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Critique économique n° 13 • Eté 2004 67 Considérée comme un cas de réussite, la réforme des douanes au Maroc a reçu beaucoup d’éloges (1). Dans la présente étude, il s’agit de présenter cette réforme, d’en montrer le contenu au regard des missions imparties à l’ADII (Administration des douanes et des impôts indirects), de mettre en exergue les aspects de la réforme qui mériteraient d’être étendus aux autres administrations et, enfin, d’en montrer les limites compte tenu des contraintes structurelles auxquelles est confrontée l’économie marocaine. Nous soutenons que la réforme de l’ADII a apporté satisfaction en raison de la concentration des efforts pour l’amélioration de son efficience interne – rendement, coût et qualité de la prestation de service. Cependant, les attentes des opérateurs et des pouvoirs publics relatives à son efficacité externe – extension du champ de la prestation de service – restent non satisfaites, car la réalisation optimale des missions de la douane dépend de facteurs exogènes limitant la portée opérationnelle d’une réforme orientée sur l’organisation de l’institution. Les missions opérationnelles de la douane, notamment l’instauration de l’équité fiscale, la lutte contre le dumping et la contrebande et la protection des consommateurs, restent dépendantes de l’évolution des structures économiques marquées par un important secteur informel et des relations entre le Maroc et les pays voisins. L’espoir placé dans l’amélioration des performances des douaniers, notamment pour l’amélioration des techniques de vérification des valeurs facturées dans le respect des principes de valeur convenues à l’OMC, a été renforcée. Le défi posé à la nouvelle organisation de l’ADII est l’amélioration de la couverture du territoire et du service des missions opérationnelles. La première section est consacrée à la présentation du contexte dans lequel est intervenue la réforme de l’administration des douanes. Ce contexte est marqué par la réforme de la politique du commerce extérieur et les défis posés par la restructuration des recettes fiscales et l’évasion fiscale. La deuxième section discute les conditions de l’engagement de la réforme des douanes, en montrant la nature des difficultés rencontrées par les entreprises à partir d’une enquête inédite réalisée en 1999. La troisième présente le processus de sa mise en œuvre. La quatrième propose une évaluation de la réforme du point de vue de son efficience interne et de son efficacité externe. La cinquième section examine la portée des leçons tirées de la réforme de l’ADII eu égard au projet de « mise à niveau » adopté par le gouvernement marocain. Saâd Belghazi INSEA, Rabat ([email protected]) (1) Cette réforme a fait l’objet d’un bilan réalisé par Marcel Steenlandt et Luc de Wulf, à l’initiative de la Banque mondiale, précisément au moment où prenait corps le projet de l’étude présentée dans de ce texte. Je tiens à remercier les auteurs qui ont mis à ma disposition la version finale et les matériaux intermédiaires de leur travail : Steenlandt M. et de Wulf L., « Maroc Douanes : pragmatisme et efficacité, philosophie d’une reforme réussie », Banque mondiale, septembre 2003, « Morocco customs reforms : any lessons for a wider service civil reforms ? », octobre 2003 et « Réforme douanière : peut-on dégager des leçons pour une réforme plus vaste des services publics ? », octobre 2003 (publiée dans ce numéro). Je tiens aussi à remercier Lhassane Hallou, chef de la Division de l'audit et de l'inspection, Mohamed Ezzahoui, directeur de la facilitation et de l'informatique, Khadija Chami, directrice de la Réforme des douanes et bonne gouvernance

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Critique économique n° 13 • Eté 2004 67

Considérée comme un cas de réussite, la réforme des douanes au Maroca reçu beaucoup d’éloges (1). Dans la présente étude, il s’agit de présentercette réforme, d’en montrer le contenu au regard des missions imparties àl’ADII (Administration des douanes et des impôts indirects), de mettre enexergue les aspects de la réforme qui mériteraient d’être étendus aux autresadministrations et, enfin, d’en montrer les limites compte tenu des contraintesstructurelles auxquelles est confrontée l’économie marocaine.

Nous soutenons que la réforme de l’ADII a apporté satisfaction en raisonde la concentration des efforts pour l’amélioration de son efficience interne– rendement, coût et qualité de la prestation de service. Cependant, lesattentes des opérateurs et des pouvoirs publics relatives à son efficacité externe– extension du champ de la prestation de service – restent non satisfaites,car la réalisation optimale des missions de la douane dépend de facteursexogènes limitant la portée opérationnelle d’une réforme orientée surl’organisation de l’institution. Les missions opérationnelles de la douane,notamment l’instauration de l’équité fiscale, la lutte contre le dumping etla contrebande et la protection des consommateurs, restent dépendantesde l’évolution des structures économiques marquées par un important secteurinformel et des relations entre le Maroc et les pays voisins.

L’espoir placé dans l’amélioration des performances des douaniers,notamment pour l’amélioration des techniques de vérification des valeursfacturées dans le respect des principes de valeur convenues à l’OMC, a étérenforcée. Le défi posé à la nouvelle organisation de l’ADII est l’améliorationde la couverture du territoire et du service des missions opérationnelles.

La première section est consacrée à la présentation du contexte dans lequelest intervenue la réforme de l’administration des douanes. Ce contexte estmarqué par la réforme de la politique du commerce extérieur et les défis poséspar la restructuration des recettes fiscales et l’évasion fiscale. La deuxièmesection discute les conditions de l’engagement de la réforme des douanes,en montrant la nature des difficultés rencontrées par les entreprises à partird’une enquête inédite réalisée en 1999. La troisième présente le processusde sa mise en œuvre. La quatrième propose une évaluation de la réforme dupoint de vue de son efficience interne et de son efficacité externe. La cinquièmesection examine la portée des leçons tirées de la réforme de l’ADII eu égardau projet de « mise à niveau » adopté par le gouvernement marocain.

Saâd BelghaziINSEA, Rabat([email protected])

(1) Cette réforme a faitl’objet d’un bilan réalisépar Marcel Steenlandt etLuc de Wulf, à l’initiativede la Banque mondiale,précisément au momentoù prenait corps le projetde l’étude présentée dansde ce texte. Je tiens àremercier les auteurs quiont mis à ma dispositionla version finale et lesmatériaux intermédiairesde leur travail :Steenlandt M. et deWulf L., « MarocDouanes : pragmatismeet efficacité, philosophied’une reforme réussie »,Banque mondiale,septembre 2003,« Morocco customsreforms : any lessons for awider service civilreforms ? », octobre 2003et « Réforme douanière :peut-on dégager desleçons pour une réformeplus vaste des servicespublics ? », octobre 2003(publiée dans cenuméro). Je tiens aussi àremercier LhassaneHallou, chef de laDivision de l'audit et del'inspection, MohamedEzzahoui, directeur de lafacilitation et del'informatique, KhadijaChami, directrice de la

Réforme des douanes etbonne gouvernance

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Saâd Belghazi

1. Missions et contexte de la réforme de l’ADII

Dans cette section, il s’agit de présenter les missions de l’ADII et desituer les enjeux de la réforme des douanes. Le deuxième paragraphe présentela réforme du commerce extérieur au Maroc, marquée par une baisse dela protection douanière et la mise en place de l’accord de libre-échange entrele Maroc et l’Union européenne. Le troisième montre le rôle primordialpris par les régimes en douanes pour le secteur exportateur. Le quatrièmeprésente les effets de cette réforme sur la structure de la fiscalité marocaineet le rôle de l’ADII comme collecteur de ressources fiscales.

1.1. Les missions dans le contexte de la mise à niveau

L'ADII est un des organes principaux du ministère de l'Economie etdes Finances. Elle participe à la définition de la politique douanière nationale.Elle détient à ce titre la prérogative de faire respecter un des attributsfondamentaux de la souveraineté nationale : le contrôle des mouvementsde marchandises dans le but de protéger le consommateur, d’assurer l’équitéfiscale entre opérateurs économiques résidents et non résidents sur le territoirenational, de participer à la politique de promotion de l’investissement. L’ADII présente dans l’ordre suivant les domaines de mise en œuvre

de ces missions : la promotion de l'investissement ; la protection duconsommateur ; la protection de l'économie nationale et l’équitéfiscale (2). L’ADII présente sa contribution à la promotion du développement

économique du Maroc comme une action visant, d’une part, à rendre sonaction de contrôle la moins gênante possible pour les opérateurséconomiques, d’autre part, à l'application des dispositions relatives auxavantages fiscaux accordés aux matériels, outillages et biens d'équipementsimportés. L’essentiel de l’effort pour atténuer le coût du contrôle a consistéen actions de promotion des régimes économiques en douane, notammentl'admission temporaire et l'entrepôt industriel franc, en actions visant lasimplification des procédures de dédouanement et dans la mise en placed'une organisation efficiente des services douaniers fondée sur un recoursde plus en plus important aux traitements automatiques rendus possiblesgrâce à la généralisation de l'outil informatique.Les trois autres missions de l’ADII que sont la protection du

consommateur, la protection de l’économie nationale et le maintien del’équité fiscale sont présentées après la mission de promotion del’investissement. Du point de vue de la protection du consommateur, l'ADIIest chargée d’assurer l’application des règlements relatifs au contrôle de laqualité des marchandises et au respect des normes techniques, des mesuressanitaires, vétérinaires et phytosanitaires. La protection de la propriétéintellectuelle ne fait pas encore partie des missions de l’ADII.

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prévention et ducontentieux, El AidEl Mahsoussi, directeurdes études et de lacoopérationinternationale et SaadiaAlaoui-Abdallaoui,directrice des ressourceset de la programmationpour leurs critiques,commentaires etsuggestions.

(2) Les responsables de ladouane précisent qu’il n’ya pas d’ordre de prioritéentre ces missions. Toutesces missions sontd’importance.

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Réforme des douanes et bonne gouvernance

Avec le démantèlement tarifaire, la protection de l'économie nationaleintervient davantage à travers la maîtrise des règles d'origine et la lutte contrele dumping. Le développement des accords tarifaires bilatéraux etmultilatéraux fait de l'origine de la marchandise une des conditionsessentielles pour l'octroi des avantages prévus par lesdits accords. De même,une attention particulière est accordée à la valeur des marchandises importéespour prévenir toute action de dumping pouvant porter préjudice à laproduction nationale. L'ADII veille à ce que les importations d'une mêmemarchandise (même origine, même valeur, etc.) acquittent les mêmes droitset taxes quels que soit l'importateur ou le bureau d'importation. L'équitéfiscale implique également une lutte contre la contrebande et la fraude soustoutes ses formes.

1.2. La réforme de la politique du commerce extérieur

La réforme du commerce extérieur a consisté principalement en lasubstitution d’un régime des échanges extérieurs astreints aux décisionsdiscrétionnaires de l’administration par un régime transparent et prévisiblepar les opérateurs du secteur privé conforme au principes retenus parl’Organisation mondiale du commerce. Cette politique a été initiée avecla mise en œuvre du Programme d’ajustement structurel en 1983 et a étéconsacrée par l’adhésion du Maroc à l’OMC en 1994. Cependant, c’estdans le cadre des accords commerciaux bilatéraux que l’ouverturecommerciale du Maroc a connu la plus rapide accélération. Ces accordscommerciaux ont lié le Maroc à l’Union du Maghreb arabe, à l’AELE(l’Association européenne de libre-échange), à l’Union européenne et auxpays arabes signataires de la convention de libre-échange (Jordanie, Egypte,Tunisie). C’est, cependant, l’Accord de libre-échange entre le Maroc etl’Union européenne qui revêt, en pratique, le plus d’importance à causedu poids de l’UE dans les échanges extérieurs marocains.

a. Le processus de libéralisation entamé en 1984

La politique des échanges extérieurs du Maroc jusqu’au début des années90 a été marquée par des initiatives fragmentaires qui se sont matérialiséesdans des tarifs douaniers très disparates, souvent très élevés, et un étroitcontrôle administratif des importations. Les produits d’importation étaientclassés en trois catégories : libres à l’importation (inscrits en liste A), soumisà autorisation (liste B) ou prohibés (liste C). Les importateurs de produitssoumis à autorisation étaient astreints à la présentation d’un dossierd’importation de façon à permettre à l’administration du commerce et del’industrie de comparer les prix d’importation et les prix proposés par lesproducteurs locaux pour des produits similaires. Les dossiers comportant desfactures pro forma annonçant des prix inférieurs ou proches du prix du marchéétaient systématiquement refusés. Le poids de la liste B n’a cessé d’augmenterdurant les années soixante-dix pour atteindre un seuil maximal en 1983.

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Saâd Belghazi

La première mesure de libéralisation, introduite en 1984, a consisté àsubstituer des mesures de protection tarifaires à l’encadrement administratifet à rationaliser la protection tarifaire. La réduction des barrières nontarifaires, en conformité avec les engagements du Maroc vis-à-vis du GATTet du PAS, s’est traduite en pratique par un transfert progressif des produitsde la liste C (produits interdits à l’importation) du Programme général desimportations (PGI) à la liste B (produits dont l’importation est soumise àautorisation), et des produits de cette dernière à la liste A (produits àimportation libre). La liste C a été supprimée en 1986 et le transfert desproduits de la liste B vers la liste A mené à terme en avril 1994.Les mesures de libéralisation adoptées dans le cadre du PAS ont été

appuyées par l’adhésion du Maroc au GATT. Si l’engagement du Marocpour la suppression des barrières non tarifaires et la consolidation des tarifsdouaniers confirment le choix irréversible du Maroc pour la libéralisationdu commerce extérieur, des lenteurs ont affecté ce processus et des mesuresde protection compensatoires (prix de référence en douane) ont été adoptées. La loi sur le commerce extérieur, adoptée en 1989, a été promulguée

en 1993 et n’est entrée en application effective qu’en avril 1994. Pourcompenser la perte de protection des activités industrielles liée à lasuppression des barrières non tarifaires, l’administration marocaine asubstitué en 1986 à sa pratique de contrôle a priori des prix planchers endouane, utilisés comme référence pour le calcul des taxes. Le Maroc a bénéficié, dans le cadre de l’accord sur l’évaluation en douane,

d’une dérogation issue du Tokyo Round assurant un traitement spécial etdifférencié aux pays en développement, lui permettant de différer pendantcinq ans l’application des règles de l’évaluation en douane. Ces règles,impliquant la suppression des prix planchers, sont entrées en vigueur le1er juillet 1998. Or, concernant le système des prix de référence (prix plancherde taxation), une dérogation de cinq ans a été donnée aux PVD en 1995,et le Maroc a obtenu la possibilité de maintenir ce système jusqu’à l’an 2000.Il a en pratique prorogé ce système jusqu’au 1er août 2002.

