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NOUVELLEs ROUMANIE SOMMAIRE A la Une Lutte anti-corruption Schengen Gaz de schiste Trafic d'êtres humains Dossier Magyars Actualité Vie internationale Moldavie Politique Economie Social Actualité en images Société Evénements Faits divers Vie quotidienne Environnement Emigration Religion Enseignement, Sports Insolite, Page photos Connaissance et découverte Salon du livre Musique, Cinéma Mémoire Humour Abonnement Coup de coeur Numéro 77 - mai - juin 2013 Lettre d’information bimestrielle Les de F aut-il oublier ? Oublier les crimes, les malheurs, les souffrances, les cha- grins, les deuils, les séparations, les dénonciations, les désespoirs infligés à leurs peuples par des régimes scélérats ? Et faire comme si de rien n'était, hausser les épaules devant les décombres de vies brisées, les insultes à l'intelligence et à la dignité de chacun… Tourner la page sans autre cérémonie ? "Non bien sûr !" s'est exclamé Varujan Vosganian, lors d'un débat musclé du der- nier salon du Livre de Paris. Le ministre libéral de l'économie, qui présentait son der- nier livre, était mis sur le grill par des compatriotes qui lui reprochaient de cautionner les héritiers du communisme par sa présence au sein du gouvernement roumain actuel. "Non ! L'oubli n'est pas une solution, ce serait fuir, se réfugier dans des non-dits destructeurs pour soi-même et insultants pour les victimes" s'est-il enflammé, évo- quant le génocide dont son Arménie d'origine porte encore les stigmates, un siècle après. "Face à des passés aussi lourds que le notre, on n'a pas le choix. La démarche ne peut-être que volontaire. La vengeance… mais c'est exclus car elle rabaisse au niveau des tortionnaires, ou le pardon". Ce plaidoyer brillant provoqua quelques remous dans la salle. Pour chrétienne qu'elle soit, la terre de Roumanie n'implique pas immanquablement de tendre l'autre joue à celui qui vous a offensé. Encore ce pardon doit-il être sollicité par celui qui a pêché ! Encore faudrait-il que le pêcheur reconnaisse ses méfaits et ne continue pas, sous une forme arrogante à les exercer, à en profiter. En roumain, on dit "Pacatul mar- turisit e pe jumatate iertat"… Faute avouée est à moitié pardonnée. Cette question du pardon n'est ni contemporaine, ni roumaine. La mémoire du monde est remplie de récits d’atrocités. Et malheureusement, l'Histoire est un éternel recommencement. Pourquoi les bourreaux, les tyrans d'hier s'inquiéteraient-ils s'ils sont assurés de ne jamais être punis? Il y aura toujours un pays voyou pour les accueillir, un paradis fiscal pour mettre à l'abri la fortune amassée sur le dos de leurs concitoyens par des dirigeants corrompus! Bien souvent, ils pourront même se recy- cler comme de l'argent sale dans leur propre pays, sachant monnayer les complicités. "Nous avons créé des dizaines de commissions depuis la Révolution pour faire le ménage" s'est défendu le ministre, provoquant le scepticisme général de ses compa- triotes. Ce fin lettré avait-il oublié la célèbre formule de Clémenceau, lorsqu'il était président du Conseil : "Quand je veux enterrer un problème, je crée une commission"? Cette forme de mémoire apparaît un peu trop sélective. Le pardon à la va-vite est trop facile. Ne rejoint-il pas d'ailleurs l'oubli ? Et alors, puisqu'il ne peut-être question de vengeance, que reste-t-il pour ceux qui ont souffert… sinon le mépris? Henri Gillet L'oubli, la vengeance, le pardon 2 et 3 4 et 5 6 et 7 8 à 11 12 à 15 16 et 17 17 à 20 21 et 22 23 24 25 26 et 27 28 et 29 30 et 31 32 à 34 36 et 37 38 et 39 40 à 53 54 et 55 56 et 57 58 59 60

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ROUMANIESOMMAIRE

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Lutte anti-corruption Schengen Gaz de schisteTrafic d'êtres humainsDossier Magyars

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Vie internationaleMoldavie PolitiqueEconomieSocialActualité en images

Société

Evénements Faits diversVie quotidienne EnvironnementEmigrationReligionEnseignement, SportsInsolite, Page photos

Connaissance et découverte

Salon du livreMusique, CinémaMémoireHumourAbonnementCoup de coeur

Numéro 77 - mai - juin 2013

Lettre d’information bimestrielle

Les

de

Faut-il oublier ? Oublier les crimes, les malheurs, les souffrances, les cha-grins, les deuils, les séparations, les dénonciations, les désespoirs infligés àleurs peuples par des régimes scélérats ? Et faire comme si de rien n'était,

hausser les épaules devant les décombres de vies brisées, les insultes à l'intelligence età la dignité de chacun… Tourner la page sans autre cérémonie ?

"Non bien sûr !" s'est exclamé Varujan Vosganian, lors d'un débat musclé du der-nier salon du Livre de Paris. Le ministre libéral de l'économie, qui présentait son der-nier livre, était mis sur le grill par des compatriotes qui lui reprochaient de cautionnerles héritiers du communisme par sa présence au sein du gouvernement roumain actuel.

"Non ! L'oubli n'est pas une solution, ce serait fuir, se réfugier dans des non-ditsdestructeurs pour soi-même et insultants pour les victimes" s'est-il enflammé, évo-quant le génocide dont son Arménie d'origine porte encore les stigmates, un siècleaprès. "Face à des passés aussi lourds que le notre, on n'a pas le choix. La démarchene peut-être que volontaire. La vengeance… mais c'est exclus car elle rabaisse auniveau des tortionnaires, ou le pardon".

Ce plaidoyer brillant provoqua quelques remous dans la salle. Pour chrétiennequ'elle soit, la terre de Roumanie n'implique pas immanquablement de tendre l'autrejoue à celui qui vous a offensé. Encore ce pardon doit-il être sollicité par celui qui apêché ! Encore faudrait-il que le pêcheur reconnaisse ses méfaits et ne continue pas,sous une forme arrogante à les exercer, à en profiter. En roumain, on dit "Pacatul mar-turisit e pe jumatate iertat"… Faute avouée est à moitié pardonnée.

Cette question du pardon n'est ni contemporaine, ni roumaine. La mémoire dumonde est remplie de récits d’atrocités. Et malheureusement, l'Histoire est un éternelrecommencement. Pourquoi les bourreaux, les tyrans d'hier s'inquiéteraient-ils s'ilssont assurés de ne jamais être punis? Il y aura toujours un pays voyou pour lesaccueillir, un paradis fiscal pour mettre à l'abri la fortune amassée sur le dos de leursconcitoyens par des dirigeants corrompus! Bien souvent, ils pourront même se recy-cler comme de l'argent sale dans leur propre pays, sachant monnayer les complicités.

"Nous avons créé des dizaines de commissions depuis la Révolution pour faire leménage" s'est défendu le ministre, provoquant le scepticisme général de ses compa-triotes. Ce fin lettré avait-il oublié la célèbre formule de Clémenceau, lorsqu'il étaitprésident du Conseil : "Quand je veux enterrer un problème, je crée une commission"?

Cette forme de mémoire apparaît un peu trop sélective. Le pardon à la va-vite esttrop facile. Ne rejoint-il pas d'ailleurs l'oubli ? Et alors, puisqu'il ne peut-être questionde vengeance, que reste-t-il pour ceux qui ont souffert… sinon le mépris?

Henri Gillet

L'oubli, la vengeance, le pardon2 et 3

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Les NOUVELLES de ROUMANIE

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A la Une Les NOUVELLES de ROUMANIE A la Une

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La condamnation à une peine de prison ferme de l'ancienPremier ministre Adrian Nastase - sous la férule duquel nonseulement les grandes enquêtes étaient inimaginables, mais deplus les procureurs trop téméraires étaient limogés pourl'exemple - a brisé le mythe de l'impunité, profondément enra-ciné dans l'imaginaire politique roumain, générant une vaguede panique. La DNA de Morar a remué toutes les couches dela société roumaine atteintes par la corruption: gouvernement,Parlement, administration locale, justice, police, douanes,sport. Dans plusieurs cas, des réseaux de corruption tentaculai-re ont été détruits, comme le dossier des douaniers.

Une monumentale erreur de casting

La Roumanie a fourni bien peude personnages lumineux, capablesde changer les mentalités et les systè-mes, de préserver intacte leur intégri-té. Daniel Morar compte parmi eux.Le pouvoir politique, quel qu'il soit,commettra-t-il encore "l'erreur"monumentale de casting de laisser auhasard les rênes d'un tel contre-pou-voir et de permettre à des gens libresde l'exercer, comme ils l'ont fait avecMorar? Très peu probable: tropd'hommes d'affaires, de politiciensde haut vol et d'autres personnagesinfluents ont pu constater que, en l'absence de réseaux de cor-ruption, en l'absence de gens de confiance à des postes-clés ausein de la justice, rien ne pouvait plus leur garantir l'impunité.Pour eux, la présence d'hommes comme Morar à la tête desprocureurs anti-corruption les ramène à égalité avec le com-mun des mortels.

Les diplomates occidentaux se mettent le doigt dans l'œil

Les diplomates occidentaux, à Washington, à Londres,sont vite arrivés à la conclusion que le processus de nomina-tion de nouveaux procureurs-chefs "arrangeants" (via uneentente politique) doit être soutenu sans équivoque, afin quel'inter-règne qui dure depuis un an entre le Président en fin demandat et ses opposants à la tête du gouvernement qui espè-

rent bien récupérer la mise fin 2014, aille jusqu'au bout. Quitteà fermer les yeux sur leurs agissements et les libertés qu'ilsprennent avec la justice, tous étant d'ailleurs issus de la mêmefamille.

Mais croire que le nom de celui qui dirige une institutionaussi sensible et emblématique en Roumanie n'a pas d'impor-tance est une grande erreur. Ce raisonnement typiquementoccidental et un peu cynique fonctionne dans les démocratiesdéjà rodées. La Roumanie manque de mécanismes de vérifica-tion et de contrôle qui peuvent équilibrer le système et en assu-rer le fonctionnement, indépendamment de celui qui conduitles institutions. Si à la tête des institutions-clé arrivent des genscapables, avec une volonté réformiste, les choses avancent.

Sinon, la restauration est là. Vous, lesRoumains, vous n'êtes pas arrivés àquelque chose de plus sérieux après23 ans de démocratie, pourrait-ondemander ? Hélas, non.

Avec des procureurs médiocresou faibles qu'ils laissent s'installer enRoumanie, les Européens de l'Ouestapprendront bien vite où se trouvel'erreur. De même, les dérapages deBudapest ont été longtemps traitésavec indulgence, jusqu'au momentoù, à présent, il n'est plus possible d'yremédier. Ainsi, la Hongrie a outre-passé depuis longtemps la ligne

rouge de la démocratie.Pendant ce temps, la Commission européenne a annoncé

qu'elle ne modifiait pas son jugement sur les lacunes deBucarest en matière de corruption, exprimé dans le dernierrapport du Mécanisme de coopération et vérification (en vuede l'adhésion à l'espace Schengen), sur la nécessité d'une pro-cédure de sélection transparente des nouveaux procureurs enchef… Pour la galerie?

Dan Tapalaga (Revista 22)Dan Tapalaga est un journaliste et écrivain roumain né en

1975, qui écrit notamment pour le site Hotnews et pour l'heb-domadaire Revista 22. Il a aussi travaillé pour la BBC(Roumanie), Evenimentul Zilei et România libera. Il enseignele journalisme politique dans plusieurs universités roumaineset il a obtenu le prix 2012 du Groupe pour le Dialogue Socialpour ses articles sur la corruption.

de l'anticorruption claque la porte

l'incorruptible en échec

L e nouveau ministre de la Justice se montrera sans-doute compréhensif avec ses amis politiques.

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l Plutôt que d'accepter un poste honorifique, Dan Morar, 48 ans, le patron del'anticorruption a préféré claquer la porte de l'institution judiciaire pour dénon-cer l'ingérence des politiques dans la nomination des magistrats. Une pratique quicontribue à retarder l'entrée de la Roumanie dans l'espace Schengen estime dansles colonnes de Revista 22, la revue des intellectuels et démocrates roumains, lejournaliste Dan Tapalaga qui l'a côtoyé.

Le départ de Daniel Morar du poste de premier adjoint du chef du parquet dela Haute cour de cassation et de justice, le 5 avril, a énervé beaucoup demonde. Mais ce qui les a fâchés, ce n'est pas le départ en soi - qui en a ravi

plus d'un - mais la manière dont il l'a fait: en dénonçant publiquement l'entente poli-tique entre le président Traian Basescu et le Premier ministre Victor Ponta sur la nomi-nation des procureurs en chef à la Haute cour et à la Direction nationale anti-corrup-tion (DNA). La plupart s'attendait à ce qu'il se taise et avale le deal Ponta-Basescu, sur-

tout après que le président l'a nommé juge à laCour constitutionnelle.

Mais Dan Morar, ancien chef de la DNA,considère qu'il n'est redevable envers person-ne, et qu'il est libre de faire son métier jus-qu'au bout.

L'"homme de Basescu", comme l'appe-laient ses détracteurs, a commencé sa carrièreen s'opposant judiciairement au président (àl'époque ministre des Transports) sur le scan-dale surnommé "La Flotte" (des cas de cor-ruption présumée lors de la privatisation de laflotte marchande roumaine dans les années1990) et l'a finie également sur des positionsantagonistes à la sphère politique. Il a quitté lesystème après près de huit ans d'enquêtes,

prouvant, jusqu'au dernier instant, qu'il était tel qu'on le décrit: un procureur pur-sang.

Une force étrange sous un visage d'une grande pâleur

J'ai connu Daniel Morar avant qu'il ne prenne les rênes de la DNA. La ministre dela Justice, Monica Macovei, m'avait appelé en 2005 pour me prier de rencontrer quel-qu'un qu'elle pensait proposer à la tête du parquet national anti-corruption, qui ne s'ap-pelait pas encore DNA à l'époque. J'ai accepté.

Je me souviens seulement qu'il parlait peu et de manière appuyée, avec un fortaccent de Cluj et que son visage était d'une grande pâleur. Je ne me rappelle plus lesdétails, mais je sais ce que j'ai répondu à Macovei quand elle m'a demandé ce que jepensais de lui. Mi-figue, mi-raisin, je lui ai dit: "Il serait capable de t'arrêter toi, s'ilt'attrapait en train d'enfreindre la loi". Ce natif de Transylvanie, allant alors sur ses40 ans, d'apparence frêle, arborait toujours une mine grave. Il émanait de lui une forceétrange, et il avait une sorte de manière abrupte de tourner ses phrases. Son regard étaitperçant, son parler franc.

L'ambassadeur américain à Bucarest, Mark Gitenstein, devait par la suite exprimerpubliquement son admiration pour lui, une fois qu'il était devenu le chef de la DNA.Ancien avocat, l'ambassadeur a raconté, lors d'une visite effectuée par le procureurgénéral de l'état du Delaware, Beau Biden (le fils du vice-président des Etats-Unis), queles représentants du Département d'Etat ne tarissaient pas d'éloges sur ce "procureurpur-sang". Gitenstein l'appelait pour sa part le "procureur par définition". Je pense quec'est la meilleure description. Morar incarne l'austérité du procureur totalement dévouéà son travail.

Le coup de force de l'été dernier

perpétré par le Premier ministre

PSD Victor Ponta et son acolyte, le

président du Sénat Crin Antonescu,

visant à destituer le président

Basescu et s'emparer de tous les

rouages du pouvoir, avait eu comme

toile de fond la volonté de la

Direction Nationale Anticorruption

d'assainir les milieux politiques en

entamant des actions judiciaires

contre les élus les plus corrompus.

Le "putsch" avait échoué à cause du

holà mis par la Cour Constitution-

nelle, au terme d'une crise de deux

mois.

Autant dire que ces deux institu-

tions, empêcheuses de "magouiller

en rond", ne sont pas en odeur de

sainteté auprès des dirigeants

actuels. Justement, elles devaient

être renouvelées en partie, ou tota-

lement. Pendant plusieurs mois, le

Président et le gouvernement se

sont livrés à une partie de bras de

fer pour désigner les nouveaux titu-

laires, sous l'œil attentif de

Bruxelles. Finalement un terrain

d'entente a été laborieusement trou-

vé, chacun plaçant ses protégés et

sauvant la face.

Trois nouveaux juges ont été

nommés à la Cour constitutionnelle:

Daniel Morar, l'inflexible procureur

de la DNA, Mona Pivniceru, ancien-

ne ministre de la Justice, considérée

comme "arrangeante" avec le pou-

voir PSD et Valer Dorneanu.

Par ailleurs, Laura Codruta

Kövesi, Tiberiu Nitu et Alina Mihaela

Nica ont été désignés à la tête de la

DNA, du Parquet général et de la

Direction d'investigation contre le

crime organisé et le terrorisme

(DIICOT).

Enjeux de taille pourdes nominations

Sans illusion, le patron

l

Dan MorarJustice

L'ancien chef de la Direction Nationale Anti-corruption dérangeait trop.

Robert Cazanciuc a été nommé ministre de la Justice par le Premier ministre Victor Ponta. Sa nomination a été validéepar le président Train Basescu. Le nouveau ministre de la Justice est connu pour être un proche de Victor Ponta, ayantété collègue de faculté avec ce dernier. Il a exercé dans le domaine de la justice comme procureur au Parquet d'Ilfov,

puis à la Cour suprême de justice. Puis il a été directeur et sous-secrétaire du corps de contrôle de l'ancien Premier ministre AdrianNastase. Les critiques de la part du Parti démocrate libéral ne se sont pas fait attendre. Certains de ses membres considèrent queVictor Ponta n'a pas proposé un technocrate indépendant au poste de ministre de la Justice, mais plutôt un de ses subalternes, etque de par ce fait il "désire contrôler la justice".

Un proche de Ponta et Nastase, ministre de la Justice

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Les choses sont claires désormais: la Roumanie et la Bulgarie n'entreront pasavant longtemps dans l'espace de libre circulation Schengen, qui a aboli les contrô-les systématiques des passeports. Ainsi en a décidé le conseil ministériel européenqui s'est réuni début mars à Bruxelles. Leur dossier sera, au mieux, réexaminé à lafin de l'année, et rien ne dit que les Etats membres hostiles à l'entrée des deux paysauront, d'ici là, modifié leur point de vue pour leur permettre d'accéder, un jour, àl'espace sans frontières.

Un élargissement de l'EspaceSchengen - qui regroupe actuelle-ment vingt-deux pays - suppose

une décision à l'unanimité des Etats membres.Encouragés par la Commission européenne,qui estime qu'ils ont rempli leurs obligations,Bucarest et Sofia espéraient à la fin de l'an der-nier un vote favorable lors de la réunion desministres de l'intérieur des Vingt-Sept, jeudi 7mars, à Bruxelles. Ils ont finalement renoncé à introduire une demande.

Le Parlement européen avait, lui aussi, estimé que les deux pays avaient suffisam-ment progressé dans le domaine des douanes et du contrôle de leurs frontières, quideviendraient les limites extérieures de l'Union.

L'Allemagne voyait les choses d'un autre œil. Dans une interview donnée quelquesjours avant la réunion décisive, le ministre Hans-Peter Friedrich avait prévenu que sonpays émettrait un veto, notamment parce que la Roumanie et la Bulgarie ne combattentpas assez sérieusement la corruption: les administrations et les gardes-frontières reste-raient corruptibles. En définitive, les ministres concernés se sont bornés à un réexamendu dossier et ont renvoyé toute décision éventuelle au mois de décembre.

Les Pays-Bas s'étaient jusqu'ici montrés les plus hostiles, redoutant une nouvellevague d'immigration est-européenne alors que quelque 140 000 Roumains et Bulgares sesont déjà établis dans le royaume. Le nouveau gouvernement mis en place à La Haye atoutefois assoupli sa position, tout en exigeant que deux rapports successifs de laCommission prouvent des progrès de l'Etat de droit dans les deux pays.

En réalité, les Néerlandais n'étaient pas isolés. Abrités derrière eux, sept ou huit Etats(France, Belgique, Danemark, Finlande, Norvège, Suède, Suisse, Luxembourg) auraientvoté contre l'entrée dans Schengen des Roumains et des Bulgares. L'Allemagne a, elle,durci sa position en rejetant tout compromis alors qu'elle avait dans un premier tempsadmis le principe d'une ouverture des frontières en deux phases: maritimes et aériennesd'abord, terrestres ensuite. Face à l'hostilité de Berlin, le premier ministre roumain,Victor Ponta, a préféré renoncer à l'affrontement. Il a demandé au gouvernement alle-mand "un point de vue clair" sur les progrès que son pays doit encore réaliser. Il risquede ne pas obtenir de réponse avant les élections allemandes, à l'automne.

Arroseur arrosé

Dépité, Victor Ponta a d'abord indiqué que l'entrée de son pays dans Schengen neserait plus une priorité. Mais il a ensuite confié qu'il était "hors de question" de renoncerà cet objectif sur les instances de son rival, le président Traian Basescu, qui prône, lui,une lutte accrue contre la corruption des responsables politiques.

Il s'agit donc d'un échec majeur pour le Premier ministre roumain qui se retrouvedans la situation de l'arroseur arrosé: la Roumanie était sur le point d'être admise dansl'Espace Schengen, l'an passé, les réticences néerlandaises s'estompant jusqu'à ce queVictor Ponta déclenche avec ses alliés de la coalition gouvernementale une grave criseinstitutionnelle dans son pays pour s'emparer de la totalité des pouvoirs, provoquant ladéfiance de la communauté internationale et le raidissement de l'UE.

Mi-mars, invité de l'émission

"Dupa 20 de ani" diffusée sur la

chaîne privée ProTV, l'ambassadeur

d'Allemagne en Roumanie Andreas

Von Mettenheim a expliqué pourquoi

son pays ne se satisfaisait pas de la

mise à niveau de la Roumanie aux

normes techniques de sécurisation

des frontières et d'adhésion à l'espa-

ce Schengen.

Le diplomate allemand a notam-

ment évoqué l'impact de la corrup-

tion sur la sécurité aux frontières.

"Lorsque quelqu'un derrière un

bureau, ou même à la frontière, per-

met l'entrée d'une personne dans

l'espace Schengen contre une

somme d'argent, cela ne sert à rien

de remplir les conditions tech-

niques", a-t-il déclaré.

En outre, l'ambassadeur a préci-

sé que l'objection de Berlin à l'en-

trée de la Roumanie dans Schengen

n'avait rien à voir avec le contexte

électoral dans son propre pays, le

renouvellement des deux chambres

parlementaires allemandes devant

avoir lieu à l'automne et le thème de

l'immigration est particulièrement

sensible, mais qu'elle était détermi-

née par les points négatifs mis en

exergue dans le dernier rapport de

la Commission européenne sur la

justice roumaine.

A cet égard, abandonnant tout

langage diplomatique, il a ajouté que

"la corruption aux frontières est liée

à l'état général du gouvernement et

de l'administration". Andreas Von

Mettenheim a enfin affirmé que les

ressortissants roumains, en tant que

main-d'œuvre très qualifiée, ne

constituaient pas un problème dans

son pays.

Les pieds dans le plat

Les NOUVELLES de ROUMANIE A la Une

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Des centaines de personnes ont manifesté jeudi 28mars dans plusieurs villes de Roumanie contrel'exploration des gaz de schiste, se disant inquiètes

des risques pour l'environnement et pour la santé. "L'exploi-tation des gaz de schiste risque de contaminer la nappe phréa-tique et je ne veux pas que nous et nos enfants soyons amenésà consommer de l'eau infestée”, a déclaré à l'AFP l'un desmanifestants, Cristian Popescu, un fonctionnaire âgé de42 ans. Comme lui, quelque 300 personnes réunies place del'Université à Bucarest ont dénoncé la méthode d'extractiondes gaz de schiste, la fracturation hydraulique ou le fracking,qui consiste à injecter à haute pression dans la roche d'énormesquantités d'eau additionnées de sable et d'additifs chimiques."Cette technique controversée a été interdite par des payscomme la France et la Bulgarie car elle peut entraîner desséismes", a souligné Georgeta Mihail, 60 ans, ancienne profes-seur d'allemand.

Les protestataires ont appelé le gouvernement à révoquerdes décisions autorisant plusieurs groupes pétroliers, dont l'a-méricain Chevron, à lancer des opérations d'exploration."Chevron, go home" et "A bas les traîtres", ont-ils scandé, enréférence au Premier ministre social-démocrate Victor Ponta,qui s'était déclaré farouche opposant aux gaz de schiste alorsqu'il était en opposition, avant de se dire favorable à l'explora-tion, au début de cette année.

"Nous ne voulons pas être des cobayes"

A Bârlad (Moldavie), ville située à proximité d'un bloc de600 000 hectares pris en concession par Chevron, près d'unmillier de personnes se sont rassemblées devant l'église SaintIlie, faute d'autorisation à manifester au centre ville. Ils ontnotamment assisté à une messe avant d'écouter un prêche del'archiprêtre Vasile Laiu, fer de lance de l'opposition locale à la

fracturation hydraulique. "Nous ne voulons pas êtreles cobayes de ceux qui soutiennent cette tech-nique", a-t-il lancé. Interrogé sur son refus d'autori-ser une manifestation dans sa ville, le maireConstantin Constantinescu a affirmé qu'il ne voulaitpas que "Bârlad devienne le centre mondial des pro-testations contre les gaz de schiste".

Des centaines de personnes ont égalementmanifesté à Buzias, ville célèbre pour ses eauxminérales, visée par un projet d'exploration des gazde schiste d'Universal Premium, filiale d'un groupebasé à Luxembourg. Un rapport de l'Agence améri-caine d'Information sur l'énergie qui manifeste ungros appétit en la matière estime que les ressourcesde la Roumanie, Bulgarie et Hongrie totaliseraient538 milliards de mètres cubes de gaz de schiste.

Gaz de schiste : l'appétit de Chevron provoque des manifestations à travers le pays

Schengen : c'est niet pourla Roumanie et la Bulgarie

UE

L'exploitation du gaz de schistefait donc l'objet de mouve-ments de contestation en

Roumanie et en Bulgarie. La Russie, quia intérêt à conserver son monopole éner-gétique, n'y est peut-être pas étrangère,estime la presse roumaine.

Moscou tente d'empêcher l'exploita-tion du gaz de schiste roumain, qui rédui-rait la dépendance énergétique de laRoumanie et de l'Union Européenne vis-à-vis de la Russie, assure EvenimentulZilei. "La guerre du gaz de schiste a com-mencé à Bârlad", écrit le quotidien buca-restois qui se fonde sur un rapport améri-cain rédigé par Keith Smith, un analysteen énergies, ancien ambassadeur US dans

les Pays baltes… qui est égalementconsultant auprès de multinationalesaméricaines, alors que le géant américainChevron fait des pieds et des mains pourse faire octroyer d'immenses concessionsdans cette région prometteuse.

Selon ce rapport, les Russes seraientderrière les révoltes qui ont eu lieu à lafois en Bulgarie où l'interdiction de l'ex-ploitation des gaz de schiste a été votéepar le Parlement en catimini et enRoumanie.

Depuis un an, les révoltes contre l'ex-ploitation du gaz de schiste se multiplientdans les Carpates. "Moscou financeraitmême les ONG environnementales" sou-tient le consultant américain.

"Une main russe" serait ainsi derriè-re les protestations contre les forages àBârlad, dans l'est de la Roumanie, où plusde 8000 personnes ont manifesté le 27février contre l'exploitation des gaz deschiste.

Parmi les manifestants venus de plu-sieurs provinces, on comptait des hom-mes politiques mais aussi des prêtres.Pendant ce temps, le gouvernement rou-main mène une politique équivoque surce dossier. Fin janvier, le Premier minist-re Victor Ponta - après avoir annoncé auprintemps 2012 qu'il était opposé auxforages - a changé de position sur le sujeten déclarant soutenir l'exploration desgaz de schiste.

Une contestation orchestrée par Moscou selon les Américains

Les frontières de Schengen sont toujoursfermées pour les Roumains et Bulgares.

Energie

Un millier de personnes ont manifesté à Bârlad contre les prétentions de Chevron de se réserver un périmètre de 600000 hectares

dans la région pour l'exploration des gisements de gaz de schiste.

lBARLAD

l BUZIAS

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Au nom d'une culture de la sou-

mission de la femme, les victimes de

trafics d'êtres humains refusent sou-

vent de témoigner contre leurs bour-

reaux. Même si une dénonciation

peut déboucher sur l'obtention de tit-

res de séjour temporaires. Placées

dans des centres ou associations où

elles ne restent guère, ces naufra-

gées de la traite humaine, qui se liv-

rent par ailleurs à une mendicité

massive, sont souvent reprises dans

des réseaux. Par l'effet de l'ouverture

des frontières mais aussi de la

démocratisation des moyens de

transport qui les font souvent débar-

quer en France, à Beauvais, termi-

nus des compagnies low-cost, ces

esclaves du XXIe siècle alimentent

un trafic planétaire d'un autre âge et

en plein essor.

Selon l'ONU, la traite des êtres

humains, qui porterait sur environ

2,4 millions de personnes, a rapporté

26,4 milliards d'euros en 2012. Ce

qui hisse ce fléau au troisième rang

du crime organisé, juste derrière le

négoce d'armes et la contrefaçon.

Les réseaux de traite des êtres humains sont revenus sous le feu judiciaire, finmars. Le tribunal correctionnel de Paris a jugé les Hamidovic, famille de Tziganesdébarqués de Bosnie-Herzégovine pour contraindre des mineurs à voler dans lemétro, et, dans le cadre d'un autre procès, un groupe de proxénètes roumainsayant réduit plusieurs dizaines de femmes à l'esclavage sexuel dans Paris.

Ces affaires, bien qu'ayant défrayé la chro-nique, ne sont que la partie émergée d'un ice-berg auquel s'attaquent les forces de l'ordre.

L'Office central pour la répression de la traite des êtreshumains (Ocrteh) a enregistré en France le démantèle-ment de 52 réseaux internationaux en 2012, soit treize deplus qu'en 2010. Dans le lot, 23 filières étaient animéespar des ressortissants venus de Roumanie. Lors de coupsde filet menés à travers le territoire, les policiers ontinterpellé l'année dernière pas moins de 572 proxénètes.Dont 130 exploiteurs sexuels de nationalité roumaine.

"La montée en puissance des gangs de l'Est cor-respond à une réalité forte et leur répression est érigéecomme un de nos objectifs majeurs", note le commissai-re Yann Sourisseau, patron de l'Ocrteh, pour qui ce phé-nomène remonte aux années 1990. "Au départ, il s'agis-

sait de micro-réseaux dirigés par des chefs de famille ou de clan, vivant çà et là dansdes campements et organisant la prostitution de femmes de leur communauté commemoyen de subsistance, observe le policier. Belles-sœurs, cousines ou filles d'"amis",elles bradent leurs charmes à raison de 30 à 50 euros la passe dans des voitures sta-tionnées sur le bord de routes départementales ou à l'abri de secteurs boisés situés àla périphérie des villes de province…".

Parfois tatouées comme du bétail

Au fil des années, des gangs criminels plus organisés se sont greffés sur ce terreauartisanal pour "marchandiser" des stakhanovistes du sexe à une échelle quasi indus-trielle. Le travail en profondeur s'est traduit par l'arrestation de quelque 1300 racoleu-ses sur la voie publique. "Recrutées notamment parmi des familles misérables ayantcontracté des dettes dans leur village d'origine, ces victimes acceptent de travaillerpour le compte de créanciers gravitant dans la sphère mafieuse", précise YannSourisseau. Nombre d'entre elles ne découvrent leur sort qu'une fois arrivées enFrance, en Italie ou en Espagne. Parfois tatoué tel du bétail sur les reins ou entre lesomoplates où est inscrit le nom de code de leur souteneur, ce "cheptel" humain est sou-mis à l'abattage des rencontres tarifées.

En 2011, les policiers ont établi qu'en deux ans six prostituées avaient dégagé370 000 euros de bénéfice. Le chef de réseau, retranché comme souvent à l'étranger,s'était fait construire une maison de trois étages sur les bords du Danube. Et avait ache-té une Maserati, une Mercedes ainsi qu'une BMW série 6, toutes confisquées lors d'uneopération menée au terme de deux ans d'enquête.

"De longs mois sont nécessaires pour démanteler ce type de filières, confie-t-on àla Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). Il s'agit d'établir les liens existantsentre les victimes, qui ne parlent pas français et vivent sous nombre d'alias, ainsi queleur degré de subordination aux réseaux afin d'identifier les logeurs, financiers etlogisticiens menant aux cerveaux présumés tirant les ficelles à plusieurs centaines dekilomètres de distance".

Christophe Cornevin (Le Figaro)

l

l

CHISINAU

La police espagnole vient d'interpeller 19 personnesdont les membres et chefs présumés de deuxréseaux qui exploitaient sexuellement de jeunes

mineures, de nationalité roumaine. Selon les premiers élé-ments, elles étaient recrutées avec une fausse promesse de tra-vail, leur faisant miroiter que, dès leurs 18 ans, elles pren-draient soin de personnes âgées,effectueraient du baby-sitting outravailleraient pour les servicesde l'État. Mais à leur arrivée, lessuspects les avaient obligé à seprostituer au sein du "Dallas" età endurer, sous un régime desemi-esclavage, des journées de'travail' allant de 12 à 14 h, sousla menace de coups ou de viols.Pas moins de 215 victimes ontété identifiées, qui auraient étécontraintes de vendre leur corpsdans cette maison close, générantun chiffre d'affaires d'environ60 000 € par jour.

L'enquête, débutée il y a unan environ, a permis de mettre au jour deux organisations. Lapremière, une structure pyramidale, était constituée d'habitantsde la ville de Braila dont sont originaires la majorité des filles.Les investigations ont montré que la tête du réseau avait prisde nombreuses précautions comme changer d'adresse, de voi-ture, de portable et se faire accompagner d'un garde du corps.Il se vantait de dépenser jusqu'à 14 000 € en une nuit.

Pistées par les proxénètes grâce à leurs empreintes digitales

Le deuxième réseau était chargé de régenter la maisonclose d'Agullana, propriété d'un couple domicilié à Valence,d'où il contrôlait en temps réel ce qui se passait dans leur entre-prise grâce à un système de vidéosurveillance. Les fillesdevaient déposer leurs empreintes digitales au début de chaquejournée et avant chaque passe. Les données étaient envoyées àun ordinateur central installé dans le club, et permettant de lespister à des centaines de kilomètres à la ronde.

Comme cela se pratique ailleurs, les gérants exigeaientque les filles leur versent 70 € par jour pour le logement et sonentretien et ils facilitaient l'accès aux éponges sexuelles pourleur permettre de se prostituer pendant leurs règles et de ne pasêtre pénalisées. En outre, elles devaient s'acquitter de 5 € pourl'électricité, 2 pour chaque rouleau de papier toilette, 7 pour lesavon et devaient participer à l'achat des préservatifs, lubri-fiants, lessive, nourriture, eau, boissons et tabac. Enfin, elles

étaient obligées de faire, à leurs frais, un test sanguin chaquemois, leur seule permission de sortie. Mais là, un système debrouillage était mis en place pour qu'elles ne puissent pas uti-liser leurs portables.

Avec la complicité de chauffeurs routiers

Pour faire sortir l'argentd'Espagne, le réseau bénéficiaitde la collaboration de chauffeursroutiers qui effectuaient le trajetjusqu'en Roumanie et transpor-taient les filles qui finissaientaux mains des proxénètes. Undes lieutenants du club, de natio-nalité allemande, aurait organiséle transfert de l'argent, loué desimmeubles aux proxénètes.L'homme posséderait une flottede chauffeurs transportant lesfilles jusqu'au club et vice-versamoyennant 15 euros le trajet.

L'argent aurait été blanchidans diverses sociétés écrans, notamment commerciales (capi-tal total estimé à plus de 11,5 millions d'euros), dans de nom-breuses propriétés (valeur: 2 M€), plusieurs véhicules de luxeet même un bateau de 10 mètres. Des perquisitions ont étémenées dans 5 maisons et au Dallas tandis que 101 290 € enespèces ont été saisis, deux revolvers, des munitions, neufvéhicules, près de 2000 mandats de transferts d'argent, diversmatériels informatiques, des téléphones portables et desbijoux. Deux des chefs du réseau basé en Roumanie sont sousle coup d'un mandat d'arrêt et cinq autres personnes seraientimpliquées.

L'Indépendant (Perpignan)

215 jeunes prostituées roumaines esclaves au "Dallas", à la frontière franco-espagnole

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ARAD

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572 proxénètes arrêtés en 2012 en France et 23 filières de prostitution démantelées

Prostitution

Refus de témoigner

Trafics d'êtres humains venus de l'Est

Prostitution

Les jeunes femmes étaient obligées d'enchaîner les passes 12 à14 h par jour, sous vidéo surveillance pour contrôler les cadences!

AChesint, à une trentaine de kilomètres d'Arad,dans les Apuseni, les bergers ont vécu une nuit decauchemar, début avril. Des loups affamés ont

attaqué une bergerie, en bordure d'une forêt et proche du villa-ge, tuant 23 moutons et emportant les carcasses de dix autres.Ce genre d'évènement se produit de plus en plus souvent, lenombre de loups étant en augmentation constante à la suite dela règlementation les protégeant mais, habituellement, on nedénombre qu'un ou deux animaux tués. Les bergers ne sontautorisés à posséder que deux chiens, vite dépassés quand lesattaques ont lieu en meute, et ne veulent pas effrayer les villa-geois en élevant des molosses.

