maghreb et plus
généralement dans tout le monde arabe ». Il ne se dissimule pas que « Par le jeu
démocratique, les islamistes peuvent effectivement prendre le pouvoir » parce que « leur
aspect religieux et l’image qu’ils donnent de personnes qui incarnent l’égalité, ça marche. »76
71 Cité in Luis Martinez, « La sécurité en Algérie et en Lybie après le 11 septembre », mai 2003, p.13. 72 Chiffres cités in Karim Kebir, Liberté, 24 avril 2006. 98 % des votants (85 % du corps électoral) ont approuvé le référendum sur la « Concorde civile » du 16 septembre 1999 proposé par le Président Bouteflika en faveur de l’amnistie, sous certaines conditions, des militants islamistes qui déposeront les armes. Khadija Mohsen-Finan, « Algérie. Fin d’état de grâce pour Abdelaziz Bouteflika », 2000, p.215. Le 29 septembre 2005, Abdelaziz Bouteflika a appelé de nouveau ses compatriotes à se prononcer sur une « Charte pour la paix et la réconciliation nationale ». Le texte propose l’extinction des poursuites judiciaires contre tous les combattants, sauf pour les auteurs de massacres ou de viols collectifs, et l’indemnisation des familles de disparus (entre 7 000 et 15 000) mais également celles des combattants islamistes abattus. 97,4 des votants (79 % des 18,3 millions d’inscrits) l’ont approuvé. Voir Benjamin Stora, « Algérie, Plébiscite pour la paix », IFRI, octobre 2005. www.ifri.org. 73 « L’Algérie de l’après-11 septembre 2001 », 2003, p.155. 74 « Le Maghreb à la croisée des chemins », Questions Internationales, novembre 2004, p.50. 75 Ibid. 76 Entretien avec Histoire & Patrimoine, "Algérie", 2004, p.10.
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Autrement dit, si les observateurs ne croient plus à la victoire des islamistes par les armes, ils
la croient encore possible par les urnes. C’est que chacun peut observer par exemple dans le
Maroc voisin que « la victoire des islamistes du Parti de la Justice et du Développement à
l’issue des prochaines élections législatives en 2007 ne fait aucun doute. »77 Quant à la
Tunisie ou à la Libye, si elles semblent en apparence moins sensibles aux idées islamistes,
c’est uniquement parce que les Colonels Ben Ali et Kadhafi y exercent « des pouvoirs
totalement dictatoriaux ».78
En Algérie comme partout au Maghreb, l’islamisme continue d’incarner une réponse à la crise
socio-économique et à un besoin croissant d’affirmation identitaire. La récente nomination, en
mai 2006, d’Abdelaziz Belkhadem, à la fois « islamo-conservateur », actuel patron du FLN et
très proche de Bouteflika, au poste de premier ministre témoigne de la prise en compte par le
pouvoir de cette permanence de l’influence des islamistes et de sa volonté de trouver un
compromis avec les « modérés ».79
Le Djihad sans frontières
Si l’avenir des islamistes semble reposer sur l’investissement du champ politique, le
radicalisme armé n’a pas disparu en Algérie. La quasi-éradication des structures nationales a
en fait précipité l’engagement d’Algériens dans des réseaux transnationaux animés d’une
vision purement religieuse et souvent mortifère en rupture avec le nationalisme des militants
islamistes des années 1990. L’ouverture des combattants islamistes vers l’international
apparaît comme une nécessité, une stratégie de survie.
Officiellement, les organisations djihadistes rassembleraient actuellement environ 1 000
personnes (contre 30 000 entre 1993 et 1996), réparties entre plusieurs tendances. Selon le
Général Maïza : « Les Groupes Islamiques Armés (GIA), dirigés par Oukali Rachid dit "Abou
Tourab", sont composés de 60 éléments sévissant dans les régions de Blida, Aïn Defla, Chlef,
Médéa, Mascara, Sidi-Bel- Abbès et Skikda, et agissent en petits groupes de 4 à 6
77 Catherine Simon, « Le hidjab s’étend sur le Maroc », Le Monde, 20 mai 2006. 78 Hervé Bourges, entretien avec Histoire & Patrimoine, "Algérie", 2004, p.10 ; et Luis Martinez, « La sécurité en Algérie et en Lybie après le 11 septembre », mai 2003, p.8. 79 José Garçon, « En Algérie, le changement de Premier ministre témoigne d'un nouveau rapport de forces au sommet du pouvoir », Libération, 25 mai 2006
35
éléments. »80 En 2005, le Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC),
commandé par Abdelmalek Droukdal dit "Abou Mousâab", compterait, lui, environ 700
combattants et serait présent dans les wilayas de Tizi-Ouzou, Béjaïa, Batna, Tebessa et Jijel.81
Outre ces deux groupes, trois formations armées d’inspiration salafiste et regroupant 300
individus agissent dans la Mitidja : Houmat dawaa salafia, le Groupe Salafiste Combattant et
la Groupe Salafiste pour le Jihad.82 Mais dans cette nébuleuse de groupuscules, seul le GSPC
ne semble pas en voie de marginalisation. Le journaliste Fayçal Oukaci, spécialiste des
mouvements armés algériens, assure même qu’il « continue de recruter » sans peine, tant les
injustices sociales perdurent dans le pays.83 Louis Caprioli, ancien chef du contre-terrorisme à
la DST de 1998 à 2004, est plus nuancé : « le GSPC est très affaibli. Il rassemble au plus 500
hommes, essentiellement dans l’est du pays, mais il demeure opérationnel. En 2004, il
menaçait les étrangers présents en Algérie, et récemment son chef s’est rapproché d’Abou
Moussab al-Zarkaoui. »84
Fondé en 1998 par Hassan Hattab, qui l’a dirigé jusqu’en 2003 avant d’être écarté par l’aile
jusqu’au-boutiste du mouvement, le GSPC paraît avoir trouvé dans le « Front islamique
mondial pour le jihad contre les juifs et les croisés », créé par Ben Laden, le second souffle
nécessaire au maintien de la guerre contre le régime algérien. A l’image de la « holding » Al
Qaïda, le GSPC multiplierait les contacts avec les réseaux frères du monde entier,
diversifierait son recrutement, et inscrirait son action dans un cadre transnational.85 Des
Marocains, des Tunisiens, des Mauritaniens mais aussi des Nigériens, Nigérians et Maliens
auraient été ainsi repérés ces derniers mois dans les maquis d’Algérie.86 Et si ses théâtres
d’opérations demeurent principalement centrés sur l’Algérie où, pour le seul mois du ramadan
2005, ses embuscades et faux barrages ont couté la vie à 62 personnes87, le GSPC cherche
manifestement à les étendre à l’ensemble du Maghreb et à l’Europe. Le mouvement
80 Le Quotidien d’Oran, 27 octobre 2002. Cité in Luis Martinez, « Le cheminement singulier de la violence islamiste en Algérie », juillet 2003, p.174. 81 Selon le Ministre algérien de l’Intérieur Noureddine Zerhouni. Cité in Malek Sohbi, « Algérie. La résistance des maquis », Le Point n°1730, 10 novembre 2005, p.80. 82 Luis Martinez, « Le cheminement singulier de la violence islamiste en Algérie », juillet 2003, p.174. 83 Cité in Florence Beaugé, « En Algérie, les islamistes du GSPC restent sourds à l’offre de paix », Le Monde, 30 septembre 2005. 84 Cité in Jean Chichizola, « Un groupe islamiste menace les responsables algériens en France », Le Figaro, 20 août 2005. 85 Luis Martinez, « Le cheminement singulier de la violence islamiste en Algérie », juillet 2003, p.172. 86 Jean Chichizola, « Un groupe islamiste menace les responsables algériens en France », Le Figaro, 20 août 2005. 87 Malek Sohbi, « Algérie. La résistance des maquis », Le Point n°1730, 10 novembre 2005, p.80.
36
disposerait ainsi par exemple de cellules « bien implantées » en région parisienne.88 Il a
également démontré sa capacité à passer à l’offensive dans le Grand Sud à plusieurs milliers
de kilomètres de ses bases. Le 4 juin 2005, 150 hommes ont attaqué un poste militaire dans le
désert mauritanien aux confins de l’Algérie et du Mali, marquant la plus sanglante opération
terroriste dans l’histoire de la Mauritanie (une vingtaine de soldats tués et une quinzaine de
blessés).89
Cette dernière action au cœur du Sahara vient conforter un intérêt, qui ne cesse de croître chez
les services de renseignement occidentaux, et plus particulièrement français et américains,
pour la sécurité du Sahel. L’idée, née à Washington, se répand que les zones désertiques du
Sahara sont un terrain d’activité privilégié d’Al-Qaïda et des groupes qui lui sont affiliés.90 En
mars 2004, le Général Charles Wald, commandant en chef adjoint des forces américaines en
Europe (Eucom), assurait que des membres d’Al-Qaïda tentent de s’établir « dans la partie
nord de l’Afrique, au Sahel et au Maghreb. Ils cherchent un sanctuaire comme en
Afghanistan, lorsque les Talibans étaient au pouvoir. Ils ont besoin d’un endroit stable pour
s’équiper, s’organiser et recruter de nouveaux membres. »91 Les Européens ne tiennent pas un
discours bien différent. En visite à Alger quelques mois plus tard, Michèle Alliot-Marie, le
ministre français de la Défense, confie à son auditoire que « des "zones grises", où la règle du
droit disparaît au profit de la loi de la jungle » se développent aux frontières sud de
l’Algérie.92 Ces déclarations faisaient suite à la capture en mars 2004 d’une cinquantaine
d’éléments du GSPC menés par Amari Saïfi, alias "Abderrezak El Para", dans la zone de
guerre du Tibesti (Tchad). Un an plus tôt, le même groupe s’était illustré dans l’enlèvement de
32 touristes européens (dont 16 Allemands) dans le Sud-est algérien. Depuis, les officiels
occidentaux abordent régulièrement le sujet. Il y a seulement quelques mois, en mars 2006, le
Colonel Victor Nelson, en charge de l’Afrique du Nord au Pentagone affirmait de nouveau :
« Il suffit de regarder de quoi est faite la région du Sahel et le sud du Maghreb. C’est une
région reculée dont de nombreuses parties restent sans gouvernement. C’est une zone utilisée
traditionnellement pour le passage de contrebande sur une vaste échelle, marchandises illicites
88 Eric Pelletier, Jean-Marie Pontaut et Romain Bosso, « Terrorisme islamiste. Les rouages d’un réseau », L’Express, 29 septembre 2005, p.42-43. 89 Mahmoud Ould Mohamedou, « La Mauritanie est-elle une cible islamiste ? », Le Monde, 9 juillet 2005, p.19. 90 Zakya Daoud, « Les diplomaties du Maghreb : une réorientation stratégique vers les États-Unis », novembre 2004, p.83. 91 Le Quotidien d’Oran, 6 mars 2004. Cité in Salima Mellah et Jean-Baptiste Rivoire, « Petites manœuvres algéro-américaines. Enquête sur l’étrange "Ben Laden du Sahara" », in Le Monde diplomatique, février 2005. 92 Allocution aux étudiants et universitaires de l’Institut diplomatique et des relations internationales à la résidence El-Mithaq d’Alger, 17 juillet 2004. www.ambafrance-dz.org.
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et armes entre autres. Elle suscite naturellement l’intérêt des terroristes pour qui de tels
endroits se révèlent propices à la conduite de leurs activités ».93
Une autre crainte née de la déterritorialisation des groupes armés algériens repose sur leur
potentiel d’attentats suicides. Les attaques du 11 septembre 2001 contre les symboles de la
puissance américaine ont provoqué une immense joie dans les milieux islamistes et sont à
même de faire des émules. D’autre part, le développement de la pauvreté crée des conditions
propices pour les agents des réseaux internationaux à la recherche de candidats au martyre.
Les cinq attentats suicides du 16 mai 2003 à Casablanca (42 morts) sont venus démontrer la
réalité de la menace kamikaze dans la région. Les actions menées à Madrid le 11 mars 2004
puis à Londres en juillet 2005 prouvent également que l’Europe reste plus que jamais une
cible du Djihad global.94
Cependant, il convient de nuancer cette évolution du phénomène islamiste en Algérie. Depuis
le 11 septembre 2001, l’analyse des logiques nationales et des processus socio-politiques
ayant favorisé l’émergence des mouvements islamistes ont été trop souvent délaissés au profit
d’approches globalisantes. Désormais, on explique la violence persistante des groupes armés
algériens, en dépit de la faiblesse de leurs effectifs, par un soutien international. L’image du
terroriste martyr déterritorialisé et engagé dans des réseaux transnationaux s’est imposé
malgré la survivance manifeste de particularisme nationaux. La « lutte globale contre le
terrorisme » lancée par le président des États-Unis Georges Bush conforte cette grille
d’analyse adoptée par les dirigeants politiques et militaires algériens. Elle leur permet de
légitimer a posteriori le recours à la répression.95
Redha Malek, ancien chef du gouvernement et membre du Haut Comité d’Etat, symbolise
cette lecture de la violence en Algérie qui avant les attentats du 11 septembre avait beaucoup
de mal à être crédible au niveau international. Lors d’un colloque international sur le
terrorisme tenu à Alger en octobre 2002, il précisait que : « Le terrorisme intégriste puise ses
sources dans la guerre d’Afghanistan, propagé avec l’aide des pétromonarchies du Golfe et de
la CIA, a été mis en œuvre par l’ex-FIS et encouragé par le laxisme des autorités de l’époque.
La montée du FIS dans les années 1991 et 1992 a coïncidé avec le retour des Algériens
afghans (2 à 3 000 personnes) qui ont constitué le fer de lance de la violence terroriste. »96
Cette déstabilisation de l’Algérie par l’Afghanistan est aussi soulignée par le Général-Major
93 Cité in Fayçal Oukaci, « Opération militaire conjointe Maghreb, Sahel, USA », L'Expression, 26 mars 2006. 94 Luis Martinez, « Le cheminement singulier de la violence islamiste en Algérie », juillet 2003, p.177. 95 Khadija Mohsen-Finan, « Le Maghreb entre ouvertures nécessaires et autoritarismes possibles », 2005, p.120. 96 Cité in Luis Martinez, « Le cheminement singulier de la violence islamiste en Algérie », juillet 2003, p.166.
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Larbi Belkheir qui confirmera lors d’une interview : « Je ne regrette rien. J’ai fait le choix
d’épargner à l’Algérie le sort de l’Afghanistan. Le prix à payer a été lourd, mais il a évité le
pire : une vraie guerre civile avec des millions de victimes et de réfugiés. »97
Cette relecture de la violence démontre que pour beaucoup de dirigeants algériens, il s’agit
d’oublier et de tourner la page d’une décennie dramatique. Ainsi, loin de chercher à saisir les
mécanismes politiques, sociaux et économiques qui ont amené la montée du FIS en Algérie et
le basculement de son électorat dans une stratégie de violence, les dirigeants actuels relancent
la théorie du complot et considèrent comme principaux responsables du drame algérien le
Maroc, l’Iran et la politique de soutien de la CIA aux islamistes en guerre contre les
Soviétiques. La partialité de cette lecture ne résiste pas à l’analyse de la violence en Algérie
où celle-ci loin d’être le produit de facteurs strictement exogènes était avant tout le résultat de
l’échec complet d’une transition politique non préparée.98 Cela dit, l’histoire des guerres
civiles est écrite par le vainqueur. Aussi les dirigeants algériens se doivent-ils maintenant de
convaincre la population algérienne du bien-fondé de leur grille de lecture de la décennie
passée. Il n’est pas sûr que les 4 millions d’électeurs hétéroclites du FIS pensent être les
instruments d’un complot international. Pas plus qu’il n’est certain que les familles des
dizaines de milliers de victimes se satisferont longtemps de cette version officielle.
Le processus de « réconciliation nationale » voulu par le Président Bouteflika ne peut être
l’affaire de l’Etat seul. Le pardon ne se décrète jamais d’en-haut. C’est seulement au prix d’un
long et patient travail de vérité pratiqué par l’ensemble de la société sur le modèle de la
Commission « Vérité et réconciliation » en Afrique du Sud que l’on peut reconstruire le socle
d’une paix durable.99 Il est vrai cependant que seule une démocratie peut espérer parvenir à
panser ses plaies.
Au total, il apparaît que l’actuel islam radical algérien n’est pas réductible à ses
connections transnationales pourtant réelles. Le poids du passé de l’Algérie et les spécificités
sociales et politiques nationales surpassent souvent la conscience d’appartenir à l’Umma (la
communauté islamique mondiale), sans que cette balance ne soit inconciliable avec la
définition couramment admise : « L’islamisme relève bien d’un phénomène international qui 97 Entretien avec Le Jeune Indépendant, 4 mai 2002. Cité ibid., p.166. 98 Luis Martinez, « La sécurité en Algérie et en Lybie après le 11 septembre », mai 2003, p.13. 99 Nahid Fakhri, « L’échec de la Concorde civile : le retour de la violence ? », in Khadija Mohsen-Finan, L’Algérie : une improbable sortie de crise ?, 2002, p.19 à 30 ; Benjamin Stora, « Algérie, Plébiscite pour la paix », IFRI, octobre 2005. www.ifri.org ; et Nadjet Ouarania, « Les enfants maudits d’Algérie », Le Figaro Magazine, 27 mai 2006, p.56 à 64.
39
s’appuie sur des revendications de type identitaire tout en étant porteur d’un nouveau
nationalisme »100
L’ENJEU MIGRATOIRE
Dans un entretien accordé en 2004, Hervé Bourges expliquait : « Le risque, c’est de
voir demain un pouvoir islamiste en Algérie, avec pour conséquence 3 millions d’Algériens
de plus qui fuiront et viendront en France. »101 Pour cette prophétie, le chef d’orchestre de
l’Année de l’Algérie en France (2003), très proche du premier cercle du pouvoir algérien,
s’appuyait sur les leçons de la tragique décennie 1990. A l’époque, plus d’un demi-million
d’Algériens fuyant la guerre civile autant que le naufrage économique de leur pays s’étaient
naturellement dirigés vers la France.
La France, vieille et presque unique terre d’accueil
Depuis l’Indépendance, la France n’a jamais cessé d’être la destination presque unique de
l’immigration algérienne. La différence de pression démographique et de niveau de vie
(rapport de 1 à 10) entre les deux rives de la Méditerranée est à l’origine d’un mouvement
migratoire extrêmement fort. Un phénomène structurel que les crises politiques
conjoncturelles ne font en fait qu’amplifier et précipiter.
En 1999, environ 685 000 Algériens résidaient légalement en France. Un peu moins que les
Marocains (730 000), et beaucoup plus que les Tunisiens (260 000). Par comparaison,
l’Allemagne, la seconde destination des Algériens, n’en accueillait à la même époque que
17 000.102 Mais en fait ces chiffres ne rendent pas compte de l’importance de la présence de la
population d’origine algérienne en France. D’abord parce que l’immigration algérienne est la
plus ancienne des émigrations africaines vers la France. En 1954, par exemple, la Métropole
comptait déjà 300 000 « Musulmans d’Algérie ».103 En 1980, Les Algériens y constituaient la
deuxième communauté immigrée avec 810 000 personnes (juste après les Portugais, 857 000,
100 Khadija Mohsen-Finan, « Le Maghreb entre ouvertures nécessaires et autoritarismes possibles », 2005, p.116. 101 Histoire & Patrimoine, "Algérie", 2004, p.10. 102 D’après le démographe Kamel Kateb. Cité in Dorothée Schmid, « Le partenariat euro-méditerranéen : une entreprise inachevée», Questions Internationales, novembre 2004, p.69. 103 Daniel Lefeuvre, Chère Algérie. La France et sa colonie. 1930-1962, Université de Paris I, 1994. Flammarion, 2005, p.135.
40
et devant les Italiens, 470 000).104 Ensuite parce que les dispositions relatives à la nationalité
présentes dans les Accords d’Evian de mars 1962, la loi sur le regroupement familial de 1977,
et surtout le « droit du sol » accordé aux enfants nés en France105, ont rendu l’acquisition de la
nationalité française relativement facile aux Algériens et à leur descendance. Une
descendance dont l’accroissement démographique demeure plus élevé que celui du reste de la
Communauté nationale. Si bien que le nombre des Français d’origine algérienne dépasse les
trois millions.
L’immigration légale
Lors de la visite de Jacques Chirac en Algérie en mars 2003, la foule algéroise criait « Visas,
Visas, Visas ! » S’adressant à la jeunesse, le Président français avait alors répondu : « Fuir
votre pays, c’est aussi renoncer à le transformer. C’est vous qui êtes la relève et incarnez
l’espoir en Algérie de forger un pays à la mesure de vos rêves. »106 Encore faudrait-il que
l’Algérie fasse encore rêver sa jeunesse.
Les jeunes diplômés, en particulier, sont convaincus d’appartenir à une « génération
sacrifiée » vouée à un exode forcé. « Il est malheureux qu’ils pensent à partir, commentait une
jeune étudiante algéroise en 2004, mais il faut reconnaître que rien ne les retient en Algérie. A
l’Ecole Polytechnique d’Alger, par exemple, sur les vingt ingénieurs formés, dix-sept ont déjà
quitté le pays. L’Algérie produit des cadres au profit de l’étranger ! »107 L’éditorialiste Jean
Daniel estimait d’ailleurs récemment que « l’un des problèmes les plus humiliants des pays
maghrébins, c’est que 10 % (dix pour cent !) seulement des étudiants boursiers que ces pays
envoient en France pour s’y former reviennent dans leur pays. »108
De tous les peuples du monde, c’est aux Algériens que la France accorde le plus de visas
d’entrée sur son territoire. A la fin des années 1980, il s’en délivrait ainsi plus de 500 000 en
une seule année. Pendant la tragique décennie suivante, la menace terroriste a conduit les
Français à augmenter considérablement le nombre de leurs refus. Outre la réduction drastique
du personnel consulaire français en Algérie, les demandes de visas sont désormais soumises
au régime des « consultations ». C’est-à-dire que les autres pays européens de l'espace
104 Professeur Georges Pascal (dir.), Encyclopédie Focus, Paris, Bordas, 1984, p.2308. 105 Par contre, le code de la nationalité adopté en Algérie en 1963 fonde, lui, l’algérianité sur les liens du sang. Voir Mohammed Harbi. Cité in Joseph Jurt, Algérie, France, Islam, 1997, p.18. [Introduction]. 106 Claude Faber, « Le mirage européen », in Histoire & Patrimoine, "Algérie", 2004, p.88. 107 Citée in Samir Benmalek, « Avoir vingt ans en Algérie. La génération sacrifiée », in Histoire & Patrimoine, "Algérie", 2004, p.62. 108 Le Nouvel Observateur, 4 mai 2006. [Editorial].
41
Schengen examinent les demandes avant que la France ne donne son accord. La procédure de
délivrance des visas s’alourdit et s’allonge puisque le flux des demandes, lui, ne tarit pas. Au
troisième trimestre 2003, les autorités françaises avaient ainsi déjà délivré dans l’année plus
de 180 000 visas pour une demande cinq à six fois supérieure.109 En six semaines, du début
mai à la mi-juin 2006, le seul Consulat général de France à Alger a émis 49 000 autorisations
d’entrée sur le territoire.110
Plusieurs événements récents pourraient cependant remettre en cause ce rythme. D’abord, la
libération en mars 2006 d'anciens terroristes algériens, amnistiés dans le cadre de la
« réconciliation nationale », pose problème. Les autorités algériennes n’ayant toujours pas
communiqué leurs identités à leurs homologues européennes.111 Ensuite, le Ministre français
de l’Intérieur Nicolas Sarkozy a le projet de substituer une immigration « à des fins
professionnelles » aux flux actuels portés essentiellement par le regroupement familial. Il
s’agirait d’une « immigration choisie », plus qualifiée et encadrée par des quotas
correspondant aux besoins du marché du travail français.112
L’immigration illégale et ses trafics
Le flux de l’immigration en provenance du Sud ne dépend pas seulement des arbitrages
politiques des pays du Nord. Toutes origines confondues, les immigrés clandestins seraient
entre 200 000 et 400 000 en France. En 2005, les forces de l’ordre ont en tout cas repéré
environ 73 000 étrangers en situation irrégulière.113 Parmi ces derniers, les Algériens
représentent une part importante.
Le « mirage européen » est assez fort pour que des dizaines de milliers d’Africains tentent
chaque année l’aventure du passage clandestin.114 Au Maghreb, il s’agit soit de s’embarquer
secrètement ou au moyen de la corruption sur les Ferrys et les navires marchands, soit de
s’introduire illégalement dans les présides espagnols de Ceuta et Melilla, soit de franchir le
détroit de Gibraltar grâce aux passeurs des mafias marocaines.
Le Maroc est aujourd’hui le théâtre d’opération majeur des filières africaines d’immigration
clandestine. Pourtant, l’Algérie est désormais non seulement un pays d’origine, mais 109 Claude Faber, « Le mirage européen », in Histoire & Patrimoine, "Algérie", 2004, p.88. 110 Ghania Oukazi, « Ces Algériens qui demandent la nationalité française », Le Quotidien d'Oran, 15 juin 2006. 111 Nissa Hammadi, « Personnes élargies à la faveur de la charte. Des pays de l’UE réclament une liste à Alger », Liberté, 10 mai 2006. 112 Mélanie Delattre, « France : vers une immigration "choisie" », Le Point n°1758, 25 mai 2006, p.X (pages spéciales Business Week). 113 Ibid. 114 Claude Faber, « Le mirage européen », in Histoire & Patrimoine, "Algérie", 2004, p.86 à 91.
42
également d’accueil et de transit des migrants. De par sa situation géographique, l’étendue de
son territoire et le nombre important des pays limitrophes, l’Algérie constitue une alternative
au renforcement des mesures de contrôle pratiquées par les polices marocaines et
espagnoles.115 L’immensité du Sud-Algérien est particulièrement favorable à l’attente du
passage vers l’Europe. Quarante nationalités cohabiteraient ainsi, par exemple, à
Tamanrasset.116
Les filières illégales vers l’Europe ne concernent pas que la seule immigration clandestine. Ce
sont généralement les mêmes organisations mafieuses qui contrôlent le trafic de drogues et
d’armes.
Le Maghreb est le premier producteur mondial de cannabis. Une production destinée
essentiellement aux 20 à 30 millions de consommateurs européens qui s’y adonnent
régulièrement. 80 % des 3 000 tonnes de cannabis fumées chaque année en Europe
proviennent des montagnes du Rif marocain.117. Le kif est même la principale activité agricole
du Maroc. Un hectare de haschisch rapportant, en moyenne, trente à quarante fois plus qu’un
hectare de blé, il permet de faire vivre directement plus de 200 000 familles et rapporterait
près de dix milliards de dollars chaque année. Sa culture s’est imposée au royaume chérifien
comme un facteur stabilisant, en ce sens qu’elle permet de juguler l’exode rural, de lutter
contre le chômage et de fixer la population. En Algérie, la production est beaucoup plus
modeste. Mais la guerre civile a favorisé son développement. Avec 200 à 300 tonnes par an,
dont moins du quart est consommé localement, la production algérienne pourrait prendre une
place de plus en plus importante sur le marché européen.
Ces filières très structurées ont par ailleurs déjà été utilisées pour acheminer des armes en
Europe non seulement pour le banditisme mais également pour le terrorisme islamiste.118
Les tensions économiques, sociales et politiques qui affectent la société algérienne, et
plus largement le Maghreb tout entier, atteignent actuellement un niveau extrêmement
inquiétant. Le risque qu’elles font courir à la stabilité régionale est très élevé.
115 14 000 à 16 000 clandestins ont été repoussés dans le détroit de Gibraltar en 2004. Ils tentent en général un nouveau passage. Abdelmounaïm Dilami, « Intégrisme et sécurité, nouvelle donne stratégique en Méditerranée », octobre 2005, p.160. 116 Florence Garès, « Touareg. L’avenir fragile des derniers hommes du désert », in Histoire & Patrimoine, "Algérie", 2004, p.122. 117 Le Point n°1758, 25 mai 2006, p.86. 118 Djamaledine Benchenouf, « Kif, pouvoir et trabendo ! », 27 mai 2006. www.algeria-watch.org.
43
L’interdépendance des pays du nord et du sud de la Méditerranée est devenue si importante
qu’une crise maghrébine majeure aurait nécessairement des conséquences presque
instantanées et considérables pour les pays de l’Europe du Sud.
L’intérêt de la France est naturellement d’anticiper ce risque et d’apprendre à le juguler. Cette
ambition doit être l’une des priorités de l’Armée française en Méditerranée. Sa coopération
avec la principale force militaire de l’Afrique du nord peut jouer dans cette optique un rôle
déterminant.
44
L'ANP UN PARTENAIRE INCONTOURNABLE
De la Mauritanie à l’Egypte, l’Armée algérienne est la plus puissante force du nord de
l’Afrique. L’importance de sa population et les revenus tirés de l’exploitation des
hydrocarbures ont permis à l’Algérie de se doter, à l’échelle des pays du Sud, d’un très
important outil militaire. Si les forces armées algériennes n’étaient tendues que vers la
défense du territoire national contre une menace extérieure, cette importance pourrait même
paraître démesurée. En réalité, la politique de défense algérienne est déterminée par la lutte
contre « l’ennemi » intérieur, à tel point que la haute hiérarchie militaire exerce un rôle central
dans les choix politiques et économiques du pays. Depuis la fin de la guerre civile, la volonté
des chefs de l’ANP de sortir de la marginalisation internationale les conduit cependant à
construire les apparences d’une institution en voie de professionnalisation.
LA CRÉDIBILITÉ RETROUVÉE
Le haut commandement de l’Armée Nationale Populaire a tiré certaines leçons de son
incapacité à réagir rapidement et efficacement à l’insurrection de masse de sa population au
début des années 1990. A l’instar de son ancien chef d’état-major, le Général de corps
d’armée Mohamed Lamari, il a aujourd’hui la conviction que « L’armée algérienne est
condamnée à se moderniser ».119 Une évolution surtout matérielle qui doit permettre d’éviter
une révolution des fondements mêmes de l’institution.
119 Cité in Ali Benchabane, « L’enjeu des réformes », El Watan, 4 août 2004.
45
LA POLITIQUE DE DÉFENSE
Au Maghreb, c’est l’Algérie qui a été le moins (avec la Tunisie) confronté à la guerre
« classique » entre Etats. A l’exception du Maroc, d’ailleurs limitée, l’Armée algérienne ne
perçoit pas de danger de violence externe dans son environnement proche. En revanche, les
tentions intermaghrébines lui ont permis d’acquérir l’aspect d’une force considérable pour
exercer sa principale préoccupation sécuritaire : l’ordre interne.
La rivalité algéro-marocaine : unique et improbable menace conventionnelle
« Le nationalisme – dernier avatar légué par le colonialisme – est l’une des causes de
l’impuissance du monde arabe à maîtriser les problèmes auxquels il est confronté » écrivait
Bruno Etienne en 1984 à propos du conflit du Sahara occidental.120 C’est que la construction
des identités nationales et des Etats-nation s’est réalisé au Maghreb, comme jadis en Europe,
en opposition avec leurs voisins.
En 1963 déjà, un an à peine après l’Indépendance, l’Algérie et le Maroc se sont affrontés dans
la brève et sanglante « guerre des sables » pour fixer leur frontière commune. Pour ce premier
engagement, la diplomatie emporte le statu quo malgré l’avantage des Forces Armées Royales
marocaines (FAR) sur le terrain.121 Douze ans plus tard, à partir de novembre 1975, la
décolonisation du Sahara espagnol offre au frère ennemi chérifien une expansion vers le Sud.
A Alger, on interprète l’action d’Hassan II comme une menace non seulement du leadership
de l’Algérie au Maghreb mais également contre son régime. Houari Boumediene est
convaincu que « tout ce qui est fait actuellement [par le Maroc] vise à contenir la révolution
algérienne ».122 L’Algérie choisit alors de soutenir résolument les nationalistes du Front
Polisario, hostiles à l’annexion du territoire par le Maroc. L’Armée algérienne leur fournit, à
Tindouf, un sanctuaire, une assistance et du matériel. En revanche, l’ANP n’est pas prête à
s’engager en première ligne dans la bataille. Ses imprudences premières lui ont fait mesurer la
menace que son engagement au Sahara occidental ne dégénère en une guerre totale avec le
Maroc. En janvier 1976, l’alerte fut chaude après qu’un avion de chasse de l’armée marocaine
fut abattu par un missile sol-air vraisemblablement manié par un spécialiste algérien intégré
aux forces du Polisario. Quelques jours plus tard, un bataillon algérien est carrément anéanti
120 « Maghreb. Des frontières contre l’unité », in Encyclopaedia Universalis. [Article de 1984]. 121 Jean-François Daguzan, Le dernier rempart ? Forces armées et politique de défense au Maghreb, 1998, p.168. 122 Entretien avec L’Humanité, 21 novembre 1976. Cité in Maurice Barbier, Le conflit du Sahara occidental, Paris, L’Harmattan, 1982, p.178.
46
par les FAR alors qu’il est au beau milieu du Sahara occidental (alors toujours officiellement
espagnol). Un combat qui se solde par plus de deux cents morts et cent prisonniers dans les
rangs algériens. Le revers est tel que Boumediene donne pour ordre formel à ses troupes de ne
plus franchir la frontière.123 Depuis cette date les deux armées ne sont pas affrontées
directement. En septembre 1991, la guerre du Sahara occidental s’est achevée sur un cessez-
le-feu. Et quoique la question de la souveraineté du territoire et le sort des réfugiés ne soient
toujours pas résolus quinze ans plus tard, l’Algérie, en dépit des rodomontades épisodiques de
sa classe politique, s’est lassée du problème sahraoui.124
Plus généralement, un conflit militaire avec le Maroc devient de plus en plus improbable.
Certes, les relations diplomatiques entre les deux Etats demeurent sensibles à des poussées de
fièvre nationalistes souvent assez artificielles. Certes, la frontière est maintenue fermée depuis
1994 et, douze ans plus tard, sa réouverture « n’est pas d’actualité ».125 Mais en fait, même le
commandement de l’ANP n’est nullement tourmenté par l’éventualité d’une offensive
marocaine contre l’Algérie. Quelques troupes sont bien stationnées dans le Sud-Oranais, face
à la percée d’Oujda, pour le reste ce sont essentiellement les montagnes de l’Atlas qui
montent la garde. Bien sûr, l’état-major algérien pourrait fonder sa confiance sur la certitude
que ni les Américains, ni les Français, ni les Russes (les trois principaux acteurs militaires
étrangers dans la région) ne laisseraient l’un ou l’autre des belligérants remettre en cause
l’intangibilité des frontières maghrébines. Il se sait aussi défendu par la géographie du pays,
par la protection naturelle que lui offre le grand désert au Sud et la Méditerranée au Nord, par
le fait que son espace ne lui est pas compté, qu’il peut se permettre de reculer pour mieux
contre-attaquer, caractéristiques qui agissent comme autant de facteurs de dissuasion contre la
violence externe. Mais les Algériens ont surtout conscience de la supériorité matérielle de
leurs forces sur l’Armée marocaine. Une supériorité confirmée par les milieux militaires
étrangers.126
La rivalité avec le Maroc a en effet permis (et continue de permettre) de justifier devant le
peuple algérien et les grandes puissances la croissance exponentielle des dépenses militaires
et du format des forces de l’ANP. En dix ans, de 1972 à 1981, les achats de matériel de guerre 123 Maurice Barbier, Le conflit du Sahara occidental, Paris, L’Harmattan, 1982, p.214. 124 Khadija Mohsen-Finan, « Sahara occidental : le maintien du statu quo », mai 2004. www.ceri-sciences-po.org. 125 Mohamed Bedjaoui, entretien avec Liberté, 5 juin 2006. www.mae.dz. 126 Cités in Jean-Pierre Tuquoi, « Algérie. L’armée, calquée sur le modèle soviétique, aspire désormais à une professionnalisation », Le Monde, 1er février 2004.
47
de l’Algérie ont progressé de 350 %, tandis que le nombre des hommes en armes a été
doublé.127 C’est seulement en vertu du conflit du Sahara occidental que le Président
Boumediene est parvenu à généraliser la mobilisation des quelques 100 000 Algériens qui
parviennent chaque année à l’âge adulte. Le service national ou khidma wataniya, en fait un
service obligatoirement militaire de deux ans (ramené à 18 mois depuis 1988), donne la masse
critique nécessaire pour matérialiser la puissance de l’Armée algérienne face aux Etats voisins
et, surtout, face aux ébullitions de sa propre société. Car en réalité, la grande affaire de l’ANP
est, depuis l’origine, la lutte contre « l’ennemi » intérieur.
La conversion inachevée à la guerre asymétrique
De la destruction des maquis anti-gouvernementaux peu après l’Indépendance à la
lutte contre les islamistes aujourd’hui, en passant par la répression des mouvements
régionalistes kabyles ou des protestations de la jeunesse, l’approche sécuritaire de l’Algérie a
toujours été principalement orientée par le maintien de l’ordre, c’est-à-dire en fait le maintien
du régime. « L’armée algérienne, à l’exemple des autres armées du tiers-monde, a confondu la
mission de l’institution militaire telle que conçue dans un Etat de droit avec les missions de
maintien de l’ordre et de sécurité, qui échoient généralement à la police ou à la
gendarmerie. »128
Pourtant, paradoxalement, la conception de l’outil de défense algérien, calquée sur le modèle
soviétique, a été conservée jusqu’au début des années 1990 dans la perspective d’une
agression militaire extérieure. Cette apparente contradiction résulte du fait que pendant les
trois premières décennies de son existence, l’ANP n’a pas eu à démontrer sa puissance mais
seulement à la montrer. Le durcissement de la contestation islamiste au début des années 1990
et son embrasement en véritable guerre civile ont cependant contraint l’armée algérienne à
passer d’une stratégie de puissance symbolique à celle d’efficacité.
Pendant des années, l’Algérie a suivi la tendance générale des pays les moins avancé « en
confondant le nombre d’armes et l’aspect attractif offert par l’achat de technologie militaire
avec l’efficacité militaire ». L’ANP a acheté, dans les années 1970-1980, plus de matériel
127 Jean-François Daguzan, Le dernier rempart ? Forces armées et politique de défense au Maghreb, 1998, p.149. 128 Pierre Affuzi et José Garçon, « L’armée algérienne : le pouvoir de l’ombre », septembre 1998, p.55.
48
qu’elle ne pouvait réellement supporter. L’État-major a saturé ses forces en armement sans les
doter des moyens de soutien adéquat et surtout sans les adapter à la menace réel.129
Par affinité idéologique autant que par volonté d’exhiber ostensiblement sa force, Houari
Boumediene a organisé l’armée de l’Algérie indépendante en fonction de la stratégie du
« rouleau compresseur » adoptée par l’Armée rouge. La priorité a été donnée à l’acquisition
de matériel lourd (chars, artillerie, frégates, sous-marins, missiles, etc.) essentiellement livré
par l’URSS. L’influence de la doctrine militaire soviétique a conduit les militaires algériens à
créer presque uniquement des unités lourdement équipées à la mobilité faible et au maniement
complexe. Une organisation qui s’accompagne d’une très grande rigidité opérationnelle et qui
laisse peu de prise à l’initiative et à l’improvisation. « Le centralisme y est poussé à l’extrême.
