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Arles janvier 08 un entretien

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entretien par AC BROCH

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Page 1: rijasolo entretien

Arles janvier 08

un entretien

Page 2: rijasolo entretien

Bamako_2005

« L ’ envie de retourner là-bas fut plus pressante que les autres fois, plus nécessaire. Comme une envie de revoir un ami que j’aurais perdu de vue et qui m’aurait soudain manqué, une envie de retrouver les affects qui m’unissaient à lui. Combler un vide, répondre à des questions. Cette série d’images tente de témoigner de cette distance entre Madagascar et moi ; ce pays d’où je viens mais que je connais finalement si peu. Pourtant je m’efforce de réduire cette distance grâce à la photographie qui m’aide, ainsi, à approcher une certaine compréhension de ce que je vis, moi, là-bas, à ce moment-là et parmi les Malgaches. »

Rijasolo, à propos de la série Miverina (Retour à Madagascar), 2005

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Tu es quelqu’un qui photographie beaucoup. Est-ce que c’est quelque chose de naturel pour toi ?Je photographiais beaucoup, plus maintenant, et c’est parce que je n’utilise plus les mêmes appareils-photo. Quand je travaillais uniquement en argentique, bizarrement je photographiais beaucoup plus, beaucoup plus instinctivement, sans … je n’étais pas en train de me dire « qu’est ce que je vais faire de ces photos ? ».Je travaillais beaucoup parce que … je le disais souvent, c’était presque nécessaire d’avoir ma dose de photos par jour enregistrées sur la pellicule, dans ma tête, en mémoire et c’était aussi l’idée que j’allais avoir beaucoup de plaisir à les retrouver dans une semaine, un mois … c’était simplement pour ça. C’était plus compulsif que réfléchi. Je n’étais pas obligé de faire ces photos.J’aime bien voir les photographes travailler, voir comment ils sont, comment ils travaillent au contact des gens, j’aime bien savoir comment un photographe va aborder une situation ou une personne, ou un groupe de personnes juste pour le prétexte de faire une photo ou deux …parce que ce n’est que ça, ce ne sont que des prétextes, faire des photos. S’intéresser à la vie des gens, c’est un prétexte pour faire des photos, ou alors on peut dire que c’est un moyen pour faire des photos ou alors on peut dire, si je fais de la photo ça sera un moyen pour aller vers les gens, parce que je n’y arrive pas autrement...

Alors finalement le sujet n’est qu’un prétexte ? Comment as-tu choisi tes sujets ?Ça a toujours été des sujets personnels ; par exemple, la rue St Malo … je venais d’arriver à Brest, et je venais de commencer à faire de la photo, d’acheter du matériel de laboratoire, faire moi-même mes tirages. Comme tout le monde, tu fais des photos de ton chez toi, de ton pâté de maisons, des gens que tu fréquentes, mais quand tu connais personne… au bout d’un moment tu te dis, ça serais bien de connaître des gens. Je crois que là je me suis dis, je suis capable de faire une chose, c’est faire de la photo, c’est peut-être un bon moyen pour aborder les gens. Je n’avais pas forcément envie de m’inscrire dans une association, j’étais pas dans le même délire qu’eux, même si j’étais complètement partisan de ce qu’ils faisaient, je n’avais pas envie de m’adonner à leurs activités à 100%, de lever le poing comme eux ont pu lever le poing. Être photographe, c’est être dans sa bulle. Il y a une chose que je me suis toujours dis, même si c’est pas évident de le mettre en pratique, c’est que si je suis quelque part dans une situation, c’est vraiment que pour faire des photos, ce n’est pas pour participer, ni contrecarrer les plans, être contre ou avec les gens.Et, mes sujets, de toute façon, c’est les gens, c’est une sorte de palliatif à ma timidité, à mon manque de confiance en moi. Mes sujets je les choisi en fonction de ce qui manque …

Comment est-ce que tu anticipes les images en noir et blanc ?Le noir et blanc, au début, c’était purement quelque chose d’esthétique, c’est-à-dire, il y a plein de notions et de sensations qui n’existent pas dans la couleur. C’est jouer avec des niveaux de gris, donc être dans l’abstrait. L’idée c’était d’être plus flexible, d’être moins rattaché à la réalité… à un calque de la vie réelle.