La liste des produits sujets à des prix planchers a été publiée dans lerapport du GATT d’examen de la politique commerciale du Maroc. LeMaroc s’était engagé à ne pas augmenter les valeurs concernées et à maintenircelles-ci à un niveau inférieur à 10 % des importations industrielles. Lesprix plancher de taxation étant fixés, il est attendu un effet d’érosion deleur pouvoir protecteur, lié à l’inflation. Les valeurs des prix de référenceont été ajustées et confirmées par des circulaires qui ont apporté deschangements mineurs. Les dernières en date sont les circulaires 4504/413du 22 septembre 1997 et 4546/413 du 5 octobre 1998. Une dernièrecirculaire a éliminé complètement le système des prix de référence à partirdu 1er août 2002. Entre temps, deux circulaires ont modifié les prix deréférence applicables aux importations en provenance de l’UE, enconformité avec l’Accord de libre-échange du Maroc avec l’UE.

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Réforme des douanes et bonne gouvernance

A partir de janvier 1995, la taxation des importations de produitspétroliers a été révisée. Le montant des impôts prélevés a été fixé sur la based’un système d’indexation prenant en compte les variations du prix mondialet amortissant (3) les effets de ses fluctuations sur le marché intérieur.

La libéralisation des importations des produits agricoles et alimentairesqui étaient effectuées sous le contrôle de l’administration (huiles et céréales)ou par un monopole d’Etat (sucre), devait entrer en vigueur dès la mise enapplication de la loi sur le commerce extérieur. A partir de janvier 1995, ilétait prévu que les montants des importations des produits agricoles etalimentaires de base seraient décidés par les opérateurs du commerce extérieuret non par l’Administration. Le prélèvement sur les importations, égale à ladifférence entre le prix CAF et un prix de référence fixé par voie administrative,devait être remplacé par un équivalent tarifaire fixé de manière indépendantede l’initiative administrative. Le délai de janvier 1995 a été reporté. Finalement,la liberté d’importation a été accordée de manière échelonnée pour lesdifférents produits. A partir de janvier 1996, le monopole de l’ONTS surles importations de sucre brut a été supprimé. Les importations de grainesoléagineuses ont été libérées en mars 1996, celles des huiles brutes alimentairesen avril 1996 et celles des céréales en juin 1996. La réforme du tarif douanier a été menée en deux étapes principales :– la première a consisté, d’une part, à ramener le taux maximum du

droit d’importation à 45 %, sauf pour certains produits agricoles et, d’autrepart, à réduire le nombre des quotités tarifaires de 26 à 15 ;– la seconde a consacré la baisse du taux maximum du droit

d’importation à 35 %, sauf pour certains produits agricoles (dont les tauxont été maintenus à 40 % et à 45 %). Le nombre des quotités tarifaires aété ramené de 15 à 9 seulement. Elaborée sur la base des propositions desdépartements ministériels concernés, elle a été plus intégrée et a pris encharge les intérêts de différents secteurs économiques (agriculture,industrie, santé publique, notamment). De juillet 1993 à janvier 1996, seuls quelques changements marginaux

ont eu lieu. Des modifications ont été apportées en juin et en novembre1994. En 1995, des changements ont été publiés le 6 juin, le 5 juillet etle 30 novembre. En juillet 1996, des changements substantiels ont eu lieu,notamment à la faveur de l’adoption de la Charte des investissements etdu début d’application des engagements du Maroc vis-à-vis de l’OMCconcernant la protection des produits agricoles. Pour les produitsindustriels, les droits de douane applicables aux produits d’équipement sontaccordés automatiquement aux importateurs sur simple déclaration desimportateurs, qui sont tenus d’inscrire les biens exonérés de TVA au compted’immobilisations.Les droits d’importations appliqués aux produits agricoles ont baissé

de 2,4 % (4), suivant l’engagement pris avec l’OMC d’atteindre en dix ansune réduction totale de 24 %.

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(3) L’amortissement desvariations du prixmondial est assuré parl’application de plusieurstarifs appliqués de façondécroissante à différentestranches du prix déclaré àl’importation. Le prixd’entrée sur le territoirenational est égal au prixd’importation CIF plusles droits et taxes àl’importation. Lorsqueces droits et taxes sontproportionnels aux prixmondial, ils ont poureffet d’amplifier lesvariations du prixmondial sur les variationsdu prix d’entrée. Les prixintérieurs restentsensibles aux variationsdu prix mondial qu’ilsreflètent, maispartiellement. Cela se faitpour différents produits,soit en changeant laquotité tarifaire commepour certains produitsagricoles de base (blé,maïs), soit parl’utilisation de moyennesmobiles ou encore de prixde référence pour estimerla base de calcul de lataxation : le principe estqu’une partie du prixd’entrée du produit soitcalculée de façonindépendante desvariations du prixmondial.

(4) Ces droitsd’importations ont étéétablis sur la base deséquivalents tarifaires desmesures de protectionnon tarifaires convenusavec l'OMC.

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Saâd Belghazi

Jusqu’au 1er juillet 2000, le Prélèvement fiscal à l’importation (taux :15 %) s'ajoutait aux droits de douane sur toutes les marchandises importées.Dans un souci de transparence, l’Administration des douanes et impôtsindirects a décidé de fusionner le PFI et le DI en retenant cette dernièreappellation pour l’ensemble.

b. La structure du tarif douanier en 2001

En 2001, les quotités principales du droit d'importation varient selonla nature du produit importé et ont été réduites au nombre de six : 2,5 %,10 %, 17,5 %, 25 %, 35 % et 50 %.

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Secteurs

Quotités du tarif douanier

Total0 % 2,5 % 10 % 17,5 % 25 % 32,5 % 40 % 50 %

Autres Autresquotités quotités< 50 % > 50 %

Agriculture 8,7 0,8 1,3 4,3 2,0 4,3 77,3 1,3 100,0

Minerais 62,1 3,1 27,3 5,3 0,4 1,5 100,0

Energie 0,2 99,0 0,6 0,0 0,2 100,0

Agro-industrie 24,7 0,1 4,4 12,9 13,2 8,0 7,1 21,3 8,4 100,0

Textile et cuir 8,3 0,3 0,0 0,6 4,3 70,0 16,4 100,0

Produits chimiques 13,5 11,0 24,5 11,2 6,1 4,2 29,4 100,0

Mécanique-métallurgie 47,0 9,9 13,3 1,3 14,5 3,6 10,2 100,0

Electronique 63,5 14,7 0,4 0,4 1,5 7,6 11,9 100,0

Total en % 0,8 22,7 5,7 25,1 3,4 6,3 15,0 12,2 8,2 0,6 100,0

Total en millions 977 28 217 7 019 31 104 4 249 7 796 18 579 15 189 10 193 760 124 083de dirhams

Tableau 1Importations en 2001 selon les secteurs et les quotités du tarif douanier

(en % ligne et en millions de dirhams pour la dernière ligne)

Source : nos estimations à partir des données du ministère du Commerce extérieur.

Les biens d'équipement, matériels et outillages, ainsi que leurs parties,pièces détachées et accessoires, sont passibles d'un taux de 2,5 % ou de10 % ad valorem dans le cadre de la Charte de l’investissement. Les quotitésrelatives aux produits agro-alimentaires sont plus dispersées, en raison dela conversion en équivalents tarifaires des prélèvements fiscaux àl’importation. Pour plus de 88,5 % des lignes tarifaires relatives au groupealimentation, boissons et tabacs, les quotités sont supérieures ou égalesà 40 %. Ce taux est de 79 % pour les produits finis de consommation,46 % pour les demi-produits, de 26 % pour les produits finis

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Réforme des douanes et bonne gouvernance

d’équipement industriel et de 24 % pour les produits bruts d’originevégétale et minérale.

Observée en fonction du volume des échanges extérieurs en 2001, ilapparaît que la quotité tarifaire sur laquelle est réalisée le plus gros desimportations est de 2,5 %. Ainsi 63,5 % des importations sont inscritessur des lignes tarifaires à 2,5 %, soit 47 % des importations du secteurmécanique et métallurgique, près de 25 % des importations de produitsagro-industriels et près de 9 % des importations de produits agricoles.Les objectifs de la libération ont consisté en pratique à renoncer à une

politique industrielle favorisant des secteurs d’investissement privilégiés parl’Administration et à l’attribution de protections sous forme de concessionsà des intérêts spécifiques. La réforme des tarifs a eu pour effet principalde supprimer les crêtes et de réduire les écarts entre les tarifs. Elle a contribuéde ce fait à la réduction des distorsions d’incitations induites parl’accumulation de mesures discrétionnaires mues par la pression de lobbiesou par des considération de politique industrielle visant à protéger le capitalinvesti dans tel ou tel secteur selon des raisons d’« intérêt national ». Surle plan de la philosophie de la politique commerciale, la réforme tarifairea signifié une plus grande transparence et équité entre opérateurs et lalimitation des initiatives discrétionnaires de l’administration.

c. L’Accord de libre-échange entre le Maroc et l’Union européenne

Le régime commercial applicable aux échanges entre le Maroc et les paysde l’UE prévoit l’élimination des restrictions quantitatives et des mesuresd’effet équivalent en faveur des produits originaires du Maroc. Les produitsoriginaires de l’UE, importés au Maroc, demeurent soumis au régimecommercial applicable à l’importation. Les restrictions quantitatives et lesprohibitions absolues existantes au moment de l’accord restent en vigueur.Des préférences tarifaires sont accordées en référence au tarif général

publié par l’ADII au moment de l’entrée en vigueur de l’accord au 1er mars2000.

L’accord d’association instaure l’entrée libre des produits industrielsmarocains dans les pays de l’UE (article 9) et l’instauration progressive d’unezone de libre-échange pendant une période transitoire de 12 années maximumà compter de la date d’entrée en vigueur de l’accord. Il s’agit d’une zonequi permet aux produits industriels européens d’entrer librement au Maroc(article 6). Pour les produits agricoles, des restrictions sont maintenues desdeux côtés (prix d’entrée, contingent, calendrier des exportations).

L’accord prohibe l’introduction de nouvelles restrictions quantitativesou mesures d’effets équivalents, ainsi que la soumission des exportationsà des droits de douanes, des restrictions quantitatives ou des effets équivalents.Toute mesure de taxation interne pouvant conduire à une discriminationdes produits de l’autre partie est prohibée. Une clause de révision de l’accorda été convenue en cas de modification des réglementations en vigueur de

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Saâd Belghazi

la politique agricole. Chaque partenaire de l’accord peut engager desconsultations si le partenaire envisage des accords commerciaux, de libre-échange, d’union douanière ou l’adhésion au sein de la Communauté, pourpréserver ses intérêts. En cas de dumping, des mesures de sauvegarde sontinvoquées, et les procédures de leur mise en œuvre ont été définies.Pour les produits industriels, le démantèlement tarifaire doit être achevé

au bout de douze ans. Il portera sur trois catégories de produits :(i) les produits dont le démantèlement tarifaire sera immédiat : il s’agit

des produits bruts et des biens d’équipements non produits au Maroc dontles tarifs seront éliminés dès l’entrée en vigueur du traité, à sa ratification.Ces produits comptent pour 7 % des importations du Maroc ;(ii) les produits à démantèlement tarifaire rapide : il s’agit des demi-

produits et des produits finis non fabriqués au Maroc pour lesquels les tarifsseront réduits de 25 % par an. Ils comptent pour 70 % des importationsdu Maroc ;(iii) les produits à rythme de démantèlement moyen et lent : il s’agit

de la plupart des produits manufacturés au Maroc, pour lesquels les tarifsseront réduits de 10 % chaque année, à partir de la troisième année de l’entréeen vigueur de l’accord. Ils représentent 3,3 % des importations du Marocen 1996. Les véhicules automobiles (voitures de tourisme, y compris lesvoitures de type break et les voitures de course, ainsi que les véhiculesspécialement conçus pour le transport des personnes) sont concernés parune baisse du tarif encore plus lente, menée à un rythme de 3 % de 2001à 2004, de 15 % de 2005 à 2009 et de 13 % en 2010. Pour les produits soumis à un prix de référence (prix plancher de

taxation), il est convenu de supprimer l’application des prix de référence(en vigueur au 1er juillet 1995), au plus tard la quatrième année de la miseen application de l’accord (soit en 2004). Pour le textile, une préférence àl’égard de la Communauté d’au moins 25 % des prix de référence doit êtreassurée par rapport à ceux appliqués par ailleurs, sinon une réduction aumoins égale à 5 % des droits de douane et taxes d’effets équivalents envigueur. Un délai plus court de suppression des prix de référence sera appliquési celui-ci figure sur l’offre marocaine au GATT.L’Accord de libre-échange Maroc-UE servira de référence et, surtout,

de facteur incitateur pour l’attribution des avantages aux pays partenairesdans le cadre des autres accords bilatéraux adoptés avec les pays arabes(Tunisie, Egypte, Jordanie et Liban), avec la Turquie et avec les Etats-Unis.Le Maroc, en établissant ces accords, est mû, d’une part, par le souci d’éviterle détournement du commerce et de stimuler le développement de relationscommerciales directes avec ses partenaires économiques, d’autre part, parle fait que l’existence d’une pluralité d’accords donnant des conditions d’accèspréférentielles sur différents marchés constitue un facteur d’attractivité desinvestissements visant l’exportation sur ces marchés.

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Réforme des douanes et bonne gouvernance

1.3. Montée des régimes économiques en douane

Les régimes économiques en douanes (RED) couvrent quatre fonctionséconomiques principales : le stockage, la transformation, l'utilisation et lacirculation. Ils permettent :– l'entreposage des marchandises sous douane ; – la transformation de matières premières et demi-produits dont les

produits compensateurs sont destinés à l’exportation ; – l’exportation des marchandises pour réparation, complément

d'ouvraison, utilisation ou exposition ;– l'utilisation sur le territoire national de matériels provenant de l'étranger

pour la production de biens destinés à l’exportation ou pour la réalisationdes grands travaux ;– le transit des marchandises d'un bureau douanier à un autre.Le régime de l’entrepôt en douane permet de placer les marchandises

pour une durée déterminée dans un local soumis au contrôle del'Administration. Le régime de l’admission temporaire pour perfectionnementactif (ATPA) permet l’importation, en suspension des droits et taxes quileur sont applicables, des marchandises destinées à recevoir unetransformation, une ouvraison ou un complément de main-d’œuvre, ainsique de marchandises qui disparaissent totalement ou partiellement au coursde leur utilisation dans le processus de fabrication. Le régime del’admission temporaire (AT) permet l’entrée en suspension de droits et taxesà l’importations d’objets apportés par des personnes ayant leur résidencehabituelle à l'étranger venant séjourner temporairement au Maroc et leursmoyens de transport. Le transit est un régime permettant le transport demarchandises sous douane d'un bureau ou d'un entrepôt de douane à unautre bureau ou à un autre entrepôt de douane. Le drawback permet, ensuite,l’exportation de certaines marchandises, le remboursement, d’après un tauxmoyen, du droit d’importation et, le cas échéant, de la taxe intérieure deconsommation, acquittés initialement sur les matières constitutives et lesproduits énergétiques consommés au cours du processus de fabrication.

