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PATHOLOGIES NEUROMUSCULAIRES L’évolution des connaissances Coordonné par Philippe Petiot REVUE PLURIDISCIPLINAIRE EN NEUROLOGIE Avril 2012 • Volume 15 • n° 147 • 8 E DOSSIER (p.141) d www.neurologies.fr 1 Les données à connaître pour diagnostiquer une pathologie neuromusculaire - Philippe Petiot 2 Dysglobulinémie et neuropathies : comment faire le lien ? - Françoise Bouhour 3 Les myopathies distales : un groupe hétérogène d’affections génétiques - Hélène Gervais-Bernard 4 Les syndromes myasthéniques congénitaux : un diagnostic complexe - Perrine Devic RéFEXION Conseil génétique Comment répondre à vos patients qui vous demandent un profil génétique ? p. 136 Marie Met-Domestici DIAGNOSTIC Biomarqueurs de la maladie d’Alzheimer Le principe des tests sanguins basés sur l’analyse d’expression génétique et leur utilisation potentielle p. 169 Isabelle Saulnier, Florent Lachal et Thierry Dantoine LE POINT SUR… Les troubles du contrôle des impulsions Quels troubles ? Chez quels patients ? Comment les prendre en charge ? p. 173 David Maltête Jonction neuromusculaire morcelée d’une fibre musculaire humaine.

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Pathologies neuromusculairesL’évolution des connaissances

Coordonné par Philippe Petiot

revue Plur id isc iPl inaire en neurologie

avril 2012 • volume 15 • n° 147 • 8 E

dossier (p.141)

d www.neurologies.fr

1 Les données à connaître pour diagnostiquer une pathologie neuromusculaire - Philippe Petiot

2 Dysglobulinémie et neuropathies : comment faire le lien ? - Françoise Bouhour

3 Les myopathies distales : un groupe hétérogène d’affections génétiques - Hélène Gervais-Bernard

4 Les syndromes myasthéniques congénitaux : un diagnostic complexe - Perrine Devic

réfexion

Conseil génétiqueComment répondre à vos patients qui vous demandent un profil génétique ? p. 136

Marie Met-Domestici

diagnostic

Biomarqueurs de la maladie d’AlzheimerLe principe des tests sanguins basés sur l’analyse d’expression génétique et leur utilisation potentielle p. 169

Isabelle Saulnier, Florent Lachal et Thierry Dantoine

le Point sur…

Les troubles du contrôle des impulsionsQuels troubles ? Chez quels patients ?Comment les prendre en charge ? p. 173

David Maltête

Jonction neuromusculaire morcelée d’une fibre musculaire humaine.

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sommaireAvril 2012 • Vol. 15 • N° 147

Assemblés à cette publication : 2 bulletins d’abonnement (2 pages et 4 pages). Photo de couverture : Dr Perrine Devic, Laboratoire de biologie moléculaire de la cellule (UMR 5239 CNRS)

du Pr Laurent Schaeffer, Ecole Normale Supérieure de Lyon.

www.neurologies.fr

Directeur de la publication : Dr Antoine Lolivier • Chef du Service Rédaction : Odile Mathieu • Rédactrice : Violaine Colmet Daâge • Secrétaire de Rédaction : Annaïg Bévan • Chef de Fabrication et de Production : Gracia Bejjani • Assistante de Production : Cécile Jeannin • Chef de Studio : Lau-rent Flin • Chef de publicité : Emmanuelle Annasse • Service Abonnements : Claire Lesaint • Impression : Imprimerie de Compiègne 60205 Compiègne

RédacteuR en chef

Pr Franck Semah (Lille).

comité de Rédaction

Dr Alain Ameri (Meaux), Dr Stéphane Auvin (Paris), Dr Nadia Bahi-Buisson (Paris), Dr Yannick Béjot (Dijon), Dr Stéphanie Bombois (Lille), Dr Bénédicte Défontaines (Paris), Dr Romain Deschamps (Paris), Dr David Devos (Lille), Dr Michel Dib (Paris), Dr Valérie Domigo (Paris), Dr Olivier Gout (Paris), Dr Antoine Gueguen (Paris), Dr Gilles Huberfeld (Paris), Dr David Laplaud (Nantes), Dr Christine Lebrun-Frénay (Nice), Dr Christian Lucas (Lille), Dr Dominique Mazevet (Paris), Dr Christelle Monaca (Lille), Pr Yann Péréon (Nantes), Dr Sylvain Rheims (Lyon), Dr Catherine Thomas-Antérion (Saint-Etienne), Dr Tatiana Witjas (Marseille), Pr Mathieu Zuber (Paris).

comité de lectuRe

Pr David Adams (Le Kremlin-Bicêtre), Dr Caroline Arquizan (Montpellier), Dr Nadine Attal (Boulogne), Pr Jean-Philippe Azulay (Marseille), Pr Franck Baylé (Paris), Dr Catherine Belin (Bobigny), Dr Florent Borgel (Grenoble), Pr Emmanuel Broussolle (Lyon), Dr Gaëlle Bruneteau (Paris), Dr Catherine Chiron (Paris), Pr Christophe Cognard (Toulouse), Dr Bernard Croisile (Lyon), Pr Philippe Decq (Créteil), Dr Olivier Delalande (Paris), Pr Philippe Derambure (Lille), Dr Thierry Dubard (Reims), Pr Franck Durif (Clermont Ferrand), Dr Marie Girot (Lille), Dr Hassan Hosseini (Créteil), Dr Lucette Lacomblez (Paris), Dr Michel Lantéri-Minet (Nice), Dr Laurent Maurs (Tahiti), Dr Caroline Papeix (Paris), Pr Pascale Pradat-Diehl (Paris), Pr Didier Smadja (Fort-de-France), Dr Bruno Stankoff (Paris), Pr Marc Verny (Paris), Pr Hervé Vespignani (Nancy),

comité scientifique

Dr Claude Adam (Paris), Dr Annick Alperovitch (Paris), Pr Philippe Azouvi (Garches), Pr Jean-Louis Baulieu (Tours), Dr Gérard Besson (Grenoble), Dr Arnaud Biraben (Rennes), Pr William Camu (Montpellier), Pr Mathieu Ceccaldi (Marseille), Pr Patrick Chauvel (Marseille), Pr François Chollet (Toulouse), Pr Michel Clanet (Toulouse), Pr Philippe Damier (Nantes), Dr Hubert Déchy (Versailles), Dr Jean-François Demonet (Toulouse), Pr Didier Dormont (Paris), Pr Gilles Edan (Rennes), Dr Marie-Odile Habert (Paris), Pr Jean-Jacques Hauw (Paris), Dr Lucie Hertz-Panier (Paris), Dr Pierre Hinault (Rennes), Dr Laurent Laloum (Paris), Dr Gilles Lavernhe (Gap), Dr Denis le Bihan (Saclay), Pr Olivier Lyon-Caen (Paris), Pr Jean-Louis Mas (Paris), Pr Vincent Meininger (Paris), Dr Patrick Metais (Metz), Pr Thibault Moreau (Dijon), Pr Jacques Moret (Paris), Pr Jean-Philippe Neau (Poitiers), Pr Jean-Pierre Olié (Paris), Pr Jean Pelletier (Marseille), Pr Muriel Rainfray (Bordeaux), Dr Danièle Ranoux (Limoges), Pr Jean Régis (Marseille), Dr Pascal Rémy (Corbeil-Essonne), Pr Philippe Ryvlin (Lyon), Pr Yves Samson (Paris), Dr Isabelle Serre (Reims), Pr Pierre Thomas (Nice), Pr Pierre Vera (Rouen), Dr France Woimant (Paris)

Neurologies est une publication©Expressions Santé SAS

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N° de Commission paritaire : 0112 T 78155 - ISSN : 1287-9118Mensuel : 10 numéros par an

Les articles de “Neurologies” sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs. Toute reproduction, même partielle, sans le consentement de l’auteur

et de la revue, est illicite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.

Revue pluR id isc ipl inaiRe en neuRologie

n ActuAlitÉs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 134

n rÉflexion conseilauxpatientsquidemandentunprofilgénétique: unnouvelaspectdelarelationmédecin-malade . . . . . . . . . . . . . . p. 136 Marie Met-Domestici (Nice)

nDossier. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 141

PAthologiesneuromusculAires

l’évolutiondesconnaissancesCoordonné par Philippe Petiot

1n lesneuropathiespériphériques:démarchediagnostique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.142

Philippe Petiot (Lyon)

2n Dysglobulinémieetneuropathies:commentfairelelien?. . . . .p.149 Françoise Bouhour (Lyon-Bron)

3n lesmyopathiesdistales:ungroupehétérogèned’affectionsgénétiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.156

Hélène Gervais-Bernard (Lyon)

4n lessyndromesmyasthéniquescongénitaux:undiagnosticcomplexe. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.162

Perrine Devic (Lyon)

n DiAgnostic identificationdepatientsatteintsdelamaladied’Alzheimer: utilisationdetestssanguinsbasés surl’analysed’expressiongénétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 169 Isabelle Saulnier, Florent Lachal et Thierry Dantoine (Limoges)

n lePointsur… lestroublesducontrôledesimpulsions: préveniretdétecterprécocement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 173 David Maltête (Rouen)

nneuroAgenDA. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 140ncongrès:quAnDsoumettrevosAbstrActs?. . . . . p. 140nbulletinD’Abonnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 154nAPPelsàProjets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 161nàlire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 172nrenDez-vousDel’inDustrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 177

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actualités de la profession

134� Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147

Sommeil

Une enquête sur les troubles du sommeil en France

Démences

Alzheimer : un nouveau gène identifié dans les formes précoces

E n 2008, dans le cadre du Programme d’actions sur le sommeil 2007-2010, l’InVS (Institut de

veille sanitaire) a mis en place une enquête épidé-miologique visant à disposer de données chiffrées sur la fréquence et la gravité des troubles du som-meil en France. 8 257 ménages (22 273 personnes) ont été inter-rogés. Un questionnaire valide a été retourné par 15 941 personnes, dont 12 636 âgées de 16 ans et plus. 34 % ont déclaré la présence de troubles du som-meil, à la fréquence d’au moins 3 nuits/semaine. Les femmes sont plus concernées que les hommes (prévalence : 39 % vs 29 %). Ces troubles sont plus fréquents avec l’âge : 22 % chez les 16-24 ans (plutôt difficultés d’endormissement), 44 % après 75 ans (plutôt réveils nocturnes fréquents). Près de 80 % déclarent une symptomatologie chro-nique, avec des troubles du sommeil depuis plus de 3 mois. La prévalence du syndrome d’apnées du sommeil (SAS) a été estimée à 2,4 % chez les 16 ans ou plus, la prévalence des symptômes évo-cateurs de SAS (ronflements fréquents associés à des apnées ou à une somnolence diurne) à 4,9 %. 34 % de la population déclare être habituelle-ment un peu, voire très fatiguée après une nuit de sommeil, et la prévalence d’une somnolence diurne excessive est de 19 %. Une personne sur 5

D ans un communiqué du 3 avril, l’Inserm an-nonce qu’une équipe française, celle de Do-

minique Campion et Didier Hannequin (Unité In-serm 1079 “Génétique du cancer et des maladies neuropsychiatriques” et Centre national de réfé-rence malades Alzheimer jeunes, CHU de Rouen) a mis en évidence une nouvelle mutation qui pour-rait être à l’origine de certaines formes précoces de maladie d’Alzheimer. Cette équipe a étudié 130 familles qui ont été identifiées par 23 équipes hos-pitalières françaises dans le cadre du Plan Alzhei-mer et parmi lesquelles l’un des membres est at-teint d’une forme précoce de la maladie. Parmi ces familles, 116 portaient des mutations sur

présente une insomnie chronique accompagnée d’un retentissement diurne (fatigue ou somno-lence excessive). La prévalence est plus forte chez les femmes que chez les hommes (22 % vs 15 %). Elle augmente avec l’âge jusqu’à la classe des 45-54 ans puis diminue légèrement ensuite. Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à avoir déjà consulté pour des problèmes de som-meil (14 % vs 8 %) et à prendre habituellement des médicaments pour dormir (12 % vs 5 %). Parmi les personnes souffrant d’insomnie chronique s’ac-compagnant d’un retentissement diurne, 27,5 % déclarent avoir déjà consulté un médecin pour ces troubles. 22 % prennent de façon habituelle des médicaments pour dormir. Une très forte influence de l’âge sur la consommation de médicaments est observée : 6 % des moins de 25 ans déclarent prendre des médicaments et quasiment la moitié (49 %) chez les plus de 75 ans. Seules 15 % des personnes ayant des symptômes évocateurs de SAS ont déclaré avoir déjà bénéficié d’un enregis-trement du sommeil. ß

Pour en savoir plus : C. Gourier-Fréry et C. Fuhrman, Département des maladies chroniques et traumatismes, Institut de veille sanitaire Les troubles du sommeil Synthèse des études menées à l’Institut de veille sanitaire. Mars 2012.

les gènes déjà connus. En revanche, pour les 14 familles restantes, aucune mutation sur ces gènes n’avait été observée.L’étude du génome des patients des 14 familles, grâce aux nouvelles techniques de séquençage complet de leur ADN, a permis de mettre en évidence des muta-tions sur un nouveau gène SORL1. Deux des mutations identifiées sont responsables d’une sous-expression de SORL1, laquelle a pour conséquence une augmen-tation de la production du peptide β-amyloïde. ß

Pour en savoir plus : Potier C et al. High fre-quency of potentially pathogenic SORL1 muta-tions in autosomal dominant early-onset Alzhei-mer disease. Molecular Psychiatry du 3 avril 2012.

EN BREFEpilEpsiE Et antirétrovirauxL’AAN et l’International League Against Epilepsy ont publié de nouvelles recom-mandations sur les risques d’interactions entre antiépi-leptiques et antirétroviraux. Pour en savoir plus : Birbeck GL et al. Evidence-based guideline: Antiepileptic drug selection for people with HIV/AIDS: report of the Quality Standards Subcommittee of the American Academy of Neurology and the Ad Hoc Task Force of the Commission on Therapeutic Strategies of the International League Against Epilepsy. Neurology 2012 ; 17 : 139-45.

sEp : un prix pour l’iCM Le Prix Marie-Ange Bouvet Labruyère, sous l’égide de la Fondation de France, qui récompense un chercheur ou une équipe de l’ICM pour ses travaux innovants sur les maladies de la myéline, a été attribué pour 2011 à Violetta Zujovic (Inserm U975, équipe “Approche moléculaire et cellulaire de la remyélinisation”).Pour en savoir plus : www.fondationdefrance.org

alzhEiMEr : Bon usagE dEs MédiCaMEntsLa HAS met en ligne une fiche de bon usage des médicaments de la maladie d’Alzheimer, avec ces objectifs : Que peut-on attendre de ces médicaments ? A quel stade de la maladie doit-on commen-cer le traitement ? Quels médicaments prescrire selon le stade de la maladie ? A quelle posologie ? A quelles conditions poursuivre le traitement ?

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REFLEXION

136� Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147

Dans cet exemple publié dans Neurology Clinical Practice, l’épouse souffre

de céphalées chroniques, tandis que le mari présente une histoire familiale avec des AVC précoces.

Ils souhaiteraient intégrer un pro-gramme de recherche durant le quel les profils génétiques de cha-cun seront établis, avec en toile de fond l’espoir d’obtenir une expli-cation aux céphalées de Madame, et, d’autre part, estimer le risque de Monsieur de souffrir d’un AVC. Néanmoins, ayant consulté les offres des compagnies privées qui proposent ces analyses sur inter-net, ils consultent le neurologue de Madame pour avis.

Ce type d’article soulève plusieurs problèmes : • d’une part la potentialité que de plus en plus de demandes pour avis génétiques puissent arriver auprès de médecins non spéciali-

*Conseillère génétique, Unité d’oncogénétique médicale, Centre Antoine Lacassagne, Nice

sés en génétiques, comme les neu-rologues ;• d’autre part la distinction qui doit être faite entre l’étude du pro-fil génétique dans le contexte d’un programme de recherche sur une anomalie identifiée ou pas, et dans le cadre d’une entreprise privée via internet.