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Antananarivo_2007

Lorsque je fais une photo et que je sais qu’elle est en noir et blanc, j’ai l’impression d’être plus … d’être moins menteur, bizarrement … de moins travestir la réalité, parce qu’en couleur, dans une photographie, les couleurs de la réalité vont transparaître, mais on a l’impression d’avoir retranscrit une partie de la réalité, ce qui est complètement illusoire. Le noir et blanc ça m’a toujours permit de me sentir bien avec moi-même, de me dire, voilà j’ai fais une photo d’une situation réelle, de gens bien réels, mais l’image qui va en résulter n’est pas réelle, elle n’existe pas, nulle part ailleurs que dans mon esprit.Moi je me sens bien avec le noir et blanc. Je sais déjà que je suis menteur dans l’acte photographique et on ne peut pas me le reprocher puisque j’utilise un moyen technique qui fait que ce n’est pas la réalité que je photographie, c’est plus une sensation. Au bout de sept ans de photographie, c’est ce que je ressens.

Ça t’as permit d’être plus arbitraire ?Tout à fait, ça m’a permit de revendiquer des parti-pris de cadrage, de lumière, de contraste. Le noir et blanc me permet de ne pas me justifier des excès, des éventuels excès dans mes photos.... des zones trop sombres, un manque de réalité. Par exemple, une photo prise à Madagascar, la photo d’une femme qui marche dans un couloir, le couloir est baigné d’une lumière, c’est en contre-jour, la mise au point n’est pas du tout faite. Si la photo avait été en couleur, je l’aurai jetée, c’est une photo qui ne tiendrai pas graphiquement. Si elle avait été en couleur, elle correspondrait à une situation réelle. J’étais là à ce moment là, j’ai fait cette photo, mais finalement, le fait de l’avoir choisi sur la planche-contact, de l’avoir tirée aussi contrastée ... il n’y que moi qui ai pu interpréter cette scène comme ça. C’est une scène réelle, que j’ai complètement fantasmée dans mon esprit finalement.

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Série Miverina_Antananarivo_2007

Tu produis des séries constituées de photos très éclectiques formellement, la justification à cet éclatement de forme, c’est que chacune des photographies choisie t’a produit une sensation de cet ordre là ?J’ai toujours eu un problème pour éditer mes photos, et finalement, je me suis dit que le fait de prendre parti pour des choix aussi éclectiques, au niveau cadrage, lumière, distance … ça me correspond. Ce n’est pas la cohérence dans la forme qui m’importe, mais la cohérence dans la sensation que j’éprouve en ayant cette photo ou cet ensemble de photo. Plus je fais des photos, plus je me dis que je suis beaucoup moins attaché à la forme, à la justesse, ou à l’instant décisif, la composition, la profondeur … des choses académiques comme ça qui font qu’il y a une cohérence dans la forme chez un photographe. Je suis plus attaché maintenant à … si j’ai appuyé sur le déclencheur à ce moment là c’est qu’il y a bien une raison. En regardant mes photos, je me dis, celle là elle correspond, elle a l’air de correspondre à ce que je recherchais en faisant la photo. Ce n’est même plus une recherche de cohérence, c’est une recherche de cohérence sentimentale. Le choix des photos sur Madagascar, Miverina par exemple, c’est tout à fait ça. C’est du noir et blanc, c’est une vision abstraite d’un pays, imaginaire, déjà au niveau de la forme, et c’est complètement éclaté au niveau des situations. Il y a des situations intimes, des situations tendues, d’autres légères ...

Est-ce qu’ une remise en cause du statut de tes images va de paire avec cette nouvelle vision des choses ?… Quelles formes auraient ces images dans une exposition ?J’aime l’idée d’imposer une masse de photographies sur un mur. Du fait que je fasse des choix sur des ressentis purement personnels, le statut des images n’est pas viable si elles sont montrées isolées les unes des autres .