Ces régimes font bénéficier l'entreprise d'importants avantages tels quela suspension des droits et taxes dont sont passibles les marchandises, la levéedes prohibitions et restrictions commerciales à l’exception des prohibitionsabsolues (stupéfiants, etc.) et l’octroi d’avantages liés à l'exportation.Incontestablement, le régime le plus important pour le commerce

extérieur est celui de l’ATPA.L’entrée en suspension de droits de douane des matières destinées à la

transformation dans le cadre des activités exportatrices est une conditionnécessaire pour la compétitivité des produits nationaux. Le non-recoursau régime de l’ATPA contribue à l’augmentation du prix de revient desmatières premières et des équipements importés et à la réduction de lacompétitivité des produits nationaux.

Critique économique n° 13 • Eté 2004 75

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Saâd Belghazi

On observe une montée en puissance des exportations effectuées sousATPA. Indépendamment de la signification économique de cette évolutiondu point de vue de l’intégration du tissu productif national, elle impliqueune mobilisation des douaniers auprès des entreprises exportatrices de plusen plus intensive. Elle accuse le risque qu’un manque de performance dansle service de douane pèse sur la balance commerciale et sur l’attractivitéde l’économie nationale pour les investisseurs étrangers.

1.4. La baisse des recettes douanières

Le processus de libéralisation, l’accord de libre-échange entre le Marocet l’UE et le développement des régimes en douane ont exercé un fort impactsur la structure des recettes fiscales du Maroc. Les droits et taxes sur lesimportations assurent une part importante des recettes fiscales globales del’Etat marocain. Elles comprennent les droits de douanes proprement dits,la taxe sur la valeur ajoutée appliquée aux importations et les taxes intérieuresde consommation sur les tabacs, pétrole, boissons et autres produits.La protection tarifaire a diminué durant les dernières années. La baisse

du taux apparent des droits de douane a été continue durant ces dernièresannées : 16 % en 1996, 12 % en 2001 et 11,3 % en 2002.En 2002, avec un taux de réalisation de 95,1 %, les droits de douane

n’ont pas dépassé 12,2 milliards de dirhams (au lieu de 13,6), en baisse de0,9 % par rapport à 2001. Ce recul s’explique, en partie, par l’entrée envigueur, en mars 2002, de la troisième tranche du démantèlement tarifaire

76 Critique économique n° 13 • Eté 2004

Tableau 2Importance des régimes économiques en douane pour les exportations

Année Importations Importations Importations Exportations Réexportations Réexportationsglobales en ATPA % en ATPA globales en suite d’ATPA % en suite d’ATPA

1992 62 804 16 444 26,2 33 959 15 279 45,0

1993 61 904 17 215 27,8 34 366 20 073 58,4

1994 65 902 19 566 29,7 36 552 24 515 67,1

1995 72 868 24 198 33,2 40 240 31 056 77,2

1996 71 963 22 809 31,7 41 356 31 305 75,7

1997 75 021 27 231 36,3 44 554 38 194 85,7

1998 98 676 29 086 29,5 68 608 46 043 67,1

1999 105 931 32 017 30,2 73 617 50 129 68,1

2000 122 527 34 780 28,4 78 826 53 850 68,3

2001 124 718 37 494 30,1 80 667 56 928 70,6

2002 130 777 37 954 29,0 86 637 62 968 72,7

Sources : Office des changes et ADII.

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Réforme des douanes et bonne gouvernance

(Maroc-UE et Maroc-AELE) et par un développement des importationsmoins favorable que prévu (2 % au lieu de 6 %). Depuis l’entrée en vigueur du démantèlement tarifaire, la contribution

des droits de douane à la croissance des recettes fiscales est en rupture avecla tendance observée au cours de la seconde moitié de la décennie 90.L’impact de l’accord d’association avec l’UE s’est traduit en 2002 par

un manque à gagner pour le Trésor évalué par l’ADII à 1,5 milliard dedirhams, soit l’équivalent de 0,4 point du PIB. Les importations des produitsoriginaires de l’UE soumis au démantèlement tarifaire ont progressé de 4,4 %au moment où les importations provenant du reste du monde ont baisséde 3,9 %. Mais le premier grand choc subi par le budget de l'Etat suite àl’application de l’accord de libre-échange entre le Maroc et l’UE a été ressentien 2003 : 880 millions de dirhams de perte de recettes douanières. Jusqu'en2003, les baisses tarifaires n'avaient pas provoqué de réduction des recettes.On a attribué ce succès à la compensation des réductions des quotitésdouanières par un meilleur recouvrement (5). Cependant il convient, en l’absence de données précises sur les montants

passés par la contrebande, qu’une telle hypothèse suppose avoir été réduits,de considérer la contribution plus substantielle de la fiscalité indirecte surles importations. La TVA à l'importation devra rapporter 3 % de plus quepour l'année en cours, soit 8,56 milliards de dirhams, soit 259 millions deplus, le quart des impôts indirects. Les droits de douane pour 2004 sontestimés à près de 10,2 milliards de dirhams. Rapportés au PIB, ils passeraientde 2,5 % à 2,3 % entre 2003 et 2004 en raison des effets de la mise enœuvre de la deuxième tranche de la liste soumise à la baisse de 10 % paran. Leur part dans les recettes fiscales serait de près de 12,4 % en 2004contre 13,2 % en 2003.

2. L’initiation de la réforme

La fin des années 90 coïncide avec une conjoncture de l'évolution desexportations marquée par le resserrement des conditions de la compétitioninternationale (GATT et ALE Maroc/UE), le poids grandissant desadmissions temporaires et des régimes en douane, le besoin de mieuxcontrôler la concurrence déloyale et le dumping et celui, enfin, d'assurerdes recettes à l'Etat dans la phase de transition de l'économie marocaine.Dans un tel contexte, les entreprises avaient plus que jamais besoin d'éviterles faux frais d'un environnement inadapté.« En 1996 le déroulement des opérations de dédouanement était jugé

par les professionnels lent, lourd, tracassier, imprévisible mais aussi totalementinadapté aux conditions modernes de traitement logistique de lamarchandise. Au port de Casablanca, 18 à 20 jours étaient nécessaires pourlibérer un conteneur, dont la moitié pouvait être directement imputée àl’accomplissement des formalités douanières. Les douaniers étant considéréscomme des fonctionnaires aux pouvoirs étendus avec lesquels il était

Critique économique n° 13 • Eté 2004 77

(5) Voir Salah Nadia,« Budget : Les messagesimplicites des recettesfiscales », l'Economiste,Edition 1408 du3 décembre 2002.

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quasiment impossible de discuter, peu d’opérateurs se risquaient dans descontestations (6). »Les premiers diagnostics effectués font ressortir que les prestations des

services de l’ADII souffraient de problèmes organisationnels qui setraduisaient par un manque à gagner en termes de recettes douanières, parune gêne des opérateurs préjudiciable à l’attractivité de la place marocaineet un manque d’équité entre les opérateurs. La réforme a été initiée de manière pragmatique. Le plan d’action initial,

préparé en collaboration avec le FMI et des bureaux d’études, a été laisséde côté. Néanmoins, les actions entreprises ont été appuyées sur la prisede conscience brutale des carences de la base juridique de l’activité de l’ADIIet sur les diagnostics interne, relatif à l’organisation, et externe, relatif à laperception des opérateurs économiques du rôle de la douane. Nous nouslimitons dans cette section à résumer les principales conclusions relativesaux carences juridiques, au diagnostic externe et à la présentation succinctedes résultats d’une enquête recueillant le point de vue des opérateurs,conduite aux premières phases d’initiation de la réforme.

2.1. L’inadaptation du cadre juridique

L’activité des douanes impose aux opérateurs du commerce extérieur lerespect de règles draconiennes relatives au paiement des droits et taxes àl’importation et à l’avance de cautions en douane. Les nécessités del’ouverture commerciale ont révélé que le cadre juridique était devenuinadapté. L’ADII a fait évoluer ses procédures d’action sur la base decirculaires, alors même que les dispositions nouvelles transgressaient certainesstipulations du code des douanes adopté en 1977 relatives à la gestion desdéchets dans le cadre des régimes économiques en douane, au traitementdifférencié des opérateurs et à la caution mutuelle. Ce sont ces écarts par rapport aux textes de lois qui ont permis que deux

directeurs généraux de l’ADII aient pu être poursuivis dans le cadre de lacampagne d’assainissement et même subir des peines de prison ferme, aumoment même où l’ADII lançait une campagne pour combattre le « fléau »de la contrebande. Il est probable que ce sont les carences juridiques quiont constitué le principal facteur déclenchant de la réforme, accusant laprise de conscience, déjà avancée, relative aux dysfonctionnementscaractérisant les relations internes et externes de l’ADII.

2.2. Le diagnostic organisationnel

L'ADII a engagé une réflexion approfondie avec des bureaux d'étudesnationaux et avec des organismes internationaux. Malgré l'existence decompétences professionnelles dans l'ADII, ses méthodes étaient restéesmarquées par des insuffisances techniques et organisationnelles qui setraduisaient par un manque à gagner pour l'Etat, des retards pour lesopérateurs et un contrôle insuffisant de la concurrence déloyale.

78 Critique économique n° 13 • Eté 2004

(6) Steenlandt M.et de Wulf L., « MarocDouanes : pragmatismeet efficacité, philosophied’une réforme réussie »,Banque mondiale,septembre 2003.

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Les principales faiblesses organisationnelles diagnostiquées par une étudedu FMI étaient :– un excès de formalisme dans les contrôles physiques et documentaires ;– un suivi insuffisant des régimes suspensifs en douane ; – un manque de contrôle des marchandises en exemption de droits et

taxes ; – l’absence de procédure automatisée de recoupement de l’information

utilisant un identifiant unique commun aux impôts, aux douanes et autrésor ; – des recours en contentieux rarement fructueux ; – la liquidation des droits et taxes est assurée par les inspecteurs des

douanes au détriment d'autres tâches plus productives ;– l’insuffisance du contrôle hiérarchique.Le recours à l’informatique était insuffisamment développé (apurement

des manifestes non informatisé ; coexistence de procédures manuelles avecdes applications informatiques ; le système informatique SADOC necomprenait pas de tarif douanier intégré).

Par exemple, concernant l’application des régimes en douanes, fin 1996,malgré la mise en place du SADOC, plus de 70 000 comptes de régimeséconomiques (ATPA et AT) restaient en instance de régularisation. Certainsconcernaient des dossiers datant de plusieurs années. D’autres, au nombrede 30 000, désignés comme « queue d’AT » portaient sur des valeurs résiduellesinférieures à 1000 dirhams. « Ce passif résultait de la conjonction de deuxfacteurs : 1. une gestion inadaptée et beaucoup trop méticuleuse des différents

comptes ouverts par les services douaniers, gestion sans aucun rapport avecles enjeux économiques et les risques financiers réels et ;2. l’absence d’affirmation d’une volonté suffisamment forte pour faire

évoluer le dispositif juridique et pratique. » Aussi, à la fin des années 90, l’ADII s’est donné comme objectif prioritaire

d’assurer une meilleure organisation et un contrôle plus pertinent de façonà élargir l'assiette et à augmenter les recettes. Début 1999, l’objectif étaitd’adapter la législation et d’améliorer en profondeur le fonctionnement dudispositif douanier. A l’horizon 2000, les actions envisagées visent à mieuxrépondre aux besoins des utilisateurs : informatisation, affinement ducontrôle et communication.

2.3. Le diagnostic externe : la perception des opérateurs économiques

Le paragraphe suivant présente le résultat d’une enquête menée auprèsdes opérateurs économiques dont l’objectif était de faire le point sur la naturedes problèmes vécus par les entreprises et d’évaluer le degré de réalisationdes réformes entreprises. Cette évaluation a été effectuée lors de la premièrephase d’initiation de la réforme.

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Saâd Belghazi

a. Méthodologie de l’enquête

Le contact avec les entreprises a été effectué principalement par courriertransmis à une centaine d’entreprises, à Tanger, Casablanca et Meknès.Quarante trois entreprises ont répondu. La majorité de ces entreprises se situeà Tanger. La plupart d’entre elles sont exportatrices et de grande taille, c'est-à-dire emploient entre 100 et 500 employés. Les deux tiers appartiennentau secteur textile et confection.Les questions posées concernaient l’évaluation du système douanier, la

perception des changements engagés depuis le début de la réforme et lesattentes des opérateurs du commerce extérieurs vis-à-vis de la douane.Les questions relatives à l’appréciation du système douanier portaient

sur :– le délai entre le moment d’arrivée des produits au point d’entrée (port,

aéroport) et le moment de la délivrance du bon à enlever ou à embarquer ; – le temps d’attente pour la visite à l'import ou à l'export une fois la

déclaration en douane effectuée ;– les retards éventuels lors de l'exécution des procédures douanières et

leurs causes ;– les causes de litiges, relatifs à l'évaluation des marchandises

confrontées le plus fréquemment ;– l’appréciation du niveau des pénalités ;– les problèmes suscités par les divergences entre la valeur des cautions

disponibles et la valeur estimée par l’Administration des douanes ;– les difficultés posées à l’occasion de l'importation d'échantillons ;– les difficultés liées à l’apurement des importations en AT et à l’obtention

de la main-levée.Concernant l’appréciation des améliorations récentes, les questions ont

porté sur la réduction des délais de dédouanement et la contributionrespective aux progrès de :

– l’adoption de la procédure dite de « l'admis pour conforme » ; – l’informatisation ;– l’amélioration de la gestion du système des cautions ;– l’amélioration du suivi des comptes en régime économique ;– l'introduction des règles de l'OMC pour la détermination de la valeur

en douane.

b. Les résultats de l’enquête

Les délais des opérations en douane ont été appréhendés d’un point devue global. Les quarante deux entreprises ont donné un délai moyen de40 heures entre l’arrivée et la délivrance de la marchandise. Dans la zonede Tanger, cette durée est d’une journée en moyenne, alors que dans lesautres villes, elle est de trois jours. Le temps d’attente moyen pour laréalisation de la visite est de 9 heures pour les exportations et de 13 heurespour les importations.

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Réforme des douanes et bonne gouvernance

Critique économique n° 13 • Eté 2004 81

La majorité écrasante des entreprises (plus de 92 %) dit avoir rencontréà un moment ou à un autre des retards. A Tanger, la cause principale desretards est associée par la majorité des entreprises à la durée des formalitésde visite, alors que, dans les autres villes, la cause est le délai requis pourle paiement des droits et taxes. 68 % des entreprises se plaignent du délaid’apurement du manifeste. Si plus de la moitié des entreprises ont cité commecause de retard la non-délivrance d’autorisations des administrations autresque l’ADII, 38 % d’entre elles ont cité comme cause la contestation deséléments de taxation. Les causes de contestations de la valeur proviennent de désaccords sur

le poids (62 % des cas), la nature du produit (50 % des cas) et la valeuren douane (38 % des cas). Les pénalités qui s’ensuivent sont considéréescomme élevées par plus de la moitié des entreprises.

