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Rina, le raton laveur A la découverte d’un petit animal gris rayé de noir et blanc Des hommes gesticulent, courent et crient : "Attention, il s'échappe, rattra- pez-le !" Une ombre trapue, masquée de noir, portant l'habit des prisonniers - gris rayé de noir et blanc - se faufile dans l'obscurité. "Bon sang de bonsoir ! Où aller ? Ah, une cabane dans un arbre. Vite, je grimpe !... . Aaah ! Elle contient un petit d'Homme, zut de flûte ! Et voilà les autres qui rappliquent ! Que faire ? Bon, pas de panique, ce petit humain me regarde d'un drôle d'air avec ses yeux écarquillés et sa bouche ouverte, mais il n'a pas l'air bien méchant, essayons de l'amadouer. Bonsoir petite, je m'appelle Rina, je suis un Raton laveur ! Je suis poursuivie et je te demande de me protéger !" "Wahou, un racoon, l'emblème de la nature en Guadeloupe ! Génial ! ... Attends, j'éteins... . Moi, c'est Tina... . Tu sais, je crois que tu ne risques plus rien, ils sont passés. Mais au fait, pourquoi te cherchent-ils ?"

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Page 1: Rina, le raton laveurbenoit.j.free.fr/Especes_Guadeloupe/rina.pdf · le raton laveur A la découverte d’un petit animal gris rayé de noir et blanc Des hommes gesticulent, courent

Rina,le raton laveur

A la découverte d’un petit animalgris rayé de noir et blanc

Des hommes gesticulent, courent et crient : "Attention, il s'échappe, rattra-pez-le !" Une ombre trapue, masquée de noir, portant l'habit des prisonniers - gris rayé de noir et blanc - se faufile dans l'obscurité.

"Bon sang de bonsoir ! Où aller ? Ah, une cabane dans un arbre. Vite, je grimpe !... . Aaah !Elle contient un petit d'Homme, zut de flûte ! Et voilà les autres qui rappliquent ! Que faire ? Bon, pas de panique, ce petit humain me regarde d'un drôle d'air avec ses yeux écarquillés et sa bouche ouverte, mais il n'a pas l'air bien méchant, essayons de l'amadouer. Bonsoir petite, je m'appelle Rina, je suis un Raton laveur ! Je suis poursuivie et je te demande de me protéger !"

"Wahou, un racoon, l'emblème de la nature en Guadeloupe ! Génial ! ... Attends, j'éteins... . Moi, c'est Tina... . Tu sais, je crois que tu ne risques plus rien, ils sont passés. Mais au fait, pourquoi te cherchent-ils ?"

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1. Les racoons aiment laver leurs aliments2. Racoon dans un arbre3. Empreinte laissée dans la vase

1.

2.

3.

"Oh bin,… euh… J'ai été un peu gour-mande. J'adore la canne à sucre, les melons, les oeufs de poule et même une bonne poule bien grasse, par-ci, par-là. Ces champs et poulaillers sont de véri-tables tentations pour moi. Alors de temps en temps, je me sers ! Les humains n'apprécient pas vraiment ! Ceux-là, ils avaient réussi à m'attraper avec une cage, mais je me suis évadée."

"Mais c'est risqué ton affaire ! Tu ne peux pas manger autre chose ? "

"Oh, bien sûr que si. Normalement, je mange un peu de tout : du poisson, des ouassous,des crabes, des oeufs, des petits animaux, des fruits... . On dit que je suis omnivore. Mais tu avoueras que c'est quand même plus facile de se servir dans un garde-manger que de chasser !"

"Mmm, mais dis moi pourquoi t'appel-le-t-on le Raton laveur ?"

"Ah, c'est sans doute à cause de ma manie de frotter mes aliments dans l'eau avant de les manger. Pour vous, c'est un peu comme si je les lavais. En fait, j'aime beaucoup l'eau, je nage très bien et je pêche une grande partie de ma nourriture.Mes pattes avant sont très sensibles et me permettent de reconnaître les objets dans l'eau trouble. C'est ma technique de pêche et de reconnaissance qui vous donne l'impression que je lave mes ali-ments. Et puis, par habitude, je fais souvent ça avec tout ce que je mange."

"C'est marrant, ici, on voit ton image un peu partout, sur les emballages de produits locaux, les logos d'entre-prises... et pourtant on te voit rarement en vrai. Pourquoi ?"