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Ce que fait d’Agata, lorsqu’il présente des panneau de photos ... je commence à comprendre plus ce qui le pousse à être aussi exigent dans l’agencement des différentes photos sur un panneau, le rythme, les sensations, peut-être une histoire derrière, je sais pas trop. Je me souviens qu’on m’avais raconté qu’il a des exigences que lui seul peut comprendre, telle photo ça va là, et pas comme ça. C’est en fonction du lieu qu’il va agencer ses photos, ce n’est pas un bloc immobile. Selon l’expo, le lieu, la lumière qu’il y a, la distance qu’il y a pour les regarder. Je crois que je suis assez intéressé par cette mise en forme d’exposition.

Il y a un paradoxe entre le cadre de ta pratique, qui est très journalistique, les textes que tu écris pour introduire une série de photo, c’est toujours un cadre journalistique, et finalement tu parles d’abstraction, de sensations... Est-ce pour toi une manière de répondre à une demande journalistique ?Faire un texte journalistique, un synopsis, c’est un palliatif, tout simplement parce que je suis incapable de mettre par écrit … de dire autre chose, d’écrire autre chose. Ça marche comme ça, en fait, c’est une introduction, non une explication. C’est juste une mise en situation ou une présentation d’un lieu, d’un temps. Ça sert juste à ça. On peut pas dire que les images illustrent le texte.J’ai quand même l’exigence de la présence d’un référent non pas journalistique, mais disons quelque chose qui existe vraiment. C’est pour dire : voilà une série d’images très personnelles, c’est moi dans cette situation là, il n’y a pas de regard objectif. Vous allez entrer dans cette histoire, et là dedans il y a mon histoire personnelle présentée par ces images qui n’apportent, peut-être, absolument aucune information. Mais il y a un cadre, un sujet, une unité, il y a un contexte quand même. Une question que je me pose souvent : est ce que le sujet est un prétex-

te pour faire des photos ? Ou est-ce que les photos sont un prétexte pour se confronter à un sujet ? Aujourd’hui j’ai traîné avec des sdf, est ce que c’est juste pour pouvoir faire des photos, ou peut-être que j’ai décidé de faire des photos dans le seul but de pouvoir traîner avec eux ? C’est schizophrène comme situation.

Comment, lors de ton dernier voyage à Madagascar, t’es tu senti avec la photographie ?Aller à Madagascar, c’est rattraper le temps perdu, des connaissances que je n’ai pas. Le projet c’est d’aborder plusieurs « petits » sujets. L’aspect journalistique pour des raisons alimentaires ... j’ai choisi des sujets qui pourraient potentiellement intéresser des acheteurs. L’idée c’est de pratiquer, et d’investir ces sujets pour pouvoir, au bout du compte ... c’est un moyen pour faire ressortir certaines images issues de ces sujets qui pourraient constituer une oeuvre plus personnelle. Donc un choix de photos qui pourraient matérialiser mon sentiment, ma relation intime à Madagascar. C’est la recherche du temps perdu. Le fait de pratiquer des sujets journalistiques, avec un véritable synopsis, de l’enquête, toute la forme journalistique, c’est vraiment un prétexte pour rassembler des images qui n’ont pas de rapport entre elles, pour travailler sur un portfolio sur Madagascar. Ces images, grâce à leur accumulation, vont représenter « ma vision » de Madagascar.

Le reportage, c’est un moyen de sortir du quotidien ?Les sujets m’obligent à me confronter à des situations en dehors… Alors même qu’un photographe comme Klavdij Sluban va retranscrire une vision et personnelle et historique, voire géopolitique d’un pays, il ne travaille pas sur des

sujets, il travaille sur des déambulations.

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Série José, sans logis_Arles_2007

C’est aussi une vision personnelle … c’est aussi une histoire de sensations. Au final, il se retrouve avec une série d’image qui va représenter sa vision personnelle d’un territoire. Il est dans son histoire avec les lieux, leur Histoire.

Ta stimulation, c’est un rapport à l’actualité ?Ma culture à moi est la culture du tout-venant ; c’est l’actualité, les gens. Il n’y a pas d’influences littéraires ou artistiques. Mais j’ai besoin d’un cadre, j’ai besoin de savoir que je vais là-bas pour une bonne raison. J’ai besoin de la trivialité d’un sujet pour pouvoir faire des photos autour. Je n’ai pas de vision, disons, intellectuelle de Madagascar. Je ne suis pas un intellectuel.

