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RéPI TRANS ET VIH APRÈS LE SILENCE... À ce jour en France, il n’existe aucune statistique, aucun recensement de la communauté trans’. Le seul chiffre connu est celui des équipes officielles de l’AP-HP : en Ile-de-France depuis 1978, 700 Trans’ ont été prisEs en charge pour changer de sexe. Nous estimons la communauté trans’ à 60 000 personnes. Par trans’, nous entendons les personnes des deux sexes vivant quotidiennement dans un genre social opposé à leur genre biologique. Cette communauté sur laquelle les Etats-Unis se penchent depuis plusieurs années auraient d’après une étude relayée par le magazine spécialisé Poz, un taux de séroprévalence de 30 % chez les femmes trans’ et de 1 % pour les hommes trans’. Seul pays à notre connaissance a avoir réalisé ce type d’étude en Europe, le Portugal révèle que 35 à 45 % des femmes trans’ seraient séropositives. À ce jour, en France, il n’existe aucune étude quant aux interactions entre antirétroviraux et hormonothérapie. Il n’existe aucune prise en charge spécifique. Outre les omissions volontaires du statut sérologique ou biologique, l’absence de coordination des spécialistes engendre des bidouillages médicamenteux dont on ignore les conséquences à plus ou moins long terme. Que sait-on de la situation administrative, juridique et bien sûr médicale de cette communauté ? Que sait-on des interactions possibles entre hormonothérapie et trithérapie ? Existe-t-il une prise en charge médicale respecteuse des trans’ séropositifVEs ? Quels sont les risques et les précautions à prendre? Des trans’ sont mortEs car ils et elles n’avaient pas adapté leur traitement hormonal à leur traitement antirétroviral. Cette rencontre sera l’occasion de venir échanger, débattre et s’informer sur la situation des trans’ touchéEs par le VIH ; une communauté qui veut sortir du silence. InvitéEs Hélène Hazera et Axel Leotard, militantEs d’Act Up-Paris ; Dr Nicolas Hasher, endocrinologue, Paris ; Dr Enrique Casalino, infectiologue, CHU du Kremlin Bicêtre.

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RéPITRANS ET VIH

APRÈS LE SILENCE...À ce jour en France, il n’existe aucunestatistique, aucun recensement de lacommunauté trans’. Le seul chiffre connuest celui des équipes officielles de l’AP-HP :en Ile-de-France depuis 1978, 700 Trans’ ontété prisEs en charge pour changer de sexe.Nous estimons la communauté trans’ à 60 000 personnes. Par trans’, nousentendons les personnes des deux sexesvivant quotidiennement dans un genresocial opposé à leur genre biologique. Cettecommunauté sur laquelle les Etats-Unis sepenchent depuis plusieurs années auraientd’après une étude relayée par le magazinespécialisé Poz, un taux de séroprévalencede 30 % chez les femmes trans’ et de 1 %pour les hommes trans’. Seul pays à notreconnaissance a avoir réalisé ce type d’étudeen Europe, le Portugal révèle que 35 à 45 %des femmes trans’ seraient séropositives. À ce jour, en France, il n’existe aucune étudequant aux interactions entre antirétrovirauxet hormonothérapie. Il n’existe aucune priseen charge spécifique. Outre les omissionsvolontaires du statut sérologique oubiologique, l’absence de coordination desspécialistes engendre des bidouillagesmédicamenteux dont on ignore lesconséquences à plus ou moins long terme. Que sait-on de la situation administrative,juridique et bien sûr médicale de cettecommunauté ? Que sait-on des interactionspossibles entre hormonothérapie ettrithérapie ? Existe-t-il une prise en chargemédicale respecteuse des trans’séropositifVEs ? Quels sont les risques et lesprécautions à prendre? Des trans’ sontmortEs car ils et elles n’avaient pas adaptéleur traitement hormonal à leur traitementantirétroviral. Cette rencontre seral’occasion de venir échanger, débattre ets’informer sur la situation des trans’touchéEs par le VIH ; une communauté quiveut sortir du silence.

InvitéEsHélène Hazera et Axel Leotard, militantEs d’Act Up-Paris ; Dr Nicolas Hasher, endocrinologue, Paris ; Dr Enrique Casalino, infectiologue, CHU du Kremlin Bicêtre.

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I IntroductionMikaël Quilliou, Act Up-Paris

- Hélène Hazéra, responsable de lacommission Trans d’Act Up-Paris nousapportera son témoignage, nous expliqueracomment nous sommes arrivés à nous réunir icice soir, ce qui a pu nous motiver en tant quegroupe à avoir envie de travailler ensemble,entre la commission Traitements et Recherche etla commission Trans, et tout ce qui nous amotivé.

- Ensuite Axel Léotard, également membre dela commission Trans, nous présentera un étatdes lieux de données sociologiques et juridiquesen France mais également à l’étranger, histoirede contextualiser et de savoir quel est l’objet denotre propos quand on évoque la questionTrans.

- Le Dr Nicolas Hasher, endocrinologue aucentre Europe (situé dans le 9èmearrondissement de Paris près de la Gare StLazare), nous présentera dans un 1er temps lestraitements hormonaux et les incidences dans lesuivi des personnes Trans séropositives.Comment s’y prend t-il dans une consultation ?Est-ce que le VIH vient perturber le traitementhormonal ou non ? Dans quel sens pose-t-il laproblématique ? C’est ce qu’il nous exposerasur sa pratique au quotidien.

- Le Dr Enrique Casalino, infectiologue, nousparlera de sa pratique sur des études de cas,pour savoir comment il s’y prend. Le VIHd’abord ? Si oui, pourquoi ? Si non, pourquoi ?Les traitements hormonaux viennent-ilsinterférer dans le suivi qu’il peut faire de sespatientes et patients transexuels ?

II Témoignage Hélène Hazéra J’ai 52 ans, je vis en tant qu’Hélène depuis l’âgede 20-21 ans. J’ai vécu le rejet familial, le rejetsocial au début de mon parcours, ce qui fait quej’ai dû, oui je dois le dire, si d’autres ne l’ont pasvécu comme ça, j’ai dû me prostituer jusqu’àl’âge de 25 ans, l’âge où je ne supportaisvraiment plus ce métier. J’ai eu la chance d’avoirun ami qui m’a tendu la main et je suis rentrée auquotidien Libération comme journaliste, j’y suisrestée une vingtaine d’années et aujourd’hui j’aiune émission à France Culture. J’ai donc connules deux états classiques d’un parcours Trans.J’ai vécu la fin de mon adolescence dans lemilieu LGBT, qu’on n’appelait pas comme ça àl’époque, puisque que j’étais au FrontHomosexuel d’Action Révolutionnaire où, à côtédes homosexuels et des lesbiennes, il y avaitdéjà des Trans. J’étais une Trans en devenir maisil y avait déjà des Trans qui étaient là, ce qui faitque quand l’épidémie de sida est arrivée, j’aiperdu vraiment beaucoup d’amis très chers, parexemple l’ami qui m’a permis cette conversionde travail, de Pigalle à un quotidien national.Après toutes ces morts, je ne pouvais paspratiquer le sexe à risque, pour moi c’était

Trans et VIHAprès le silence...

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comme une insulte aux amis que j’avais perdus,si j’avais fait l’amour sans me protéger, sansprotéger mon partenaire. Mais, pour la fellation,je gardais le risque, encore aujourd’hui vousverrez qu’il y a un débat là-dessus dans le milieugay. Après les copains qui sont morts, c’est lescopines qui ont commencé à mourir. Je merappelle cette phrase d’une d’entre elles quitravaillait dans un cabaret de luxe et qui avaitdit : « le sida ça ne me concerne pas, je necouche pas avec les PDs » . La malheureuse estmorte, une fille que j’aimais beaucoup et je mesouviens très bien de son enterrement. D’origineCorse, elle était pieuse et elle était très aiméedans le milieu ; elle fréquentait aussi bien lahaute que les bas fonds, elle passait de l’un al’autre et dans cette église le jour de sonenterrement nous étions environ trois cents. 300Trans dans une église, vous savez le curé n’enpouvait plus, c’était les pécheresses dans lamaison du seigneur, mais ça a quand mêmeattaqué mon anti-religiosité chronique parce quece qu’il a dit était absolument formidable. Il l’aappelé Sandrine tout le temps, pour nous c’étaitla chose importante. Avant ça j’avaisl’impression que les trans étaient des personnesqui passaient leur temps à se déchirer les unesles autres, je connaissais très peu de Transmasculins et la j’ai vu qu’on pouvait se retrouverensemble et partager des choses ensemble.Après ma contamination, j’avais toujours un peusuivi les histoires de sida mais, disons quel’excuse que je me donne pour ne pas avoir étéune militante de la première heure, c’est que jeme suis occupée de suivre mes amis et d’êtretrès présente dans les hôpitaux, donc moinsprésente dans la rue à gueuler.

MotivationsMaintenant, je me dis que j’aurais peut-être dûêtre un peu plus présente là aussi. Mais quand jeme suis contaminée, on commençait à entendreparler de regain de pratiques de sexe à risque,notamment chez les jeunes et c’est un peu leprétexte que je me suis donnée pour aller à ActUp parce que je pensais que comme cetteassociation était implantée dans la communautéhomosexuelle, elle était la plus à même decombattre le retour de ces pratiques qu’on ditbareback. Et je ne me suis pas trompée, je trouveque l’association s’est bien battue sur ce terrain-là. En même temps, c’est aussi une associationd’auto-support pour moi, c’est-à-dire que defréquenter des gens qui sont dans la lutte contrele sida, fréquenter d’autres personnes infectéesmême si on ne parle pas de ça tout le temps entrenous, et bien ça me fait beaucoup de bien. Onn’est plus dans la plainte, on est dans l’action, on

ne demande pas de compassion, c’est nous quidemandons aux autres de bouger et tout cequ’on attend d’eux, c’est qu’ils prennent aussicette histoire en main. Je m’intéressais toujoursaux histoires de Trans et j’ai la chance d’êtrel’amie d’un bloggeur américain qui s’appelleDouglas Iland qui a un site qui s’appelle« diland » ; il m’a m’envoyé pas mal de choses surle mouvement Trans aux États-Unis où je croisqu’on tue trois Trans par mois. Mais elles ne selaissent pas faire et ça bouge. Il y a aussi les Transgarçons qui se font assassiner. Je vois un film surcette histoire. Et je reçois une étude dans laquelleil y a une statistique qui dit que 30 % des Transaméricaines sont séropositives et ça peut allerjusqu’à 70 % chez les Trans Afro-américaines deSan Francisco par exemple. Et là, tout d’un coup ;je commence à me dire «mais, c’est ça l’histoire».J’ai regardé autour de moi, j’ai fait un petit travailde lobby à Act Up et nous voilà ici ce soir.Ce que j’aimerais dire aussi, c’est qu’il y a lafatigue, les diarrhées chroniques et quand onaime certains plaisirs, ça ne facilite pas lesrapports amoureux à moins de tomber surquelqu’un de particulièrement pervers, mais lesgens des RéPI connaissent. Pour une Trans -et jepense que pour les garçons Trans ça va être lamême chose- il y a aussi la perte de la féminité,vous perdez les graisses de votre visage, ildevient plus masculin, on ne vous remarque plusdans la rue. Il y a les insultes, la violence, ousimplement ce regard de gens qui vous regardentcomme une espèce de bête de foire.

Le monde de l’hôpitalJe ne peux pas trop me plaindre de maltraitanceshospitalières, j’ai de bons rapports avec mesmédecins même si j’ai dû en quitter un quej’aimais beaucoup parce que j’ai vu le motpsychose sur le papier, alors que je devais allervoir un cardiologue ; j’ai trouvé ça violent alorsque je peux dire que je suis socialement intégrée.Je veux saluer le corps médical, les infirmiers, lesinfirmières même s’il y a des choses qui ne vontpas. L’histoire du numéro un et du numéro deux :moi qui ne suis pas opérée, pour la loi française,j’ai toujours un passeport et un numéro desécurité sociale masculin et le jour où j’ai subi uneintervention chirurgicale pour une otite séreuse, etquand je me suis réveillée de l’anesthésiegénérale, deux infirmières me secouaient endisant « Monsieur, Monsieur, réveillez-vous » . Jen’étais même pas en colère, je me disais maisqu’est-ce qui se passe, qu’est-ce que c’est quecette histoire. Bon, c’est le genre de chose que lasanté nationale pourrait régler.L’affaire la plus pénible c’était au sujet de malipodystrophie. Je suis une mauvaise militante,

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je ne lis pas bien les articles d’Act Up et je saismaintenant que la seule méthode qui étaitremboursée pour le comblement du visage, ça aété la méthode Colman mais c’était la mauvaiseméthode. Je suis satisfaite de mon traitement etma thérapeute, spécialisée dans ce domaine,m’avait dit de leur demander ne pas en mettretrop pour éviter de ressembler à un hamster. Can’a pas manqué, je suis rentrée Marlène, je suissortie Régine et le plus ennuyeux, c’est quequand je suis revenue à l’hôpital je me suisretrouvée face à un médecin dont je ne dirai pasle nom, qui m’a dit que c’était tout à fait normalpuisque j’avais changé de médicaments,etc.,alors que manifestement il y avait eu uneerreur, rien à voir avec mon changement demédicaments. La preuve que quand on se met àdéranger un praticien, il peut faire une réponse àla va-vite, ne pas être correct. En plus, on me ditque je présente bien, je suis une fille du 16èmearrondissement alors je me dis, mais qu’est-ceque ça aurait été si j’étais arrivée enbaragouinant un français de contrebande avecun métier absolument évident ? Commentj’aurais été traitée par cette personne ? J’aimerais revenir sur les problèmes devocabulaire. Dans les années 50 on disaittravestie, mot qui au début du 20ème siècle voulaitdire : une femme habillée en homme au théâtre.Les mots changent et il ne faudrait pas que l’onsoit là à discuter pendant des heures des motsen oubliant les faits réels. Alors je vous donnel’autorisation d’employer des mots qui ne meferont pas forcément plaisir.

