risque politique et risque pays : pistes pour une...

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N°115 – Octobre 2007 1 Le politique n’a pas disparu des inquiétudes avec la relative stabilisation internationale. De tous les facteurs de fragilité (ou de solidité) d’un pays, il reste le plus crucial. Mais, plus que par les grands chocs, le politique s’appréhende aujourd’hui à travers une série de questions et selon une série de dangers, par petites touches, au lieu de « grands événements ». Les tensions entre com- munautés, la corruption, la « bonne gouver- nance », la qualité de l’Etat de droit sont ainsi des réalités perçues par les investisseurs et les prê- teurs. Le risque politique, en ce qu’il peut faire déraper un pays dans la crise, est sans cesse pré- sent dans l’analyse, même si les prismes pour l’observer évoluent : la prévisibilité reste donc un élément fondamental de jugement d’un pays. Noter le risque politique : l’exercice est aujour- d’hui indispensable pour l’activité économique et financière à l’international. En premier lieu, il convient de revenir sur la définition de ce qui va être quantifié : il s’agit de tensions, pas seule- ment de crises. Ensuite, un tour d’horizon de la littérature économique permet de revenir sur l’apparition des questions d’institutions dans la réflexion économique. Le fonctionnement des institutions est aujourd’hui quantifié au travers d’indicateurs de gouvernance. Mais cette gouver- nance n’est qu’un aspect du risque politique, auquel elle est trop souvent assimilée. Cette confusion naît du fait que la quantification est désormais possible, mais les « autres facteurs » de tension politique peuvent-ils être quantifiés ? L’exemple des questions ethno communautaires montre que la littérature offre des pistes pour renforcer l’analyse du risque pays. De l’anticipation des « crises » à l’analyse des « tensions » Définissons d’abord les termes : le risque pays rend compte du risque supplémentaire pris lors- qu’une opération commerciale, financière ou d’investissement, est réalisée au-delà des frontiè- res nationales. Il s’agit alors de déterminer le ris- que afférent aux différents pays d’opération. Dans ce cadre, le risque politique est une partie du risque pays : c’est la possibilité qu’un événement politique vienne remettre en cause le projet. Or, selon la vision traditionnelle, ce risque se réfère à un risque de crise grave, comme d’ailleurs le ris- que pays. Il est donc important, dans une logique de quantification, d’étendre la question à celle des « tensions ». Direction des Études Économiques Eclairages Mensuel - N°115 Octobre 2007 Longtemps, en finance internationale, le risque politique a été cantonné à la crise majeure. Il se ma- térialisait quand une guerre interdisait la production de biens et services, ou quand une révolution débouchait sur une remise en cause des engagements antérieurs. Ces épisodes n’ont pas disparu, même si la situation semble s’améliorer depuis la fin de la guerre froide 1 . Pour autant, ces moments exceptionnels ne sont plus, et depuis longtemps, la seule préoccupation de l’investisseur.  Encadré 1 : Mesurer la gouvernance : l’exemple des six indicateurs KKZ 6  Encadré 2 : La Russie, la gouvernance et le risque politique 8  Encadré 3 : Conflits ethniques et discrimination positive 10  Encadré 4 : Europe de l’Est, un processus de convergence lent et semé d’embûches 12  Encadré 5 : L’Afrique et le risque politique 15 Risque politique et risque pays : pistes pour une mesure 1. Rapport du Human Securi- ty Center publié en 2005. Depuis les 51 conflits recen- sés en 1991, point culminant depuis 1945, la tendance est à la diminution. Les coups d’Etats sont également moins nombreux.

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N°115 – Octobre 2007 1

Eclairages

Le politique n’a pas disparu des inquiétudes avec la relative stabilisation internationale. De tous les facteurs de fragilité (ou de solidité) d’un pays, il reste le plus crucial. Mais, plus que par les grands chocs, le politique s’appréhende aujourd’hui à travers une série de questions et selon une série de dangers, par petites touches, au lieu de « grands événements ». Les tensions entre com-munautés, la corruption, la « bonne gouver-nance », la qualité de l’Etat de droit sont ainsi des réalités perçues par les investisseurs et les prê-teurs. Le risque politique, en ce qu’il peut faire déraper un pays dans la crise, est sans cesse pré-sent dans l’analyse, même si les prismes pour l’observer évoluent : la prévisibilité reste donc un élément fondamental de jugement d’un pays. Noter le risque politique : l’exercice est aujour-d’hui indispensable pour l’activité économique et financière à l’international. En premier lieu, il convient de revenir sur la définition de ce qui va être quantifié : il s’agit de tensions, pas seule-ment de crises. Ensuite, un tour d’horizon de la littérature économique permet de revenir sur l’apparition des questions d’institutions dans la réflexion économique. Le fonctionnement des institutions est aujourd’hui quantifié au travers d’indicateurs de gouvernance. Mais cette gouver-

nance n’est qu’un aspect du risque politique, auquel elle est trop souvent assimilée. Cette confusion naît du fait que la quantification est désormais possible, mais les « autres facteurs » de tension politique peuvent-ils être quantifiés ? L’exemple des questions ethno communautaires montre que la littérature offre des pistes pour renforcer l’analyse du risque pays.

De l’anticipation des « crises » à l’analyse des « tensions »

Définissons d’abord les termes : le risque pays rend compte du risque supplémentaire pris lors-qu’une opération commerciale, financière ou d’investissement, est réalisée au-delà des frontiè-res nationales. Il s’agit alors de déterminer le ris-que afférent aux différents pays d’opération. Dans ce cadre, le risque politique est une partie du risque pays : c’est la possibilité qu’un événement politique vienne remettre en cause le projet. Or, selon la vision traditionnelle, ce risque se réfère à un risque de crise grave, comme d’ailleurs le ris-que pays. Il est donc important, dans une logique de quantification, d’étendre la question à celle des « tensions ».

Direction des Études Économiques

Eclairages

Mensuel - N°115 Octobre 2007

Longtemps, en finance internationale, le risque politique a été cantonné à la crise majeure. Il se ma-térialisait quand une guerre interdisait la production de biens et services, ou quand une révolution débouchait sur une remise en cause des engagements antérieurs. Ces épisodes n’ont pas disparu, même si la situation semble s’améliorer depuis la fin de la guerre froide1. Pour autant, ces moments exceptionnels ne sont plus, et depuis longtemps, la seule préoccupation de l’investisseur.

Encadré 1 : Mesurer la gouvernance : l’exemple des six indicateurs KKZ 6

Encadré 2 : La Russie, la gouvernance et le risque politique 8

Encadré 3 : Conflits ethniques et discrimination positive 10

Encadré 4 : Europe de l’Est, un processus de convergence lent et semé d’embûches 12

Encadré 5 : L’Afrique et le risque politique 15

Risque politique et risque pays : pistes pour une mesure

1. Rapport du Human Securi-ty Center publié en 2005. Depuis les 51 conflits recen-sés en 1991, point culminant depuis 1945, la tendance est à la diminution. Les coups d’Etats sont également moins nombreux.

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Risque de crise politique Investir à l’étranger signifie aller dans un autre territoire souverain, où les lois ne sont pas les mêmes, les institutions différentes et fonctionnent selon un rythme lui-même différent. Les investis-sements à l’international sont venus, pendant un demi-siècle, de pays politiquement stables, les pays développés. Investir à l’étranger signifiait alors, à l’extrême, s’exposer à une brutale remise en cause de l’environnement institutionnel et, en particulier, risquer de voir le gouvernement étran-ger changer les règles et les contrats antérieurs. De fait, les crises politiques ont été à la base de l’analyse risque pays. Elles en ont constitué l’acte de naissance en tant que discipline. Historique-ment, l’inquiétude est venue dès la première mondialisation, à la fin du XIXe siècle. Pour le secteur financier, même sans aller jusqu’à réflé-chir aux conséquences internationales de la révo-lution russe de 1917, l’URSS a compté jusqu’a-près sa disparition2. Après la Seconde Guerre mondiale et la phase de décolonisation, le risque pays a retrouvé une actualité avec la nationalisa-tion du canal de Suez, première étape vers les chocs pétroliers et la prise de conscience par le Sud de son pouvoir géopolitique3. La révolution en Iran dans un sens et, dans un autre, la chute du mur de Berlin avec la transition des pays de l’Est vers l’économie de marché furent des événe-ments graves. Ils ont bouleversé le rapport politi-que d’un pays avec le reste du monde. Le risque politique se matérialisait, au pire, en une sortie du jeu international d’un pays en difficulté. Il se traduisait, la plupart du temps, par des cas de « force majeure » induisant une remise en cause de contrats antérieurs. Pour les investisseurs, cela signifiait parfois se voir opposer un refus de payer, partiel ou total, annoncé dans une déci-sion brutale, unilatérale et générale. Ces événements furent longtemps la principale manifestation du risque politique. C’est d’ailleurs ainsi qu’il est explicitement intégré dans les pro-cessus d’assurance. On y parle de « mesures étati-ques extraordinaires », d’événements politiques totaux ou partiels (« guerre, révolution, annexion, troubles civils », ou de « sentence arbitrale, rup-ture de contrat, discrimination sélective, boycott de la part d’une entité publique »). Le risque poli-tique est alors vu comme une rupture institu-tionnelle, les deux concepts ayant alors ten-dance à s’entremêler.

