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dossier adsp actualité et dossier en santé publique n° 24 – septembre 1998 12 Réseaux de santé et filières de soins Le patient au centre des préoccupations Elle correspond à une nouvelle démarche qui tente d’opérer une rupture dans notre modèle traditionnel de gestion des structures d’offre de soins. La fixation de normes (carte sanitaire, numerus clausus, taux directeurs d’évolution), la détermination a priori d’enveloppes financières ont caractérisé de manière fondamentale la régulation de nos activités sanitaires. Les nouvelles orientations initiées par les ordonnan- ces de 1996 tentent de développer un schéma centré sur la demande. Elles permettent ainsi d’intégrer, dans les processus de gestion et de décisions, une référence aux produits des activités sanitaires et d’apprécier leur adéquation aux besoins. L’institution des conférences nationale et régionales de santé répond à ces orientations. Les réseaux de soins s’insèrent également dans cette démarche fondée sur la prise en compte de la pathologie, en proposant une coordination des diverses activités de soins. Ils doivent assumer ainsi un rôle de réconciliateur de l’offre et de la demande. Le caractère récent de cette institution, la multiplicité des origines, implique d’introduire un débat qui puisse rendre compte des différentes conceptions développées. Gestion centrée sur les patients ? Que peut signifier cet objectif dans le cadre de nos structures ? Sommes-nous conscients de ses implications institutionnelles ? Dans quelle mesure pouvons-nous concevoir une autre gestion que celle traditionnelle des professionnels et des établissements ? L’historique des réseaux > p. 13 met fort justement l’accent sur nos difficultés à passer d’un système basé sur la prise en charge des pathologies et des grands problèmes de santé publique à une concep- tion de prise en charge globale. Bien avant les ordonnances de 1996 des réseaux existent, leur institutionnalisation nécessite une insertion dans un ensemble cohérent sur des bases organisationnelles et juridiques. Il faut que soient facilitées les relations entre les professionnels initiateurs de réseaux et les gestionnaires institutionnels > p. 21. Au plan structurel se pose le problème de cohérence qui émerge des évolutions spécifiques des différentes activités, libérales, hospitalières et des difficultés d’insertion de la santé publique dans une perspective globale > p. 15. L’instauration de réseaux doit se traduire par une recomposition de l’offre de soins et l’hôpital doit s’orienter dans une problématique d’ouverture. Il est indispensable à ce propos de développer des instruments de coopération et de mise en réseau > p. 26. Par ailleurs, la coexistence de ces deux mécanismes de réseaux (réseaux de soins du Code de la santé publique et réseaux de soins expérimentaux du Code de la sécurité sociale) appelle un rapprochement de leurs références juridiques et de leurs modes de fonctionnement > p. 18. Enfin se pose la question de l’institutionnalisation des réseaux. Reste-t-on dans l’optique de gestion institutionnelle ou de gestion du risque du patient > p. 38 ? Les expériences étrangères incitent à une réflexion sur l’impact des instruments et des référen- ces utilisées. Ces expériences, initiées à partir d’une recherche d’optimisation des services, ont souvent occulté, négligé, le risque collectif et la logique des besoins > p. 41. Il semble indispensable, afin d’éviter la « dérive économique » qui caractérise certains modèles, de prendre conscience que les services sanitaires offerts répondent à une problématique de santé publique fondée sur des impératifs d’efficacité et d’équité. Ceci signifie que la gestion du risque individuel ne peut être séparée de la gestion du risque collectif. Cet impératif est à associer aux préoccupations d’ordre éthique et de rationalisation des rapports entre acteurs évoquées par les tribunes. Marc Duriez Coordonné par Juan Manuel Viñas Médecin inspecteur de santé publique, chargé de mission à la direction de la Sécurité sociale Pierre Larcher Médecin, direction générale de la Santé Marc Duriez Chargé de mission au Haut Comité de la santé publique L’ institution de réseaux de soins constitue une étape importante dans la recherche d’une rationalisation du système de santé français.

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ier Réseaux de santé et filières de soins

adsp actualité et dossier en santé publique n° 24 – septembre 199812

Réseaux de santéet filières de soinsLe patient au centre des préoccupations

Elle correspond à une nouvelle démarche qui tented’opérer une rupture dans notre modèle traditionnelde gestion des structures d’offre de soins. La fixationde normes (carte sanitaire, numerus clausus, tauxdirecteurs d’évolution), la détermination a priorid’enveloppes financières ont caractériséde manière fondamentale la régulation de nosactivités sanitaires.Les nouvelles orientations initiées par les ordonnan-ces de 1996 tentent de développer un schéma centrésur la demande. Elles permettent ainsi d’intégrer,dans les processus de gestion et de décisions, uneréférence aux produits des activités sanitaires etd’apprécier leur adéquation aux besoins. L’institutiondes conférences nationale et régionales de santérépond à ces orientations. Les réseaux de soinss’insèrent également dans cette démarche fondée surla prise en compte de la pathologie, en proposantune coordination des diverses activités de soins. Ilsdoivent assumer ainsi un rôle de réconciliateur del’offre et de la demande.Le caractère récent de cette institution, la multiplicitédes origines, implique d’introduire un débat quipuisse rendre compte des différentes conceptionsdéveloppées.Gestion centrée sur les patients ? Que peut signifiercet objectif dans le cadre de nos structures ?Sommes-nous conscients de ses implicationsinstitutionnelles ? Dans quelle mesure pouvons-nousconcevoir une autre gestion que celle traditionnelledes professionnels et des établissements ?L’historique des réseaux > p. 13 met fort justementl’accent sur nos difficultés à passer d’un systèmebasé sur la prise en charge des pathologies et desgrands problèmes de santé publique à une concep-tion de prise en charge globale. Bien avant lesordonnances de 1996 des réseaux existent, leur

institutionnalisation nécessite une insertion dans unensemble cohérent sur des bases organisationnelleset juridiques. Il faut que soient facilitées les relationsentre les professionnels initiateurs de réseaux et lesgestionnaires institutionnels > p. 21.Au plan structurel se pose le problème de cohérencequi émerge des évolutions spécifiques des différentesactivités, libérales, hospitalières et des difficultésd’insertion de la santé publique dans une perspectiveglobale > p. 15. L’instauration de réseaux doit setraduire par une recomposition de l’offre de soins etl’hôpital doit s’orienter dans une problématiqued’ouverture. Il est indispensable à ce propos dedévelopper des instruments de coopération et demise en réseau > p. 26.Par ailleurs, la coexistence de ces deux mécanismesde réseaux (réseaux de soins du Code de la santépublique et réseaux de soins expérimentaux du Codede la sécurité sociale) appelle un rapprochement deleurs références juridiques et de leurs modes defonctionnement > p. 18.Enfin se pose la question de l’institutionnalisationdes réseaux. Reste-t-on dans l’optique de gestioninstitutionnelle ou de gestion du risque du patient> p. 38 ? Les expériences étrangères incitent à uneréflexion sur l’impact des instruments et des référen-ces utilisées. Ces expériences, initiées à partir d’unerecherche d’optimisation des services, ont souventocculté, négligé, le risque collectif et la logique desbesoins > p. 41. Il semble indispensable, afin d’éviterla « dérive économique » qui caractérise certainsmodèles, de prendre conscience que les servicessanitaires offerts répondent à une problématique desanté publique fondée sur des impératifs d’efficacitéet d’équité. Ceci signifie que la gestion du risqueindividuel ne peut être séparée de la gestion durisque collectif. Cet impératif est à associer auxpréoccupations d’ordre éthique et de rationalisationdes rapports entre acteurs évoquées par lestribunes. Marc Duriez

Coordonné parJuan Manuel ViñasMédecin inspecteurde santé publique,chargé de mission àla direction de laSécurité socialePierre LarcherMédecin, directiongénérale de la SantéMarc DuriezChargé de missionau Haut Comitéde la santé publique

L’ institution de réseaux de soins constitue uneétape importante dans la recherche d’unerationalisation du système de santé français.

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adsp actualité et dossier en santé publique n° 24 – septembre 1998 13

Juan Manuel ViñasMédecin inspecteurde santé publique,chargé de missionà la directionde la Sécurité sociale

la tarification doit être objective. Ce qui peut êtredécrit, individualisé, peut être remboursé. Le resterelève de la santé publique, de l’État, des collecti-vités locales et de l’hôpital public.

L’intervention individuelle du médecin, l’ententedirecte médecin-malade doit résoudre le problèmede santé. Pour les fléaux sociaux, l’État finance etmet en place le dispositif de prise en charge, véri-table réseau institutionnel qui va de la prévention pri-maire à la réhabilitation, la réinsertion.

L’hôpital public joue le rôle de filet de protectionconsacré par la loi de 1970 qui lui confie un rôle deservice public et la possibilité d’intervenir dans ledomaine de la prévention.

C’est l’ère des réseaux institutionnels. Ils vont no-tamment se développer dans le domaine de la luttecontre les fléaux sociaux sous l’appellation de « réseausanitaire spécialisé ».

Le réseau sanitaire spécialiséL’État va donc mettre en place un dispositif sanitairegéré par les Ddass pour l’alcoolisme, le tabac, la toxi-comanie, la maladie mentale, les maladies vénérien-nes, le dépistage des cancers… dont le financementne relève pas de l’assurance maladie. Il s’agit biende réseaux qui vont se développer sur la base d’undispositif réglementaire relativement faible, certainsdiront souple, fait essentiellement de circulaires et dontle financement relevant de la loi de finances est d’em-blée limité et donc très contraint.

Un exemple typique de réseau institutionnel se situedans le domaine de la psychiatrie consacré par la cir-culaire de mars 1972 qui jette les bases d’une rela-tion opérationnelle entre le secteur psychiatrique etla population desservie.

Les réseaux économiques : un premier tournantL’année 1983 va être un grand moment de rupturepour le système de santé et pour l’histoire des réseauxavec la crise économique et la mise en place de ladécentralisation.

Ce sont les contraintes budgétaires et notamment

L’avènement des réseaux

De la tuberculoseaux ordonnances de 1996

culose tuait 150 000 personnes par an et surtout iln’y avait aucun traitement actif de la maladie. Lors-qu’au moment de la mobilisation générale de 1914,65 000 militaires sont réformés, on prend consciencedu risque de contamination, on fait voter une loi de-mandant aux préfets d’ouvrir des dispensaires dansles grandes villes. Un véritable plan de prise en chargeglobale, un réseau, se met en place dont le pivot estle dispensaire. Il se caractérise par :

– un diagnostic précoce, une prise en charge gra-tuite ;

– le placement des sujets contagieux pour isole-ment et traitement dans les sanatoriums des mala-des pouvant être soignés et dans les hôpitaux publics,avec des lits spécialisés, pour les cas désespérés ;

– la prophylaxie effectuée par une infirmière vi-siteuse à domicile chargée de l’éducation sanitairede l’entourage et du public ;

– une surveillance épidémiologique assurée parle dispensaire (fichier médical).

L’apparition de la streptomycine en 1946, qui traduitd’une certaine manière l’avènement de la médecinetechnique, devait en quelques années venir à boutde la maladie et détruire cet édifice.

Les réseaux institutionnels de prise en charge1946 est une année importante car elle fait suite àla promulgation de l’ordonnance du 4 octobre 1945qui met en place la sécurité sociale et donc le prin-cipe de la prise en charge par la collectivité du ris-que assurance maladie.

Une séparation va s’instaurer entre la préventionet le soin dans le domaine de la santé.

Elle va être renforcée par les principes de la mé-decine libérale et notamment, l’entente directe et lepaiement à l’acte. Les prestations remboursables parl’assurance maladie vont se situer dans le domainedu soin et cela va privilégier les actes techniques car

Les réseaux actuels, officialisés par les ordonnances de 1996, ont pour ancêtrele dispositif anti-tuberculeux. Que s’est-il passé entre-temps, pourquoi les ré-seaux sont-il revenus au goût du jour ? De quelles caractéristiques les ordon-nances de 1996 les dotent-elles ?

La lutte contre la tuberculose fut la premièreexpérience française en matière de réseau,car cette maladie représentait un énorme pro-blème de santé publique. En 1900, la tuber-

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ier Réseaux de santé et filières de soins

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le budget global qui sous-tendent la tentative de miseen place par les pouvoirs publics de réseaux de soinscoordonnés (RSC) quand, en 1983, la loi du 19 janvierencourage, sur une base expérimentale, la créationde réseaux de soins voulant s’inspirer de l’exempledes États-Unis qui dès 1973 développent l’organi-sation de soins en réseaux (managed care, healthmaintenance organization (HMO)).

Un des modèles dit RSC propose que le réseau fixelibrement le prix annuel de prise en charge de l’en-semble des soins. Les caisses d’assurance maladieversent pour chaque adhérent assuré un forfait an-

L’État va donc devoir mobiliser tous les acteurs ins-titutionnels et professionnels sur ce fléau, en faisantparticiper financièrement tout le monde à la prise encharge de celui-ci et en utilisant souvent des modesde financement dérogatoires : le champ couvert vadu préservatif aux appartements thérapeutiques et auxsoins palliatifs.

Ainsi, les priorités de santé publique réinvestissentle champ de l’assurance maladie. À partir de 1985celle-ci prend en charge la lutte contre les maladiesmentales. Elle participe au développement des ré-seaux ville-hôpital en 1991 avec des financements

Contraintesbudgétaires

Séparation entreprévention et soin

Prise en charge atomiséeTechnicisation de l'hôpital

Contraintessanitaires et sociales

1914 1945 1958 1983 1985 1991 19961970

Dispositifsanti-tuberculeux

Création de la sécurité sociale (principe de solidarité)

Centreshospitalo-universitaires

Loi hospitalière

Loi hospitalière(Sros)Réseauxville-hôpital

Dix tentatives de réseauxde soins coordonnésexpérimentaux

Programmemédicaliséde systèmed’information

Ordonnances

Réseaux institutionnels (alcool, cancer, toxicomanie…)dont le financement ne dépend pas de l’assurance maladie

nuel d’assurance maladie de santé d’un montant fixequel que soit le RSC. L’adhérent paie donc la dif-férence entre ces deux sommes pour accéder à unetotale prise en charge.

Il s’agit en fait dans l’esprit des promoteurs de cesréseaux d’une alternative à la mise en place du budgetglobal dans les hôpitaux, véritable maîtrise comp-table hospitalière, tenant peu compte de la produc-tion quantitative et qualitative de l’hôpital. De plusles outils de gestion nécessaires à un fonctionnementen réseau n’existent pas. Le produit hospitalier n’estpas suffisamment décrit, le dossier médical est propreà chaque acteur de santé, parfois inexistant, le sys-tème d’information est balbutiant. Les premières étu-des de morbidité hospitalière datent de 1985, la pre-mière tentative de mise en place de la comptabilitéanalytique introduisant une réflexion sur le program-me médicalisé des systèmes d’information (PMSI)date aussi de 1985.

La gestion par l’offre et par les enveloppes bud-gétaires est donc privilégiée.

L’apparition du sida : les réseaux ville-hôpitalLe sida, le développement des infections iatrogéni-ques, vont mettre en évidence les ratés du systèmede soins, les insuffisances de l’évaluation et de l’auto-contrôle des professionnels et des pratiques. Parailleurs, ils révélèrent l’opacité du système de soinset la nécessité de réhabiliter la prévention : en effet,le meilleur traitement du sida reste le préservatif.

mixtes entre État et assurance maladie, développe-ment encore trop confidentiel, qui s’exprime par lamultiplication de réseaux informels reposant beau-coup trop sur le bénévolat. Tout récemment, dansune disposition de la loi contre l’exclusion prévoitque désormais, l’assurance maladie financera les cen-tres d’hygiène alimentaire et d’alcoologie. On assisteen outre à une remise en cause du rôle des conseilsgénéraux dans le domaine de la prévention, de l’aidemédicale, de la dépendance, de la PMI où les iné-galités entre départements se sont accentuées fautede compétences et de cahiers des charges clairs.

Les ordonnances de 1996 :officialisation des réseauxElles prennent acte de l’insuffisance de prise en chargedans de nombreux domaines (dépendance, maladieschroniques, prévention…), de la nécessité d’un dé-cloisonnement du système de santé. Elles donnentpour ce faire une base légale aux réseaux et un cer-tain nombre d’outils indispensables à la gestion enréseau sont proposés : dossier médical partagé, in-formatisation, système d’information…

Restent de nombreuses incertitudes : champ desresponsabilités à préciser avec pour conséquence lamise en place d’une nomenclature commune d’ac-tivités à la ville et à l’hôpital, permettant les trans-ferts financiers entre enveloppes, et donc une ges-tion centrée sur le patient.

Brève histoire des réseaux

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Didier PatteMédecin, chef deservice, départementde Santé publique,Faculté Xavier Bichat tances tutélaires ou financières, c’est une organisa-

tion nouvelle du système de soins aux conséquen-ces multiples et profondes en terme de santé publique.

Un débat de cohérenceL’évolution du secteur sanitaire et social au coursdes cinquante dernières années s’est faite en fonc-tion du développement des techniques et des outils.

L’apparition des centres hospitalo-universitaires(CHU) avec la réforme de 1958 est la première ex-pression formelle de ce processus. La constitutiond’un corps professionnel hospitalier ouvre aux mé-decins un champ nouveau qu’ils vont pouvoir investiret développer selon une logique d’experts qu’on leurdemande alors d’être. Les moyens matériels leur enseront donnés et les postes hospitaliers se multiplie-ront. Puis la loi de 1970, en même temps qu’elle définitdes critères quantitatifs, fait obligation d’une adap-tation technique constante.

Au-delà d’une modernisation nécessaire et d’unprogrès de la science médicale, c’est une conceptionnouvelle de la prise en charge des malades qui se dé-veloppe. Des spécialités se créent, fondées sur unsavoir, sur des techniques et sur des outils de plusen plus précis et de plus en plus étanches les uns vis-à-vis des autres. Il n’est pas jusqu’à la médecine gé-nérale qui ne devienne une spécialité.

L’apparition d’équipes médicales change la rela-tion soigné-soignant. D’une relation d’un malade àun médecin, elle devient celle d’un malade à des ex-perts, qui tous, d’ailleurs, ne sont pas médecins. La

cohérence interne de l’hôpital repose surla possession des moyens humains etmatériels propres à la prise en chargede la maladie, de l’organe, non du ma-lade.

Une évolution similaire s’observedans le monde libéral. Mais, alors qu’àl’hôpital le moteur est l’acquisition destechniques, il est ici davantage lié à desfacteurs personnels et à des contrainteséconomiques. La spécialisation autoriseune gestion plus souple du temps et uneamélioration des revenus. À l’heure ac-tuelle, 20 % des médecins libéraux ont

de surcroît réduit leur pratique à un champ limité deleur spécialité et n’exercent pas l’ensemble de leurscompétences. L’outil est ici encore souvent l’élémentstructurant et la prise en charge s’en trouve d’autantplus fragmentée.

Le médecin généraliste s’éloigne aussi du conceptde la prise en charge globale du patient. D’une part

parce que l’évolution de la consommation médicaleporte les patients à s’autoprescrire de plus en plusde consultations de spécialistes ; le généraliste restealors hors de la trajectoire de soins. D’autre part parcequ’aucune nomenclature ne rémunère cette fonctionde coordination, consommatrice de temps et d’énergie.La fonction de coordination du médecin de familledevient ainsi vacante.

Dans le secteur social, les critères de cohérencedu système évoluent également vers la constructiond’outils qui deviennent structurants.

Jusqu’au milieu des années soixante-dix, le mo-teur social est la solida-rité. C’est une logiquede prévention du risquequi est mutualisé. Celase traduit, outre la créa-tion même de la sécu-rité sociale, par la mul-tiplication des régimesde couverture, par le dé-veloppement de la pro-tection maternelle et in-fantile, par l’éclosionflorissante de la mutua-

lité. Le système prospère, en ces temps d’abondanceoù chacun cotise, ou contribue, pour se prémunir con-tre les difficultés.

Lorsqu’apparaissent chômage, désinsertion, pré-carité, et leurs conséquences, le choix de société quiest fait n’est pas d’investir dans la prévention descauses, mais dans la cure des conséquences. La lo-gique de solidarité fait place à une logique d’aide.Il y a recul sur l’analyse des causes et avancée surla prise en charge des effets.

La pertinence de l’action sociale se mesure désor-mais aux outils développés pour répondre à autantde situations et de problèmes particuliers : RMI,allocations de tous ordres. Par analogie avec le mondesanitaire, la prise en charge sociale s’oriente vers unecohérence d’organe, une fonction sociale malade, etle système se structure autour des moyens de cetteprise en charge.

Un premier constat que l’on peut faire est que, danschacun de ces domaines, l’outil structure l’offre dontla cohérence propre dépend maintenant de son pla-teau technique ; qu’il s’agisse de machines, de com-pétences particulières, de lieux de haute technicité,ou d’outils sociaux comme le RMI.

Dans le même temps, les domaines sanitaire et so-cial se sont dissociés, dans leurs tutelles, leurs finan-cements, leurs acteurs. Jusqu’en 1975 l’offre de ser-vice est d’autant plus adaptée et pertinente qu’elledifférencie le sanitaire du social.

L’évolution de la clientèle va mettre une premièrelimite à cette dichotomie. Le vieillissement de la

L’apparition des réseaux de soins et de ser-vices est un phénomène récent, sans êtrevraiment neuf. Que l’origine en soit desprofessionnels, des patients, ou des ins-

Les réseaux et la santé publique

Aucunenomenclature ne

prévoit larémunération de

la fonction decoordination

La relationmalade-médecin

devientune relationde maladeà experts

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ier Réseaux de santé et filières de soins

adsp actualité et dossier en santé publique n° 24 – septembre 199816

Au sein desréseaux, lacohérence

s’établit autourde la personne et

non plus del’organe, de lamaladie ou de

l’outil.

population entraîne une demande croissante en soinsnon spécifiques ainsi qu’une forte demande de priseen charge sociale face à la dépendance. La pyramidedes âges tend à s’inverser et les choix sociaux sontfortement influencés par cette tendance. Plus récem-ment, l’apparition de la précarité créeune nouvelle demande à la fois sanitaireet sociale qui questionne l’hôpital danssa cohérence technologique. La loi de1991 puis les circulaires de 1992 réha-bilitent son rôle social.

Le second volet de l’impasse tient àl’envolée des coûts sanitaires pour l’as-surance maladie et sociaux pour les con-seils généraux. Les lois de différencia-tion du sanitaire et du social se révèlentcoûteuses. Conserver la cohérenced’outil et l’éclatement des plateaux tech-niques apparaît comme source de gas-pillage.

Sous cette double pression, il devient nécessairede rechercher une nouvelle cohérence et plus de coor-dination intra et interinstitutionnelle.

Un second constat est l’inadéquation progressivede l’offre à la demande. Dans son ensemble, le sys-tème de soins sanitaires et sociaux se trouve pris àcontre-pied de sa logique de développement par l’évo-lution de la demande. La raréfaction des ressourcesn’est, en fait, que l’expression de cette inadéquation.

Les réseaux « réconciliateurs » de l’offreet de la demandeL’univers sanitaire ou social se structure sous l’in-fluence de quatre dynamiques d’intérêts, différen-tes bien que complémentaires : les professionnels,l’assurance maladie, les collectivités territoriales etles usagers. Ces dynamiques ont chacune leurs ob-jectifs et manières de fonctionner.

Les professionnels, médecins ou infirmières le plussouvent, s’organisent en groupes de libéraux, pourproposer un service complet, efficient, coordonné etcontinu de soins compétents. C’est un réseau de com-plémentarité et de communication.

L’assurance maladie, avec ses partenaires tradi-

tionnels que sont les hôpitaux, s’organise en réseauxpar l’intermédiaire des services d’hospitalisation àdomicile (HAD) ou de services infirmiers à domi-cile (SIAD). L’objectif premier est la maîtrise desdépenses de ville à travers la constitution d’enveloppes

de plus en plus globales ou de forfaits.Ce sont des réseaux d’efficience.

Les usagers se mobilisent en mouve-ments de consommateurs ou en commu-nautés de préoccupation (sida, mucovis-cidose ou myopathie). Par leursdemandes de prestations de qualité, parleurs exigences d’efficacité dans les re-lations entre le savoir (la recherche) etla mise en pratique, leurs associationscontribuent à structurer le milieu profes-sionnel. Ce sont des réseaux d’orienta-tion.

Les collectivités territoriales intervien-nent par la prise en charge à domicile des

personnes âgées dépendantes. Les aides ménagères,les téléalarmes, les plateaux repas, constituent desréseaux de travailleurs indépendants ou d’associa-tions. Les aides médicales de remplacement, la gestiondes allocations de RMI ou de dépendance, les aidessociales aux enfants ou à leur famille, forment desréseaux communautaires ou médico-sociaux. Ce sontdes réseaux de services.

Dans chacun de ces domaines, les réseaux tendentà accorder l’offre à la demande en organisant la coor-dination des services autour du bénéficiaire. La co-hérence s’établit autour de la personne et non plusde l’organe, de la maladie ou de l’outil.

Ainsi, un réseau caractérise à la fois les acteurs etles relations entre les acteurs. Dans le domaine sa-nitaire et social, les relations entre les acteurs sontétablies par rapport à leurs besoins et attentes. Lescomportements ou les normes de pratiques profes-sionnelles dans les réseaux sont fonction des origi-nes ou des raisons d’être initiales. Ils tiennent au moinsautant du sentiment d’appartenance que de la con-vention formelle et sont plus souvent implicitesqu’explicites.