Attaques de loups près d'Arad

Une affaire d'ampleur exceptionnelle liée à l'exploitation de prostituées a éclaté, fin février, au Dallas, une maison closesituée à la frontière franco-espagnole, côté Espagne, sur la route nationale entre la Jonquera et Figueres, à quelques dizai-nes de kilomètres de Perpignan.

Page 5: ROUMANIE 77

A la Une

7 % des 20 millions de Roumains

Partie intégrante de l'empire austro-hongrois, laTransylvanie, où vit une majorité de Roumains, a été intégréeà la Roumanie en 1918, à la fin de la première guerre mondia-le. Après la chute des dictatures communistes en Europe cen-trale et orientale en 1989, Bucarest et Budapest ont eu du malà trouver un équilibre au sujet de la minorité hongroise qui viten Transylvanie: 1,4 million de personnes, soit 7 % des20 millions de Roumains. L'adhésion des deux pays à l'UE - laHongrie en 2004, la Roumanie en 2007 - avait calmé lesesprits.

Mais l'arrivée de Viktor Orban à la tête de la Hongrie, enavril 2010, a changé la donne. Le premier ministre a peu à peumonopolisé le pouvoir et a pris un virage nationaliste quiaffecte les relations avec ses voisins. "Nous allons construireun pays où nous ne travaillerons plus au bénéfice des étran-gers, a-t-il déclaré le 22 février lors d'un discours sur l'état dela nation. Nous allons intégrer tous les Hongrois qui viventdans le bassin des Carpates ou ailleurs dans le monde".

Depuis 2011, la Hongrie offre aux minorités hongroisesdes pays voisins - Roumanie, Slovaquie, Serbie - des passe-

ports hongrois qui leur donnent le droit de voter. Cette initiati-ve, très mal vue par l'Union Européenne, devrait permettre auparti Fidesz de Viktor Orban de ramener des électeurs aux pro-chaines élections législatives prévues au printemps 2014. Maisle prix de ce calcul électoraliste pourrait bien s'avérer élevé.

Boycott d'un match… à huis clos

A Bucarest, cette longue polémique a toutefois pu servirde diversion au gouvernement, au moment d'aborder des ques-tions délicates, telles que les hausses d'impôts et les futurespréfectures dans le projet de régionalisation du pays.

Enfin, dans ce contexte de tensions, le Premier ministreroumain Victor Ponta a déclaré qu'il renonçait à assister aumatch de la Roumanie face à la Hongrie en phase préliminai-re de la Coupe du Monde 2014 de football, le 22 mars, bienqu'il y ait été invité. Un spectateur de moins pour un match quis'est joué à huis clos au stade Ferenc Puskas de Budapest, laHongrie ayant été condamnée en janvier par la FIFA à causedu comportement raciste de ses supporters lors d'un matchamical contre Israël l'été dernier.

Mirel Bran (Le Monde)

Les NOUVELLES de ROUMANIE

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Les NOUVELLES de ROUMANIE

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A la Une

Les Hongrois de Roumanie

Un drapeau instrumentalisé

Un petit drapeau bleu que traverse une bande dorée surmontéedu Soleil et de la Lune: le symbole des Sicules, minorité d'origine hon-groise qui habite au centre de la Roumanie, est devenu source de ten-sions entre les Hongrois et les Roumains. Le conflit a commencé le31 janvier lorsque le gouvernement de Bucarest a nommé un nouveaupréfet pour la région de Covasna où vit une majorité de Sicules. La"crise du drapeau" focalise l'attention des élites politiques et diploma-tiques des deux pays et fait couler beaucoup d'encre dans leur presse.

Lors de la cérémonie d'investiture, le drapeau de cette minoritéavait été enlevé de la salle, provoquant un tollé au sein de lacommunauté locale. "Je suis très fier d'être un Sicule, les

Roumains doivent comprendre que nous sommes attachés à nos sentiments natio-naux et à nos symboles", avait déclaré Tamas Sandor, le président du conseil régio-nal de Covasna. L'incident aurait pu en rester là, d'autant que la justice roumaineavait donné raison à la minorité sicule en lui reconnaissant le droit d'utiliser ses sym-boles ethniques. Mais l'affaire est remontée très haut, au point de troubler les rela-tions roumano-hongroises.

Le 5 février, le secrétaire d'Etat au ministère des affaires étrangères hongrois,Nemeth Zsolt, a ainsi usé d'un ton martial. "Les Hongrois de Roumanie ont subi uneagression symbolique à laquelle les Hongrois de Hongrie doivent répondre", a-t-ildéclaré en demandant aux maires de son pays d'arborer le drapeau sicule en signe desolidarité avec la minorité hongroise de Roumanie. Le lendemain, le premier minis-tre roumain, le socialisteVictor Ponta, a violem-ment réagi. "Nous n'ac-ceptons pas que d'autresnous donnent des leçonssur la façon d'appliquerles lois en Roumanie, a-t-ilaffirmé. Il s'agit d'uneinsolence".

"Etat multinational"

Poussé par le chef dugouvernement, le ministredes affaires étrangères roumain, Titus Corlatean, a convoqué Fuzes Oszkar, l'ambas-sadeur hongrois à Bucarest, pour lui signifier l'intransigeance de la Roumanie à cesujet. A la suite de cette rencontre, ce dernier a déclaré sur une chaîne de télévisionque la Roumanie devrait modifier l'article 1 de sa Constitution pour changer la déno-mination "Etat national" par "Etat multinational". "Les minorités représentent 20 %de la population roumaine, a-t-il déclaré. Les droits des Sicules n'ont pas été respec-tés. Je soutiens leur autonomie culturelle et territoriale. L'article premier de laConstitution roumaine devrait mentionner un Etat roumain multinational." L'ire desautorités roumaines ne s'est pas fait attendre. "Si l'ambassadeur hongrois va au-delàde ses attributions, nous lui fermerons toutes les portes", a rétorqué le ministre desaffaires étrangères roumain.

Ces tensions interviennent en pleine réforme administrative en Roumanie.Bucarest compte regrouper les quarante et un départements dans huit grandesrégions, ce qui diluerait le pouvoir des élus locaux Hongrois. Bucarest envisageaussi une réforme de la Constitution qui inquiète la minorité hongroise. Le rêve d'unretour de la grande Hongrie commence à échauffer les esprits en Transylvanie,région longtemps disputée par la Roumanie et la Hongrie.

relancent le débat sur la question de leur autonomieMagyars

La "Guerre du drapeau" avec

Bucarest est en même temps un formi-

dable levier politique en Hongrie: un

traumatisme dans la mémoire collective

nationale depuis le traité de Trianon, en

1919, qu'il est facile d'exploiter, tantôt

pour souder la nation derrière son lea-

der, tantôt pour faire diversion. Porter

assistance aux quelques 2,5 millions de

Hongrois de Rouma-nie, de Slovaquie,

de Serbie et d'Ukraine, c'est aussi un

devoir constitutionnel pour Budapest, en

vertu de la nouvelle Constitu-tion adop-

tée le 1er janvier 2012.

Ces politiques nationalistes soute-

nues par les autorités hongroises soulè-

vent des controverses avec les Etats

voisins. En Roumanie, les préfets des

deux départements où les Hongrois sont

fortement majoritaires - Co-vasna et

Harghita - ont décidé d'interdire l'usage

du drapeau sicule de la minorité hon-

groise sur les bâtiments privés et

publics. Derrière ces bisbilles diploma-

tiques et cette "guéguerre" des dra-

peaux, c'est de l'autonomie territoriale

du pays sicule qu'il est question, soute-

nue par Budapest, refusée par Bucarest.

Lors d'une interview à la télévision rou-

maine, l'ambassadeur hongrois a affirmé

le soutien de Budapest à l'autonomie

territoriale d'une partie de la

Transylvanie où les Sicules sont majori-

taires, appuyé peu après par son minist-

re des Affaires étrangères. Hunor

Kelemen, président du principal parti

hongrois de Roumanie (l'UDMR), a

dénoncé l'ingérence de Budapest et

affirmé que "le sort du drapeau sicule

n'est pas dans les mains des politiciens

hongrois".

Le vendredi 30 août 1940, à 15 heures, dans la salle d'Or du Palais Belvédère de Vienne, la Roumanie, représentée parson ministre des Affaires extérieures Mihail Manoilescu et Valter Pop, signait le fameux "Diktat de Vienne", cédant à laHongrie de l'amiral Horthy tout le nord ouest de la Transylvanie. Bucarest avait été contrainte d'accepter "l'arbitage"

imposé par Hitler et Mussolini pour complaire à leur allié hongrois. Budapest récupérait ainsi 43 492 km2 de l'ancien empire desHabsbourg, 2 667 000 habitants dont 50,2 % de Roumains, 37,1 % de Hongrois, 2,8 % d'Allemands, 5,7 % de Juifs et 4,3 % d'au-tres origines.

Ainsi s'achevait le démembrement de laGrande Roumanie, le pays étant dirigé par le roiCarol II et le gouvernement Gigurtu. Il avait étéimpulsé un an plus tôt, le 23 août 1939, par lasignature du protocole secret figurant dans le pacteRibbentrop-Molotov, prévoyant la cession de laBessarabie, du nord de la Bucovine et de la régionde Cernauti (Tinutul Herta) à l'Union Soviétique,imposée aux autorités roumaines par l'ultimatumque Moscou leur envoya le 26 juin 1940, laRoumanie ayant deux jours pour s'y soumettre.

Les Roumains devront avaler une autre cou-leuvre dans la foulée en remettant le quadrilatèredu sud de la Dobroudja à la Bulgarie, à la suite dutraité de Craiova, signé avec ses voisins, le 7 sep-tembre 1940. L'occupation de la Transylvanie parles Hongrois se traduira par de nombreuses atroci-tés, destructions, expulsions, mises en œuvre parl'armée hongroise, des groupements paramilitaires,des "kommandantur" et services de police hon-grois étant installés dans les villes-préfectures dechaque judet occupé. Au total, plus de 500 000Roumains seront expulsés.

Nouvelles tensions au pays des Sicules

Le "Diktat de Vienne" : plus de 500 000 Roumains expulsés

Le 30 août 1940, la Roumanie est contrainte d'abandonner toute la Transylvanie du Nord à la Hongrie, alliée d'Hitler. Quelques semaines plus tôt, suite à la défaite

de la France, son amie, elle avait déjà cédé la Bessarabie, la Bucovine du nord, la région de Cernauti à Staline et le quadrilatère sud de la Dobroudja à la Bulgarie.

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A la Une

Je donne des cours de graphisme deux jourspar semaine en Roumanie à Nagyvarad (Oradea,en roumain). Je le prends comme une façon d'ai-der la communauté, de faire mon devoir vis-à-vis d'elle. Beaucoup de mes étudiants ont obtenurécemment la citoyenneté hongroise, pourtantils ne veulent pas forcément venir travailler icien Hongrie.

Mais même s'ils le font, ils iront à Budapestexactement de la même façon que l'on vient deKaposvar (dans le sud de la Hongrie) oud'ailleurs, car pour les Hongrois de Roumanie,Budapest a toujours été notre capitale, pasBucarest. Le besoin d'émigrer est de toute façonmoins pressant qu'avant car les niveaux de vie des deux paysse sont équilibrés et si on veut vraiment partir de Roumanie, cen'est pas plus pour aller en Hongrie, mais ailleurs en Europe.

Méfiance envers la politique de Viktor Orban

Je sais que beaucoup de non-Hongrois ne comprennentpas et prennent mal ces mesures d'Orban sur l'octroi de lacitoyenneté, mais ça m'est égal, car ça permet de renforcer l'at-tachement d'une personne à la nation. On parle de citoyenne-té, mais ce n'est pas un "big deal", juste un bout de papier aveclequel on peut obtenir plus tard un passeport.

C'est bien pour nous quand on va à l'étranger par exemple.En entrant en Angleterre, un douanier m'a demandé ma natio-nalité, j'ai naturellement répondu "Hongrois" - puisque pournous nationalité et citoyenneté sont différentes - et il s'est éner-vé quand il a vu mon passeport roumain. Les Hongrois deRoumanie sont très méfiants vis-à-vis de la politique hongroi-se. Le référendum de 2004 a été un tournant, beaucoup ont été

dégoûtés par la gauche et se sont tournés vers la droite, maisont pris aussi leurs distances avec la politique hongroise [3].

Nous n'aimons pas être manipulés, nous n'aimons pasqu'Orban s'ingère dans nos affaires, en voulant créer un autreparti hongrois en Transylvanie par exemple. D'ailleurs, je trou-ve ça un peu pathétique quand j'entends chanter l'hymne sicu-le ici à Budapest" [4].

Corentin Léotard (Le Courrier des Balkans)[1] Au début des années 2000, beaucoup de jeunes arbo-

raient un t-shirt avec écrit: "Je suis Hongrois, pas un touris-te!", ndlr.

[2] La question des minorités hongroises a été complète-ment occultée et taboue en Hongrie et dans les pays frères dubloc socialiste, ndlr

[3] le 5 décembre 2004, les Hongrois rejettent un référen-dum sur l'octroi simplifié de la citoyenneté hongroise, prenantleurs distances avec les menées de leur gouvernement.

[4] L'hymne sicule suit toujours l'hymne national hongroislors des manifestations de la droite.

Les NOUVELLES de ROUMANIE

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Les NOUVELLES de ROUMANIEA la Une

Sándor, un graphiste de 38 ans originaire de Szováta (Sovata en roumain), aucœur du Székelyföld, le pays sicule, fait partie de ces "Hongrois de l'extérieur" qui sesont établis à Budapest depuis la chute du bloc communiste.

Jusqu'en 1989 nous étions coupés de toute information en provenance de Hongrie:nous n'avions ni la radio ni la télévision hongroise, car les collines empêchaient lesondes d'arriver jusqu'à nous. Je suis venu deux fois en Hongrie avant la fin du com-

munisme, c'était comme aller à l'Ouest, dans un autre monde. Il était interdit de passer lafrontière en possession de devises étrangères, mais comme personne ne voulait changer des

lei roumains en Hongrie, les gens emportaient aveceux toutes sortes d'objets, surtout des céramiques,qu'ils revendaient sitôt passée la frontière. Et ce n'étaitpas facile non plus pour nos hôtes qui devaient nousdéclarer dès notre arrivée au commissariat de policelocal. Alors aujourd'hui, c'est un rêve en comparaisonde ce que ça a été.

J'ai trouvé un travail de graphiste en 1998, à la finde mes études, à Kolozsvar (Cluj, en roumain). Je nevoulais pas partir et d'ailleurs c'est un peu mal vu departir, c'est perçu comme un signe de faiblesse. Celan'aurait pas fait de moi un "traître à la patrie", puisquenous n'en avons pas, de patrie, mais disons que çaaurait été un peu comme si je trahissais la nation, car ily a de moins en moins de Hongrois en Transylvanie.

"Mais je suis Hongrois!"

C'est moins fort aujourd'hui car beaucoup de per-sonnes travaillent à l'étranger, mais on le ressent enco-

re. Je gagnais l'équivalent de 70 dollars par mois et l'inflation était très forte. Je travaillaispour une société qui faisait des boîtes de fromage, une partie de mon salaire était donc ver-sée en... fromage. Une fois, alors que j'étais en déplacement à Strasbourg, ma petite amieest allée chercher mon salaire: elle a dû trimballer une moitié de cochon dans le trolley-bus!C'était ça, mon salaire. Personne n'avait d'argent dans le pays, alors on se débrouillait.

Après une année, j'en ai eu assez, j'ai rédigé mon CV et j'ai trouvé un travail de gra-phiste/designer à Budapest dans une agence de publicité où je gagnais quatre fois plus qu'enRoumanie. Quand je suis arrivé à Budapest, on me demandait régulièrement où j'avaisappris à parler le hongrois… "Mais je suis Hongrois!" [1]. Je me suis rendu compte quebeaucoup de gens ignoraient l'existence même des Hongrois à l'extérieur des frontières etn'avaient qu'une idée très vague et confuse de ce qu'est la Transylvanie. Ils ne l'ont pasappris à l'école. La propagande communiste a bien fonctionné, ce qui m'étonne car le com-munisme de Kadar a été beaucoup plus "soft" que celui de la RDA, par exemple. [2]. Sanspermis de travail au début, je devais franchir la frontière toutes les deux semaines. C'étaitau début des années 2000. Tous les gens comme moi allaient à la frontière la plus proche,celle avec la Slovaquie, on la traversait à pied pour revenir aussitôt sur nos pas avec un tam-pon sur le passeport et avec la complicité des douaniers.

"Budapest a toujours été notre capitale"

A la naissance de mes enfants en Hongrie, l'état-civil hongrois a noté "citoyennetéinconnue", faisant d'eux des apatrides, en quelque sorte. Nous avons dû aller à l'ambassadede Roumanie en Hongrie. C'était une torture, un véritable combat pour faire reconnaître lacitoyenneté roumaine de mes enfants et j'ai dû laisser un bakchich. J'ai pu finalement obte-nir moi-même la citoyenneté hongroise en 2006 après avoir passé des examens de langueet d'histoire hongroise et prouvé que je connaissais les paroles de l'hymne national, commeles immigrants chinois.

Le traité de Trianon du 4 juin

1920 entérine le démembrement

de l'Empire austro-hongrois après

sa défaite de 1918. Il est vécu

comme un diktat par les Hongrois.

Le pays perd en effet plus des

deux tiers de son territoire, répar-

tis entre Autriche, Tchécoslova-

quie, Roumanie et Yougoslavie.

Réduite à 92 000 km2 et passant

de 20 millions à 7 millions d'habi-

tants, la "petite Hongrie" ne

regroupe pas tous les Magyars :

2 à 2,5 millions vivent aujourd'hui

dans les pays limitrophes, dont

plus de la moitié (1 400 000) en

Roumanie. En 2010, le parlement

hongrois a voté une loi dite

"Trianon" qui instaure "un jour

mémorial national" pour l'anniver-

saire du traité.

Un traité qui ne passe pas

Les démonstrations des Sicules varient entre folklore, attachement aux traditions ancestrales, évocation d’un passé prestigieux, amertume

devant la décadence nationale imposée par l’étranger et manifestations d’irrédentisme.

comme aller à l'Ouest""Venir en Hongrie, c'était

n

BUCAREST

ORADEA

SATU MAREl

TIMISOARA

ARAD

lIASI

BRASOV

CONSTANTA

TARGUMURES

BRAILAl

l

l

l

l

SUCEAVA

l

PITESTI

l

TARGOVISTEl

SF. GHEORGHE

CRAIOVA

TULCEA

l

l

l

l

GIURGIU l

l

l

Magyars

Le gouvernement du Premierministre Viktor Orban a sim-plifié la procédure de naturali-

sation pour les "Hongrois de l'extérieur",ressortissants de pays voisins depuis leTraité de Trianon qui a modifié les fron-tières hongroises au lendemain de laPremière Guerre mondiale. Plus de500 000 personnes devraient déposer unedemande de citoyenneté d'ici la fin del'année.

"Magyarnak lenni jó!". "Qu'il est

bon d'être Hongrois!", s'était exclaméLaszlo Tokes, député du Parti populaireeuropéen et grande figure politique desHongrois de Roumanie, en recevant sacitoyenneté hongroise au mois de mars2011. Depuis l'introduction d'une procé-dure simplifiée au 1er janvier 2011 selonlaquelle il n'est plus nécessaire de résidersur le territoire hongrois pour obtenir unpasseport, il a été imité par beaucoup:370 000 demandes de citoyenneté ont étédéposées par des Hongrois des pays voi-sins, et plus de 320 000 candidats ontdéjà prêté leur serment de citoyennetéhongroise.

Ce sont les consulats de MiercureaCiuc (Csikszereda) et Cluj (Kolozsvar)en Roumanie, et de Subotica (Szabadka)

en Serbie qui ont traité le plus de deman-des. Le gouvernement hongrois table surun demi-million à la fin de l'année et envertu d'une récente loi de modernisationde l'administration publique, il souhaiterationaliser le processus pour augmenterla cadence et rendre la procédure admi-nistrative plus simple pour les candidats.

En offrant la citoyenneté puis undroit de vote (partiel) aux Hongrois despays voisins, les desseins géopolitiquesdu Premier ministre hongrois ViktorOrban et de son parti Fidesz prennentforme: réunir la nation hongroise diviséepar le traité de Trianon après la PremièreGuerre mondiale. Pour la droite hongroi-se, c'est un sacerdoce qu'elle accomplitavec sincérité et légitimisme. C.L.

Plus de 500 000 demandes de passeports sont attendues d'ici la fin de l'année

Minorités hongroises: l'irrésistible appel de Budapest

La majorité des Magyars sont concentrés dans trois judets:Covasna, Harghita et Mures.

l

M. CIUC

SOVATA

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Actualité

La langue n'est pas seulement un instrument de com-munication, mais elle représente aussi un pouvoirdu point de vue politique et social. Or, il apparaît

que le bon exercice de la langue, aussi bien dans sa varianteécrite qu'orale, mène inévitablement à la coercition linguis-tique. Ce terme juridique est proposé ici pour justifier touteune série de phénomènes sociaux ayant de longues racines lin-guistiques.

L'histoire des sociétés modernes révèle on ne peut mieuxles usages coercitifs de la langue, mise au service des pouvoirspolitiques. À partir de 1812 - après l'annexion de la Bessarabiepar la Russie - démarre un processus accru de dénationalisa-tion et de russification, par le biais d'abord de l'Église, ensuitepar l'évincement du roumain comme langue de l'éducation.C'est là que commence la confusion identitaire qui règne sur leterritoire actuel de la République de Moldavie.

L'usage coercitif de la langue russe s'est traduit par sonstatut de langue de communication dans une fédération dequinze républiques, au sein de laquelle le russe est devenu lalangue officielle de l'Union, sans que ce principe ait jamais étéreconnu dans la Constitution soviétique. Le russe est devenu lalangue d'un empire de 285 millions de personnes, parlantquelque 130 langues nationales différentes.

Durant 70 ans, la langue russe a exporté dans les quinzerépubliques attitudes et comportements, idéologie et réactions.Cette exportation coercitive de la langue et, avec elle, de l'i-déologie, continue jusqu'à aujourd'hui à maintenir ce brouilla-ge impressionnant des essences identitaires.

Ecrire le roumain en caractères cyrilliques

Qui étions-nous, les habitants de la République deMoldavie, au sein de l'URSS ? Je suis née dans un village desbords du Prout, le fleuve qui sépare la République de Moldaviede la Roumanie. Dès mon enfance, j'ai pu écouter et regardersans aucun problème la radio et la télévision roumaines (laproximité frontalière des antennes le permettait largement).

La bibliothèque familiale contenait des livres roumains,apportés de Roumanie par mes parents (mon arrière grand-mère avait quitté la Bessarabie en 1933 pour s'installer enRoumanie - notre famille avait fait un voyage à Galati et Iasien 1967). J'éprouvais, quant à moi, une certaine confusion queje contenais difficielement en mon for intérieur - pourquoiécrire en roumain tout en utilisant l'alphabet cyrillique, commecela était imposé?

La phobie à l'égard de l'écriture de la langue roumaine enalphabet cyrillique a mené à un autre phénomène: celui de l'ap-

propriation d'une autre langue et de sa culture. J'ai eu accès àla majorité des chefs-d'œuvre de la littérature universelle enrusse. Cette littérature traduite a laissé une empreinte colossa-le dans mon esprit de future linguiste et enseignante.

C'est à cette époque, tout comme d'autres de mes compa-triotes, que je suis devenue une bilingue parfaite, le roumainétant ma langue maternelle, le russe, ma langue maternelleseconde par appropriation. Le russe était conçu par moi à l'é-poque comme un fétiche. Cette langue d'un grand peuple a faitnaître un sentiment identitaire qui, pensait-on souvent, enno-blissait spirituellement la personne.

S'auto-identifier comme Russe

À l'époque soviétique, il était plus valorisé de s'auto-iden-tifier comme Russe plutôt que comme membre d'une autrenationalité. Implicitement, les Moldaves, les Géorgiens, lesAsiatiques, etc, étaient perçus comme des citoyens de secondezone. Dans les, villes tout particulièrement, on préférait s'iden-tifier comme Russes.

Les parents s'efforçaient d'envoyer leurs enfants dans desécoles russes, afin de leur assurer, disaient-ils, "un avenir plussûr". Les hommes moldaves, surtout les hauts fonctionnairesdu Parti communiste, préféraient se marier avec des femmesrusses, car c'était "de bon ton" et bien vu par le Parti.

Les Russes qui sont venus habiter en Moldavie après 1944ont réussi à s'adapter à un milieu linguistique non-slave, sansapprendre la langue roumaine. À présent, le bilinguisme estsouvent pratiqué par les autochtones, mais pas par leurs conci-toyens d'autres ethnies.

Une véritable “bigamie linguistique”sans aucun caractère de réciprocité

Ce bilinguisme moldave est une véritable "bigamie lin-guistique", qui ne présente aucun caractère de réciprocité. Or,comme dans tout couple, pour la solidité et le bonheur durable,la réciprocité doit être de mise. À défaut, le phénomène déra-pe et donne naissance à des conflits linguistiques. La malédic-tion liée à ce phénomène réside dans le fait que la langue russeétait porteuse d'une idéologie, tout en restant la langue d'ungrand peuple, qui a donné au monde de grands écrivains, poè-tes, philosophes et penseurs.

De ce point de vue, l'apprentissage du russe et sa coexis-tence avec le roumain ont été une bénédiction pour la popula-tion cosmopolite de la République de Moldavie.

(suite page 14)

Les NOUVELLES de ROUMANIE

1312

Les NOUVELLES de ROUMANIE Actualité

Le drapeau étoilé de l'Oncle Sam flotte au-dessus d'un champ de colza à l'en-trée de Deveselu. Ce petit village de la Roumanie profonde, à 30 kilomètres de lafrontière roumano-bulgare, s'enorgueillit d'avoir été choisi en 2011 par l'arméeaméricaine pour y installer l'un de ses boucliers antimissiles destinés à défendrel'Europe.

Les 3 000 paysans du cru étaient déjà accoutumés à la présence d'uniformessur leurs terres. En 1952, la Roumanie, alors alliée de l'Union Soviétique, yavait construit une base militaire et un aéroport qui accueillait, dans les

années 1980, 48 avions de chasse Mig-21 et une centaine de pilotes, fierté de l'arméeroumaine. Mais après la chute du régime communiste en 1989, la base militaire perdpeu à peu de son éclat et ferme ses portes en 2002. L'arrivée au pouvoir du président

pro-américain Traian Basescu en2004 change la donne. Favorableà un partenariat stratégique avecles Etats-Unis, le chef de l'Etatsigne en 2011 un accord pré-voyant l'installation à Deveseludu fameux bouclier antimissile.

Malgré les protestations deMoscou, peu disposé à voir desmissiles américains s'installeraux anciennes frontières del'Union Soviétique, la Roumanieouvre largement ses portes à l'ar-mée américaine, qui compteaujourd'hui quatre bases militai-res sur son territoire. "Le choix deDeveselu permettait d'offrir des

facilités techniques et logistiques", explique Constantin Hlihor, professeur à l'universi-té nationale roumaine de défense.

Routes refaites et eau courante

L'arrivée des Américains suscite l'enthousiasme des paysans de Deveselu qui enattendent monts et merveilles. Environ 420 millions de dollars (328 millions d'euros)devraient y être investis pour rajeunir la base militaire et construire l'infrastructurenécessaire. En 2013, l'US Army va injecter 265 millions de dollars pour moderniserl'aéroport et asphalter les routes défoncées du village. En outre, les paysans vont béné-ficier d'un système de canalisations qui n'existait pas dans leur commune. L'eau cou-rante devrait déjà produire une petite révolution dans ce modeste village.

"Les premières routes seront prêtes sous peu, assure le maire, Ion Aliman. D'ici-là,nous aurons aussi une station d'épuration des eaux qui alimentera le village en eaupotable". Un consortium de 37 sociétés américaines et roumaines a été créé en 2012pour gérer les travaux. "Ce partenariat va aider les autorités américaines à piloter lechantier", affirme Sergiu Machidon, son directeur roumain.

Mais le projet rencontre des opposants parmi les paysans. Si les plus optimistessont persuadés que l'arrivée des Américains leur permettra de trouver un emploi, lesmoins convaincus ont peur que la présence de missiles n'expose le village à des mena-ces terroristes. "Ils ont tué Ben Laden et maintenant ils s'installent chez nous, déclareGheorghe Marinel, agriculteur. Il y a de quoi s'inquiéter, non ?"

Mirel Bran (Le Monde)

Les dernières révélations faites

par Wikileaks, à partir des docu-

ments émanant de l'ambassade

américaine à Bucarest, concernant la

période 1970-1975, in-

diquent que Ceausescu

mécontent du peu d'ai-

de financière que

Washington lui accor-

dait, avait écourté son

voyage aux USA, en

décembre 1973. Il

comptait recevoir des

crédits d'un montant de

300 millions de dollars

et n'avait reçu finale-

ment que 10 millions.

Ces mêmes sources

révèlent, qu'un peu

plus tard, au printemps

1974, le "Conducator",

alerté par la visite du

dictateur bulgare Teodor Jivkov à

Brejnev, suspectait Moscou de vou-

loir transformer la Bulgarie en une

seizième république à part entière de

l'URSS et de s'arroger un corridor en

Roumanie par lequel l'Armée Rouge

aurait pu transiter. D'autres télégram-

mes diplomatiques cités par

WikiLeaks révèlent qu'une tentative

d'assassinat de Ceausescu, lors

d'une visite dans son village natal de

Scornicesti aurait échoué en 1974, à

cause de son impréparation, mais

aussi que le nom d'Iliescu, écarté

des sphères dirigeantes depuis 1971,

avait été avancé à l'époque pour

remplacer le ministre des Affaires

étrangères Corneliu Manescu, sans

qu'il y soit donné de suite. Quatre

ans plus tard, ce même Manescu

s'était réfugié dans un monastère,

craignant pour sa vie.

Ceausescu trouvaitWashington trop pingre

Les démocrates et les jeunes parlent roumain ...les nostalgiques du communisme, moldave

de l'Oncle Sam flotte sur la base militaire de Deveselu

La Moldavie est toujours à la recherche de son identité

n

BUCAREST

ORADEA

SATU MAREl

TIMISOARA

ARAD

lIASI

BRASOV

CONSTANTA

TARGUMURES

BRAILAl

l

l

l

l

SUCEAVA

l

SCORNICESTI

l

VASLUIBACAU

CRAIOVA

TULCEA

l

l

l

l

DEVESELUl

l

l

Les optimistes voient les emplois à la clé...les pessimistes, les menaces terroristes.

Vie internationale Le drapeau étoilé Moldavie

La question identitaire taraude toujours la Moldavie. Trois options continuent de dominer la scène politique : aller versla Roumanie, c'est-à-dire vers l'Union Européenne, dont en tant qu'ancienne province de Bessarabie elle a fait partie, s'o-rienter vers la Russie, ou plaider pour le renforcement de l'État moldave. Pour la linguiste Ana Gutu, qui s'exprime dansla revue "Regard sur l'Est", l'identité moldave est une identité civique, mais ne peut pas devenir une identité nationale.Éclairage sur le complexe brassage linguistique de ce petit pays.

Page 8: ROUMANIE 77

Actualité

D'après les données statistiques du dernier recensement(2004), vivent en République de Moldavie (Transnistrie miseà part) environ 77% de Moldaves, 8,3% d'Ukrainiens, 5,9% deRusses, 4,4% de Gagaouzes et 2,2% de représentants d'autresethnies. Le gouvernement communiste de Voronine, qui semaintient au pouvoir depuis 2001, est accusé d'avoir truqué lesdonnées, surtout du point de vue de l'auto-identification. Car,selon ces données, seulement 2,2% de la population recenséese seraient définis comme Roumains, ce qui semble être unefalsification. Le nombre de membres du Forum démocratiqueroumain de la République de Moldavie dépasse déjà ce seuil:l'ONG compte en effet 250 000 membres, soit 6,4% de lapopulation recensée en 2004. Le Forum plaide pour la réunifi-cation de la République de Moldavie avec la Roumanie.

Polyglottes… à l'image de l'Europe

La République de Moldavie doit actuellement brûler l'éta-pe de la formation d'un État-nation, parce qu'il n'en est pasquestion dans le cadre d'une Europe qui se fédéralise. Selonnous, la République de Moldavie ne sera jamais un État-nation. L'identité moldave peut être assumée uniquement entant qu'identité civique: la République de Moldavie est un sujetde droit international, un État disposant de tous les attributsnécessaires mais, pour se doter d'une identité nationale, elle abesoin de temps.

La situation peut évoluer, surtout dans la perspective d'unepolitique adéquate en matière éducative. En République deMoldavie, cette question n'a pas été encore résolue de maniè-re judicieuse. Il incombe aux acteurs politiques de prévoirexplicitement dans leurs programmes électoraux une stratégiespécifique concernant les politiques linguistiques à mettre en

œuvre sur le territoire de la République de Moldavie. Il s'agit d'envisager des politiques basées sur le respect de

la population autochtone et de sa langue, mais aussi de mettreen place des instruments efficaces pour favoriser l'intégrationsociale des minorités ethniques.

La solution acceptée par la population moldave est celledu cosmopolitisme: tous parlent roumain, mais certains l'ap-pellent le roumain (niveau de formation supérieur), d'autres, lemoldave. Les jeunes citoyens de la République de Moldaviesont facilement polyglottes: ils maîtrisent le roumain, le russe,l'anglais, le français, etc. Ils se définissent comme Roumains.Le rôle de l'éducation dans ce processus est essentiel.

L'avenir linguistique de l'Europe réside dans la communi-cation interculturelle, qui est inconcevable en-dehors d'unhéritage polyglotte. Parce que les langues ouvrent les frontiè-res et les horizons. Ana Gutu (Regard sur l'Est)

Les NOUVELLES de ROUMANIE

1514

Les NOUVELLES de ROUMANIE Actualité

(suite de la page 13)

Le moldave est un dialecte servant de base au roumain moderne

Il convient de préciser que la langue roumaine fait partie de la famille des languesromanes: d'origine latine, elle utilise l'alphabet latin. Selon l'opinion des linguistes, ycompris russes, la langue moldave n'existe pas, c'est un glottonyme, c'est-à-dire unemanière de désigner la langue - le roumain - parlée par les Moldaves. En revanche, le dia-lecte moldave a servi de base pour la constitution de la langue roumaine moderne.

En 1924 a été créée la République Autonome Soviétique Socialiste Moldave(RASSM, correspondant à l'actuel territoire de la Transnistrie qui, a fait sécession avec laRépublique de Moldavie en 1991), où le dialecte alors parlé a été élevé au rang de langueofficielle, mais en utilisant l'alphabet cyrillique.

Entre 1918 et 1940, puis entre 1941 et 1944, le territoire de la Bessarabie a été réuniavec la Roumanie. En 1944, avec l'arrivée de l'armée soviétique, la langue roumaine a étécomplètement évincée de l'éducation, et la langue moldave écrite en alphabet cyrillique a

été utilisée jusqu'en 1989en tant que langue de laRépublique SoviétiqueSocialiste de Moldavie.

En 1989, le Parlementmoldave a voté le passagede l'alphabet cyrillique àl'alphabet latin. En 1991, aété adoptée la Déclarationde souveraineté, danslaquelle le roumain figurecomme langue du nouvelÉtat souverain.

Cependant, dans laConstitution de la Mol-davie, adoptée par le Parti

agraire (héritier de l'ancien Parti communiste), l'article 13 stipule que la "langue d'État dela RM est le moldave, écrit en alphabet latin". Ce choix a provoqué nombre de disputespolitiques et sociales, dont l'essence s'est réduite à un conflit entre les nostalgiques ducommunisme et la vague démocratique. En 1995, a été adoptée une loi sur le fonctionne-ment des langues sur le territoire de la République de Moldavie. Cette loi permettait auxminorités ethniques de développer et de préserver leurs langues - le russe, le gagaouze, lebulgare, l'ukrainien - en les utilisant dans le système éducatif.

Roumains, Russes, Moldaves ?

Selon l'opinion de la majorité des intellectuels du pays, la République de Moldovieest un "morceau" d'espace géopolitique, un "morceau" de nation, un "morceau" de cultu-re qui est roumain. En République de Moldavie, le discours identitaire est loin de cor-respondre à une conception d'essence nationale, il est plutôt triadique: roumain, russe etmoldave. C'est un discours qui détermine même l'essence des partis politiques.

Alors que le pays se trouvait à la veille des élections législatives du 5 avril 2009, onsentait bien que le discours identitaire primait sur la doctrine politique: aller vers laRoumanie (c'est-à-dire vers l'UE), s'orienter vers la Russie, ou plaider pour le renforce-ment de l'État moldave.

Ceux qui se définissent comme Roumains rendent tribut à la vérité scientifique lin-guistique et historique, dans un contexte intégrationniste avec la Roumanie. Ceux qui sedéfinissent comme Russes - en dépit du fait qu'il sont des citoyens de la République deMoldavie - sont soit issus de vieilles familles russes, depuis des générations, soit des des-cendants de familles mixtes (Russes et Ukrainiens ou Gagaouzes ou Moldaves, etc). Ceuxqui se définissent comme Moldaves sont les représentants de la génération des nostal-giques, profondément marqués par l'idéologie communiste.

Le président moldave Nicolae

Timofti a annoncé le 20 mars le

report de la signature de l'accord

d'association avec l'UE, considéré

comme un premier pas vers une

possible adhésion. La signature

était prévue à l'automne prochain à

Vilnius, lors du sommet pour le

Partenariat Oriental, mais la chute

du gouvernement pro-européen de

Vlad Filat, le 5 mars, a bouleversé

le calendrier et elle ne pourra pas

avoir lieu avant 2014.