Le risque pays, la crise et la tension Cette vision « tragique » du risque politique est le prolongement de ce qui fut longtemps l’étalon du risque pays : la crise. La crise, par sa fonction

cathartique et par la fascination qu’elle exerce, par l’ampleur des destructions qu’elle entraîne et ses dégâts visibles, est – et reste – l’apogée du risque pays. Pourtant, du point de vue du prati-cien, les deux concepts n’ont aucune raison de se recouvrir : le risque ne se résume pas à la « probabilité de crise ». L’économiste doit d’abord admettre qu’il n’existe pas de définition de la crise4. Plus exactement, il en existe autant que d’auteurs. Même en se res-treignant au champ financier, il n’existe pas de « crise absolue », mais plutôt des événements sus-ceptibles d’affecter des segments de marchés : change, bourse, dette, banques, immobilier, etc. La mesure du seuil à partir duquel ces événe-ments sont considérés comme crise n’est pas nor-malisée. En outre, des crises peuvent éclater dans différents marchés, mais il se peut également que le problème soit circonscrit à un segment seul. Ainsi, une brutale variation boursière peut, ou non, affecter le change et peut, ou non, se réper-cuter sur un ou plusieurs pays. La crise qui tou-che simultanément l’ensemble des secteurs n’existe pas : ce sont plutôt des enchaînements qui sont en jeu5. Floue dans sa définition, la crise est en outre contextuelle. La crise politique n’a pas le même sens dans une démocratie qui fonctionne ou dans un pays aux institutions fragiles. Il ne s’agit pas seulement ici de vocabulaire, en faisant remar-quer que l’on a pu parler, en 2005, de crise pour l’Europe, avec les refus français et néerlandais de ratifier le traité constitutionnel européen, ou pour l’Ukraine, avec les péripéties consécutives à la « révolution orange ». On peut penser en effet que la crise, « phase grave dans l’évolution des choses » selon Le Robert, dépend des « choses » en question. La rupture ou l’évolution dramatique auront une amplitude d’autant plus forte que la situation de départ est instable. Enfin et surtout, la crise n’est sans doute pas le principal danger dans un pays, et certainement pas le plus fréquent. En économie notamment, la littérature s’est peut-être trop occupée à décrire et à classer les crises, surtout ces dernières années6. C’est oublier les tensions que connaissent les économies, tensions qui peuvent, autant qu’une rupture, faire dérailler un projet. Or, si les crises sont des réalités, elles sont – battologie – des évé-nements rares. Les tensions, elles, sont permanen-tes, plus ou moins fortes. Or ce sont elles qui inté-ressent, au fond, l’analyste risque pays et l’inves-tisseur, qu’elles dégénèrent ou non en crise. Pour le dire autrement, si les crises se raréfient, sans nul doute, depuis quelques années, c’est peut-être parce que les décisions prises pour les éviter

2. La solution à la crise russe de 1998 fut de faire renaître un temps l’URSS et de le déclarer en défaut, alors que la Russie avait accepté, lors des négociations de 1992-1997, de reprendre à son compte l’ensemble de l’actif et du passif soviétiques.

3. G. Corm, 1956-2006, « le Proche Orient éclaté », Galli-mard, 2006.

4. Sans même parler du concept de « probabilité », souvent utilisé à tort dans un monde d’incertitude.

5. Voir notamment Boyer, Dehove et Plihon [2004], « Les crises financières », Rapport du CAE n°50 ou les travaux de C. Borio à la Ban-que des Règlements Interna-tionaux.

6. Travaux d’Olivier Jeanne par exemple.

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se sont avérées plus efficaces qu’auparavant. Il est cependant douteux qu’aient disparu les tensions qui généraient ces inquiétudes, ou que n’aient pas apparu de nouvelles tensions, issues précisé-ment de ces décisions. Un exemple de cette différence peut être donné par l’évolution de la perception du risque brési-lien. Le marché l’approche par le spread (écart de taux d’intérêt entre la dette du pays et le taux sans risque, assimilé à la dette du Trésor améri-cain de même échéance). Plus le marché s’in-quiète sur un pays, plus le taux d’intérêt de sa dette sur le marché secondaire s’éloigne du taux américain, puisque les prêteurs craignent de ne pas être remboursés à l’heure. Lors de l’élection présidentielle de 2002 au Brésil, les taux se sont tendus, reflet des incertitudes perçues par le marché. L’écart a même atteint jusqu’à 2 500 points de base fin septembre, soit 25 points de pourcentage, quelques jours avant les élections. Alors qu’il n’y a eu aucune crise politique, le risque mesuré par le marché a dépassé les pires moments de l’histoire économique du pays, lors de la dévaluation du real par exemple, en 1999, ou lorsque la Russie ou l’Asie étaient entrées en crise. Ainsi, au-delà des événements « graves », il existe une série de tensions politiques que l’analyste risque pays doit mettre en lumière. Puisque la quantification est devenue réglementaire avec les principes prudentiels de Bâle II, l’exercice devient en réalité la mesure de ces tensions.

Mesurer le politique : institutions et gouvernance

Le champ politique est-il quantifiable ? Au cours des années 1980, la question entre dans l’analyse économique par l’intermédiaire de l’étude des « institutions », à partir des travaux sur le dévelop-pement et la croissance. On peut dire désormais que le politique est mesurable : la gouvernance peut l’être et offre une version approximative des questions institutionnelles. Les indicateurs de gouvernance sont ainsi, de plus en plus, utilisés par les différents acteurs de la finance internatio-nale et font l’objet d’une abondante littérature.

L’irruption des institutions Le Luxembourg, affichait en 2006 un PIB par ha-bitant (évalué en PPA) de 80 500 USD, 120 fois plus que les 680 USD du Burundi. Les disparités de richesse (et leur évolution) sont à l’origine du regain d’intérêt, dans les années 1990, pour la question : pourquoi certains pays sont-ils plus riches que d’autres ?

La pensée économique s’est longtemps contentée de répondre en s’intéressant notamment à l’accu-mulation des facteurs de production et à la pro-ductivité totale des facteurs. Elle traite le système social et politique d’un pays comme une donnée exogène. Les deux principaux modèles de crois-sance néo-classique (Solow, 1956) et keynésien (Harrod-Domar, 1948), soulignent tous deux l’im-portance du taux d’épargne. L’introduction du progrès technique endogène, puis du capital hu-main, par Romer (1986) et Lucas (1988) marque une première tentative d’utiliser dans un modèle de croissance des grandeurs dont la définition et la mesure sont plus subjectives. Toutefois, pour reprendre le mot de North et Thomas, « l’innovation, les économies d’échelle, l’éduca-tion, l’accumulation du capital, etc. ne sont pas causes de la croissance, ils sont la croissance »7. Pour ces auteurs, ce sont les différences d’institu-tions qui constituent l’explication fondamentale des disparités de développement. North définit les institutions comme « les règles du jeu présen-tes au sein d’une société ou, plus formellement, les contraintes conçues par l’homme qui structu-rent les interactions humaines. Elles sont compo-sées des règles formelles (loi de statut, droit cou-tumier, règlements), des contraintes informelles (conventions, normes de comportement, et les règles de conduite que l’on s’impose soi-même), et de leurs caractéristiques d’application »8. Pour expliquer le sixième fait stylisé de Kaldor9 (la différence des schémas d’évolution des écono-mies dans le temps, ainsi que la persistance de ces différences), North utilise l’exemple de l’An-gleterre et de l’Espagne10. Au début du 16e siècle, les deux Etats devaient faire face aux coûts crois-sants de la guerre, donc à l’obligation d’augmen-ter leurs recettes. Or l’Angleterre disposait d’un Parlement en droit de légiférer, d’enquêter sur les abus et de partager la c o n d u i t e de la poli-tique na-t i o n a l e , tandis que l ’Espagne était une monarchie et une bu-reaucratie c e n t r a l i -sée. De fait, l’An-g l e t e r r e

7. D.North et R.Thomas, “The Rise Of Western World, A New Economic History”, 1973.

8. D.North, “Institutions matter”, 1994.

9. N.Kaldor, “Capital Accu-mulation and Economic Growth”, 1961.

10. D.North, “Institutions, Institutional Change and Economic Performance”, 1990.

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Sources : JPMorgan, Datastream, Crédit Agricole S.A.

Crises et dévaluations

en Asie

Dévaluation du rouble

Dévaluation du real

Attentats World Trade

Center

Lula favori puis élu

points de base

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répondra à la nécessité de ressources accrues par, entre autres, la création de la Banque d’Angle-terre, le développement d’un marché privé de capitaux ainsi que par une plus grande sécurité des droits de propriété. En revanche, se générali-seront en Espagne les confiscations royales et les hausses d’impôts, aboutissant à une insécurité des droits de propriété. Le même raisonnement permet d’expliquer les différences de niveau de développement entre Amérique du Nord et Amé-rique latine, à travers leurs colonisateurs respec-tifs. Selon ce schéma, les Etats-Unis et le Canada ont été dotés d’institutions à même d’encoura-ger les activités productrices, alors qu’à l’in-verse, en Amérique latine, les activités « rémunératrices » auraient été restreintes aux domaines de l’Eglise, de l’administration et de l’armée11.

D’où viennent les institutions : l’exemple de l’influence coloniale Cette analyse, qui pourrait paraître trop « historique », est confirmée par des travaux de la « nouvelle économie comparative »12 qui met l’accent sur l’influence des processus de colonisa-tion pour expliquer à la fois les schémas institu-tionnels et les performances économiques ac-tuels. S’opposent par exemple les pays colonisés par l’Angleterre (Nouvelle-Zélande, Australie, Etats-Unis, Canada, Hong-Kong et Singapour no-tamment), ayant hérité d’un système de « common law », aux pays colonisés par la France, l’Espagne et le Portugal (notamment l’A-mérique latine et l’Afrique de l’Ouest), ayant héri-té d’un système de « civil law »13. Or le système de « common law », couplé à une influence pro-testante, assurerait à la fois une meilleure protec-tion des droits de propriété, un Etat efficace et restreint. Au contraire, le système de « civil law », tout comme une forte proportion de catholiques ou de musulmans et une hétérogénéité ethnolin-guistique élevée, favoriserait un Etat intervention-niste et moins efficient. D’autres auteurs minimisent l’importance don-née à l’identité du colonisateur14 : les Etats-Unis et la Ghana ont tous deux été colonisés par l’An-gleterre. Ici, sont distingués deux schémas de colonisation différents : la colonisation de peu-plement et la colonisation d’exploitation. En étu-diant principalement les taux de mortalité des colons (soldats, hommes d’église et marins) enre-gistrés aux 17e, 18e et 19e siècles et la densité de la population précédant la colonisation15, Acemo-glu, Johnson et Robinson désignent les régions plus ou moins « accueillantes » pour les Euro-péens. Là où les colons ne pouvaient que diffici-

lement s’installer (taux de mortalité et densité éle-vé), ils mirent en place des institutions facilitant l’extraction de la rente et des régimes de protec-tion de la propriété privée défavorable à l’accu-mulation de capital. Les taux de mortalité des colons enregistrés il y a plus de 100 ans expli-quent à eux seuls plus de 25% des différences de niveaux d’institutions constatées aujourd’hui.