0 25 50 75 100 175125 1500

10

20

Std. Dev = 31,29Mean = 28N = 25,00

6

2

Tanger

1

16

0 25 50 75 100 175125 1500

1

1

2

2

3

3

4

Std. Dev = 44Mean = 66N = 12,00

1

2

3

2

3

1

Autres villes

Figure 1Délai des opérations entre arrivée et enlèvement des marchandises

(en heures)

Les problèmes qui ont semblé les plus graves portent sur les conditionsd’importation des échantillons (auxquels sont appliquées les mêmesconditions que pour une importation courante avec, souvent, unesurestimation de leur valeur en douane) et l’obtention de la main-levée surles produits entrés en admission temporaire. Les causes de ces problèmessont associées par les entreprises :– à des problèmes de mentalités engendrant des contrôles trop tatillons ; – à un manque de compétences techniques ;– au manque d’effectifs, au travail de bureau de la douane non coordonné

en dépit de l’existence des moyens informatiques. Ces problèmes sont perçus comme plus graves dans les villes autres que

Tanger (plus de 70 % des réponses). Un cinquième des entreprises s’est heurtéà des problèmes liés au système des cautions.

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Saâd Belghazi

Un progrès moyen ou important est constaté dans la confection et textilepar 93 % des entreprises et dans les autres activités par 72 %. Les entreprisessont satisfaites d’abord par le passage à l’application du principe de l’admispour conforme, par l’amélioration de l’informatisation, par l’améliorationdu système de gestion du cautionnement en douane. Un nombred’entreprise beaucoup moins important cite comme facteur d’améliorationun meilleur suivi des comptes en régime économique.Les entreprises perçoivent très rarement la contribution de l’application

des règles d’évaluation en douane de l’OMC comme facteur d’améliorationdu régime des douanes.

Leurs attentes sont principalement le développement de plate-formesrégionales. Les entreprises réclament la généralisation de l’import en AT sanscaution, celle de l’admis pour conforme aux anciens opérateurs etl’application de contrôles sélectifs et par sondage, sans omettre la nécessitéde la sévérité avec les opérateurs douteux. Sont demandées égalementl’extension du dédouanement à domicile, l’identification de formes decautionnement moins coûteuses, l’information des opérateurs et la prise encompte des investissements dans le comportement de la douane.

3. La mise en œuvre de la réforme

Nous présenterons les composantes de la réforme à travers quatre volets : – le volet institutionnel relatif au cadre juridique de l’activité de l’ADII ;– le volet organisationnel relatif à la structure administrative, à la gestion

du personnel et au système de communication ;– le volet opérationnel relatif au système de taxation et de détermination

de la valeur en douane, à la maîtrise de la prise en charge des marchandisesdestinées à être importées ou exportées (échanges de données informatisées,création de magasins et aires de dédouanement, sélectivité des contrôles),aux régimes économiques en douane et à la rationalisation des procéduresopérationnelles ;– le volet informationnel, principalement le développement d’outils

logiciels et le développement de bases de données comme supports desopérations.

3.1. Le volet institutionnel

L’activité douanière au Maroc est organisée par un important corpusjuridique composé d’un texte de loi, le Code des douanes, adopté en 1977.Ce texte a été amendé en 2000 dans un esprit consensuel suite à un longprocessus de concertation associant l’administration et les opérateurs privés,de textes réglementaires, essentiellement les arrêtés du ministère des Finances,et d’un dispositif de gestion (les circulaires du Directeur général) qui serventde référence à l’action des services de l’ADII.Ces documents sont le fondement de l’activité de coordination. Leurs

dispositions assurent la distribution des pouvoirs dans les rapports de l’ADII

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Réforme des douanes et bonne gouvernance

avec ses partenaires et au sein de l’ADII. Le dispositif législatif,réglementaire et de gestion organise la répartition des tâches, la délimitationdes responsabilités et la définition des processus de reporting. L’introduction des innovations constitutives de la réforme de la douane

a dû passer par un travail d’actualisation juridique des dispositions législativeset réglementaires déterminant les missions, les procédures et les routinesde travail. Cette activité juridique ne doit pas, cependant, occulter la fonctionpolitique essentielle dans la définition et la mise en œuvre de la réforme.Cette fonction politique est assumée par le Directeur général quicoordonne l’ensemble des initiatives et prépare les changementsorganisationnels.

3.2. Le volet organisationnel

Le volet organisationnel de la réforme concerne le modèle derépartition des pouvoirs entre les différentes entités constituant l’organisation(pilotage stratégique de la réforme), les méthodes de mobilisation desmembres de l’organisation (gestion des ressources humaines) et le modede conduite des relations avec ses partenaires et clients de l’organisation(approche client).

a. Le pilotage stratégique de la réforme

Une des premières initiatives de la Direction générale a été de procéderà une restructuration territoriale de l’ADII. Le siège a été transféré à Rabatpour rapprocher la Direction générale des centres de décision administrative.Des pôles régionaux responsables de la gestion courante et de l’action surle terrain ont été créés, permettant ainsi à la Direction générale de se recentrersur le travail de conception et de pilotage. Les sept directions régionalessont responsables de l’organisation du dédouanement (7), de la surveillancegénérale du territoire (8), des missions d'audit et de contrôle et de laformation continue du personnel. Une fois posé le cadre de la réforme et réparties les responsabilités, la

Direction générale a adopté une démarche de réforme formalisée fondéesur le plan d’action et sur un logiciel de gestion de projet déclinant sa miseen œuvre dans le temps et au sein des branches de l’organisation (9). Cettedémarche avait comme objectif de rendre transparent le plan d’action etde responsabiliser les différents membres de l’organisation en mettant augrand jour les responsabilités incombant à chacun.

Mais le plus intéressant dans le pilotage de la réforme est l’approchestratégique adoptée par la Direction générale pour définir son plan d’action.Cette approche a consisté à définir des priorités et des étapes. Il s’agissait deconcilier deux objectifs apparemment contradictoires : la sécurisation desrecettes et la facilitation du commerce. Il fallait faire évoluer l’organisationdes services de façon à garantir le premier objectif et à affirmer progressivementle second.

Critique économique n° 13 • Eté 2004 83

(7) Les dédouanementsde marchandises sonteffectués dans desbureaux répartis surl'ensemble du territoirenational, aux pointsd’entrée des transportsaériens, des transportsroutiers, ferroviaires etdes colis postaux.

(8) Des brigades assurentla surveillance généraledu pays et celle des zonesdouanières.

(9) « A partir du pland’action, les projets ontété découpés en sous-projets et ensuite entâches élémentairesjusqu’aux actions les plusfines. Chaque tâche

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Saâd Belghazi

84 Critique économique n° 13 • Eté 2004

La démarche stratégique sur le plan opérationnel a suivi les étapessuivantes :1. l’amélioration de la maîtrise du système des déclarations notamment

par le perfectionnement de l’outil informatique (SADOC) ;2. la préparation de l’introduction de la sélectivité des contrôles et le

développement des contrôles a priori : a. la définition des procédures et l’élaboration de la documentation ;b. la formation du personnel ;3. la mise en œuvre d’un système automatique informatisé d’admission

sans visite des déclarations (pour un pourcentage significatif du trafic) etdes systèmes sélectifs de contrôle ;4. le traitement de la question des fraudes par la réorganisation des services

et l’implantation sur le terrain, sur la base de l’identification précise desinfractions douanières relevées sur le terrain et du manque à gagnercorrespondant ;5. l’enrichissement de la fonction d’audit et d’inspection, au-delà du

contrôle de régularité réglementaire par le contrôle préventif et anticipatif,le contrôle de performance, visant l’efficience interne (la valorisation desressources humaines et matérielles et l’amélioration des méthodes de travail)et l’efficacité externe (simplification et normalisation des procédures).Cette démarche stratégique a été appuyée sur :1. une option assidue de faire de la gestion informatique des opérations

et du dispositif d’information l’ossature de l’effort de réforme, lui donnantcohérence et continuité ;2. une forte attention à la mobilisation du personnel concrétisée dans

le renouvellement du système de gestion des ressources humaines ;3. et la mise en place vigilante d’un dispositif de communication interne

et externe.

b. La communication externe

L’ADII a fait de la communication, c'est-à-dire « du développement dela concertation et de l’écoute », un principe de gestion. Sur le plan externe,elle met l’accent sur la coopération, l’ouverture sur l’environnement, l’écoute,la transparence et l’amélioration des prestations offertes. La première fonction de communication est la mise en place de relations

formalisées et régulières avec les opérateurs. Ainsi, la mise en place descommissions consultatives a permis le renforcement du dialogue entrel’administration et ses différents partenaires. Une commission nationaleconsultative et de recours examine les dossiers relatifs aux litiges de classementtarifaire. Des commissions de concertation régionales procèdent àl’examen des dossiers se rapportant à différents types de litiges (classementtarifaire, abus de régimes économiques en douane, valeur, etc.) et touchantune diversité de produits.

élémentaire a été évaluéeen charge de travail(hommes/jours), puisplanifiée(chronogramme) dans letemps en fonction desmoyens disponibles. Lestâches étant suffisammentisolées, le responsable dechacune d’entre elles estnominativementidentifié, et il luiappartient de mettre àjour régulièrement lelogiciel pour quel’ensemble du dispositifpuisse être évalué, suivi etréajusté dans ses phasesde réalisation. »

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Réforme des douanes et bonne gouvernance

Critique économique n° 13 • Eté 2004 85

Un effort particulier a été déployé pour réorganiser et assainir la professionde transitaire en douane (élaboration d’un fichier des transitaires qui reprendtous les renseignements sur les transitaires en activité ; adoption du règlementintérieur de la chambre de discipline des transitaires agréés en douanes etaction d’incitation des transitaires pour les doter d’adresses électroniquesdans le but de leur communiquer en temps réel les informations publiéespar l’ADII).La fonction d’accueil de l’ADII a été repensée et développée en vue de

rapprocher les services des usagers et des citoyens. Ainsi, en 2002,21 450 visiteurs ont été reçus et orientés par la cellule d’accueil del’administration centrale. Une activité d’échange avec les usagers au moyendu courrier électronique a été engagée. En 2002, 999 courriers électroniquessont parvenus et ont été traités par l’ADII. 4 462 appels ont été reçus viaun numéro vert mis en place par l’ADII et traités.Des dépliants de promotion des produits et services de l’ADII (e-douane,

outils de communication de l’ADII et musée de la douane), des brochuresexplicatives, des rapports chiffrés ou qualitatifs sont publiés et diffusés. Ainsi,en 2002, 15 brochures et dépliants ont été actualisés et 227 brochures etdépliants ont été diffusés auprès des départements et associationspartenaires de l’ADII.Des affiches destinées à la communication autour de la déclaration

facultative des devises importées et de la déclaration d’importation temporairedes véhicules D16 ter ont été réalisées en quatre langues : arabe, français,anglais et espagnol.La communication externe s’est traduite par la tenue périodique de

nombreuses manifestations publiques avec les opérateurs économiques desrégions et les Chambres de commerce et d’industrie étrangères (françaises,britanniques et américaines).Ainsi, par exemple, en 2002, des points de presse ont été organisés pour

présenter chaque initiative innovante de l’EDII. Des points de presse ontconcerné : le paiement par carte bancaire, le paiement électronique, l’éditionde la main-levée chez l’opérateur, la souscription de la déclaration d’admissiontemporaire des véhicules automobiles (D 16 ter) par procédé informatiqueet les résultats de l’enquête de satisfaction annuelle.Tout article de presse concernant l’ADII est analysé et suscite des réponses,

des mises au point ou des éclaircissements. Ainsi, en 2002, 42 éclaircissementset mises au point ont été adressés aux journaux concernés suite aux articlespubliés sur la douane.Au niveau des régions, des visites d’usine ont été organisées pour

s’enquérir des préoccupations des opérateurs. Cette action a permis égalementde communiquer autour des procédures et nouveaux produits mis en placeà leur profit. Des réunions périodiques sont tenues avec les associationsprofessionnelles, le patronat, les chambres de commerce et d’industrie etles centres régionaux d’investissement.

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Saâd Belghazi

Une enquête externe auprès des partenaires de l’ADII (transitaires,opérateurs économiques), des usagers des colis postaux et des voyageursempruntant les aéroports montre qu'au niveau de l’accueil, de l’assistanceet de l’orientation des usagers, un taux moyen de satisfaction a été enregistré.Toutefois, des insuffisances ont été relevées au niveau de certainesprestations. Le rapport final a été largement diffusé auprès des responsables,cadres et agents de l’Administration, notamment pour redresser les aspectsayant enregistré un certain taux d’insatisfaction. Les résultats de cette enquêteont été publiés, commentés et communiqués à l’occasion d’un point de presse.

c. La communication interne

Le premier outil de la communication interne est la note annuelled’orientation émanant du Directeur général. Celle-ci est enrichie et déclinéepar l’ensemble des agents avant de devenir définitive. Ces derniers disposentde toute capacité de proposition, mais également d’adaptation au contexterégional. Cette démarche a permis d’associer les responsables de la Directiongénérale, des directions régionales et des circonscriptions à la conceptiondes voies et moyens pour parvenir à définir des objectifs réalistes et à fixerles méthodes nécessaires à leur mise en œuvre.Le deuxième instrument de la communication interne autour de la

réforme des douanes est constitué par la documentation et les manuels deprocédures mis à la disposition du personnel sous forme de documents enpapier et de plus en plus sous forme de documents électroniques, vial’Intranet. La disponibilité de ces manuels de procédures a constitué unpréalable à l’action de simplification. A ce titre, des procédures ont étéélaborées, d’autres ont été actualisées pour les adapter à cet impératif.L’intranet joue un rôle important dans l’implication du personnel dans lesuivi de la gestion : des informations qualitatives et quantitatives sont misesà sa disposition, sous forme de base de données ou de bulletinsd’information. Cette action de communication est menée dans un espritd’ouverture sur l’extérieur et de transparence. Elle sera enrichie par lacommunication des procédures intéressant les usagers de l’Administration,notamment à travers le site internet de celle-ci.Le troisième outil de la communication interne est constitué par les

actions de formation. La formation est considérée comme un des pivotsde la préparation au changement. La formation a été approchée dans le sensde l’adaptation aux orientations stratégiques que l’ADII s’est tracées dansle cadre de son projet de réforme/modernisation. Aussi, un programmed’action axé tant sur les métiers douaniers que sur les autres domaines degestion a été mis en place et confié au Centre de formation douanière. Lepersonnel des formateurs ainsi que les programmes de ce centre ont étérenouvelés. Des antennes locales du Centre de formation douanière ontété créées. Le centre assure des actions de formation de base ainsi que desactions de formation continue.

