rsln #5 - la santé du futur

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LA SANTé DU FUTUR bernard Stiegler L’artisan philosophe benoît genuini Pour une société numérique solidaire innovations REGARDS SUR LE NUMÉRIQUE JANVIER 2009 Diagnostic et thérapie assistés par ordinateur, patient virtuel, soins à distance… les nouvelles technologies révolutionnent la médecine de demain.

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Page 1: RSLN #5 - La santé du futur

La santédu futur

bernard StieglerL’artisan philosophe

benoît genuini

Pour une société numérique

solidaire

innovations

regardssur le

numériquejanvier 2009

Diagnostic et thérapie assistés par ordinateur, patient virtuel, soins à distance… les nouvelles technologies révolutionnent la médecine de demain.

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.1 3 3.1_regards sur le numérique

5 La vie numérique En bref, l’actualité

de la société numérique

10 Panoramiques tour du monde

de la création numérique

38 rePères Les indicateurs de 3.1

39 Lu La sélection livres de 3.1

Et aussi©

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Angoulême dynamise la création numérique32

Le regard de…

Benoît GenuiniPour une société numérique solidaire.

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La cité charentaise est devenue un centre incontournable de la création animée. Rassemblés au sein du pôle Magelis, les professionnels de l’animation y explorent les nouvelles possibilités offertes par le numérique.

regards sur le numériqueMagazine trimestriel gratuit

www.regardsurlenumerique.frMicrosoft france SaS au capital de 4 240 000 euros, 18 avenue du Québec 91957 courtabœuf 1 cedex

directeur de la publication Éric boustoullerdirecteur de la rédaction Marc Mossédirectrice déléguée constance Parodirédactrice en chef Mélanie [email protected]

Conception et réalisation graphiquejba - 2 rue des francs-bourgeois - 75003 Paris [email protected] artistique Virginie Kahn

ont collaboré à ce numéroPierre bro, nicolas delaleu, Marc fernandez, Pauline feuillâtre, caroline Marcelin, anne Rivière

remerciementsdarja Gartner, jonathan Harris, Semiconductor, dr Philippe allouch

Photos non créditéesdroits réservés

imprimeriePoint 44 - Za des nations 342 rue du Professeur P. Milliez94500 champigny-sur-Marnedocument imprimé sur papier issu de forêts gérées durablement, avec des encres végétales. Point 44 est titulaire de la marque Imprim’Vert® qui distingue les entreprises de l’industrie graphique soucieuses de la gestion environnementale de leur activité.

les opinions exprimées dans ce magazine n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles de Microsoft.

conformément à la loi « Informatique et libertés », toute personne ne désirant plus recevoir le magazine peut en informer la rédaction ([email protected]) qui annulera immédiatement son abonnement.

Dépôt légal à parution.

Thérapie génique, cœur artificiel, scalpelintelligent, robots chirurgiens, implants électroniques pour recouvrer la vue ou l’ouïe… À l’heure où la médecine devient de plus en plus pointue et spectaculaire, naît parfois la crainte d’un système de soins désincarné, déshumanisé. Ce grand dossier sur la santé du futur nous a persuadés du contraire. Au terme de trois mois d’enquête, nous avons la conviction que les innovations technologiques vont être de plus en plus pensées en fonc-tion du patient, afin de lui permettre de devenir un acteur éclairé de sa propre santé. Une responsabilité que le patient du xxie siècle est d’ailleurs prêt à endosser : exigeant vis-à-vis de la profession médicale, il est informé et désireux d’en savoir toujours plus – en témoigne le succès des émissions télévisées, des magazines et des sites Internet spécialisés. Parce que, grâce au numérique, elle va replacer le patient au cœur du système et encourager le partage du savoir, la méde-cine de demain a des allures de révolution copernicienne. Dans ce numéro, nous avons voulu nous projeter dans l’avenir et montrer comment les nouvelles technologies permettront de suivre, au quotidien, chacun d’entre nous, pour dépister au plus tôt les maladies ou mieux surveiller les affections de longue durée. Comment elles assisteront les médecins dans leur diagnostic. Comment elles garantiront un accès égal aux soins et une même qualité de traitements à tous, que l’on habite en centre-ville ou dans des régions isolées. Certes, à l’heure actuelle, il existe des freins d’or-dre réglementaire, culturel ou encore sociologique. Mais, comme le rappelle Claude Évin, « les progrès technologiques ouvrent un champ infini de possibilités ». Et nous autori-sent, pourquoi pas, à rêver d’une santé du futur efficace et accessible à tous. La rédaction [email protected]

Initiative de Microsoft France, Regards sur le numérique est un magazine trimestriel de décryptage des enjeux culturels, économiques et sociaux du numérique. Conçu comme un laboratoire d’idées ouvert à tous, il cherche à croiser les regards et les perspectives sur ce monde dans lequel nous avançons à vive allure.

Le titre 3.1 (prononcer « trois point un »), qui fait suite à 2.1, 2.2 et 2.3 parus de novembre 2007 à juin 2008, puis à 3.0 paru en septembre 2008, est d’abord un clin d’œil aux expressions « Web 2.0 » et, désormais, « 3.0 », utilisées pour désigner les innovations qui transforment régulièrement Internet. C’est aussi un clin d’œil au jargon informatique utilisé pour distinguer les versions successives des logiciels. Premier magazine au titre évolutif, Regards sur le numérique illustre notre volonté de demeurer au plus près d’une société numérique en perpétuel changement.

Éditorial~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~_•

Le numérique révolutionne le monde de la santé. Et laisse entrevoir un système fondé sur la prévention des maladies, l’implication totale du patient et les soins « sur mesure ». du diagnostic assisté par ordinateur au patient virtuel en passant par le traitement à distance, tour d’horizon des innovations qui dessinent la médecine de demain.

La santédu futur

bernard StieglerL’artisan philosophe

benoît genuini

Pour une société numérique

solidaire

innovations

regardssur le

numériquejanvier 2009

Diagnostic et thérapie assistés par ordinateur, patient virtuel, soins à distance… les nouvelles technologies révolutionnent la médecine de demain.

rendez-vous

L’artisan philosopheBernard Stiegler, philosophe et directeur de l’Institut de recherche et d’innovation. Il conçoit des outils numériques fondés sur l’interactivité et l’échange, à rebours des modèles de consommation passive.

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3.1_regards sur le numérique 3.1_regards sur le numérique

« Réduire la fracture numérique ne signifie pas seulement développer des infrastructures et augmenter le taux d’équipement. »

Pour une société numérique solidaire

on parle beaucoup des nouvelles techno-logies de l’information et de la commu-nication comme d’un puissant facteur de bouleversement de l’économie, d’évolution des rapports sociaux, de réduction des dis-tances, d’accroissement de l’échange des idées et de la connaissance. Pourtant, il existe un aspect de l’économie numérique qui mériterait d’être évoqué plus souvent.

C’est la capacité des TIC à réduire les inégalités dans nos sociétés modernes, la puissance et l’effet de levier énor-mes qu’elles constituent pour diminuer la pauvreté.

À l’échelle de la planète, le numérique est un extra-ordinaire facteur d’accélération du développement des pays les plus pauvres. Secteur en plein essor, dont les barrières à l’entrée sont relativement faibles, les nouvelles technologies offrent de très nombreuses opportunités d’emploi. Des pays comme l’Inde ou la Chine, pour ne citer qu’eux, ont su saisir cette occasion, et investir, en un temps record, l’économie numérique pour en faire le tremplin d’un développement social sans égal. Sait-on, par exemple, que les grandes sociétés de services infor-matiques indiennes reçoivent chaque année des millions de candidatures ? Nous devons aider au développement de cette économie numérique mondialisée, source d’em-plois dans nos pays occidentaux.

Une des premières conditions, c’est de former les jeu-nes à ces nouveaux métiers. C’est un champ d’action que quelques ONG ont investi, à l’image de Passerelles numé-riques, qui a fourni une formation et trouvé un emploi à près de 250 jeunes Cambodgiens ces quatre dernières années. Cet effort mériterait d’être renforcé.

Plus près de nous, en France, la pauvreté est un phénomène moins visible. Elle touche pourtant plus de 7 millions de Français, qui vivent avec moins de 880 euros par mois. 66 % d’entre eux n’ont pas accès à Internet alors même que les technologies de l’information contribuent à combattre leur isolement et leur solitude, à les ré-inclure dans la société pour qu’ils retrouvent une place digne et reconnue. Ne nous trompons pas pour autant sur les enjeux véritables. Vis-à-vis de ces populations, réduire la fracture numérique ne signifie pas seulement développer des infrastructures et augmenter le taux d’équipement. Il faut avant tout comprendre le sentiment de honte et d’exclusion qu’elles éprouvent par rapport au reste de la société. En œuvrant à l’égalité d’accès et en convain-quant les fournisseurs d’accès d’offrir des tarifs sociaux bien plus agressifs. En accompagnant les plus démunis par des formations adaptées, pour lever leurs peurs, leurs blocages et leur redonner confiance.

Au sein de l’Agence nouvelle des solidarités actives, nous avons fait le choix du pragmatisme. En développant des programmes sur mesure qui tiennent compte des besoins des plus défavorisés. En nouant des partena-riats avec des acteurs de l’économie numérique, comme Microsoft, pour bénéficier de leurs compétences. Ou encore, en expérimentant localement des initiatives dont nous pensons que le succès et l’impact feront tache d’huile. Pour aller à la rencontre des personnes exclues, nous installons, au sein même des lieux d’accueil publics ou sociaux – mairies, caisses d’assurance maladie –, des ateliers informatiques animés par un accompagnateur. Nous créons aussi, à leur intention, des portails d’infor-mation pour les guider dans l’univers administratif. Nous encourageons enfin la création d’entreprises sociales, comme les Ateliers du bocage, société de réinsertion de la communauté Emmaüs qui récupère et reconditionne le matériel informatique pour le proposer, à coût très réduit, à des personnes qui, sinon, ne pourraient se le payer.

Toutes ces initiatives doivent être connues et encou-ragées. Pour ne pas rester au stade expérimental, elles attendent une mobilisation générale et l’investissement massif de volontaires. De nombreux salariés du secteur des TIC sont prêts à s’engager, à donner un peu de leur temps et de leurs compétences. Il ne tient qu’aux entre-prises de leur offrir cette possibilité. Pour qu’un grand projet d’e-inclusion puisse voir le jour. ■

¦17,1millions, c’est le nombre d’accès à Internet en haut débit dans l’Hexagone. Un résultat qui permet à la France d’entrer dans le top 5 mondial en devançant le Royaume-Uni. ¦

Source : Point topic, décembre 2008.

JeuX vidéo, MODE D’EMPLOIPour rassurer les parents et les aider à accompagner leurs enfants dans l’univers du jeu vidéo, neuf partenaires français du secteur (pouvoirs publics, industriels, éditeurs de jeux et associations) ont lancé, en décembre dernier, Pedagojeux.fr. Ce site Internet répond de façon pédagogique à toutes les questions que se posent les parents : les jeux vidéo rendent-ils violent ? Un phénomène d’addiction existe-t-il ? Quel jeu choisir selon l’âge de son enfant et quelles règles fixer avec lui ? Grâce à l’intervention d’experts (médecins, psychologues…), le site aborde le jeu vidéo sous tous les angles, économique, sociologique et juridique. Un véritable manuel du savoir jouer.

“www.pedagojeux.fr

même lieu pour créer une vue immersive en 3D. Le logiciel ana-lyse chaque image, détecte, grâce à des algorithmes, les similitudes entre les différents clichés (l’an-gle d’une fenêtre, une statue…) et recrée, à partir de ces données, un environnement en 3D permettant de visualiser le site photographié dans toutes ses dimensions et de s’y déplacer librement en profitant d’un niveau de détail, d’une pré-cision et d’une ampleur spatiale impossibles à obtenir avec des photos classiques ou des vidéos ordinaires.