Institutions ou gouvernance ? Depuis North, un consensus semble s’être cons-truit sur l’importance des institutions dans la compréhension et l’étude des écarts de revenus à travers le monde. Toutefois, si North a bien défini le terme institutions, notamment en insistant sur la notion de contraintes, ce dernier demeure tou-tefois intrinsèquement flou. En outre, North n’a pas fourni l’appareil statistique clairement défini qui aurait permis de mesurer économétriquement l’influence de ces institutions sur la croissance. Aussi, savoir comment mesurer le niveau institu-tionnel d’un pays demeure une question pré-gnante et sujette à débat. À titre d’exemple, Glaeser et al notent que les trois mesures du niveau institutionnel les plus couramment utilisées (les sondages institutionnels de l’International Country Risk Guide16, l’indica-teur KKZ d’efficacité gouvernementale et les don-nées fournies par la base Polity IV17) ne reflètent ni les contraintes sur les gouvernements, ni des caractéristiques perpétuelles (ou au moins dura-bles) de l’environnement politique18. Elles reflè-tent une notion plus large, mais aussi plus norma-tive : la gouvernance, définie comme « l’ensemble des traditions et les institutions grâce auxquelles l’autorité est exercée au sein d’un pays donné. Ceci inclut, d’une part, les pro-cessus par lesquels les gouvernements sont choi-sis, surveillés et remplacés ; d’autre part, la ca-pacité du gouvernement à édicter et mettre en place des politiques saines ; et enfin le respect des citoyens et l’état des institutions qui régis-sent les interactions sociales et économiques en-tre eux »19. L’exemple de la Corée souligne les différences entre les notions d’institutions et de gouvernan-ce. A la partition du pays en 1948, les deux Co-rées disposaient du même revenu par habitant20. Mais en 2006, la Corée du Nord affichait un PIB par habitant (PPA) de 1 800 USD, contre 24 500 USD pour la Corée du Sud. Les deux pays dispo-sent du même climat, des mêmes ressources na-turelles, de la même homogénéité culturelle et ethnique… Pour certains auteurs, « leurs institu-tions différentes ont conduit à des résultats éco-nomiques divergents »21 . Toutefois, en insistant

11. Pour plus d’informations sur les théories de D.North, voir J.Arrous, « Les théories de la croissance », 1999.

12. Pour plus d’informations sur la « nouvelle économie c o m p a r a t i v e » , v o i r S.Djankov, E.Glaeser, R.La Porta, F.Lopez-de-Silanes et A.Shleifer, “New Compara-tive Economics”, 2003.

13. R.La Porta, F.Lopez-de-S i l a ne s , A . Sh l e i f e r e t R.Vishny, “The Quality of Government”, 1998.

14. D.Acemoglu, S.Johnson et J.Robinson, “The Colonial Origins of Comparative De-velopment: An Empirical Investigation”, 2001.

15. Les données sur les taux de mortalité proviennent principalement de P.Curtin (“Disease and Empire: The Health of European Troops in the Conquest of Africa”, 1998) ; les données sur les densités de populations pro-viennent principalement de C.McEvedy et R.Jones (“Atlas of World Population Histo-ry”, 1978).

16. Sondages menée par l’institut Political Risk Servi-ces auprès d’experts. Pour plus d’informations, voir http://www.prsgroup.com/ICRG.aspx

17. Pour plus d’informations :

http://www.cidcm.umd.edu/polity/

18. E.Glaeser, R.La Porta, F . L o p e z - d e - S i l a n e s e t A.Shleifer, “Do Institutions Cause Growth?”, 2004.

19. D.Kaufmann, Z.Kraay et P . Z o í d o - L o b a t ó n , “Governance Matters”, 1996.

20. A.Maddison, “The World Economy: A millennium Perspective”, 2001.

21. D.Acemoglu, S.Johnson et J.Robinson, “Institutions as the fundamental Cause of Long-Run Growth”, 2004.

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sur l’état de droit, le respect de la propriété pri-vée et des contrats, ce n’est pas la notion d’insti-tution qui est mise en avant, mais plutôt celle de gouvernance. Dans les deux cas, les choix du cadre institutionnel et du modèle de développe-ment ont été décidés à l’origine par des autocra-tes, l’un choisissant le communisme, l’autre le capitalisme. Si les institutions (au sens de North) ont évolué différemment, c’est plutôt la gouver-nance que l’on peut voir à l’origine de cet écart.

Institutions, gouvernance et croissance De fait, les travaux quantificatifs portent plus facilement sur la notion de gouvernance (cf. en-cadré sur la gouvernance page 6). Le lien est ainsi établi entre gouvernance et richesse. La moyenne des six indicateurs KKZ est ainsi très fortement corrélée au PIB par habitant, mais aussi, bien que moins nettement, à la croissance (calculée sur longue période) et à sa stabilité22. Il est également intéressant de constater que les pays mono exportateurs (qui affichent un indice de concentration des exportations23 élevé) parais-sent également pâtir d’une gouvernance faible, autrement dit que la gouvernance est corrélée avec la diversité des exportations. Toutefois, ces divers éléments ne permettent pas de tirer de réelles conclusions quant à la causali-té. La croissance économique est-elle à l’origine

de l’amélioration de la gouvernance ? Est-ce, au contraire, la gouvernance qui permet une crois-sance économique plus forte et plus stable ? Les réponses à ces questions importent tant au niveau théorique qu’au niveau pratique, mais également pour l’expert en risque pays. Cela permettra aux gouvernements de définir les priorités d’une poli-tique, et à l’analyste d’anticiper les évolutions d’un pays.

L’amélioration de la gouvernance profite-t-elle à la croissance ? L’irruption de la gouvernance dans les raisonne-ments économiques fut avant tout liée à la causa-lité de la gouvernance vers la croissance, tant il semble établi qu’une bonne gouvernance est l’une des clés (si ce n’est la clé) de performances économiques accrues24. North (1990) indiquait ainsi que « l’incapacité de certaines sociétés à développer des moyens efficaces et peu coûteux de faire respecter les contrats est la principale raison expliquant à la fois les périodes de stagna-tion économique et le sous-développement du Tiers-monde ». Autre exemple, on peut expliquer les disparités de revenus à travers le monde par les différences de taux d’investissement en capital physique et humain, et de niveau de productivité entre les pays. Or ces différences s’expliquent elles-mêmes par le niveau institutionnel du pays,

22. M.MacFarlane, H.Edison et N.Spatafora, “Growth and Institutions” (3e chapitre du World Economic Outlook), 2003.

23. Indice par la CNUCED.

24. M.Olson, “The Rise and Decline of Nations”, 1982 et B.Weingast, “The Political Foundations of Democracy and the Rule of Law”, 1993.

Gouvernance et richesse sont incontestablement liées

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Sources : Banque Mondiale, FMI, Crédit Agricole

Graphique 2

Voir « Tableau des correspondances : nom de pays - code ISO », page 16

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N°115 – Octobre 2007 6

Eclairages

Kaufmann, Kraay et Zoído-Lobatón ont déterminé trois composan-tes de la gouvernance, chacune mesurée par deux indicateurs. Les processus par lesquels les gouvernements sont choisis, sur-veillés et remplacés sont approximés par : 1/ participation, représentation et responsabilisation des citoyens (capacité des citoyens à participer au choix de leur gouverne-ment ; liberté d’expression, d’association et de la presse) ; 2/ stabilité politique et absence de violence (risque que le gou-vernement soit déstabilisé, voire renversé par des moyens in-constitutionnels et/ou violents). La capacité du gouvernement à édicter et mettre en place des po-litiques saines est approximée par : 3/ efficacité gouvernementale (qualité des services publics et ci-vils et leur indépendance aux pressions politiques ; efficacité du gouvernement à formuler et faire respecter des politiques publi-ques) ; 4/ qualité de la réglementation (capacité du gouvernement à éla-borer des politiques et des réglementations à même de favoriser le développement du secteur privé). Le respect des citoyens et l’état des institutions qui régissent les interactions sociales et économiques entre eux sont approximés par : 5/ Etat de droit (confiance et respect des lois, notamment celles relatives aux respect des contrats, à la protection des personnes et des biens contre la violence et le vol ; indépendance et efficaci-té de la police et de la justice) ; 6/ Contrôle de la corruption (mesure si le pouvoir public est exer-cé, abusé ou détourné au profit d’intérêts privés). Ces six indicateurs sont des agrégats de centaines d’indices quali-tatifs préexistants. Ces indices (qui mesurent la perception de la gouvernance) proviennent, dans la dernière étude (septembre 2006), de 31 sources de données différentes fournies par 25 or-ganisations2. Ainsi, ces indicateurs KKZ se fondent à la fois sur des sondages internationaux (d’entreprises et d’individus), et sur des avis d’experts (travaillant dans des agences de rating, des ONG, des organisations nationales ou internationales). Le modèle agrège les sources pour calculer, pour chaque pays, six scores, centrés réduits (au niveau mondial, la moyenne et l’écart type de chaque indicateur valent respectivement 0 et 1). Il a pour but de classer les pays relativement les uns aux autres pour chaque indi-cateur.