86 Critique économique n° 13 • Eté 2004

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Réforme des douanes et bonne gouvernance

En 2002, 17 actions de formation ont été réalisées dans le cadre du Plannational de formation, totalisant 2 407 jours de formation, au profit de753 agents. En outre, 33 actions de formation en informatique, dans lecadre des projets BADR, RIAD et SAAD ont été réalisées au profit de 168cadres totalisant ainsi 411 jours de formation, ainsi que 377 jours deformation, axés sur les aspects techniques afférant à l’activité douanière.Plusieurs séminaires internes, en liaison avec les évolutions affectant

l’activité opérationnelle de la douane, ont été organisés se rapportantnotamment au contrôle documentaire, aux techniques de ciblage et d’analysedu risque, à la gestion des contrôles, aux amendements du Système harmonisé2002, aux règles d’origine et méthodes de coopération administrative, à lavaleur en douane et au recouvrement des créances publiques. Des formationssur site moyennant des conférences professionnelles et des démonstrationssur le terrain ont été réalisées, au niveau des subdivisions et des recettes,dans un objectif de rapprochement de l’acte de formation des lieux et dessituations de travail. Elles ont ciblé les agents opérant dans les domainesde la surveillance, de la lutte contre les stupéfiants, des enquêtes, du contrôledifféré, du contentieux et des recettes.Une enquête de satisfaction interne a également été menée. Elle a pu

informer sur la perception du climat interne de l’Administration par lescadres et les agents et a permis de relever, parallèlement, les domainesnécessitant une amélioration au niveau de leur gestion.

d. La gestion des ressources humaines

La politique de gestion des ressources humaines a été refondée de façonà mieux motiver et impliquer le personnel. La démarche a été conduite avecle souci de prendre en considération leurs propositions et de valoriser leuraction par le biais de primes de rendement, de révision de leur statut, d’unaccompagnement social et de récompenses morales. Les salaires des douaniers sont régis par le statut de la fonction publique.

Cependant, en raison des primes, leur niveau est plus élevé que dans laplupart des autres branches de la fonction publique. Ce niveau de salairesa renforcé l’attractivité de la douane et lui a permis de sélectionner des agentsà fortes compétences. Malgré ces avantages, l’action visant l’amélioration de la gestion du

personnel a rencontré plusieurs difficultés : – le statut de la fonction publique appliqué aux agents de l’ADII rendait

impossible une évaluation du personnel suffisamment souple et précise pourpermettre l’attribution de primes en fonction du mérite ;– le système de primes, très généreux, atteignant parfois 100 % du salaire

de base, réservait une bonne partie des gratifications au personnel des servicesextérieurs et n’était donc pas apprécié de ceux qui étaient exclus de ce schéma ;en outre, les primes profitaient plus aux agents les mieux payés ;

Critique économique n° 13 • Eté 2004 87

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Saâd Belghazi

– le statut des agents des brigades (non officiers) étant régi par un décretadopté en 1962, il était difficile d’assurer un traitement homogène àl’ensemble du personnel ;– le retard accusé de la régularisation des tableaux d’avancement.L’effort fourni a consisté :– à mettre en place un système des notations du personnel élaboré,– à attribuer les primes en fonction du rendement à l’ensemble du

personnel et sur la base d’un système de distribution qui a réduit les disparitésentre les salaires ; – à proposer un statut particulier des agents de l’ADII assurant

l’homogénéité du corps douanier et l’adoption d’un outil logiciel pour lagestion du personnel.Après la mise en service, en 2002, du progiciel CM-GIPE la

régularisation de l’avancement du personnel a fait un progrès substantiel.La promotion des agents a connu un élan soutenu par l’apurement de tousles tableaux d’avancement au titre des exercices précédents (de 1998-1999à 2001). Cette action a favorisé la résorption de tous les retardsaccumulés : l’avancement d’échelon de 2 537 agents, l’avancement de gradede 942 agents et l’intégration sur titre de 112 agents reclassés dans les cadresd’inspection.Une analyse des emplois et des compétences associées a été effectuée.

Cette analyse a déterminé les tâches élémentaires associées aux postes detravail et les aptitudes requises pour assumer une fonction. Ce travail deprofondeur a permis le redéploiement des personnels vers les postescorrespondant à leur qualification, la redéfinition de l’organigramme détailléde l’ADII et d’un programme de formation fondé sur la polyvalence etl’alternance dans l’exercice des fonctions (10).Il a permis d’établir des indicateurs de charge et d’activité, de catégoriser

les bureaux et les subdivisions et de redéfinir les attributions dans le butde renforcer la gestion de proximité, l’optimisation de l’intervention duservice et l’implication des structures fonctionnelles dans la prise dedécision (11). Par ailleurs, une nouvelle vision des métiers de surveillance assurés par

les services douaniers a été instaurée. Celle-ci a été traduite dans les faitspar la mise en place d’un ensemble de procédures dédiées à chacun des métiersrecensés pour cadrer les activités qui en découlent et mettre à la dispositiondu personnel douanier un référentiel unique à même de faciliterl’exécution du service et d’harmoniser les règles de gestion et de contrôle.Une lutte contre la corruption est engagée au sein du personnel. Les

méthodes utilisées pour ce faire vont de la valorisation matérielle (12) etmorale du respect des principes éthiques à la punition des agents. Lesmanquements commis par les agents se rapportent à des défaillances relevéespar les services opérationnels à la suite de rapports de contrôle, d’inspectionou de vérification. En 2002, 176 récompenses ont été émises (contre 195

88 Critique économique n° 13 • Eté 2004

(10) « La mobilité estmaintenant considéréecomme un facteurd’enrichissementprofessionnel, depolyvalence et depromotion personnelle. »Steenlandt et De Wulf,op. cit.

(11) Ces mesuresconcernent laréorganisation de la filièredes brigades, lasuppression de certainessubdivisions, lerattachement de certainesstructures à dessubdivisions ou à desdirections régionales et ladéfinition desattributions des officierset des ordonnateurs.

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Réforme des douanes et bonne gouvernance

en 2001), 108 sanctions disciplinaires ont été prononcées (contre 181 en2001), et 27 radiations de sanctions ont été émises au profit d’agentsremplissant les conditions statutaires requises.Un contentieux important existe entre l’ADII et certains membres de

son personnel. A titre d’exemple, en 2002, 157 actions ont été intentéesdevant les tribunaux administratifs et 31 engagées devant la Chambreadministrative auprès de la Cour suprême.

3.3. Le volet opérationnel

a. Le dispositif de protection commerciale et le système de la valeur en douane

Nous avons amplement présenté dans la section 1 le dispositif deprotection tarifaire. Le système de fixation des tarifs a été défini par la loisur le commerce extérieur comme une prérogative du pouvoir législatif. Legouvernement ne peut plus agir en dehors du cadre de la loi en matièredouanière. La fonction de la douane, en ce domaine, reste un pouvoir deproposition, en particulier dans le cadre de l’harmonisation de la politiquetarifaire avec les différents engagements internationaux pris par le Marocsur les plans multilatéral et bilatéral.La marge d’initiative de l’ADII reste, cependant, très grande en matière

de mise en œuvre de la politique tarifaire, en particulier au travers du contrôlede la valeur en douane.La valeur en douane constitue l’assiette pour le calcul du montant des

droits et taxes exigibles à l’importation. Du fait des progrès dans laformalisation du système de détermination de la valeur en douane, celle-ci se prête de moins en moins à l’initiative discrétionnaire de l’administration.La définition de la valeur en douane à l’importation est issue des dispositionsconventionnelles de l’Accord de l’OMC sur l'évaluation (GATT de 1994)dont les principes de base sont l’uniformité et la neutralité. Son avantageest de rendre transparente la relation entre les déclarants et l’administrationdes douanes. A l’importation, la valeur en douane est principalement la valeur

transactionnelle, à savoir le prix effectivement payé ou à payer pour l’achatdes marchandises, augmenté des éléments supportés par l’acheteur et quin’ont pas été intégrés dans le prix facturé (notamment le coût des contenantset emballages, les frais de transport, le coût de l’assurance et les frais dechargement, de déchargement et de manutention connexes au transportdes marchandises importées). La valeur transactionnelle peut être rejetéepar l’administration, notamment lorsqu’il est établi que cette valeur a étéinfluencée par l’existence de liens entre l’acheteur et le vendeur ou par desrestrictions, conditions ou prestations se rapportant à la marchandiseimportée qui ne peuvent pas être évaluées. En août 2002, généralisant les dispositions contenues dans l’engagement

du Maroc au titre de l’ALE Maroc-UE et en conformité avec les engagements

(12) Par exemple, unagent ayant contrevenuau respect des principeséthiques verrait sa primede rendement réduite.

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pris dans le cadre de l’OMC, le gouvernement a décidé de mettre fin àl’application du régimes dit des « prix de référence en douane ». Cette mesurea une portée importante, dans la mesure où elle lève le dernier verrou deprotection commerciale et expose les producteurs locaux, en particulier deproduits textiles, à la compétition commerciale étrangère.

b. Le dédouanement

La prise en charge des marchandises destinées au dédouanement a étéfacilitée par les progrès dans l’utilisation des outils informatiques et la miseen place de magasins et aires de dédouanement.L’Administration des douanes a mis en place un système de

communication et d’échange de données informatisé (EDI) pour latransmission des manifestes des marchandises entre les différentsintervenants (ODEP, RAM, consignataires des navires, etc.). L’EDI estactuellement opérationnel dans les bureaux douaniers d’Agadir-Al Massira,d’Agadir-Port, de Casa-Port, de Nouasser-Frêt, de Rabat-Salé et de Tanger-Ibn Batouta. Eu égard au volume des échanges extérieurs transitant par lesbureaux douaniers de Casa-Port et de Nouasser-Frêt, les déclarationssommaires (manifestes) déposées en 2002 par ce procédé ont atteint 82,6 %du total des déclarations sommaires enregistrées dans ces deux bureaux,soit 18 482 déclarations.La deuxième innovation dans ce domaine concerne les magasins et aires

de dédouanement (MEAD), dans le but d’assurer une plus grande fluiditédans la circulation des marchandises et la décongestion des ports et desaéroports. La création des MEAD en dehors des enceintes douanières etportuaires s’inscrit dans cette optique afin de réduire les coûts de transactiondes entreprises et améliorer, en conséquence, leur compétitivité. A titreindicatif, le nombre de déclarations en douane enregistrées en 2002 dansles MEAD de Casa-Extérieur a atteint 92 476 dont 57 554 à l’importation,soit la quasi-totalité des DUM enregistrées dans ce bureau pour les opérationsde commerce extérieur. Ces déclarations ont représenté 14,6 % de l’ensembledes déclarations enregistrées au niveau national. La valeur des échangesextérieurs réalisée en 2002 dans les MEAD rattachés à ce seul bureau s’estélevée à 23 773,8 MDh contre 21 625,6 en 2001. Le chiffre d’affaires àl’exportation a atteint 14 173,6 MDh, soit 16,7 % des exportations totales.Le troisième groupe d’innovations a porté sur le contrôle sélectif des

déclarations objet d’une vérification physique, le renforcement descontrôles différés et l’automatisation des ciblages. Actuellement, le taux desvisites physiques d’inspection est de 10 %. La douane marocaine s’est fixécomme objectif de parvenir à libérer 95 % des déclarations déposées dansles bureaux de douane sans vérification physique immédiate.L’amélioration de la prise en charge du processus de dédouanement s’est

concrétisée dans une réduction très substantielle des délais de dédouanement.Depuis 2001, la durée moyenne du dédouanement des marchandises n’a

90 Critique économique n° 13 • Eté 2004

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Réforme des douanes et bonne gouvernance

cessé de baisser. En 2003, elle serait devenue de façon quasi régulièreinférieure à 60 minutes, contre 1 heure 24 mn en 2001. Ce résultat enregistréau niveau global a été réalisé grâce aux efforts entrepris particulièrementpar les bureaux de Casa-Port, de Nouasser-Frêt, de Tanger-Port et de Casa-Extérieur, qui ont totalisé près de 94 % des déclarations à l’importation.Cette performance est l’indicateur par excellence de l’efficacité des

mesures prises pour améliorer le processus de dédouanement. Comparé auxrésultats observés dans d'autres pays, ce délai place la douane marocaineparmi les administrations les plus performantes dans le monde.

c. Les régimes économiques en douane

Pour faciliter la résolution du contentieux généré par la mise en œuvredes régimes économiques en douane, notamment l’ATPA, plusieursinnovations ont été adoptées :– le régime de l’entrepôt industriel franc (EIF), adopté au profit des

entreprises industrielles réalisant à l’exportation au moins 85 % de leur chiffred'affaires ;– l’allégement des procédures de dédouanement par l’adoption de l’acquit

de transit simplifié consistant en une déclaration de transit allégée limitantles données à déclarer aux renseignements essentiels, de l’introduction detolérances à l'importation et à l'exportation afin de tenir compte desvariations et changements dus à des phénomènes physiques (humidité, etc.)et de l’octroi de la franchise à l'importation d’échantillons et spécimens nedépassant pas une certaine valeur et sans limitation de valeur pour les articlesou ouvrages rendus inutilisables ;– la simplification de la gestion des comptes, notamment par la

domiciliation et la centralisation des comptes permettant à un opérateurd’utiliser différents points d’entrée et de sorties pour ses marchandises,l’adoption de nouvelles normes d'apurement des opérations d'ATPA paractivité sectorielle fixant les taux de déchets par type de produitcompensateurs et par la mise à la consommation de produits compensateurs,des rebuts et d'articles de deuxième choix à concurrence de 15 % desquantités exportées ;– l’accélération du processus d’apurement définitif des comptes par

l’édition directe chez les opérateurs des certificats de décharge des comptesen RED ;– la révision du système de cautionnement (admission des

cautionnements sur engagement ; dispenses de caution pour l'importation,dans le cadre de la sous-traitance, d'intrants restant propriété desdonneurs d'ordre étrangers ; cautionnement mixte combinant garantiebancaire et garantie personnelle et cautionnement global consistant en uneprovision dont le montant est arrêté d’un commun accord entre la douaneet l’opérateur et avalisé par la banque-caution) ;

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Saâd Belghazi

92 Critique économique n° 13 • Eté 2004

– la promotion du drawback permettant le remboursement auxexportateurs des taxes intérieures sur l’électricité, le gaz et les produitspétroliers ;– enfin, la gestion personnalisée des opérations sous RED fixe dans un

cadre conventionnel, les modalités propres à chaque entreprise pour la priseen charge et l’apurement des comptes souscrits. Le nombre d’entreprisesbénéficiant de ce mode de gestion s’élève à une trentaine qui exercent leursactivités dans le cadre des RED. La part des opérations réalisées par cesunités s’est élevée à 21,7 % du montant des exportations totales en 2002,soit 18 458,2 MDh. Les principaux produits exportés par ces entreprisessont l’acide phosphorique (31,4 %), les composants électroniques(29,0 %), les engrais naturels et chimiques (19,7 %) et les produitsalimentaires (8,2 %).

d. La rationalisation des procédures

Les innovations ont concerné en particulier les opérations de paiement(paiement des recettes par carte bancaire ou virement électronique), lesystème des déclarations en douane et le recouvrement des créancespubliques. Nous nous limitons à mentionner deux groupes de dispositionsessentielles : la mise en conformité aux règles de l’OMC de la déterminationde la valeur en douane (voir plus haut), la simplification des procédureset la dématérialisation des opérations de paiement.(i) La simplification des procédures se matérialise par la réduction du

nombre de documents exigibles et l’assistance aux opérateurs moyennant,notamment, le renforcement de l’information. Elle vise la réduction descoûts supportés par l’entreprise, d’une part, et la simplification desprocédures pour les particuliers, d’autre part. Citons, à titre d’exemple :– l’adoption de la déclaration globale, support déclaratif unique qui

dispense de recourir à la souscription de plusieurs déclarations cautionnéesd’importation ;– l’extension de la DUM (déclaration unique de marchandises) combinée

aux mises à la consommation directe et aux produits pétroliers. Cettedéclaration permet de couvrir, sur la base d’un même formulaire, le régimedu transit couplé avec le régime définitif assigné à la marchandise (AT,export...) ;– l’institution de la déclaration de transit allégée ;– la mise en place, dans un cadre conventionnel, de la déclaration

simplifiée qui répond aux besoins de certains secteurs d’activité spécifiques.(ii) La dématérialisation est un vaste objectif visant la concrétisation à

moyen terme du dédouanement électronique qui consiste à mettre en réseautous les intervenants au niveau du circuit de dédouanement moyennantune plateforme d’échange de données informatisée. Il comprend,notamment, le paiement par carte bancaire et électronique, la mise en œuvred’une procédure de transfert au Trésor des écritures comptables par procédé

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Réforme des douanes et bonne gouvernance

électronique, l’instauration d’une procédure de dédouanement simplifiéepermettant l’édition de la mainlevée (autorisation d’enlèvement de lamarchandise) à domicile juste après l’enregistrement de la déclaration etavant son dépôt physique, l’affichage chez l’opérateur des créances échueset dues pour lui permettre de connaître, à partir de son poste, la situationdes créances en instance de recouvrement et de localiser le bureau originedu blocage pour non-paiement à l’échéance en matière de créditd’enlèvement national, et à terme la dématérialisation totale du processusd’enlèvement des marchandises à l’importation. Il s’agit d’arriver àl’automatisation de toutes les étapes du processus de dédouanement desmarchandises.