L'explication officielle pour le

report donnée par Timofti a été "le

manque de temps pour traduire

l'acte dans les 23 langues officiel-

les de l'UE...". "UE... A bientôt ou

adieu?", s'interroge un quotidien.

Encore une crise

Des musées encore nostalgiques de l’appartenance à l’URSS.

Il est toujours difficile d'échapper à l'influence soviétique.

"UE… A bientôt

ou adieu ?"

Destitué par le Parlement à la

faveur d'une motion de censure

initiée par le Parti communiste et

adoptée par 54 voix sur 101 à la

suite de la défection du Parti

Libéral de Mihai Ghimpu, une des

composantes de son gouverne-

ment de coalition pro-européeen,

le Premier ministre Vlad Filat conti-

nue à gèrer les dossiers courants.

Le Parlement disposait de 45 jours

pour désigner un nouveau gouver-

nement. Les négociations piétinent

et, à défaut d'une solution, de nou-

velles élections législatives antici-

pées seront organisées cet été.

La Moldavie, déjà privée de

Président pendant de longs mois,

se dirige donc encore vers une

crise, à la grande satisfaction des

communistes qui guettent la proie

dans l'ombre. Près d’ un tiersdes Moldaves veulent partir

32 % des Moldaves envisagent dequitter leur pays s'ils en trouvent l'oppor-tunité, selon un sondage Gallup effectuédans les anciennes républiques sovié-tiques, les réponses dans le même sensallant de 40 % en Arménie à 5 % enOuzbékistan. Les Moldaves sont guidésdans leur choix par, dans l'ordre, l'envied'améliorer leurs conditions de vie(52 %), assurer l'avenir de leurs enfants(13 %), le chômage sur place (10 %).

La Russie accueilleplus de 500 000 Moldaves

Selon les autorités russes, plus de500 000 Moldaves travaillent dans leurpays, où ils peuvent s'installer sans visa,le flux de migration ayant considérable-ment augmenté depuis 2010. La Russie

accueille 10,5 millions d'étrangers dont2,5 millions venant Ouzbékistan,1,3 million d'Ukraine, 1,1 million duTadjikistan et plus de 500 000 duKirghizistan, états qui étaient rattachésautrefois à l'URSS.

Ni coupables, ni enquête

Quatre ans après la "révolutionTwitter" d'avril 2009, qui avait marqué lafin du gouvernement communiste deVoronine en Moldavie au profit des for-ces pro-européennes, le quotidien"Timpul" rappelle qu'aucune enquête n'aété menée sur les abus commis.

Officiellement, 3 personnes ont tuéeset plus de 400 torturées pendant le soulè-vement mais l'identité des coupables deces actes, "des visages cachés aux yeuxde l'opinion publique moldave", n'ajamais été établie. Les procureurs et unepartie de la presse assurent que les victi-

mes étaient des policiers et qu'il n'y a pasbesoin d'enquêter davantage.

Chisinau condamné à Strasbourg

La Cour Européenne des Droits del'Homme (CEDO) a condamné la Mol-davie a versé 13 200 € de dédommage-ments à un jeune garçon, âgé de 15 ans,qui avait été arrêté par la police lors desémeutes anti-communistes des 7 et 8 avril2009, propulsé dans une voiture et emme-né au poste où il sera sévèrement brutali-sé, torturé, pour faire des aveux sur desactes qu'il n'avait pas commis, sans queles responsables, facilement identifiablespar les fiches de service, ne soient pour-suivis. Chisinau avait été déjà condamnéà verser 15 000 € à une autre jeune victi-me, soumis aux mêmes sévices lors deces évènements et emprisonné dans lecouloir dit "de la mort".

A savoir

Page 9: ROUMANIE 77

ActualitéLes NOUVELLES de ROUMANIE

1716

Les NOUVELLES de ROUMANIE Actualité

Après 280 jours de détention, Adrian Nastase a été libéré sous condition, demanière anticipée. Condamné à deux ans de prison pour escroquerie, l'ancienPremier ministre, 62 ans, qui avait tenté de se suicider lors de son arrestation,sans qu'on sache s'il s'agisse ou non d'une mise en scène, a bénéficié d'une dispo-sition règlementaire permettant à un détenu de plus de 60 ans de n'effectuerqu'un tiers de sa peine.

Pour profiter de cette mesure de faveur, le prisonnier devait encore faire lapreuve qu'il s'était bien comporté et amendé pendant son séjour derrière lesbarreaux. La commission d'évaluation a tranché sans hésitation dans ce

sens, malgré les réserves exprimées par la DNA (Direction Nationale Anticoruption).Son rapport souligne que le détenu a eu un comportement irréprochable, se soumet-tant sans broncher à la discipline, ne faisant l'objet d'aucune punition qui aurait pul'envoyer au cachot, étant même récompensé par un droit de visite supplémentaire àtrois reprises. Il a également montré sa volonté de retrouver le droit chemin, en par-ticipant activement à toutes les activités de rééducation proposées aux prisonniers,exerçant une influence positive sur ses co-détenus.

L'ancien Premier ministre s'est aussi montré travailleur, publiant trois livres,même si leur côté scientifique a été mis en doute. Toutefois, il ne s'agirait pas de pla-giat comme on suspecte la thèse de l'actuel Premier ministre, Victor Ponta, qu'il avaitdirigé en son temps.

La commission a donc jugé qu'Adrian Nastase ne représentait plus un dangerpour la société et que son désir de se racheter était patent. "Le détenu ayant comprisle but préventif et éducatif des mesures prises à son égard, il n'existe pas de risquesqu'il recommence à l'avenir et commette d'autres délits… il peut donc être rendu à lasociété" a conclu la commission. Des appréciations qui rassureront côté français où

on n'oublie pas qu'on lui avait remis en grande pompe les insignes de grand officierde la Légion d'honneur, le 1er avril 2002.

Peu avant sa libération, le prisonnier avait reçu la visite réconfortante de laBaronne Ema Nicholson qui, à l'époque où il était Premier ministre, avait déjà prisfait et cause pour une autre catégorie, celle-ci pas persécutée mais oubliée de la socié-té: les orphelins.

Devant la réussite de la réinsertion du détenu modèle, quelques mauvais espritsont suggéré que les politiciens roumains commencent leurs mandats par un stage enprison. Mais dans le cas d'Adrian Nastase on risquerait de tomber dans le phénomè-ne d'overdose… l'ancien Premier ministre doit encore répondre d'autres faits devantla justice de son pays.

Nouvelle arnaque en vue pour les propriétaires spoliés

Selon un projet de loi initié fin mars

par Alexandru Mazare, sénateur PSD

et frère du maire de Constantsa Radu

Mazare, cette municipalité pourrait

prendre le contrôle total du port rou-

main de la mer Noire, dont elle détient

pour l'instant 20 % des actions. La visi-

te officielle du maire de Rotterdam

Ahmed Aboutaleb lui a servi d'appui

pour plaider en faveur du projet. Cette

rencontre a également été l'occasion

d'envisager un axe entre Constantsa et

le plus grand port d'Europe, troisième

plus grand port du monde. Fermement

opposé au projet, Traian Basescu a

demandé au Premier ministre Victor

Ponta de ne pas permettre ce transfert,

mais il semble difficile pour ce dernier

de se prononcer, Radu Mazare étant

membre de son parti. Le président rou-

main, originaire de Constantsa et

ancien marin, redoute l'image déplora-

ble que son maire-voyou, qui s'affiche

dans les cabarets avec des filles dénu-

dées ou parade en tenue d'officier nazi,

ne manquera pas de donner de sa ville

et du pays aux décideurs économiques

étrangers. Sans oublier de voir aggra-

ver la mainmise qu'il exerce déjà avec

son clan sur toute la région.

Le gouvernement a proposé un nouveau projet de loiconcernant le dédommagement des anciens pro-priétaires des maisons nationalisées, qui pourrait

entrer en application incessamment. Ceux qui ne pourront pasêtre dédommagés en nature recevront des points en valeurnominale d'un leu, correspondant à la valeur de leur maison.Avec ces points, ils pourront acquérir aux enchères d'autresbiens immobiliers, ou les échanger contre de l'argent - après2017 - dans la limite de 10% par an de la somme totale despoints, ce qui conduirait à la résolution des litiges en 2027…37 ans après la "Révolution" et 80 ans après que le régimecommuniste ait entamé ses confiscations. S'ils ont la bonnefortune d'être encore de ce monde, les 100 000 propriétairesspoliés dont le dossier n'est toujours pas réglé doivent doncs'attendre à être une nouvelle fois menés en bateau d'ici là.

Le gouvernement Ponta n'a pas le monopole de l'ar-

naque… le précédent, dirigé par Mihai-Razvan Ungureanu(droite) avait proposé en 2012 de ne rembourser les ancienspropriétaires que dans la limite de 15 % de la valeur de leursbiens. Il est vrai que la nomenklatura a su se servir bien avantd'envisager ces dispositifs restrictifs.

La somme totale des dédommagements nécessaires àvenir s'élèverait à 8,5 milliards d'euros, mais pourrait êtreminorée de 20 à 25 %, pourcentage correspondant au nombrede dossiers en attente qui ne sont pas valables, faute de preu-ves, souvent à cause de la mauvaise volonté montrée par l'ad-ministration à les fournir.

Par ailleurs, le gouvernement Ponta a décidé de mettre envente une partie des "villas de protocole" destinées à loger lespersonnalités politiques de haut rang et les hauts fonctionnai-res de l'Etat. Mais il y a belle lurette que les plus intéressantesont été cédées à la nomenklatura pour une bouchée de pain.

Ce qu'a signifié le "suicide" d'Adrian Nastase… et ce que signifie sa libération.

Ce sont à présent les exporta-tions françaises vers laRoumanie (3 Mds d'€) qui

augmentent plus vite (+4,2%) que lesexportations roumaines vers la France,qui stagnent (+0,2%) à leur plus hautniveau (3,23 Mds d'€). Il en résulte unerésorption du déficit commercial que laFrance avait accumulé au plus fort de lacrise: celui-ci s'est contracté de 34,5% en2012 pour atteindre 220 M€. La Franceest restée le quatrième partenaire com-mercial de la Roumanie en 2012.

Les exportations roumaines se main-tiennent, tout juste, grâce aux ventes devéhicules automobiles, après deux annéesde croissance (+30% en 2010 et +5,4%en 2011), la France maintenant cependantsa position de 3ème client de laRoumanie. Ce ralentissement correspond

à des évolutions dans les deux pays: enFrance, une demande atone et relative-ment saturée, en Roumanie, une certainedégradation de la compétitivité de l'in-dustrie.

De fait, les exportations roumainesvers la France ne se sont maintenues quegrâce aux ventes de véhicules automobi-les. La France a en effet importé presque1 Md d'€ de véhicules roumains, ce quireprésente environ un tiers de ses impor-tations de Roumanie. Le rebond de 2012(+22,3%) s'explique notamment par lasortie de nouveaux modèles Dacia ausecond semestre 2012 (nouvellesSandero et Logan, Lodgy, succès duDuster). On constate d'ailleurs une explo-sion des immatriculations de la marqueen France début 2013 (+68% février2013 / février 2012).

Les importations roumaines de pro-duits français dépassent les 3 Mds d'€grâce à une forte demande du secteurindustriel, après une croissance de 4,2%en 2011. La France reste ainsi le 4èmefournisseur de la Roumanie. La poursuitede la croissance de ses ventes enRoumanie, bien qu'à rythme réduit,témoigne principalement du besoin enéquipement de la Roumanie.

En effet, les ventes françaises sontprincipalement composées de biensnécessaires dans le processus de produc-tion du secteur industriel: biens intermé-diaires et équipements.

Ainsi, les exportations d'équipementsmécaniques, électriques, électroniques etinformatiques, en hausse de 9,7%, repré-sentent plus d'un tiers des exportationstotales françaises.

Les échanges commerciaux entre la France et la Roumanie se sont rééquilibrés en 2012

Détenu modèle rééduqué

Radu Mazare prendra-t-il le contrôledu port de Constantsa?

Politique

La représentation féminine au parle-

ment roumain a doublé depuis 1990

(24 parlementaires, soit moins de 5 %),

mais reste bien en deçà de la moyenne

européenne qui est de 22%.

Aujourd'hui on compte 68 femmes par-

lementaires (11,5 %). Lors des derniè-

res élections législatives, en décembre,

340 femmes s'étaient présentées, dont

84 pour le seul parti de la minorité hon-

groise, l'UDMR.

Minorité féminine

Politique

n

BUCAREST

ORADEA

BAIAMARE

l

l

TIMISOARA

ARAD

l

SIBIU

l

l

IASI

BRASOV

CONSTANTA

CRAIOVA

TARGUMURES

GALATI

l

l

l

l

l

l

l

TULCEA

SUCEAVA

BACAUl

lPITESTI

l

BUZAU

SLOBOZIA

l

l

l

ALBA IULIA

Adrian Nastase réinsère la société

Les échanges franco-roumains ont atteint un nouveau pic de 6,25 milliards d'euros en 2012, après une hausse de 2%,l'année précédente. La tendance constatée en 2010 et 2011 de forte progression des exportations roumaines commence às'inverser.

Economie

Adrian Nastase, condamné àdeux ans de prison pourfinancement illégal de sa

campagne présidentielle puis libéré mi-mars pour bonne conduite, après neufmois de détention (voir page précéden-te)… est de nouveau l'objet de poursuites

pénales, alors qu'il est tout juste sorti deprison. La Justice lui reproche de ne pasavoir respecté le régime des armes et desmunitions.

A la suite de sa "tentative de suicide"manquée du 21 juin 2012, conséquencede sa condamnation, les policiers avaient

saisi de nombreuses cartouches détenuessans autorisation à son domicile.

De là à suggérer que, finalement,pour échapper aux sanctions… l'exPremier ministre aurait mieux fait de nepas se rater, l'action pénale s'éteignantalors d'elle même...

De l'inconvénient de rater son suicide

Page 10: ROUMANIE 77

Actualité

Inflation à plus de 5 %

Selon l'Institut national des statis-tiques (INS), le taux d'inflation annuel estpassé de 5,97% au mois de janvier à5,65% en février. D'après l'INS, l'aug-mentation moyenne des prix au cours des12 derniers mois par rapport aux 12 moisprécédents est de 3,8%. La Banque cen-trale prévoit un taux d'inflation annuel de5,2 % pour la fin du premier trimestre2013, et de 5,9% pour le deuxième tri-mestre. L'institution monétaire prévoitnéanmoins un taux d'inflation annuel de3,5% pour les deux derniers trimestres, etde 3,2% pour 2014.

La BEI accorde une rallonge

Le président de la Banque européen-ne d'investissement (BEI), Werner Hoyer,en visite officielle à Bucarest a déclaréque la Roumanie pourrait obtenir 700 à900 millions d'euros de prêt cette année,soit deux fois plus que l'an dernier. Leprésident de la BEI a indiqué que cesprêts pourraient être utilisés dans les prin-cipaux secteurs de l'économie roumaine,notamment pour les petites et moyennesentreprises, et pour cofinancer des projetssoutenus par les fonds européens dedéveloppement.

OMV Petrom et Repsol s'allient

La compagnie OMV Petrom s'estrécemment associée au géant espagnoldes hydrocarbures Repsol pour trouverdu pétrole à plus de 2500 mètres sousterre dans quatre périmètres situés dans lesud des Carpates. Les deux groupes vontinvestir près de 50 millions d'euros surles deux prochaines années pour entre-prendre des forages en grandes profon-

deurs, dans des couches qui n'ont encorejamais été explorées. Le partenariat avecRepsol est le troisième du genre pour lasociété roumaine contrôlée par le groupeautrichien OMV. Depuis 2008, elle tra-vaille avec l'Américain ExxonMobil aularge des côtes roumaines de la merNoire, et en 2010, elle s'est associée avecHunt Oil dans l'est du pays.

OMV Petrom est le plus gros groupepétrolier d'Europe du sud-est. Il est pré-sent en Roumanie, en République deMoldavie, en Bulgarie et en Serbie.L'année dernière, il a obtenu un profit de885 millions d'euros, le plus importantjamais enregistré Roumanie, toutesindustries confondues.

Récoltes en forte baisse en 2012

La production de blé et de maïs a for-tement baissé en 2012 par rapport à l'an-née précédente en Roumanie, jadis consi-dérée comme le "grenier de l'Europe",notamment en raison de la sécheresse, aannoncé l'Institut national des statistiquesroumain. La production de blé a baissé de1,9 million de tonnes (- 28,4 %) par rap-port à 2011, lorsque la Roumanie avaitengrangé une récolte record, soit7,1 millions de tonnes. En 2012, le paysdisposait pourtant de la cinquième pluslarge surface totale cultivée de blé dansl'Union européenne.

En tête en ce qui concerne les surfa-ces cultivées de maïs, avec 2,7 millionsd'hectares, il a vu sa récolte réduite de52 % en 2011, à 5,9 millions de tonnes desemoule. En Roumanie, où les agricul-teurs sont souvent encore amenés à culti-ver leurs terres à l'aide des chevaux, lerendement agricole est inférieur à lamoyenne européenne. L'Institut a cepen-dant précisé que les surfaces cultivées et

les récoltes ont baissé en 2012 dans l'en-semble de l'UE.

La terre à ceux qui la cultivent

Jurnalul National a dévoilé une par-tie du projet de loi du gouvernementconcernant l'achat de terres arables pardes investisseurs étrangers. Les autoritésroumaines souhaitent notamment que lesétrangers qui se portent acquéreurs de ter-res arables en Roumanie soient eux-mêmes agriculteurs."La loi ne se veut pasdiscriminatoire, a affirmé le Secrétaired'Etat au ministère de l'Agriculture,Achim Irimescu, mais elle se propose deprotéger les investissements." Ces dixdernières années, les étrangers ont achetéplus d'un million d'hectares de terres ara-bles en Roumanie. A ce propos, JurnalulNational écrit: "Les investisseurs étran-gers disposent de certaines facilités queles agriculteurs roumains n'ont pas. Cesderniers ne peuvent donc pas leur faireconcurrence sur le marché foncier." Fin2011, la superficie agricole détenue parles étrangers en Roumanie se chiffrait àplus de 700 000 hectares, soit 8,5% desterres arables du pays.

Michelin se centre sur la Roumanie

Michelin a décidé de fermer sa repré-sentation commerciale en Grèce, où ellen'avait pas d'usine de production, et deregrouper le traitement de ses opérationsdans cette région de l'Europe, soit 12pays, y compris la Hongrie, en Rou-manie. La compagnie dispose de 3 usinessur le sol roumain: deux à Zalau (Salaj) etune à Floresti (Prahova). Elle en possèdeen tout 40 en Europe, employant 64 000personnes.

Les NOUVELLES de ROUMANIE

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Le gouvernement roumain a ouvert la vente de 15 % des actions de Transgaz, lacompagnie publique spécialisée dans le transport du gaz. Une opération quientre dans les accords entre Bucarest, d'un côté, et, de l'autre, le Fonds

Monétaire International (FMI) et l'Union Européenne (UE). La cession de ces actions,exigée par ces instances qui avait fixé l'échéance au 30 juin, pourrait rapporter jusqu'à90 millions d'euros à la Roumanie.

Le FMI avait suspendu et lié la poursuite de ses engagements avec Bucarest non seu-lement à cette vente mais, également, au démarrage, avant le mois de juin, du processusde privatisation de CFR Marfa, le spécialiste du fret ferroviaire, qui a accumulé 400 M€

de dettes. Après quoi, Nuclerelectrica, le gestionnaire de la centrale nucléaire deCernavoda, qui a prévu de vendre une part de ses actions dès mai sera le prochain sur laliste. Ce sera ensuite le tour de Romgaz et du complexe énergétique Oltenia d'être cédés.La vente d'Hidroelectrica, la compagnie de production d'hydroélectricité, pourrait bou-cler, en septembre, cette série de vente qui, d'après le FMI, boosterait la croissance de laRoumanie à 1,5 % en 2013, soit plus du double du taux de l'année précédente (0,7 %).Bucarest, qui n'a que très peu de sources de financements, a dû s'exécuter en élaborant cecalendrier de privatisation.

CHISINAU

BACAUl

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Croissance 2012 tout juste au-dessus de zéro

Privatisation du réseau de chaleur de Bucarest

La centrale d'énergie thermique de BucarestElectrocentrale Bucuresti (ELCEN) sera privatiséeaprès sa fusion avec la compagnie de distribution

RADET, a annoncé le maire de Bucarest Sorin Oprescu. Laprivatisation s'effectuera soit par délégation du service publicde production et fourniture de chaleur, comme pour lescontrats de concession conclus entre la capitale et Veolia en1999 (Apa Nova), soit en partenariat public-privé (PPP). Lebut est d'assurer le financement nécessaire à la rénovation

et/ou au remplacement du réseau de fourniture de chaleur dansla capitale. Le coût des travaux est estimé à environ1,8 milliard d'euros. Le gouvernement roumain a récemmentapprouvé la fusion entre le fournisseur (RADET) et le produc-teur de chaleur (ELCEN) pour plus d'efficacité, mais égale-ment afin d'annuler la dette de la société RADET, contrôléejusqu'à maintenant par la municipalité de Bucarest, envers lasociété ELCEN, filiale du groupe Termoelectrica appartenantà l'Etat roumain.

Selon les chiffres de l'Institut

national des statistiques (INS), le

PIB roumain a augmenté de 0,2 %

en 2012, par rapport à 2011. Il n'at-

teint que 587,4 milliards de lei

(135 milliards d'euros). Un résultat

nettement inférieur à celui de 2011,

où ce taux avait été supérieur à

2%. Cette mauvaise performance

de la Roumanie est due à une fai-

ble production agricole mais aussi

et surtout à la crise politique qui a

bloqué le pays pendant près de

deux mois l'été dernier, ainsi qu'à

la faible absorption des fonds euro-

péens. Les investissements directs

étrangers ont atteint leur plus bas

niveau depuis ces dix dernières

années (1,6 milliards d'euros), alors

que les exportations ont baissé

pour la première fois depuis 3 ans.

Les chiffres de l'INS montrent

que la croissance du PIB l'an der-

nier a principalement été stimulée

par le secteur de la communication

et par le domaine scientifique. Le

revenu du secteur information-com-

munication est en hausse de

29,4 %, tandis que celui de la

recherche et des expertises tech-

niques et administratives enregistre

une croissance de 8,4%. L'INS

indique par ailleurs que les revenus

du secteur agricole, très touché par

la sécheresse l'an dernier, ont

chuté de 21,2%. La contribution de

l'industrie au PIB a quant à elle

baissé de 2,1% en raison de la

réduction des ventes, mais aussi

en raison des récentes fermetures

d'usines, comme le combinat pétro-

chimique Oltchim ou les aciéries

Mechel.

Sur injonction du FMI et de Economie

A savoir

La Commission européenne aassigné la Roumanie devant laCour européenne de justice et a

proposé d'infliger des amendes à Bucarestpour non respect de la législation euro-péenne concernant le marché de l'électrici-té et du gaz. Bruxelles souhaite que laRoumanie soit astreinte à une amende jour-nalière de plus de 30 000 euros pour chacu-ne des lois européennes qu'elle n'a pasencore transposée dans sa législation natio-nale, ce qui aurait dû être fait intégralementau 3 mars 2011.

"Les retards dans la mise en œuvre desrègles relatives au marché intérieur de l'é-nergie de l'Union ont des effets négatifs surtous les acteurs et sont par conséquentinacceptables", a déclaré Günther Oettin-ger, commissaire européen chargé de l'é-nergie. En cas de jugement positif de laCour, les astreintes journalières proposéespar Bruxelles devront être versées à comp-ter de la date du prononcé de l'arrêt et jus-qu'à l'achèvement de la transposition.

La Cour décidera de leur montant défi-nitif.

Plus de 20 millions d'euros de fonds européens ont été détournés en Roumanie,l'an passé, selon le parquet Anti-corruption (DNA). Ce préjudice est quatre foisplus élevé qu'en 2011. Les fonds qui ont été les plus touchés par ces fraudes

sont ceux destinés à l'agriculture, au développement régional et au développement desressources humaines. A noter que 34 décisions de justice définitives ont été rendues en2012 pour le même genre de dossiers.

Le gouvernement et la BanqueNationale Roumaine (BNR) ontenvoyé une lettre au Fonds

Monétaire International (FMI), début mars,pour demander qu'un nouvel accord de typepréventif soit signé. Bucarest espère ainsise protéger de l'éventuel prolongement dela crise économique, mais aussi, et surtout,

rassurer les investisseurs étrangers sur sasolidité financière. La Roumanie est déjàengagée auprès du FMI dans un accord detype préventif de 5 milliards d'euros, vala-ble jusqu'à la fin de l'année, cette sommeétant disponible uniquement en cas debesoin. En 2009, elle avait déjà souscrit unemprunt de 13 milliards d'euros.

Marché de l'électricité et du gaz: la Roumanie à l'amende

Fonds UE détournés

Bucarest assure ses arrières

l'UE, l'Etat vend “les bijoux de famille”Economie

lCERNAVODA

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ActualitéLes NOUVELLES de ROUMANIE

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Economie WizzAir ouvre une ligneBucarest-Dubaï

La compagnie aérienne low cost WizzAir va ouvrir une ligne entre Bucarest etDubaï, la première du genre dans cette région, à partir du 29 octobre, avec3 rotations par semaine. Elle annonce un tarif de 80 € par trajet, taxes inclu-

ses. Elle entend faire de la Roumanie une plaque tournante du trafic entre le Moyen-Orient et l'Europe occidentale, après la prochaine ouverture, en octobre, du nouvel aéro-port de Dubaï qui, avec ses cinq pistes, ambitionne de devenir le plus important dumonde, desservant également Abu Dhabi et les Emirats Arabes Unis, visant l'objectif de160 millions de passagers annuel en 2020.

WizzAir, qui assure 61 liaisons depuis ou vers la Roumanie, vise la clientèle de tou-ristes ainsi que les Roumains employés sur les nombreux chantiers de la péninsule ara-bique ou dans les secteurs de l'hôtellerie et des services. Dubaï, avec toutes ses attrac-tions et parcs de loisirs gadget, est devenue une destination favorite des nouveaux richesroumains, le Premier ministre Victor Ponta y passant volontiers ses vacances.

Quatre mille emplois en cause et magouilles à la russeEconomie

La nouvelle a de quoi faire froid dans le dos. Aprèsla fermeture des hauts-fourneaux de Florange enFrance et de Liège en Belgique, la sidérurgie euro-

péenne vient de recevoir une nouvelle gifle, aux allures desymbole. En Roumanie, le géant russe de l'acier Metchel adécidé de céder cinq unités de production pour 52 euros à unesociété quasi inconnue, baptisée Nikarom. La transaction s'estaccompagnée de la reprise des 500 millions d'euros de dettesaccumulées par ces usines qui sont situées à Braila (est),Campia Turzii (nord-ouest), Buzau, OtelulRosu et Targoviste (centre).

Détenu par l'homme d'affaires russe IgorZiouzine, Metchel a vendu des sites réalisantun chiffre d'affaires de plus de 850 millionsd'euros, à Invest Nikarom, une société spé-cialisée dans le commerce d'équipements,qui compte à peine trois salariés. Selonl'AFP, son chiffre d'affaires s'élève à à peine340 000 euros. "Un petit poisson d'aquariumavale une baleine", a dénoncé le quotidien"Adevarul". Les quelque 4000 salariés ontappris la nouvelle par la presse.

"Nous craignons qu'Invest Nikarom soitun paravent qui permette à Metchel de licen-cier à la pelle puis de démembrer les usinespour vendre de la ferraille comme ils ontcommencé à le faire", a indiqué Constantin Iarca, chef de filedu syndicat Metal 94 au laminoir de Braila, ajoutant: "EnFrance, le gouvernement et le président se sont impliqués

pour défendre la sidérurgie, pourquoi cela n'est-il pas possi-ble en Roumanie?". A l'appel du syndicat, des centaines d'ou-vriers sidérurgistes sont venus des quatre coins du pays, débutavril, pour protester à Bucarest afin de réclamer une interven-tion rapide du gouvernement pour sauver leurs emplois etleurs usines.

Une production divisée par pratiquement deux

Invest Nikarom est contrôlé par Viktor etSvetlana Chumakov, les parents de la repré-sentante de Metchel en Roumanie. Il y adeux mois, le Parlement européen avait invi-té la Commission à surveiller de près l'évolu-tion des usines sidérurgiques menacées enEurope dont les cinq sites roumains du grou-pe Metchel. La production sidérurgique rou-maine a chuté de 5 à 3 millions de tonnesentre 2008 et 2012 et 10 000 emplois ontdisparu.

En Europe, le secteur reste plombé parles surcapacités. Début février, le patrond'Arcelormittal, Lakshmi Mittal, avait estiméque la demande d'acier ne retrouverait jamaisson niveau d'avant-crise en Europe. "Lecontinent fait face à un changement structu-

rel. Il n'y a pas de croissance ici, pas de projets majeurs, pasde créations d'emplois ", avait-il indiqué aux "Echos".

Emmanuel Grasland (Les Echos)

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Les ouvriers de l'usine de

Mioveni (Pitesti) de Renault-Dacia

ont fait récemment grève pour

demander une augmentation de

salaire de 25 %. En réponse, leur

direction a menacé de délocaliser

au Maroc si les employés conti-

nuaient leur mouvement.

Ces derniers demandent une

revalorisation de leur rémunération

actuelle de 3965 lei (900 €), suite

aux bénéfices engrangés par le

constructeur qui n'est prêt à accor-

der qu'une hausse de seulement

9 %. Le salaire moyen roumain est

de 2100 lei, soit 478 €.

Dacia joue sur la corde sensible

de la délocalisation, laissant enten-

dre que l'activité de l'usine pourrait

être délocalisée au Maroc où

Dacia possède une usine toute

neuve, sa capacité de 400 000

véhicules par an étant encore lar-

gement sous-utilisée.

Une délocalisation de l'ensem-

ble des productions Dacia de

Roumanie, qui est actuellement le

premier exportateur du pays, est

envisageable, techniquement par-

lant, mais ça serait un gros coup

dur pour l'économie roumaine.

Finalement, le chantage de

Renault montre que la main d'œu-

vre bon marché des pays de l'Est

commençant à évoluer et son

niveau de vie augmentant, l'affaire

n'est plus aussi intéressante pour

les constructeurs européens occi-

dentaux qu'elle ne l'était voici dix

ans. D’où leurs regards tournés

vers d’autres horizons.

Le chantage de Renault face aux revendications de ses ouvriers

Sur 5,4 millions de contrats detravail actifs au mois de janvierde cette année en Roumanie,

seuls 33 000 comptaient des salaires supé-rieurs à 10 000 lei brut par mois (environ2280 €), tandis que 550 000 employésétaient payés au salaire minimum, soit700 lei brut par mois (environ 160 €),indiquait le quotidien Ziarul Financiar mi-

février citant les données de l'Inspectiondu travail. Deux tiers des salaires les plusélevés (22 000 sur 33 000) étaient concen-trés sur Bucarest, où le rapport entre lenombre d'employés les mieux payés et lesmoins bien payés est environ de 1 à 3. Cerapport est de 1 à 409 dans le départementde Gorj, de 1 à 356 à Suceava, et de 1 à353 dans le département de Vrancea.

Différences salariales : de 1 à 356

Igor Ziouzine: une tête à faire confiance…

Cinq usines sidérurgiques roumaines cédées pour 52 euros

Pas d'aide publique à veniret licenciements massifs en vue chez Oltchim

Fin mars, la Commission européenne s'est opposée au versement de 45 millionsd'euros par l'Etat roumain au combinat pétrochimique Oltchim de RâmnicuVâlcea. En l'absence de repreneur et après l'échec de la privatisation à l'autom-

ne dernier, la compagnie qui croule sous des centaines de millions d'euros de dettes esten procédure d'insolvabilité. Dans ce contexte, le Premier ministre Victor Ponta a annon-cé que des licenciements seraient inévitables pour maintenir l'activité. Sur les3000 employés que compte aujourd'hui Oltchim, plus d'un millier d'entre eux manifes-taient au même moment devant leur usine pour protester contre cette décision et pourréclamer leurs salaires impayés.

Ericsson, un sous-traitant de l'o-pérateur Orange a licencié 29personnes en Suisse depuis le

début de l'année. Une partie a été invitéeà se rendre en Roumanie pour "acheverun transfert de compétences".

Au 1er janvier 2013, 94 personnesont été transférées d'Alcatel-Lucent chezEricsson suite à la décision d'Orange dechanger de partenaire pour la maintenan-ce de son réseau de téléphonie mobile.Deux mois plus tard, près d'un tiers a étélicencié. "29 collaborateurs ont vu leurcontrat résilié, confirme Lars Bayer,porte-parole d'Ericsson. Les activités desix d'entre eux seront transférées enRoumanie". Et rien n'indique que l'héca-tombe s'arrête là : "Nous sommes encoreen train d'évaluer comment nous pouvonsgérer le réseau d'Orange le plus efficace-

ment possible"."Alcatel avait déjà délocalisé une

partie des tâches, mais Ericsson va plusloin", a constaté amèrement l'un desemployés concernés. Transférés, rempla-cés par des travailleurs de l'Est puis licen-ciés, les ex-employés d'Alcatel-Lucentpensaient avoir tout vu.

Mais le coup de grâce était encore àvenir: "Au cours des trois mois qui nousreste à travailler chez Ericsson, on nousdemande d'aller en Roumanie pour, selonleurs termes, achever un transfert decompétence", rage un autre collaborateur.Le premier message reçu y allait sansdétour: "Vous êtes attendus en Roumanieen avril".

Les jours suivants, le ton s'est un peuassoupli. Les personnes intéressées ontété invitées à signer un formulaire, sans

toutefois savoir combien de temps et àquelles conditions se ferait le voyage enRoumanie. Tous les employés sont révol-tés par cette proposition : "Oui, le mondeest globalisé et je ne pense pas que nouspuissions empêcher les délocalisations.Mais c'est la manière de procéder, lemanque de communication et la stratégiedu fait accompli qui nous révolte".

Face à ces critiques, Ericsson s'estcontenté d'indiquer qu'il n'est pas inhabi-tuel que les employés licenciés travaillentjusqu'à la fin de la période de préavis ettransmettent leurs tâches.

Orange, de son côté, a refusé d'en-dosser une once de responsabilité. "Nousavons signé un contrat de prestation avecEricsson qui prend ensuite ses propresdécisions", a déclaré la porte-parole,Thérèse Wenger.

Licenciés, ils sont invités à former leurs remplaçants en Roumanie !

Les joyeusetés du capitalisme et du monde globalisé

La compagnie aérienne Blue Air,créée par Ion Tiriac, qui appar-tient aujourd'hui à l'homme

d'affaires Nelu Iordache, a été mise envente, mi-avril. Selon des sources prochesde la compagnie aérienne low cost, il yaurait plusieurs investisseurs roumainsintéressés pour la reprendre. Le but decette vente est de trouver un acheteur quipuisse consolider et développer la compa-gnie. Mais on ne connaît pas encore sonprix de départ. Blue Air est détenue par lasociété Romstrade qui est en insolvabilitédepuis décembre. Casa de Insolventa

Transilvania, l'administrateur judiciaire deRomstrade, s'est proposée un terme dedeux mois afin de finaliser la transaction.Romstrade et Blue Air sont les compa-gnies les plus importantes contrôlées parl'homme d'affaires Nelu Iordache, qui aucœur d'une enquête pour un détournementde 25 millions de lei (environ 5,7 millionsd'euros) lié à la construction de l'autorouteNadlac-Arad, et qui se trouve en cemoment en détention. Bue Air assure desliaisons régulières de Bucarest versBeauvais, Nice, Bruxelles ainsi que depuisBacau vers la capitale belge.

Son PDG en prison, Blue Air mise en vente

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Images d’actualitéLes NOUVELLES de ROUMANIE

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ActualitéLes NOUVELLES de ROUMANIE

Selon une étude de la banque BCR publiée récemment, la Roumanie devraitse préparer à une augmentation problématique des départs à la retraite dans lesprochaines décennies, tandis qu'actuellement le nombre de retraités diminue et lemontant des pensions augmente.

Le vieillissement de la population roumaine entraînera de graves difficultéséconomiques pour le pays dans les prochaines décennies, indique l'étude dela BCR. A moins que le taux de natalité n'augmente significativement d'ici

à 2030, un Roumain sur cinq sera âgé de 65 ans et plus, contre un sur sept actuelle-ment. L'étude montre aussi qu'en 2060, ce taux pourrait atteindre un sur trois. "Unepopulation décroissante et vieillissante causera trois principaux problèmes: le ralen-tissement économique, la dépendance aux capitaux étrangers et une pression accruesur le budget de l'Etat à long terme", explique Eugen Sinca, analyste en chef à la BCR.

A la campagne, les prévisions démographiques sont encore plus dramatiques. Déjàun tiers des personnes travaillant dans l'agriculture sont âgées de plus de 55 ans, selonl'étude de la BCR, qui prévoit également un pic de départs à la retraite autour de l'an2035, en raison de taux de natalité anormalement élevés en Roumanie entre 1967 et1970. En bon financier issu du système bancaire qui a un œil intéressé sur cette per-spective, Eugen Sinca, explique que ce genre de phénomène exige "une réforme rapi-de du système de santé, impliquant des prestataires privés et le maintien de réformesimportantes déjà mises en œuvre dans le système de retraite".