INNOVATION

La 3D révolutionne la photoEncore à l’état de projet, Photosynth pourrait trouver des applications dans de nombreux domaines, du partage d’expériences jusqu’à la scénographie de récits, en passant par la consultation documentaire ou la recherche archéologique. L’an-née dernière, le logiciel a été utilisé par la BBC pour faire découvrir aux spectateurs de la chaîne des sites célèbres du Royaume-Uni, et leur proposer de participer au projet en fournissant leurs propres photos.Gratuit, le logiciel est disponible en ligne.“photosynth.net/

Visionner en 3D ses photographies de vacances, revisiter virtuellement les monuments qu’on a aimés, explorer un paysage en faisant varier totalement la perspective ou en zoomant sur les détails intéres-sants… : Photosynth, le nouveau logiciel développé par Micro-soft Research et l’université de Washington, révolutionne la façon de regarder ses photographies.

Le site photographié, visible dans toutes ses dimensions Photosynth fusionne jusqu’à 300 photographies en 2D d’un

4LE rEGard dE…

5La viE numériquE

4LE rEGard dE…

benoît genuini, Président de l’Agence nouvelle des solidarités actives et de l’association Passerelles numériques

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3.1_regards sur le numérique 3.1_regards sur le numérique

< et vous >

quE faitEs-vous Pour LE numériquE LoCaLEmEnt ?

KezeCo Si 74 % des Français pensent que l’économie est plus importante que la politique, seuls 6 % d’entre eux déclarent bien en comprendre les mécanismes. Pour y remédier, le Conseil pour la diffusion de la culture économique, qui émane du ministère des Finances, a lancé Kezeco.fr. Au menu : un décryptage de l’actualité, une web tv, mais aussi des dossiers sur les fondamentaux de l’économie, les grands concepts ou encore un glossaire. “ www.kezeco.fr

un BiLLet de train USBPour remplacer les pass voyageurs comme Navigo, la SNCF teste un nouveau titre de transport : la clef USB. Il suffit de la brancher sur son ordinateur et de la recharger en achetant son billet sur le site web de la SNCF.

BIBLIOTHÈQUE virtueLLeD’ici à 2010, près de 10 millions de documents seront mis en ligne sur Europeana, la première bibliothèque numérique européenne lancée le 20 novembre dernier. D’ores et déjà, plus de 2 millions d’objets culturels (photographies, livres, films, émissions de radio…), fournis pour moitié par la France, sont disponibles sur le site et accessibles en version multilingue (21 langues). Victime de son succès avec 10 millions de clics par heure le jour de l’ouverture, le site a fermé pour rouvrir courant janvier.

“ www.europeana.eu

Un PC 100 % bio ? C’est le défi relevé par Ashelvea, jeune start-up créée en 2007 dans le Tarn, qui produit, sur commande, un PC écologique. Fabriqués avec une coque constituée de plastiques entièrement biodégra-dables et des composants qui ne contiennent aucun métal lourd, ces ordinateurs verts consomment 30 % d’électricité de moins qu’un PC classique.La démarche d’Ashelvea est également solidaire. Les machines sont proposées en location ou à la vente avec un contrat de rétrocession pour une durée de trois ans. À l’issue de cette période, les PC, nettoyés et reconfigurés, sont loués, pour une somme modique et une durée de deux ans, à des associations à vocation sociale et d’insertion. Au bout de cinq ans, l’ordinateur est retiré du circuit et entièrement recyclé.

ENVIRONNEMENT

Quand le PC se met au vert

Le 5 novembre dernier, Microsoft a lancé BizSpark, un programme international destiné à promouvoir et à accélérer le développement de 300 start-up du secteur du logiciel et du web en France. Comment ? En leur offrant l’accès aux logiciels de développement et de production de Microsoft, en leur ouvrant les portes d’un réseau de partenaires (business angels, incubateurs...) et en leur donnant plus de visibilité via l’inscription sur une base de données mondiale. Ce dispositif vient compléter le programme IDEES, qui propose chaque année un accompagnement sur mesure à 25 start-up hexagonales.

¦36% c’est la croissance du nombre de noms de domaine enregistrés avec l’extension .fr. entre 2007 et 2008. Cette extension a été adoptée par 1,2 million de sites. ¦

Source : Observatoire 2008 de l’Internet en France publié par l’association française pour le nommage Internet en coopération.

UN COUP DE POUCE AUX START-UP

6la VIe nuMÉRIQue

7la VIe nuMÉRIQue

Il y a une dizaine d’années, nous avons compris, au conseil général, que les nouvelles technologies favoriseraient le désenclavement territorial de la Manche. en 2004, j’ai donc défendu au Sénat l’introduction de l’article l1425-1 du code général des collectivités territoriales dans la loi pour la confiance dans l’économie numérique. cet article donne la possibilité aux collectivités territoriales de s’impliquer pleinement dans l’aménagement numérique de leur territoire et de construire et d’exploiter un réseau.Suite à l’adoption de cet article, nous avons créé le syndicat mixte Manche numérique pour doter le département d’infrastructures d’accès au haut débit, ouvrir le territoire à la concurrence et assurer l’égalité de tous face au numérique, en concertation avec les collectivités locales et en partenariat avec des acteurs

privés. aujourd’hui, 99,9 % des Manchois ont accès au haut débit via l’adSl ou le wifi ; une connexion satellite sera prochainement proposée aux quelques dizaines de foyers encore privés d’accès. Soucieux de renforcer l’avance du département, nous avons lancé le chantier du très haut débit (de 100 Mbits/seconde à 1 Gbit/seconde) et visons le raccordement d’un Manchois sur trois d’ici cinq ans.au-delà de l’accès, il nous semblait important de développer les usages en déployant notamment des services numériques de collectivité et de solidarité : ouverture d’espaces publics numériques, promotion du visio-enseignement des langues dans les collèges, mise en place de visioguichets pour contacter, à distance, la caf ou la cPaM…la généralisation de l’accès et la promotion des usages

– près de 80 % des Manchois utilisent Internet au quotidien – ont créé un terrain favorable au déploiement d’une e-démocratie. Pour chaque grand chantier d’aménagement mené dans la Manche, le conseil général met ainsi en ligne l’ensemble des études réalisées et le bilan de la concertation, et réserve un espace à l’expression des citoyens. nous voulons utiliser le numérique pour associer davantage la population à notre action et lui permettre de comprendre la décision politique. le résultat est aussi économique. ces deux dernières années, la Manche a ainsi accueilli plus d’une centaine d’entreprises dans des domaines de pointe comme la réalité virtuelle ou l’opto-électronique. À l’heure où l’économie numérique représente 50 % de la croissance de l’union européenne, une véritable filière numérique est en train d’émerger dans le département.

JEan-franÇois LE GrandSénateur et président du conseil général de la Manche

< les favoris de >

L’équipe. Véritable mine d’informations, le site du quotidien sportif est celui que je consulte le plus régulièrement. Non seulement pour suivre l’actualité sportive mais surtout pour trouver des statistiques sur les matchs ou les équipes, quand je prépare mes émissions. “ www.lequipe.fr

Lettres ouvertes.Précédemment éditeur chez Flammarion et Fayard, Raphaël Sorin me rappelle les polémistes du début du vingtième siècle, comme Léon Bloy. Sur son blog, Lettres ouvertes, j’aime sa façon d’épingler les livres et leurs auteurs, sans langue de bois et avec une malice suffisamment inédite aujourd’hui pour qu’elle mérite d’être soulignée. “ lettres.blogs.liberation.fr/

mon blog sur msn. À l’origine, je l’ai ouvert pour couvrir l’Euro 2008. J’y ai pris goût et j’ai décidé de poursuivre l’expérience. Je publie quasiment tous les jours et aborde les sujets qui m’intéressent. Le football évidemment, notamment les championnats français et européens. Mais j’y fais également part de mes coups de cœur culturels.

“ eugenesaccomano.spaces.live.com/

EuGènE saCComano

jouRnalISte et ÉcRIVaIn, anIMateuR de l’ÉMISSIon « on RefaIt le MatcH », dIffuSÉe cHaQue lundI SuR Rtl et l’ÉQuIPe tV.

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3.1_regards sur le numérique 3.1_regards sur le numérique

Quel impact va avoir la crise sur l’économie numérique ?Il faut distinguer le marché des biens numériques (TV, terminaux mobi-les, équipements de réseaux...) de celui des services numériques. Du fait des reports d’achat et/ou des contractions de la consommation des ménages et des investissements des entreprises, les ventes de biens risquent d’être affectées par la crise économique. Des leaders comme Sony, Nortel, Alcatel, Nokia annon-cent déjà des effets très sensibles de la crise sur leur activité et leurs marchés.En revanche, les activités de ser-vices (abonnements, dépenses de communications, de contenus, SSII…) restent généralement moins sensibles à la conjoncture. Les opé-rateurs de télécommunications, les fournisseurs d’accès à Internet, les câblo-opérateurs ont plutôt confirmé leurs prévisions. Malgré la récession, le nombre d’abonnés à Internet, la fréquence et la durée de connexion, les achats de jeux ou de musique en ligne ne baisseront pas et devraient même continuer de croître.

La crise va-t-elle favoriser l’émergence de nouveaux modèles économiques ?Les entreprises vont devoir rapide-ment faire évoluer leurs modèles éco-nomiques pour s’adapter au nouvel

environnement de récession. Sinon, les plus fragiles d’entre elles souf-friront, voire disparaîtront (faillite ou concentration), tandis que les entreprises solides financièrement, qui auront su se différencier de leurs concurrents grâce à des modèles économiques adaptés au contexte du marché, passeront cette période instable sans trop de difficultés.On observe ainsi que beaucoup d’acteurs du web se lancent dans des modèles à base de cash-back, qui permettent aux consommateurs de bénéficier de remises substan-tielles sur leurs achats. Ce modèle est adapté au contexte de morosité de la consommation et devrait ainsi rencontrer une forte demande. On voit aussi apparaître des modèles de Video on Demand gratuits mais légaux, fondés sur la publicité, qui pourraient connaître un succès en période de crise dès lors que les annonceurs suivent.

L’industrie numérique constitue-t-elle un relais de croissance ?Dans cette période incertaine, les entreprises et les services publics chercheront à réduire leurs coûts et à optimiser leur fonctionnement. Or les outils numériques constituent une aide précieuse, si ce n’est un sup-port indispensable, pour atteindre ces objectifs. Grâce à eux, d’impor-

tantes écono-mies peuvent être réalisées, mais aussi de n o m b r e u x services nou-veaux et uti-les peuvent être développés, cela dans presque tous les domaines de la vie écono-mique et sociale.En matière d’environnement, des logiciels contribuent à maîtriser la consommation énergétique des foyers (contrôle des températures, des heures de lancement des appa-reils, etc.). Dans le domaine de la santé, les nouvelles technologies permettent à des patients ou à des personnes dépendantes de rester à leur domicile et de conserver leur autonomie tout en bénéficiant d’une surveillance médicale renforcée. Le télé-enseignement, en mettant face à un professeur unique de petits groupes d’élèves situés dans des écoles différentes, constitue aussi un moyen d’assurer une offre pluridis-ciplinaire. Ce ne sont que quelques exemples car beaucoup reste à faire et à inventer. Alors même que leurs bénéfices sont réels, ces marchés sont encore balbutiants, au stade de l’expérimentation. La crise va accélérer leur maturation pour en faire de vrais leviers de relance pour l’économie.

3 QUESTIONS À LAURENT BENZONI, PROFESSEUR À L’UNIVERSITÉ PARIS II - PANTHÉON ASSAS, ASSOCIÉ FONDATEUR DE TERA CONSULTANTS

« Les outils numériques sont de vrais leviers de relance »

HALTE AUX sPamsUn taux de réponse d’un sur 12,5 millions suffit pour rentabiliser une campagne de pourriels. C’est le résultat d’une étude menée par une équipe de chercheurs des universités américaines de Berkeley et de San Diego qui a infiltré plusieurs milliers de machines d’un réseau de spams pour en analyser la rentabilité économique. Des mails indésirables qu’ont décidé de combattre Microsoft, Yahoo!, Western Union et l’African Development Bank. À l’occasion du 6e sommet anti-spam, le 28 octobre dernier, les quatre entreprises ont en effet annoncé la formation d’une alliance destinée à sensibiliser les consommateurs aux menaces liées aux escroqueries à la loterie sur Internet, et à aider la justice à identifier les auteurs de ces arnaques.