Toute initiative doit recevoir l’agrément des plus hauts échelons de la hiérarchie. »130 De plus,
la prise de décision est entravée par le doublement des postes à hautes responsabilités. Il
existe, par exemple, un commandant des Forces terrestres et un chef d’état-major des Forces
terrestres. Une duplication issue, tout à la fois, de la crainte obsessionnelle d’un complot et de
la cohabitation à un niveau identique des chefs « historiques » légitimés par la guerre de
libération et des professionnels passés par les grandes écoles militaires internationales.
Lorsqu’en janvier 1992, les généraux algériens imposent l’interruption du processus électoral
favorable aux islamistes et plongent le pays dans la guerre civile, l’instrument de défense
national n’est nullement préparé pour la lutte contre-insurrectionnelle. La proclamation de
l’état d’urgence le mois suivant donne à l’Armée la couverture « légale » pour mener une
guerre totale contre une partie de son peuple, mais ses moyens matériels et humains y sont
presque complètement inadaptés.
Face au terrorisme urbain ou à des petites formations de guérilla de cinquante ou cent
hommes, parfois même beaucoup moins, très mobiles, connaissant bien le terrain, l’ANP
commence par adopter un schéma « classique ».131 A l’instar de l’Armée rouge en
Afghanistan, l’Armée algérienne s’use en vastes déploiements d’unités blindés ou de
bombardements massifs d’artillerie alors même que les débuts de la guerre d’Indépendance
algérienne ont justement démontré leur complète inefficacité dans les conflits de basse
intensité. Face à un adversaire imprévisible et insaisissable, souvent comme un « poisson dans
l’eau » dans les bidonvilles des grandes villes ou les djebels de l’intérieur, les militaires
129 Jean-François Daguzan, Le dernier rempart ? Forces armées et politique de défense au Maghreb, 1998, p.153. 130 Hamza Kaïdi, « Algérie. Les aléas du modèle soviétique », Jeune Afrique, 24 mars 1998, p.23. 131 Jean-François Daguzan, Le dernier rempart ? Forces armées et politique de défense au Maghreb, 1998, p.173.
49
peinent à identifier et à deviner les intentions de l’ennemi. Or, parce qu’elle est une force de
souveraineté avec des obligations de garde statique et des lignes de ravitaillement à défendre,
l’ANP est, elle, incroyablement vulnérable à l’action surprise.
Le commandement algérien mettra plus d’une année à remettre en cause ses choix
opérationnels. Cette absence d’anticipation peut surprendre. Elle est pourtant la conséquence
quasi inéluctable des faiblesses du modèle soviétique. Devant une crise que les événements
permettaient d’envisager depuis des années, la rigidité de la structure hiérarchique, la
segmentation de la prise de décision au plus haut niveau, ont bloqué toute initiative. Il faut
attendre 1993 pour que le Général-Major Mohamed Lamari, alors commandant des Forces
terrestres, parvienne à imposer l’organisation d’un commandement unifié et la mise en place
d’opérations combinées servies par des unités d’élites aéroportées.132
Peu à peu, les militaires algériens se réapproprient les modes opératoires de la lutte contre-
insurrectionnelle développée par l’Armée française pendant la guerre d’Algérie : fondée sur le
quadrillage des zones urbaines, le contrôle de l’espace rural habité et les opérations de
ratissage accompagnées d’actions « coups de poings » héliportés.133 L’Ecole d’application des
troupes spéciales (EATS) de Biskra devient leur laboratoire. La mise en œuvre de cette
stratégie conduit à effectuer un partage des tâches entre la protection des infrastructures et des
populations d’une part et les actions guerrières d’autre part. Les missions de présence
territoriale sont assurées par des unités d’appelés, des gendarmes et surtout par les miliciens.
Plus d’un demi-million de civils auraient été ainsi armés pour former des Groupes de légitime
défense (GLD) et des gardes communales.134 Les actions offensives contre les groupes armés
islamistes sont, elles, le fait de troupes de choc, extrêmement mobiles et envoyées d’un bout à
l’autre du pays. Ce corps d’armée est composé de personnels spécialement entraînés issus des
différentes forces de sécurité (Armée, Gendarmerie, Police). Composé de 20 000 hommes à
l’origine, il atteint 60 000 hommes en 1996 et constitue « le fer de lance de la lutte
antiterroriste ».135 Les forces de sécurité nationale (les « ninjas »), rattachées au Ministère de
l’Intérieur, interviennent en zone urbaine, tandis que les Paras-commandos de l’ANP sont
engagés dans le bled contre les maquis.
132�Luis Martinez, « La sécurité en Algérie et en Lybie après le 11 septembre », mai 2003, p.10.
133 Pierre Cyril Pahlavi, La guerre révolutionnaire de l’Armée française en Algérie. 1954-1961. Entre esprit de conquête et conquête des esprits, Paris, L’Harmattan, 2004. 134 D’après Le Jeune Indépendant, 11 octobre 2001. Cité in Luis Martinez, « La sécurité en Algérie et en Lybie après le 11 septembre », mai 2003, p.13. En 1998, Pierre Affuzi et José Garçon évoquaient le risque que le fort développement des milices puissent à terme entrer en conflit avec l’autorité de l’Armée (« L’armée algérienne : le pouvoir de l’ombre », septembre 1998, p.55). Depuis, cette crainte ne s’est pas vérifiée. 135 Luis Martinez, « La sécurité en Algérie et en Lybie après le 11 septembre », mai 2003, p.10.
50
La conversion de l’Armée Nationale Populaire à l’art de la guerre subversive est un succès
quantitatif. Officiellement, 17 000 combattants islamistes ont été abattus pas les forces de
sécurité au cours de la guerre civile.136 Et moins d’un millier refuseraient actuellement de
déposer les armes, dont seulement quelques centaines seraient réellement opérationnels. Ce
bilan permet même à certains responsables militaires et politiques algériens de prétendre
disposer d’un capital d’expérience cumulé « exceptionnel » dans la lutte contre le
terrorisme.137 Depuis les attentats du 11 septembre 2001, ce discours pourrait sembler être
corroboré par les déclarations de plusieurs officiels européens et surtout américains. En visite
à Alger en décembre 2002, William Burns, secrétaire d’Etat adjoint américain pour le Proche-
Orient, déclarait par exemple que « Washington a beaucoup à apprendre de l’Algérie en
matière de lutte contre le terrorisme ».138 En réalité, ces paroles à usage de séduction
diplomatique masquent les fragilités de la modernisation de l’outil de défense algérien.139 Au-
moins jusqu’en 2001, l’ANP n’a reçu qu’une assistance extrêmement réduite de la part des
armées occidentales pour accomplir sa conversion à la lutte anti-guérilla. Cette adaptation a
essentiellement relevé du « bricolage » interne. Le général algérien Maïza souligne lui-même
que « l’embargo [de facto] qui a frappé l’Algérie [pendant la guerre civile] n’a pas permis
d’équiper ses unités et ses hommes avec les armes et surtout les équipements de
reconnaissance et de vision nocturne leur permettant d’être efficaces ».140 Malgré l’extension
récente des coopérations avec les occidentaux, l’écart n’a pu être comblé. D’autant qu’il est
évident que les armées du Nord tiennent à garder le contrôle exclusif des équipements les plus
performants. Qu’ils s’agissent de la Delta force aux Etats-Unis, des SAS britanniques ou des
1er RPIMa et 13ème RDP français, l’élite militaire des grandes puissances bénéficie de
formations et de matériels incomparablement supérieurs pour répondre aux nouvelles
menaces. Quant à l’expérience du terrain, les actuels théâtres d’opérations extérieures
d’Afghanistan et d’Irak offrent déjà à ces forces spéciales un niveau équivalent au vécu de
l’ANP.
Au total, l’Armée algérienne ne présente un intérêt pour les occidentaux que dans la mesure
de leurs capacités d’action intérieures et régionales. De ce point de vue, l’ANP est 136 Karim Kebir, « Les chiffres de la tragédie nationale », Liberté, 24 avril 2006. 137 Voir par exemple Fayçal Oukaci, « Les soucis du Pentagone », L'Expression, 22 avril 2006. Il s’agit d’une opinion qui trouve un large écho dans la presse algérienne depuis 2002. 138 The New York Times, 10 décembre 2002. Cité in Salima Mellah et Jean-Baptiste Rivoire, « Petites manœuvres algéro-américaines. Enquête sur l’étrange "Ben Laden du Sahara" », in Le Monde diplomatique, février 2005. 139 Jean-François Daguzan, Le dernier rempart ? Forces armées et politique de défense au Maghreb, 1998, p.200. 140 Cité in Luis Martinez, « La sécurité en Algérie et en Lybie après le 11 septembre », mai 2003, p.18.
51
effectivement « un acteur régional incontournable »141 en Afrique du Nord et en Méditerranée
occidentale.
L’OUTIL MILITAIRE : La première force armée du Maghreb
Parce qu’elle dispose tout à la fois d’une ressource en hommes suffisante, de moyens
financiers supérieurs aux autres Etats de la région ainsi que d’une très forte motivation
idéologique et sécuritaire, l’Algérie s’est doté de l’instrument de défense le plus puissant du
nord de l’Afrique. L’ANP surpasse les armées marocaine, libyenne et tunisienne tant par le
volume de son arsenal que par ses compétences, relativement assez exhaustives. Elle est par
exemple la seule force maghrébine à disposer de capacité de ravitaillement en vol pour
accroitre le rayon d’action de ses avions de combat. Ces efforts ne sont cependant pas à même
de combler la considérable différence de niveau opérationnel qui la sépare des standards
occidentaux.
Des effectifs suffisants
Même au cœur de la guerre civile, lorsque les insoumissions au service national étaient
les plus nombreuses, l’ANP n’a jamais manqué de troupes. Chaque classe d’âge est
excédentaire par rapport aux besoins en effectifs et il n’a pas été nécessaire de recourir à la
mobilisation générale.142 Aujourd’hui encore, et quoique sa population soit légèrement
supérieure (32 millions d’habitants contre 31), l’Algérie peut se permettre d’enrôler plus de
60 % d’hommes de moins que le Maroc (127 500 contre 196 000), embourbé dans le conflit
du Sahara occidental, tout en conservant l’avantage.143
Algérie Lybie Maroc Tunisie France
Terre 110 000 45 000 175 000 27 000 137 000
Air 10 000 23 000 13 000 3 500 64 000
Mer 7 500 8 000 8 000 4 500 44 000
Total 127 500 76 000 196 000 35 000 245 000
141 Khadija Mohsen-Finan, « Le Maghreb entre ouvertures nécessaires et autoritarismes possibles », 2005, p.117. 142 Jean-François Daguzan, Le dernier rempart ? Forces armées et politique de défense au Maghreb, 1998, p.129. 143 Pascal Boniface (dir.), L’année stratégique 2006, 2005.
52
La masse des effectifs de l’Armée algérienne est concentrée dans ses Forces terrestres. Ce
sont ces dernières qui reçoivent les 75 000 conscrits appelés sous les drapeaux pour dix-huit
mois. Et surtout, ce sont elles qui assument l’essentiel de la priorité de la politique de
défense : le maintien de l’ordre interne.
Les Forces aériennes et navales, toutes deux déjà entièrement professionnalisées, n’occupent
que, respectivement, moins de 8 % et moins de 6 % des militaires algériens. C’est de
beaucoup inférieur à l’Armée libyenne pour qui ces mêmes forces représentent un peu plus de
30 % et de 10 % de l’effectif total. Mais cet avantage numérique de la Lybie, qui trahit sa
volonté ancienne d’intervenir en dehors de ses frontières, ne se vérifie pas nécessairement sur
le plan qualitatif. D’autant que les Forces aériennes algériennes viennent de s’engager dans un
processus de modernisation sans précédent.144 De plus et surtout, l’équilibre avec le Maroc
dans ce domaine est globalement assuré. L’objectif de croissance des moyens d’appuis et de
mobilité de l’ANP doit cependant être poursuivi avec énergie.
Des moyens capables d’assurer un leadership régional et interne
En 2005, l’Etat algérien a consacré officiellement 210 milliards de dinars à son armée,
soit 17,5 % de ses dépenses totales. C’est beaucoup moins que pour l’Education nationale,
l’enseignement supérieur et la recherche (292 milliards), et plus que pour l’Intérieur (148
milliards). Mais il s’agit là du budget officiel. Il ne fait guère de doute que des ressources sont
dissimulées dans les budgets civils voire carrément extra-budgétaires.145 Les observateurs
internationaux retiennent eux le chiffre de 2,8 milliards de dollars, soit le budget militaire le
plus important des pays du nord de l’Afrique.146
Algérie Lybie Maroc Tunisie France
Budget de la Défense 2 800 700 2 000 537 40 000
En pourcentage du PNB 4.31 3.98 4.58 2.13 2.29
Dépenses par militaire 21 941 9 211 10 204 15 343 154 440
Ses moyens financiers permettent à l’ANP de dépenser deux fois plus d’argent pour chacun
de ses soldats que ne peuvent le faire les FAR du Maroc ou l’Armée du Guide en Lybie. Cet 144 Nous traiterons dans la deuxième partie de cette étude des acquisitions d’armements de l’Algérie. 145 Jean-François Daguzan, Le dernier rempart ? Forces armées et politique de défense au Maghreb, 1998, p.147. 146 Pascal Boniface (dir.), L’année stratégique 2006, 2005. Le budget est exprimé en millions de dollars, et la dépense par militaire en dollars.
53
argent est principalement au service de l’entretien de l’arsenal surdimensionné hérité de
l’époque où l’Armée rouge servait de modèle de référence. Avec près de 1 000 chars de
combat, plus de 1 000 véhicules blindés, des centaines de pièces d’artillerie, des missiles
surface-air, 175 avions de combat, une centaine d’hélicoptères armés, 3 frégates et deux sous-
marins, les Forces terrestres, aériennes et navales algériennes possèdent une grande
supériorité matérielle, souvent de l’ordre du simple au double, sur leurs rivales marocaines.147
L’actuelle croissance spectaculaire des revenus tirés de l’exploitation des hydrocarbures
devrait permettre de conserver à l’Algérie cette supériorité régionale pendant de longues
années. Elle offre également à l’institution militaire les moyens de poursuivre la
démonstration de sa puissance devant le peuple algérien.
Si l’Algérie dispose d’un très important outil militaire, celui-ci n’est adapté qu’à des besoins
de proximité. L’ANP n’a ni l’envergure ni l’expérience suffisante pour intervenir, sauf à titre
symbolique, en dehors de son espace régional. La faiblesse de sa logistique et de ses moyens
de transport à long rayon d’action la maintiennent encore inapte à la prise de responsabilité
sur un théâtre d’opération extérieur à la moitié nord de l’Afrique. D’autre part, la comparaison
de ses capacités opérationnelles avec celles des forces armées des pays les plus avancées
obligent à les relativiser. Sans même évoquer l’hyper-puissance de l’Armée américaine, la
différence à la fois en matière d’armements et de maîtrise des éléments complexes de la
guerre moderne est considérable. Le budget de l’Armée française fut par exemple en 2005
quinze fois plus élevé et chacun de ses militaires a bénéficié de huit fois plus de dépenses que
leurs homologues algériens. C’est-à-dire que même dans l’hypothèse, absolument improbable,
d’une l’alliance de l’ensemble des forces armées maghrébines contre un pays du Nord, le
risque demeure limité. « Il apparaît clairement que les pays du Maghreb ne représentent pas
une menace militaire pour la France et pour l’Europe, ni individuellement ni
collectivement. »148
VERS LA PROFESSIONNALISATION ?
147 Ibid. ; et Jean-François Daguzan, Le dernier rempart ? Forces armées et politique de défense au Maghreb, 1998. 148 Jean-François Daguzan, Le dernier rempart ? Forces armées et politique de défense au Maghreb, 1998, p.203.
54
Malgré les années de guerre civile, l’ANP demeure « la seule force organisée du
pays. »149 Sa puissance continue d’attirer la frange la plus ambitieuse de la jeunesse, les
richesses du pays et la déférence des politiques. Car l’Armée est, aujourd’hui encore, le
véritable détenteur du pouvoir algérien. Et il n’y a pas d’espoir qu’elle y renonce d’elle-
même.
LE RENOUVEAU
Au sortir de la guerre d’Indépendance, l’Algérie fut sans doute l’un des pays du tiers
monde où l’Armée bénéficia officiellement de la légitimité nationale la plus forte. Héritière de
l’Armée de Libération Nationale (ALN), l’Armée Nationale Populaire n’a eu de cesse
d’entretenir le dogme de la parfaite communion entre la nation algérienne et son institution
militaire, garante de son indépendance et fer de lance de son progrès.150 Pendant vingt années,
l’histoire officielle comme les discours du pouvoir ont été suffisants pour maintenir
l’identification des Algériens à leurs forces armées. C’est seulement avec l’essoufflement
général du régime au milieu de la décennie 1980 que ces liens sont apparus distendus.
L’image de l’officier supérieur en particulier s’est modifiée en profondeur. Durant des années,
les colonels qui entouraient Houari Boumediene avaient su préserver et maintenir une image
d’austérité et de discrétion vis-à-vis du reste de la société. Par contrecoup, la création du grade
de général par le Président Chadli Bendjedid en 1984 devait représenter, aux yeux du peuple
algérien, le symbole même de l’embourgeoisement du commandement de l’ANP. C’est aussi
l’époque où l’on se gausse de l’embonpoint des généraux, où l’on ironise sur cette armée qui
ne s’est jamais battue, alors que dans le même temps, on loue le courage des hommes partis se
battre en Afghanistan à l’appel du Djihad.
La sanglante répression des émeutes d’octobre 1988 consomme cette rupture. Parce qu’ils
tirent sur les émeutiers, qu’ils torturent dans plusieurs centres autour d’Alger, les militaires
algériens vont être haïs par une grande partie de la jeunesse. Souvent à l’âge même où ils
devraient rejoindre les casernes pour accomplir leur service militaire, de nombreux jeunes
sont tentés par l’aventure islamiste. La propagande du FIS et le statut social dévalorisé du
militaire algérien vont petit à petit les persuader que l’Armée ne saurait être un obstacle
sérieux à la prise du pouvoir et que sa force est celle d’un « tigre de papier ». Les multiples
149 Akram Belkaïd Ellyas, « L’Armée, nœud gordien de la crise algérienne », 2002, p.55. 150 François Gèze, « Armée et nation en Algérie : l’irrémédiable divorce ? », janvier 2005, p.175.
55
revers des forces de sécurité durant la période 1993-1996 achèvent de discréditer l’image de
l’ANP. Plus grave encore, l’étrange passivité des troupes lors des massacres de 1997, au
prétexte d’un quelconque ordre de ne jamais quitté les casernes de nuit sans instruction écrite
de l’État-major, a provoqué la colère de l’opinion publique et a affermi la réputation de
désorganisation voire de lâcheté des militaires.151 Parallèlement, l’adaptation à la lutte contre-
insurrectionnelle a favorisé le développement des troupes d’élites, majoritairement composées
de professionnels, au détriment des forces classiques assumées surtout par le contingent. Une
faveur qui donne aux conscrits le sentiment qu’il existe « une autre armée » dont ils sont
exclus.152 Le recours massif aux milices paramilitaires pour pallier les défaillances de l’armée
régulière est également un aveu d’impuissance du haut commandement.153
Lorsqu’il apparaît clairement, en 1998, que l’islamisme armé a été presque complètement
« éradiqué » et condamné à la radicalisation autodestructrice et à la marginalisation, c’est-à-
dire que l’ANP est victorieuse, le lien de confiance entre la nation et son armée semble donc
paradoxalement brisé.
L’Armée continue d’attirer les jeunes
Pourtant, ni la dégradation de l’image de l’ANP, ni le niveau d’extrême violence
auquel ont été soumis ses militaires ne dissuadent aujourd’hui des milliers de jeunes
bacheliers de postuler pour des formations dans les grandes écoles militaires.
En dépit de la guerre civile et d’une décennie d’isolement international, l’Ecole militaire
polytechnique (EMP), l’Académie militaire interarmes de Cherchell (AMIA), l’Académie
maritime de Tamentfoust et l’Académie de l’Air continuent d’incarner un espoir de réussite.
Ainsi, lors de la rentrée universitaire de septembre 2000, l’EMP, situé à vingt kilomètres
d’Alger, a offert quatre-vingt places pour un cursus de trois ans devant déboucher sur
l’obtention d’un diplôme d’ingénieur d’Etat (électronique, mécanique ou informatique) et
d’un grade de lieutenant. Près de 1 500 jeunes ont déposé un dossier, 400 furent admis à
passer le concours. Un exemple qui traduit une tendance générale dans les concours d’entrée
aux écoles militaires, y compris celles de sous-officiers. D’autant que, depuis 2002, les
femmes sont de nouveau autorisées à concourir.154
151 Akram Belkaïd Ellyas, « L’Armée, nœud gordien de la crise algérienne », 2002, p.61. 152 Ibid., p.57. 153 Pierre Affuzi et José Garçon, « L’armée algérienne : le pouvoir de l’ombre », septembre 1998, p.55. 154 Akram Belkaïd Ellyas, « L’Armée, nœud gordien de la crise algérienne », 2002, p.62.
56
Certes il existe chez nombre de candidats une motivation morale au choix de la carrière des
armes. Pour ceux qui ont souffert du terrorisme, l’engagement sous les drapeaux représente un
acte d’honneur visant à réagir à l’assassinat, impuni ou non, d’un proche. Mais, la raison
essentielle est d’ordre économique. Contrairement à l’obtention d’un diplôme universitaire
qui n’offre aucune assurance d’emploi, les élèves-officiers savent que salaires et affectations
leurs sont garantis à la fin du cursus. Le niveau de rémunération est comparable à celui d’un
ingénieur d’Air Algérie ou de la Sonatrach, c’est-à-dire de l’ordre de 15 000 à 20 000 dinars
pour une première année. L’armée algérienne n’a donc aucun soucis en terme de recrutement
des cadres, et il en va de même pour les hommes de troupes, et ce, pour les mêmes raisons
économiques.155
Pour accomplir une modernisation profonde, pour développer sa coopération internationale et
pour se doter de la capacité de projeter des troupes sur des théâtres d’opérations extérieures au
Maghreb, l’ANP va nécessairement développer la professionnalisation de son outil de
défense. La proportion des engagés est appelée à augmenter, à l’image des Forces aériennes et
navales d’ores et déjà constituées uniquement de professionnels. Pour autant, une suspension
du service national suivant l’exemple français est encore inenvisageable. Cela reviendrait à
fragiliser un peu plus encore les mythes fondateurs de la Nation algérienne, et singulièrement
le lien armée-nation. Ce serait se priver du principal moyen de contrôle et de formation de la
jeunesse et accroître le fossé qui la sépare des militaires de carrière. C’est aussi la perspective
probable d’une nouvelle croissance des dépenses militaires, déjà considérables. Surtout, la
professionnalisation, au sens de se consacrer exclusivement à des fonctions strictement
militaires de défense du territoire et de maintien de la paix, demeure une chimère. Tant que
durera l’instabilité intérieure chronique et les illusions d’une démocratie potemkine, il n’y a
aucun espoir de voir la haute hiérarchie militaire cesser d’être le principal décideur politique
en Algérie.
LE POLITIQUE SOUS LE JOUG DU MILITAIRE
L'Armée algérienne est, depuis l'Indépendance, le véritable pouvoir algérien. Au-delà
de toute apparence d’institution civile (parti unique et gouvernement FLN hier, ou pluralisme
155 Ibid., p.64.
57
de façade aujourd’hui), la haute hiérarchie militaire demeure le seul décideur, sans qui rien ne
peut se faire dans un pays où la politique se règle en coulisse, dans des cercles militaires
restreints, mais avec un extrême souci des apparences.
La primauté historique de l’Armée
Une simple chronologie suffit à illustrer l’importance qu’occupe l’Armée algérienne
dans la vie politique du pays. Tous les chefs de l’Etat depuis l’Indépendance ont été installés
par l’Armée. Parmi tous ces présidents, il y en a qu’un seul qui ne fut pas officier. Il s’agit
d’Ahmed Ben Bella, un ancien sous-officier de l’Armée française.156 L’omniprésence des
militaires dans l’appareil décisionnel algérien remonte à la guerre de libération et aux luttes de
légitimité qui divisèrent le gouvernement issu de l’Indépendance. Après une brève domination
exercée par le parti unique, le FLN, l’Armée a réussi à prendre le dessus dès la prise du
pouvoir de Ben Bella puis, surtout, après le putsch de Houari Boumediene : le militaire
devient alors la source du pouvoir personnel algérien. Sous Chadli Bendjedid, l’ANP semble
relâcher un temps son emprise. La Constitution de 1989, qui instaure le multipartisme au
lendemain des émeutes d’octobre 1988, assigne aux militaires une mission de « défense de
l’unité et de l’intégrité territoriale du pays » sans leur attribuer le pouvoir d’intervenir dans la
sphère politique.157 Cette ère nouvelle est cependant de courte durée. La montée des partis
islamistes est l’occasion pour l’Armée de s’installer à nouveau au cœur du politique, tout en
cherchant une légitimité nouvelle dans la lutte antiterroriste. Le coup d’Etat du 12 janvier
1992 représente même l’intrusion la plus ostensible des hauts gradés sur le devant de la scène
politique depuis le putsch de 1965.
La garante de l’unité nationale
Tout au long de la guerre civile, la haute hiérarchie militaire s’est drapée dans le rôle
de « rempart contre l’intégrisme ». La lutte contre les islamistes est venue s’ajouter à
l’identification à l’histoire, à la naissance de la nation et à la révolution comme nouvelle
source de légitimité et principale justification des pouvoirs extraordinaires de l’Armée.158
156 Arnold Hottinger, « Le pouvoir de l’Armée algérienne. Passé, présent et futur », octobre 1995, in Joseph Jurt, Algérie, France, Islam, 1997, p.205. 157 Maxime Aït Kaki, « Armée, pouvoir, et processus de décision en Algérie », été 2004, p.433. 158 Pierre Affuzi et José Garçon, « L’armée algérienne : le pouvoir de l’ombre », septembre 1998, p.46.
58
Jusqu’en 2004, les généraux au pouvoir appartenaient tous au groupe des « éradicateurs »,
c’est-à-dire hostiles au compromis avec les islamistes « politiques », et adeptes de la
destruction totale de l’ennemi intérieur. Convaincus d’avoir œuvré « à la sauvegarde de l’Etat
algérien » menacé par un complot international, les généraux justifient leurs actions par des
raisons idéologiques. Le Général Touati déclarait en 2001 : « Il est indéniable que l’armée
algérienne, dans son unité et sa cohésion, jouissant de la confiance des forces nationales, […]
était réellement un rempart qui a empêché le succès du FIS ainsi que de l’opposition qui lui
était liée. »159 Dans un entretien accordé en 2003, le Général Lamari, à l’époque chef d’état-
major de l’ANP, usait de la même auto-réhabilitation : « En 1992, nous étions face à un choix
très simple : soit assister à l’instauration d'un régime théocratique totalitaire à l'image de celui
qui s'est installé en Afghanistan quelques années plus tard ; soit sauver les institutions
républicaines, ce que nous avons fait. ».160 Au niveau des cadres subalternes, on retrouve
l’expression d’une conviction identique. Interrogé en 2001, un jeune capitaine, diplômé de
Cherchell, se disait persuadé qu’« Un jour, les Algériens réaliseront que leur pays a été sauvé
par l’ANP. »161 Même le Président Bouteflika, qui avait pourtant déclaré qu’à ses yeux le
coup d’Etat du 11 janvier 1992 fut une « violence faite à la nation », affirma en juillet 2004 :
« L’Armée Nationale Populaire a su faire face, au côté du peuple, avec courage, détermination
et abnégation, aux dures épreuves auxquelles la nation fut confrontée et elle a pu, grâce à son
unité, sa cohésion, un sens très élevé du devoir et le soutien affirmé du peuple algérien, sauver
la République. »162
Les militaires au-dessus des politiques
Légitimée à la faveur de sa mission providentielle de lutte antiterroriste, le premier
cercle de la hiérarchie militaire décide des grandes décisions politiques du pays. En l’espace
de sept ans, elle a limogé trois chefs d’Etat : Chadli Bendjedid en 1992, Ali Kafi en 1994 et
Liamine Zeroual en 1999. En fait, les institutions prévues par la constitution de 1996
permettent tout juste de sauver les apparences. Le régime algérien n’assure ni la séparation
des pouvoirs, ni la soumission de la force armée à l’autorité civile.
159 Entretien avec El Watan, 27 septembre 2001. Cité in Luis Martinez, « L’Algérie de l’après-11 septembre 2001 », 2003, p.158. 160 Entretien avec Jean Guisnel, Le Point n°1583, 17 janvier 2003, p.42. 161 Cité in Akram Belkaïd Ellyas, « L’Armée, nœud gordien de la crise algérienne », 2002, p.62. 162 Allocution aux officiers supérieurs de l’ANP à l’occasion du 42ème anniversaire de l’Indépendance. Cité in La Tribune, 5 juillet 2004.
59
Elue à la proportionnelle, l’Assemblée nationale populaire a très peu de pouvoir et ne peut
débattre, par exemple, de sujets épineux comme le budget de l’ANP. Elle est neutralisée par le
Conseil de la nation, une chambre haute instituée par la Constitution de 1996, dont un tiers
des membres est désigné par le Chef de l’Etat. Guère plus influent, le gouvernement n’est pas
le lieu des véritables enjeux. Il lui revient surtout un rôle d’administration du pays qui le prive
de tout pouvoir de remise en cause de la légitimité de l’ANP. Quant à la fonction
présidentielle, son caractère fluctuant apparu durant la décennie 1990 montre que ses
attributions sont également sujettes à l’appréciation de l’Armée, tant en termes de délimitation
des compétences que de la durée de la mandature. Coopté par les hauts responsables militaires
avant que sa candidature soit soumise à l’approbation populaire par un vote au suffrage
universel dont l’issue est généralement connue d’avance, le président jouit d’une marge de
manœuvre relativement limitée. Il en est réduit à négocier avec ces « décideurs » des parcelles
de liberté, de manière à ne pas empiéter sur leurs prérogatives.163
C’est à travers le Conseil de défense (CD), « instance-clef » non prévue par la Constitution,
que les généraux accapareraient l’essentiel du pouvoir de l’Etat. Inspiré du Conseil national
de sécurité turque (MGK), il comprendrait le chef d’état-major, les trois commandants des
Forces terrestres, aériennes et navales, ainsi que les deux principaux responsables de la
Sécurité militaire. C’est le CD qui aurait désigné tous les présidents algériens depuis 1962 au
terme de votes à bulletin secret.164
Les militaires au-dessus des lois
En Algérie, le contrôle du pouvoir politique va de pair avec la mainmise sur
l’économie. De fait, une partie des militaires sont impliqués dans la « bazarisation » de
l’économie du pays, et « la montée de la corruption est principalement liée à la dérive
clientéliste de l’Armée algérienne. »165
« La lutte pour le partage de la rente pétrolière et gazière est le ressort le plus ancien des
modes de fonctionnement du régime militaire algérien. » Les clans qui dominent l’ANP sont
avant tout des groupes d’intérêts. Il est peu de pays dont les richesses ont été aussi
systématiquement pillées, la corruption au sommet de l’Etat atteignant une ampleur
163 Maxime Aït Kaki, « Armée, pouvoir, et processus de décision en Algérie », été 2004, p.437. 164 Ibid., p.436. 165 Saïd Haddad, « Une économie entre rente et immobilisme », in Khadija Mohsen-Finan (dir.), L’Algérie : une improbable sortie de crise ?, 2002, p.89.
60
impressionnante.166 Vox populi et propos d’hommes d’affaires bien informés s’accordent
également pour dire que « derrière tout bateau qui mouille dans les eaux du port d’Alger, se
cache un général.»167 Toutes les importations seraient ainsi frappées d’une commission
occulte d’environ 20 %.168
Face à ces accusations, le Général de corps d’armée Mohamed Lamari répondait en 2003 sans
convaincre quiconque : « Qu'on m'apporte seulement un semblant de preuves ! Nous ne
sommes ni des voleurs ni des tueurs ! Si des généraux en retraite ont du succès dans leurs
affaires, c'est leur problème. Pour ce qui me concerne, je gagne à peine l'équivalent de 1 500
[sic] euros par mois, et cela me suffit... L'opposition politique accuse les généraux d'accaparer
90 % de la rente pétrolière. Mais, dans ce cas, comment mon pays aurait-il accumulé 24
milliards de dollars de réserves en quelques années ? »169
La Sécurité Militaire : clé de voute du système
Pour contrôler l’essentiel des grands choix politiques et économiques de l’Etat,
l’Armée dispose depuis la guerre de Libération d’un instrument redouté, la Sécurité Militaire
(SM). Edifiée suivant le modèle des régimes autoritaires, elle possède toutes les
caractéristiques d’une « police politique ».170
Créé en septembre 1990, trois mois après la victoire des islamistes aux élections municipales,
pour succéder à la SM, le Département Renseignement et Sécurité (DRS) rassemble sous une
même autorité tous les « services » de renseignement et d’action tant intérieurs, qu’extérieurs.
Plus que tout autre corps de l’Armée algérienne, le DRS a pour principale mission la traque
des ennemis du régime, qu’ils soient islamistes ou démocrates. Il est même le symbole de
cette confusion des objectifs politiques et militaires de l’ANP. Depuis seize ans, le Général-
Major Mohamed Mediene, dit « Tewfik », en est l’inamovible patron. A ses côtés, le Général-
Major Ismaïl « Smaïn » Lamari, formé lui-aussi à l’école du KGB soviétique, dirige la
Direction du Contre-espionnage (DCE). C’est ce deuxième homme qui a été le véritable
coordinateur de la lutte anti-terroriste après la proclamation de l’état d’urgence le 9 février
1992.171
166 Pierre Affuzi et José Garçon, « L’armée algérienne : le pouvoir de l’ombre », septembre 1998, p.51. 167 Akram Belkaïd Ellyas, « L’Armée, nœud gordien de la crise algérienne », 2002, p.69. 168 Jean Guisnel, « Algérie. Haro sur les généraux », Le Point n°1583, 17 janvier 2003, p.42. 169 Entretien avec Jean Guisnel, Le Point n°1583, 17 janvier 2003, p.42. 170 Pierre Affuzi et José Garçon, « L’armée algérienne : le pouvoir de l’ombre », septembre 1998, p.50. 171 « Algérie : les hommes de pouvoir », www.africaintelligence.fr, juillet 2005.
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Aujourd’hui, plus que jamais, le DRS demeure le garant de la loyauté des cadres de l’ANP à
l’égard du système. Son maillage est tel que les hypothèses d’une tentative de coup d’état par
un officier supérieur ou la désertion de troupes sont plus qu’improbables.172 De même, les
années de guerre civile lui ont permis de renforcer son quadrillage de la société et l’infiltration
des groupes hostiles au pouvoir. Elle est assurément l’institution la mieux organisée et la plus
influente en Algérie.173
LE MIRAGE DU RETOUR DES MILITAIRES DANS LEURS CASERNES
Depuis la fin de la guerre civile et l’intronisation d’Abdelaziz Bouteflika à la tête de
l’Etat en 1999 et plus encore depuis sa réélection triomphale en 2004, l’hypothèse d’un retrait
de l’ANP du champ politique est régulièrement évoquée. D’un côté, Bouteflika prétend avec
autorité refuser d’être « un trois-quarts de président » ; de l’autre, le commandement militaire
affirme sans cesse sa neutralité et sa soumission au pouvoir civil. Cependant, malgré ces
discours, il semble bien que la porosité de la frontière entre le politique et le militaire en
Algérie demeure extrême, et, ce, sans que l’espoir d’un désengagement réel de l’Armée des
affaires publiques n’apparaissent, à l’heure actuelle, crédible.
Bouteflika et les clans des généraux : un tumulte de façade
Pendant les premières années du premier mandat de Bouteflika, aucun observateur de
la vie politique et militaire de l’Algérie ne doutait de l’alliance entre la présidence et les
généraux. Tous se souvenaient que Bouteflika devait sa victoire de 1999 au soutien officieux
de l’ensemble des chefs militaires.174 Mohamed Lamari reconnaissait d’ailleurs en off qu’à
l’époque lui-même avait effectivement misé sur « le moins mauvais canasson », c’est-à-dire
sur un homme capable de couvrir les derniers feux de la guerre et de réhabiliter l’image du
pays à l’étranger. Certes, la presse se faisait parfois l’écho de divergences entre le palais
présidentiel d’El-Mouradia et les Tagarins, siège du ministère de la Défense. Plusieurs
généraux, dont Mohamed Lamari et Khaled Nezzar, cachaient malaisément leur opposition à
Bouteflika sur la gestion du dossier de l’islamisme politique, ne partageant pas sa philosophie
172 Akram Belkaïd Ellyas, « L’Armée, nœud gordien de la crise algérienne », 2002, p.68. 173 Maxime Aït Kaki, « Armée, pouvoir, et processus de décision en Algérie », été 2004, p.436. 174 Bruno Callies de Salies, « Algérie : l’élection triomphale d’Abdelaziz Bouteflika », janvier 2005, p.85.
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générale consistant à réserver une place aux islamistes sur la scène politique.175 Mais c’est
seulement à partir de 2003, avec l’entrée en campagne des candidats à l’élection présidentielle
que les relations entre Bouteflika et l’Armée ont été qualifiées de « tumultueuses ».176
Après plusieurs années de pouvoir, Abdelaziz Bouteflika se sent assez assuré pour affirmer
son autorité de chef de l’Etat en nommant ses hommes aux postes clefs du gouvernement et
en choisissant les responsables de l’administration centrale et territorial. Parlant de l’Armée
algérienne, il souligne qu’elle a « sauvé ce qui restait de la crédibilité de l’Etat », mais ajoute
qu’il pense « comme beaucoup d’Algériens qu’elle a tous les défauts des armées du tiers-
monde. »177 Bouteflika donne le sentiment d’aspirer à une restauration de la logique originelle
du régime, celle de la présidence de la République incarnée par Boumediene, lorsqu’elle fut le
centre unique du pouvoir, le lieu de délibération et de prise de décision. Président des
Algériens, il semble vouloir devenir aussi le président des militaires.178
Dans le même temps, la haute hiérarchie de l’ANP paraît se lasser de la politique du
Président. Lorsque Mohamed Lamari annonce officiellement « le retrait de l’armée du champ
politique pour qu’elle se consacre aux missions dévolues par la Constitution », cela sonne
comme un abandon d’Abdelaziz Bouteflika.179 Lorsque le même, toujours Chef d’état-major
général, confie au Point en janvier 2003, « Ce n'est pas à l'ANP de faire les présidents.