III DonnéesAxel LéotardLorsqu’on a décidé de travailler sur cette RéPI,on s’est tous dit que ce serait une bonne choseque les personnes qui sont dans la salle aientune idée, d’une part de ce que c’était unepersonne Trans hier et aujourd’hui, et d’autrepart de la situation actuelle.Une personne trans qu’est-ce que c’est ? Jusque dans les années 50, c’était quelquechose de magique puisqu’on entendait parpersonne Trans ou transexuelle une personnequi se travestissait entre 5 et 7 pour sortir, unepersonne qui évoluait constamment dans legenre opposé à son sexe de naissance, unepersonne qui avait décidé de suivre unehormonothérapie, une personne qui avait décidéd’avoir une opération de réassignation sexuelle.Ce terme englobait l’ensemble de la population.A partir des années 60/70, les cliniciens ont dûtrouver qu’il y avait trop de monde donc ils ont

donné une définition du transexualisme-vrai enopposé à un transexualisme qui serait faux. Cetransexualisme-vrai sous-entend que lapersonne Trans est une personne qui se vit,évolue dans un genre opposé à son sexe denaissance mais souhaite également avoir uneréassignation sexuelle, une réassignationchirurgicale. Et c’est sur cette base qu’enFrance comme partout en Europe, on accordeun changement d’État Civil, mais tous les paysn’ont pas légiféré. Le premier pays a avoir donnéun cadre juridique et directement ouindirectement une reconnaissance à lacommunauté transexuelle, c’est la Suède en1972. Elle a été suivie de l’Allemagne en 1980,de l’Italie en 1982, des Pays-Bas en 1985 et dela Turquie en 1988. La France est toujours colléea une jurisprudence, il n’y a donc pas de cadrelégislatif en France. Je vous disais tout à l’heureque le transexualisme-vrai, pris en charge parl’Assistance Publique pour la France parexemple, sous-entend que la personne souhaiteévoluer dans un genre, se vit dans un genreopposé à son sexe de naissance et souhaiteeffectuer une opération de réassignationchirurgicale.La HBGIDA (Harry Benjamin GenderInternational Disphoria Association) a été fondéeen 1949 par le Docteur Harry Benjamin, lepremier médecin a avoir prescrit des hormonesà une personne Trans. Cette association a pourbut d’essayer d’harmoniser à un niveauinternational les protocoles de soins ; elle seréunit cycliquement. La 6ème version desstandards de soin, la dernière, est intéressanteparce qu’elle précise qu’une personne Transn’est pas forcément une personne qui a subi uneréassignation sexuelle, l’essentiel est que lapersonne soit en équilibre et qu’on peut trèsbien être Trans sans pour autant avoir lanécessité ou le besoin de se faire opérer. Lamajeure partie d’entre nous n’est pascomplètement opérée. L’étude que je vais vousprésenter est un bilan européen, pour une raisontrès simple, c’est qu’on a cherché des étudessur la séroprévalence des personnes Trans etqu’on n’a évidemment rien trouvé, si ce n’estune étude qui a été faite par Jo Bernardo,présent dans la salle et que je tiens à remercier.Cette étude faite en partenariat avec l’ILGA-Portugal a été présentée pour la 1ère fois auxUniversité d’été homosexuelle, l’an dernier àMarseille, et porte sur 50 personnes femmes,sur des trans homme vers femme (illustrationsjointes au dossier). La première question qui leura été posée, a été de savoir quelle était leuractivité professionnelle. Quand j’ai lu cetteétude, ça m’a fait plaisir car si vous regardez,

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56 % disent être travailleuses du sexe et 44 %disent avoir une autre activité. On est donc trèsloin de l’image donnée au grand public quiassimile automatiquement une personne Trans àla prostitution. 70 % répondent qu’elles nebénéficient pas d’une protection sociale. C’estimportant car, par extrapolation une personnequi n’en bénéficie pas, est une personne qui vaavoir des problèmes pour se faire soigner, à quion va avoir du mal à délivrer des messages deprévention ou d’information quant au VIH.Lorsqu’on demande à ces personnes si elles seprotègent avec des partenaires réguliers ou avecleurs partenaires, elles répondent à moins de 40% qu’elles se protègent et on peut voir qu’il y adifférence de protection dans les rapportssexuels et dans le fait d’être pénétrée ou depénétrer la personne. Ca veut donc dire qu’il y aun message de prévention qui ne passe pas dutout. Dans des rapports occasionnels, elles sont60 % à répondre qu’elles se protègent,notamment lorsqu’elles pénètrent leur partenairemais elles sont moins de 40 % à répondrequ’elles se protègent lorsqu’elles sontpénétrées. Elles étaient 72 % à répondre avoirfait le test VIH. On a divisé ensuite la populationen deux groupes et on a demandé auxtravailleuses du sexe quel avait été le résultat dutest et à 46 % ces personnes sont séropositives,35 % d’entre elles sont séronégatives, 21 % neconnaissent pas leur statut sérologique. Pour lespersonnes qui ont une autre activité, 45 % sontséronégatives, 54 % d’entre elles n’ont pas faitle test ou elles ont fait le test mais ont refusé derépondre à la question. Si on traduit cespourcentages en chiffres, sur 50 personnes, çanous donne 13 personnes infectées par le VIH,18 personnes qui ne connaissent pas leur statutsérologique ou qui refusent de répondre et 19qui se déclarent séronégatives.Le constat, c’est que depuis 1970, au traversd’une définition que je vais donner comme unedéfinition fausse de ce qu’est le transexualisme-vrai, la communauté est invisibilisée. Larésultante, si officiellement elle n’existe pas,c’est qu’aujourd’hui en France nous n’avonsaucune campagne d’information ciblée pour lespersonnes transexuelles, aucune étude quantaux habitudes et pratiques sexuelles permettantde délivrer un message de prévention fiable,aucune étude quant à l’interaction entrehormonothérapie et thérapie VIH. Encore un point sur lequel je veux revenir avantde terminer : quand je dis aucune étude quantaux habitudes et pratiques sexuelles permettantde délivrer un message de prévention fiable, jedisais tout à l’heure qu’il y avait des personnesqui étaient opérées et des personnes nonopérées. Aujourd’hui on a deux types de

campagnes d’information, à savoir descampagnes qui sont destinées aux hétérosexuelsou aux homosexuels. Je ne me reconnais, n’étantpas opéré, ni dans l’un réellement, ni dans l’autreet je ne suis pas le seul.

Questions et interventions :

Fabrice Pilorgé d’Act Up-Paris :Je pose souvent aux épidémiologistes cettequestion : est-ce qu’on a une idée dupourcentage de la population ? En France, çafait combien de personnes, en acceptant ladéfinition élargie de Trans ?

Axel Léotard :Le chiffre avec une définition large du terme,c’est 45 à 50 000 personnes et ce qui fait moinsde 1 %, je suis très mauvais en calcul, mais c’esténorme.

Mikaël Quilliou d’Act Up-Paris : Une petite spécificité pour l’Ile de France oupas ? Il y a une concentration importante ?

Axel Léotard : Pour l’Ile de France, là je vais parler en tantqu’ancien travailleur social d’une association quis’appelle le PASTT, il est évident qu’on a un tauxde contamination qui est important. Mais aucunchiffre n’est donné par le PASTT aujourd’hui.

Carine Bœuf de la commission Trans d’Act Up-Paris : Je me souviens qu’en prenant la définition laplus large, c’est-à-dire en restant dans cettedéfinition qui consiste à parler des personnesqui ne vivent pas vis-à-vis de leur sexe ou cegenre d’insinuation, on est arrivé à un minimumde 60 000 personnes en France. Quand on regarde les chiffres que certainsmédecins donnent, médecins qui se disentspécialistes de ces questions, je pensenotamment aux psychiatres, on est très loin, onest dans une échelle qui est de plus de mille etc’est ce qui m’a effarée. C’est hallucinant de serendre compte qu’entre une définition officiellequi est limitée et la probable réalité du nombre depersonnes Trans aujourd’hui dans ce pays, il y ala place pour des milliers de morts anonymes etsilencieux d’une épidémie qui ne dit pas son nom.

Mikaël Quilliou :60 000 personnes et je vous rappelle qu’on acherché des documents et on n’a trouvé que 8ou 9 articles. Et sur la question de l’interactionentre les traitements hormonaux et lestraitements antirétroviraux, on n’a absolumentrien trouvé, en tous cas en France.

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Hélène Hazéra :Il y aurait déjà une façon assez rapide d’avoir unchiffre, c’est que la sécurité sociale accepte dechanger les numéros de ces personnes ; ce quiéviterait déjà de se faire appeler Monsieurdevant le guichet d’un hôpital ou Mademoisellequand on arrive avec une barbe et ça permettraitsimplement, en notant le nombre de personnesqui demandent leur changement de numéro desécurité sociale, d’avoir une autre estimation.

Vincent Guillot, porte parole de l’OrganisationInternationale des Inter Sexe :Au niveau des interactions entre leshormonothérapies de substitution et lestrithérapies, le problème ne s’arrête pas à latransexualité. Il concerne un très grand nombrede personnes en France puisque l’immensemajorité des personnes inter-sexe, et elles sontquand même quelques millions, sont traitées parhormonothérapie de substitution. Lorsqu’ellesse trouvent face au problème de laséropositivité, la seule alternative qui leur estproposée, c’est soit la trithérapie, soitl’hormonothérapie. On ne sait rien de ce que vadonner l’interaction entre les différentsmédicaments.

François Berdougo, Act Up Paris : C’est une remarque plutôt qu’une question.Quand on a réfléchi à cette RéPI, au-delà de laquestion spécifique des interactionsmédicamenteuses, on n’a rien trouvé pluslargement que ça sur la prise en compte etl’existence d’éventuelles spécificités despersonnes Trans face à l’accès aux soins, auxdroits dans le domaine du VIH et face à laprévention. Notre recherche est allée au-delà decette question et on n’a rien trouvé, c’estsignificatif.

Mikaël Quilliou :D’où le texte qui se trouve dans la revue depresse faite par la commission Trans, « Lacommunauté du silence » et vous verrez que lesous titre de cette RéPI est « Après lesilence… ». On suppose donc qu’après, à partirdu moment où on aura commencé à construireune base de données, eh bien ce sera aussi àvous qui êtes dans la salle de continuer àpoursuivre le débat ou du moins à poursuivre laréflexion.

Dr Enrique Casalino: Juste peut-être un commentaire. Il y a peu desituations, en général en science, pour ne pasdire en médecine, qui restent occultes et c’estquand même étonnant que dans un problèmecomme celui-la, on trouve aussi peu de

données. Ca mériterait qu’on évoque quelqueshypothèses parce que si on veut effectivementfaire évoluer les choses, il faudrait que l’on sepose la question de quelle est la raison de cesilence ? Nous les médecins on est cucu et onévite d’aborder les sujets qui nous semblentcomplexes et qui peuvent remettre quelquechose en question. Est-ce que le milieuassociatif n’a pas eu cette problématiquecomme priorité jusqu’à maintenant parce qu’onne peut pas tout avoir en priorité en mêmetemps ? Quelles sont les raisons qu’on pourraitévoquer pour se dire et pour comprendrepourquoi aujourd’hui en 2006, on est àquasiment à 30 ans du début de l’épidémie dusida, on est dans une phase où les minoritésdeviennent quand même très présentes sur lascène médiatique et sur les sujets d’intérêt ?Qu’est-ce qui fait que ce problème reste encoreaussi peu abordé ?

Mikaël Quilliou :Quand on a cherché à organiser cette RéPI, on aréfléchi à plusieurs formules, on a pensé à unpharmacologue avec une vraie questionmédicale, et le schéma qu’on a aujourd’hui avecun endocrinologue d’un côté et un infectiologuede l’autre, c’est formidable mais c’était pas dutout les premières options que l’on avaitchoisies. Même si nous sommes conscientsqu’ils sont débordés, le fait est que certains devos collègues avaient d’excellentes bonnesraisons pour être là ce soir.

Dr Enrique Casalino :Non, mais ça me fait un compliment, êtreatypique ça a toujours été un compliment.

Axel Léotard :Je crois que l’on peut avoir un début de réponsegrâce à deux points. Depuis 1978, les équipesofficielles françaises qui traitent de la questiontransexuelle déclarent 700 personnes traitées,pour une raison qui est très simple, c’est qu’ilsne prennent en compte que les personnes quiont souhaité subir une réassignation. Donc 700,c’est peu. C’est la 1ère chose. La 2ème chose,Hélène le disait pour son interventionchirurgicale et moi quand je prends l’avion ouquand je retire un recommandé, on me dit quenon, c’est pas moi, c’est ma femme, et je disnon je suis le mari de Madame. On l’a vu dansl’étude que je vous ai présentée, la plus grossemajorité de la communauté est invisibilisée.Alors invisibilisée, on peut là aussi extrapolerpour plusieurs raisons. On est dans une culturebinaire, il y a deux genres et où, visiblementl’apparition d’un « troisième » genre semblecauser souci.

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Hélène Hazéra :Ce tabou, car il faut parler de tabou, est dû aussiau fait que cette population en France est unedes populations avec le plus haut taux dechômage, avec le plus haut taux de prostitutionnon choisie, le plus de personnes au RMI, le plusde personnes touchant la COTOREP, etc. Alorsvoilà, il y a un tabou, le mot c’est ladiscrimination. Moi j’aime beaucoup l’équationdiscrimination = contamination, comme pour lesAfro-américaines de San Francisco. C’est-à-direqu’aux États-Unis les gays noirs sont plusinfectés que les gays blancs, les Trans noiressont plus infectées que les Trans blanches parcequ’il y a une discrimination supplémentaire. Enfait, on va s’apercevoir que les contaminationssont à l’échelle des discriminations. Maintenantil y a aussi une autre chose, il faut balayer devantnotre porte et d’une certaine manière lacommunauté Trans est très diversifiée. Parexemple, parmi mes amies proches, il y en a unequi est décoratrice et qui a fait la villa d’Eniarcosà Myconos et une autre est une prostituée sanspapier, vous voyez l’éventail est quand mêmelarge mais c’est vrai que la communauté fait unpeu l’autruche. Vous savez qu’il y a uneassociation qui s’appelle Existrans qui organisela marche des Trans chaque année, elle a uneliste internet et quand j’ai mis là-dessusl’annonce de cette RéPI « Trans et VIH » endonnant cette statistique tirée de notre chapeaude 30 % de séroprévalence, la réponse a été« ça ne nous concerne pas, c’est pour lesprostituées ». Ma réponse a été très dure. Endisant : non seulement c’est pas nous, maisc’est les putes étrangères, ça ne correspond pasà la réalité de la prostitution parce qu’en France,c’est une femme prostituée, Lydia Bragetti, qui alancé une étude épidémiologique sur lesprostituées dans les années 90. Elle s’estaperçue qu’à l’intérieur du milieu de laprostitution, il y avait des prostituées assezmarginales qui ne se protégeaient pas et cequ’on appelle un peu les traditionnelles et lesvraies professionnelles, et pour elles, il n’étaitpas question d’avoir un rapport non protégé. Cequi moi ne m’étonne pas du tout puisque j’ai étéprostituée, et quand on s’est choppé unesyphilis une fois, les capotes on les achete parpack entier, parce que c’est pas drôle de se fairepiquer les fesses pendant un mois. Dans lacommunauté, j’ai dit « mais vous savez ce n’estpas le fait de travailler honnêtement qui vousempêche d’attraper le sida, c’est le préservatifqui vous protège ».Nous avons nous-mêmes un travail à faire dansnotre propre communauté. Ca ne va pas êtrefacile car vous devez savoir que les personnes

discriminées adorent discriminer les autres, onappelle ça « la discrimination en escalier », lesopérées qui méprisent les pas opérées, les pasopérées qui trouvent que les opérées lesbêchent, celles qui sont belles, celles qui sontpas belles, celles qui travaillent, celles qui netravaillent pas, ça n’arrête pas de se jeter lebébé au visage en permanence, maisheureusement avec aussi de très beauxmoments de solidarité.