L'augmentation du nombre de retraités ne touche pas encore le pays. Selon uneenquête récente de l'INSSE, la Roumanie comptait 5,4 millions de retraités fin 2012,soit 1,8% de moins que l'année précédente. La pension mensuelle moyenne l'an dernierétait de 773 lei (environ 170 euros), soit 2,7% de plus qu'en 2011, et 8% de plus qu'en2010. Les retraites roumaines sont les plus élevées à Bucarest (982 lei en moyenne, soit218 euros), et les plus basses dans le département de Giurgiu, à la frontière bulgare(642 lei en moyenne, soit 140 euros).

27 % des enfants de 18 ans et

moins de l'UE sont menacés de pau-

vreté ou d'exclusion sociale, selon

une étude d'Eurostat. Les pays où

les enfants sont le plus confrontés à

cette situation sont la Bulgarie (52 %

des moins de 18 ans), la Roumanie

(49 %), la Lettonie (44 %) et la

Hongrie (40 %).

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Social

Retraites moyennes à 170 euros

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ALBA IULIA

Un enfant roumain sur deux menacé de pauvreté

Sombres perspectives démographiques

La crise économique ne cesse de

s'aggraver en Europe, et la crise

sociale qu'elle engendre affecte dés-

ormais jusqu'à la fécondité et la nata-

lité, indique la Commission de

Bruxelles dans sa dernière Revue tri-

mestrielle. Dans ce bilan très noir,

une donnée est mise en évidence:

depuis 2009, l'indicateur européen

de la fécondité a cessé de progres-

ser. Il est stabilisé à un niveau légè-

rement inférieur à 1,6 enfant par

femme dans l'Union alors qu'il pro-

gressait de manière continue depuis

une décennie. Avec un taux de

2,01 enfants en 2011 - juste derrière

l'Irlande 2,05 -, la France est proche

du taux de renouvellement naturel de

la population (2,1) et fait figure d'ex-

ception: en Allemagne et en

Espagne, on compte 1,36 enfant par

femme, 1,25 en Roumanie et 1,23 en

Hongrie.

Sur 189 575 naissances enregis-

trées en Roumanie en 2012, 94 %

ont eu lieu dans des hôpitaux publics

tandis que 6 % se sont déroulées

dans des cliniques privées. Il s'agit

du chiffre le plus bas depuis 2000, la

natalité baissant constamment

depuis 2008 (221 900 naissances).

Natalité en berne

De 148 euros en Bulgarie à 1801 euros au Luxembourg : un SMIC à plusieurs vitesses en Europe (plusieurs pays n'ont pas de salaire minimum légal).

Les salaires minimum en Europe

La laïcité de l’Etat esttoujours une question

dérangeante et de peud’actualité en Roumanie.Pénurie chronique dans

les hôpitaux: “Nous n’avons pas de sang,

de médicaments, coton,sérums, perfusion,

pansements.. . Mais, rassurez-vous:

le temps guérittoutes les blessures !”

L’Américain Bechtel alaissé en plan la construction d’autoroutesconfiée par l’Etat,aprèss’être largement payé.Chantiers désertés, lesautomobilistes attendront... Ils ont l’habitude !

De très fortes pluies ont provoqué d’importantes inondations dans

l’ensemble du pays, en mars et avril.Président de l’Institut Culturel Roumain, Andrei

Marga a fait la joie des caricaturistes aumoment du salon du livre de Paris pour

son côté rétrograde et ses valeurs dépassées.

La Roumanie en mars et avril

Crise aidant, la Roumanie et la France sont condamnées aux mêmes politiques.

Vasile Blaga a pris le contrôle total du PDL,lors de son congrès,afin de succéder à TraianBasescu, fin 2014, et peut désormais dire à la

manière de Louis XIV: “Le parti... c’est Moi !”

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Société

Ils croyaientavoir toutvu, mais le

23 février, lorsqu'ilsont fait une descen-te chez les frères

Nutu et Sile Camataru, figures du milieu interlope de Bucarest,ils ont eu un choc. Les "masqués" étaient venus mettre la mainsur les truands les plus redoutables de la capitale roumaine, ilsse sont retrouvés face à quatre lions, deux ours, deux cerfs desCarpates, une vingtaine de chiens, une trentaine de chevaux derace et une panoplie d'oiseaux exotiques, pris de panique à lavue de la petite armée de ninjas.

Une chambre de torturenon loin de la cage des lions

Les deux frères, Ion et Vasile Balint de leur vrai nom, issusde la communauté rom, se sont choisi le surnom de Camataruen référence à la "camata", un système de prêts usuraires quia fait leur fortune. S'ajoutent à ces malversations un certainnombre de chefs d'accusation témoignant de l'éclectisme deleurs activités: "mise en place d'un groupe criminel organisé","tentatives de meurtres", "proxénétisme", "privation de liber-té", "chantage", "non-respect de la réglementation concernantles armes et les munitions"... Les deux frères n'en sont pas àleur premier passage en prison: ils s'étaient déjà retrouvés der-

rière les barreaux entre 2004 et 2012. Leur réseau, resté sanschef, avait ralenti ses activités, d'autant plus qu'un grouperival, surnommé les "sportifs" était venu occuper la place lais-sée libre. Libérés de prison en 2012, les Camataru ont voulutout de suite reprendre leur rang, organisant plusieurs descen-tes musclées dans les quartiers bucarestois tenus par les "spor-tifs". Le bestiaire des frères Camataru n'a pas été la seule sur-prise pour les policiers, qui ont aussi découvert au domiciledes deux frères, non loin de la cage des lions, une chambre detorture. Des témoins ont confirmé que les victimes, des prosti-tuées ou des comparses n'ayant pas payé leur "cotisation" àtemps, étaient menacées d'être lâchées aux fauves.

Leur mère, "Mimi la prêteuse", est choquée

Les arrestations conduites par les "masqués" (29 au total)ont porté un rude coup aux deux réseaux rivaux. Mais NutuCamataru affirme qu'il tremble plus pour ses animaux quepour lui-même, se disant "effondré" à l'idée que les autoritésallaient confisquer les fauves. Et sa mère, Mimi Camataru -"Mimi la prêteuse" de son surnom -, de renchérir : "Si mongarçon avait été là pour voir comment ils ont enlevé ses ani-maux, il serait mort. Ce n'est pas la prison qui lui fait peur,c'est l'absence des animaux qui peut le tuer".

La ménagerie des frères Camataru a été provisoirementtransférée au jardin zoologique de Ploiesti, non loin deBucarest. Les lions devraient être envoyés dans une réserved'Afrique du Sud, pour y trouver un milieu moins violent.

Les NOUVELLES de ROUMANIE

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SociétéLes NOUVELLES de ROUMANIE

Deux juges roumaines ont été arrêtées mi-mars sous l'accusation de corrup-tion et de trafic d'influence, pour avoir reçu des dizaines de milliers d'euros enéchange de décisions favorables visant plusieurs inculpés, a annoncé le parquetanticorruption (DNA). Triste illustration d'un fonctionnement de la justice rou-maine qui ramène aux années 30 aux Etats-Unis, lorsque la mafia faisait la loi.

Viorica Dinu et Antonela Costache (notre photo), juges au Tribunal deBucarest, sont notamment soupçonnées d'avoir exigé en janvier le verse-ment de 150 000 euros, promettant en échange d'obtenir une décision favo-

rable à la remise en liberté d'un homme d'affaires placé en détention provisoire pourfraude, Dinel Nutu. Alors que leurs démarches ont échoué, elles ont rendu à son frèreles quelque 55 000 euros reçus en tant qu'avance.

En février, lorsque l'inculpé à fait une nouvelle demande de mise en liberté, lesdeux femmes "se sont fait promettre la somme de 150 000 euros, laissant entendre enéchange qu'elles étaient en mesure d'influencer la décision des juges devant se pronon-cer sur cette question", indique le DNA. Nutu, déjà condamné à sept ans de prison dansun autre dossier, a été remis en liberté le 7 février, alors que son procès continue. Selonle DNA, l'enquête sur cette affaire se poursuit. La femme de Dinu est également soup-

çonnée d'avoir reçu environ 44 000euros, en complicité avec AntonelaCostache, afin d'intervenir auprès dejuges chargés de trois autres dossiers,précise le DNA. Un greffier du Tribunalde Bucarest et deux avocats sont égale-ment visés dans cette enquête.

L'enquête du DNA corrobore despratiques malheureusement habituellesdans le système judiciaire roumain. Augré de ses révélations, on y découvre lesmanigances des juges, avocats, gref-fiers, se partageant les enveloppes remi-

ses par les justiciables: "20 000 € pour le chef, 10 000 pour toi et pour moi" (proposenregistrés dans un ascenseur conduisant dans la salle du tribunal) pour obtenir unedécision favorable, 5000 € pour obtenir un tirage au sort avantageux dans l'ordre desprocédures, 30 000 € pour la libération d'un prévenu, 1000 € aux secrétaires pour uneinformation, des manteaux de fourrure en récompense, etc.

La peur de finir comme à Chicago ?

Faut-il mettre la décision des deux juges "marron" Viorica Dinu et AntonelaCostache de rendre l'avance qu'elles avaient reçue pour des "services" qu'elles n'ont pufinalement fournir sur le compte d'un code d'honneur auquel elles s'estimeraienttenues…ou plutôt sur la peur de finir comme les malfrats de Chicago quand ils se met-taient à dos la mafia ? La Roumanie, qui fait l'objet d'une stricte surveillance de la partde Bruxelles pour réformer son système judiciaire, s'est engagée à renforcer la luttecontre la corruption. Ses graves dysfonctionnements ont entraîné la méfiance générali-sée de l'UE à l'égard du pays et contribué à bloquer son intégration dans l'EspaceSchengen. En 2012, deux juges de la Haute Cour de justice et de cassation ont étécondamnés à des peines de prison pour corruption tandis que deux autres ont été incul-pés pour des faits similaires.

La justice roumaine est l'institution dans laquelle les citoyens roumains ont lemoins confiance. Le seul espoir qu'ils conservent est que, à travers le DNA, dont l'exis-tence est régulièrement menacée ou entravée par l'actuel gouvernement et la nomenkla-tura en général, ils aient trouvé leur Eliott Ness et son équipe "d'incorruptibles".

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BUCAREST

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TULCEABRAILA

BOTOSANI

SF. GHEORGHE

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CLUJ

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Fraudes aux analyses médicales

CHISINAU

l

Les "ninjas" font une descente chez les prêteurs sur gages

l

l

Elles rendent leur bakchich Evénements

PLOIESTI l

Le zoo des frères Camataru

Vingt-deux personnes, dont une

dizaine de médecins, ont été arrê-

tées en Roumanie pour une fraude

aux analyses médicales rembour-

sées ayant coûté à l'Etat environ

500 000 euros. Selon les enquê-

teurs, les responsables de deux

laboratoires de Bucarest, bénéficiant

de la complicité de plusieurs

de leurs employés, de méde-

cins et d'assistants médicaux,

ont demandé à la Caisse d'as-

surance maladie de rembour-

ser 14 000 analyses fictives.

L'argent était partagé entre

les différents membres du ré-

seau, la part des médecins s'é-

levant à 10% de sommes rem-

boursées. 42 personnes sont

poursuivies dans cette affaire,

mais seules 22 d'entre elles

ont été placées en détention provi-

soire pour 29 jours par le tribunal de

Bucarest. Plus de 800 patients, dont

les noms avaient été utilisés dans

cette fraude, ont jusqu'ici été enten-

dus par le parquet. Les enquêteurs

ont également découvert que, dans

certains cas, des malades souffrant

de maladies incurables ont reçu de

faux résultats d'analyses: les labora-

toires en question ne les avaient pas

effectuées ou avaient utilisé des

réactifs périmés. Souffrant d'un

manque chronique de fonds, le sys-

tème roumain de santé peine à

enrayer la corruption et le gaspillage.

Afin de limiter les fraudes aux médi-

caments remboursés, le ministère de

la Santé a notamment rendu obliga-

toires depuis janvier les prescriptions

électroniques qui permettent d'éviter

les faux et assurent un meilleur suivi

des malades.

Peu avant Pâques, le quotidien bulgare Monitor a révélé que les autorités fiscales bulgares envisageaient de prendre desmesures sévères contre les Roumains qui immatriculent illégalement leur véhicule en Bulgarie de nombreux touristesétant attendus sur le littoral pendant cette période. Les autorités veulent confisquer environ 35 000 voitures illégale-

ment immatriculées. En effet, beaucoup de Roumains préfèrent enregistrer leurs voitures en Bulgarie car la taxe est en moyennehuit fois plus faible qu'en Roumanie, conduisant ainsi des voitures au nom de citoyens bulgares. Ces derniers reçoivent entre25 et 50 euros pour ce petit service. Le quotidien révèle que le record est détenu par un jeune Bulgare habitant Ruse, sur la fron-tière du Danube, en face de la ville roumaine de Giurgiu, qui possède officiellement 712 voitures.

Faits divers

Alerte à l'aflatoxine dans le lait

A Bucarest, on les appelle les "masqués". Cagoulés, vêtus d'uniformes noirset armés jusqu'aux dents, ils semblent sortis tout droit d'un film de ninjas. Cettebrigade de la police roumaine est spécialisée dans les affaires délicates : antiter-rorisme ou traque des réseaux du crime organisé.

Des juges vraiment trop honnêtes!

En mars, les ventes de lait ontdiminué de 30% en une semai-ne entraînant des millions

d'euros de perte pour les producteursaprès la détection d'aflatoxine dans cer-tains lots", a indiqué le directeur dupatronat des producteurs de lait (APRIL),Dorin Cojocaru. L'aflatoxine est unemycotoxine (toxine qui se développe

dans des micro-champignons) qui peutavoir des effets cancérigènes si elle estconsommée en grande quantité sur unelongue période. Les produits laitiers envente dans les supermarchés sont "ultratestés et très sûrs", assure le directeurd'APRIL, mais le retour de la confiancedes consommateurs risque de prendre dutemps. La semaine précédente, des analy-

ses dans plusieurs fermes ont révélé uneprésence d'aflatoxine supérieure à lanorme autorisée.

Des contrôles sanitaires ont été misen place à travers tout le territoire. Selonles premiers résultats, 5% des 1335échantillons qui ont été testés ont enregis-tré un niveau d'aflatoxine au-dessus deslimites autorisées.

La Bulgarie pourrait confisquer les voitures illégalement immatriculées

Page 14: ROUMANIE 77

SociétéLes NOUVELLES de ROUMANIE

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Les NOUVELLES de ROUMANIE Société

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Investir, attendre ou vendre ? Qui achète quoi ? Vasile Ciorâtsa, ancien vice-président de l'ARAI (Association roumaine des agences immobilières) analyse lesévolutions récentes du marché immobilier en Roumanie. Pour lui, le nombre tou-jours réduit de transactions est surtout le résultat de la réticence des banques àfinancer l'achat de biens immobiliers, mais aussi de la méfiance des gens.

Regard: Les prix des appartements sur l'ensemble du pays vont-ils continuer àbaisser ou faut-il s'attendre à un revirement ?

Vasile Ciorâtsa : Selon moi, les prix dans l'immobilier vont augmenter de quelquespoints dans un avenir proche, car ils sont au plus bas. Mais cela dépendra de la situationéconomique, de l'évolution de la politique des crédits, etc. Il n'est donc pas impossibleque les prix des appartements construits avant 1970 baissent encore légèrement, car lesbanques offrent difficilement des crédits pour des appartements très anciens, et ce n'estpas près de changer.

R: Est-ce donc le meilleur moment pour acheter ? V.S. : Oui, c'est le moment, car les prix sont très bas et un bien immobilier sera tou-

jours rentable à long terme.R: Pourtant, on parle encore de blocage du marché immobilier…V.S. : A mon avis, il n'y a plus de blocage proprement dit. Le nombre toujours réduit

de transactions est surtout le résultat de la réticence des banques à financer l'achat debiens immobiliers, mais aussi de la méfiance des gens. Avec la crise, certains ont perduleur emploi, ne pouvaient plus rembourser leur crédit et ont par la suite perdu leur mai-son. Un scénario nouveau en Roumanie qui n'existait pas avant.

R : Le marché était surévalué surtout à Bucarest, où il y avait une tendance spé-culative. En province, les prix ont-ils autant baissé ?

V.S. : Selon mes informations, le marché immobilier a plus baissé en province qu'àBucarest, car si les prix sont en général moins élevés, le pouvoir d'achat y est plus réduit.

R : Et comment se louent les appartements ?V.S.: Les loyers ont aussi baissé. Par exemple, si en 2007 un deux pièces meublé

situé sur le boulevard Unirii à Bucarest coûtait environ 500 € par mois, à présent leloyer dans la même zone a baissé jusqu'à 350 € par mois. A noter que les appartementsnon rénovés ou avec des meubles anciens restent souvent vides pendant des mois avantde trouver un locataire.

R : Quelle est la situation pour les surfaces commerciales ?V.S. : Les bons emplacements, situés dans les zones très fréquentées, ont toujours

la cote, bien que les loyers aient baissé de 25% environ en 2012 par rapport à 2011. Cettebaisse a entraîné aussi la baisse des prix de vente dans les mêmes zones, toujours d'en-viron 25%. Par contre, dans les zones moins fréquentées, la baisse des prix de vente etdes loyers, d'environ 50%, n'empêchent pas que ces espaces restent souvent vides pen-dant de longues périodes.

FOCSANI

l

l

Sept réseaux roumains soupçon-

nés de falsification de cartes bancai-

res, sévissant notamment en

Allemagne et en Grande-Bretagne et

ayant causé un préjudice de plus de

deux millions d'euros, ont été

démantelés, courant mars. Au total

44 personnes ont été interpellées

dans le cadre de cette opération

coordonnée par la Roumanie et l'offi-

ce européen des polices Europol.

Les réseaux interconnectés

avaient fabriqué des appareils qui

copiaient les données des cartes

bancaires au moment où elles

étaient utilisées aux distributeurs de

billets ou aux terminaux de paiement

en Allemagne, en Espagne, en

Suisse, au Portugal, en France, en

Grande-Bretagne, en Equateur, en

Colombie et en Autriche. Ces don-

nées étaient ensuite utilisées pour

cloner les cartes.

Des montants substantiels d'ar-

gent étaient retirés avec ces copies

dans la République dominicaine, aux

Etats-Unis, au Japon, en Jordanie et

au Népal. Les victimes sont originai-

res de différents pays d'Europe et

des Etats-Unis. Les réseaux opé-

raient depuis 2011 et comptaient

plus de 100 membres, a indiqué la

police. Des perquisitions simultanées

ont eu lieu en Allemagne, en

Grande-Bretagne, aux Etats-Unis,

dans la République dominicaine, à

Bucarest et dans 17 départements à

travers la Roumanie, selon la police.

Europol estime que les fraudes

aux cartes bancaires permettent à

des groupes criminels organisés

d'engranger des revenus de plus de

1,5 milliard d'euros par an unique-

ment dans l'Union Européenne.

Falsificateurs de cartesbancaires arrêtés

l

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Les dernières tendances de Vie quotidienne

Si c'est le moment d'acheter

RESITAl

l'immobilier à Bucarest et en province

ce n'est pas celui de vendre!Il faut avoir au moins un revenu de 1500 € pour un jeune couple

R : Pourriez-vous dresser le portrait de l'acheteur typeet de son âge ? Combien gagne-t-il ?

V.S. : Actuellement, ceux qui achètent sont surtout lesjeunes couples de moins de 35 ans qui attendent un bébé, ouqui envisagent d'en avoir un, et qui gagnent, ensemble, aumoins 1500 euros par mois. Ils paient 250 euros mensuelle-ment pour rembourser leur crédit, et le reste leur suffit pourcouvrir les autres dépenses. Ceux âgés de plus de 35 ans achè-tent surtout pour investir. Ils ont des revenus d'environ2000 euros par famille et ne s'engagent que s'ils trouvent unebonne affaire.

R : Quels biens sont les plus recherchés ?V.S. : Cela dépend de celui qui cherche. Sans doute les

deux pièces, car les acheteurs, même s'ils sont célibataires,pensent à un futur à deux. Par contre, ceux qui ont déjà, ou quiattendent un enfant achètent au moins un trois pièces.

Propos recueillis par Rasvan Roceanu pour Regard

Depuis cinq ans et le début de la crise en Roumanie, le prix des appartements anciens s'est effondré dans tout le paysn'atteignant plus que 40 % de leur valeur de 2008. C'est à Bucarest que la baisse la plus sensible a été enregistrée(-57 %), où le prix de l'immobilier est toujours cependant le plus élevé, et, à contrario, à Oradea où la baisse a été la

plus faible (-20 %). Dans la capitale, le m2 de l'ancien se négocie autour de 960 € en moyenne et l'on peut trouver des T2 de42 m2 de surface utile à 40 000 €, comme à Cluj. A Resitsa (Caras Severin) pour la même superficie, il faut acquitter 19 000 €,un peu plus à Baia Mare ou Alba Iulia (22 000 €, 500 € le m2).

Certains quartiers de Bucarest sont toutefois plus chers : 80 000 € pour un T3 de 55 m2 datant des années 80-90, dans le sec-teur de la place des aviateurs, 125 000 € pour un T4 de 85 m2 à Decebal, construit après 1990… étant donné que, vue la faibles-se de la demande, ces prix peuvent être négociés à la baisse de 10-13 %.

Certains experts estiment que la dégringolade ne devrait pas s'arrêter là, le gouvernement encourageant les programmes deconstruction et d'acquisition du neuf, baptisés "Prima casa" ou "Casa Noua" (Première ou Nouvelle maison).

Selon une étude publiée par Bloomberg,la Roumanie pointe en milieu de clas-sement concernant le prix du carburant

(1,32 euro le litre en moyenne), classée 33e sur60 pays à travers le monde. Elle est toutefois lehuitième pays où l'essence est la plus chère comp-te tenu du rapport entre le niveau de vie de seshabitants et les prix à la pompe, un gallon d'essen-ce (un peu plus de 3,7 litres) coûtant environ 30%d'un salaire moyen journalier en Roumanie. LaTurquie, la Norvège et les Pays-Bas sont les paysen tête du classement, où l'essence est la pluschère (1,80 euro le litre). Sans surprise, les paysdu Moyen-Orient, producteurs de pétrole, sontceux où le carburant est meilleur marché, derrièrele Venezuela, où le litre d'essence ne coûteraitqu'un centime d'euro le litre.

Le quotidien Gândul a réalisé un classement des départements rou-mains en fonction de la qualité des conditions de vie. Et c'est ledépartement de Timis qui tient la première place. Ce classement a

été réalisé à partir de sept indicatifs socio-économiques provenant des basesde données de trois instituts publics. Il s'agit du taux de chômage, du salairemoyen net, de la contribution des habitants à l'économie locale, de l'espéran-ce de vie à la naissance, du pourcentage de foyers raccordés au réseau decanalisation, du taux de criminalité et des espaces verts en zone urbaine.

Surprise, le département de Bucarest a dû laisser la première marche dupodium au "moteur économique" roumain, à savoir le département de Timis.En contrepartie, Bucarest peut se vanter d'avoir la plus grande surface d'espa-ce vert du pays, le salaire moyen net le plus élevé, le taux le plus élevé defoyers raccordés au réseau de canalisation, la plus importante contributiondes habitants à l'économie locale, et l'espérance de vie la plus grande. Puisviennent les départements d'Ilfov, périphérie de Bucarest (taux de chômage leplus faible), de Sibiu et de Cluj, et en dernier, le département de Vaslui.

Timis, le département où il fait bon vivre

Très chère essence

Lors des premières enchèrespour un bien saisi, en généralaucun client ne se présente, les

banques sont donc forcées de baisser leprix, jusqu'à 75% du prix initial. Ainsi, unstudio en plein centre de Bucarest, d'unesurface de 17 m2, s'est dernièrementvendu 8460 €. A Arad, un autre studio, de33 m2, n'a coûté que 8500 €. Un deux piè-ces de 50 m2 à Videle (80 km à l'ouest deBucarest), s'est vendu 14 400 €, tandis

qu'à Bucarest, un autre deux pièces de38 mètres carrés est parti pour 25 000 €.Pour l'année 2013, entre 6800 et 7000 sai-sies sont attendues.

Il y aurait actuellement 4500 biensimmobiliers en passe d'être saisis sur l'en-semble du pays. En 2010, le nombre d'ap-partements sous saisie était de 482, et en2011 de 608. Même tendance pour lesmaisons individuelles: 364 saisies en2010, 390 en 2011, et 957 en 2012.

Le nombre des saisies explose

Immobilier : effondrement du marché de l'ancien

Les plus fortes baisses du marché de l’immobilier ancien, en ce quiconcerne les appartements, touchent Bucarest et ses environs (-57 %),

mais aussi les judets de Pitesti, Baia Mare et Bistrita -Nasaud, où lesprix ont baissé pratiquement de moitié, ces cinq dernières années.Oradea (-20 %), Buzau (-27 %), Deva (-28 %), Suceava (-32 %) et

Timisoara (-38 %) sont les départements les plus épargnés. Le prix d’un2 pièces de 42 m2 varie entre 19 000 € à Resita et 40 000 à Bucarest.

Page 15: ROUMANIE 77

Société

C'est seulement en 2000, lorsque Bucarest a engagéles négociations d'adhésion à l'Union Européenne,que le gouvernement a commencé à réfléchir à une

politique des déchets qui applique les normes européennes. Latâche s'avère difficile. Le pays reste le plus mauvais élève del'Union en matière de déchets. Selon les statistiques européen-nes publiées en mars, la Roumanie ne recyclait, en 2011, que1 % de ses déchets ménagers, le reste partant en décharge. Orl'UE a fixé aux Etats membres un objectif de recyclage deleurs déchets ménagers de 50 % en 2020.

Le 19 mars, à Bruxelles, la Roumanie a participé à unséminaire visant à aider les pays les moins performants enmatière de gestion des déchets à optimiser leurs politiques àl'aide de feuilles de route personnalisées.

"C'est la santé des gens qui est en cause"

La Roumanie, dernier pays à adhérer à l'UE aux côtés dela Bulgarie en 2007, a accumulé beaucoup de retard. Enaccord avec la Commission européenne, Bucarest avait fixécomme limite la date du 16 juillet 2009 pour la fermeture de78 décharges à proximité des grandes villes et de 7068 petitesdécharges improvisées dans les villages. "Seules 19 déchargesont été fermées dans les zones urbaines et 59 continuent àfonctionner illégalement, avait reconnu, l'échéance arrivée,Nicolae Nemirschi, le ministre de l'environnement de l'é-poque. En milieu rural, seulement 1 304 décharges ont été fer-mées et 5 764 sont restées ouvertes en toute illégalité".

Le gouvernement actuel promet de mettre en place unenouvelle stratégie pour trouver des solutions à ce problèmeque la Commission européenne ne cesse de dénoncer. "Un desplus grands défis de la Roumanie est la gestion de déchets,reconnaît Elena Dumitru, secrétaire d'Etat au ministère de l'en-vironnement. Ce problème ne concerne pas seulement la pro-tection de l'environnement, c'est la santé des gens qui est encause. Il y a encore des décharges qui risquent de polluer nosvilles et des champs recouverts de bouteilles en plastique, decartons et de toutes sortes d'emballages".

Cette situation concerne aussi le matériel électronique: leministre de l'environnement promettait de mettre en place fin

avril un nouveau projet pour la collecte de ce type d'équipe-ments. Quant au tri des déchets, il commence à entrer dans leshabitudes des Roumains.

19 000 conteneurs installés dans plus de 400 localités

C'est en 2005 que les premiers conteneurs ont été installésdans 14 villes, dans le cadre d'un projet pilote. A la fin de2012, 19 000 conteneurs ont été installés dans plus de400 localités. "En 2012, nous avons collecté 36 000 tonnes dedéchets triés par la population", affirme Sorin CristianPopescu, directeur de la société Eco-Rom Ambalaje, qui aobtenu la licence "Point vert".

"Nous travaillons maintenant avec 2500 partenaires quidevraient nous livrer cette année 630 000 tonnes d'emballa-ges. On constate un changement de comportement chez lesconsommateurs. En deux ans, les Roumains ont diminué de10 % les achats de boissons en bouteilles en plastique pourprivilégier les bouteilles en verre", explique-t-il.

C'est sous la pression de la Commission européenne queles autorités de Bucarest ont pris le taureau par les cornes.Bruxelles a sommé la Roumanie de se mettre en conformitéavec les objectifs communautaires à plusieurs reprises. Lepays doit bénéficier, dans le budget 2014-2020, d'une envelop-pe européenne de 1,3 milliard d'euros pour finaliser des pro-jets de gestion de déchets. De quoi convaincre le gouverne-ment roumain.

Mirel Bran

Les NOUVELLES de ROUMANIE

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SociétéLes NOUVELLES de ROUMANIE

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Le projet de construction d'un parc aquatique géant qui devait s'étendre sur53 000 m2 dans le parc Tineretului, au sud de la capitale, a été stoppé après quela Cour d'appel de Bucarest a décidé d'annuler le permis de construire sur

demande de l'association Salvati Bucurestiul. "Cette décision est irrévocable", a précisél'instance. La zone d'agrément voulue par l'investisseur prévoyait plusieurs piscines cou-vertes, des restaurants et des parkings. L'association de sauvegarde du patrimoine a saisila justice dès septembre 2011 pour dénoncer le permis de construire, invoquant la loi quiinterdit de bétonner les espaces verts. Les six institutions locales qui doivent être aviséespour ce genre de construction avaient pourtant donné leur feu vert.

L'investissement initial prévu pour la construction de ce parc était de 7 millions d'eu-ros. Les pertes s'élèveraient à plusieurs centaines de milliers d'euros, selon l'investisseur.Salvati Bucurestiul a conseillé à ce dernier d'attaquer en justice les pouvoirs publics quil'avaient embarqué dans cette affaire. C'est la seule façon, selon l'association, pour "stop-per l'attitude irresponsable des mairies de Bucarest qui émettent les actes nécessaires auxinvestissements immobiliers" pour développer leurs magouilles.

La Roumanie a réduit le soutienqu'elle accorde aux énergiesrenouvelables, éoliennes, solai-

res et hydrauliques pour éviter de surcom-penser les investisseurs en réduisant lesincitations financières et fiscales qui lesavaient attirés en nombre depuis un an.

Les subventions de la Roumanie, quiselon les analystes de la CommissionEuropéenne sont trop généreuses, ontamené des milliards d'euros d'investisse-ments, notamment dans le secteur de l'éner-gie éolienne.

Le régime de soutien de la Roumaniedonnait aux producteurs d'énergies renou-velables des certificats "verts" pour chaque

mégawatt généré. Les fournisseurs doiventobtenir un pourcentage croissant de l'éner-gie qu'ils vendent ayant été produite par desénergies renouvelables, et acheter des certi-ficats pour atteindre ces objectifs.

Les investisseurs dans les énergiesrenouvelables font des bénéfices lorsqu'ilsvendent les certificats puis lorsqu'ils ven-dent leur production d'électricité.

Ce système qui est en place depuisseulement un an, a aussi conduit les tauxd'inflation à augmenter. Les certificats vertsreprésentaient près de la moitié d'une aug-mentation de 10% des factures électriquesdes ménages en janvier 2013. Ce problèmese pose aussi dans d’autres pays de l’UE.

L'Europe "gâche des volumes

importants de ressources précieu-

ses" en ne recyclant que près de

40% de ses déchets municipaux,

avec des disparités fortes entre

les meilleurs élèves que sont

l'Autriche et l'Allemagne, la

Roumanie et la Bulgarie, bonnes

dernières, alerte l'Agence euro-

péenne pour l'Environnement

(EAA). En 2010, 39% des déchets

municipaux (principalement ceux

des ménages) ont été recyclés (ou

compostés) dans l'Europe des 27,

soit une progression de 13% entre

2001 et 2010.

Avec un taux de 35% (18% de

recyclage du verre, plastique, etc.

et 17% de compostage), la France

se classe au 10e rang, juste der-

rière l'Irlande et l'Italie, avec une

progression de 9% du poids des

déchets recyclés depuis 2001.

Cinq pays avaient déjà atteint

en 2010 l'objectif de l'UE d'un taux

de recyclage de 50% d'ici 2020:

l'Autriche (63%), l'Allemagne

(62%), la Belgique (58%), les

Pays-Bas et la Suisse (51%), pays

comptabilisé dans les statistiques

de l'EAA. La Roumanie et la

Bulgarie dont le taux de recyclage

s'élevait en 2010 respectivement à

1% et 0%. Pour atteindre l'objectif

chiffré à l'horizon 2020, ces deux

pays doivent augmenter leur taux

de recyclage de plus de 4%

chaque année au cours de la pro-

chaine décennie, ce qu'aucun

autre pays n'est parvenu à réaliser

entre 2001 et 2010.

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CHISINAU

FOCSANI

l

T. SEVERINl

TG. JIUl

Environnement Un bon point

Recyclage desdéchets: laRoumanie et laBulgarie loin derrière

pour les défenseurs de l'environnement à Bucarest

La Roumanie réduit son soutien aux énergies renouvelables

Selon un rapport publié par l'association Green Buildings, en partenariat avecNAI Romania et Constructions 21, seuls 5% des bâtiments construits enRoumanie depuis 1990 ont été conçus pour réaliser des économies d'énergie.

2 millions de m² d'espaces construits sont ainsi considérés comme "efficaces" du point devue énergétique. Cela représente tout de même un certain progrès depuis l'an 2000, où l'onne recensait pas le moindre m² économe en énergie sur l'ensemble du pays.

Seuls 5% des bâtiments roumains sont économes en énergie

Bruxelles presse la Roumanie de fermer ses décharges

Environnement

Des décharges improvisées aux abords des villages, deschamps entiers recouverts de déchets ménagers : c'était, il y apeu, le paysage habituel du monde rural où vit la moitié des20 millions de Roumains. La transition chaotique qu'aconnue la Roumanie dans les années 1990, après la chute dela dictature communiste, a empêché le pays de mettre enplace une stratégie pour la gestion des déchets.

L'est de l'Europe en retard dans la gestion des ordures

Les pays de l'est de l'Union Européenne (UE) sont,aux côtés de la Grèce et de l'Italie, les moins perfor-mants en matière de gestion des déchets. Ils produi-

sent moins de déchets ménagers que la moyenne : entre 300 kget 400 kg par an et par habitant, contre 503 kg en moyennedans l'ensemble de l'Union. Leur gestion est très différente decelle des autres Etats membres: une écrasante majorité desordures (99 % en Roumanie, 94 % en Bulgarie, 88 % enLituanie et en Lettonie contre 37 % en moyenne dans l'UE)part en décharge. Bruxelles cherche à leur faire développer desalternatives à ce mode de traitement, classé dernier dans la hié-rarchie européenne des bonnes pratiques, après la prévention,le réemploi, le recyclage et la valorisation.

Les émissions polluantes des centrales électriques au charbon seraient responsa-bles de près de 20 000 morts par an dans l'UE, selon un rapport publié parl'ONG Alliance pour la santé et l'environnement. Le coût sanitaire serait de

42,8 milliards d'euros. La Pologne, la Roumanie et l'Allemagne sont les plus touchées.

Centrales au charbon mortifères

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SociétéLes NOUVELLES de ROUMANIE

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PITESTI

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Amitié d'un jour, amitié toujours ? Pas facile à dire pour les expatriés dontle séjour à l'étranger présente souvent une date péremptoire. Relations intra-communautaires superficielles ou réels liens d'affection, l'amitié entre expatsrésiste-t-elle à l'épreuve du temps et de la distance ? Lepetitjournal a enquêté àtravers le monde. Rappelons que la Roumanie compte entre 4000 et 5000 expa-triés francophones (Français, Belges, Suisses, Luxembourgeois, Canadiens,Africains), dont la moitié de Français.

Si l'expatriation est une ouverture sur le monde, cela ressemble le plus sou-vent à une vie en communauté. L'éloignement de la mère patrie rapprocheen effet le plus souvent ceux qui partagent le même passeport, le même

patrimoine culturel ou encore la même langue. Les réseaux d'expatriés facilitent lesrencontres. L'expatrié isolé et perdu du début se retrouve rapidement entouré d'uneribambelle de nouveaux amis.

Seconde famille …

L'amitié entre expats est souvent la plus évidente lorsque l'on arrive dans un paysméconnu. Rencontrer des Français installés depuis plus longtemps permet, grâce auxanecdotes racontées et autres expériences partagées, d'accélérer le processus d'assi-milation des us et coutumes du pays d'adoption. L'amitié devient alors une arme d'in-tégration massive. Ces nouvelles relations amicales comblent le vide affectif et lemanque des siens aujourd'hui à des milliers de kilomètres. "En ce qui concerne lesexpatriés à demeure, donc installés dans un autre pays, la fréquentation des autresexpatriés est une nécessité, ils deviennent pour toujours une deuxième famille",explique Maite (Espagne).

Ce clan reconstitué est également une source de réconfort pour l'expatrié qui saitqu'il peut partager sans crainte avec elle toutes ses questions et observations sur sonpays d'accueil et sur l'expérience expatriation. "Comme notre famille est très loin,nous partons en weekend avec quelques amis bien choisis, et les aventures que nous

partageons lors de vacances ensembles dans des régions recu-lées de Chine par exemple, créent des liens indéfectibles. Onest presque dans la fraternité à ce niveau là, on s'attache aussitrès fortement aux petits bouts de chou que l'on voit grandir.D'autant que ceux que l'on aime, restés dans l'Hexagone, ontsouvent du mal à comprendre ce que nous vivons (au mieux) ous'en moquent (au pire)", confirme ainsi Jules de Pékin.