L'année prochaine, l'institution militaire reconnaîtra le président élu, même s'il est issu du
courant islamiste »180, là encore les analystes en concluent que le Président n’a plus le soutien
des « décideurs » et que le jeu est ouvert.181 De même, la dissolution des bureaux de vote
spéciaux (vote dans les casernes) en décembre 2003 à l’initiative de l’État-major est venue
crédibiliser le discours de neutralité des militaires. Autrement dit, le Président ne devait plus
pouvoir compter sur l’Armée pour assurer sa victoire par le bourrage des urnes.182 Du reste,
les mois qui ont suivi la réélection triomphale de Bouteflika avec 85 % des suffrages le 8 avril
2004 ont conforté les conjectures qui prédisaient la reprise en main progressive de la Défense
par la présidence.
Dès la première allocution solennelle aux officiers supérieurs de l’ANP de son second
mandat, Bouteflika affirme son autorité. « L’Armée Nationale Populaire, dit-il, va pouvoir, au
175 Ali Bahmane, « Enjeux autour d’un départ », El Watan, 4 août 2004. 176 Bruno Callies de Salies, « Algérie : l’élection triomphale d’Abdelaziz Bouteflika », janvier 2005, p.83. 177 Cité Ibid., p.85. 178 Lakhdar Benchiba, « Guérilla au sommet de l’Etat : changement, conservation ou restauration », in Khadija Mohsen-Finan, L’Algérie : une improbable sortie de crise ?, 2002, p.38. 179 Ali Benchabane, « L’enjeu des réformes », El Watan, 4 août 2004. 180 Entretien avec Jean Guisnel, Le Point n°1583, 17 janvier 2003, p.42. 181 Thierry Oberlé, « Bouteflika cherche la consécration », Le Figaro, 8 avril 2004, p.2. 182 Maxime Aït Kaki, « Armée, pouvoir, et processus de décision en Algérie », été 2004, p.437.
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fur et à mesure que le processus de professionnalisation et de modernisation se réalisera et se
développera, se consacrer entièrement à l’exercice de ses missions ». Un retour dans les
casernes qui se fera, souligne-t-il, « sous l’autorité et la responsabilité du Président de la
République, chef suprême des armées, responsable de la défense nationale. »183 Et de fait ce
discours est rapidement matérialisé par des actes. En premier lieu, la démission de Mohamed
Lamari, officiellement pour raison de santé, rendue publique le 3 août 2004, est vue tant dans
la presse algérienne que par nombre d’observateurs étrangers comme « la consécration de la
victoire du Président ».184 D’autant que son remplacement par le Général-Major Ahmed Gaïd
Salah, âgé de 74 ans et réputé « peu porté sur la politique et assez effacé »185, plaide
effectivement dans le sens d’un affaiblissement de la toute puissance des militaires.
Parallèlement, Bouteflika se dote des moyens juridiques d’intégrer réellement l’ANP à la
sphère de la décision gouvernementale. La création le jour même de la démission de Lamari
d’un secrétariat général de la Défense, confié au Général-Major Ahmed Senhadji, puis la
nomination, quelques mois plus tard (mai 2005), du Général-Major Abdelmalek Genaïzia au
poste de ministre-délégué auprès du Ministre de la Défense nationale, visent à démontrer que
l’ANP abandonne, sous l’impulsion du Chef de l’Etat, le modèle d’organisation soviétique et
se soumet à plus de transparence.186 Une normalisation des rapports des militaires avec le
pouvoir civil qui doit nécessairement profiter au Président Bouteflika, cette fois en mesure
d’exercer réellement les fonctions de ministre de la Défense que lui attribuent la
Constitution.187 Dès lors, d’aucuns en viennent à conclure que l’Armée algérienne s’est
résolue à se retirer de l’arène politique pour jouir d’un statut comparable à celui de l’Armée
turque qui s’est constituée en gardienne de la Constitution et en garante des intérêts supérieurs
de la nation. A l’instar du Conseil national de sécurité (MGK) à Ankara, le Conseil de
Défense algérien pourrait au terme de ce processus sortir de la clandestinité et émettre
publiquement des recommandations au pouvoir civil.188
En fait, cette mue stratégique de l’ANP demeure une vue de l’esprit. L’omniprésence occulte
des militaires dans l’appareil exécutif n’est pas fondamentalement remise en cause. Le
scenario est simplement plus subtil qu’auparavant. Les rumeurs sur la fracture entre les
183 Allocution aux officiers supérieurs de l’ANP à l’occasion du 42ème anniversaire de l’Indépendance. Cité in La Tribune, 5 juillet 2004. 184 Bruno Callies de Salies, « Algérie : l’élection triomphale d’Abdelaziz Bouteflika », janvier 2005, p.93. 185 Ali Bahmane, « Enjeux autour d’un départ », El Watan, 4 août 2004. 186 Maxime Aït Kaki, « Armée, pouvoir, et processus de décision en Algérie », été 2004, p.437. 187 Mounir Boudjemaa, « Bouteflika garde la main sur la Défense », Le Quotidien d’Oran, 29 août 2004. 188 Maxime Aït Kaki, « Armée, pouvoir, et processus de décision en Algérie », été 2004, p.437.
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« décideurs » et Bouteflika servent la popularité de ce dernier. Frondeuse par nature, la
population algérienne est ravie d’imaginer que son zaïm (guide) s’oppose aux généraux.189
Mais en réalité cette opposition est un leurre. Le pouvoir politique en Algérie ne peut se
concevoir sans le soutien de l’Armée. Déjà, en avril 1965, deux mois avant le coup d’Etat
militaire qui devait renverser Ben Bella, le Général de Gaulle confiait que « Dans ce genre de
pays, tout est suspendu à l’armée. Ou elle est loyale au chef ou elle le renverse. […]
L’Algérie, c’est fragile. »190 Quatre décennies plus tard, rien n’a changé. Il ne peut y avoir
d’antagonismes de fond entre les chefs militaires et le Président. Issu du « groupe d’Oujda »,
à la tête duquel Boumediene a préparé le processus de prise de pouvoir par l’Armée au début
des années 1960191, Bouteflika connaît à la perfection l’ensemble des équilibres vitaux du
système. Il ne prendra pas le risque de les briser. Ce sont les généraux qui l’ont adoubé en
1999. Ce sont les mêmes qui lui ont donné cinq ans plus tard le parrainage indispensable pour
prétendre à un second mandat.192 Le désengagement apparent de l’Armée algérienne du
champ politique est un simple habillage destiné à calmer les ardeurs égalitaristes de la
population et à satisfaire les exigences de démocratisation, purement formelles, voulues par
les gouvernements occidentaux.193 « Il n’est pas de régime qui ait, autant que celui des
militaires algériens, le souci de son image internationale et qui déploie en la matière un
savoir-faire aussi impressionnant pour organiser la confusion, sauvegarder l’image de marque
du pouvoir et la réputation internationale de l’Algérie. »194 C’est cette obsession des
apparences qui permet de brouiller toute visibilité des lieux de pouvoir et de prise de décision,
avec pour ambition la survie du régime.
L’impossible aggiornamento interne
En Algérie, « il paraît très difficile de croire que l’armée soit susceptible de changer de
l’intérieur et de conduire vers l’Etat de droit. »195 Le salut ne viendra pas des chefs militaires
actuels qui sont d’accords sur l’essentiel : le statu quo.196 Il ne viendra pas non plus, avant
longtemps, des nouvelles générations d’officiers pour qui le cœur du pouvoir est
189 Thierry Oberlé, « Bouteflika cherche la consécration », Le Figaro, 8 avril 2004, p.2. 190 A l’issue du conseil des ministres du 21 avril 1965. Cité in Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, Paris, Gallimard, collection Quarto, 2002, p.1046. 191 Pierre Affuzi et José Garçon, « L’armée algérienne : le pouvoir de l’ombre », septembre 1998, p.47. 192 Thierry Oberlé, « Bouteflika cherche la consécration », Le Figaro, 8 avril 2004, p.2. 193 Akram Belkaïd Ellyas, « L’Armée, nœud gordien de la crise algérienne », 2002, p.67. 194 Pierre Affuzi et José Garçon, « L’armée algérienne : le pouvoir de l’ombre », septembre 1998, p.52. 195 Akram Belkaïd Ellyas, « L’Armée, nœud gordien de la crise algérienne », 2002, p.65. 196 Ibid., p.55.
65
inatteignable. Ce sont les pressions externes à l’institution, qu’elles viennent de la rue ou de
l’étranger, qui peuvent seules la conduire à abandonner les leviers de commande de l’Etat
algérien.
L’ANP n’est pas un bloc monolithique. Même en son sommet, il existe des différences
d’intérêts et de points de vue qui prennent parfois l’ampleur de véritables clivages. Il existe
par exemple des officiers supérieurs plus « éradicateurs » que d’autres. Certains généraux sont
passés par l’Armée française et d’autres par les académies arabes. Les uns sont Kabyles, les
autres issus des Aurès. Et le Général Khaled Nezzar, ancien ministre de la défense, affirme
carrément à ce propos que « le régionalisme a été érigé en raison d’Etat » au point de peser
sur les procédures de recrutement des prétendants à la magistrature suprême depuis
l’indépendance.197 Mais en fait, ces clans, pour réels qu’ils soient, sont conscients des risques
de la division et se rejoignent pour défendre leur objectif commun : « le maintien du système
actuel par n’importe quel moyen. »198
Face au haut commandement, la capacité de jeunes officiers à imposer un changement est des
plus limitée. Les officiers intermédiaires, souvent mieux formés que leurs supérieurs, sont
étroitement surveillés. Le tableau d’avancement fonctionne selon des critères d’allégeance.
« L’assouvissement d’ambitions personnelles ne peut se faire que par le biais d’une
obéissance aveugle au système en place et par la protection de ce dernier. »199 Dans n’importe
quel corps d’armée, un nouveau venu aura ainsi le choix entre se conformer aux règles
implicites de fonctionnement ou être exclu des processus d’avancement, voire risquer la
mutation ou même la radiation. Or le fait d’être militaire en Algérie permet d’être épargné par
la crise économique. C’est avoir droit à une coopérative spéciale, à des soins dans des
hôpitaux réservés, à un logement en zone sécurisée, et, surtout, à être à l’abri du chômage.
Contrairement à d’autres armées africaines, l’ANP n’a jamais été prise en défaut de paiement
des soldes, et les retraites sont régulièrement revalorisées. En devenant militaire, le jeune
diplômé achète donc une tranquillité économique qu’il lui sera bien difficile d’abandonner ou
de compromettre par le biais d’un quelconque engagement réformateur. Tant que cet ordre
des choses durera, les risques d’apparition de mécontentement au sein des cadres militaires
restent réduits. D’ailleurs, les commandements opérationnels ne sont attribués qu’aux
éléments les plus sûrs. Et le système est enfin verrouillé par la priorité dévolue aux « troupes
197 Le Sultanat de Bouteflika, 2003. Cité in Maxime Aït Kaki, « Armée, pouvoir, et processus de décision en Algérie », été 2004, p.438. 198 Akram Belkaïd Ellyas, « L’Armée, nœud gordien de la crise algérienne », 2002, p.71. 199 Ibid., p.66.
66
spéciales » sur le reste de l’Armée. Une garde prétorienne qui n’ignore pas que son sort est lié
à celui de ses chefs.200
Cependant, la volonté forte de l’ANP de s’ouvrir au monde pourrait être le moyen d’accroître
en son sein les forces de changement.201 Sans attendre qu’une nouvelle crise énorme secoue la
société algérienne et contraigne l’Armée à accepter de se soumettre à une démocratie réelle,
les partenaires occidentaux de l’Algérie, au premier plan desquels se trouve la France,
pourraient s’appuyer sur ses besoins en termes de coopération militaire, et singulièrement de
formation, pour favoriser l’arrivée aux affaires d’une génération d’officiers moins avide de
bien-être matériel et plus soucieuse de relever un pays aujourd’hui moralement exsangue.
200 Pierre Affuzi et José Garçon, « L’armée algérienne : le pouvoir de l’ombre », septembre 1998, p.50. 201 Akram Belkaïd Ellyas, « L’Armée, nœud gordien de la crise algérienne », 2002, p.72.
67
UNE RELATION MILITAIRE BILATÉRALE OTAGE DE LA POLITIQUE
68
UNE RELATION PASSIONNELLE
Les relations franco-algériennes ont relevé, depuis l’origine, plus du passionnel que de
la raison. Un mélange de fascination et de répulsion, de proximité et d’altérité suscite une
charge émotionnelle que les deux nations se révèlent incapables de dépasser. Si elle
condamne les deux pays à coopérer, cette spécificité est avant tout une entrave majeure à
l’efficience des rapports entre les armées françaises et algériennes.
VARIATIONS POLITIQUES
En juillet 2004, la visite à Alger de Michèle Alliot-Marie sonne comme « un point
d’orgue »202 de l’exceptionnel réchauffement de la relation franco-algérienne. Pour la
première fois depuis l’Indépendance, un ministre français de la Défense effectue un voyage
officiel en Algérie. Avec l’annonce de la relance de la coopération militaire, El Watan, le
quotidien de référence, peut titrer « Le dernier tabou brisé »203, et le porte parole du Ministère
français de la Défense n’a aucun mal à convaincre qu’il s’agit du « meilleur signe de la
normalisation entre les deux pays ».204 Certes, la Ministre elle-même reconnait que la France
et l’Algérie ont connu dans le passé des « moments difficiles » et même que « des cicatrices
existent encore », mais elle estime également que : « Le moment est venu, je crois, non pas
d’oublier mais de tourner la page, d’inscrire notre relation résolument dans l’avenir ».205
Si l’avenir inspire alors tant d’espoir, c’est surtout qu’il y a bien longtemps que les relations
militaires franco-algériennes n’ont brillé. Depuis l'interruption du processus démocratique en
202 Florence Beaugé, Le Monde, 20 juillet 2004. 203 Zine Cherfaoui, 17 juillet 2004. 204 Cité in Florence Beaugé, Le Monde, 16 juillet 2004. 205 Allocution à la résidence El-Mithaq d’Alger, 17 juillet 2004. www.ambafrance-dz.org.
69
janvier 1992, la coopération dans ce domaine est de facto réduite au strict minimum. Mais
contrairement à une légende tenace, ces années de « non-dialogue » et de « méfiance
réciproque »206 ne suffisent pas à rendre compte des rapports entre les deux armées depuis
1962. Des rapports conditionnés par la politique et ses revirements.
L’ALGÉRIE INDÉPENDANTE
« Quelque radicale qu’ait été la Révolution, elle a cependant beaucoup moins innové
qu’on le suppose généralement ».207
Peu d’hommes ont fait dans leur discours plus d’efforts que les chefs de l’Algérie
indépendante pour séparer par un abîme ce que leur pays avait été jusque-là de ce qu’ils
voulaient qu’il soit désormais. Cette volonté de la rhétorique de faire du passé table rase,
Tocqueville nous a appris à la relativiser. Dans les faits, les révolutions ne sont jamais aussi
complètes qu’elles tentent de s’en persuader.208 Et c’est bien là le vœu que faisait Charles de
Gaulle pour la révolution algérienne : « Qu’à l’exemple de la France, qui à partir de la Gaule,
n’avait pas cessé de rester en quelque façon romaine, l’Algérie de l’avenir, en vertu d’une
certaine empreinte qu’elle a reçue et qu’elle voudrait garder, demeurerait, à maints égards,
française. »209 C’est pour soutenir ce dessein que le Général s’investit dans le maintien des
relations franco-algériennes. Et c’est par la force de cette évidence que les Algériens
l’acceptèrent discrètement.
Certes, en raison des sanglantes conditions d’accession à l’Indépendance210 et d’une
opposition idéologique de façade durant la guerre froide, la coopération militaire franco-
algérienne fut rarement ostentatoire. Toute publicité autour d’un domaine aussi sensible aurait
rendu bien inaudible le flot de dénonciations de l’impérialisme néo-colonialiste français
déversé successivement et avec le même entrain par les présidents Ben Bella, Boumediene et
206 Mounir Boudjemaa, Le Quotidien d’Oran, 11 juillet 2004. 207 Alexis de Tocqueville, L’Ancien Régime et la Révolution, 1856. Robert Laffont, collection Bouquins, 2002, p.964. 208 Tocqueville précise : « J’étais convaincu qu’à leur insu ils [les révolutionnaires français] avaient retenu de l’ancien régime la plupart des sentiments, des habitudes, des idées même à l’aide desquelles ils avaient conduit la Révolution qui le détruisit et que, sans le vouloir, ils s’étaient servis de ses débris pour construire l’édifice de la société nouvelle ». (Ibid., p.947). 209 Charles de Gaulle, Mémoires d’espoir, Paris, Plon, 1970, p.51. 210 Sur la guerre d'Indépendance, voir Jacques Frémeaux, La France et l'Algérie en guerre. 1830-1870 1954-1962, Paris, Economica et Institut de Stratégie Comparée, 2002 ; Guy Pervillé, Pour une histoire de la Guerre d'Algérie, Paris, Picard, 2002 ; et Benjamin Stora et Mohammed Harbi (dir.), La Guerre d’Algérie. 1954-2004. La fin de l’amnésie, Paris, Robert Laffont, 2004.
70
Chadli Bendjedid. Pourtant, dès l’origine un niveau élevé de coopération militaire fut
envisagé.211
La présence militaire française en Algérie ne fut pas brutalement interrompue par
l’Indépendance. En mars 1962, les Accords d’Evian ont non seulement planifié un retrait
progressif des troupes françaises sur près d’un an, mais également prévus le maintien de bases
aériennes et de sites d’essais atomiques et spatiaux au Sahara pour cinq ans, et quinze ans
pour la base navale de Mers-el-Kebir. Pour que « l’Armée française entre dans les temps
modernes »212, le Général de Gaulle avait besoin de l’Algérie quelques années encore. De fait,
dès que les centres d’expérimentations stratégiques du Pacifique et de Guyane furent
opérationnels, Reggane, In Ekker et Hamaguir furent évacués conformément aux accords
d’Evian (1967). Et puisque Brest et Toulon ont achevé leur réorganisation, la Marine quitte
Mers-el-Kebir l’année suivante, neuf ans avant le terme prévu. En revanche, des accords
secrets conclus directement entre De Gaulle et Boumediene, assurèrent à la France la
jouissance de la base secrète de B2 Namous près de la frontière avec le Maroc pour
l’expérimentation d’armes chimiques à des fins défensives, et, ce, jusqu’en 1978. Une phase
transitoire fut pareillement observée dans l’administration des populations sahariennes.
Pendant plusieurs années, de nombreux officiers français, en particulier des médecins
militaires, garantirent la pérennité du service public dans les oasis les plus reculées.
Au-delà de cette sortie graduelle de l’ère coloniale, il s’agit également d’établir des rapports
durables entre l’Armée algérienne et l’Armée française. La création en septembre 1964 d’une
Mission Militaire française de Liaison et de Coordination (MMLC) en Algérie marque cette
volonté de normalisation. Cette « mission a pour rôle de promouvoir l’assistance technique de
la France à l’Algérie dans le domaine militaire et de coordonner les moyens mis par la France
à la disposition de l’Algérie. » Concrètement, son chef, un colonel, a pour attributions le suivi
des détachements français d’assistance technique militaire, la réception des demandes de
stages dans les écoles ou les formations militaires françaises, et le développement des
exportations d’armements.
211 Sur la coopération militaire franco-algérienne depuis l’Indépendance jusqu’à l’élection d’Abdelaziz Bouteflika, voir Bruno Callies de Salies, Défense Nationale, juin 1997, p.121 à 130 ; Jean-François Daguzan, Le dernier rempart ? Forces armées et politique de défense au Maghreb, 1998, p.102 à 103 ; et Nicole Grimaud, La politique extérieure de l’Algérie, Paris, Karthala, 1984, P.105 à 106. 212 Charles de Gaulle, 1963. Cité in Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, Paris, Gallimard, collection Quarto, 2002, p.417.
71
Paradoxalement, c’est avec l’accession au pouvoir du Colonel Boumediene que débute une
forte croissance de la collaboration entre les deux armées. Alors même que le nouveau guide
de la révolution algérienne, depuis le coup d’Etat de juin 1965, oriente son pays vers un
régime socialiste et autoritaire et prétend se faire le champion des non-alignés, il s’appuie
dans le même temps sur l’ex-colonisateur pour crédibiliser son outil de défense. Sur cette
contradiction, le Général de Gaulle remarquait, avec une certaine cruauté, que chez les
dirigeants algériens, « il y a la phraséologie socialiste, qu’ils sortent à tout bout de champ. Et
il y a les réalités : […] Ils ne peuvent pas former des techniciens ailleurs [qu’en France].
Naturellement, ils envoient quelques types à Moscou et à Cuba, mais ce n’est pas sérieux.
Leurs cadres, ils ne peuvent les former qu’en français. »213
La « Convention franco-algérienne de coopération technique militaire » signée à Alger le 6
décembre 1967 entre le Secrétaire général de la Défense nationale pour l’Algérie et
l’Ambassadeur, haut représentant de la République française, offre le cadre juridique
nécessaire à ce développement. Conclu sans limitation de durée, l’accord prévoit notamment
que « Le Gouvernement français apporte son assistance technique militaire au Gouvernement
algérien. Il met à sa disposition soit des détachements d’assistance technique, soit,
exceptionnellement, des conseillers techniques. Il envoie d’autre part en Algérie des missions
d’études dites temporaires et organise des stages en France et en Algérie ». La volonté
pragmatique du Président Boumediene se concrétise presque immédiatement. En 1969, les
effectifs mis en place en Algérie au titre de la coopération militaire atteignent environ trois
cent cinquante personnes tandis que le volume des stagiaires algériens en France dépasse les
quatre cents. Parallèlement, l’Algérie acquière des équipements militaires français, en
particulier des avions de transport.
Les dissensions politiques ne tardent cependant pas à entraver les relations militaires. Si la
nationalisation complète des compagnies pétrolières françaises du Sahara en février 1971 a
causé peu de torts à la collaboration entre les deux armées, en revanche le soutien plus ou
moins affiché de Valery Giscard d’Estaing à Hassan II dans le conflit du Sahara occidental
marque une quasi-rupture. Houari Boumediene accuse la France de partialité et d’ingérence
en faveur du Maroc, et lui déclare une véritable guerre froide, avec prise d’otages français en
Mauritanie, où les Jaguars des forces aériennes françaises aident à repousser les attaques du
213 A l’issue du conseil des ministres du 18 novembre 1964. Cité Ibid., p.1045.
72
Front Polisario que soutient l’ANP.214 Dès 1975, la coopération militaire franco-algérienne
décroit rapidement et sensiblement. Contrairement aux confidences péremptoires de de
Gaulle, l’Algérie prouve qu’elle peut former ses cadres ailleurs qu’en France. Houari
Boumediene a choisit pour équiper et instruire son armée de se tourner résolument vers
l’Union soviétique. Lors de son décès, fin 1978, le nombre des coopérants militaires français
est tombé au chiffre d'environ vingt personnes, essentiellement des personnels du Service de
santé. Quant à celui des stagiaires algériens en France, il est devenu presque anecdotique.
Cette rupture ne survit cependant pas à son inspirateur. En accédant à la tête de l'Etat en
février 1979, le Colonel Chadli Bendjedid souhaite prendre ses distances avec l'URSS. Une
volonté qui coïncide à partir de 1981 avec le désir de François Mitterrand de placer les
relations franco-algériennes sous le signe de l'exemplarité. « L’accord de coopération dans le
domaine de la Défense entre le Gouvernement de la République Française et le Gouvernement
de la République Algérienne démocratique et populaire » signé à Alger le 21 juillet 1983 vient
soutenir la vigoureuse impulsion donnée aux rapports de l'ANP avec l’Armée française.
Valable pour quinze ans et reconductible automatiquement sauf dénonciation, l'accord élargit
surtout les échanges dans le domaine des armements. Aux traditionnelles exportations de
matériels de guerre, s'adjoint des « transferts de technologie par la participation de l’industrie
nationale algérienne aux programmes de réalisation d’armement et par la mise en place d’une
industrie de l’armement » en Algérie. Cette ambition nouvelle n’eut cependant pas l’ampleur
escomptée. La diminution des recettes tirées des hydrocarbures et les difficultés pour former
une ressource humaine capable d’utiliser des systèmes d’armes issus de techniques
particulièrement perfectionnées en ont eu raison. Au terme de plusieurs projets avortés, la
coopération se manifeste plus modestement par l’acquisition d’une quarantaine de blindés
légers, des missiles anti-char Milan, et surtout par l’augmentation du nombre des stagiaires
algériens en France. Ces derniers sont près de quatre cents en 1983.
Au milieu des années 1980, la coopération militaire franco-algérienne a d’ores et déjà pris un
tour plus modeste. Les effectifs des stagiaires chutent pour se maintenir au niveau moyen de
vingt à cinquante personnes par an. Simultanément, la présence de coopérants militaires
français s’amenuise avec la disparition du détachement de l’Armée de l’Air et la réduction
progressive des effectifs du Service de santé. C’est dans cette configuration réduite de
214 Maurice Barbier, Le conflit du Sahara occidental, Paris, L’Harmattan, 1982.
73
nouveau au minimum que les relations militaires bilatérales sont confrontées à partir de 1988
à la déflagration du cadre politique, économique et sociale de la société algérienne.
LA TRAGÉDIE RECOMMENCÉE
Trente ans après l’Indépendance, les Algériens vivent une nouvelle escalade dans
l’horreur. La France est un enjeu de cette nouvelle guerre civile algérienne. D’un côté, les
islamistes lui reprochent d’être le principal soutien du « pouvoir mécréant oppresseur » des
généraux ; de l’autre, les officiels l’accusent tout à la fois d’ingérence et d’abandon. En fait, la
marge de manœuvre des gouvernements français qui se succèdent dans la gestion de la crise
est extrêmement réduite.
D’une certaine manière, l’Armée algérienne incarne aux yeux de Paris « le dernier
rempart »215 face à la « bombe à retardement »216 que représente la situation politique,
économique et sociale du pays. Devant une telle situation, le pouvoir algérien parvient sans
difficulté à transformer la France en un partenaire captif et muet, jouant sur l’ignominie
héréditaire de son passé colonial et la pusillanimité de son élite, « hantée par la crainte d’un
déferlement migratoire en cas d’implosion du système algérien ».217 Chaque année, elle
apporte à l’Algérie une aide de cinq à six milliards de francs pour éviter la banqueroute. Ces
mesures d’aide « ont servi au gouvernement algérien à gagner du temps, à acheter des armes,
à nourrir la population et à rétribuer directement ou indirectement ceux qui assurent la
répression au quotidien. Elles ont aussi indirectement alimenté les circuits de corruption qui
profitent aux barons du régime. »218
Cependant, si la France soutient financièrement l’Etat algérien elle n’est pas prête à en
assumer la violence. Dans la presse et les cercles de l’élite parisienne, c'est l'Armée algérienne
qui est critiquée et qui se retrouve sur le banc des accusés. Certes, lors du putsch des généraux
algériens de janvier 1992, « le risque islamiste préoccupait beaucoup », se souvient l’Amiral
Jacques Lanxade, alors chef d’état-major de l’Armée française et proche de François
Mitterrand. « Mais la diplomatie française était presque dogmatique, les coups d’Etat étaient
215 Jean-François Daguzan, Le dernier rempart ? Forces armées et politique de défense au Maghreb, 1998. 216 Cité in Dorothée Schmid, « Le partenariat euro-méditerranéen : une entreprise inachevée », novembre 2004, p.68. 217 Rémy Leveau, « Acteurs et champs de force », septembre 1998, p.37. 218 Rémy Leveau, L’Algérie dans la guerre, Bruxelles, Complexe, 1995, p.129.
74
considérés comme critiquables en première analyse. Et on a peut-être cru qu’il pouvait exister
une autre voie que celle choisie par les militaires. »219 La crainte d’être associés aux méthodes
« éradicatrices » de l’ANP incite en tout cas les officiels français à se tenir, au-moins en
apparence, à distance respectable du système politique militarisé en place à Alger.
La coopération militaire bilatérale est à l’image de ces contraintes et de ces contradictions.
Les menaces d’enlèvements et d’assassinats qui pèsent sur la communauté française expatriée
imposent la réduction au strict minimum des effectifs diplomatiques. Les activités militaires
de coopération en Algérie sont interrompues dès 1992 et seuls demeurent à Alger l’attaché de
Défense et les deux ou trois collaborateurs indispensables à une coopération à très faible
niveau. Bunkerisés dans l’ambassade, protégés en permanence par des gendarmes français et
surveillés continuellement par les services de renseignement algériens, les militaires français
n’ont, au cœur de la décennie sanglante, aucune liberté de mouvement.
C’est dans des domaines non-sensibles (Collège Interarmées de Défense, santé militaire) que
l’Armée française parvient à préserver un flux de formations en France pour une vingtaine
d’officiers et de sous-officiers algériens chaque année. La question de la livraison de matériel
de guerre est en revanche beaucoup plus délicate. La quasi-totalité des demandes d’armement
en provenance d’Alger sont éconduites sans qu’aucune mesure d’embargo n’ait été décrétée
officiellement. Alors même que les équipements nécessaires à la lutte anti-guérilla
(hélicoptères, systèmes de vision nocturne, etc.) font cruellement défaut à l’ANP pour
combattre les commandos islamistes sur le terrain, ces refus répétés sont très mal vécus par
les militaires algériens. Cette mise en quarantaine leur semble une profonde hypocrisie qui
consiste à leur faire parvenir des fonds pour contenir le Djihad tout en refusant de leur livrer
des armes. L’une des rares exceptions à cette règle non-écrite fut la livraison d’une dizaine
d’hélicoptères Ecureuils en 1995. Quoique ces derniers parviennent non armés en Algérie, ils
pouvaient être facilement reconvertis dans la reconnaissance aérienne des maquis. Les
opposants au régime d’Alger s’emparèrent immédiatement du prétexte pour dénoncer l’aide
de la France à la répression.
Dans le contexte de la guerre civile, nul domaine de la relation franco-algérienne ne peut être
plus sensible que celui de la coopération militaire. Il est inévitable que les impératifs
politiques s’imposent au pragmatisme militaire. Dès lors, si Paris et Alger ne partagent pas
219 Cité in Samy Ghorbal, « Notre ami Jacques Chirac », Jeune Afrique n°2238, 30 novembre 2003, p.88.
75
une vision commune de la sortie de crise, la collaboration entre leur bras armé respectif doit
être marginale. Et c’est bien le rapprochement politique qui conditionne le renouveau des
relations militaires bilatérales.
LE RENOUVEAU220
Très officiellement, « un nouveau climat prévaut entre la France et l’Algérie depuis
l’élection du Président Bouteflika en 1999 ».221 L’apaisement de la situation intérieure et le
désir de l’Algérie de sortir de son isolement diplomatique ont poussé les deux Etats a renoué
peu à peu tous les fils du dialogue. A telle enseigne que Paris et Alger ont exprimé en 2003
leur volonté commune de s’engager dans une « œuvre de refondation et de restructuration des
relations bilatérales » en vue d’établir entre eux un « partenariat d’exception » dans tous les
domaines.222
Choisi par les généraux pour mettre en œuvre l’amnistie négociée secrètement avec les chefs
de l’Armée Islamique du Salut et pour réhabiliter l’image internationale du pays, Abdelaziz
Bouteflika, connu surtout pour avoir été l’inamovible ministre des Affaires étrangères de
Boumediene, a eu pour obsession dès sa prise de fonction en avril 1999 de rompre l’embargo
moral qui frappait le régime. En reconnaissant la perte de plus de 100 000 morts durant la
guerre civile, en graciant les prisonniers islamistes, plusieurs milliers, qui ne sont pas
impliqués dans des crimes de sang, et en décrétant la « concorde civile », Bouteflika s’est
acquis en quelques mois une stature d’homme de paix. Survenant après que les forces de
sécurité aient anéantis les principaux maquis encore actifs et obtenus globalement une
sérieuse réduction de la violence armée, devenue « résiduelle », cet espoir de réconciliation
permet à l’Algérie de retrouver sa place dans le concert des nations. D’autant que
parallèlement la haute hiérarchie militaire a amorcé, en apparence, un retrait du champ
politique. Sous cette nouvelle façade, le pouvoir algérien redevient fréquentable.
220 Le fonctionnement de la Mission militaire française en Algérie, l’acquisition de matériels de guerre français par l’ANP, et la formation de militaires algériens en France seront dorénavant traités dans le prochain chapitre. 221 Présentation des relations bilatérales, 3 janvier 2005. www.ambafrance-dz.org. 222 Déclaration commune à Alger de Jacques Chirac et d’Abdelaziz Bouteflika, 2 mars 2003. www.ambafrance-dz.org.
76
Cette conjoncture favorable rend possible une reprise progressive de la coopération militaire.
Avant même que la visite d’Etat du Président Bouteflika en France en juin 2000 ne vienne
symboliser le dégel des relations franco-algériennes, des contacts ont été rétablis à un haut
niveau entre l’Armée française et l’ANP. En mai 2000, après onze années sans aucune visite
d’un haut gradé de l’armée française, le Vice-Amiral d’escadre Paul Habert accompagne la
relâche à Alger de la frégate de lutte anti-sous-marine La Motte Piquet. Le Commandant de la
zone maritime de la Méditerranée est venu inaugurer cette « ère nouvelle » de la relation
bilatérale avec les généraux algériens.223 Une « ère nouvelle » parce que d’un côté comme de
l’autre on affiche l’ambition de « refonder » la coopération. La Convention de 1967 et plus
encore l’Accord de 1983 ont été si décrédibilisés pendant la décennie sanglante que nul
n’imagine qu’ils puissent servir de socle à une relance vigoureuse des activités militaires entre
la France et l’Algérie. L’élaboration d’un nouveau cadre juridique apparaît d’ores et déjà
comme un préalable à un niveau élevé de collaboration. Seulement, Français et Algériens
divergent sur le calendrier de ce renouveau. Autant les Algériens souhaitent l’« accélérer »,
autant les Français font valoir la nécessité que la reprise soit « progressive ». C’est que, à
Paris, le gouvernement de Lionel Jospin assume encore difficilement la médiatisation du
réchauffement de ses relations avec le régime algérien, singulièrement s’agissant des
questions de sécurité et de défense. Le succès de librairie, en septembre 2000 et février 2001,
de deux pamphlets accusant les militaires algériens d'être impliqués dans des massacres
attribués aux islamistes n’incitent guère les officiels français à engager un débat public sur un
partenariat de défense avec l’ANP.224 En revanche, les contacts discrets entre militaires des
deux pays sont autorisés et même encouragés. En octobre 2000, une délégation de l’EMA
conduite par le Général Felten, adjoint au Sous-chef des Relations internationales, se rend à
Alger pour examiner les modalités pratiques d’une normalisation des relations bilatérales.
Depuis mars 2000, l’adhésion de l’Algérie au Dialogue Méditerranéen de l’OTAN donne
également l’occasion de multiplier les rencontres informelles.
Le nouvelle donne géopolitique mondiale de l’après-11 septembre 2001 permet enfin aux
Français d’envisager ouvertement avec l’Algérie une coopération militaire élargie à tous les
domaines au nom de la lutte commune contre le terrorisme. Quelques mois plus tard, en mai
2002, la réélection de Jacques Chirac à la présidence de la République marque une nouvelle
223 Samia Lokmane, Liberté, 28 mai 2000. 224 Il s’agit des livres-témoignages de Yous Nesroullah, survivant d’un massacre, (Qui a tué à Bentalha ?), et de l’ex-Lieutenant Habib Souaïdia (La Sale Guerre), publiés tous-deux aux éditions La Découverte. Sur les doutes qui les entourent voir Cherif Ouazani, « La théorie du complot », Jeune Afrique nº 2097, 20 mars 2001.
77
étape dans le rapprochement avec Alger. Le régime algérien « goûtait modérément le côté
"donneurs de leçons" des socialistes. Au contraire de Lionel Jospin, le président français
cultive depuis longtemps et sans complexe ses amitiés arabes. Les dirigeants du Maghreb
voient en lui un partenaire sûr et attentionné. Les opinions publiques apprécient ses postures
gaulliennes. »225 Cette confiance retrouvée se concrétise en mars 2003 par la visite d’Etat de
du Président Chirac en Algérie, la première d’un chef d’Etat français depuis l’Indépendance.
Au moment même où la diplomatie française s’oppose avec fracas à la preemptive war
américaine en Irak, Chirac transforme son voyage protocolaire en triomphe populaire. Sa
volonté de « marquer l’engagement de la France à construire avec l’Algérie une relation forte,
confiante et sereine »226, s’exprime aussi bien au cours de bains de foules exceptionnellement
chaleureux à Alger et à Oran que dans la Déclaration solennelle conclue avec Bouteflika.
C’est cette dernière qui proclame l’ambition commune d’instaurer entre les deux pays « des
rapports privilégiés et un partenariat d’exception ayant vocation à se poser comme modèle de
coopération dans la région et dans les relations internationales. »227 Un partenariat que doit
venir consacrer avant la fin de l’année 2005 la signature d’un « Traité d’amitié » qui « portera
sur la coopération bilatérale, sur la dimension euro-méditerranéenne des relations franco-
algériennes, sur le travail de mémoire qui est engagé, en même temps que sur les questions de
défense et de sécurité. »228
De fait, la France et l’Algérie semblent alors vivre « une sorte d’idylle »229 politique. C’est
l’excellence de ces relations diplomatiques qui rend possible en juin 2003 le premier
déplacement en Algérie depuis l’Indépendance d’un chef d’état-major de l’Armée
française.230 Les entretiens du Général d'armée Henri Bentegeat avec son homologue algérien
Mohamed Lamari permettent de dépasser le stade de la seule « meilleure connaissance
mutuelle ». Les deux parties discutent à présent de la création « d’un nouveau cadre
permettant d’instaurer une nouvelle dynamique » aux relations bilatérales. Ce sont les
Algériens qui, les premiers, présentent un projet de convention-cadre. Il rétablirait une
coopération dans presque tous les domaines : acquisition d’armements, transfert de
technologies, exécution d’exercices conjoints, échanges d’informations et de renseignements 225 Samy Ghorbal, « Notre ami Jacques Chirac », in Jeune Afrique n°2238, 30 novembre 2003, p.86. 226 Entretien du Président Chirac avec El Watan et El Khabar à Paris, 1er mars 2003. www.ambafrance-dz.org. 227 Déclaration commune à Alger de Jacques Chirac et d’Abdelaziz Bouteflika, 2 mars 2003. www.ambafrance-dz.org. 228 Compte rendu de la visite de Michel Barnier en Algérie, 13 juillet 2004. www.mae.dz. 229 Akram Belkaïd Ellyas, contribution in Khadija Mohsen-Finan (dir.), « L’Algérie : ouverture ou statu quo ? », décembre 2004. 230 Mounir Boudjemaa, Le Quotidien d’Oran, 17 juin 2003.