Fabrice Pilorgé :Je veux témoigner sur quelque chose qui estarrivé récemment dans le groupe de travail del’ANRS qui s’occupe des cohortes, c’est-à-diredu suivi à long terme autour d’un certain nombrede questions d’un certain nombre de personnes.On était en train de travailler sur lastandardisation d’un certain nombre d’élémentsqui se retrouvent dans toutes les cohortes,notamment sur le recueil de la situation despersonnes, à savoir l’âge, le sexe etc. Et quandj’ai dit que l’on pourrait peut-être avoir unecatégorie Trans, pratiquement tous les médecinsme sont tombés dessus en me disant « oui, maisnous ici on fait de la science, on fait pas dupolitiquement correct. » C’est assezsymptomatique, mais en même temps il y avaitparmi tous ces gens, la responsable de la basede données hospitalières, DominiqueCostagliola, qui elle, dans son nouveauformulaire a voulu mettre ce terme parce quec’était une demande qui venait des équipes quiremplissent les données et qui ne savaient pasou classer les gens.C’est juste pour insister sur la nécessité d’avoirdes chiffres et d’expliquer comment on calculeces chiffres. C’est potentiellement une ouverturede portes pour que la recherche commence às’intéresser à ce problème et prendre en compteces questions puisque la question qui vient aprèsla décision de faire une étude c’est, « est-ce qu’onva réussir à recruter ? Est-ce qu’il y en a assez ? »

Mikaël Quilliou :Maintenant on aura des éléments de donnéesgrâce aux déclarations obligatoires.

IV Dr Nicolas HasherJe vais d’abord vous présenter un bref aperçudes divers traitements hormonaux utilisés dansle cas de transexualisme. Ensuite, je vousdonnerai un résumé également sur mes lectures,d’un problème qui n’est pas très connu,concernant les interactions entre les

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antirétroviraux et les hormonothérapies.Comme l’a dit Axel Léotard, actuellement cestraitements sont codifiés par la Harry BenjaminAssociation américaine, qui a vraiment montré lavoie de la prise en charge des personnestransexuelles, qui suppose un accompagnementpsychologique, un traitement hormonal pourentamer la transformation et dans certains caspour celles qui le désirent, la transformationchirurgicale mais qui n’est pas du toutobligatoire, c’est vraiment pour celles qui leveulent.

Masculin-fémininPour les cas de transexualisme dans le sensmasculin vers féminin et dans la foulée, jedonnerai quelques remarques sur les cas où il ya des traitements antirétroviraux.

Avant l’interventionUne fois qu’on a fait un bilan standard completpour voir quel est le statut de la personne, s’il ya du diabète ou pas, du cholestérol, une maladiehépatique etc., on commence le traitement,avec l’aval, c’est le protocole qui veut ça, dupsychothérapeute qui accompagne la patiente.Le traitement qui est actuellementmondialement actualisé, c’est le CPA, l’acétatede cyprotérone 50 mg, un comprimé par jour ouandrocure pour ne pas faire de publicité. C’estun traitement qui est très bien toléré,extrêmement efficace, qui agit en faisant unesorte de barrière entre les hormones masculineset leurs récepteurs. Si vous voulez ça faitcomme un écran entre une clé et sa serrure,donc ça entame déjà la féminisation. Beaucoupde gens croient que l’Androcure® ne féminisepas alors que c’est une hormone, un progestatifexactement, mais dont on a découvert parhasard qu’il avait un effet anti-androgène. Cetraitement est prescrit seul pendant les sixpremiers mois. Les effets sont réversibles doncsi pour une raison ou pour une autre, lapersonne change d’avis, même si c’est très rare,on arrête et tout revient à la case départ.Dans un deuxième temps, on ajoute àl’Androcure® des œstrogènes, c’est une étapeimportante selon moi et on peut voir apparaîtrefréquemment, mais pas toujours, au début dutraitement, une sorte de déprime. Il faut avertir lapatiente comme ça elle n’est pas surprise et sielle a un peu de vague à l’âme, elle sait que çava s’atténuer avec le temps et en général çapasse au bout de quelques semaines. Si çacontinue, il faut alors aller plus loin et voir s’il n’ya pas une dépression authentique qui est entrain de s’installer. (…)

Vous savez que lorsque l’on absorbe unehormone par voie orale, elle passe par le foie etcette arrivée massive et non physiologiquementnaturelle d’hormones au niveau hépatique induitla synthèse de protéine pro-coagulante. C’estembêtant chez certains patients puisque ça peutprovoquer des accidents thrombo-emboliques.J’ai une patiente qui a fait une dépression graveet qui a tenté de se suicider avec des anti-dépresseurs qui lui étaient prescrits.Malheureusement, elle s’est retrouvée enréanimation et elle a fait un accident thrombo-embolique avec embolie pulmonaire, c’est-à-dire qu’un caillot a migré d’une veine de la jambejusqu’au poumon, c’est grave. On a dû dire àcette patiente qu’on ne pouvait plus luipermettre de prendre un traitement hormonalmais que rien n’était définitif, que nous allionsessayer de trouver des moyens médicaux poursuppléer ce problème. Les traitementshormonaux ne sont jamais anodins et doiventtoujours être prescrits par des spécialistes.Les œstrogènes les mieux tolérés sont sansdoute les gels d’oestradiol car ils induisentbeaucoup moins de synthèse de protéinescoagulantes. Cela étant, il y a quand même unpassage hépatique et croire que si on a unmédicament par voie injectable outransdermique, ça ne passe pas par le foie, c’estfaux. Des physiologistes ont calculé qu’unemolécule passait 800 fois par 24 h au niveau dufoie quand elle est absorbée. Mais c’est unequestion de dose et le passage est beaucoupplus faible quand il se fait par voie percutanée,c’est très efficace et très bien toléré. Pour les personnes qui ne supportent pasl’Androcure®, il y a une alternative, c’est laspironolactone, une anti-hormone queconnaissent bien les cardiologues parce qu’onl’utilise dans les cas d’hypertension artérielle,mais en même temps, elle a des effets anti-androgènes et s’oppose aux effets des hormonesmasculines. Elle est moins efficace quel’Androcure®, mais elle est très utilisée aux Etats-Unis puisque l’Androcure® n’a pas été agréée parla l’Agence américaine du médicament ; ilsutilisent donc la spironolactone. J’ai certainespatientes qui en prennent et qui en sontcontentes. C’est relativement efficace, la dose vade 50 à 200 mg par jour. Il faut surveiller le taux depotassium qui peut augmenter. De plus, il n’y apas d’effets néfastes sur le plan métabolique, ony reviendra d’ailleurs pour les antirétrovirauxpuisqu’on parlera des effets métaboliques deshormones qui vont s’additionner aux effetsmétaboliques de ces derniers. Cela, c’était pourles personnes avant l’intervention.

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Après l’interventionAlors la question se pose après l’intervention.Dans le cas d’une personne qui se fait opérer à55 ans, le traitement se discute, mais il nedevient plus obligatoire car elle se retrouve dansle cas d’une femme ménopausée de 55 ans pourqui les traitements hormonaux ne s’appliquentpas systématiquement. Par contre pour unepersonne qui se fait opérer à 30 ans, il estabsolument impératif qu’elle prenne untraitement hormonal. Il aura la fonction decontinuer la féminisation de la tête aux piedsmais aussi de prévenir les complications de lacarence hormonale, la complication osseusequ’est l’ostéoporose ainsi que les risquescardiovasculaires qui peuvent survenir très vite.La prescription d’œstrogènes ne se discutedonc pas, le tout étant de savoir quelleshormones ? De l’Androcure® ? De laprogestérone naturelle que l’on donne auxfemmes normalement ménopausées ? A quelledose ? Comment et pourquoi ? Et ça, c’estl’artisanat médical, c’est un peu au coup parcoupJ’avoue que ce n’est pas toujours évident. Pourles patientes qui ont encore une certaine pilositéet qui désirent s’en débarrasser, on peut leurprescrire un peu d’Androcure® associée auxœstrogènes. Pour les cas où, au contraire, il n’ya pas du tout de pilosité, on peut prescrirel’oestradiol seul, ce que je n’aime pas trop carl’être humain ne fait pas mieux que la nature quia pourvu les femmes de deux hormones,œstrogène et progestérone. Je préfère doncprescrire un œstrogène naturel, le plus souventpar voie percutanée (très conseillé au-delà de 40ans et chez les personnes qui fument) associé àla progestérone naturelle à prendre le soir, carelle fait un peu dormir, comme une femmeménopausée classique.

Féminin-masculin

Avant l’opérationDans le cas du transexualisme féminin versmasculin, c’est relativement plus simple enapparence, puisque le traitement c’est latestostérone en patch, en gel, en capsule etdepuis peu, il y a même des injections qui durent3 mois et qui vont donner des taux d’hormonestout à fait corrects et mettant en route leprocessus de masculinisation. Certainespersonnes prennent de la dihydrotestostérone(DHT), l’Andractim mais il faut faire très attentioncar elle est très masculinisante avec unepuissance d’action quasiment 5 fois plusimportante que la testostérone à dose égale et

elle a l’inconvénient de ne pas être aromatisablec’est-à-dire qu’elle ne se transforme pas enœstrogène. Quand on prend de la testostérone,il y a une partie qui se transforme en œstrogènepar transformation hépatique c’est ce qu’onappelle l’aromatisation. L’œstrogène estimportant pour l’os et pour le cœur donc avec ladihydrotestostérone, ça peut poser desproblèmes. C’est pourquoi je préfère latestostérone, et le produit le plus utilisé enFrance, c’est l’Androtardyl®, une injectionintramusculaire à 250 mg toutes les 3 ou 4semaines. Les américains eux l’utilisent toutesles 2 semaines.Pour les personnes qui n’ont pas pu obtenird’aménorrhée, c’est-à-dire l’absence totale derègles avec la testostérone, on peut l’associer àun progestatif de synthèse type Lutéran®.

Après l’opération Les hormones sont nécessaires. Il en est demême pour la testostérone que pour lesœstrogènes. Par exemple, on sait que lescoronariens, les hommes qui ont des maladiesde cœur, ont souvent des taux de testostéroneinférieurs à la moyenne. C’est donc unehormone extrêmement intéressante etnécessaire en post-opératoire, en surveillant lestaux.

Antirétroviraux et hormonesCertains inhibiteurs de protéase, surtoutl’indinavir, et les non-nucléosidiques commel’efavirenz ont un effet qui pose problème auniveau des hormones. Ils ont la fâcheusepropriété de bloquer le système CYP, lecytochrome du foie ; vous savez que le foieélimine les hormones en trop. Ces médicamentsont comme effet d’inhiber les fameuxcytochromes qu’on appelle P 450. Leshormones vont donc s’accumuler dansl’organisme, quelques fois de façon dangereuseet provoquer des accidents thrombo-emboliques. Heureusement on utilise de moinsen moins d’éthinyl-estradiol , qui contrairementà ce que son nom indique n’est pas unœstrogène naturel. Faites attention autour devous, informez les amies qui en prennent, carc’est encore commercialisé, dites leur surtout dene pas le prendre. Aujourd’hui, il n’y a plusaucune raison de faire une hormonothérapieavec ce produit ; l’oestradiol utilisé dans la pilulecontraceptive est un produit de synthèse et n’arien à voir avec l’oestradiol naturel. Il estexcessivement dangereux, car si le tauxaugmente dans le sang, et il peut augmenterénormément en cas de prise de ces deuxantiviraux, il peut y avoir des accidents graves et

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c’est arrivé. D’ailleurs l’équipe de Gooren enHollande a fait énormément de travaux sur lestraitements hormonaux des transexuelles. Ils ontmontré de façon très claire que les patientes quiprenaient des œstrogènes naturels, y comprispar voie orale, n’avaient pas d’accidentsthrombo-emboliques et celles qui prenaient del’ethinylestradiol avaient des risques dethromboses veineuses et d’emboliespulmonaires beaucoup plus importants. Cen’est donc pas une question de premierpassage hépatique, mais réellement unequestion de molécule : chimiquement l’éthinyl-estradiol et les œstrogènes sont totalementdifférents. Il n’y a plus aucune raison de laprendre aujourd’hui. D’ailleurs, quand vousregardez dans le Vidal 2006, vous ne la verrezplus dans les indications traitement hormonalmais pour modifier la glaire dans le cas deprocréation médicalement assistée ou autre.Malheureusement, on voit encore des gensprendre ce produit et à des dosesphénoménales dont il faut se méfier.

DosagesChose importante concernant les dosages,beaucoup de personnes croient qu’enaugmentant la dose on va augmenter l’efficacitéd’un produit ça part d’un sentiment tout à faitjustifié, mais en fait, c’est le temps d’expositionaux hormones qui va faire la transformation, cene sont pas les taux, à condition bien sûr d’avoirun taux minimum. Ce qui se passe, c’est qu’encommençant un traitement, vous allez avoir undébut de féminisation ou de masculinisation etau bout de deux ans en général, vous atteindrezle plateau, il ne bougera plus, quel que soit letaux d’hormones que vous allez prendre. Si vousl’augmentez, les effets secondaires et toutes lescomplications vont augmenter également, etcela sans avoir aucun bénéfice au niveau del’intensité de transformation dans le sensféminin ou masculin.

InteractionsSur le plan des effets métaboliques entre lesantirétroviraux et les hormones, il y a en gros 3sortes d’interaction.1) La diminution du taux d’hormones. Si parexemple vous prenez des antirétroviraux, ilssont inducteurs enzymatiques, c’est-à-direqu’ils vont stimuler les enzymes du foie, lesfameux Cytochrome P450 dont on a parlé, vousallez donc avoir une élimination accélérée devos hormones et donc vous retrouver avec untaux très faible, ce qui n’est pas agréable. 2) L’augmentation des taux par inhibitionenzymatique.

3) L’addition des effets métaboliques. On sait que les antirétroviraux occasionnenténormément de perturbations métaboliques etles patients séropositifs ont souvent un risquecoronarien, il faut donc faire très attention etsurtout leur conseiller d’arrêter de fumer. Il y aaussi des perturbations des glucides et deslipides, c’est-à-dire cholestérol et triglycérides,donc une tendance diabétogène due à cestraitements et une augmentation quelquefoisconsidérable des triglycérides mais également ducholestérol, LDL en général. En fait ce qu’il fautfaire, c’est que quand on prend ces traitements, ilfaut savoir qu’ils ont aussi des effets qui ne sontpas du tout évidents. L’étude de Gooren et al. amontré que l’association d’Androcure® etd’éthinyl-estradiol (toujours celui qu’il ne faut plusdu tout utiliser) avait des effets qui étaient mitigés.Pour certaines choses, il y avait une amélioration,par exemple on s’est rendu compte qu’il y avaitune augmentation du bon cholestérol et unediminution du mauvais cholestérol (le LDL). Maisà côté de ça, il y avait énormément d’effetsnéfastes, notamment une augmentation desparticules LDL, petites et denses doncexcessivement agressives sur les paroisartérielles, augmentation de la tension, de lagraisse viscérale qui va dans le sens duvieillissement artériel accéléré, artérioscléroseetc. Il faut être très prudent et en réalité l’étude deGooren avait été faite avec l’éthinyl-estradiol et ilest très probable que si on utilise les œstrogènesnaturels dont on a parlé tout à l’heure, on n’aurapas des effets aussi néfastes. Quoi qu’il en soit,ces patients sont très fragiles sur le planmétabolique, il faut donc faire attention et fairedes dosages hormonaux, et, pourquoi pas,donner des traitements spécifiques pour limiterces effets métaboliques que sont le diabète, lecholestérol et les triglycérides. Ce qu’on espère,c’est qu’à terme, il y ait de nouveauxantirétroviraux, de nouveaux protocoles quilimiteront l’écueil du risque vasculaire parce qued’un côté on va sauver notre patient de son virus,mais il risque de mourir du cœur, ce qui n’est pasmieux. Donc il faut penser un peu à tout. Bienentendu dans tout ça, l’arrêt du tabac estabsolument primordial.