Contrairement à ce que pensent les adultes, le temps que les adolescents passent sur Internet leur permet de mûrir et d’apprendre. C’est le constat auquel est parvenue l’université américaine de Berkeley, qui a mené l’étude qualitative la plus aboutie à ce jour sur le rapport des jeunes aux nou-veaux médias. Financée par la Fon-dation Mac Arthur, l’étude a mobilisé pendant trois ans 28 chercheurs, qui ont interviewé 800 jeunes et observé pendant plus de 5 000 heures leurs comportements en ligne.

Une socialisation en cercle ferméL’étude lève ainsi nombre de pré-jugés. Si les parents perçoivent les comportements de socialisation en ligne comme potentiellement dan-gereux (risque de mauvaises ren-contres, présence de prédateurs sur Internet…), c’est parce qu’ils mécon-naissent profondément les pratiques de leurs enfants. « Il y a beaucoup

d’angoisse autour de ce que les jeunes font en ligne. Or, la plupart du temps, ils socialisent avec leurs amis ou avec d’autres jeunes qu’ils ont rencontrés à l’école, en vacances ou au sport », explique au New York Times Mizuko Ito, la sociologue qui a dirigé l’étude. Les réseaux sociaux, les forums, les chats et les services de messagerie instantanée sont autant de médias qui, à l’instar du téléphone portable, permettent aux jeunes d’être en permanence reliés à leur cercle de relations. Rarement mis à profit pour faire de nouvelles connaissances, Internet est, dans les faits, davantage utilisé pour faire vivre en ligne des connexions nouées dans la vie réelle.

Une interaction qui favorise l’acquisition des savoirsL’étude révèle également que ces comportements mettent les jeunes en situation d’apprentissage, mais d’une manière radicalement diffé-

rente de celle qu’ils expérimentent en salle de classe. En interagissant avec les autres, ils apprennent les règles élémentaires de sociabilité et la maîtrise de technologies devenues indispensables dans notre société contemporaine. Les nouveaux médias favorisent en outre l’exploration auto-nome et aléatoire, au gré des pérégri-nations sur la Toile. Ils encouragent l’émulation entre pairs et l’acquisi-tion de nouveaux savoirs, l’exper-tise n’étant plus liée à l’âge mais à la capacité à chercher, à s’approprier et à organiser des informations. Autant de nouveaux comportements et mécanismes d’apprentissage que le monde éducatif devra prendre en compte pour susciter l’intérêt de cette nouvelle génération ayant intégré les règles du Web 2.0.

USAGES

Les adolescents apprennent grâce au web

¦77% c’est la part d’Européens qui déclarent ne plus pouvoir vivre sans un accès quotidien à Internet. ¦ Source : advanced Micro devices.

8la VIe nuMÉRIQue

9la VIe nuMÉRIQue

PULITZER 2.0 Pour son édition 2009, le prestigieux prix Pulitzer, qui récompense chaque année les meilleurs travaux journalistiques américains, a décidé d’ouvrir sa compétition aux médias exclusivement présents sur Internet. Une ouverture qui marque la reconnaissance du « rôle du journalisme en ligne » et de sa « remarquable croissance », souligne sur son blog Sig Gissler, l’un des responsables du prix.

L’UE SE MOBILISE Les 27 États membres de l’Union ont décidé de créer une plateforme de lutte contre la cybercriminalité. Objectif : recueillir et centraliser les infractions relevées sur Internet, et plus particulièrement tout ce qui touche à la pédopornographie et aux activités terroristes.

ORDI 2.0Lancé en juin dernier, Ordi 2.0 est un label qui encourage la réparation, la redistribution et le reconditionnement des ordinateurs usagés en valorisant les acteurs de la filière. Objectif : réduire la fracture numérique en mettant à la disposition des populations défavorisées un matériel à très bas prix et garanti en état de fonctionnement. Afin de soutenir le programme, un portail Internet vient d’être ouvert, qui vise à faciliter les liens entre les donateurs (entreprises, organismes et collectivités locales…) et les associations sociales et humanitaires.

“ www.ordi2-0.fr

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3.1_regards sur le numérique3.1_regards sur le numérique 3.1_regards sur le numérique

< flux urbains >

SEMICONDUCtOR_GRANDE-BREtAGNEPour évoquer le temps qui passe, le duo britannique SemiConductor imagine des per-formances et des films qui s’attachent à représenter le monde physique sous forme de flux : villes en mouvement, paysages changeants, etc. Dans Time out of Place, les deux artistes, Ruth Jarman et Joseph Gerhardt, représentent, de manière simultanée, les mouvements et déplacements humains au sein d’un espace fixe, en l’occurrence le quartier de la gare King’s Cross à Londres. Grâce à un travail minutieux sur les ima-ges et à la combinaison d’installations vidéo et d’images de synthèse, les artistes ont marqué l’espace de traces floues, qui suggèrent l’écoulement du temps et dessinent simultanément le passé, le présent et le futur. Time out of Place nous permet de poser un regard neuf sur un paysage du quotidien, de dépasser notre perception habituelle-ment linéaire du temps pour devenir les témoins d’un espace en transition permanente. “ www.semiconductorfilms.com/ ~~~~~~~ _•

à travers le temps~~~~~~~~ _•

Pour ces Panoramiques de nouvelle année, la rédaction a choisi trois variations artistiques sur le thème du temps. Grâce aux technologies numériques, il est désormais possible de proposer une représentation non plus figée mais continue du temps. temps réel, différé ou encore simultané, les artistes se sont saisis de ces opportunités pour faire du temps une composante fondamentale de leurs travaux. darja Gartner, jonathan Harris ou encore le duo Semiconductor combinent les techni-ques pour donner un caractère évolutif à leurs œuvres et les faire vivre, dans le temps, de mille et une façons.

10PanoramiquEs

11PanoRaMIQueS

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< monument vivant >

DARjA GARtNER_FRANCE/SLOVéNIEDans le cadre du post-diplôme Mastère spécialisé Conception en nouveaux médias de l’École nationale supérieure de création industrielle, Darja Gartner, jeune designer slovène, a imaginé un projet artistique de représentation de la vie dans l’architecture. L’idée de My Way repose sur la transposition des trajectoires spatio-temporelles des visiteurs sur la façade d’un bâtiment, par exemple le Centre Pompidou. L’artiste propose de projeter les parcours individuels au sein du monument sur des écrans installés à l’extérieur de celui-ci. Et de faire d’une construction architecturale une interface interactive et réactive qui reflète à l’extérieur l’activité et le dynamisme de ce qui se déroule à l’intérieur. “ www.darjagartner.com ~~~~~~~~~ _•

CENtRE POMPIDOU, 2008_ARChItECtES RENzO PIANO Et RIChARD ROGERS_PhOtO : PhILIPPE MIGEAt-GEORGES MéGUERDItChIAN

PanoRaMIQueS

13PanoRaMIQueSPanoRaMIQueS_À TRAVERS LE TEMPS

12

Page 8: RSLN #5 - La santé du futur

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jONAthAN hARRIS_étAtS-UNIS« Créer un battement de cœur photographique », telle est l’ambition du reportage photographique réalisé par Jonathan Harris, qui a passé une semaine, en mai 2007, auprès d’une famille d’esquimaux Inupiat en Alaska. Pendant son séjour, l’artiste américain a suivi ses hôtes au cours de la chasse à la baleine, mitraillant chaque instant du périple pour rapporter une séquence de 3 214 photographies, prises automatiquement, de jour comme de nuit, à intervalles plus ou moins réguliers selon le rythme de l’action et les montées d’adrénaline du photographe. Pour retranscrire son périple dans les moindres détails, Jonathan Harris a souhaité « expérimenter une nouvelle interface de narration » en développant un site web interactif qui permet au visiteur de naviguer dans trois espaces distincts de représentation des clichés et des temporalités du reportage. Une mosaïque qui souligne l’ampleur du projet. Un portfolio horizontal qui fournit, pour chacune des photographies, des repères chronologiques et géographiques : première nuit chez les Inupiat, départ pour la pêche… Ou encore un électrocardiogramme qui exprime, sous la forme de pics, l’intensité des prises de vue. “ www.thewhalehunt.org ~~~~~~~~~ _•

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< narration interactive >

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< innovations >

diagnostic assisté par ordinateur, traitements à distance, dossier médical en ligne… le numérique est en train de révolutionner le monde de la santé. et laisse entrevoir une médecine davantage fondée sur la prévention, l’implication du patient et les soins « sur mesure ». EnquêtE PiErrE Bro. 

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C’est une canne. Équipée de son traditionnel embout en caoutchouc pour prévenir tout risque de dérapage. Pour le reste, elle n’a pas grand chose à voir avec celle que votre grand-père moulinait en menaçant vos petits mollets. Conçue par une équipe de chercheurs de l’université de Californie, cette Smartcane (« canne intelli-gente ») pourrait très bientôt figurer dans le hit-parade des stars de l’équipement médi-cal de pointe. Truffée de capteurs pilotés par un micro-ordinateur, elle communique via Bluetooth avec un assistant personnel, qui lui-même se connecte grâce à Internet ou au

réseau GSM à un centre de télésanté. Vitesse de déplacement, pression exercée sur sa poignée, variation du mouvement… toutes ces mesures sont analysées en temps réel et comparées à des modèles d’utilisation appropriée de ladite canne. Résultat, on peut corriger une mauvaise mobilité, détecter une tendance à la détérioration de la marche ou même l’imminence d’une chute.

À elle seule, cette canne résume tout ce que les technologies de l’information et de la communication bouleversent dans l’uni-vers de la santé. Elle fait de la prévention en plaçant le patient sous vigilance technolo-

Le polygone de Willis est un cercle artériel situé à la base du cerveau, qui permet d’irriguer le système nerveux de la boîte crânienne (angio IRM. Vue Axiale).©

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Simulation de l’évolution d’une tumeur cérébrale. Les scénarii sont représentés, sur l’image, par des couleurs différentes.

gique, tout en lui permettant de rester autonome. Elle offre au médecin la possibi-lité de suivre son patient à distance, de lui donner des conseils adaptés et d’ajuster son traitement. Elle est facile à utiliser tout en intégrant une technologie révolutionnaire. Elle génère enfin des économies en limitant le nombre d’accidents et les frais de garde à domicile. Cette dernière particularité n’est d’ailleurs pas la moindre de ses vertus. Car la médecine est devenue un enjeu financier colossal : en 2006, les dépenses de santé représentaient 10,9 % du PIB1 en France, une part qui a presque doublé depuis 1970.

Prévention accrue, suivi médical du patient à la fois plus adapté et plus souple, réduction des coûts… les nouvelles techno-logies se présentent donc comme de véri-tables leviers de modernisation et d’amélio-ration du système de soins. Aux antipodes d’une médecine artificielle, elles contribuent à promouvoir une médecine dans laquelle l’irremplaçable colloque singulier entre le patient et son médecin se trouve renforcé ; une médecine où le savoir n’est pas gage de pouvoir mais source d’échanges et de meilleure compréhension de soi. « Nous allons vivre une révolution copernicienne », affirme ainsi Octavian Purcarea, responsable des solutions industrielles pour la santé chez

Microsoft. Selon lui, grâce aux outils numéri-ques, le patient va être amené à jouer un rôle de plus en plus important dans un système où les responsabilités seront redistribuées. La transformation s’annonce d’autant plus spectaculaire que le champ d’intervention des nouvelles technologies est vaste : aide au diagnostic, opérations chirurgicales, suivi des patients, partage des informations, mise en place d’un système de soins intégré, car-net de santé numérique.

deS logicielS pour affiner la lecture deS imageS médicaleS

L’imagerie médicale est ainsi un domaine qui connaît des évolutions sans précé-dent avec l’avènement de la 3D et de la modélisation. « L’un des objectifs majeurs en matière d’imagerie est de sécuriser les diagnostics. Des études ont en effet mon-

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un BiPEr Pour LEs Enfants diaBétiquEs

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Emminens Conecta Plus. derrière ce nom énigmatique se cache un système informatique destiné aux diabétiques, mis en place il y a deux ans par la société espagnole roche diagnostics. Ce logiciel, intégré au téléphone portable, reçoit par infrarouge les données du glycomètre du patient, appareil qui lui permet de contrôler sa glycémie. Le patient les envoie ensuite à son médecin par un simple sms. disponible dans plus de la moitié des hôpitaux espagnols, cette ingénieuse invention existe également

de juin à septembre 2008, le ministère péruvien de la santé a mené une grande opération de télémédecine qui a permis de réaliser près de 4 200 électrocardiogrammes auprès des populations de trois régions pauvres et reculées du pays (régions de huancavelica, d’apurimac et de madre de dios). Le processus était relativement simple : le personnel médical réalisait l’examen auprès des patients et l’envoyait ensuite par fax ou par mail au centre de télémédecine de Lima grâce à une ligne téléphonique gratuite.

dans une version plus simple d’utilisation, destinée aux enfants. il s’agit d’un biper qui intègre un glycomètre et une capsule d’insuline. L’appareil, qui peut être connecté à un ordinateur par un port usB pour envoyer les données au médecin traitant, sonne dès que le taux de sucre de l’enfant dépasse un certain seuil. L’enfant peut alors réagir au plus vite grâce à la dose d’insuline. Le dispositif est actuellement testé auprès d’une cinquantaine d’enfants à Grenade (andalousie). ■

un cardiologue réceptionnait le document, l’analysait et renvoyait son diagnostic en une quinzaine de minutes. Le projet, exceptionnel par son ampleur et les moyens mis à sa disposition, a permis de diagnostiquer de graves défaillances cardiaques chez 914 personnes. Celles-ci ont ensuite pu bénéficier d’une consultation gratuite, par webcam, avec des cardiologues en poste à Lima, afin de mettre en place les traitements appropriés pour éviter l’infarctus. ■

les nouvelles technologies contribuent à promouvoir une médecine dans laquelle l’irremplaçable colloque singulier entre le patient et son médecin se trouve renforcé.