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militaires, et enfin formation des militaires. L’ambition de cette première version représente
une telle rupture avec les échanges de très faible niveau de l’époque, que les Français la
trouvent « trop volontariste » et s’interrogent sur la suite à y donner. C’est pour poursuivre les
négociations qu’une nouvelle mission de l’EMA placée sous le commandement du Général de
Rousiers, adjoint au Major général, se rend à Alger en septembre 2003. L’accueil chaleureux,
l’attention et l’intérêt manifestés par les Algériens et en particulier par les officiers de la jeune
génération donnent alors le sentiment à la délégation française qu’il existe « un espoir
marqué » d’une normalisation des rapports entre les deux armées. Par comparaison, la
première réunion d’état-major franco-algérienne organisée deux mois plus tard à Paris est
assez décevante (novembre 2003). Alors que l’Armée française est représentée par le Contre-
Amiral Bernard Merveilleux du Vignaux, chef de la division Monde à l’EMA, le haut
commandement de l’ANP n’a pas dépêché d’officier général habilité à prendre des décisions
importantes. Si bien que la portée des travaux des deux délégations est assez formelle et
limitée. Certes, un « modeste » projet de plan de coopération est adopté dont l’objectif est
avant tout d’accroître le dialogue, mais la participation à des exercices communs
d’entraînement n’a pas même été évoquée. Surtout, les discussions autour du projet d’accord-
cadre sont repoussées à une date ultérieure.
Au lendemain de la deuxième victoire présidentielle d’Abdelaziz Bouteflika le 8 avril 2004,
les relations politiques franco-algériennes atteignent une intensité inégalée depuis les années
1960. Succédant à la visite éclair le 15 avril de Jacques Chirac, venu féliciter son homologue
pour « sa brillante réélection »231, près d’une dizaine de ministres français effectuent un
déplacement à Alger en moins de six mois. Parmi ces visites, celle de Michèle Alliot-Marie,
mi-juillet 2004, attire particulièrement l’attention des médias. Si les spéculations autour de
l’exportation d’armements français vers l’Algérie forment la principale préoccupation des
journalistes, l’annonce par la Ministre française de la Défense d’un « accord de partenariat
global »232 entre les deux armées est également largement commentée de chaque côté de la
Méditerranée.233 Deux ans après sa mise en chantier, Français et Algériens rendent public leur
volonté commune de se doter, dès l’automne 2004, d’un cadre juridique de niveau
gouvernemental pour une coopération militaire en matière de formation, d’entraînements et
231 Conférence de presse du Président Chirac à Alger, 15 avril 2004. www.ambafrance-dz.org. 232 Entretien de Michèle Alliot-Marie avec la radio RTL, 19 juillet 2004. www.ambafrance-dz.org. 233 Voir en particulier Zine Cherfaoui, « Coopération militaire entre l’Algérie et la France. Le dernier tabou brisé », El Watan, 17 juillet 2004 ; et Florence Beaugé, « Paris et Alger rétablissent leur coopération militaire et vont signer un accord de défense », Le Monde, 20 juillet 2004.
79
d’exercices communs, de modernisation des équipements de l’ANP et de collaboration dans le
domaine du renseignement humain et technique.234 Cela signifie que l’option de procéder à un
simple arrangement entre ministres de la Défense des deux pays pour accélérer la reprise des
actions concrètes a été abandonnée. Il est acquis désormais que le renouveau éminemment
symbolique de la coopération militaire bilatérale doit être sanctionné par un texte ambitieux
ayant vocation à prendre place dans le futur Traité d’amitié.
Dans les mois qui suivent cette visite « historique » du Ministre français de la Défense en
Algérie, les deux Armées, et singulièrement leurs forces navales, multiplient les rencontres.
En août, trois bâtiments de la Marine algérienne prennent part à la commémoration du
soixantième anniversaire du débarquement de Provence. En septembre, la frégate française
l’Aconit et le chasseur de mines français l’Eridan font escale à Alger dans le cadre de la force
européenne d'action navale Euromarfor sous le commandement du Vice-Amiral d'escadre
français Alain Dumontet. En novembre, c’est au tour de la frégate anti-sous-marine française
La Motte Piquet de faire relâche dans la capitale algérienne. Son commandant, le Capitaine de
Vaisseau Xavier Gariel, ne cache pas alors la dimension particulière de cette soudaine
intensité. « Je suis là, déclare-t-il aux journalistes, en tant que militaire pour mettre en œuvre
les décisions des autorités politiques qui ont arrêté un certain nombre d'actions allant dans le
sens d'un rapprochement entre nos deux pays. […] La venue du La Motte Piquet constitue un
véritable passage à l'acte. »235 De même, les autorités militaires algériennes saisissent chacune
de ces opportunités pour afficher leur « très forte volonté » de nouer des contacts rapides et
concrets avec la France.
La deuxième réunion d’état-major bilatérale tenue à Alger fin novembre 2004 donne au
commandement de l’ANP l’occasion de démontrer la grande importance que ce renouveau
revêt pour lui. Contrairement à la cession précédente, l’Armée algérienne est cette fois
représentée par son contrôleur général, le Général-Major Mohamed Zenakhri, mandaté pour
prendre des décisions. Du coup, le plan de coopération pour 2005 est nettement plus
ambitieux. Il prévoit notamment un exercice commun dans le domaine de la surveillance et de
la sécurité maritime. Cependant, la finalisation du projet d’accord-cadre est, elle, de nouveau
retardée. A présent, ce sont les Algériens qui réclament une prolongation de la phase d’étude.
Il est nécessaire d’attendre la fin du mois de mars 2005 pour qu’une délégation d’experts du
234 Compte rendu de la visite de Michèle Alliot-Marie en Algérie, 16-18 juillet 2004. www.mae.dz. 235 Cité in H. Sihem, « Conférence de presse du commandant du La Motte-Piquet », Le Jeune Indépendant, 29 novembre 2004.
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Ministère français de la Défense conduite par Laurent Teisseire, sous-directeur du droit
international et du droit européen à la Direction des affaires juridiques, vienne à Alger pour
parachever le texte.236 Si le document est prêt, il apparaît déjà clairement à l’époque que sa
ratification et sa mise en application sont conditionnées par la conclusion du Traité d’amitié.
Une amitié jamais à l’abri de la surenchère politique des deux côtés de la Méditerranée.
LA RECHUTE ?
Après cinq années de réchauffement exceptionnel des relations entre la France et
l’Algérie, la volonté des deux pays « d’aller de l’avant, d’aller encore plus loin, de passer à
l’action »237 s’essouffle depuis le printemps 2005. La complexité des rapports franco-
algériens réapparaît sous la forme d’une guerre des mémoires et d’une énième bataille des
visas. Ces tensions ont réveillé des passions anciennes et profondes internes à la société
algérienne et à la société française. Elles s’enveniment aussi bien sous l’impulsion du
populisme et de la démagogie de politiciens fantoches en Algérie que de l’extrême-droite et
du lobby pied-noir en France. Dans ce contexte, la résorption rationnelle de ces fractures ne
peut être que particulièrement aléatoire, longue et malaisée. Cependant, le ton polémique
d’une rare virulence employé par le régime algérien pour les évoquer laisse à penser qu’il a
choisi lui-aussi de les manipuler délibérément avec l’ambition de ranimer le nationalisme de
l’ère Boumediene et d’en user comme d’un moyen de chantage à la signature du Traité
d’amitié avec la France. Au risque de compromettre définitivement le développement de la
coopération militaire bilatérale.
A l’origine de l’actuelle crise de « pulsions passionnelles »238 entre l’Algérie et la France, on
trouve un modeste amendement, passé complètement inaperçu à l’époque, ajouté par quelques
députés UMP à une nouvelle loi en faveur des pieds-noirs. Cet article 4 de la loi du 23 février
2005 est pourtant une véritable provocation, parfaitement inutile et irresponsable. En exigeant
des enseignants français qu’ils s’attachent à mettre en valeur « le rôle positif de la présence
française outre-mer, notamment en Afrique du Nord », il était absolument évident que cette
histoire officielle ne manquerait pas d’exciter par réaction les inquisiteurs de chacune des
236 El Djeich, Revue de l’A.N.P., avril 2005, p.19. 237 Entretien du Président Chirac avec El Watan et El Khabar à Paris, 1er mars 2003. www.ambafrance-dz.org. 238 Allocution d’Abdelaziz Bouteflika à l’occasion de la commémoration du 61ème anniversaire du 8 Mai 1945. www.mae.dz.
81
rives de la Méditerranée à refaire le procès anachronique de la colonisation. Loin de donner
aux historiens les moyens de sortir des partis pris militants et du mémoriel pour s’engager sur
le difficile chemin de la connaissance et de l’honnêteté intellectuelle (puisque l’objectivité,
elle, demeure hors de portée), cette intrusion des politiciens dans la définition du passé ne
pouvait que faire renaître d’interminables débats stériles et caricaturaux.239 A priori, cette
provocation grossière et marginale n’aurait pas dû cependant perturber les relations politiques
franco-algériennes, a fortiori à un moment où tous les observateurs les qualifiaient
d’excellentes. Les officiels algériens choisissent pourtant rapidement de donner à cette
polémique artificielle le statut de tension diplomatique.
Quelques mois avant la commémoration du cinquantenaire de la sanglante répression par
l’Armée et les milices coloniales françaises des émeutes du Nord Constantinois du 8 mai
1945, l’Ambassadeur de France en Algérie Hubert Colin de Verdière anticipe le discours des
autorités algériennes. Devant les étudiants de Sétif, il tient à reconnaître au nom de la France
qu’il s’agit d’une « tragédie inexcusable ».240 Le 8 mai 2005 est malgré tout l’occasion pour
Abdelaziz Bouteflika de dénoncer « l’acte de cécité mentale […] relevant du négationnisme et
du révisionnisme » de la classe politique française. Au-delà de l’abrogation de l’article 4, le
Président algérien invite l’Etat français à se repentir de son passé colonial. « Le peuple
algérien, déclare-t-il, attend de la France un geste qui libérerait la conscience française. »241
Dès le lendemain, 9 mai, la visite en Algérie de Renaud Muselier permet de constater que ces
déclarations ne sont pas sans conséquences sur les relations bilatérales. Le Secrétaire d’Etat
français aux Affaires étrangères a beau alors affirmé que son sentiment est que la mobilisation
des autorités algériennes pour la conclusion du Traité d’amitié est « totale, intense, réelle,
sincère et loyale », il peine à cacher en conférence de presse que le calendrier initialement
prévu ne pourra pas être respecté.242 Entreprendre un « travail de mémoire » qui réussirait le
tour de force de concilier l’histoire officielle, mythique et dogmatique algérienne avec le
passé recomposé et hyper-sensible des rapatriés français risque en effet de prendre
énormément de temps... et de finalement compromettre le Traité. Un risque que le régime
algérien semble, lui, prêt à prendre. Dans un discours à Sétif, le 26 août 2005, Bouteflika
durcit le ton : « Nous rappelons à nos amis français qu’ils doivent reconnaître qu’ils ont fauté
avec le peuple algérien, qu’ils ont torturé et tué, qu’entre 1954 et 1962 ils ont voulu notre
extermination […] et qu’ils doivent aussi reconnaître qu’ils ont voulu anéantir l’identité
239 Voir Daniel Lefeuvre, Pour en finir avec la repentance coloniale, Paris, Flammarion, 2006. 240 27 février 2005. www.ambafrance-dz.org. 241 Cité in Samar Smati, Liberté, 18 avril 2006. 242 Conférence de presse à Alger, 11 mai 2005. www.ambafrance-dz.org.
82
algérienne au point où nous ne sommes ni Arabes, ni Berbères, on n’a ni langue, ni culture, ni
histoire. »243
Ni l’abrogation le 16 février 2006 de l’article 4, à l’initiative du Président Chirac, ni le
déplacement à Alger de Philippe Douste-Blazy au début du mois d’avril suivant, ne
parviennent à enrayer cette surenchère. A peine le Ministre français des Affaires étrangères
tente-il de convaincre les journalistes que l’incompréhension née de la loi du 23 février « est à
présent derrière nous » et que la France et l’Algérie sont désormais « tourn[ées] vers
l’avenir »244, que son homologue algérien, Mohamed Bedjaoui, estime au contraire « qu’il y a
des problèmes qui subsistent encore ». « La loi du 23 février 2005, adoptée par le Parlement
français, a donné lieu, pour les Algériens, à une année de perdue dans l’élaboration de ce
traité. Cela nous a montré que l’opinion publique française n’était pas tout à fait prête pour la
conclusion de ce traité ». De même, « l’extrême difficulté » des Algériens à obtenir un visa
d’entrée sur le territoire français n’est à ses yeux pas encore résolue. Pour dépasser ces
problèmes, le Ministre algérien conclue par la nécessité de « préparer l’opinion des deux rives
de la Méditerranée à un tel traité. »245 Une préparation pour laquelle les autorités algériennes
se donnent des moyens bien curieux.
Dès le 18 avril, le Président algérien récidive à Constantine en affirmant que les « massacres »
de mai 1945 n'étaient « pas seulement un génocide contre le peuple algérien, mais un
génocide contre l'identité algérienne. […] Une entreprise d'acculturation, de
dépersonnalisation destinée à anéantir l'âme, la personnalité et l'identité algérienne ainsi que
de ses fondements. »246 Du coup, lorsque quelques jours plus tard le chef de l’Etat algérien
vient se faire ausculter au Val de Grâce, il doit essuyer les salves d’une partie des politiciens
français qui exploitent avec délice le paradoxe de son hospitalisation par le Service de santé
des armées. Après avoir lui-même ironisé sur « la vieille tradition d'hospitalité du peuple
français »247, Bouteflika charge Abdelaziz Belkhadem, alors son représentant personnel et
secrétaire général du FLN, d’une réponse cinglante : « Nous les avons supportés pendant 130
ans, qu’ils supportent notre Président pendant 48 heures. Et puis, nous ne les avons pas invités
en 1830... ». Et Belkhadem de poursuivre que « le temps du paternalisme est fini » et que le
Traité d’amitié sera signé « le jour où les Français répondront à nos conditions », c’est-à-dire
243 Cité in La Liberté, 26-27 août 2005. 244 Compte rendu de la visite de Philippe Douste-Blazy en Algérie, 11 avril 2006. www.mae.dz. 245 Zine Cherfaoui, « Relance des relations algéro-françaises. Douste-Blazy échoue », El Watan, 11 avril 2006. 246 Cité in Samar Smati, Liberté, 18 avril 2006. 247 Message au Président Chirac, 24 avril 2006. www.mae.dz.
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qu’il ne verra pas le jour avant que la France ne reconnaisse ses crimes coloniaux et accède à
la demande de libre circulation des personnes.248
Dans le même temps, et au terme d’une chasse aux sorcières de plusieurs mois contre les
écoles privées qui enseignent en français, sommées de rétablir les programmes officiels en
arabe, on apprenait que le gouvernement algérien a décidé la suspension de toute coopération
avec l’Organisation Internationale de la Francophonie et son absence au Sommet de Bucarest
de septembre 2006. La presse étant chargée de faire savoir que l’Algérie refuse « de défendre
et développer une culture sans aucune contrepartie » pour le seul bénéfice des intérêts
stratégiques « d’une nation en perte de vitesse dans beaucoup de secteurs. »249 Peu importe
qu’elle ait été fondée à l’initiative de Senghor et de Bourguiba et que bon nombre de ses Etats
membres n’ont jamais eu à supporter la domination de la France, la Francophonie n’en
continue pas moins de symboliser en Algérie l’hydre du colonialisme français.
Le 8 mai 2006 marque un tournant dans la radicalisation de la guerre des mémoires entre la
France et l’Algérie. Le long et solennel discours lu à l’Université de Guelma au nom du
Président de la République algérienne en appelle cette fois à ce que de « grandes voix
françaises se lèvent » pour dire au peuple français « de manière calme et ferme » : « Oui,
notre aventure coloniale a été génocidaire. Oui, colonisation n’a pas rimé avec modernisation,
mais avec décivilisation. Oui, notre Etat doit se purger de sa face obscure, de sa face
colonialiste et pour cela, comme l’ont fait d’autres Etats à travers le monde, présenter ses
excuses aux peuples auxquels il a imposé son oppression colonialiste et en particulier au
peuple algérien qui l’a subie de manière si longue, si brutale, si multiforme, si génocidaire. »
C’est au prix de ce « courage », de ce « devoir de vérité », que la France et l’Algérie pourront
« aller enfin vers l’avenir en pleine conscience et sans rancœur, et éviter de [s’]engager dans
une alliance qui serait celle du cheval et de son cavalier. » Car, s’il « n’existe pas aujourd’hui
de crise dans les relations algéro-françaises », et si « l’inébranlable volonté » du peuple
algérien est toujours de « répondre à nos vœux partagés d’aller encore plus loin ensemble »,
« Il est évident aussi que l’amitié se construit à deux et que nul ne peut y être forcé. Nos
concitoyens et nos concitoyennes doivent savoir que si notre peuple a triomphé au prix de
souffrances indicibles du colonialisme paré des oripeaux de la civilisation, ce n’est pas pour
succomber aux sirènes d’une amitié cannibale. » Aussi, aucun Traité entre la France et
l’Algérie ne sera possible tant que ne sera pas satisfait « le droit élémentaire de l’Etat-nation
248 Cité in Mokrane Aït Ouarabi, El Watan, 25 avril 2006. 249 Saïd Boucetta, L’Expression, 16 avril 2006.
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algérien : à savoir des excuses publiques et solennelles pour le crime de colonialisme commis
contre notre peuple. »250
Dans un pays où le discours sur l'histoire a toujours eu pour fonction essentielle de légitimer
le pouvoir251, dans un pays où le régime s’est identifié à la révolution et à la République au
point que toute critique revient à mettre en cause la lutte pour l’indépendance elle-même252, il
ne fait guère de doute que cette détérioration volontaire et orchestrée de la relation avec la
France sert avant toute autre considération des objectifs de politique intérieure. Le président
Bouteflika persiste devant son peuple à user jusqu’à la corde le rôle du zaïm (guide) qui tient
tête à l'ancienne puissance coloniale. Une grandiloquence dont Boumediene avait démontré en
son temps l’aptitude à assurer la cohésion de la nation algérienne. Une union mythifiée tantôt
par la rivalité avec le voisin marocain, tantôt par la rupture avec l’ancienne mère-tutélaire
française. Il y a déjà plus de dix ans, Pierre Bourdieu, pourtant peu suspect d’être un
nostalgique de la France impériale, écrivait à ce sujet : « Les Algériens (et c’est une chose
qu’ils ont appris des Français, une partie de l’inconscient colonial), sont passés maîtres dans
le révolutionnarisme rétrospectif qui a servi trop souvent d’alibi à l’instauration d’un
conservatisme. »253
Mais, au-delà de cette ambition interne, le prétexte du devoir de mémoire soutient également
un rapport de force dans les négociations diplomatiques avec la France. L’intérêt sans cesse
croissant affiché par de nombreux Etats, et singulièrement les Etats-Unis, pour les réserves
d’hydrocarbures considérables de l’Algérie, donne actuellement à ses dirigeants une
importante marge de manœuvre dans leur tête-à-tête traditionnel avec Paris.254 En retardant la
conclusion du Traité d’amitié, le régime algérien se dote d’un moyen de pression
supplémentaire dans l’ensemble de ses négociations bilatérales avec la France. A n’observer
la coopération militaire franco-algérienne qu’en surface et qu’avec une courte vue, elle ne
semble pourtant pas encore souffrir de ces habiles et périlleuses intrigues.
250 Allocution d’Abdelaziz Bouteflika à l’occasion de la commémoration du 61ème anniversaire du 8 Mai 1945. www.mae.dz. 251 Salima Ghezali, « Les dirigeants de la France et de l'Algérie sont incapables de surmonter les drames d'hier », Libération, 1er juin 2006. 252 Pierre Affuzi et José Garçon, « L’armée algérienne : le pouvoir de l’ombre », septembre 1998, p.52. 253 « Dévoiler et divulguer le refoulé », octobre 1995, in Joseph Jurt (dir.), Algérie, France, Islam, 1997, p.22. 254 Voir par exemple Mounir Boudjemaa, « "Pré-carré" ? », Liberté, 15 avril 2006. Nous discuterons dans la troisième partie de la rivalité qui opposerait la France aux autres partenaires internationaux de l’Algérie.
85
La reprise de la coopération entre la Marine nationale française et les Forces navales
algériennes, « particulièrement fructueuse » depuis septembre 2004, accède au printemps
2005 à la phase opérationnelle. "Raïs Hamidou 05", organisé au large d’Alger à la fin du mois
de mai, est en effet le plus important exercice commun aux deux marines depuis les années
1980. Il s’agit de réaliser une simulation d’interception d’un navire suspect et qui refuse
d’obtempérer selon les procédures de l’interdiction maritime. Non seulement l’entraînement
cadre parfaitement avec l’une des missions devenues prioritaires en Méditerranée dans le
cadre de la lutte contre le terrorisme255, mais les deux pays ont également fait l’effort de
mobiliser des moyens et des effectifs importants. Placée sous le commandement du Vice-
Amiral d'escadre Jean-Marie Van Huffel, commandant de la zone maritime de la
Méditerranée, le détachement français est composé de la frégate anti-sous-marine Montcalm,
d’un hélicoptère, d’un patrouilleur et d’un avion de surveillance. Les Algériens mobilisant de
leur côté cinq bâtiments, dont une frégate, et un avion. L’intérêt est aussi et surtout de voir un
état-major mixte franco-algérien « travailler ensemble et se comprendre », malgré les
différences de méthodes et d’équipements.256 Le succès de l’opération est renouvelé, moins de
deux mois plus tard, par un deuxième exercice commun, certes plus limité, baptisé "Raïs
Hamidou Plongée 05". Au large d’Annaba et durant deux jours, les marins du chasseur de
mines français Verseau échangent avec leurs homologues algériens les techniques de plongée
et de la guerre des mines.257 Dans les mois qui suivent, quatre navires de guerre des Forces
navales algériennes effectuent une escale à Toulon et aux chantiers navals de Brest.
La volonté de multiplier les actions de coopération entre les deux marines demeure
actuellement aussi vigoureuse. La troisième réunion d’état-major franco-algérienne tenue à
Paris fin novembre 2005 a même été l’occasion d’accroître « sensiblement » le plan de
coopération pour 2006. C’est sous la présidence commune du Général Kaddour Bendjemil,
chef d’état-major des Forces terrestres, et du nouveau commandant de la division monde à
l’EMA, le Général de brigade aérienne Claude Baillet, qu’est notamment décidée
l’organisation d’une nouvelle édition en 2006 des exercices "Raïs Hamidou" et "Raïs
Hamidou Plongée", prévus cette fois au large de Toulon. « L’escale phare » à Alger du
Groupe Ecole d’Application des Officiers de Marine français (GEAOM) est également
confirmée pour le printemps suivant.
255 Vice-Amiral d’escadre Pierre-Xavier Collinet, « Sauvegarde maritime et immigration clandestine en Méditerranée », in Défense Nationale, août 2003, p.73 à 80. 256 Dossier de presse du Commandement de la zone maritime de la Méditerranée, 16 mai 2005, www.ambafrance-dz.org ; et El Djeich, Revue de l’A.N.P., juin 2005, p.14 à 19. 257 Zahra Redouane, Le Jeune Indépendant, 9 juillet 2005.
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De fait, la relâche fin avril 2006 de la frégate porte-hélicoptères Jeanne d’Arc et de la frégate
anti-sous-marine Georges Leygues est exceptionnelle tant par sa durée, six jours, que par
l’importance des équipages embarqués, huit cents hommes. D’autant que deux officiers-
élèves algériens ont suivi l’intégralité de la campagne d’application. Au-delà du symbole, le
commandant du GEAOM, le Capitaine de vaisseau Gilles Tillette de Mautort, veut y voir une
action de collaboration en matière de renseignement : « La Méditerranée doit être un endroit
où l´on doit coopérer entre marines du bassin méditerranéen pour savoir ce qui s´y passe. »258
La coopération navale franco-algérienne semble poursuivre imperturbablement son
développement. La guerre des mémoires qui fait rage entre les deux pays paraît n’avoir
aucune incidence. Simples sur le plan juridique, puisque les navires de la Marine nationale
sont reconnus internationalement comme partie intégrante du territoire français, peu sensibles
en termes d’opinion publique, puisque les Forces navales algériennes ne participent pas
directement au maintien de l’ordre interne, les manœuvres communes dans le domaine
maritime forment aujourd’hui la composante la plus dynamique des relations militaires
bilatérales. Rien ne paraît s’opposer à ce que les armées aériennes des deux pays puissent
également inaugurer prochainement des exercices conjoints. Même en l’absence d’un nouvel
accord de défense, la marge de progression de la collaboration entre ces forces « plus
techniques » est donc potentiellement forte. En revanche, la coopération entre les troupes
terrestres françaises et algériennes n’ouvre pas les mêmes perspectives. Alors même qu’elles
constituent de part et d’autre l’élément numériquement le plus important, et, dans le cas
algérien au moins, le plus décisif et le plus influent, l’Armée de Terre française et les Forces
terrestres de l’ANP n’ont encore procédé ensemble à aucun entraînement. Non seulement
l’absence d’un statut légal incontestable est un frein majeur à la reprise de cette forme de
coopération opérationnelle, mais sa dimension symbolique et médiatique l’entrave plus
encore. Les images de la guerre d’Indépendance et de la traque de l’ennemi intérieur dans les
années 1990 restent très présentes dans les esprits, tant chez les militaires que dans les
sociétés civiles respectives. La rupture de ce tabou n’est en fait concevable que dans le cadre
d’une excellence des rapports diplomatiques franco-algériens. En d’autres termes, il est
douteux qu’elle puisse intervenir avant la conclusion du Traité d’amitié.
En mai 2006, la visite en France du Général-Major Ahmed Gaïd Salah n’a pas
fondamentalement changé la donne. Certes, l’intérêt qu’il a montré pour les armements
258 Cité in Fayçal Oukaci, L’Expression, 2 mai 2006.
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français laisse à penser que la coopération militaire franco-algérienne devrait continuer de se
développer et même à embrasser de nouveaux domaines. Cependant, les entretiens du chef
d’état-major de l’ANP avec son homologue français, le Général d’armée Henri Bentegeat,
puis avec Michèle Alliot-Marie ne paraissent pas avoir débloqué la signature de l’accord de
Défense. Ce denier demeure plus que jamais dépendant du Traité d’amitié.259 Si la présence à
Paris, moins d’un mois plus tard, du Général-Major Abdelmalek Genaïzia, ministre-délégué
auprès du Ministre algérien de la Défense nationale, à l’occasion de l’Exposition
internationale des matériels de défense Eurosatory, est un indice supplémentaire de l’intérêt
de l’Armée algérienne pour l’acquisition de matériels de guerre français, elle n’a pas non plus
fait progressé le volet institutionnel du « partenariat stratégique en matière de défense » entre
la France et l’Algérie.260
Depuis l’Indépendance, la coopération militaire franco-algérienne a toujours été
conditionnée par l’état des relations politiques entre les deux Etats. Cette dépendance est
parfaitement légitime et souhaitable. Le niveau de collaboration entre deux forces armées doit
nécessairement être déterminé par une large entente de leurs pouvoirs politiques respectifs.
« Son existence atteste, s’agissant d’un domaine sensible, d’un degré de confiance élevé,
voire d’intimité [entre] les pays concernés. »261 Aussi est-il illusoire de croire qu’un désaccord
diplomatique persistant puisse longtemps demeurer sans conséquence sur les activités
militaires bilatérales. C’est une vérité d’autant plus absolue dans un pays comme l’Algérie où
les décisions politiques ont toujours été imposées par l’intérêt de l’Armée. Si les généraux
algériens laissent aujourd’hui le Président Bouteflika prendre la tête de la guerre des
mémoires contre la France, c’est qu’ils sont prêts à une stagnation, ne serait-ce que provisoire,
de leur coopération avec l’Armée française. Il est probable qu’ils en espèrent un bénéfice à
long terme. Au sujet de cette supputation, l’on ne peut s’empêcher de songer à cette bourrade
du Général de Gaulle à l’un de ses ministres en 1965 : « Ne dites jamais que la coopération
avec l’Algérie représente un intérêt pour la France. Ils s’en prévaudraient contre nous, ils y
259 Mustapha Rachidiou, El Watan, 4 mai 2006. 260 N. Sebti et Mounir Boudjemaa, Liberté, 12 juin 2006. 261 Vice-Amiral d’escadre Hervé Giraud, « La coopération militaire et de défense en Méditerranée », juillet 2005, p.86.
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verraient la preuve que nous faisons du néo-colonialisme ! Ils feraient monter le prix du
tapis ! »262
Si cette situation n’est pas irrémédiable, elle est préjudiciable. Sa résolution implique pour la
France une perte de temps et d’énergie d’autant plus regrettable que rien ne garantit qu’une
nouvelle crise de « pulsions passionnelles » ne lui succède quelques années, si ce n’est
quelques mois, plus tard. Au-delà de la conjoncture, la sensibilité des relations franco-
algériennes est structurelle.
LA NORMALISATION IMPOSSIBLE
En 1995, le Professeur Dominique David, spécialiste des relations franco-algériennes,
écrivait : « La proposition selon laquelle l’Algérie serait un pays ordinaire, pourrait être traité
par nous comme tout autre pays est manifestement erronée. Tout comme la proposition
inverse, selon laquelle l’Algérie serait tellement particulière pour nous, que nous ne pourrions
que poursuivre des relations étroites et sans état d’âme avec le régime en place, quel qu’il soit.
En réalité, le paradoxe est que nous avons suffisamment de distance pour qu’on nous somme
d’exprimer notre choix ; et que nous sommes suffisamment proche pour que ce choix, quel
qu’il soit, soit dénoncé comme ingérence ou règlement de comptes. »263
Le contentieux historique est, nous l’avons vu, une source majeure d’incompréhensions et de
tensions entre les deux rives de la Méditerranée. Les cicatrices de la guerre et de l’exode
relèvent encore bien plus de la mémoire que de l’Histoire. Une conférence de presse donnée à
Alger en mai 2005 par Renaud Muselier, alors secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, est ici
particulièrement éclairante. « Je voudrais ajouter, témoigne-t-il, quelque chose qui est très
important pour moi, au sujet des faits et de leur qualification. J’ai rencontré le ministre
délégué auprès du ministre de l’Intérieur. Il m’a déclaré que les pieds-noirs sont les
bienvenus. Au cours de la conversation, il nous a cependant expliqué qu’il a perdu son frère et
sa sœur pendant la guerre. Pour ma part, ma belle-famille, qui m’accompagne à Alger, est une
262 Après le conseil des ministres du 23 juin 1965. Cité in Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, Paris, Gallimard, collection Quarto, 2002, p.1048. 263 « France-Algérie : entre l’innommable et l’indécidable », p.126.
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famille de pieds-noirs. Les souffrances sont présentes des deux côtés », conclue-t-il.264
L’importance de cette interprétation divergente de l’histoire commune tient aussi et peut-être
surtout au fait que la France et l’Algérie n’en portent pas seulement les séquelles dans leur
mémoire collective. « C’est tout le socle de leur vie sociale et politique qui date de cette
guerre longtemps inavouée. »265 D’un côté, la résistance à la domination française forme
l’acte de naissance de la nation algérienne. Elle demeure un mythe fondateur indépassable. De
l’autre, la guerre d’Algérie a précipité l’avènement de la Cinquième République et déterminé
l’engagement de toute une génération d’hommes politiques et d’intellectuels, qui pour nombre
d’entre eux exercent encore aujourd’hui une influence.266
Ensuite, la France est entravée par les conséquences de sa politique étrangère à destination de
l’Algérie sur sa scène politique intérieure. Parce que la Communauté nationale réunit aussi
bien la plus importante concentration d’hommes et de femmes de confession musulmane en
Europe que le plus grand nombre d’électeurs d’extrême-droite du Vieux continent, le discours
des officiels français en Algérie peut difficilement s’écarter de la langue de bois diplomatique.
Une recherche d’un improbable consensus qui tient souvent du numéro d’équilibriste.
Au total, le pouvoir politique français, et ses exécutants militaires, doivent composer avec des
contraintes excessivement importantes dans leurs relations bilatérales avec l’Algérie. « Il y a
des hypersensibilités ou des codes de lecture qu’il faut respecter. »267
« Séparé par une histoire commune »268
L’Algérie a été française. Durant cent-trente-deux années, la plus importante
communauté française de l’empire colonial a présidé aux destinées de la terre algérienne. S’ils
y ont imprimé leur empreinte avec une extrême irrégularité, suivant qu’ils s’agissaient des
villes de la côte, où ils résidaient presque exclusivement, ou des douars de l’intérieur, où leur
présence était pelliculaire, les Européens s’y sont emparés de tous les leviers d’influence. Si
bien que lorsqu’au terme de sept années d’une guerre cruelle, ils ont dû se résoudre à quitter
le pays, les procédés économiques, les mœurs politiques, la culture dominante, abandonnés
264 11 mai 2005. www.ambafrance-dz.org. 265 Question d’El Watan et d’El Khabar au Président Chirac, 1er mars 2003. www.ambafrance-dz.org. 266 On peut citer par exemple Jacques Chirac, qui fut lieutenant du contingent dans une Section Administrative Spéciale du Tell ; Jean-Marie Le Pen, qui fut lieutenant d’active au 1er REP et militant de l’Algérie française ; ou dans un autre style, Jean Daniel, déjà journaliste et essayiste. 267 Conférence de presse de Renaud Muselier à Alger, 11 mai 2005. www.ambafrance-dz.org. 268 Le Monde, 2 mars 2003. [Editorial].
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aux Algériens étaient profondément francisés. L’historien et ancien militant du FLN,
Mohammed Harbi raconte dans ses Mémoires politiques comment ce long « mariage forcé »
entre la France et l’Algérie avait pu faire naître, même chez les nationalistes algériens les plus
convaincus, une sorte de « confusion des sentiments » qui pouvait les faire se sentir « chez
eux » en France : « Ainsi Jacques Berque écrivit-il pendant la guerre : "La France et
l’Algérie ? On ne s’est pas entrelacé pendant cent trente ans sans que cela descende très
profondément dans les âmes et dans les corps." »269 Après l’Indépendance, cette présence
d’influence s’est maintenue avec force malgré la volonté d’algérianisation tous azimuts des
nouveaux chefs de l’Algérie. En revanche, la présence réelle, celle des ressortissants français,
devint, et demeure, très faible. Après avoir chuté à moins de dix mille au cœur de la décennie
sanglante, la communauté française en Algérie compte aujourd’hui 40 000 membres (dont
90% sont des bi-nationaux franco-algériens).270
De l’autre côté de la Méditerranée, plusieurs millions de personnes ont une relation
particulière avec l’Algérie. Ces « Franco-Algériens » sont divers, multiethniques, composés
des « Français de souche européenne » rapatriés, de Français appelés du contingent ou
militaires de carrière, de harkis, de Français enfants de harkis, d'immigrés, de Français enfants
d'immigrés, d’étudiants. Beaucoup ont quitté la terre algérienne malgré-eux. Ils ont fait le
choix de la France sous la contrainte de la guerre d’Indépendance, de la crise structurelle de
l’économie, de la répression politique et de la guerre civile. Un choix qui s’est imposé à eux
comme une évidence. A présent, ils sont nombreux à rêver de construire entre les deux rives
de la Méditerranée des liens puissants, capables de leur permettre de vivre leur double culture
et leur double attachement.
De fait, peu de peuples entretiennent l’un pour l’autre des sentiments aussi forts et profonds
que les Algériens et les Français. A l’occasion de sa visite à Alger d’avril 2006, ces attaches
multiples incitent même Philippe Douste-Blazy à s’abandonner au lyrisme. Il y déclare en
effet : « L’Algérie est présente dans le cœur de la France, comme la France dans le cœur de
l’Algérie. Nous avons beaucoup à échanger et à partager. » Et c’est en s’appuyant sur « le
souhait profond de nos deux peuples pour cette amitié » que le Ministre justifie l’activisme de
la diplomatie française en faveur du « partenariat d’exception » avec l’Algérie.271 Cette foi,
cette croyance, dans l‘affection des Français pour les Algériens, pas un officiel venu de
269 Une vie debout. Mémoires politiques, tome I : 1945-1962, Paris, La Découverte, 2001, p.183. 270 Ghania Oukazi, « Ces Algériens qui demandent la nationalité française », Le Quotidien d'Oran, 15 juin 2006. 271 Compte rendu de la visite de Philippe Douste-Blazy en Algérie, 11 avril 2006. www.mae.dz.
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France ne manque de la célébrer. Lors de sa visite d’Etat de mars 2003, le Président Chirac
affirme vouloir honorer « une vraie amitié entre deux peuples qui ont tout pour s’entendre.»272
Un peu plus d’un an plus tard, Michel Barnier assure que « la refondation de notre relation
correspond, tout simplement, à l’attente profonde de nos deux peuples. »273 Une conviction
que Renaud Muselier renouvelle chaudement l’année d’après : « On se rend bien compte que
les deux peuples veulent avancer ensemble. »274 Des déclarations qui n’ont somme toute rien
que de très traditionnelles dans le cadre diplomatique. Pourtant, à force d’être tambourinée,
cette « volonté d’un destin partagée »275 a fini par masquer la réalité beaucoup plus
ambivalente du regard des Français sur l’Autre algérien. Déjà en octobre 1963, le Général de
Gaulle confiait : « La politique d’Evian, il n’y a que moi qui la veuille ! [...] Les Français
aussi ne voudraient plus des accords d’Evian. […] Ils détestent les Algériens parce que les
Algériens nous ont fait la guerre et que l’arrachement s’est fait dans la douleur. »276 Depuis,
au côté de cette franche hostilité, l’indifférence et parfois même le mépris figurent également
toujours dans cette palette des sentiments.
Généralement, lorsque l’on évoque en France la violence dramatique qui a meurtrie si souvent
le peuple algérien, c’est la compassion qui domine les esprits. En 2003, Jacques Chirac tient
ainsi à rappeler la solidarité morale éprouvée par nombre de Français. « J’ai à l’esprit la
tragique décennie écoulée, au cours de laquelle l’Algérie a souffert au plus profond de sa
chair, face aux assauts du terrorisme. Et je veux dire au peuple algérien qu’au cours de cette
période, le peuple français a partagé sa douleur, qu’il a admiré et que, pour ma part, j’ai
beaucoup admiré son courage et sa dignité. »277 Cependant, cette réaction n’a pas toujours été
aussi saine et unanime. Elle s’est également accompagnée insidieusement de l’expression
d’un certain fatalisme mêlé d’écœurement. A l’instar de Charles de Gaulle qui avait fini par
croire que « Les Arabes, les Kabyles, c’est une population fondamentalement anarchique, que
personne ne contrôle et qui ne se contrôle pas elle-même. Au lieu de se rassembler pour nous
faire la guerre, ils vont se faire la guerre entre eux. »278 Une opinion que la terreur des années
1990 n’a fait que renforcer. Un jour que la télévision française l’avait interrogé sur ce qu’il
272 Entretien avec la télévision algérienne, 1er mars 2003. www.ambafrance-dz.org. 273 Entretien avec Le Quotidien d’Oran, 12 juillet 2004. www.ambafrance-dz.org. 274 Conférence de presse à Alger, 11 mai 2005. www.ambafrance-dz.org. 275 Entretien de Michel Barnier avec El Khabar, 12 juillet 2004. www.ambafrance-dz.org. 276 A l’issue du conseil des ministres du 30 octobre 1963. Cité in Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, Paris, Gallimard, collection Quarto, 2002, p.1039. 277 Allocution à l’occasion du dîner d’Etat à Alger, 2 mars 2003. www.ambafrance-dz.org. 278 Au conseil des ministres du 9 octobre 1963. Cité in Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, Paris, Gallimard, collection Quarto, 2002, p.1038. [De Gaulle songe alors aux maquis post-indépendance en Kabylie et à la « guerre des sables » entre le Maroc et l’Algérie].