Mikaël Quilliou : Vous avez parlé d’effets cumulatifs entrel’hormonothérapie et les trithérapies. En cas desurdosage, vous pouvez identifier la partrespective de l’un ou de l’autre ?Dr Asher :Cela dépend des produits, certains antirétrovirauxdonnent des hypertriglicéridémies massives et onpeut dire que c’est plutôt dû aux antirétroviraux.

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Les effets métaboliques des traitementshormonaux, surtout maintenant quand ils sontfaits par voie percutanée et quand ce sont desproduits naturels, sont limités, même les effetsdiabétogènes. Aujourd’hui, on a des médicamentsexcessivement puissants pour faire baisser le tauxde cholestérol et les triglycérides, quand on nepeut pas faire autrement, quand les gens ontbesoin de leurs traitements, hormonal etantirétroviral.

[Ah oui, j’ai oublié de vous dire une choseextrêmement importante. A propos desfameuses statines, dont vous avez déjà entenduparler, à propos des antirétroviraux indinavir etéfavirenz, qui sont des inhibiteurs enzymatiquesprovoquant une accumulation excessive desmédicaments, il y a eu des tas de casexcessivement graves de destructionmusculaire massive. Les statines sont desmédicaments très efficaces et très utilisés pourfaire baisser le cholestérol et éviter les accidentscardio-vasculaires, mais les statines,notamment la simvastatine et la pravastatine, cesont les deux qu’il ne faut pas utiliser, dans unemoindre mesure, l’atorvastatine. Il ne fautabsolument pas prendre cette classe demédicaments lorsqu’on prend desantirétroviraux parce qu’il y a une accumulationjusqu’à 3 000 fois le taux, je crois. C’estdangereux et il y a un risque létal, un risquemortel pour le patient, donc il faut être trèsprudent pour ces produits-là.]

Mikaël Quilliou :Quels sont les risques dans ce cas ? Ce sontquels organes qui sont touchés ?

Dr Asher :On appelle ça une rhabdomyolyse, mot barbarepour dire que c’est une destruction musculairemassive avec insuffisance rénale aiguë.

Une personne dans la salle (membre de lacommission Trans qui est déjà intervenue) :Je vais rebondir car il y a un mot qui m’a fait tilt,c’est quand vous avez parlé d’artisanat et j’aipeur de ça parce que vous vous êtes tout desuite après caché derrière l’accord dupsychiatre. Pourquoi est-ce qu’on en est encorelà aujourd’hui ? Et je vais prononcer le mot,parce que nous sommes encore, nous, lesTrans, des malades mentaux. Et c’est ça qui faitque quand on ne veut pas subir ce quesubissent les personnes qui suivent desprotocoles, on se débrouille autrement parceque c’est tellement indigne d’un pays soi-disantdéfenseur des droits de l’homme qu’on soit

encore obligé de choisir des voies différentes.Parmi ces voies différentes, docteur, il y a deschoses qui sont scandaleuses de la part del’industrie pharmaceutique. Teramex nous asupprimé l’oestradiol injectable, mais on m’a ditque ça existe encore dans les hôpitaux ; il étaitsi pratique pour tout le monde, une injectiontous les 15 jours et on était tranquille, mais c’estpour nous donner des produits de substitutionsoi-disant. J’ai encore le mail de la sociétéTeramex me disant « on a des produitsbeaucoup plus modernes à vous proposer »,mais j’attends toujours. Pourquoi est-ce quevous nous parlez encore du Spironolactone (auxpropriétés anti-androgéniques) qui est toujoursdécrié en France, qui n’est pas accepté ?Pourquoi est-ce que vous ne voyez pas quel’Androcure® est de plus en plus considérécomme un poison ? Pourquoi est-ce que vousne nous parlez pas de produits comme leFinasteride, par exemple, alors que vous nousdites que l’éthinyl-estradiol est à proscrire ? Et jeveux bien vous croire. Je ne sais pas si vous lesavez, mais l’éthinyl-estradiol est considérédans la communauté comme aliant le pouvoir deféminisation le plus important, et les personnesqui ne veulent pas passer par les filièrespsychiatriques le trouvent assez facilement surinternet par des voix détournées, et il estimportant pour nous parce qu’on n’a pasd’oestradiol injectable plus facile à utiliser, plusque le gel et encore plus que les patchs. Ce qui me fait peur, c’est qu’après, quand vousêtes en contact avec un patient ou une patienteséropositive, vous avez des difficultés àrebidouiller, on va dire l’artisanat que vous avezdécrit aujourd’hui.

Une personne dans la salle :C’est pour moi la même question. On a parlédes hormones féminisantes mais, on a le mêmeproblème avec les hormones masculinisantes.Vous avez parlé de l’Androtardyl qui est le plussouvent utilisé ; moi, j’en prends depuis plus de30 ans (avant, il ne portait pas le même nom), iln’est pas sans effets secondaires très lourds.Malheureusement, c’est le seul produitremboursé par la Sécurité Sociale. L’Androgeldont vous avez parlé coûte 70 euros par moisnon-remboursés et par ailleurs, il est en rupturede stock depuis deux mois suite à la volonté deslaboratoires Besins de supprimer les usines quisont à Montrouge et d’arrêter ce produit parcequ’il n’est pas intéressant commercialement etqu’en plus pour des raisons morales, la directionn’est pas intéressée par ce type de produit. Capose véritablement un problème dans la mesureoù les Trans et les intersexes sont des

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populations très marginalisées. Avec la CMU,vous le savez puisque vous avez des patientsque je connais bien et qui sont dans ce cas defigure-là, et qu’ils ne supportent pasl’Androtardyl®, avec des difficultés à le supporterau quotidien, à suivre leurs études ou à travailler,que font-ils ? Parce qu’ils n’ont pas le choix, ilsn’ont que ce produit.

Mikaël Quilliou :On va laisser répondre le Docteur Hasher et jedis qu’entre l’interpellation des laboratoires etles remboursements de la Sécurité Sociale, ilexiste des associations de malades qui saventun peu taper dessus et il ne faut hésiter.

Une personne dans la salle :On n’est pas des malades, on est des usagersdu système de santé.

Dr Asher :Sur la question du suivi psychiatrique. C’est vraique ça pose problème car qui dit psychiatre, ditpsychose, dépression etc. Donc c’est vrai quel’on est en droit de se demander pourquoi unsuivi psychiatrique. Je vais vous dire quelquechose d’un peu bête et méchant, c’est que cen’est qu’un protocole, ce fameux protocoleaméricain auquel adhère quasiment le mondeentier aujourd’hui. Et c’est vrai qu’on se cacheun peu derrière lui, c’est sécurisant, enmédecine, on a besoin d’un guide pratique enquelque sorte. Ensuite un certain nombre depersonnes ont besoin d’un accompagnement,car c’est un parcours du combattantexcessivement difficile, pour les papiers, pourl’intervention, pour l’argent etc. Mais il nousarrive aussi de voir des patients hors circuit quine veulent pas voir un psychiatre et entrer dansun circuit classique. Ceux qui n’ont pas de suivipsychiatrique, qui n’en veulent pas, qui veulentjuste des traitements, qui ne désirent pasforcément des interventions chirurgicales, çadoit représenter environ 5 à 10 %. C’est bienqu’ils soient suivis par nous car on peut les aiderà arrêter de fumer, on peut voir lesincompatibilités, on donne les bonnes doses deproduit etc. Il y a une question de sécurité parcequ’un des grands principes de la médecine,c’est d’abord de ne pas nuire. C’est dans cesens qu’on agit et non pas pour se plier à desrègles autoritaires.Alors pour l’éthinyl-estradiol, je venais donc devous dire que ça ne devait plus être utilisé.Attention, ce n’est pas l’oestradiol 17 beta quiest l’oestradiol naturel, exactement le même quecelui que toute femme produit par ses ovaires, ilest commercialisé depuis quelques années et il

est fantastique. Et puis, il y a l’ethinyl-estradiol,c’est un peu un dinosaure des traitementshormonaux, a fortiori pour les personnespolymédicamentées, vu le risque thrombo-embolique qu’il représente. On sait que l’unedes particularités des patients transexuels, pastous, c’est l’auto-médication. C’est dangereux,car ils augmentent leurs doses en pensant qu’ilsvont pouvoir obtenir un effet maximal alorsqu’en fait ce sont les effets secondaires qu’ilsrécoltent.

Mikaël Quilliou :Et au niveau de la féminisation, l’oestradiol 17beta est-il aussi efficace ?

Dr Asher :L’éthinyl-estradiol a une puissance d’actionextrêmement importante puisque c’est unproduit de synthèse mais au prix d’effetssecondaires tels qu’il n’est plus utilisable. S’il yavait, par exemple, un accident thrombo-embolique, je pourrais me retrouver devant untribunal et on me dirait que je prescris un produitdépassé, périmé, obsolète.Comme je vous l’ai dit, c’est le tempsd’exposition aux hormones qui va féminiser. Ilfaut donc compter deux ans, il faut aider lesgens à patienter en l’expliquant. Vous savez unmédicament ne vaut que par la manière dont onle prescrit ; si on le prescrit massivement parcequ’on est pressé, ça ne marche pas, mais si onl’explique, ça marche très bien.L’accompagnement médical est très important,c’est pour ça que je parle d’artisanat ; on adapteles traitements au patient, on lui explique lesavantages et les inconvénients de chaqueméthode : - le gel a un inconvénient, c’est qu’il faut lepasser tous les jours mais il ne se décolle pas -le patch se décolle, surtout l’été, - les comprimés, ça marche très bien malgré lepremier passage hépatique de l’oestradiol.Ce que je vous ai dit, c’est que c’est unequestion de molécule, une question qualitativequi induit les facteurs de coagulation hépatiqueet non pas la voie d’administration.Contrairement à l’éthinyl-estradiol qui est prispar la bouche et va atterrir au niveau du foie,l’étude de Gooren a montré que ça crée uneforme acquise de résistance, d’une maladie quicrée des phlébites chez les femmes. Donc jevous le déconseille. Vous savez, on n’est pasdes commerçants, nous n’avons pas d’intérêtsmarchands dans l’affaire.Pour en revenir au Finasteride, méfiez-vous carc’est un produit qui inhibe la transformation dela testostérone en dihydrotestostérone. Un

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exemple, c’est un chirurgien qui m’a envoyé unelettre me disant qu’il avait un patient en Afriquequi ne pouvait pas venir en France pour se fairesoigner et qui prend du Finasteride là-bas. Il m’adonc demandé mon avis et pour moi leFinasteride ne règle pas la question car il vadiminuer le taux de dihydrotestostérone mais letaux de testostérone va rester le même. De plus,le Finasteride est un médicament prescrit auxpersonnes qui ont une hypertrophie de laprostate mais, on s’est rendu compte, et c’est làqu’il faut bien connaître les études, que ceproduit, sous des dehors de bienfaiteur, peutêtre excessivement dangereux pour desquestions de différenciation cellulaire entreautres. Il peut, à terme, favoriser des cancersagressifs de la prostate. Voilà, c’est le paradoxe.Il faut donc faire très attention avec leshormones, elles sont capables du pire et dumeilleur. D’ailleurs, pour ceux que ça intéresse,avant de faire cette RéPI, j’ai rédigé un article dequelques pages, qui résume bien sûr, sur letransexualisme, les avantages, lesinconvénients, les interactions (le peu qu’on enconnaît) avec les antirétroviraux. Je peux doncvous transmettre une copie de ce petit article.

Anti-androgènesIl y a aussi d’autres produits comme les anti-androgènes qui sont des stéroïdiens utilisés dansle cancer de la prostate. Eux aussi sonttotalement déconseillés parce que chez unepersonne qui n’a pas eu de castration, cesproduits, par le biais de l’action surl’hypothalamus, s’inactivent eux-mêmes. Il y adonc une sorte d’inefficacité et un échappementthérapeutique. Le Casodex, l’Anandron etc. sontdes produits totalement déconseillés, totalementinintéressants. Le CRH pareil n’est pas du toutconseillé chez les transexuels, il est utilisé pourles cancers de la prostate et dans des protocolesde procréation médicalement assistée.

Mikaël Quilliou :(A propos de l’article évoqué plus haut) C’estl’article pour le Rapport Yeni qui va sortir bientôt,publié chez Flammarion. C’est en fait lesrecommandations d’un groupe d’experts,l’ancien Rapport Delfraissy qui change de nomet de coordinateur et qui sort début août. Parcontre, je me posais une question en vousécoutant. Est-ce que dans les formes que vousproposez : patch, gel ou cachet, il y a une formequi est mieux ou moins adaptéepour lesinteractions antirétroviraux/ hormonothérapie ?

Dr Hasher :Effectivement, de manière générale, il faut

préférer tout ce qui est transdermique afin dedécharger un peu le foie qui reçoit déjàénormément de produits pris par voie orale.

PsychiatrieHélène Hazéra :Pour préciser, et c’est aussi une façon derecentrer le problème, cette RéPI n’est pas uneRéPI sur le problème de la dépsychiatrisation.Personnellement, bon c’est vrai que je suis unesoixante-huitarde, il était hors de question que jedemande à qui que ce soit le droit d’être moi-même. Quand je suis arrivée les opérationsétaient interdites en France. J’avais une amiedont le médecin était très épris, je suis donc alléle voir, à cette époque c’était Ovocycline etensuite Progynon-retard. Et dans la petite bandeque nous étions, une copine prenait des dosesmassives et n’avait donc plus rien qui poussait.Lorsqu’elle s’est retrouvée un jour en prison etque tout à coup elle ne pouvait plus prendre cesdoses massives (on ne pouvait pas avoir detraitement hormonal en prison comme je croisque c’est le cas encore aujourd’hui), tout s’estremis à pousser. On s’aperçoit que ce problèmede la psychiatrisation se repose. Il y a uneunanimité totale dans la communauté Trans, etc’est insupportable, c’est la même chose quepour les homosexuels il y a trente ans. On faisaitce que l’on appelait les thérapies d’inversion, onfaisait des lobotomies pour les rendrehétérosexuel : on les mettait dans une salle ;pour les messieurs, on leur projettait des photosde mecs à poil et s’ils avaient une érection, onleur envoyait des décharges électriques. Cesthérapies ont été utilisés avec les Trans, à savoir,on les mettait dans des vêtements d’unepersonne du sexe opposé et on leur envoyaitdes décharges électriques ; c’était censé lesguérir. Donc évidemment, quand vous nousparlez de suivi, chat échaudé craint l’eau froide,on a plus trop envie de suivre les psys. MadameCollette Chillant a écrit qu’accorder les droitsque les Trans demandent, est une atteinte aufondement de la famille, de la culture, de lacivilisation. J’ai une autre amie qui à 16 ans, quis’est déjà réalisée en fille, c’est donc un casextrêmement fort de transexualisme, et bien lapremière question que Collette Chillant lui aposé c’est « A quoi pensez-vous quand vousvous masturbez ? » . C’est vraiment d’uneviolence incroyable.Pour ma part, je suis une thérapie, mais je suislibre de le faire. Je ne suis pas une thérapie avecun ou une psy pour obtenir un traitementhormonal ou un réassignement. Je ne remetspas en cause votre pratiques Docteur Hasher, cen’est absolument pas dirigé contre vous.