DEs pROFILs géNétIquEs RéaLIsés avEc uN ENcaDREmENt méDIcaLDans l’exemple donné, c’est un neurologue qui est sollicité par un couple de patients pour un avis qui concerne la sphère génétique. D’autres praticiens pourraient être amenés à entendre ce type de requête.

Si un avis d’un généticien ou d’un médecin formé en génétique semble d’emblée souhaitable, il est dit ici que l’éloignement peut jus-tifier de se référer à un autre spé-cialiste. Il existe également, dans certains CHU, des conseillers gé-

nétiques qui peuvent recevoir les patients et leur famille en consul-tation, recueillir les informations et orienter la prise en charge.

Les compagnies privées qui propo-sent l’analyse du profil génétique sur internet suggèrent d’impliquer un médecin pour l’interprétation des résultats afin que le patient ne soit pas seul devant des informa-tions dont il ne pourrait pas com-prendre la portée, mais cela n’est pas obligatoire et les résultats sont adressés au patient.La Food and Drug Administration qui régit aux Etats-Unis la com-mercialisation des denrées et des médicaments pourrait demander prochainement à ce qu’un méde-cin soit impliqué dans la commu-nication des résultats aux patients. La HAS n’a pas encore a priori en-tamé de réflexion sur le sujet.

De la même façon, les chercheurs en génétique et les éthiciens qui se penchent sur ce problème propo-sent l’implication de généticiens et/ou de conseillers en génétique.

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conseil aux patients qui demandent un profil génétiqueUn nouvel aspect de la relation médecin-patient

n Les neurologues risquent d’avoir à faire face à une nouvelle demande de la part des patients

et de leur famille : comment aborder les problèmes de conseils vis-à-vis de la littérature gran-

dissante sur les susceptibilités génétiques aux maladies neurologiques et aux traitements. Ce

problème devient particulièrement aigu aux Etats-Unis et commence à arriver en Europe. Un

article récent publié dans Neurology Clinical Practice explicite la problématique rencontrée à

partir d’un cas clinique.� Marie Met-Domestici*

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138� Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147

REFLEXION

D’une manière générale, l’évolu-tion des pratiques qui ont trait à la génétique laisse présager que de plus en plus de médecins non gé-néticiens - dont des neurologues - soient amenés à donner leur avis quand à des résultats d’analyses génétiques que les patients pour-raient leur présenter et qu’ils au-raient sollicités eux-mêmes.Ainsi, il semblerait logique que les praticiens soient amener à devoir développer leurs connaissances en la matière.

Le neurologue mis à contribution ici va devoir rationaliser les es-poirs et les croyances des patients, leur exposer les risques de bénéfi-cier d’informations non attendues et non souhaitées et, enfin, leur expliquer les implications d’une inclusion dans un programme de recherche en génétique qui sont toutes particulières.Ainsi, sont mises à contributions les notions que le neurologue peut avoir de génétique et d’éthique en relation avec la génétique. Il est bon de rappeler que même si le neuro-logue est interpellé, il n’est norma-lement pas habilité à demander ou à rendre un test génétique.

LEs LImItEs Et LEs pROmEssEs D’uN pROFIL géNétIquELa balance risque/bénéfice est d’une importance capitale dans tout acte médical, et d’intérêt ma-jeur ici puisque l’on parle d’étudier les caractéristiques génétiques d’un individu.En toile de fond, ce sont les prin-cipes de bienfaisance et de non-malfaisance de la bioéthique qui doivent être en ligne de mire lorsque l’on mène ces réflexions.

Les patients qui s’orientent ici vers une analyse du profil génétique es-

pèrent que l’on puisse utiliser les informations obtenues afin d’amé-liorer leur santé, que ce soit au moment même ou bien dans leur avenir médical.Puisque les données de génétique peuvent s’apparenter à la méde-cine prédictive dans certains cas de figure, c’est le champ de la pré-vention qui est intéressé, et c’est par ce biais là que l’on peut espérer agir positivement pour sa santé.

Sur un plan plus global et com-munautaire, si les études de pro-fil génétique étaient amenées à s’étendre, cela pourrait fournir un grand nombre de données qui per-mettraient de résoudre nombre de dilemmes diagnostiques. Le séquençage de nouveaux variants alléliques par le biais de ces exa-mens pourrait conduire à affiner certains diagnostics pour lesquels des études de gènes candidats avaient échoué. L’étude plus ap-profondie des génomes pourrait également guider l’utilisation des médicaments et des dosages de ces derniers.

La génétique apporte également des informations dans l‘ajuste-ment de certains traitements d’in-térêt en neurologie.Par exemple, certains individus d’origine asiatique partagent un allèle HLA-B ancestral nommé HLA-B*1502. Ces individus pré-sentent des effets secondaires im-portants aux traitements par car-bamazépine. La connaissance du statut allélique pour ce locus peut permettre d’orienter le traitement vers une autre molécule antiépi-leptique afin d’éviter ces effets se-condaires.

Si tous ces points positifs sont encourageants, le neurologue in-terrogé par ses patients doit être en mesure de leur expliquer que,

parfois, il peut être difficile d’as-socier des conditions de santé aux variants génétiques découverts.La relation patient/médecin de-vient tout autre. Le neurologue est habitué à suivre son patient pour céphalées chroniques et il se retrouve avec la gestion de la re-lation avec le couple ou les appa-rentés. Il s’agit donc de sortir du colloque singulier habituellement rencontré en médecine. C’est en effet le propre de la génétique qui élargit les données et sort du cadre du patient seul face à son médecin, mais s’intéresse à des couples ou bien à des familles.

En même temps, puisque il s’agit d’analyser le profil génétique pour chacun des individus du couple, il en va de l’extrême personnali-sation et de l’information la plus complète concernant chacun des individus.Cette dualité : mine d’informa-tion sur chaque individu et col-lecte d’informations intimistes pour différents individus en même temps est aussi le propre de la gé-nétique.

LEs RIsquEs à tOut vOuLOIR savOIRComme les auteurs le soulignent, les individus présentés ici s’expo-sent aux aléas d’une recherche gé-nétique sans conseil génétique. S’il n’y a pas de conseil génétique au préalable, les patients s’exposent à bon nombre d’évènements inat-tendus.

Chercher à obtenir un profil géné-tique, c’est d’abord s’exposer à ob-tenir pour résultats des faux-po-sitifs et des faux négatifs, avec les inconvénients que cela procure : une ré-assurance alors qu’une pré-vention aurait pu être aménagée ou bien alors une inquiétude, voire

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CoNseiL AUx pAtieNts qUi demANdeNt UN profiL géNétiqUe

Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 139

une détresse psychologique qui aurait pu être évitée.

Le patient s’expose aussi à obtenir des informations qu’il ne cher-chait pas. Il peut ainsi se découvrir UNE susceptibilité pour telle ou telle affection, plus grave que l’ex-plication qu’il attendait.

Dans le registre de la bienfai-sance/non malfaisance toujours, que penser de découvrir lors d’un profil génétique une susceptibi-lité à développer une pathologie grave sans que l’on puisse mettre en place un dispositif de préven-tion ? Dans le champ de la neuro-logie, que penser de la découverte fortuite d’une mutation condui-sant à la chorée de Huntington ou bien à la maladie d’Alzheimer alors que l’on ne peut rien faire en terme de prévention  ? Beaucoup de pa-tients expriment leur volonté de ne pas savoir lorsqu’ils sont cor-rectement informés de toutes ces éventualités. Les généticiens sont régulièrement confrontés au pro-blème.

Les patients peuvent aussi, à l’issu de l’examen, devenir détenteur d’informations qu’ils doivent mo-ralement et éthiquement trans-mettre à leurs apparentés afin de leur permettre de se protéger.

Enfin, les analyses globales des caractéristiques génétiques peu-vent poser un problème majeur lorsque leurs résultat est inscrit dans le dossier médical d’un pa-tient. Même si, aux Etats-Unis comme en France, des lois visent à protéger les données génétiques, comme par exemple, l’interdiction de les faire figurer dans les dos-siers informatiques pour cause d’absence de vérification des accès, il peut toujours y avoir des risques à ce que ces données soient réper-

toriées (allusion dans un courrier de consultation par exemple…).

paRtIcIpER à uNE étuDE pOuR avOIR sON pROFIL géNétIquELes neurologues qui participent actuellement en France à des études cliniques thérapeutiques de phase II ou III sont amenés à proposer aux patients de partici-per à des études de pharmacogé-nétique ou pharmacogénomique. Lorsque les patients viennent de-mander un avis avant de participer à l’étude pour laquelle il doit signer le consentement avant le prélè-vement sanguin, il est important de rappeler les particularités des études à visée génétique.

Tous les résultats obtenus seront-ils communiqués aux patients ? Il s’agit là de confronter les principes éthiques d’autonomie du patient : qui doit savoir  ? satisfaire? aux principes de bienfaisance/non malfaisance  ? Le patient doit-il avoir connaissance de faits qui ne lui servent pas à améliorer sa santé mais qui peuvent l’inquiéter ?Le patient va-t-il être au courant de toutes les recherches qui seront effectuées à partir de son prélève-ment  ? Quelle est la quantité de données qui va être disponible à partir de ces examens  ? Des va-riants de significations inconnus peuvent être mis à jour. Comment expliquer ces informations ?

Il est entendu que les patients si-gnent un consentement éclairé avant d’engager une telle dé-marche, mais les notions abordées sont si spécifiques que l’interlocu-teur qui fait face doit être formé spécialement à cela.

L’avantage majeur de bénéficier d’un profil génétique dans le cadre

d’un projet de recherche réside surtout dans le partage des don-nées des sociétés savantes. Plus on a de données à analyser, plus l’échange et le croisement des don-nées est aisé et instructif.Le pendant de risque à ce bénéfice collégial est le risque d’identifi-cation des personnes, puisque du matériel génétique est utilisé.

Il en va donc de bon nombre de ré-flexions importantes et de nombre d’éclaircissements à donner aux patients pour qu’il puisse choisir entre confier son ADN à un pro-gramme de recherche ou bien en-gager une démarche privée.

Et pOuR L’avENIR ?Il est probable que les profils gé-nétiques se feront en routine dans l’avenir et qu’ils feront partie des examens médicaux de base.Il est important de mettre en garde les praticiens des dérives possibles de l’inclusion systématiques des données au dossier médical du patient et de la nécessité d’un en-cadrement légal afin de protéger la vie privée et de lutter contre les discriminations possibles. n

correspondance

Marie Met-Domestici

Unité d’Oncogénétique médicale

Centre Antoine Lacassagne

30 avenue Valombrose

06000 Nice

Cet article est une réflexion à par-

tir du manuscript Advising patients

about obtaining genomic profiles,

de Donna T. Chen, MD, MPH, et Lois

L. Shepherd, JD, paru dans la revue

Neurology Clinical practice de dé-

cembre 2011.

Mots-clés : conseil génétique, Ethique, patient

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neuroagenda

140� Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147

CongrÈS Quand soumettre vos abstracts ?

z 28th congress of ecTrIMs 201210-13 octobre 2012, LyonDate limite de soumission des abstracts : 23 mai 2012Site : www.ectrims.eu/conferences.htm

z 8th InTernaTIonaL conference on fronToTeMporaL DeMenTIas - fTD 20125-7 septembre 2012, ManchesterDate limite de soumission des abstracts : 1er juin 2012Site : www2.kenes.com/ftd2012/Pages/Home.aspx

z InTernaTIonaL paeDIaTrIc sLeep assocIaTIon - Ipsa 20125-7 décembre 2012, ManchesterDate limite de soumission des abstracts : 11 juin 2012Site : www2.kenes.com/ipsa2012

z 15th WorLD congress on paIn cLInIcIans - Wspc 201227-30 juin 2012, grenadeDate limite de soumission des abstracts : 13 juin 2012Site : www2.kenes.com/wspc/Pages/home.aspx

z 2nd InTernaTIonaL congress on neuroLogy anD epIDeMIoLogy - Icne8-10 nov 2012, niceDate limite de soumission des abstracts : 30 juin 2012Site : www.neuro-conference.com/2012/

z 11th InTernaTIonaL congress on aLzheIMer’s anD parkInson’s DIsease6-10 mars 2013, florenceDate limite de soumission des abstracts : 10 octobre 2012Site : www2.kenes.com/adpd/Pages/Home.aspx

z 9th InTernaTIonaL congress on MenTaL DIsorDers & oTher non-MoTor feaTures In parkInson’s DIsease anD reLaTeD DIsorDers18-21 avril 2013, séoulDate limite de soumission des abstracts : 19 novembre 2012Site : www2.kenes.com/mdpd/pages/home.aspx

z 3rd WorLD parkInson congress 20131-4 octobre 2013, MontrealDate limite de soumission des abstracts : 3 décembre 2012Site : www.worldpdcongress.org/

11e réunIon francophone sur La MaLaDIe D’aLzheIMer eT Les synDroMes apparenTés22-24 mai 2012 - Toulouse

• renseignements et inscriptions MCI France - 24 rue Chauchat - 75009 ParisTél. : 33 (0) 1 53 85 82 82 Fax : 33 (0) 1 53 85 82 83 E-mail : [email protected] Site : www.alztoulouse2012.com

La scLérose en pLaques Dans La francophonIe - congrès arsep 1er juin 2012 - paris

• renseignements et inscriptions Fondation ARSEPParivry 14 rue Jules Vanzuppe - 94200 Ivry-sur-Seine Site : http://unisep.org

2nd VersaILLes InTernaTIonaL neuroInTensIVe care syMposIuM 21 juin 2012 - Versailles

• renseignements et inscriptions Emergence - 60 bd du Maréchal Alphonse Juin 44100 NantesSite : http://www.e-mer-gence.fr/vincs2012/

5th InTernaTIonaL congress of chILD anD aDoLescenT psychIaTry8 octobre 2012 - Téhéran

• renseignements et inscriptions Iranian Academy Of Child And Adolescent PsychiatryRoozbeh Hospital, South Kargar Ave1333795914 Tehran - IRANSite : http://congress.iacap.ir/index.php/cnfs/5th-1391

28th congress of ecTrIMs 201210-13 octobre 2012 - Lyon

• renseignements et inscriptions ECTRIMS 2012 - c/o Congrex Switzerland Ltd.Peter Merian-Strasse 80 - P.O. Box - 4002 Basel / SwitzerlandTél. : +41 61 686 77 11 - Fax : +41 61 686 77 88E-mail : [email protected] : www.ectrims.eu/conferences.htm

8th WorLD sTroke congress 201210-13 octobre 2012 - BrasiliaWorld Stroke Organization

• renseignements et inscriptions Kenes International1-3 Rue de Chantepoulet - CH-1211 Geneva 1, Switzerland Tél. : +41 22 908 0488 - Fax: +41 22 732 2850E-mail : [email protected] - Site : www.kenes.com/stroke/

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DOSSIER

PathOlOgIES nEuROmuSculaIRES

L’évolution des connaissancesDossier coordonné par Philippe Petiot

1 les neuropathies périphériques : démarche diagnostique � � � � p� 142

Philippe Petiot (Lyon)

2 Dysglobulinémie et neuropathies : comment faire le lien ? � � � p� 149

Françoise Bouhour (Lyon-Bron)

3 les myopathies distales :

un groupe hétérogène d’affections génétiques � � � � � � � � � � � � � p� 156

Hélène Gervais-Bernard (Lyon)

4 les syndromes myasthéniques congénitaux :

un diagnostic complexe � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � p� 162

Perrine Devic (Lyon)

L es pathologies neuromusculaires ont connu, ces dernières années, des avancées impor-tantes.

Après le démembrement génétique des neuropa-thies héréditaires et des dystrophies musculaires (et qui continue bien entendu), on constate à pré-sent à un enrichissement des connaissances dans le domaine de certaines entités cliniques, de l’im-munologie et de certains syndromes encore mal connus il y a peu de temps.