"Oh, c'est normal. Moi, je vis la nuit et toi, le jour. Alors, on ne risque pas de se rencontrer. Pourtant mon existence vous est chère : Je suis un peu votre nounours à vous !Et puis, je suis timide et prudente. En fait, nous sommes présents dans toute la Guadeloupe ainsi qu'à Marie Galante et en Martinique. Et nous fré-quentons toutes sortes de milieux : la forêt humide de Basse Terre(1) où l'on peut parfois me voir en plein jour ; mais aussi les forêts plus sèches(5), les

taillis secs de Grande Terre(6), la forêt marécageuse(7) et la mangrove(8) où nous mangeons des crabes et des oeufs d'oi-seaux ; sans oublier les champs culti-vés, les poulaillers voire les poubelles !"

"Mais où est-ce que tu dors, dans un terrier ?"

"Non, je préfère m'installer dans un arbre à la fourche d'une grosse branche et à l'ombre des feuilles ou alors à terre, dans un arbre creux."

"Et comment fais-tu pour grimper aux arbres ?"

"C'est vrai que c'est assez étonnant, d'autant que je ne peux pas rentrer et sortir mes griffes comme le chat. Mais j'ai de longues griffes et des pattes avant aux doigts habiles(2). Et puis, tu sais l'ours monte bien aux arbres et pourtant il est bien plus gros que moi

D'ailleurs, sais-tu que l'ours et moi, on est un peu cousin ? J'ai un peu sa démarche ; comme lui, je suis un plan-tigrade, c'est-à-dire que je marche sur la plante des pattes."

"Et tu vis toute seule, tu n'as pas de famille ?"

"Oui et non, j'aime bien être toute seule, enfin pas tout le temps. En janvier-février, comme chaque année depuis que j'ai un an, je me mets à la recherche d'un fiancé, tu sais pour faire des petits. Mon fiancé, parlons en, un drôle de zozo, celui-là ! Les mâles ne commencent à rechercher notre compa-gnie qu'à partir de leur deuxième année. Je ne sais pas si c'est l'âge ou quoi, mais ce sont de vrais goujats ! D'abord, j'ai appris que mon fiancé compte fleurette à plusieurs fiancées à la fois, alors que moi je n'ai d'yeux que pour lui. Ensuite, après quelques semaines de folles aventures ensemble, il me plante là pour me laisser élever nos petits toute seule ! Un vrai goujat, je te dis, mais totalement irrésistible. Que veux-tu, c'est ça l'amour !"

"Ben, dis donc, c'est pas très sympa, comment fais-tu alors ?"

"Ben, je me débrouille. Deux mois après notre rencontre, je me suis amé-

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4. Forêt humide5. Forêt mésophile (moins humide)6. Forêt seche7. Forêt marécageuse8. Mangrove9. Un raton laveur peut avoir entre deux et cinq petits

*. Les gènes sont des éléments des chromosomes, situésdans le noyau des cellules. Ils déterminent les caractéris-tiques qui se transmettent d’une génération à l’autre.

4. 5. 6.

7. 8. 9.

nagée un gîte en tapissant de feuilles sèches et de poils un tronc d'arbre creux, bien à l'abri des regards.J'y ai donné naissance à quatre ado-rables petits Ratons laveurs, tout gris avec les yeux et les oreilles fermés(3).Au bout de trois semaines, ils ressem-blaient déjà à des Ratons laveurs en miniature. Maintenant à deux mois, ils commen-cent à sortir du gîte. Bientôt, je pourrai les emmener avec moi pour leur apprendre à pêcher et à chasser. Et puis, vers l'âge de sept mois, ils seront presque adultes et il sera temps pour eux de me quitter pour vivre leur propre vie."

"Ouh, ça va vite la vie chez vous, les racoons !"

"Oui, c'est vrai. Mais tu sais, un Raton laveur ne vit pas plus de 10 ans, alors les petits grandissent vite. D'ailleurs, il faut que je file retrouver les miens."

"Oh, déjà ? Tu peux revenir demain ? J'ai encore tant de choses à te demander !"

"D'accord, à demain."

Et le lendemain.

"Salut, tu sais, hier, après ton départ, j'ai trouvé plein de trucs sur toi, dans les encyclopédies de papa et sur Internet. Tu sais que, pendant long-temps, on a cru que tu étais une espèce de Raton laveur qu'on ne trouvait qu'en Guadeloupe. On disait que tu tais une espèce endémique de cette île. Les savants t'ont nommé Procyon

minor parce que tu es plus petit que le Raton laveur d'Amérique du Nord. Voyons voir... tu permets que je te mesure un peu ? Oui, c'est à peu près ça. D'après eux, ton corps fait 60 cm de long pour 30 cm de haut et ta queue 40 cm de long. La taille d'un gros caniche, quoi ! Et tu pèserais entre 3 kg et 10 kg."