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Mikaël Quilliou :Je veux juste préciser que ce qui a fait réagir lasalle c’est je crois « …avec l’aval dupsychothérapeute… » sauf qu’on a vu que dansla réalité des faits, ce n’est pas toujours commeça que ça se passe, donc ça c’est bien.

Axel Léotard :Je veux juste ajouter une chose qui me sembletrès importante ; une des raisons pour lesquellesje tenais à ce que le Docteur Asher soit là ce soir,c’est parce que c’est aussi monendocrinologue. A l’époque il travaillait avec leDocteur Dejongue j’avais démarré unehormonothérapie à la sauvage et il n’y a pas eude suivi ; j’ai vu un psychologue, une fois defaçon à couvrir l’endocrinologue et c’est tout.Voilà, il a en tout cas le respect des patients etje voulais l’en remercier ce soir.

Mikaël Quilliou : On travaille en famille et c’est toujours bien etsympathique.

Les protocoles de psychiatrieQuestion de la salle :Je m’appelle Tom Rocher, je suis Trans et aussipsychologue. Selon moi, il ne faut pasconfondre les protocoles « standard de soins »,ceux dont le Docteur Hasher a parlé, qui sont lesrecommandations de suivi, avec les protocolesqu’on tente de nous imposer en France et dontcertaines équipes hospitalières veulent. Cela n’arien à voir. Dans les standards de soins, uneobservation de 3 mois est suffisante pourconstater l’absence de trouble mental ou en toutcas pour constater que la personne est tout àfait apte à suivre une hormonothérapie, untraitement etc. Alors qu’en France, ce que l’onveut nous imposer, c’est tout à fait autre choseet quand Carine parle de psychiatrisation, c’estuniquement la définition des ALD Trans qui estclassée dans les troubles psychiatriques delongue durée. Voilà pour éclaircir les choses. Par ailleurs, j’ai noté en suivant des personnesTrans que nombreuses sont celles quiprésentent des troubles bipolaires non-détectés. Il y a une interaction médicamenteuseavec les hormones et j’attire l’attention à la foisdes personnes Trans et des professionnels desanté qui les suivent. Quand il y a un viragedépressif ou maniaque sous traitementhormonal, il faut quand même essayer de faireun diagnostic plus fin. Souvent, il suffit d’unthymo-régulateur et non pas d’un anti-dépresseur qui pourrait aggraver le cas de lapersonne dépressive, parce que ce n’est pas letraitement qui convient, d’où justement des cas

de tentatives de suicide. Donc si vous n’êtespas spécialisé dans ces domaines, essayez decontacter des personnes qui sont plusperformantes et vraiment pointues. J’aimeraisciter entre autres le Docteur Elie Antouche quivient de publier un livre sur le sujet, « Troublesbipolaires et Tocs, interaction des deux ». J’ai enmémoire plusieurs cas mal diagnostiqués deschizophrénie alors que ce n’était probablementpas ça, mais plutôt un effet maniaque assezimportant. Il faut donc être vraiment trèsprudent. Je pense aussi au cas d’une personnedont le psychiatre avait arrêté le traitementqu’elle suivait auparavant et qui a fait unetentative de suicide. Là aussi, il faut faireattention à ne pas supprimer les traitementsquand les personnes sont stabilisées. Il ne vautmieux pas laisser un traitement neurochimiquepuisqu’il n’y a pas incompatibilité avec le faitque la personne soit Trans et qu’elle prenneensuite un traitement hormonal. Donc il estimportant de ne pas arrêter les traitementsquand ils sont adaptés, et il faut vraimentdiscuter, quitte à contacter l’ancien spécialiste,pour savoir pourquoi il a été prescrit, avoir unhistorique s’il n’y a pas moyen de le savoir avecle patient.

Deux ans de traitementEt pour finir je rajouterai que le fin mot c’est :patience, patience, patience, à savoir qu’uneféminisation ou une masculinisation, c’esteffectivement deux ans, c’est rarement moins.Je sais que les Trans ont beaucoup d’anxiété etil faut absolument ne pas perdre de vue que l’onatteint un résultat efficace, en maintenant unebonne santé sur ces deux ans, et que c’estrarement optimal avant. C’est dans ce délai quela personne atteint ce qui correspond le mieux àce qu’elle recherche, c’est-à-dire qu’elle passedans son genre favori.

Une question de la salle :Bonjour Docteur Hasher, vous me reconnaissez,je suis une de vos patientes. Vous avez parlédes œstrogènes naturels que vous donnez lesoir. Eh bien moi, j’ai dû les arrêter car vraimentça amène au suicide, j’espère que vous en êtesconscient.

Dr Hasher :Les œstrogènes ou la progestérone ? Parce quele soir, c’est surtout la progestérone qui estdonnée.

La même personne ; Ca me fait dormir.

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Dr Hasher :Alors c’est la progestérone.

La même personne:Vous savez qu’elle mène au suicide ?

Dr Hasher :Ah oui ?

La même personne:Ah oui ! Et je tenais à ne pas laisser passer ça,parce que si votre patiente qui a fait unetentative de suicide prenait ça le soir, ça nem’étonne pas.

Dr Hasher :Elle ne prenait pas de…

La même personne :D’accord. Alors quand je vous ai vu défendre ceproduit naturel et efficace, je n’ai pas compris.Le gel, oui, mais pas le…

Dr Hasher:Donc c’est la progestérone dont vous parlez.

La même personne :Oui. Et je ne parle pas que pour moi. J’ai aussiune amie qui est une patiente à vous et qui a dûarrêter.

Dr Hasher:Je comprends, oui. Et quand vous avez arrêté,ça allait mieux ? Tout est rentré dans l’ordre ?

La même personne:Oui. Quand vous le prenez le soir, c’est clair,vous dormez, mais le lendemain vous n’arrivezpas à vous lever, vous êtes plus qu’en déprime,c’est carrément la mort au bout du paquet.

Dr Hasher :D’accord, c’est la preuve, vous voyez, que lestraitements hormonaux, c’est jamais anodin etque pour chaque personne, c’est différent.

La même personne :Maintenant, quand vous parlez d’artisanat, jesuis entièrement d’accord avec vous parce quechaque cas est différent, et on ne peut pasemployer l’industrie pour tous les cas detransexualité, ce n’est pas possible. Donc onadapte un traitement à une personne et on nepeut pas l’utiliser pour une autre.Pour la psychiatrie, c’est n’importe quoi. Quandvous dites, Axel, que vous avez vu le DocteurDejongue une seule fois, eh bien moi, j’ai dû levoir deux ans et demi. Je suis en plus née avec

une hypogonadotrophie qui a été décelée lorsde mon expertise au Tribunal d’Instance de Parispour mon changement d’État civil. Mais cetteanomalie n’a pas été décelée au Centre Europe,alors je ne vous mets pas en doute, vous meconnaissez, je vous apprécie beaucoup, maisquand on dit, il m’a fait faire les analyses et c’estclair, vous aviez remarqué que j’avais un tauxd’hormones très bas, on aurait dû peut êtreapprofondir ça. (…) Le psychiatre qui a parlé toutà l’heure a peut-être entendu parlé del’hypogonadotrophie. Apparemment non, vousn’en avez pas entendu parlé. Ce n’est pasn’importe quoi quand trois experts désignés parun tribunal annoncent cela.

Dr Hasher:Il faut avoir un dossier, on ne peut pas parler decela comme ça.

La même personne : Ce que je veux dire, c’est que mon départ étaitau Centre Europe, j’ai débuté par ça, donc ilsauraient dû quand même s’apercevoir de cetteanomalie.

Dr Hasher :En ce qui concerne la progestérone, c’est lapremière fois que j’entends ça. Vous mesurprenez parce que c’est une hormone produitenaturellement par les femmes en seconde partiede cycle ; au contraire, elle équilibre les gens,c’est un anxiolytique etc. Maintenant, la difficultéest de savoir de quoi on parle. Est-ce qu’il y a unlien de causalité ? Evidemment, il peut y avoirune superposition, il peut y avoir unecoïncidence, donc vous avez très bien pu faireune dépression et, ça peut se comprendre, dansvotre imagination, vous l’avez attribuée à ceproduit, mais c’est difficile à prouver.

La même personne :On était deux ou trois à faire la mêmedépression, en même temps et juste au momentde la prise de ce médicament, et au moment oùon l’a arrêté ça allait mieux.

Dr Hasher :Oui, mais vous savez, il y a des millions defemmes dans le monde qui le prennent. Il y a unprincipe, c’est qu’on n’est pas là pour parler descas particuliers, il nous faut un dossier. Et puisce soi-disant diagnostic qu’ont fait les grandsexperts, j’aimerais bien le voir parce que le mothypogonadotrophie, ça ne veut rien dire.Arrêtons de parler de cas personnels car je vois30 à 40 personnes par jour et je ne peux pas mesouvenir de tout ce qu’il y a dans votre dossier.

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La même personne:Oui mais quand on parle de suivi psychiatrique,je trouve ça à côté de la plaque car quand ondécide de changer de sexe, on a besoin d’unsuivi pendant 2 ans. Un ou deux rendez-vouspeuvent suffirent mais c’est un business, c’estcomme l’expertise.

Mikaël Quilliou :Mais l’interaction qu’évoque Madame... Nous,association de malades, ça nous arrive aussi dedire, par exemple, qu’avec le Sustiva® tout ne vapas bien. Alors il y aura peut être des choses àregarder sur ce qui est évoqué.

Dr Hasher :Tout à fait, vous avez raison.

La même personne :Je veux justement faire avancer les choses etnon pas polémiquer

Mikaël Quilliou :On en est persuadé et en plus, c’est tout l’intérêtde cette RéPI.

La même personne:C’est comme les contaminations par le VIH, jesuis désolée mais les Trans, elles ne vivent passur la lune donc c’est à elles de s’informer.

Mikaël Quilliou :Et de se protéger.

La même personne :Mais s’informer, c’est se protéger, ou alors c’estun suicide.

CancerStéphane Pasquay d’Act Up :Dr Hasher, vous avez évoqué certainsmédicaments qui sont prescrits dans d’autresindications par exemple le Spironolactone quel’on donne en cardiologie sous le nomcommercial de Sectral®. Je suis assez étonnéd’entendre qu’ils sont prescrits dans le cadre dutranssexualisme et qu’on ne parle jamais à cetitre de leurs effets dans d’autres indications. Encardiologie, il est couramment utilisé maisjamais on n’a évoqué la possibilité demodifications corporelles pour les gens quisouffrent du cœur. Même chose pour leFinasteride, c’est un médicament qui estdéveloppé et qui peut être acheté même sansprescription médicale à raison de 1 mg par jourpour des personnes qui souffrent d’alopécie etqui veulent prendre ce médicament pourrecouvrer un peu de fourniture sur le haut du

chef, si je puis dire. Je suis content à la foisqu’on puisse évoquer effectivement cesmédicaments dans d’autres configurations quecelles qui sont d’habitude envisagées mais, ceque je regrette, c’est que finalementl’information passe si peu d’une spécialité à uneautre. Même chose pour les statines qui sontdes médicaments que l’on donne de plus enplus aux personnes VIH et jamais on ne parle àce point de rhabdomyolyse qui est effectivementévoquée mais pas au point où vous l’avez fait cesoir.

Dr Hasher :En fait la spironolactone ce n’est pas le Sectral®.C’est un bêta-bloquant que l’on donne après uninfarctus et aussi aux gens qui ont del’hypertension ou de la tachycardie. C’estl’Aldactol® ou Spironolactol® parce que l’ondonne beaucoup de génériques maintenant.

Stéphane Pasquay :On le donne aussi dans le cadre desdécompensations hépatiques et des problèmescardiaques parce que c’est un diurétique.

Dr Hasher :Tout à fait.

Dr Enrique Casalino :Justement, ce n’est pas un secret, un desproblèmes majeurs des traitementshypertenseurs chez les hommes jeunes c’estl’impuissance. En effet, on traite de plus en plusjeunes les hommes qui ont des hypertensions,modestes parfois, mais on a démontré qu’il fautque la tension artérielle soit très basse pourdiminuer le risque cardiovasculaire. Donc à unmoment on peut se poser la question « qu’est-ce que je préfère, bander encore un peu ougarder une tension artérielle bonne quidiminuera mon risque cardiovasculaire dans 20ans ? ». Mais c’est un des effets indésirables deces médicaments, le Sectral®, les IEC pourl’hypertension, la spironolactone. Quasimenttous les anti-hypertenseurs ont, à un moment ouà un autre, une fréquence plus ou moinsimportante de diminution de la capacité sexuelledes patients. C’est très net et bien documenté,et il vrai que c’est probablement un des grosdéfauts dans le système de santé, c’est qu’il y aun manque d’information du patient quant auxeffets indésirables d’un traitement. Quand onprend des traitements pour les problèmes de lachute des cheveux, actuellement et commedans la plupart des protocoles, ils disent que lerisque est de l’ordre de 10 à 15 %. Quand onprescrit l’Alpharegul® dans une population plus

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large, des gens un peu plus âgés qui prennentd’autres médicaments à côté, la fréquence estde 30 à 50 %. Quand on commence à se rendrecompte que ça marche un peu moins bien etbien on arrête les comprimés et on préfère resterun peu chauve. Après, c’est un choix qui doitreposer sur un débat, une confrontation dans lebon sens du terme, avec des informationsclaires au patient qui doit connaître exactementquels sont les risques et qui accepte une part durisque ou pas, et du médecin qui regarde aussiquel est l’intérêt réel pour le patient. Après on semet d’accord.

Une question de la salle :Je suis Sophie du Collectif Existrans et je voulaisrevenir sur l’Androcure® car il existeeffectivement une forte polémique au sein de lacommunauté Trans sur cette substance et maquestion est simple : pourquoi ce médicamentest-il interdit aux États-Unis ?

Dr Hasher :Franchement, je ne sais pas. Vous savez que lesaméricains sont très tatillons, c’est peut-être duprotectionnisme mais je n’en suis pas sûr dutout. Peut-être qu’ils ne sont pas complètementconvaincus de son efficacité, mais en principe ildevrait être commercialisé. Vous savez, il y a lafameuse FDA, qui est une sorte d’institution trèssourcilleuse sur tous les produits qui viennent del’étranger. Ils veulent être eux-mêmesconvaincus que ces produits sont d’uneinnocuité totale et lancent des études et desessais cliniques. Effectivement c’est bizarre,mais je n’en sais pas plus. C’est là qu’on utilisela spironolactone, c’est un hypertenseur certesmais il a des effets hormonaux réels.

Mikaël Quillou : Quand vous dites que vous changez lestraitements, vous parlez des traitementshormonaux ? Vous n’avez pas d’action sur lesantirétroviraux ? Vous prenez contact avecl’infectiologue ?

Dr Hasher :Absolument pas, et quand je peux, je prendscontact avec l’infectiologue. Je n’ai pasbeaucoup de patients séropositifs mais j’essaiele plus souvent de discuter avec mes confrèressur l’opportunité de tel ou tel médicament. C’estimportant.