Nous avons donc choisi de présenter quatre sujets qui reflètent bien cette évolution. • Le premier concerne la présentation d’une dé-marche diagnostique électro-clinique simple des neuropathies périphériques, préalable indispen-

sable à l’identification de certains syndromes et étiologies. • Le second traitera des données récentes concer-nant les neuropathies associées aux gammapathies monoclonales. • Le troisième abordera la description et la classifi-cation des myopathies distales. • Enfin, le dernier présentera les principales ca-ractéristiques cliniques, électrophysiologiques et génétiques des syndromes myasthéniques congéni-taux. n

Philippe Petiot(Service de neurologie, Hôpital de la Croix-Rousse,Lyon)

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IntRODuctIOnSi le diagnostic positif d’une neuro-pathie périphérique ne pose habi-tuellement pas en soi de difficultés majeures, l’orientation étiologique est souvent plus délicate. En effet, les causes sont nombreuses et le neurologue est parfois confronté à plusieurs obstacles.

Si la cause est parfois évidente, elle peut non seulement en cacher une autre mais, parfois, il faudra faire une enquête approfondie reposant sur plusieurs indices, à la fois cli-niques et paracliniques. Or, si l’on peut proposer de standardiser le bilan comme cela a été proposé dans diverses recommandations (1), il est hors de question de de-mander une liste systématique d’explorations pour des raisons économiques, bien sûr, mais aussi compte tenu de la complexité, de l’accessibilité et du caractère parfois “invasifs” de certaines d’entre elles. Ainsi, il est impéra-tif d’abord de définir des cadres “syndromiques” dont l’objectif sera de restreindre le clinicien à ne rechercher qu’une liste limi-tée d’étiologies, et donc de guider

*Service de neurologie, Hôpital de la Croix-Rousse, Lyon

au mieux les explorations com-plémentaires. En caricaturant un peu, il n’y a pas un “bilan de neuro-pathie”, mais le “bilan d’une neu-ropathie”.

Bien sûr, tout neurologue sait que parfois, malgré de nombreuses recherches et analyses approfon-dies, le diagnostic étiologique reste non défini, dans le cadre des “fa-meuses” neuropathies dites “idio-pathiques”. Or, ce groupe se réduit d’année en année, tenant compte des nouveaux concepts (permet-tant parfois de proposer certains traitements), mais aussi de la mise à disposition de nouveaux “outils” diagnostiques. Le diagnostic de neuropathie idiopathique reste encore possible, mais il doit ré-pondre à des critères précis et ne pas être qu’un simple diagnostic d’exclusion.

L’étapE cLInIquEEn dehors de certaines situations dont nous reparlerons, le diagnos-tic positif de neuropathie périphé-rique repose sur le classique “syn-drome neurogène” qui ne pose habituellement aucune difficulté au clinicien.

Par contre, deux étapes vont dès à présent être déterminantes : 1. caractériser au mieux ce syn-drome neurogène afin d’en définir les particularités intrinsèques ; 2. préciser le contexte général et rechercher les signes associés, constituant les caractéristiques extrinsèques qui seront des “in-dices d’alerte” déterminants pour aller plus loin dans la démarche diagnostique.

CaraCtéristiques intrinsèques de la neuropathie• L’ancienneté, les modalités d’installation et d’évolution sont souvent déterminantes :- en effet, une neuropathie de sur-venue rapide, voire brutale, est toujours liée à une cause définie, qu’elle soit inflammatoire ou gé-nérale ;- une installation très lente et pro-gressive peut classiquement se rencontrer dans le cadre des neu-ropathies idiopathiques, mais est parfois aussi la caractéristique de certaines neuropathies comme celle liée à l’anticorps anti-MAG, certaines polyradiculonévrites chroniques ou les neuropathies héréditaires par exemple ;

xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx

1 Les neuropathies périphériquesdémarche diagnostique

n Dans cet article, on ne traitera pas bien sûr de l’ensemble des étiologies des neuropathies,

et nous renverrons le lecteur vers des articles de synthèse référencés dans la bibliographie.

L’objectif est surtout de proposer une démarche simple amenant le clinicien à définir un “cadre”

reposant sur les données cliniques, électriques et parfois biologiques. Une fois cette démarche

adoptée, nous proposerons les grands cadres étiologiques à connaître pour chacune de ces

situations.� Philippe Petiot*

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- une évolution par poussées est volontiers évocatrice d’un proces-sus inflammatoire, mais peut aussi se rencontrer dans certaines neu-ropathies métaboliques (porphy-ries, mais aussi maladie de Fabry, maladie de Tangier) ; - enfin, axiome incontournable, une neuropathie récente et ra-pidement évolutive sans cause a priori, impose un bilan complet et parfois rapide, allant parfois jusqu’à la biopsie de nerf.

• Si l’aréflexie est quasi constante, il est important d’en préciser l’éten-due en la corrélant au déficit sensi-tif ou moteur constaté. En effet, une aréflexie diffuse présente d’emblée ou contrastant avec un déficit foca-lisé, voire uniquement distal, est un indice très important pour suspec-ter un processus non longueur-dé-pendant comme on peut l’observer dans les ganglionopathies ou les polyradiculonévrites chroniques (PRNc) par exemple.

• Si la plupart des neuropathies sont sensitives et motrices, cer-taines ont une présentation uni-quement ou quasi exclusivement sensitive ou motrice, caractéris-tique fondamentale dans certains cadres syndromiques voire étiolo-giques.Par exemple, une neuropathie sy-métrique motrice aiguë évoque une forme axonale motrice pure de syndrome de Guillain et Barré (avec anticorps antigangliosides de type IgG, souvent précédée d’une infection à Campylobacter jejuni), ou une porphyrie.

• En cas d’installation progressive, une participation proximale symétrique “pseudomyopa-thique” se rencontre dans cer-taines PRNc, alors qu’une forme motrice pure asymétrique fait classiquement discuter une neu-

ropathie multifocale à blocs de conduction. Inversement, une neuropathie exclusivement sen-sitive (2) offre au clinicien deux orientations possibles. Soit elle est symétrique et distale, et cette présentation se rencontre dans de nombreuses situations étio-logiques ; par contre, une forme asymétrique ou non longueur-dé-pendante est un pattern très évo-cateur d’une neuronopathie sen-sitive ou ganglionopathie (8), plus rarement d’une multineuropathie sensitive.

• Une neuropathie ataxiante constitue un cadre très particu-lier. Elle s’observe plus volontiers dans les neuropathies ayant une composante sensitive profonde prédominante, associée parfois à un tremblement. Trois diagnostics doivent être évoqués en première ligne : PRNc sensitive, gangliono-pathie ou neuropathie avec anti-MAG. L’électroneuromyogramme (ENMG) va alors occuper une place déterminante. Dans certains cas, l’ataxie ne sera pas sensitive mais cérébelleuse et l’association “neuropathie et syndrome céré-belleux” ouvre un champ étiolo-gique très particulier (3).

• Si le déficit sensitif touche ex-clusivement les petites fibres avec hypoesthésie thermoalgique isolée (4), la présentation est trompeuse car l’aréflexie est absente. Elle est de répartition plus volontiers lon-gueur-dépendante avec troubles sensitifs quadridistaux (sauf dans la forme neuronopathique décrite par Gorson et al.) (5). Parfois, cette atteinte des petites fibres est asso-ciée à une dysautonomie qu’il faut systématiquement rechercher à l’interrogatoire : diarrhées chro-niques, troubles génito-sphinc-tériens, fluctuations tensionelles. Si elle peut évoluer ensuite vers

une atteinte plus globale des fibres sensitives, un tel début se rencontre sous nos contrées dans un cadre assez restreint d’étiolo-gies : diabète, amylose, syndrome de Gougerot-Sjögren, maladie de Fabry… Pour cette dernière, une accentuation des symptômes sen-sitifs subjectifs aux changements de température est très évocatrice.

• Si les douleurs sont fréquentes au cours des neuropathies, elles constituent rarement un indice diagnostique en soi. Par contre, leur absence est inhabituelle dans certains cadres étiologiques : gan-glionopathies paranéoplasiques, neuropathies des petites fibres, certaines neuropathies toxiques…

• Certaines neuropathies s’accom-pagnent d’une atteinte des nerfs crâniens. Elle est classique dans le syndrome de Guillain-Barré (paralysie faciale en particulier) et parfois rencontrée au cours de certaines PRNc. L’existence de troubles oculomoteurs est évo-catrice du CANOMAD (chronic ataxic neuropathy, ophthalmople-gia, IgM paraprotein, cold aggluti-nins and disialosyl antibodies), des mitochondriopathies ou du syn-drome de Miller-Fisher. Une dys-phagie ou une dysphonie est aussi décrite dans le SANDO (sensory ataxic neuropathy with dysarthria and ophthalmoparesis) ou le CA-NOMAD. Enfin, une hypoesthésie faciale est parfois associée à cer-taines neuropathies du syndrome de Gougerot-Sjögren, mais peut aussi s’observer au cours d’une ganglionopathie.

CaraCtéristiques extrinsèques de la neuropathieUn examen général et neurolo-gique complet sont impératifs dans la démarche diagnostique

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d’une neuropathie. Il est impos-sible de faire une liste exhaustive des situations parfois rencontrées au cours de l’expertise clinique d’une neuropathie, et nous ne don-nerons uniquement que quelques exemples particulièrement évo-cateurs d’un contexte étiologique particulier.

Il peut tout d’abord s’agir de signes neurologiques centraux associés. Par exemple :• l’association neuropathie mo-trice-mouvements anormaux et/ou syndrome parkinsonien oriente vers une neuroanthocytose ;• un tremblement est volontiers observé au cours des neuropathies anti-MAG et des ganglionopa-thies ; • une surdité est fréquente dans les mitochondriopathies, la mala-die de Refsum et la neuropathie de Charcot-Marie-Tooth (CMT) liée à l’X ;• une épilepsie fait discuter une cytopathie mitochondriale ;• des anomalies de la substance blanche à l’IRM cérébrale se ren-contrent au cours de nombreuses pathologies : mitochondriopa-thies, adrénoleucodystrophies, certains CMT X, de rares cas de PRNc… ;• enfin, l’association neuropathie/myopathie évoque classiquement une myopathie inflammatoire ou une mitochondriopathie.

Sur le plan général, la liste est en-core plus longue mais il faut insis-ter sur : 1. les signes cutanés rencontrés au cours des vascularites (purpura), du POEMS (polyneuropathie, or-ganomégalie, endocrinopathie, gammapathie monoclonale et signes cutanés avec hyperpig-mentation ou hypertrichose par exemple) ou de la maladie de Fa-bry (angiokératome) ;

2. des malformations osseuses (scoliose, pieds creux) évocatrices d’un CMT ; 3. des signes articulaires observés dans les connectivites ; 4. une hypertrophie nerveuse est classique dans la lèpre ou dans cer-taines formes de CMT ; 5. une hypertrophie de certains organes est évocatrice du POEMS ; 6. une cardiopathie est rencontrée au cours des mitochondriopathies, l’amylose ou la maladie de Fabry.

L’éLEctRO­nEuROmyOgRammEL’électromyogramme (ENMG) oc-cupe bien sûr une place fondamen-tale dans cette deuxième phase de la démarche diagnostique.

diagnostiC positif L’ENMG permet en effet de confir-mer le diagnostic de neuropathie, ce qui n’est pas là son intérêt prin-cipal, même si une neuropathie est parfois de découverte un peu inat-tendue au cours de certaines pré-sentations cliniques (cytopathie mitochondriale par exemple où elle n’est souvent révélée que par l’étude des conductions).

Inversement, il peut être pris à défaut dans certaines situations. La plus classique est celle des neuropathies des petites fibres qui, par définition, s’accompa-gnent d’un ENMG normal (car ce dernier n’explore que les fibres de gros diamètres). Le diagnos-tic repose alors sur les potentiels évoqués sensitifs au laser (dont il reste à définir la sensibilité) et surtout sur la biopsie cutané, avec évaluation de la densité des fibres amyéliniques dans le derme, qui est la technique de référence (mais non encore disponible dans tous les centres , 4). Les étiologies sont classiquement l’amylose (à

rechercher systématiquement), le diabète, le syndrome de Gou-gerot-Sjögren (où elles semblent assez fréquentes), la maladie de Fabry, l’infection à VIH, certaines gammapathies monoclonales… Cependant, des formes idiopa-thiques ne sont pas rares.

Plus exceptionnellement, cer-taines PRNc s’accompagnent d’un ENMG normal, dans une forme sensitive pure qui ne concerne que les racines sensitives posté-rieures (6). L’analyse du LCR (à la recherche d’une dissociation al-bumino-cytologique), l’imagerie par résonance magnétique (IRM) lombaire (montrant parfois une hypertrophie et une prise de ga-dolinium radiculaire) et les poten-tiels évoqués sensitifs (objectivant des anomalies proximales des conductions nerveuses périphé-riques) permettent d’en porter le diagnostic et de proposer un trai-tement parfois efficace.

diagnostiC physiopathologiqueL’ENMG doit toujours être inter-prété en fonction du contexte cli-nique et biologique, et il ne fait pas à lui seul le diagnostic étiologique (en dehors de quelques situa-tions très particulières comme les NMBC par exemple). Il reste ce-pendant déterminant pour orien-ter le clinicien vers certains cadres syndromiques. Nous utiliserons un arbre décisionnel simple qui permet de définir les principales catégories “électrocliniques” qui nous aiderons à restreindre et fi-nalement à simplifier la recherche étiologique.

Globalement, il existe trois grands cadres syndromiques :• neuropathie axonale ;• neuropathie démyélinisante ;• neuropathie axonomyélinique.

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Cette simple distinction n’est pas toujours très aisée à faire en pra-tique, car il peut coexister une atteinte axonale secondaire à un processus initialement démyé-linisant et inversement. C’est la raison pour laquelle de nombreux critères électrophysiologiques sont proposés et régulièrement mis à jour pour essayer de sortir de ce dilemme parfois difficile. Nous ne rentrerons pas dans cette discussion souvent fastidieuse et nous renvoyons le lecteur aux nombreuses revues publiées ces dernières années qui donnent lieu d’ailleurs à de régulières mises à jour (7, 8).

❚ les neuropathies démyélinisantesElles sont classiquement définies par un allongement des latences distales motrices, un ralentisse-ment des vitesses de conduction nerveuse motrice, un allongement des latences des ondes F et par la présence de blocs de conduction (cependant parfois rencontrés dans certaines neuropathies axo-nales aiguës comme certaines mutlinévrites) ou de dispersions des réponses motrices (allonge-ment de la durée). Depuis près de 20 ans, de nombreuses équipes

ont proposé leur propre classifica-tion et il est difficile d’en faire une synthèse opérationnelle. S’inspi-rant de ces multiples études, un remarquable travail collaboratif français (7) a publié des critères simples utilisables en pratique quotidienne (Tab. 1).

L’individualisation d’une neuro-pathie démyélinisante est fon-damentale car une cause définie est retrouvée dans la grande ma-jorité des cas. Il faut alors utiliser un arbre diagnostic simple per-mettant de s’orienter vers ces dif-férentes étiologies qui sont majo-ritairement héréditaires (parfois métaboliques) ou dysimmunes.

L’homogénéité des altérations des conductions doit d’abord être prise en compte. En effet, une dé-myélinisation homogène sur les 4 membres (ralentissement iden-tique des vitesses de conduction aux membres supérieurs et infé-rieurs, à quelques m/sec près) est très évocatrice d’un CMT de type 1 (9) et il faut alors aller directement à la biologie moléculaire (gène PMP22 dans la majorité des cas).

En cas de démyélinisation hé-térogène, une neuropathie hé-

réditaire reste possible dans le cadre des neuropathies par hyper-sensibilité des nerfs à la pression (délétion PMP22) car l’hétérogé-néité est liée alors à de multiples ralentissements, mais alors plus prononcés dans les sites d’entrap-pements (canal carpien, ulnaire au coude par exemple), sur un fond de neuropathie diffuse quasi contant (10). La sémiologie clinique com-porte alors une composante tron-culaire sauf dans les rares formes “polynévritiques” pouvant mimer une polyradiculonévrite chro-nique (PRNc) et il est d’ailleurs parfois utile de vérifier la biologie moléculaire dans les formes de PRNc résistantes aux traitements immunosuppresseurs. Sinon, on entre alors le plus sou-vent dans le vaste cadre des neu-ropathies démyélinisantes dysim-munes. Il faut à ce stade revenir à la clinique et orienter le diagnostic selon le caractère symétrique ou asymétrique de la sémiologie.