Subjectivité vs objectivité Les indicateurs KKZ sont subjectifs. Depuis que les thèmes d’ins-titutions et de gouvernance sont (re)venus sur le devant de la scène économique au début des années 1990, de nombreux indi-

cateurs ont été construits. Certains sont objectifs. L’International Telecommunication Union donne ainsi le temps d’attente pour l’installation d’une ligne de téléphone, qui peut être perçue comme une mesure d’efficacité des pouvoirs publics. T. Beck et al3 ont également construit une base incluant 106 données objec-tives concernant les institutions politiques (comprenant par exemple le nombre d’années au pouvoir de l’actuel chef de l’exé-cutif et le nombre de sièges à l’assemblée détenus par les trois principaux partis politiques). Pour Knack et Kugler4, la part des recettes liées aux exportations dans le total des recettes budgé-taires, ainsi que la volatilité de celles-ci, peuvent approximer l’ef-ficacité gouvernementale. Si, à première vue, un indicateur objec-tif est préférable à un indicateur subjectif, Kaufmann et al5 souli-gnent au contraire deux points importants. D’une part, les indica-teurs quantitatifs ne sont pas à l’abri d’erreurs de mesure parfois importants, et pas seulement dans les pays les plus pauvres : pour la croissance des Etats-Unis du dernier trimestre 2001, cer-tes perturbé, le US Bureau of Economics a fourni, mi-2002, pas moins de trois estimations de croissance du PIB, s’échelonnant de +0,2% à +1,7%6. D’autre part, ces mesures objectives ne fournis-sent pas, dans le cas de la gouvernance, assez d’information : le nombre de jours requis pour créer une entreprise peut ne pas re-fléter suffisamment la complexité des procédures dans d’autres domaines, et donc la « qualité globale de la réglementation ». Ainsi, les indicateurs objectifs seraient moins à même de mesurer une notion aussi abstraite et large que la gouvernance. Il est tou-tefois nécessaire de garder à l’esprit que les indicateurs KKZ ne reflètent pas la performance d’un pays mais l’impression qu’en ont les sondés sur place ou les experts à l’étranger.

Limites des indicateurs KKZ Bien que reconnu par la majorité des chercheurs comme les indi-cateurs de gouvernance les mieux construits, les indicateurs KKZ ne sont pas exempts de certains défauts. Arndt et Oman en explo-rent quatre. Notamment, le principal défaut tient à une hypothèse de travail dans la construction des indicateurs KKZ : la non corrélation des erreurs des sources. En d’autres termes, parmi les différentes sources utilisées, celles qui sont fortement corrélées avec d’au-tres sources sont supposées être plus informatives et justes, et se voient donc attribuer un poids plus important. Or cette hypothèse n’est pas réaliste : un comportement d’hystérésis au sein des multiples sources utilisées est plus que probable, ne serait-ce que parce que la plupart des sources fondent leur analyse sur celles d’autres sources. Et rien ne dit que ce comportement « grégaire » reflète le véritable niveau de gouvernance du pays. Thompson et

Mesurer la gouvernance : l’exemple des six indicateurs KKZ1

P a r t ic ip a t io n , r e p ré s e n ta t io n e t r e s p o n s a b i l i s a t io n d e s c i to y e n s

S ta b i l i té p o l i t iq u e e t a b s e n c e d e v io le n c e s

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S o u r c e s : B a n q u e M o n d ia le , C ré d i t A g r ic o le .

Encadré 1

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N°115 – Octobre 2007 7

Eclairages

selon qu’il facilite ou entrave « l’investissement, la création et les transferts des idées et la produc-tion de biens et services » 25. Par ailleurs, la faible qualité institutionnelle, ap-proximée par la gouvernance, exposerait le pays à une plus forte volatilité de sa croissance26. Ain-si, les politiques macroéconomiques distorsives, perçues depuis le Consensus de Washington comme les principales explications de la volatili-té de la croissance et du nombre des crises plus importants constatés dans les pays émergents, ne

seraient que les symptômes de problèmes institu-tionnels. D’une part, une société aux institutions défaillantes fait peser peu de contraintes sur ses dirigeants : lorsque de nouveaux dirigeants pren-nent le pouvoir, il leur est plus facile de redistri-buer des revenus en leur faveur, créant par la même occasion des turbulences économiques. D’autre part, ce manque de contraintes sur les dirigeants implique également plus de gains à contrôler le pouvoir (et inversement, plus de per-tes à le perdre), d’où des luttes politiques plus

Graphique 4

Shah7 montrent que deux indicateurs pourtant reconnus (celui de l’ONG Transparency International, et celui de l’institut privé ICRG) indiquaient une diminution de la corruption avant la crise asiatique de 1997, puis une augmentation, alors que les études récentes ont démontré que la corruption n’avait pas évolué pen-dant cette période. Enfin, ce choix conduit nécessairement le KKZ à être « mainstream », la multiplication des sources renforçant nécessairement ce qui est mesuré, donc compris, par le plus grand nombre. Le second défaut tient en la difficulté de comparer les niveaux gouvernance dans le temps. En raison de marges d’er-reurs parfois importantes, et selon les auteurs de l’indicateur eux-mêmes, on ne peut parler de réelle évolution que si les inter-valles de confiance ne se chevauchent pas. En impliquant cette règle approximative pour les six indicateurs en 1996 et 2004, Arndt et Oman trouvent que seuls 56 pays sur près de 200 au to-tal ont connu une réelle évolution de leur niveau de gouvernance, ce qui paraît peu. Le troisième défaut tient en un manque de di-versité parmi les sources. Ainsi, Galtung8 cite un des fondateurs de l’ONG Transparency International qui note que « la plupart des sources représentent un point de vue du secteur privé, occidental, masculin et financièrement aisé ». Enfin, en raison de l’hypothèse

de non corrélation des erreurs des sources, les sources locales, censées représenter le point de vue « émergent », sont sous pon-dérées car minoritaires.

Clément GILLET [email protected]

33 (0) 1 43 23 65 68

---------------------------------------------- 1. Pour une étude en profondeur des indicateurs de gouvernance, voir Arndt et Oman, 2006, “Uses and Abuses of Governance Indicators”, Centre de développement de l’OCDE. 2. D.Kaufmann, A.Kraay, et M.Mastruzzi, “Governance Matters V: Aggregate and Indi-vidual Governance Indicators for 1996-2005”, 2006. 3. T.Beck, G.Clarke, A.Groff, P.Keefer, et P.Walsh, “New tools in comparative political economy: The Database of Political Institutions”, 2001. 4. S.Knack et M.Kugler, “Constructing an Index of Objective Indicators of Good Gover-nance”, 2002. 5. D.Kaufmann, A.Kraay et M.Mastruzzi, “Governance Matters III: Governance Indica-tors for 1996-2002”, 2003. 6. R.Wirtz, “Gross Domestic Product: Understanding News from Noise”, 2002. 7. T.Thompson et A.Shah, “Transparency International’s Corruption Perceptions Index: Whose Perceptions are they Anyway?”, 2004. 8. F.Galtung, “Measuring the Immeasurable: Boudaries and Functions of (Macro) Cor-ruption Indices”, 2005.

Mesurer la gouvernance : l’exemple des six indicateurs KKZ (suite)

25. R. Hall et C. Jones, “Why do some countries produce some much more output per worker than others?”, 1999.

26. D. Acemoglu, S. Johnson, J. Robinson et Y.Thaicharoen, “Institutional Causes, Macro-economic Symptoms: Volatil-ity, Crises and Growth”, 2002.

Les pays mono-exportateurs semblent pâtir d'une gouvernance plus faible

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Indice de gouvernance (KKZ agrégé)

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Sources : Banque Mondiale, CNUCED, Crédit Agricole

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N°115 – Octobre 2007 8

Eclairages

La mise en faillite du groupe pétrolier Ioukos et l’emprisonnement de son président, l’oligarque Mikhaïl Khodorkovski, la crise gazière entre la Russie et l’Ukraine, l’assassinat de la journaliste Anna Po-litkovskaïa, les pressions exercées sur Royal Dutch Shell dans le cadre du projet pétro-gazier « Sakhaline-2 », l’empoisonnement au polonium d’Alexandre Litvinenko, ex-agent du FSB en exil au Royaume-Uni, et la dégradation consécutive des relations diploma-tiques entre Londres et Moscou… Ces affaires sont symptomati-ques de la dégradation, ces trois à quatre dernières années, de l’environnement politique russe. Et comme elles en témoignent, cette évolution est loin d’être neutre pour les investisseurs privés (étrangers et domestiques) comme pour les partenaires commer-ciaux et diplomatiques de la Russie. Il est moins question, ici, d’un risque accru de « crise grave » (coup d’Etat, soulèvement po-pulaire, conflit armé) que d’un risque accru « d’instabilité » ou de « tension » dans la plupart de ces domaines ayant trait à la gou-vernance, telle que définie par la Banque mondiale. Après s’être améliorée au cours du premier mandat du président Poutine, la gouvernance s’est dans l’ensemble détériorée depuis 2003-2004. Elle demeure en outre moins satisfaisante que celle des pays ap-partenant à la même classe de note de risque (selon les ratings des principales agences).

Plus d'État Un changement de cap de la politique du Kremlin s’est es-quissé à l’orée de 2004 : moins d’ouverture, plus d’ingérence étatique, plus de Russie. Moins de réformes économiques, politiques et institutionnelles : malgré l’internationalisation de certains groupes industriels et leur cotation sur des bour-ses occidentales, le secteur productif russe reste hors des canons internationaux quant à son organisation et son contrôle. Plus d’intervention de l’Etat, en vue, en particulier, de conserver (ou replacer) sous contrôle de l’Etat et de quel-ques groupes les secteurs dits stratégiques (hydrocarbures, électricité, nucléaire, mines, armement, aérospatial…) : en la matière, les accusations de fraude fiscale ou de violation de la loi comme outil d’expropriation à l’usage de l’Etat sont devenues monnaie courante, par exemple, soulevant la question de l’instabilité et l’arbitraire du cadre légal. Plus de Russie, sur le devant de la scène diplomatique internatio-nale : en particulier, l’usage de l’arme énergétique dans les relations commerciales et diplomatiques se fait de façon plus ou moins implicite avec l’« étranger lointain » et no-tamment l’Europe (la Russie a fourni 15% des besoins pé-troliers et 30% des besoins gaziers de l’UE en 2005), de fa-çon explicite avec l’« étranger proche » (pays de la CEI).