3.4. Le système d’information

Faisant des nouvelles technologies le support principal de l’améliorationde son efficience opérationnelle, l’ADII a lancé trois projets d’envergure,BADR, RIAD et ADIL, ainsi qu’un ensemble d’autres applications demoindre importance. Le projet BADR a comme ambition de substituer le système SADOC,

toujours en vigueur et en perfectionnement. Il vise le développement d’unlogiciel mieux intégré reprenant l’ensemble des activités douanières. Il prenden charge l’ensemble des activités de déclarations, dédouanements et contrôlespour tous les points d’accès au Maroc et devra permettre la dématérialisationgraduelle de l’ensemble des déclarations douanières. Il a été décidé de lemettre en place de façon progressive afin de limiter les risques liés à sacomplexité.Le projet RIAD concerne l’automatisation et la gestion intégrée des

ressources humaines, matérielles et financières : gestion prévisionnelle desressources humaines, gestion des stocks, des achats et des marchés et toutela gestion budgétaire. Il comprendra, en outre, des fonctionnalités de self-service dans l’extraction des données ainsi qu’une fonction décisionnelle.Il devrait être opérationnel fin 2003.Le projet ADIL vise la mise en place d’une base de données tarifaires

intégrée. Cet un instrument qui consolide en un seul et même support toutesles dispositions fiscales et réglementaires nécessaires à l’information desopérateurs du commerce extérieur et au traitement de la déclarationd’importation des marchandises. Hormis les opérations d’importation, cetoutil fournit l’essentiel des données requises à l’exportation. Au cours del’année 2003, ce chantier a abordé un second volet par la mise en place dutarif intégré économique qui a consisté en l’intégration, pour chaque positiontarifaire, d’une ligne d’informations permettant à l’opérateur de cerner lerégime fiscal et réglementaire applicable aux marchandises qu’il envisaged’importer, les avantages tarifaires accordés dans le cadre d’accords etconventions (zone de libre-échange, accords bilatéraux, etc.) ainsi quel’ensemble des informations économiques et commerciales. Cet outil donne

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Saâd Belghazi

également la possibilité de disposer du devis estimatif des droits et taxesavant engagement de la déclaration. L’investissement dans ce projet a donnénaissance à une base de données accessible sur internet.Le système SANA d’analyse automatisée, récemment lancé, constitue

le premier support informatique de gestion du domaine contentieux. Il aconnu, dans une première phase, le développement d’un modulepermettant le suivi en temps réel du déroulement des affaires contentieuses.Ce système, qui sera enrichi d’autres modules, compte à cette date plus de2 500 affaires. Il a été déployé au niveau de l’ensemble des ordonnancementscâblés.Le système SAAD d’aide à la décision est un instrument permettant

l’analyse des données statistiques internes dans une perspective stratégique(Datawarehouse). Son module « commerce extérieur » prend en charge toutesles informations relatives aux opérations commerciales d’importation etd’exportation. Le module « recettes » fournit les moyens de suivre finementl’évolution des différentes recettes douanières. Associés à une applicationgérant le contentieux réalisé, ces sources d’information vont permettre deprocéder à toutes les analyses, projections et modélisations possibles. Lemodule « dataselect » est une application décisionnelle en opération sur lesystème SAAD. qui permet aux utilisateurs autorisés d’assurer le suivi etl’exploitation des données sur la sélectivité ainsi que d’avoir une vision globalesur l’activité générale des bureaux douaniers et des différents opérateurs.Il dispose en outre des indicateurs nécessaires au suivi et à l’améliorationdes modules de sélectivité automatique à l’importation (SAVIM) et àl’exportation (SAVEX).D’autres bases de données à portée opérationnelle sont mises en place

par l’ADII et, dans certains cas, installées au sein des services utilisateursextérieurs et à la bibliothèque (fichier des opérateurs sur la base des donnéesdu commerce extérieur et de l’Office des changes ; base de données desaccords et conventions. Cette base est accessible à travers internet ; statistiquesdu commerce extérieur ; recettes douanières ; impôts indirects ; mise à laconsommation des véhicules ; affaires contentieuses ; affaires decontrebande ; mouvements des MRE au cours de la campagne estivale).

4. Evaluation de la réforme des douanes

La mise en œuvre de la réforme a été effectuée de manière concertéeen interne, au sein du personnel, et en externe en relation avec les opérateurset les partenaires de la douane. La réforme mise en œuvre n’est pas la réformepréparée en concertation avec le bureau d’étude et les bureaux d’étudesconsultés. Un trait caractéristique de la réforme engagée est la bifurcationvers la mise en exergue de l’objectif de facilitation des transactions assignéà l’ADII. L’adjonction de cet objectif définit l’esprit et les priorités du conceptde réforme effectivement mis en œuvre. Si on ne peut affirmer qu’il intervienten quelque sorte en porte-à-faux avec celui de développement des capacités

94 Critique économique n° 13 • Eté 2004

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Réforme des douanes et bonne gouvernance

opérationnelles de terrain, on ne peut négliger de constater que ce dernierobjectif a été placé en deuxième position. La réforme mise en place n’estdonc pas la réforme conçue par le plan d’action. Mais il convient des’interroger sur la pertinence de ce choix qui consiste à réorganiser lerenforcement de l’ADII selon une ligne stratégique qui opte pour unrenforcement interne préalable de l’ADII, atout nécessaire pour accumulerles moyens en vue d’affronter l’objectif opérationnel, et combienredoutable, d’un meilleur contrôle territorial de la circulation des hommeset des marchandises.

4.1. Evaluation des performances de la réforme de l’ADII

On s’attachera dans ce paragraphe à évaluer le succès de la réforme enregard de ses objectifs et à dégager les facteurs-clés de ce succès.

a. Les objectifs

Bien que non explicités de façon formelle, la réforme s’est donnée unensemble d’objectifs que nous classons en quatre groupes : la facilitationdu commerce extérieur, la mobilisation des recettes, la promotion de l’imagede marque de la douane et la motivation du personnel.Les deux premiers groupes d’objectifs sont énoncés explicitement dans

les missions de l’ADII. Les deux groupes suivants, la promotion de l’imagede marque de la douane et la motivation du personnel, véhiculent lesinnovations. Ils correspondent à une nouvelle vision organisationnelle quiattribue à la communication, interne et externe, et à la gestion des ressourceshumaines un rôle moteur dans le fonctionnement de l’administration. C’estcette vision qui est, à notre avis, à l’origine du succès.La présentation que nous ferons des objectifs fera ressortir leur logique

ainsi que les indicateurs de suivi permettant de mesurer les résultats obtenuset les efforts à fournir.

(i) La facilitation du commerce

Le premier groupe d’objectifs retenu concerne la facilitation ducommerce, les indicateurs d’objectifs et de suivi concernent d’abord les délaisde réalisation des opérations. « Si en 1996 il fallait dix jours pour dédouanerdes marchandises, à la mi-2003 le passage en douane se faisait en moinsd’une heure. » La réduction des délais a été assortie de la rénovation desprocédures de contrôle, notamment l’introduction d’une approchestatistique dans le contrôle, de contrôles post-dédouanement et de la créationde magasins et d’aires de dédouanement pour faciliter les déclarations endehors des ports sujets à congestion. Le taux des inspections est passé d’unniveau voisin de 100 % à un taux proche de 10 %, avec un objectif affichéde ramener ce taux à 5 %. La progression des déclarations en magasins etaires de dédouanement est suivie dans les différents sites.

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Saâd Belghazi

(ii) La mobilisation des recettes douanières

Le deuxième groupe concerne la mobilisation des recettes douanières.Ces objectifs impliquent l’exercice d’un contrôle et de punitions de natureà dissuader les fraudeurs et les contrebandiers. Les indicateurs de suivi sont,évidemment, les pourcentages de recettes par rapport aux montants desopérations d’importations. Cependant, cet objectif se heurte à deux typesde difficultés. Il s’agit de ne pas heurter les opérateurs avec des contrôlestrop tatillons et des redressements trop sévères, tout en veillant à contrecarrerl’évasion fiscale. Cela passe par une couverture du terrain de façon à identifierl’assiette fiscale et à en assurer une meilleure maîtrise. La mise en placed’indicateurs pertinents de l’efficacité suppose l’établissement dedénominateurs (relatifs à l’assiette fiscale) indépendants des déclarationsen douane, puisque les montants collectés sont déterminés par les montantsdéclarés. Le succès de la réforme peut être appréhendé, à ce niveau, à traversla stabilité remarquable des recettes, dans un contexte qui devaitnormalement accélérer leur baisse.

(iii) L’amélioration de l’image de marque de la douane

Le passage d’un système orienté par l’idée de contrôle a priori à un systèmefondée sur la confiance a priori et le contrôle a posteriori est la voie pouréconomiser des ressources sur le contrôle physique et les réallouer à destravaux plus qualifiés. Une telle démarche suppose l’établissement de rapportsde coopération entre les douaniers et les opérateurs du commerce extérieurbasés sur l’information et l’implication de ces derniers. Les indicateurs desuivi de ces capacités de coopération, qui constituent un véritable capitalsocial au bénéfice des opérateurs, sont les enquêtes d’opinion, laproduction de rapport et d’indicateurs de suivi et la capacité de renseignerde manière personnalisée n’importe quel client en instantané, sinon dansles plus brefs délais.

(iv) La motivation du personnel douanier

L’acquisition par le personnel des douanes d’un nouvel état d’esprit orientésur le service est la clé du succès. Il est évident que cet état d’esprit ne peutnaître que si le profil du personnel sollicité est adapté aux tâches qui luisont confiées, si les conditions de travail sont repensées et font appel à sacréativité, si cette créativité est sollicitée et soutenue par un effort deformation et si la motivation matérielle accordée est proportionnelle à sesefforts. Ces conditions de succès du point de vue du personnel sont suiviespar un bilan social et des opérations quantifiables : recrutement et plansde carrière, effort de formation, participation aux innovations etrémunérations et primes. La difficulté à motiver le personnel est d’autantplus difficile qu’il s’agit de faire perdre des habitudes acquises dans un systèmed’administration lourde, où le personnel était amené à solliciter directementle client pour obtenir une rémunération.

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Réforme des douanes et bonne gouvernance

b. Les clés du succès de la réforme

Pour Steenlandt et de Wulf, « l’orientation vers le service au client,l’adhésion des personnels et l’utilisation judicieuse des technologies modernesde l’information sont les thèmes directeurs des réformes, également à l’originede leur succès ». Nous expliquerons le succès de la réforme dans la mêmelogique. Cependant, notre présentation des facteurs de succès sera différente.Nous montrerons que la réussite de la réforme tient au fait que l’ADII arepensé son organisation comme un système de gestion de l’informationet de communication interne et externe. Chaque dimension de l’organisationsupporte l’autre (13).

(i) La gestion de l’information

La gestion interne de l’information par le biais de méthodes de collecte,de stockage, de traitement et de transmission des informations permet d’agirefficacement pour servir les clients de l’ADII. Sur le plan interne, la premièreclé du succès a été de comprendre que le système douanier est uneorganisation dont la fonction essentielle est d’être un processeurd’information. Cette information concerne les flux de marchandises, lesquantités, les valeurs, les caractéristiques techniques, les caractéristiqueséconomiques (la motivation des déplacements, la nature du propriétaire,la participation à l’effort fiscal). La gestion de l’information se prête à lamécanisation. Elle nécessite, cependant, de disposer d’un staff techniqueaguerri capable de faire face aux pannes et aux imprévus et d’un staffopérationnel acceptant les changements organisationnels nécessités par lamise en œuvre des nouvelles technologies de l’information et de lacommunication.

(ii) La communication externe

L’amélioration de l’image de marque de l’ADII et l’établissement derapports de confiance avec ses différents partenaires permet de développerdes relations de coopération qui, d’une part, sont sources d’économiesinternes au niveau des différentes opérations (contrôle, mobilisation desrecettes, suivi personnalisé de la clientèle, échanges de données et de servicesavec les différentes entités administratives partenaires…), d’autre part, luiassurent la disponibilité des ressources nécessaires au renforcement de sescapacités organisationnelles (négociation des budgets de fonctionnementet d’investissement). Cette démarche suppose que l’organisation comprennequ’elle assume des missions au service de son environnement économiqueet qu’elle doit s’adapter pour répondre aux besoins de son environnement.Si le travail administratif s’appuie sur des routines et des procédures définiespar la hiérarchie, il demeure un travail effectué au bénéfice d’unpartenaire qu’il convient de conduire de manière attentive et créative, mêmesi le respect des procédures et instructions reste dans une grande organisationune indispensable barrière contre les dérives possibles.