Dans les formes cliniquement symétriques, il faut s’intéresser à la localisation préférentielle des lésions démyélinisantes sur les données ENMG. En cas de lésions myéliniques très distales, l’index de latence terminal (distance en

tableau 1 ­ altérations de la conduction nerveuse en faveur d’une démyélinisation (7).

nerfs latences distales (ms)

Vitesses de conduction (m/s)

Ondes F (ms) (amp > 1 mV)

Vitesses proximales (m/s)

médian : ­ amp > 4mV ­ amp < 4mV

> 5> 6

< 37< 32

> 38,4 < 40

ulnaire:­ amp > 4,8mV ­ amp < 4,8mV

> 4,4> 5,3

< 37< 32

> 38,4 < 40

Fibulaire commun :­ amp > 1,6mV ­ amp < 1,6mV

> 6,5> 7,8

< 32< 28

> 66 < 36

tibial postérieur : ­ amp > 4mV ­ amp < 4mV

> 7,8> 9,3

< 32< 28

> 66 < 36

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146� Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147

mm/VCM en m/sec x LDM en msec) est un outil précieux car il évalue le rapport proximo-dis-tal de la démyélinisation. Dans cette situation où il est abaissé, on évoque en premier lieu l’hypo-thèse d’une neuropathie avec IgM antiMAG (11), même si de nom-breuses formes électrocliniques ont été rapportées récemment. Il peut aussi s’agir de certaines PRNc avec démyélinisation distale pré-dominante appelée DADS (distal acquired demyelinating symetric neuropathy) dont certaines sont associées à une gammapathie IgM monoclonale sans activité anti-MAG. Dans les formes où la dé-myélinisation est plus proximale, le diagnostic de PRN chronique ou aiguë est alors évoqué, volon-tiers soutenu par l’existence d’une dissociation albuminocytologique qui n’est toutefois par constante. Pour les caractéristiques élec-trocliniques des PRNc, nous ren-voyons à nouveau le lecteur vers l’excellent travail du groupe fran-çais (7) et vers celui du groupe eu-ropéen révisé récemment (8).

Devant une présentation asy-métrique, s’il s’agit d’une forme cliniquement motrice pure (16),

on s’orientera alors vers une neu-ropathie motrice multifocale avec blocs de conduction (NMMBC), parfois associée à des anticorps an-tigangliosides de type IgM antiGM1 (30 à 40 % des cas). Les conduc-tions sensitives sont le plus sou-vent normales ou peu altérées. S’il s’agit d’une neuropathie sensitive et motrice sur le plan électrique et clinique (12), il faudra discu-ter alors un syndrome de Lewis et Sumner (SLS). La distinction entre ces deux formes est fondamentale sur le plan thérapeutique car dans les NMMBC, seules les immuno-globulines intraveineuses (IgIV) ont montré leur efficacité alors que dans le SLS, le traitement est identique à celui proposé pour les PRNc (IgIV, immunosuppresseurs, échanges plasmatiques).

❚ les neuropathies axonalesDans ce cadre, il existe deux dif-ficultés déroutantes pour le cli-nicien. Les étiologies sont tout d’abord extrêmement nombreuses et inversement, il existe un nombre important de formes dites idiopa-thiques. Comme pour les neuropa-thies démyélinisantes, il faut alors essayer d’individualiser différents sous-groupes (définis également

sur des critères cliniques et électro-physiologiques) qui vont constituer parfois des “pôles d’attraction” qu’il est important de connaître car as-sociés à un nombre plus restreint d’étiologies.

• Neuronopathie sensitive ou ganglionopathieIl s’agit de neuropathie clinique-ment et électriquement sensitive pure dont la présentation n’est habituellement pas longueur-dé-pendante. Elles peuvent ainsi débuter aux membres supérieurs, voire ne tou-cher que les membres supérieurs, ou s’accompagner d’emblée de troubles sensitifs profonds des 4 membres, parfois asymétriques (lo-calisées uniquement aux membres supérieurs dans certains cas) avec aréflexie diffuse. Une ataxie n’est pas rare, voire un tremblement en cas de grande déafférentation. Dans les formes subaiguës, les dou-leurs sont fréquentes. Un travail récent propose une échelle d’évaluation diagnostique (Tab. 2) fort utile en pratique quoti-dienne (13). Les PES (révélant des anomalies proximales prédomi-nantes) ou l’IRM peuvent être aussi utiles dans certains cas (hypersi-

tableau 2 ­ critères diagnostiques des neuronopathies sensitives (13).

a. pour un patient présentant une neuropathie sensitive clinique, le diagnostic de neuronopathie est possible en cas de score > 6.5 oui Pointsa. ataxie des membres inférieurs ou supérieurs au début ou au cours de l’évolution q +3.1b. Présentation asymétrique des troubles sensitifs au début ou au cours de l’évolution q +1.7c. déficit sensitif non restreint aux membres inférieurs au cours de l’évolution q +2.0d. si au moins 1 Pas absent or 3 Pas < 30 % des valeurs limites inférieurs aux membres supérieurs

(sans entrappements) q +2.8e. moins de nerf présentant des altérations des conductions motrices aux membres inférieurs q +3.1

B. Le diagnostic de neuronopathie est probable si le score > 6,5 et si :1. le bilan initial n’objective pas d’anomalies biologiques ou enmg excluant le diagnostic de neuronopathie2. le patient présente une des pathologies suivantes : syndrome paranéoplasique avec anticorps antineuronaux

ou un cancer au cours des 5 dernières années ; traitement aux sels de platine ; syndrome de gougerot-sjögren3. si l’irm révèle des hypersignaux des cordons postérieurs de la moelle

c. Le diagnostic de neuronopathie est certain s’il existe des anomalies histologiques évocatrices des ganglions rachi­diens postérieurs (même si la biopsie des ganglions n’est pas recommandée)

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gnaux des cordons postérieurs). De présentation asymétrique, les étio-logies sont alors assez restreintes : syndrome de Gougerot-Sjögren, formes paranéoplaqiues (avec anti-corps anti-Hu dans la majorité des cas), cirrhose biliaire primitive. Des formes idiopathiques sont possibles, souvent considérées comme dysim-munes mais dont le traitement reste souvent difficile. En cas de forme d’emblée diffuse et symétrique, on peut citer la maladie de Friedreich, certaines cytopathies mitochon-driales, ou celles en rapport avec la toxicité des sels de platine ou l’in-toxication par la vitamine B6.

• Neuropathie axonale et asymétriqueEn dehors des neuronopathies sensitives décrites précédem-ment, on entre dans le groupe particulier des multineuropathies avec des signes électrocliniques à la fois sensitif et moteur (avec sou-vent une excellente corrélation topographique entre les données cliniques et électriques). Elles sont souvent de début brutal, volontiers douloureuses et évo-lutives. Elles sont le plus souvent liées à une vascularite. Il s’agit d’une urgence neurologique et, en dehors d’un bilan général à la recherche d’une vascularite sys-témique, la biopsie de nerf doit souvent être rapidement proposée à la recherche d’anomalies histolo-giques évocatrices afin de propo-ser un traitement adapté. Parfois, cette vascularite ne concerne que le système nerveux périphérique, mais un traitement doit aussi être proposé dans cette situation (cor-ticoïdes par exemple).

• Neuropathie sensitive ou sensitivo-motrice non longueur-dépendanteDans ce cadre, l’ENMG retrouve une neuropathie axonale sensi-

tivo-motrice associée parfois à quelques critères de démyélinisa-tion cependant insuffisants pour affirmer le diagnostic de PRNc (8). L’existence d’une aréflexie d’emblée diffuse, d’une ataxie, d’un déficit mo-teur proximal, d’une présentation clinique quadri-distale simultanée ou d’une atteinte des nerfs crâniens sont autant d’arguments pour évo-quer un processus non longueur-dépendant (7). Parfois, il existe une évolution par poussées. Ces formes très singulières considérées autre-fois comme “idiopathiques” ont donné lieu à de très nombreuses publications ces dernières années, car un grand nombre d’entre elles sont en réalité des PRNc observée au stade “axonal”, appelées encore PRNc atypiques (7, 14). Le diagnostic repose alors sur : l’existence d’une éventuelle dis-sociation albumino-cytologique dans le liquide céphalo-rachidien ; une hypertrophie des racines lombaires avec parfois prise de contraste à l’IRM lombaire ; des altérations évocatrices aux PES. Surtout, il peut s’agir d’une excel-lente indication de biopsie de nerf (15) à la recherche de signes his-tologiques évoquant un processus démyélinisant associé, à condition d’être réalisée dans un centre spé-cialisé habituée à ce type d’analyse (coupes semi-fines, technique du teasing, microscopie électronique).L’individualisation de ces formes est importante car on peut alors proposer un traitement par corti-coïdes, IGIV ou échanges plasma-tiques pouvant, dans certains cas, améliorer les patients.

• Neuropathie cliniquementsensitive longueur-dépendante En dehors des neuropathies des pe-tites fibres, l’ENMG révèle des alté-rations concernant uniquement les conductions sensitives avec micro-voltage distal et isolé des potentiels

évoqués sensitifs, ou peut s’accom-pagner d’une souffrance mixte des fibres motrices et sensitives. Les étiologies sont alors nombreuses et regroupent les grands cadres étiologiques bien connus des neu-ropathies périphériques (toxique, carentielle, infectieuse, dysim-munes au cours des connectivites, cryoglobuline, amylose, causes hé-réditaires ou métaboliques…). Le contexte clinique et les signes cliniques associés décrits précé-demment sont souvent d’une aide précieuse. Si la neuropathie est sé-vère et/ou évolutive, seul un large bilan complémentaire systéma-tique (pouvant aller jusqu’à la biop-sie de nerf ) permettra d’identifier une cause précise. Il faut isoler les formes idiopathiques du sujet âgé dont la présentation est souvent caractérisée par une dissociation électroclinique évocatrice (ENMG plus “malade” que le patient).

• Neuropathie sensitivo-motrice longueur-dépendante Comme dans le groupe décrit pré-cédemment avec atteinte clinique sensitive pure, les étiologies sont nombreuses et la démarche du dia-gnostique étiologique est proche. Là encore, une neuropathie sévère et évolutive doit imposer la réali-sation d’un bilan le plus exhaustif possible. Dans les formes chroniques et an-ciennes, on peut être amené à dis-cuter une forme axonale de CMT, qualifiée alors de type 2, dont la rentabilité diagnostique de la bio-logie moléculaire est nettement inférieure à celle des CMT 1 vus précédemment.Dans les formes sporadiques, il a été isolé une entité particulière qualifiée de CMT-like dont le mé-canisme physiopathologique reste discuté (héréditaire  ? dégénéra-tif  ?) mais qui correspond à une réalité clinique.

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Pathologies neuromusculaires - l’évolution des connaissances

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• Neuronopathie ou neuropathie motrice pureIl s’agit d’une atteinte cliniquement et électriquement motrice pure. Dans certains cas, elles sont de pré-sentation longueur-dépendante, prédominant aux membres infé-rieurs, alors que d’autres peuvent débuter aux membres supérieurs. D’un point de vue physiopatho-logique, il peut s’agir d’une souf-france du motoneurone mais par-fois d’une axonopathie motrice isolée. Certaines sont héréditaires (17) dans le cadre des amyotro-phies spinales distales (ou dHMN pour distal hereditary motor neu-ropathy). D’autres peuvent être acquises, comme dans la forme motrice axonale de syndrome de Guillain-barré associée à l’infec-tion à Campylobacter jejuni. Existe-t-il des formes dysim-munes chroniques  ? Cela reste débattu car un certains nombres d’observations rapportées seraient en réalité des NMMBC (pour les-quelles les blocs de conduction ne pourraient être mis en évidence) et pourraient alors bénéficier d’un traitement par immunoglobulines intraveineuses (18).

❚ les neuropathies axono-myéliniquesUne telle conclusion apparaît sou-vent dans les comptes-rendus d’ENMG, en raison des difficultés souvent rencontrées pour identifier le caractère primitivement axonal ou démyélinisant de la neuropathie. Pourtant, il faut éviter le plus pos-sible une telle conclusion et réserver cette appellation à un cadre assez restreint d’étiologies. En effet, une telle présentation est rencontrée es-sentiellement au cours du diabète, de l’insuffisance rénale chronique, du POEMS, de certaines neuropa-thies paranéoplasiques (avec anti-corps anti-CV2) ou dans certaines neuropathies métaboliques (adré-noleucodystrophie par exemple).

cOncLuSIOnSi l’ensemble des étiologies ren-contrées au cours des neuropa-thies ne s’intègre pas toujours dans cette démarche diagnostique, cette dernière permet souvent de limiter les explorations inutiles. Avec ces arbres diagnostiques simples, le clinicien ou l’électro-physiologiste pourront, dans la

majorité des cas, adopter une prise en charge adaptée et proposer, dans certains cas, un traitement approprié. n

correspondance

dr Philippe Petiot

service de neurologie

hôpital de la croix-rousse

103, grande rue de la croix-rousse

69004 lyon

e-mail : [email protected]

remerciements

Au Dr Thierry Maisonobe qui a beaucoup

inspiré ce travail.

1. england Jd, gronseth gs, Franklin g et al. Practice parameter: the evalua-tion of distal symmetric polyneuropathy: the role of laboratory and gene-tic testing (an evidence-based review). report of the american academy of neurology, the american association of neuromuscular and electrodia-gnostic medicine, and the american academy of Physical medicine and rehabilitation. neurology 2009 ; 1 : 5-13.2. Botez sa, herrmann dn. sensory neuropathies, from symptoms to treatment. curr opin neurol 2010 ; 23 : 502-8.3. anheim m, tranchant c. Peripheral neuropathies associated with here-ditary cerebellar ataxias. rev neurol (Paris) 2011 ; 167 : 72-6.4. lauria g. small fibre neuropathy. curr opin neurol 2005 ; 18 : 591-7.5. gorson Kc, herrmann dn, thiagarajan r et al. non-length dependent small fibre neuropathy/ganglionopathy. J neurol neurosurg Psychiatry 2008 ; 79 : 163-9.6. sinnreich m, Klein cJ, daube Jr et al. chronic immune sensory poly-radiculopathy: a possibly treatable sensory ataxia. neurology 2004 ; 63 : 1662-9.7. antoine Jc, azulay JP, Bouche P et al.; groupe d’etude français des Pidc. chronic inflammatory demyelinating polyradiculoneuropathy: diagnostic strategy. guidelines of the French cidP study group. rev neurol (Paris) 2005 ; 161 : 988-96.8. european Federation of neurological societies/Peripheral nerve so-ciety guideline on management of chronic inflammatory demyelinating polyradiculoneuropathy: report of a joint task force of the european Fe-deration of neurological societies and the Peripheral nerve society. First revision. J Peripher nerv syst 2010 ; 15 : 1-9.

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BiBliographie

Mots-clés : neuropathie

périphérique, Diagnostic, clinique,

Electrophysiologie, Enmg, neuropa­

thie axonale, neuropathie démyéli­

nisante, neuropathie axonomyéli­

nique, Syndrome de guillain­Barré,

canOmaD, mitochondriopathies,

Syndrome de miller­Fisher, SanDO,

Syndrome de gougerot­Sjögren,

ganglionopathie, neuroanthocytose,

neuropathies anti­mag, maladie

de Refsum, neuropathie de charcot­

marie­tooth, pOEmS, maladie de

Fabry, Vascularites, connectivites

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La gammapathie mono-clonale est le point com-mun d’un groupe hété-

rogène d’affections allant de la gammapathie monoclonale bé-nigne (MGUS) aux hémopathies et à certaines affections systémiques comme l’amylose AL ou la cryoglo-bulinémie.