92
ressentait à la vue des massacres de l’été 1997, Pierre Mesmer, qui avait été officier de Légion
en Algérie puis, plus tard, ministre des Armées à la fin de la guerre d’Indépendance
algérienne, avait répondu avec émotion : « Ce pays me fait horreur. »279
La représentation que se font la plupart des Français du peuple algérien tient naturellement
aussi beaucoup de la perception qu’ils ont des Algériens de France et des Français d’origine
algérienne. La présence importante de ces-derniers nourrit aussi bien le désir de connaissance
que les stéréotypes sur l’Algérie. L’hostilité qu’exprime depuis plusieurs décennies une
frange de la population française à l‘égard de l’immigration musulmane a bien évidemment
des conséquences sur le regard qu’elle porte sur ce pays. Il n’est pas évident que ces millions
d’électeurs de l’extrême-droite et de la droite-extrême soient particulièrement enthousiastes à
l’idée d’un renforcement des relations franco-algériennes. D’autant que la révolte des
banlieues à l’automne 2005 a accentué un peu plus encore les peurs et les phantasmes pour
finalement accroître le repli identitaire et la xénophobie. « Le fossé social et culturel menace
de dégénérer en un antagonisme ethno-culturel interne à la société française. »280 La réponse à
apporter aux échecs de l’intégration des « minorités visibles » à la Communauté nationale
constitue un enjeu sans cesse plus important du débat politique. Mais déjà, nombre de
Français n’adhérent plus à la tradition d’ouverture sur le monde de la France. Ils souhaitent au
contraire se prémunir contre la mondialisation des échanges économiques, culturels et
humains.
Paradoxalement, ce reflux ne s’accompagne pas de la disparition chez le même peuple de la
croyance souvent quasiment inconsciente que la France possède un don exceptionnel pour
intervenir dans les affaires du monde, et tout spécialement dans celles de ses anciennes
colonies. Leur message universaliste et la force des liens historiques accorderaient aux
Français une aptitude extraordinaire pour comprendre les problèmes des Africains ou les
problèmes des Arabes. Et de fait, leur action internationale donne fréquemment le sentiment
aux autres nations qu’ils se sentent investis d’une mission particulière. Un travers, un
complexe de supériorité, dont on les soupçonne inévitablement dans leurs relations si
singulières avec les Algériens. Si bien que lorsqu’on apprends que le Général de Gaulle
estimait devant ses collaborateurs en 1963 que « L’Algérie ne peut pas sortir de la pagaille
279 Il ne nous a pas été possible de retrouver le titre et la date du documentaire, vu par nous il y a quelques années, où figurait cette réponse. 280 Werner Ruf, « Perspectives de la crise algérienne. La responsabilité internationale », in Joseph Jurt, Algérie, France, Islam, 1997, p.238.
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sans la France »281, et qu’il précisait peu après que « La seule chose positive que les dirigeants
algériens puissent mettre à leur bilan, c’est la coopération avec la France. Tout le reste est un
fiasco. De tous les slogans, de toutes les promesses, au nom desquelles ils sont battus pendant
huit ans, il ne demeure absolument rien ! Des mythes, du vent. »282, on est tenté d’accorder
une certaine légitimité à cette réputation.
A l’image de l’ambivalence du regard des Français, les Algériens sont sans cesse tiraillés
entre d’un côté l’attraction, la fascination qu’exercent sur eux la prospérité occidentale,
l’admiration et l’affection qu’ils portent à la France, aux Français et à la culture francophone,
et de l’autre le crédit qu’ils consentent aux discours de leurs politiciens, des islamistes et du
pouvoir, qui se complaisent généralement dans une surenchère de diatribes contre la
dépravation, l’égoïsme et l’arrogance des néo-colonialistes français. Il est vrai que les
références à l’ancienne mère-tutélaire sont si omniprésentes dans la vie politique,
économique, sociale et culturelle algérienne que « La relation privilégiée avec le France ne
peut être vécue, de l’autre côté de la Méditerranée, que comme inévitable et
insupportable. »283 La France sert encore régulièrement d’exutoire, de bouc émissaire, de
responsable et de coupable pour disculper les décideurs algériens de leurs échecs.
En décembre 2003, Abdelaziz Bouteflika choisit de participer aux travaux du deuxième
congrès sur la refondation de la pensée arabe à Beyrouth. Au moment même où la plupart des
hommes politiques arabes dénoncent l’intervention américaine en Irak comme une forme
nouvelle de colonialisme, le Président algérien déclare à son auditoire : « Le monde arabe ne
se porte pas bien. C’est le moins que l’on puisse dire, quand on sait que des parties de son
territoire sont occupées, que plusieurs de ses Etats membres vivent en état de guerre entre eux
ou avec d’autres puissances, que les peuples arabes sont pour la plupart insatisfaits de leur
sort, et que l’environnement international voit en nous une menace sécuritaire et une culture
réfractaire aux valeurs démocratiques. » Et, après avoir dressé en quelques chiffres « l’état
effarant » de la nation arabe en matière de liberté d’expression, d’accès au savoir et de
condition de la femme, il poursuit : « Quand on médite avec le recul nécessaire sur les causes
de l’échec de la Nahda (renaissance) arabe, […] on ne peut que se rendre à l’évidence que
celles-ci ne sont par d’ordre économique, politique ou militaire, mais qu’elles tiennent
fondamentalement à nos représentations mentales, à notre manière de comprendre le monde et
281 Au conseil des ministres du 9 octobre 1963. Cité in Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, Paris, Gallimard, collection Quarto, 2002, p.1038. 282 A l’issue du conseil des ministres du 3 mars 1964. Cité Ibid., p.1042. 283 Dominique David, « France-Algérie : entre l’innommable et l’indécidable », 1995, p.125.
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la vie. Ces causes ne ressortissent pas aux moyens, mais aux idées. »284 En ne se contentant
pas de la traditionnelle exhortation à l’action et à l’union des Arabes, et en pratiquant lui-
même cet exercice exigeant de réflexion, de prise de distance et d’autocritique, Bouteflika
offre une rupture et un espoir. Depuis ce discours, les mœurs politiques algériennes n’ont
cependant guère évolué dans ce sens.
Dans son introduction à l’excellent Démocraties sans démocrates, le Professeur Ghassan
Salamé ébauche une brillante analyse de la difficulté des pays arabes à se réformer. Evoquant
le facteur psychologique, il écrit : « Force est de constater ici que l’idée prédomine, au-delà de
toute raison, d’une influence illimitée de l’externe sur l’interne. On prête en effet – et l’on
conteste à la fois – à l’Autre, notamment (voire exclusivement) occidental, les moyens de
faire évoluer les situations locales dans un sens ou dans un autre. Les dénégations des
gouvernements occidentaux concernés, l’indifférence réelle de l’opinion publique face à
certaines évolutions du sud, les contradictions pourtant évidentes de la politique des
gouvernements occidentaux dans cette région, n’y font rien : combien d’Algériens n’ont-ils
pas accusé la France d’être l’auteur du coup de force du 11 janvier 1992 après avoir accusé
Paris d’être le meilleur soutien du FIS ? » Ce qui l’amène à conclure : « Une sensibilité à fleur
de peau à tout ce que l’Autre occidental dit ou fait en relation avec les situations régionales ou
locales prévaut donc – voile utile aux locaux incapables de changer leur propre situation –,
autant qu’une espèce de résignation à la volonté du plus fort, qui va paradoxalement de pair
avec un nationalisme souvent chauvin, voire xénophobe. »285
Ce sombre tableau se vérifie largement en Algérie. Dans les passes d’armes de la politique
algérienne, l’accusation suprême est restée, jusqu’à aujourd’hui, d’appartenir au hizb frança,
le « parti de la France ».286 Les islamistes y joignent un sévère réquisitoire contre les antennes
« paradiaboliques »287, accusées de permettre d’assister à la « décadence » occidentale via les
chaînes de télévision françaises. Quant aux démocrates, ils reprochent à la France d’avoir
validé l'analyse selon laquelle il n'y a pas d'autres choix que les militaires ou les islamistes.288
En 2004, à l’apogée de la relation bilatérale, le Front des forces socialistes (FFS) a ainsi
dénoncé « l'indulgence » de la France qui apparaît « comme le garant du statu quo » en
Algérie. L'avocat Ali Yahia Abdennour, président de la Ligue algérienne des droits de
l'Homme, avait même écrit au Président Chirac « Vous ne cherchez ni à voir ni à entendre ce
284 Cité in Khalil Attyah, « Algérie. Sur tous les fronts », Le Nouvel Afrique Asie n°172, janvier 2004, p.34. 285 Paris, Fayard, 1994, p.28-29. 286 François Gèze, « Armée et nation en Algérie : l’irrémédiable divorce ? », janvier 2005, p.178. 287 Cité in Joseph Jurt, Algérie, France, Islam, 1997, p.68. 288 Pierre Affuzi et José Garçon, « L’armée algérienne : le pouvoir de l’ombre », septembre 1998, p.55.
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que disent les défenseurs des droits de l'homme. Le gouvernement français ne connaît
l'Algérie d'en bas qu'à travers des clichés réducteurs et de lourdes incertitudes. »289
Tous ces cris d’orfraies n’empêchent cependant pas les Algériens ni de rêver à leur prochain
voyage en France, ni de regarder TF1. Pourtant, quoique ces propos se décrédibilisent par leur
outrance et parfois leur fanatisme, ils sont néanmoins révélateurs d’une perception large et
profonde de la politique extérieure française dans cette région. Le Professeur Frédéric
Charillon constate au Moyen-Orient que « La diplomatie française est [pareillement] accusée
d’être une diplomatie de statu quo, soucieuse de préserver des équilibres anciens. Sa fidélité à
des acteurs depuis longtemps aux commandes, sa difficulté à établir un contact de même
intensité avec leurs successeurs sont soulignées, à tort ou à raison, comme autant de signaux
d’une politique étrangère sur la défensive et peu encline à prôner la réforme dans le monde
arabe. »290 De même, Jean Audibert, qui fut ambassadeur de France en Algérie de 1985 à
1992, estimait en 1994 que la France porte effectivement une responsabilité dans la crise
actuelle de l’Algérie : « On peut imputer à la colonisation et à la guerre le fait que la société
algérienne a été déstructurée et qu’elle a perdu ses références culturelles, qu’elle a été
désarticulée par la politique de regroupements des villages pendant les hostilités. »291
Quarante-quatre ans après l’Indépendance, de nombreux d’Algériens souhaitent cependant
rompre avec cette ère de déresponsabilisation. A contre-courant de la logorrhée officielle,
l'ancien chef de gouvernement Mouloud Hamrouche démontait récemment le mécanisme
falsificateur, qui voudrait que la fidélité à l'histoire et le progrès de la nation algérienne
passent par la culpabilisation de la France. « Si la France reconnaissait ses responsabilités,
qu'est-ce que cela changerait pour nous si l'on n'agit pas et si l'on ne devient pas une nation
forte de la liberté de ses citoyens ? »292
Comme tout corps social, les forces armées sont souvent le reflet de la société dans laquelle
elles vivent. Aussi, les militaires français et algériens adhérent-ils pour l’essentiel aux
ambigüités du regard que portent leurs compatriotes respectifs sur l’Autre.
Dans leurs rapports avec les officiers de l’Armée française, les officiers de l’ANP se montrent
« toujours sensibles aux marques d’amitiés » des Français. La familiarité et la complicité
qu’ils dévoilent dans ces occasions démontrent sans cesse que, de tous les peuples
289 Correspondant à Alger, « L'opposition critique "l'indulgence" de Paris », Le Monde, 16 juillet 2004. 290 « La politique française au Moyen-Orient : la nouvelle donne », 2005, p.51. 291 Eté 1994. Cité in Joseph Jurt, Algérie, France, Islam, 1997, p.10. [Introduction]. 292 Cité in Salima Ghezali, « Les dirigeants de la France et de l'Algérie sont incapables de surmonter les drames d'hier », Libération, 1er juin 2006
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occidentaux, c’est du peuple français qu’ils se sentent le plus proche. Pourtant, la guerre de
libération exerce encore une emprise considérable sur les esprits. Le journaliste Mounir
Boudjemaa, proche des milieux militaires algériens, faisait remarquer en 2003 que « Si les
relations algéro-françaises ont toujours été qualifiées de "passionnelles", cette passion
s’exacerbe le plus chez les militaires qui, dans les deux camps, s’évertuent à transmettre le
passé glorieux et l’héritage des aînés, souvent au détriment de "l’ennemi d’hier". »293 De
même, les militaires algériens adoptent généralement un ton de reproche pour évoquer avec
leurs homologues français le « soutien inconditionnel » de la France au Maroc, l’absence
d’appui militaire pendant la guerre civile et le dossier de l’immigration. Ils affirment aussi
leur parfaite identité de vue avec le Président Bouteflika, et naturellement leur complète
soumission au pouvoir politique… Mais au total, il semble bien que la nouvelle génération
d’officiers qui profitent actuellement des nombreux remaniements au plus haut niveau de la
hiérarchie militaire « n’est pas anti-française » et possède une « réelle volonté de travailler
avec la France si cette dernière répond à ses attentes. »
Au sein de l’Armée française, on affiche la conviction que « ce n’est qu’avec du temps, de la
souplesse et du pragmatisme qu’on parviendra à instaurer des relations de confiance » avec
les Algériens. Les officiers français paraissent souvent prêts à faire preuve de plus d’efforts et
d’aptitude à s’adapter en faveur des Algériens que pour d’autres militaires étrangers. Le
discours se fait cependant parfois moins amène lorsqu’il s’agit de défendre le passé de leurs
aînés en Algérie ou de porter un jugement (en aparté) sur la démocratie potemkine algérienne.
Les propos ne sont pas non plus exempts, par épisode, de l’usage d’une forme de
condescendance et de l’expression d’un certain fatalisme à l’égard des « traditions
orientales ». Mais, in fine, les officiers au contact direct du terrain rappellent que s’ils
estiment de leur devoir d’informer Paris des particularismes et du potentiel déstabilisateur de
l’Algérie, ils ne veulent en aucun cas sortir de leurs fonctions d’exécutants des directives
venues de l’État-major des armées.
La vigueur des liens qui unissent la France à l’Algérie est un atout. Elle est un rappel
incessant et puissant de l’impérieuse nécessité pour les deux pays de multiplier les actions de
coopération. Elle donne à leurs forces armées des avantages considérables pour travailler
293 Le Quotidien d’Oran, 17 juin 2003.
97
ensemble, au premier plan desquels figurent une langue commune et une grande familiarité
intellectuelle.
Mais dans le même temps, le caractère passionnel et imprévisible de cette relation handicape
lourdement la confiance mutuelle. De part et d’autre de la Méditerranée, des voix
continueront inlassablement de s’élever pour dire que l’Algérie et la France ne sont pas
encore assez séparées et qu’elles ne sont pas vraiment deux nations indépendantes : une
Algérie encore trop française ou « francisée » et une France trop « algérianisée ».
Fondamentalement, « L’Algérie est une blessure française et la France une blessure pour
l’Algérie. »294 De part sa dimension psychologique et irrationnelle, cette spécificité est
difficilement amendable ou même éludable. Aussi risque-t-elle de compromettre pour
longtemps encore les promesses d’un développement commun harmonieux et ambitieux.
C’est une des raisons qui doivent amener l’Armée française et l’Armée algérienne à
privilégier l’épanouissement de leur collaboration en dehors du cadre bilatéral qui, en tout état
de cause, n’a peut-être déjà plus les moyens de ses ambitions.
294 Joseph Jurt, Algérie, France, Islam, 1997, p.8. [Introduction].
98
LA FAIBLESSE DES MOYENS
Depuis plus de deux ans, la France et l’Algérie affichent ouvertement de grandes
ambitions en faveur de la collaboration entre leurs armées respectives. Les hommes et les
femmes politiques aussi bien que les chefs militaires des deux pays ont évoqué leur volonté
commune de parvenir à un « partenariat stratégique » en matière de défense. Or, si cet effort
de coopération est entravé par le caractère passionnel de la relation franco-algérienne, il l’est
également par les déficiences et les incompatibilités de moyens qu’offre le cadre bilatéral.
LA STRUCTURE LÉGÈRE DE LA COOPÉRATION MILITAIRE FRANÇAISE AVEC L’ALGÉRIE
Pour satisfaire quotidiennement au renouveau de ses relations avec l’ANP, l’Armée
française dispose de part et d’autre de la Méditerranée d’un effectif inférieur à une dizaine
d’hommes. Seul l’activisme et l’expérience de ces militaires permettent de donner l’illusion
d’un engagement volontariste de la France dans la coopération bilatérale.
LA MISSION MILITAIRE Créée en 1964, la Mission militaire près l’Ambassade de France en Algérie est le pivot
de la coopération de l’Armée française avec l’Armée nationale populaire. Commandée par un
Colonel295, son action repose sur cinq piliers : conseiller, représenter, renseigner, coopérer et
promouvoir le matériel de guerre français.
295 Actuellement le Colonel Christian Arcobelli (jusqu’en août 2006).
99
Si l’attaché de défense, chef de la Mission militaire, est un officier supérieur nommé par le
Ministre de la Défense, il fait partie intégrante de la représentation diplomatique française en
Algérie dont l’Ambassadeur296 est le chef. A ce titre, il est le conseiller de l’Ambassadeur
pour les questions de Défense, c’est-à-dire autant pour analyser la situation politico-militaire
interne et limitrophe que pour expliquer les actions et les potentiels de la coopération militaire
bilatérale et multilatérale. Il lui est également subordonné dans ses relations avec les autorités
algériennes. Il doit veiller à agir avec ces-dernières en conformité avec la politique définie par
le Ministère des Affaires étrangères. De même, dans le cadre de la gestion de crise, l’attaché
de défense pourrait, sous l’autorité de l’Ambassadeur, coordonner voire diriger l’intervention
des forces françaises sur le territoire algérien (sécurisation et évacuation des ressortissants
français).
Pour autant, l’attaché de défense ne travaille pas au quotidien en fonction des directives de
l’Ambassadeur, mais selon les ordres reçus de l’État-major de l’Armée. Le service Relations
internationales de l’EMA, et notamment sa division Relations extérieures, est en effet le
concepteur et le coordinateur de l’action des missions militaires françaises à l’étranger. De ce
fait, l’attaché est le représentant du Chef d’état-major des armées auprès des autorités
militaires algériennes et auprès des représentations militaires étrangères et multinationales en
Algérie. Cette attribution consiste à « Soutenir, faire connaître et justifier la politique de
défense de la France, mettre en valeur les capacités de ses forces, leurs activités et leurs
équipements. »297 C’est cette activité de dialogue et de relations publiques qui comporte la
plus forte valeur ajoutée dans l’action de l’attaché militaire en faveur du développement de la
coopération. Il est cependant entravé dans son lobbying à destination de l’ANP par le
monopole qu’exerce la Direction des Relations extérieures et de la Coopération sur ces
relations. Il s’agit en effet du seul service du Ministère de la Défense nationale algérien « à
avoir le droit de communiquer » avec les missions militaires étrangères. Ensuite, lors de leur
phase de concrétisation, il appartient à l’attaché de « piloter les actions de coopération ou
d’assistance militaires, d’apprécier leur efficacité et leur adéquation aux besoins locaux. »298
Cela passe par exemple par l’organisation des escales de la Marine française en Algérie ou par
l’évaluation de la pertinence des demandes de formation de l’ANP en France.
Enfin, nous le verrons plus loin, l’attaché de défense exerce deux importantes missions de
recherche de renseignements militaires et de promotion de l’industrie française de défense.
296 Depuis août 2004, ces fonctions sont exercées par Hubert Colin de Verdière, ancien secrétaire général du Ministère des Affaires étrangères. 297 Présentation de la Mission militaire. www.ambafrance-dz.org. 298 Ibid.
100
Pour la réussite de son action, l’attaché de défense est entouré d’un adjoint, également officier
supérieur, et de deux sous-officiers supérieurs.299 L’adjoint n’a pas pour rôle d’assister
l’attaché de défense dans ses fonctions de représentation et de dialogue auprès de l’ANP. S’il
est en contact régulier avec des militaires algériens pour régler les détails des activités
bilatérales et multilatérales, l’adjoint est d’abord un rédacteur. C’est lui qui produit la plupart
des rapports et des plans de coopération à destination aussi bien de l’EMA et de la DRM, de
l’Ambassadeur et de la DCMD, que de la DREC algérienne. Les deux sous-officiers ne sont
eux pas en relation avec les militaires algériens, sauf dans le cadre de manifestations
protocolaires. Ils assurent la vie courante du poste, tant administrative que matérielle. L’un est
plus particulièrement en charge du chiffrage et des transmissions, l’autre de la comptabilité.
Ce dernier consacre également près d’un quart de son temps à la gestion des demandes
d’entrée sur le territoire français des militaires algériens. En 2004, la DREC a par exemple
déposé environ 2 000 dossiers à cet effet, dont plus du tiers pour raison médicale.
Pour 2006, comme pour 2005, La Mission militaire est dotée d’un budget, théorique,
d’approximativement un-demi million d’euros. Théorique, car en réalité près des deux-tiers de
ces crédits sont destinés au paiement des autorisations de survols de l’Algérie par des aéronefs
militaires français (300 000 euros en 2005). Le reliquat permet uniquement l’entretien et le
fonctionnement ordinaire de la Mission et de ses dépendances, et l’embauche de deux
chauffeurs et d’un jardinier algériens.
Un poste à dominante renseignement
L’instabilité chronique de la société, l’hégémonie politique de l’Armée, l’importance
stratégique que représente la région pour la France, le volume encore faible des activités
concrètes de coopération et des exportations de matériels de guerre, guident
immanquablement l’action du personnel militaire français en Algérie vers la collecte et
l’analyse de renseignements. L’aptitude à remplir cette mission est même manifestement un
critère essentiel de la sélection des candidats aux fonctions d’attaché de défense et d’adjoint à
Alger.
Le travail de renseignement est orienté par les directives de la DRM. C’est elle qui fixe
l’ordre de priorité des informations à fournir aussi bien en matière de politique et de stratégie
299 Il s’agit actuellement du Lieutenant-Colonel d’aviation André Valette et des Adjudant-Chefs Eric Civera (Arme-Blindée-Cavalerie) et Alain Lazard (Transmission). Les négociations franco-algériennes prévoient l’affectation d’un officier supérieur français comme officier de liaison auprès de l’ANP, mais sa concrétisation est suspendue à la conclusion de l’accord de défense.
101
militaire que d’état d’esprit des civils, en passant par le rôle politique des armées et leur
moral, l’organisation et l’emploi des forces, leur valeur opérationnelle, le développement des
armements, les infrastructures et la logistique, ou les indices d’alerte. L’activisme des
représentations militaires étrangères dans le pays et dans l’espace régional est également une
préoccupation majeure.300
Si l’attaché de Défense est en contact étroit, mais informel, avec les membres de la DGSE
affectés en Algérie, le seul type de renseignement qu’il puisse faire est le renseignement
« ouvert », c’est-à-dire obtenu par des moyens légaux.301 Les articles que consacrent la presse
aux questions de défense sont en particulier systématiquement lus. Ce type d’observation
passe aussi par la présence aux parades, aux exercices et aux conférences de l’Armée
algérienne, par la visite de sites et d’organismes proposées par l’ANP ou sur demande, et par
la sollicitation d’informations auprès de la DREC. Cette activité de documentation officielle
et transparente ne suffit cependant pas. L’information est également le fruit de relations
entretenues avec des correspondants bien placés ainsi qu’avec les attachés militaires des pays
amis. Dans ce dernier cas, on procède fréquemment à des échanges de renseignements après
en avoir rendu compte à Paris. De plus en plus, la Mission militaire transmet ces informations
sous la forme de synthèse thématique et régulière. Seuls les renseignements particulièrement
urgents, sensibles ou surprenants sont transférés immédiatement à la DRM et à l’EMA. Au
total, l’attaché de Défense, son adjoint et le sous-officier transmetteur consacrent plus de la
moitié de leur temps de travail à cette mission.
LA DIRECTION DE LA COOPÉRATION MILITAIRE ET DE DÉFENSE
Créée en 1998 sur les décombres de la Sous-direction de l’aide militaire du Ministère
des Affaires étrangères et de la Mission militaire de coopération du Ministère de la
Coopération, la Direction de la coopération militaire et de défense relève de la Direction des
Affaires politiques et de sécurité du Ministère des Affaires étrangères. Placée sous le
commandement d’un officier général, actuellement le Vice-Amiral d’escadre Hervé Giraud, la
DCMD emploie une centaine de personnes à Paris et un peu moins de quatre cents expatriés, 300 Florence Pain, « Les attachés militaires : acteurs de la politique étrangère de la France ? », 1997, p.61 à 64. 301 En 1991, l’attaché militaire britannique fut expulsé par les autorités algériennes pour s’être approché d’un centre d’expérimentation nucléaire secret, situé à Aïn Oussera, doté d’un réacteur à eau lourde d’origine chinoise construit à partir de 1983. Ce complexe venait d’être découvert par les satellites d’observation américains. Voir Jean-François Daguzan, Le dernier rempart ? Forces armées et politique de défense au Maghreb, 1998, p.158 à 163.
102
principalement en Afrique subsaharienne francophone. Ces personnels sont essentiellement
des militaires. Ils sont mis à disposition par le Ministère de la Défense et soldé par le Quai
d’Orsay. La DCMD a pour missions principales l’accueil de stagiaires officiers et sous-
officiers étrangers en France et l’envoi de coopérants militaires français à l’étranger.
Officiellement, la vaste région méditerranéenne qui va du Maghreb au Levant est « une
priorité forte de son action ».302 En réalité, la coopération de la France avec les différents pays
de la rive sud de la Méditerranée représente tout juste un dixième de l’enveloppe budgétaire
annuelle de la DCMD, c’est-à-dire au alentour de dix millions d’euros.303 Surtout, cet effort
est très sélectif. La France déploie certes une quarantaine de coopérants militaires en
permanence dans cette zone, mais plus de la moitié d’entre eux sont affectés au Maroc. En
2005, le budget de la coopération au Maroc absorbait par exemple 4,3 millions d’euros, contre
environ deux millions en Tunisie et, nous l’avons vu, moins d’un-demi million en Algérie.
Cette répartition particulièrement inégale ne se fonde pas seulement sur l’importance de
l’instrument de défense de chaque pays, mais est bien plus déterminée par le niveau de
coopération atteint. C’est ce critère qui justifie que la Mission militaire française auprès de
l’Armée tunisienne, numériquement près de quatre fois inférieure à l’ANP, soit gratifiée de
quatre fois plus de moyens financiers que son homologue à Alger. En fait, au-delà de ce
partage délicat, c’est bien plutôt la faiblesse de la dotation globale de la DCMD qui pose
problème. Depuis des années, celle-ci apparaît comme le « parent pauvre du Quai ».304 Du
coup, le développement de la coopération militaire avec un Etat se traduit généralement par la
baisse des crédits alloués aux autres. Dans le cas qui nous occupe, l’intensification de la
relation bilatérale avec l’ANP contraindrait probablement les missions militaires de Tunis et
de Rabat à renoncer à une partie de leur budget.
A l’instar de ses capacités budgétaires, les effectifs parisiens de la Direction trahissent
pareillement une insuffisance de moyens. Jusqu’à l’été 2005, le suivi de la coopération avec le
Maghreb, l’Egypte, le Proche et le Moyen-Orient, et de la coopération spécifique de l’action
de l’Etat en mer, était assuré par un seul conseiller305, assisté tout au plus de deux sous-
officiers secrétaires. Depuis cette date, un second conseiller306, également officier supérieur, a
pris en charge les relations avec le Maghreb, sans que ce timide replâtrage paraisse
satisfaisant. 302 Hervé Giraud, « La coopération militaire et de défense en Méditerranée », juillet 2005, p.86. 303 Ce budget est celui du fonctionnement et de l’action de la DCMD. Il ne comprend pas les soldes des personnels. 304 Florence Pain, « Les attachés militaires : acteurs de la politique étrangère de la France ? », 1997, p.52-53. 305 Ce poste est actuellement occupé par le Commissaire en chef de la Marine Henri Keraudren. 306 Ce poste est actuellement occupé par le Capitaine de frégate Frédéric Deyrieux.
103
Au-delà de cette carence des moyens, le développement de la coopération militaire de
la France avec l’Algérie est également considérablement gêné par l’absence de compatibilité
des matériels de guerre français et algériens. Une question de l’interopérabilité qui
conditionne pourtant l’engagement d’exercices communs.
ARMEMENT : DES EXPORTATIONS MARGINALES
Le concours à l’expansion des armements français est un travail que l’attaché de
défense mène sous la direction de la Délégation générale pour l’Armement. « L’attaché de
défense est au cœur de la prospection, de la négociation, de l’élaboration et de la signature des
contrats de vente de matériels militaires. Il favorise les contacts des entreprises lorsque les
marchés visés sont conformes aux intérêts français, dissuade ou gène toute proposition qui
apparaît nuisible. »307 Le rôle de l’attaché n’est cependant pas de vendre, mais bien de faire
connaître, de promouvoir et de mettre en relation. Il peut lancer une affaire, la suivre, mais ne
la traite pas. Jusqu’à récemment, ce volet de la coopération n’occupait guère la Mission
militaire française à Alger. L’embargo de facto qui frappait l’exportation de matériels de
guerre français vers l’ANP n’était contourné que symboliquement. En revanche, depuis le 11
septembre 2001 et la fin de la cohabitation politique en France en 2002, des perspectives
« prometteuses » paraissent ouvertes aux marchands d’armes français. Des perspectives qui
s’avèrent cependant particulièrement floues et aléatoires.
LA FIN DE L’EMBARGO
En janvier 2003, à une question du Point sur les relations de l’ANP avec les services
de renseignement français, Mohamed Lamari, à l’époque chef d’état-major, avait répondu :
« Ce n'est pas de ce côté que nous avons un problème. Mais bien avec nos amis politiques.
Les dirigeants français. Ils nous soumettent à un embargo de fait sur tous les moyens de lutte
antiterroriste. Nous n'avons même pas pu acquérir en France quelques milliers de cartouches
307 Florence Pain, « Les attachés militaires : acteurs de la politique étrangère de la France ? », 1997, p.65.
104
de chasse pour nos gardes communaux ! »308 En fait, à cette date, la plupart des obstacles
d’ordre médiatique, politique et stratégique qui entravaient la reprise des exportations
d’armements français vers l’Algérie ont été levés. Les récriminations de Lamari sont alors
essentiellement symboliques de « la mésentente [qu’avaient provoqué] les oukases successifs
de Paris quant à une vente d’armes à l’Algérie durant les années de terrorisme. »309
Dès janvier 2000, les Ministres français et algérien des Affaires étrangères Hubert Védrine et
Monsieur Yousfi évoquent publiquement la possibilité d’autoriser à nouveau des négociations
importantes entre les militaires algériens et les industriels de défense français. A l’adresse de
ces-derniers, le chef de la diplomatie algérienne déclare même : « Les sociétés françaises qui
appartiennent à ce secteur n'ont à craindre aucun ostracisme de notre part. Nous sommes tout
à fait prêts à discuter avec elles sans aucun préalable ».310 La réhabilitation de l’image
internationale de l’Algérie, accélérée par le contexte post-11 septembre, permet rapidement
d’envisager plus sereinement la concrétisation de ces contacts. Le risque d’une réaction
négative des médias et des opinions publiques s’estompe progressivement. La défaite de
Lionel Jospin au premier tour de l’élection présidentielle en avril 2002 représente une autre
source d'espérance pour les marchands d'armes français. Jusque-là, l’influence exercée par
« le lobby "Kabylie-sur-Seine" », dirigé par le socialiste algérien Hocine Aït-Ahmed, sur la
majorité politique française rendait absolument hypothétique la conclusion d'un important
contrat d'armement avec le régime algérien. Par la suite, la presse algérienne se fait
régulièrement l’écho de « l’éventuelle acquisition par Alger d’armements et équipements de
fabrication française. » Des sources officieuses assurent que « la France est acculée à
répondre à certains besoins de l’ANP, d’autant plus que le marché algérien multiplie les
contacts avec les pays fournisseurs. »311 De fait, le déplacement à Alger en octobre 2003
d’une délégation de la Direction des Relations internationales de la DGA conduite par le
Contre-Amiral Barbier donne corps à ces rumeurs. Pourtant, il semble qu’elle ne soit venue
que pour « présenter le processus de décision d’autorisation d’exportation dans le domaine
des ventes d’armement. » L’état d’avancement des projets supposés en la matière paraît alors
encore bien faible. Ce n’est finalement qu’avec la visite officielle à Alger de Michèle Alliot-
Marie en juillet 2004 que les journalistes se laissent convaincre que la concrétisation est
éminente.312 Dans un entretien avec RTL consacré au bilan de son déplacement, la Ministre
308 Entretien avec Jean Guisnel, Le Point n°1583, 17 janvier 2003, p.42. 309 Mounir Boudjemaa, Le Quotidien d’Oran, 17 juin 2003. 310 Cité in Samia Lokmane, Liberté, 28 mai 2000. 311 Voir par exemple Salah-Eddine Belabès, L’Actualité, 17 décembre 2002. 312 Voir par exemple Lounes Guemache, Liberté, 17 juillet 2004.
105
assure en effet que le « partenariat stratégique » franco-algérien comprendra « un volet
armement. […] L’armée algérienne veut se moderniser, moderniser ses armements, et elle se
tourne vers la France. » Mais elle précise également que « des ventes d’armement, ce n’est
pas un but en soi. Cela n’est véritablement intéressant, en tout cas cela ne m’intéresse que
dans la mesure où cela s’inscrit dans cette stratégie plus globale de pouvoir travailler
ensemble. »313
LA RUMEUR DES RAFALES
A l’origine de cette arlésienne médiatique, on trouve quelques lignes au conditionnel
présentes dans un article du Monde consacré au déjeuné privé des Présidents Chirac et
Bouteflika au Fort de Brégançon le 16 août 2004, au lendemain de la commémoration du
soixantième anniversaire du débarquement de Provence. Le journal, citant « une source
proche du dossier », y évoque les dernières avancées de la coopération militaire franco-
algérienne. On peut y lire, succinctement, que « Cette coopération pourrait notamment
englober l’achat par l’Algérie d’avions Rafale. » Les discussions auraient été engagées entre
les deux pays « au-moins depuis 2002 » et sa finalisation « aurait été rendu possible par le
départ, lundi 2 août, officiellement pour raison de santé, du général Mohamed Lamari, qui
occupait la fonction de chef d’état-major, et son remplacement par le général Salah Ahmed
Gaïd. »314 Dès le lendemain, la supputation perd son conditionnel et se transforme dans la
presse algérienne en « La France et l’Algérie signent un accord de défense : L’A.N.P. se dote
de chasseurs Rafale ». On apprend alors que « Des sources algériennes, s’exprimant sous le
sceau de l’anonymat, confirment à demi-mot la très prochaine conclusion de ce nouveau
contrat d’armement », et que le nombre d’avions acquis par l’Algérie serait « d’au-moins une
dizaine ».315
A priori, lorsqu’une telle « révélation » est livrée à la presse alors que tous les observateurs
ont connaissance de négociations très poussées entre l’Algérie et la Russie en vue de conclure
une vente de 50 chasseurs Mig-29316, on est assez tenté de vouloir y reconnaître une
manœuvre d’intoxication. Un exercice excessivement traditionnel dans ce type de tractations
opaques, longues et sinueuses, où des centaines de millions de dollars sont en jeu. Il s’agit
313 19 juillet 2004. www.ambafrance-dz.org. 314 17 août 2004. 315 Mohamed Abdoun, L’Expression, 18 août 2004. 316 Arezki Louni, L’Expression, 1er juin 2004.
106
d’agiter publiquement la menace de recourir à la concurrence pour faire pression sur le
vendeur, obtenir de lui une baisse de son prix ou des avantages de toutes sortes. Lorsque,
ensuite, on prend conscience que les Forces aériennes algériennes sont pourvues, depuis
plusieurs décennies, exclusivement de chasseurs russes, et que renoncer à ce tropisme
obligerait non seulement de former tous les personnels à des matériels et des méthodes très
différents, mais qu’il exposerait également les Algériens à des mesures de rétorsion de la
Russie en matière de pièces de rechange alors même que « 85 % »317 de la totalité des
équipements de l’ANP en sont originaires, on se laisse envahir par le scepticisme. Et lorsque,
enfin, on réalise que le Rafale est une merveille technologique d’un coup exorbitant, le plus
cher de tous les avions de chasse qui aient été produit en série, qu’aucun acheteur étranger ne
s’en est porté acquéreur en une décennie d’existence, que même l’Armée française peine à en
équiper ses escadrilles, et qu’il sera bien délicat de justifier devant les militaires et l’opinion
publique algérienne que plusieurs centaines de millions de dollars devront être versés à
l’ancienne puissance coloniale, qui de plus est coupable d’avoir imposé un embargo d’une
décennie, on acquière la certitude que l’hypothèse des Rafales vendus à l’Algérie n’a aucune
crédibilité.