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1. Source : Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees).

tré que, pour certaines pathologies, deux radiologues pouvaient arriver à des conclu-sions sensiblement différentes dans un cas sur quatre », assure Stéphane Chemouny, PDG d’Intrasense, une société montpellié-raine très en pointe dans la conception de logiciels d’analyse d’images. Afin de faire gagner du temps d’analyse au radiologue, cette start-up travaille sur l’amélioration des logiciels d’interprétation. « Avec notre produit destiné aux radiologues et aux chirurgiens hépatiques, les praticiens met-tent aujourd’hui trois minutes, au lieu de quarante-cinq auparavant, pour procéder à l’analyse volumétrique du foie et de ses tumeurs », souligne Stéphane Chemouny.

Nicholas Ayache, l’un des meilleurs spé-cialistes mondiaux de l’imagerie médicale – il est directeur de recherche à l’Institut national de recherche en informatique et

en automatique et lauréat 2008 du prix Microsoft de la Royal Society et de l’Aca-démie des sciences2 pour ses travaux sur le patient virtuel –, confirme cette nécessité de faciliter la lecture et l’analyse des images, qui constituent des sources d’informations primordiales sur le malade. « Les images médicales d’aujourd’hui recèlent une telle quantité d’informations à la fois anatomi-ques et fonctionnelles qu’elles ne peuvent

plus être exploitées sans l’aide d’algorith-mes spécifiques », explique-t-il. On a atteint un tel niveau de précision dans l’image et dans les données que seuls les outils infor-matiques et mathématiques permettent aux médecins d’exploiter les images médicales de manière optimale. La production des ima-ges n’est donc plus une fin en soi mais le début d’un processus d’analyse qui repose sur des logiciels complexes.

modéliSer leS organeS pour mieuX aJuSter leS tHérapieS

Les progrès sont tels qu’il est désormais possible, à partir des images d’un individu, de modéliser les organes et leurs pathologies

Simulation en 3D de l’évolution d’une tumeur cérébrale.

l’imagerie médicale est un domaine qui connaît des évolutions sans précédent avec la modélisation 3d.

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2. Chaque année, le prix Microsoft de la Royal Society et de l’Académie des sciences distingue et récom-pense des scientifiques travaillant en Europe et ayant contribué de façon majeure aux progrès de la science grâce à l’informatique.

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virtualisation

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et de créer un patient virtuel suffisam-ment réaliste pour guider le diagnostic, le choix, la planification et l’application d’une thérapie. On peut représenter de façon plus précise la croissance des tumeurs, et sur-tout, selon Nicholas Ayache, « surveiller et simuler des évolutions en 4D, c’est-à-dire dans l’espace et dans le temps. Cela pour-rait devenir un élément-clef d’appréciation pour déterminer et ajuster les thérapies ». Son équipe est ainsi parvenue à modéliser le muscle cardiaque en mouvement et à représenter ses contractions électriques et la circulation des fluides en s’appuyant à la fois sur des images médicales dynamiques et sur des mesures électriques. Grâce à la confrontation de ces images numériques et

de modèles algorithmiques, on peut simuler l’effet des thérapies a priori. Et, par exemple, espérer à terme optimiser l’implantation et le réglage des stimulateurs cardiaques pour le plus grand bénéfice des patients.

Une start-up parisienne, Mauna Kea, dont Nicholas Ayache est le conseiller scien-tifique, a d’ailleurs intégré ces nouvelles ima-ges dites dynamiques à une microsonde, le Cellvizio. Enfilée sur un endoscope, elle transmet au gastro-entérologue, au cours d’un examen, des images microscopiques en temps réel qui permettent de voir « à tra-vers la muqueuse » et de détecter un tissu douteux. De la microscopie in vivo donc, qui limite considérablement le nombre de biop-sies en affinant le prédiagnostic d’une image

suspecte. Aujourd’hui en attente d’une homologation aux États-Unis, le Cellvizio existe dans une nouvelle version – destinée aux voies respiratoires – tellement précise que les praticiens hésitent encore sur les usages qu’ils en feront…

détecter leS maladieS pluS en amont

Parallèlement aux progrès de l’imagerie, les innovations se multiplient en matière de télésanté, et promettent de bouleverser notre rapport à la médecine. Au-delà de ses aspects les plus spectaculaires – comme l’opération de la vésicule biliaire réalisée en 2001, grâce à un robot, par un chirurgien basé à New-York sur une patiente qui se trouvait à Strasbourg –, la télémédecine constitue surtout le socle d’une médecine de prévention, complémentaire d’une médecine traditionnellement curative. Portée par la généralisation du haut débit et le développement des usages numéri-ques, elle autorise un suivi à distance des

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dEs imaGEs au Bout dEs doiGts

Les technologies du futur s’invitent au bloc. une équipe de chercheurs de l’université Ben Gourion, en israël, a développé un système de reconnaissance gestuelle destiné aux salles d’opération. Baptisé Gestix, il permet aux chirurgiens de manipuler, en cours d’intervention, des images sur un écran pour mieux observer telle ou telle partie de l’anatomie du patient, sans aucun contact avec la machine mais en bougeant simplement les mains. Cette nouvelle interface homme-machine est composée d’une caméra qui reconnaît les mouvements de la main du chirurgien et les associe

à l’une des huit commandes configurées sur la machine (zoomer, dézoomer, arrêter…). Le praticien peut par exemple zoomer sur une image en tournant sa main dans le sens des aiguilles d’une montre. un système astucieux qui facilite le travail du chirurgien et évite les procédures de stérilisation des appareils d’imagerie présents au bloc. testé par une équipe chirurgicale du Washington hospital Center lors d’une intervention neurochirurgicale, Gestix a correctement répondu à 96 % des sollicitations des praticiens. Prochaine étape : associer la commande vocale au dispositif. ■

« les images médicales d’aujourd’hui recèlent une telle quantité d’informations qu’elles ne peuvent plus être exploitées sans l’aide d’algorithmes spécifiques. »Nicholas ayache, directeur de recherche à l’iNria

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Simulations numériques de l’activité électrique du cœur.

patients et, dès lors, peut aider à poser un diagnostic beaucoup plus en amont qu’aujourd’hui. Elle permet également au médecin de porter plus d’attention aux états chroniques des individus et de détecter, à un stade précoce, des pathologies et leurs évolutions. Illustrant ces usages, l’asso-ciation Medetic construit actuellement en Alsace des villages de maisons destinées aux personnes âgées, qui sont entièrement domotisées. Elles sont ainsi équipées de systèmes de télésurveillance médicale fonctionnant notamment grâce à une bat-terie de capteurs sensibles aux passages, aux mouvements, aux lumières…Toutes ces informations sont analysées en temps réel par un système d’intelligence artificielle capable de déceler la moindre anomalie et de déclencher une alerte.

Mais la télémédecine, c’est aussi sur-veiller, à son domicile, le patient porteur d’une maladie chronique ou tout juste sorti de l’hôpital et lui épargner ainsi les nom-

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oPérEr sans ouvrirL’i-snake pourrait très bientôt révolutionner la chirurgie. Ce robot, mis au point début 2008 par une équipe de l’imperial College London (iCL), est composé d’un long tube flexible métallique équipé de petits moteurs, de capteurs, de fibres optiques et d’outils d’imagerie dernier cri. il peut atteindre des endroits du corps humain particulièrement difficiles d’accès et réaliser des opérations mini-invasives – finies les opérations à cœur ouvert. objectif : réduire le temps de convalescence du patient et son séjour à l’hôpital. L’i-snake permettra également d’établir des diagnostics complexes, de repérer précisément certaines tumeurs et de proposer de nouvelles procédures thérapeutiques. 2,1 millions de livres, soit 2,4 millions d’euros, ont été alloués à l’équipe de l’iCL pour développer leur invention au cours des quatre prochaines années. ■

la télémédecine constitue le socle d’une médecine de prévention, complémentaire d’une médecine traditionnellement curative.

Reconstruction en 3D d’un angioscanner, examen radiologique non invasif qui permet la visualisation des vaisseaux sanguins.

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Le dossier médical numérique de Sabine est parfaitement sécurisé. L’accès est ouvert, sous conditions, aux différents intervenants de la santé : médecins sécurité sociale, administration de l’hôpital…

En quittant l’hôpital, Sabine commande, à

une borne dédiée, les médicaments prescrits par

son médecin. Ils seront livrés directement chez elle.

Les images du fond de l’œil de Sabine sont enregis-trées dans son dossier numérique. Elles sont accessibles à tout moment aux médecins qui la suivent.

Dr. Jean Dumoulin

De retour chez elle, Sabine transmet les données enregis-trées pendant sa course à son ordinateur. Elle entre en relation avec son endocrinologue qui commente, avec elle, les résultats et lui donne des conseils pour maximiser sa pratique sportive.

Pour aider au traitement de son diabète, Sabine pratique

régulièrement la course à pied. Ses vêtements de sport mesurent,

en temps réel, différentes constantes (rythme cardiaque, température corporelle,

transpiration…). Les données sont transmises à une montre spécifique, qu’elle peut connecter par Wi-Fi à son ordinateur ou à tout autre support multimédia.

TRAITEMENT

CONSULTATIONEXAMENS

HÔPITAL

ACCÈS DMP

IMAGERIE

PHARMACIE

Sabine Reuther

L'écran prévient Sabine de la prise de son nouveau traitement.

Sur la table interactive, le cercle vert lui indique la prise de médicament.

Examen oculaire de Sabine dans le cadre de son suivi médical.

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un Bras BioniquE PLus vrai quE naturEL’homme bionique n’est plus un personnage de fiction. La darpa, defense advanced research projects agency, agence de recherche dépendant du Pentagone, vient de lancer les derniers tests cliniques de son bras bionique. En rétablissant sa communication intuitive avec le cerveau, ce dernier peut être contrôlé sans avoir à décomposer les mouvements, comme dans

une prothèse classique. développé par le laboratoire de physique appliquée de l’université Johns hopkins à Baltimore, ce bras artificiel est si proche de la réalité qu’il en est confondant. Bien plus perfectionné que tout ce qui peut exister aujourd’hui, il présente des capacités motrices et surtout sensorielles hors du commun. Grâce à l’intégration

de plus de 80 capteurs, il offre une dextérité proche de celle du bras humain et pourra percevoir des sensations comme la température ou la texture. Pour lui donner l’apparence humaine, peau et poils artificiels ont été installés sur la base de photographies de victimes d’amputation. La prothèse devrait être accessible aux patients du civil dans le courant de 2009. ■

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un diPLômE Par satELLitEà 120 kilomètres de mopti, capitale régionale du pays dogon, au mali, l’hôpital rural de dimbal, village de 2 000 habitants situé en pleine brousse, accueille une station de télémédecine, développée par le réseau en afrique francophone pour la télémédecine (raft) en partenariat avec l’hôpital de Genève et le fonds mondial

de solidarité numérique. Grâce au satellite, le seul médecin sur place, le docteur diakaridia traoré, bénéficie d’un soutien pour le télédiagnostic et la téléconsultation, et organise plus facilement les évacuations sanitaires. L’originalité du dispositif repose également sur son volet formation.