Une stabilité pas si confortable Toute la question à présent est qu’attendre des présidentielles de mars 2008 ? De nombreux observateurs s’accordent à penser que ce scrutin devrait être un « non-événement », le candidat soute-

nu par le président Poutine ayant toutes les chances d’être élu. Dans cette logique, la politique du Kremlin devrait s’inscrire dans la continuité, avec quelques nuances « réformatrices » s’il s’agit de Dmitry Medvedev, quelques nuances « conservatrices » s’il s’agit de Viktor Ivanov, les deux prétendants connus. C’est néan-moins du côte des siloviki, l’un des plus puissants groupes d’in-fluence au Kremlin et auquel appartient Viktor Ivanov, qu’il faut regarder. Le terme siloviki fait référence à l’armée, la police, la justice et les services secrets. Au sens littéral, un silovik est au service ou anciennement au service d’une de ces institutions. Dans le cas présent, le clan de Viktor Ivanov regroupe également des personnalités n’appartenant pas ou n’ayant pas appartenu à ces structures étatiques. Infiltrés dans l’ensemble de l’appareil d’Etat (administration, ministères, entreprises publiques,…), leur poids dans la définition de la politique du Kremlin devrait rester lourd à l’avenir, et celle-ci s’inscrire dans la continuité. Ainsi, si les luttes de pouvoir à l’issue des présidentielles ne pren-nent pas le dessus, c’est la stabilité qu’il faut attendre. Il serait possible de s’en réjouir, tant tout projet, notamment d’investisse-ment, a besoin de stabilité. Mais il s’agit ici de la stabilité de ce cadre de gouvernance plus que médiocre et, au-delà, d’un climat

des affaires peu accueillant. Car, devraient perdurer, avec les silo-viki, les principes qui les soudent : un Etat fortement centralisé, sécurisé et défendu, où l’ordre et la stabilité priment sur le déve-loppement de la société civile ; le « nationalisme » économique, la protection des entreprises russes face à la concurrence interna-tionale et une certaine frilosité à l’égard des investisseurs étran-

gers ; une Russie grande et puissante sur la scène interna-tionale. Ce qui ne sera d’ailleurs pas sans conséquence sur les pays proches, le risque politique étant exportable : Ukraine, Bié-lorussie, relations avec l’Europe (Kosovo) et la communauté in-ternationale (dossier iranien), les exemples récents témoi-gnent de l’importance de la po-litique intérieure russe pour certains pays.

Sylvain LACLIAS 33 (0) 1 43 23 65 55

[email protected]

La Russie, la gouvernance et le risque politique

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Les indicateurs de gouvernance ne reflètent pas de véritables améliorations

Sources : Banque mondiale, Crédit Agricole.

Moyenne des six indicateurs de gouvernance 2006 : la Russie mal placée

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Sources : Banque Mondiale, Crédit Agricole.

Encadré 2

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N°115 – Octobre 2007 9

Eclairages

fréquentes. En conséquence, les dirigeants peu-vent être amenés à poursuivre des politiques de court terme, plus à même de faciliter leur main-tien au pouvoir et de satisfaire des groupes parti-culiers. Plus généralement, l’économie, face à des arrangements contractuels de moindre quali-té, repose sur la confiance, ou plus exactement sur « la coopération fondée sur des stratégies de jeux répétées ». Or ce système est sensible au moindre choc. Aussi, les entrepreneurs préfèrent choisir des secteurs d’activité desquels ils peu-vent retirer leur capital plus rapidement, contri-buant à une plus grande instabilité économique. Plus généralement, il semble que les institutions représentent le medium déterminant à travers lequel d’autres facteurs traditionnellement avan-cés pour expliquer les différences de performan-ces économiques jouent leur rôle : déterminants géographiques, politiques macro-économiques, ouverture commerciale…27

L’amélioration des performances économiques profite-t-elle à la gouvernance ? S’il semble exister un consensus sur l’influence positive de bonnes institutions sur les performan-ces économiques, la causalité inverse est bien moins évidente à vérifier, les travaux dans ce sens de la causalité beaucoup moins nombreux. Les quelques résultats établis tendent à nuancer toute volonté de simplification. D’abord, une hausse du revenu par habitant n’a pas d’effet significatif sur l’amélioration de la gouvernance. Si des revenus plus élevés produi-sent de meilleures institutions (notamment concernant la démocratie et l’Etat de droit), cet effet n’est pas réellement significatif : les reve-nus n’expliqueraient ainsi que 10% des variations de niveau institutionnel constatées29. Intuitive-ment, il paraît logique que l’élévation de la ri-chesse ne produise pas automatiquement une amélioration des critères de gouvernance. Il suffit de songer au cas de la Russie : si la rente pétro-lière a permis d’accroître le revenu par habitant, la situation institutionnelle demeure plus qu’in-certaine, voire se dégrade (cf. encadré Russie, page 8).

Institutions et risque politique Au final, le corpus théorique concernant la rela-tion entre institutions et croissance est assez bien documenté. Mais quelle utilité pour l’analyste risque pays ? Un pays bien noté selon ces critères n’est pas forcément exempt de tensions politi-ques. Taiwan, 48e à l’indice KKZ agrégé de 2006, ne pose-t-il pas plus de questions politiques que la Bulgarie, pourtant 88e ?

La demande faite à l’analyste risque pays,: mesu-rer les facteurs pouvant générer des mauvaises surprises, ne peut se suffire de cette seule gou-vernance. La liste est longue des facteurs que la gouvernance laisse de côté : relations internatio-nales (liens de vassalité/suzeraineté, environne-ment régional…), tensions liées à l’économique ou au social (répartition des richesses et du pou-voir entre différents groupes, perception par la population des résultats économiques, questions démographiques, urbanisation…), aspects socio- culturels (disparités entre communautés ou inter-générationnelles, séparatisme, capacité d’absorp-tion par la culture nationale de stimuli exter-nes…). L’exercice de la mesure de la gouvernance est venu rappeler que le politique peut être quanti-fié. D’autres domaines du champ politique doi-vent être intégrés dans l’analyse risque pays, à condition d’un exercice préalable de quantifica-tion. Aujourd’hui, une littérature existe déjà, morcelée, sur différents sujets, sans que l’ensem-ble n’ait donné naissance à des indicateurs aussi connus ni aussi développés que dans le cas de la gouvernance : voyons l’exemple des questions ethno communautaires.

Les tensions ethno communautaires30

Depuis la fin des années 1980, parmi les conflits intra-nationaux, ceux dont l’origine est ethnique ont pris le pas sur les autres31. Sans aller jusqu’au « conflit », donc l’événement de crise, les rela-tions entre les différents groupes composant une population donnée peuvent être la source de ten-sions plus ou moins marquées, comme en témoi-gne l’actualité politique en Belgique. Pour éva-luer les tensions politiques au sein d’un pays donné, il est indispensable de tenir compte des caractéristiques d’homogénéité (ou d’hétérogé-néité) de la population. La littérature économi-que commence à se pencher sur ce thème où l’a-nalyste risque pays se doit d’être présent.

Mesurer l’hétérogénéité ethnique La première difficulté tient à la comptabilisation du nombre d’ethnies, alors que « la conceptuali-sation même de l’identité ethnique varie en fonction des régions »32. Initialement, les premiè-res bases mondiales recensant les différentes eth-nies se fondaient surtout sur des distinctions de type linguistique, en utilisant comme principale source l’Atlas Narodov Mira (écrit en Union So-viétique en 1964)33. Cependant, et paradoxale-ment, les travaux concernant la fragmentation ethnique aux Etats-Unis ne s’intéressent pas aux

27. W.Easterly et R.Levine, “Tropics, Germs, and Crops: How Endowments Influence Economic Development”, 2 0 0 2 o u D . R o d r i k , A.Subramanian et F.Trebbi, “Institutions Rule: The Pri-macy of Institutions over Integration and Geography in Economic Development”, 2002.

28. D.Kaufmann et A.Kraay, “Growth without Govern-ance”, 2002.

29. D.Rodrik et R.Rigobon, “Rule Of Law, Democracy, Openness, and Income: Esti-mating the Interrelation-ships”, 2004.

30. Ethnie : « du grec ethnos, qui signifie “ peuple, na-tion ” ; ensemble d’individus que rapprochent un certain nombre de caractères de civilisation, notamment la communauté de langue et de culture (alors que la race dépend de caractères anato-miques). L’ethnie française englobe notamment la Belgi-que wallonne, la Suisse ro-mande, le Canada français ». (Source : Dictionnaire Le Robert)

31. Travaux du Center for Systemic Peace. Pour les d é b a t s s u r l e s u j e t , S.Huntington, “The Clash of C i v i l i z a t i o n s ? ” , 1 9 9 3 . R.Kaplan, “The Coming Anar-chy”, 1994. P.Wallenstein et M.Sollenberg, “After the Cold War: Emerging patterns of armed conflict 1989-94”, 1995.