J’ai l’impression que tu cours derrière quelque chose et ça pourrait te prendre toutes tes journées...des mois, des années ?J’espère que ça va pouvoir me prendre pas mal de temps. Ça prendra du temps, mais je ne m’imagine pas qu’il y aura une fin à ce rattrapage. S’il y a une fin, ça veut dire que j’aurai accompli quelque chose. Il y a une histoire de mode de vie en tant que photographe, je pense que je m’arrêterai de photographier quand je serai satisfait mais c’est impossible d’être vraiment satisfait. Grâce à la photographie, je me donne l’impression qu’a chaque déclenchement je répond à une question, je pallie à un manque, je me dis alors que je possède quelque chose de ce pays. Je vais façonner cette image, la triturer, la travestir, elle va représenter ma vision de Madagascar. Rapporter un souvenir d’un pays c’est aussi se dire que peut-être on ne reverra plus jamais ce pays. Moi c’est la photo. La photo en tant qu’objet et la photo en tant que pratique.

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On peut parler de pulsions assouvies grâce à la photographie. Il y a un temps, je me sentais vraiment pas bien de ne pas avoir fait de photos, c’est un peu comme s’il n’y avait pas le café du matin. Rien que le fait de pouvoir faire une photo, c’était important pour moi. Je ne sortais pas de chez moi, au moment où je sortais, c’était parce qu’il y avait le prétexte d’aller prendre une photoSi je suis à Madagascar, ce n’est pas le fait d’être ailleurs, mais tu ne me verras jamais sortir sans un appareil photo.

Peux tu me parler de la notion de mouvement ? La question est de savoir si on préfère une photo qui laisse le spectateur vivre ou qui impose un point de vue, une sensation. En fait, j’aime les photos où l’on sent qu’il y a le photographe derrière. C’est ça aussi une photo qui a du mouvement.K. Sluban, je trouve que c’est un photographe qui impose trop. Il y a un mouvement dans ses photos, mais c’est très carré, très radical dans la forme. Il y a une poésie c’est sûr, mais il n’y a pas de … il est très Cartier-Bresson, il est très carré. Je n’arrive pas trop à définir. Une photo qui a du mouvement … ce n’est peut-être pas le bon mot, mais ça serait une photo qui a … un puctum, c’est-à-dire une émotion, qui fait ressentir une émotion, une photo qui te point, mais qui permet d’imaginer. Il y a des photos de d’Agata qui on cet aspect là. Grâce à la forme, grâce au sujet. Ou Paolo Pellegrin, qui travaille en noir et blanc très contrasté, c’est des photos de guerre mais ce n’est même plus la guerre, c’est sa guerre à lui qui transparaît dans ses photos. On est plus dans la réalité journalistique, on est dans la réalité d’un mec qui joue un jeu face à la guerre.

Série Miverina_Antananarivo_2007

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En tout cas ça aide les gens à comprendre l’attitude du photographe, comment le photographe s’inscrit dans le monde, pas comment il l’interprète. Et le sujet n’est qu’un prétexte, c’est un cadre, il faut évoluer dedans …

Tu n’es pas dans une pratique stratégique comme elle se répand. Tu n’es pas dans la conceptualisation.Même si on ne peut pas dire que toute conceptualisation est stratégique ...Il y a des catégorisations chez les penseurs de la photographies, ou ceux qui décident de te diffuser ou non que je ne comprend pas trop. Il me semble qu’en ce moment la mode ça serait un travail photographique cohérent, carré, dans le sens où ça ne dépasse pas les bornes. Moi je sais où je vais mais ça ne correspond pas à ce qu’on recherche en ce moment.

Est-ce que tu me parler d’une photographie que tu as faites à Madagascar ?C’est une photo que j’ai prise à Diego-Suarez, en 6x6, d’une femme qui marche sur une place près du centre ville, près du marché. Elle est habillé très sexy, avec des talons hauts, un petit sac à main. J’aime la distance qu’il y a. Il y a les lignes des fils électriques. Il y a une ambiance. Mais ce que je retiens dans cette photo c’est l’attitude de cette femme. Elle est très tendue dans le visage, elle regarde sur le côté gauche en marchant. Elle est là comme ça, on sent que les gens autour ne sont pas habillés du tout comme ça.