Le médecin peut en effet suivre des cours dispensés par l’hôpital universitaire de Bamako ou participer aux conférences médicales hebdomadaires organisées, depuis 2003, par le raft. En 2007, il a même préparé, depuis son dispensaire, un diplôme d’épidémiologie de l’université de Bordeaux. ■

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breuses visites de contrôle hors de chez lui. Les projets de santé à distance s’avèrent particulièrement adaptés pour les affections de longue durée (diabète, hypertension artérielle, sclérose en plaques, maladie d’Alzheimer, de Parkinson…), qui concernent 7 millions d’assurés sociaux en France. Ils facilitent en effet les échanges avec le médecin, autonomisent le patient en lui permettant de mieux comprendre son traitement, de le suivre plus efficacement, et améliorent le suivi de la pathologie. Par-tant de ce constat, la start-up francilienne Voluntis a développé un logiciel destiné

aux diabétiques de type 1 qui ajuste, au quotidien, leur dose d’insuline en fonc-tion de leur alimentation, de leur taux de glycémie et des paramètres définis par le médecin. Il dispense ainsi les patients de laborieux calculs et les met à l’abri d’éven-tuels mauvais dosages. Le médecin traitant peut, par ailleurs, surveiller en permanence leurs décisions et l’évolution de leur patho-logie. « Ce système évite aux deux parties de consacrer une part importante de leurs échanges téléphoniques à la dictée du car-net d’autosurveillance », souligne Pierre Leurent, PDG de Voluntis. Le suivi en temps

réel, en rassurant le malade, améliore en outre la qualité des consultations en cabinet ou à l’hôpital. Un progrès aux conséquences thérapeutiques et économiques considé-rables : « Un diabétique mal traité coûte environ 5 000 euros par an contre 2000 dans le cas contraire, sans compter l’amélioration du confort de vie », précise Pierre Leurent.

deS vêtementS qui contrôlent leS SigneS vitauX

Les innovations en matière de santé à dis-tance ne manquent pas, combinant haute technicité et simplicité d’utilisation. À l’ins-tar du stéthoscope électronique développé dans le cadre du projet STETAU (système et technologies d’enregistrement et de trai-tement des sons auscultatoires) par Alca-tel-Lucent en collaboration avec l’unité de cardiologie du CHRU de Strasbourg. Doté d’une connexion Bluetooth, il transmet vers un ordinateur ou un assistant personnel les sons cardiaques et pulmonaires qu’il capte. Le patient isolé peut communiquer en direct à son médecin les résultats de l’auscultation qu’il aura lui-même prati-quée. Il y a aussi ces vêtements intelligents qui, grâce aux fibres optiques et aux puces souples insérées dans le tissu, surveillent votre cœur, votre respiration. Ou encore ce soutien-gorge, expérimenté par une équipe de chercheurs de l’université de Boston, capable de déceler un changement anormal de température dans les tissus de la poi-trine, signe potentiellement annonciateur du développement d’un cancer.

un Savoir qui Se déplace verS le patient

S’ils soulèvent encore de légitimes inter-rogations – Sur quelle base doivent être rémunérés les actes de télémédecine ? Quelle est leur validité juridique ? Comment sécuriser la transmission des données ? –, ces programmes de médecine à distance séduisent tout à la fois médecins et usagers. Pour Octavian Purcarea, « les technologies de santé, de télésanté notamment, permet-tent au patient, en collaboration avec son médecin, de jouer un rôle plus important et de se responsabiliser. Par exemple, en analy-sant lui-même ses fonctions physiologiques et en adoptant l’hygiène de vie ad hoc ». Une information médicale partagée, plus complète et plus compréhensible, circule et

« les technologies de télésanté permettent au patient de jouer un rôle plus important et de se responsabiliser. »octaviaN Purcarea, resPoNsable saNté chez Microsoft

Modélisation en 3D d’un angiogramme réalisée à partir d’un scanner spécifique, dit spiralé, qui permet la reconstruction des images en volume.

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déplace le centre de gravité du savoir. Grâce à elle, le patient comprend plus facilement les recommandations de son médecin et respecte plus sérieusement le traitement qui lui a été prescrit. Une implication accrue que tout un chacun recherche, comme en témoigne le succès des sites Internet grand public consacrés à la santé, tel Doctissimo.fr, leader français du secteur, qui affiche près de 33 millions de visites mensuelles3.

Dans ce système reposant sur la pré-vention, le dossier médical numérique devrait jouer le rôle de clef de voûte. Car, en réunissant l’ensemble des données rela-tives à un patient (antécédents, allergies, examens subis, symptômes…), il facilite les échanges entre prati-

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LE tExtiLE dEviEnt BiosEnsiBLE

financé par l’union européenne, le projet Biotex (Bio-sensing textile for health management) travaille à la conception de textiles intelligents permettant de suivre à distance l’état de santé des personnes fragiles et des sportifs. Géré par un consortium de huit partenaires issus de quatre pays différents, Biotex cherche à intégrer dans les textiles des capteurs

biochimiques, capables de contrôler les fluides organiques (sueur, sang, urine) de celui qui porte le vêtement tout au long de la journée. dans le cadre de ce projet, l’entreprise italienne smartex a développé un survêtement pour les personnes cardiaques. Baptisé Wealthy (pour Wearable health Care system), il est constitué d’un mélange de fibres classiques

et de matériaux dotés de propriétés électrophysiques, qui permettent d’enregistrer les signaux vitaux comme l’activité cardiaque ou encore la température du corps. un petit boîtier de 150 grammes intégré au vêtement transmet, par GPrs, les données au centre de soins. Et évite ainsi aux patients des déplacements fastidieux et des électrocardiogrammes longs. ■

Image en 3D de la carotide réalisée à partir d’un scanner dit spiralé.

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3. Source : Médiamétrie Cyberestat, octobre 2008.

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Trois questions à… Jacques Lucas

« L’informatisation des données de santé doit avant tout faciliter et améliorer la vie des gens »

quelles sont les conditions à remplir pour que le projet de dossier médical personnel puisse reprendre et aboutir ?L’une des principales raisons de son échec a été la sous-estimation de la place et du rôle du patient dans le dispositif envisagé et l’ap-propriation par les médecins de ce nouvel outil. Cela nous rappelle que l’informatisation ne peut être une fin en soi. Elle doit avant tout faci-liter et améliorer la vie des gens. La recherche de la performance technique est vaine si l’on ne résout pas – et l’on sait que c’est un sujet complexe – la question de la confidentialité des données et de la traçabilité des accès. En

d’autres termes, il est inenvisagea-ble de mettre en place un DMP dans lequel chaque acteur sera peu ou prou libre de faire ce qu’il veut. De ce point de vue, tout n’est pas tran-ché. La possibilité pour le patient de masquer certaines données, s’il le souhaite, nous semble indispensa-ble à l’établissement du cahier des charges. Mais certaines personnes, ultra-vigilantes sur cette question de la confidentialité, songent déjà à donner la possibilité aux patients de dissimuler le fait qu’ils ont masqué des données. Ce n’est pas simple…mais crucial pour la protection des libertés individuelles.

quel rôle particulier peut jouer l’ordre dans ce processus ?Nous sommes convaincus que ce projet ne réussira que s’il est évolutif et décentralisé. Cela ne signifie pas que tout le monde puisse faire ce qu’il veut dans son coin, mais il faut laisser aux différents acteurs – qu’il s’agisse des praticiens, des indus-triels ou de l’administration – la lati-tude d’apporter leur contribution au système, tout en suivant un cahier des charges indicatif. C’est pour-quoi nous plaidons, par exemple, pour la création d’un Conseil natio-nal stratégique de santé qui aurait un rôle consultatif dans les gran-des orientations à définir. L’Ordre s’est déjà attelé à la mise en place d’une messagerie sécurisée entre médecins. J’ai bien conscience que cela ne sera pas facile, car toute la profession n’est pas encore fami-liarisée avec l’informatique. C’est pourquoi nous mènerons d’abord des expériences pilotes dans quel-ques bassins de vie.

Comment développer aujourd’hui les dispositifs de télémédecine ?Il y a beaucoup de confusion sur ce terme qui recouvre des réalités différentes. La télésurveillance d’abord. Dans le cas des patholo-gies chroniques graves, comme la maladie d’Alzheimer, les dispo-sitifs de veille à distance peuvent être tout à fait adaptés. La télé-santé ensuite, qui correspond à la production et à la transmission de données médicales numérisées des patients, afin notamment d’amé-liorer la prévention. Il est indispen-sable, en l’espèce, que des règles très strictes de déontologie et de confidentialité soient respectées, et que le patient conserve le contrôle de ces données. La télémédecine enfin, c’est-à-dire l’exercice à dis-tance d’actes médicaux. Le sujet est vaste et encore en chantier. Deux conditions sont d’ores et déjà indispensables pour qu’elle puisse se développer. D’une part, il faut valoriser les actes de télémédecine sur le plan économique. De l’autre, le cadre législatif dans lequel elle s’exercera devra être suffisamment large pour qu’il ne faille pas attendre la publication d’un décret d’auto-risation pour chaque nouvel acte rendu possible par l’amélioration d’une technologie. Un exercice dif-ficile mais nécessaire. ■

jacques Lucas, vice-président du Conseil national de l’Ordre des médecins, chargé des systèmes d’information en santé.

« ce qui prime, c’est la relation de confiance entre le patient et son médecin qui, lui aussi, sera dépositaire du bon usage du dossier médical personnel. » soPhie vulliet-taverNier, directrice des affaires juridiques de la cNil

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Modélisation en 3D du fonctionnement du ventricule gauche du cœur réalisée à partir d’une échocardiographie (échographie du cœur).

ciens, optimise le diagnostic et donc la recherche du traitement le mieux adapté. Toutefois, il ne peut être vraiment efficace que si le patient peut y accéder et ce faisant devenir acteur de sa propre santé. En France, le Dossier médical personnel (DMP), relancé en juin 2008 par la ministre de la Santé, sera mis en place, dans une première version, courant 2009. Plusieurs questions attendent encore d’être tranchées, comme celle de la confidentialité des données et des droits d’accès au dossier.

Très vigilante sur ce dernier point, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a déjà mis en lumière des insuffisances dans les systèmes d’informa-tion installés dans certains hôpitaux. Pour Sophie Vulliet-Tavernier, la directrice des affaires juridiques de la CNIL, le nouveau DMP devra respecter deux exigences fon-damentales : l’information fournie au patient sur les conditions de fonctionnement du dos-sier devra être complète et transparente ; des solutions pragmatiques devront être recherchées pour préserver ses droits tout en s’accordant avec une utilisation efficace du DMP. « Ce qui prime, c’est la relation de confiance entre le patient et son médecin qui, lui aussi, sera dépositaire du bon usage du DMP », explique Sophie Vulliet-Tavernier.

un eSpace médical numérique pour cHaque uSager

En attendant, les initiatives se sont malgré tout multipliées. Car tout le monde a bien conscience que le « système de soins inté-gré » de demain sera constitué de pièces devant communiquer entre elles, et formera,

au-delà du seul dossier partagé, un espace médical qui regroupera des dossiers décen-tralisés. À l’image du système instauré dans certains établissements, très en avance sur le sujet. Tel l’hôpital Lariboisière, à Paris, qui, en association avec l’établissement voisin Fernand Vidal, a déployé un dossier patient numérisé aujourd’hui pleinement opérationnel. Ce dossier s’enrichit, tout au long du parcours hospitalier du patient,

d’images et de comptes rendus d’analyse ou de consultation, et est consultable par les praticiens sur l’un des 1 800 terminaux de l’établissement. Le projet a été adopté avec moins de difficultés que ne le crai-gnaient ses responsables. « Nous avions évalué à environ 50 % le poids des obsta-cles de nature culturelle qui se dresseraient sur notre chemin. Finalement, ils se sont révélés moins difficiles à surmonter que

É tat S - u n I S

LE JEu vidéo CommE théraPiEGrâce aux travaux d’ingénieurs de l’université rutgers (new Jersey), des patients victimes d’un accident vasculaire cérébral peuvent se rééduquer à l’aide d’une console de jeu. Basé sur la console xbox de microsoft et sur un gant de jeu qui détecte les mouvements des doigts et du poignet, le système propose deux exercices destinés

à faire recouvrer aux malades une dextérité manuelle en leur faisant manipuler virtuellement des images sur l’écran. Le premier encourage la flexibilité des doigts en demandant au patient de nettoyer quatre barres verticales de « pixels sales » pour découvrir l’image qui se cache derrière. Le second est plus axé sur

la rapidité d’exécution, le patient devant éloigner un papillon qui vole dans l’écran. Ce système, s’il manque encore de précision, séduit par son faible coût et la possibilité qu’il offre au patient de poursuivre l’entraînement à domicile, sous le contrôle de son médecin qui pourra suivre ses progrès via internet. ■

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président de la fédération hospitalière de france, avocat spécialisé dans le droit de la santé et ancien ministre de la Santé, claude évin décrypte pour nous les apports des nouvelles technologies au système hospitalier et les freins à lever pour les déployer auprès des différents acteurs.