… ou relations superficielles

Avoir les mêmes galères, ressentir les mêmes plaisirs, c'estsûr que ça rapproche. Pour autant, toutes les amitiés ne sont pas sincères. "Nousavons sympathisé parce que nous étions francophones et qui plus est, du même paysmais nos caractères, au fil du temps se sont révélés et nous étions trop différents pourpouvoir nous comprendre, nos attentes n'étaient pas les mêmes nos choix de vie nonplus", confie ainsi Danielle. Ainsi pour Jules, les rencontres professionnelles sont dif-ficilement transposables en véritable amitié : "après de nombreuses expatriations,notre carnet d'adresse est très étoffé. Pourtant je crois qu'à force, je sais distinguerassez vite les personnes qui resteront de simples relations, et celles qui deviendrontimportantes. Nous avons la chance d'être, malgré les responsabilités, dans un systè-me un peu moins formel que ne l'était celui de nos parents par exemple, et j'évite leplus possible les soirées "networking" en costard-cravate, car j'estime que je voyagesuffisamment et consacre assez de temps à mon travail pour pouvoir me détendreavec de vrais potes en toute simplicité".

Quand les kilomètres ne permettent

pas de se voir souvent, Internet (Skype,

réseaux sociaux) reste le meilleur

moyen de se tenir au courant. "Je peux

affirmer que tous ces réseaux permet-

tent de garder des liens durables avec

des vrais expatriés qui rentrent en

France ou repartent dans d'autres pays,

maintenant surtout par internet. C'est

mon expérience et de nombreuses

Françaises de mes amies, fixées en

Espagne, peuvent le confirmer", souli-

gne Maite. "Skype nous aide beaucoup

mais nous essayons de nous croiser en

France chaque été", ajoute également

Laura.

Les amis expats aujourd'hui loin

deviennent alors aussi importants que

ceux restés en France. On leur parle de

temps à autre,

on partage ses

photos, on

donne des nou-

velles de la

communauté,

on ne s'oublie

pas et puis on

espère se retro-

uver au hasard

des voyages,

des retours dans l'Hexagone ou bien de

leurs visites dans leur petit paradis

délaissé. "Pour ceux qui peuvent venir

nous voir, les semaines passées

ensemble à leur faire découvrir notre

quotidien remplace avantageusement

quelques diners par ci par là, et finale-

ment, là encore, on a l'impression qu'on

peut gagner en intensité...", confirme

Jules. Malgré l'éternel va-et-vient des

expatriés, une amitié durable est donc

possible entre routards de la mobilité

internationale.

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La vie en communauté a aussi ses inconvénients indénia-bles : les ragots ! Difficile en effet de ne pas se faire le véhicu-le plus ou moins volontaire des rumeurs circulant au Lycéefrançais ou dans différents évènements au sein de la commu-nauté sur la situation familiale ou professionnelle de telle outelle famille. Qui a dit que Gossip girl, la série télévisée amé-ricaine racontant le quotidien d'une jeunesse dorée, était unphénomène purement anglo-saxon ?

L'épreuve ultime: la distance !

De l'avis général, le vrai test de l'amitié entre expatriéss'effectue lors de son départ vers une autre destination ou duretour en France. Le tri entre amitiés sincères et artificielles

s'opère alors rapidement. "Cela fait maintenant quatre ans quenous avons quitté le Vietnam où nous fréquentions beaucoupde monde. Pas un week end sans invitation, pas un restaurantsans croiser une connaissance. Des amis ? Et bien, c'est notredépart qui a fait que nous avons su qui étaient réellement nosamis, les vrais. Nous avons toujours des relations très prochesavec deux couples d'amis qui sont eux toujours là bas. Et puis,pour les autres, je conserve un bon souvenir de ces personnessur qui au fond je n'avais pas "misé grand-chose"", expliqueLaura. Comme le souligne justement Delphine du Japon, lesamitiés entre expats ne sont pas si différentes des autres:"Certaines sont "à vie", d'autres "de passage", comme pourtout le monde, expat' ou non..."

Damien Bouhours (www.lepetitjournal.com)

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CHISINAU

FOCSANI

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T. SEVERINl

TG. JIUl

Emigration Les expatriés entre liens

Les réseaux au secoursdes routards de la mobilité internationale

éphémères et véritable fraternité

... amitié toujours ?Amitié d'un jour

Quitter un pays où l'on apassé des années ou voir sesamis en partir sont des

moments douloureux pour un expatrié.Parfois, on vient à peine de faireconnaissance, le courant passe mais lesiège de son entreprise à Paris,Londres ou Madrid coupe court à cedébut de complicité. Il faut partir. Etrefaire sa vie… ailleurs.

Quand il s'agit du même continent,on arrivera à se revoir, le temps d'unweek-end. Mais lorsqu'un océan sépa-re... Le départ approche, une fête d’a-dieu s'impose. Elle sera joyeuse et tri-ste à la fois, on établit déjà une dateapproximative pour les retrou-vailles.

Pour celui qui part, toutes ces cho-ses à faire empêchent de sombrer dansla nostalgie, mais pas complètement.Pour celui qui reste, c'est parfois plusdur: il, elle me manquera… Devrais-jemoi aussi m'en aller? Question récur-rente, surtout quand on vit à l'étrangerdepuis longtemps. Puis le quotidienreprend le dessus, jusqu'au nouveaudépart. Le mien ou le sien. Car toujours,l'ailleurs appelle l'ailleurs.

Curieusement, retourner dans sonpays natal est la dernière option. Vivre àl'étranger aurait donc quelque chose deplus palpitant, où que l'on soit, même enRoumanie, ce qui ne cesse d'être totale-ment incompréhensible pour les autoch-tones. Car vivre à l'étranger permet de se

fondre dans le décor, les codes de com-portement ne sont pas les mêmes, on s'au-torise plus facilement à être soi-même.

"Partir afin de redevenir soi-même, perdu, parfois isolé...mais soi-même !"

Puis les années passent et le paysétranger l'est de moins en moins. On

comprend mieux son entourage et sescodes. Avec le temps, l'envie d'aller voirailleurs pointe de nouveau son nez - peut-être moins en Roumanie parce que toutest moins codifié.

Partir afin de redevenir soi-même,perdu, parfois isolé, mais soi-même. Pourne rien comprendre, se laisser porter parles premières rencontres, un quotidientout sauf quotidien. Se sentir un peu

déconnecté, alors qu'on nous demande del'être en permanence. Ces nouveaux indi-vidus d'un pays encore inconnu posent untas de questions, et c'est agréable lesquestions, de parler de soi.

Les pays passent, et on se demandeoù l'on atterrira, enfin. On a déjà une peti-te idée, mais qui sait. Evidemment, cha-cun a son histoire, sa vie de famille, soncontrat de travail, mais l'envie que le

voyage continue semble inaltérable.Même si le corps et l'esprit sont sansdoute davantage mis à contributionqu'en restant toute sa vie dans le Loiret,ou ostréiculteur à Bouzigues - monrêve inassouvi.

Quoique… Les aventures au coinde la rue peuvent être immenses. Etcelles d'un grand voyageur ennuyeusesau possible. Avoir des amis fidèlesempêche précisément cette sorte dechute, ils sont des repères, nous rappel-lent qui l'on est. Où qu'ils soient, il fautsavoir les garder.

Laurent CoudercLaurent Courderc, 40 ans, est un

journaliste français, originaire deMontpellier, établi depuis 9 ans àBucarest où il dirige la revue francopho-ne Regard et représente Lepetitjour-nal.com de Roumanie. Il a exercé aupa-ravant sa profession en Espagne etconnaît fort bien l'univers des expatriés,ayant quitté la France dès l'âge de 18ans, tout en y revenant fréquemment.

"Les années passent et le pays étranger l'est de moins en moins"

Ailleurs… ou le spleen de l'expatrié

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SociétéLes NOUVELLES de ROUMANIE

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SociétéLes NOUVELLES de ROUMANIE

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TULCEABRAILA

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lURZICENI

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Financement des lieux de

Un groupe parlementaire conduit par le député Vert Remus Cernea prépareun projet de loi concernant le financement des lieux de culte. Il prévoit que ceux-ci ne soient plus financés par l'Etat, à l'image du modèle allemand. Les réactionsne se sont pas faites attendre.

Remus Cernea, député Vert de Constanta, épaulé par un groupe de parle-mentaires, prépare une nouvelle loi proposant de changer le modèle definancement des lieux de culte. Actuellement, les églises orthodoxes et

l'ensemble des lieux de culte sont entièrement financés par l'Etat roumain, mais le par-lementaire propose de passer au modèle allemand. Il a expliqué qu'un certain pourcen-tage des impôts des citoyens pourrait être redirigé, selon la volonté de chacun, vers lescultes religieux ou vers des Organisations non gouvernementales. Selon le député, "ilexiste un courant d'opinion pour l'adoption de ce système de financement des cultes.Cela permettrait de dégrever le budget de l'Etat de sommes très importantes, et aide-rait énormément d'églises à avoir des revenus prédictibles et stables". Il a égalementinsisté sur la nécessité que cette proposition entre dans le débat public. A noter que lebudget accordé aux églises roumaines s'élève pour 2013 à 71 millions d'euros, mon-tant qui a déclenché une série de mécontentements au sein des députés et des séna-teurs, étant donné qu'il est plus important de 9,4 millions d'euros (+ 16 %) par rap-port à l'année dernière.

Un projet loin de faire l'unanimité

Mais comme on pouvait s'y attendre, la position de la Patriarchie roumaine esttotalement différente de celle du député vert. L'Eglise orthodoxe, immensément puis-sante, a aussitôt réagi à la proposition de Remus Cernea. "Le financement des lieux deculte est assumé volontairement par l'Etat depuis la sécularisation de 1863, il a mêmeété respecté sous le régime communisme, a répondu le père Stoica, porte-parole de laPatriarchie. Ce financement n'est pas mis en place par pitié, car les cultes jouent unrôle très important dans ce pays. De plus, le modèle allemand ou français n'est pasviable en Roumanie".

Du côté des politiques, la réaction est en général similaire. Alors que RemusCernea fait pourtant partie de la coalition gouvernementale, le Premier ministre VictorPonta a déclaré que son projet "n'a pas été discuté au sein de l'USL. C'est une propo-sition personnelle, qui n'a pas le soutien de l'USL".

Ponta n'est pas le seul au sein de l'USL à rejeter cette proposition. Le maire deConstantsa, le controversé Radu Mazare, qui se promène avec une cohorte de manne-quins dénudés, s'est également fait entendre: il a sommé le député vert de Constantsa

de retirer desuite son projet de loi etde s’excuserauprès del ' E g l i s eorthodoxe.

Quand àl'inénarrableGigi Becali,il l'a compa-

ré à l'Antéchrist. Pourtant le député Vert s'était bien gardé d'appuyer où cela fait le plusmal : l'Eglise est de très loin le plus riche et le plus important propriétaire foncier dupays et ne paie pas d'impôt.

Julia Beurq (www.lepetitjournal.com/Bucarest)

Les baptêmes comme les céré-

monies de mariage se feront désor-

mais exclusivement à l'intérieur des

églises, pour éviter qu'ils ne dégénè-

rent en méchouis et "gratar". C'est

ce qu'à décidé le Saint Synode de

l'Eglise orthodoxe roumaine lors de

sa réunion annuelle, fin février. Il

souhaite ainsi préserver le caractère

sacré et la solennité de ces sacre-

ments. L'assemblée religieuse a

également imposé aux prêtres de ne

pas percevoir de contributions finan-

cières pour organiser les messes

d'enterrement.

Retour aux sources

"En Roumanie, on a désormais la liberté de tout dire... mais personne n'écoute"

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Mgr Gherghel, un jovial prélat de 72 ans, nousreçoit dans son bureau de "l'Episcopia Romano-Catolica" de Iasi, au numéro 26 du Bulevardul

Stefan cel Mare. La rue porte le nom du fameux Etienne III deMoldavie, qu'on appelle désormais "Saint-Etienne le Grand"depuis sa canonisation en 1992 par l'Eglise orthodoxe roumai-ne. Pour sa résistance face à l'Empire ottoman, il fut appelé deson vivant "champion du Christ" par le pape d'alors Sixte IV.Toute une page de l'histoire mouvementée de ce pays de cultu-re latine et de religion majoritairement orthodoxe, placé aucarrefour entre les mondes balkanique et slave, autrefois parta-gé entre les empires turc, austro-hon-grois et russe.

"Dans mon diocèse, qui comptequelque 250 000 catholiques, plus de35 000 sont partis en Europe occi-dentale: en Italie, en Espagne, enGrande-Bretagne, en Irlande…Nousn'avons plus de jeunes, les baptêmesse font de plus en plus rares, car iln'y a plus de bébés qui naissent",déplore Mgr Petru Gherghel. Ladénatalité et l'émigration de tant deforces vives inquiète l'évêque. Toutcomme les tensions sociales et poli-tiques qui s'exaspèrent et qui se fontégalement sentir au niveau desparoisses.

"Peu sont à même de dire qu'ils n'ont pascollaboré avec le système communiste"

"Sous le communisme, nous n'avions que des préoccupa-tions spirituelles. Il n'y avait pas autant de conflits que main-tenant dans les communautés. Par exemple, nous avions moinsde problèmes de sécurité. Un grand mal, à la chute du commu-nisme, est survenu avec la rétrocession des propriétés et aut-res terrains confisqués par les communistes. Nous n'étions pashabitués à ce genre de conflits. Certes, ce n'est pas une solu-tion de renoncer à nos droits de propriété, mais à l'époque,nous n'avions pas d'instruments pour demander le retour denos propriétés".

Les demandes de restitution ont provoqué de fortes ten-sions dans la société roumaine. Mgr Gherghel se défend pour-tant de dire que c'était mieux sous le communisme. "Il faut toutde même avouer que la liberté est plus difficile aussi pour

l'Eglise, nous n'y étions pas préparés. Les gens ont pensé quetout devenait permis. Cette fausse conception de la liberté aconduit au 'libertinage', à l'abus de la liberté".

"Avant, sous l'ancien régime, les communistes avaient touten mains: de l'économie à la justice. Peu sont à même de direqu'ils n'ont pas collaboré à un degré ou à un autre à ce systè-me. Même dans l'Eglise… C'est un héritage qu'on ne peutignorer".

"Pas une vraie révolution, mais plutôt un simple coup d'Etat"

L'évêque de Iasi pense qu'ilfaudra attendre une bonne généra-tion pour tout changer. En 1989,"le pays n'a pas connu une vraierévolution, quoi qu'on en dise,mais simplement un coup d'Etat"organisé par une faction du régi-me. "Depuis, admet-il, on a laliberté de tout dire, mais personnen'écoute… Pourtant un change-ment se profile. Les gens commen-cent à être critiques, à ne pas croi-re toutes les informations qu'ilsreçoivent, à filtrer, à juger par eux-mêmes…".

Mgr Gherghel est certes en faveur de la démocratie occi-dentale, mais à condition qu'elle respecte les valeurs chrétien-nes et la dignité de l'homme créé par Dieu. "Les politiciens dechez nous aimeraient plutôt une démocratie de type balka-nique. L'ancien président Ion Iliescu disait que nous n'avionspas besoin de la démocratie occidentale. Nous refusons quel'argent soit la valeur suprême. Nous les Roumains, à partir denotre expérience de décennies de régime communiste, nouspouvons apporter à l'Occident l'expérience de la souffrance,du sacrifice et du don. Cette période que nous avons vécue nedoit pas être oubliée. Elle a une valeur rédemptrice: il ne fautpas cacher la croix. Il faut garder en mémoire que l'on ne peutpas parler de la victoire sans parler de la souffrance".

L'évêque de Iasi cite à ce propos le "Mémorial desVictimes du Communisme et de la Résistance" à Sighet, enTransylvanie, qui fut un haut lieu du goulag roumain. Nombrede notables d'avant-guerre, de prêtres et d'évêques y périrent."Ce mémorial est pour nous comme une lumière, car là, desgens se sont sacrifiés pour nous!" (suite page 34)

l

l

VASLUI

SF. GHEORGHE

Les 20 Jésuites de Roumanie,

des Italiens, Belges, Hongrois,

Polonais et

Roumains,

répartis

dans quat-

re monas-

tères,

Bucarest,

Târgu Mures, Satu mare et Cluj ont

appris avec fierté l'élection du pape

François, issu de leur ordre. Outre la

méditation, ces moines s'impliquent

dans des projets sociaux comme

l'aide aux Roms et aux réfugiés des

zones de conflits. Les Jésuites sont

installés depuis le 16ème siècle

dans le pays, arrivant en 1579 en

Transylvanie. Ils ont été bannis par

les communistes jusqu'à la chute du

régime, en 1990. Tout au long de

leur présence, ils se sont aussi

consacrés à la formation des jeu-

nes, comportant parmi leurs élèves

un enfant illégitime de Michel Le

Brave.

Les Jésuites roumainsfiers de leur pape

culte: une proposition "iconoclaste"Religion

Mgr Gherghel : La fausse conception de la liberté a conduit à l'abus de la liberté".

Mgr Petru Gherghel, évêque catholique romain de Iasi :

"Nous les Roumains, nous sommes des latins, mais des latins orientaux!", plaisante Mgr Petru Gherghel, évêque de Iasi,en Moldavie roumaine. Pour preuve, son pays est un peu fâché avec les statistiques. "Les chiffres officiels parlent de 22millions d'habitants… En réalité, il n'y a pas plus de 18-19 millions d'habitants dans le pays. Près de 4 millions vivent à l'é-tranger!" rappelle le prélat qui a confié ses réflexions à Jacques Berset de l'agence Apic (Agence de Presse Internationalecatholique).

Page 18: ROUMANIE 77

Société

Manuel Valls a réitéré ses propos dans Le Figaro: "Hélas, les occupants de campements ne sou-haitent pas s'intégrer dans notre pays pour des

raisons culturelles ou parce qu'ils sont entre les mains deréseaux versés dans la mendicité ou la prostitution". Unesituation complexe à gérer pour les préfets, ceux-ci devant,depuis une circulaire d'août 2012, "à la fois démanteler lescampements" et faire "un diagnostic social" pour trouver desalternatives.

Dans les faits, ces propos font écho à une réalité com-plexe, sur laquelle hésitent souvent à s'exprimer autant lesassociatifs que les services de l'Etat. Grégoire Cousin est cher-cheur à l'université de Tours et de Florence. Il vient de soute-nir une thèse sur l'immigration des Roumains en France et enItalie, et il explique: "Quand vous fermez un terrain, il y a desgens qui en sont à différentes étapes de leur processus migra-toire, certains sont là depuis longtemps, d'autres non, tout lemonde n'a donc pas envie de se retrouverdans un processus d'insertion". La proxi-mité géographique de la Roumanie et de laBulgarie, dont sont originaires les Roms,joue un grand rôle.

Le "mythe du retour" - soit l'idée que lamigration n'est qu'une étape temporairedestinée à s'enrichir pour mieux rentrer aupays - est encore plus fort chez les Romsque chez les migrants d'Afrique ou d'Asie."Il faut environ cinq ans avant qu'ils se ren-dent compte que cela ne sert à rien de met-tre de l'argent dans une maison enRoumanie", décrypte Grégoire Cousin.

En France, certaines villes mettent sur pied des dispositifsdits "villages d'insertion". Là, les Roms peuvent obtenir unlogement, à condition d'accepter de vivre dans un endroit

semi-fermé où ils doivent s'engager à suivre une formation quidébouche souvent sur un emploi aidé peu rémunérateur. Uneapproche critiquée depuis longtemps par Laurent El Ghozi,fondateur du collectif Romeurope : "Ce que veulent les Roms,ce sont des autorisations de travail, pas des processus enca-drés, avec un contrôle social très important".

Les restrictions d'accès à l'emploi - appelées "mesurestransitoires" - ont été en grande partie levées, fin août 2012,par le gouvernement. Mais les Roms sont souvent "sans diplô-me et ont du mal à accéder à l'emploi en dehors de métiers trèssimples comme le bâtiment", détaille Laurent El Ghozi.

La tentation de la facilité et de la délinquance

Laurent Seban est, lui, médecin et chef de mission àBordeaux pour Médecins du monde: "Il faut rester lucide, il ya des gens qui sont là juste pour gagner leur vie. La difficulté,

c'est que souvent ils perturbent l'intégra-tion des autres". D'après lui, il y a alors une"tension économique" entre les deux, com-plexe à gérer: "Une famille qui vit de volset cambriolages peut tenter celle qui veuts'intégrer". L'une des clés, à ses yeux, esttoutefois moins l'expulsion que l'améliora-tion des conditions de vie des campements.Afin de donner le "temps de la maturité".

M. Cousin insiste, lui, pour dire qu'ilexiste une "masse importante" de Romsqui s'intègrent en France depuis dix ans,sans aide de l'Etat. "C'est pour cela qu'ilssont toujours environ 20 000." Une popula-

tion non quantifiable mais réelle: "Une fois qu'ils sont passésdans le parc privé, il n'y a plus le stigmate social et ils rede-viennent des ressortissants roumains".

Les NOUVELLES de ROUMANIE

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(suite de la page 33)

Au plan religieux, "l'unité n'est pas à l'ordre du jour"

Mgr Petru Gherghel estime qu'en Roumanie, au plan religieux, l'unité des chrétiensn'est pas à l'ordre du jour et que l'œcuménisme est encore considéré comme une héré-sie par certains milieux orthodoxes. "Pendant dix ans, avec d'autres communautés,nous avons célébré ensemble avec les orthodoxes la semaine de prières pour l'unité deschrétiens. Cela a duré jusqu'en 2008. Puis il y a eu un diktat du Synode de l'Egliseorthodoxe roumaine", déplore l'évêque de Iasi.

Le 25 mai de cette année-là, Nicolae Corneanu, métropolite orthodoxe du Banat,recevait la communion dans l'église gréco-catholique de "Sainte Marie, Reine de laPaix et de l'Unité" à Timisoara. Ce geste du métropolite orthodoxe, né en 1923, avaitdéclenché une vague de réactions très vives au sein du clergé et auprès des fidèles del'Eglise orthodoxe roumaine et bien au-delà. Le patriarcat de Moscou avait ainsi somméle patriarcat de Bucarest et le Saint-Synode d'apporter des "éclaircissements" sur cetévénement et il fut suspendu de signature.

"Désormais, en Roumanie, chaque communauté prie l'une après l'autre. On nepeut plus célébrer ensemble!", regrette l'évêque de Iasi. Le métropolite NicolaeCorneanu avait également pris l'initiative de rendre aux gréco-catholiques de son terri-toire toutes les églises et cimetières, registres et archives, qui leur avaient été confis-quées par les communistes en 1948, puis remis à l'Eglise orthodoxe suite à la dissolu-tion forcée de l'Eglise gréco-catholique, unie à Rome. Dans nombre d'endroits, les égli-ses gréco-catholiques confisquées et transformées en églises orthodoxes n'ont pas étérestituées à leurs anciens propriétaires.

En Roumanie, les Roms sont pour la plupart orthodoxes

Responsable de la pastorale des migrants de la Conférence des évêques catholiquesde Roumanie, égalementen charge de la pastoraledes Roms, Mgr PetruGherghel rappelle que laplupart des Tziganes deRoumanie sont deconfession orthodoxe. Ilsforment entre 2,5% et5% de la population rou-maine, voire plus, selonles différentes statis-tiques. "Nous n'avonspas de prêtres catho-liques roms. Au sein del'Eglise catholique hon-groise, dans quelquesparoisses de Transylva-nie, on trouve nombre deRoms qui se déclarentcatholiques".

En Moldavie, par contre, il y a seulement une trentaine de familles Roms catho-liques. Chez les orthodoxes, le Père Daniel Ganga est le premier prêtre d'origine romdu pays officiellement reconnu par l'Eglise orthodoxe roumaine. Il a été ordonné le 20février 2009, cent cinquante-trois ans exactement après l'abolition de l'esclavage desRoms en Roumanie. Jusqu'au milieu du XIXe siècle, les Roms appartenaient auxgrands propriétaires terriens.

Jacques Berset (Agence Apic)Ce reportage a été réalisé dans le cadre d'une visite de projets de l'Aide à l'Eglise

en Détresse en Roumanie (www.aide-eglise-en-detresse.ch.)

Selon le dernier recensement de

la population roumaine datant de

2002, 86,7% des quelque 22 millions

d'habitants se sont déclarés chrétiens

orthodoxes. Les catholiques romains

sont plus d'un million (5 % de la

population du pays), répartis dans les

archidiocèses de Bucarest et d'Alba

Iulia, et les diocèses de Iasi, Oradea

Mare, Satu Mare et Timisoara. En

Moldavie, nombre de catholiques de

rite latin sont des "Csangos", une

minorité ethnique qui parle sa propre

langue, un dialecte du hongrois prati-

qué dans le cercle familial et

dans la communauté villageoi-

se. Mgr Gherghel lui-même est

issu de cette minorité. A noter

qu'un religieux cordelier suisse

né à Grolley, près de Fribourg,

curé du Cerneux-Péquignot,

dans les Montagnes neuchâte-

loises (1867 à 1870) fut égale-

ment évêque de Iasi de 1895 à

1903…

La communauté gréco-catho-

lique de rite byzantin (unie à

Rome depuis le Synode d'Alba

d'Alba Iulia de 1697) ne compte,

elle, aujourd'hui plus que

200 000 fidèles (1% de la popu-

lation du pays), répartis dans

l'archéparchie de Fagaras et

Alba Iulia et dans les éparchies

de Cluj-Gherla, Lugoj, Maramures et

Oradea Mare. Après la Seconde

Guerre mondiale, elle comptait

quelque 1,5 million de fidèles. Elle

était, en nombre, la deuxième Eglise

de Roumanie après l'Eglise ortho-

doxe. Cette communauté catholique

de rite byzantin a été "liquidée" par

les communistes en 1948.

Le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, déclenche une polémique

Moins de 1,5 millionde catholiques en Roumanie

l

l

T. MAGURELEl

A. IULIA

l

BUZAU l

Une organisation de défense des Roms, l'Agence européenne pour lesRoms (AER), a annoncé qu'elle présenterait huit candidats aux élec-tions européennes de 2014 avec l'objectif de lutter contre les discri-

minations et d'améliorer l'intégration de cette communauté. L'AER présentera uncandidat en France, deux en Belgique, mais sera présente aussi en Allemagne eten Roumanie, le pays européen qui compte le plus grand nombre de Roms avecquelque deux millions de personnes. Une députée d'origine rom, la HongroiseLivia Jaroka (PPE, conservateurs), élue sur une liste du parti conservateur Fideszau pouvoir à Budapest, siège actuellement au Parlement européen. Entre 10 et 12millions de Roms vivent sur le continent européen, dont six millions dans l'UE,la plupart en Europe centrale et du sud-est.

Les innovations œcuméniques du métropolite du Banat (au premier plansur notre photo), 88 ans, ne sont pas appréciées par sa hiérarchie.

Ici, avec le " jeune " patriarche Daniel.

Minorités

Les Roms souhaitent-ils s'intégrer ?Une polémique s'est ouverte, vendredi 15 mars, après que le ministre de l'intérieur, Manuel Valls, a accordé deux inter-

views sur la question des Roms, où il a notamment mis en cause la volonté "d'intégration" de ces derniers en France. Lesfamilles désireuses de s'intégrer "sont une minorité", a-t-il notamment indiqué alors qu'il était interrogé sur les alternati-ves aux expulsions qu'il entendait poursuivre dès la fin de la trêve hivernale. "Plus que jamais, les démantèlements de campssont nécessaires et se poursuivront", a-t-il ajouté.

Les leaders roms de 35 pays euro-péens réunis à Sibiu, début avril, àl'occasion de leur congrès interna-

tional ont élu Florin Cioba - roi " auto procla-mé des Roms de Roumanie - président deleur organisation, à 22 voix "pour", trois"contre" et trois abstentions, son seul adver-saire ayant été un candidat polonais.

Candidats roms aux Européennes Florin Cioba, président de l'organisation

internationale des Roms

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SociétéLes NOUVELLES de ROUMANIE

3736

SociétéLes NOUVELLES de ROUMANIE

Sports

n

BUCAREST

ORADEA

SATUMARE

l

TIMISOARA

ARADSIBIU

l

l

IASI

BRASOV

CONSTANTACRAIOVA

TARGUMURES

GALATI

l

l

l

l

l

l

ll

TULCEABRAILA

SUCEAVA

BACAU

l

lPITESTI

l

Mondial : la Roumanie encore dans la course

Les 22 et 26 mars derniers, l'équipe nationale roumaine jouait ses cinquième etsixième matchs de la phase éliminatoire de la Coupe du Monde de football 2014au Brésil. Pas de grande surprise à Amsterdam, où la sélection roumaine a été

dominée par les Pays-Bas. Sans forcer leur talent, les Hollandais, leaders incontestés dugroupe D depuis le début des éliminatoires - avec 18 points, soit 6 victoires en autant de ren-contres - l'ont emporté 4 buts à 0. Au même moment en Turquie, les Hongrois confortaientleur deuxième place du groupe par un match nul (1-1), distançant ainsi temporairement lesRoumains d'un petit point au classement (11 points contre 10).

Quatre jours plus tôt, sur fond de tensions diplomatiques, la Roumanie avait cependantréalisé une belle opération en allant chercher un point précieux à Budapest, grâce à une éga-lisation dans les arrêts de jeu (2-2). Ce résultat nul reporte l'attribution de la deuxième placedu groupe à la prochaine confrontation directe entre les deux pays, le 6 septembre à Bucarest.Puis, le 10 septembre, la Roumanie jouera un autre match décisif à domicile face à laTurquie, 4ème du groupe avec 7 points.

La Hollande a toutes les chances d'être qualifiée pour la phase finale de la Coupe duMonde en arrivant en tête du groupe D, alors que le pays qui arrivera en deuxième devraencore passer par des matchs de barrage face à la deuxième équipe d'un autre groupe euro-péen. Un nième France-Roumanie se profile-t-il à l'horizon ?

La Roumanie a terminé

deuxième de la Coupe Euro-

péenne des Nations de rugby,

terminant à égalité de points

avec le vainqueur, la Géorgie

(19 points chacune), mais lui

laissant le titre de champion au

goal average (+ 49 contre + 79).

Les deux équipes ont remporté

tous leurs matchs, mais n'ont pu

se départager lors de la dernière

rencontre qui les opposait à

Bucarest (9-9). La Roumanie

avait successivement battu le

Portugal (19-13), la Russie (29-

14), l'Espagne (25-15) et la

Belgique (32-14).

Les rugbymenroumainséchouent au port

Carol II a embarqué la Roumanie dans la première coupe du monde, en Uruguay

l

l

M. CIUC

l

TÂRGOVISTE

l

Mais rien ne saurait entamer le bel optimisme dumonarque de 37 ans, pas plus le manque detemps que l'inexpérience des Tricolorii, dont le

baptême du feu international remonte à huit petites années.Après bien des efforts, Carol II parvient à ses fins à trois joursde la clôture des inscriptions. Il lève immédiatement toutes lessuspensions pesant sur les joueurs et sélectionne lui-même l'é-quipe, au lieu d'en laisser le soin à l'entraîneur CostelRadulescu.

Reste une broutille à régler: une partie des meilleurs foot-balleurs roumains travaille pour une compagnie pétrolière bri-tannique qui leur refuse le congé de trois mois nécessaire pourparticiper au tournoi et prévient que les absences seront sanc-tionnées par des licenciements. Un coup de téléphone du roi,assorti de la menace de fermeture de l'entreprise, incitera trèsvite le pétrolier à revoir sa position.

Sur un même bateau avecles équipes belges et françaises

C'est ainsi que, le 21 juin 1930, les Roumains prennentleurs quartiers sur le Conte Verde à Gênes. La sélection fran-çaise et le présidentde la FIFA, JulesRimet, qui transportele trophée dans savalise, montent à bordà Villefranche-sur-Mer, suivis desBelges qui les rejoi-gnent à Barcelone. Leluxueux paquebot ita-lien met ensuite le capsur Rio de Janeiro, oùla Seleçao doitembarquer.

Pendant la traver-sée de seize jours,Radulescu astreint ses19 joueurs à des séances physiques sur l'un des dix ponts duvaste transatlantique. Mais dès qu'il s'agit de taper dans laballe, il lui faut compter avec un 20ème homme car le roiCarol II est incapable de résister à un dribble.

La Roumanie est versée dans le Groupe 3 de trois équipes,dont seule la première accèdera aux demi-finales. 50 secondesaprès son entrée en lice face au Pérou, elle prend l'avantagegrâce à Adalbert Desu. Seuls huit footballeurs ont fait mieuxen 19 éditions de l'épreuve reine : Hakan Sukur, Vaclav Masek,Ernst Lehner, Bryan Robson, Bernard Lacombe, Emile

Veinante et Arne Nyberg. Les Sud-américains égalisent à15 minutes de la fin mais, faisant fi de la fatigue inhérente à lalongue traversée, les Tricolorii inscrivent deux autres buts parConstantin Stanciu et Nicolae Kovacs* pour l'emporter 3 à 1.

Lors de leur sortie suivante, les Roumains affrontentl'Uruguay, qui aligne des pointures du calibre de José Andrade,José Nasazzi, Pedro Cea et Hector Scarone. Leur défaite 0-4aux mains de ce formidable adversaire et futur champion dumonde n'a rien d'humiliant et ils quittent le tournoi la têtehaute.

La naissance d'une passion

Le football va dès lors connaître un essor spectaculaire enRoumanie, au point de devenir une véritable obsession natio-nale. "Les Roumains adorent le football", explique GheorgheHagi, surnommé “le Maradona des Carpates”. "Leur passionest indescriptible".

Contraint d'abdiquer en 1940, Carol II est décédé auPortugal treize ans plus tard, il y a exactement 60 ans le jeudi4 avril. Les annales de la nation balkanique perpétuerontcependant la légende de ce roi très controversé, décrié par les

communistes et lesmanuels d'histoireroumain, réhabilitépar l'historienne LilyMarcou (Le Roitrahi, Edition Pyg-malion), mais fou defoot et à l'origine dela folle histoire d'a-mour entre lesRoumains et le beaujeu.

* N i c o l a eKovacs, ou NicolaeCovaci (en hongrois,Miklós Kovács), néle 29 décembre 1911

à Plugova, Mehadia (Roumanie) et mort le 7 juillet 1977 àTimisoara (Roumanie) était un footballeur roumain de laminorité ethnique hongroise.

Cet attaquant international roumain est l'un des quatrejoueurs ayant participé aux trois coupes du monde d'avant-guerre (1930, 1934 et 1938). Suite à l'annexion du nord de laTransylvanie par la Hongrie, le joueur a également été inter-national hongrois en 1941. Il est le frère de Stefan Kovacs,(1920-1995) qui a été entraîneur de l'Ajax Amsterdam et sélec-tionneur de l'équipe de France de football (1973-1975).

La légende du roi fou de foot

L'équipe roumaine qui a participé à la première coupe du monde, grâce aux efforts de Carol II.

Sports

En 1930, Carol II monte sur le trône de Roumanie et fait aussitôt connaître la première des priorités royales : partici-per à la Coupe du Monde de la FIFA, Uruguay 1930. Insolite en soi, son dessein relève en outre de la gageure quand on saitque 35 jours seulement séparent sa prise de pouvoir du coup d'envoi de l'édition inaugurale du tournoi.

Une équipe de dix chercheurs coordonnée parCorina Murafa, de la Société académique deRoumanie, a publié une étude comparative sur la

situation de l'éducation de base dans sept pays d'Europe duSud-Est: Albanie, Bulgarie, Macédoine, Monténégro, Rouma-nie, Serbie et Slovénie. Pour eux, il est acquis qu'un systèmeéducatif performant est l'une des bases de la capacité d'innova-tion et de la compétitivité d'une économie nationale. Ce quiexplique en grande partie l'importance des dépenses publiquesen faveur de l'éducation dans les pays émergents, et l'enjeu quereprésente l'évaluation du retour de ces investissements. Maisces pays obtiennent des résultats de 15 % encore inférieurs à lamoyenne des pays de l'OCDE lors des tests PISA (mesures descompétences acquises par les élèves) alors qu'ils consacrentpratiquement autant de dépenses publiques à l'éducation(4,6 %, contre 4,8 % du PIB en moyenne pour l'OCDE).

L'étude montre que les enseignants des pays concernéssont placés dans la situation de répondre à plusieurs "donneursd'ordre" dont les objectifs induisent leurs pratiques : lesparents, les directeurs d'école, les conseils d'école, les collecti-vités locales et le gouvernement central. Il s'ensuit une chaînede responsabilités diffuses au sein de laquelle le contrôle de laperformance est malaisé et mal organisé.

Les auteurs dressent un tableau édifiant: les élèves sont

finalement les seuls dont la performance est mesurée à l'auned'objectifs clairement spécifiés. Alors que celle des ensei-gnants est appréciée par rapport à leurs obligations formelleset administratives plutôt qu'aux résultats des élèves. Quant à laperformance des autres acteurs de la chaîne, elle est faiblementexaminée, et aucun système incitatif de récompense ou desanction n'est mis en place. Les enseignants considèrent ainsiqu'ils doivent rendre des comptes à l'administration (ministère,inspection) bien plus qu'aux parents ou aux élèves.

Associer davantage les parents à la vie scolaire

Les recommandations des auteurs, bien que déclinées pourchaque pays, convergent autour de quelques principes : rendrelégitime, publique et partagée l'observation des performances ;associer davantage les parents à la vie scolaire ; renforcer lacapacité des municipalités à s'intéresser à l'éducation au-delàde la simple allocation de ressources ; exposer les différentsagents à des évaluations externes objectives et transparentes ;restructurer les mécanismes d'avancement, de promotion et derémunération des enseignants.