Par opposition aux gammapathies polyclonales secondaires à tout processus inflammatoire, la gam-mapathie monoclonale se caracté-rise par la prolifération et le dépôt d’immunoglobulines constitués par un seul type de chaîne lourde (M, G ou A) et une seule chaîne lé-gère (kappa ou lambda).

Une MGUS est rencontrée chez 1 % de la population de plus de 25 ans, le plus souvent de type IgG (75 %). Sa prévalence augmente avec l’âge, étant de 3 % chez les su-jets de plus de 70 ans.

Il est clairement établi qu’il existe un lien entre neuropathie péri-phérique et dysglobulinémie mo-

Service d’ENMG-Pathologies neuro-musculaires, Hôpital Neurologique, Lyon-Bron

noclonale :• la prévalence d’une gammapa-thie monoclonale chez des pa-tients souffrant d’une neuropathie périphérique dite idiopathique est de 5 à 10 % ; le plus souvent il s’agit d’un gammapathie IgM (50 % des cas) (1) ;• chez les patients suivis pour une dysglobulinémie monoclonale, la prévalence d’une neuropathie est élevée : 1/3 des patients suivis pour myélome multiple, 5 à 10 % des patients connus pour une maladie de Waldenström ; enfin, 17 % des sujets suivis pour une amylose sys-témique ont une neuropathie péri-phérique (2).

Etablir ce lien est parfois diffi-cile et nécessite souvent un fais-ceau d’arguments tant cliniques qu’électrophysiologiques, voire histologiques (3, 4).

On distingue :1. les neuropathies de mécanisme dysimmunitaire ;2. la cryoglobulinémie ;3. l’amylose primitive ;4. l’infiltration du nerf par des cel-lules malignes :5. les neuropathies “hors classes”.

1. LES nEuROpathIES DE mécanISmE DySImmunItaIRE

La neuropathie anti-MaG (Myelin associated protein)Liée à une dysglobulinémie IgM

La MAG est une glycoprotéine membranaire ayant pour rôle, le maintien de l’intégrité de la struc-ture de la myéline. La présence d’anticorps anti-MAG entraîne une “décompaction” des lamelles de myéline mais aussi une pertur-bation du transport axonal (Fig. 1).Elle représente 50 % des neuro-pathies en lien avec une dysglobu-linémie IgM, le plus souvent bé-nigne, de type IgM kappa (5).L’âge de début se situe entre 40 et 75 ans, avec une large prédomi-nance masculine (80 %).Le tableau clinique est dominé par une ataxie sensorielle res-ponsable d’un handicap ambula-toire important avec chutes ; elle s’accompagne de paresthésies quadridistales prédominant aux membres inférieurs avec hypoes-thésie en chaussette. Les dou-leurs neuropathiques sont rares. L’atteinte sensitive aux membres

xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx

2 Dysglobulinémie et neuropathiescomment faire le lien ?

n La gammapathie monoclonale est le point commun d’un groupe hétérogène d’affections.

Elle se caractérise par la prolifération et le dépôt d’immunoglobulines constitués par un seul

type de chaîne lourde (M, G ou A) et une seule chaîne légère (kappa ou lambda). Il est claire-

ment établi qu’il existe un lien entre neuropathie périphérique et dysglobulinémie monoclonale.

� Françoise Bouhour*

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supérieurs peut être responsable d’un tremblement postural. L’aré-flexie est diffuse. Il n’y a pas d’at-teinte des nerfs crâniens ni de dy-sautonomie (6).L’évolution est lente et progressive avec aggravation de l’ataxie et ap-parition d’un déficit moteur distal des membres inférieurs (7).

L’ENMG met en évidence une neuropathie myélinique à pré-dominance distale, caractéristique de cette affection. Les vitesses de conduction motrice sont ralenties mais de façon non homogène ; la conduction motrice distale, dont les latences distales motrices sont le reflet, est plus ralentie que la vi-tesse proximale (calcul de l’Index de Latence Terminale, ou ITL). Il n’existe habituellement pas de bloc de conduction ou de disper-sion de la réponse motrice. Les réponses sensitives sont souvent abolies (8). L’ENMG permet de différencier la neuropathie anti-MAG “classique” d’une polyradi-culonévrite chronique associée à une dysglobulinémie, ce qui a un intérêt essentiellement thérapeu-tique (Fig. 1).Le diagnostic repose donc sur l’électrophysiologie, sur la mise en évidence du pic IgM en immuno-fixation dans le sérum du patient et sur le dosage par technique Elisa des anticorps anti-MAG. La biopsie de nerf n’est réalisée qu’ex-ceptionnellement.

Le traitement est guidé par le bi-lan hématologique. Si la sécrétion d’IgM est en lien avec une maladie de Waldenström ou un lymphome, le traitement sera celui de l’hémo-pathie.Si la gammapathie est bénigne, la décision de traitement dépend de la sévérité clinique car peu de trai-tements ont prouvé leur efficacité (9) ; le rituximab peut être proposé

mais les résultats des essais sont mitigés (10).

Le syndroMe CanoMad (Chronic Ataxic Neuropathy, Ophtalmoplegia, IgM-protein and Disialosyl antibodies) Lié à une dysglobulinémie IgM

Le tableau clinique est dominé, dès le début, par une ataxie senso-rielle associée à des paresthésies et douleurs neuropathiques des membres inférieurs (11).L’évolution se fait vers la majora-tion des troubles de l’équilibre, aux-quels s’associe un déficit moteur modéré, une hypoesthésie, une aré-flexie diffuse et des troubles oculo-bulbaires (90 % des cas). Dans certains cas, le tableau se rapproche de celui de polyradicu-lonévrite chronique sévère (tétra-parésie avec atteinte bulbaire et défaillance respiratoire). L’évolution est lentement progres-sive, rémittente dans 30 % des cas.

Les anomalies électrophysiolo-giques sont variables puisque, dans 50 % des cas, le tableau ENMG est

celui d’une atteinte myélinique diffuse et homogène aboutissant au diagnostic de polyradiculoné-vrite chronique ; dans 30 % des cas, les anomalies ne portent que sur les vitesses de conduction sen-sitives, avec une réduction des ré-ponses sensitives évoquant donc une neuropathie axonale sensi-tive. Enfin, chez 10 % des patients, l’ENMG est normal. L’étude du LCR met en évidence une dissociation albumino-cytolo-gique dans 80 % des cas.Par ailleurs, l’activité agglutinines froides caractérisée par la pro-priété du sérum à agglutiner des globules rouges normaux à basse température (4 °C) et dépistée par un test de Combs direct est pré-sente chez 50 % des patients. Cette activité est le plus souvent asymp-tomatique.

Le diagnostic repose sur : 1. la mise en évidence du pic d’IgM en immunofixation (mais il peut parfois être trop faible pour être dépisté par cette technique) ;2. et la positivité des anticorps anti- gangliosides disyalilés.

Figure 1 - neuropathie anti-maG. Les anticorps anti-maG entraînent une décompac-

tion des lamelles de myéline.

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La gammapathie monoclonale est le plus souvent bénigne (80 % des cas).

De façon similaire aux PRNC, le traitement repose sur les immu-noglobulines intraveineuses et échanges plasmatiques parfois associés à un traitement immu-nosuppresseur. A l’heure actuelle, dans les formes sévères, le rituxi-mab est proposé en première in-tention (12).

Les poLyradiCuLonévrites Chroniques (prnC) Liées à une dysglobulinémie IgM/IgG/IgA

Les PRNC associées à une dysglo-bulinémie ne sont pas différentes des PRNC idiopathiques si ce n’est sur le plan clinique où l’atteinte sensitive et ataxique est plus mar-quée et l’atteinte des nerfs crâ-niens moindre (13). Dans la majorité des cas, le dé-but est subaigu ou chronique, les troubles sensitifs initialement quadridistaux ont une évolution ascendante, bilatérale et symé-trique, s’accompagnant dans un second temps d‘une atteinte mo-trice tant distale que proximale. L’aréflexie est diffuse.

Sur le plan électrophysiologique (Fig. 2), la neuropathie est myéli-nique de distribution homogène, bilatérale avec une atteinte sen-sitive souvent plus marquée aux membres supérieurs. La dissocia-tion albumino-cytologique dans le LCR est notée dans 70 % des cas. L’évolution est soit progressive soit rémittente.

Ces PRNC associées à un pic mo-noclonal répondent aux traite-ments “immunologiques” dans 80 % des cas (échanges plasma-tiques, IgIV ou corticoïdes) (14).

Le syndroMe poeMs (Polyneuropathy, Organomegaly, Endocrinopathy, M component protein, Skin changes)

Il s’agit d’une affection rare, au potentiel évolutif élevé, dont les critères diagnostiques majeurs comportent une neuropathie sen-sitivo-motrice sévère et une gam-mapathie monoclonale le plus souvent IgG λ ou IgA λ. Cette dysglobulinémie est en en lien avec, soit un plasmocytome, soit un myélome multiple, soit une MGUS (15). La neuropathie peut précéder l’at-teinte hématologique de plusieurs mois. Elle correspond à une po-lyradiculonévrite subaiguë et sé-vère ; l’atteinte sensitive et motrice est longueur-dépendante, mais d’évolution rapidement ascen-dante avec un handicap ambula-toire marqué (perte de la marche) chez la majorité des patients (16).

L’ENMG apporte des arguments en faveur d’une neuropathie myé-

linique associée à une dégénéres-cence axonale sévère, sensitive et motrice, diffuse mais prédomi-nant aux membres inférieurs.

Devant cette neuropathie, le dia-gnostic de POEMS sera confirmé par :• la présence d’une dysglobuliné-mie IgG ou IgA ;• la découverte de lésions osseuses sclérotiques (radiographies ou IRM du squelette) et/ou d’une hy-perplasie ganglionnaire angiofolli-culaire (scanner TAP) ;• l’élévation du taux sérique du vascular endothelial growth factor (> 700 pg/ml) (17).

Le traitement de la neuropathie dé-pend en partie de l’affection héma-tologique sous-jacente. On propose un traitement par Melphalan inten-sif et autogreffe de cellules souches périphériques, protocole permet-tant une amélioration clinique dans 80 % des cas. En cas de contre-indi-cation, la thalidomide peut être une alternative intéressante (18).

Latence distale = 2.65 ms (normale <3.4 ms)

Ralentissement Vitesse conduction motrice = 40m/s

Bloc de conduction poignet/coude = 40%

Désynchronisation des réponses proximales

PRNC associé à une dysglobulinémie IgG

Bloc de conduction

Désynchronisation du PGAM

Neuropathie anti-MAG

Latence distale = 8.3 ms (normale < 4 ms)

ITL = 0.20 (ralentissement distal si < 0.25)

Ralentissement Vitesse conduction motrice = 33 m/s

Absence de bloc et de désynchronisation

Latence distale

Figure 2 - caractéristiques électrophysiologiques distinguant la polyradiculonévrite

chronique et la neuropathie anti-maG.

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2. La cRyOGLObuLInémIELes cryoglobulines sont des im-munoglobulines circulantes qui précipitent à 4 °C et se dissolvent à 37 °C. Elles peuvent être de type IgM, IgG ou IgA.

Elles sont classées en 3 sous-groupes :• type 1, monoclonal le plus sou-vent IgM en lien avec un processus lymphoprolifératif (Waldenström ou myélome) ; • les cryoglobulinémies mixtes : - type 2 composée d’une IgM mo-noclonale dirigée contre une IgG polyclonale compliquant le plus souvent les infections à VHC ;- type 3 : IgM et IgG polyclonales survenant au cours de certaines pathologies inflammatoires chro-niques) (19).

La physiopathologie de l’atteinte neuropathique est liée soit à l’ac-tivité anticorps anti-MAG ou an-ti-glycolipide portée par la cryo-globuline (type 1 surtout), soit aux dépôts de complexes immuns cir-culants générant une vascularite

touchant les vaisseaux de petits et moyens calibres (multinévrite, neuropathie sensitive longueur-dépendante ou neuropathie des petites fibres, atteinte rénale, purpura vasculaire), soit, enfin, à la précipitation intravasculaire de cryoglobuline (thrombi dans vaisseaux de petit calibre) (20).Dans ce chapitre, la cryoglobuliné-mie est de type 1 et sa responsabilité dans le mécanisme lésionnel de la neuropathie est difficile à affirmer en l’absence de lésions de vascula-rite. L’atteinte neurogène périphé-rique est le plus souvent en lien avec une cryoglobulinémie mixte (21).

3. L’amyLOSE pRImItIvE Ou aL Elle est rare (500 cas/an en France) et se caractérise par le dé-pôt extracellulaire de fragments de chaînes légères monoclonales d’immunoglobulines adoptant une configuration β plissée. Le plus souvent, la production de substance amyloïde se fait dans le cadre d’un myélome ou d’une MGUS.

Les amyloses AL peuvent être localisées ou disséminées, les organes cibles étant le cœur et le rein, asymptomatiques ou au contraire de pronostic redoutable (médiane de survie de 18 mois).Certains aspects cliniques sont quasi pathognomoniques tels la macroglossie (10 % des patients) et le pupura périorbitaire spontané. L’atteinte cardiaque est présente chez 40 % des sujets à la phase ini-tiale, symptomatique chez 20 % sous la forme d’une cardiomyo-pathie restrictive engageant le pronostic vital chez la moitié des patients. L’atteinte rénale, la plus commune, se caractérise par une protéinurie abondante respon-sable d’un syndrome néphrotique dans la moitié des cas.La neuropathie complique le ta-bleau clinique dans 20 % des cas. Elle peut être inaugurale et iso-lée ; dans ce cas précis, le retard diagnostique est fréquent (12 à 18 mois), expliquant le pronostic plus sombre de ces formes (22). Le tableau initial est celui d’une neuropathie sensitive et doulou-reuse (50 % des cas) par atteinte des petites fibres amyéliniques.L’ENMG est alors normal. L’évolution se fait vers une neuro-pathie sensitivo-motrice, diffuse, souvent longueur-dépendante. A l’ENMG, l’atteinte est axonale à prédominance sensitive (souvent abolition des réponses sensitives). Face à cette neuropathie, quelques éléments doivent alerter le cli-nicien : la fréquence d’un canal carpien associé (25 % des cas) et l’association à une dysautonomie se manifestant par une hypoten-sion orthostatique, des troubles du transit, des troubles vésico-sphinctériens et sexuels (23).La pathogénie de la neuropathie est complexe, mais fait intervenir la contrainte mécanique des dé-pôts de substance amyloïde, des

Figure 3 - biopsie des glandes salivaires accessoires avec dépôt d’amylose (coloration

rouge congo).

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Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 153

phénomènes ischémiques liés à la localisation périvasculaire de cer-tains dépôts et peut être une toxi-cité directe sur le nerf.

Le diagnostic repose sur : 1. la mise en évidence d’une pro-téine monoclonale sérique et/ou urinaire (80 % des cas) : il s’agit par ordre de fréquence d’une IgG puis IgA, rarement une IgM ; les chaînes légères libres trouvées dans les urines sont de type lambda :2. l’obtention d’une preuve his-tologique d’amylose (Fig. 3) ; en cas de neuropathie, la biopsie de nerf a une rentabilité diagnos-tique de 85 % ; cependant le pré-lèvement de tissu autre, telles la graisse sous-cutanée, la peau et les glandes salivaires accessoires (moins agressif ), garde une bonne sensibilité de l’ordre de 50 à 70 % ;

(M-Dex) permettant une réponse clinique chez la moitié des pa-tients, résultats meilleurs que ceux de l’autogreffe de cellules souches proposée donc en seconde inten-tion (médiane de survie 57 mois versus 22 mois) (24). Dans cer-tains cas, l’association “agent alk-ylant-corticoïdes-thalidomide ou bortezomid” a été proposée (25).

4. InFILtRatIOn Du nERF paR DES cELLuLES maLIGnESCompliquant les lymphomes ma-lins non hodgkiniens, l’infiltration nerveuse peut être soit satellite d’une infiltration méningée soit isolée. Dans les 2 cas, l’atteinte est volontiers pluri-radiculaire aux membres inférieurs, accompagnée de douleurs rebelles. Le diagnostic

but distal et progressif, l’ataxie est discrète et le déficit moteur est in-constant. L’atteinte sensitive des membres supérieurs serait plus marquée et plus fréquente que dans la neuropathie idiopathique du sujet âgé (26).