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« Nous sommes encore dans une phase de créativité »

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les résistances administratives et le manque de moyens attribués au projet », raconte le professeur Azancot, responsable de la mise en place du dossier à l’hôpital Lariboisière. Une réussite qui repose avant tout sur le caractère évolutif du disposi-tif, amendé au fil des retours d’expérience de tous les utilisateurs. Mais aussi sur le choix de technologies accessibles à tous. Résultat, l’hôpital conserve aujourd’hui dans ses serveurs plus de 250 000 dossiers patients et quelques 45 millions d’images. Une expérience et un succès sur lesquels l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris compte capitaliser pour généraliser à tous ses établissements, à l’horizon 2013, son futur Dossier hospitalier patient.

Cet espace médical virtuel est aussi destiné à accueillir les dossiers constitués par les médecins généralistes et spécialistes que le patient consulte en ville. Ou encore son dossier médical personnel en ligne, sur le modèle du « Health Vault » (littéralement « coffre-fort de la santé ») de Microsoft. Cette plateforme sécurisée de services permet aux particuliers de stocker et de gérer en

Scintigraphie de métastase.Une scintigraphie est un examen de médecine nucléaire permettant de faire des images du corps humain par injection dans une veine d’un produit légèrement radioactif.

ligne leurs données médicales, d’accéder à un moteur de recherche spécialisé dans la santé, de vérifier leur calendrier de vac-cinations ou encore de surveiller leur poids. Les enjeux que représente l’usage géné-ralisé des dossiers médicaux numériques sont énormes : chaque année, 8000 décès et 128 000 hospitalisations seraient liés à des interactions médicamenteuses, accidents imputables, dans de nombreux cas, au man-que d’informations sur le profil des patients. Cinq cent millions d’euros pourraient être économisés en réduisant les accidents car-dio-vasculaires grâce à un suivi dynami-que incitant les personnes hypertendues à consulter régulièrement.

Sur ce point comme sur d’autres, la France a amorcé la transformation de son système de santé. Forte d’un vivier de start-up spécialisées très dynamique et d’une recherche prometteuse – elle partage la place de leader européen dans le domaine de l’imagerie médicale avec la Grande-Bre-tagne –, elle dispose en tout cas des atouts pour poursuivre avec succès son évolution vers la médecine de demain. ■

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LE roBot qui a maL aux dEnts

développé en 2007 par la firme japonaise Kokoro Company, simroïd est un robot conçu à l’intention des étudiants en odontologie, qui sent la douleur et l’exprime. Les futurs dentistes peuvent désormais s’entraîner sur cet androïde à la bouche remplie, non pas de caries, mais de nombreux senseurs. simroïd a l’apparence d’une jeune femme qui bouge les mains ou roule des yeux en cas de douleur. Le robot prononce également des phrases comme « ça fait mal », ou fronce les sourcils lorsque le praticien manque sa cible ou touche une zone sensible. Les étudiants visualisent ainsi les réactions de leurs futurs patients, ce qui leur permet de peaufiner leurs compétences techniques. ■

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claude évin en quelqueS dateS

• 1978-2007 : député du Parti socialiste

• 1986 : devient vice-président de l’Assemblée nationale

• 1988-1991 : ministre chargé de la Santé et des Affaires sociales dans le gouvernement Rocard

• 1991 : auteur de la Loi évin, qui interdit l’affichage de publicité pour l’alcool et le tabac

• 2004 : devient président de la Fédération hospitalière de France

• 2007 : avocat, responsable du pôle Droit de la santé et de l’action sociale au cabinet jacques Barthélémy et Associés.

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sur les usages, Health Information Tech-nologies (HIT), qui remporte un vif succès auprès des professionnels, signe de leur intérêt pour ces nouveaux outils.

Le deuxième défi consiste à créer des ponts entre les nouvelles organisations. De plus en plus de services de radiologie dispo-sent aujourd’hui de systèmes de gestion des images numériques (PACS). L’enjeu est de mettre en réseau ces PACS non seulement avec le reste de l’établissement, mais aussi

ne sommes encore qu’au stade de l’expéri-mentation. Pour sortir de ce cadre « artisa-nal », il faut lever deux difficultés majeures. La première, c’est la valorisation de ces expérimentations, pour les faire connaître à l’ensemble de la profession. Paradoxa-lement, quand une nouvelle organisation fonctionne bien, on parle peu d’elle : c’est normal que tout aille bien ! Dans cet esprit, nous avons créé une manifestation annuelle dédiée aux nouvelles technologies et axée

Les nouvelles technologies bouleversent le secteur de la santé et contribuent à moderniser le système sanitaire français. quels leviers constituent-elles pour l’hôpital ?

Dans dix ans, l’hôpital aura considé-rablement changé. Les durées de séjour vont vraisemblablement encore diminuer, le passage par la case hôpital ne sera qu’une étape parmi d’autres dans les soins délivrés aux patients. Les liens entre l’hôpital, le domicile, les structures d’hébergement et les professionnels de santé exerçant en ville sont appelés à se multiplier. Les nouvelles technologies permettront d’établir les flux d’informations nécessaires à une prise en charge de qualité et sécurisée des usagers qui nous font confiance.

Autre élément de réflexion : certaines mesures de prévention, dont on connaît pourtant l’efficacité, ne peuvent être tota-lement appliquées à ceux qui en auraient besoin, par manque de ressources. Toute personne diabétique devrait ainsi subir régulièrement un examen de la rétine pour prévenir la cécité. En raison de la disponi-bilité limitée des ophtalmologistes, ce n’est matériellement pas possible. Une équipe hospitalière a développé une méthode sus-ceptible de pallier ce problème. Des appa-reils, appelés rétinographes, permettent de procéder, facilement et sans posséder une compétence pointue, à une photographie du fond de l’œil. Cette image numérique est ensuite envoyée par les réseaux à un système informatique très sophistiqué qui fait un premier tri entre les images normales et celles qui demandent une expertise pour être interprétées. Seules ces dernières arri-vent sur le bureau de l’ophtalmologiste. Cet exemple, un parmi beaucoup d’autres, illus-tre comment les pratiques de soins peuvent évoluer rapidement grâce aux nouvelles technologies.

Peut-on, d’ores et déjà, mesurer l’impact des outils numériques sur l’organisation et la qualité des soins, sur la prise en charge et le suivi des patients et, plus largement, sur la gestion des établissements ?

Au sein des sites qui les ont intégrées, ces technologies ont apporté de véritables gains en termes de productivité et d’amélio-ration des conditions de travail. Mais nous

avec les autres établissements. On envi-sage des PACS régionaux qui permettront à n’importe quel service d’urgence d’avoir accès à la meilleure expertise radiologique 24 heures sur 24.

La france vous paraît-elle en avance ou, au contraire, en retard dans l’intégration des nouvelles technologies à l’hôpital par rapport aux autres pays ?

Nous faisons régulièrement un bench-marking international, essentiellement avec les pays européens et anglo-saxons. Je n’ai pas le sentiment que notre pays est en retard. Nous avons visité des établis-sements qui sont étonnants dans certains

domaines, mais nous avons aussi constaté les mêmes dif-ficultés à passer de l’étape du prototype à celle de la généra-lisation. Nous sommes encore dans une phase de créativité. Les technologies me semblent arrivées à maturité. Le champ du possible est aujourd’hui tel-lement vaste que nous som-mes tous en train de chercher les solutions les plus pertinentes. Le plan hôpital 2012 constitue une réelle occasion de canaliser les initiatives et d’accélérer la modernisa-tion de notre système de soins.

quels sont les freins à lever en france pour favoriser le développement des nouvelles technologies liées à la santé ?

Si vous souhaitez identifier les freins, je vous renvoie à tous les ouvrages traitant de la résistance au changement. Les obstacles ne me semblent pas spécifiques au secteur de la santé ni à l’introduction des nouvelles technologies.

La principale difficulté réside, de mon point de vue, dans la complexité, issue de notre histoire, des rapports entre les dif-férents acteurs. Le blocage d’un système conventionnel entre l’assurance maladie et les professionnels de santé, la dichotomie du pilotage du système de santé constituent probablement des facteurs d’immobilisme majeur. Toute notre réglementation a été conçue à une époque où ces technologies n’existaient pas, où l’on raisonnait unique-ment en actes et non en terme de prise en charge. C’est ainsi que l’assurance maladie ne sait pas payer un acte dématérialisé. Les solutions viendront probablement des professionnels de terrain, sous réserve qu’ils disposent d’un minimum de marges de manœuvre. Il serait intéressant que la repré-sentation nationale engage des réflexions sur ce sujet.

En juin dernier, la ministre de la santé a relancé le projet de dossier médical personnel (dmP). Pensez-vous que cette nouvelle version facilitera la collaboration entre les différents acteurs de la santé ?

L’enjeu du DMP, pour les patients comme pour les professionnels, c’est que

l’information nécessaire à une prise en charge adaptée soit disponible aisément. Dans cette optique, le carnet de santé de l’enfant a montré tout son intérêt. L’idée de mettre en place un dossier médical optimi-sant le suivi des patients atteints de mala-dies chroniques ne peut que séduire, et c’est pourquoi beaucoup d’établissements se sont portés volontaires pour expérimenter le DMP. La position affichée par la minis-tre nous semble de nature à encourager le développement de cet outil. Le jour où son utilisation sera généralisée, cela signifiera que nous aurons beaucoup évolué, collec-tivement, dans nos façons de travailler.

on parle souvent du passage, grâce aux tiC, d’une médecine curative à une médecine préventive. quel est, selon vous, l’impact de ces outils sur le système de santé ?

Il ne faut pas prêter aux outils des vertus qu’ils n’ont pas. Ils ouvrent de nouveaux possibles. Ils ne nous exonéreront pas pour autant d’une réflexion politique sur l’organi-sation de notre système de santé. Le déve-loppement de la prévention, l’éducation à la santé sont avant tout des choix politiques, dont les effets peuvent être amplifiés grâce aux nouvelles technologies.

Plus globalement, comment imaginez-vous le système de santé français d’ici à quinze ans ?