Didier Patte

des associations, qu’elle peut mettre en œuvre à lademande. Au sein de ces différents univers sociauxou professionnels, elle fait évoluer les modes de fonc-tionnement et de financement, se pose en alternative,introduit une continuité des soins, facteur de qua-lité, et suscite de nouvelles compétences.

Coordination et maîtrise des coûtsL’enjeu est l’introduction d’une complémentarité entreles soins en ville et la compétence spécifique de l’hô-pital. Pour l’assurance maladie, il pourrait, à terme,exister pour un même malade un budget global com-prenant les prestations d’hôpital et de ville. C’est uneclé de l’optimisation des ressources disponibles, doncune clé de la maîtrise médicalisée. L’objectif est d’uti-liser l’hôpital au minimum nécessaire. L’organisationen réseau est un outil permettant de modifier les flux

La fonction de coordination introduite par lesréseaux se situe au centre de plusieurs dy-namiques : celle du patient et son entourage,celle des libéraux, celle de l’hôpital, celle

Les enjeux de la coordination

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adsp actualité et dossier en santé publique n° 24 – septembre 1998 17

de financement et les flux de patients, sans dépla-cer réellement les acteurs.

La forfaitisation de la prise en charge à domicilequ’ont adopté certains réseaux de soins coordonnés,selon un barème négocié avec la caisse maladie etmodulable selon les niveaux de prestation, n’est pasune démarche anodine. Au-delà de l’apparente sim-plification des systèmes comptables et des flux defonds, il s’agit bien de l’ébauche d’une modificationprofonde des modes de financement des prestationssanitaires et sociales.

Coordination et planificationLes réseaux représentent un potentiel de prise encharge globale pour peu qu’ils agissent comme coor-donnateurs de soins. Ils matérialisent en quoi l’hô-pital est redondant ou surdimensionné, pour ce quipeut se faire en ambulatoire. L’assurance maladiesoutient activement certaines expériencescomme alternatives efficaces à l’hospi-talisation. Certaines fonctions de l’hô-pital (enrichies, et c’est un atout majeur,de fonctions sociales) peuvent être as-surées sans assumer les coûts de l’infras-tructure hospitalière, en s’en remettantau secteur libéral.

Là où les réseaux seront partie prenantede la filière de soins, et seront considé-rés comme des lits actifs, on ne pourraéchapper à une redéfinition globale duplateau technique local qui imposera àterme des fusions ou des fermeturesd’établissements hospitaliers.

Certaines expérimentations incitent àdévelopper de nouvelles prestations à do-micile et appellent de nouvelles compétences. Ellesdoivent aboutir à l’implication des personnels hos-pitaliers aux côtés des libéraux. Dans la mesure oùdes activités hospitalières paraissent superflues, lesredéployer vers la ville peut être une bonne manièrede servir tout en conservant l’emploi.

Coordination et qualitéEn apportant à la fois la continuité et la régularité,la coordination des soins répond à des critères de qua-lité des soins et à une meilleure utilisation des res-sources.

Ce qu’on observe par ailleurs en milieu hospita-lier lorsque plusieurs intervenants sont responsablesd’une même prise en charge paraît parfaitement ap-plicable dans ce contexte. Le réseau est un lieu de« faire savoir » sur les soins prodigués au patient quioptimise l’intervention des uns et des autres et as-sure la continuité. L’analogie avec le rôle de la sur-veillante hospitalière s’impose ici.

La prise en charge au sein d’un réseau s’inscrit éga-lement dans le temps. Les patients sont là pour long-temps. Il s’instaure un suivi des personnes, particu-lièrement des sujets âgés et de ceux souffrantd’affections chroniques. Pendant ce temps, il se cons-truit une relation fondée sur la connaissance du pa-tient et de son environnement. Cette accumulation

de connaissances autorise des décisions adaptées.Il est plausible que cette connaissance permette unemeilleure adaptation des traitements, des soins, etdes examens, ainsi qu’une diminution des recoursinutiles à l’hospitalisation. Ici, c’est l’analogie avecle médecin de famille qui s’impose.

Un métier nouveauLa désignation globale de « système de soins » ré-sume bien à elle seule la fonction première des struc-tures conventionnelles : produire des soins. Méde-cins, paramédicaux, travailleurs sociaux, chacun dansleurs domaines sont producteurs de soins.

La raison d’être des réseaux semble d’une autrenature. Par leur fonction essentielle de coordination,ils introduisent une dynamique forte et orientent defaçon cohérente un ensemble de prestations vers unbut de production de santé, bien-être physique, so-

cial et mental.Ce rôle relève de fonctions gestion-

naires et ordonnatrices que le finance-ment des réseaux rémunère à des de-grés divers et sous des formes variées.Les moyens mis en œuvre matérialisentcette activité. Les réseaux les plus struc-turés ont créé des emplois de coordon-nateurs, véritables cadres de l’organi-sation des soins en ville. C’est là unmétier de santé nouveau qu’on peut s’at-tendre à voir s’organiser en profession.Là où il s’est formalisé, on observe qu’ilest entièrement investi par le monde in-firmier.

Loin d’être un épiphénomène, un ava-tar de l’offre de soins, l’émergence des

réseaux traduit un mouvement profond qui pourraitremettre en cause les fondements même de l’orga-nisation des soins tant hospitaliers que libéraux, tantmédicaux que paramédicaux et sociaux. L’attentionqu’y portent tutelles et payeurs en suscitant et en-cadrant l’innovation est révélatrice de l’ampleur desenjeux de santé publique en cause.

L’émergence desréseaux traduitun mouvement

profond quipourrait remettre

en cause lesfondements

mêmesde l’organisation

des soins

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ier Réseaux de santé et filières de soins

adsp actualité et dossier en santé publique n° 24 – septembre 199818

Stéphanie BarreJuriste, ParisLaurent HoudartAvocat à la Cour,Paris

Les statuts juridiques des réseaux

Cet engouement se manifeste cependant dans unegrande confusion juridique. Cette confusion tientautant à la subtilité des termes et des définitions ré-glementaires qu’à la méconnaissance des conséquen-ces juridiques de la mise en place de réseaux ou fi-lières.

L’exercice de la médecine en réseau, c’est-à-direla prise en charge coordonnée d’un patient par plu-sieurs professionnels de la santé, n’est pas une créationrécente, loin s’en faut : de nombreux réseaux « defait » fonctionnent depuis des années.

L’innovation essentielle des ordonnances du24 avril 1996 (l’une relative à la maîtrise médicali-sée des dépenses de soins et l’autre portant réformede l’hospitalisation publique et privée) réside dansl’instauration d’un encadrement légal ; d’une part,en formalisant et en réglementant les réseaux de soinsdits du Code de la santé publique (article L 712-3-2 du Code de la santé publique), d’autre part, en offrantla possibilité de mettre en place des formes nouvellesde prise en charge globale, sanitaire et surtout finan-cière ; il s’agit des filières de soins et réseaux de soinsexpérimentaux dits du Code de la sécurité sociale (ar-ticle L 162-31-1 du Code de la sécurité sociale).

Si les réseaux de soins du Code de la santé publi-

que et les filières et réseaux de soins du Code de lasécurité sociale ont pour objectif commun l’amélio-ration de la prise en charge des patients et la qua-lité des soins en favorisant la coordination des in-tervenants et l’accès au système sanitaire, ilss’inscrivent dans des domaines différents et doiventrépondre en conséquence à des procédures spécifi-ques. Si leurs définitions sont proches, leur objet lesdistingue l’un de l’autre.

Nous nous apercevrons que les deux mécanismes(réseaux de soins du Code de la santé publique et fi-lières et réseaux de soins expérimentaux du Code dela sécurité sociale) répondent à des définitions ju-ridiques et à des modes d’organisation distincts. Maisà terme, ces deux mécanismes sont destinés à se rap-procher.

En effet les réseaux de soins du Code de la santépublique ne peuvent avoir d’efficacité que si un modede financement accompagne leur mise en place et sousun but affiché de recherche d’alternative à la priseen charge financière par la sécurité sociale, les ré-seaux et filières de soins expérimentaux du Code dela sécurité sociale constituent un début de planifi-cation de la médecine libérale.

On peut se demander dans quelle mesure ces mé-canismes ne permettraient pas une réorganisation glo-bale du système de soins qui serait régi par une pla-nification commune et par des modes de financementrapprochés.

Extrait du Guide de lacoopération hospitalièreÀ paraître en novembre

1998

Réseaux de soins, actions expérimentalesfilières de soins, réseaux ville-hôpital…depuis les ordonnances du 24 avril 1996,les projets surgissent et se multiplient.

Définitions

L’article L 712-3-2 précise que certains réseaux ontpour objet « d’assurer une meilleure orientation dupatient, de favoriser la coordination et la continuitédes soins qui lui sont dispensés et de promouvoir ladélivrance de soins de proximité de qualité ».

Ces réseaux ont une vocation très large et peuvents’adresser soit à une population particulière (personnesâgées ou toxicomanes) soit à un type de pathologieslourdes ou chroniques (diabète, cancer). Ils peuventégalement concerner un type d’activités (urgence,réanimation) ou encore un type d’installations ou l’uti-lisation d’un plateau technique.

Fortement incité à participer ou à créer un réseau(aux termes de l’article L 712-20 du CSP, le direc-teur de l’Agence régionale de l’hospitalisation peutimposer la mise en place d’un réseau dans certainesconditions), l’établissement de soins est et doit enêtre le pivot.

seaux de soins expérimentaux ne prévoit pas plus dedéfinition que le Code de la santé publique.

L’article L 162-31-1 indique que toute personnephysique ou morale, ainsi que les institutions médico-sociales peuvent mener « des actions expérimenta-les dans le domaine médical ou médico-social surl’ensemble du territoire, en vue de promouvoir, avecl’accord des bénéficiaires de l’assurance maladie con-cernée, des formes nouvelles de prise en charge despatients, et d’organiser un accès plus rationnel au sys-tème de soins ainsi qu’une meilleure coordinationdans cette prise en charge, qu’il s’agisse de soins oude prévention ».

À une coordination des intervenants médico-so-ciaux s’ajoute un mécanisme de financement global.

Il ne s’agit toutefois que d’actions expérimentales,menées sur cinq ans à compter de la publication del’ordonnance du 24 avril 1996, soit jusqu’en avril 2001.

L e Code de la santé publique ne donne pas, à pro-prement parler, de définition du réseau de soins. L e Code la sécurité sociale, et plus précisément

l’article L 162- 31-1 consacré aux filières et ré-

Les réseaux de soinsdu Code de la santé publique

Les filières et réseaux de soinsdu Code de la sécurité sociale

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adsp actualité et dossier en santé publique n° 24 – septembre 1998 19

Le réseau de soin duCode de la santépublique est unmode de prise encharge médicale etsociale du patientpar la coordinationdes interventions del’ensemble desacteurs du domainesocio-sanitaire.

Toutefois, le réseau ne peut seconcevoir qu’avec une large par-ticipation des autres professionnelsde santé (médecins libéraux, pro-fessionnels paramédicaux, organis-mes à vocation sanitaire ou sociale)et des professionnels du domainesocial (services communaux, tra-vailleurs sociaux, associations so-ciales et humanitaires, ANPE…).

En effet, les réseaux s’inscriventdans l’un des axes prioritaires dela réforme hospitalière : l’ouver-ture de l’hôpital sur la ville.

La mise en place des réseaux an-nonce la fin de la concurrence entresecteurs public et privé et consa-cre la complémentarité médicaleet sociale entre les différents ac-teurs.

En outre, il est prévu trois catégories d’actions expérimenta-les :

– les filières de soins expérimentales organisées à partir desmédecins généralistes, destinées à améliorer la qualité du suivimédical et l’accès des patients au système de soins. Ce méca-nisme de prise en charge se rapproche des systèmes anglo-saxons.Ceux-ci reposent sur la détermination d’une enveloppe annuellepar patient dont la gestion est confiée à un médecin généraliste,appelé également médecin référent ou « gate keeper ». Plusieursexpérimentations sont actuellement en cours ;

– les réseaux de soins expérimentaux permettant la prise encharge globale des patients atteints de pathologie lourde ou chro-nique en favorisant, notamment, la coordination entre la médecinede ville et l’hôpital. Si le schéma d’organisation est identique àcelui des réseaux de soins du Code de la santé publique, les réseauxde soins expérimentaux du Code de la sécurité sociale intègrentégalement leur mode de financement. C’est pourquoi, il est ques-tion de prise en charge globale (médicale et financière).

– tous autres dispositifs répondant à ces objectifs. Il peut s’agiralors de mécanismes qui empruntent tant à la première catégo-rie (filières de soins expérimentales) qu’à la seconde catégorie(réseaux de soins expérimentaux). Tel est le cas des projets pré-sentés par des compagnies d’assurance, des mutuelles ou autresorganismes qui prévoient une prise en charge complète et glo-bale des patients pour des soins courants de médecine ou de chi-rurgie-dentaire. Ces mécanismes ne vont pas sans rappeler leshealth maintenance organizations (HMO) ou encore les managedcare & plans sur lesquels repose le système sanitaire américain.

Objet

Les réseaux de soinsdu Code de la santé publique

Les filières et réseaux de soinsdu Code de la sécurité sociale

publique posait-il les prémices, à travers des dispositions dis-parates, d’organisations en réseau (article L 711-4, continuitédes soins ; article L 711-5, collaboration entre établissementsde soins et praticiens libéraux).

Désormais, les réseaux de soins constituent un outil de pla-nification à l’instar des actions de coopération menées entre éta-blissements de santé, permettant d’adapter l’offre de soins hos-pitalière au schéma d’organisation sanitaire. Ils doivent favoriserle retour du patient sur son lieu de vie et inciter les profession-nels du domaine sanitaire et social, extérieurs au système hos-pitalier, à prendre le relais de l’hôpital.

Les réseaux de soins doivent permettre une plus grande ouverturede l’hôpital sur la ville — grand axe de la réforme hospitalière— et donc constituer une alternative à l’hospitalisation.

penses de santé de ville telle qu’elle existe aujourd’hui.En cela, les filières et réseaux de soins expérimentaux se dis-

tinguent nettement des réseaux de soins du Code de la santé pu-blique.

Pour ce faire, il est prévu des dérogations aux dispositions duCode de la sécurité sociale :

– en matière de tarifs, honoraires, rémunérations et frais ac-cessoires dus au médecin par les assurés sociaux (articles L 162-5 et L 162-5-2 du CSS) ;

– au paiement direct des honoraires par le malade (articleL 162-2 du CSS) ;

– en matière de couverture des frais par l’assurance maladie(articles L 321-1 et L 615-14 du CSS) ;

– en matière de ticket modérateur (articles L 322-3 et L 615-16 du CSS).

On constatera que ces principes pour lesquels une dérogationest admise sont des éléments constitutifs de l’exercice libéral.On peut donc se demander dans quelle mesure il n’y a pas unecontradiction entre ces dérogations et les principes rappelés dansle rapport au Président de la République, qui introduit le textede l’ordonnance du 24 avril 1996, relative à la maîtrise médi-calisée des soins : « Aux besoins de la santé doit répondre uneoffre toujours mieux adaptée dans le respect des principes dela médecine libérale, liberté d’installation, liberté du choix dumédecin, liberté de prescription… ».

J usqu’en 1996, les réseaux de soins ne bénéficiaient pas d’unencadrement spécifique. Tout au plus, le Code de la santé C e type de mécanisme constitue une recherche d’alterna-

tive à la prise en charge par l’assurance maladie des dé-

Les filières et réseauxde soins expérimen-taux du Code de la

sécurité socialeconstituent des modes

de prise en chargeglobale du patient,

à la fois médicaleet financière.

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ier Réseaux de santé et filières de soins

adsp actualité et dossier en santé publique n° 24 – septembre 199820

Textes de référence et d’application

• Article 73 de la Loi n° 98-657du 29 juillet 1998 d’orientationrelative à la lutte contre les ex-clusions

• Article 6 de l’ordonnancen° 96-345 du 24 avril 1996relative à la maîtrise médica-lisée des dépenses de soins(article L 162-31-1 du Code dela sécurité sociale)

• Article 29 de l’ordonnancen° 96-346 du 24 avril 1996portant réforme de l’hospitali-sation publique et privée (ar-ticle L 712-3-2 du Code de lasanté publique)

• Décret n° 95-1000 du 6 sep-tembre 1995 portant Code dedéontologie médicale

• Décret n° 96-789 du 11 sep-

tembre 1996 pris pour l’appli-cation de l’article L 162-31-1du Code de la sécurité socialerelatif aux filières et réseaux desoins expérimentaux et modi-fiant le même code

• Circulaire DGS/DH n° 612 du4 juin 1991 relative à la miseen place des réseaux ville-hô-pital dans le cadre de la pré-vention et de la prise en chargesanitaire et sociale des per-sonnes atteintes d’infection àVIH.

• Circulaire DGS/DH n° 94-15du 7 mars 1994 relative à lamise en place des réseaux toxi-comanie, à la suite de la cir-culaire n° 93-72 du 9 novem-bre 1993.

• Circulaires DGS n° 74 bis du2 décembre 1993 et n° 88 du1er décembre 1994 relatives àla mise en place de réseaux desanté de proximité

• Circulaire DGS/DH n° 44 du9 mai 1995 relative à l’orga-nisation des soins pour les pa-tients atteints d’hépatite C.

• Circulaire DGS n° 707 du19 novembre 1996 relative àla promotion du travail en ré-seau pour l’organisation de laprise en charge précoce desproblèmes liés à l’alcool

• Circulaire DH/EO/97 n° 97-277 du 9 avril 1997 relativeaux réseaux de soins et com-munautés d’établissements

• Circulaire DGS n° 97-366 du

23 mai 1997 relative aux me-sures nouvelles pour 1997dans le domaine du soin auxtoxicomanes

• Circulaire DGS/DAS/Dirmin° 97-568 du 19 août 1997 re-lative aux actions de santé enfaveur des personnes en diffi-culté

• Circulaire DGS/DH n° 98-188du 24 mars 1998 relative à l’or-ganisation des soins en can-cérologie dans les établisse-ments d’hospitalisation publicset privés.

• Circulaire DH/EO du 26 mars1998 relative à la révision desschémas d’organisation sani-taire

Procédures

Les réseaux de soinsdu Code de la santé publique

Les filières et réseaux de soinsdu Code de la sécurité sociale

fessionnels de santé ou d’organismes médico-sociaux. Leréseau a un caractère strictement conventionnel : une con-vention constitutive doit être conclue entre les différentsacteurs et une circulaire n° 97-277 précise les différentes clau-ses minimales que doit comporter la convention.

Il appartient aux acteurs d’être vigilants sur la rédactionde cette convention, la circulaire sus-énoncée ne peut êtreconsidérée comme un modèle type et ne sont pas prévues,à titre d’exemple, de clauses relatives à la responsabilité, auretrait d’un des membres, à la résiliation ou à la résolutionde la convention…

Une fois rédigée, cette convention constitutive doit êtreagréée par le directeur de l’Agence régionale de l’hospita-lisation qui ne l’accordera que si les projets présentés ga-rantissent une plus grande qualité des soins et une réelle amé-lioration des conditions de prise en charge des patients.

la Santé, de la Sécurité sociale et du Budget et les différentes cais-ses nationales de l’assurance maladie (travailleurs salariés, travailleursnon salariés, mutualité sociale agricole). Les caisses établissent descahiers des charges applicables aux demandes d’agrément. Le rôlejoué par les caisses est primordial. Les actions expérimentales me-nées ne doivent pas permettre de créer des filières et réseaux régisexclusivement par des compagnies d’assurances privées ou des mu-tuelles en se substituant complètement à l’assurance maladie.– les demandes d’agrément des projets de filières et de réseauxexpérimentaux sont adressées par leurs promoteurs au conseil d’orien-tation des filières et réseaux de soins expérimentaux, dénommé éga-lement conseil Soubie, du nom de son président. Après examen del’intérêt économique et médical, des modes de prise en charge fi-nancière, de la qualité du système d’information et des justificationsdes dérogations légales et réglementaires, le conseil rend un avissuivant une procédure prévue à l’article R 162-50-3 du CSS.– l’avis du conseil d’orientation est transmis aux ministres compé-tents pour statuer sur la demande d’agrément.Ensuite, les projets d’action expérimentale sont agréés par arrêté desministres chargés de la Santé et de la Sécurité sociale. L’arrêté fixela durée de l’agrément qui ne peut excéder trois ans. À l’arrêté d’agré-ment est annexée la convention conclue entre les promoteurs de l’actionexpérimentale et les organismes d’assurance maladie concernés.Il convient de préciser que les promoteurs de l’action expérimen-tale doivent adresser un rapport annuel au conseil d’orientation ainsiqu’aux organismes nationaux d’assurance maladie concernés.Enfin, l’agrément peut être retiré à tout moment après avis du con-seil d’orientation.

L a création d’un réseau peut être réalisée sur l’initiatived’un établissement de santé ou sur proposition de pro- L a procédure est complexe et se décline en trois phases :

– des conventions sont conclues entre les ministres chargés de

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adsp actualité et dossier en santé publique n° 24 – septembre 1998 21

Pierre LarcherMédecin, directiongénérale de la Santé

titutions dont la logique porte plutôt au cloisonne-ment, même s’il avait été préconisé dans des circu-laires portant sur le VIH1, la toxicomanie2, l’accèsaux soins des populations précarisées3, ou la priseen charge des patients alcoolodépendants4.

Or, l’ordonnance portant réforme de l’hospitali-sation publique et privée5 encourage la constitutionde réseaux, non seulement entre établissements hos-pitaliers, mais avec des établissements médico-so-ciaux, et même avec des professionnels libéraux, pourassurer une meilleure organisation du système de santéet améliorer l’orientation du patient dans le maquisdu système de soins.

En même temps, l’ordonnance relative à la maî-trise médicalisée des dépenses de soins6 préconisedes expérimentations de dérogations tarifaires pourdes réseaux de professionnels libéraux ne se canton-nant pas aux soins, mais envisageant aussi les dimen-sions de prévention et d’accompagnement social. S’iln’est pas fait mention des réseaux existants, à l’ex-ception des réseaux ville-hôpital dédiés aux infec-tions virales chroniques (VIH, VHC) ou aux prati-ques addictives, le fonctionnement en réseau étaitofficiellement reconnu comme ayant une forte pré-somption d’efficacité.

À première vue, une constellationd’expériences disparatesÀ la lumière de ces textes, qui ne donnaient aucunedéfinition des réseaux, mais seulement des objectifset un champ, un inventaire des réseaux existants quirecevaient déjà des fonds de l’État, des conseils gé-néraux ou des municipalités a été réalisé. À la finde l’été 1996, plus de 500 ont été identifiés, appar-tenant à plus de 25 catégories différentes, selon qu’ilss’adressaient à des techniques (urgence, soins pal-liatifs, lutte contre la douleur…), à des maladies (sida,diabète, asthme, neurofibromatoses, cancer…), ouà des populations particulières (personnes âgées,personnes défavorisées, personnes dépendantes…).La diversité était extrême, parce que celui qui lance

un réseau le fait pour mieux répondre à un problèmequ’il rencontre, en fonction des contraintes et des pos-sibilités locales, des particularités des personnels surlesquels il pense pouvoir compter, et qu’au fil desans, chacun de ces réseaux changeait beaucoup deconfiguration. Certains avaient plus de vingt ans,d’autres moins de un an, et la courbe du nombre desréseaux en fonction de leur année de création mon-trant une croissance exponentielle (un an plus tard,en étaient identifiés 785, pour dépasser actuellementle millier), une écrasante majorité d’entre eux étaienttrès récents, susceptibles d’évoluer beaucoup et dansdes directions diverses.

Des règles enseignées par l’expérienceBeaucoup de réseaux étaient nés et étaient morts, cer-tains s’étaient enferrés dans des structures rigides quileur avaient fait perdre toutes leurs qualités ou dansdes compérages pouvant aller jusqu’au réseau ma-fieux. D’autres étaient devenus au fil du temps devéritables institutions beaucoup trop complexes pour

que tous s’y reconnais-sent et puissent conti-nuer à y fonctionner enréseau. Pourtant, il a étéintéressant de constaterque ceux qui s’étaientdotés des bons instru-ments s’étaient déve-loppés et avaient duré,certains des décennies,pour le plus grand bé-néfice des patients. Celadépendait essentielle-ment de règles qu’ilss’étaient fixées et qui sesont avérées être tou-jours les mêmes :

– pour qu’un réseau naisse et se développe, il fautabsolument un fondateur motivé, une personne quis’y consacre pendant plusieurs années, jusqu’à ce quele réseau soit assez solide pour pouvoir se passer delui : ce peut être un médecin, une assistante sociale,un pharmacien, un infirmier libéral, le président d’uneassociation d’usagers… (il arrive évidemment que

Les enseignementsdes réseaux existantsBien avant les ordonnances de 1996, des réseaux existaient.Des conditions de leur naissance, leur vie et leur mort, on peut essayer dedéduire un vademecum du promoteur de réseau.

Jusqu’en avril 1996, le fonctionnement enréseau, qui fait travailler ensemble l’hôpitalet la ville, le médical et le social, le privé etle public… était tout juste toléré par des ins-

1. Circulaire DGS/DHn° 612 du 4 juin 1991relative à la mise enplace des réseaux ville-hôpital dans le cadre dela prévention et de laprise en charge sani-taire et sociale despersonnes atteintesd’infection à VIH.

2. Circulaires DGS/DHn° 93-72 du 9 novem-bre 1993 et surtoutn° 94-15 du 7 mars1994 relatives à lamise en place desréseaux toxicomanie.