Des conclusions qui pourraient aussi intéresser les respon-sables des politiques éducatives bien au-delà des Balkans. Dece côté-ci de l'Europe continentale, par exemple...

Replacer l'élève au cœur du systèmeEnseignement

Le premier ministre de la Pologne Donald Tusk, et son homologue slovaque ont déci-dé d’'une candidature commune pour les JO d'hiver 2022. La majorité des compéti-tions se dérouleront à Cracovie, et certaines épreuves comme le ski alpin, en

Slovaquie, à Zakopane et Jasna. Le CIO prendra sa décision en juillet 2015. Les JO de2014 se tiendront à Sotchi en Russie et ceux de 2018 à Pyeongchang en Corée du Sud.

Cap à l'Est pour les JO d'hiver de 2022

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PhotosLes NOUVELLES de ROUMANIE

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SociétéLes NOUVELLES de ROUMANIE

La chaine de magasins roumains Chicco a lancé unprogramme de récupération de vieilles poussetteset sièges pour bébé sur le modèle du programme

"rabla", visant à remplacer les voitures anciennes et les épa-ves par des modèles neufs. Le spécialiste de la mère et de l'en-fant estime que 80 % de ces équipements sont dépassés, ser-vant à quatre génération, aux petits frères, cousins, voisins, ne

correspondent plus aux normes de sécurité et ne bénéficientpas des dernières innovations technologiques. Leur marchés'est contracté de 7 à 10 % ces dernières années, du fait de lacrise. Chico propose des poussettes dont le prix varie entre100 € et 1000 €. Les bénéficiaires de sa proposition recevrontun bon d'achat d'un montant de 25 % de leur facture… leurpermettant de faire d'autres emplettes dans le magasin.

Reprise des poussettes bonnes pour la casse

Vous êtes vous déjà fait avoir par un poissond'avril ? 71,3 % des Roumains le reconnais-sent, 23 % affirmant que çà ne leur est

jamais arrivé, selon un sondage, qui montre que ce sontles jeunes, les urbains et les hommes qui sont les plus cré-dules. A la campagne, chez les vieux et chez les femmes,on a apparemment davantage les pieds sur terre et le sensdes réalités! Pour autant, le 1er avril, n'est pas la célébra-tion "païenne" la plus prisée en Roumanie. Il vient mêmeen dernière position (2,4 % de popularité), loin derrière le8 mars, journée des femmes (48,7 %), le 1er mai(16,6 %), le 1er mars (échange des martisor, 15,5%), laSaint Valentin (10,7 %) et Dragobete (Saint Valentin à laroumaine, 6,5%). Au total, les femmes et l'amour totali-sent 82 % des avis positifs. Un véritable plébiscite !

Plébiscite

Insolite

Des Tsiganes du judet à majorité hongroise de Harghita (Miercurea Ciuc), où certains Magyars ont manifesté leur irré-dentisme en pavoisant partout de drapeaux de leur communauté les poteaux téléphoniques, électriques, etc, du judetont montré à leur façon leur attachement à la Roumanie… en allant nuitamment les décrocher. Ce geste patriotique

leur a permis aussi de récupérer des kilomètres de câbles en cuivre, jusqu'en face de la mairie et de la préfecture de Miercurea Ciuc… ce qui leur permet aujourd'hui de s'autoproclamer "Tsigani patrioti".

"Qu'ils retournent chez eux et qu'ils fassent ce qu'ils veulent sur leurs poteaux" s'est exclamé leur leader, Pardalian Acrisor,enchaînant "Ne nous remerciez pas… nous n'avons fait que notre devoir civique en récupérant ces symboles du révisionnisme etdu chauvinisme et en les chargeant dans nos charrettes". Et pour qu'il n'y ait pas de confusion sur la pureté de ses intentions, le"justicier" a précisé qu'il comptait bien vendre sa cargaison de poteaux, panneaux de signalisation et fil de cuivre mais uniquementcontre de l'argent authentiquement roumain.

Contrôlé positif avec un taux d'alcoolémiede 0,8 gramme pour mille, un électriciende 39 ans d'Alexandria, employé d'une

société de service, s'est bassement vengé sur le poli-cier qui l'avait verbalisé, alors qu'il avait aggravé soncas en l'injuriant, après avoir été conduit à l'hôpitalpour subir une prise de sang, ce qui doit l'amener àrépondre de ses actes devant la justice. En pleine nuit,il s'est glissé dans son jardin endommageant soncompteur électrique, le laissant sans lumière, ni chauf-fage, ni pouvoir préparer son petit-déjeuner. Puis, dansla matinée, il s'est rendu au domicile des parents de lavictime, leur coupant le courant, se justifiant en leurdisant que c'était la moindre des choses, leur filsl'ayant laissé sans permis de conduire.

Tsiganes patriotes

Au chômage depuis un an, Stefan Grosu se morfondait… à enfaire mal au cœur à son ancien employeur, un éleveur deVâlcelele Rele (Hunedoara) qui lui avait confié ses trou-

peaux de moutons et l'avait congédié après de longues années de servi-ce, estimant qu'il serait mieux au chaud à la maison… Un licenciementqui partait d'un bon sentiment: l'hiver 91-92 était particulièrement rigou-reux et il ne voulait pas que son employé attrape une congestion en gar-dant ses bêtes. Le risque était réel… "Baciul" Stefan ("Le PèreEtienne"), comme on l'appelle dans la région venait de fêter ses 95 ans.Le berger qui avait passé plus de 80 ans à la tête de ses troupeaux, lessauvant à de nombreuses reprises des griffes de loups et des ours, encou-rant de graves dangers, le supplia de le reprendre, le convainquant quec'est grâce à l'amour qu'il manifestait à ses animaux que Dieu l'avaitconservé si longtemps en vie. Son patron n'a pas résisté et lui a signé unnouveau contrat de travail… à 96 ans !

A 96 ans, le berger retourne à ses moutons

La vengeance est un plat qui se mange froid

Roumanie... au paysqui noussurprendratoujours

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Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

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Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

Salon du livreLa Roumanie était

Avec 45 pays représentés, 2000 auteurs venus du monde entier, dont les déléga-tions roumaines et barcelonaises invitées d'honneur, l'édition 2013 du Salon du Livre,33ème du nom, qui s'est tenue sur quatre jours, du 22 au 25 mars, contre six autre-fois, a été plus internationale que jamais.

L'heure est aux comptes, et au compte rendu faits par les médias, que vous retro-uverez dans les pages suivantes. Côté fréquentation d'abord: chiffres annoncés,190 000 visiteurs, soit une augmentation de près de 3%. Un niveau somme toute

satisfaisant, mais qui est loin de résumer la situation du livre, même vu du microcosme dela porte de Versailles. Les éditeurs et libraires interrogés par Livres-hebdo, la référenceprofessionnelle, vont tous dans le même sens. Les visites sont plus brèves, et le public est"plus parcimonieux dans ses achats". Un éditeur, cité par L'Humanité, n'y va pas par qua-tre chemins et pointe la racine du mal: "On sent bien que le pouvoir d'achat est en berne".Dans ce contexte un peu morose, qui se ressentait dans les allées, les pouvoirs publicsétaient évidemment très attendus. L'édition 2013 a été marquée aussi par le retour du pré-sident de la République en ce lieu éminemment symbolique, une visite qui a même été pluslongue que les passages éclairs de Jacques Chirac… lequel s'attardait plus volontiers auSalon de l'Agriculture.

Une étrange épidémie frappe au dernier moment la délégation roumaine

Alors que pendant quatre jours, et pour la première fois, la culture roumaine devait êtremise sur un piédestal pour le bonheur de tous les Francophones qui l'apprécient et de ceuxqui voulaient la découvrir, le pavillon d'honneur lui étant même réservé… voilà que lesprojecteurs se sont braqués sur elle pour une toute autre raison, à la suite d'une polémique

r a v a g e u s e .Coup sur coup,au dernier mo-ment, on appre-nait que MirceaCartarescu, legrand nom de lal i t t é r a t u r econtemporaineroumaine avecNorman Manea- tous les deuxsont considérésomme "nobeli-sables" dans lesannées à venir -renonçait audéplacement à

Paris. Andrei Plesu, puis Gabriel Liiceanu, Neagu Djuvara et Augustin Buzura, lui emboi-taient le pas. Une bonne partie de ce qu'on considère comme le "haut du panier" de la cul-ture roumaine faisait faux bond.

Quelle étrange épidémie avait donc soudain frappé ces écrivains? Le virus était viteidentifié. Il avait pour nom Andrei Marga. Président de l'Institut Culturel Roumain, ayantpour vocation de promouvoir la culture roumaine à l'étranger, l'ancien recteur de l'univer-sité de Cluj et ministre éphémère des Affaires étrangères, a été nommé par le nouveau gou-vernement l'été dernier, après que son prédécesseur Horia Roman Papapievici, tête de filed'une nouvelle génération d'intellectuels désireuse de se connecter à l'espace occidental, aitété promptement remercié.

Le salon du Livre est surtout

une grande foire. On ne peut pas

y faire un pas, sans qu'on vous

saute dessus pour vous soutirer

un abonnement à une revue ou

que les maisons d'édition ne vous

fassent la danse du ventre pour

vous refiler la dernière merveille

de leur petit protégé. La foule s'y

bouscule pour apercevoir le bout

du nez de la vedette du jour. Le

dimanche, c'était celui de

Mazarine Pingeot. "Ah oui ! C'est

bien celui de son père". La jeune

écrivaine usait son frêle poignet à

dédicacer ses ouvrages, gratifiant

chacun de ses admirateurs d'un

beau sourire. Ils repartaient ravis.

On ne sait pas si c'est d'emporter

sous le bras son dernier roman…

ou d'avoir obtenu l'autographe de

la fille clandestine de Feu

François Mitterrand. "Sardinez-

vous, sardinez-vous" lançait un

guide des châteaux de la Loire

aux visiteurs qui s'entassaient

dans une minuscule chambrette

pour entrevoir le lit où avait été

conçu un roi de France. A Paris,

c'était un peu pareil.

C'est çà un salon du livre,

avec également sa part d'écri-

vains prétentieux, paradant

devant la galerie, dont on devine

qu'il faut flatter l'égo pour les ras-

surer sur l'incompréhension qu'ils

s'imaginent rencontrer. Mais aussi

des auteurs dont on saisit au pre-

mier coup d'œil la dimension,

inversement proportionnelle à

leur discrétion. Il est vrai qu'eux

n'ont plus grand-chose à prouver.

Cette simplicité, cette affabilité,

cette modestie que l'on retrouve

chez Norman Manea. L'auteur

contemporain roumain le plus lu

au monde avait traversé

l'Atlantique pour se joindre à ses

compatriotes. Ils en avaient bien

besoin après une semaine tour-

mentée.

l'invitée d'honneur de la 33ème édition

Ses premières décisions ont été de "virer", les représen-tants de cette institution jugés non-conformes, en poste dansles grandes capitales du monde. Parmi eux Katia Danila, direc-trice de la filiale parisienne et son adjointe Simona Radulescu,chargées justement d'organiser l'évènement qui approchait àgrands pas et qui apprenaient leur destitution par communiquéde presse… d'où la bronca qui a suivi dans les milieux intellec-tuels à Bucarest, se traduisant par une vague de "refuzniks"refusant de cautionner ces pratiques d'un autre temps en se ren-dant à Paris.

Le Premier ministre victime collatérale

Grand admirateur de Vladimir Poutine, Andrei Marga aaussitôt été surnommé "M. Radiateur" car il avait estimé quele radiateur avait été inventé par un Roumain, découverte quidevait assurer à la culture roumaine une place privilégiée ausein de la culture euro-péenne. Mais ce boycott afait aussi une victime col-latérale de haut rang. Lepremier ministre, VictorPonta, qui devait inaugurerle Salon du livre, jeudi 21mars, au côté du présidentFrançois Hollande, s'est,lui aussi, désisté à la der-nière minute. Connu pouravoir plagié sa thèse dedoctorat, il a préféré ne passe montrer dans les milieux intellectuels, par nature frondeurs.

Ces désistements en cascade n'ont pas plu, mais alors pasdu tout, aux organisateurs et autorités culturelles françaises quiavaient réservé une place de choix à la Roumanie, préparerprogrammes, plaquettes, affiches pour la mettre en valeur…même si, par politesse, elles se sont abstenues de tout com-mentaire sur ces mauvaises manières.

Si, pendant toute la durée du salon, un semblant de paixétait revenu au sein de la délégation roumaine, évitant uneBerezina qui aurait été fortement préjudiciable à la littératureroumaine, il n'empêche que, côté ambiance, c'était plutôt"Waterloo morne plaine". Les trois quarts des auteurs présents,chuchotant ou gardant pour eux leur malaise, tournaient osten-siblement le dos à un Andrei Marga isolé, quelques uns, beau-coup plus rares, se risquant à aller le saluer… pour préserverleur avenir?

Par moment, on se sentait replonger dans l'époqued'Iliescu Ier, quand les Roumains n'osaient pas encore parler àvoix haute et s'observaient du coin de l'œil. Pénible !

Mais finalement les affaires ont plutôt bien marché

Oui, ce salon aurait dû être une grande fête de la cultureroumaine, comme l'avaitrêvé à voix haute voiciquinze ans le grand comé-dien Ion Caramitru, quandil était ministre de la cul-ture, n'osant croire qu'elleserait un jour l'hôte d'hon-neur de la Ville lumière.

N'exagérons toutefoispas… Le rendez-vous n'apas été complètementraté. Les bisbilles rouma-no-roumaines passaient

bien au-dessus de la tête des visiteurs français et cela faisaitfranchement plaisir de voir les mines réjouies et gourmandesde ceux qui repartaient avec quelques livres roumains sous lesbras, visiblement heureux de se lancer à la découverte d'unelittérature qu'ils ne connaissaient pas. Côté vente, il sembled'ailleurs que les affaires roumaines ont plutôt bien marché.

Henri Gillet

Une grande foire

par un psychodrame roumano-roumainLa littérature prise en otage

La photo souvenir des écrivains présents, avant de reprendre l'avion pour Bucarest.

Près de 200 000 visiteurs sont venus rencontrer 2000 auteurs pendant les quatre jours du 33ème salon du Livre de Paris.

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Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

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Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

Salon du livreLa littérature roumaine, en un siècle,

Dans certains moments-clés de la littérature d'un pays, un livre parvient àreprésenter son époque. Depuis la chute du régime communiste en décembre 1989,la littérature roumaine a cherché à résumer une décennie de transition postcommu-niste plutôt chaotique. Ce n'est qu'en 2005, lorsque le roman fleuve La Croisade desenfants, de Florina Ilis (Editions des Syrtes, 2010, notre photo), est sorti en librairie,qu'elle a trouvé le souffle qui lui manquait pour y parvenir.

Parfois les nations ont besoin d'écrivains qui tendent un miroirà leur époque. La Croisade des enfants en est un", résumeFlorina Ilis. Pour écrire cette fresque de la société roumaine

contemporaine, elle s'est paradoxalement inspirée d'une étrange croisaded'enfants qui eut lieu en 1212. Partie de France et d'Allemagne délivrerla Terre sainte des mains des musulmans, l'entreprise échoue, beaucoupd'enfants périssant en chemin. “J'ai pensé à cette croisade qui a eu lieuau Moyen Age et aux enfants d'aujourd'hui, et je me suis demandé si l'in-nocence pouvait encore sauver notre monde", raconte-t-elle. Un trainroumain est pris en otage par des enfants partis en vacances sur la MerNoire. Menés par un petit Rom abandonné, ils mettent en difficulté lesautorités, qui finissent par les considérer comme des terroristes. Pas depoints dans ce pavé de 500 pages. Seule ponctuation : des virgules et

quelques points d'exclamation ou d'interrogation. "Un livre, c'est un morceau de vie,explique l'auteur. Tant qu'on est vivant, tout est en mouvement, il n'y a pas de point".

La Croisade des enfants a reçu de nombreux prix. Surtout, une période faste a alorscommencé pour les lettres roumaines, qui n'avaient pas connu une telle effervescencedepuis l'entre-deux-guerres. Petit pays d'origine latine situé au carrefour des grandsempires - ottoman, russe et austro-hongrois -, la Roumanie a connu une histoire mouve-mentée qui lui a laissé, entre autres, une obsession: le décalage par rapport à l'Occident.

La littérature s'en est ressentie. Dans les années 1930 et 1940, certains écrivains rou-mains, comme Emil Cioran ou Eugène Ionesco, choisirent de s'exiler à Paris pour rédui-re cette distance (non sans tenter, au passage, pour le premier, de faire oublier ses liensavec la Garde de fer fasciste). Ceux qui étaient restés s'efforcèrent de s'accorder avec lesgrands mouvements culturels de l'Europe occidentale. Mais l'instauration du régimecommuniste après la seconde guerre mondiale allait changer la donne. Les années 1950ont été marquées par une politique d'inspiration stalinienne, dirigée contre les intellec-tuels. Une bonne partie d'entre eux sont morts en prison.

Harcelés par la police

Avec l'arrivée au pouvoir de Nicolae Ceausescu, en 1965, le régime s'assouplit. Desécrivains comme Marin Preda et Fanus Neagu, ou un poète comme Nichita Stanescu, ontalors tâché de réinventer la littérature de leur pays, avant d'être vite enrégimentés. Dansles années 1970, quelques-uns, comme Paul Goma et Dumitru Tsepeneag qui ont osés'exprimer ouvertement, se sont exilés à Paris. D'autres, sont harcelés par la police poli-tique du régime, la sinistre Securitate. Au cours des années 1980, période noire de la dic-tature du Conducator, une jeune génération, emmenée par l'écrivain et poète MirceaCartarescu, se réfugie dans l'écriture onirique et allusive afin de contourner la censure.En 1986, Norman Manea doit fuir à Berlin-Ouest, puis à New York. La chute de la dic-tature communiste en décembre 1989 a été un choc tant pour la société roumaine quepour sa littérature. Après cinq décennies de totalitarisme, les Roumains se passionnentpour la politique et les écrivains se jettent corps et âme dans le journalisme. "C'est ladécennie des illusions, commente la critique littéraire Bianca Burta-Cernat. Les écri-vains ont été pris dans l'euphorie d'une redécouverte de l'espace public". Ceux de l'é-poque communiste ont du mal à s'adapter aux nouvelles évolutions. Seule exception,Mircea Cartarescu, nommé pour le prix Nobel en 2012.

La Roumanie, c'est une île de

latinité dans l'océan slave et c'est

aussi une poignée de clichés qui

flottent sur les brumes des

Carpates, avec de très mauvais

souvenirs -

ceux d'une

époque où

Dracula prit la

forme d'un

couple parti-

culièrement

satanique.

Pour le reste,

le pays de Big

Brotherescu

semble un

peu délaissé

et on ignore

passablement sa littérature, à part

bien sûr Virgil Gheorghiu, ou l'incon-

tournable trio Eliade-Cioran-

Ionesco.

Après? La lunette se brouille et le

présent ressemble à une terre en

jachère où les écrivains ne trouvent

pas toujours leur pâture: hier vampi-

risés par l'hydre soviétique, ils sont

aujourd'hui victimes d'une cruelle

censure économique qui a remplacé

celle du tout-puissant Parti. "Notre

situation n'est pas aisée et notre

chemin est solitaire", expliquait une

invitée au Salon du livre de Paris.

Livres chers, manque de biblio-

thèques pu-bliques, morcellement

de l'édition, diffusion encore artisa-

nale : pour toutes ces raisons, les

écrivains roumains n'ont pas la par-

tie facile et, s'ils se sont réconciliés

avec la liberté, ils n'ont pas toujours

les moyens de s'en servir. Malgré

les obstacles, ils ne baissent pas la

garde, ils tentent de reconstruire

leur mémoire trop longtemps

bafouée et de trouver dans leur

époque des raisons d'oublier leurs

cauchemars d'hier. Mais il existe

déjà des "classiques" du côté de

Bucarest qui forment la nouvelle

vague d'une littérature en pleine

effervescence.

L'express

Une île de latinité

a tout connu : essor et répression, espoirs et désillusions, renaissance

L'obsession "C'est dans les années 2000 que la littérature roumaine

commence à se remettre en phase avec le monde contempo-rain, poursuit Bianca Burta-Cernat. Les maisons d'édition, enparticulier Polirom, donnent de plus en plus la parole aux jeu-nes écrivains roumains".

Une autre génération arrive décomplexée, libérée des obsessions du passé

Si, dans les années 1990, la littérature roumaine balbutiaitet cherchait encore sonidentité, elle connaît doncune renaissance dans lesannées 2000. Une autregénération arrive, décom-plexée, libérée des obses-sions du communisme et dela dictature. Cette nouvellevague d'écrivains, doubléed'une nouvelle vague decinéastes, abandonne l'in-trospection pour se tournervers la réalité quotidienne.Finies les expériences litté-raires échevelées. Le slogan de ces jeunes rebelles est: un livredoit raconter une histoire, et surtout s'ouvrir sur le monde.

"La littérature roumaine s'intéresse désormais à d'autresunivers, par exemple avec Omar l'aveugle, roman de DanielaZeca-Buzura, qui explore le monde arabe, et Au pays de Dieu,signé Tatiana Niculescu Bran, qui nous emmène dans la Cornede l'Afrique, précise Bianca Burta-Cernat (tous deux non tra-duits). C'est un signe de vitalité. La Roumanie n'a jamais étéune grande puissance culturelle, mais nous apprenons facile-ment les langues étrangères. Les écrivains roumains sont trèsréceptifs face à des modèles culturels différents".

Ainsi, pour ne citer que quelques-uns, Lucian DanTeodorovici, Dan Lungu,Filip Florian ou, encoreune fois, Florina Ilis, parqui tout a (re)commencé,représentent-ils un nou-veau tournant.

Une fois de plus,comme tout au long deson histoire, la littératureroumaine veut brûler lesétapes et rejoindre au pasde course, avec la rageque lui donne cetteangoisse du délaissement

qui est celle du pays tout entier, la culture universelle.Mirel Bran (Le Monde)

Coup de bec

Les organisateurs de salons de livresne pensent-ils donc qu'à leur commerce ?Les visiteurs n'avaient pratiquement pasla possibilité de s'asseoir dans les alléesdu Palais des expositions de la Porte deVersailles. Bousculées, emportées par lafoule, de jeunes mères portant leursenfants étaient au bord de l'épuisement.Idem pour les personnes âgées ou le sim-ple quidam, fourbu après des heures àpiétiner, station debout. Le même scéna-rio s'était produit aux Rendez-vous del'Histoire de Blois, en novembre dernier.En outre, ces lieux étaient dépourvusd'accès à la wi-fi, obligeant les journalis-tes et critiques à sortir de l'enceinte pourse réfugier dans un bistrot afin d'écrire etcommuniquer leurs commentaires.

En dessous de tout dans une capitalequi se prend pourtant pour le nombril dumonde!

L'UE a établi des normes à res-pecterpour le nombre limite de poulets qu'onpeut entasser dans une cage. Ne pourrait-

on pas penser aussi aux humains?

Filiation idéologique

En juin 1990, Iliescu avait traité de"golani" (voyous), les manifestants cam-pant place de l'Université à Bucarest pourdénoncer la mainmise des communistessur le nouveau régime. 23 ans plus tard,Andrei Marga, le controversé présidentde l'Institut Culturel Roumain, a qualifiéde "betivii" (ivrognes), les étudiants rou-mains de Paris qui, lors de l'inaugurationdu Salon, lui ont reproché sa politiquerépressive à l'égard des milieux intellec-tuels, arborant des masques à l'effigie desauteurs ayant décidé de boycotter lamanifestation.

Temps forts

Le stand des livres et auteurs duBassin du Congo, qui réunit dix pays afri-cains à l'initiative de Brazzaville, a étésans doute le plus coloré et le plus convi-vial du salon. Un débat intitulé "Congo-

Danube" s'y est tenu portant sur les liensentre les peuples riverains des deux fleu-ves et aussi la présence de nombreux étu-diants des pays de l'Afrique francophoned'obédience communiste, en rupture deban avec la France, dans les universitésroumaines du temps de Ceausescu… cequi donne aujourd'hui des ministres etdirigeants africains parlant roumain.

Autre temps fort, faisant le pleindans l'arène principale du salon, le débatsur Dracula et la Roumanie. Les"Draculistes" s'en sont donné à cœurjoie, mais les échanges étaient finalementde bonne tenue, rappelant que le mytheavait beaucoup plus à voir avec l'Irlande,terre d'origine de Bram Stoker, et aussi lalittérature de l'époque qu'avec laTransylvanie.

Autre paradoxe relevé dans une cau-serie sur les écrivains roumains del'Entre-Deux-Guerres: Ionesco était-ilathée? Certes non, comme le suggèrecette réflexion datant de 1991: "Je nepeux pas vivre sans Dieu… mais je nepeux pas le trouver".

A savoir

La photo est saisissante et symbolise la littérature roumaine du XXème siècle,traversée par les totalitarismes et l'exil: Cioran, Ionesco et Eliade - qui seconnaissent depuis 1928 - sont réunis sur un cliché pris à Paris en 1977.

du décalage avec l'Occident

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Connaissance et découverte

A cette question, du reste européenne, de la radicalisationdes esprits dans les années 1930, l'historien des idées LucianBoia voudrait apporter une contribution décisive avec son his-toire de l' élite intellectuelle roumaine de 1930 à 1950.Autrement dit dans une période où la Roumanie va passer enseulement quelques années d'une démocratie relative à la "dic-tature royale" de Carol II (1938-1940), puis au fascismelégionnaire, à la dictature militaire d'Antonescu, avant d'êtreoccupée par les Soviétiques et de subir jusqu'à la révolution de1989 l'épreuve du "socialisme réel". Soit sept régimes diffé-rents en moins d'une dizaine d'années, avec comme fond detain le totalitarisme.

Un tableau instructif sur la difficulté d'affronter le passé

Alimenté par de nombreux travaux et certaines archivesde première main, Les Pièges del'histoire étudie, dans un tourbillonparfois étourdissant de noms, l'évolu-tion politique des écrivains et desinstitutions, au premier chef l'univer-sité et l'académie. Il en résulte untableau instructif, mais égalementrévélateur, de la difficulté persistantedes intellectuels roumains d'aujourd'-hui à affronter le passé. Car pour lagénération qui l'a connu et à laquellel'auteur appartient, le communismereste le mal absolu, au regard duquelle fascisme, plus lointain dans letemps, a des couleurs plus pâles.

La pratique du meurtre politiquepar la Garde de fer et ses "légionnai-res" était pourtant constante, comme le subit le "Michelet rou-main", l'historien Nicolae Iorga, lui-même nationaliste, soup-çonné d'être responsable de la mort du leader charismatiquedes légionnaires, Corneliu Zelea Codreanu. On aurait pu pen-ser que Lucian Boia mentionnerait leur déchaînement de sadis-me lors du pogrom de Bucarest en janvier 1941.

Bien sûr, on ne saurait trop rappeler les souffrances dues àla période communiste, et Lucian Boia ne manifeste aucunecomplaisance ni pour l'antisémitisme ni pour le fascisme desintellectuels. Mais ses conclusions désenchantées mettent tropsouvent sur le même plan des vérités qui pourtant ne pèsentpas du même poids.

Ainsi peut-il écrire à propos d'Antonescu que celui-ci estun "criminel de guerre pour les uns, patriote exemplaire pourles autres". Et il est curieux de voir chez lui la thèse de la"pureté des intentions" s'appliquer à titre de circonstance atté-nuante. Ainsi, à propos de l'implication d'Eliade dans le fascis-me légionnaire, juge-t-il "correct de prendre en compte nonseulement l'Histoire que nous connaissons, mais aussil'Histoire en laquelle croyait, avec naïveté, Mircea Eliade".

En lisant comme il le fait les archives de la commissiond'épuration de l'université par la Garde de fer au pouvoir, onpouvait tirer d'autres conclusions. Par exemple que l'accoutu-mance du pays au fascisme a pu préparer les élites au stalinis-me et à la soviétisation en place à partir de 1947.

"La Soumission" roman et synthèse vivante des deux malédictions roumaines

L'ambiance de la terreur stalinienne, cette fois "vue d'enbas", est magnifiquement dépeinte dans La Soumission, leroman d'Eugen Uricaru, au travers de la vie d'une réfugiée,Petra Maier, issue des régions où, comme en Transylvanie,vivent côte à côte les Roumains et les minorités, notammenthongroises ou souabes. Un des personnages secondaires, ledénonciateur Hoinic, illustre bien les ambivalences de l'histoi-re. Cet ancien légionnaire ne met-il pas ses sinistres talents au

service de la police communiste ?Faut-il aussi voir une allusion impli-cite au "christianisme cosmique"d'Eliade ou à sa théorie du chamanis-me comme religion primitive de l'hu-manité, dans le personnage du fils dePetra, Cezar ?

L'enfant est né d'une rencontreavec un soldat sibérien dans un gou-lag auquel Petra échappe miraculeu-sement. Sorte de synthèse vivantedes deux malédictions roumaines, lefascisme et le communisme, il puisedans ses origines sibériennes de mys-térieux pouvoirs de voyance et desorcellerie. Ce roman a l'art de mêlerle meilleur Soljenitsyne au Tambour

de Günter Grass (Seuil, 1961).La Soumission est un titre qui symbolise non seulement

l'attitude de Petra mais de tout un pays victime de l'Histoire,auquel même les facultés de résistance auraient été retirées.L'héroïne s'aperçoit d'ailleurs qu'en dépit de son retour dans saville natale saccagée et repeuplée, elle n'a jamais quitté lecamp dont les règles s'étendent à l'ensemble de sa vie traquéepar les intrusions policières, sans cesse sous la menaced'"assassins de papier" qui tuent à coups de rapports et dedénonciations. Dans cette allégorie d'une Roumanie engluéeentre victimes et bourreaux, il n'est pas facile de sortir des piè-ges de l'Histoire. Est-ce seulement possible ?

Nicolas Weill (Le Monde)Les Images du juif, d'Andrei Oisteanu, traduit par

Pompiliu Stefanescu, Non Lieu, 536 p., 30 €.Les Pièges de l'histoire. L'élite intellectuelle roumaine

(1930-1950), de Lucian Boia, traduit par L. Hinckel, LesBelles Lettres, 386 p., 27,50 €.

La Soumission, d'Eugen Uricaru, traduit par Marily LeNir, Noir sur blanc, 428 p., 23 €.

Les NOUVELLES de ROUMANIE

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Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

Trois livres récents montrent comment, plus de vingt ans après la chute deCeausescu, les Roumains tentent de débrouiller leur passé proche, marqué par ladouble malédiction du fascisme et du communisme.

Le rapport tortueux que la Roumanie entretient, aujourd'hui encore, avec sonpassé proche grevé de la double expérience du fascisme et du communismedemeure mal connu du public français. Trois ouvrages remédient à ce manque

d'autant plus criant que Paris a joué son rôle dans l'exhumation de la jeunesse trouble decertains des plus grands intellectuels à l'étranger, véritables vitrines de l'exception cultu-relle roumaine. L'engagement de l'historien des religions Mircea Eliade (1907-1986)dans le mouvement de la Garde de fer, proche du nazisme, fut découvert à la fin desannées 1980. Puis au milieu de la décennie 1990, ce fut au tour de l'écrivain et essayisteEmil Cioran (1911-1995).

Les travaux d'historiens comme Leon Volovici, Alexandra Laignel-Lavastine ouFlorin Turcanu ont en effet fini par mettre à bas une légende dorée souvent entretenuepar la diaspora sous couvert d'anticommunisme. Si le passage au pouvoir de la Garde defer fut de courte durée (1940-1941), ses principes furent appliqués par le maréchal IonAntonescu, allié d'Hitler, sous le régime duquel les Roumains exterminèrent près de 350000 juifs.

Ce nationalisme s'appuyait sur une histoire longue du préjugé qui n'épargnait pas lesplus beaux esprits, comme le montre l'anthropologue spécialisé dans l'étude de l'antisé-mitisme Andrei Oisteanu avec ses Images du juif. Même le plus grand écrivain roumain,Mihai Eminescu (1850-1889),rappelle-t-il, a pu écrire en 1876que les juifs ne pouvaient "préten-dre à rien d'autre que d'être tolé-rés". A partir d'un travail compa-ratif sur les clichés antisémitesayant cours dans la culture rou-maine et européenne, Oisteanu envient à relativiser cette vertu de"tolérance" ancestrale dont se tar-guent tant d'intellectuels rou-mains, qui n'est pour lui qu'unsimple "autostéréotype positif".

La date-clé de 1938

Certes, par le jeu desannexions et des déplacements de frontières, la Roumanie est bien devenue un Etat mul-ticulturel. Mais ce multiculturalisme fut subi plutôt qu'apprécié. Le moindre des para-doxes n'est pas qu'il prit fin au cours d'un régime communiste prétendument internatio-naliste, à qui échut de réaliser le rêve nationaliste de "roumanisation" du pays.

En 1998, la traduction en français du Journal (Stock) de l'écrivain Mihail Sebastian(1907-1945), qui projetait un éclairage gênant sur l'ambiance intellectuelle du Bucarestdes années 1930, révélait que le "moment fasciste" d'un Eliade ou d'un Cioran - quelqueinfluence que celui-ci ait eu sur leurs œuvres ultérieures - n'était pas qu'un épisode ni uneerreur de jeunesse mais bien le symptôme d'une conversion-adaptation plus généraled'une grande part de ces intellectuels au fascisme.

Dès lors la question se posait de savoir pourquoi un milieu littéraire à l'écoute desavant-gardes, qui avait su produire un Tristan Tzara, fondateur de Dada, un Ionesco etson théâtre de l'absurde, le lettrisme d'Isidore Isou, la poésie d'un Paul Celan ou d'unGherasim Luca, avait pu verser, autour de la date-clé de 1938, dans le fanatisme xéno-phobe et le nationalisme le plus exacerbé.

Catalin Dorian Florescu est un

Roumain d'origine écrivant en alle-

mand. Né a Timisoara en 1967, il a

fui la Roumanie en 1982 pour s'exiler

en Suisse, où il a été psychothéra-

peute jusqu'au succès de son pre-

mier roman, Wunderzeit ("Temps

merveilleux", 2002, non traduit).

Après Le Masseur aveugle (Liana

Levi, 2008), voici l'histoire de Jacob

Obertin, une diabolique épopée fa-

miliale retraçant le destin des Alle-

mands de Roumanie, notamment

ceux du Banat, le pays d'origine du

Prix Nobel de littérature Herta Müller.

Comme tant d'autres Lorrains, les

ancêtres de Jacob Obertin ont émi-

gré dans le Banat à la fin du XVIIIe

siècle, en quête d'une vie meilleure.

Mais à quel prix? Jacob a tiré la

mauvaise carte: après avoir perdu

son amoureuse et sa mère de cœur,

il est confronté à la trahison de son

père. Pourtant, la vie met aussi sur

son chemin des gens qui l'aident à

surmonter les vicissitudes de

l'Histoire… guerre, dictature et dépor-

tation. Situé dans la première moitié

du XXème siècle, Le TurbulentDestin de Jacob Obertin est une

fantastique épopée familiale qui nous

entraîne sur les traces des germano-

phones de Roumanie depuis la guer-

re de Trente Ans. Ce récit épique

poignant, tendre, riche en truculen-

ces et en péripéties, peuplé de per-

sonnages hauts en couleur, constitue

un concentré époustouflant de l'his-

toire de la Mitteleuropa.

Le Turbulent Destin de Jacob Obertin

de Catalin Dorian Florescu, traduit par

Barbara Fontaine, Cadre vert, Le Seuil,

384 p. 22 €

Une leçon deMitteleuropa

Salon du livreEn virant du noir au rouge, la Roumanie

Le totalitarisme en fond

a connu sept régimes différents en une dizaine d'années

Mihail Sebastian a projeté un éclairage gênant sur l'atmosphère intellectuelle du Bucarest des années 1930.

de tain évoqué dans trois livres

L'ambiance de la terreur stalinienne, vue d’en bas, est magnifiquement dépeinte par Eugen Uricaru.

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Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

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Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

Avant même d'ouvrir Les Mémoires d'Hadrien, de jeunes lecteurs deRoumanie pouvaient se vanter, dans les années 1990, de connaître d'abord uneanecdote: à l'Académie française il y avait des toilettes Hommes et des toilettes…Marguerite Yourcenar. On prétend aussi que des ados, pour épater leur assistan-ce, étaient prêts parfois à réciter"Oisive jeunesse/À tout asservie,/Par délica-tesse/J'ai perdu ma vie".

Ainsi, la culture française a toujours fait partie en Roumanie de l'air à respi-rer, soit à l'école soit en famille. Tous ces jeunes francophiles par milieu,sans prétendre connaître en profondeur ni Marguerite Yourcenar, ni

Rimbaud, ni autres classiques ou modernes, étaient tout simplement les héritiers detant de générations de Roumains qui s'étaient abreuvés, à partir du XVIIIe siècle, parleurs élites, aux écoles et Lumières françaises. Que reste-t-il de cet héritage français,après un quart de siècle de libéralisme en tout genre, y compris l'américanisation dumodèle culturel de divertissement? Les Roumains sont-ils toujours proches de la cul-ture française ?