La combinatoire des progrès techno-logiques, que ce soit dans le domaine de la biologie, de l’électronique, de la génétique, du génie moléculaire, des TIC etc., ouvre un champ infini de possibilités. L’avenir n’est pas écrit, il nous appartient de l’imaginer. C’est le rôle premier de la représentation nationale et des élus de permettre l’émer-gence d’un futur qui soit construit plutôt que subi. ■PROPOS RECUEILLIS PAR MéLANIE DABOUDEt

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« dans dix ans, le passage par la case hôpital ne sera qu’une étape parmi d’autres dans les soins délivrés aux patients. »

« le développement de la prévention, l’éducation à la santé sont avant tout des choix politiques, dont les effets peuvent être amplifiés grâce aux nouvelles technologies. »

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longs métrages, jeux vidéo, sites internet, séries télévisées… : l’animation sous toutes ses formes connaît un succès croissant. grâce à une politique volontariste des collectivités locales, la cité charentaise est devenue un centre incontournable de la création animée. Par notrE EnvoyéE sPécialE à angoulêmE, annE rivièrE. PhotograPhiEs : mat JacoB/tEndancE flouE

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Une fois n’est pas coutume, l’heure est à la relocalisation. Dans la création animée tout du moins. Car si pendant longtemps les entre-prises de ce secteur ont eu tendance à déléguer la partie industrielle de leur activité à l’Inde ou à la Chine, « dès lors que l’on choisit la qualité comme stratégie de différenciation, cela n’a plus de sens de délocaliser », explique Guillaume Hellouin, cofondateur de TeamTo, studio spécia-lisé dans la 3D. « Grâce aux outils numériques, nous pouvons travailler partout dans le monde. Mais disposer d’équipes qui parlent la même langue et sont proches géographiquement nous

permet de faire un bien meilleur travail », ajoute Anthony Combeau, directeur de 2 minutes, un studio d’animation. Il est vrai qu’aujourd’hui les économies réalisées en produisant à l’étranger ne sont plus déterminantes, notamment grâce à certains avantages financiers comme le crédit d’impôt en matière audiovisuelle, qui autorise une société à déduire, sous conditions, 20 % de certaines dépenses de production.

Mais ce qui rend possible ce mouvement, c’est aussi la politique volontariste de certaines régions. C’est ainsi qu’Angoulême est devenue, en dix ans, à travers son pôle image, l’un des

principaux centres français de création ani-mée. Connue pour son festival international de la bande dessinée, la ville a souhaité étendre ses activités à une communauté plus large de professionnels de l’image, et a engagé une opé-ration de développement territorial centré sur l’image, Magelis. Pour cela, un syndicat mixte du pôle image (SMPI) a été créé en 1997 par le conseil général de la Charente, la ville et la chambre de commerce et d’industrie, rejoints il y a trois ans par la région et la communauté d’agglomération du Grand Angoulême. « Nous sommes allés chercher les entreprises

32Grand anGLE

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maGELis Inaugurée à l’été 2008, une nouvelle passerelle relie les différents acteurs implantés au cœur de Magelis,

qui accueille, depuis 1997 à Angoulême, auteurs, entreprises, studios de création et établissements de formation. Un ensemble d’activités qui fait de Magelis le second pôle de production d’images animées en France.

ouat EntErtainmEntLongs ou courts métrages, DVD interactifs, jeux vidéo sur console,

PC ou téléphone portable… : la création animée a des débouchés multiples. 80 entreprises d’animation, dont 20 studios de création, sont ainsi implantées à Magelis. Comme Ouat Entertainment, créée en 1999, qui est spécialisée dans la conception et la production de divertissements interactifs pour enfants.

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qui travaillent dans la création d’images pour les faire venir », raconte Frédéric Cros, directeur du SMPI. Le département et la région ont aussi mis en place avec le Centre national de la cinématographie (CNC) un dispositif d’aide à la création et à la production, qui vient complé-ter les aides européennes et nationales.

Grâce à cette série d’initiatives, Moon-scoop, 2d3D Animations, 2 minutes, Blue Spirit Studio, XD Productions ou encore Alphanim font partie de la cinquantaine d’entreprises présentes au sein du pôle image. Fabrication de films d’animation, conception de jeux vidéo ou de films en relief, travail du son : toutes ces activités ont d’ores et déjà abouti à la création de plus de 900 emplois. Et pour trouver la main-d’œuvre qualifiée, les entreprises peuvent se

tourner vers l’une des huit filières de formation qui préparent aux métiers de l’image au sein même de Magelis.

une création en ébullition

Kirikou, Les Triplettes de Belleville, Astérix et les Vikings, T’choupi : c’est dans les studios angou-moisins que ces créations ont vu le jour. C’est là aussi que s’expérimentent les outils numé-riques qui font évoluer le monde de la création animée. En effet, en quelques années, les inno-vations techniques ont contribué à l’essor de propositions artistiques inédites, notamment dans le dessin des personnages, plus expressifs, plus sophistiqués. Parmi les nouveaux savoir-faire des créateurs figure aussi l’amélioration du rendu des poils des animaux ou de celui des

fluides – très utile, par exemple, pour dessiner des vagues dans une série d’animation sur le surf. « Avec les nouveaux outils dont on dispose, on peut obtenir une lumière plus douce et natu-relle. L’algorithme existait depuis longtemps, mais il a été intégré de façon efficace dans les logiciels il y a seulement deux ans », explique Guillaume Hellouin. Par ailleurs, « la 3D ouvre de nouvelles possibilités. Grâce à elle, on peut animer n’importe quel style graphique. Et puis il est devenu plus facile d’animer des foules, alors que, traditionnellement, une scène de péplum était constituée d’une image fixe à laquelle on ajoutait deux ou trois personnages en mouve-ment », poursuit-il.

En outre, un certain nombre d’étapes de fabri-cation peuvent maintenant être automatisées, ce qui libère un temps supplémentaire précieux pour la partie créative. La société 2 minutes a ainsi conçu GASP, un système global d’animation 2D numérique qui, en couvrant toute la chaîne de réalisation, permet de créer, de manière automa-tisée, des intervalles animés entre les plans et de

« notre métier est avant tout créatif et, plus que sur la technologie, c’est sur cet aspect que nous devons être inventifs. » frédérique douMic, PdG de ouat eNtertaiNMeNt

récupérer tout ou partie des plans animés déjà créés sans avoir à les redessiner.

En choisissant de développer ses propres outils, 2 minutes a aussi trouvé un moyen de se différencier. « Nous avons créé les personna-ges de la série d’animation Flatmania à partir de morceaux de photos. Si bien qu’ils ont un aspect que seule notre technologie permet d’obtenir. » Comme 2 minutes, la plupart des entreprises s’efforcent de consacrer un dépar-tement à la recherche et au développement. « Il y a des centaines de pistes d’innovation. Chaque mois, de nouveaux outils apparais-sent. C’est ce qui a favorisé l’envol du secteur au début. Mais désormais, ce qui va faire la différence d’une entreprise à l’autre, c’est la capacité à se spécialiser. Notre métier est avant

tout créatif et, plus que sur la technologie, c’est sur cet aspect que nous devons être inventifs », nuance toutefois Frédérique Doumic, PDG de Ouat Entertainment, une société concevant des divertissements interactifs.

diX innovationS pour l’animation

L’innovation était d’ailleurs au cœur du Forum international des technologies de l’animation (FITA), dont la dixième édition s’est déroulée en décembre dernier. À cette occasion, ont été présentées les « 10 innovations technolo-giques susceptibles d’influencer les années à venir ». Au menu : des outils pour améliorer l’animation faciale et l’expression des person-nages, ou encore pour enrichir les animations

en relief. Antefilms Studio a ainsi projeté un court métrage en 3D réalisé avec la technologie autostéréoscopique, qui permet au spectateur de voir en relief sans avoir à porter des lunettes spéciales, grâce à un filtre apposé sur l’écran.Le FITA a aussi été l’occasion de réfléchir aux débouchés plurimédias de l’animation : les jeux vidéo, les séries télévisées, le cinéma sont autant de supports sur lesquels les créateurs de l’animation peuvent envisager de décliner leurs sujets, avec la perspective d’élargir leur public. Car, malgré des modèles économiques et des montages financiers propres à chaque média, les barrières entre les activités tendent à disparaître. Ces pratiques encore balbutian-tes « progressent lentement, mais sûrement », assure, confiant, Frédéric Cros. ■

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2 minutEsYakari, Banja, Atomic Betty ou encore L’Âne Trotro… ces programmes animés ont été créés

par les équipes de 2 minutes et ont fait la réputation de ce studio numérique. Fondé en 2000 par jean-Michel Spiner, il dispose aujourd’hui de centres de production à Angoulême, au Québec et en Chine. Grâce aux efforts déployés dans la R&D, 2 minutes a conçu ses propres logiciels de création, complémentaires du travail au crayon « à l’ancienne ».

antEfiLms studioSpécialisé dans la 3D, Antefilms Studio réalise des films en relief qui peuvent être regardés sans avoir à porter des lunettes spéciales. L’entreprise développe des outils pour améliorer l’apparence de ses personnages 3D, en recherchant, par exemple, un rendu plus réaliste de la fourrure des animaux.

formationL’école des métiers du cinéma d’animation figure parmi les écoles françaises de référence dans le domaine. Son cursus

de formation, étalé sur trois ans, propose une spécialisation en 2D et en 3D. L’EMCA constitue l’une des huit filières de formation aux métiers de l’image (arts graphiques, arts numériques, cinéma d’animation, 3D, jeux vidéo...) présentes dans le pôle Magelis.

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36rEndEz-vous

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Une exception réjouissante dans le triste paysage cultu-rel français. » C’est en ces termes que Régis Debray avait commenté, en 2006, la nomination de Bernard Stiegler au Centre Georges-Pompidou. « D’un côté, vous avez toute une tradition humaniste, bavarde, moraleuse et technophobe. De l’autre, vous avez des technolâtres un peu délirants, des futuristes compétents en termes techniques, mais qui n’ont pas de culture classique ni de profondeur de champ. Bernard, lui, a les deux », pour-suivait-il. Cet « homme de culture qui peut parler des nouvelles technologies » nous a donné rendez-vous dans son bureau de l’Institut de recherche et d’innovation (IRI), un immeuble situé en face du Centre Pompidou. On s’attendait à un lieu plutôt froid et on découvre, sous les toits, un espace chaleureux : l’« Atelier », la section de l’IRI réservée à la recherche et au développement. Dans un coin, une petite cuisine, de l’autre côté, quel-ques personnes devant leurs ordinateurs. Le bureau de Bernard Stiegler est, lui, perché sur une mezzanine. Au pied d’une table, on remarque deux haltères. « J’ai toujours fait beaucoup de sport, de la course surtout », explique notre homme, grand, mince, plein d’élégance. Il ajoute : « Un chirurgien qui m’a opéré, enfant, m’avait pourtant dit que je ne pourrais plus courir. »

Derrière les mots, on devine le travail, la volonté et l’acharnement. Cette ténacité se retrouve dans son parcours d’autodidacte. En 1968, il est mis à la porte de son lycée. Quelque quinze ans plus tard, il est l’un des disciples de Jacques Derrida. À 35 ans, il organise, au Centre Pompidou, « Mémoires du futur », une exposition qui restera dans les annales pour son caractère vision-naire. On est alors en 1987, Internet n’est pas encore né, mais Bernard Stiegler affirme qu’au xxie siècle les gens seront assistés par des machines dans leurs activités intellectuelles et que tout se passera sur des réseaux. « À l’époque, on ne comprenait pas pourquoi un philosophe s’intéressait à ces nouvelles technologies », se souvient-il. Or s’il s’y est intéressé, c’est précisément en raison

« de son amour pour la philosophie. Son premier travail universitaire portait sur le rapport entre la mémoire et la technique chez Platon. Il a ensuite élaboré sa propre théorie, « une organologie générale », qui repense l’or-ganisation de la société autour de trois composantes : les organes naturels (le cerveau, la main, le foie…), les organes artificiels (l’écriture, les ordinateurs, les outils…) et les organes sociaux (la famille, l’État, les entrepri-ses…). Le numérique, poursuit-il, est désormais l’un des « milieux techniques » par lesquels se façonne la pensée. Il est ce que l’écriture était pour Platon, un pharmakon, une substance à la fois remède et poison, qui peut pro-duire du bien, mais aussi du mal. Il faut donc repenser intégralement l’activité de la connaissance en fonction du développement du numérique et veiller à ce qu’il soit avant tout source de bénéfices pour notre société.