3. Circulaires DGS n° 74bis du 2 décembre1993 et n° 88 du 1erdécembre 1994 relati-ves à la mise en placede réseaux de santé deproximité.

4. Circulaire DGS n° 707du 19 novembre 1996relative à la promotiondu travail en réseaupour l’organisation de laprise en charge précocedes problèmes liés àl’alcool

5. Article 29 de l’ordon-nance n° 96-346 du24 avril 1996 portantréforme de l’hospitalisa-tion publique et privée(article L 712-3-2 duCode de la santépublique).

6. Article 6 de l’ordon-nance n° 96-345 du24 avril 1996 relative àla maîtrise médicaliséedes dépenses de soins(article L 162-31-1 duCode de la sécuritésociale).

Pour qu’unréseau se

développe, il fautun fondateurmotivé et des

membresvolontaires auxcompétences

complémentaires

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ier Réseaux de santé et filières de soins

adsp actualité et dossier en santé publique n° 24 – septembre 199822

ce « père fondateur » fasse en sorte que son réseaune se donne jamais les outils qui permettraient de sepasser de lui…) ;

– bien entendu, un réseau n’est composé que devolontaires, parce qu’il demandera à chacun d’euxune action volontariste : on n’a pas d’exemple deréseau durable né d’une institution qui aurait décidépour ses membres qu’ils y adhéreraient. Ces deuxpremières règles expliquent fort bien qu’il soit si dif-ficile de faire naître et encore plus durer un réseaupar une décision imposée d’« en haut ».

– tout aussi indispensable : il n’y aura réseau quesi tous ses membres se complètent par leurs forma-tions ou expériences diverses, sans hiérarchie, sansconcurrence : chacun doit pouvoir compter sur la com-pétence de l’autre et savoir qu’on peut compter surla sienne. On voit ici l’explication de la grande dif-ficulté que rencontrent les réseaux nés de l’hôpitalà se développer, celui-ci étant par excellence le lieude l’organisation hiérarchique.

– un réseau qui vit est un réseau qui bouge : commedans les « cercles de qualité » de l’industrie, chacundes membres du réseau doit avoir toujours à la foisla possibilité et la préoccupation de rechercher toutce qui peut améliorer le système : une aide ména-gère à domicile en milieu rural peut apporter une amé-lioration au fonctionnement du réseau si elle cons-tate que serait bénéfique aux patients une modificationsimple dans les procédures, que le professeur de CHUqui croit être l’unique père du réseau n’aurait mêmepas pu imaginer, du fait de son éloignement des con-ditions de vie des malades à leur domicile…

Ici, c’est la structuration complète, ne laissant d’ini-tiative qu’au faîte de l’organigramme, qui est direc-tement remise en question : c’est l’écueil sur lequelbutent des projets trop complexes et déjà tout « bou-clés » qui sont proposés aux décideurs institution-nels et n’arrivent à voir le jour que sous forme destructures n’ayant plus rien de réseaux, vouées d’em-blée à la sclérose.

– Pour qu’un réseau dure plus de cinq ans, il luifaut le soutien durable d’au moins une institution (mai-rie, hôpital, conseil général, Ddass, caisse de sécu-rité sociale…) qui garantit le sérieux de l’entreprise.

– Enfin, pour qu’il s’y engage à fond durablement,il faut que chaque professionnel ait le sentiment qu’ily gagne beaucoup, parce que, grâce au réseau : il four-nit à ses clients (patients, usagers, citoyens…) desprestations de meilleure qualité ; il se sent mieux armépour répondre à des demandes inhabituelles. En casd’incertitude, il sait pouvoir compter sur les conseilsdes autres, à charge de revanche ; il se sent mieuxreconnu par les patients comme par les profession-nels ; parfois, il en obtient une faible gratificationéconomique dépassant rarement la compensation dutemps qu’il y consacre.

C’est dire que ce n’est pas pour l’argent qu’on restedans un réseau, mais parce que cela permet de vi-vre mieux sa condition de professionnel.

Une typologie pratique simple, mais inattendueDans cette exploration, il est surtout apparu que la

majorité des réseaux qui avaient évolué dans un sensfavorable à l’intérêt des patients convergeaient pro-gressivement et spontanément vers quelque chosequ’ils n’avaient pas du tout prévu, mais qui répondau mieux aux vœux des ordonnances : des réseauxde santé (et non plus seulement de soins pour unemaladie donnée) de proximité (c’est-à-dire touchantla population qui en a besoin dans une zone dépas-sant rarement deux cantons à la campagne et un quar-tier dans une grande ville), autrement dit une meilleureprise en compte des pathologies lourdes ou chroni-ques d’une population en général précarisée. A étérécemment souligné qu’à cette meilleure prise encharge de la santé s’ajoute, dans ces réseaux, une fonc-tion non négligeable d’observatoire local7 : le croi-sement d’observations isolées de professionnels diversd’un réseau leur permet « d’entrer en résonnance »et de mettre en évidence des phénomènes émergentsou passés jusque là inaperçus, d’origine sociale oumédicale. Jusqu’à présent, cette fonction importantepar sa sensibilité et la réactivité qu’elle permet n’avaitété clairement démontrée que pour des réseaux centréssur une pathologie (maladies professionnelles dansle réseau de Martigues-Port-de-Bouc, débouchant surla création en 1996 d’un observatoire municipal dela santé et de l’environnement à Martigues, suivi despatients séropositifs au VIH dans un certain nom-bre de réseaux de la région parisienne…).

À côté d’eux, nous est apparu secondairement quesubsisterait probablement une deuxième catégoriede réseaux plus récents qui utilisaient les mêmes outils,mais étaient appelés à rester monothématiques : desréseaux de référence scientifique et de formation desprofessionnels de premier niveau, beaucoup plushospitalo-centrés que les précédents, et dont la mo-tivation essentielle, plus que de prendre directementen charge des patients complexes, est de former lesprofessionnels à effectuer cette prise en charge, lepatient ne subissant une orientation dans le réseauque secondairement : c’est le cas des réseaux dou-leur ou soins palliatifs, des réseaux pour maladiesrares, des réseaux diabète ou ostéroporose, de cer-tains réseaux psychiatriques dédiés au retentissementpsychique des maladies lourdement invalidantes, etce devrait logiquement être le cas de la majorité desréseaux cancer.

Des outils nécessairesau développement des réseauxDans un cas comme dans l’autre, l’évolution s’estavérée plus ou moins rapide et plus ou moinscahotique en fonction des outils dont s’étaient do-tés les réseaux et de l’ordre dans lequel ils se les étaientdonnés.

– Au premier rang de ces outils, la formation esttoujours présente. Si, au départ, elle est avant touttechnique pour répondre précisément à la préoccu-

7. Vidal-Naquet P. Évalua-tion du réseau médico-social de Béziers.Toulouse : Gres-Média-tion-Santé, 1997.

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adsp actualité et dossier en santé publique n° 24 – septembre 1998 23

Le réseau géronto-logique de Châluss’articule autourd’une instance decoordinationgérontologique. Àla demande dumédecin, onpropose à lapersonne âgée unprojet d’accompa-gnement indivi-dualisé. Lescompétences dechacun desacteurs sontmutualisées pourune prise encharge globale.

Pierre-HervéFourtanéMédecin, présidentde l’Associationde coordinationdes actions enfaveur despersonnes âgées

mité qui mobilise l’ensemble des pro-fessionnels locaux des secteurs mé-dical, paramédical et social, et les ser-vices de soutien à domicile intervenantdans les limites géographiques du can-ton (canton rural du Limousin, comp-tant 5 500 habitants dont 18 % de 75ans et plus).Il est géré par une Instance de coor-dination gérontologique initiée en 1982par le département de la Haute-Vienne.Cette structure salarie à plein tempsla coordinatrice du réseau, conseillèreen économie sociale et familiale, char-gée de la logistique et du suivi.Il s’insère dans un bassin gérontologiquecomportant deux maisons de retraiteavec hébergement temporaire. Il s’ar-ticule avec les services de gériatrie decourt et moyen séjours des centres hos-pitaliers régionaux universitaires et descentres hospitaliers psychiatriques pourdes bilans diagnostiques, des soins « ré-parateurs », et les retours à domicilesont négociés…

Une approche globale de lapersonne âgéeLe fonctionnement du réseau est ac-tivé à la demande du médecin traitantou hospitalier. L’équipe pluridiscipli-naire — variable selon les besoins etles choix de la personne âgée — estréunie pour une évaluation géronto-logique (incapacités, capacités restan-

tes ou potentielles, ressources actuel-les [famille, voisinage, services,moyens financiers]). L’outil utilisé estle système de mesure de l’autonomiefonctionnelle (SMAF). La mutualisationdes compétences et connaissances dechacun conduit à un projet d’accom-pagnement initial, qui finalise l’action,fixe les objectifs des intervenants,détermine les coûts et les aides pos-sibles (prestation spécifique dépen-dance…). Le projet est soumis à la per-sonne et négocié, dans le respect deses choix et de ses préférences. Le suiviadopté est réévalué et adapté à l’évo-lution lors de réunions de coordina-tion périodiques. Tout aménagementdonne lieu à une proposition explicativeécrite à la personne, et à des mémen-tos écrits aux intervenants. Ceux-ci sontrémunérés pour leur temps de concer-tation.Chaque année, environ quarante per-sonnes bénéficient simultanément duréseau. Il a fait l’objet, depuis 1990,de plusieurs évaluations externes, dontcertaines sont en cours*. Ce réseau estfragile, car lié à des financements aléa-toires. Cette précarité a grevé jusqu’àprésent des développements perti-nents pour une action plus efficace :– renforcement des actions préventives ;– formalisation des liens avec un ser-vice hospitalier (service référent) ;– conventions avec les établissementspour établir des passerelles entre do-micile et hébergement.

Seules les collectivités territoriales (dé-partement, communes) ont financé ré-gulièrement le réseau. Un partenariatavec les caisses d’assurance maladiepourrait ouvrir de nouvelles perspec-tives. Il s’agit là d’une coordination ins-titutionnelle qui ne dépend pas desacteurs de terrain.En résumé, les particularités de ceréseau sont :– une approche globale de la personneâgée, réflexion holistique ;– la mutualisation des savoir-faire etune reconnaissance de l’équivalencede chacun (médical/social…) ;– le respect des choix de la personne(autonomie, éthique) ;– la définition d’une proximité (con-naissance du milieu, de la biogra-phie…) ;– des accompagnements individualisésallant de la prévention à l’accompa-gnement de fin de vie et à l’aide auxaidants ;– l’acquisition par les professionnelsd’une culture gérontologique communegrâce à une pratique étayée par desformations théoriques spécifiques ;– l’émergence d’un « atelier » créatif,à l’origine par exemple d’un service degarde à domicile (jour et nuit) mobi-lisable en urgence.

* Évaluations qualitatives et économiquesnotamment menées par le Centre pluridisci-plinaire de gérontologie (CPDG) de Grenobleà la demande de la Fondation de France etde la direction générale de la Santé.

pation de chacun des professionnels face au problèmequi a justifié la création du réseau, elle devient trèsvite transprofessionnelle, parce que si le médecin neveut pas jouer à l’assistante sociale, l’infirmière aukinésithérapeute et l’aide-soignante à l’éducateur ouà l’infirmière, ce qui serait dommageable tant auxprofessionnels qu’à leurs patients, il vaut mieux quechacun apprenne à bien connaître son rôle et celuides autres dans le réseau pour que tous s’entraidentau lieu de se marcher sur les pieds. En outre, cha-cun ayant son propre langage de professionnel, c’estun bon moyen pour les gens d’apprendre à se com-prendre et acquérir une culture commune. La forma-tion est aussi un gage de qualité quand elle est suf-fisamment bien organisée pour répondre rapidementaux besoins émergents des professionnels du réseau.

– Bien entendu, il ne saurait y avoir réseau sanscommunication entre les professionnels, et les outilsde communication sont donc présents eux aussi par-tout, à des degrés très divers : cela peut aller de la

simple liste d’adresses de professionnels au début,à l’annuaire demandant à chacun de se décrire et doncde s’identifier clairement dans ses fonctions et seschamps d’action, à la mise en place de fiches de trans-mission standardisées, à la mise au point de dossiersmédicaux minimum communs des patients, à la ré-flexion sur des protocoles précis à utiliser dans telleou telle circonstance, pour arriver dans certains desréseaux les plus anciens et les plus évolués à un suiviinformatique en temps réel des actes ou prescriptionseffectués par chacun des professionnels pour cha-que patient… Cela suppose évidemment qu’on ré-fléchisse aux dimensions éthiques de ces échangesd’informations, pour mieux les organiser au profit

Le réseau gérontologique du canton de Châlus

L e réseau gérontologique est unréseau médico-social de proxi-

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ier Réseaux de santé et filières de soins

adsp actualité et dossier en santé publique n° 24 – septembre 199824

il est nécessaire de revenir sur l’his-torique du Centre d’éducation pour letraitement du diabète et des maladiesde la nutrition (Cetradimn) qui a étél’élément moteur de la mise en placede ce réseau.Le Cetradimn est un service hospita-lier de l’hôpital public de Roubaix, fonc-tionnant uniquement en alternative àl’hospitalisation classique (consulta-tions externes, hospitalisations demoins de 24 heures, hospitalisationsprogrammées à durée déterminée).Son recrutement, essentiellement local,correspond à une population d’envi-ron 200 000 personnes. Sa vocationest triple : soins centrés sur l’éduca-tion du patient, formation et informa-tion des soignants et du grand public.En gestation depuis 1979, il a com-mencé à fonctionner en février 1982pour s’individualiser totalement à partirde 1983 suivant les modalités décritesprécédemment.À cette époque, vu l’absence totale delits d’hospitalisation classique et lefaible nombre de personnels médicauxet paramédicaux rattachés à cette unitéen début de création, il nous a fallud’emblée réfléchir à un réseau de soinsen diabétologie permettant une priseen charge globale des patients en am-bulatoire, en collaboration avec les dif-férents intervenants intéressés, qu’ilssoient liés à d’autres services hospi-taliers ou au secteur libéral.

Une formation spécifiqueC’est ainsi que nous avons imaginé lacréation d’un triple réseau :– un réseau interne à notre centre, dé-léguant au personnel paramédical desactivités d’éducation thérapeutique dupatient ;– un réseau interne à l’hôpital, permet-tant aux diabétiques hospitalisés pourleur diabète ou une autre pathologie enhospitalisation classique, une prise encharge adaptée avec des durées d’hos-pitalisation les plus courtes possibles ;– enfin, un réseau de relais vers la villeà double entrée, d’une part en avalpour assurer le suivi des patients, no-tamment insulinodépendants, lors dela sortie du centre, d’autre part enamont pour le dépistage et le traite-

ment le plus précoce possible, notam-ment du diabète non insulinodépen-dant. Une permanence téléphoniquepermet la coordination et la cohésionde ces différents réseaux.Cette réflexion devait rapidement con-duire à la nécessité de la mise en placed’une formation spécifique à l’accueildu diabétique en milieu non spécia-lisé, qu’il soit hospitalier ou non. C’estainsi qu’à partir de 1985, plus de 600infirmières hospitalières de Roubaix oude la région ont été formées à la priseen charge d’un diabétique dans un ser-vice non spécialisé en diabétologie,et plus de 100 infirmières libérales del’agglomération roubaisienne ont bé-néficié d’une formation spécifique ausuivi, notamment pour les diabétiquesinsulinodépendants sortant de notreCentre et permettant de faire le relaisavec celui-ci. Enfin, plus de 200 mé-decins généralistes ont pu être formésà la diététique et à la diabétologie pra-tique, ainsi qu’au dépistage précoceet au suivi du diabète non insulino-dépendant.Une formation spécifique à la prise encharge de l’obésité était réalisée pa-rallèlement car, dans notre région, plusde 25 % de la population présente uneobésité qui peut être génératrice dediabète non insulinodépendant. Nousnous attachions par ailleurs à la for-mation en éducation du patient desmédecins, des infirmières, des diété-ticiennes, podologue, psychologue ducentre et ce, par des experts nationauxou internationaux.Notre centre devenait ainsi un véritablecentre ressources au sein d’un réseaude soins compétent et solidaire ayantla confiance des patients.

Des gains en termede santé publiqueL’analyse de ce fonctionnement sembleêtre tout à fait bénéfique, tant sur leplan médical pur que médico-écono-mique. En effet, actuellement, la po-pulation fréquentant le centre est d’en-viron 3 000 diabétiques dont un peumoins de 50 % sont non insulinotraités.Ce pourcentage est tout à fait déter-minant, car il n’est pas habituel dansnos centres hospitaliers généraux etrepose uniquement sur la sensibilisa-tion au dépistage et au traitement pré-coce de ce type de pathologie, notam-

ment en instituant une diététique adap-tée. À ce propos d’ailleurs, près de15 % des patients ne bénéficient qued’une simple diététique.Les patients nouveaux vus chaqueannée par notre Centre représententenviron 30 % de la clientèle. La po-pulation globale entre 1992 et 1998de patients diabétiques ayant fré-quenté notre Centre a augmenté éga-lement de plus de 30 %. Il est pour-tant évident que les résultats sur l’étatde santé des patients ne seront ap-préciables qu’à long terme.À la suite de la formation des géné-ralistes de l’agglomération roubai-sienne et de la mise en place au ni-veau de notre Centre d’une stratégieéducative adaptée, nous avons pu no-ter entre 1992 et 1994, pour le dia-gnostic de diabète considéré commediagnostic principal par les différentsservices de médecine ou de chirurgiehors pédiatrie du centre hospitalier deRoubaix, que le nombre de patientsétait passé de 255 à 175 pour les ad-missions en hospitalisation classique,soit moins 31 %, et le nombre de jour-nées avait lui aussi diminué, passantde 2 085 à 1 489, soit –28,6 %. En-fin, si nous analysons le nombre depatients admis pour complicationsaiguës depuis de nombreuses annéesaux urgences du Centre Hospitalier deRoubaix, il est très peu important, va-riant de 4 à 6 patients admis pourcoma acido-cétosique. En ce qui con-cerne le coma hypoglycémique, les ad-missions de plus de 24 heures oscillententre 0 et 5.On peut donc penser qu’un tel réseaude soins structuré autour d’un centre-ressources tel que le Cetradimn per-met, par la formation de ses acteurs,une prise en charge plus précoce dela maladie diabétique, tout en géné-rant des économies de santé par ladiminution des hospitalisations clas-siques, mais peut également, commenous essaierons de le prouver par lasuite, entraîner la diminution des com-plications au long cours et des coûtsindirects.Nous envisageons actuellement d’éten-dre ce concept à partir du modèle dudiabète en réfléchissant à la créationd’un centre-ressources pour l’informa-tion, le dépistage et l’éducation thé-rapeutique des maladies chroniques.

Jean-LouisGrenierMédecin chef,Centre d’éducationpour le traitementdu diabète et desmaladies de lanutrition, Roubaix

Le réseau de soinsen diabétologie faitcollaborer lesservices hospita-liers et la méde-cine de ville pourune prise encharge globale dupatient en ambula-toire.

Histoire d’un réseau de soins en diabétologie

A vant de décrire la structura-tion du réseau de soins endiabétologie et ses résultats,

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adsp actualité et dossier en santé publique n° 24 – septembre 1998 25

de tous : qu’a-t-on le droit de dire ? à qui ? sur unpatient qui risque d’en subir les conséquences ?

– C’est la raison pour laquelle un autre outil s’avèreextrêmement précieux pour la solidité dans le tempsd’un réseau : l’élaboration d’une « charte des droitset devoirs des professionnels entre eux et vis-à-visdes patients ». Lors de la création du réseau, ses fon-dateurs sont bien d’accord sur les grandsprincipes, mais cinq ans plus tard, quandcertains d’entre eux sont partis et qued’autres sont arrivés dans un contexterendu différent par le fonctionnementdu réseau, ce qui allait sans dire n’estplus si évident et va beaucoup mieux enle disant. Nous avons constaté que si15 % seulement des réseaux actuels s’enétaient dotés, c’était un instrument depérennisation précieux. Ce n’en est pasmoins également un outil révisable, quidoit rester évolutif.

– Ce n’est pourtant pas en général àces trois premiers outils que l’on pensed’abord lorsqu’on évoque des réseauxde soins, mais à la coordination, fonc-tion dévoreuse de temps qui justifie souvent que leréseau se donne un statut juridique, lorsque le « pèrefondateur » ne peut plus s’y consacrer autant quel’exige l’extension de son réseau. La formalisationen association loi de 1901 peut alors permettre desolliciter les subventions qui permettront de rému-nérer la secrétaire ou l’infirmière qui semble néces-saire. C’est ce qui a justifié l’importance des finan-cements accordés par l’État aux réseaux sida outoxicomanie, pour lesquels était prévue la rémuné-ration d’un médecin « référent ville » et d’un mé-decin « référent hôpital ». En fait, la fonction de coor-dination est beaucoup plus complexe que cela, caravec le temps, elle finit pas se décomposer en fonctionsdiverses qui peuvent être assumées par des profes-sionnels tout à fait différents : une fonction de ré-gulation des patients entre les divers membres du ré-seau ; une fonction de coordination des professionnelsen ce qui concerne leurs formations, la qualité de leurspratiques et leur articulation ; une fonction de réflexionstratégique sur les développements du réseau, sesorientations futures, sa relation avec les institutionsenvironnantes, la recherche de financements de sesactions ; une fonction d’évaluation. Si la premièrepeut, selon l’orientation thématique du réseau et sesmodalités d’organisation, être assumée par un tra-vailleur social, une infirmière ou un médecin, les troisdernières peuvent parfaitement relever d’un ou plu-sieurs comité(s) de pilotage regroupant divers typesde professionnels.

– Enfin, un instrument de suivi et d’évaluation estl’outil qui semble avoir le plus d’impact sur la ra-pidité d’évolution d’un réseau, à partir du momenttrès variable où il se le donne. C’est celui qui fait ré-fléchir à cette évolution, à l’efficacité du réseau pourles professionnels et les usagers, qui permet de fairerégulièrement le point et de proposer des améliora-tions. Ses modalités actuelles d’apparition commede réalisation sont très variables : ici, l’un des mé-decins du réseau apportera la curiosité scientifiquequ’il a acquise en participant à des travaux de recher-che épidémiologique ; là, une infirmière fera parta-ger son souci d’améliorer la qualité des pratiques enadoptant des protocoles validés ; ailleurs, une équipede recherche extérieure, du CNRS ou d’un autre or-

ganisme de recherche plutôt tourné versles sciences humaines, interrogera le ré-seau sur ses modalités de fonctionnementet lui en fera découvrir des particulari-tés qui lui avaient échappé… L’essen-tiel est qu’un jour ou l’autre, un regardextérieur ou nouveau permette à des pro-fessionnels trop impliqués dans le quo-tidien de prendre du recul par rapport àleurs pratiques.

Il est intéressant de constater que tousces éléments avaient déjà été repérés parun membre du Haut Comité de la santépublique avant même la promulgation desordonnances, même si l’importance desuns par rapport aux autres n’avait pas étéclairement déterminée, puisque le Pr

Grémy en avait fait état dès février 1996 dans le cadredes enseignements d’un DESS (lire page 26).

Les choix de l’État pour l’avenirdes réseaux existantsPartant de ces constatations, il a semblé indispen-sable à la direction générale de la Santé de tirer lemeilleur parti de tant d’expérience accumulée, et ila été officiellement annoncé en janvier 19978 quel’État soutiendrait les réseaux existants dont le fonc-tionnement répond bien aux attentes des ordonnan-ces, mais dont le cadre est le plus souvent différent.Il a été annoncé que ce soutien prendrait deux for-mes :

– une aide au développement rapide d’un maxi-mum de réseaux dans le sens le plus favorable à lasanté publique, passant par la mise à disposition detrois outils principaux :

• la réalisation par les plus aguerris des réseaux,sous l’égide de leur Coordination nationale, d’unesorte de « guide de développement » capitalisant l’ex-périence des plus anciens, pour éviter aux plus ré-cents de perdre du temps à « réinventer l’eau chaude » en permanence. Ce travail est en cours, et a été plusparticulièrement orienté depuis quelques mois versl’analyse de ses apports possibles à la politique dela ville ;

• il a été demandé à la Coordination nationale de

8. Morel A. Discours declôture de la IIIe rencon-tre nationale des ré-seaux ville-hôpital, desréseaux de santé et desréseaux de proximité.Paris, 25 janvier 1997.

Les enseignementsdes réseaux existants

Des outils pourréussir :

formation,communication,charte des droits

et devoirs,financement de la

coordination,instrument

d’évaluation

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ier Réseaux de santé et filières de soins

adsp actualité et dossier en santé publique n° 24 – septembre 199826

mener avec toutes les grandes organisations natio-nales de formation médicale continue une réflexionsur les formations indispensables aux réseaux, et no-tamment de faire des suggestions surdes aménagements de la réglementa-tion pour permettre les indispensablesformations transprofessionnelles. Le butest de garantir des formations de qua-lité qui puissent devenir une priorité na-tionale. Ce groupe a rendu ses conclu-sions lors de l’été 1998 ;

• par ailleurs, la direction généralede la Santé s’est engagée à faire met-tre au point un « guide de suivi et d’éva-luation des réseaux de terrain » qui de-vrait permettre à des professionnels,n’ayant jamais été formés et dont cen’est pas la motivation première, d’apprendre sim-plement à situer ce qu’ils font, et à ne pas se trou-ver épisodiquement écrasés sous le poids de borde-reaux multiples à remplir dans le cadre d’évaluationsexternes.