L’ENMG est celui d’une neuro-pathie axonale sensitivo-motrice sans autre élément discriminatif ; l’étude du LCR est normale (13). Le plus souvent, l’évolution est lente et aucune thérapeutique (notamment ciblant la dysglobuli-némie) n’est alors proposée. Dans de rares cas de formes sévères, un traitement immunologique a per-mis une rémission clinique, ren-voyant à un diagnostic probable de polyradiculonévrite chronique.

Dans ce chapitre, doivent être mentionnées les neuropathies ia-trogènes, les traitements recom-mandés dans les dysglobulinémies étant volontiers neurotoxiques (thalidomide, bortezomid, vincris-tine en particulier) (27). n

correspondance

dr Françoise Bouhour

service d’enmg-Pathologies

neuro-musculaires

hôpital neurologique

59 boulevard Pinel

69677 Bron cedex

e-mail : [email protected]

Mots-clés : neuropathie périphérique,

Dysglobulinémie monoclonale,

Gammapathie monoclonale,

Diagnostic, EnmG, neuropathie

anti-maG, canOmaD, polyradi-

culonévrites chroniques, pOEmS,

cryoglobulinémie, amylose primitive,

Lymphome

l’anatomopathologiste doit être informé de la suspicion d’amylose afin d’orienter la technique (utili-sation des colorations adéquates - rouge Congo - pour révéler les dépôts de substance amyloïde) et d’étudier tout le tissu biopsié. Il est important de préciser le type d’amylose et en cas de doute, une recherche d’amylose héréditaire devra être proposée (16) ;3. la recherche et l’évaluation sys-tématique d’une hémopathie B.

Le traitement cible le clone plas-mocytaire (myélome) ou lym-phoplasmocytaire à l’origine de la protéine pathogène ; le protocole privilégié en France est l’associa-tion melphalan-dexaméthasone

repose alors sur l’étude du LCR, l’imagerie par IRM des racines lombosacrées, voire sur la biopsie chirurgicale “radioguidée”.

5. LES nEuROpathIES “hORS cLaSSES”En dehors des cadres nosolo-giques précédemment décrits, il est parfois difficile d’établir un lien de causalité formelle entre la dys-globulinémie et la neuropathie ; on se pose même la question d’une association fortuite étant donné la fréquence de la dysglobulinémie, notamment IgG chez le sujet agé.

La neuropathie est alors sensi-tive, longueur-dépendante, à dé-

Devant toute neuropathie associée à une dysglobulinémie, il est primordial d’identifier le processus physiopathologique liant les deux affections entre elles, car de cette démarche, découle toutes les modalités de prise en charge.

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Pathologies neuromusculaires - l’évolution des connaissances

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154� Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147

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156� Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147

On exclut classiquement de ce cadre nosologique, les myopathies suivantes,

dont le déficit moteur est vo-lontiers distal, mais associé à un phénotype souvent plus riche qui permet d’en évoquer le diagnostic facilement :• dystrophie myotonique de type I ou maladie de Steinert : associant un déficit moteur distal des mains et des loges antéro-externes de jambes, une myotonie électrique ou électroclinique et une atteinte pluri-systémique (cardiopathie, diabète, cataracte…) ;• dystrophie musculaire facio-scapulo-humérale, comprenant volontiers une atteinte de la loge antéro-externe de jambe mais as-sociée à une atteinte scapulaire constante (phénotype scapulo- péronier) et une atteinte faciale fréquente qui permettent d’en évoquer le diagnostic ;• myosite sporadique à inclusion, touchant le sujet de plus de 50 ans, associant une atteinte volontiers proximale des membres inférieurs et distale des membres supérieurs, prédominant sur les muscles flé-chisseurs ;

*Service de neurologie, Hôpital Pierre Wertheimer, Lyon

• myopathie oculo-pharyngo- distale, autosomique dominante ou récessive, d’âge de début variable (7-50 ans), se manifestant initia-lement par un ptosis, un déficit des muscles faciaux et bulbaires, et dans les 5 ans qui suivent un déficit distal des 4 membres. Les CPK sont modé-rément augmentées (1 à 8 fois la nor-male) ; l’électromyogramme révèle volontiers des averses myotoniques, et la biopsie musculaire montre des vacuoles bordées.

ORIEntatIOn DIagnOStIquE DEvant un DéfIcIt DIStal mOtEuR puRLes principaux diagnostics diffé-rentiels des myopathies distales sont les atteintes neurogènes péri-phériques, génétiques, à présenta-tion motrice, soit : • la forme spinale de Charcot- Marie-Tooth ;• les amyotrophies spinales dis-tales.

Evoquer un processus myopa-thique devant un déficit moteur pur reposera donc sur :

Une analyse clinique rigoureuse :• absence de pieds creux, de

troubles sensitifs ou d’abolition précoce des réflexes (qui oriente-raient vers une atteinte neuropa-thique) ;• sélectivité de l’atteinte motrice (ex. : déficit de la loge antéro-ex-terne et préservation du muscle pédieux “signe du trop beau pé-dieux” ; atteintes associées faciale ou scapulaire…) ;• antécédents personnels (ex. : cardiopathie, volontiers associée à certaines myopathies).

Un dosage élevé de CPK (non spécifique), qui peut manquer.

L’électromyogramme, avec mise en évidence de tracés trop riches, microvoltés. Cependant dans cer-taines myopathies (ex. : myopa-thie de Nonaka), les tracés sont volontiers trompeurs, pseudo-neurogènes.

Enfin, la biopsie musculaire confirmant le processus myopa-thique, et pouvant mettre en évi-dence, dans certains cas, des lé-sions spécifiques qui orienteront l’enquête étiologique (vacuoles bordées, lésions myofibrillaires, immunomarquages et western blot révélant une déficit pro-téique…).

xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx

3 les myopathies distalesun groupe hétérogène d’affections génétiques

n Les myopathies se manifestent classiquement par un déficit moteur pur, proximal, touchant

les ceintures pelviennes et scapulaires. Le concept de myopathies distales, touchant initiale-

ment et préférentiellement les extrémités, est apparu en 1902 (1). Il correspond à un groupe

hétérogène d’affections génétiques, caractérisées par un déficit moteur pur, débutant ou pré-

dominant en distal, associé à des anomalies histologiques musculaires, confirmant le proces-

sus myopathique.� hélène gervais-Bernard*

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Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 157

ORIEntatIOn étIOlOgIquE DEvant unE myOpathIE DIStalEJusqu’au début des années 2000, ce groupe d’affection était relati-vement restreint, comprenant 5 formes principales : la myopathie de Nonaka et les dysferlinopathies pour les formes récessives, les myo-pathies de Laing, Udd et Welander pour les formes dominantes. De-puis 10 ans, avec les avancées de la biologie moléculaire, ce cadre clinique s’est élargi, avec mise en évidence de plus d’une dizaine de gènes en cause (2).

L’enquête étiologique devant une myopathie distale, va s’orienter en fonction des éléments suivants :• mode de transmission autoso-mique dominant ou récessif ;• âge de début précoce ou tardif ;• sélectivité de l’atteinte mus-

culaire : début aux membres in-férieurs ou supérieurs ; loges musculaires les plus touchées (an-térieures ou postérieures) ou au contraire épargnées. On s’aidera volontiers de l’imagerie muscu-laire (IRM musculaire ou à défaut scanner musculaire) pour préciser cette sélectivité ;• les données histologiques de la biopsie musculaire : présence ou non de vacuoles bordées, d’une dé-sorganisation du réseau intermyo-fibrillaire ; on complètera l’analyse par un immunomarquage et un western blot des protéines mus-culaires, voire une analyse en mi-croscopie électronique.

En combinant ces différents cri-tères, des algorithmes ont été proposés pour guider l’enquête étiologique devant un tableau de myopathie distale (2) (Fig. 1 et 2).

lES myOpathIES DIStalES autOSOmIquES RécESSIvES

Myopathie de NoNaka ou Myopathie par MutatioN gnECette entité a été individualisée au Japon en 1981 (3), puis dans la population iranienne (4) ; elle est ubiquitaire. Elle débute dans la deuxième décennie, par une faiblesse des muscles de la loge antéro-externe de jambe, se manifestant par un steppage. L’évolution se fait vers une atteinte de la loge postérieure de jambe et des muscles proxi-maux avec une épargne durable, à la fois clinique et radiologique du muscle quadriceps. Les CPK sont modérément aug-mentées, à 3 à 4 fois la normale. L’électromyogramme (EMG) est

Tardif

AR/Spor AR/Spor

Adolescencejusqu’à 40 ans

Enfant àAdulte jeune

Welander

Atteinte des

mains

MYH719p13

DNM2 nébuline victoria dysferline

GNE

Desmineeβcristalline

Flamine C19p13MPD3

TitineVCR

MyotilineZASP

Miyoshi likeWelanderMATR3

VCPZASP

19pf13

Ant > Post Ant > Post Post > AntPost Post

Age de début

AD/Spor

Ant > Postmixte Post

Atteintemains

Ant > Post

Atteinte des

mains

Pas d’atteinte des mains

AD/Spor AR/Spor AD/Spor

Ant > Post Post mixte

figure 1 - arbre décisionnel en fonction de l’âge de début, du mode de transmission et de la sélectivité de l’atteinte. D’après Udd et al.

(2). ad : autosomique dominant ; ar : autosomique récessif ; spor : sporadique ; ant : antérieur ; post : postérieur.

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158� Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147

d’interprétation difficile, avec des tracés volontiers “neurogènes”. La biopsie musculaire révèle des va-cuoles bordées. Le gène en cause est le gène GNE (5), situé en 9p1-q1, codant pour une protéine intervenant dans la synthèse de l’acide sialique.

Myopathie de Miyoshi, ou dysferliNopathieDécrite au Japon (6), sa réparti-tion géographique est ubiquitaire. Elle débute vers 20 ans par une fai-blesse et une atrophie des mollets, parfois asymétrique, responsable d’une difficulté à courir, à sauter ou à se mettre sur la pointe des pieds. Elle respecte les muscles intrinsèques du pied ; l’évolution se fait vers une atteinte proxi-male (la loge postérieure de cuisse étant plus atteinte que la loge antérieure), et des membres su-périeurs avec atrophie fréquente de la portion inférieure du biceps brachial et respect des muscles fixateurs de l’omoplate.

Les CPK sont souvent très élevées (10 à 150 fois la normale). L’EMG montre des tracés myo-gènes avec une importante activité de fibrillation. La biopsie musculaire révèle des lésions de type dystrophique et volontiers d’importants infil-trats inflammatoires, qui peuvent conduire à poser à tort le diagnos-tic de polymyosite.L’analyse en immunohistochimie et western blot permet de mettre en évidence le déficit en dysferline (NB : le western blot met aussi en évidence, dans la moitié des cas, un déficit dit “secondaire” en calpaïne). La dysferline est une protéine mem-branaire, de fonction inconnue, dont le déficit est aussi responsable d’un phénotype de myopathie des ceintures (LGMD2B) ; les deux phé-notypes peuvent coexister au sein d’une même famille.

NébuliNopathieLa nébuline est une protéine du sarcomère, habituellement res-

ponsable d’un tableau de myo-pathie congénitale, avec atteinte initiale proximale, caractérisée histologiquement par la présence de bâtonnets. Un phénotype distal a été récem-ment individualisé chez 7 patients issus de 4 familles finlandaises distinctes (7), touchant la loge antéro-externe des jambes, les ex-tenseurs des doigts et les fléchis-seurs de nuque. L’âge de début est variable : coexis-tence de formes infantiles et adultes. Les bâtonnets ne sont pas présents sur la biopsie musculaire, qui montre des anomalies non spécifiques. L’analyse moléculaire révèle 2 mutations faux-sens à l’état homo-zygote.

Myopathie par MutatioN de l’aNoctaMiN-5L’anoctamin-5 est une protéine transmembranaire, de rôle in-complètement connu, porteuse d’une probable fonction canalaire

Oui

Desmineeβcristalline

Flamine C MyotilineZasp

Flamine C

MVH7Nébuline

FSHDM1

DysferlineVictoriaDNM2

Myoshi-like

GNETitine

MATR 3VCP

WelanderMPD319p13

Vacuoles bordées

Ant

Myopathiemyofribillaire

MixteAnt/post

Non

Ant Mixte PostPost > AntMixteAnt > Post

Pas de myopathiemyofribillaire

Dysferline

figure 2 - arbre décisionnel en fonction des lésions anatomopathologiques. D’après udd et al. (2). ad : autosomique dominant ; ar :

autosomique récessif ; spor : sporadique ; ant : antérieur ; post : postérieur.

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chlore. Un déficit en anoctamin-5 a récemment été associé avec un tableau de myopathie des cein-tures (LGMD2L) et un tableau de myopathie distale (8) appelé MMD3, pour Miyoshi muscular dystrophy-3, compte tenu de la présentation clinique similaire à la myopathie de Miyoshi : soit un déficit touchant préférentielle-ment la loge postérieure de jambe, volontiers asymétrique. Les CPK étaient constamment augmentées de façon importante (5-75 fois la normale).

lES myOpathIES DIStalES autOSOmIquES DOmInantES

Myopathie de WelaNderIl s’agit de la première myopathie distale individualisée (9), présente exclusivement dans les pays nor-diques. Le gène en cause, non en-core identifié, est situé en 2p13. Le début est tardif, après 40 ans, et se caractérise par une atteinte distale des membres supérieurs, touchant préférentiellement les muscles extenseurs des doigts responsable d’une difficulté pour les gestes fins. L’évolution, lente, se fait vers une atteinte de la loge antéro-externe de jambe, respon-sable d’un steppage. Les CPK sont normales à modé-rément augmentées (1 à 3 N), la biopsie musculaire est non spéci-fique mais peut montrer à un stade tardif des vacuoles bordées.

Myopathie de udd-Markesbery-GriGGs, ou dystrophie Musculaire tibiale, ou titiNopathieIndividualisée par Udd en 1993 (10), elle est liée à une mutation du gène codant pour la titine, pro-téine du sarcomère. Elle est fré-

quente dans les pays nordiques (Finlande), mais a été décrite aussi en France, en Angleterre et en Espagne (2, 11). Les mutations décrites (mutation finlandaise, française A et B, et espagnoles) touchent le dernier exon (363) ; une mutation, responsable d’un phénotype plus sévère, a été dé-crite en France, sur l’exon 362. A l’état homozygote, la mutation est responsable d’un phénotype plus sévère avec atteinte des ceintures, LGMD2J. Le début est tardif, après 35 ans. Le déficit touche initialement le muscle tibial antérieur de façon très sélective (d’où son nom de dystrophie musculaire tibiale), et peut évoluer vers une atteinte des muscles extenseurs des orteils. Les muscles intrinsèques du pied sont respectés (signe du “trop beau pé-dieux” qui devant cette atteinte distale oriente vers un processus myogène et non neurogène), de même les muscles proximaux des membres inférieurs. Les CPK sont normales à modéré-ment augmentées. Les tracés EMG sont myogènes ; il existe volontiers une activité de fibrillation importante dans le muscle tibial antérieur. L’imagerie musculaire révèle l’atteinte sélec-tive du tibial antérieur. La biopsie musculaire (dans le tibial anté-rieur) met en évidence des anoma-lies non spécifiques ; quelques vacuoles bordées peuvent être ob-servées chez la moitié des patients.

Myopathie de laiNG ou Myopathie distale à début iNfaNtileDécrite par Laing, en Australie, en 1995 (12), elle est liée à une mutation du gène MYH7, qui code pour la chaîne lourde de la myosine. Les néo-mutations sont fréquentes, et l’histoire familiale peut donc manquer.