Hélène Hazéra :L’identité de genre n’est pas forcément liée à lasexualité et certains Trans désirent passer parune opération de réassignement sexuel. Je suis

un peu gênée parce que ces personnes n’aimentpas trop que l’on aborde ce sujet et je m’enexcuse auprès d’eux et auprès d’elles. On peutparfaitement vivre dans une identité de genreopposé et continuer à se servir plus ou moins deses organes sexuels. Monsieur Cordier estspécialisé dans les problèmes d’opération etdans la castration chimique des délinquantssexuels. On a l’impression que certainsendocrinologues vont privilégier les méthodesqui amènent des castrations chimiques à cellesqui peuvent féminiser en permettant decontinuer à se servir de ses organes sexuels.Certains patients sont évidemment largementsoulagés de ne plus avoir de manifestationsérotiques de leurs organes puisqu’ils vont allervers une opération, mais il y en a d’autres qui ontenvie d’une féminisation, peut-être d’unemasculinisation, mais en gardant quelquesoptions sexuelles.

Mikaël Quillou :Nous allons donner la parole à Enrique Casalinoqui est infectiologue au CHU du Kremlin-Bicêtreet qui va prochainement quitter cette fonctionpour prendre des responsabilités aux urgencesde l’hôpital Bichat. En dehors de ça, nous avonsquand même la chance d’avoir l’infectiologue dedeux Présidents d’Act Up-Paris. Ce n’est pasrien.

V Enrique CasalinoA titre d’introduction, je dirai que je suis péruvienet il est vrai que beaucoup des Trans que je voisen consultation sont hispanophones, parlentespagnol, viennent d’Amérique du sud et ,quand elles arrivent en France, doiventgénéralement se prostituer. Ils ou ellesrencontrent donc des difficultés sociales, desproblèmes de papiers, de séropositivité, desdifficultés d’intégration. Les difficultés querencontre en général la population immigréeavec, ce que les psychologues appellent lapsychologie de l’immigré, c’est une difficultéd’intégration et des grandes bouffées denostalgie du pays. Ici, ils ont une vie où ilsarrivent quand même à exprimer cette identitéqui était la leur et que dans leur pays, ils nepouvaient pas exprimer. C’est donc des grandesambiguïtés : « je suis heureux en France parceque je peux exprimer ce que je ne pouvais pasexprimer dans ma vie au quotidien » et en mêmetemps « ça me pose un problème parce que enFrance, pour pouvoir vivre, il faut que je meprostitue ou que j’ai une vie beaucoup plusdifficile que celle que j’aurais pu avoir dans mon

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pays ». Je reconnais que je vois peut-être laproblématique à travers un angle un peuparticulier, et qui n’est sûrement pas le cas detout le monde dans la communauté Trans. Doncje m’excuse d’avance de la façon dont je peuxappréhender les choses parfois.

L’accueil à l’hôpitalJe rebondis tout de suite sur ce que tu as dit toutà l’heure Hélène sur l’accueil à l’hôpital, ça meparaît essentiel ; c’est une faute et c’estimpardonnable. Je suis responsable d’unservice d’urgences et je suis infectiologue dansun hôpital. Si quelqu’un dans mon service avaitun mot maladroit, un sourire ou un gestedéplacé pour la moindre des choses, on est endroit d’exiger de moi en tant que responsable ettoi en tant que patiente, des excuses. Cela nousest peut-être arrivé d’avoir un geste maladroit età moi le premier mais, j’ai eu le courage d’allerm’excuser. Il faut que ces gens apprennent quel’on doit respecter les autres dans toutes lescirconstances et encore plus à l’hôpital, c’estquelque chose sur quoi on ne doit pas céder, parrespect de la personne. Par exemple, j’ai despatientes qui sont en France, tous leursdocuments sont au nom de Monsieur, elles nesont pas opérées et donc elles n’ont fait aucunedémarche pour changer d’identité administrativeet bien sur leur dossier je marque en grosMarysol parce qu’elle veut se faire appelerMarysol, elle ne veut pas qu’on l’appelle Damienou autre. En donnant l’exemple le reste del’équipe l’appelle Marysol. Je pense que c’estcomme ça qu’on avance. Si ce dossier n’a pasavancé de façon beaucoup plus importante,c’est parce qu’il y a des réticences sociales ouculturelles, il y a beaucoup d’obstacles. Ce n’estpas parce qu’on devient aide-soignant ouinfirmière qu’on a été touché par le Graal, qu’onest une sainte personne incapable decommettre une erreur. Il faut donner et moi lepremier. Je ne me comportais sûrement pas dela même manière avant mais, j’ai évolué aussi,j’ai fréquenté des gens différents, je suis venuavec vous à des RéPI et ça m’a ouvert l’esprit.

Mikaël Quilliou :Aujourd’hui comment vous vous y prenez ? Voustraitez le VIH d’abord ? Comment faites-vous ?

Dr Enrique Casalino :J’ai passé quelques coups de fils avant de venir,j’ai demandé à mes confrères si, dans les autresservices, il y avait des procédures spécifiques.En fait, absolument pas. Comme je parleespagnol, je recrute des gens qui ont cetteorigine. Dans un autre service, ce sera une autre

raison, et ainsi des filières se sont dessinéesdans le temps en fonction des sensibilités et dubouche à oreille. Dans les hôpitaux, il n’y a doncpas d’identification de filières spécifiques et çapose un problème parce qu’on saitqu’aujourd’hui on doit établir des stratégies avecelles. La médecine a besoin d’être structurée etstructurante, c’est bien et rassurant pour lepatient.

PsyJe reviens très rapidement sur le problème dupsychiatre. Je pense qu’un patient qui arrive àl’hôpital doit être certain qu’il arrive dans uneéquipe, avec des gens qui soient capables de leprendre en charge dans sa globalité. Que ce soitpour un problème somatique, d’un point de vuede l’infectiologue, c’est le problème desrésultats de ses dosages, il faut donc qu’il y aitun pharmacien au courant du dossier. Il y a aussiles aspects psychologiques avec unpsychologue, et éventuellement derrière, avecun psychiatre, mais ce n’est pas obligatoire. Ilfaut penser aussi à l’intervention d’unspécialiste, par exemple un endocrinologuequand c’est nécessaire. Bref, c’est la prise encharge par toute une équipe et quand je ne suispas là, il y a des personnes qui peuventintervenir et avoir un niveau d’experts sur cesdossiers. C’est un travail pluridisciplinaire où lesaide-soignantes ont un rôle essentiel à jouer. Jesais que, pendant que les patients attendentdans la salle d’attente, ils tissent des liens avecelles, qu’ils ont des discussions, qu’ils parlentensemble, des vitamines par exemple, ou deshormones que le patient prend et dont je n’aimême pas idée parce qu’ils ou elles lescommandent par internet, ou tout simplementparce que n’ai même pas pensé à leur demanderet je peux m’en faire le reproche. J’ai apprisbeaucoup de choses aujourd’hui par vous aussi.

Mikaël Quilliou : Il a l’air bien cet hôpital, à l’APHP c’est différent.

Dr Casalino :Non, je pense qu’on avance, qu’on en apprendtous les jours. Il y a quelques années on étaitparticulièrement mauvais dans certainescirconstances, et on s’est amélioré. Aujourd’hui,on est particulièrement mauvais dans leproblème de la prise en charge des Trans et ondoit s’améliorer. C’est indispensable qu’on soitcapable de faire une autocritique, qu’on soitcapable d’écouter, et qu’on cherche en communles stratégies qui nous permettent de fairemieux. Et je suis convaincu que c’est comme çaqu’on avancera, dans l’intérêt de tous.

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Hélène Hazéra :Nous-mêmes, nous allons essayer de rédigerune brochure écrite dans des termes trèssimples sur l’accueil dans les hôpitaux despersonnes Trans ou des personnes de genredubitatif.

InteractionsMikaël Quilliou :Comment vous vous y prenez quand vousrecevez une personne qui est sous traitementhormonal et qui est en même temps infectée parle VIH ?

Dr Casalino :Je vais vous faire un aveu : lorsque vous m’avezcontacté, j’ai regardé parmi les patients Transque je suis, et je leur ai demandé s’ils prenaientdes hormones. Pour certains d’entre eux, jesavais parce que soit je leur avais fait moi-mêmeles ordonnances en ayant passé des coups defils à un endocrinologue, ou je les avais envoyésen voir un, pour qu’il les suive de façon régulière.Mais pour quelques-uns, j’ai découvert à cemoment-là qu’ils prenaient des hormones etmême pour certains qu’ils ou elles avaient faitdes chirurgies et que je ne le savais même paspuisqu’ils ne me l’avaient pas raconté. Lespatients ont le droit de garder une part de «privacité » , je peux le comprendre.

Silicone

Mikaël Quilliou :Est-ce que la silicone, classique ou sauvage, etle VIH, peuvent faire bon ménage ?

Dr Casalino :Je n’ai pas d’actions dans les entreprises quivendent les prothèses pour la silicone mais il estévident que les injections de silicone sauvagedirectement injecté dans les parties molles, àterme, ça donne de très mauvais résultatsesthétiques. Les meilleurs résultats sontobtenus avec les prothèses et des chirurgiensplasticiens me l’ont confirmé.

Hélène Hazéra :J’ai connu une brésilienne qui s’est suicidéeparce qu’elle avait dû se faire retirer une deshanches qu’un, moi je dirai Mengele del’esthétisme, lui avait fait. Il y a des chirurgiensesthétiques qui sont prêts à faire n’importe quoi.

Dr Casalino :En France, c’est complètement interdit et jepense qu’aujourd’hui, le médecin quis’aventurerait à faire ça, risquerait de se

retrouver en prison. Ca s’est beaucoup fait enEspagne à une époque, il y avait toute unefilière ; les résultats esthétiques ne sont pasbons parce que, comme la silicone est injectéedirectement, il y a un phénomène de gravité. Parexemple si vous mettez 3 ou 4 litres de siliconesur les fesses et bien 10 ou 20 ans plus tard, ilsvont terminer sur les mollets. Ca peut s’enleveravec des ponctions, c’est extrêmement agressifet les résultats sont très médiocres, ça finit parabîmer la peau et un certain nombre depersonnes font des réactions extrêmementgraves comme des nécroses avec desécoulements de pus en permanence. Il y a undébat pour savoir si la silicone est unesubstance inerte ou pas, c’est-à-dire est-ce quec’est l’équivalent de l’air qu’on respire ou est-ceque c’est une substance qui est capabled’interagir avec l’organisme. De plus en plus depersonnes pensent que c’est la deuxième actionqui se produit, que notre organisme peut faireune réaction de type inflammatoire contre lasilicone. Le conseil aujourd’hui, c’est donc de neplus faire d’injection directe de silicone. Il faut privilégier les poches, constituées d’unesubstance plastique bien particulière et qui sontd’ailleurs maintenant bien souvent remplies avecde l’eau. D’ailleurs plus les prothèses sontchères, plus le plastique est inerte, mais c’est lapratique qui devrait être utilisée le plus souvent.Reste le problème du remboursement par lasécurité sociale et beaucoup de patients, pourune question d’argent, font ces implants àl’étranger. Parfois, ça peut être très bien fait, toutest une question de prix comme d’habitude,mais en France le prix d’une chirurgie peutatteindre plusieurs milliers d’euros et pour lamoitié de ça, la plupart de mes patientes partenten Amérique du sud et peuvent bénéficier de lachirurgie top class, dans les meilleures cliniques.

Mikaël Quilliou :Vous parliez de purulences de peau, or on saitque certains antirétroviraux assèchent la peau,donc il doit y avoir des choses concrètement auniveau de l’impact du silicone sur le VIH. On apris cet exemple mais peut-être qu’il y en ad’autres.

Chirurgie esthétique etréassignement

Dr Casalino :La première question que se pose un chirurgienesthétique qui n’a pas l’habitude d’avoir despatients séropositifs, c’est s’ils ne vont pass’infecter. La réponse est claire puisque le risqued’infection nosocomiale n’est pas plus

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important, à condition bien sûr de respecter lesmesures d’hygiène et que le patient ait un tauxde CD4 et un état de santé correct ; le risqued’infection post-opératoire n’est alors pas plusélevé. Il n’y a aucune contre-indication si c’estimportant pour elle ou lui, il faut y aller àcondition que ce soit dans de bonnesconditions. Plus important, c’est la chirurgie deréassignement sexuel. Beaucoup de mespatients sont allés en Amérique du sud pour celaavec des résultats meilleurs qu’en France ou enAngleterre. En tout cas, j’ai lu un article surinternet qui allait dans ce sens. Je sais qu’il y ades filières en Angleterre, en Belgique etmaintenant en Tunisie, mais ça se fait aussi enArgentine, en Equateur, au Pérou, au Brésil. Lesprix défient toute concurrence, de l’ordre de lamoitié de ce que ça coûterait en Europe, avec unequalité de prestation très satisfaisante et avecquelque chose en plus qui n’est pas prévu dansle prix initial si c’est fait en Europe, c’est le côtéchirurgie esthétique, beaucoup plus dans lafinesse, c’est la deuxième partie après celle de lachirurgie initiale. En France, la difficulté c’est quepour avoir une chance de le faire gratuitement,pendant deux ans, il faudra aller voir le psychiatre,l’endocrinologue, aller dans tous les sens pouravoir, peut-être, l’accord de se faire opérer ; alorsque si on peut payer 5 000 euros et partir où onveut et régler ça en trois mois, le choix peut êtrevite fait. Cela ne m’étonne pas que l’AssistancePublique annonce le chiffre de 700 demandesd’opérations alors que ça doit représenter, aumoins, plusieurs milliers. Je suis incapable de diresi c’est le bon ou le mauvais choix mais, si unpatient me dit qu’il est décidé et qu’il veut le faire,je me débrouille pour qu’il parte dans lesmeilleures conditions, je ne porte pas dejugement de valeur et je ne souviens pas avoirdemandé à quelqu’un d’aller voir le psychiatrepour avoir son autorisation. Néanmoins, j’ai bienretenu ce que vous avez dit, je pense que c’estimportant de savoir que la motivation de lapersonne est authentique, qu’elle a bien comprisles enjeux d’une chirurgie, qui est en grandepartie irréversible et que, dans sa décision, tousles éléments de réponse ont bien été apportés,que tout a bien été analysé. Est-ce que ça c’est leboulot du psychiatre ? Est-ce que ça, peut êtrefait avec un psychologue dans le service ? Est-ceque moi je peux dire que ça me parait un choixcohérent en fonction de son historique ? Surtoutsi elle veut aller faire ça dans un autre pays et quecela n’engage pas ma responsabilité médico-légale. Autrement, je suis obligé, si c’est enFrance, de la faire passer par un circuit médico-légal, je n’ai pas le choix.

Mikaël Quilliou :En tant qu’infectiologue, est-ce que vousregardez l’effet cumulatif entrel’hormonothérapie et une trithérapie ? Est-ceque vous demandez des dosages hormonaux ?De plus, on a parlé tout à l’heure del’ostéoporose par rapport à l’œstrogène qui estimportant pour l’os et pour le cœur. On saitmaintenant que l’ostéoporose est un problèmelié au VIH, comment est-ce que vous traitez ça ?Est-ce que vous y portez une attentionparticulière pour vos patientes Trans ?