– une aide et une simplification des procédures pourceux des réseaux qui répondront à un cahier des char-ges déjà mis au point depuis plusieurs mois avec leconcours de nombreux réseaux, et de représentantsde l’administration de tous les niveaux. Ce cahier descharges ne définit pas de « réseau modèle », puis-qu’il faut de nombreuses années pour parvenir à ce

stade, mais plus simplement les berges d’une démar-che qui mène à être un bon réseau complet : en deçà,vous n’êtes pas encore dans la démarche, au-delà,

vous n’y êtes plus parce que vous êtes de-venu une institution où la convivialité né-cessaire à un réseau n’a plus sa place.Ceux qui répondront à ce cahier des char-ges recevront de leur Ddass une sorte de« labellisation » donnant accès à des fi-nancements dont les modalités ne sont pasencore clairement définies, mais le serontavant la prochaine loi de finances.

Le but général de cette attitude de l’État,qui reconnaît l’évolution inéluctable denotre système de soins ambulatoires verscette organisation en réseaux est d’amenerun maximum d’entre eux à pouvoir pro-

poser au Conseil d’orientation des filières et réseaux,des modalités de financement du système de santéqui y soient mieux adaptées : c’est la préfigurationdu système de santé du XXIe siècle.

François GrémyProfesseur de santépublique, chef dudépartement deméthodes d’aide à ladécision en cancéro-logie, Institut GustaveRoussy

Les 19 ingrédientsd’un réseau de soins coordonnés

l’expérience a montré l’importance, c’est-à-dire lerespect maximal de l’autonomie de chacun.

Voici les ingrédients proposés :

1. Un groupe d’objectifs cohérents bien définis,soit en termes de résultats, soit en termes de procé-dures (qualité technique, accessibilité, continuité, sé-curité) ;

2. Un territoire ou une population-cible, eux aussidéfinis ;

3. Sur ce territoire, une répartition adéquate desmoyens pour respecter les exigences de proximité ;

4. Dans les trajectoires, prise en charge globaledes patients, dans deux sens : sur le plan synchro-

nique, prise en compte coordonnée et simultanée deses besoins somatiques, psychiques et sociaux ; surle plan diachronique, interventions de prévention, desoins curatifs et de réhabilitation.

5. Il semble important que chaque patient ait unréférent dans le réseau, qui soit plus précisémentchargé du suivi et de la coordination de sa trajectoire.Il y a tout intérêt à ce que celui-ci se trouve à proximitédu patient. Dans la majorité des cas, ce devrait êtrele rôle du généraliste. En gérontologie, on peut penserà un infirmier ou un travailleur social. Dans les casd’un suivi très technique, ce peut être un médecinhospitalier.

6. Les membres du réseau n’y appartiennent quesur la base du volontariat.

7. Le réseau doit faire travailler en partenariattoutes les catégories de professionnels nécessairespour la réalisation des objectifs de la prise en chargeglobale des patients, telle que définie ci-dessus. Dans

Il faut chercher à se faufiler entre ces deux il-lusions : rechercher la possibilité de structuresorganisées, de taille significative, mais respec-tueuses de tous les enjeux psychosociaux dont

Extrait d’un articlepublié parl’Unaformec(20 février 1996)

L’État pourramanifester son

soutien auxréseaux par une

aide audéveloppement etune simplificationdes procédures

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adsp actualité et dossier en santé publique n° 24 – septembre 1998 27

Créteil-Solidaritéest un réseau desanté de proximitéincluant un réseauconcernant lesséropositifs auVIH, un réseaud’accès aux soinset un réseautoxicomanie. Il amis en place ungroupe santé-citoyenneté dontle but est d’ame-ner le citoyen àêtre partieprenante dusystème de soinsen favorisant leséchanges avec lesacteurs de santé.

deux quartiers de Créteil vise à accom-pagner les habitants dans une démar-che de responsabilisation par rapportaux problèmes de santé, tant au planpersonnel que social. À terme, il de-vrait inciter les citoyens à peser sur desdécisions et des choix qui ordonnent,orientent et conditionnent souvent leurvie quotidienne. Fondé sur le concept« d’accompagnement collectif »comme élément central d’interventionsociale, il vise à relégitimer l’action mi-litante et participative comme mani-festation concrète de l’exercice de lacitoyenneté.Il s’agit de créer des conditions quiautorisent les habitants à formuler eux-mêmes leurs aspirations, leurs désirs,leurs besoins. Partant du constat queles services publics de santé (au pre-mier chef l’hôpital) sont perçus commelointains et indifférents aux problèmesdes gens, on a tenté de mettre en placedes dispositifs non institutionnels demédiation qui, en restaurant le dialo-gue, rendent possible un travail derelégitimation d’organismes dont ona fini par oublier qu’ils étaient auservice du public.Un tel travail ne se conçoit qu’enpartenariat avec les services concer-nés (des séances de travail sont ainsi

Hector VilèsChargé de mission,Créteil Solidarité

Le Groupe santé citoyenneté du réseau Créteil Solidarité

organisées dans l’hôpital avec leséquipes hospitalières) de sorte que,par effet de miroir, se trouvent éga-lement interrogées les représentationsdisqualifiantes que les institutions seforgent du public.Passer d’attitudes de dépendance desuns, d’autorité des autres à des rela-tions plus égalitaires fondées sur lecontrat permet aux habitants d’expri-mer leurs potentialités et surtout, enrécupérant des savoirs niés et déva-lorisés, de rechercher leurs propres so-lutions aux problèmes auxquels ils sontconfrontés.Ce travail implique de la part de sesinitiateurs le recours à une référenceéthique forte qui considère que seule,la communauté des citoyens est àmême de légitimer la politique des ins-titutions dans leurs dimensionsintégratives. C’est cette même réfé-rence qui doit les pousser à interro-ger leurs attitudes, leurs motivations.On sait que, chez de nombreux pro-fessionnels, par inclination naturelleen quelque sorte, ce sont souvent leslogiques institutionnelles gestionnairesqui sont mises en avant. Dès lors, ilest mystificateur d’en appeler à ladémocratie et à la tolérance puisque,dans la réalité, l’autonomie de la per-sonne se trouve niée tant dans son ju-gement que dans son action. De fait,

habitants et intervenants sociaux s’en-ferment dans une relation utilitaire qui,loin d’inciter la population à cultiverla solidarité communautaire, la struc-ture dans la partition, la séparation,la disjonction. Privée des perspecti-ves qu’offre l’action collective, il ne luireste alors qu’à subir passivement sacondition.On peut tenter d’éviter cette dérive parl’instauration, dans le mouvementmême de la démarche collective, d’uneévaluation. Toutefois, cette évaluationdoit se nourrir de transparence par laparticipation effective des habitants.Outre sa fonction de « contrôle », ellepeut alors produire aussi de la con-naissance en vue d’éventuelles prisesde décision, tout en incitant les « ci-toyens usagers » à s’impliquer, en touteconnaissance de cause, dans la con-ception et le fonctionnement de ser-vices qui leur sont destinés.Ce travail est mené avec la participationactive du centre social du quartier, dela protection maternelle et infantile,et de la CASS de l’hôpital intercom-munal de Créteil.Le financement en est assuré dans lecadre du contrat ville (participation del’État et de la ville de Créteil) et pardes crédits régionaux de prévention(Drass d’Île-de-France, Ddass du Val-de-Marne).

le cas le plus complet, on trouve : des médecins hos-pitaliers, des médecins de ville, spécialistes ou gé-néralistes, des professionnels médicaux à compétenceslimitées, des infirmières hospitalières ou de ville, destechniciens paramédicaux, des travailleurs sociaux,des administratifs, etc.

8. Les partenariats doivent concerner aussi des éta-blissements ou des institutions (hôpitaux publics, cli-niques privées, laboratoires, centres médico-sociaux,PMI…) mais aussi des décideurs, au sens classique(conseils généraux, municipalités, services centrauxde l’État, caisses d’assurance maladie, mutuelles…).

Bien entendu, les professionnels concernés et lesinstitutions seront choisis selon le problème de santéà résoudre. Par exemple, le poids de l’hôpital seragrand dans un réseau destiné au suivi des maladestransplantés, mais beaucoup plus modeste dans unréseau de gérontologie.

9. Autant qu’il est nécessaire, la participation auréseau de la population ou des malades concernés

doit être envisagée, pour introduire la dimension desanté communautaire.

10. Ceci suppose, de la part de chaque partenaire,la reconnaissance vraie de la limite de ses proprescompétences, l’acceptation de la délégation, et l’ap-plication stricte de la subsidiarité. Les liens hiérar-chiques seront aussi faibles que possible, sans êtretout à fait abolis. Un réseau important doit être coor-donné, par des personnes ou des instances chargéesde cette tâche. Un réseau doit se doter de moyensde fonctionnement démocratiques. Il doit se donneraussi les moyens d’une bonne gestion.

11. Il doit être organisé au moyen de conventionsou contrats entre les différents partenaires, ceux-cine les engageant que pour un temps limité, et dontle renouvellement n’est pas automatique.

12. Parmi les éléments du consensus, les prati-ques professionnelles doivent obéir à des règles

L e Groupe santé citoyenneté misen place depuis trois ans dans

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ier Réseaux de santé et filières de soins

adsp actualité et dossier en santé publique n° 24 – septembre 199828

che active dans la prise en compte dela douleur a débuté, avec l’ouvertured’une unité de soins palliatifs. Actuel-lement, elle s’étend à l’ensemble despersonnes âgées et correspond :– à la nécessité de répondre à un be-soin ;– à une dynamique de l’établissement ;– et à une volonté régionale et natio-nale.Deux tiers des personnes âgées souf-frent de douleurs chroniques, alors quel’expression comme l’évaluation de ladouleur sont particulièrement diffici-les dans cette tranche d’âge.La sensibilisation au symptôme douleurfait l’objet d’une préoccupation de l’en-semble des partenaires de l’hôpital desCharpennes :– création en janvier 1996 d’un co-mité de pilotage chargé d’observer, desensibiliser, de former le personnel faceà la douleur des personnes âgées ;– formation des médecins et infirmièresen algologie ;– enfin, volonté du directeur d’établis-sement de progresser dans le domainede la prise en charge de la douleur.Dans cette dynamique de l’établisse-ment, de la région, et de l’État, notresouci au sein de l’hôpital desCharpennes est avant tout :– d’assurer une prise en charge despersonnes âgées présentant des dou-leurs chroniques rebelles aux traite-ments antalgiques usuels : douleurscancéreuses provoquées par le can-cer lui-même (métastases osseuses,envahissement des plexus nerveux…)ou secondaires au cancer ou à son trai-tement (escarres, plexite…) ; douleurschroniques non malignes musculo-squelettique, neurologique (zona, né-vralgie, céphalées…) ; douleurs secon-daires à la grabatisation, douleurs dansla maladie d’Alzheimer, douleurs psy-chogènes.– d’offrir un service de qualité et deproximité pour l’évaluation et la priseen charge de ces personnes ;– de former un personnel attentif à ladouleur de la personne âgée.

Pour un travail en réseauLe caractère de la structure, la com-

Pierre HaondMédecin, Hospicecivils de LyonGabrielle BilocqMédecin, Hospicescivils de Lyon

Prise en charge de la douleur à l’hôpital des Charpennespétence et la motivation des méde-cins, des soignants et des services ad-ministratifs permettent l’organisationd’une consultation d’évaluation et detraitement de la douleur à orientationgériatrique avec possibilité d’hospita-lisation, c’est-à-dire :– organisation de consultations inter-nes pour les patients hospitalisés,structurées comme une équipe mobileau sein de l’établissement qui, par sesinterventions, a la double vocationd’évaluer et de traiter les patientssouffrant de douleurs rebelles, et d’ini-tier et de former les équipes en place ;– organisation d’une consultation mul-tidisciplinaire (deux fois par semainepour les patients non hospitalisés) :par des médecins qualifiés et une psy-chologue clinicienne, dans un mêmelieu, avec sélection des rendez-vous,et réunion pluridisciplinaire systéma-tique (une fois par mois), l’accueil té-léphonique est assuré 24 heures sur24 pour le patient ;– possibilité d’hospitalisation sur leslits de l’unité de soins palliatifs : travailen pluridisciplinarité et avec d’autresprofessionnels (psychologue, assistantsocial, kinésithérapeute, psychomotri-cien, ergothérapeute) et plateau tech-nique qui correspond à celui de l’hô-pital ;– nécessité de travailler en réseau,c’est-à-dire établir une coordinationsouple, non contraignante et récipro-que, avec tous les partenaires sensi-bilisés à la douleur : le centre de ré-férence de la douleur de la région ; lesautres unités lyonnaises, selon leursspécificités (neurochirurgie, anesthésie,neurophysiologie…) et dont le plateautechnique est adapté pour des ges-tes nécessitant au moins une salle deréveil ; les médecins de ville, les équi-pes des maisons de retraite, les ser-vices d’hospitalisation à domicile, quisont toujours ceux qui adressent la per-sonne, resteront les référents et pour-suivront la prise en charge lorsquecelle-ci prendra fin à l’unité. Les pro-fessions paramédicales de ville (kiné-sithérapeutes, assistantes sociales, in-firmières…), collaborateurs immédiatsde la prise en charge du patient, etqui la poursuivront souvent lorsque lemédecin traitant prendra le relais. Lesassociations de bénévoles viennent ac-

tuellement rejoindre notre travail, dansle but d’intervenir sur les facteurs ag-gravant la douleur, tels que l’isolement,la solitude, si fréquents chez la per-sonne âgée.Ce travail en réseau a pour buts :– de rationaliser les soins en utilisantles compétences spécifiques de nosconfrères, en complémentarité aveceux pour une meilleure prise en chargede proximité pour les patients ;– de coordonner les soins, dans cer-tains cas en favoriser la continuité, touten évitant l’escalade d’investigationset de traitements dont souffrent cer-tains patients « consommateurs » etinsatisfaits de leur « nomadisme mé-dical » ;– de participer à la formation : notreUnité a été proposée comme terrainde stage, dispense des cours dans di-verses instances, intervient dans la for-mation médicale continue des méde-cins généralistes collaborateurs deterrain ; participe, au sein même del’établissement, à la formation dessoignants et des internes ;– enfin, de nous permettre de réactua-liser nos connaissances, en partici-pant : aux « staffs » organisés une foispar mois à Saint-Étienne par le Cen-tre de la douleur ; aux rencontres dela Sled (Société lyonnaise d’étude dela douleur) et de la SFD (Société fran-çaise de la douleur).Le travail en réseau autour des patientsdouloureux chroniques naît à l’initia-tive de professionnels dynamiques etconvaincus. Il se met en place spon-tanément, dans la logique d’une meil-leure réponse à apporter au patient.Cette réponse de qualité et de proxi-mité doit assurer une continuité dessoins par la complémentarité des dif-férents acteurs. Le réseau « douleur »est évolutif dans le temps : si, audépart, les circuits se limitaient auxseules professions médicales et pa-ramédicales, ils s’élargissent actuel-lement au domaine social, voire cul-turel.La « dynamique de réseau » autour depatients est difficilement quantifiableen temps passé, mais témoigne d’uneprise en charge globale de la personne,garant du respect de son humanité.

Le traitement de ladouleur nécessiteun travail coor-donné de tous lespartenairesconcernés autourdu patient : c’est ladémarche entre-prise par l’hôpitaldes Charpennes.

D ès 1989, à l’hôpital géron-tologique des Charpennes(Villeurbanne), une démar-

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acceptées par tous : guidances, procédures ou pro-tocoles selon les cas. Les écarts sont bien entendupossibles, mais doivent pouvoir être justifiés.

13. Tout réseau impose la mise en place d’unsystème d’information. Celui-ci, au minimum, doitpermettre un suivi correct de chaque patient ; aumieux, il doit permettre aussi d’identifier et d’éva-luer les filières de soins, et doit contribuer à la dé-marche qualité et à l’évaluation globale du réseau.

14. Le bon fonctionnement d’un réseau supposeune fonction importante de gestion. Ceci impliqueun rôle décisif pour les administrateurs de la santé.Mais il faut qu’ils acceptent les principes du mana-gement de proximité.

15. La formation est une des composantes ma-jeures d’un réseau. L’objectif est que chacun ait acquisle savoir et le savoir-faire nécessaires à la place età la responsabilité qu’il est censé avoir dans le ré-seau. Ainsi, dans un réseau VIH, ou dans un réseaugrossesse-naissance, le généraliste doit avoir les qua-lifications nécessaires, ce qui veut dire parfois lesacquérir s’il ne les a pas reçues à la faculté ou de laformation continue post-universitaire.

16. Le caractère temporaire des réseaux doit êtreun incitatif puissant à la pratique de l’évaluation glo-bale et de la recherche permanente de la qualité. Cetteévaluation devrait se faire sous la forme de l’auditde structure, et le moins possible sous celle du con-trôle des personnes.

17. L’argent est le nerf du réseau. Un réseau nepeut fonctionner que s’il dispose d’un financementglobal, stable, et suffisamment incitatif pour entraînerdes adhésions. Pour ce qui concerne les médecinset les paramédicaux, on ne peut que renoncer aupaiement à l’acte exclusif. Dans nombre de cas, lepaiement à la procédure (ensemble coordonné d’actes)ou à la capitation semble la solution la plus adéquate.

18. Les rapports du réseau avec les pouvoirs pu-blics sont nécessaires, dans la mesure où les finan-ces sont d’origine publique, et où la santé publique,et par conséquent l’organisation des soins, relèventde la mission régalienne de l’État. Toutefois, les pou-voirs publics doivent eux aussi reconnaître la limi-tation de leurs compétences. Ils doivent renoncer aupouvoir de contrôle (contrôle des personnes, contrôlede gestion, contrôle formel et a priori).

Dans la mesure où ils financent, ils sont en droitd’indiquer le cahier des charges qu’ils demandent

au réseau de satisfaire. Il appartient ensuite au ré-seau de trouver lui-même, et de proposer, l’organi-sation et la répartition des compétences qui permettentd’atteindre les objectifs. Cette organisation dépen-dra des conditions locales (géographie, rapports depouvoir, poids social et influence des personnes…)et ne peut en aucun cas être définie a priori. Si l’or-ganisation proposée obtient le consensus des mem-bres du réseau, si elle semble compatible avec lesobjectifs proposés, et si elle semble raisonnable, lefinancement peut être accordé pour une durée limi-tée, pas forcément annuelle.

19. L’organisation en réseaux ne se présente pascomme une solution exclusive du système actuel. Aucontraire, elle pourrait être immergée dans celui-ci :les médecins et les malades auraient le choix de resterdans celui-ci ou d’essayer les formules nouvelles.Puis ils pourraient remettre en cause leur choix ini-tial. De plus, il serait mauvais que, dans une régiondonnée, un seul réseau ait le monopole d’un type d’ac-tivité. La coexistence et la concurrence de plusieursréseaux seraient tout à fait préférables.

Les ingrédientsd’un réseau de soins coordonnés

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ier Réseaux de santé et filières de soins

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du terme, est actuellement qualifiée de réseau, touteforme de mise en relation professionnelle d’acteursdu système de soins, organisée de façon différentepar rapport aux relations institutionnelles dans les-quelles ils évoluent de façon habituelle, en fonctionde leur appartenance à telle ou telle composante dusystème. De ce fait trouve-t-on actuellement sous leterme générique de « réseau » toutes les formes decollaboration formelle et informelle entre acteurs.On trouve également sous ce terme, les différentesformes de coopération.

La recomposition de l’offre de soinsPar l’effet des réseaux, c’est la recomposition de l’of-fre de soins qui est engagée, en particulier pour l’hô-pital qui, structure fermée aux règles étanches, connaîtdeux voies d’ouverture qui l’inscrivent dans un mou-vement de flux dans deux directions :

– une ouverture horizontale par l’effet de la miseen œuvre des actions de complémentarité entre éta-blissements de santé, et notamment de coopérationpublic/privé,

– une ouverture verticale par l’effet des réseauxqui pénètrent l’hôpital.

Le schéma ci-après illustre l’ouverture de l’hôpitalpar l’effet conjugué de la coopération public/privéet des réseaux, l’ouverture par effet secondaire à lamédecine de ville, d’une part par le fait que les mé-decins pratiquant dans les cliniques sont payés à l’acteet relèvent de l’enveloppe médecine de ville, d’autrepart parce que les médecins impliqués dans les ré-seaux et qui pratiquent en ambulatoire, entrent de plusen plus souvent dans l’hôpital.

On voit bien alors que les règles organisant l’hô-pital, tant en matière tarifaire que relatives au sta-tut des personnels qui y travaillent, se trouvent for-tement bousculées par le nouvel environnement aveclequel celui-ci doit composer.

La question qui survient alors est celle de l’impor-tance des mouvements en cours tant en volume qu’ennature. Il semble peu probable que le mouvement nes’intensifie pas. Deux raisons principales militent ence sens :

– le patient devient le centre du dispositif. C’estl’objet même de l’existence du réseau de soins. Maiscet état de fait est également en cohérence avec uneévolution sociétale plus large qui concerne le com-portement des consommateurs de soins. Si l’on metà part les clients captifs qui relèvent d’un mode de

Les réseaux vusde l’hôpitalLe développement des réseaux remet fortement en cause l’organisation del’hôpital. Coopération interétablissements, collaboration avec les médecins deville et les intervenants médico-sociaux, derrière le terme de « réseau », c’estsouvent la recomposition de l’offre de soins qui est en marche

Toute réflexion sur les réseaux ne peut êtreouverte sans se livrer au préalable à la dé-finition du champ auquel on fait référence.En effet, en l’absence de définition claire

On peut avoir une lecture extensive du mot « réseau », celui-ciétant alors le plus souvent le terme générique employé pourévoquer la recomposition du système de soins : la notion deréseau recouvre alors celle de restructuration. Celle-ci se traduitpar des actions de complémentarité, de coopération entreétablissements, de mise en réseau, avec tous les supportsjuridiques existants ou en devenir pour en accompagner larecomposition.

Il est également possible d’avoir une lecture restrictive de ceterme : il s’agit alors des réseaux de soins (ou de santé) organi-sés autour d’une pathologie ou d’une population, et des filièresde soins qui organisent le parcours du patient dans le systèmede santé. La lecture restrictive est étroitement liée à la réflexionpolitique sur les choix stratégiques en matière de construction desystème de santé. En effet, les réseaux et filières de soins sontconsidérés comme les témoins de l’émergence de nouveauxacteurs dans le système de santé français : acheteurs de soins(logique HMO), offreurs de soins (proches des preferredproviders organizations) le plus souvent sur l’initiative demédecins. Ce mouvement s’inscrit dans la réflexion internatio-nale sur la définition des systèmes de santé les plus efficients

Christine DupréChargée de missionà la direction desHôpitaux

Les deux lectures du mot « réseau »

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soins dans lequel ils ont une marge de manoeuvretrès étroite (il s’agit ici des personnes en situationde précarité et/ou non bénéficiaires d’une couver-ture complémentaire), le consommateur exerce unepression de plus en plus forte sur l’offre de soins,en particulier sur le volet qualitatif. Les assureurscomplémentaires ne s’y trompent pas lorsque pourrépondre au besoin de repérage dans un système vécucomme opaque, ils développent une offre globale desoins qu’ils labellisent. Le patient-consommateur de-vient le centre du système de soins ;

– la pression économique sur les dépenses de soinspousse les acteurs de la régulation des dépenses àrationaliser l’offre : les caisses de sécurité socialeen développant la gestion du risque, en s’engageantdans les réseaux ; les directeurs d’agence régionaled’hospitalisation tant en redistribuant les finance-ments, qu’en poussant à la coopération des établis-sements et enfin en favorisant le développement decertains réseaux.

Ainsi le mouvement engagé remet en question leslimites des différentes organisations composant lesystème de soins. Mais le schéma peut encore allerplus loin lorsque le réseau en cours de constitution,inclut une coopération avec un établissement privé.Dans ce cas, les trois composantes se trouvent in-terpénétrées, et c’est l’ensemble de l’organisation quidoit être repensée à partir d’une analyse des élémentsqui la compose.

Ainsi, les mouvements en cours dans l’organisa-tion de l’offre de soins se traduisent par une dyna-mique de décomposition de l’organisation hospita-lière, immédiatement recomposée par une offre sous

forme de réseau ou de complémentarité entre éta-blissements. La question qui se trouve posée est cellede la nouvelle forme de l’hôpital, et donc de la dé-finition de ce qui doit constituer la partie « dure »de sa structure, laquelle doit être maintenue ferméepour des raisons techniques, et la partie « molle » quipeut constituer une sorte de zone frontière entre lamédecine de ville et l’hôpital.

Aujourd’hui, la forme la plus souple de l’hôpitalest celle de l’hôpital local : prévu pour prendre encharge les affections les moins lourdes, il est ouvertà la médecine de ville puisque ce sont des praticiensde ville qui y interviennent : ils sont payés à l’actemoins une redevance à l’hôpital pour usage du pla-teau technique. Le plateau technique constitue lui-même une sorte de plate-forme de service sanitaire,constituée de personnel soignant non médical etd’équipements. C’est dans ce cadre que les réseauxse développent sans difficulté majeure, notammentles réseaux gérontologiques. La difficulté survientdès lors que l’établissement de santé concerné parun réseau est un centre hospitalier. La réglementa-tion des centres hospitaliers est particulièrement fer-mée à la médecine de ville. Un patient adressé parun médecin de ville, devient le patient de l’hôpital,lequel détermine le protocole de soins qui doit êtreappliqué au malade. Même si le médecin de ville estautorisé à visiter son malade, il ne peut pas en re-vanche imposer un mode de traitement élaboré dansle cadre d’un réseau.