Le mouvement c’est une question d’espace mais aussi de temps.Oui, c’est cette tension là. C’est sans doute quelque chose de très difficile à définir, quelque chose d’inhérent à la photographie, ce rapport au temps. Une sorte de magie. Certaines photos statiques n’ont plus ce rapport à l’espace-temps. Statique, on sent que le photographe derrière a mis en place un procédé, il y a un systématisme. Il y a un gros truc derrière, par exemple l’emploi d’une chambre photographique. Ça ne veut pas dire que je n’aime pas ce genre de photos.Du moment où je sens une histoire, qu’il y a la possibilité … que l’image provienne d’un film …il y a cette idée là. Parfois j’ai du mal à m’extasier devant des choses trop précises, ça ne me laisse pas de liberté, je ne sais pas où aller, je ne sais pas où est-ce que je me place par rapport à ces images.

Ce que je trouve étonnant chez toi, c’est cette autosuffisance qui régit ta pratique. C’est une qualité. Tu ne t’interroges pas sur la réception qui va être faite. Tu n’as pas envie de prendre le public par la main ...Maintenant que ton travail est vraiment amorcé, qu’est ce que tu ambitionnes ?Mon ambition ce serait que, face à mon travail, le spectateur apprenne à me connaître. C’est que les gens se disent, lui il a une attitude au monde comme ça. C’est difficile de mettre des mots. Si j’arrivais à mettre des mots pour définir cette attitude, je ne ferais pas de photos. Je suis incapable de trouver les mots qu’il faut. Mon attitude au monde c’est ça, c’est cette distance, c’est la photo. C’est le fait d’utiliser systématiquement un 35mm. Ce rapport … le fait de choisir une photo parce que telle personne sur la photo a cette attitude là qui m’interpelle. Je vois Madagascar avec le regard de cette femme là, ce geste là …c’est un style, ça demeure un style, ça peut être un style. Parce qu’il faut avoir un style photographique, il faut avoir une cohérence, une cohérence donc dans le style.

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Elle me parle de beaucoup de choses cette photo, elle me raconte une histoire. C’est pas mon histoire, c’est son histoire. Madagascar, je le ressens comme ça, avec cette photo là. Il y a une inquiétude, il y a une angoisse même, quelque chose de pas tranquille dans cette photo.

L’espace … on comprend pas bien, c’est une place, peut-être, mais on comprend pas bien si c’est une route. Malgré la distance et une certaine frontalité, on ne sais pas où est le photographe. On est perdu. C’est pas un décadrage ou un « rentre-dedans » qui fait qu’on sent le photographe, mais cette sorte d’espace incomplet ou incompris ; le photographe est au milieu de la route, ou assis à la terrasse d’un café, on ne sait pas .La géographie d’un lieu m’intéresse s’il y a l’élément humain. J’aime quand il y a du monde, ça m’excite. J’aime les lieux qui sont pleins, pleins de gens, parce que tu sais qu’il y a potentiellement …Je suis attaché à l’attitude des gens … c’est très instinctif. J’en reviens encore à ça. Tout à coup c’est un regard, une photo que tu vois, une composition que tu vois, un croisement de gens. Il y a pas mal d’anticipation. Ce que j’aime dans la photographie, c’est être aux aguets, à l’affût. C’est une question d’affection envers ce qu’il y a devant toi. Et puis, en fait, dans ma pratique photo, il y a pas mal de blocage aussi, il y a pas mal de fois où je ne fais pas de photo. Je me souviens plus des moments où je n’ai pas fait de photo que de ceux où j’en ai fait.

Série Miverina_Diego-Suarez_2004

Page 11: rijasolo entretien

Tu te dis, je le voyais trop venir ce moment, je ne vais pas la faire, ça serait trop facile.

Tu te dis, qu’est ce que ça ferait si j’attendais un peu avant de prendre la photo.

Qu’est ce que ça ferait si je réfléchissais, et en fait tu prends plus la photo.

T’expérimentes des truc comme ça, voir si l’espace-temps est malléable...

Ilakaka_2007