32. T.Okediji, “The Dyna-mics of Ethnic Fragmentation: a Proposal for an expanded measurement index”, 2005.

33. C.Taylor et M.Hudson, “World Handbook of Political and Social Indicators”, 1972.

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N°115 – Octobre 2007 10

Eclairages

langues parlées, auquel cas « les Noirs et les Blancs seraient classifiés dans le même groupe »34. La différenciation ethnique devrait également prendre en compte des critères tels que les carac-téristiques phénotypiques (origine raciale, cou-leur de la peau…) ou la religion. Par exemple, en Amérique latine, la plupart des pays sont homo-gènes si l’on considère la langue parlée (souvent celle de l’ancien colonisateur), mais plus hétéro-gènes en termes d’origine (Blancs, Noirs, Indiens,

Métis,…). Au Moyen-Orient, homogène linguisti-quement et phénotypiquement, l’identité ethni-que semble principalement se déterminer en fonction de la religion, par exemple entre les shii-tes et les sunnites. La seconde difficulté est que les classifications ethniques ne sont pas définitives. Alesina et al. citent l’exemple de la division entre les Tutsies et les Hutus au Burundi, considérablement accen-tuée pendant la période de colonisation. La frag-

Conflits ethniques et discrimination positive

La discrimination positive ou affirmative action dési-gne initialement une politique d’intégration priori-taire adoptée dans un contexte de transition entre un régime d’oppression institutionnelle et la proclama-tion du principe d’égalité des droits et des chances. L’Inde libérée du joug britannique, les États- Unis des années 1960 ou l’Afrique du Sud des années 1990 voient naître une nouvelle société profondément marquée par le fossé qu’y ont creusé des décennies ou même des siècles d’inégalité statutaire.

Inde Dans les années 1950, l’Inde a mis en œuvre un pro-gramme de discrimination positive pour les membres des castes et des tribus défavorisées. Il s’agissait de réserver un quota d’emplois dans les administrations et les entreprises publiques aux personnes issues de castes et de tribus dites « intouchables », qui avaient été des victimes permanentes de discrimina-tion dans le système de castes hindou (80 % de la population indienne). Par la suite, cette politique a été étendue aux castes intermédiaires et à la partie supérieure du groupe constitué des basses castes, regroupées sous le terme de Other Backward Castes (OBC). Au départ destinée à tenter de concrétiser une société « égalitaire », la discrimination positive a engendré des effets néfastes, susceptibles de faire éclater le « pacte social ». Dernier événement en date : la révolte de la caste des Gujjars dans l’État du Rajasthan en juin 2007, qui s’est traduite par de nombreux morts. En fait, la situation s’est envenimée lorsqu’en 1999, la caste rurale des Jats, regroupant 10 % de la popu-lation du Rajasthan, a été incluse dans les OBC à des fins de clientélisme politique. Le problème réside dans le fait que le nouvel entrant remet en question le fragile équilibre qui existait : en effet, l’addition des quotas ne doit jamais dépasser la moitié des places disponibles et, au Rajasthan, les tribus dispo-sent d’un quota de 12,5 %, les intouchables de 14 % et les OBC de 23,5 %. La caste des Gujjars, significa-tivement plus restreinte (6 % de la population), se sent soudain à l’étroit dans le segment OBC, une partie de ses privilèges étant redistribuée aux Jats. De surcroît, elle observe avec jalousie la montée en puissance des Meenas, un groupe tribal, dont la position est moins élevée dans la hiérarchie sociale, avec lequel elle cohabitait jusqu’alors dans des conditions similaires. Au Rajasthan, les Meenas, qui représentent 13 % de la population, sont majoritai-res dans leur catégorie “tribale” et, à ce titre, se sont vu accorder de généreux quotas qui alimentent l’ac-célération de leur ascension sociale. La comparaison leur étant défavorable, les Gujjars réclament les mêmes avantages que les Meenas. Autrement dit, les Gujjars se révoltent pour être déclassés dans la hié-rarchie symbolique des castes. Cette grande pre-

mière depuis l’Indépendance souligne à quel point le pacte social est en danger. Car les Meenas ne veulent pas avoir à partager leurs avantages. L’animosité entre les deux groupes nourrit une guerre de castes larvée. Dans certains districts, des heurts armés ont opposé des villages des deux communautés. A l’aune de cet exemple, on peut légitimement se poser la question de savoir si la politique de discrimination positive en Inde n’a pas atteint ses limites.

Malaisie En Malaisie, les principaux groupes ethniques sont les Malais (58 %), les Chinois (27 %) et les Indiens (9 %). Les autres groupes importants sont consti-tués par les ethnies indigènes et des aborigènes. Les Malais bénéficient d'une politique de discrimination positive en leur faveur : historiquement, la commu-nauté chinoise bénéficie d'une prédominance dans le domaine économique ce qui explique que la commu-nauté malaise soit dans l’ensemble plus pauvre. En mai 1969, à l’issue d’affrontements violents entre Chinois et Malais, deux cents Chinois furent tués en mai 1969. En réaction, les autorités décidèrent d’instaurer une politique de discrimination positive en faveur des Malais, ou Bumiputras, comportant toute une gamme de mesures spécifiques : aides financières, priorité au capital bumiputra dans les entreprises publiques, places réservées dans les universités... Les autorités tablaient sur le fait qu’une croissance rapide aurait pour vertu de désamorcer à la fois le ressentiment des Malais et celui des Chinois, ces derniers pouvant compenser, dans l'industrie, le commerce et la finance, les limitations qui leur étaient imposées dans le domaine politique, éducatif et culturel. D’un certain point de vue, on peut estimer que la discrimination positive a atteint ses objectifs, puisque les Bumiputras détiennent désormais l'essentiel du pouvoir politique, les Chinois et, dans une moindre mesure, les Indiens étant davantage présents dans les principaux rouages économiques du pays : le déséquilibre institutionnel établit une sorte d'équili-bre social en corrigeant le déséquilibre économique. Toutefois, la minorité chinoise conteste de plus en plus la politique raciale du gouvernement et met en avant le risque de dérive vers une logique d'assista-nat de la communauté malaise. Là encore, les ten-sions inter ethniques, bien que plus feutrées que dans le cas indien, et les nouveaux déséquilibres engendrés par ce qui est censé les apaiser – la dis-crimination positive – constituent un élément clé du risque politique.

Omar HABACHE

33 (0) 1 43 23 49 27 [email protected]

34. A.Alesina, A Devlees-chauwer, W.Easterly, S.Kurlat e t R . W a c z i a r g , « Fractionalization », 2003.

Encadré 3

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mentation ethnique peut même être endogène, car la délimitation même des groupes ethniques évolue. En effet, selon la théorie réflexive de l’ethnicité et de la nationalité35, les frontières des groupes ethniques peuvent changer car la propre identification de l’individu à un certain groupe évolue en fonction des forces économiques, poli-tiques et sociales. En Somalie avant 1991, les données indiquaient un pays ethniquement ho-mogène (85% de Somaliens). Mais la guerre ci-vile a forcé les individus à reconsidérer leur pro-pre indentification, notamment en fonction des clans, qui devinrent le principal déterminant eth-nique36 (cf. encadré « Conflits ethniques... ») Malgré des données par nature floues, il est possi-ble de travailler à la quantification des questions ethniques, à commencer par l’introduction d’un indicateur de fragmentation.

Fragmentation ethnique et croissance La fragmentation ethnique est définie comme la probabilité que deux individus, choisis au hasard dans une population donnée, appartiennent à deux groupes ethniques distincts (indice d’Her-findahl). A son maximum théorique, égal à 1, chaque individu appartient à un groupe ethnique différent. Des travaux récents (Alesina et al.) proposent un indicateur intégrant plusieurs différenciations. Un premier indice calcule la fragmentation linguisti-que (1 055 langues principales). Ensuite, un in-dice de fragmentation ethnique est construit, en ajoutant aux critères linguistiques d’autres critè-res, tels les phénotypes. A titre d’exemple, la frag-mentation ethnique de la Bolivie est la suivante : Blancos (10,13% de la population totale), Ayma-ra (30,38%), Quechua (30,38%), Mestizos (25,32%) et autres groupes (3,8%). La fragmenta-tion linguistique est considérablement différente : Aymara (3,24%), Guarani (0,12%), Quechua (8,15%), Espagnol (87,65%), autres (0,84%). En revanche, la fragmentation ethnique pour certains pays européens tels que la Belgique ou la Suisse reflète les langues. Ainsi, les « groupes ethni-ques » comptabilisés en Suisse sont les suivants : Allemands (65%), Français (18%), Italiens (10%), autres Suisses (6%) et Romans (1%). Plus généra-lement, les indices de fragmentation ethnique et linguistique sont corrélés à 70%. En définitive, les données d’Alesina et al recensent approxima-tivement 650 groupes ethniques dans 190 pays différents. Les trois pays les moins fragmentés du monde sont la Corée du Sud, le Japon et la Corée du Nord. Parmi les 21 pays les plus fragmentés eth-

niquement, 20 sont d’Afrique sub-saharienne. Anticipant les questions liées aux problèmes d’endogénéité et d’évolutions démographiques, les auteurs estiment que leur base de données ethnique est stable à un horizon de 20 à 30 ans. Quels liens avec la croissance ? Easterly et Levi-ne37 notent que, bien que disposant, selon un rapport de la Banque mondiale de 196338, d’un potentiel de croissance supérieur à celui de l’Asie du Sud-Est, la plupart des pays africains ont connu des croissances du PIB par habitant négati-ves entre 1960 et 1990. Ils montrent que les défi-cits budgétaires élevés, l’instabilité politique, le sous-développement des marchés financiers, l’im-portance de l’économie parallèle, la faible scola-risation et l’inadéquation des infrastructures sont les principales raisons de ce retard (40% du diffé-rentiel de croissance). Or, les auteurs enseignent également qu’une fragmentation ethnolinguisti-que élevée est fortement corrélée avec les quatre derniers facteurs. Ainsi, une hétérogénéité ethni-que élevée agit indirectement sur la croissance de long terme, notamment en favorisant des comportements de recherche de rentes et en réduisant les possibilités de consensus lors des choix de biens publics. La fragmentation ethnique influe en outre sur la qualité des politiques économiques et sociales (mesurée par le taux d’alphabétisation, la mortali-té infantile…) et sur celle des institutions (mesurée par l’étendue de la corruption, le degré de liberté politique…)39. La fragmentation ethni-que est parfois considérée comme l’un des prin-cipaux déterminants de la qualité d’un gouverne-ment. Un Etat semble avoir plus de mal à assurer sa fonction de redistribution en faveur des plus démunis dans les sociétés fragmentées. Enfin, en cas de fragmentation ethnique élevée, il est plus probable qu’un groupe ait intérêt à imposer des

Graphique 4

35. Pour plus d’informations, v o i r n o t a m m e n t M.Hammersley et P.Atkinson, “Ethnography : Principles in Practice”, 1995.