Pourtant, la rumeur devait perdurer de longs mois encore. Elle n’est même pas à l’heure
actuelle tout à fait étouffée. Au début de février 2005, le journaliste Mounir Boudjemaa,
proche des milieux militaires algériens, assure que « La France ne compte pas proposer des
équipements militaires à l’Algérie dans l’immédiat. Si l’embargo tacite bloquait les
transactions militaires durant une décennie, c’est l’incompatibilité du matériel entre les deux
armées qui pénalise la signature des contrats. » Il fonde son affirmation sur les conclusions,
officieuses, qu’auraient tirées Yazid Zerhouni de sa rencontre à Paris avec Michèle Alliot-
Marie en décembre 2004. Agissant en sa qualité de représentant spécial du chef des forces
armées, le Président Bouteflika, le Ministre algérien de l’Intérieur aurait « balayé toute option
de contrats commerciaux militaires due au fait de l’absence d’interopérabilité entre les deux
armées. »318 Deux mois plus tard cependant, en avril 2005, le même Mounir Boudjemaa
rapporte que « Paris veut relancer la piste des Rafales ». Il s’agit cette fois « de fuites au sein
des milieux des constructeurs militaires français » qui feraient état de la volonté de la France
de contrecarrer la finalisation du contrat des Mig russes. Car cet accord « mettrait,
définitivement, fin aux contacts algéro-français sur les futurs contrats d’armements. » Les
Français seraient même prêts à « mettre dans la balance des équipements électroniques
317 Fayçal Oukaci, L'Expression, 9 février 2006. 318 Le Quotidien d’Oran, 10 février 2005.
107
annexes dont des radars et des moyens d’interception sophistiqués pour séduire les militaires
algériens. » Le journaliste conclue néanmoins son article en estimant que cette nouvelle
rumeur « est à prendre avec des pincettes. »319 Il semble pourtant que les Français et les
Algériens n’aient pas encore intérêt à ce que ce tapage cesse. A l’occasion de la troisième
réunion d’état-major franco-algérienne à Paris au début du mois de décembre 2005, la
délégation algérienne fut conviée dans les usines Dassault d’Argenteuil à une présentation du
Rafale…
Avec la visite du Président Poutine, en mars 2006, et la conclusion « d’un contrat historique »
d’au-moins 7,5 milliards de dollars d’avions, de missiles, de chars et de sous-marins320, la
plus importante commande passée par l’ANP depuis l’Indépendance, l’illusion de la vente des
Rafales à l’Armée algérienne peut enfin se dissiper. Mais désormais, la presse évoque
l’acquisition de ces avions par… le Maroc. Les Forces armées royales seraient « inquiet[es]
de l'accord d'armement conclu entre l'Algérie et la Russie » et du « nouvel équilibre largement
en faveur de l'Algérie ».321
UN MARCHE PROMETTEUR MAIS DÉJA TRÈS COURTISÉ
Depuis 2002, l’Algérie est un « marché prometteur » pour les industriels de défense
français. Tous les acteurs français de l’armement (Dassault, Thalès, Sagem, EADS, GIAT,
etc.) démarchent régulièrement les autorités politiques et militaires algériennes. La plupart
entretiennent même une représentation permanente à Alger. A l’instar des exportateurs de
matériels de guerre du monde entier, les Français souhaitent profiter de la conjoncture
extraordinairement favorable du marché algérien. Au sortir d’une décennie d’isolement
international, l’ANP est confrontée à la nécessité de renouveler ou de moderniser la plupart de
ses équipements. Or, dans le même temps, la croissance considérable de ses revenus pétroliers
donne à l’Algérie les moyens de dépenser plusieurs milliards de dollars pour ses militaires.
319 Ibid., 16 avril 2005. 320 Le contrat, qui compte tenu des options pourrait atteindre en fait plus de 10 milliards de dollars, porterait sur la livraison à l’Algérie en quatre ans de 40 chasseurs Mig-29 SMT, de 28 bombardiers Su-30 MK, de 16 avions d’entrainements Yak-130, de 8 groupes de missiles antiaériens S-300 PMU, de 30 batteries sol-air Toungouska, de missiles antichars Metis et Kornet, d’environ 40 chars T-90 ainsi que de la modernisation de 250 chars T-72, auxquels devrait s’ajouter l’acquisition de deux sous-marins de classe Kilo à propulsion diesel, la réhabilitation de deux autres déjà en possession de l’Algérie et l’entretien des navires des Forces navales algériennes. Voir Zine Cherfaoui, El Watan, 11 mars 2006 ; Mounir Boudjemaa, Liberté, 22 avril 2006 ; et Mohamed Khellaf, Le Jeune Indépendant, 18 juin 2006. 321 N. Sebti, Liberté, 12 juin 2006.
108
Aussi, l’armement français devait immanquablement répondre aux attentes de l’Armée
algérienne dans sa quête d’interopérabilité avec les forces de l’OTAN et de l’Union
européenne ainsi que dans sa volonté de doter ses forces spéciales de la haute technologie
nécessaire à la traque anti-terroriste.
De fait, alors qu’elles étaient en moyenne depuis le début des années 1990 inférieures à dix
millions d’euros par an, les commandes de matériels de guerre français par l’Algérie sont
quatre fois plus élevées en 2002 et se maintiennent à ce niveau en 2003. Elles régressent
certes dès l’année suivante, mais sans que l’on puisse y distinguer une tendance lourde. La
finalisation de certains contrats ayant tout simplement pu prendre du retard. En revanche, les
livraisons continuent comme à l’époque de l’embargo d’être très inférieures aux commandes.
Contrairement à la décennie précédente où ces différences pouvaient être explicables par la
décision des autorités françaises de suspendre la vente, ces mauvais chiffres sont à présent
déterminés principalement par des délais d’ordre technique.322
1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004
Commandes 0.1 21.5 3.9 0.1 1 26.8 6.2 15.8 39.5 43.2 13.4
Livraisons 3.8 1.8 20.4 6.7 2 0.3 15.5 17.6 5.4 11.6 12.4
Si les Forces navales algériennes n’ont procédé ces dernières années à aucune commande
auprès des industriels français de l’armement, leurs homologues terrestres et aériennes ont,
elles, fait appel à la France pour acquérir des systèmes de vision nocturne, des matériaux de
blindage, des casques et des gilets pare-balles, et surtout des équipements de
communication.323 Ces acquisitions ne portent donc pas sur du matériel de guerre proprement
dit, mais plutôt sur des supports techniques et logistiques. Des équipements « non-offensifs »,
donc peu à même de susciter les polémiques, mais qui sont indispensables à la modernisation
de l’Armée algérienne. 322 Rapport au Parlement sur les exportations d’armement de la France en 2002 et 2003, décembre 2004 ; et Rapport sur les exportations d’armement de la France en 2004, Ministère de la Défense, décembre 2005. Les chiffres sont exprimés en millions d’euros. Le total des commandes entre 1994 et 2004 s’élèvent à 171,4 millions d’euros, soit une moyenne de 15,6 millions par an. Le total des livraisons sur la même période est de 97,4 millions, soit une moyenne annuelle de 8,9 millions. Le déficit des livraisons par rapport aux commandes étant de 74 millions d’euros. 323 Ibid. Pour une raison qui nous est inconnue, les chiffres ne se recoupent pas exactement. Par exemple pour 2003, les 9 801 399 euros d’équipements livrés à l’Armée de Terre et les 1 584 941 euros d’équipements livrés à l’Armée de l’Air annoncés par le Rapport de décembre 2004 sont étrangement arrondis à 11,6 millions d’euros dans le Rapport de décembre 2005. De manière générale, le Rapport de décembre 2005 a corrigé (toujours à la hausse) l’ensemble des chiffres fournis par le Rapport de décembre 2004 pour les exportations d’armement vers l’Algérie entre 1995 à 2003.
109
2002 2003 2004
Armée Terre Air Mer Terre Air Mer Terre Air Mer
Commandes - 38.7 - 3.7 38.5 - 8.1 5.3 -
Livraisons 5.3 - - 9.8 1.6 - 10.4 1.9 -
Les perspectives ouvertes à l’industrie de défense française par le marché algérien sont
nombreuses. Il semble que les marges de progression dans les domaines de l’optronique et de
l’imagerie satellitaire, ou encore des hélicoptères de combat à basse altitude soient encore
importantes. La visite en France du Général-Major Ahmed Gaïd Salah sur le site de GIAT en
mai 2006 laisse à penser que les militaires algériens sont également intéressés par les
systèmes blindés de combat.324 Moins d’un mois plus tard, la présence du Général-Major
Abdelmalek Genaïzia à l’Exposition internationale des matériels de défense Eurosatory de
juin 2006 près de Paris a pareillement permis aux exportateurs de matériels de guerre français
d’accroître leurs contacts.325
Pourtant, force est de constater que les résultats de la prospection française de l’ANP sont
jusqu’à présent particulièrement peu performants. Non seulement les exportations des
Français dans ce domaine n’ont pourvu que des besoins algériens très spécifiques, des
« niches » sans doute très rentables mais limitées en volume, mais elles apparaissent à
l’échelle des ventes mondiales d’armement français presque dérisoires. Les commandes
algériennes en 2004 composaient ainsi moins de 0,4 % de la valeur de l’ensemble des
engagements étrangers d’acquisition de matériels de guerre français. De même, l’ANP est
certes le premier client de la France au Maghreb, mais en fait cette région constitue un enjeu
faible pour l’industrie de défense française. En 2004 par exemple, l’agrégation des livraisons
faîtes à l’Algérie, au Maroc à la Tunisie, à la Libye et la Mauritanie représentait à peine 0,3 %
de ses livraisons internationales.326
2002
Algérie Maroc Tunisie Monde
Commandes 39.5 30.5 4.3 3 754
Livraisons 5.4 10.7 2.2 4 521
324 Mustapha Rachidiou, El Watan, 4 mai 2006. 325 N. Sebti et Mounir Boudjemaa, Liberté, 12 juin 2006. 326 Rapport au Parlement sur les exportations d’armement de la France en 2002 et 2003, décembre 2004 ; et Rapport sur les exportations d’armement de la France en 2004, Ministère de la Défense, décembre 2005. Les chiffres sont exprimés en millions d’euros.
110
2003
Algérie Maroc Tunisie Monde
Commandes 43.2 9.1 2.8 4 223
Livraisons 11.6 11.8 5.3 4 301
2004
Algérie Maroc Tunisie Monde
Commandes 13.4 10.4 1.5 3 382
Livraisons 12.4 9.8 1.8 7 125
Les espoirs encore insatisfaits des marchands d’armes français en Algérie sont en réalité
handicapés ou retardés par de multiples entraves structurelles et conjoncturelles.
En premier lieu, le quasi-monopole des Russes sur les équipements lourds offensifs privent
l’ensemble des autres exportateurs des trois-quarts des achats réalisés par les militaires
algériens. Ces derniers sont en effet captifs de leur traditionnel « partenariat stratégique »
conclu autrefois avec l’URSS puis réaffirmé en 2001 avec ses héritiers. Les Algériens ont le
choix entre continuer à se fournir essentiellement en Russie ou renoncer progressivement à la
presque totalité de leur arsenal actuel faute de maîtriser la production des indispensables
pièces de rechange. La rupture avec le tropisme russe ne peut donc qu’être graduelle. D’autant
que les matériels occidentaux sont d’un coût très supérieurs et qu’ils nécessiteraient un effort
considérable de formation des personnels. D’ailleurs, il existe au sein de l’Armée algérienne
de nombreux fervents partisans du maintien de liens vigoureux avec Moscou. Une grande
majorité des officiers supérieurs et des officiers généraux ont reçu leur formation sur
l’armement en Union soviétique. « Ces officiers issus de la génération d’après-guerre
d’indépendance font encore confiance à l’armement russe. » On estime ainsi dans la presse
algérienne que « Contrairement à ce qui se dit dans les pays occidentaux, l’armement russe
n’est pas suranné, ni obsolète. Amélioré d’année en année grâce à une technologie de pointe
très élaborée dans les armées, l’armement russe reste performant et très prisé dans le
commerce mondial de l’armement. »327
En deuxième lieu, la vente d’armes est un processus excessivement long et complexe.
D’abord parce que le marché de l’armement est un marché très concurrentiel dans la mesure
où, d’une part, les acheteurs ont le choix entre un nombre relativement important de
327 Fayçal Oukaci, L'Expression, 9 février 2006.
111
fournisseurs, et où, d’autre part, la survie du secteur national d’armement du pays vendeur est
souvent en jeu. Du coup, les Français sont confrontés sur le segment étroit de la haute
technologie à la combativité des Américains, des Italiens, des Espagnols, des Sud-Africains,
etc. Les réserves de changes actuelles de l’Algérie sont un moteur puissant de la
détermination de tous les acteurs internationaux de l’armement à s’investir fortement en
Algérie. Les propositions et contre-propositions des uns et des autres associées aux diverses
manœuvres d’intoxication retardent la finalisation des contrats parfois pendant des années.
Ensuite, parce que même lorsqu’un exportateur d’armes parvient à emporter un marché, il lui
faut encore le soumettre à l’approbation de son Etat d’origine.
Il faut en effet être conscient que le choix d’une arme est souvent plus influencé par les
relations politiques entretenues avec l’Etat vendeur que par ses performances techniques. Or,
non seulement les liens entre Alger et Paris semblent aujourd’hui distendus, mais il n’est pas
non plus évident que les autorités politiques françaises soient réellement déjà prêtes à
autoriser la vente de n’importe quels types d’armements au régime algérien. Car, bien sûr
officiellement l’Algérie ne fait l’objet d’aucune mesure de restriction ou d’embargo de la part
des organisations internationales. Néanmoins, il ne semble pas qu’un pays occidental ait livré
des systèmes d’armes offensifs à l’ANP depuis plus de quinze ans. En France, une procédure
spéciale est prévue pour habiller ces éventuels refus politiques.
LA LENTE ET COMPLEXE PROCÉDURE FRANÇAISE
La réglementation française en matière de vente d’armes est fonction des
gouvernements. Ce sont eux qui définissent les listes des matériels sensibles et des pays qui
peuvent ou non les acquérir. Les exportations de matériels de guerre sont en effet, en principe,
interdites. Les autorisations ont donc toujours un caractère dérogatoire et, par-là-même,
potentiellement discrétionnaire.
Concrètement, lorsqu’un industriel français envisage de conclure un contrat avec un client
étranger, il établit une demande auprès du Ministre de la Défense, qui transmet le dossier à la
Direction des Relations internationales de la DGA en charge d’instruire le dossier et de le
présenter à la Commission Interministérielle pour l’Etude des Exportations de Matériels de
Guerre. Cette dernière est composée des représentants des Ministres de la Défense, des
Affaires étrangères, des Finances, et parfois également de l’Industrie et de l’Intérieur. La
CIEEMG donne son avis après un ou plusieurs débats contradictoires, la présence physique
112
des différents partenaires étant indispensable.328 Cette confrontation vise, en théorie, à
déterminer la compatibilité de la demande avec les engagements internationaux de la France,
singulièrement le « Code de conduite » des exportations de matériels de guerre ratifié par les
Etats membres de l’Union Européenne. Ce code établit huit critères en faveur du respect des
droits de l’Homme, de la préservation de la paix, de la non-prolifération, de la lutte contre le
terrorisme, ou même du développement durable.329 Dans le cas qui nous occupe, la vente
d’armes à l’Algérie est susceptible de se heurter, au-moins, aux exigences des deuxième et
quatrième critères. Le deuxième critère édicte notamment que les Etats signataires ne
délivreront pas d’autorisations « s’il existe un risque manifeste que le bien dont l’exportation
est envisagée serve à la répression interne » dans un pays « où de graves violations des Droits
de l’Homme ont déjà été constatées » (« torture et autres traitements ou châtiments cruels,
inhumains et dégradants, exécutions sommaires ou arbitraires, disparitions, détentions
arbitraires, […] »). Le quatrième critère prescrit, lui, que le refus sera prononcé s’il existe
« une revendication sur le territoire d’un pays voisin que le destinataire final a, par le passé,
tenté ou menacé de faire valoir par la force. » Le risque ne serait pas ici que ces armes servent
à une, improbable, guerre algéro-marocaine, mais bien qu’elles soient destinées en réalité aux
troupes du Front Polisario. Dans cette optique, « la nécessité de ne pas porter atteinte de
manière significative à la stabilité régionale » ne pourrait être garantie.330
Au terme de cette phase d’étude, la recommandation motivée de la Commission est transmise
au Secrétariat Général de la Défense Nationale. Le Premier-Ministre prend alors la décision
d’accorder ou de refuser l’autorisation d’exportation de matériels de guerre, éventuellement
assortie, par exemple, d’une clause de non-réexportation.
Au total, il s’agit donc d’une procédure relativement lourde. Elle est censée garantir un
contrôle très strict. Elle demande un délai de plusieurs mois qui est parfois peu compatible
avec une action commerciale efficace. Même lorsque la livraison a commencé, une décision
d’embargo peut intervenir, portant soit sur ce qui n’a pas encore été livré, soit sur les pièces
de rechange ou le « consommable ». Aussi n’est-il pas rare d’entendre un officier ou un
professionnel de l’armement français regretter l’extrême faiblesse des marges de manœuvre
qu’impliquent une telle rigueur et une telle transparence. Nombre de contrats seraient perdus
328 Florence Pain, « Les attachés militaires : acteurs de la politique étrangère de la France ? », 1997, p.49-50. 329 Il est entendu qu’avec de telles ambitions humanistes aucune vente d’armes ne pourrait être conclue avec les pays du Tiers-Monde. Il semble donc que d’autres considérations, plus politiques et mercantiles cette fois, entrent également en ligne de compte. 330 Rapport au Parlement sur les exportations d’armement de la France en 2002 et 2003, Ministère de la Défense, décembre 2004, p.89 à 91.
113
faute de ne pouvoir garantir à l’acheteur la complaisance, la discrétion et les pots de vin
nécessaires.
Même si depuis la fin de la guerre civile, l’Armée algérienne peut mener une politique
de diversification de ses fournisseurs, elle reste cependant largement dépendante, en même
temps que fidèle, des armements russes. En 2005, le journaliste Mounir Boudjemaa estime
que « cela prendra un temps considérable pour que les Algériens se fient aux équipements
militaires français. »331 A la même époque, Michèle Alliot-Marie se déclare disposée à
prendre ce temps. Evoquant sa tournée au Maghreb de 2004 dans un entretien avec Jeune
Afrique, elle explique : « Très franchement, je ne vais pas dans ces pays pour leur vendre des
armes, mais pour établir des relations plus complètes. […] Ce qui a du sens, c’est de mettre en
place une politique globale. Il faut commencer par établir un dialogue stratégique, puis
entreprendre un travail en commun, particulièrement dans les domaines de la formation, des
échanges, des exercices... C’est la base de toute coopération. Ensuite, mais ensuite seulement,
vient la question de l’interopérabilité. Si l’on veut s’entraîner et travailler ensemble, les
équipements doivent être compatibles. C’est là qu’intervient la question de l’armement. C’est,
en quelque sorte, l’aboutissement logique d’une démarche cohérente. »332
L’approfondissement de la formation commune serait donc le préalable à l’extension de la
coopération militaire franco-algérienne.
FORMATION : UNE COLLABORATION A SENS UNIQUE
Dans une étude de l’IFRI consacrée en 2002 à l’Armée algérienne, le journaliste
Akram Belkaïd Ellyas écrivait « Le jugement peut paraître hâtif, mais la crise de 1992 a
démontré les carences dont a fait preuve l’ANP. Ses revers sur le terrain, son incapacité à
réagir rapidement face aux groupes terroristes et, aujourd’hui encore, sa difficulté à mettre un
terme aux actes de violence ne sont pas simplement dus à la puissance de la contestation
armée et à ses soutiens au sein de la population. De vrais problèmes se posent en termes 331 Le Quotidien d’Oran, 16 avril 2005. 332 Février 2005. Citée in Mounir Boudjemaa, Le Quotidien d’Oran, 10 février 2005.
114
d’organisation et, surtout, de compétences. » Par conséquent, « Les besoins en termes de mise
à niveau sont importants, même si ce mot est à proscrire en présence de dirigeants algériens
pour des raisons évidentes de susceptibilité. »333
L’incapacité des officiers algériens à enrayer rapidement l’extension de la guérilla au début de
la décennie 1990 a dressé le constat de l’échec de la doctrine militaire soviétique. La
formation de l’élite militaire algérienne par l’URSS dans les années 1970 et 1980 a eu des
conséquences dramatiques tant par ses conceptions stratégiques et tactiques que par son
éducation politique.334 Depuis, le haut commandement de l’ANP en a tiré des leçons, certes
partielles. D’abord, un important effort en faveur de l’enseignement militaire national semble
avoir été accompli.335 Ensuite, s’il est vrai que nombre de ses officiers continuent à être
formés dans les académies militaires russes, l’Armée algérienne a clairement fait le choix
d’accroître sa collaboration dans ce domaine avec les pays occidentaux. L’Italie, l’Espagne ou
encore les Etats-Unis reçoivent ainsi chaque année quelques officiers principalement issus des
Forces navales et aériennes.336 Mais le principal contributeur de ce renouveau est la France.
LES FORMATIONS MILITAIRES EN FRANCE
L’accueil des militaires algériens au sein des armées françaises n’a jamais, nous
l’avons vu, été interrompu depuis l’Indépendance. Avec la guerre civile cependant, le nombre
de ces stagiaires est devenu très faible et partiel. Lorsque débute, à partir de 2000, la reprise
progressive de la coopération bilatérale, les Algériens présents en France au titre de la
formation militaire sont environ une trentaine. Leur répartition s’exerce essentiellement entre
la Gendarmerie, la Santé militaire et le Collège interarmées de Défense. Concrètement, il
s’agit de quelques formations continues en école d’application et surtout de formations
discontinues ou de stages courts. En revanche, les écoles de formations initiales d’officiers
n’accueillent aucun Algérien. Jusqu’en 2004, et hormis une progression relativement
importante dans le domaine de la médecine, cet état des effectifs de l’ANP présents au sein
des armées françaises est resté relativement stable.
333 Akram Belkaïd Ellyas, « L’Armée, nœud gordien de la crise algérienne », 2002, p.66. 334 Hamza Kaïdi, « Algérie. Les aléas du modèle soviétique », Jeune Afrique, 24 mars 1998, p.23. 335 Akram Belkaïd Ellyas, « L’Armée, nœud gordien de la crise algérienne », 2002, p.71. 336 Voir par exemple Mounir Boudjemaa, Le Quotidien d’Oran, 10 février 2005 ; et Adlène Meddi, El Watan, 18 février 2006.
115
1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004
29 40 31 23 23 21 25
En fait, ces résultats décevants en volume ne sont pas propres à la coopération franco-
algérienne. Ils sont la conséquence de la politique générale imposée à la DCMD par la
faiblesse de ses crédits et par l’impuissance des écoles et des centres de formation militaires
français à créer des capacités nouvelles d’absorption des sollicitations étrangères. Le Vice-
Amiral d’escadre Giraud reconnaît lui-même que « beaucoup de demandes d’admissions dans
les écoles françaises ne peuvent être satisfaites, fautes de places. » Du coup, l’effort accompli
« mise davantage sur la qualité que sur la quantité ». C’est la formation des élites militaires de
chaque pays partenaires qui constitue la priorité.337 Cette volonté a conduit notamment les
deux Armées à renouveler leur coopération en matière de formation initiale. Depuis 2005,
l’Ecole de l’Air de Salon-de-Provence et l’Ecole Navale de Brest réservent respectivement
une et deux places aux Aspirants de l’ANP. En 2006, l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr
Coëtquidan ouvre pareillement son concours à titre étranger à cinq Algériens.
Formation initiale Formation d’application Formation discontinue
Terre Air Mer Terre Air Mer Terre Air Mer
2002 ? ? ? ? ? ? 0 12 1
2003 0 0 0 1 0 0 0 13 1
2004 0 0 0 1 0 0 8 1 4
2005 2 2 2 7 1 2 8 3 0
2006 7 1 2 8 0 6 ? ? ?
Cette attention portée à l’élite militaire se manifeste également en direction de l’enseignement
militaire supérieur. Les Cours d’état-major de l’Armée de Terre, les Cours spécial de l’Air et
les Cours spécial de l’Ecole Navale accueillent, chacun et chaque année, un capitaine de
l’ANP. Au degré supérieur, il avait été décidé en 2003 que le CID devrait réserver chaque
année deux places à l’Algérie, comme à la Tunisie ou au Maroc. Pour 2006, deux places sont
cependant allouées aux Forces terrestres et une aux Forces de défense aérienne et du territoire.
En 2006 également, un colonel de ces mêmes Forces de défense aérienne devrait suivre les
enseignements du Centre des Hautes Etudes Militaires. Enfin, des cessions IHEDN,
337 Hervé Giraud, « La coopération militaire et de défense en Méditerranée », juillet 2005, p.86.
116
accessibles à des colonels et généraux algériens, complètent cette gamme de formations
françaises de haut niveau.
Collège Interarmées de Défense
1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006
3 2 2 2 2 3 3 3 3 2 2 2 3
Au total, la relance de la coopération militaire bilatérale n’a somme toute produit qu’une
croissance assez modeste de la formation des militaires algériens par l’Armée française. C’est
la résultante non seulement de la difficulté qu’éprouvent les Français à accroître leur offre,
mais également de l’absence d’importants contrats d’armements entre les deux pays.
Contrairement à ce qu’affirmait, nous l’avons vu, Michèle Alliot-Marie dans un entretien de
février 2005338, ce sont bien souvent les ventes d’armes qui sont à l’origine de l’extension de
la collaboration en matière de formation. Par exemple, si le fameux contrat des Rafales avait
été conclu, il se serait nécessairement accompagné d’une très forte augmentation de
l’apprentissage des pilotes algériens en France. Il est toutefois exact que sur le long terme la
France peut espérer voir ses efforts en direction de la formation des élites militaires
couronnées par l’exportation de matériels de guerre.
LES FORMATIONS CIVILES EN FRANCE
Les ambitions affichées lors de la reprise de la coopération des deux Armées en
matière de formation se sont paradoxalement surtout manifestées dans l’inattendu secteur
civil.
La convention militaire franco-algérienne de 1967 prévoyait que « le Gouvernement français
prend en charge les frais d’instruction [des stagiaires algériens en France], à l’exclusion des
frais d’entretien et de leur solde. » En octobre 2000, la DCMD a proposé à la partie algérienne
d’amender cet article pour faciliter l’accès des militaires de l’ANP à l’ensemble de l’offre de
formation française. L’engagement favorable en juillet 2001 du Commandant de la DREC
attribue à présent la charge des frais d’instruction et d’hébergement à la France et confie à
l’Armée algérienne le soin de régler la solde et les frais de transport de ses stagiaires. Cet
338 Citée in Mounir Boudjemaa, Le Quotidien d’Oran, 10 février 2005.
117
accord à ouvert à ces-derniers le large éventail des formations dans les écoles civiles
françaises. Très rapidement, les demandes de l’ANP dans ce domaine sont devenues très
supérieures à ses désirs de formations militaires. Plusieurs dizaines d’officiers algériens,
principalement des capitaines, se sont ainsi porté candidats pour suivre en France des études
d’ingénieur, des troisièmes cycles de droit, d’études stratégiques ou d’informatique, et même
des doctorats. Ces demandes expliquent l’essentiel de la multiplication par trois du volume
global des stages de militaires algériens en France entre 2003 et 2004, puis à nouveau par trois
l’année suivante.
Cette confrontation de membres de l’ANP à la société civile d’un pays démocratique répond
aujourd’hui à leur « besoin de s’ouvrir au monde ». C’est un impératif absolu si l’on désire
que le système militaire soit apte à générer en son sein des forces de changement.339 Il s’agit
très officiellement d’un axe prioritaire de l’action de la DCMD. D’après son directeur, « La
formation de cadres militaires respectueux des institutions démocratiques et des lois auxquels
ils sont soumis à l’égal de tous les autres citoyens, ne peut que contribuer à la stabilité des
Etats, à laquelle nous sommes particulièrement attachés. »340 En s’interrogeant en 2002 sur la
capacité des jeunes officiers à réformer l’Armée algérienne, Akram Ellyas plaçait
naturellement beaucoup d’espoirs dans l’acquisition d’une formation politique démocratique.
Les stages en France constituent une opportunité majeure pour cette découverte. Cependant, il
estimait également que « le plus judicieux serait peut-être de mettre en place des programmes
conjoints entre les deux pays de façon à ce que les formations soient assumées en Algérie »,
ce qui présenterait l’avantage d’élargir le nombre des participants, et non de le limiter à des
individus particulièrement sélectionnés par le système.341
La formation est la composante essentielle et primordiale de la collaboration militaire
franco-algérienne. Il est de l’intérêt de la France de répondre au désir d’ouverture de l’ANP
« par une large satisfaction des besoins exprimés. » Les Algériens « ne comprendraient pas
une réserve française dans l’attribution de ces stages qui constituent une action concrète de
coopération. »
En 2005, Michèle Alliot-Marie déclarait avec beaucoup de justesse que « les relations
personnelles qui se créent entre les militaires à l’occasion de stages de formation permettent
339 Akram Belkaïd Ellyas, « L’Armée, nœud gordien de la crise algérienne », 2002, p.71. 340 Hervé Giraud, « La coopération militaire et de défense en Méditerranée », juillet 2005, p.86. 341 Akram Belkaïd Ellyas, « L’Armée, nœud gordien de la crise algérienne », 2002, p.71.
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de mieux se comprendre, de s’expliquer franchement, de créer un lien de confiance. […] Ce
type de relations facilite notre travail et complète les liens de confiance et de fraternité ».342
L’ambition de les approfondir et de les étendre constitue le meilleur gage de solidité et
d’avenir des liens noués entre les armées françaises et algériennes.
Seulement, la France ne parait pas vouloir aujourd’hui tirer toutes les conclusions de cette
ambition. Il n’est en effet absolument pas à l’ordre du jour que ses militaires exercent leurs
droits à la réciprocité dans le domaine de la formation. Autrement qu’à titre symbolique ou
pour une très courte durée, il n’y aura pas, selon toute vraisemblance, d’officiers français en
formation continue en Algérie. La coopération en la matière devrait demeurer à sens unique
pour encore de très longues années. D’abord parce que dans le contexte de la suspension du
futur accord de défense, toutes les garanties ne sont pas réunies. Mais ensuite, et peut-être
plus fondamentalement, parce que la hiérarchie militaire française redoute l’importance de la
« déformation » dont serait alors victimes ses hommes. Par exemple, les méthodes et la
fameuse expérience des Algériens en matière de lutte contre-insurrectionnelle ne suscitent
aucun enthousiasme dans les états-majors du Nord de la Méditerranée.
De plus, cette volonté en faveur de la formation pose une fois de plus la question des moyens.
L’Armée française ne semble pas actuellement disposer de capacités d’accueil suffisantes
pour accroître sensiblement son aide dans ce domaine. Seuls, les Français ne peuvent arrimer
les militaires algériens aux conceptions stratégiques, tactiques et politiques d’une armée
réellement professionnelle. Il n’est d’ailleurs pas souhaitable qu’ils y parviennent. D’un côté,
cette conversion ne sera véritablement profonde que si l’ANP s’engage par elle-même
résolument dans une rupture totale avec les mythes et les pratiques funestes de « l’armée
populaire ». De l’autre, pour qu’elle soit acceptée et acceptable sur le long terme, cette aide
doit être aussi diversifiée que possible. Elle doit être l’œuvre-maîtresse de tous les partenaires
occidentaux de l’Algérie. Le cadre multilatéral est alors le plus sûr moyen que cette
révolution, vraiment radicale cette fois, soit apaisée et attrayante pour les héritiers de l’Armée
de Libération Nationale.
342 Citée in Mounir Boudjemaa, Le Quotidien d’Oran, 10 février 2005.
119
LA NÉCESSITÉ DE PORTER L'EFFORT SUR LE MULTILATÉRAL
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LE DIALOGUE MÉDITERRANÉEN DE L'OTAN UN FAIBLE MULTIPLICATEUR D'INFLUENCE
POUR LA FRANCE
Par manque de temps, ce cinquième chapitre demeure momentanément inachevé.
Nous avons cependant choisi de livrer ci-dessous quelques-unes des citations343 qui
composeront le socle de notre réflexion.
UN PARTENARIAT PROMETTEUR
« La sécurité de l’Europe est fortement influencée par la sécurité en Méditerranée. »344 « L’OTAN, en dépit ou à cause de sa puissance militaire, est sans doute l’instrument de coopération politique le moins apte à contribuer à établir un système de sécurité satisfaisant en Méditerranée. Instrument simple initialement dédié à la réponse à une menace simple et prévisible, il apparaît peu adapté à la gestion de situations complexes, mouvantes et hétérogènes qui sont le lot des situations méditerranéennes. »345 « Il est clair que l’expérience, le pragmatisme et le souci du "sur-mesure" de l’OTAN lui procurent un avantage certain [en Méditerranée]. »346 « L’Algérie n’a pas figuré sur la liste des Etats invités à l’initiative de l’OTAN en Méditerranée lancée en 1995. A la demande de la France, en effet, l’Algérie avait été écartée. »347
343 Ces citations sont classées par ordre chronologique. 344 Communiqué final du Conseil de l’Atlantique Nord en session ministérielle à Bruxelles, 1er décembre 1994. www.nato.int. 345 Professeur Jean-François Daguzan, « Le dialogue de l’OTAN sur la Méditerranée et l’institutionnalisation de la Charte euro-méditerranéenne », janvier 2000, p.5. 346 Jacques Walch, « Défense en Europe. L’Europe et la Méditerranée », février 2001, p.161. 347 Professeur Jean-François Daguzan (dir.), Les États-Unis et la Méditerranée, 2002, p.37.
121
« Nous apprécions hautement le principe même de ce dialogue et la façon dont il est mené et graduellement approfondi. Nous nous réjouissons en effet de la décision du sommet de l'OTAN tout récemment à Prague de renforcer substantiellement les dimensions politiques et pratiques du dialogue méditerranéen considéré comme partie intégrante de l'approche coopérative que l'Alliance a de la sécurité. Nous nous revendiquons cependant d'une spécificité nationale qui fait que nous voulons aller au-delà du cadre standard qui lie l'OTAN aux pays du dialogue et que nous souhaitons approfondir notre coopération sur des questions [surtout le terrorisme] qui revêtent un intérêt particulier pour les deux partis. »348 « La lutte contre le terrorisme, la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, la gestion des crises, la réforme de la défense et la coopération interarmées sont les cinq domaines prioritaires de coopération avec les sept pays du Dialogue méditerranéen ».349 « La contribution de la France à l’OTAN est essentielle. »350 « Il n’est, pas de mon point de vue, à l’ordre du jour d’élargir l’OTAN vers le sud. Cela a été clairement indiqué, notamment par la France, à la dernière réunion de l’OTAN au niveau des ministres de la Défense. »351 « Le Dialogue méditerranéen de l’OTAN est devenu le seul cadre politico-militaire opérationnel qui prévoit un large éventail de mesures de confiance et de dialogue politique et militaire à haut niveau. »352 « Au départ, notre Dialogue méditerranéen avait des ambitions modestes. Nous voulions créer un forum où pourraient s’instaurer la confiance et la transparence. Nous voulions dissiper ce que nous considérions, de la part de nos partenaires du DM, comme des idées fausses sur l’OTAN et ses orientations. Avant tout, nous voulions ne pas laisser croire que, après la fin de la confrontation Est-Ouest, l’OTAN avait décidé que son nouvel adversaire se trouvait désormais au Sud. […] En 2000, l’Algérie s’est jointe au Dialogue et a joué d’emblée un rôle extrêmement actif, à la mesure de son engagement régional et international. […] Nos relations sont fondées sur le respect, la confiance mutuelle et la définition en commun d’activités conjointes. Rien n’est imposé, tout peut être discuté. L'Algérie est un partenaire fort qui fait savoir clairement ses priorités et ses besoins. […] Il ne saurait y avoir d'approche uniformisée de la sécurité. […] Tout en veillant à la cohérence d'ensemble de son action dans la région, l'Alliance continuera donc à travailler individuellement avec ses partenaires, de façon à définir ensemble des programmes répondant à leurs attentes. […] L'absence de progrès dans la résolution du conflit israélo-palestinien s'est avérée une gêne réelle pour le développement de notre Dialogue. »353
348 Abdelaziz Bouteflika, point de presse à l’occasion de sa visite au siège de l’O.T.A.N. à Bruxelles, 10 décembre 2002. www.nato.int. 349 Lord Robertson, juin 2003. Cité in compte rendu de la visite de Jaap De Hoop Scheffer à Alger, 25 novembre 2004. www.mae.dz. 350 Général James L. Jones, commandant suprême des forces alliées en Europe. Entretien avec Baudouin Bollaert, Le Figaro, 20 janvier 2004. 351 Jacques Chirac, conférence de presse à Alger, 15 avril 2004. www.ambafrance-dz.org. 352 Colonel Mohamed Nadjib Amara, « Les options stratégiques de l’Algérie à travers la perception de sa sécurité en Méditerranée », El Djeich, mai 2004, p.22. 353 Jaap De Hoop Scheffer, discours à Alger du 25 novembre 2004. www.nato.int.
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« Une participation des pays du DM à d’éventuelles actions de maintien de la paix en Afghanistan ou même en Irak est souhaitée par les responsables de l’OTAN. L’expérience marocaine est citée en exemple. Un contingent marocain soutient, depuis plusieurs mois, les forces de en Bosnie-Herzégovine et celles de la KFOR au Kosovo. »354 « Le Dialogue méditerranéen de l’OTAN présente néanmoins des aspects très positifs. […] Il permet aux forces armées des pays du Sud de se familiariser à la fois avec la notion de démocratisation des armées et avec les méthodes et les techniques efficaces mises en œuvre par l’OTAN au cours des manœuvres communes. »355 « Les relations entre l'Algérie et l'Otan sont excellentes, et se sont remarquablement développées ces dernières années. […] Elles ont encore un potentiel de croissance pour les années à venir. »356 « L’accueil favorable informellement exprimé par les ministres méditerranéens, lors de la première ministérielle à 26 + 7, en décembre 2004, à Bruxelles, à la proposition de l’Otan de renforcer le DM, a entraîné une accélération du processus de consultations au niveau militaire dans l’objectif d’améliorer l’interopérabilité des forces armées en vue d’une participation à des opérations menées par l’Otan. […] Pour passer au Partenariat, le DM a besoin d’un acte fondateur, cristallisant les objectifs communs et les engagements réciproques. »357 « Des unités de la marine algérienne se sont jointes, depuis quelques mois, à « Active Endeavour », une opération de sécurité maritime en Méditerranée pilotée par l’Alliance. Une participation des troupes de l’ANP à des opérations de « peace keeping » (maintien de la paix) est souhaitée par l’OTAN, notamment en Afrique. […] Côté algérien, le souhait est de voir le Dialogue méditerranéen évoluer vers "un véritable partenariat". »358 « Nous sommes convaincus que certains clichés négatifs peuvent être dépassés pour peu que l’on s’efforce d’expliquer davantage les missions de l’Otan et la nature de notre coopération. » La coopération entre l’Algérie et l’Otan « est dense et diversifiée », et l’Algérie y apporte « une contribution substantielle en vue de sa promotion en tant qu’instrument actif, à même de contribuer à la réalisation des objectifs de paix, de sécurité et de stabilité en Méditerranée. […] [Le DM] est d’autant plus essentiel qu’il vient opportunément combler un vide en matière de coopération politico-militaire au sein du processus de Barcelone. »359 « Les pays de la rive sud de la Méditerranée perçoivent le rythme des échanges [du DM] comme étant encore "faible". »360
354 Fayçal Metaoui, « Pour de nouvelles missions, l’OTAN regarde en direction du sud », El Watan, 14 avril 2005. 355 Professeur Mustapha Benchenane, « Malaise et confusion en Méditerranée », août 2005, p.117. 356 Jean Fournet, Secrétaire général adjoint de l’OTAN, déclaration à la presse à Alger du 9 novembre 2005. www.mae.dz. 357 Halim Benattallah [ambassadeur d’Algérie à Bruxelles], « La coopération militaire entre l’Algérie et l’OTAN : évaluations et perspectives », in Le Quotidien d’Oran, 10 novembre 2005. 358 Faycal Metaoui, « Repenser la défense nationale », El Watan, 14 novembre 2005. 359 Mohamed Bedjaoui, conférence à Institut national d’études et de stratégie globale (Inseg) d’Alger, décembre 2005. Cité in Fayçal Oukaci, L’Expression, 18 février 2006. 360 Zine Cherfaoui, « L’Alliance entretient le dialogue méditerranéen », El Watan, 9 mai 2006.