Dr Casalino :Lorsque l’épidémie du sida a commencé, j’étaisjeune et tous mes patients aussi. Maintenantnous le sommes un peu moins et pourbeaucoup d’entre eux, je suis devenu aussi leurmédecin traitant en quelque sorte. Donc lesséropositifs vieillissent avec nous et forcémentle risque cardio-vasculaire commence à devenirun élément important, tout comme la fréquencedes éléments intercurrents de la vie tel que lecancer de la gorge, le cancer du poumon donton sait que certains peuvent augmenter enfréquence, du fait de la séropositivité. A cela ilfaut ajouter les effets indésirables destraitements antirétroviraux de type métaboliqueet on sait que l’augmentation des risquescardio-vasculaires sont une réalité, chez unepopulation en plus qui fume énormément et quia des risques cardio-vasculaires accruscomparés à la population générale d’âgeidentique. Les lipoatrophies sont un problèmemajeur sur lequel il faut que l’on travaille. On aaussi l’exemple des femmes qui prennent unecontraception orale et des antirétroviraux et onsait maintenant qu’il peut y avoir une inefficacitédans ce cas. Il y a aussi la volonté de grossessechez certaines femmes séropositives. Il y a donctoute une série d’éléments qui font que l’histoirede la maladie a été modifiée et que maintenanton passe beaucoup plus de temps à réfléchir àtout ce qui est connexe qu’à beaucoup dechoses qui étaient avant directement liées à lamaladie, puisque le VIH lui-même nous posemoins de problèmes.Je pense que la grosse difficulté que l’on a avecles Trans, c’est qu’avant on considérait quec’était une population un peu captive. Du fait del’ouverture « plus facile » des droits, maintenantquand un patient en a marre de moi ou de monservice, il peut aller se faire suivre dans un autrehôpital ; c’est un avantage, mais pour les effetsindésirables des médicaments, c’est un problèmemajeur. Vous savez le mot tolérance veut dire« porter un fardeau », donc le patient quand on luiparle de tolérance, il porte un fardeau ; mais le

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sens humaniste du terme tolérance, et c’est lavision que nous, médecins devrions avoir, ça veutdire « accepter la différence ». Quand un patientme dit, « j’ai la diarrhée et je n’en peux plus », jepars du principe que c’est vrai et c’est à moi deme couper en rondelles pour trouver une solution,trouver un traitement qui le calme ou changer samolécule.

Mikaël Quilliou :Y a-t-il des molécules que vous ne donnez pasà des personnes Trans ?

Dr Casalino :Mais oui. Donner quelque chose qui donne ladiarrhée sans cesse à quelqu’un dont la viesexuelle repose sur la sodomie, c’est unhandicap majeur. On est en train de se poser laquestion pour des comprimés qui feraient moinsbien bander et c’est une catastrophe. Après, ilfaut savoir exactement à quoi ça sert d’avoir 400T4 si la vie personnelle est malheureuse commeles pierres. Je suis donc convaincu que c’est unélément majeur dans le choix des traitements.

InteractionsOn doit aussi prendre en compte les interactionsavec les autres médicaments que le patientprend. D’après des études américaines, on saitqu’aujourd’hui 70 % des patients font del’automédication, c’est plus ou moins raconté aumédecin. Cela va du Toco 500 à l’Oligosolmachin et à l’homéopathie, pour lesquelles lesinteractions médicamenteuses ne sont pas trèsbien documentées. Il faut donc arriver à savoirréellement ce que prend le patient afin d’éviterles interactions avec les médicament prescrits etsurtout ne pas aggraver la fréquence des effetsindésirables, ce qui obligerait à modifier leschéma thérapeutique. Même si l’arsenalthérapeutique s’est enrichi, il n’est pas illimité,on est tous d’accord, et il faut préserver desstratégies afin d’être certain que dans 10, 20 ou30 ans, on pourra toujours proposer quelquechose à ce patient.

Le marché de la prostitution en région parisienneest faible. Maintenant, la population Trans doitdonc bouger en Europe et, en tout cas pour mespatientes, elles reviennent irrégulièrement, c’estun problème pour le suivi. Quand elles sont envoyage à l’étranger, on ne sait pas comment sepasse le traitement antirétroviral. Pour letraitement hormonal, je sais qu’elles vont letrouver puisque c’est un élément important pourelles, ce que je comprends, ça fait partie de leuridentité et c’est elles qui l’ont choisie. J’aimeraisseulement qu’elles prennent avec la mêmerigueur le traitement anti-VIH.

Hélène Hazéra :Rassurez-vous car, vous le savez bien, quand onne prend pas son traitement antirétroviral lafatigue vous tombe dessus très vite ; à moinsque la personne soit en vacances thérapeutique,si on arrête de prendre son traitement, très vitevotre horloge biologique vous rappelle que vousêtes en manque de ce côté-là et vous n’avezplus le même tonus.

Mikaël Quilliou :Docteur, comment vous vous y prenez ? Le VIHd’abord ? Est-ce que vous tenez compte destraitements hormonaux ? Est-ce que vousdemandez des dosages hormonaux ?

Dr Casalino :Je vous avoue que jusqu’à présent, je n’avaispas fait les dosages hormonaux puisqu’engénéral, c’était fait avec les endocrinologues ; letraitement hormonal doit être très adapté àl’individu et peut-être en fonction de la périodede l’année. On peut modifier les doses enfonction des besoins, du contextepsychologique, des besoins physiques. Jecomprends parfaitement bien quand le DocteurHasher parle d’artisanat, c’est de la régulationpermanente et de l’adaptation du traitement auxbesoins individuels qui varient entre aujourd’huiet demain. Ce n’est pas vraiment le cas pour lesantirétroviraux. On fait des dosages mais lesrééquilibrages de doses ne se font pas commeça, facilement, à cause de la galénique.

Gérald Sanchez d’Act Up-Paris.Tout à l’heure le Docteur Hasher a évoquél’exemple d’un traitement qui au départ n’avaitpas d’indication hormonale et dont on avaitrepéré les effets secondaires hormonaux. Onsait que dans l’histoire de l’industriepharmaceutique, c’est souvent en regardant deseffets secondaires que 10 ans après, ondécouvre qu’avec un de ces effets secondaires,elle se fait des millions avec, c’est comme çaqu’on a redécouvert le Viagra®, l’AZT et le 3TCetc. Je suis co-infecté VIH et VHC, et quand j’aifait ma cure d’interféron, j’ai pu découvrir lesplaisirs de la gynécomastie et autresdérèglements. Je pense que les hépatites sontune maladie qui doit concerner aussi pas mal demonde. Est-ce qu’il y a comme ça destraitements qui peuvent déstabiliser untraitement hormonal en cours ?

Dr Casalino :On sait qu’il y a une série de médicaments quiont ces effets. La gynécomastie n’est pasforcement un dérèglement hormonal, on ne saitpas exactement, ce sont des stimulations sur

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des cellules. La diminution de la libido ou del’érection ne sont pas forcément desdérèglements hormonaux non plus, on sait qu’ily a des problèmes de micro circulation, ce sontdes choses assez complexes. Dans lesdérèglements hormonaux, il y a parfoissimplement des interactions médicamenteuses ;par exemple, on prend certains anti-fongiquespour traiter des champignons, ils ont un effet unpeu écran comme l’a expliqué le Docteur Hashersur les effets des hormones, c’est extrêmementcomplexe.Avec l’interféron, on sait qu’il y a le problème dela gynécomastie, décrite d’ailleurs avec d’autresantirétroviraux, phénomène qui a étéfréquemment décrit chez des patientsséropositifs et parfois revient un peu tout seul, àla normalé ; on a fait dosages hormonaux et, àma connaissance, on n’a pas trouvé grandchose. C’est très difficile d’interpréter desrésultats de dosages hormonaux, ça dépend del’heure à laquelle on dose, dans quelle condition,à quel moment du cycle pour une femme etc.(…) Cela a été publié dans un congrés sur lesida. 70 % des patients disaient avoir eu à unmoment donné des troubles de l’érection plusou moins importants. Cet effet indésirable est liéà un médicament ; la preuve absolue du lienentre un effet indésirable d’un médicament etl’effet indésirable c’est que, quand on arrête, çadisparaît, et que quand on le réintroduit çaréapparaît. C’est ça la preuve absolue et c’estun faisceau d’arguments, ce n’est pas une véritéabsolue.

InteractionsDr Hasher :Concernant les interactions entre hormones etantirétroviraux, c’est excessivement complexe,multidirectionnel et plus vous prenez demédicaments, plus on ne sait plus ce qui faitquoi. Il faut faire un dosage pour connaître lestaux d’oestradiol ou de testostérone, c’est cemonitoring qui nous sert de guide pour navigueravec des données objectives. C’est trèsimportant car, par exemple, si vous avez un tauxd’oestradiol qui est à 40 ou 50 picogrammes parml, c’est pas bon parce que vous êtes en-dessous du seuil de protection osseuse etcardiovasculaire ; par contre s’il est de 60 et au-delà, là vous avez une protectioncardiovasculaire, mais si vous arrivez a 300, 400,500 ou 600 picogrammes, vous avez deuxsortes de risques : le risque d’accident thrombo-embolique grave mais également le risque decarcinogenèse mammaire qui peut provoquer uncancer du sein dû à l’excès d’hormones. Il estdonc important de connaître son taux

d’hormones surtout quand il y a plein demédicaments qui vont interagir.

Mikaël Quilliou :Imaginons le scénario avec une personne quiserait en échappement et qui aurait besoind’une trithérapie booster par du ritonavir(Norvir®). Est-ce que ça induit de fait unsurdosage de l’hormonothérapie ou pasforcément ? Quelle est l’incidence déjà du côtédes hormones ?

Dr Hasher :Effectivement, on s’est rendu compte que, parexemple le ritonavir qui est un booster, vabloquer un certain nombre de cytochromesd’enzymes, mais pas tous. Ce qui fait quel’hormone que vous allez prendre (en généralépurée par des voies accessoires d’éliminationdu médicament) et qui est censée augmenterconsidérablement dans le sang, et bien ne vapas s’élever.

Mikaël Quilliou :Et donc ça ne va booster l’hormonothérapie ?

Dr HasherNon, effectivement ça peut ne pas la booster,mais la seule façon de le savoir, c’est le dosagepuisqu’en théorie ça la booste, mais en pratiquepas trop.

Dr Casalino :La difficulté, c’est que nous n’avons pas assezde travaux pour en être certain. Pour leshormones c’est très variable car les voiesmétaboliques sont très complexes, d’où lesvariations. Ca dépend beaucoup de la réponsede l’individu, de sa capacité génétique àrépondre. Si j’étais confronté à un patient ou unepatiente qui doit prendre un traitement hormonalet un traitement antirétroviral, j’accorderais lamême importance à chacun des deux, je nedonnerais pas la priorité au traitement pour leVIH parce que c’est lui qui va lui sauver la vie, çalui sauverait la vie, mais c’est sa vie. Donc jem’acharnerais vraiment à essayer de donner lamême importance aux deux problématiques enen discutant avec mon patient.

Rapport YéniFrançois Berdougo. Dans le prochain Rapport Yéni, il y aura pour lapremière fois un petit chapitre sur les Trans,rédigé par le Dr Hasher. En France, on est enretard et j’aimerais savoir si vous avez desdiscussions avec vos confrères concernant lesuivi des Trans. Puisque j’imagine que vous

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n’avez pas découvert aujourd’hui les questionsque l’on se pose, à quel point ces questions sontdiscutées entre vous et les endocrinologues ?J’imagine que vous n’êtes pas le seul à êtreconfronté à des Transexuels séropositifs. DrCasalino, vous nous demandez quelleshypothèses nous faisions de l’invisibilité qui durejusqu’à présent sur la place des Trans dansl’épidémie. Je vous retourne la question, quellehypothèse vous faites ? Est-ce que c’est unsujet qui n’a absolument pas été discuté chezles médecins ? L’invisibilité des Trans séroposest-elle totale dans les services hospitaliers quiles reçoivent ? Il y en a quand même beaucoupà Paris.Au niveau français et européen, qui donne lesrecommandations sur la prise en charge desquestions de santé des Trans ? Si on vousdemandait ce soir de faire une liste de ce que vousidentifiez comme enjeux ou questionnementsd’investigation quelle serait-elle ?

Dr Casalino :Bon, je vais me jeter à l’eau. J’ai fait un constatd’échec tout à l’heure, je pense qu’il faut êtrehonnête, actuellement nous n’avons pas defilières identifiées pour une population Trans.C’est un constat d’échec du système hospitalier,on peut l’améliorer puisqu’il y a des réseauxinformels qui se sont créés, puisque lesmédecins suivent un certain nombre de patientsTrans et séropositifs, ils se posent des questionset interrogent des endocrinologues. Et si çavient d’être intégré cette année dans le RapportYéni, c’est que plusieurs personnes se sontposées la question, il y a donc une dynamiquepositive. Ce n’est pas parfait mais il y a un ventqui souffle plutôt dans le bon sens et on peutpenser que ça devrait s’améliorer. Comment ?Par une mobilisation des équipes pour qu’il n’yait pas de gestes maladroits. Il peut y avoir uneamélioration des filières, un travail en partenariatplus important et une véritable réflexion pouroptimiser les conditions de prise en charge. Parexemple, après une réunion comme aujourd’hui,j’aimerais poser la question à Gilles Peytavin surles dosages d’hormones et les antirétroviraux,regarder ce que ça donne, sûrement qu’il y a euquelques travaux et ça mérite qu’on les regarde,et peut être qu’on les complète. Une inquiétudeintellectuelle peut naître après aujourd’hui. Est-ce qu’on peut se faire le reproche de ne pas s’enêtre soucié ou inquiété suffisamment, alorsqu’on a des patientes Trans, effectivement. Maisil y a quelque chose de l’ordre de l’organisation,je ne suis pas endocrinologue et je considèrepeut être que j’ai réglé la question et que j’ai faitmon boulot, dès que j’ai posé la question àl’endocrinologue, mais un beau jour on se rend

compte qu’on n’était pas si fort que ça. Je prendl’exemple d’un patient qui m’a dit un jour qu’iln’arrivait pas à bander, je l’ai envoyé chez unurologue qui lui a juste donné un comprimé deViagra® ; mon patient a trouvé ça décevant. Cejour-là, je me suis dit que j’étais vraimentmauvais et j’ai commencé à dire qu’il fallait peut-être travailler différemment, que je vois la psy,que je discute avec l’urologue pour essayerd’optimiser les choses et les choses se sontfaites. C’est donc ce qu’il faut faire pour nospatients Trans. A Bichat dans le nord de Paris, jepense qu’il y a une file active beaucoup plusimportante et je compte m’en occuperbeaucoup plus, et m’y investir. Les chosesavancent.