36. S.Mozzafar et J.Scarrit, “The Specification of Ethnic Cleavage and Ethnopolitical Groups for the Analysis of Democratic Competition in Contemporary Africa”, 1999.

37. W.Easterly et R.Levine, “Africa’s Growth Tragedy: Policies and Ethnic Divi-sions”, 1997.

38. S.Enke, “Population and development, a general model”, 1963.

39. R.La Porta, F.Lopez-de-S i l a ne s , A . Sh l e i f e r e t R.Vishny, “The Quality of Government”, 1998.

Les conflits dont l'origine est principalement ethnique restent les plus nombreux

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Source : Center for Systemic Peace, Crédit Agricole.

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restrictions à la liberté politique pour mieux en contrôler d’autres : indices de fragmentation eth-nique et de démocratie sont donc inversement corrélés40. Alesina et al. calculent également un indice de fragmentation religieuse, à partir de données fournies par l’Encyclopedia Britannica, qui recen-sent 294 religions dans 215 pays. Les auteurs re-marquent que ce type de fragmentation ne sem-ble corrélé à aucune variable macroéconomique.

La principale raison avancée est que l’affiliation religieuse est plus endogène que les affiliations linguistique ou ethnique. En effet, une religion peut-être interdite, et il est facile pour un individu de cacher son appartenance à cette religion pour éviter la répression. De même, il est plus aisé de changer de religion que de changer de phéno-type ou de langue. De fait, une plus grande frag-mentation religieuse reflète le plus souvent une société démocratique. L’Afrique du Sud, les Etats-

Titre

Après leur effondrement, les régimes totalitaires d’Europe centrale et d’Europe de l’Est ont été rempla-cés par des gouvernements plus démocratiques. La rapidité avec laquelle les pays de la région ont réfor-mé leurs institutions politiques reflète non seulement la volonté de leurs citoyens de ne pas retomber sous le joug de systèmes autoritaires mais également la pression exercée par les gouvernements occidentaux, les institutions financières internationales et l’Union européenne qui faisaient de l’adoption de pratiques démocratiques une condition préalable aux négocia-tions d’adhésion à l’UE. Leur adhésion à l’OTAN et, dans certains cas, l’adoption de nouvelles frontières ayant permis aux pays d’Europe centrale (Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie), à la Slové-nie et aux Etats baltes (Lituanie, Lettonie, Estonie) de régler la question de leur sécurité nationale, leur in-tégration à l’Union européenne est devenue l’objectif prioritaire des pays candidats. La perspective d’adhé-rer à l’UE a largement incité les pays concernés à mettre en place des réformes et, de fait, à modifier leurs institutions.

De l’économie politique aux politiques économiques ? En outre, ces pays ont généralement mis en place des réformes politiques et économiques en procédant si-multanément à une démocratisation en profondeur de leurs institutions dès l’amorce du processus de convergence et sans attendre le retour de la crois-sance. Alors que la deuxième décennie de ce proces-sus touche à sa fin, démocratie et amélioration rapide du niveau de vie sont devenues la norme dans les pays qui ont entrepris ces réformes les premiers. La Bulgarie et la Roumanie ont suivi le même processus un peu plus tard et n’ont rejoint l’UE qu’en janvier dernier, ce qui pourrait expliquer le retard pris par les réformes du cadre juridique et institutionnel. L’UE a récemment averti Sofia et Bucarest qu’il était impéra-tif qu’elles poursuivent leurs efforts dans ce domaine, sans toutefois leur imposer de sanctions. L’ère post-communiste s’est généralement caractéri-sée par une alternance gouvernementale, bien que le clivage gauche-droite traditionnel soit devenu de plus en plus flou. En Hongrie, le gouvernement socialiste actuel a été réélu en 2006 mais il doit désormais s’at-teler à la tâche urgente de redresser les déséquilibres économiques majeurs apparus lors de son précédent mandat et qui l’ont depuis rendu impopulaire. Si une stabilisation de la situation politique exté-rieure a eu lieu dès l’amorce du processus de conver-gence, il n’en va pas de même sur la scène intérieure. Les institutions politiques de tous les pays de la ré-gion se caractérisent par une coalition gouvernemen-tale fragile dominée par un parti autour duquel gravi-tent plusieurs formations politiques plus récentes. Ne disposant d’aucune assise solide, ces coalitions de circonstance ont à maintes reprises décrété la tenue

d’élections anticipées comme ce sera le cas en Polo-gne le 21 octobre 2007. Handicapées par des com-promis institutionnels précaires, ces démocraties naissantes ont alors été tentées de suivre un agenda populiste et nationaliste. Cette fragmentation du paysage politique reflète la stabilisation progressive des démocraties balbutiantes et parfois bancales d’Europe centrale et d’Europe de l’Est.

Maintenir le cap La caractéristique la plus intéressante du processus de convergence est le découplage de plus en plus marqué de l’économie et des marchés financiers d’une part et du cycle politico électoral de l’autre. En dépit de querelles politiques chroniques, l’économie polonaise a ainsi connu un essor spectaculaire ces dernières années. Parallèlement, en période électo-rale, les gouvernements peuvent être tentés d’adop-ter des mesures visant à les rendre plus populaires plutôt que de suivre une politique économique viable. En outre, le train des réformes suscite une certaine lassitude chez les gouvernements et l’électorat de plusieurs nouveaux états membres (NEM). Ceci ne fait que compliquer la poursuite des réformes, dans le domaine des finances publiques notamment. L’adhé-sion tardive des Etats baltes à la zone euro a eu un certain nombre de retombées négatives au plan poli-tique. Pro-réforme, le gouvernement slovaque a perdu les élections de l’an dernier, même si les grandes mesu-res de libéralisation qu’il avait adoptées n’ont pas été remises en question jusqu’à présent. Le nouveau gouvernement a notamment réaffirmé la volonté du pays d’adopter l’euro en 2009. Aveuglés par la vi-gueur de la conjoncture, les gouvernements de cer-tains pays préfèrent s’interroger sur les mesures qui leur permettront de « partager les fruits de la crois-sance » plutôt que de suivre une politique favorisant l’expansion économique à long terme et la poursuite du processus de réforme. Enfin, depuis leur adhésion à l’UE, certains NEM semblent moins enthousiastes à l’idée de poursuivre les réformes. Cette lassitude ap-paraît particulièrement inquiétante dans les pays qui ne sont pas encore dotés d’un cadre juridique viable et d’une réelle réglementation en matière de gouver-nement d’entreprise. Pour finir, les dirigeants politiques des NEM doivent également répondre aux attentes de leurs citoyens, qui se sont habitués à voir leurs revenus augmenter rapidement. Tant que l’écart entre leurs revenus et ceux des habitants des pays plus développés restera aussi significatif, la transition restera virtuelle pour la plupart d’entre eux. Nul ne peut nier que le processus de convergence est bien engagé mais certains NEM ont encore de gros progrès à accomplir.

Christopher KWIECINSKI 33 (0) 1 43 23 61 10

[email protected]

Europe de l’Est, un processus de convergence lent et semé d’embûches

40. P. Aghion, A.Alesina et F.Trebbi, “Endogenous Politi-cal Institutions”, 2002.

Encadré 4

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Unis et l’Australie sont les trois pays les plus frag-mentés religieusement, alors que le Yémen, la Somalie, le Maroc, la Turquie et l’Algérie sont les moins divers. Ces résultats ne contredisent toute-fois pas ceux de Barro et McLeary41, pour qui la croissance répond favorablement au renforce-ment des croyances religieuses – et notamment

de la croyance au paradis – mais négativement à l’accroissement de la fréquentation des églises.

Polarisation et conflits Si les relations entre la fragmentation ethnique et diverses variables macroéconomiques, sociales et politiques ont été largement documentées, les

Graphiques 5 & 6

41. R.Barro et R.McLeary, “Religion and Political Econ-omy in a International Panel”, 2002.

Les relations entre fragmentation ethnique et croissance sont peu évidentes

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Sources : Alesina et al., Banque Mondiale, Crédit Agricole

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liens entre fragmentation, conflits ethniques et guerres civiles paraissent beaucoup plus incer-tains, voire non significatifs. Il faut, pour antici-per la stabilité politique, s’intéresser à la notion de polarisation ethnique. Dans les faits, un grand nombre d’ethnies n’aug-mentent pas forcément la probabilité de conflit. Plus précisément, la relation entre diversité ethni-que et guerres civiles n’est pas monotone42. Les conflits seraient plus courants lorsqu’une large minorité ethnique fait face à une majorité ethni-que réduite, et moins courants en cas de forte homogénéité, comme de forte hétérogénéité. Lors d’une guerre civile par exemple, une armée rebelle doit faire face à d’importants problèmes de cohésion et de motivation de ses troupes. Or plus les liens sociaux sont évidents et forts au sein de cette organisation, plus il est facile de mettre sur pied une armée efficace. La diversité ethnique rend les tâches de recrutement et de motivation des troupes plus difficile pour les re-belles : « la diversité ethnique rend une société plus sûre, et non pas plus dangereuse »43. C’est la polarisation qui a un lien statistique avec la probabilité de conflit. Le concept introduit à l’origine comme une mesure de la polarisation des revenus44, (à distinguer du niveau d’inégalité de la société mesurée par le coefficient de Gini) a ensuite été appliqué aux ethnies45. En supposant nulles les distances entre ethnies, l’indice de po-larisation ethnique indique à quel point la distri-bution des groupes ethniques d’une société s’é-loigne d’une distribution bipolaire, où deux grou-pes représentent chacun 50% de la population (l’indice de polarisation étant alors égal à 1).