(13) Le préambule dubilan 2002 de l’action del’ADII confirme leprincipe d’une lecturesystémique de la réformede l’ADII : « L’évolutionde l’environnementnational confère àl’Administration desdouanes marocaines unrôle économique de plusen plus important. Celle-ci est aujourd’hui appelée,plus que par le passé, àœuvrer pour la fluiditédes échanges extérieurspour drainer lesinvestissements étrangers,dynamiser les activitésliées à l’exportation etassurer un rôle departenaire en aidantl’entreprise à renforcer sacompétitivité. Cettedynamique ne pouvait seproduire et s’entretenir enl’absence d’élémentsstimulateurs, d’oùl’impératif de préparerl’infrastructure demodernisation quiconstituera lesoubassement de tous leschantiers investis. Denouvelles méthodes detravail devaient donc êtreadoptées pour permettreau personnel douanier deconduire ce processus demodernisation. Cetobjectif ne pouvait êtreatteint qu’à travers uneorganisation saine et unepolitique de gestionefficiente. »

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Saâd Belghazi

(iii) Communication interne : la décentralisation et la gestion du personnel

La gestion rationnelle et active de son personnel non seulement permetde le motiver, mais aussi permet de renforcer ses compétences et son aptitudeà accepter le changement des procédures et à participer à la mise en placede nouvelles routines de travail. L’acceptation de la mobilité de poste à poste,voire d’une région à l’autre, ainsi que l’engagement dans un effort deformation continue constituent des dispositions d’esprit indispensables àla délégation des tâches. Cette dernière est la condition de la déconcentrationet de la décentralisation. La déconcentration des ressources et ladécentralisation des décisions ne donnent leur pleine efficacité que lorsqueles collectifs locaux présentent les capacités de d’assumer l’enrichissementdes tâches qui leur est demandé, et si les outils de coordination sontsuffisamment efficaces pour que l’organisation puisse tirer parti de sa tailleen termes d’économies d’échelle. La gestion du personnel est un desprocesseurs de l’efficacité technique des opérations : sa motivation, samobilité et sa formation continue nécessitent non seulement un dispositifcomplet de bilan social, mais un système de gestion des ressources humainesorganisant la proximité aux différents moments de la carrière : recrutement,mutation de poste à poste, promotion, départ en retraite. La visibilité dela carrière et la confiance dans l’organisation doivent être l’instrument dela motivation du personnel. La communication interne est la troisième clédu succès.La réforme de la douane a permis de consolider la cohésion et la capacité

d’action du corps des douanes. Les capacités stratégiques ont étérenforcées. Les ressources humaines pour l’analyse et la conception des outilsopérationnels pour remplir les missions imparties à l’ADII sont mobiliséesde manière conséquente et autorisent des performances dans l’exercice desfonctions que n’atteignent que rarement les autres administrations. Cettecapacité de mobilisation des ressources humaines et matérielles n’est passans lien avec l’amélioration de l’image de marque de l’ADII, un pouvoird’attractivité sur le marché du travail renforcé et un pouvoir de négociationrehaussé en tant qu’administration publique. Les processus decommunication externe et interne ainsi que le système de motivation etde mobilité du personnel assurent une grande capacité d’adaptation àl’ensemble des services. Ce succès est consolidé par le renforcement etl’enrichissement des fonctions de l’audit et du contrôle interne qui réduisentle risque de déviation du comportement des agents. Tous ces succès confirment que du point de vue de la mise en place de

l’outil administratif, la réforme engagée à la fin des années 90 a été un pleinsuccès. Toutefois, des défaillances sont toujours patentes et suscitent desquestions par rapport à la couverture du territoire et au contrôle de la fraudeet de la contrebande.

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Réforme des douanes et bonne gouvernance

Critique économique n° 13 • Eté 2004 99

4.2. Evaluation de l’efficacité externe de la réforme

La réforme de la douane a-t-elle les moyens de limiter la contrebande ?A-t-elle mis suffisamment d’instruments entre les mains des douaniers pourempêcher la sous-facturation ? La sélectivité mise en œuvre ne laisse-t-ellepas un coefficient de pénétration frauduleuse excessif ?Par ailleurs, les accords commerciaux et l’ouverture commerciale ont

eu pour effet de réduire le montant des recettes en droits de douane, maisils accusent le rôle de collecteur fiscal assuré par la douane. Or, il convient d’observer que les incitations à la triche sont très fortes,

compte tenu de la structure de la fiscalité, du poids du commerce de détaillocalisé et ambulant. La TVA, dont le taux est de 20 %, est plus élevée que la plupart des

tarifs douaniers. Son évasion est de nature à déstabiliser le commerce local.Les marges commerciales dépassent rarement 15 % de la valeur des produitsde consommation. La fraude sur la TVA peut conduire à l’élimination descommerçants réguliers.Ce risque est appelé à s’aggraver. Les incitations à la fraude sur la TVA

seront d’autant plus élevées que les tarifs douaniers effectifs iront en baissant.Des questions sont posées quasi quotidiennement par les industriels

locaux. Les entreprises du tabac et de l’alimentation, de fabrication d'articlesménagers (ustensiles de cuisine), de quincaillerie, de céramique, du secteurde la chimie, de la parachimie, de l'appareillage électrique et du plastiquese plaignent des importations de produits de pays dits à bas coûts et de lafraude à la valeur en douane. Depuis quelque temps, les associations professionnelles représentant les

industriels accusent ouvertement les sociétés de négoce qui fleurissent àCasablanca et s'étonnent de l'« inaction des autorités ». Elles ont engagéun important travail de sensibilisation des pouvoirs publics sur ce que certainschefs d'entreprise qualifient de « mort programmée de l'industrie detransformation » et attendent une mobilisation et un engagement dugouvernement sur le sujet.

Le développement de la contrebande et de la fraude risque de ruiner lesrésultats de l’effort de réforme de la douane. Si la taxation n’est pas appliquéeà une part croissante des produits entrant sur le marché national, si lesproducteurs fiscaux, c'est-à-dire ceux qui agissent dans le respect de la loi,sont éliminés progressivement du marché, si les marchandises qui entrentsur le territoire national ne sont soumises à aucun contrôle qualité, les missionsde la douane retenues par la réforme – la facilitation du commerce, lamobilisation des recettes fiscales, la protection du consommateur et l’équitéfiscale – ne seront en rien respectées. Le laisser-faire ne peut être considérécomme un succès. La demande pour une intervention vigoureuse de la douanese fait pressante. Il s’agit, non pas d’un retour vers un contrôle tatillon, maisde la mise en place de procédures et de méthodes nouvelles pour lutter contrela fraude.

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Saâd Belghazi

(14) L’Economiste,17 avril 2002.

(15) « L'industrie detransformation au bordde l'abîme », l’Economiste,23 janvier 2004.

(16) « Dans la coutellerie,un rescapé nomméLamacom », l’Economiste,23 janvier 2004.

(17) « Enquête Parfums :l'économie griseflorissante », l’Economiste,22 janvier 2004.

100 Critique économique n° 13 • Eté 2004

Des entreprises se plaignentde la contrebande

Les riziculteurs

La concurrence des produits de contrebande menace sérieusement lariziculture dans la région du Gharb. C'est ce qu'a annoncé M'lah Ben MchicheEl Alami, président de l'Association de développement économique et socialde Kénitra et région et président du Syndicat unifié des riziculteurs du Gharb(SURG). C'était lors de l'inauguration de la 1re foire agricole du Gharb enprésence du ministre de l'Agriculture, Ismaïl Alaoui. M'lah Ben Mchiche aindiqué qu'à cause de la contrebande les professionnels ont été contraintsd'abandonner un projet de mise en valeur de 35 000 ha, de réduire de 50 %la superficie habituelle qui était de 10 000 ha dans les années 60 et menacentd'abandonner la riziculture (14).

La Fédération des industries métalliques, métallurgiques et électriques

Mercredi 21 janvier 2004, un groupe d'industriels et l'Associationmarocaine des exportateurs (Asmex) ont présenté leurs requêtes auDirecteur général de la Douane contre la triche sur la valeur en douane desmarchandises. « Que le Bangladesh, la Chine ou le Pakistan aient des coûtssalariaux inférieurs aux nôtres, cela ne fait aucun doute. Mais pour autant,il est impossible que des articles ménagers ou de quincaillerie soient vendusà Casablanca en dessous du prix de la matière première sur le marchéinternational, constate Abdallah Mounir, président de la FIMME (Fédérationdes industries métalliques, métallurgiques, mécaniques, électriques etélectroniques) (15). »

Un fabricant de coutellerie

« Entre 1998 et 2002, les importations provenant de Chine et Hong Kongont quadruplé, observe Khalid Sekkat, responsable de Lamacom. A l'analyse,il ressort que le prix moyen par kilo des couteaux est passé de 29 à12,50 dirhams, hors droits de douane et taxes. Ce niveau de prix ne représentemême pas le coût des intrants nécessaires à la fabrication de ces articles.Ramené au coût de revient moyen de la société, le kilo vaut 37 dirhams. Pasquestion, bien entendu, de revenir sur le choix d'ouverture du Maroc, maisil faut que les règles du jeu soient les mêmes pour tous. Pourquoi ne pasappliquer enfin les normes (16) ? »

Parfumerie

La France, patrie des grands parfumeurs, est d'ailleurs le principalfournisseur officiel du Royaume. Officiel, insistent tous les interlocuteurs quisoutiennent que la contrebande a la part belle sur le marché. Près du tiersdes produits en eaux de toilette et parfums serait issu des marchés parallèles,confirme la Mission économique française dans son étude sur les parfums,réalisée en août 2002. Le marché noir serait responsable de près de 40 %du manque à gagner en chiffre d'affaires, avance un importateur (17).

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Réforme des douanes et bonne gouvernance

(18) « Coup de sonde despatrons : 2004, l'annéede la reprise ? »,l’Economiste, 20 janvier2004.

(19) « La céramiquemarocaine menacée »,l’Economiste, 15 janvier2004.

(20) L’Economiste, 17 mai2002.

(21) L’Economiste,13 décembre 2002.

Critique économique n° 13 • Eté 2004 101

Confiserie

Le créneau de la confiserie-chocolaterie est porteur, mais la contrebandeet le dumping grèvent l'envolée du secteur. La concurrence “loyale”,majoritairement marocaine, se développe elle aussi. Selon Amine Berrada,DG d'Aiguebelle : « Si on arrivait à limiter le secteur informel, les opérateursauraient plus de visibilité. Actuellement, c'est un secteur qui pèse 1 milliardde dirhams. Il pourrait en peser beaucoup plus. C'est un secteur quibouillonne. » Le cheval de bataille pour ce secteur sera donc la lutte contrele dumping et la contrebande (18).

La céramique

La concurrence des produits made in China figure en tête de liste despréoccupations des opérateurs marocains qui dressent un même constat :les produits en provenance de ce pays ont envahi les marchés marocainsavec des prix dérisoires (19).

La Régie des tabacs

L'incinération des cigarettes de contrebande a lieu tous les mois. Ellereprésente 1 % de ce qui circule dans le marché noir. Les cigarettes decontrebande viennent principalement du Nord, mais également du Sud,notamment de Laâyoune, des îles Canaries et de la Mauritanie. Elles sontfabriquées en Espagne, en Asie, et dans des pays de l'Europe de l'Est dansdes ateliers clandestins. La contrebande cause à la Régie des tabacs unpréjudice estimé à plus d’un million de dollars par an (20).

Plasturgie

Une étude financée par la GTZ sur le potentiel du secteur signale queles entreprises restent méfiantes quant à une ouverture sur l'étranger et auxpartenariats de toutes sortes, plus par manque d'informations à ce niveau.Ces entreprises affirment être plus menacées par la concurrence des marchésinformels et la contrebande que par celle de leurs confrères (21).

Ces constats nous amènent à affirmer que la réforme de la douane nesaurait être un résultat, mais la mise en place de processus face à un marchédualiste, où le secteur formel est concurrencé par un secteur informelimportant et dynamique.La conclusion la plus importante est que la problématique de la réforme

ne saurait être isolée du processus d’ensemble de mise à niveau de l’économie. Cette situation appelle une restructuration en profondeur du

comportement des agents économiques vis-à-vis de la fiscalité. Il fautsouligner que la mise en œuvre de la réforme fiscale engagée avec la miseen place de la TVA, en 1986, et de l’Impôt général sur le revenu (IGR) en1992, n’est toujours pas achevée. Le domaine de définition de l’assiette fiscaleest toujours restreint par des exceptions. D’un côté, la production agricoleet le commerce de détail sont défiscalisés ; de l’autre, l’instauration de l’IGR

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n’a pas été suivie de l’extension du système des déclarations fiscales surlesquelles reposent le principe d’une fiscalité directe portant sur une assietteconstituée par l’ensemble des revenus des personnes physiques. Le dispositifde contrôle des déclarations de revenus suppose en outre un système intégréde suivi des revenus salariaux et des revenus de la propriété. Ce systèmen’a pas été mis en place.C’est cette situation qui rend difficile la fonction de contrôle de

l’Administration douanière. Ce n’est pas dans les bâtiments de l’ADII quese pose le problème, mais dans les incitations données aux agentséconomiques par le système fiscal, les habitudes commerciales et lespossibilités de blanchiment de l’argent de la drogue. Le statut des villes du nord du Maroc, Sebta et Melilla, occupées par

l’Espagne, rend difficile le contrôle du trafic frontalier. Une importantepopulation dans ces régions vit de la production de la drogue et du commercede contrebande.

5. Remarques finales

Nous effectuerons en conclusion deux groupes de remarques : dans lepremier, nous résumerons les observations relatives à la genèse, à la conduitede la réforme des douanes et aux conditions de sa durabilité ; dans le second,nous situerons la réforme de l’ADII par rapport au processus d’ensemblede réforme de l’Etat marocain.