L’issue est alors d’impliquer l’équipe hospitalièredans le projet de réseau afin que, de par la volontédes hommes, la collaboration puisse être poursuivie.Le droit hospitalier est ainsi poussé à l’extrémité dela lecture qui peut en être faite pour permettre l’en-trée du réseau dans le centre hospitalier. Pourtant,ce qui fait obstacle, ce n’est pas le niveau techniquerequis qui pourrait éventuellement justifier d’une priseen charge exclusive de l’hôpital, mais le statut de l’hô-pital. La forme, notamment juridique, déterminel’étendue des collaborations possibles indépendam-ment de l’objet de la collaboration.

Pourtant, ce qui importe désormais, c’est bien dedéterminer le point critique de la technicité médi-cale à partir duquel on doit faire basculer le système :en quelque sorte, le point en deça duquel la colla-boration entre médecine de ville et hôpital doit êtreencouragée et donc l’ouverture des murs de l’hôpi-tal favorisée, et le point au-delà duquel le niveau detechnicité de l’intervention rend nécessaire la fer-meture de l’hôpital à l’intervention extérieure, mêmesi les articulations entre intervenants médicaux doiventencore y trouver un support. Il s’agit de reculer lesmurs étanches de l’hôpital et de définir leur lieu d’im-plantation.

Le problème se pose bien entendu différemment

linique hôpital

Coopérationentre public et privé

Réseauxde soinsMédecine

de ville

La recomposition de l’offre de soins

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pour ce qui concerne la collaboration entre les éta-blissements de santé publics et privés, puisque la ques-tion n’est pas, dans ce cas, celle de la technicité, maisdavantage celle de la configuration de l’offre de soins,celle-ci trouvant sa traduction dans les schémas ré-gionaux d’organisation sanitaire. Toutefois, les ques-tions relatives à l’adaptation de la réglementation hos-pitalière se posent souvent de façon comparable quantaux supports juridiques nécessaires à la collabora-tion et à l’entrée des personnels de statut différent,et à l’évolution du droit des autorisations.

Les réseaux de soins organisés autour d’unepathologie ou d’une populationLa direction des Hôpitaux, dans ses fonctions, d’auto-rité administrative, d’animation et d’expertise du sec-teur hospitalier est directement concernée depuis l’ori-gine du mouvement, par les réseaux de soins.

Ainsi, dès 1991, elle a créé, avec la direction gé-nérale de la Santé, les conditions de la mise en placedes réseaux ville-hôpital pour la prise en charge despersonnes atteintes du sida, puis ulté-rieurement de la toxicomanie. Cetteévolution réglementaire s’est poursuiviejusqu’aux ordonnances du 24 avril1996, lesquelles ont conduit à mettreen place deux procédures distinctes pourl’agrément des réseaux, qui ne sontd’ailleurs pas exclusives l’une del’autre :

– au titre de l’ordonnance n° 96-346portant réforme de l’hospitalisation pu-blique et privée (article L 712-3-2 duCode de la santé publique) ;

– au titre de l’ordonnance n° 96-345relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins(article L 162-31-1 du Code de la sécurité sociale).

La circulaire DH/EO/97 n° 97-277 du 9 avril 1997a donné un cadre d’application aux réseaux relevantde l’article L 712-3-2 du Code la santé publique,ouvrant ainsi la voie à leur agrément par les direc-teurs d’agence régionale de l’hospitalisation.

En ce qui concerne les réseaux et filières de soinsexpérimentaux institués par l’ordonnance relative àla maîtrise médicalisée des dépenses de soins, la di-rection des Hôpitaux étudie régulièrement les pro-jet soumis au Comité d’orientation des filières et ré-seaux de soins, notamment pour évaluer leur éventuelimpact sur les établissements de santé.

Il existe désormais deux voies par lesquelles lesréseaux peuvent être agréés et il est intéressant denoter que ce ne sont pas les mêmes acteurs qui choi-sissent chacune de ces voies même si leurs critères

ne sont pas exactement ceux que l’on aurait pu at-tendre.

Les réseaux relevant du Code de la santé publi-que sont les plus anciens, historiquement issus de lamouvance des réseaux ville-hôpital autour de patho-logies lourdes (sida, toxicomanie, cancer, insuffisancerénale chronique). Créés à l’initiative de soignants,le plus souvent de médecins ; portés par un « cheffondateur », ils évoluent, pour ceux, peu nombreux,qui ont survécu aux premières années d’existence,vers une prise en charge globale, dépassant le plussouvent le cadre strict de leur mission première. Cesréseaux sont donc nés d’initiatives de pionniers, ani-més par le souci d’améliorer la qualité de la priseen charge de patients atteints de pathologies lour-

des. Ces initiatives auxquelles on peut re-connaître une dimension « missionnaire »,rencontrent cependant après quelques an-nées de fonctionnement un problème d’es-soufflement de leurs animateurs et c’està ce moment que le réseau doit se trou-ver un relais plus institutionnel.

Ce besoin se traduit alors par la formu-lation de demandes de deux natures dif-férentes :

– celle de leur reconnaissance, au tra-vers de la recherche de la labellisation deleur démarche de soins,

– celle de voir évoluer le cadre régle-mentaire de leurs activités, notamment par un assou-plissement des règles tarifaires et organisationnel-les qui leur sont applicables.

Dès lors ils sortent du champ d’application de cetype de réseau et se tournent alors vers le Comitéd’orientation des réseaux et filières de soins, seuleinstance qui permette à la fois de bénéficier d’un « la-bel » de niveau national à contenu politique et scien-tifique, seule instance dont l’aura leur paraît suffi-sante pour la reconnaissance attendue de la qualitéde leur démarche conceptuelle, et d’obtenir les dé-rogations nécessaires, même lorsqu’elles sont mi-nimes, pour favoriser la poursuite de leurs activitésdans un cadre réglementaire et tarifaire moins rigide.Le problème de la dérogation au droit hospitalier restecependant entier puisque celui-ci n’entre pas dansle champ dérogatoire des activités du comité.

Les projets de réseaux présentés au comité Soubie,lorsqu’ils ne relèvent pas de la catégorie qui vientd’être évoquée (recherche de labellisation, besoinsde dérogations réglementaires limitées), émanent leplus souvent de promoteurs qui sont des acteurs éco-nomiques du système de soins : caisses de sécuritésociale (MSA, Canam), assureurs complémentairesen particulier les mutuelles (FNMF) et compagniesd’assurance (Groupama). Ils se positionnent alors en

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Les réseaux fontreculer les murs

étanchesde l’hôpital.Ils posent laquestion de

la nouvelle formede l’hôpital.

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béraux et des établissements de santépublics et privés voisins. Plusieurs typesde réseaux fonctionnent localement.La particularité médicale inhérente àl’hôpital local est la présence obliga-toire de médecins généralistes au seinde ses services. Ils soignent et hos-pitalisent pour des soins de courtesdurées, dans un service de médecineet de moyen séjour, des malades at-teints de pathologies aiguës et très di-versifiées. Ils exercent à l’hôpital lo-cal une médecine polyvalente. À ceteffet, ils disposent d’un plateau tech-nique suffisant et efficace, d’un sys-tème conventionnel signé avec les cen-tres hospitaliers voisins qui permettentdes séjours à vocation diagnostique.En effet, l’hôpital local de Houdan gère,dans ses murs, un centre de santé mu-nicipal conventionné, inhabituel dansce genre d’établissement, offrant à ses22 000 clients externes (en 1999) lesconsultations de médecins libérauxspécialistes et une radiologie moderne,performante. Les patients bénéficientdu tiers payant et de l’absence de dé-passement d’honoraires.L’existence de ce centre de santécomble l’absence de consultations ex-ternes dans les hôpitaux locaux. Et ilcomplète une faible démographie mé-dicale spécialisée en milieu rural. Ilévite des déplacements longs et coû-teux aux patients de l’hôpital et auxhabitants du canton. Enfin, il permetde construire des savoirs et des sa-voir-faire tout en harmonisant les pra-tiques professionnelles.Un tel dispositif renforce le partena-riat entre les secteurs public et libé-ral, assure une diminution des coûtset permet de développer des actionsde prévention telle que des consulta-tions de préparation à l’accouchement,de surveillances de grossesses, de con-sultations anti-douleur…La complémentarité avec les centreshospitaliers voisins ne s’arrête pas àl’hospitalisation de leurs patients. Desconventions ont été élaborées en ma-tière de transfusion sanguine, d’ana-lyses biomédicales, de matériovigi-lance ou de médecine du travail.Un projet de dispositif gradué de prise

en charge des urgences, construit encollaboration avec les médecins deville, l’hôpital de Houdan et les urgen-ces du centre hospitalier voisin est ac-tuellement discuté dans le cadre d’unenégociation avec l’agence régionalede l’hospitalisation d’Île-de-France. Ilpeut être réalisable dès 1999. Il illustreassez bien ce qui peut être fait dansle cadre des réseaux. En créant un cen-tre de soins de première intention, dansles locaux de l’hôpital de Houdan, avecles médecins généralistes, le Centre15, le service des urgences du cen-tre hospitalier voisin et les pompierslocaux, le médecin généraliste va re-devenir le médecin de premier recours.Pour être efficace, ce médecin a be-soin d’être intégré, en particulier ence qui concerne les urgences, dans unsystème de réseau.Le réseau de coordination de la priseen charge de la personne âgée estconçu pour une prise en charge glo-bale. Celle-ci débute avec le méde-cin traitant. Elle peut être complétéepar une consultation dans les locauxde l’unité d’évaluation gérontologique,par un service de soins à domicile 7jours sur 7, un service d’hébergementtemporaire. La prise en charge ne s’ar-rête pas à son aspect médical : le voletsocial et environnemental est abordéet résolu dans le cadre de la coordi-nation gérontologique locale dont l’hô-pital assume la responsabilité et lagestion. À l’issue des réunions de coor-dination un plan d’action est mis enœuvre avec la personne âgée concer-née et sa famille.Les élus locaux et leurs services so-ciaux disposent de prestations dispen-sées par l’hôpital, mais ils peuventaussi mettre à la disposition de leursadministrés des aides à domicile dis-cutées dans le cadre de la coordina-tion : garde à domicile, portage desrepas, télé-alarme, évaluation de tra-vaux de modification de l’habitat…

Le médecin traitant,pivot des filières de soinsAu total, ces différentes filières de soinsdébutent avec le médecin praticien quiest le premier thérapeute et qui sertde pivot au système. Il fait appel à dif-férents avis spécialisés et assure la res-ponsabilité de la coordination et de

la prise en charge du malade. Ainsila continuité des soins est assurée parle médecin traitant, ce qui est importantsurtout chez la personne âgée ; on éviteun syndrome de déracinement toujourspréjudiciable à son état de santé.Et l’analyse de l’activité des serviceset des trajectoires des patients mon-tre un assez bon fonctionnement enfilière et une capacité de diagnosticqui s’est manifestée plusieurs fois parla découverte de traumatisme ou depathologie non décelée par le CHG.Elle montre que les séjours ne rele-vant pas d’un service actif (hospita-lisation sociale par exemple) sont rares.En conclusion, de par sa proximité etsa taille l’hôpital de Houdan offre desprestations performantes dans le cadrede ses compétences, en recherchantun certaine efficience et une meilleureorientation médicale et géographiquedu patient ; en cherchant et en orga-nisant la complémentarité entre éta-blissements voisins sur la base de laspécificité de chacun ; en établissantun pont entre l’approche institution-nelle hospitalière et l’approche libé-rale ; en donnant une dimension mé-dicale, sociale et environnementale àla prise en charge du patient.La coordination et la continuité dessoins, surtout quand ils s’inscriventdans la durée, deviennent aussi l’oc-casion de concertations entre les dif-férents partenaires médicaux et so-ciaux. Et s’il s’agit d’actions deproximité, les soins sont dispensés enfonction de la compétence évaluée etdiscutée dans les différents organis-mes de concertation.La reconnaissance opérationnelle d’unsystème en réseau et filière peut per-mettre de cultiver la complémentaritéau lieu de la concurrence tout en ap-portant une complémentarité techni-que et spécifique. La capacité de selier à d’autres pour compléter et ren-dre accessible au plus grand nombreun service intégrant des fonctionna-lités nécessaires sont des gages d’unemeilleure prise en charge des patients.Encore faut-il lever les obstacles finan-ciers liés à un tel mode de fonction-nement.

Réseaux et hôpital de proximité

Pierre LorsonDirecteurde l’hôpitald’Houdan

L’ action de proximité s’exercegrâce à la collaboration desprofessionnels de santé li-

L’hôpital deHoudan commehôpital local est,par statut, aucentre d’uneorganisationcoopérative deproximité auservice du patient.

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ier Réseaux de santé et filières de soins

adsp actualité et dossier en santé publique n° 24 – septembre 199834

acheteurs de soins, fonction en cours d’émergencedans le système de santé français.

Ainsi, si l’on voulait tenter un rapprochement avecdes systèmes de santé étrangers, notamment avec lesÉtats-Unis, les réseaux de premier type, ceux qui s’ap-puient sur le Code la santé publique, seraient à rap-procher des managed care organizations, notammentsous la forme des associations de professionnels.Certains d’entre eux en effet, vont jusqu’à proposerun coût par pathologie qu’ils souhaitent négocier avecles acheteurs de soins. Les réseaux proposés au co-mité Soubie, quant à eux, relèvent da-vantage de la logique classique desHMO, puisque leur objectif est d’op-timiser le rapport qualité/coût, ceci dé-bouchant naturellement vers la fixationde tarifs de référence.

Ainsi le Comité d’orientation desréseaux et filières de soins se trouvesollicité dans deux cas de figure : soitparce que le projet qui lui est soumisrequiert effectivement une adaptationimportante de l’environnement régle-mentaire, notamment sur les règlestarifaires et dans ce cas de figure, lecomité Soubie est naturellement le lieu dans lequelce projet doit être traité. Soit les dérogations régle-mentaires requises sont peu importantes (par exemple,il s’agit de déroger à la nomenclature générale desactes professionnels en proposant une revalorisationminime de l’acte d’un intervenant) et, dans ce cas,le passage en Comité Soubie apparaît comme décaléen terme de traitement institutionnel.

Mais le problème des dérogations ou de l’adap-tation du droit hospitalier reste entier.

Les outils de la coopération et de la mise en réseauCette analyse de la dynamique de la recompositionde l’offre de soins conduit naturellement à se poserla question de leur instrumentalisation. Quel sera lesupport organisationnel du développement des ré-seaux et quelle sera la voie administrative de leuragrément et de la mise en place des dérogations/adap-tations de la réglementation en vigueur ?

Le support organisationnel des réseauxCompte tenu de la place que les réseaux au sens ex-tensif du terme vont être amenés à occuper dans lesystème de santé français : outil privilégié à l’in-tersection des institutions et des niveaux politiquesd’intervention (État, département, communes), iln’est pas possible de conduire un tel mouvement

sans qu’il soit accompagné des dispositifs juridi-ques nécessaires.

Il existe déjà des outils, même si certains d’entreeux sont encore mal adaptés, pour la collaborationentre les établissements de santé (syndicats inter-hospitaliers, GIP, groupements de coopération sa-nitaires, simples conventions…). En revanche, lesréseaux de soins ne sont pas encore dotés, sauf à l’ini-tiative de quelques promoteurs qui ont créé des as-sociations ad hoc, d’une personnalité morale qui soiten mesure de servir de support à leur développement.

Il peut en effet sembler risqué de s’appuyer sur desorganisations informelles pour conduire, même par-tiellement, la recomposition de l’offre de soins.Aujourd’hui, les réseaux fonctionnent dans un en-vironnement inchangé : chacun des acteurs partie pre-nante du réseau reste rattaché à sa structure d’ori-gine (le praticien hospitalier à son hôpital, le médecinlibéral et le médecin de clinique à l’enveloppe de ville,les intervenants sociaux et médico-sociaux à leur or-ganisme de rattachement). Ainsi les réseaux peinent-

ils à trouver le financement nécessaire àla coordination de leurs activités, de leursystème d’information, de leur évalua-tion, voire de la formation de leurs ac-teurs. De plus, leur engagement dans lapréconisation de protocoles de soins lesexpose aux contentieux liés à l’aléa thé-rapeutique. On peut se demander en ef-fet, à qui serait attribuée la responsabi-lité de la faute en cas de poursuite par unpatient ou sa famille. C’est pourquoi, ilapparaît désormais approprié de doter lesréseaux d’une personnalité morale. Celle-ci pourrait revêtir la forme d’une asso-

ciation loi 1901 agréée par une autorité administrativeà définir. Ainsi, la labellisation des réseaux, tellequ’évoquée plus haut passerait par la définition d’uncahier des charges précis qui pourrait donner lieu àla rédaction d’une charte de qualité. La voie seraitainsi ouverte à la contractualisation entre « offreursde soins », c’est-à-dire les réseaux, et « acheteurs desoins », c’est-à-dire les caisses d’assurance maladiemais aussi les agences régionales de l’hospitalisa-tion, ceci s’inscrivant dans le cadre des métiers ac-tuellement portés par les services extérieurs de l’État.

Ce chantier est certainement désormais celui àouvrir en priorité.

Les réseauxdoivent êtredotés d’unepersonnalité

morale.

suite de la page 32

Les réseaux, outils de larecomposition de l’offre de soins

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adsp actualité et dossier en santé publique n° 24 – septembre 1998 35

de santé du secteur auquel il appartient.En effet, chaque centre hospitalier se doit de par-

ticiper, d’assurer, voire même, en fonction de sa po-sition et de son rôle, d’animer, de dynamiser :

– la continuité des soins, en évitant les rupturesdans la chaîne des soins et en organisant et coordon-nant le passage d’un acteur, d’une structure de santéà l’autre, grâce à l’implication et à la synergie desdifférents intervenants de la chaîne soignante,

– la recherche de la qualité des soins par la miseen commun des progrès techniques, de la formationet de l’évaluation,

– l’optimisation des ressources en limitant la re-dondance de l’offre, des actes et en rentabilisant leséquipements coûteux et les compétences rares,

– la proximité spatiale lorsqu’elle est revendiquéepar la population pour des raisons objectives de sé-curité et d’égalité devant les soins.

Une circulaire de terrainLa nécessité de coopérations et en particulier des ré-seaux n’est donc plus à démontrer. Elle est mêmedevenue une évidence afin de satisfaire des objec-tifs aussi contradictoires que ceux cités précédem-ment. Un seul et même établissement, quels que soientsa taille et ses moyens, est incapable de les assumertous et correctement.

D’ailleurs, les réseaux existent depuis longtemps,même s’ils n’étaient pas formalisés. Les praticienshospitaliers se plaisent à rappeler qu’ils n’ont pas at-tendu la rédaction de textes sur la coopération pourconstituer des réseaux de correspondants qui ont prisl’habitude de travailler ensemble.

D’autre part, les réalités du terrain confortent lavolonté de la circulaire du 9 avril 1997 relative auxréseaux de soins et communautés d’établissementsqui souhaite « favoriser une meilleure insertion desétablissements de santé dans leur environnement.Elles s’inscrivent dans une logique d’améliorationde la qualité des soins et d’optimisation des moyens

[…]. Les objectifs opérationnels […] sont les sui-vants :

– assurer une meilleure orientation du patient, […]– favoriser le maintien ou le retour à proximité de

leurs lieux de vie des patients, […]– assurer la continuité et la coordination de soins

pour l’ensemble des patients ».Au-delà de cette volonté, le fonctionnement interne

de l’établissement public de santé est lui-même dé-pendant de la constitution des réseaux de soins. Enparticulier, le développement des alternatives est con-ditionné par l’amélioration préalable de réseaux telsque les urgences, la filière gériatrique, l’existencede structures avales proches et répondant aux besoinsen matière de personnes âgées dépendantes, de soinsde suite et de réadaptation.

Ces différents objectifs supposent effectivementla mise en place d’un système d’information et demoyens de communication entre les membres du ré-seau. L’expérience acquise permet d’affirmer que cesont même des préalables qui conditionnent la réussitede toute la politique de coopération avec la méde-cine libérale.

En effet, le médecin traitant est le premier parte-naire de l’hôpital et, à ce titre, il doit pouvoir reprendreson rôle propre dès lors que le malade est hors desmurs de la structure hospitalière. Il est donc néces-saire de mettre rapidement à sa disposition les élé-ments essentiels du dossier du malade d’autant plusque l’informatisation des cabinets médicaux se dé-veloppe inéluctablement. L’expérience de télémé-decine ville-hôpital du centre hospitalier de la régionannecienne est particulièrement éloquente à ce propos.

Cette démarche de production et d’échange d’in-formations est source de connaissance, reconnais-sance réciproque et donc de confiance ; ce résultatest essentiel, car il s’avère que les réseaux qui se créentau bénéfice de populations, de pathologies ou d’ac-tivités particulières, se constituent le plus souventautour d’un même et petit groupe de correspondants,issus de la première expérience de réseau réaliséeensemble.

Une mise en place vitaleL’avenir de la médecine (y compris la médecine deville) est donc aux pratiques coopératives, aux ré-seaux sanitaires dont l’établissement public de santéest un maillon, un partenaire privilégié. En effet, lamise en réseau concerne aussi bien les phases préet post-hospitalières que l’hospitalisation elle-mêmedes malades :

– le réseau de prise en charge des urgences : la miseen place d’une organisation interne efficiente nesuffisant plus pour échapper aux problématiquesactuelles, le flux des urgences doit être optimisé par

Le point de vue exprimé ici est lefruit de la réflexion et de l’expé-rience propres aux acteurs deterrain d’un établissement publicde santé, qui ont construit etmettent en œuvre des projets, pland’action faisant une large place àla coopération et aux réseaux.

Le temps de l’autonomie forcenée, de l’autar-cie, du repli sur soi étant bel et bien révolu,tout établissement public de santé doit s’in-sérer dans la chaîne des différents acteurs

Les réseaux et l’hôpitalPierre GilibertDirecteur, centrehospitalier de larégion annecienne

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ier Réseaux de santé et filières de soins

adsp actualité et dossier en santé publique n° 24 – septembre 199836

l’intégration du service d’accueil aux urgences (SAU)dans un réseau coordonné avec la mise en place defilières préhospitalières articulées avec les établis-sements du secteur et les médecins généralistes or-ganisés en des structures ayant des liens privilégiésavec le SAU ;

– la prise en charge post-hospitalière et le retourà domicile : pour de nombreuses activités médica-les, la prise en charge globale de la personne malades’articule conjointement autour de structures hospi-talières et de réseaux offrant une filière complète deprévention, de conseil et de soins ;

– l’optimisation et le partage des compétences etdes équipements de haute technologie :nombre de spécialités et techniques mé-dicales recourent à des équipementscoûteux de haute technologie et (ou)à des compétences médicales spécifi-ques qui doivent être entretenues et mi-ses à jour régulièrement et renouveléesfréquemment. Les établissementscomme les cabinets libéraux, pris in-dividuellement, ne sont plus en mesured’assumer de tels investissements nid’en assurer un usage optimal.

Le développement de réseaux entrel’hôpital, les structures et la médecinede ville permet de « décloisonner » en redonnant àchaque acteur son rôle dans la filière.

Les spécialistes seront ainsi associés et les prati-ciens possédant des compétences particulières pour-ront d’autant mieux jouer leur rôle de référent mé-dical pour un domaine précis s’ils s’intègrent dansun réseau coordonné de soins.

Les généralistes seront encouragés à reconquérirdes champs d’activité plus ou moins abandonnés, dé-laissés (urgences, personnes âgées…) ; ils sont doncau cœur du débat très actuel de la médecine de proxi-mité dans laquelle ils peuvent jouer un rôle primordialen liaison avec les institutions hospitalières.

Les centres hospitaliers, en limitant ainsi les ac-tes redondants ainsi que les hospitalisations inadé-quates, peuvent aussi se recentrer progressivementsur leurs missions propres et donc être disponiblespour répondre aux besoins de diagnostic et de soinsdes patients et aux sollicitations des professionnelsde santé.

Tout établissement public de santé, en particulierl’hôpital référent du secteur, doit (et même a tout in-térêt) à faciliter la mise en réseau de l’offre de soins,en participant à la création et à l’animation d’outils,d’interfaces concourant au développement, à la sé-rénité des projets et donc à leur pérennité. Il s’agiten particulier de la communication dans ses multi-

ples formes, de la formation tant initiale que pourl’actualisation des compétences, des activités de santépublique et de l’évaluation.

Le centre hospitalier est, s’il le désire, au centrede ces multiples échanges ouverts aux profession-nels de santé, hospitaliers ou non, publics ou privésdu secteur. Développer les coopérations en ces do-maines, c’est, en fait, se valoriser en s’ouvrant surl’extérieur et en assurant les missions qui sont con-fiées aux établissements publics de santé par le lé-gislateur.

Encore des difficultés à la coopérationCertes, les difficultés restent nombreuses sur le cheminde la coopération et des réseaux. Les intérêts neconvergent pas aisément, les obstacles juridiques nesont pas négligeables malgré les efforts louables dulégislateur et surtout, les comportements institution-nels, psychologiques constituent des freins puissants.

Les volontés de principe exprimées par tous lesacteurs et partenaires s’émoussent souvent au fur et

à mesure de la définition et de la cons-truction des projets de réseaux. Au termede ce processus, l’agrément des réseauxpar l’ARH est un outil déterminant per-mettant aux acteurs de terrain d’appré-cier le soutien et la volonté concrète deconstruire des réseaux coordonnés desoins.