Elle débute dans l’enfance entre 4 et 20 ans, par une atteinte sé-lective des extenseurs des orteils (signe du “gros orteil tombant”) (13). L’évolution est très lente, vers une atteinte des extenseurs des chevilles, doigts, poignets, et flé-chisseurs du cou dans la troisième décennie. L’atteinte proximale survient après 40 ans. Les CPK sont peu augmentées (1 à 3 N).Les tracés EMG sont de nature myogène. L’imagerie musculaire, confirme la sélectivité de l’atteinte aux muscles de la loge antéro-ex-terne de jambe. La biopsie mus-culaire est non spécifique, sans vacuoles bordées.

Myopathies Myofibrillaires (MMf)Il s’agit d’un groupe de myopathies, dont le concept date de 1996, ca-ractérisées par des anomalies his-tologiques communes (14, 15) : une désorganisation des myofibrilles autour de la strie Z, et une accumu-lation sarcoplasmique anormale de protéines. Il s’agit donc d’un diagnostic anatomopathologique. Ce groupe comprend aujourd’hui 6 gènes codant pour des protéines impliquées dans la strie Z : des-mine, aβ cristalline, filamine C, myotiline, ZASP et BAG3.De transmission autosomique dominante, elles ont un phéno-type clinique assez homogène : associant un début souvent tardif après 40 ans, un déficit initial tou-chant plus volontiers les membres inférieurs de topographie variable (soit distal, soit proximal, soit proximo-distal) (16). Quelques particularités cliniques permettent d’orienter vers la pro-téine en cause : • la présence d’une cardiopathie est plus fréquemment associée à la desmine, mais peut se voir avec toutes les MMF ;

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160� Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147

• une dysphonie laryngée associée à une neuropathie est plutôt évo-catrice de myotilinopathie• une cataracte orientera vers une aβ cristalline ;• une neuropathie peut se rencon-trer dans toutes les MMF à l’ex-ception des desminopathies ; elle est particulièrement fréquente dans les myotilinopathies.

Il existe une sélectivité de l’atteinte musculaire, mise en évidence par l’imagerie qui guide l’analyse mo-léculaire de ces myopathies (17).Les CPK sont normales à modéré-ment augmentées, elles peuvent être augmentées jusqu’à 15 fois la normale pour les mutations BAG3 (16). L’ENMG peut montrer une réduc-tion des vitesses de conduction nerveuse, et volontiers des tracés mixtes neurogènes et myogènes ; des décharges myotoniques sont décrites (16).

filaMiNopathies distalesLes mutations du gène codant pour la filamine, à l’origine d’une myopathie myofibrillaire sont si-tuées dans la région C-terminale du gène. En 2011, ont été indivi-dualisées des filaminopathies, non myofibrillaires par mutations de la région N-terminale du gène (18). La maladie débute dans la 3e  dé-cennie par une atteinte des muscles thénariens responsable d’une diminution de la force de préhension, puis évolue vers la 4e décennie par une atteinte de la loge postérieure de jambe entraî-nant des difficultés à courir et à sauter, et vers la 5e décennie par une atteinte proximale, condui-sant à l’utilisation d’une canne. Les CPK sont modérément aug-mentées (1.5 à 2.5 N). La biopsie musculaire n’est pas de type myo-fibrillaire et met en évidence des anomalies non spécifiques.

Myosite à iNclusioN héréditaire par MutatioN vcpIl s’agit d’une affection génétique, autosomique dominante, par mu-tation du gène VCP (codant pour la valosin-containing protein) asso-ciant une myopathie à inclusion, une maladie de Paget et une dé-mence frontotemporale. Le syn-drome peut être incomplet. Le début survient après 35 ans, par un déficit qui peut être soit proxi-mal, soit distal (19). Les CPK sont normales à modérément augmen-tées. La biopsie musculaire oriente l’en-quête étiologique en mettant en évidence des vacuoles bordées.

Myopathie distale avec atteiNte pharyNGée et des cordes vocalesAffection autosomique domi-nante, individualisée en 1998 (20), elle est due à une mutation du gène MATR3 (21) codant pour une protéine de la matrice nucléaire. Elle débute vers l’âge de 45 ans, par une atteinte distale touchant ini-tialement les membres inférieurs, puis les membres supérieurs. Dans la plupart des cas s’y associe une atteinte des cordes vocales et des troubles de déglutition. Les CPK sont normales à modé-rément augmentées. L’EMG est myogène. La biopsie musculaire met en évidence des vacuoles bor-dées.

Myopathie distale à début précoce par MutatioN Klhl9Individualisée en 2010 dans une seule large famille allemande (22), elle débute par un déficit amyotro-phiant du muscle tibial antérieur survenant précocement entre 8 et 16 ans. La progression est très lente, permettant la préservation de la marche jusqu’à la 7e décennie. Les CPK sont normales à significa-tivement augmentées (9N).

L’EMG peut monter quelques la-tences distales motrices allongées.

Myopathies ceNtroNucléaires autosoMiques doMiNaNtes par MutatioN dNM2 Différentes des formes liées à l’X ou récessives, elles se caractéri-sent par un début plus tardif et dis-tal. La biopsie musculaire oriente le diagnostique en révélant des centralisations nucléaires mul-tiples et des cores centraux.

cOncluSIOnLa mise en évidence, dans la der-nière décennie, de nouvelles enti-tés et leur caractérisation molécu-laire ont complexifié le diagnostic étiologique des myopathies dis-tales. L’enquête étiologique repose sur l’analyse du mode de transmis-sion, de l’âge de début, de la sélec-tivité de l’atteinte musculaire et la présence de lésions histologiques spécifiques sur la biopsie muscu-laire n

correspondance

dr hélène gervais-Bernard

service de neurologie

hôpital Pierre Wertheimer

59, boulevard Pinel

69003 lyon

e-mail :

[email protected]

Mots-clés : myopathies distales,

myopathie de nonaka, myopathie

de miyoshi, Dysferlinopathies,

nébulinopathie, anoctamin-5,

myopathie de Welander, myopathie

de udd-markesbery-griggs,

myopathie de laing, myopathies

myofibrillaires, filaminopathies

distales, myosite à inclusion

héréditaire par mutation vcp,

Electromyogramme, Biopsie

musculaire, génétique

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Pathologies neuromusculaires - l’évolution des connaissances

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Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 161

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BiBliographie

appElS a pROJEtS

Fondation CNP Assurances : appel à projets pour l’amélioration de la prise en charge de la douleur

La Fondation CNP Assurances, sous l’égide de la Fon-dation de France, lance un nouvel appel à projets sur le thème de la lutte contre la douleur.L’objectif est de soutenir des initiatives favorisant :• la promotion des bonnes pratiques de prise en charge de la douleur physique et des stratégies de soins cen-trées sur le patient, ainsi que leur évaluation ;• l’évaluation et une prise en charge adaptée de la douleur physique en santé mentale pour les populations vulnérables ou dyscommunicantes.

Il peut s’agir d’initiatives conduisant à : une meilleure compréhension, une meilleure évaluation et un meilleur traitement de la douleur physique ; une réponse thé-rapeutique rapide et efficace pour soulager la douleur ; une application systématique des protocoles analgé-siques reflétant l’état actuel des connaissances ; une évolution des pratiques en matière d’amélioration de la prise en charge de la douleur en santé mentale.

Appel à projets est destiné à : Equipes médicales et associations soucieuses d’amélio-rer la prise en charge de la douleur.

Dossiers de candidature• Disponibles sur : http://www.cnp.fr • ou par courriel à : [email protected]

Envoi des dossiers• 1 exemplaire par courrier à : Fondation CNP Assurances - 4, place Raoul Dautry - 75716 PARIS Cedex 15• 1 exemplaire par courrier électronique (version non protégée en format Word) à :[email protected]

Les dossiers de candidature devront être déposés avant le 30 juin 2012.

Pour en savoir plus : Fondation CNP Assurances Fax : 01 42 18 92 85 - E-mail : [email protected]

Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 161

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Les syndromes myasthé-niques congénitaux (SMC) sont caractérisés par un

dysfonctionnement de la jonction neuromusculaire (JNM), non lié à des auto-anticorps comme on l’ob-serve dans la myasthénie autoim-mune, mais secondaire à un gain ou une perte de fonction d’une protéine de la machinerie jonc-tionelle. Ils forment une entité nosologique hétérogène en pleine expansion et, à ce jour, 14 gènes ont été identifiés et codent pour des protéines impliquées dans la synthèse (ChAT), la dégradation (COLQ) et le récepteur de l’acé-tylcholine, ainsi que pour d’autres protéines post-synaptiques, par-mi lesquelles la rapsyne, Dok7 et Musk (1-3).

Il est proposé de les classer selon le mécanisme de dysfonction de la JNM : • pré-synaptique ;• de la fente synaptique ;• ou post-synaptique.

*Service de neurologie, Hôpital de la Croix-Rousse, Lyon

La prévalence des SMC est es-timée à 1/500 000 habitants en Europe et la plupart des cas sont post-synaptiques (1-3).

SémIOlOgIE Et “DRapEaux ROugES”Bien que la majorité des cas dé-butent dès la petite enfance, de plus en plus de cas débutant à l’âge adulte sont rapportés.

La présentation clinique (Tab. 1) peut être celle d’un authentique syn-drome myasthénique. L’atteinte oculomotrice est fréquente

(ptosis, diplopie), parfois associée à une sémiologie bulbaire avec dysphonie, dysphagie et troubles de la mastication. Une participa-tion des muscles proximaux peut également se rencontrer.La sensibilité aux anticholines-térasiques est fréquente mais ces derniers peuvent, dans cer-taines formes, aggraver la sémio-logie. Par contre, si ces symp-tômes sont communs à la forme autoimmune, ils ne sont pas sen-sibles aux immunosuppresseurs et s’ils peuvent être fluctuants, leur variabilité s’observe non pas sur la journée mais sur plusieurs

xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx

4 les syndromes myasthéniques congénitaux

un diagnostic complexen Les syndromes myasthéniques congénitaux constituent une entité nosologique hétérogène

en pleine expansion. Il est important de les rechercher en cas d’antécédents familiaux, néo-

nataux (hypotonie, détresse respiratoire…), de syndrome myasthénique séronégatif associé

à une sémiologie évocatrice et/ou résistant au traitement immunosuppresseur, de tableau de

myopathie des ceintures fluctuante, ou en cas d’obtention d’un double potentiel global d’action

musculaire lors de l’étude des conductions nerveuses (en absence de surdosage en anticholi-

nestérasiques).� Perrine devic*

tableau 1 - Drapeaux rouges cliniques et paracliniques orientant vers un syndrome myasthénique congénital.

Clinique- antécédents familiaux- antécédents néonataux (hypotonie, détresse respiratoire…)- myopathie des ceintures fluctuante- réflexe pupillaire photomoteur ralenti, myosis, rétinopatie, maculopathie- absence de réponse aux immunosuppresseurs

paraclinique- double Pgam- anti-rach et anti-musk négatifs

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semaines, plusieurs mois voire plusieurs années.

Dans certains cas, il peut s’agir d’un tableau pseudo-myopa-thique avec déficit musculaire des ceintures prédominant. Une fluctuation sur une longue période peut aussi s’observer. L’existence de signes oculomoteurs, même minimes comme un ptosis, est alors évocatrice.

Des formes très précoces avec hypotonie néonatale ont été rap-portées, évoluant parfois de façon favorable ultérieurement et il est donc important de rechercher les antécédents de la période néona-tale en cas de suspicion de SMC. Une arthrogrypose est également possible.

Enfin, des accès récurrents de dé-tresse respiratoire souvent fa-vorisés par le stress, les infections, la fièvre, les vomissements, les ef-forts ou le froid ont été décrits.

Quelle que soit la forme clinique, la présence d’antécédents fami-liaux, que l’on recherchera sys-tématiquement, facilitera le dia-gnostic même s’ils peuvent faire défaut dans les formes spora-diques fréquentes en raison d’une

transmission toujours autoso-mique récessive sauf dans le syn-drome du canal lent.

Sur le plan paracliniqueLe bloc de la jonction neuromus-culaire est le plus souvent objec-tivé par l’existence d’un décrément anormal (Fig. 1) aux stimulations ré-pétitives (supérieur à 10 % entre la première et la cinquième stimu-lation lors d’un train de 10 stimu-lations à 3 Hz) et/ou la présence d’un jitter en fibre unique. Ces anomalies sont donc identiques à celles décrites dans la myasthé-nie autoimmune. Il est important de multiplier les couples nerfs-muscles étudiés et de privilégier les territoires bulbaires ou faciaux qui sont parfois les seuls à être le siège d’un décrément. Outre la séronégativité, certains signes électromyographiques tels qu’un double potentiel global d’action musculaire (PGAM) doivent orienter le clinicien vers la re-cherche d’un SMC (Fig. 2).

DiagnoSticS DifférentielS Parmi les diagnostics différentiels, on discutera bien sûr une myas-thénie autoimmune séronégative pour les anticorps anti-RACH et anti-Musk. La non-réponse aux traitements immunosuppresseurs

et la recherche d’anti-RACH de faible affinité et d’anti-LRP4 se-ront déterminants (ENS Lyon). Devant une présentation plus myopathique, il faut insister sur la nécessité de faire une recherche systématique de bloc de la jonc-tion neuromusculaire à toute maladie musculaire pour laquelle l’histologie n’est pas contributive, en précisant que la mise en évi-dence d’un bloc de la JNM à l’EMG peut aussi se rencontrer au cours des myopathies, notamment cen-tronucléaires ou des cytopathies mitochondriales (4).

phySIOlOgIE DE la jOnCtIOn nEuROmuSCulaIRE (Fig. 3)

L’arrivée du potentiel d’action neu-ronal entraîne l’afflux intracellulaire de calcium, puis l’exocytose de quan-tas d’acétylcholine. L’acétylcholine libérée par la terminaison axonale pré-synaptique se fixe ensuite sur les RACH post-synaptiques et entraîne un afflux de cations (sodium et à un moindre degré calcium) intracellu-laire, ce qui génère des potentiels de plaque miniatures. Si le potentiel de plaque (sommation des potentiels de plaque miniatures de la plaque motrice) est supérieur au seuil, un potentiel de fibre musculaire sera

Figure 1 - Bloc de la jonction neuromusculaire : décrément supérieur à 10 % lors des

stimulations répétitives à 3hz.

Figure 2 - Double potentiel global

d’action musculaire (COlQ ou canal lent)

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généré par l’ouverture des canaux sodiques voltage dépendant de fa-çon à propager le potentiel à l’en-semble de la fibre musculaire, qui peut alors se contracter. Il existe, chez le sujet sain, une marge de sécurité de la JNM qui se définit par la différence entre le potentiel de plaque et celui nécessaire à la contraction de la fibre musculaire. L’acétylcholine sera ensuite dégra-dée en choline et acétate par l’acétyl-cholinestérase et la choline recaptée par la terminaison pré-synaptique (transport sodium dépendant) pour former de nouvelles vésicules d’acé-tylcholine grâce, entre autres, à l’ac-tion de la choline acétyl-transférase.

La genèse d’un potentiel minia-ture de plaque est dépendante de la bonne organisation de la mem-brane post synaptique, compor-tant notamment l’organisation des RACH en clusters.

L’agrégation des RACH en clusters pour former un bouton synaptique est conditionnée par plusieurs pro-téines dont les mutations sont as-sociées à des SMC. Musk, une pro-téine kinase spécifique du muscle, est fondamentale dans la bonne organisation post-synaptique de la membrane par son rôle central dans la voie agrine-lrp4-musk-ra-psyne (5, 6). Musk peut être activée soit “de l’intérieur” par dok-7, une protéine cytosolique, soit “de l’ex-térieur” par lrp4. La fixation de lrp4 sur musk est favorisée par l’agrine et permet en retour la phospho-rylation de dok7 (5, 6). Dok-7 inter-vient donc à la fois comme ligand et comme substrat de musk (7). L’agrine est une protéine libérée par le neurone moteur et sous-tend donc un contrôle neuronal de la dif-férentiation post synaptique.

L’activation de Musk entraîne : 1. l’organisation en clusters des

RACH via l’activation de la ra-psyne ;2. l’expression des protéines spéci-fiques post-synaptiques ;3. la génération de signaux rétro-grades régulant la différentiation pré-synaptique.