En tête du peloton

Les écrivains françaisd'aujourd'hui sont, parait-il,en bonne place en Roumanie.Il y a des noms assez gâtés,avec série d'auteur et placeconfortable dans la vitrine deslibrairies. C'est le cas parexemple d'Amélie Nothombou de Daniel Pennac, assisd'ailleurs sur des présentoirsaux cotés d'un SalmanRushdie ou d'un José Saramago, tous traduits chez Polirom, l'une des maisons d'édi-tion les plus importantes de Roumanie. D'autres écrivains collectionnent critiques,interviews et autres… "Apostrophes" dans la presse littéraire par dizaines: c'est le casde Michel Houellebecq, hissé d'ailleurs au top des ventes chez Polirom. Connectés, paramour inconditionnel ou par professionnalisme, à la vie littéraire française, les éditeursroumains essaient de trier sur le volet l'offre à traduire.

Simona Modreanu, professeur de littérature française contemporaine à l'Universitéde Iasi, également éditrice chez Junimea, reconnait que le critère de sélection des tit-res proposés à ses étudiants est souvent le prix littéraire obtenu au pays d'origine: "Ilest difficile de savoir, parmi les nouveautés, quel nom sera retenu par l'histoire litté-raire et qui passera à la trappe. Certes, soupçonnés parfois de complots ou autres jeuxde coulisses, les prix littéraires donnent toutefois une image significative des tendan-ces et des goûts littéraires du moment".

"Ce n'est pas si mal que ça, vu l'emprise sur le marché des anglo-américains"

Prix littéraire ou succès populaire en France, les traductions en roumain suiventpresque automatiquement. On publie, chez Polirom, Michel Houellebecq et FrançoisWeyergans, Amélie Nothomb, Fréderic Beigbeder ou Anna Gavalda, tout aussi AminMaalouf et Andreï Makine. Chez les éditions Humanitas - autre enseigne éditorialeimportante en Roumanie - on trouve plusieurs titres de David Foenkinos, d'AlexandreJardin, ainsi que des livres de Michel Tournier, de Pascal Quignard ou de Jean-ClaudeCarrière.

Depuis quelque mois, à Bucarest,

une femme réussit à séduire tous

ceux qui la cherchent en passant le

seuil de sa porte: c'est "Kyralina",

personnage haut en couleur de

Panaït Istrati, et nom de l'unique

librairie française à ce jour en

Roumanie. Trois associés, dont

Sidonie Mézaize, diplômée de La

Sorbonne, ont fait le pari de la littéra-

ture française en territoire réputé

francophone et par temps de recul

de la francophonie. "Le format poche

marche très bien, les livres jeunesse

également, assure Sidonie. Ce qui

ne marche pas, comme par exemple

Christine Angot ou Marc Lévy, prou-

ve que les Roumains, bien informés,

ont des goûts exquis ou qu'ils se lais-

sent conseiller", conclut la libraire.

La littérature française en Roumanie

Un mariage d'amourSalon du livre représente 15% de l'ensemble des traductions

Silviu Lupescu, à la tête des éditions Polirom, estime queparmi les littératures du Vieux continent la fiction françaisereste en tête du peloton : "Les traductions françaises représen-tent 15% de l'ensemble de nos traductions, ce qui n'est pas simal que ça, vu l'emprise sur le marché des anglo-américains,tout aussi valable en Roumanie qu'en France d'ailleurs"explique l'éditeur.

Quant à Luiza Vasiliu, journaliste à l'hebdomadaireDilema veche (Le vieux dilemme) et traductrice, elle nemâche pas ses mots : "Je ne pense pas qu'on traduise assez delittérature française en Roumaine. Ou, plutôt, pas ce qu'il faut.Il n'y a que quelques grands noms, mais aucune intention defaire découvrir un auteur à un public potentiel. Beigbeder,Bruckner, Nothomb, Lévy, ce sont des choix pas du tout risquésde la part des éditeurs roumains." se désole la journaliste quia interviewé, entre autres, l'écrivain Atiq Rahimi.

Pour qui sonne le glas ?

La question qui se pose est dans quelle mesure ceux quisont publiés sont-ils lus?

D'abord, sur le marché roumain on imprime au compte-goutte. Lidia Bodea, éditrice chez Humanitas et traductrice,entre autres, d'Eric Emmanuel Schmitt, témoigne d'un succèsrécent: "Retraduits en 2011, Les Mémoires d'une jeune fillerangée de Simone de Beauvoir sont à leur troisième tirage,soit 6000 exemplaires vendus". Il faut toutefois noter qu'enRoumanie le tirage moyen se situe autour de 2000 exemplai-res et on attribue l'étiquette "best-seller" à un livre vendu àquelques vingt mille exemplaires. Ainsi, paru en 2011, OdetteToulemonde et autres histoires d'Eric Emmanuel Schmitts'est écoulé en 13000 exemplaires.

Quoi qu'il en soit, le lectorat n'est pas homogène et, on levoit, déserte de plus en plus les rayons dédiés aux écrivainsfrançais. Ceux qui en Roumanielisent aujourd'hui Flaubert ou Proustne lisent pas forcément de la littéra-ture française, ils lisent de la littéra-ture tout court.

Sur leur table de chevet se trou-vent également Hemingway ouVirginia Woolf. Les auteurs contem-porains seraient lus par des lecteursbranchés, qui souvent parlent fran-çais et lisent la presse française viainternet.

"En cours, je propose à mes étu-diants, toujours en original, aux cotés d'auteurs confirmés,mes découvertes à moi, tels que Laurent Gaudé, Atik Rahimi,Jérôme Ferrari ou Hervé Bel, explique Simona Modreanu.Les étudiants se montrent intéressés mais il est de plus en plusdifficile de les attirer vers des lectures amples et diverses. Leprestige énorme dont la culture française jouissait enRoumanie ne cesse de diminuer. Il reste les nostalgiques et les

spécialistes, où lesmordus de la litté-rature tout court"lâche l'enseignante.

La journalisteLuiza Vasiliu recon-naît qu'elle faitpartie de ceux quiont grandi dans leculte de la culturefrançaise mais à un moment donné le glas a sonné ont sonné:"Mes coups de cœur sont Charles Dantzig ou Pierre Bayard.Mais je dois avouer que je ne lis plus tellement de littératurefrançaise ces derniers temps, maintenant je me suis plutôttournée vers la littérature britannique".

"On dirait que la francophonie est laissée pour lecompte des francophones autre que les Français"

A qui la faute? A la concurrence que d'autres produits cul-turels, surtout virtuels, font d'une manière générale à la lectu-re, et bien sûr au marketing agressif, de type Hollywood, queles littératures du Vieux continent subissent de la part des pro-duits anglo-américains. Mais la faute aussi… à la France.

Entichée du roman La nuit de Vojd d'Hervé Bel, l'éditri-ce Simona Modreanu a fait les démarches pour le traduire enroumain. Elle découvre avec stupeur que la maison d'éditionfrançaise lui envoie un contrat de cession des droits en…anglais, la version française n'étant point disponible. "Ondirait que la francophonie est laissée pour le compte des fran-cophones autre que les Français" s'insurge l'éditrice.

Quant à Silviu Lupescu de Polirom, lui il révèle un autreaspect: le manque de disponibilité de la part des écrivains fran-çais d'aller rencontrer les lecteurs en Roumanie. "Écouter l'é-

crivain, le voir revient à saisir autrement l'âme dulivre déjà publié et du livre à venir. Médias à l'ap-pui, il va occuper petit-à petit une place à partdans la conscience des lecteurs roumains, ce quiaide beaucoup son éditeur", affirme l'éditeur.

Néanmoins, l'atout de la Roumanie reste sapléiade exceptionnelle de traducteurs. Si les lec-teurs passent, les traducteurs restent, liés à la lan-gue française par des liens affectifs et qui tiennentégalement de l'histoire culturelle des deux pays.Non seulement les classiques français sont rééditéschaque année, mais ils se refont une beauté à tra-vers de nouvelles traductions, comme Proust ou

Flaubert par exemple. Polirom vient même de publier, pour lapremière fois en version roumaine, Nadja d'André Breton, tra-duit par le très expérimenté Bogdan Ghiu.

S'il est vrai que le prestige de la culture française est enperte de vitesse en Roumanie, en revanche les passionnés deLittérature française en sont on ne peut plus amoureux.

Cristina Hermeziu (Le Magazine littéraire)

Kyralina, une librairiefrançaise à Bucarest

pour un couple infidèle

Le monde de l'édition roumaine s'était aussi donné rendez-vous à Paris, à l'occasion du Salon du livre.

Simona Modreanu

SIlviu Lupescu

Sidonie Mézaize dans sa petite librairiefrancophone de Bucarest, Kyralina.

La ville d'Arad a présenté officielle-

ment sa candidature au siège du

Parlement européen pour devenir

capitale de l'Europe en 2021. La

seule cité roumaine à avoir assuré

cette représentation jusqu'ici est

Sibiu, en 2007.

D'autres villes ont déjà déposé leur

candidature pour 2021 : Alba Iulia,

Brasov, Cluj-Napoca, Timisoara,

Sfântu Gheorghe et Iasi.

Arad, capitale européenne de la culture en 2021 ?

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Connaissance et découverte

Dada devenu réalité globale, simplification envahissante quiétouffe toute créativité, déchirure des écrivains qui s'exprimentdans une mère-langue perdue ou dans une autre qui ne s'iden-tifie pas à la leur ou, plus tragiquement, dans une mère-languequi est celle des assassins de leur mère, comme ce fut le caspour Celan.

Est-il possible d'écrire après Auschwitz, d'exprimer l'inex-primable ? Il y a un autre obstacle, que Kafka à son époque nepouvait pas connaître : "Dans le grand marché libre et carna-valesque du monde d'aujourd'hui - c'est Manea qui parle -,seul semble audible ce qui est scandaleux, mais rien n'estassez scandaleux pour devenir mémorable". Telle est la cin-

quième impossibilité que l'écrivain affronte sans l'esquiver,faisant - avec ironie et auto-ironie, mais avec acharnement - dela conscience de cette farce, de cette mascarade vulgaire etaliénante, une forme ultime de résistance humaine. Même s'ilsait bien que, dans le cirque universel, l'exil lui-même peutdevenir un simple slogan publicitaire. Comme il est dit ironi-quement dans La Tanière: "Exilés de tous les pays, unissez-vous!".

Claudio Magris (écrivain)La Cinquième Impossibilité (Plicuri si portrete - Laptele

negru), de Norman Manea, traduit par Marilyn Le Nir et OdileSerre, Seuil, "Fiction & Cie", 270 p., 22 €.

Les NOUVELLES de ROUMANIE

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Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

Selon Marx, les grands événements historiques se présentent une premièrefois sous forme de tragédie puis se répètent sous forme de comédie; dans l'his-toire contemporaine, écrit Norman Manea dans son roman La Tanière (Seuil,2011), c'est l'inverse : la farce précède la tragédie.

C'est dans cette "carnavalisation" de la vie que réside, pour l'écrivain rou-main, la "cinquième impossibilité" de l'écriture qui donne son titre à sondernier essai. Une impossibilité qui s'ajoute aux quatre énoncées par

Kafka: impossibilité de ne pas écrire, d'écrire en allemand, d'écrire dans une autre lan-gue et d'écrire tout court.

Vieillard à 9 ans

Existe-t-il un moyen de surmonterces impossibilités? Passionné, lucide,auto-ironique, le livre de NormanManea est une tentative de réponse àcette question qui, depuis un siècle aumoins, constitue le trou noir autourduquel tourne la littérature. Certes,Kafka pensait surtout à l'écrivain juifde la Mitteleuropa, mais la conditionjuive est exemplairement universelle,c'est celle de l'exil - et de l'écrituredans l'exil - qui de plus en plus concer-ne l'humanité entière.

Né en 1936 en Bucovine, installéà New York depuis 1986, Manea a souvent dit que l'exil exprimait "l'essence mêmede son individualité".

C'est qu'il en a souvent fait l'expérience: de la déportation dans un camp enTransnistrie (d'où, comme il l'écrit, il est sorti "vieillard à l'âge de 9 ans") à l'exil inté-rieur dans la société pervertie par le totalitarisme de la Roumanie satrapico-commu-niste, et jusqu'au départ pour les Etats-Unis, "libérateur" certes, mais qui reste tout demême une amputation, au moins linguistique, un exode de cette patrie que constituepour l'écrivain, à de rares exceptions près, sa langue.

L'exil peut être létal, mais il peut être aussi créateur. Il s'identifie à la vie car, écritManea, "il commence au moment même où nous quittons le placenta maternel". Lasortie de chaque phase de l'existence, de l'enfance ou de la jeunesse, est un nouvelexil. L'exil est aussi générateur de littérature, souvent même de grande littérature,comme le montrent nombre d'écrivains étudiés dans ce livre - Celan, Sábato,Ionesco... Manea lui-même définit son écriture comme un "résultat du déracine-ment". Un déracinement qui l'oblige à "habiter dans les fissures" de la réalité, à per-dre un sol mais à le remplacer par la parole.

Est-il possible d'écrire après Auschwitz ?

De ces fissures sont nés ses grands livres, parmi lesquels Le Bonheur obligatoi-re (Albin Michel), L'Heure exacte, L'Enveloppe noire, Le Retour du hooligan,Les Clowns: le dictateur et l'artiste (tous au Seuil). La Cinquième Impossibiliténous fait rencontrer d'autres habitants de ces fissures, d'autres écrivains qui, tels lesescargots, portent leur maison sur le dos.

En parlant de Philip Roth comme de Saul Bellow ou de Kafka, Manea aborde etéclaire les thèmes fondamentaux de la littérature contemporaine et du désert qu'ellecontinue, un peu partout, de traverser : souffrance et tricherie inhérentes à tout départ,

L'ouvrage d'Eleonora Hotineanu

évoque les aspects de l'imagerie fran-

çaise dans la poésie bessarabienne du

XXe siècle. Il s'agit de la première

étude française consacrée à la poésie

de la Moldavie (Bessarabie), de ce

pays situé à l'extrême Est de l'espace

roumanophone. Critique littéraire, tra-

ductrice, titulaire de deux doctorats en

littérature comparée (Bucarest, Sor-

bonne nouvelle), Eleonora Hotineanu

est chercheure en littérature. Auteure

de nombreuses publications, elle est

lauréate d'un prix littéraire, décerné en

2001 par l'Union des Ecrivains de

Moldavie.

Bessarabie : la poésie en héri-tage, par Eleonora Hotineanu, Editions-

Diffusion L'Harmattan, Collection

Critiques Littéraires, 5-7, rue de L'Ecole

Polytechnique 75005 Paris, Comptoir

et renseignements librairie: 01 40 46

79 20, 300 p., 31 €

Bessarabie : la poésie en héritage

Norman Manea : "L'exil commence au momentmême où nous quittons le placenta maternel".

escargots, portent leur maison sur le dosDes écrivains qui, tels lesSalon du livre

L'exil selon Norman Manea

Ecrire comme un derviche, entournant sur soi-même, le récitprogressant - à l'image de la

Roumanie? - par spirales et bégaiements :l'histoire d'Ilie Cazane, fils de Georgetteet d'Ilie Cazane père, "personnage nondépourvu de pittoresque, d'après sesamis", nous entraîne, à la façon d'unconte fantastique, dans la vie quotidiennede la Roumanie communiste. Et, stupeur,on rit...

Razvan Radulescu, dont c'est le pre-mier roman, a grandi sous le règneNicolae Ceausescu. Sa jeunesse a été ber-cée, si l'on peut dire, par les souvenirssombres des années 1940 et 1950. Mais lehéros de son roman, le jeune Ilie, et lepetit monde qui l'entoure, glissent à tra-vers les mailles du filet, loin du récit àthèse et de ses louches de plomb. Premierexemple: le père d'Ilie, sans emploi et roide l'embrouille, écume les bistrots deBucarest. Il a le chic pour ne jamais payersa note - mieux… pour se faire inviter parles tenanciers-fonctionnaires des gargotesd'Etat ! Comme Frédérick Lemaître dans

Les Enfants du Paradis (Marcel Carné,1945), joué par Pierre Brasseur, Ilie pèreest un citadin au charme fou.

Ayant épousé Georgette, une campa-gnarde que son air provincial a ému, levoici au village, au milieu de péquenotsbourrus, à trimer dans les champs - où ilséduit même... les tomates. Les grainesqu'il sème donnent, en effet, des légumesgéants, hors norme. Le conte de fées -pensez: des tomates pesant le poids d'une"petite pastèque"... - vire au cauchemar,car qui dit hors norme, dans la Roumaniestalinienne, dit arrestation immédiate etinterrogatoire musclé. A cause de cesfichues tomates et de ses dons calami-teux, Ilie père, changé en traître au socia-lisme, va passer de longs mois en prison.

"On fait tourner les tables en secret, en invoquant l'esprit de Marx"

Quand il en sort, son fils est né - maisil n'en saura rien : alors qu'il vient de s'of-frir, pour fêter sa libération, une toque delaine, voici que, "de la rue Brezoianu,surgit (...) brusquement un camion quil'écrasa sans qu'il ait eu le temps de direouf et disparut comme s'il n'avait jamaisexisté". Exit Ilie père, bien que la scènede l'accident continue de se répéter, dansplusieurs des chapitres suivants, pareilleaux ronds dans l'eau que fait le caillouqu'on y jette, avec des variantes ou desraccourcis.

Le prénom donné à son fils, Ilie, ado-

lescent éternel et asexué, est un autresymptôme de ce passé qui ne passe pas, etqui se reproduit, d'une génération à l'aut-re. Art de l'ellipse et de l'absurde: RazvanRadulescu, en amoureux du cinéma, saittisser la trame de sa fable, alternant, avecun humour caustique, plans serrés,contrechamps et travellings.

Né en 1969, à Bucarest, ce fils debonne famille a collaboré à l'écriture deplusieurs scénarios de film, parmi les-quels 4 mois, 3 semaines, 2 jours, deCristian Mungiu (Palme d'or du Festivalde Cannes 2007). Le héros de son romana les allures d'un frère cadet, aux talentssaugrenus: le jeune Ilie construit ainsi une"machine à lancer des éclairs”, esquissede caméra, avec laquelle il joue à tuerpuis à ressusciter les voisins du village,transformés en acteurs.

C'est une Roumanie populaire et sou-vent joyeuse que décrit RazvanRadulescu. On y fait tourner les tables, ensecret, en invoquant l'esprit de Marx, on yfait "l'amour athlétique" et on y boit del'eau-de-vie, en se tapant sur les cuisses,tandis que passent les fantômes des victi-mes du stalinisme et que les fonctionnai-res feuillettent, en faisant "des ts ts indi-gnés", les brochures de la propagandesoviétique. Un roman baroque et surpre-nant: du vif-argent.

Catherine Simon (Le Monde)La Vie et les agissements d'Ilie Cazane

(Viata si faptele lui Ilie Cazane), de Raz-vanRadulescu, traduit du roumain par PhilippeLoubière, Zulma, 272 p, 20,50 €.

La Vie et les agissements d'Ilie Cazane de Razvan Radulescu

La Roumanie communiste, mieux vaut en rire

Eugen Simion, ancien président de

l'Académie roumaine, est l'un des com-

mentateurs les plus avisés d'Eugène

Ionesco, notamment de ses débuts

roumains qui s'achèvent avec l'élabora-

tion, en 1943, de la première anti-pièce

L'Anglaissans maître,

connue dans

le monde

entier dans

sa version

française de

1950: Lacantatricechauve. Son

étude sur le

jeune Ionescu est la conclusion des

recherches de toute une vie. L'écrivain

Virgil Tanase, exilé à Paris depuis un

demi-siècle, en livre ici la traduction.

Le jeune Eugen Ionescu par Eu-

gen Simion, traduit par Virgil Tanase,

L'Harmattan, 446 pages, 36,10 €.

Le jeune Eugen Ionescu par Eugen Simion

Page 26: ROUMANIE 77

Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

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Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

A 12 ans, Dimitrie Cafanu, que tout le monde appelle "Mite" (la passion rou-maine pour les diminutifs ne se dément jamais), est "un garçon plus développé queles autres", précocité qui, "à la réflexion", réjouit sa mère. On imagine que celle-ciaurait été moins heureuse d'apprendre la nature du lien qui unit ce fils déluré à laveuve du chantre de l'église du Vendredi-Saint.

Cette mère passera trop vite ausecond plan, dans la pénombre oùRadu Aldulescu aime jeter tout à

coup, par pans entiers, les histoires qu'il amor-ce, pour qu'on s'intéresse encore à sa réaction.Mite, de toute façon, est déjà loin. "Sa fuitecommençait avec (la veuve), elle était là pourl'inciter à ne plus s'arrêter, à ne plus se retour-ner jamais vers ce qu'il laissait derrière lui."L'initiation que la jeune femme lui a prodiguéeest allée bien au-delà de l'apprentissage dusexe, ou plutôt lui a révélé le sexe comme le

lieu d'une liberté dont la découverte représente, pour un adolescent élevé en Roumaniedans les années 1960, un double émerveillement. A l'abri de ses parents, à l'abri, surtout,de ce regard constamment posé sur chacun dans une société de transparence et de peur,il connaît désormais l'usage des recoins obscurs, que seul le désir éclaire. Il restera jus-qu'au bout l'amant de la veuve, même quand, adulte, il ne la verra plus.

Elle l'a projeté au-devant de lui-même, imprimant à sa vie un élan qui le jettera, tou-jours très jeune, sur les routes. Mais, "dans ce monde fait par des chiens pour deschiens", rien ne répond aux élans des jeunes gens. D'autant que Mite, bien que fils d'unapparatchik, est fort démuni. L'auteur, avec une ironie glacée, note que son père, dans uneRoumanie où le népotisme règne, aura fait preuve d'une rare vertu. Il va falloir sedébrouiller seul, vivre au hasard, prendre ce qui vient, errer.

Renard à l'affût dans un poulailler désert

L'Amant de la veuve relève d'un genre très répandu dans la littérature roumaine post-communiste, qu'on pourrait appeler le roman de vauriens. Radu Aldulescu, né en 1954,devenu un écrivain important dans son pays après la révolution de 1989, en est un témoinaccompli. Son œuvre, telle que les lecteurs français peuvent la découvrir avec ce premierlivre traduit, participe d'un mouvement général de mise au jour des petits arrangementsqui, sous la chape de mensonge du régime, tenaient lieu de vie.

Nous vivions ainsi, dit Aldulescu. Nous étions ces va-nu-pieds. Nous étions Mite, etBajnorica, son compagnon d'errance - orphelin, il n'a jamais eu droit aux tendres diminu-tifs maternels. Etre un jeune Roumain pauvre, et qui voulait être libre, c'était vivrecomme ces renards à l'affût dans un poulailler désert.

Inégal, parfois inutilement long, L'Amant de la veuve parvient dans ses meilleursmoments à restituer l'incertitude absolue de ses héros. Vers la fin du livre, Mite, la tren-taine passée, verra l'élan de sa jeunesse s'effilocher. Les enfants précoces font, à l'occa-sion, les jeunes vieillards. Devenu ouvrier, puis chômeur, tombant presque amoureux,puis se retrouvant seul, il n'aura bientôt plus que ses souvenirs pour se savoir vivant. Etrelibre était peut-être une illusion. Mais, dans un monde où l'illusion gouvernait tout, quepouvait-il espérer de mieux ?

Florent Georgesco (Le Monde)L'Amant de la veuve (Amantul Colivaresei), de Radu Aldulescu, traduit du roumain

par Dominique Ilea, Editions des Syrtes, 336 p., 22 € (en librairie le 28 mars).

S'il y avait un écrivain qui attirait

les regards dans la délégation rou-

maine, il s'agissait bien de Stefan

Savatie Bastovoi. Il faut dire que sa

longue barbe sous son visage jeune

et sa tenue de prêtre orthodoxe

avaient de quoi intriguer… tout

comme l'histoire hors du commun de

cet ancien journaliste moldave de 37

ans, retiré dans un monastère de

Transnistrie et qui a reçu la tonsure

monacale en 1999.

Lycéen, en conflit avec son père,

professeur de philosophie et propa-

gandiste de l'athéisme scientifique

au temps de l'ex-URSS, il avait été

interné dans un hôpital psychiatrique

sur demande de son professeur de

français, un de ses persécuteurs les

plus acharnés… ce qui l'a détourné

d'apprendre notre langue et a inspiré

son premier recueil de poèmes Unvalium pour Dieu.

Au salon, le Père Savatie présen-

tait son dernier roman Les lapins nemeurent pas (édition Jacqueline

Chambon, traduit en français par

Laure Hinckel). Pour autant, derrière

son sourire indulgent, le jeune écri-

vain semblait bien loin de l'agitation

des allées du Palais des expositions,

plongé dans son monde intérieur,

observant, à la fois amusé et déta-

ché, "ces gens qui vont, qui viennent

de méditation nulle nouvelle". Toute-

fois, le prêtre avait du mal à contenir

la colère de l'ex-journaliste qu'il a été

dénonçant, sous des mots dont il

s'efforçait de maîtriser la violence, la

mafia qui tient son pays, y compris

dans les médias, ayant expérimenté

la censure la plus brutale.

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La meilleure façon…de détester le français Bruno Matei est marionnettiste. Dans la Roumanie

communiste de l'après-guerre, un agent de laSecuritate - la police politique - qui se prétend son

ami le suit comme son ombre et lui reconstruit un joli passéfleuri, conforme à la "fiction" politique du moment.

Le passé de Bruno Matei tait la vérité de vingt ans de pri-son et de travaux forcés dans le camp de travail de"Péninsule", au sud-est du pays. Coup de chance, Bruno estamnésique. Parfois, pour continuer à vivre, la mémoire fait letri dans nos histoires. Parfois, les puissances politiques"aident" aussi un peu à ne surtout pas se souvenir...

Bruno, lui, se souvient bien d'un départ pour l'Italie, d'unthéâtre de marionnettes à Bucarest, d'un tunnel, mais aprèsplus rien. C'est le trou noir. Un gouffre qui renferme pourtantdes barreaux gluants, des heures et des nuits d'interrogatoire,des procès, des manipulations, les yeux qui transpirent de froidet de peur, le corps en lambeaux, le cœur qui voudrait s'arrêterde battre tandis que le mal têtu, tyrannique, cruel, l'en empê-che. De ces vingt ans en enfer, Bruno est revenu. Sonné,cabossé, amnésique, fragile, mais vivant.

Libre, mais enfermé encore dans une mémoire construitede toutes pièces. Comme Vasilacke, son pantin de bois ciré, iln'est qu'une marionnette. Aux côtés d'Eliza, avec qui il mèneune étrange histoire d'amour, il tente de rassembler les mor-ceaux du puzzle, de tirer les fils de sa propre mémoire. Servie

par une langue profonde et saturée de poésie, d'une douceuraux antipodes de la folie maniaque du régime enragé de l'é-poque, sa quête est bouleversante.

Pourquoi lire ce livre? Parce que c'est Amélie Poulainchez les Soviets, Candide dans la République populaire rou-maine. C'est l'histoire inoubliable d'un doux héros qui joue leséquilibristes sur les rives du Styx.

À qui l'offrir? À ceux qui pensent que le monde, commela littérature, est un grand spectacle de marionnettes. À tousceux qui n'ont pas oublié les images, diffusées sur les télévi-sions du monde entier, du couple Ceausescu fusillé, un certainsoir de Noël 1989. Et aux neurologues qui tentent de compren-dre, combattre et traiter l'amnésie.

Lucian Dan Teodorovici est né en 1975. A Iasi, où il vitaujourd'hui, il évoque la gestation très lente de ce roman, dontles origines remontent à sa "lecture intensive de la littératuremémorielle des années 1990, notamment les récits d'anciensdétenus politiques". Le jeune écrivain, qui a travaillé pour latélévision et le cinéma et qui s'occupe aujourd'hui de théâtre etd'édition, avait déjà plusieurs fictions à son actif quand il acommencé la rédaction de L'Histoire de Bruno Matei, livre,explique-t-il, "très différent des précédents".

Marine de Tilly (Le Point)L'Histoire de Bruno Matei (Matei Brunul), de Lucian Dan

Teodorovici, traduit par Laure Hinckel, Gaïa, 452 p., 22 €.

Salon du livre Salon du livre

Invitée d'honneur de l'édition 2013 du Salon du livre de Paris, La Roumanie resterait statistiquement un territoire rela-tivement épargné par la criminalité en comparaison à la moyenne mondiale. Et le pays en connaîtrait essentiellement dansla sphère domestique, c'est en tout cas ce qu'affirmaient les intervenants de la conférence qui se tenait sur le stand dédié àla patrie abusivement assimilée à Dracula. Il s'agissait de trois auteurs versant dans le thriller littéraire à la sauce locale, etvenus témoigner de l'émergence du genre dans leur pays.

Horia Garbea balisait la scène de crime, aux coté des suspects Bogdan Hrib, auteur de la série criminelle "StelianMunteanu", Danut Ungureanu, contributeur à l'Almanach Anticipacia 2013, et Bogdan Teodorescu, qui a connu ungrand succès commercial avec son roman politique Spada. Les intervenants ont expliqué au public que le marché rou-

main du polar est actuellement en pleine phase d'émergence, tandis que jusqu'alors les titres du genre étaient majoritairementimportés des États-Unis et autres prolifiques contrées anglo-saxonnes, comme le Royaume-Uni ou les pays scandinaves. Et si enFrance on a coutume d'utiliser des termes différents pour parler des romans policiers, sans faire de distinction qualitative, enRoumanie on ferait le tri sélectif entre le roman policier, sorte de série B, et le thriller littéraire, à la forme plus élaborée et à la qua-lité mieux reconnue.

Selon les estimations des acteurs du marché du roman policier à la roumaine, une véritable vague noire nationale pourraitdéferler d'ici trente ans. Et si le genre a mis du temps à prendre son essor dans les pays de l'Est, la cause en est imputée en partieà une forte censure sous le régime soviétique. Et dans un pays de l'Est, où la science-fiction fait partie de la tradition, les deux regis-tres auraient connu une certaine compétition entre eux.

Néanmoins, les auteurs qui s'exprimaient ont pointé une connexion aujourd'hui inévitable entre le thriller littéraire et les troisautres domaines que sont le fantastique, le sensationnel et le politique. Aujourd'hui, la frontière entre le roman policier et la fictionspéculative serait devenue infime. Et si les codes de la littérature du genre sont perçus comme universels, selon les auteurs inter-rogés, c'est avant tout en raison du contexte dans lequel s'ancre leur histoire, qu'il s'agisse des aspects sociaux, géographiques, ouencore historiques. Et c'est là qu'un écrivain peut faire la différence avec ses pairs.

Ainsi, leur défi est alors de créer des histoires intéressantes et jusque-là inconnues, en exploitant leur propre culture nationa-le, afin d'offrir une alternative aux romans anglo-saxons et gagner le cœur du public international.

"L'Amant de la veuve"ou le roman d'un vaurien

de Radu Aldulescu

"L'Histoire de Bruno Matei" de Lucian Dan Teodorovici

Amélie Poulain chez les Soviets

La Roumanie à l'heure du crime

Page 27: ROUMANIE 77

Connaissance et découverte

Excusez-moi, monsieur, vous êtes quelqu'un de connu?" Elle dénoue son foulard aux motifs fleuris roseset blancs, puis elle pose les deux coudes sur les

piles de livres. "C'est juste pour savoir si je vous prends enphoto. J'aime bien prendre en photo les gens connus. Mêmequand je ne les connais pas." Elle dévisage l'écrivain, petitbrun aux épais sourcils qui semble un peu perdu derrière satable et ses bouquins. Il triture son stylo. Prêt à dédicacer. Il estlà depuis plus d'une heure et il n'a vendu que deux livres. "Jepense que ceux qui me connaissent, ce sont surtout ceux quim'ont lu !" Il prend un exemplaire de son premier roman et letend à la dame, qui le repose aussitôt. Le roman ne l'intéressepas. Le titre est pourtant accrocheur: Les Soupentes duVatican.

"Mais vous n'avez jamais été invité chez François Busnel?Ni chez Laurent Ruquier ou bien chez Thierry Ardisson?"L'autre murmure que non, il n'est jamais passé sur le petitécran. "Enfin si! Il n'y a pas longtemps, on m'a interviewé surFrance 3 Picardie!" La téléphage hausse les épaules, puispasse ses doigts bagousés dans ses cheveux grisonnants, avantde regarder le nom écrit en majuscules sous le portrait du jeunehomme de lettres. Comme s'il n'était pas là, elle déchiffre àvoix haute: "Guillaume Museau... Pff! Jamais entendu par-ler!" …"Je vous accorde, chère madame, que je suis moinsconnu que le pape", réplique l'intéressé, plutôt vexé, en se fai-sant craquer les doigts.

Lecteurs flattés qui achètent au kilo

"Moi, je l'aime bien,le nouveau pape", inter-vient alors une superbemétisse juchée sur destalons compensés d'unehauteur démesurée, quivient de s'arrêter devant lestand. Elle attrape un bou-quin. "Je trouve qu'il al'air gentil, le papeFrançois. Plus que le pré-cédent. Plus proche desgens. Plus bonhomme,plus normal et bien moinschichiteux.

Moi, il me fait penserà mon prof de maths detroisième. Qu'est-ce quevous en pensez ?".

L'écrivain n'a pas l'air d'en penser quoi que ce soit. Enrevanche, le foulard fleuri a son idée sur la question. "Il fautpas se fier aux apparences! Et puis le côté bonhomme normal,merci, on a donné! Enfin ce François là, contrairement à l'au-tre, il a eu du soleil pour son intronisation! - En plus, c'étaittrès beau, sa messe d'installation, ajoute la métisse en parcou-

rant d'un œil la quatrième de couverture. Quand il a reçu lepallium et l'anneau du pêcheur, moi, ça m'a donné des frissons.Ça m'a rappelé quand ma petite sœur a reçu la couronne deMiss camping, l'été dernier! Vous avez déjà été Miss cam-ping?" La grisonnante rétorque par la négative et précise que,d'ailleurs, elle n'a jamais fait de camping.

De l'autre côté de l'allée, une starlette de l'édition signe sesMémoires à la chaîne. Devant elle, une file d'attente de quaran-te personnes. Un peu plus loin, un vieil auteur alpague carré-ment les passants. Il vante la qualité de sa prose, comme cer-tains vantent, sur les marchés, la qualité de leur poisson.

Parfois même, il arrache des pages et lance: "Tenez, mon-sieur, lisez! Ce passage-là, vous allez voir, je l'ai écrit pourvous!" Ou bien "Tenez, madame! Je suis certain que ça va vousrappeler des choses!". Et la technique fonctionne. Les lecteurssont flattés. Ils achètent au kilo.

"Oui ben moi, des gens qui nous mettent du cheval dans nos lasagnes…"

Moi, je n'en ai dédicacé qu'un seul. A Mme Da Silva, monancienne concierge. Elle m'a demandé un poème en rimes. J'yai passé un bon quart d'heure et, depuis, je m'ennuie à mourir.Mon voisin, lui, reprend espoir, car la femme aux talons per-chée s'est mise à feuilleter son livre. Peut-être une troisièmevente... Mais la beauté ne pense qu'à François. "Et vous avezvu son sourire dans sa papamobile? Quel sourire merveilleux!Et quelle simplicité quand il a embrassé un paralytique! Lescas désespérés, on voit que ça le touche vraiment!”. La plus

âgée grimace. "Vu lasituation du pays, c'estplutôt à Jean-MarcAyrault qu'il aurait dûfaire un bisou !"

Ensuite, elle saute ducoq à l'âne. "Et pourquoi ily a tant de Roumains ausalon cette année? Vous lesavez, vous, monsieurMuseau?". Celui-ci paraîtde plus en plus énervé.Mais il se contient etexplique que la Roumanieest l'invitée d'honneur."Oui ben moi, des gensqui nous mettent du chevaldans nos lasagnes, j'ai pasenvie de lire leurs bou-

quins!" "Et moi, je n'ai pas envie que vous cachiez les miens!hurle alors, hors de lui, l'écrivain plein de sourcils. Là, mada-me, vous cachez mes piles!". Elle tapote son foulard et lui jetteun regard méchant. "Il y a des gens, franchement, qui ne méri-tent pas d'être connus!"

Une fiction de Frédéric Pommier (Le Monde)

Les NOUVELLES de ROUMANIE

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Ce pourrait être une banale histoire d'amour, comme il en existe dans tous lespays à toutes les époques. La belle et talentueuse Letitia tente d'échapper à unmariage qui bat de l'aile dans les bras de Sorin, son ambitieux collègue del'"Institution". Ils se lancent à corps perdus dans cette liaison.

Sauf que nous sommes en Roumanie dans les années 1970 et que l'adultère y estune affaire risquée, même si les deux protagonistes, nés comme l'auteur dansles années 1940, appartiennent à la "génération très chanceuse des enfants du

camp socialiste". Les arrestations arbitraires, les tortures des années 1950 sont derrièreeux, mais l'espoir d'une libéralisation a fait long feu. La surveillance est partout, et laparanoïa grandissante donne à l'héroïne l'impression "d' évoluer sous un œil immense".Quant au divorce, sa possibilité juridique reste théorique: les personnes divorcées ris-quent de perdre leur emploi pour immoralité. "Nous parlons toujours en chuchotant, l'o-reille collée contre la porte, nous nous comprenons en échangeant des regards étrangers,ironiques, en cachette! Combien de temps résisterons-nous de la sorte et où cela nousconduira-t-il ?", s'interroge Letitia.

Ce que montre Gabriela Adamesteanu avec Situation provisoire, c'est que, lorsquela politique s'immisce dans l'espace privé, le plus grand danger ne réside finalement pasdans les menaces extérieures, mais dans l'intériorisation de la grisaille qui s'infiltre dansles âmes, avilissant les sentiments et les êtres. "Je crois que le régime Ceausescu a béné-ficié de la peur qu'avaient laissée les années 1950 dans les âmes, même celles desenfants", explique l'auteur.