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L'HÉGÉMONIE AMÉRICAINE
« L’OTAN est un faux semblant, c’est une machine pour déguiser la mainmise de l’Amérique sur l’Europe. Grâce à l’OTAN, l’Europe est placée sous la dépendance des Etats-Unis sans en avoir l’air. »361 « La place spéciale de l’Algérie dans le Tiers-Monde et dans le monde arabe n’a plus de sens : les non-alignés n’existent plus et le monde arabe ne s’est jamais autant divisé. »362 « Pour les Etats du Tiers-Monde, la fin de l’antagonisme est-ouest a entraîné la disparition de ces créneaux qui leur donnaient une marge de manœuvre. […] Jusqu’à la fin des années 90, l’Algérie continuait de passer pour une zone d’influence française. Une situation qui était non seulement respectée par les autres puissances, mais aussi revendiquée par la France elle-même. »363 « Les américains œuvrent à étendre le champ de compétence de l’OTAN [vers le Sud] avec le soutien de la plupart des pays européens. […] Les Etats-Unis sont donc installés aujourd’hui de façon durable dans la plupart des domaines d’influence concernant le champ maghrébin, avec un intérêt particulier pour l’Algérie. Or ce pays ne constitue pas pour eux un enjeu majeur de leur politique intérieure, notamment du fait de son engagement tout à fait secondaire dans le conflit israélo-palestinien. Ils disposent donc d’une très grande liberté d’action sans avoir à payer le coût de leur intervention. »364 « La Méditerranée, toujours en quête de stabilité et de sécurité, semble devenir un des nouveaux champs clos de la rivalité entre l’Europe et les Etats-Unis. […] Prenant acte de l’incapacité des Européens à organiser l’espace méditerranéen, les Etats-Unis profiteront du mouvement de coopération désormais lancé, mais à leur profit principal. »365 « L’Algérie se sent orpheline depuis 1989 et aspire à s’inscrire dans la mouvance américaine pour ne pas rester en tête-à-tête avec l’Europe. Elle retrouverait ainsi une possibilité de jeu. »366 « En mars 1997, le secrétaire d’Etat adjoint, Martin Indik, avait déclaré à Alger que les Etats-Unis ne cachaient pas leur volonté de concurrencer l’Europe et la France en particulier. […] L’Algérie post-bipolaire s’insère dans la mouvance américaine pour ne pas rester en tête-à-tête avec l’Europe. Elle accroît son autonomie stratégique en manipulant les divergences Europe-EU. »367 361 Charles de Gaulle, à l’issue du conseil des ministres du 13 février 1963. Cité in Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, Paris, Gallimard, collection Quarto, 2002, p.384. 362 Professeur Dominique David, « France-Algérie : entre l’innommable et l’indécidable », 1995, p.125. 363 Professeur Werner Ruf, « Perspectives de la crise algérienne. La responsabilité internationale », in Joseph Jurt (dir.), Algérie, France, Islam, 1997, p.226. 364 Professeur Rémy Leveau, « Acteurs et champs de force », septembre 1998, p.41 et 42. 365 Professeur Jean-François Daguzan, « Le dialogue de l’OTAN sur la Méditerranée et l’institutionnalisation de la Charte euro-méditerranéenne », janvier 2000, p.1 et 14. 366 Nicole Grimaud, « Le Maghreb entre l’Union européenne et les États-Unis », janvier 2000, p.1. 367 Mohamed Saïd Mekki, « Vers un partenariat stratégique Alger-Washington ? », Institut National d’Etude Stratégique d’Alger, septembre 2000. www.fmes-france.org.
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« La France cherche à éviter une extension de la zone d’intérêt de l’Alliance et voit, sans doute, d’un assez mauvais œil l’intrusion de l’OTAN dans des pays africains auprès desquels elle est traditionnellement très engagée. »368 Robert Kagan, La puissance et la faiblesse, Paris, Plon, 2002. « Pour les Etats-Unis, [le Maghreb est] une terre lointaine, mal connue et d’un intérêt somme toute marginal. Cette distance confère à la politique américaine une grande liberté de parole et de choix qui contraste avec les contraintes dont se ressent l’action européenne. […] L’idée [est née aux Etats-Unis] de restreindre l’aide à un nombre plus réduit d’Etats dits "pivots", dont l’évolution détermine celle de leur région et la stabilité du système international. En Méditerranée sont sélectionnées l’Algérie, l’Egypte et la Turquie. […] Il est sans doute plus exact de dire qu’il existe une politique algérienne envers les Etats-Unis que le contraire. […] Elle consiste souvent à utiliser les Etats-Unis comme partenaire d’équilibre dans ses relations avec l’Europe. […] Les Etats-Unis préfèrent revenir à leur constat de base : l’Algérie n’est pas très importante pour eux ; un rôle de second plan leur suffit. On peut émettre l’hypothèse qu’ils s’orientent vers le découplage économie / politique, formule souple et opérationnelle qui les met en position de profiter de l’ouverture du domaine minier encore inexploité et s’en remettre à la France pour qu’elle exerce ses responsabilités envers son champ de proximité. »369 « L’hégémonie américaine se fonde sur trois critères principaux : la faiblesse structurelle de l’Europe et du monde arabe ; les moyens militaires lourds dont dispose cette puissance ; enfin la capacité de Washington à avoir des alliés dans cette région. […] Les moyens militaires que Washington a déployés en Méditerranée – la VIème flotte – ne peuvent être maintenus que grâce à la complaisance sinon la soumission d’un grand nombre de pays du bassin méditerranéen. »370 « Il existe aujourd’hui une compétition ou une "course à la méditerranée", essentiellement engagée entre les Etats-Unis et l’Europe. […] [La stratégie américaine use de] l’OTAN comme vecteur [de son influence en Méditerranée.] […] Il n’y a pas vraiment une perception américaine de la Méditerranée, mais plutôt une mosaïque de points chaux ou de conflits dont il convient de neutraliser les effets si l’on ne peut les résoudre sur le fond. […] Dans ce jeu où la rivalité peut l’emporter sur la coopération, il est important de souligner que l’Europe ne dispose ni des moyens de puissance, ni de la volonté de s’opposer à Washington. Parmi les Etats membres de l’UE, la France peut parfois être tentés de pratiquer la stratégie du « pied dans la porte », pour bloquer ou retarder la domination américaine. Mais la volonté, manifestée par plusieurs de ces voisins, de privilégier le rapport avec le système américain notamment par l’intermédiaire de l’OTAN, l’empêcherait de développer à moyen terme autre chose qu’une stratégie d’obstruction, du moins du point de vue de la hard security. […] La forte demande de présence américaine formulée par ces pays [du sud de la Méditerranée] accroît, pour un coût politique, matériel ou symbolique faible, leur capacité d’influence. […] [Pour les Etats-Unis,] la Méditerranée n’est qu’un élément parmi d’autres dans une stratégie globale, toute axée vers un objet unique – la lutte mondiale contre le terrorisme – depuis septembre 2001. […]
368 Jacques Walch, « Défense en Europe. L’Europe et la Méditerranée », février 2001, p.161. 369 Professeur Jean-François Daguzan (dir.), Les États-Unis et la Méditerranée, 2002, p.13, 17, 21 et 35-36. 370 Professeur Mustapha Benchenane, « Les Etats-Unis et la Méditerranée », avril 2002, p.82 et 85.
125
Depuis 2001, l’efficacité et les démonstrations de force américaines d’une part, la nature de la demande sécuritaire émanant des pays du sud et de l’est méditerranéen d’autre part, semble provoquer une rencontre entre l’offre et la demande qui rend le modèle américain plus attrayant. »371 « Les Etats-Unis ne recherchent pas un monopole d’influence [en Méditerranée. Ils sont volontiers prêts à partager les responsabilités avec les Européens.] […] Dans ce processus de recomposition du champ régional Afrique du nord / Moyen-Orient, l’Europe voit sa marginalisation s’accroître. Les Américains ont plus besoin de supplétifs que d’alliés dans leur politique moyen-orientale. »372 [Question : Monsieur le Président, ne pensez-vous pas que l’initiative américaine, le grand Moyen-Orient, est venu beaucoup plus pour bousculer ou contrecarrer les ambitions de l’Union européenne, notamment celles de la France, de conquérir la rive sud de la Méditerranée ?] […] « Je crois que tout ce qui permet de renforcer la lutte contre le terrorisme est positif et donc que les Américains soient soucieux notamment dans cette partie du monde, de renforcer la capacité de lutte contre le terrorisme me paraît tout à fait positif. Cela ne me semble pas créer de difficulté pour quiconque. En tous les cas, cela n’en crée pas pour la France. »373 « L’idée selon laquelle il y aurait une "rivalité franco-américaine" sur l’Algérie est aussi tenace qu’erronée. »374 [Question : Est-ce qu’il y a une concurrence, une rivalité entre la France et les Etats-Unis, à propos de l’Algérie ?] « Non. Certains ont voulu le soulever ; je crois pour ma part qu’aujourd’hui, nous sommes tous confrontés à un certain nombre de défis, notamment terroristes. Nous sommes également confrontés à de nombreuses crises. Je crains que le continent africain qui connaît beaucoup de crises aujourd’hui, n’en connaisse encore plus dans le futur. Nous avons besoin de tout le monde et il faut, au contraire, que nous travaillions ensemble. Il s’agit donc d’une complémentarité ; il ne s’agit pas d’une rivalité. »375 « A terme, il n’est pas exclu que le Pentagone espère voir adhérer l’Algérie à l’Alliance atlantique de manière à parachever son dispositif militaire en Méditerranée. A l’instar de l’armée turque sur la rive orientale, l’ANP pourrait servir de second verrou sur la rive occidentale. »376 « L’Algérie est particulièrement habile pour attiser la rivalité franco-américaine. »377 « La prudence s’impose pour ce qui est des relations algéro-américaines. […] Il faut savoir que pour le Pentagone, l’armée algérienne n’est ni plus ni moins importante que l’armée libanaise. […]
371 Professeur Frédéric Charillon et Professeur Rémy Leveau, « La sécurité en Méditerranée », 2003, p.23, 29, 31, 33 et 39. 372 Professeur Rémy Leveau, « L’Afrique du Nord et le Moyen-Orient en 2002-2003 : le renouveau de l’influence américaine », 2003, p.16 et 19. 373 Conférence de presse de Jacques Chirac à Alger, 15 avril 2004. www.ambafrance-dz.org. 374 Michel Barnier, entretien avec Le Quotidien d’Oran, 12 juillet 2004. www.ambafrance-dz.org. 375 Michèle Alliot-Marie, entretien avec RTL, 19 juillet 2004. www.ambafrance-dz.org. 376 Maxime Aït Kaki, « Armée, pouvoir, et processus de décision en Algérie », été 2004, p.437. 377 Zakya Daoud, « Les diplomaties du Maghreb : une réorientation stratégique vers les États-Unis », novembre 2004, p.83.
126
L’Algérie a une attitude plus ou moins schizophrène, qui consiste à critiquer l’action américaine, notamment en Irak, et dans le même temps à chercher à être le bon élève proche des Américains. Pour le moment, il n’y a pas beaucoup de choses concrètes, si ce n’est divers appels du pied d’officiels algériens, appels encore restés sans effet. »378 « Les pouvoirs [maghrébins] sont écartelés entre une alliance à l’Occident et des opinions de plus en plus hostiles aux Etats-Unis. […] L’antagonisme idéologique qui a conduit Washington à privilégier l’allié marocain dans la région est dépassé et Alger est aujourd’hui considéré comme un acteur régional incontournable. […] En 2004, Washington a attribué au Maroc le statut d’allié préférentiel non membre de l’Alliance atlantique, ce qui permet notamment de participer à des programmes de recherche et de développement dans le domaine de la défense. […] Ces Etats [maghrébins] ont aussi compris qu’ils pouvaient tirer profit de la menace islamiste en impliquant Washington dans la traque de leurs propres opposants. »379 Le Maroc demeure « l’allié majeur non-OTAN » des Etats-Unis en Afrique du Nord.380 « Certains Etats membres de l’Union, la France au premier chef, perçoivent la présence américaine comme intrusive et comme une menace pour le partenariat [euro-méditerranéen]. »381 « La dimension stratégique de la Méditerranée pour les Américains est diamétralement opposée à celle de l’Europe. […] Pour les Etats-Unis, la Méditerranée est un corridor qui ouvre sur le Moyen-Orient, un couloir qui mène là où existe les intérêts américains, c’est-à-dire Israël et le pétrole. »382 « L’image de l’OTAN succursale de la politique extérieure américaine [qui] prévaut dans la société politique des pays méditerranéens arabes » ne permet aucune identification d’une politique cohérente des armées européennes.383 « Tétanisée par son rendez-vous constitutionnel manqué, l’Europe assiste impuissante à l’américanisation accélérée de l’Alliance atlantique. »384
378 Akram Belkaïd Ellyas, contribution in Mohsen-Finan (Khadija) (dir.), « L’Algérie : ouverture ou statu quo ? », décembre 2004, p.18. 379 Khadija Mohsen-Finan, « Le Maghreb entre ouvertures nécessaires et autoritarismes possibles », 2005, p.111, 117 et 118. 380 Jean Hénardt, « Évolution de la politique américaine au Moyen-Orient et au Maghreb », 2005, p.30. 381 Dorothée Schmid, « Partenariat euro-méditerranéen. Un dixième anniversaire sous surveillance », 2005, p.245. 382 Amiral Jean Dufourcq, « Le bon voisinage stratégique », El Djeich, janvier 2005, p.24. 383 Halim Benattallah [ambassadeur d’Algérie à Bruxelles], « La coopération militaire entre l’Algérie et l’OTAN : évaluations et perspectives », in Le Quotidien d’Oran, 10 novembre 2005. 384 Laurent Zecchini, Le Monde, 13 mai 2006.
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INITIATIVE 5+5 DEFENSE DISSIMULER LA PUISSANCE FRANÇAISE
DERRIERE L'EUROPE POUR PROGRESSER ?
Par manque de temps, ce sixième chapitre demeure momentanément inachevé.
Nous avons cependant choisi de livrer ci-dessous quelques-unes des citations385 qui
composeront le socle de notre réflexion.
UNE APPROCHE HUMBLE
« L’insertion de l’Europe dans la problématique algérienne suppose que la France choisisse clairement l’Union comme lieu d’expression de sa politique algérienne. […] Pour la France, […] le choix européen et méditerranéen sont inséparables. C’est le premier qui permet de dépasser les limites de la puissance nationale ; c’est le second qui permet d’oublier l’impuissant balancement entre l’ingérence et l’exclusion. »386 « De quelle façon poursuivre cette construction européenne de telle sorte qu’elle soit pour nous un multiplicateur et non un réducteur d’influence. »387 « Paradoxalement, l’Europe aurait sans doute intérêt à associer les Etats-Unis à la stabilisation du sous-système régional maghrébin pour rendre son action plus crédible. Avec le contrôle du commandement de l’OTAN et la présence de la VIème flotte en Méditerranée, ceux-ci disposent déjà de l’instrument militaire le plus puissant de la région. Toute discussion concernant la sécurité dans les rapports Europe-Maghreb ne saurait donc faire abstraction de ce poids des Américains. »388
385 Ces citations sont classées par ordre chronologique. 386 Professeur Dominique David, « France-Algérie : entre l’innommable et l’indécidable », 1995, p.132. 387 Hubert Védrine, entretien avec Politique internationale n°78, 1997-1998. Cité in Mélanie Morisse-Schilbach, L’Europe et la question algérienne. Vers une européanisation de la question algérienne par la France ?, 1999, p.1. 388 Professeur Rémy Leveau, « Acteurs et champs de force », septembre 1998, p.41.
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« Malgré une certaine multilatéralisation des politiques nationales, les gouvernements restent attachés à un recours traditionnel aux intérêts nationaux dans leurs politiques étrangères. […] Un compromis négocié au sein de l’UE permettrait à la France d’avancer dans la politique algérienne sans être nettement identifiée comme initiatrice. […] Il nous semble que la France n’a pas encore réfléchi sur les possibilités d’utiliser efficacement le niveau communautaire pour une meilleure gestion de ses relations extérieures. […] La coopération politique au niveau communautaire est utilisée par l’Etat membre comme prétexte (tant vis-à-vis de l’étranger que vis-à-vis de sa propre opinion publique) pour adopter ou changer une politique nationale. […] Face au rôle dominant que la France tient au sein de l’UE dans la politique méditerranéenne, elle pourrait exercer son influence sur ses partenaires pour que ceux-ci votent en faveur d’une politique algérienne de l’UE correspondant à ses intérêts. »389 « L’outil militaire n’a de réalité que s’il est soutenu par une dimension politique. […] L’Union européenne est, à l’heure actuelle, la seule institution capable d’avoir un sens en Méditerranée. »390 Il a d’abord été nécessaire « de dissiper les craintes plusieurs fois manifestées par les pays [du Sud de la Méditerranée], notamment à la suite de décisions européennes comme la création des euroforces. »391 « Le sentiment de toute puissance rend autiste. L’Europe et le monde arabe défendraient leurs intérêts et rendraient un immense service aux Américains, s’ils parvenaient à devenir de vrais acteurs sur la scène internationale. Ils contribueraient grandement ainsi, avec les Etats-Unis, à stabiliser la Méditerranée. »392 « A maints égards, la zone [méditerranéenne] apparaît comme un test permanent de la capacité européenne à s’imposer en tant que véritable acteur international. […] L’Europe apparaît [dans les pays du sud de la Méditerranée] comme une puissance civile plus prompte à imaginer des cadres contraignants pour des évolutions à long terme qu’apte à fournir les garanties de sécurité à court terme, jugées prioritaires. […] La Méditerranée ne prend pas le chemin d’un ensemble homogène voué à appartenir à l’une ou l’autre des deux puissances, l’européenne ou l’américaine, mais plutôt celui d’un espace partagé où les différents partenaires peuvent mettre à profit leurs acquis, leurs réseaux, leurs systèmes d’influence respectifs. […] Pour peu que l’on accepte l’idée que le concept de sécurité peut se décliner sur des gammes plus souples [que celui de la hard security], faites de partenariats divers, le jeu américano-européen dans la région méditerranéenne se fait plus ouvert. […] Car les Européens exercent bien sur la région une puissance structurelle de voisinage qui, sans être de nature à contrebalancer les Etats-Unis sur le plan global, font de l’UE un acteur clef de la sécurité en Méditerranée dans les années à venir. »393
389 Mélanie Morisse-Schilbach, L’Europe et la question algérienne. Vers une européanisation de la question algérienne par la France ?, 1999, p.1, 132, 133 et 134. 390 Professeur Jean-François Daguzan, « Le dialogue de l’OTAN sur la Méditerranée et l’institutionnalisation de la Charte euro-méditerranéenne », janvier 2000, p.6. 391 Jacques Walch, « Défense en Europe. L’Europe et la Méditerranée », février 2001, p.161. 392 Professeur Mustapha Benchenane, « Les Etats-Unis et la Méditerranée », avril 2002, p.93. 393 Professeur Frédéric Charillon et Professeur Rémy Leveau, « La sécurité en Méditerranée », 2003, p.26, 31, 32 et 35.
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« Le PEM demeure le seul outil global et cohérent de la sécurité et de la stabilité en Méditerranée, […] à condition de le réajuster en fonction des spécificités de la zone maghrébine et d’associer réellement les pays du Sud de la Méditerranée à l’élaboration et à la mise en œuvre de politiques de sécurité qui les concernent directement. »394 « Les pays d’Europe […] ont bien plus intérêt que les Etats-Unis à prévenir l’escalade et promouvoir la résolution des conflits [en Méditerranée] et leur action est plus fortement influencée par ces motifs. […] Le Maghreb apparaît aujourd’hui comme la partie de la Méditerranée avec laquelle il serait possible d’ouvrir des coopérations en matière de sécurité, de lutte anti-terroriste, mais aussi de projets sociaux ou de protection de l’environnement. […] On aurait en parallèle des projets avançant à plusieurs vitesses qui permettraient à l’ensemble de progresser de façon beaucoup plus rapide qu’aujourd’hui. »395 « Le système de sécurité collective [du PEM] n’a jamais pu être activé, faute d’obtenir un consensus minimal sur une définition de la sécurité régionale. […] [Faute de communication, les progrès de la PESD sont] interprétés par les pays partenaires méditerranéens comme autant de signe d’une hostilité latente. »396 « Evitons les duplications inutiles et travaillons ensemble dans un souci de complémentarité et de coordination. Il me semble notamment que l'OTAN et l'Union Européenne gagneraient à se parler davantage à ce propos. »397 « L’Initiative cinq plus cinq pour la coopération multilatérale sur les questions de sécurité en Méditerranée occidentale [vise à] renforcer la compréhension mutuelle [et à] accroître les actions communes » dans les domaines de la surveillance maritime, de la protection civile et de la sécurité aérienne.398 « Le processus proposé [par le "5+5 défense"] se veut pragmatique et progressif. Il vise à faire mieux travailler ensemble les forces armées des pays riverains de la Méditerranée occidentale dans des actions de coopération concrètes et rapidement réalisables. Ce processus se veut également informel et fondé sur le partenariat. L'objectif est de permettre à tous les participants de s'exprimer librement dans le cadre de ce groupe de travail et dans un esprit de co-responsabilité. »399 « Aujourd’hui, le Maghreb des Etats centralisés, véritables avatars du jacobinisme, n’a plus sa place dans la géopolitique mondiale qui s’est imposée depuis la chute du mur de Berlin. […] [Les Etats maghrébins doivent] abandonner ces logiques dépassées et ces comportements frileux, pour aborder différemment la mondialisation, mais aussi l’Union européenne. Par peur du multilatéral qui s’impose partout, ils continuent de cultiver des relations bilatérales avec les pays européens. Inversement, ceux-ci, et en particulier la France, ancienne puissance coloniale, n’ont pas eu le regard froid et nouveau qui s’imposait dans les relations nées après 394 Colonel Mohamed Nadjib Amara, « Les options stratégiques de l’Algérie à travers la perception de sa sécurité en Méditerranée », El Djeich, mai 2004, p.21. 395 Professeur Jean-François Daguzan, « La Méditerranée au prisme du nouveau panorama stratégique : du partenariat de Barcelone au "Grand Moyen-Orient" », mai 2004, p.101 à 113. 396 Dorothée Schmid, « Le partenariat euro-méditerranéen : une entreprise inachevée», novembre 2004, p.70 et 73. 397 Jaap De Hoop Scheffer, discours à Alger du 25 novembre 2004. www.nato.int. 398 Initiative sur la sécurité en Méditerranée occidentale, décembre 2004. www.defense.gouv.fr. 399 Présentation de l'Initiative sur la sécurité en Méditerranée occidentale, 2005. www.defense.gouv.fr.
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les indépendances. En s’enfermant également dans le bilatéral, l’Europe ne pouvait pas constituer une locomotive pour la construction régionale de son flanc sud. »400 L’Europe est un « acteur international faible. […] L’UE n’exerce plus sur la région [méditerranéenne] qu’une médiocre capacité d’attraction politique. »401 « La PESD n’est en rien destinée à intervenir face à une menace venant de la rive Sud de la Méditerranée ; elle n’est ni menaçante, ni exclusive ou fermée. »402 Le "5+5" « permet de faciliter les relations entre les pays des deux côtés de la Méditerranée, mais aussi entre les Etats côtiers d’une même rive. »403 « La Méditerranée est d’abord l’affaire de ses riverains et donc de l’Union européenne. Celle-ci doit désormais s’impliquer davantage politiquement dans la résolution des crises et ne pas se contenter d’accompagner de ses crédits une politique américaine. »404 « Les pays du Sud de la Méditerranée constatent que l’Europe se concentre sur son élargissement à l’Est. Elle y consacre dix fois plus de ressources qu’au Partenariat euro-méditerranéen. Cela crée un doute au Sud quant à la volonté réelle du Nord d’opérer un réajustement substantiel des relations entre les deux rives de la Méditerranée. »405 « Ce qui a manqué au partenariat euroméditerranéen, c'est un visage humain. »406 « Euromed, qui réunit 35 pays, a fait la preuve de son inefficacité. »407 « Depuis le non français au référendum, […] l’ambition [de l’Europe de la défense] s’essouffle. Les Etats ont atteint aujourd’hui la limite de ce qu’ils pouvaient consentir s’agissant de la délégation de leur souveraineté à une entité supranationale. Pour dépasser ce blocage et envisager l’intégration croissante des armées européennes, il eût fallu l’autorité d’un ministre des Affaires étrangères, que prévoyait le Traité constitutionnel. L’Europe de la défense ne peut avancer sans l’Europe politique. »408 « L’Europe de la défense est complémentaire de l’Alliance atlantique. Certains continuent d’agiter le spectre d’une compétition entre elles, mais cela n’a aucun sens. Ces deux organisations ont des structures et des missions différentes, mais cohérentes entre elles. Alors que l’OTAN a été conçue pour des missions de haute intensité avec nos partenaires nord-américains, l’UE est mieux outillée pour des missions de courte durée, où l’expérience des
400 Khadija Mohsen-Finan, « Le Maghreb entre ouvertures nécessaires et autoritarismes possibles », 2005, p.111, 117 et 118. 401 Dorothée Schmid, « Le partenariat, une méthode européenne de démocratisation en Méditerranée ? », automne 2005, p.545 et 552. 402 Madame Arnould, « La Pesd et la Méditerranée », juillet 2005, p.70. 403 Contre-Amiral (2S) Jean-François Coustillière, « Enjeux de l’initiative française de sécurité en format "5+5" », juillet 2005, p.92. 404 Amiral Jacques Lanxade, « La Méditerranée : un grand défi pour l’Europe », juillet 2005, préface p.12. 405 Professeur Mustapha Benchenane, « Malaise et confusion en Méditerranée », août 2005, p.114. 406 Ambassadeur de France François Gouyette, chargé du processus Euromed au Ministère des Affaires étrangères, 17 octobre 2005. Cité in Hichem Ben Yaïche, « L’Euromed en quête d’identité », Le Quotidien d’Oran, 29 octobre 2005. 407 Laurent Zecchini, Le Monde, 14 décembre 2005. 408 Laurent Zecchini, Le Monde, 13 mai 2006.
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contacts humains est essentielle. […] Nous avons besoins de l’UE et de l’OTAN. Loin d’être un "mantra officiel", la complémentarité entre ces deux organisations est réelle. »409
L’ESPOIR
« Les relations entre la France et le Maghreb, prises globalement, n’existent pas ou plutôt ne peuvent plus exister sauf dans le cadre du "5+5". »410 « La dimension méditerranéenne de la PESD est en train d’acquérir aujourd’hui sa vraie substance. […] Forte de l’expérience acquise en partenariat avec les pays méditerranéens, la France peut proposer dans tous les domaines de la coopération militaire et de défense, des pistes ambitieuses aux côtés des ses partenaires de l’UE. Cette transition progressive des schémas classique de la coopération bilatérale vers le cadre européen ou multilatéral constitue pour beaucoup de nos partenaires un sujet d’interrogations, auxquelles nous nous efforçons de répondre avec optimisme et lucidité. C’est en effet l’orientation de plus en plus prononcée y compris de la coopération militaire. Le cadre multilatéral nous paraît le plus adapté pour répondre aux défis posés par notre monde complexe et désordonné. »411 « La collaboration et la bonne entente entre nos représentants à l'occasion des activités planifiées et de leurs débats ont abouti à un réel consensus sur le bien fondé d'un travail multilatéral, au plan sécuritaire entre les pays de la Méditerranée occidentale. […] Nous sommes persuadés que la paix et la sécurité en Méditerranée occidentale sont des facteurs de stabilité à même de contribuer à resserrer encore davantage les liens d'amitié et de solidarité entre nos pays respectifs. »412 « En 2006, nous allons tripler les initiatives et les actions [du "5+5 défense"]. Cela nous permettra, en particulier, de mutualiser nos savoir-faire »413 La France « a proposé au comité directeur de l’Initiative ["5+5"] la création d’une école commune […] où nos officiers, en particulier, pourraient ainsi apprendre à se connaître et à étudier ensemble les problèmes, et donc ensuite à travailler sur l’avenir. »414 « 80 % des Européens souhaitent que notre continent ait la capacité de faire intervenir ses forces indépendamment des Etats-Unis. »415
409 Michèle Alliot-Marie, Le Monde, 3 juin 2006. 410 Professeur Jean-François Daguzan, « La fin de l’Union du Maghreb Arabe ? », juillet 2005, p.80. 411 Vice-Amiral d’escadre Hervé Giraud, « La coopération militaire et de défense en Méditerranée », juillet 2005, p.85 et 88-89. 412 Général-Major Abdelmalek Genaïzia, 12 décembre 2005. Cité in Compte rendu de la deuxième réunion annuelle des ministres de la Défense des "5+5" à Alger. www.mae.dz. 413 Michèle Alliot-Marie, 12 décembre 2005. Citée Ibid. 414 Michèle Alliot-Marie, 12 décembre 2005. Entretien avec El Djeich, janvier 2006, p.12. 415 Sondage IPSOS, mars 2006. Cité in Michèle Alliot-Marie, Le Monde, 3 juin 2006.
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133
CONCLUSION Cette étude est inachevée. Notre souhait aurait été de donner à notre réflexion sur la
coopération militaire multilatérale une ampleur à la mesure de ses qualités spécifiques et
incontournables et surtout à la mesure des espoirs qu’elle suscite pour l’avenir. Aussi nous
semble-t-il judicieux de ne procéder aujourd’hui qu’à des conclusions partielles.
D’abord, il apparaît que la nécessité pour l’Armée française d’entretenir une relation forte
avec l’Armée algérienne présente un caractère d’obligation absolue. L’évolution de l’Armée
nationale populaire dans les prochaines années est un facteur-clef de la stabilité d’une région
maghrébine qui est au centre de nos préoccupations nationales. Aucune mutation importante
ne peut s’accomplir au Sud de la Méditerranée, sans que l’ANP n’y soit activement
impliquée. Elle est non seulement la plus puissante force militaire de l’Afrique du Nord, mais
également le véritable détenteur du pouvoir politique et économique de son Etat le plus
peuplé, le plus riche et le plus stratégique pour le reste du monde. Par conséquent, c’est dans
la volonté des militaires algériens de s’engager dans une rupture très progressive avec leur
passif désastreux que réside l’une des solutions positives majeures aux problèmes
maghrébins. Cette volonté de réforme est fragile. Le désir de conserver les acquis de la
puissance et de l’argent incite quelques-uns de ses principaux acteurs à ne l’accomplir qu’en
surface, c’est-à-dire superficiellement. Ces résistances au changement peuvent être balayées
brutalement par une révolte de la société algérienne. Mais elles peuvent également être
réduites une à une et de manière apaisée par l’influence, les conseils et l’action des puissances
démocratiques partenaires de l’Algérie. L’intérêt et le devoir de la France et de son bras armé
sont naturellement de soutenir puissamment cette réforme plutôt que de se réserver
prudemment dans l’attente de la révolution.
Ensuite, les relations franco-algériennes ont fait la preuve depuis l’Indépendance que dans une
collaboration entre Etats le militaire est inséparable du politique. L’approfondissement ou le
déclin de la coopération militaire bilatérale sont toujours déterminés par l’intensité de la
confiance politique mutuelle. Or, sur chacune des deux rives de la Méditerranée, le discours
politicien succombe régulièrement aux sirènes démagogiques de la dénonciation de l’Autre. Il
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s’agit de part et d’autre de dissimuler ses propres échecs et ses propres lâchetés sous le
couvert de la prétendue culpabilité du néo-colonialisme ou de celle de l’immigration. Ces
accusations jouent également des passions nostalgiques ou douloureuses qui enferment les
liens noués entre les deux peuples comme d’un moyen de chantage. Le régime algérien est
passé maître dans l’art d’instrumentaliser cette charge émotionnelle pour obtenir des faveurs
matérielles ou morales des élites politiques françaises. Ces spécificités menacent l’ensemble
des rapports directs entre la France et l’Algérie. D’autre part, les choix idéologiques et
politiques respectifs ont conduit à créer deux instruments de défense très dissemblables. En se
conformant au modèle de l’Armée rouge, l’ANP s’est doté de matériels et d’une doctrine
d’emploi des forces qui complexifient les projets de collaboration avec les militaires français.
Cet héritage compromet pour longtemps les espoirs de voir les Algériens s’équiper
massivement de matériels de guerre français. D’un autre côté, l’engagement de la France en
faveur d’un « partenariat d’exception » avec l’Algérie n’a nullement conduit à un effort
particulier d’investissements financiers et humains dans la coopération militaire. La Mission
militaire française à Alger dispose par exemple d’effectifs et de moyens très inférieurs à ses
homologues de Tunis ou de Rabat. La coopération militaire bilatérale n’avance qu’à très petits
pas notamment parce que l’Armée française ne possède pas les moyens d’accroître autrement
que symboliquement son aide à destination de la formation des militaires algériens.
Au total, puisque ces carences et ces incompatibilités se conjuguent régulièrement avec
l’absence de sérénité des relations politiques, le cadre bilatéral n’offre aucune garantie au
développement de la coopération entre les Armées des deux pays.
Enfin, nous pensons que notre troisième partie aurait autorisé plusieurs nuances de notre
jugement sur les faiblesses conjoncturelles et structurelles du cadre bilatéral. Il est en effet très
présent à notre esprit que l’intérêt national commande de traiter directement certains aspects
de la collaboration militaire avec l’Algérie. La nécessité de porter l’effort sur la coopération
multilatérale ne signifie en aucun cas le souhait de la disparition de la collaboration bilatérale,
mais bien sa stagnation ou au pire sa marginalisation. Non seulement, il est entendu que la
France doit conserver un accès personnel au renseignement militaire sur Algérie, mais il est
également très probable que, par exemple, bien des domaines de la coopération en matière de
formation seront assurés de manière bien plus efficiente dans une relation directe entre les
deux armées plutôt que dans une dilution dans les méandres des organisations
multinationales. De plus, le rapport de force actuel fait que la part du transfert à opérer vers le
multilatéral dépend pour beaucoup de la volonté américaine, tant à l’intérieur du Dialogue
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méditerranéen de l’OTAN, qu’au sein des initiatives de défense européenne où les Etats-Unis
rayonnent par l’intermédiaire de leurs affidés.
Mais en définitive, cette troisième partie nous aurait vraisemblablement permis de démontrer
l’aptitude des relations multilatérales à atténuer les contradictions de l’impossible couple
franco-algérien et à dépasser les limites de la puissance française. De notre point de vue, c’est
bien dans une perspective de coopération militaire régionale étendue à tout le Maghreb et aux
pays du sud de l’Europe que réside pour la France l’espoir le plus convaincant d’un modèle de
coopération entre le Nord et le Sud, d’une promesse de réconciliation et d’avenir partagé entre
l’Occident et l’Orient.
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ANNEXES
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"Déclaration d'Alger" Déclaration commune de M. Jacques Chirac, président de la République française, et de M. Abdelaziz Bouteflika, président de la République algérienne démocratique et populaire. Alger, le dimanche 2 mars 2003 Conscientes de l’extrême densité et de la richesse exceptionnelle des liens multiformes qui les unissent tout en assumant pleinement le legs du passé et soucieuses d’inscrire leurs relations dans une vision novatrice résolument tournée vers le progrès et l’avenir, adossée aux valeurs d’amitié, de solidarité et de coopération, la France et l’Algérie veulent s’engager dans la construction d’un avenir partagé. Les deux pays ont décidé, à l’occasion de la visite d’Etat du président de la République française, de donner un élan décisif et de consacrer l’œuvre de refondation et de restructuration des relations bilatérales initiée au plus haut niveau des deux pays depuis la visite d’Etat en France du président de la République algérienne démocratique et populaire. Elles sont convenues en ce sens, sans oublier le passé, de jeter les bases d’une relation globale forte, confiante et résolument tournée vers l’avenir. Le processus de refondation de la relation d’ensemble entre la France et l’Algérie se pose, dans ce contexte, comme objectif et finalité, l’instauration de rapports privilégiés et d’un partenariat d’exception ayant vocation à se poser comme modèle de coopération dans la région et dans les relations internationales. Ce partenariat d’exception relève fondamentalement de l’action des deux gouvernements qui en fixent les contours et le contenu. Il s’enrichit également de l’apport essentiel des sociétés civiles française et algérienne dont la contribution et le dynamisme constituent un atout précieux dans les liens sans équivalent établis entre les deux peuples. A cet effet, et en vue de mettre en œuvre ce dessein commun, la France et l’Algérie sont convenues des orientations fondamentales ci-après : 1 - Un dialogue politique renforcé au service d’une vision novatrice et ambitieuse des relations internationales : Dans un monde de plus en plus complexe où le dialogue, plus que jamais nécessaire, doit impérativement se substituer à la confrontation et aux antagonismes, la France et l’Algérie affirment leur volonté de renforcer à travers la promotion de leur dialogue politique, leurs actions communes au service de la paix, de la coopération et du développement. A cet effet, les deux pays envisageront de concert les actions à mener, tant sur un plan bilatéral que multilatéral, pour assurer la prévention et le règlement des conflits, faire prévaloir le droit international, lutter contre le terrorisme international, relever les défis du développement et faire face aux enjeux liés à la mondialisation. Ils coordonneront chaque fois que nécessaire, leurs positions et leurs initiatives dans ces domaines. A cet égard, le France et l’Algérie entendent :
Favoriser ensemble, et si besoin est en concertation avec les autres pays de la région, la construction de l’Union du Maghreb arabe, soutenir à cet effet les efforts d’intégration dans
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les pays du Maghreb, tout en encourageant un plus grand rapprochement et une coopération renforcée entre l’Union du Maghreb arabe et l’Union européenne.
Mettre en valeur la solidarité entre les deux rives de la Méditerranée à travers les enceintes de coopération régionale appropriées, en particulier le processus de Barcelone, le Forum méditerranéen et le cadre de dialogue et de concertation 5+5.
Œuvrer de concert en faveur de la préservation de la stabilité, de la paix et du développement en Afrique, notamment à travers une implication active des deux pays dans l’appui à la mise en œuvre du Nouveau partenariat pour le développement en Afrique (NEPAD). Dans ce contexte, la coopération entre la France et l’Algérie constituera un point d’appui essentiel à l’expression pleine et entière des relations d’ensemble entre les deux pays.