Dr HasherConcernant les recommandations, ce n’est pasun consensus absolu. Je m’étais attelé àtraduire de l’américain les recommandations dela Harry Benjamin Association, je n’ai pas encoreterminé mais ça va venir. Je ne pense pas qu’il yait beaucoup de références aux problèmes duVIH, même si, dans ce protocole, il y a beaucoupde Trans contaminés, pourtant il n’y a pas derecommandations très précises sur lesinteractions entre l’hormonothérapie et lesantirétroviraux.Comme le disait le Dr Casalino, nous manquonscruellement d’études, elles sont rares. Il y acelles de Gooren qui est endocrinologue et quis’intéresse énormément à ce problème, c’esttrès intéressant mais très parcellaire. On abesoin maintenant d’études observationnelles,d’essais cliniques pour voir quel est le devenirdes personnes Trans sous antirétroviraux ethormonothérapie. On se base un peu sur ce quia été fait, par exemple sur la contraception, ça aété largement publié, comme l’associationéthynilo-estradiol et un progestatif quand on ades antirétroviraux. Quand on a un doute, parexemple sur un risque de taux hormonaux trèsélevés, on commence par un traitement à faibledose. Je suis diabétologue comme tous lesendocrinologues et je suis des diabétiques quiprennent de l’insuline tous les jours ; quand oninitie un traitement à un patient, on ne va pasrisquer de le faire tomber dans deshypoglycémies, donc il commence par desdoses faibles, il contrôle sur un carnet, fait luimême son dosage de glycémie et en fonction,va lui-même augmenter son insuline. Je penseque l’on devrait faire la même chose pour lestraitements hormonaux.

Mikaël Quilliou :En vous écoutant je me demandais s’il n’y a pas2 ou 3 collègues pour monter un essai avec

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24l’ANRS. On serait les premiers, en plus, lesfrançais. On pourrait poser des hypothèses surles effets cumulatifs ou plus simplement monterune cohorte d’observation. Il faudrait contacterDominique Costagliola et essayer de menercela.

Dr Hasher :La première étape pourrait être un observatoirepour identifier les problèmes de façon beaucoupplus rigoureuse puis quelles sont les stratégies.

Hélène Hazéra :Une des grandes difficultés de la prévention,c’est qu’en fait il y a plus ou moins deuxgroupes. Le groupe des personnes qui seprostituent dans la rue et qui a cet avantage quec’est facile d’aller les voir, leur parler deprévention et leur fournir des préservatifs.L’autre groupe qui lui ne se prostitue pas, estcomplètement disséminé dans la nature, il neconstitue pas une communauté que l’on puissetoucher directement, c’est difficile. J’ai un ami,un chanteur traditionnel breton qui est vraimenten plein milieu paysan breton pour ne pas leciter, qui m’a raconté une histoire incroyable ; àcôté de chez eux il y avait une ferme où vivaitune personne encore habillée en costumetraditionnel qui s’était faite elle-même uneopération assez rudimentaire. C’est pour direque cette personne n’a pas eu tout simplementaccès à la connaissance et à une filière. C’estpour dire aussi que ce n’est pas uniquement unphénomène urbain des grandes villes, qu’il y ena partout. Comment joindre ces personnes ?

Tom. On oublie aussi de dire qu’il n’y a aucune AMM(Autorisation de Mise sur le Marché) concernantles hormones et les personnes Trans en France,c’est-à-dire que l’on n’a jamais fait d’études detraitements, alors évidemment encore moins surles intersexes. Concernant les tests, c’est utilede savoir si on a affaire à une personne intersexeou trans, justement parce que la biologie n’estpas forcément la même chez les personnes. Capeut expliquer pourquoi certains traitements nemarchent pas, ou pas de la façon qu’onattendait, du fait justement de la chimie qui estdifférente quand on est une personne avec unpatrimoine génétique mixte ou une personne quia tout simplement une partie d’elle différente.Cela me semble important, et pas seulement lessexes chromosomiques parce que ça n’estqu’une petite partie des intersexes.

EssaisFabrice Pilorgé.

Quand je vous entends dire qu’il y a desdiscussions, des échanges entre lesinfectiologues, les endocrinologues, despsychologues et que ça donne uneconnaissance au cas par cas, on a vraimentenvie de motiver la création d’un groupe detravail qui unirait l’ensemble des acteurs. Lesprofessionnels de santé qui veulent bientravailler dans un cadre où ils n’ont pas le finalcut, pourraient essayer de faire un état des lieux,notamment dans le but de proposer desrecherches à l’ANRS, des recherches enépidémiologie, pourquoi pas aussi des travauxavec l’INPES. Une des choses sur lesquelles onbute toujours quand on essaye d’aborder laquestion, même dans d’autres endroits un peuplus ouverts, c’est le manque d’état des lieuxqui fait consensus. Ce qui veut dire qu’il y anécessité de faire un genre de groupe d’experts,mais en tout cas avec des, gens disons,reconnus dans leur profession et qui permettraitd’imposer après des formes derecommandations d’une part de prise en chargeet de ce qu’on peut en dire, mais aussi derecommandations sur quelles recherches à faire.Parce que, quand même, le but c’est d’avoir untout petit peu plus que vingt lignes dans leprochain rapport Yéni qui est pour dans deuxans. Nous avons donc, disons, un an et demi etmême moins si on veut que des équipes dechercheurs s’y intéressent sérieusement,commencent à : proposer des projets, parce quec’est bien beau de demander à l’ANRS de fairedes recherches mais faut-il encore desscientifiques pour les faire ; essayer de créer endehors des institutions, mais avec quelquesgaranties qui font qu’on peut être entendu parelles parce que ça ira plus vite ; et créer unemobilisation autour de ces questions-là.

Mikaël Quilliou :Ca pourrait être une mobilisation desassociations aussi.

Dr Casalino :Il y a un exemple. Il y a 4 ou 6 ans, on parlait desrisques cardio-vasculaires qui en étaient aumême point, puis, quand ça a décollé trèsrapidement, il y a eu des protocoles, destravaux, des congrès qui se sont mis en place.Et maintenant, il n’y a pas une revue où on netrouve un article sur la lipodystrophie, sur lesmaladies cardio-vasculaires, sur les interactions,sur les lipides etc. Donc, il faut une force motricequi permette le décollage parce qu’on abordeune population très précise avec uneproblématique mal étudiée. Quand j’ai fait desrecherches sur internet avant de venir, en

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croisant sociologie / trans / etc., j’ai trouvé destravaux sur les aspects sociologiques. Ce qu’ilfaut demander à l’ANRS, on va faire un travailsur ce sujet. Les éléments de base n’existentpas et il faut commencer par ça : peut-être deséléments épidémiologiques déjà, une étude decohorte pour suivre quelles sont lesproblématiques ponctuelles, pour identifier lesbesoins. Si on commence à aborder celle desinteractions des médicaments, desconséquences des traitements etc., ça va partirdans tous les sens, à moins que ce soit via desdosages et des choses très précises, mais çanécessiterait une réunion avec des pharmacienspour qu’ils aient des idées qui émergent.

Axel LéotardJ’aimerais revenir sur les injections de silicone,j’ai entendu que c’est quelque chose qui ne sepratiquait pas ou peu. C’est quelque chose quise pratique généralement à Paris. En général,les filles se l’injectent entre elles. Il y a 1 ou 2personnes qui injectent de la silicone qui vientsouvent d’Italie ; ça touche un public particulier.La deuxième chose, les surdosages hormonauxque l’on peut trouver sur la population fémininequi est persuadée qu’en prenant votreordonnance plus 4, 5, 8, 10, j’ai vu jusqu’à douzeampoules de Topasel par mois, il va y avoir uneaccentuation de la féminité. Est-ce que c’estquelque chose que vous avez déjà constatéchez vos patientes ? Si oui, lorsque cespersonnes sont séropositives et j’en connais uncertain nombre qui le sont, ça déclenchequelque chose, je pense aux nécroses, entreautres, sur les injections de silicone, j’ai vu pasmal de filles qui en avaient et chez qui ças’étendait très vite en quelques mois. J’ai vu despersonnes chez qui ça commençait par un pointrouge sur le menton, puis qui en avaient 2 ou 3,puis qui avaient le menton quasiment mangé. Engénéral, on commence par les traiter avec de lacortisone, les douleurs deviennent ingérables etquand elles ont de l’argent, elles finissent parpartir au Brésil où elles subissent desinterventions et on enlève la silicone. Qu’est ceque vous savez là-dessus ? Est-ce que vousvous êtes déjà posé des questions ? Est-ce quepour ces patientes vous avez conscience qu’il ya un surdosage ? Quel est le discours que vousleur tenez ? Est-ce qu’on a constaté quelquechose avec les trithérapies ? Qu’est-ce qu’il sepasse ?

Dr Casalino :A ma connaissance, il n’y a pas eu de discussionsur les interactions avec les antirétroviraux. Celaavait été discuté, au moment de la restauration

immunitaire. L’organisme est beaucoup plushyper réactif et il ne pourrait pas y avoir uneréaction inflammatoire plus importante, mais çan’a jamais été clairement démontré. Quelqu’unqui a plus de CD4, aura une réaction vis-à-vis dela silicone plus intense. Mais on pourrait seposer la question ; à mon avis, c’est un peu cherpayé, de préférer que les CD4 baissent pourgarder sa silicone, surtout qu’il n’y a aucunepreuve. De l’autre côté, sincèrement, je penseque de se faire des injections directes desilicone, c’est la pire des conneries qu’on puissefaire, c’est d’une irresponsabilité monstrueuse.

Mikaël QuilliouDonc comment l’abordez-vous avec vospatientes ? Parce que ça paraît être une choseaberrante et pourtant ça se fait.

Dr CasalinoJe pense que notre devoir est de le dire, c’estcomme un conseil de prévention, il ne faut faireque des implants dans des conditions optimalesde chirurgie. Je n’ai jamais entendu une patienteme dire que ça se faisait à Paris. Dans le temps,ça se faisait en Espagne. C’est extrêmementgrave, en plus c’est hypothéquer son capitalcutané et sa santé pour des années, pour enplus un truc qui esthétiquement est médiocre etne durera pas.

Dr Hasher :Par rapport à l’hormonothérapie et la silicone, jen’ai pas eu de cas, mais il n’y a pasd’interférences a priori. On sait effectivementque le silicone n’est pas anodin sur l’immunitémais je n’ai pas vu de cas de réactionsparticulières.Sur la question de la multiplication des dosesavec les trithérapies, on ne le voit pas, c’est-à-dire qu’on a des patients qui manifestementmanipulent les doses, mais concrètement pastrop. Par contre, j’ai vu une méthode qui estabsolument regrettable et qui consiste à passerle gel d’œstrogène au niveau mammairedirectement : alors, évidemment, c’est trèsdéconseillé car ça amène à des tauxexcessivement importants in situ, 100 foissupérieur à ce qui arriverait par la voie généraleet c’est très mauvais.Il y a des conseils à donner à toutes les femmesqui prennent des hormones féminines, que cesoit des femmes ménopausées qui ont untraitement ou les transexuelles, c’est de boire lemoins d’alcool possible. Les américains ont faitune étude très sérieuse qui a été publiée sur desinfirmières et ils se sont rendu compte que l’undes facteurs qui revenait le plus souvent dans

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les cancers du sein, c’était le fait de prendre plusde 3 apéritifs dans la semaine. Alors c’est vraique, nous autres médecins, nous sommes desempêcheurs de tourner en rond, mais il faut direla vérité aussi.

Mikaël QuilliouPas boire, pas fumer, quand on prend certainsmédicaments, on bande plus etc.

TomJe veux juste faire un petit commentaire, jetrouve qu’il faut quand même privilégier laqualité de vie. Je préfère pour moi une qualité devie meilleure et une vie plus courte, qu’une vieplus longue et moins bonne. Ca doit êtrediscuté, en tout cas avec les patients de façon àce que les priorités du patient soient celles quisoient prises en compte.

Mikaël QuilliouLa prochaine RéPI sera la 60ème, c’est énormepour une association. Ce sera fin septembre oudébut octobre et elle aura pour thème : diabèteet VIH.Un grand merci pour la qualité de l’échangeavec nos invités, pour leur disponibilité. Merciaussi à la collaboration entre la commissiontrans et la commission T&R, l’information circuledéjà à l’intérieur de l’association avant de vouloiraller l’exposer à l’extérieur. Le sous titre de cetteRéPI, c’était « après le silence » et je pensequ’on vient d’identifier un certain nombre dechoses à réclamer.

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Pour vous informer et lutterefficacement contre le sida, ActUp-Paris a progressivement mis enplace une série de médiasaccessibles à tous. Pour permettreà chacun de puiser aux meilleuressources l’information dont il abesoin. Et parce que plus quejamais, information = pouvoir.

¨action, la lettremensuelle

Action fait le point sur nos réflexions politiques, nosactions, leurs résultats (disponible par abonnement, 7 numéros par an, 15,24 € soit 100 F).

¨protocoles, bulletind’information sur lesessais cliniques encours

Protocoles présente une information mise à jourrégulièrement sur les essais thérapeutiques, les étudesphysiopathologiques et les études de cohorte menéesen France sur l’infection à VIH.Vous y trouverez lerésumé des essais en cours, les conditionsd’entrée, ainsi que le commentaire critique desmembres de la commission Traitements & Recherchesd’Act Up-Paris. Disponible par abonnement(équivalent à la couverture des frais d’envoi) : 7,62 €soit 50 Francs pour 6 numéros.

¨internet www. actupparis. org

Retrouvez protocoles en ligne, mais aussi les com-muniqués de presse, les infos médicales et sociales, les rendez-vous d’Act Up-Paris. Sur notre site :http://www.actupp.org/

¨pif, page des idées follesLa pif est le journal interne d’Act Up-Paris, il a pourbut d’améliorer la communication interne.La pif est ouverte à tous et à toutes.

¨les “répi” (réunions publiques d’information)

A Paris, elles ont lieu tous les deux mois depuis deuxans et abordent autant les maladies opportunistes queles traitements antirétroviraux, la nutrition, les essaiscliniques, les comptes rendus des principalesconférences scientifiques, les droits sociaux etc.Chaque RéPI donne lieu à la publication d’un dossiercomplet, ainsi qu’à un compte rendu adressés à toutepersonne qui en fait la demande (contre frais de port, 2,29 € soit 15 F). Des RéPI sont organisées enprovince.

¨information = pouvoirPour le moment trois brochures ont été éditées danscette collection d’Act Up-Paris : La premièreconcerne les essais cliniques pour les personnesatteintes par le VIH. Pour mieux comprendre le principedes essais, comment ils sont menés, ce que vouspouvez en attendre, les questions que vous devez vousposer avant d’y participer. La deuxième est un glossaire ayant pour but demieux comprendre les termes médicaux, d’interpréterson bilan sanguin, de participer plus activement audialogue ave son médecin. Une liste des institutions etassociations de lutte contre le sida complète cedeuxième numéro qinsi que de nombreuses pagessupplémentaires sur les hépatites dans le cadre desco-infections VIH / Hépatites. L’aide à la lecture desbilans a également été complété pour mieuxcomprendre les enjeux des examens liés aux hépatites.La troisième est un guide des droits sociaux quipermet une information claire et précise de tous lesdroits auxquels peuvent prétendre les personnesséropositives. Une liste plus complète des institutions,associations et administrations termine ce recueil.Pour en obtenir, écrivez à Act Up-Paris, BP 28775525 Paris cedex 11. (contre frais de port, 3,05 €soit 20F)

¨avec le soutien deensemble contre le sida