Par ailleurs, la rémunération à l’acte desmédecins libéraux est très concrètementun obstacle, invariablement cité dans toutprojet à l’étude, au développement del’exercice de la médecine de réseau, desanté publique, d’évaluation.

Le contenu et la forme des réseaux, des coopéra-tions sont multiples, variés et complexes. Ils repo-sent sur la qualité des hommes et femmes, leur vo-lonté de construire ensemble et collaborer de façonprolongée. C’est donc une nouvelle mission des éta-blissements publics de santé qui émerge, qui doit doncêtre bien identifiée, qui nécessite compétence et dis-ponibilité pour lever les craintes, les obstacles et bâtirsolidement l’indispensable réseau de soins. Les ré-seaux et coopérations constituent dorénavant uneactivité majeure au même titre que toutes les acti-vités hospitalières classiques.

Le directeur d’hôpital ne peut plus ignorer cetteévolution inéluctable et doit, s’il ne l’a pas déjà fait,instaurer le cadre et les conditions du pilotage et dumanagement de la coopération et des réseaux où lacommunication joue un rôle essentiel.

Développer lescoopérations

c’est se valoriseren s’ouvrant sur

l’extérieur

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pas à la prise en charge d’épisodes de soins mais elles’inscrit dans un continuum qui va de la préventionjusqu’à la dépendance. Elle doit associer les diffé-rents secteurs de prise en charge (ambulatoire, hô-pital, médico-social). Le réseau, cette nouvelle formed’organisation, a pour principal objectif une recherched’optimisation du système de soins, une augmentationde l’efficience, tout en garantissant la qualité des soins.

L’organisation du système de soins en réseaux né-cessite qu’au préalable soient définies avec préci-sion les prises en charge effectuées, celles-ci devantfaire l’objet d’une rémunération préétablie (soit àl’acte, soit forfaitaire ou encore mixte). On doit en-fin prévoir les conditions de la coordination entre lesprestataires, elle peut être assurée par un système d’in-formation permettant la circulation d’un dossierretraçant les diverses prises en charge.

Comment sont définies les prises en chargeaujourd’hui et qui les gère ?L’assurance maladie prend en charge le « risque ma-ladie », c’est-à-dire tous les soins effectués sur unpatient par les prestataires de soins dès le début dela maladie, à des taux de remboursement variables.Les prestations versées par l’assurance maladie sontde deux sortes : les prestations en espèces (indem-nités journalières couvrant partiellement la perte desalaire) et les prestations en nature couvrant les soinsmédicaux, chirurgicaux, paramédicaux, de pharmacie,d’analyse, d’appareillages, d’hospitalisation, de curethermale. Le calcul de ces prestations repose sur unenomenclature d’actes ne décrivant qu’imparfaitementl’activité médicale, favorisant la prise en charge in-dividuelle et les actes techniques au détriment desactes dits « intellectuels » et la prise en charge mul-tidisciplinaire. Un exemple : les actes d’éducationqui sont si importants dans les problèmes de santétels que le diabète, l’asthme, l’obésité ne sont pasreconnus… La conséquence est l’insuffisance des

Réseaux de santé etgestion du risqueLa volonté de mettre en place les réseaux en France est subordonnéeà la définition précise du risque santé. Pourquoi, comment ?L’exemple étranger nous éclairera.

prises en charge dans ce domaine faute de presta-taires… Il faut donc définir les services de soins né-cessaires, les valoriser et les rémunérer.

À un risque maladie, correspondent donc des pres-tations, une nomenclature d’activités permettant larémunération des prestataires (médecine de ville, hô-pital, médico-social…).

La gestion effectuée dans ce domaine par l’assu-rance maladie s’appelle la gestion du risque maladie.

Réseaux de soins ou réseaux de santéLes deux termes réseaux de soins et réseaux de santésont employés souvent indifféremment ; mais querecouvrent-ils exactement ? A priori un réseau de soinsassure la prise en charge coordonnée du patient, àl’aide des prestations servies par l’assurance mala-die et des assurances complémentaires. La prise encharge plus globale d’un patient, tenant compte deson environnement social, nécessitant au-delà du soindes interventions de prévention voire de réhabilita-tion, ne relève pas des seuls professionnels de la santémais concerne l’État, les collectivités locales, les as-surances complémentaires ou les mouvements as-sociatifs. Elle entre alors dans le champ des réseauxde santé dont les réseaux de soins sont des sous-ensembles.

Pour assurer le fonctionnement de ces réseaux, ilest nécessaire de définir les actions de santé qui se-ront effectuées en son sein ainsi que le champ desresponsabilités de chacun de ses acteurs.

La gestion du risqueDans un système assuranciel privé de type HMO, onoffre à l’assuré l’accès à un réseau de soins en con-trepartie d’une cotisation. Le problème posé est ladéfinition des prestations et services de soins offerts.Jusqu’où va le champ des prestations couvertes parl’assureur ? Jusqu’à quel niveau de soins primaires ?Comment est pris en charge le risque collectif (vac-cination, protection de l’enfance) ?

Par opposition au risque assuranciel, dans le sys-tème français, la gestion du risque santé relève dela solidarité, c’est donc l’État qui a la charge de

Juan Manuel ViñasMédecin inspecteurde santé publique,chargé de mission àla direction de laSécurité sociale

Les ordonnances de 1996 ont inscrit dans lechamp de l’assurance maladie une nouvelleforme d’organisation des soins : les réseauxet filières de soins. La santé ne se résume

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ier Réseaux de santé et filières de soins

adsp actualité et dossier en santé publique n° 24 – septembre 199838

Retracé dans les comptesde la santé

Réseaux de santéRéseaux de soins

Patient

Risque santéRisque maladie

Géré par le système de santéGéré par le système de soins

Actions de l'assurance maladie, de l'État, des collectivités localesdes assurances complémentaires, de l'usager.

Hôpital, cliniques privées médecine de ville et

établissements médico-sociaux pour la partie prise en charge par

l'assurance maladie

Retracé dans les comptesde la sécurité sociale

financementassurance maladie

financement service

déterminer par voie réglementaire les actions de santéà prendre en charge et leurs financeurs et gestion-naires.

Cependant compte tenu d’une nomenclature de priseen charge peu précise, un certain nombre d’actionsde santé n’a pas de financeurs très bien identifiés.

Par exemple, l’acte de dépistage a pour objet dediagnostiquer précocement la maladie, afin d’avoirles meilleures chances de guérison. Or on voit aujour-d’hui toute la complexité de la prise en charge dudépistage avec des financements croisés du conseilgénéral, de l’assurance maladie ou des assurances.L’activité d’éducation sanitaire a un statut plus com-plexe : à la fois acte thérapeutique, mal reconnu dansle système français car il s’agit d’un acte global plu-ridisciplinaire peu compatible avec l’exercice indi-

Ces deux modes de gestion du risque présententdes avantages et inconvénients :

– pour le système assuranciel privé (HMO), l’im-précision du champ couvert en matière de soins pri-maires (vaccination, prévention…) peut entraîner desrisques collectifs importants, par contre on peut s’at-tendre à une meilleure efficience des prestations of-fertes, il faut cependant éviter que les référentiels depratique ne soient établis par les assureurs ;

– pour le système de gestion français, le risque col-lectif est mieux pris en compte, mais de façon tropimprécise et par des acteurs pas toujours appropriés.Ce qui entraîne une sous-optimisation du système.

Une gestion du risque institutionnelleJusqu’à présent aucune définition précise d’un pa-nier des biens et services n’a été proposée, de peurd’apparaître comme voulant limiter les prises encharge (débat sur les gros risques et les petits risques).Les périmètres de prise en charge ont donc été ré-glés de façon institutionnelle.

L’assurance maladie finance les soins tandis quece qui appartient au domaine de la santé publiquerelève de l’État et des collectivités locales (c’est-à-dire les soins primaires et les politiques ayant pourobjet les déterminants de la santé : pollution, satur-nisme, amiante, etc.). Une partie reste à la charge desassurances complémentaires et des assurés.

Ce dispositif institutionnel basé sur la solidaritéest censé éviter les trous de prise en charge, c’est uneapproche qui repose sur une organisation de l’offreen réponse à des besoins sanitaires. L’hôpital publicet le service hospitalier peuvent servir de filet de sé-curité, par exemple pour l’accès aux soins des plusdémunis, ou encore en matière de prévention, sur l’al-cool, le sida, la maltraitance…).

Ce maillage institutionnel, basé sur la complémen-tarité des structures, a été mis à mal par l’évolutiondes techniques thérapeutiques notamment à l’hôpi-tal. La diminution de la durée des séjours hospita-liers, le développement des consultations externes,de l’hospitalisation de jour, des alternatives à l’hos-pitalisation en général, du maintien à domicile despersonnes âgées, font que l’hôpital n’est plus le centredu dispositif sanitaire français.

Dans de nombreux cas, le patient peut être soignéen ambulatoire, voire à domicile. On est passé d’unegestion centrée sur les structures à une gestion cen-trée sur les patients, d’où le développement récentdes réseaux ville-hôpital (1991).

Un système basé sur les besoinset qui regarde peu ce qui est produitLa loi hospitalière de 1970 préconisait la prise encompte des besoins de la population pour détermi-

Le risque santé n’est pas le risque maladie

viduel de la médecine, mais aussi acte de préven-tion puisqu’il a pour but d’éviter certaines compli-cations ou apparition de maladies. Réglementaire-ment ces deux actes ne sont pas pris en charge parl’assurance maladie (la réalité est heureusement unpeu différente). Il serait toutefois souhaitable de tran-cher et de définir si ces actes font partie ou non duchamp de responsabilité de l’assurance maladie. Cetteimprécision sur « qui prend en charge quoi » peutavoir de graves conséquences sur la santé des usa-gers, d’autant que les contraintes financières pèsentde plus en plus sur le système de soins. Ces actessont pris en charge quasiment clandestinement et defaçon non systématique.

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ner les moyens mis à sa disposition sur le territoire.Elle établit donc la carte sanitaire. En 1991, la nou-velle loi hospitalière met en place le schéma régio-nal d’organisation sanitaire (Sros). Celui-ci déter-mine en fonction des besoins de santé, les installationset activités hospitalières nécessaires à la prise encharge des patients.

Ces besoins ne sont définis que pour le secteur hos-pitalier, et les indicateurs de besoins sont encore trèssuccincts, tenant compte essentiellement de l’âge etde la mortalité. Cette difficulté à définir les besoinsa amené la création d’un certain nombre de struc-tures dans le domaine de l’information, de la réflexion,de la priorisation des choix : création des observa-toires régionaux de la santé, du HCSP, de la CNS.

On a pris conscience que pour définir avec plusde précision les besoins de santé, il était nécessairede mieux connaître des indicateurs telles la morta-lité prématurée ou encore la morbidité d’une popu-lation. Mais plus encore il ne suffit pas de définirdes besoins a priori et d’avoir une politique de l’offre,il nous faut confronter ces besoins à la productionréelle du système de soins.

On s’y était refusé jusqu’en 1989. Mais les impé-ratifs financiers et la prise de conscience de la dange-rosité d’un certain nombre de pratiques médicales(l’affaire du sang contaminé, l’hépatite C, l’impor-tance des infections nosocomiales et des accidentsiatrogéniques), tout comme les insuffisances de priseen charge du diabète, de l’hypertension artérielle, decertains dépistages, de la dépendance des personnesâgées… ont amené le développement d’indicateursde productivité : programme médicalisé des systè-mes d’information (PMSI) pour l’hôpital, codage desactes et des pathologies pour le secteur libéral avecles outils attenants : dossier médical, informatisation,développement de l’évaluation et des référentielsconfiés à l’Anaes et la nécessité d’établir une nomen-clature commune d’activité aux secteurs ambulatoireet hospitalier.

Après s’être assuré que ces besoins sont réellementpris en compte, il faut lever, s’il y a lieu, les obsta-cles en agissant sur l’organisation des soins par uneapproche réseau.

Pour résumer, on peut donc dire que la prise encharge d’un patient n’est pas la simple prise en comptede sa demande et de l’offre de prestataires, commele proposent schématiquement des organisations detype HMO. Elle résulte d’une approche bidimension-nelle, d’une part populationnelle avec des choix col-lectifs et d’autre part centrée sur une production desoins, évaluée et soumise à un contrôle de qualité.L’État a pour tâche de déterminer les responsabili-tés financières. Le champ des prestations rembour-sées par l’assurance maladie doit être défini et ceci

de façon plus précise qu’il ne l’a été jusque-là. Laconvention d’objectifs et de gestion entre l’assurancemaladie et l’État a prévu la mise en place d’une no-menclature unique entre la ville et l’hôpital. L’Anaesdoit donner son avis sur les actes et les prestationssoumis à remboursement, notamment en matière deservice médical rendu tout comme le fait la Com-mission de transparence pour les médicaments.

L’État doit déterminer ce qui est à sa charge et àla charge de l’assurance maladie, des collectivitéset ce qui relève des assurances complémentaires etde l’assuré.

Les réseaux : veut-on vraiment décloisonner ?Les réseaux répondent à une logique de gestion trans-versale du système de soins et de santé centrée surle patient, qui se heurte au renforcement actuel dela gestion par grand secteur. En effet, s’il existe unseul objectif d’évolution des dépenses d’assurancemaladie, il y a plusieurs centaines d’enveloppes fi-nancières le plus souvent opposables annuellement,avec un découpage national entre les grands secteursde soins auxquels se surajoute un découpage régionalet conventionnel. Comment alors assurer un trans-fert d’activités propre à la gestion transversale enréseau lorsque c’est nécessaire, par exemple si l’onveut développer le maintien à domicile des patients ?Ce paradoxe entre gestion sectorielle et fonction trans-versale des réseaux se retrouve dans l’abondante pro-duction réglementaire les concernant : deux ordon-nances, une convention médicale, deux décrets, dixcirculaires, avec au moins quatre cahiers des char-ges ou conventions constitutives, deux agréments…

Un promoteur de réseau quel qu’il soit ne peut queconstater l’absence de visibilité de la réglementa-tion actuelle.

Car même s’il existe un corpus commun à tous cestextes, il s’agit bien :

– de mettre le malade au centre du dispositif ;– d’améliorer la prise en charge globale du patient,

tant dans le domaine de la prévention que des soins,de la réhabilitation et du médico-social ;

– d’assurer la graduation et la continuité des soins,une meilleure orientation des patients, de favoriserle maintien ou le retour à proximité, de développerla coordination et d’assurer la qualité des soins ;

– et notamment de prendre en charge, pour des po-pulations particulières, des pathologies lourdes etchroniques, la dépendance ou la prévention.

Chaque grand secteur de gestion a d’abord cher-ché à renforcer sa logique de gestion antérieure enutilisant le terme réseau, sans en donner une véri-table définition mais en lui octroyant des objectifsdifférents selon la logique principale du secteur con-cerné.

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ier Réseaux de santé et filières de soins

adsp actualité et dossier en santé publique n° 24 – septembre 199840

Deux ordonnancesArticle 6 de l’ordonnance n˚ 96-345 du 24 avril 1996Articles 29 et 30 de l’ordonnance n˚ 96-346 du 24 avril 1996Article 73 de la loi sur l’exclusion du 29 juillet 1998

14

Circulaires concernantle VIH, la toxicomanie,l’hépatite C, l’alcool,les personnes en difficulté

2

Articles 6 à 25 de la convention médicale(annulée par le Conseil d’État)

3Dispositif visant à développerla coopération hospitalièreCirculaires relatives– aux réseaux de soins et communautés d’établissements– à la révision des schémas d’organisation sanitaire– à l’organisation des soins en cancérologie

Décret filières et réseauxExpérimentation dite « Soubie »

Dispositif conventionnel

Dispositif des réseaux expérimentauxDispositif des réseaux ville-hôpital

Quatre dispositifs, quatre logiques différentesLe dispositif 1 est un dispositif limité, expérimen-tal dont l’objectif principal est médico-économique :recherche d’une augmentation de l’efficacité médicaleportant essentiellement sur le développement desfilières, notamment par la mise en place de méde-cins référents et en utilisant des dérogations tarifaires.Le champ d’action est libéral et ambulatoire.

Le dispositif 2 est en fait en partie contradictoireavec le dispositif 1 puisque l’option conventionnelledéveloppée entre les médecins généralistes et l’as-surance maladie n’attend pas le résultat des expéri-mentations pour mettre en place un dispositif de mé-decin référent. Cette option vient d’être annulée pourcette raison par le conseil d’État, mais il est prévude la réinstaurer par la loi.

débloqués pour les financer, 15 millions de francsenviron, portent essentiellement sur la coordination.Mais ces réseaux se heurtent toujours à l’absence dedéfinition du champ des responsabilités financièresdes uns et des autres.

Les réseaux informels qui se sont développés endehors de ces dispositifs réglementaires sont peu con-cernés par ceux-ci et vont continuer à reposer géné-ralement sur le bénévolat de leurs promoteurs. Ils re-présentent la majorité des réseaux existants.

Cet ensemble complexe mis en place montre clai-rement ses limites, car on comprend très vite que lesobjectifs développés par chaque secteur doivent êtreexaminés en cohérence les uns avec les autres. Dansle dispositif actuel tout promoteur concerné par l’en-semble va difficilement d’accepter de remplir trois

Les quatre grands dispositifs réglementaires

Le dispositif 3 inscrit les réseaux dans un objec-tif de coopération obligatoire et de recomposition (lacirculaire sur les réseaux de soins et les communautésd’établissements fait la distinction entre les réseauxà vocation générale et les réseaux de soins spécifi-ques à certaines installations et activités de soins, ausens de l’article L 712-3-2). Cet objectif est reprispar la circulaire Sros, où le réseau doit servir à la res-tructuration dans une logique stricte de complémen-tarité.

Le dispositif 4 est la logique des réseaux ville-hôpital. Il a pour objectif de mobiliser les acteurs pro-fessionnels et institutionnels et les financements at-tenants sur des problèmes de santé publique touchantl’ensemble de la collectivité. Les crédits de l’État

cahiers des charges, une convention constitutive, at-tendre deux agréments, etc. Tout le monde est en trainde le comprendre. La circulaire sur l’organisation dessoins en cancérologie, qui est une circulaire d’ob-jectifs, est exemplaire à ce sujet. Elle prévoit une or-ganisation en réseau associant tous les secteurs deprise en charge. Les objectifs y sont mis en commun,et ils visent le décloisonnement non pas seulementdes professionnels de santé et des établissements, maisaussi le décloisonnement institutionnel et adminis-tratif.

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Organisation des soins :les exemples étrangersL’organisation des soins en réseau existe déjà dans d’autres pays. Créées selon desphilosophies et dans des contextes différents, la présentation de ces expériencesest riche d’enseignement à l’heure où le réseau est envisagé comme un mode d’or-ganisation de droit commun du système sanitaire français.

quel elles sont menées, la situation et le rôle que lesacteurs sont conduits à assumer, les instrumentsutilisés et enfin les dérives vers lesquelles la prati-que peut s’orienter. Elle nous renseigne sur les im-plications que peuvent avoir les réseaux sur l’ensembledes structures d’un système de santé.

Une présentation rapide des différentesexpériences de coordination des soinsLe managed care aux États-Unis correspond à un sys-tème qui intègre le financement et la délivrance dessoins médicaux à travers des contrats passés avec desmédecins et des hôpitaux. Ces derniers fournissentun ensemble de soins (benefit package) aux adhé-rents des réseaux ainsi constitués en contrepartie d’unforfait financier annuel. La moitié de la population

des États-Unis est couverte actuellementpar un organisme de managed care.

Les health maintenance organizations(HMO) en constituent la forme la plusancienne. L’adhérent s’engage à ne con-sulter que les médecins de la HMO. Plu-sieurs modèles peuvent être distingués :

– le modèle « staff » où les médecinssont salariés et qui peut posséder deshôpitaux ;

– le modèle « group » où la HMOpasse contrat avec des cabinets de grou-pes financés à la capitation ;

– le modèle « network » où les con-trats passés par les cabinets de médecins

ne sont pas exclusifs d’autres activités ;– dans le modèle « independant practice associa-

tions » la HMO passe contrat avec des médecins in-dépendants.

Les prefered practitionners organizations sont desréseaux de médecins et d’hôpitaux qui acceptent unemoindre rémunération en échange d’un volume plusimportant de patients garanti par l’organisation. Lespatients disposent d’une liste de prestataires privi-légiés qu’ils peuvent consulter moyennant une par-ticipation réduite.

Le point of service organise une coordination en-tre médecins gate-keepers (orienteurs) et les soinssecondaires.

Parallèlement aux managed care organizations(MCO) se sont créés des pharmacy benefit managers,intermédiaires entre HMO et laboratoires pharma-ceutiques. Elles établissent des référentiels, indications

Marc DuriezChargé de missionHaut Comité de lasanté publique

et de financement déjà existantes. Conçus pour ra-tionaliser les relations entre les malades et les dif-férents prestataires de soins, les réseaux ont pourobjectif de remédier à certains dysfonctionnementsdu système, tels que la séparation hôpital et méde-cine de ville et à améliorer l’approche du malade etson itinéraire thérapeutique. Les notions de réseauxville-hôpital ou réseaux ciblés sur des pathologiesrépondent à ces préoccupations. Ils constituent enfait un instrument destiné à instaurer une rationali-sation de la gestion des maladies susceptible de con-duire à une meilleure gestion financière. Ils tententde remédier à l’opacité des structures.

Une inspiration de certains modes d’or-ganisation étrangers ? Peut-être dans lesouhait de connaître ce que l’on proposecomme service et de rationaliser la coor-dination des soins. Quant à concevoir uneintégration des réseaux dans l’ensembledu système de santé on en est loin. Le« désir de réseau » évoqué dans la tri-bune > p. 47 a une connotation qui siedmal à la mise en œuvre des mécanismesutilisés chez certains de nos voisins.

L’évocation des expériences étrangèresayant institué des systèmes en réseauxparaît lointaine. Il s’agit, pour les paysconcernés, d’instruments impliqués dans une gestionsystématisée des soins, le managed care. Les con-ceptions développées, la signification des réseauxpar rapport au cadre général du système de santé, l’im-plication qu’ils représentent pour l’ensemble desacteurs, tendent à faire jouer à ces derniers un rôleactif fondamental dans la gestion générale. Financeurs,prestataires, s’insèrent dans l’ensemble des processusde production, de consommation, de financement dessoins et des services de santé. En ce sens, ils sontappelés à participer pleinement, dans des rôles trèsspécifiques, à la gestion globale du système. La fonc-tion décisionnelle est ici le fait de l’un ou l’autre desacteurs impliqués, le financeur, le prestataire, voiredes deux.

L’analyse de ces expériences peut être riche d’en-seignement, du moins en ce qui concerne la méthodesuivie : l’originalité de l’approche, l’esprit dans le-

Les dispositions contenues dans les ordonnan-ces de 1996 concernant l’instauration de ré-seaux de soins dans le système de santé fran-çais s’insèrent dans les structures de soins

Financeurs etprestataires

participent, dansdes rôles

spécifiques, àla gestion globale

du système

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doss

ier Réseaux de santé et filières de soins

adsp actualité et dossier en santé publique n° 24 – septembre 199842

de prescriptions au prix minimum auxquels sont sou-mis les médecins travaillant dans les MCO.

La réforme britannique de 1991 a introduit la no-tion de « marché interne » exprimant des relationscontractuelles destinées à organiser des servicesmédicaux entre médecins généralistes et autorités ré-gionales de santé d’une part et « offreurs de soins »secondaires d’autre part. « Marché interne » parcequ’il se situe dans le cadre maintenu d’une structureadministrative verticale de financement fiscalisé.

Aux Pays-Bas, le projet Dekker organise deux mé-canismes de financement. Il prévoit une fiscalisationdes cotisations perçues sur les revenus pour finan-cer l’assurance maladie obligatoire. Ces recettes af-fectées alimentent un Fonds national de péréquationqui les répartit entre les caisses d’assurance en fonctiondes critères liés à leurs clientèles (âge, sexe).

Par ailleurs, les assurés versent une prime direc-tement à la caisse qu’ils ont choisie pour financerles prestations complémentaires au pa-nier de soins définis par l’assurance obli-gatoire.

Chaque assureur offre à ses adhérentsla possibilité d’accéder à un réseau desoins constitué sur la base de contratspassés avec les professionnels de santé.

L’assuré peut donc choisir librementson assureur en fonction de ses tarifs etde la qualité des prestations servies.

Les objectifs fondamentauxL’objectif primordial est la recherched’une rationalité des processus de produc-tion des soins et services de santé comptetenu de la demande et des ressources disponibles.

L’émergence de structures organisées provient desimperfections du mécanisme des prix ou de leurinopérabilité économique, en raison de coûts de tran-sactions dus aux difficultés d’accès à l’informationet à l’incertitude.

Il s’agit d’une « approche produit » : la focalisa-tion sur le « produit » est centrale dans la concep-tion du modèle. Elle se spécifie en fonction du typed’organisation adoptée, des relations entre les dif-férents partenaires tant en ce qui concerne les ser-vices que le financement proposés.

La dimension structurelle doit découler de cetteorientation, elle n’est pas un préalable. Dans chaquemodèle les relations entre les différentes structures(hôpital, ville) sont transgressées par une appréhensiondu volume et de la qualité des services susceptiblesd’être proposés. Les acteurs et leurs interrelations,qui constituent la dimension structurelle du modèle,se « positionnent » par rapport à la recherche de l’ef-ficacité du processus de production.

La démarche est d’ordre micro-économique, ellese fonde sur la responsabilisation de chaque acteur etsur une certaine atomisation des processus de gestion.