5.1. Genèse, facteurs de succès et perspectives de la réforme desdouanes

L'initiation de la réforme a été induite sous la contrainte desévénements. Elle a été menée de manière pragmatique, non pas en fonctiond'une doctrine et d'un plan formalisé, mais à partir d'une démarche fondéesur la prise de conscience que les problèmes vécus par l'ADII étaient plusreliés à un mode de fonctionnement dont les travers principaux étaient :– l'inadaptation du cadre juridique qui astreignait le fonctionnement

de l'ADII dans le cadre d'une réglementation en porte-à-faux avec le cadrejuridique, trop rigide et astreignant ;– une approche managériale qui n'accordait pas suffisamment de place

à l'écoute et ne donnait de visibilité ni aux cadres de l'ADII ni aux opérateurset astreignait la douane à l'exécution mécanique d'instructions dictées parle ministère des Finances ;– un système de contrôle non fondé sur une démarche étudiée de

sélectivité qui induisait une gêne pour les opérateurs et un travail fastidieuxpour les contrôleurs ;– une approche de communication qui ne tenait pas compte de la

nécessité d'une collaboration avec les partenaires économiques commefondement de l'efficacité de l'action de contrôle ;

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Réforme des douanes et bonne gouvernance

– un système d'échange de données informatisé naissant demandant unaffinement et peu approprié pour un « datawarehousing » indispensablepour informatiser la démarche de sélectivité ;– une gestion du personnel qui demandait à être revue (statut du

personnel à renouveler notamment pour autoriser un système de primesconvenable pour les agents des échelles 2 à 7 ; système de mobilité àréorganiser et besoin d'activation de la formation continue). Le facteur personnel, notamment la nomination d'un DG, porteur de

valeur managériales a favorisé la montée au créneau de l'encadrement del'ADII pour la conception de la réforme. Si l'expérience malheureuse decertains directeurs généraux de l’ADII a probablement contribué à la prisede conscience de la nécessité d'une réforme en profondeur, encore fallait-il un « style managérial » qui puisse laisser ce projet s'exprimer pour endessiner les traits, relever les suggestions, mettre en forme les mesuresproposer, élaborer des programmes qui obéissent à une cohérenced'ensemble. Quels ont été les facteurs-clés du succès de la réforme ?L'idée principale que nous retenons est que le coeur de la réforme est

l'amélioration de l'interaction avec les opérateurs, faciliter l'investissement,assurer l'équité fiscale, protéger le consommateur et assurer le recouvrementfiscal. Le premier facteur de l'efficacité de l'interaction administration opérateur

semble être la responsabilisation des opérateurs au côté de l'administrationdes douanes. Ce principe n'a pas été posé comme une initiative del'administration. Il est le résultat d'un travail d'échange interne et d'échangesavec tous les opérateurs et a été engagé en 1996 pour aboutir en 2000 àun nouveau cadre juridique. L'effet de la démarche participative est qu'ellerend possible la sélectivité et fonde la mise en place d'un dispositif d'économiedes opérations de contrôle.Le deuxième facteur de cette efficacité est la mise en place d'outils

opérationnels susceptibles de réduire le temps d'attente des marchandises,tout en accélérant la réalisation des opérations indispensables au transit desmarchandises : déclaration permettant l'identification des produits et leclassement des information sur les marchandises et leur valeur, le calculdes taxes, le déclenchement de la décision de contrôle, l'établissementd'amendes éventuelles... Ces outils concernent premièrement l'identificationmaîtrisée des lieux de dédouanement (lieux de transit portuaire ouaéroportuaires, magasins et aires de dédouanement spécialisées, site mêmedes établissements de production et de déchargement des marchandises).La deuxième catégorie d'outils concerne le dispositif de suivi informatique,qui devient outre un outil de détermination de la taxation, un support pourle contrôle et surtout la sélectivité du contrôle.Le troisième facteur clé est la communication interne et externe. La

communication a pour fonction d'induire des comportement coopératifs

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des opérateurs et des agents : légitimer les missions et les procédures detravail adoptées par l'ADII et susciter une adhésion aux règles et procéduresdouanières. Pour cette raison, à l'instar de l'informatique et des aires dedédouanement, la communication est un instrument de l'efficacité del'interaction ADII-opérateurs. Mais, elle a une portée beaucoup plusprofonde en matière de gouvernance puisqu'elle génère une incitation à lasincérité et au respect des règles.Le quatrième facteur-clé de succès aura été la programmation des

initiatives visant la mise en place de nouvelles procédures de travail, la refontedes textes et du statut du personnel. Il me semble important ici de soulignerle tempo des actions.Faut-il considérer la gestion du personnel comme un cinquième facteur-

clé de succès ? L'inspection et le contrôle contribuent-ils au côté des primesà la promotion de l'idée de l'intégrité morale dans la maison ? On peut finalement poser la question de savoir si le moment est arrivé

de sortir la réforme de sa démarche pragmatique initiale et de l'asseoir enrapport à des objectifs de long terme que dessinent les accords de libre-échange du Maroc avec l'UE, les pays arabes et les Etats-Unis (baissestructurelle des recettes douanières et montée en puissance du rôle decollecteur de la TVA de l'ADII). Il s’agit, dans ce sens, de mettre en placedes outils de suivi et d'évaluation de la réalisation des objectifs de la missionde l'ADII :– promotion de l'investissement par une réflexion sur les orientations

à donner au système des prix relatifs et suggestion de propositions pourinduire un dispositif encourageant l'investissement d'intégration économiqueet non la simple valorisation des marchandises entrées dans le cadre derégimes en douane ;– promotion de l'équité fiscale, notamment par le biais d'une taxation

des producteurs locaux et des producteurs étrangers sur des basescomparables ;– estimation fine des quantités de produits entrés en fraude (sous

déclaration de la valeur, dumping, etc.) ou en contrebande sur le territoirenational, impliquant un appareillage statistique approprié utilisant desrecoupements de la consommation et des emplois avec les ressources ;– identification des utilisations portant atteinte à la santé ou à l'intégrité

morale des consommateurs.Il est évident que de tels objectifs pris au sens large ne concernent que

partiellement l'ADII qui est avant tout et essentiellement une administrationd'exécution, dont le champ d'action est limité au suivi des flux demarchandises transitant par les frontières. Mais dans la réalité, de par sesfonctions, l'ADII est aussi un observatoire de l'économie nationale qui devraitassumer cette tâche sous la forme d'analyse et de propositions en regarddes missions qui lui sont imparties. Cela reste cohérent avec le principed'un partage des tâches entre l'administration (l'ADII est en l'occurrence

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Réforme des douanes et bonne gouvernance

une agence) et les politiques (hommes et femmes politiques) qui restenten dernière instance responsables des mesures à mettre en œuvre.

5.2. Place de la réforme de l’ADII dans la réforme de l’Etat

La réforme de l’ADII s’inscrit dans le processus d’ensemble de « miseà niveau » de l’Etat marocain. L’expression « mise à niveau » désigne unensemble d’actions visant à adapter les institutions économiques nationalespubliques et privées aux contraintes imposées par les évolutions de lacompétition économique internationale et par l’ouverture du marchénational, dans le cadre de l’application des accords de libre-échange et desrègles de l’OMC.Alors que la décennie 90 a été caractérisée au Maroc par la mise en œuvre

des réformes initiées par le programme d’ajustement structurel – qui onttouché, en particulier, la politique du commerce extérieur, les financespubliques, le système financier, les entreprises publiques et la privatisation –le début du millénaire a été marqué par l’émergence de la thématique dela bonne gouvernance. Ces évolutions ne sont certes pas spécifiques au Maroc. Le succès du

thème de la bonne gouvernance est étroitement lié au progrès des valeursdémocratiques et au renforcement de l’intégration des économies nationalesdans l’économie mondiale. L’amélioration de la gouvernance s’est imposéecomme un pilier des stratégies de développement. Elle fait l’objet d’initiativesprises dans la plupart des pays. Cependant, malgré le fait que les principes de la gouvernance démocratique sont partagés par la communautéinternationale, les systèmes de gouvernance nationaux résultent desituations spécifiques et sont évolutifs. Le gouvernement marocain a défini un programme national de bonne

gouvernance dès la fin des années 90. Ce programme reste en gestation. Ilest en lui-même un programme au sein des orientations adoptées par lespouvoirs publics. En fait, la question de la bonne gouvernance concerneplus le comment de la gestion des affaires publiques que sa substanceproprement dite. « Le PNG n’est pas la stratégie de développementproprement dite ». Elle se concrétise dans la structure des institutions etdans leurs mécanismes et procédures de fonctionnement comme la traductiondes principes de primauté du droit et d’équité, de transparence, deconcertation, de responsabilité, d’efficience, d’efficacité et d’évaluation. Lagouvernance démocratique apparaît ainsi comme une « culture » de la gestiondes institutions. Cette culture s’impose désormais comme une conditiondu développement dans une économie de concurrence internationale dontla compétitivité se mesure par l’attractivité exercée sur les investissementsextérieurs.Le plan d’action du gouvernement Jettou (22), organisé autour de

l’objectif de « mise à niveau », s’inscrit dans cette optique. Il s’agit, en cesens, de faire face aux échéances imposées par l’ouverture commerciale par

(22) Texte intégral duprojet du programme duGouvernement présentédevant la Chambre desreprésentants,le 2 novembre 2002.

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Saâd Belghazi

le renforcement et la modernisation de l'appareil national de production.Ce pari est relevé dans une approche participative. Il s’agit à la fois de souteniret de s’appuyer sur les partenaires économiques pour réaliser la croissancepermettant d’atteindre les objectifs sociaux (dynamiser le marché de l'emploi,réduire le chômage, améliorer le niveau de vie des citoyens et éradiquerprogressivement la pauvreté et la marginalisation). Sur les trois grands axes du plan d’action du gouvernement, le

renforcement et la modernisation des infrastructures de réseaux, la mise àniveau du tissu économique et la redéfinition du rôle de l’Etat, le dernierdésigne très étroitement des initiatives liées à l’amélioration de lagouvernance. Celles-ci visent la redéfinition du rôle de l'Etat, d’une part,par la limitation de son intervention économique aux fonctionsd'encadrement, d'organisation, d'orientation et de contrôle et, d’autre part,par la promotion de la décentralisation et déconcentration, c'est-à-dire ladélégation des pouvoirs et moyens aux services déconcentrés et cession decertaines activités à d'autres opérateurs.Le gouvernement entend poursuivre la privatisation et la libéralisation

de certains secteurs, la restructuration et le redressement des établissementspublics et des entreprises nationales. Concrètement, il s’agit de réduire lefardeau pour le Trésor public en reconsidérant leur rôle, moderniser leursmoyens d'intervention et rationaliser leurs dépenses.Cette action est engagée dans une approche de concertation et de

collaboration avec le secteur privé et les ONG, autour de cinq pôlesthématiques :– la modernisation de l’administration, dont il s’agit de renforcer

l’efficacité et l’intégrité ;– la mise à niveau de l’entreprise, sachant que si certaines s’auto-suffisent,

d’autres ont besoin d’appui pour se préparer à faire face à la concurrence ; – la mise à niveau du marché, notamment par la création des conditions

d’application de la loi sur la concurrence ;– le cadre macro-économique, sachant qu’une définition idoine des

variables de politique économique conditionne la compétitivité duMaroc ;– le développement des secteurs, sachant qu’il s’agit de dégager les

ressources pour leur croissance et de bien les répartir dans une approcheparticipative.Le concept de modernisation de l’administration vise à promouvoir la

responsabilité, la proximité et l’efficience. Dans ce sens, plusieurs pistesde réflexion ont été ouvertes : – la révision de l’organigramme de l’Etat ayant pour objet la définition

des missions des administrations ;– la valorisation des ressources humaines, avec la définition d’une démarche

formation et de plans de carrière appropriés, ainsi qu’un dispositif rénovéde rémunération du personnel de l’Etat (une loi-cadre est en préparation) ;

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Réforme des douanes et bonne gouvernance

– la décentralisation des décisions et la déconcentration des services ;– la révision de la loi générale sur l’administration avec pour enjeu le

renouvellement de l’éthique de la mission, c'est-à-dire une « nouvellegénération de droits et d’obligations », comportant le suivi et l’évaluationde la qualité des services offerts par l’administration ;– la réforme de la justice ;– la simplification des procédures administratives ;– l’informatisation des administrations.A plusieurs égards, la réforme de l’ADII a servi de précurseur à la

définition de cette politique. Il n’est sans doute pas superflu de signalerque le ministre délégué auprès du Premier ministre chargé des Affairesgénérales et de la Mise à niveau de l’économie a été le promoteur de la réformede l’ADII. Il en est resté le directeur général plus d’une année après sanomination en tant que ministre.

La principale remarque que le succès et les limites de la réforme des douanessuscitent par rapport au programme du gouvernement Jettou est que larésorption du dualisme de l’économie marocaine devrait être la priorité.L’attention et les ressources nécessaires doivent être accordées à la mise à niveaudu secteur des micro-entreprises. Il ne serait pas sans intérêt pour la réussitedes objectifs de mise à niveau que les orientations adoptées dans le Livre blancde la PME et dans le Livre blanc de l’artisanat et des métiers, sous l’égide duministère chargé des Affaires générales (dans le cadre du gouvernementYoussoufi), soient mises en œuvre. Ces orientations donnent, à notre sens,le chemin à suivre pour préparer les agents économiques à accepterl’achèvement de la réforme fiscale. Sans l’avancement de celle-ci, l’efficacitéexterne de l’ADII restera limitée, quelle que soit au demeurant la portée desméthodes de lutte contre la fraude et la contrebande.

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Saâd Belghazi

Administration des douanes et impôts indirects,Présentation de l'Administration des douaneset impôts indirects.

Administration des douanes et impôts indirects,Accord d'association Maroc – Communautéseuropéennes.

Administration des douanes et impôts indirects,Accord de libre-échange Maroc – Associationeuropéenne de libre-échange.

Administration des douanes et impôts indirects,Accords bilatéraux conclus entre le Maroc etses partenaires étrangers en matière detransport routier international.

Administration des douanes et impôts indirects,Accords tarifaires et de libre échange liant leMaroc à des pays arabes et africains et SGP.

Administration des douanes et impôts indirects,BADR (Base Automatisée des Douanes enRéseau).

Administration des douanes et impôts indirects,Bilan 2002.

Administration des douanes et impôts indirects,Contrôle des changes.

Administration des douanes et impôts indirects,Contrôle douanier et partenariat.

Administration des douanes et impôts indirects,Douane et promotion de l'investissement.

Administration des douanes et impôts indirects,e-Douane.

Administration des douanes et impôts indirects,Facilités de paiement accordées par l'Adminis-tration.

Administration des douanes et impôts indirects,Guide douanier des MRE.

Administration des douanes et impôts indirects,Informations pour les voyageurs en visite auMaroc. Circuit vert – Circuit rouge.

Administration des douanes et impôts indirects,la Douane en chiffres 2002.

Administration des douanes et impôts indirects,la Douane marocaine sur internet.

Administration des douanes et impôts indirects,la Valeur en douane des marchandisesimportées.

Administration des douanes et impôts indirects,l'Entrepôt industriel franc.

Administration des douanes et impôts indirects,les Cautions en douane.

Administration des douanes et impôts indirects,les Outils de communication de la douane.

Administration des douanes et impôts indirects,les Régimes économiques en douane.

Administration des douanes et impôts indirects,l'Offre marocaine en faveur des pays les moinsavancés d'Afrique (PMA).

Administration des douanes et impôts indirects,Magasins et aires de dédouanement.

Administration des douanes et impôts indirects,Régime applicable aux produits etmarchandises reçus à titre de dons par l’Etat,les collectivités locales, les établissementspublics et les fédérations de sport.

Administration des douanes et impôts indirects,Régime douanier applicable aux produits etmarchandises reçus à titre de dons par desassociations reconnues d'utilité publique et parcertaines œuvres de bienfaisance.

Administration des douanes et impôts indirects,Régime douanier applicable aux véhiculesautomobiles immatriculés à l'étranger.

Administration des douanes et impôts indirects,Système informatique de l'administrationdes douanes et impôts indirects.

Administration des douanes et impôts indirects,Réforme et modernisation d’un service public :exemple de l’Administration des douanes etimpôts indirects, août 2003.

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Références bibliographiques