Renforcer à travers leur coopération, les valeurs essentielles de démocratie et de respect des Droits de l’Homme. A l’effet de conduire ce dialogue renforcé au plus haut niveau et de l’institutionnaliser, les deux pays décident d’une rencontre annuelle entre les chefs d’Etat et de consultations, deux fois par an, entre les ministres des Affaires étrangères. 2 - Partenariat économique : La France et l’Algérie, conscientes que les échanges économiques doivent concourir à la prospérité commune et au développement, décident d’établir un partenariat économique privilégié, fécond et mutuellement avantageux, fondé sur :
L’encouragement des investissements directs français en Algérie. L’appui institutionnel aux réformes économiques entreprises par l’Algérie. La mobilisation des instruments de financement adaptés pour les grands projets
d’infrastructures programmés en Algérie et l’appui français pour la mobilisation d’autres financements concessionnels auprès des institutions financières internationales et leur mise en synergie.
Le transfert de technologies et de savoir-faire des entreprises françaises, notamment dans les secteurs de l’énergie, de l’eau, des transports, de l’habitat et de l’urbanisme et les nouvelles technologies de l’information et de la communication, dans le cadre de la promotion de relations économiques et commerciales exemplaires. 3 - Une coopération culturelle, technique et scientifique rénovée : La France et l’Algérie entendent :
Renforcer leur coopération culturelle, technique et scientifique, dans le cadre du comité mixte des projets et des financements du Fonds de solidarité prioritaire. Cette coopération qui doit s’inscrire dans le cadre de l’appui aux réformes décidées et engagées en Algérie, contribuera à la modernisation et la mise à niveau du cadre institutionnel et répondra aux besoins de formation et de perfectionnement.
Envisager la conclusion d’une nouvelle Convention-cadre de coopération culturelle, technique et scientifique.
Encourager et promouvoir la coopération décentralisée. Favoriser la coopération inter-universitaire, la formation supérieure et la recherche
scientifique. Tirer profit du déroulement de l’Année de l’Algérie en France, événement historique
facteur de rapprochement et de promotion de la compréhension entre les deux peuples, par une coopération approfondie dans les domaines de la production culturelle et artistique et de l’audiovisuel. Dans ce cadre, les deux pays se félicitent des projets de mise en place :
Du "Haut Conseil franco-algérien de coopération universitaire et de recherche".
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D’une "Ecole supérieure algérienne des Affaires" destinée à former les cadres et dirigeants d’entreprise. 4 - La coopération humaine et de la circulation des personnes : La France et l’Algérie
Se félicitent du climat de bonne coopération qui prévaut entre les deux pays, et de ce que le dialogue entretenu au plus haut niveau ait facilité les contacts et la concertation dans ce domaine si sensible. L’ensemble des questions relevant de ce volet des relations bilatérales sont examinées au niveau des groupes mixtes d’experts. Un groupe de travail franco-algérien de haut niveau chargé des questions consulaires, des relations et des échanges humains se réunira au moins une fois par an.
S’engagent à favoriser la circulation des ressortissants algériens en France et des ressortissants français en Algérie.
Rappellent toute l’importance qu’elles accordent à la communauté algérienne établie en France qui a toute sa place dans la société française, à la prospérité de laquelle elle contribue activement. Le travail de mémoire que la France et l’Algérie ont engagé sera poursuivi dans un esprit de respect mutuel. A cet égard, une attention particulière sera accordée par les deux pays à la sauvegarde de l’héritage du passé. Dans cet esprit, elles dégageront ensemble des solutions positives susceptibles de conforter le nouvel élan que connaissent les relations entre les deux pays. La relation d’amitié et de confiance que la France et l’Algérie entendent établir entre elles, se doit d’être à tous égards exceptionnelle et exemplaire. Dans cette perspective, elles conviennent de l’élaboration et de la finalisation d’un Traité qui consacrera leur volonté de mettre en place un partenariat d’exception dans le respect de leur histoire et de leur identité. Fait à Alger, le 2 mars 2003 Pour la partie française : M. Jacques Chirac, Président de la République. Pour la partie algérienne : M. Abdelaziz Bouteflika, Président de la République. [Sources : France Diplomatie. www.ambafrance-dz.org]
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Déclaration d’intention du "5+5 Défense" Déclaration d’intention établie entre les ministres de la défense algérien, français, italien, libyen, maltais, marocain, mauritanien, portugais, espagnol et tunisien pour le développement de l’initiative cinq plus cinq concernant la coopération multilatérale sur les questions de sécurité en Méditerranée occidentale. Le Ministre de la Défense nationale de la République algérienne démocratique et populaire Le Ministre de la Défense de la République Française Le Ministre de la Défense de la République Italienne Le Secrétaire du Comité général pour la Défense de la Grande Jamahiriya arabe populaire socialiste de Libye Le Secrétaire parlementaire responsable de la Défense au cabinet du Premier Ministre de Malte Le Ministre Délégué auprès du Premier Ministre chargé de l’Administration de la Défense Nationale du Royaume de Maroc Le Ministre de la Défense de la République islamique de Mauritanie Le Ministre d’Etat, de la Défense nationale et des Affaires maritimes de la République du Portugal Le Ministre de la Défense du Royaume d’Espagne Le Ministre de la Défense de la République de Tunisie Ci-après désignés "les Parties" : Nous, ministres de la défense algérien, français, italien, libyen, maltais, marocain, mauritanien, portugais, espagnol et tunisien, exprimons notre volonté de développer une initiative de coopération multilatérale dans le but de promouvoir la sécurité en Méditerranée occidentale. Nous reconnaissons que les pays littoraux sont tous autant concernés par les problèmes de sécurité dans la région méditerranéenne et que la cohésion entre nos pays est la meilleure façon de les régler. Nous souhaitons mener cette Initiative dans le but de renforcer la compréhension mutuelle comme mesure de confiance et de nous permettre de gérer les problèmes concernant la sécurité. Nous considérons que le but de cette Initiative est de promouvoir des activités pratiques de coopération dans les domaines d’intérêt commun pour servir de point de rencontre pour partager nos expériences et nos connaissances. Dans ce but, nous convenons d'établir un Plan d’actions annuel qui regroupe les actions pratiques sur les questions de sécurité qui seront développées au cours de l’année.
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Pour la mise en œuvre de ce Plan d’actions dont les éléments sont détaillés dans le document joint, nous décidons de créer un Comité directeur, composé de deux représentants des ministères de la défense de chaque nation afin de diriger et de superviser l'application des actions convenues. Ce Comité directeur désignera, si besoin, des comités d’experts pour le soutien des activités. Chaque Partie accueillera à son tour la réunion annuelle des ministres de la défense, dans l’ordre alphabétique des pays en anglais. Dans cette réunion, l’avancement de l’Initiative sera évalué et le Plan d’actions de l’année suivante approuvé. Pendant cette période, la nation hôte devra organiser les réunions prévues. Le développement de cette Initiative n’affecte pas le droit des Parties de mener des activités bilatérales dans ce domaine. Cette Initiative entre en vigueur à la date de la signature et reste effective jusqu’à l’abrogation par le consentement de toutes les Parties. Toute Partie peut se retirer de l’Initiative à n’importe quelle étape, après en avoir informé par écrit toutes les autres Parties. Signé à Paris le 21 décembre 2004. [Sources : DICoD. www.defense.gouv.fr]
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CHRONOLOGIE 1962 - 18 mars : Signature des Accords d’Evian. - 5 juillet : Indépendance de la République algérienne démocratique et populaire. 1963 - 19 avril : Protocole de mise à disposition par l’Armée française d’une mission médicale au Sahara algérien. - 12 juin : Accord de coopération entre les gendarmeries française et algérienne. 1964 - 25 septembre : Arrêté interministériel portant création d’une Mission Militaire française de Liaison et de Coordination en Algérie. 1965 - 27 juillet : Protocole relatif à l'assistance technique du génie militaire français en Algérie. - 9 août : Instruction interministérielle précisant les attributions du chef de la mission militaire française. 1967 - L’Armée française évacue ses bases sahariennes de Reggane, In Ekker et Hamaguir conformément aux Accords d’Evian. Des expériences chimiques secrètes sont poursuivies à B2 Namous jusqu’en 1978. - 6 décembre : Signature à Alger d’une Convention de coopération technique militaire bilatérale. 1968 - La Marine française évacue la base navale de Mers-el-Kebir, neuf années avant le terme prévu par les Accords d’Evian. 1971 - avril : Accord relatif à la base aérienne de Bou-Sfer. 1973 - juillet : Echange de lettres concernant l'assistance technique de l'Armée française à l'ANP. 1975 - juillet : Accord sur le statut des médecins militaires français détachés à l’hôpital central de l’ANP. 1983 - 21 juillet : Signature à Alger d’un Accord d’extension de la coopération militaire bilatérale, notamment dans la fourniture d’armements et le transfert de technologie.
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1987 - Interruption à l’initiative de l’Algérie des relations militaires avec la France. 1992 - Après l’arrêt du processus électoral algérien le 12 janvier, les activités militaires bilatérales à caractère opérationnel sont suspendues. 1993 - décembre : Mise en sommeil de la MMLC française en Algérie. 1995 - 27-28 novembre : Conférence de Barcelone. Adhésion de l'Algérie au Partenariat Euro-Méditerranéen de l'UE. 1999 - 15 avril : Election à la présidence de la République algérienne d'Abdelaziz Bouteflika. 2000 - janvier : Le Ministre français des Affaires étrangères Hubert Védrine annonce la volonté de la France et de l’Algérie de rediscuter l'accord-cadre de coopération militaire de 1967 dans l'objectif de le redynamiser. - 14 mars : Adhésion de l'Algérie au Dialogue Méditerranéen de l'OTAN. - 27-28 mai : Escale à Alger de la frégate anti-sous-marine française La Motte-Piquet, et visite du Vice-Amiral d’escadre Paul Habert, commandant de la zone maritime de la Méditerranée. - 14-17 juin : Visite d'Etat en France du Président Bouteflika. -10-11 octobre : Visite à Alger d’une délégation de l’EMA conduite par le Général de brigade Felten, adjoint au Sous-chef des Relations internationales. Proposition française de modification de l’article 26 de la Convention du 6 décembre 1967 relatif aux stagiaires algériens en France. 2001 - 12-14 mars : Visite à Alger du Secrétaire général adjoint de l’OTAN Kléber. - 29 juillet : Accord algérien pour la modification de l’article 26 de la Convention du 6 décembre 1967. - 20 décembre : Première visite d’un chef de l’Etat algérien, le Président Bouteflika, au siège de l’OTAN à Bruxelles. 2002 - 5 mai : Réélection à la présidence de la République française de Jacques Chirac. -1er août : Entretien du Général de corps d’armée Mohamed Lamari, chef d’état-major de l’ANP, avec l’Ambassadeur de France en Algérie Daniel Bernard pour accélérer la reprise des contacts militaires bilatéraux. - 21-22 novembre : Le sommet de l’OTAN à Prague prévoit de donner une nouvelle impulsion aux coopérations avec les pays du DM. - 10 décembre : Deuxième visite du Président Bouteflika au siège de l’OTAN à Bruxelles. - 16-17 décembre : Visite à Alger du Ministre français des Affaires étrangères Dominique de Villepin.
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2003 - 2-4 mars : Première visite d’Etat en Algérie d’un président de la République française, Jacques Chirac. - 16-17 juin : Première visite à Alger depuis l’Indépendance d’un chef d’état-major de l’Armée française, le Général d'armée Henri Bentegeat. - 8-9 septembre : Visite à Alger d’une délégation de l’EMA conduite par le Général de brigade aérienne de Rousiers, adjoint au Major général. - 12 septembre : A Lisbonne, le Ministre français de la Défense Michèle Alliot-Marie propose de réfléchir à une initiative pour relancer la coopération entre les armées de la Méditerranée occidentale. - 3-4 octobre : Visite à Alger d’une délégation de la DGA conduite par le Contre-Amiral Barbier. - 12-14 novembre : Première réunion d’état-major franco-algérienne à Paris. 2004 - 8 avril : Réélection à la présidence de la République algérienne d'Abdelaziz Bouteflika. - 15 avril : Visite à Alger du Président Chirac. - 11 mai : Visite à Alger du Secrétaire général adjoint de l’OTAN Minuto Rizzo. - 28 juin : Le sommet de l’OTAN à Istanbul hisse le DM au rang de partenariat. - 12-13 juillet : Visite à Alger du Ministre français des Affaires étrangères Michel Barnier. - 16-18 juillet : Première visite à Alger depuis l’Indépendance d’un ministre français de la Défense, Michèle Alliot-Marie. Annonce de la préparation d’un accord-cadre de coopération militaire franco-algérien et annonce de la création d’une initiative sur la sécurité en Méditerranée occidentale. - 3 août : Démission du Général de corps d'armée Mohamed Lamari de ses fonctions de chef d'état-major de l'ANP, et nomination du Général-Major Ahmed Gaïd Salah pour le remplacer. Création du Secrétariat général de la Défense auprès du Ministre de la Défense nationale confié au Général-Major Ahmed Senhadji. - 15 août : Trois bâtiments de la Marine algérienne prennent part à la commémoration du soixantième anniversaire du débarquement de Provence. - 16 août : Entretien du Président Chirac avec le Président Bouteflika au Fort de Brégançon dans le Var. - 30 septembre : A Paris, première réunion d’experts des pays de la Méditerranée occidentale pour préparer une initiative commune en matière de Défense. - 30 septembre - 4 octobre : Escale à Alger de quatre bâtiments, dont la frégate française l’Aconit et le chasseur de mines français l’Eridan, de la force européenne d'action navale Euromarfor sous le commandement du Vice-Amiral d'escadre français Alain Dumontet. - 17 novembre : Première réunion du Comité militaire des chefs d’état-major des pays de l’OTAN et du DM à Bruxelles. - 19 novembre : Deuxième réunion d’experts en format "5+5" Défense à Rome. - 23-26 novembre : Deuxième réunion d’état-major franco-algérienne à Alger. - 25 novembre : Première visite en Algérie d’un Secrétaire général de l’OTAN Jaap De Hoop Scheffer. - 27-30 novembre : Escale à Alger de la frégate anti-sous-marine française La Motte Piquet. - 5-6 décembre : Visite à Alger d’un groupe d’auditeurs du Centre des Hautes Etudes Militaires français conduit par le Général de corps d’armée Xavier de Zuchowsky. - 8 décembre : Réunion des Ministres des Affaires étrangères du DM de l’OTAN à Bruxelles à l’occasion du dixième anniversaire de sa création. - 21 décembre : Réunion à Paris des ministres de la Défense du "5+5".
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2005 - 15-16 mars : Première réunion du Comité directeur de l’Initiative "5+5" Défense à Alger. - 28-31 mars : Visite à Alger d’une délégation d’experts du Ministère français de la Défense conduite par le Sous-directeur du droit international et du droit européen à la Direction des affaires juridiques Laurent Teisseire. - 27-28 avril : Réunion à Madrid des chefs d’état-major des marines du "5+5" Défense. - 4 mai : Signature par le Président Bouteflika du décret portant création des fonctions de ministre-délégué auprès du ministre de la Défense nationale confiées au Général-Major Abdelmalek Genaïzia. - 9-12 mai : Visite en Algérie du Secrétaire d’Etat français aux Affaires étrangères Renaud Muselier. - 11 mai : Deuxième réunion du Comité militaire des chefs d’état-major des pays de l’OTAN et du DM à Bruxelles. - 21-26 mai : Premier exercice commun des marines algérienne et française, "Raïs Hamidou 05", au large des côtes algériennes. Escale à Alger de la frégate anti-sous-marine française Montcalm et visite en Algérie du Vice-Amiral d'escadre Jean-Marie Van Huffel, commandant de la zone maritime de la Méditerranée. - 7-11 juillet : Escale à Annaba du chasseur de mines français Verseau et exercice commun "Raïs Hamidou Plongée 05" avec la Marine algérienne. - 9 novembre : Visite à Alger du Secrétaire général adjoint de l’OTAN Jean Fournet. - 13-15 novembre : Troisième réunion du Comité militaire des chefs d’état-major des pays de l’OTAN et du DM à Bruxelles. - 19-20 novembre : Deuxième réunion du Comité directeur de l’Initiative "5+5" Défense à Alger. - 27-28 novembre : Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement à Barcelone pour le dixième anniversaire du PEM. - 29-30 novembre : Troisième réunion d’état-major franco-algérienne à Paris. - 11-12 décembre : Réunion à Alger des ministres de la Défense du "5+5". 2006 - 9-10 avril : Visite à Alger du Ministre français des Affaires étrangères Philippe Douste-Blazy. - 26 avril - 1er mai : Escale à Alger du Groupe Ecole d’Application des officiers de Marine (GEAOM), sur la frégate porte-hélicoptères Jeanne d’Arc, et de la frégate anti-sous-marine Georges Leygues. - 2-4 mai : Visite en France du Général-Major Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major de l’ANP. - 9 mai : Quatrième réunion du Comité militaire des chefs d’état-major des pays de l’OTAN et du DM à Bruxelles. - 12 juin : Visite à Paris du Général-Major Abdelmalek Genaïzia, ministre-délégué auprès du Ministre algérien de la Défense nationale, à l’occasion de l’Exposition internationale des matériels de défense Eurosatory. [Chronologie arrêtée au 1er juillet 2006.]
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SOURCES Site Internet du Ministère français des Affaires étrangères (www.diplomatie.gouv.fr) Site Internet de l’Ambassade de France en Algérie (www.ambafrance-dz.org) Entretien du Président de la République française Jacques Chirac avec les quotidiens algériens El Watan et El Khabar à Paris, 1er mars 2003. Entretien du Président de la République française Jacques Chirac avec la télévision algérienne à Paris, 1er mars 2003. Déclaration commune du Président de la République française Jacques Chirac et du Président de la République algérienne Abdelaziz Bouteflika à Alger, 2 mars 2003. Allocution du Président de la République française Jacques Chirac à l’occasion du dîner d’Etat à Alger, 2 mars 2003. Discours du Président de la République française Jacques Chirac devant le Parlement algérien au Palais des Nations à Alger, 3 mars 2003. Conférence de presse du Président de la République française Jacques Chirac au Palais des Nations à Alger, 3 mars 2003. Allocution du Président de la République française Jacques Chirac devant la communauté française installée en Algérie à Alger, 3 mars 2003. Discours du Président de la République française Jacques Chirac à l’Université Es Sénia d’Oran, 4 mars 2003. Dialogue du Président de la République française Jacques Chirac avec les étudiants de l’Université Es Sénia d’Oran, 4 mars 2003. Conférence de presse du Président de la République française Jacques Chirac à Alger, 15 avril 2004. Déclaration du porte-parole du Quai d’Orsay à Paris, 9 juillet 2004. Thème : Visite du Ministre français des Affaires étrangères Michel Barnier en Algérie les 12 et 13 juillet 2004. Déclaration du Ministre français des Affaires étrangères Michel Barnier à son arrivée à l’aéroport d’Alger, 12 juillet 2004. Allocution du Ministre français des Affaires étrangères Michel Barnier à la Résidence de France à Alger, 12 juillet 2004. Entretien du Ministre français des Affaires étrangères Michel Barnier avec l’Agence Presse Service à Alger, 12 juillet 2004. Entretien du Ministre français des Affaires étrangères Michel Barnier avec le quotidien algérien El Khabar à Alger, 12 juillet 2004. Entretien du Ministre français des Affaires étrangères Michel Barnier avec le quotidien algérien Le Quotidien d’Oran à Oran, 12 juillet 2004.
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Conférence de presse conjointe du Ministre français des Affaires étrangères Michel Barnier et du Ministre algérien des Affaires Etrangères Abdelaziz Belkhadem à Alger, 13 juillet 2004. Déclaration du Ministre français des Affaires étrangères Michel Barnier à l’issue de son entretien avec le Président algérien à Alger, 13 juillet 2004. Déclaration de la porte-parole adjointe du Quai d’Orsay à Paris, 13 juillet 2004. Thème : Visite du Ministre français des Affaires étrangères Michel Barnier en Algérie les 12 et 13 juillet 2004. Entretien du Ministre français des Affaires étrangères Michel Barnier avec la radio RFI, 16 juillet 2004. Allocution du Ministre français de la Défense Michèle Alliot-Marie aux étudiants et universitaires de l’Institut diplomatique et des relations internationales à la résidence El-Mithaq d’Alger, 17 juillet 2004. Thème : « Comment faire face ensemble aux crises d’aujourd’hui ? ». Entretien du Ministre français de la Défense Michèle Alliot-Marie avec la radio RTL, 19 juillet 2004. Thème : visite en Algérie et budget de la défense pour 2005. Album de l’escale de l’Euromarfor à Alger du 30 septembre au 4 octobre 2004. Album de l’escale de la frégate La Motte-Piquet à Alger du 27 au 30 novembre 2004. Présentation des relations bilatérales en matière politique, économique, culturelle, scientifique et technique entre la France et l’Algérie, 3 janvier 2005. Conférence de presse du Secrétaire d’Etat français aux affaires étrangères Renaud Muselier à Alger, 11 mai 2005. Dossier de presse du Commandement de la zone maritime de la Méditerranée et de la Préfecture maritime de la Méditerranée à Toulon, 16 mai 2005. Objet : « Premier exercice algéro-français de surveillance et sécurité maritimes ». "Raïs Hamidou 2005", 21-26 mai 2005. Dépêche relative à la Réunion des ministres de la Défense des "5+5" à Alger, 11-12 décembre 2005. Album de la visite à Alger du Ministre français des Affaires étrangères Philippe Douste-Blazy, 9-10 avril 2006. Dépêche relative à l'Escale à Alger de la frégate Jeanne d’Arc et de la frégate anti-sous-marine Georges Leygues du 26 avril au 1er mai 2006. Archives de la Mission militaire près l’Ambassade de France en Algérie (Hydra - Alger) Convention franco-algérienne de coopération technique militaire signée à Alger le 6 décembre 1967. Accord de coopération dans le domaine de la Défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire signé à Alger le 21 juillet 1983. Budgets de la Mission militaire française en Algérie pour les années 2000 à 2006. Procès-verbal de la 1ère réunion d’état-major franco-algérienne à Paris du 12 au 14 novembre 2003. Lettre de la Mission militaire française à Alger à la DCMD du 28 septembre 2004. Objet : « Algérie. Demande des besoins en stages "officiers" pour le cycle continu 2005/2006 ». Procès-verbal de la 2ème réunion d’état-major franco-algérienne à Alger du 23 au 26 novembre 2004. Rapport au Parlement sur les exportations d’armement de la France en 2002-2003, Ministère de la Défense, décembre 2004.
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Fiche de l’EMA, division monde, établie par le Chef d’escadron Michel de Gaulejac le 1er décembre 2004. Objet : « Relations militaires franco-algériennes (hors armement) ». Règlement intérieur du Comité directeur établi dans le cadre de la déclaration d’intention des ministres de la Défense des pays participant à l’initiative 5+5 signé à Alger le 16 mars 2005. ZOUIOUECHE (Medhi), « La défense algérienne : entre modernisation et professionnalisation », mémoire de 3ème cycle, Mission militaire française en Algérie, septembre 2005. Lettre de la Mission militaire française à Alger à la DCMD du 7 novembre 2005. Objet : « Algérie. Demande des besoins en stages pour le cycle continu 2006/2007 ». Note de la Sous-Direction Europe-Alliance Atlantique (SDEA) de la DAS signée par le Contre-Amiral Fresse de Monval le 15 novembre 2005. Objet : « Bilan et perspectives des actions conduites dans le cadre de l’initiative 5+5 Défense ». En annexe : « Projet de centre d’études stratégiques de la Méditerranée occidentale ». Procès-verbal de la 2ème réunion du Comité directeur de l’initiative 5+5 des ministres de la Défense à Alger le 20 novembre 2005. Note de l’EMA, division monde, pour la Sous-Direction Europe-Alliance atlantique (SDEA) de la DAS, signée par le Général de brigade aérienne Baillet, chef de la division, le 23 novembre 2005. Objet : « Sommet de l’initiative 5+5 des ministres de la Défense sur la sécurité en Méditerranée (Alger, 11-12 décembre 2005) ». Procès-verbal de la 3ème réunion d’état-major franco-algérienne à Paris du 29 au 30 novembre 2005. Rapport au Parlement sur les exportations d’armement de la France en 2004, Ministère de la Défense, décembre 2005. Plan d’action 2006 de l’initiative 5+5 pour la sécurité et la coopération en Méditerranée occidentale approuvé par les ministres le 12 décembre 2005. Site Internet du Ministère algérien des Affaires étrangères (www.mae.dz) Compte rendu de la visite du Ministre français des Affaires étrangères Michel Barnier en Algérie, 13 juillet 2004. Compte rendu de la visite du Ministre français de la Défense Michèle Alliot-Marie en Algérie, 16-18 juillet 2004. Compte rendu de la réunion à Paris des ministres des Affaires étrangères des pays membres du Forum méditerranéen, 24-25 octobre 2004. Compte rendu de la visite du Secrétaire Général de l’O.T.A.N. Jaap De Hoop Scheffer à Alger le 25 novembre 2004. Communiqué de presse du Ministère algérien des Affaires étrangères à l’occasion de la célébration du dixième anniversaire de la création du Dialogue Méditerranéen de l’O.T.A.N. et de la visite du Ministre algérien des Affaires étrangères Abdelaziz Belkhadem au siège de l’O.T.A.N. à Bruxelles, 8 décembre 2004. Info-Express, 22 mai 2005. Objet : « Escale au port d’Alger d’un détachement de la marine française ». Dépêche relative à la visite à Alger du Général James L. Jones, commandant suprême des forces américaines en Europe, 1er et 2 juin 2005. Compte rendu de la visite à Alger du Sénateur américain Richard Lugar, président de la Commission des Affaires étrangères au Sénat, 17-18 août 2005. Dépêche relative à la visite du Secrétaire général adjoint de l'O.T.A.N. Jean Fournet à Alger, 8-9 novembre 2005.
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Compte rendu de l'intervention de l'Ambassadeur d'Algérie aux Etats-Unis d'Amérique Amine Kherbi au symposium organisé par le Centre d'études stratégiques sur l'Afrique et la National Defence University de Washington sur le thème « L’Afrique est-elle vitale pour la sécurité des Etats-Unis d’Amérique ? », 21 novembre 2005. Compte rendu de la deuxième réunion annuelle des ministres de la Défense des "5+5" à Alger, 13 décembre 2005. Compte rendu de la visite à Alger du Secrétaire américain à la Défense Donald Rumsfeld, 12 février 2006. Compte rendu de la visite du Ministre français des Affaires étrangères Philippe Douste-Blazy en Algérie, 11 avril 2006. Lettre de remerciements au Président de la République algérienne Abdelaziz Bouteflika du Ministre français des Affaires étrangères Philippe Douste-Blazy, 29 avril 2006. Allocution prononcée à Guelma par le ministre des Moudjahidine, Mohamed Chérif Abbas, au nom du président la République Abdelaziz Bouteflika à l’occasion de la commémoration du 61ème anniversaire du 8 Mai 1945. Entretien du Ministre algérien des Affaires étrangères Mohamed Bedjaoui avec le quotidien Liberté, 5 juin 2006. Site Internet du Ministère français de la Défense (www.defense.gouv.fr) Déclaration d'intention signée à Paris par les ministres de la Défense algérien, français, italien, libyen, maltais, marocain, mauritanien, portugais, espagnol et tunisien pour le développement de l'Initiative cinq plus cinq concernant la coopération multilatérale sur les questions de sécurité en Méditerranée occidentale, 21 décembre 2005. Présentation de l'Initiative sur la sécurité en Méditerranée occidentale. Site Internet de l’Union Européenne (www.europa.eu.int) Site Internet de la Commission d’étude euro-méditerranéenne (EuroMeSCo) (www.euromesco.net) Site Internet de la Fondation Méditerranéenne d’Etudes Stratégiques (www.fmes-france.org) Communiqué final du Conseil de l’Atlantique Nord en session ministérielle à Bruxelles, 1er décembre 1994. [Texte fondateur du dialogue méditerranéen]. Conférence de Bernard Emié, directeur Afrique du Nord – Moyen-Orient au Ministère français des affaires étrangères, 10 mai 2003. Thème : « La Politique de la France dans la zone Afrique du Nord – Moyen-Orient : les principaux enjeux ». Compte rendu d’Eva Paredes. Conférence du Secrétaire d’Etat français aux affaires étrangères Renaud Muselier aux auditeurs de la cérémonie d’ouverture de la 14ème Conférence Méditerranéenne des Hautes études stratégiques à l’IMTSSA de Marseille, 15 novembre 2003. Thème : « La Politique méditerranéenne de la France ». Site Internet de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (www.nato.int) Point de presse du Secrétaire Général de l’O.T.A.N. Lord Georges Robertson et du Président de la République algérienne Abdelaziz Bouteflika à l’occasion de la visite du Président Bouteflika au siège de l’O.T.A.N. à Bruxelles, 10 décembre 2002. Exposé factuel sur la réunion ministérielle du dialogue méditerranéen, 8 décembre 2004.
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Manuel de l’O.T.A.N., février 2003. Chapitre 3 : « L’Ouverture de l’Alliance. Le Dialogue méditerranéen de l’Alliance ». Discours du Secrétaire général de l’O.T.A.N. Jaap De Hoop Scheffer à Alger, 25 novembre 2004. Exposé de la Division diplomatie publique intitulé « Sécurité : La coopération avec la région méditerranéenne et le Moyen-Orient élargi », août 2005.
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ENTRETIENS Colonel Jean-Bruno Vautrey Le 14 février 2006 à l’Inspection Générale de l’Armée de Terre (Caserne de Reuilly - Paris 12ème). Saint-Cyrien et officier des Troupes de Marine, le Colonel Vautrey fut attaché de défense au Congo-Brazzaville de 2002 à 2005. Comme chef d’état-major de la DCMD de 2000 à 2002, il a contribué au renouveau des relations militaires franco-algériennes. Commissaire en chef de la Marine Henri Keraudren Le 24 février 2006 à la DCMD (Ministère des Affaires étrangères – Paris 7ème). Officier de marine depuis plus de vingt ans, le Commissaire Keraudren est conseiller Maghreb, Egypte, Proche-Orient, Moyen-Orient et Action de l’Etat en mer depuis 2003. Colonel Christian Arcobelli Du 5 au 9 mars 2006 à l’Ambassade de France en Algérie (Hydra - Alger). Saint-Cyrien, officier des Troupes de Marine puis versé dans le Corps des experts et diplômé de l’INALCO, le Colonel Arcobelli fut spécialiste du monde arabe à la DRM et à l’EMA. Il est attaché de défense depuis l’été 2003. Lieutenant-Colonel d’aviation André Valette Du 5 au 9 mars 2006 à l’Ambassade de France en Algérie (Hydra - Alger). Issu de l’Ecole de l’Air et diplômé de l’INALCO, le Lieutenant-Colonel Valette fut spécialiste du monde arabe à la DRM. Il est attaché de défense adjoint depuis août 2004. Colonel Mohamed Mekkaoui Le 21 avril 2006 à l’Ambassade d’Algérie en France (Paris 8ème). Issu de l'Académie Militaire Interarmes de Cherchell, le Colonel Mekkaoui fut spécialiste des relations internationales à la DREC. Il est attaché de défense depuis le 30 juillet 2004. Je ne parviens à réprimer à l’égard de ces cinq officiers supérieurs un profond sentiment de reconnaissance. Ils m’ont découvert la relation franco-algérienne avec un dévouement, une patience, une générosité, une franchise, dont le souvenir ne cesse pas de m’émouvoir. Que tous soient chaleureusement remerciés.
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PAHLAVI (Pierre-Cyril) : p. 49. PAIN (Florence) : p. 101, 102, 103, 112, 161. PAREDES (Eva) : p. 149. PASCAL (Professeur Georges) : p. 40. PELLETIER (Eric) : p. 36. PERVILLÉ (Professeur Guy) : p. 69. PEYREFITTE (Ministre français de l’Information Alain) : p. 5, 64, 70, 71, 88, 91, 93, 123. PONTAUT (Jean-Marie) : p. 36. POUTINE (Président de la Fédération de Russie Vladimir) : p. 107, 156.
RACHIDIOU (Mustapha) : p. 87, 109, 157. RAHBI (Meziane) : p. 18, 19, 25, 26. REDOUANE (Zahra) : p. 85, 155. RÉMY (Alain) : p. 20, 161. RICE (Secrétaire d’Etat américain Condoleeza) : p. 156. RIVOIRE (Jean-Baptiste) : p. 36, 50, 154, 158. RIZZO (Secrétaire général adjoint de l'O.T.A.N. Minuto) : p. 144. ROBERTSON (Secrétaire Général de l’O.T.A.N. Lord Georges) : p. 121, 149. ROUSIERS (Général de brigade français de) : p. 78, 144. RUF (Professeur Werner) : p. 31, 92, 123. RUMSFELD (Secrétaire américain à la Défense Donald) : p. 149, 156.
SAAOUI (A.) : p. 156. SABEG (Yazid) : p. 21. SAID (Djaafer) : p. 28, 161. SALAMÉ (Professeur Ghassan) : p. 94. SARAH (Raouf) : p. 153, 155. SARKOZY (Ministre français de l’Intérieur Nicolas) : p. 41. SCHEFFER (Secrétaire Général de l’O.T.A.N. Jaap De Hoop) : p. 121, 129, 144, 148, 150. SCHMID (Dorothée) : p. 18, 40, 126, 129, 130, 161. SEBTI (N.) : p. 87, 107, 109, 157. SENGHOR (Président de la République sénégalaise Léopold Sédar) : p. 83. SENHADJI (Général-Major algérien Ahmed) : p. 63, 144. SEVRIN (Général d’armée (CR) français Michel) : p. 161. SIHEM (H.) : p. 79, 154. SIMON (Catherine) : p. 34. SMATI (Samar) : p. 7, 81, 82, 155, 156. SMITH (Craig) : p. 152. SMOLAR (Piotr) : p. 155. SOHBI (Malek) : p. 36, 153. SOUAÏDIA (Ex-Lieutenant Habib) : p. 76. STORA (Professeur Benjamin) : p. 32, 33, 38, 69. SUFFERT (Georges) : p. 154.
TEISSEIRE (Laurent) : p. 80, 145. TILLETTE de MAUTORT (Capitaine de vaisseau français Gilles) : p. 86. TOCQUEVILLE (Alexis de) : p. 24, 28, 30, 31, 69. TOUATI (Général algérien) : p. 33, 58. TUQUOI (Jean-Pierre) : p. 46, 152.
VALETTE (Lieutenant-Colonel français d’aviation André) : p. 100, 151. VAN HUFFEL (Vice-Amiral d’escadre français Jean-Marie) : p. 85, 145, 155. VASCONCELOS (Alvaro de) : p. 154, 161. VAUTREY (Colonel français Jean-Bruno) : p. 151. VÉDRINE (Ministre français des Affaires étrangères Hubert) : p. 104, 127, 143. VILLEPIN (Ministre français des Affaires étrangères Dominique de) : p. 143.
WALCH (Jacques) : p. 120, 124, 128, 161.
167
WALD (Général américain Charles) : p. 36.
YOUSFI (Ministre algérien des Affaires étrangères) : p. 104. ZAKARIAH (Mufdi) : p. 4. ZECCHINI (Laurent) : p. 126, 130, 154, 155, 157. ZENAKHRI (Général-Major algérien Mohamed) : p. 79. ZERHOUNI (Ministre algérien de l’Intérieur Noureddine Yazid) : p. 35, 106. ZEROUAL (Président de la République algérienne Liamine) : p. 58. ZERROUKI (Hassane) : p. 153. ZORGBIBE (Professeur Charles) : p. 161. ZOUAOUI (Mouloud) : p. 155, 156. ZOUIOUECHE (Medhi) : p. 148. ZUCHOWSKY (Général de corps d’armée français Xavier de) : p. 144.
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TABLE DES MATIÈRES RÉSUMÉ p.1 INTRODUCTION p.4 SIGLES p.12 CARTE p.13
L'INTÉRÊT STRATÉGIQUE MAJEUR D'UNE COOPÉRATION MILITAIRE AVEC L'ALGÉRIE
1. LA MÉDITERRANÉE OCCIDENTALE, UN ESPACE PRIORITAIRE 1.1. Des intérêts économiques, culturels et politiques de premier plan p.15 1.2. Un fort potentiel déstabilisateur p.21 1.2.1. Une situation économique et sociale explosive p.22 1.2.2. La menace islamiste p.30 1.2.3. L’enjeu migratoire p.39 2. L'ANP, UN PARTENAIRE INCONTOURNABLE 2.1. La crédibilité retrouvée p.44 2.1.1. La politique de défense p.45 2.1.2. L’outil militaire : la première force armée du Maghreb p.51 2.2. Vers la professionnalisation ? p.53 2.2.1. Le renouveau p.54 2.2.2. Le politique sous le joug du militaire p.56 2.2.3. Le mirage du retour des militaires dans leurs casernes p.61
UNE RELATION MILITAIRE BILATÉRALE OTAGE DE LA POLITIQUE
3. UNE RELATION PASSIONNELLE 3.1. Variations politiques p.68 3.1.1. L’Algérie indépendante p.69 3.1.2. La tragédie recommencée p.73 3.1.3. Le renouveau p.75 3.1.4. La rechute ? p.80 3.2. La normalisation impossible p.88
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4. LA FAIBLESSE DES MOYENS 4.1. La structure légère de la coopération militaire française p.98 4.1.1. La Mission militaire p.98 4.1.2. La Direction de la coopération militaire et de défense p.101 4.2. Armement : des exportations marginales p.103 4.2.1. La fin de l’embargo p.103 4.2.2. La rumeur des Rafales p.105 4.2.3. Un marché prometteur mais déjà très courtisé p.107 4.2.4. La lente et complexe procédure française p.111 4.3. Formation : une collaboration à sens unique p.113 4.3.1. Les formations militaires en France p.114 4.3.2. Les formations civiles en France p.116
LA NÉCESSITÉ DE PORTER L'EFFORT SUR LE MULTILATÉRAL
5. LE DIALOGUE MÉDITERRANÉEN DE L'OTAN, UN FAIBLE MULTIPLICATEUR D'INFLUENCE POUR LA FRANCE 5.1. Un partenariat prometteur p.120 5.2. L'hégémonie américaine p.123 6. INITIATIVE 5+5 DÉFENSE : DISSIMULER LA PUISSANCE FRANÇAISE DERRIÈRE L'EUROPE POUR PROGRESSER ? 6.1. Une approche humble p.127 6.2. L’espoir p.131 CONCLUSION p.133 ANNEXES Déclaration d'Alger (2 mars 2003) p.137 Déclaration d'intention du "5+5 Défense" (21 décembre 2004) p.140 CHRONOLOGIE p.142 SOURCES p.146 ENTRETIENS p.151 REVUE DE PRESSE p.152 BIBLIOGRAPHIE p.158 INDEX p.162