L’« approche structure » n’intervient que sur la basede ces principes. Elle diffère fatalement selon les prin-cipes institutionnels de chaque pays, le degré d’in-terférence des instances de tutelle.

Les motifsLes motifs d’instauration de mécanismes de managedcare dans la conduite des systèmes concernés dif-fèrent sensiblement. Il s’agit :

– soit d’organiser le marché de l’assurance mala-die privée dans un système où la gestion et le finan-cement public ne se situent que dans une optique d’as-sistance. La production et la distribution des soinssont gérées selon un modèle entrepreneurial. C’est,schématiquement présenté, le modèle des États-Unis ;

– soit d’organiser des relations contractuelles detype marché entre prestataires de soins et de servi-ces de santé dans le cadre d’une administration cen-tralisée des structures de soins. C’est le modèle bri-tannique où l’approche micro-économique (approcheproduit) est associée à une approche structurelle ;

– soit, enfin, d’organiser des relations contractuellessur la fourniture de soins entre assureurs et praticiensdans un cadre concurrentiel, la tutelle garantissant

les impératifs de solidarité et de santépublique. Il s’agit du projet néerlandais.

Les instrumentsCes modèles s’appuient sur des instru-ments particuliers inspirés de l’écono-mie de marché.

Ils revêtent une certaine spécificité se-lon les applications qui en sont effec-tuées dans chacun des systèmes.

Ils se situent en général dans un ca-dre global d’organisation des systèmesde santé. Certains ont été initiés à par-tir d’expérimentations ponctuelles maisse sont très rapidement intégrés dans un

cadre national (États-Unis). D’autres ont fondé lesprincipes directeurs de réformes structurelles d’en-semble (Grande-Bretagne, Pays-Bas).

Par ailleurs, ces instruments de gestion impliquentune responsabilisation des différents acteurs, d’oùleurs références micro-économiques, d’où l’inser-tion de ces derniers dans un processus de managedcompetition à l’intérieur d’un système. Ils se réfè-rent à un choix de relations entre les divers agents.On peut citer :

– la contractualisation entre prestataires de soins(Grande-Bretagne) ou entre prestataires de soins etfinanceurs (Pays-Bas, États-Unis) ;

– la concurrence chargée de déterminer l’adéqua-tion entre la demande et l’offre et de garantir l’effica-cité des processus de production de soins : concurrenceentre offreurs de soins secondaires en Grande-Bre-tagne sur la base de budgets attribués aux autoritéslocales et généralistes par le financeur institution-nel, concurrence entre assureurs et entre prestatai-res de soins aux Pays-Bas et aux États-Unis ;

– les systèmes d’informations constituent les pi-liers fondamentaux des dispositifs mis en place : ré-férentiels déterminés en partenariat avec les assu-reurs et les praticiens ou par les pharmacy benefitmanagers aux États-Unis (58 % des HMO contractentavec les PBM), référentiels de prescriptions (selectedlist schemes et prescribing analyses and costs) édictés

Rationaliserl’offre de soins

en tenant comptede la demande etdes ressources

disponibles

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adsp actualité et dossier en santé publique n° 24 – septembre 1998 43

par les autorités de tutelle en Angleterre (des con-seillers médicaux et pharmaceutiques sont chargés,au niveau local, d’inciter les médecins à prescriresous forme de génériques et à élaborer des listes deleurs médicaments).

Jeux de pouvoirs et dérivesLe partenariat entre prestataires de soins et financeursse transforme très souvent en rapports de pouvoirsau bénéfice de ces derniers. Les financeurs apparais-sent en effet dans la plupart des cas comme les maîtresd’œuvre des réseaux, surtout lorsqu’ils en sont lesinitiateurs.

Aux États-Unis, c’est le cas dans certaines formesde managed care. Surtout dans les modèles où lespraticiens sont salariés (modèle staff ou modèle group)mais même dans les modèles où ils sont plus « in-dépendants ». En effet, pour influer sur les compor-tements des médecins les assureurs instituent un « in-téressement » pour les médecins, enfonction de l’économicité de l’utilisationqu’ils font des tests diagnostics et dessoins hospitaliers. Par ailleurs les règlescliniques se référant aux procédures d’as-surance qualité, aux protocoles édictéspar les pharmacy benefit managers à lademande des assureurs constituent unepression très forte sur les praticiens.

En Grande-Bretagne, le volume de ser-vices négociés, entre prestataires de pre-mier recours et autorités régionales d’unepart et offreurs de soins secondairesd’autre part, est limité par les objectifsfinanciers déterminés aux niveaux centralet régional. Certes, la nature et la qualité des servi-ces demeurent l’affaire des prestataires de soins, con-trairement à ce qui peut se passer dans certaines struc-tures de managed care aux États-Unis. La contraintefinancière n’en reste pas moins déterminante.

Aux Pays-Bas, l’instauration de microstructuresd’organisation de soins sous l’égide des assureursattribue à ces derniers un rôle fondamental, les pres-tataires de soins se situant dans une dépendance trèsétroite. Il ne faut pas toujours sous-estimer le pou-voir de négociation des prestataires de soins, il n’enreste pas moins que les critères de négociation desassureurs peuvent s’éloigner des objectifs de qua-lité des soins et donc des prestataires. Les critèresde gestion financière peuvent primer sur les critè-res de compétence (cf. Van de Wen, Rutten UniversitéErasmus Rotterdam).

Dans tous les cas, on observe, du fait des optionsgestionnaires retenues, une médiation de la demande.L’usager a un rôle de second plan sauf peut-être dansles cas où la demande solvable a été mal appréciée.Les mécanismes mis en œuvre peuvent aller à l’en-contre des effets recherchés en terme d’efficienceet d’équité (on peut imaginer une demande globaleplus forte que prévue mais répartie inégalitairement).

Le statut des systèmes d’informations, les moda-lités de définition des référentiels, déterminent en faitla place et le pouvoir de chaque catégorie d’acteurs

dans le processus gestionnaire. Ils modèlent les re-lations entre les différents acteurs. Les rapports depouvoirs se jouent en grande partie à ce niveau. Desphénomènes pervers ont pu apparaître avec l’émer-gence d’un acteur supplémentaire prenant une placeprépondérante, comme par exemple aux États-Unisoù certains laboratoires pharmaceutiques participentà l’élaboration de protocoles (les trois principauxPBM aux États-Unis sont la propriété de trois grandslaboratoires (Lilly, Merck, Smithkline-Beecham)

Il faut remarquer par ailleurs que les modèles pro-posés doivent générer théoriquement, par les méca-nismes de responsabilisation et d’incitation qu’ilsimpliquent, une organisation des soins répondant auxnormes de qualité et d’efficacité des services. L’or-ganisation proposée correspond à la constitution d’unréseau de soins à géométrie variable, malléable selonles résultats obtenus et selon la variabilité de la de-mande et de l’offre. Elle est directement dépendante

du jeu de contractualisation et donc desrapports entre offre et demande qui sedéveloppent entre prestataires, finan-ceurs et usagers.

Cette malléabilité est en fait induitepar les instruments que les promoteursdes réformes ont voulu mettre en œuvrepour rendre le système, les sous-systè-mes, plus efficaces : il s’agit, nous l’avonsdit, de mécanismes de type marché, laconcurrence, la contractualisation,comme base relationnelle entre acteurs,intégrant ceux-ci dans une probléma-tique de managers. Le principe de lamise en œuvre de ces mécanismes est

de conduire à une confrontation des offreurs et desacheteurs, confrontation qui nécessite de ces derniersune adaptation de leurs comportements à tout chan-gement dans l’expression des déterminants d’une si-tuation.

Si la pratique des réseaux dans un schéma de re-lations micro-économiques telles que celles présen-tées ici implique un changement de rôle des diffé-rents acteurs, elle implique aussi un autre regard surle produit des activités. Efficacité et concurrence obli-gent ! Jeux de pouvoirs équilibrés entre agents : lapratique de la concurrence, par exemple, se légitimefondamentalement par la recherche de la qualité duservice fourni. Si l’équilibre concurrentiel est misen cause, ce qui tend à se produire assez souvent tantcette situation est instable, la recherche de straté-gie risque de l’emporter sur celle de la qualité duservice. Les effets de monopole, d’oligopole, ou demonopsone (dans le cas d’un seul acheteur institu-tionnel) risquent alors de se développer à l’encon-tre des objectifs déclarés de satisfaction des besoins.

La problématique des jeux de pouvoirs entre ac-teurs, générée par la mise en œuvre de structuresorganisées de soins, interfère sensiblement sur larationalité recherchée en terme d’adéquation entreoffre et demande. Il semble en effet que les diffé-rents acteurs sont conduits à opérer une certaine dis-tanciation par rapport au produit recherché et à

Un partenariatqui se transforme

en rapportde pouvoirsau bénéfice

des financeurs

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ier Réseaux de santé et filières de soins

adsp actualité et dossier en santé publique n° 24 – septembre 199844

développer les instruments utilisés en fonction d’in-térêts catégoriels. La démarche à laquelle ils sont con-duits risque de se réduire à une recherche de l’ap-proche produit la plus susceptible de leur faire acquérirune rente de situation.

Institutions et produit de santéLe modèle américain de coordination des soins cor-respond à une logique de microgestion directementgénérée par l’idéologie libérale. Les États-Unis ontfavorisé ce que Lawrence Brown et Victor Rodwynnont appelé « la réglementation du comportement »caractérisée par « un examen détaillé, au cas par cas,de ce que les prestataires de services font clinique-ment ». La formule n’est pas neutre. Elle évoque « unexamen détaillé » ; par qui ? Essentiellement par lesassureurs initiateurs, maîtres d’œuvre et gestionnairesde structures sanitaires. Que veut-on gérer ? Ce queles prestataires de services font cliniquement. On gèreavec le plus d’efficacité possible des pro-duits en fonction des moyens disponi-bles et donc de ce que les usagers sontprêts à engager. « Ce qui est bon pourle managed care est bon pour les pa-tients ».

En Grande-Bretagne les mécanismesdu marché interne s’insèrent dans le ca-dre d’une gestion budgétaire de typemacro-économique assumée par les pou-voirs publics. L’impact institutionnel estfort. Mais les processus de contractua-lisation développés entre prestataires depremiers recours (acheteurs) et presta-taires de soins secondaires (offreurs) ont une inci-dence, à terme, sur les structures de soins par appa-rition de fusions et de concentrations (cf. DianeDawson, Cambridge). Le système se gère sur la basedes interrelations entre microgestion et macrogestion.

Les Pays-Bas adoptent une démarche différentedans la mesure où le financement est assuré par lescaisses d’assurance maladie, publiques et privées.

Les caisses sont les acteurs centraux. Elles devien-nent gestionnaires de réseaux. Elles assument unesituation de concurrence en tant qu’acheteurs de ser-vices aux prestataires de soins. De ce fait, la présencedu marché, son incidence sur les structures, sont plusfortes qu’en Grande-Bretagne. L’option est plus li-bérale. Mais à l’inverse de ce qui se passe aux États-Unis les pouvoirs publics sont présent sur l’ensem-ble du système. Ils jouent un rôle de « garde-fous »afin de préserver l’équité de la distribution des soins.

Les comparaisons internationales nous apprennentune chose, fondamentale : il n’y a pas un concept« produit de santé » qui transgresse les différencesde systèmes. Le produit santé revêt, selon les pays,une acception étroitement dépendante des modèlesde gestion, des relations entre acteurs, de la conceptiondu rôle de l’État.

Dans les pays que nous avons présentés il existeun dénominateur commun : la gestion par lesfinanceurs et les prestataires du volume et de la qualitédes soins proposés. Cependant deux éléments, au

moins, interviennent pour différencier chacun dessystèmes. L’existence d’un financeur « spécifique »,assurance privée ou caisse d’assurance maladie, lerôle des pouvoirs publics dans l’organisation et lagestion de la santé.

Dans un système caractérisé par le « libéralismedes groupes d’intérêt » les assureurs s’associent lesservices de prestataires pour définir le benefit pac-kage dont peuvent bénéficier les assurés et le négocientavec les prestataires, les pouvoirs publics assumentune politique de welfare en faveur de certaines po-pulations.

Dans un service national de santé, il n’existe pasd’assureur et la « réglementation budgétaire » influesur le volume et la nature des services gérés sous formecontractuelle entre prestataires. Le libéralisme estinstauré dans la gestion de soins mais sur la base d’unecontrainte institutionnelle.

Dans le système néerlandais, structuré autour decaisses d’assurance maladie, la coordi-nation des soins instaurée sur des fon-dements concurrentiels, détermine, defaçon multiple, le volume et la qualitédes soins à partir d’un panier minimumobligatoire défini par la puissance pu-blique celle-ci n’assume que sa missionrégalienne de garantie de l’ordre public.

Le jardin à la françaiseLes expérimentations de réseaux de soinsprésentées en France se fixent commeobjectifs, la coordination des soins, lesuivi thérapeutique du malade, la prise

en charge globale.Les origines sont multiples (cf. article de Juan Ma-

nuel Viñas). On peut dire que les initiatives prisesdans les années quatre-vingt, l’institutionnalisationd’expériences intervenue récemment, ont été géné-rées par l’observation d’une trop grande segmenta-tion, du manque d’informations et de leur coordina-tion. L’orientation de la gestion du système vers uneplus grande attention portée aux problèmes sanitairesressentis a tendu à accélérer la mise en œuvre de ré-seaux.

L’approche — les thèmes autour desquels se créentplusieurs réseaux sont d’ailleurs éloquents — seraitune « approche demande ». Du moins dans les in-tentions. Il reste à resituer cependant les réseaux dansle contexte institutionnel français.

L’approche est également ici de type micro maiselle n’a pas la dimension économique que l’on a puobserver dans les pays présentés ci-dessus, au sensd’une gestion systématisée intégrant les acteurs dansles processus de production et de financement.

Il n’en reste pas moins que les réseaux devront s’in-sérer dans une réglementation budgétaire qui s’ac-commode mal d’une transversalité de la gestion desstructures sanitaires.

Ce n’est que lorsque l’on aura réussi cette inser-tion dans l’institutionnel du système de santé que l’onpourra apprécier la nature du « produit » générée parcette « approche demande ».

L’approchefrançaise

des réseaux n’apas la logiqueéconomiquedes réseaux

de typemanaged-care

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adsp actualité et dossier en santé publique n° 24 – septembre 1998 45

tribune

Le fonctionnement du réseau induit des changements non-négligeables du moded’exercice de la médecine. Alors que la relation soignant-soigné évolue, les relationsentre médecins sont profondément modifiées.

Problèmes éthiqueset réseaux

originalité, qui ne serait que la pra-tique usuelle des médecins avec« le réseau » de leurs correspon-dants.

Une telle approche méconnaîtraitla confusion qui peut exister dansle sens des mots.

Le concept de réseau, tel qu’il estdécliné par les ordonnances du24 avril 1996, est sans rapport aveccette pratique familière des méde-cins. C’est au contraire un rema-niement profond des schémasusuels de leurs pratiques.

Le fonctionnement en réseau dela distribution des soins par les pro-fessionnels de santé étend toutd’abord le champ de la responsa-bilité du médecin à l’égard de sonpatient, sans changer le contenu dela relation qu’il entretient avec lui,mais en modifiant, par contre, lanature des relations que les méde-cins entretiennent entre eux.

Lorsque le patient entre dans leréseau, le médecin qu’il rencontreest celui qu’il a choisi. C’est donctoujours, comme par le passé, « larencontre d’une confiance et d’uneconscience ». Il n’y a là rien de dif-férent d’avec la pratique tradition-nelle. Mais implicitement, cetteconfiance n’est plus donnée à ceseul médecin, elle s’étend de prin-cipe à tous les intervenants du ré-seau que le patient ne connaît pasencore mais qu’il est susceptible derencontrer pour la prise en chargede sa pathologie.

Le médecin initialement consultéest donc investi d’une nouvelle res-

ponsabilité, cette « confiance pardélégation » qui s’étend à tous lesautres membres du réseau et expli-que que ce réseau de profession-nels ne peut se réduire à une sommede compétences techniques ou bienà un rassemblement d’intérêts.

Une relation soignant-soignéqui évolueLe réseau implique ici une commu-nauté morale, voire philosophiqueentre ceux qui le composent, et cecijusque dans la manière d’assumerla charge du patient qui s’y confie,de telle sorte que, passant de l’unà l’autre des professionnels aucours de sa prise en charge, le pa-tient puisse retrouver les mêmes va-leurs que celles du médecin auquelil a initialement accordé sa con-fiance, dans une sorte de « conti-nuum naturel » qui lui évite touttraumatisme relationnel ou affec-tif — fût-il bénin — dans la suc-cession des professionnels de santéqu’il sera amené à rencontrer, luiqui doit ou ne peut concentrer sonattention et ses efforts que sur sasanté qu’il convient de restaurer.

Le médecin initialement con-sulté, celui à qui la confiance per-ceptible a été donnée en connais-sance de cause par le patient, a doncla charge supplémentaire d’être « leporte-parole » auprès du patient,mais aussi auprès de l’équipe mé-dicale composant cette structure re-lationnelle polymorphe qu’est leréseau. Le lien contractuel qui liele médecin et son patient dépasseici la simple relation entre les deuxcontractants.

Le médecin a donc, à l’égard dupatient, un devoir plus grand d’in-

formation dans les choix qu’il auraà opérer, puisqu’il est le seul inter-venant que le patient ait réellementchoisi, à qui il a donné sa confiance.Le patient ne connaît que lui et n’apas la connaissance de la « carto-graphie » des professionnels desanté qui composent le réseau. Seulle médecin maîtrise cette informa-tion et il est comptable de partagerce savoir avec son patient, à lamesure des besoins que ce dernierexprime ou de ce que le médecinaura décelé.

Le fonctionnement en réseau im-plique donc de la part du médecin,à qui le patient a donné sa con-fiance, un devoir tout particulierd’écoute et d’information à sonendroit, et ce à tous les momentsde son parcours au sein du réseaudes professionnels de santé qui lecomposent.

Si le contenu seul de la relationavec le patient a évolué, c’est parcontre la nature même des relationsentre confrères qui est profondé-ment modifiée dans ce mode nou-veau de fonctionnement.

La relation entre médecins inter-venant auprès d’un même patientétait jusqu’à présent pyramidale surun mode hiérarchique : le médecin« sachant » est sollicité par un autremédecin qui lui ne sait pas et quicherche là une ressource dont il abesoin pour prendre en charge sonmalade.

Il en était ainsi de la relation maî-tre-élève, du généraliste recourantau spécialiste, ou au contraire duspécialiste qui constate un pro-blème en dehors du champ de sacompétence dans une situationpathologique donnée et renvoie le

Pierre HaehnelMédecin, secrétaire

général, Conseilnational de l’ordre

des médecinsÉtienne Dusehu

Médecin, Conseilnational de l’ordre

des médecins

Le réseau peut apparaître,en première analyse,comme un mode d’exer-cice professionnel sans

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ier Réseaux de santé et filières de soins

adsp actualité et dossier en santé publique n° 24 – septembre 199846

patient à la compétence du médecin defamille.

Dans ce mode de fonctionnement, à toutmoment, le « sachant » peut pallier lacarence ou la faillite de son partenaire,puisque son niveau de compétence, dansle domaine où il est consulté, est plusgrand.

Le fonctionnement en réseau, lui, esthorizontal, en chaîne et, comme tel, larésistance de la chaîne est celle du maillonle plus faible. Cette allégorie signifie qu’ilne suffit plus à chacun des intervenantsd’être soucieux de sa propre compétence,mais ils doivent l’être aussi de la perfor-mance du groupe, et ce jusqu’à contribuerà renforcer les maillons les plus faiblesplutôt que d’accroître, chacun isolément,sa propre performance.

Cette redécouverte des valeurs de soli-darité collective et de leur importanceimplique une modification du comporte-ment des médecins qui n’est pas anodinedans un domaine des pratiques profession-nelles jusqu’à présent essentiellementfondé sur l’efficacité et la compétence in-dividuelle de chacun.

La pratique en réseau implique donc uneévaluation de la qualité et de la perfor-mance qui ne soit plus exclusivementpersonnelle mais aussi collective.

Le fonctionnement en réseau impliqueenfin une intrication et une superpositionpartielle du savoir des différents profes-sionnels qui le composent, ainsi que lacapacité de chacun d’entre eux à créer desinterfaces facilitant la compréhensionréciproque de la démarche de chacun deceux qui concourent aux soins d’un mêmepatient.

Il ne peut en être ainsi sans que chacund’entre eux ait acquis les connaissancesscientifiques nécessaires dans le champcommun pour créer cette interface permet-tant la compréhension mutuelle.

La formation continue doit permettreensuite une évolution harmonieuse et so-lidaire des connaissances de chacun prisindividuellement mais aussi et surtout col-lectivement. La coordination entre dessavoirs professionnels qui ne sont plusétanches les uns par rapport aux autres, nijuxtaposés sans lien entre eux, est essen-tielle à la coordination des pratiques mé-dicales au sein du réseau, et donc à son ef-ficience globale au profit du patient.

L’évaluation de la performance indivi-duelle et collective, la mesure de la qua-lité et la formation sont trois domaines oùles repères éthiques, sans changer, néces-

sitent de la part du médecin une adapta-tion aux nouvelles conditions d’exercicede sa profession.

Un nouveau mode d’exercicede la médecineLa fluidité relationnelle et la circulationpertinente des informations sont des con-ditions essentielles au bon fonctionnementd’un réseau de soin. C’est dire ici l’impor-tance des règles déontologiques qui pres-crivent la pratique de bonnes relationsconfraternelles au service de l’efficacitécollective et celles, incluses dans le der-nier Code de déontologie médicale, quiprescrivent la tenue d’un dossier médicalqui sera ici partagé : il doit donc comportertoutes les informations susceptibles d’êtreutiles à l’intervention des autres profes-sionnels de santé du réseau.

Dans d’autres domaines de la déonto-logie, la pratique en réseau ne modifie pasla substance, mais impliquera une vigi-lance accrue pour éviter les dérives quipeuvent survenir parfois insensiblement.

Confronté à une situation comportantplusieurs alternatives, on sait qu’un grouped’individus choisit volontiers des straté-gies plus risquées qu’un individu isolé. Orle Code de déontologie médicale com-mande aux médecins de ne pas faire pren-dre aux patients de risques injustifiés.

Il conviendra donc ici de rester particu-lièrement vigilant, de telle sorte que lechoix diagnostique et thérapeutique arrêténe soit pas osé et demeure exclusivementguidé par le seul intérêt du patient, éva-lué aussi objectivement que possible.

Par ailleurs, la responsabilité du médecindemeure individuelle et personnelle, mêmedans le cadre de l’exercice de la médecineen équipe. Il en sera de même a fortioriau sein d’un réseau. Les règles de fonc-tionnement doivent permettre à chacund’exercer cette responsabilité individuellepleine et entière. A contrario, le médecinne doit pas devoir aliéner son indépen-dance en l’inféodant à l’un quelconque deses confrères du réseau.

Le réseau ne doit pas non plus favori-ser l’exercice sournois d’une médecineforaine, ou créer une situation monopo-listique susceptible de limiter ou d’inter-dire au patient l’exercice du libre choix deson médecin.

Enfin, est-il utile de le rappeler, tous lescontrats liant chacun des médecins auréseau doivent être légalement enregistrésau conseil départemental de l’Ordre desmédecins qui doit s’assurer de leur con-

formité avec les règles édictées par le Codede déontologie médicale.

La pratique de la médecine en réseau estdonc plus innovante qu’il n’y paraît enpremière analyse. Il faut en avoir cons-cience et ne pas méconnaître les difficultésde son développement pour éviter les in-cidents susceptibles de discréditer l’outilauprès des patients ou bien d’altérer leurconfiance.

Qu’il s’agisse des réseaux thématiquesou populationnels, c’est un mode d’exer-cice nouveau digne d’intérêt puisqu’il créeles conditions d’une collaboration plus dy-namique entre les différentes ressourcesnécessaires à la prise en charge d’un pa-tient, implique l’auto-formation perma-nente des médecins pris individuellementet collectivement, accroît enfin l’effica-cité globale résultant de la somme des in-terventions individuelles de chacun desprofessionnels de santé.

Le réseau concilie aussi une certaineapproche de la santé publique avec le res-pect individuel dû à chacun des patientsqui y recourent.

De tout cela on ne peut que se féliciterpuisqu’au demeurant c’est le patient quibénéficie de l’efficience accrue que l’onpeut espérer de cette pratique nouvelle del’exercice médical.

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adsp actualité et dossier en santé publique n° 24 – septembre 1998 47

Désir de réseau,réseau de désirs

Philippe MarrelNeurologue, Hôpital

de Freyming-Merlebach

tuel, et pas seulement dans les sys-tèmes de santé, participe au moinsautant d’un effet de mode que dela désignation opératoire d’un nou-veau concept. Loin d’être péjora-tive ou futile, cette approche per-met de réfléchir à sa naissance,d’interroger ces périodes de « cris-tallisation » où ce qui n’étaitqu’éléments disparates s’assemblesoudain en évidence, sous l’effetd’un désir d’autant plus irrépres-sible qu’en grande partie incons-cient. Reconnaître ce désir, le di-viser en ses composantes,intriquées et contradictoires, c’estparticiper à l’aventure avec demeilleures chances d’agir sur lecours des événements. C’est ten-ter de faire la part de la nécessité,et du hasard, des illusions porteu-ses et des résistances présentes ouà venir. C’est le thème de cette ré-flexion en forme d’essai.