Revaloriser l’espritDans le discours de Bernard Stiegler, le mot « combat » revient sans cesse. D’ailleurs, pour lui, « tout est une bagarre ». Et sous ses airs de quinquagénaire calme, « maniaque », discipliné comme un métronome, on devine un esprit chauffé à blanc, une âme révolution-naire. Celle qui l’a conduit à « passer à l’acte »1 et à rester cinq ans derrière les barreaux. À 26 ans, il tient un club de jazz à Toulouse. Un jour, il braque sa banque, qui vient de lui refuser un découvert. « Cet accident » a donné un sens à sa vie puisque c’est en prison qu’il découvre la philosophie. Encarté un temps dans des mouvements d’extrême gauche, il s’insurge contre « la pauvreté de ces doctrines ». De marxiste, il devient « marxien » et, aujourd’hui, il veut sauver le capitalisme de lui-même. Il explique que le capitalisme a, par le biais des médias, capté l’attention de l’homme pour le transformer en mouton qui pense selon les diktats du marketing. Le cerveau est devenu une valeur marchande.

Pour réfléchir aux moyens de redonner sa véritable valeur à l’esprit, Bernard Stiegler fonde en 2005, avec

L’artisan PhiLosoPhE

bernard Stiegler, 57 ans, philosophe, directeur de l’Institut de recherche et d’innovation du Centre Georges-Pompidou, où il pense et crée les outils numériques qui permettront à l’homme de s’affranchir d’une société purement consumériste. < portrait >~~~~~~~~~~~~~~~~ _•

d’autres intellectuels, l’association Ars industrialis. Dès les premières séances publiques, il est question du rôle central des nouvelles technologies qui, avec le Web 2.0 et surtout le Web 3.0, permettent aux internautes d’échanger entre eux, de s’approprier les outils numéri-ques, d’être plus actifs. Pour Stiegler et ses compagnons, les outils numériques constituent un formidable moyen de passer d’une société industrielle consumériste à une société et à une économie participatives, car « ils aug-mentent l’intelligence individuelle et collective ».

L’appareillage de l’amateurC’est parce qu’il croit dans cette transition que Bernard Stiegler participe activement, depuis plus de quinze ans, à la création d’outils techniques au service de l’amateur. À la Bibliothèque nationale de France, il conçoit, avec Alain Giffard, un poste de lecture assistée par ordinateur. Chargé de l’innovation à l’Institut national de l’audiovi-suel, il travaille sur l’analyse automatisée de l’image. Au sein de l’Institut de recherche et coordination acousti-que/musique, il lance le projet Semantic Hifi, un système grâce auquel l’auditeur peut analyser et critiquer la musique. Aujourd’hui, à l’IRI, en partenariat avec le Cen-tre de culture contemporaine de Barcelone (CCCB) et Microsoft France, il œuvre au développement du logiciel Lignes de temps, qui permet de partager les films, de les indexer, de les décrypter et même d’en réaliser2 de nouveaux. Bernard Stiegler est en effet convaincu que

la technologie de la contribution se développera d’abord dans le domaine culturel : « À l’instar de ce qui se passe avec la musique, les gens ne veulent plus simplement consommer du cinéma, ils veulent échanger les films, les taguer3, les valoriser, se les approprier. »

Lorsqu’on s’étonne de son dynamisme – il ensei-gne également dans plusieurs universités et ne cesse d’écrire – et du fait qu’il semble aussi à l’aise dans la philosophie classique que dans la nanotechnologie, Bernard Stiegler sourit et explique : « Cela peut en effet sembler étrange de voir un philosophe dans mon genre fabriquer des logiciels. Mais, autrefois, les philosophes étaient tous des mathématiciens, des physiciens et des ingénieurs. » Pascal, en collaboration avec Fermat, a éla-boré la théorie de la probabilité, et Leibniz a développé les concepts qui furent à l’origine de l’informatique. Le rôle de Bernard Stiegler, en tant que philosophe, c’est de mener, avec d’autres, la « révolution » qui permettra de passer d’une société de consommateurs passifs à une société d’amateurs actifs. Ou, plus simplement, de lutter contre « le règne de la bêtise ». ■ CAROLINE MARCELIN

1. Titre du livre, paru en 2003, dans lequel Bernard Stiegler relate son expérience de la prison. 2. Pour comprendre les enjeux du travail réalisé à l’IRI, lire Le design de nos existences à l’époque de l’innovation ascendante, sous la direction de Bernard Stiegler, Ed. Mille et une nuits, 2007. 3. Action qui consiste à marquer un article, c’est-à-dire à le caractériser et à en faciliter l’accès aux autres internautes.

en quelqueS dateS

• 1952 : naissance dans l’Essonne

• 1978-1983 : est incarcéré pour vol à main armée et découvre la philosophie

• 1988 : commence à enseigner à l’université de technologie de Compiègne

• 1992 : soutient sa thèse, dirigée par jacques Derrida, sur « La technique et le temps »

• 1993 : fonde le laboratoire Connaissances, organisations et systèmes techniques à l’université de Compiègne

• 1996-1999 : directeur général adjoint de l’Institut national de l’audiovisuel (INA)

• 2002 : directeur général de l’Institut de recherche et de coordination acoustique/musique (Ircam)

• 2005 : crée l’association Ars Industrialis, l’Association internationale pour une politique industrielle des technologies de l’esprit

• 2006 : dirige le département Développement culturel au Centre Georges-Pompidou, y crée l’IRI, l’Institut de recherche et d’innovation

• 2008 : parution de ses deux derniers livres : Prendre soin - De la jeunesse et des générations, Flammarion, tome 1

Économie de l’hypermatériel et psychopouvoir (Entretiens avec Philippe Petit et Vincent Bontems), Mille et une nuits.

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3.1_regards sur le numérique 3.1_regards sur le numérique

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� ÉQUIPÉS D'UN ORDINATEUR

PART DES FOYERS FRANÇAIS

� DISPOSANT D'UN APPAREIL PHOTO NUMÉRIQUE

� DISPOSANT D'UN ACCÈS INTERNET

� DISPOSANT D'UNE CONNEXION INTERNET HAUT DÉBIT

� DISPOSANT D'UN LECTEUR MP3/MP4 PORTABLE

� UTILISANT LA TECHNOLOGIE DE VOIX SUR IP

� DISPOSANT D'UNE CONSOLE DE JEUX VIDÉO DE SALON

3e trimestre 2007 3e trimestre 2008

Source : La Référence des Équipements Multimédia, GfK-Médiamétrie, 3e trimestre 2008

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Hommes femmes 11-15 ans 16-24 ans 25-34 ans 35-49 ans 50-64 ans 65 ans et plus CSP+ CSP- Retraités Étudiants

Profil des internautes* français

La pénétration d'Internet par profil

3e trimestre 2006 3e trimestre 2007

PAR SEXE PAR ÂGEPAR CATÉGORIE SOCIO-PROFESSIONNELLE

Source : Observatoire des usages de l'internet, Médiamétrie, septembre 2007

*On considère comme «internaute» toute personne de plus de 11 ans s'étant connectée au moins une fois au cours du dernier mois.

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CSP+ CSP-11-15 ans 16-24 ans 25-34 ans 35-49 ans 50-64 ans 65 ans et plus

Profil des internautes* français

Hommes femmes

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PAR CATÉGORIES SOCIAUX-PROFESSIONNELLES

3e trimestre 2006 3e trimestre 2007 Source : Observatoire des usages de l'internet, Médiamétrie, septembre 2007

*On considère comme «internaute» toute personne de plus de 11 ans s'étant connectée au moins une fois au cours du dernier mois.

CSP+ CSP-11-15 ans 16-24 ans 25-34 ans 35-49 ans 50-64 ans 65 ans et plusHommes Femmes

3e trimestre 2007 3e trimestre 2008

Source : L'Observatoire des Usages Internet, Médiamétrie, 3e trimestre 2008

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au troisième trimestre 2008, 61 % des français sont des internautes*.

L’équipement numérique des foyers français

L’accès des Français à Internet se poursuit à un rythme soutenu : 55 % des foyers sont désormais connectés. Le haut débit continue également de gagner du terrain et concerne 53 % des foyers (+ 24 % en un an). Le succès des « box DSL » ne se dément pas, près de 11 millions de foyers français en possédant une (+ 36 % en un an). 85 % d’entre eux utilisent d’ailleurs la téléphonie sur IP, qui progresse de 42 % par rapport à l’année dernière.

16,4 millions de foyers français sont équipés d’un ordinateur, soit 63 % des foyers.

* on considère comme « internaute » toute personne de plus de 11 ans s’étant connectée au moins une fois au cours du dernier mois.

jeux VIdÉo

un GuidE Pour rassurEr LEs ParEnts

Serge tisseron, Isabelle Gravillon, Qui a peur des jeux vidéo ?, Albin Michel, 176 pages, 13,90 €

RéPUBLIQUE nUMéRIQUEéric Besson, secrétaire d’état en charge du développement de l’économie numérique, propose ici un plaidoyer enthousiaste pour le développement d’une société numérique française. L’auteur se penche sur les implications économiques, sociétales et politiques de la révolution numérique, qu’il juge sans

précédent depuis l’invention de l’imprimerie par Gutenberg. Parce qu’elles mettent la connaissance à la disposition de tous et permettent à chacun de s’exprimer de manière égale, les nouvelles technologies représentent un vecteur d’émancipation personnelle et collective. Elles autorisent ainsi de nouvelles formes d’engagement et de participation civique, et créent un espace de grande liberté propice à l’expression des plus faibles. Pour éric Besson, il s’agit d’une vague qui va submerger toute notre société et œuvrer pour l’amélioration des conditions de vie de chacun. Internet constitue en outre à ses yeux une formidable opportunité pour la sphère politique et pourra devenir l’instrument du dialogue entre le peuple et le pouvoir, ferment d’une e-démocratie à la fois libérale et solidaire.éric Besson, La République numérique, Grasset, 91 pages, 9 €

COnVERSATIOn 2.0Animateur depuis cinq ans du blog littéraire La République des livres, Pierre Assouline raconte, dans cet ouvrage, son expérience singulière de journaliste en ligne et livre des extraits des plus de 150 000 commentaires publiés sur son site. Précédés d’une préface dans laquelle l’auteur analyse ce nouvel art de la conversation,

les 600 billets publiés sont classés par thèmes, sous la forme d’un abécédaire, et se picorent en fonction des goûts de chacun (Céline, Faulkner, Maupassant, Sempé…). Ces commentaires, qui alternent critiques littéraires, traits d’humour, mots d’esprit, querelles de spécialistes, voire réponses des écrivains eux-mêmes, sont rédigés par des enseignants, des éditeurs ou de simples amoureux des livres. Et nous ouvrent les portes du salon littéraire en ligne le plus fréquenté de France. Pierre Assouline, Brèves de blog : Le nouvel âge de la conversation, Les Arènes, 426 pages, 21 €

P sychiatre et psychanalyste qui s’interroge sur notre rapport aux nouvelles technologies, Serge

Tisseron signe, avec Isabelle Gravillon, journaliste, un ouvrage destiné à rassurer les parents sur les jeux vidéo. Les auteurs décryptent cet univers souvent inconnu des adultes, et encouragent les parents à s’y intéresser et à accompagner les pra-tiques de leurs enfants. Prenant le contre-pied d’un discours médiatique souvent diabolisant, l’ouvrage lève nombre de préjugés sur le jeu vidéo et montre qu’il constitue à la fois un refuge rassurant pour les enfants, qui y retrouvent les personnages qu’ils affectionnent, et un formidable terrain de découverte, dans lequel chaque progrès est immédiatement récompensé (par le passage au niveau supérieur, l’acquisi-

tion d’une nouvelle compétence par le héros…). Dans notre société de l’informa-tion, les jeux vidéo favorisent également l’acquisition de compétences précieuses comme l’apprentissage par tâtonnement, l’agilité intellectuelle ou encore la prise de risque calculée.Sans minimiser la violence de certains jeux, les auteurs soulignent qu’il revient aux parents d’encadrer leurs enfants, et, pour les aider à le faire, établissent une typologie des jeux. Ils proposent aussi nombre d’astuces – régir les horaires, passer un contrat moral avec son enfant, jouer avec lui, encourager le dialogue autour des pratiques… Et rassurent les parents dont l’adolescent serait en situa-tion de « surconsommation » en rappelant que 99 % des gros joueurs âgés de 14 ans arrêtent spontanément à 18 ans.

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< en bref >

L’aCtuaLité dE La soCiété

numériquE

< grand angle >

angoulême booste

la création animée

< panoramiques >

architecture, multimédia, design graphique…tour du monde de la création numérique

et aussi…