Ainsi Sorin, en proie à un soupçon généralisé, en vient à se méfier de tous. Même del'être aimé. "Pourquoi n'aurait-il pas eu peur d'elle en fin de compte?" Et l'amant deregretter dans l'instant les confidences qu'il vient de faire sur l'oreiller. C'est bien la lentedégradation d'un amour étouffé sous le poids de la défiance, mais aussi de la misère etd'une bureaucratie absurde, que raconte le roman. Interrogation sur l'appropriation desconsciences individuelles par le pouvoir politique, le livre embrasse, à travers les histoi-res enchevêtrées des proches deLetitia et Sorin, un demi-siècled'histoire roumaine, de la dictaturefasciste d'Antonescu, qui entraîna laRoumanie dans la seconde guerremondiale, au règne du "camarade"Ceausescu, en passant par les annéesde fer du stalinien Gheorghiu-Dej.

La liberté par l'écriture

Car l'histoire de son pays hantetoute l'œuvre de la romancière et journaliste, depuis son premier roman, Vienne lejour, paru en 1977 (Gallimard, 2009), qui raconte l'éducation sentimentale d'unejeune fille entravée par un "mauvais dossier politique", en passant par Une matinéeperdue, fresque provocatrice sur un siècle de communisme (Gallimard, 2005)."Enfant dans la plus dure période stalinienne, les années 1950, j'ai été dégoûtée de lalittérature réaliste-socialiste apprise à l'école", confie Gabriela Adamesteanu. C'est àson père, un professeur d'histoire: "J'ai commencé à écrire par hasard, à 28 ans, aprèsavoir rencontré des écrivains qui m'ont convaincue qu'on pouvait écrire librement".Ecrire librement, conquérir sa liberté par l'écriture, ces mots pourraient résumer son

œuvre fortement ancrée dans une réalité historique, mais qui ne s'y réduit pas.Stéphanie Dupays (Le Monde)

Situation provisoire (Provizorat), de Gabriela Adamesteanu, traduit par NicolasCavaillès, Gallimard, "Du monde entier", 512 p., 26,50 €.

Les NOUVELLES de ROUMANIE Connaissance et découverte

En son temps, Virgil Tanaseavait défrayé la chronique. L'écrivain

exilé à Paris depuis 1977, avaient

failli être la victime des commandos

meurtriers de la Securitate, en

même temps que l'autre intellectuel

dissident, Paul Goma. La DST avait

déjoué le complot fomenté par le

régime de Ceausescu qui ne sup-

portait pas la critique. Il s'en était

suivi un froid entre les autorités fran-

çaises et Bucarest, conduisant à

l'annulation du voyage officiel que

François Mitterrand avait prévu de

faire au début des années 80. La

visite n'aura lieu finalement qu'en

1991, sous Iliescu, suscitant sur

place, dans les milieux démocrates,

perplexité et embarras.

Présent au salon, Virgil Tanase,

qui fut aussi directeur de l'Institut

Culturel Roumain à Paris, rendu

sans-doute prudent par le "coup du

parapluie bulgare" version roumaine

qu'on lui avait réservé, ne se livrait

pas beaucoup, se retranchant dans

les banalités, fuyant les curieux, se

réservant

pour ses

amis

claire-

ment

identi-

fiés.

Difficile

de ne

pas replonger dans cette atmosphè-

re délétère des premières années

post-révolution où chaque Roumain

se méfiait de ses compatriotes.

Traumatisme

Promenade dans les allées de la grande foire aux écrivainsFrancophonie

"Et pourquoi il y a tant de Roumains au Salon cette année ?"Salon du livre "Situation provisoire"

de Gabriela Adamesteanu

L'adultère sous l'œil de Ceausescu

La solitude de l'écrivain quand personne ne vient faire dédicacer son dernier roman, alors qu'il y a la queue

devant les stands des auteurs vedettes… même de recettes de cuisine !

Page 28: ROUMANIE 77

Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

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Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

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Quatre violons, des joyaux valant des millions d'euros créés par des luthierslégendaires dont Stradivarius et Gagliano, se sont "donné rendez-vous" mi-avril àBucarest pour un festival entrelaçant leurs histoires centenaires avec celles deleurs maîtres, de réputés violonistes roumains.

L'idée de ce festival est née lorsque j'ai découvert que plusieurs musiciensroumains jouent sur des violons italiens de collection et ont des positionsprivilégiées dans des orchestres européens", a déclaré à l'AFP la directrice

artistique des Orchestres et des Chorales de la Radio roumaine, Oltea Serban-Parau."Cet événement permettra au public d'apprendre leurs histoires", a-t-elle ajouté.

Liviu Prunaru, premier violon solo du Concertgebouw d'Amsterdam, jouant sur unStradivarius datant de 1694, et Gabriel Croitoru, le fier possesseur d'un Guarneri delGesù datant de 1731 ayant appartenu au célèbre compositeur roumain George Enescu,ont croisé leurs archets lors d'un "duel" comprenant notamment la Sonate pour deuxviolons de Sergueï Prokofiev. Egalement à l'affiche, Bogdan Zvoristeanu, premier vio-lon de l'orchestre de Suisse romande, qui joue sur un Gagliano datant de 1761, etGeorge Cosmin Banica, premier violon de l'orchestre Tonhalle de Zurich, avec sonTestore datant de 1710.

"J'imagine bien qu'il s'agit de plusieurs millions d'euros qui défilent ces jours-cisur la scène de la Salle Radio", soulignait Olga Serban-Parau. Elle assurait toutefois

que la présence au même endroit de ces violonsne posait pas de problème spécial de sécurité, carsi ces instruments sont particulièrement précieuxils sont aussi "tellement connus qu'il seraitimpensable qu'ils soient volés pour être vendusau marché noir". Toutefois, ajoutait-elle, "lesviolonistes ne s'en séparent quasiment jamais,même dans l'avion, ce qui pose problème à cer-taines compagnies aériennes".

Après avoir joué pendant 16 ans sur unGuarneri, Liviu Prunaru, 43 ans, s'est vu offrirpar l'orchestre d'Amsterdam un Stradivarius,baptisé "Pachoud". "Je me suis demandé pour-quoi ce violon est venu vers moi, j'aime croireque c'est parce que j'étais préparé à l'accueilliralors que j'approchais mes 40 ans" a confié celuigagnant de plusieurs grands prix internationaux.Passer d'un violon à l'autre n'a pas été facile carchacun a ses propres caractéristiques, expliquait-il, ajoutant s'interroger toujours sur ce qui fait la

"magie" d'un Stradivarius. "Il faut comprendre l'instrument, créer une complicité aveclui", dit le musicien qui pense avoir "exploité les derniers recoins du violon pour cher-cher le son et lui donner la forme la plus belle".

Pour Gabriel Croitoru, 45 ans, premier violon du philharmonique de Ploiesti, qui aégalement joué avec les orchestres de Monte-Carlo, de Séville et de Cannes, la premiè-re rencontre avec le Guarneri d'Enescu, baptisé "la Cathédrale", fut encore plus émou-vante."Je pensais, ému, que nous nous trouvions dans la chambre de musique du maes-tro, où il avait certainement souvent joué, et que peut-être il nous entendait ou nousvoyait", ajoutant "Savoir qu'un artiste si célèbre a été parmi les derniers à toucher cetinstrument me fit souhaiter être à la hauteur". Cet instrument, qui était resté enfermédans sa boîte pendant 50 ans après la mort d'Enescu, a "réveillé en moi des sentimentset des émotions qu'autrement je n'aurais pas pu exprimer", tandis que le violon lui-même a "gagné en qualité" en vibrant à nouveau. Comme lui, le violoniste estime quechaque musicien "laisse un peu de son âme dans un instrument".

Musique Quatre Stradivarius sur les scènes de Bucarest

Chauffeur de bus à Lausanne, (et

non pas de tramway corrige-t-il, car

cela lui semble plus noble) Marius

Daniel Popescu était l'un des deux

intellectuels "prolo" roumains du

salon avec Radu Aldulescu, aux

mains toujours calleuses, et qui tra-

vaillait voici encore peu à l'usine ou

sur les chantiers. Aujourd'hui Suisse-

Roumain, il ne parlait pas un mot de

français lorsqu'il est arrivé sur les

bords du lac Léman, écrivant cepen-

dant son premier poème dans cette

langue, six mois plus tard.

Cela lui paraît donc naturel que

Panaït Istrati en ait fait de même en

son temps, bien que certains pensent

qu'une main correctrice passait der-

rière les premiers écrits de l'écrivain.

Celle de son

mentor Romain

Rolland, proche

des communistes

à l'époque, dont

il affichait des

pages entières

sur les murs de

sa chambre à

Paris, les appre-

nant par cœur

pour progresser

plus vite?

L'auteur de Jean-

Christophe lui

tournera le dos,

après que les

yeux de son pro-

tégé se soient

décillés sur la

réalité soviétique, au retour d'un

voyage en URSS en 1929, et ne lui

inspire l'écriture de Vers l'autre flam-

me, confession pour vaincus, premiè-

re remise en cause du communisme

par un des siens, bien avant Gide. Le

Roumain en sera profondément

meurtri, mourra dans le dénuement et

l'isolement d'une tuberculose mal soi-

gnée, quelques années plus tard, à

Bucarest, mais ne se déjugera pas,

privilégiant son combat solitaire pour

la vérité à l'amitié idéologique du Prix

Nobel de Littérature de 1915.

Sur les traces d'Istrati

Cinéma

Protagonistes du conflit: d'un côté, les acteurs et lemetteur en scène allemand d'origine roumaineBogdan Dreyer; de l'autre, Giuliano Doman et sa

maison de production roumaine, Family Film. Pomme de dis-corde: la décision du producteur de changer complètement lemontage du film convenu au départ.

A la demande d'un distributeur américain, Condamné àvie a pris une tout autre tournure avec, certes, des séquencesplus courtes, mais surtout un"happy end" destiné à sédui-re le public américain.

"Je n'accepte pas que cefilm soit présenté sous uneforme différente de sa formeoriginale, a déclaré GérardDepardieu dans une lettreouverte adressée au produc-teur roumain. N'oublionspas que nous sommes et quenous restons Européens.Nous avons notre culture,les Américains ont la leur. Sij'avais souhaité faire un filmaméricain, je serais allé auxEtats-Unis, je ne serais pasvenu en Roumanie".

Condamné à vie est le remake d'un film roumain tournéen 1971, C'est là que je les ai tous condamnés à mort, inspi-ré par la nouvelle de Titus Popovici, La Mort d'Ipu. L'histoirea lieu à la fin de la seconde guerre mondiale, lorsque les nazisoccupent un village roumain. Un soldat allemand ayant étéretrouvé mort, la Wehrmacht demande aux paysans de livrer lecoupable sous peine d'une exécution massive. Pris de panique,les notables du village se tournent vers Ipu, un handicapé men-tal, et le persuadent d'accepter pour sauver le village.

Ipu, interprété par Gérard Depardieu, accepte cette propo-sition à deux conditions : les autorités du village devront don-ner un bout de terre à sa famille et promettre de mettre enscène son enterrement de son vivant. Des funérailles que lejeune homme souhaite fastueuses.

"J'ai apprécié l'hospitalité des Roumains"

Le tournage a eu lieu en 2011 dans la ville médiévale deSighisoara, un des bijoux de la Transylvanie, au centre de laRoumanie. Malgré un petit budget, le film nourrit de grandesambitions. Sa mise à l'écran est le fruit de plusieurs coups decœur. Pour commencer, le scénario est signé par un ingénieurdu son mythique du cinéma roumain, Anusavan Salamanian,

qui s'est passionné pourcette histoire. Le metteur enscène, Bogdan Dreyer, néen Roumanie, formé enItalie et domicilié enAllemagne, partage lamême passion.

Enfin, captivés par lescénario, les acteurs GérardDepardieu et Harvey Keitelont accepté de participer àcette aventure cinématogra-phique. "J'ai tout de suiteété fasciné par cette histoi-re et le personnage princi-pal, Ipu, que j'ai eu la joied'interpréter, écrit GérardDepardieu dans sa lettre

ouverte. J'ai apprécié l'hospitalité des Roumains, le talent desacteurs et le montage du metteur en scène."

Gérard Depardieu avait déjà tourné en Roumanie LesRois maudits, aux côtés de son fils, Guillaume. Ce dernier yétait retourné en 2008 pour tourner son long-métrageL'Enfance d'Icare, mais il était décédé lors du tournage.

Attaché, dit-il, à la Roumanie et à sa nouvelle vague decinéastes, Gérard Depardieu se déclare indigné par la décisiondu producteur de modifier le film pour satisfaire Hollywood."L'histoire et le scénario dégagent beaucoup de poésie, la findu film est inévitable et met en valeur tout le message du film,explique-t-il. Je n'accepterai pas qu'il soit présenté sous uneforme différente de l'original".

Mirel Bran (Le Monde)

Hollywood voulait un "happy end" dénaturant son film

Les Nouvelles de Roumanie disposent désormais d'un site internet www.lesnouvellesderoumanie.eu sur lequel vous pou-

vez consulter sans exception tous les numéros parus depuis le premier (septembre 2000), sauf ceux datant de moins d'un an, réser-

vés aux abonnés, dont les internautes peuvent cependant retrouver la présentation.

Les articles parus dans nos colonnes peuvent être repris librement, sous réserve d'être ni dénaturés, ni utilisés dans un sens

partisan ou à des fins commerciales, et en précisant bien leur source.

Nous voulons ainsi répondre aux sollicitations de lecteurs, d'associations, de comités de jumelage, de chercheurs, d'étudiants,

etc., qui souhaitent se servir de cette base de données pour leurs travaux, leurs bulletins, etc, et que nous mettons volontiers à

leur disposition.

Les Nouvelles de Roumanie sur Internet !

Gérard Depardieu, redresseur de torts en RoumanieLe film aurait dû frapper fort. Condamné à vie, long-métrage tourné en Roumanie en 2011 avec à l'affiche Gérard

Depardieu et l'acteur américain Harvey Keitel, s'est retrouvé au cœur d'un scandale avant même sa sortie officielle le 15mars dernier à Bucarest.

Liviu Prunaru et Gabriel Croitoru : le duel des virtuoses à coup d'archets et de Stradivarius.

Gérard Depardieu : "Si j'avais souhaité faire un film américain, je serais allé aux Etats-Unis, je ne serais pas venu en Roumanie".

Page 29: ROUMANIE 77

Connaissance et découverte

20h00 était très regardé ainsi que le célèbre "Studio X" dif-fusé chaque samedi soir auxalentours de minuit. Il s'agissaitle plus souvent d'un film occidental, une denrée devenue rarepour les Roumains, en tout cas beaucoup plus savoureuse queles insipides films nord-coréens qu'on leur proposait. Un hictoutefois: ces films étaient doublé en bulgare, ce qui les rendaitbeaucoup moins compréhensible qu'un film sous-titré.

Dans le sud-ouest, on pouvait capter les trois chaînes de latélévision serbe (*), émises de Belgrade. Les heures de diffu-sion couvraient une bonne partie de la journée avec, au pro-gramme, des dessins animés occidentaux, ou des séries commeDallas ou Dynastie. A la différence des Bulgares, les filmsétaient en version originale sous-titrée. Il y avait aussi pendantles fêtes de fin d'année "le marathon des films". 24 heures deprojection non-stop. "Il y avait de bons films, récompensésdans les festivals et qu'on ne pouvait pas voir chez nous",raconte Viorel Decan, un habitant de Resita qui avait 20 ansavant la "révolution". Le marathon commençait à 19 heures etse terminait le lendemain soir, à la même heure.

TV Beograd diffusait aussi beaucoup de musique serbe,très appréciée des ruraux du Banat, notamment ceux des envi-rons de d'Oravita. Ils se délectaient des longues émissionsmusicales de la télévision nationale serbe. Les jeunes n'étaientpas oubliés. "Il y avait en Serbie beaucoup de groupes de rockqui jouaient plutôt bien", se souvient Viorel. Les retransmis-sions sportives, les matchs de football ou de handball faisaientles délices des aficonados. Et, fin du fin de la vitrine consumé-riste occidentale, il y avait des spots publicitaires.

A Cluj, on montait au sommet d'une collinepour capter les émissions hongroises

Les Roumains du nord-est pouvaient suivre les program-mes des chaînes publiques de la Moldavie soviétique et ceuxde la télévision moscovite, dans les langues officielles envigueur: le roumain et le russe. C'était un avantage. L'une desémissions préférées des enfants, diffusée en roumain, s'appe-lait "Noapte buna copii!" - Bonne nuit, les enfants ! - l'équi-valent du "Bonne nuit les petits" français avec ses marion-nettes. Chisinau retransmettait des films, russes en général, etdes émissions de variétés.

Dans les dernières années du communisme, les program-mes de TV Moscou, outre les divertissements classiques, pro-posaient des films, des séries américaines - bien évidemmentdu genre qui n'attentait pas aux fondamentaux de la doctrinecommuniste - et des comédies produites par les télévisions despays frères, tchèque ou yougoslave, souvent un peu plus tolé-rantes que la norme soviétique. Les programmes commen-çaient à 20 h et se terminaient à minuit. Les Russes, commetous les autres pays limitrophes de la Roumanie, program-maient les grandes compétitions sportives - Jeux Olympiqueset championnat européen de football.

La télévision hongroise d'Etat pouvait être captée jus-qu'aux environs des Apuseni, dans le Banat, à Satu Mare,

Oradea, voire Huedin. A Cluj, par exemple, les programmeshongrois ne pouvaient être vus nulle part ailleurs qu'au som-met du mont Feleac, devenu un lieu de pélerinage pour les afi-cionados du foot. Les jours de matchs, téléviseurs et antennesartisanales étaient embarqués dans les voitures et tout un cor-tège quittait la Calea Turzii, avant les retransmissions, endirection du point de captage.

Le but de Van Basten raconté à tout le voisinage

"C'était particulièrement vrai pour les championnats dumonde et les championnats européens de foot. Ces matchs, quin'étaient pas retransmis en Roumanie dans les années 70, pou-vaient être vus de cette façon à Cluj par les fans de foot,"raconte Kanyadi Sandor, aujourd'hui coordinateur à la télévi-sion hongroise des émissions pour les Hongrois expatriés. "Jeme souviens que mon père m'avait emmené une fois sur leFeleac pour voir la finale du championnat d'Europe 1988 quiopposait la Hollande et l'URSS. Pendant les mois qui ont sui-vis, je n'ai pas cessé de raconter aux copains de l'immeuble lebut d'anthologie, marqué par Van Basten, qui a donné la vic-toire à son pays", raconte Patrica Cednan de Turda, en évo-quant cet épisode.

Et de son côté, Kanyadi Sandor se remémore que "jusqu'àla fin des années 80, les programmes de la télévision hongroi-se rappelaient ceux de la TV roumaine des années 70. Saufqu'elle n'émettait pas le lundi (**) mais les autres jours, onpouvait voir les journaux télévisés, des films, des documentai-res... D'ailleurs, à Oradea ou à Satu Mare, la communautémagyare a toujours préféré regarder la télé hongroise même àla meilleure époque de la télé roumaine."

Yves Lelong(*) On peut encore voir sur les toits de certains immeubles

de Timisoara, et notamment en plein centre-ville, les fameusesantennes qui permettaient autrefois de capter la télévisionserbe. La municipalité veut les faire disparaître du paysage etdemande à leurs propriétaires de les enlever.

"Il est surpenant de voir que, 23 ans après la révolution,il y ait encore à Timisoara des antennes datant de l'époque ducommunisme qui n'ont plus de raison d'être. C'est ridicule.Même si ces antennes ne sont pas sur le domaine public, lapolice municipale est chargée d'informer les propriétaires desimmeubles de procéder à leur enlèvement. C'est une disposi-tion légale", affirme le maire Nicolae Robu. Les représentantsde la police municipale ont entamé les contacts, à ce sujet,avec les associations de propriétaires en faisant valoir que, enplus de leur caractère inesthétique, ces vieilles antennes sontsusceptibles de provoquer des accidents. Un avertissementpourra être adresser aux propriétaires récalcitrants accompa-gné d'une sommation de procéder aux travaux d'enlèvement.

(**) La télévision d'Etat hongroise ne diffusait aucun pro-gramme le lundi. Cette mesure devait inciter la population àse tourner vers d'autres activités culturelles : théâtre, concerts,cinémas ou plus simplement, resserrer les liens familiaux.

Les NOUVELLES de ROUMANIE

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Les NOUVELLES de ROUMANIE

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Les dernières années du communisme ont amené les Roumains à se transformeren experts en réglage fin de leur téléviseur. Afin d'échapper aux célébrations quotidien-nes des réalisations grandioses de "l'époque d'or", ils parvenaient à extraire des para-sites qui envahissaient les écrans aux heures d'interruption ou même de diffusion desprogrammes les images retransmises par les télévisions russe, hongroise, bulgare ouserbe. Même si les émetteurs se situaient parfois à quelques centaines de kilomètres de

distance.

L'unique chaîne de latélévision nationaleroumaine diffusait

entre 19h et 22h en semaine et,les jours fastes, elle dispensaitquelques heures en plus lesaprès-midis du samedi et dudimanche.

Les Roumains devaient secontenter de la bonne parole duConducator ou de reportagesconsacrés aux grandes réalisa-tions du régime ou à celles des

pays frères. Une éclaircie parfois, le week-end, avec la programmation d'un film ou dequelques dessins animés. Dans ces conditions, les Roumains lorgnaient de plus en plus surla télé de leurs voisins. Les chanceux qui habitaient près des émetteurs frontaliers pouvaientprendre les chaînes bulgares, hongroises ou serbes avec la seule antenne de leur immeuble.Ceux qui habitaient des villes plus éloignées utilisaient des amplificateurs à bande large quipouvaient capter les signaux jusqu'à 200 km de distance.

Ce dispositif engendra une véritable industrie. Les gens achetaient des amplificateurs ducommerce et les adaptaient pour pouvoir ensuite se brancher sur les chaînes convoitées. Lesterrasses des immeubles étaient couvertes d'antennes aux éléments parfois démesurés.

24 heures de projection non-stop sur les chaînes serbes en fin d'année

Dans le sud du pays, on avait accès aux deux chaînes de la télévision bulgare. Outreles matchs de football occidentaux (surtout ceux de la coupe d'Europe des champions oudu championnat européen de 1988), le programme quotidien de dessins animés de 19h40 à

Sous Ceausescu, les Roumains

Connaissance et découverte

Mémoire

"A la fin du 19ème siècle, les

relations entre les boyards rou-

mains et certains membres de l'a-

ristocratie française étaient très

étroites. On allait à Paris

pour étudier et se lier d'a-

mitié avec les nobles

français, parfois même

pour s'arroger un titre de

noblesse, comte, baron,

en ajoutant la particule "d

" à son nom de famille.

"Balianu", par exemple,

devenait "de Balliano",

alors que très peu de

Roumains ont été en fait

anoblis par un pays étran-

ger. Plus généralement,

en Roumanie, beaucoup

de boyards parlaient français

entre eux, ce qui a d'ailleurs

modifié la langue roumaine, l'a

enrichie de mots français. Sans

parler de l'architecture, de l'en-

semble du système administratif

roumain, etc. Au-delà de l'imagi-

nation des riches Roumains pour

se donner un nom, cette envie de

ressembler à l'aristocratie occi-

dentale a été positive en ce sens

qu'elle a modernisé la Roumanie

sous plusieurs aspects". Extrait

de l'interview de l'historien Fil-

Lucian Iorga, par "Regard".

Quand Balianudevient… de Balliano

regardaient les chaînes des pays voisins

il est temps d'éteindre votre posteBonne nuit Camarades…

Une chaîne unique vantant les grandes réalisations du régime.

C'est un petit livre indispensable, écrit directement en français, à l'usage des Francophones. En 100 pages, la jeune his-torienne Claudia-Florentina Dobre leur explique ce qu'a vécu la Roumanie sous la férule communiste, depuis la fon-dation du Parti communiste roumain en 1921 jusqu'à la chute du régime de Ceausescu, sans oublier le déni de mémoi-

re qui a suivi et subsiste encore de part la volonté et l'intérêt de la classe dirigeante actuelle. Tout y passe… Des moins du millierde membres que compte le PCR à la fin de la guerre aux élections truquées de novembre 1946 qui lui permet de s'emparer totale-ment du pouvoir et conduit à l'abdication du jeune roi Michel. De l'effroyable laboratoire de torture de Pitesti, qui fera école dansd'autres régimes totalitaires, à l'asservissement des élites et la rééducation des "masses populaires". Des déportations dans les plai-nes désertiques du Baragan à Jilava, "la Bastille roumaine", aux convois de femmes détenues acheminées vers leurs prisons. Toutcela est dit avec des mots simples. Toute colère rentrée… C'est moins sûr, tant sont grands le désespoir et la tristesse de ceux quiont enduré et, malgré tout, survécu à ces abominations, constatant qu'elles sont déjà oubliées. C'est par respect à l'égard de ceuxqui ne peuvent plus parler au-delà de l'histoire que la Fondation "Memoria-Roumanie" a publié cette brochure, traduite en fran-çais, espérant notamment que les professeurs emmenant leurs élèves en Roumanie, leur feront découvrir cette autre face du pays.

Un pays derrière les barbelés, brève histoire de la répression communiste en Roumanie à l'usage des Francophones parClaudia-Florentina Dobre, 102 pages, 5 € + 3 € de frais de port. A commander auprès de la représentante de la FondationCulturelle Memoria en France, Pia Dumitru-Danielopolu, 8, Ave.Constant Coquelin, 75007 Paris.

"Un pays derrière les barbelés" expliqué aux Francophones

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Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

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Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

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Protection

Un policier aborde un passant :-Vous pouvez m'accompagner au

poste ?-Mais pourquoi… Je n'ai rien fait !-Oui, mais je ne me sens pas rassuré

dans ce quartier.

Saint Pierre branché Roumanie

Le Bon Dieu est excédé de voir qu'onentre et qu'on sort du Paradis commedans un moulin. Il demande à Saint Pierrede faire construire une clôture. SaintPierre s'exécute et demande un devis àtrois entrepreneurs de travaux publics, unFrançais, un Américain et un Roumain.

Le Français lui propose de faireaffaire pour 5 millions de dollars, appor-tant tout le savoir faire de l'Hexagone etassurant les travaux au moindre coût avecde la main d'œuvre africaine.

L'Américain demande la double maisfournit la technologie dernier cri US: sur-veillance par satellite relié à la CIA et àInternet, etc.

Quand au Roumain, il n'y va pasavec le dos de la cuillère et réclame, letriple, soit 15 millions de dollars.

Saint Pierre s'étonne :-Mais comment c'est possible ?-Eh bien, c'est 5 millions pour toi, 5

millions pour moi… et pour le reste, onfera travailler les Français.

-T'es sûr ?-Mais oui, on a déjà fait le coup avec

nos autoroutes. 500 millions pour le gou-vernement, 500 millions pour moi et500 millions pour celui qui fait le boulot.

-Oui, mais vous n'avez toujours pasd'autoroute ? s'étonne Saint Pierre.

-C'est justement là qu'on t'apportenotre valeur ajoutée! On a envoyé en plusla facture à Bruxelles et on s'est partagé lechèque!

Entre bons amis

Un Pdg d'une grosse firme de travauxpublics rencontre le maire d'une commu-ne.

-J'ai dans mon parc auto uneMercedes toute neuve qui ne sert à rien…Je vous en fais cadeau !

-Surtout pas! Je n'ai pas le droit derecevoir des choses aussi chères !

-Bon… et bien disons que je vous lavends pour cent lei…

-Euh… Ben dans ce cas là, vous n'a-vez qu'à m'en mettre deux.

Devoir de mémoire

-Papa, tu m'as bien dit que tu avaisété collé à cause de l'histoire quand tuétais en septième ?

-Mouais… Mais pourquoi tu medemandes çà Bula ?

-Tu m'as bien dit aussi que l'histoireest un éternel recommencement ?

Diplomate

Le capitaine appelle le sergent Bula :-Bula, la mère d'Andronescu est

morte… va lui dire, mais avec ménage-ment.

-Entendu, mon capitaine.Bula fait ranger ses hommes et

annonce :-Andronescu, un pas en avant. Un moment de silence, puis :-Ta mère est morte !Furieux, le capitaine convoque Bula :-Ecoute espèce d'idiot… Tu ne peux

pas être plus délicat ? Maintenant, c'est lamère de Boila qui est morte, va et sois àla hauteur !

Bula réunit sa troupe:-Tous ceux dont la mère est vivante,

un pas en avant ! Pas toi Boila !Le capitaine entre dans une colère

noire, mais charge quand même Bulad'annoncer le décès de sa mère à Pratoiu,après l'avoir sermonné et ordonné demieux s'y prendre.

Bula promet et fait à nouveau alignerses hommes :

-Prenez tous une pelle et creusez unefosse! Toi, Pratoiu, creuse un peu plusprofond. On ne sait jamais… çà pourraitservir à ta mère.

Un passé lourd à assumer

Un violoniste tsigane joue de soninstrument pendant un banquet de parle-mentaires. Un député lui demande:

-Dis-donc, t'as déjà joué pour ceuxdu PCR (Parti communiste roumain sous

Ceausescu) ?-Ils étaient avec leurs secrétaires sur

les genoux, fallait bien…-Et pour ceux de la Securitate ?-Ils faisaient la fête, dansaient sur les

tables, je ne pouvais pas dire non…-Et pour ceux de la nomenclatura ?-C'était pas de gaîté de cœur, mais

y'avait que du beau monde, venu dans desgrosses voitures… comment refuser ?

-Fils de pute, tu couches avec n'im-porte qui, tu n'as pas honte ?!!!

Le pauvre musicien, complètementdémoralisé, la tête rentrée dans les épau-les, raconte la scène à sa femme :

-Tu ne pouvais pas répondre non !-Je n'pouvais pas leur mentir…Ils me

connaissaient tous… c'était pour eux queje jouais !

Peur de la crise

Sous Ceausescu, un habitant dePloiesti se rend à la CEC (Caissed'Epargne) locale pour faire un dépôt. Unpeu inquiet, il demande à l'employé :

-Si vous faites faillite, je perds tout ?-Mais non, c'est la CEC de Bucarest

qui prend le relais !-Et si c'est Bucarest ?-Dans ce cas là, alors c'est la CEC

nationale !-Et si c'est elle ?-Et bien c'est la CEC de Moscou !-Et si c'est pareil ?-C'est la CEC de l'URSS !-Mais si c'est elle qui ferme ?-Et bien, vous n'avez plus rien…mais

je crois que ce serait plutôt une bonnenouvelle, non ?

Carrière

-Papa, je pourrais devenir lieutenant?-Bien sûr, mais il faudra que tu fasses

l'école militaire.-Et capitaine ?-Oui, après cinq ans.-Commandant ?-Aussi.-Colonel ?-Alors là, il faudra que tu fasses l'aca-

démie militaire, mais tu peux.-Et général ?-Alors là non, c'est impossible… Le

général il a déjà un fils !

Blagues à la roumaineTraditionsCHANGE*

(en nouveaux lei, RON**)

Euro = 4,36 RON(1 RON = 0,23 €)

Franc suisse = 3,59 RONDollar = 3,34 RONForint hongrois = 0,01 RON

(1 € = 298 forints)*Au 22/04/2013 ** 1 RON = 10 000 anciens lei

Les NOUVELLES

de ROUMANIENuméro 77, mai-juin 2013

Lettre d'information bimestrielle surabonnement éditée par ADICA(Association pour le DéveloppementInternational, la Culture et l’Amitié)association loi 1901Siège social, rédaction : 8 Chemin de la Sécherie44 300 Nantes, FranceTel. : 02 40 49 79 94E-mail : [email protected] de la publicationHenri GilletRédactrice en chefDolores Sîrbu-GhiranOnt participé à ce numéro :Yves Lelong, Laurent CoudercJulia Beurq, Mirel Bran, Ana GutuJonas Mercier, Dan Tapalaga,Corentin Léotard, Jacques Berset, Rasvan Roceanu, Damien Bouhours,Nicolas Weill, Frédéric Pommier,

Cristina Hermeziu, Claudio Magris,Catherine Simon, Stéphanie Dupays,Florent Georgesco, Marine de Tilly,Christophe Cornevin,Emmanuel Grasland,Vali, Gazdaru, TerenteAutres sources: agences de presse etpresse roumaines, françaises, lepetit-journal.com, télévisions roumaines, Roumanie.com, LeCourrier des Balkans, sites internet. Impression: Helio Graphic2 rue Gutenberg ZAC du Moulin des Landes44 981 Sainte-Luce sur Loire CedexNuméro de Commission paritaire:1117 G 80172; ISSN 1624-4699Dépôt légal: à parution

Prochain numéro: juillet 2013

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Les NOUVELLES de ROUMANIE

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Stigmatisés…Paroles de Roumains

Marianne Rigaux et Jean-Baptiste Renaud, 27 ans cha-cun, ont lancé voici deux ans le web documentaire(documentaire à regarder sur leur site internet)

"Stigmatisés, paroles de Roumains". A peu près à la même époque, Stéphane Hessel secouait les cons-ciences sur un thème plus général, mais non sans accointance, avec son petit fascicule "Indignez-vous!".Pendant un an, les deux jeunes journalistes avaient au préalable sillonné la France pour recueillir lestémoignages d'immigrés roumains aux parcours différents, mais confrontés à des propos xénophobes quiparaissaient de plus en plus se libérer, encouragés par le discours de Nicolas Sarkozy à Grenoble en 2010, pointant du doigt lacommunauté roumaine. Une démarche journalistique exigeante.

Le jeune couple (photo ci-dessous) s'était rencontré pendant ses études de journalisme. Il était suffoqué de constater combiens'enracinaient des attitudes attentoires à la dignité des Roumains vivant sur le sol français, sans provoquer la moindre réaction. Quece soit, trop souvent, dans le paysage médiatique - les mimiques ou les propos imbéciles de Laurent Ruquier dans son émissionnocturne sur Antenne 2 et du journaliste sportif Nelson Montfort dans ses interviews en sont des illustrations même, si à leur

décharge, on peut considérer qu'ils n'ont pas inventé la poudre - maisaussi dans la vie de tous les jours.

Les réflexions à la caisse des super marchés quand l'accent est recon-nu, les regards suspicieux dans les administrations sont autant de vexa-tions que les Roumains doivent endurer. Alors, que tous ces comporte-ments reçoivent l'aval d'un Président de la République, cela dépassaitvraiment les bornes ! Que n'aurait-on pas dit si des Juifs ou des Arabesen avaient été victimes se sont demandé les deux jeunes gens ?

Donner la parole aux Roumains de France pour qu'ils racontent comment ils ressentent le regard des autres

La Stéphanoise Marianne Rigaux se montrait d'autant plus ulcéréequ'à la faveur d'une bourse Erasmus, étudiante en Sciences Po à Lyon,elle avait séjourné un an en Roumanie, en 2006, appréciant fortement lepays, impressionnée par l'accueil qu'elle y avait reçue. Elle avait alors 20

ans et, à Bucarest, collaborait à la revue francophone "Regard" ainsi qu'au petitjournal.com, mettant un pied dans la profession.Devenue journaliste indépendante, elle y retourne d'ailleurs périodiquement, pour des enquêtes ou des reportages, surtout sur dessujets de société, publiés par des médias comme l'Express ou Le Monde. La jeune femme ne fut pas longue à convaincre son copainJean-Baptiste, davantage branché sur les thèmes de l'immigration, mais qui ne connaissait alors pas la Roumanie, de se lancer dansleur première aventure professionnelle. Faire un web document donnant la parole aux Roumains de France pour qu'ils racontentcomment ils ressentent le regard des autres.

Caméra sur l'épaule et micro en bandoulière, les deux journalistes ont arpenté l'Hexagone, filmant finalement huit d'entre euxqui livrent leurs témoignages et expériences sur la vie en France en tant que Roumains. Des simples étudiants aux médecins decampagne en passant par la championne de natation Roxana Maracineanu, ces personnages y racontent les motifs de leur émigra-tion, mais aussi la stigmatisation grandissante qu'ils ressentent. La lassitude du regard de certains montre combien les préventionssont lourdes à porter. Et la dernière élection présidentielle n'a pas changé grand-chose. D'autres, dans la Vendée profonde n'ont passenti de rejet et ont vite été acceptés. Il est vrai que l'arrivée d'un médecin y était attendue avec impatience. La caméra tourne, sansintervention extérieure. Chacun dit ce qu'il ressent, ce qu'il a sur le cœur.

Un web document devenu support pédagogique dans les collèges et lycées

A l'heure où les Roms sont perçus comme un problème national et où l'amalgame avec les Roumains reste largement répan-du, ce film a le mérite de laisser la politique et les chiffres de côté pour donner la parole aux principaux concernés. Entre dépla-cements, interviews et montage, il a demandé un an et demi de travail. Cette quête a été récompensée, le web-document, toujoursd'actualité et consultable sur Internet, ayant été visionné jusqu'ici par 30 000 visiteurs. Il a sensibilisé au thème de l'ostracismefrappant les Roumains bien au-delà, puisque 1200 se sont déclarés "fans" et le diffusent autour d'eux alors que des collèges etlycées l'ont téléchargé, s'en servant comme support pédagogique auprès des élèves afin de les inciter à porter un autre regard,débarrassé de préjugés sur les autres.

La visualisation de "Stigmatisés - paroles de Roumains" web documentaire de Marianne Rigaux et Jean-Baptiste Renaudest disponible sur www.stigmatises.com.