Le « désir socio-culturel »Désigner ainsi le premier niveaud’analyse du « désir de réseau »,avant même d’analyser les jeuxd’acteurs, c’est insister sur la réu-nion de conditions indispensablesà la formation de l’idée de réseau :celle-ci n’est pas intemporelle,même si elle a déjà existé avec suc-cès en d’autres temps (qu’on penseau prestige de la Hanse nordiqueau Moyen-âge).

L’essoufflement du modèle rationnelUn modèle fut longtemps domi-nant, que pour simplifier on appel-

lera hiérarchique, dont les présup-posés étaient la prévisibilité du fu-tur, ou au moins la prédominancedes valeurs d’expérience par rap-port à la création de solutions nou-velles, et une chronologie « lente »des événements, laissant le tempsde recueillir l’information et d’entirer profit, malgré les délais nonnégligeables de transmission cen-tripète. Selon ce modèle, la posses-sion de l’information était une va-leur pérenne, exploitable à longterme. Mais l’évolution accéléréede la société post-industrielle lerend de moins en moins pertinent :celle-ci voit la prédominance desactivités de service, le développe-ment des coopérations, l’impor-tance stratégique de l’innovation.Les petites et moyennes organisa-tions reprennent l’avantage dans lamesure où elles sont plus soupleset de ce fait plus capables des’adapter et d’innover. Les gran-des organisations bureaucratiquestypiques de la société industrielles’adaptent mal à cette évolution. Lemodèle bureaucratique est incapa-ble de gérer la complexité, d’où unemise en question des principes etdes pratiques d’organisation. Laressource humaine devenant la res-source rare, principes et pratiquesdoivent être repensés en fonctionde son meilleur emploi. La simpli-cité des structures et des procédurescommence à être considéréecomme la meilleure réponse à lacomplexité ; elle requiert l’autono-mie des unités opérationnelles etle développement de cultures d’or-ganisation plus fortes, capables desoutenir des agents plus autono-mes.

Les progrès techniquesNous ne croyons plus que chaquephase du développement social etéconomique surdétermine le pro-grès technique. Il faut reconnaîtrepourtant que l’évolution des tech-nologies de l’information se trouveêtre à la fois à la source du cham-bardement des modèles d’organi-sation, en accélérant les réactionsdes concurrents, tout comme endistribuant largement l’accès à uneconnaissance, et en retour au cœurde l’organisation nouvelle, dont lesvoies de transport des données, eten premier lieu la mise en réseauxtélématiques, sont les outils les pluscaractéristiques. Qu’il y ait doncdes conditions structurelles qui ontmené à la redécouverte du fonction-nement en réseau, c’est une évi-dence, et c’est aussi sans doutel’une des formes du « désir » quecette facilité nouvelle où les forcesvives vont s’engager.

Mais on y voit aussi une nouvelleforme de sociabilité permise par cesréseaux télématiques : « la distancesociale qui sépare les citadins n’estpas seulement un effet de l’hétéro-généité sociale et culturelle, ni dela diversité des destins personnels.Dans la ville, la multiplicité mêmedes occasions de contact imposeune nécessaire « réserve », une su-perficialité de l’échange, qui sontles conditions de l’interaction. Lephilosophe Georg Simmel fournitle cadre théorique de ces analysesde la mise à distance comme prin-cipe même de la sociabilité. Si, ensociété, nous vivons ensemble,nous vivons aussi à l’écart les unsdes autres, de sorte que les relationshumaines peuvent toujours être

L’emploi récurrent, voireobsédant, du terme deréseau dans le mondesocio-économique ac-

L’évolution de la société, les progrès technologiques, notamment appliqués àl’information ont favorisé l’émergence des réseaux. Avec la crise du système desanté, le réseau peut sembler une forme d’organisation plus adaptée. Solutionaujourd’hui, le réseau sera-t-il la réponse de demain ?

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analysées, avec plus ou moins d’exacti-tude, en termes de distance. » Et l’échangepartiellement dématérialisé que permetl’écran paraît une distance qui convient ànos angoisses, si on en juge par son suc-cès et même ses excès. Mettre ce mode derelation en pivot de l’organisation nou-velle, c’est aussi répondre à un besoin derégulation interindividuelle.

La crise des systèmes de santéTroisième grand élément moteur sociolo-gique, la crise financière des annéessoixante-dix-quatre-vingt, qui outre lesdégâts provoqués dans le tissu industriel,social et politique, a frappé d’une manièreparticulièrement violente le modèle sur le-quel était construite la plupart des systè-mes de santé occidentaux directementhérités du XIXe siècle : le médecin, agentéconomique indépendant et seulement mûpar son désir du bien d’autrui, développeson activité au service de son patient, uni-que objet de son attention. Que par la suiteles médecins se soient souvent transformé,progrès technologique aidant, en groupeshospitaliers de taille croissante ne changerien, ni l’exacerbation française qui, plusque partout ailleurs, a voulu concilier lasolvabilisation sociale de la demande avecla libre entreprise de la profession médi-cale. Une fois dissipée l’illusion de la crois-sance continue, médecins comme hôpitauxse sont retrouvés à nu, soumis à la ques-tion sur leur utilité réelle, incapables dese justifier à titre individuel ou collectif,faute d’évaluation. Il leur est apparu, aumoins aux plus novateurs d’entre eux, qu’ilétait temps de trouver des modes de fonc-tionnement plus collectifs, mais en évitanttoute référence hiérarchique qui auraitdonné raison au fantasme « d’étatisationde la médecine ».

Le désir de l’acteurdans le systèmeC’est dans ce remue-ménage qu’a lieu unerencontre, celle de deux désirs que nousappellerons « les réseaux voulus d’enhaut » et « les réseaux voulus d’en bas » :

– voulus par la puissance publique, oupar les détenteurs du pouvoir de finance-ment, pour amorcer une régulation (avanttout économique) d’un secteur très con-sommateur de ressources, mais qui se bra-que dès lors que l’on semble toucher à sonindépendance formelle. Parler de réseaux,c’est ne pas toucher aux façades — l’exer-cice libéral pour les individus, l’autono-mie de gestion pour les établissements —

mais entreprendre une vaste rénovation in-troduisant des règles de décision collec-tives, donc la formation d’acteurs de tailleet d’homogénéité plus maniables dans lesnégociations ;

– voulus par les acteurs de terrain, ils’agit de transcender les frontières demétiers et de spécialités, de s’affranchirdes murs de l’hôpital, de réduire l’impor-tance du statut administratif, pour retrouverune capacité de manœuvre dans de nou-velles alliances.

En d’autres termes, une vision centra-lisée appelle les réseaux pour mieux as-seoir une autorité défiée par la diversité— au besoin, l’agence régionale de l’hos-pitalisation pourra imposer les communau-tés d’établissements — et, à l’inverse, lamultitude des acteurs se sentant en posi-tion de faiblesse individuelle constitue desgroupes de pression mieux à même de pe-ser sur la gestion collective.

Si ces deux désirs se rencontrent —« nous voulons les réseaux » —, il va fal-loir en assumer la profonde contradictionlorsque l’heure de la gestion au quotidienva sonner. Le premier chapitre de ces con-flits futurs nous paraît à prévoir dans l’éta-blissement de la norme collective, enten-due au sens d’ensemble de valeurscommunes constituant le but désiré (exem-ple de normes : le développement dura-ble, la dépollution, l’accès de tous auxsoins).

La norme et son établissementCe qui distingue essentiellement hiérar-chie et organisation en réseau, c’est lerapport à la norme commune (norme en-tendue ici au sens sociologique et non ad-ministratif, c’est-à-dire ensemble des va-leurs admises comme normales, fondantles actions de correction). Dans l’organi-sation hiérarchique, le rapport des acteursà la norme est « filtré », car l’interpréta-tion est le plus souvent faite par un autreque celui qui va agir, ne connaissant quepartiellement les conditions qui justifientl’action. Il ne peut donc qu’exécuter « enaveugle », sans savoir si les résultats qu’ilperçoit le rapprochent ou non du souhaité.Cette faiblesse potentielle del’autocorrection locale justifie le contrôlepar la hiérarchie, qui possède l’informa-tion manquante. À l’extrême, « réfléchir,c’est commencer à désobéir » disait la tra-dition militaire. Le réseau au contraireinsiste sur le rapport direct de l’acteur, quichoisit sa propre interprétation, à la normecommune. Il se doit d’utiliser une connais-

sance aussi complète que possible des faitset du contexte, qui lui permet une correc-tion locale et immédiate des erreurs ; onreconnaît là une idée récurrente de l’éva-luation bien faite, à savoir l’implicationnécessaire de celui qui a fait, et qui saitmieux que quiconque pourquoi il a faitainsi.

Le désir évolutif émergentTroisième niveau de lecture du phénomèneque nous proposons, entre le désir de lasociété qui le contient et celui des acteursqui le composent, on nous permettra d’in-terroger le désir du réseau vis-à-vis de lui-même. Une organisation complexe mènesa vie, s’adapte, meurt au bout du compte,de façon totalement indépendante du des-tin et souvent de la conscience même deceux qui croient la piloter.

L’exemple d’InternetProfitons d’une autre mode, « incontour-nable » selon le jargon en vigueur, celled’internet — encore appelé le Réseau —,comme si son exceptionnel développementcontenait en puissance toutes les autresinstanciations possibles de la mise en ré-seau —, pour rappeler comment une créa-ture échappe à son maître, pour peu qu’onlui laisse le choix.

L’idée a été conçue au début des annéessoixante par la Rand corporation pourrépondre au souci des militaires de con-server leurs communications en cas deconflit majeur détruisant les centres decommandement. Cet ensemble de nœudsindépendants capables chacun d’orienterles messages vers leur destination, a jus-tifié une validation, le ministère de la Dé-fense américain subventionnant un mini-réseau regroupant des centres de rechercheuniversitaires, l’Arpanet. Progressivement,les quatre universités pionnières sont re-jointes par d’autres, séduites par cette nou-velle facilité de communication. Face à lacacophonie des matériels et logiciels dif-férents, un groupe de travail d’utilisateursaboutit, en 1982, à une norme commune,qui ne remplace pas celles qui existentdéjà, mais leur donne un langage commun(TCP/IP). L’accès est ensuite facilité parune autre modalité de présentation desdonnées, proposée par les chercheurs duCern en Suisse, et adoptée d’enthousiasmepar les utilisateurs (HTML). La porte estouverte à l’accès grand public, la versionactuelle d’Internet est née, et rapidementoccupée par une nouvelle forme de com-merce immatériel que nous vivons comme

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une révolution, comme par des revendi-cations minoritaires extraordinairement di-verses — que l’on songe au site Web dela guérilla zappatiste. Les militaires et lesuniversitaires y sont devenus bien mino-ritaires, et ne reconnaissent sans doute plusleur enfant. En tous cas, dans le projetinitial de la Rand, il avait une toute autredéfinition.

Ainsi en est-il des évolutions sponta-nées : peut-on parler de désir ? Les désirsindividuels existent, mais ne sont plus quedes forces fragmentaires qui assurent lacapacité évolutive, sans la dominer. Cettetendance à l’émergence, qui est caracté-ristique des interactions complexes entrede nombreux acteurs dissemblables, est lemoteur de l’adaptation des solutions auxcontraintes du réel, sur le mode essai eterreurs ; non pas d’une solution toujoursoptimale, mais au moins d’une solution quimarche. N’aurait-on pas intérêt à la favo-riser, dans notre domaine particulier dessystèmes de santé où il n’est pas certainnon plus qu’une solution toute faite existe,et encore moins que quelqu’un la con-naisse ? Ce qui pose la question des con-ditions favorables ou au contraire néfas-tes pour cette capacité créatrice spontanéedes organisations complexes.

Les conditions de la créativitéLes questions d’adaptation spontanée dessystèmes complexes à leur environnementfont depuis les années soixante-dix l’ob-jet de passionnants travaux. L’évolutionrepose sur deux processus principaux, quisont la variation, ou capacité à se modi-fier à partir d’un schéma de départ, et lasélection qui élimine les formes non via-bles. Dans ce processus de variation-sta-bilisation, il y a lieu d’éviter l’élitisme pré-coce, c’est-à-dire le choix trop rapide degénéraliser une solution qui paraît labonne, au risque d’empêcher l’apparitiond’une autre configuration qui aurait pu êtreencore mieux adaptée ; après tout, si lesdinosaures avaient réussi dans leur entre-prise de domination écologique, les mam-mifères n’auraient eu aucune chance. Siles solutions évolutives ne paraissent pasassez variées, il faut introduire des « mu-tations », c’est-à-dire des changements derègles arbitraires, risqués, mais qui rani-ment la compétition évolutive. Autrementdit, il faut craindre de ne proposer qu’uneseule réponse à un problème donné. Tantpis si une partie de ces réponses est non-optimale, la variété est en soi une richessecar elle contient des réponses potentiel-

les à des questions qui n’ont pas encoreété posées.

Quant aux règles d’évolution, leur rôlen’est pas tant de contraindre celle-ci, quede la permettre. Une telle stratégie se si-tue à l’opposé de l’approche classique,dans laquelle les systèmes se voient assi-gner des tâches spécifiques à accomplirde façon optimale, c’est-à-dire économi-que. De fait, elle ne promet pas de résul-tats rapides ni d’applications à court terme,mais elle seule nous permettrait d’abou-tir à des solutions que nous ne connais-sons pas encore.

Or les conditions de cet élitisme poten-tiellement négatif existent bel et bien dansle domaine qui nous intéresse. Les méca-nismes sélectifs déjà en place, ou en trainde se constituer, ont de telles caractéris-tiques :

– l’insistance mise sur l’égalité entrepairs, qui est le fondement encore plusprégnant de l’aristocratie que de la démo-cratie, conduit naturellement à exclureceux, individus ou groupes, qui ne présen-tent pas les garanties d’excellence requi-ses. Ainsi, tel réseau de cancérologie estlégitime, dès sa convention constitutive,à partager les bons des moins bons, pourne traiter qu’avec les premiers ;

– le choix des réseaux expérimentaux,au titre de l’Ordonnance de 1996, a étéconfié à un comité ad hoc, « supposé sa-voir » eut dit Lacan, muni rapidement d’uncahier des charges contraignant qui limitefortement le champ des possibles, avec uneincitation à la constitution de réseaux d’unetaille précisée, propice à un certain typed’organisation interne, cahier paraissantsurtout inspiré par la surface financière desentités expérimentatrices.

Conclusion prospectiveL’histoire est là pour nous le rappeler, rienne dure, et le dynamisme de toute nouvelleentreprise s’éteint tôt ou tard. Pour quellenouvelle forme d’organisation, mieuxadaptée aux problèmes à venir, nous dé-tournerons-nous des réseaux qui nousauront fait rêver ? La tension entre cen-tralisation hiérarchique et autonomie pé-riphérique persistant, il est possible quel’accent soit mis, lorsqu’auront été épui-sées les vertus mobilisatrices des actuel-les redéfinitions de frontières, sur les qua-lités d’intégration, renouvelant le lienvertical temporairement mis en veilleuseplutôt que détruit. Les prémices de ce mou-vement de balancier peuvent se percevoirdans la phase actuelle de « retour au mé-

tier de base » des entreprises innovantes,et dans le secteur de la santé, à travers lesefforts déployés par certains réseaux pres-tataires de soins aux États-Unis pour as-socier les médecins au sein de l’équipemanagériale, ainsi pourvue d’une nouvellelégitimité propice au renforcement de sonpouvoir. Mais ceci est une autre histoire.

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Réseaux etdossier médical partagé

SophieVulliet-Tavernier

Chef de service à ladirection juridique de

la Commissionnationale de

l’informatique et deslibertés (Cnil)

collecte des prescriptions auprèsdes pharmacies, de la télémédecine,des réseaux de recherche médicaleou encore de la transmission via leRéseau santé-social des feuilles desoins électroniques, l’informationde santé a vocation aujourd’hui àcirculer non seulement entre lesprofessionnels de santé mais éga-lement avec les caisses de sécuritésociale, les organismes de tutelle,laboratoires pharmaceutiques, uni-tés de recherche…

À l’égal d’autres domaines d’ac-tivité, la circulation de l’informa-tion est donc devenue une néces-sité pour le système de santé et l’onassiste, en ce domaine, à un déve-loppement progressif des échangesde données nominatives.

Trois facteurs, au moins, favo-risent cette situation :

– l’évolution des technologies del’information et des réseaux de com-munication : la convivialité et la di-versité des outils informatiques pro-posés aujourd’hui, les capacités sanscesse accrues de stockage et de trai-tement, le coût de plus en plus re-latif des ordinateurs et l’essor d’In-ternet, incitent à la mise en place deréseaux d’informations médicales ;

– les progrès constants de la mé-decine induisent une pratique mé-dicale de plus en plus spécialisée,et donc un nécessaire partage dusavoir et de l’information entre lesprofessionnels de santé ;

– le contexte actuel de maîtrisedes dépenses de santé impose une

gestion plus rationnelle du systèmede protection sociale — notammentpar le recours à des outils moder-nes de communication et de trai-tement — ainsi qu’une connais-sance et une évaluation plus finesde l’état de santé de la populationet des pratiques médicales — ce quinécessite la mise en place par et en-tre les partenaires de santé intéres-sés — professionnels de santé, éta-blissements de soins, organismesde protection sociale, autorités detutelle… — de systèmes perfor-mants de recueil et de traitementde l’information de santé.

Vie privée etcirculation de l’informationDans cette perspective, commentconcilier le respect de l’intimité dela vie privée, du secret des donnéesnominatives parfois très sensibleséchangées et cette nécessaire cir-culation des informations ?

Il convient en effet de rappelerqu’en droit positif, l’informationmédicale, information à caractèresecret, dès lors qu’elle concerneune personne identifiable, ne peutsous peine de sanctions pénales,être révélée à des tiers n’ayant pas,en vertu de la loi, qualité pour laconnaître. Hormis les cas où la loil’impose ou l’autorise , la révéla-tion d’informations à caractèresecret est passible de sanctionspénales lourdes (articles 226-13 et226-14 du nouveau Code pénal quiont remplacé l’article 378) . L’ar-ticle 226-17 du nouveau Code pé-nal sanctionne les communicationsd’informations nominatives à destiers non autorisés. De façon gé-nérale toute information médicale

à caractère personnel doit, confor-mément aux dispositions de la loiInformatique et Libertés du 6 jan-vier 1978, bénéficier d’une protec-tion appropriée, notamment lors desa conservation, de son traitementinformatique, et, bien entendu, desa transmission.

Or, si, à l’origine, l’informationmédicale n’était échangée qu’en-tre le patient et son médecin, etrestait « confinée » dans le dossiermédical, tel n’est plus le casaujourd’hui. L’évolution de la pra-tique médicale et la généralisationdu système de protection socialeont contribué à élargir au fil dutemps « le cercle des confidents né-cessaires » : médecins spécialistes,équipes soignantes, médecins con-seils de la sécurité sociale…

De plus en plus, la loi et la tech-nique aidant, les informations desanté ne s’échangent donc plus defaçon ponctuelle et sporadiquemais ont vocation à circuler sur lesréseaux.

Confrontée à cette croissance deséchanges d’informations dans lemonde de la santé et de la protec-tion sociale, notamment dans lecadre de l’examen des projets in-formatiques qui lui sont soumis, laCommission nationale de l’infor-matique et des libertés (Cnil) estparticulièrement vigilante en cettematière.

La connaissance de l’état desanté d’une personne constitue eneffet une information qui, parcequ’elle touche au plus profond del’intimité, revêt une sensibilité par-ticulière et ne peut à l’évidence, êtretraitée, manipulée, utilisée à n’im-porte quelles fins.

Qu’il s’agisse de la télé-transmission des résul-tats d’analyse, des sys-tèmes d’informationhospitaliers, de la télé-

Les réseaux impliquent un partage d’information et donc une circulation accruedes renseignements sur la santé des patients. Comment dans ce contexte ledroit du malade au secret et au respect de sa vie privée est-il préservé ?

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Les réseaux d’informations mis enœuvre dans le domaine de la santé doiventen conséquence s’entourer des garantiesappropriées. Celles-ci sont requises tantpar la loi du 6 janvier 1978 relative à l’in-formatique, aux fichiers et aux libertés quepar la Convention du Conseil de l’Europepour la protection des personnes à l’égarddu traitement automatisé de données à ca-ractère personnel. Cette convention estentrée en vigueur le 1er octobre 1985 et estapplicable dans notre ordre juridique in-terne. Son article 6 stipule que « les don-nées à caractère personnel relatives à lasanté ou à la vie sexuelle ne peuvent êtretraitées automatiquement à moins que ledroit interne ne prévoit des garanties ap-propriées ». Enfin la directive européennesur la protection des données à caractèrepersonnel, du 24 octobre 1995, qui doitêtre transposée prochainement dans notredroit interne. L’article 8 de cette directivedispose que les États membres interdisentle traitement des données à caractère per-sonnel qui révèlent l’origine raciale ouethnique, les opinions politiques, les con-victions religieuses ou philosophiques,l’appartenance syndicale, ainsi que le trai-tement des données relatives à la santé età la vie sexuelle. Un certain nombre dedérogations sont toutefois prévues notam-ment lorsque le traitement des donnéesest nécessaire aux fins de la médecine pré-ventive, des diagnostics médicaux, del’administration de soins ou de traite-ments ou de la gestion des services desanté, lorsque le traitement est nécessaireà la défense des intérêts vitaux de la per-sonne ou encore lorsque la personne adonné son consentement explicite à untel traitement.

La loi Informatique et Libertés du 6 jan-vier 1978 n’a certes pas rangé a priori lesdonnées de santé parmi les informationssensibles devant faire l’objet d’une pro-tection particulière. En effet seules fontl’objet de dispositions particulières, d’unepart, les données relatives aux infractions,condamnations ou mesures de sûreté,d’autre part, les informations relatives auxorigines raciales ou aux opinions politi-ques, philosophiques ou religieuses ou auxappartenances syndicales des personnes,ou encore concernant les mœurs des per-sonnes, toutes informations dont la col-lecte et le traitement sont interdits, saufaccord exprès, c’est-à-dire écrit des inté-ressés. Mais cette loi pose, de façon pré-cise, un certain nombre de conditions à res-pecter lors de la collecte, du traitement et

de la conservation de données nominati-ves : respect de la finalité des fichiers, dela pertinence des données, du droit àl’oubli, obligation de sécurité et de com-munication des données aux seuls desti-nataires et tiers autorisés à la connaître(l’article 29 oblige, sous peine de sanctionspénales, toute personne ordonnant ou met-tant en œuvre un traitement automatisé dedonnées nominatives à prendre toutes pré-cautions utiles afin de préserver la sécu-rité des informations et notamment d’em-pêcher qu’elles ne soient déformées,endommagées ou communiquées à destiers non autorisés).

Une priorité : protéger l’individu Dans un souci de transparence des fichierset de maîtrise par la personne des infor-mations la concernant, la loi institue éga-lement un certain nombre de droits au pro-fit des personnes : droit d’être informé desconditions d’utilisation de ses données, eten particulier, des transmissions envisa-gées, de s’y opposer le cas échéant, pourdes raisons légitimes (sauf en matière derecherche médicale, où la personne peutrefuser que ses données soient utilisées àdes fins de recherche sans avoir à se jus-tifier) et d’avoir accès à ses informations.En matière médicale, ce droit s’exerce parl’intermédiaire d’un médecin que l’inté-ressé désigne à cet effet (article 40).

De façon générale, la Commission a étéconduite à adopter, le 4 février 1997, unerecommandation de portée générale sur letraitement des données de santé à carac-tère personnel (publiée au Journal officieldu 12 avril 1997). Par cette recommanda-tion, la Commission a souhaité rappelerque les données de santé à caractère per-sonnel ne peuvent être utilisées que dansl’intérêt direct du patient et, dans les con-ditions déterminées par la loi, pour les be-soins de la santé publique, et que, dès lors,l’exploitation à des fins commerciales dedonnées si sensibles est proscrite, de mêmed’ailleurs que leur transmission à des tiers.

Compte tenu des risques de divulgationet de déformation des données liés à l’uti-lisation d’internet, la recommandation sou-ligne également que les données de santé,confidentielles par nature, doivent, surtoutsi elles sont appelées à circuler sur ce ré-seau, bénéficier de mesures de protectionparticulières, leur chiffrement par algo-rithme de cryptage constituant à cet égardl’une des seules garanties réellement ef-ficaces. Ainsi, la mise en œuvre de réseauxville-hôpital sur Internet n’a été acceptée

qu’à la condition que de tels dispositifssoient installés.

Outre l’impératif de la confidentialité,il est une exigence tout autant impérieuse :le respect des droits des personnes.

Hormis les cas où la loi l’impose, il n’estpas concevable que des informations no-minatives sur l’état de santé d’une per-sonne puissent être communiquées à l’ex-térieur du cercle étroit que formentl’équipe médicale et le malade sans quece dernier en soit informé et ait été enmesure sinon de donner son consentementtout au moins de s’opposer, le cas échéant,à cette transmission. En effet le recueil duconsentement éclairé et exprès n’est exigéqu’en cas de recherche faisant appel à desprélèvements biologiques identifiants.

Dès lors, le développement des réseauxd’informations médicales et du dossiermédical partagé ne peut s’envisager sansgarder à l’esprit qu’en toutes circonstan-ces, le droit du malade au secret et au res-pect de sa vie privée doit être préservé.

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périodiques

75007 Paris, téléphone : 01 40 62 75 33,télécopie : 01 40 62 75 30

— La lettre du syndicat national des médecins degroupe (SNMG).8, rue des Fossés Saint-Jacques, 75005 Paris,téléphone : 01 43 26 41 14,télécopie : 01 43 26 37 75