Avec πi = pourcentage de la population totale appartenant au groupe ethnique i, N = nombre de groupes ethniques.

La corrélation entre les indices de fragmentation et de polarisation avoisine 70%. L’exemple du Guatemala souligne les différences entre polarisa-tion et fragmentation. La composition ethnique de la population est la suivante : Ladino (Mestizos) à 55%, Mayas (Amérindiens) à 42% et divers autres groupes réduits représentant 3% de la population totale. Aussi, la fragmentation eth-nique est relativement faible (0,52) alors que la polarisation est élevée (0,96). Sur la période 1960-1995, neuf des dix pays les plus polarisés ethniquement ont connu une guerre civile, « contre seulement » quatre des dix pays affichant les indices de fragmentation les plus élevés. En s’appuyant sur la définition d’un conflit civil de Doyle et Sambanis46, les auteurs indiquent que, contrairement à la fragmentation, la polarisation ethnique est un déterminant de ce type de conflit. Ainsi, un pays très polarisé comme le Nigeria (0,95) a deux fois plus de ris-que de connaître un conflit qu’un pays de moyenne mondiale (0,51).

La nécessité de stabilisateurs Une littérature fournie a donc souligné les liens entre fragmentation ethnique et variables macroéconomiques d’une part, polarisation eth-nique et probabilité de conflits civils d’autre part. Mais cela souligne seulement la possibilité de l’exercice de quantification. Car, pour en res-ter à cet aspect ethno communautaire, comment relier ces deux « constats » à notre tentative de mesure du risque politique ? La probabilité de guerre civile dans un pays donné intéresse évi-demment et directement les entreprises nationa-les ou étrangères commerçant avec ce pays, et se trouve de fait au cœur de la problématique de la partie politique du risque pays. Mais les résultats utiles ne peuvent être directement inférés de ces seuls indicateurs. A titre d’exemple, la Suisse affi-che un indice de fragmentation ethnique égal à 0,53, et le Rwanda à 0,32. De même, le Liban affiche un indice de polarisation ethnique de 0,26, la Belgique de 0,87. Dans les deux cas, les différences de niveau de vie sont certainement des facteurs venant stabiliser les facteurs pure-ment ethno communautaires. Pour un exercice de notation du risque politique, les indicateurs doivent donc être mâtinés de sta-bilisateurs, qui permettront de déceler plus fine-ment les faiblesses « ethniques » potentielles des pays. Plusieurs pistes sont à étudier. Alesina et La Ferrara47, en approfondissant l’étude des consé-quences de la fragmentation ethnique, relèvent quatre facteurs stabilisateurs principaux qui vien-nent tempérer les données de fragmentation eth-

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42. D.Horowitz, “Ethnic Groups in Conflict,” 1985.

43. P.Collier, “Economic Causes of Civil Conflict and Their Implications for Policy,” 2000.

44. J.Esteban et D.Ray, “On the Measurement of Polariza-tion“, 1994.

45. J.Montalvo et M.Reynal-Querol, “Ethnic Polarization, Potential Conflict and Civil Wars“, 2004.

46. M.Doyle et N.Sambanis, International Peacebuilding: “A Theoretical and Quantita-tive Analysis”, 2000.

47. A.Alesina et E.La Ferrara, ”Ethnic Diversity and Eco-nomic Performance”, 2004.

Fragmentation et polarisation : deux notions complémentaires

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Sources : Alesina et al., Montalvo et al., Crédit Agricole

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Eclairages

nique : les niveaux technologique, démocratique, institutionnel et de développement moyens du pays. De même, en ce qui concerne la polarisa-tion ethnique, Collier met en lumière quelques éléments à même de réduire la probabilité de guerre civile : le niveau de développement du pays, son niveau moyen d’inégalité, mais aussi le pourcentage de produits primaires dans le total des exportations (importance explicative de la quantité de ressources expropriables48). Ainsi, ce détour par la question ethnolinguistique vient prouver que le politique est un champ me-surable. Il en est ainsi des tensions socio-économiques, dont les mesures pourraient utiliser les indicateurs de développement (dont l’indice de développement humain), les données de répar-

tition des revenus (coefficient de Gini), ou les ef-fets d’illusion nominale et de mémoire de la si-tuation conjoncturelle par exemple. Il en est ainsi des tensions liées à l’international, qu’il s’agisse de facteurs internes (dépendance des exporta-tions ou des importations aux prix mondiaux par exemple) ou externes (voisins eux-mêmes fragi-les, lien de vassalité ou de suzeraineté avec des pays turbulents…). Le danger n’est pas dans le risque : il est dans le manque d’anticipation du risque. Parce que le risque pays doit tenir compte du risque politique, parce que l’économie sait désormais s’atteler à la quantification de sujets longtemps considérés comme qualitatifs, le travail de l’analyste risque pays doit se développer sur cet axe, trop long-

Les bonnes performances macroéconomiques enre-gistrées ces dernières années par l’Afrique ont eu tendance à faire passer au second plan la question du risque politique, qui reste toutefois bien présente comme en témoignent les incidents (nombreux enlè-vements de personnels travaillant sur les sites pétro-liers, notamment dans le delta du Niger) qui émail-lent les opérations pétrolières au Nigeria. D’un autre point de vue, la question politique nationale trouve bien souvent matière à contestation comme en Côte d’Ivoire. On remarque de plus que cette contestation est par ailleurs souvent alimentée par la perspective offerte par la découverte de gisements pétroliers pro-metteurs de richesse nouvelle.

La manne pétrolière La découverte récente de gisements pétroliers en Afrique et le poids de plus en plus marqué pris par la Chine sur le plan international, et son appétit jamais rassasié pour les matières premières font du conti-nent Africain un nouvel eldorado, inattendu, y com-pris pour lui-même. La possession de matières premières recherchées fait que certains pays jusqu’alors ignorés font désormais l’objet d’une attention particulière. Ils bénéficient alors d’investissements importants, y compris dans les infrastructures. Cela dit, la venue de cette manne ne dispense pas des efforts budgétaires traditionnels réclamés par le FMI, et auxquels les pays répondent diversement, selon qu’ils sont ou non en période élec-torale. Par ailleurs, il n’est pas douteux que le caractère stratégique de la possession de matières premières, en particulier le pétrole, est un frein important à la résolution pacifique de certains conflits, comme on le voit au Soudan, où la fourniture de plus en plus im-portante de pétrole à la Chine lui permet d’éviter des sanctions internationales pour son action au Darfour. En outre, malgré les engagements pris par de nom-breux pays en faveur d’une action particulière vis-à-vis de la réduction de la pauvreté et de l’éducation dans leur pays, l’absence de mesures réellement coercitives en cas de défaut fait que les mesures à prendre le sont généralement de manière principale-ment formelle.

Mais encore longtemps dépendant de l'aide internationale La possession de matières premières recherchées est certainement une chance pour un continent jusqu’il y

a peu considéré comme démuni et incapable de s’en sortir seul. Le continent dans son ensemble dépendra encore longtemps de l’aide internationale pour as-seoir son développement, mais il est aussi évident que la donne actuelle apparaît changée. La posses-sion de matières premières actuellement très valori-sées est incontestablement un plus, mais il est inéga-lement réparti selon les pays. Certains sont presque totalement dépourvus de ressources valorisables à l’exportation et donc sont largement à l’écart de l’en-richissement obtenu par certains autres. C’est le cas assez typique du Sénégal. On a un pays relativement démocratique, mais qui est dépourvu de richesse et qui est de plus soumis, de par les mécanismes de la zone Franc, à une monnaie forte, l’Euro, et ne peut donc pas jouer sur sa monnaie pour essayer de pré-server un peu ses exportations.

Le risque reste bien présent L’Angola est devenu un des principaux producteurs africains de pétrole. La production atteint à présent près de 2 millions de barils/jour, ce qui fait du pays le 12e producteur de l’OPEP. Toutefois, la manne considérable générée par l’exploitation pétrolière reste assez largement à la discrétion du MPLA au pouvoir, ce qui pourrait rapidement dégénérer. On le voit, l’accès à une plus grande richesse grâce au cours élevé des matières premières ne profite pas à l’ensemble des populations. La gouvernance est sou-vent l’objet de critiques de la part des organisations internationales. Ainsi, on ne peut pas dire que l’amé-lioration des performances économiques d’ensemble a eu pour conséquence une disparition ni même une atténuation du risque politique en Afrique. Simple-ment on voit se déplacer aujourd’hui la perception du risque politique qui semble se résumer à cette seule question : le pays possède-t-il du pétrole ou à défaut du moins des matières premières cessibles ? Mais, il apparaît que le risque politique reste et reste-ra une donnée bien présente en Afrique. D’abord parce que le tissu politique et social demeure fragile, ensuite parce que la plupart des pays ne sont pas préparés à la venue de la nouvelle manne pétrolière. Enfin, parce que l’instabilité politique demeure trop souvent la règle.

Francis NICOLLAS

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L’Afrique et le risque politique Encadré 5

48. F.Caselli et W.J.Coleman, “On The Theory of Ethnic Conflict,” 2006.

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Achevé de rédiger le 14 septembre 2007

temps laissé à une expertise ad hoc. Cette réflexion dépasse l’analyse risque pays clas-sique. Dans le domaine de l’aide internationale, les acteurs gouvernementaux et multilatéraux commencent à prendre en compte des questions politiques pour déterminer leur intervention. Les politiques publiques nationales seront de plus en plus indexées sur des indicateurs de ce type, dé-passant les simples objectifs économiques. L’éco-nomiste praticien a aujourd’hui, avec le champ

politique, tout un pan de ses outils à retravailler. Il entre dans une démarche d’objectivation et de modélisation qui doit garder un esprit concret et pédagogique. Elle nécessite aussi un travail de conceptualisation qui ne fait que commencer.

Nicolas MEUNIER

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