"Oui, enfin 10 kg, c'est surtout pour les mâles qui sont un peu plus grands que nous."

"Et ce n'est pas tout ! D'autres savants ont comparé les gènes* des Ratons laveurs guadeloupéens avec ceux des racoons d'Amérique du Nord. Ils ont montré que tu étais très proche du racoon de la côte Est des Etats-Unis appelé : Procyon lotor ! Il est probable

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Le mystère Racoon est toujours entier !

Aucun animal guadeloupéen ne laisse autant de questions sans réponses :

• Comment a-t-il fait pour atterrir sous nos tropiques, lui, dont l’épaisse fourrure serait plutôt faite pour les pays froids ? Par colonisation spon-tanée, accroché à un morceau de bois ? C’est peu probable : la mer estbien grande ! Transporté par l’Homme en bateau alors ? De façonvolontaire ou involontaire ?

• Admettons qu’il ait été apporté d’Amérique du Nord, par des Européens qui l’auraient apprivoisé puis relâché ; ce qui est possible carle racoon retourne facilement à l’état sauvage après avoir été apprivoi-sé. Même dans ce cas d’introduction localisée, il est surprenant de letrouver uniquement en Guadeloupe, à la Barbade, aux Bahamas et dansdeux îles autour du Mexique et pas dans toutes les Antilles. Car lesbateaux sillonnaient la mer des Caraïbes dans sa totalité ; dans chaqueîle, chaque escale aurait pu être l’occasion d’une nouvelle introduction.

Toujours est-il qu’il s’est très bien adapté aux différents milieux que luioffrait la Guadeloupe !

que vous soyez, en réalité, de la même espèce."

"Ah, mais, ça, c'est une bonne nouvelle! Dès que j'en ai fini avec ces petits, je leur écris une carte, aux cousins d'Amérique, et je vais passer quelques jours de vacances chez eux !"

"Attends, j'ai aussi appris que tes ancêtres auraient probablement été introduits en Guadeloupe depuis l'Amérique du Nord, après la colonisa-tion des Amériques par les Européens. Pourquoi à cette période ? Eh bien, parce qu'avant on ne retrouve aucune trace de ton espèce ni dans les fouilles archéologiques des sites amérindiens ni dans les descriptions des chroniqueurs du début de la colonisation. Et puis tu

sais la meilleure : tu es une espèce pro-tégée depuis 1954 !"

"Ah, bin, il y en a qui ne le savent pas alors, à commencer par ceux qui m'ont piégée. Je vais aller leur dire deux mots à ceux-là, non mais, capturer ainsi, sans vergogne, une espèce protégée ! Pfff !"

"Je ne crois pas que ce soit une bonne idée. Tu sais, j'ai lu qu'il existe des braconniers qui posent des pièges et dressent des chiens pour te capturer et te manger."

"Quelle sinistre idée, comme si je pou-vais être bonne à manger ! Bon, il se fait tard, je vais rentrer, retrouver mon coin de forêt tranquille et éviter, doréna-vant, la compagnie des Hommes. Mais viens donc me rendre visite, Tina."

"Je vais essayer mais tu sais sortir en forêt, la nuit, ce n'est pas facile. En attendant, je vais, dès demain, réunir mes copains et copines et créer un Club de Protection de la Nature pour te faire connaître et trouver des solutions pour que tu cohabites avec nous.".

Bon, on relit notre petite afficheet en route pour la distribution !

" Le racoon fait partie de notre patrimoine naturel. Quatre propo-sitions pour vivreensemble... . "

Premièrement : conserver les milieux. Si le racoon y trouve suffisamment à manger, il ne viendra pas dans les champs.

Deuxièmement : bien fermer les poulaillers pour que le racoon ne puisse pas rentrer. Ou laisser les poules dormir dans les arbres. Le racoon en attrapera peut-être une ou deux mais pas plus.

Troisièmement : accepter que le racoon prélève une petite partie de nos récoltes de canne à sucre ou de melon à la lisière des forêts

Quatrièmement : sanctionner les braconniers. Nous rappelons que le nombre de racoons en Guadeloupe n'est pas connu et que c'est une espè- ce protégée : on ne doit ni le chasser, ni le capturer, ni le maintenir en cage.