Enfin, la différentiation post-sy-naptique nécessite un fonction-nement correct du cytosquelette (actine) et du métabolisme (mito-chondries) de la fibre musculaire.

SmC pRé-SynaptIQuESImpliquées dans moins de 10 % des SMC, les altérations pré-sy-naptiques sont de transmission autosomique récessive et com-prennent les mutations du gène CHAT (8) et des phénotypes très rares (moins de 5 cas index) pour lesquels aucune mutation n’a en-core pu être déterminée, tel que le SMC Lambert-Eaton-like (3, 9).

Le phénotype CHAT habituel comporte un début néonatal ou dans la petite enfance et associe :

• un syndrome myasthéniforme oculobulbaire sensible aux anti-cholinestérasiques ; • à des décompensations respi-ratoires brutales graves et récur-rentes (episodic apnea) favori-sée par le stress, les infections, la fièvre, les vomissements, les ef-forts et le froid (8).

Bien que les stimulations répéti-tives (SR) à 3 Hz soient souvent normales, à la différence de l’étude en fibre unique, un décrément persiste 5 à 10 minutes après des trains de 5 minutes de SR à 10 Hz ou un effort (8).

Le gène impliqué code pour l’acé-tylcholine transférase, une en-zyme catalysant la synthèse d’acé-tylcholine à partir de la choline.

SmC DE la FEntE SynaptIQuEImpliquées dans environ 15 % des SMC et de transmission exclusive-ment autosomique récessive, les altérations du fonctionnement de

!!

Figure 3 - Organisation de la jonction neuromusculaire. D’après gomez et al, autoim-

munity 2010.

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la fente synaptique sont à ce jour en grande partie liées aux muta-tions de la queue collagénique de l’acétylcholine estérase (COLQ) responsables d’un déficit d’acétyl-choline estérase grevé d’un pro-nostic sévère (10, 11).

Mutation Du gène colqLe tableau est celui d’une myopa-thie des ceintures comportant souvent une atteinte faciale (pto-sis) et débutant dans la première décennie, le plus souvent avant l’âge de un an (11). L’évolution est progressive chez 50 % des patients et peut être sévère (perte de la marche, sco-liose, hypoventilation liée à un syndrome restrictif ). On recher-chera des antécédents d’episodic apnea et un ralentissement du réflexe pupillaire photomoteur, présents respectivement chez la moitié et le quart des patients (11). L’élément clinique prépondérant est l’absence de réponse, voire l’aggravation des symptômes avec la prise d’anticholinesté-rasiques.

Sur le plan électrophysiologique, l’obtention d’un PGAM dédou-blé après stimulation unique du nerf (Fig. 2) est très évocatrice, peut être facilitée par l’adminis-tration de Tensilon ou de 3,4 DAP, et doit faire discuter un syndrome du canal lent ou un surdosage en anticholinestérasiques. Le défaut de fonction de l’acétylcholine es-térase entraîne en effet une ex-position prolongée de la fente sy-naptique à l’ACH qui persiste alors après la période réfractaire de la plaque et déclenche un second PGAM pour une même stimula-tion du nerf. S’ensuit également une désensibilisation et down régulation des ACHR, assortie d’une dégénérescence de la plaque motrice et de la fibre musculaire

pouvant se traduire par des stig-mates électriques “myopathiques” (11).

Malheureusement, l’arsenal théra-peutique reste très limité puisque seules l’éphédrine (15 à 90 mg/j en deux à trois prises), et à un moindre degré la 3,4 DAP, permet une amé-lioration inconstante des symp-tômes (11).

Mutation Du gène De la glutaMine-fructoSe-6-phoSphate tranSaMinaSe 1 (gfpt1)Décrite en 2011, il s’agit d’une mu-tation probablement fréquente parmi les patients présentant un tableau de myopathie des cein-tures fluctuante, sensible aux anticholinestérasiques (12). L’atteinte faciale et respiratoire est rare. Les premiers symptômes apparaissent le plus souvent dans

la première décennie mais des cas de début plus tardif sont décrits, l’évolution est ensuite peu pro-gressive et la majorité des patients restent ambulatoires. La présence d’agrégats tubu-laires sur la biopsie musculaire est très évocatrice (12).

SmC pOSt-SynaptIQuES

MutationS DeS SouS-unitéS Du rachOn distingue les mutations abou-tissant à une altération qualitative des RACH (20 % des SMC, canal lent ou rapide) et quantitative des RACH (40 % des SMC, déficit en RACH) (1-3).

❚ canal lentLe terme de canal lent fait réfé-rence à l’ouverture prolongée du RACH lié soit à la fermeture

Figure 4 - jonction neuromusculaire morcelée d’une fibre musculaire humaine. micros-

copie optique*40 ; IF bleue : chromatine ; verte : RaCh ; rouge : axone.

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retardée soit à l’ouverture trop fa-cile des RACH, responsable d’un courant synaptique (afflux de ca-tions) lent à décroître.

En découlent deux conséquences : • la présence d’un PGAM répété pour une stimulation unique (le courant synaptique est plus long que la période réfractaire de la fibre musculaire) ;• et la dégénérescence musculaire sous synaptique liée à la toxicité de l’influx excessif de calcium in-tracellulaire et entraînant une diminution du nombre de RACH, ce qui compromet le fonctionne-ment de la jonction neuromuscu-laire (13, 14).

Comme la présence d’un PGAM dé-doublé, l’absence de réponse aux anticholinestérasiques peut en imposer pour une mutation COLQ. C’est le seul SMC de transmission autosomique dominante.

Sur le plan clinique, le début est par-fois tardif à l’âge adulte et il existe une atteinte prépondérante des muscles cervicaux et extenseurs distaux du membre supérieur (13, 14).

Un traitement par quinidine et fluoxétine est proposé, permettant de bloquer les RACH dont l’ouver-ture est prolongée (15).

❚canal rapideLe mécanisme physiopathologique est inverse : il s’agit de l’ouverture anormalement brève des RACH en réponse à la fixation d’acétylcholine résultant, soit d’une faible probabili-té d’ouverture, soit d’une fermeture trop précoce du récepteur. La trans-mission des mutations est récessive, mais un effet “dominant négatif” a été décrit (l’allèle accompagnant l’allèle muté étant nul, c’est l’allèle muté qui s’exprime) (16, 17).

❚Déficit en rach Il s’agit de la cause la plus fréquente des SMC (1-3). Transmises selon le mode autosomique récessif, les mu-tations CHRNE affectent la sous-unité ε des RACH. Il s’agit le plus souvent d’un syn-drome myasthéniforme, parfois pseudo-myopathique, dont l’at-teinte oculaire est prédominante, faisant discuter une mutation MUSK ou une autre cause d’oph-talmoparésie progressive (mito-chondriopathies…). S’installant en règle dès la première décennie, les symptômes sont souvent peu évolutifs et l’atteinte respiratoire rare. L’efficacité des anticholinesté-rasiques peut être renforcée par l’adjonction de 3,4DAP (18, 19).

MutationS Du gène DoK7La présentation habituelle est soit celle de “myasthénie des cein-tures” associée à une faiblesse des muscles d’innervation bulbaire respectant le plus souvent les muscles oculomoteurs, soit celle de pseudo-myopathie des cein-tures associant atrophie, déficit moteur progressif, scoliose, élé-vation faible de la créatine kinase (20-22).

Les mutations du gène DOK7 sont transmises sur le mode autoso-mique récessif. Les symptômes débutent généralement après l’acquisition de la marche, voire à l’âge adulte.

Si les inhibiteurs de l’acétylcho-line estérase sont inefficaces ou délétères, l’éphédrine (15 à 90 mg/j en deux à trois prises), l’albutérol et, à un moindre de-gré, la 3,4 DAP permettent en revanche une amélioration pro-gressive et retardée (évaluée après 6 mois) de la sémiologie (20-22).

L’ENMG en SR et en fibre unique montre un décrément et/ou des signes myogènes, mais jamais de PGAM dédoublés contrairement aux mutations de COLQ.

La biopsie musculaire peut révé-ler des aspects myopathiques non spécifiques en montrant une atro-phie des fibres II, une prédomi-nance des fibres I, une nécrose des fibres musculaires, une diminu-tion de l’activité des enzymes oxy-datives, et/ou une lipidose (22). Il n’est pas observé d’agrégats tu-bulaires à la différence d’autres formes de “myasthénies des cein-tures” en partie liées à GFPT1 (12).

MutationS Du gène De la rapSyne (rapSn)Bien que les symptômes débutent habituellement avant l’âge de 2 ans, un début tardif est possible (23, 24). La transmission est autosomique récessive. Le phénotype peut être celui d’une hypotonie néonatale, parfois accompagnée d’athro-grypose et d’episodic apnea, ou d’un syndrome myasthénique séroné-gatif avec ptôsis volontiers asymé-trique. La classique absence d’at-teinte oculomotrice initialement décrite a récemment été remise en question par l’équipe de la Mayo Clinic qui décrit une ophtalmoparé-sie constante ou intermittente chez près du quart de ses patients (24). Une forme d’évolution bénigne affectant les Juifs originaires du Proche-Orient a été décrite et com-porte une dysmorphie évocatrice avec prognathisme, palais ogival et visage allongé (25).

L’ENMG peut être pris en défaut, mais la prise de 3,4DAP ou la réa-lisation d’un train à 10 Hz pendant 5 minutes peuvent le sensibiliser. Il est important de différencier ce décrément non spécifique de celui observé dans les mutations CHAT

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qui persiste 5 à 10 minutes après la stimulation. L’évolution est lente et les inhibi-teurs de l’acétylcholine estérase bénéfiques dans la majorité des cas (23-25).

autreS MutationSLe pattern de transmission est ex-clusivement autosomique récessif.

❚gène de la protéine Musk (MuSK)Le tableau clinique est celui soit d’un ptosis associé à une ophtalmoparésie progressive et à un déficit des cein-tures, soit d’une hypotonie néonatale avec insuffisance respiratoire et/ou episodic apnea nécessitant souvent une trachéotomie et évoluant vers un déficit musculaire sévère atro-phique avec scoliose (26, 27). Similairement aux mutations DOK7, la biopsie musculaire re-trouve des signes myopathiques aspécifiques. Les inhibiteurs de l’acétylcholine estérase seuls ou en association avec la 3,4DAP et l’albu-térol sont faiblement efficaces à la différence de l’éphédrine dont l’effet semble nul (26, 27).

❚gène de l’agrine (agrn)Récemment décrite et peu fré-quente (2 cas), les mutations du gène de l’agrine sont responsables d’une fatigabilité proximale fluc-tuante installée dès la petite en-fance, assortie d’un ptôsis, sans at-teinte oculomotrice (28).

❚gène du canal sodique voltage-dépendant Scn4Seul un cas est référencé (29). Il s’agit d’une patiente présentant dès la naissance des episodic apnea, une fatigabilité et une faiblesse bulbaire, puis une atteinte oculomotrice et un ptôsis bilatéral peu fluctuant. Les SR à 3 Hz ne retrouvent pas de décrément à la différence des SR à 50 Hz pendant 2 s. On retient surtout la normalité apparente du

muscle et de la jonction neuromus-culaire en microscopie au repos, alors que la stimulation de la fibre musculaire à -40mV n’engendre pas de potentiel d’action. Sur le plan thérapeutique les inhibi-teurs de l’acétylcholinestérase asso-ciés à l’acétazolamide sont efficaces.

❚plectinopathieL’association d’un syndrome myas-théniforme à une épidermolyse bulleuse et/ou une dystrophie mus-culaire progressive doit orienter la recherche génétique vers une mu-tation de la plectine, protéine cyto-solique nécessaire au maintien de l’architecture cellulaire et particu-lièrement exprimée sous la plaque (30, 31). L’étude histologique conforte la suspicion en montrant, outre des anomalies structurales des noyaux, des organelles et de la jonction neu-romusculaire, l’absence de plectine dans la fibre musculaire en immu-nohistochimie.

❚laMB2 Seule une patiente est décrite dans la littérature et présente un tableau sévère de myopathie des ceintures débutant dès la petite enfance, as-sociée à un syndrome de Pierson (néphropathie et atteinte oculaire avec myosis) (32).

COnCluSIOnLes SMC représentent une entité hétérogène au sein desquels on peut cependant définir les caractéris-tiques suivantes :1. début dans la première décennie ;2. évolution très lentement progres-sive ;3. contexte familial et mode de trans-mission récessif ou “sporadique” ;4. faiblesse fluctuante des muscles proximaux et ptôsis, pouvant évo-luer sur un mode chronique pseudo-myopathique ;

5. séronégativité RACH et Musk.Les investigations en biologie mo-léculaire seront guidées par la cli-nique. Ainsi, un début à l’âge adulte orientera vers une mutation des gènes DOK7, RAPSN et canal lent, un mode de transmission autoso-mique dominant vers un canal lent (ou une mitochondriopathie), un tableau de myopathie des ceintures de l’adulte vers DOK-7 ou GFPT1, une atteinte des extenseurs des poi-gnets et doigts vers un canal lent, une atteinte oculaire vers LAMB2 (myosis), COLQ (réflexe photo-moteur) et GPT1 (dégénérescence maculaire, rétinite pigmentaire), un double PGAM vers COLQ ou un canal lent, et une inefficacité ou aggravation avec les inhibiteurs de l’acétylcholinestérase vers CPLQ ou DOK7. Les mutations les plus prévalentes sont celles de CHRNE et de RAPSN et leur recherche est recomman-dée en première intention, en ab-sence d’orientation évidente, par le consensus international réalisé en 2004 (33).Le diagnostic reste donc complexe, mais l’enjeu est cependant de taille pour le patient auquel on évitera une thymectomie et une immuno-suppression prolongée inutile. n

Correspondance

dr Perrine devic

service de neurologie

hôpital de la croix-rousse

103 grande rue de la croix-rousse

69004 lyon

e-mail : [email protected]

Mots-clés : Syndromes

myasthéniques congénitaux,

jonction neuromusculaire, Fente

synaptique, génétique, Electro-

myographie, atteinte oculomotrice,

Détresse respiratoire, myopathie

des ceintures, anticholinestérasiques,

RaCh, muSK

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Pathologies neuromusculaires - l’évolution des connaissances

DO

SSIER

168� Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147

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BiBliographie

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Neurologies • Mars 2012 • vol. 15 • numéro 146 169

diagnostic

La maladie d’Alzheimer pose un problème de santé pu-blique par sa fréquence et

ses complications en termes de morbimortalité. Néanmoins, le diagnostic est sou-vent retardé de plusieurs années du fait d’une banalisation des symptômes par l’entourage et le sujet âgé souffrant de démence, parfois même par les soignants.

Le diagnostic de maladie d’Alzhei-mer en pratique courante est établi grâce à la confrontation d’éléments cliniques (histoire de la maladie, antécédents, comor-bidités, traitements, tests neuro-psychologiques) et des marqueurs d’imagerie cérébrale (imagerie par résonnance magnétique, ou scan-ner en cas de contre-indication). A ces critères peuvent s’ajouter des critères biologiques qui, en de-hors de la recherche clinique, sont réservés aux sujets avec suspicion de diagnostic de maladie d’Alzhei-mer atypique et aux sujets jeunes âgés de moins de 60 ans (1). Ces

*CHU Dupuytren, Pôle Personnes âgées et Soins à domicile, Limoges

marqueurs de neurodégénéres-cence (protéines tau, tau phospho-rylée et peptide Aβ1-42) sont dosés dans le liquide céphalorachidien prélevé par ponction lombaire. Cet acte est invasif, parfois difficile techniquement et difficilement accepté par les malades. Une technique de dosage des mar-queurs dans le sang serait donc plus accessible pour tous les pa-tients.

Actuellement, de nombreuses équipes travaillent au dévelop-pement de techniques fiables et reproductibles de dosages plasma-tiques des marqueurs de la mala-die d’Alzheimer.

La revue de la littérature par S. Schraen (2) sur les biomarqueurs sanguins a montré un nombre im-portant de tests sanguins en cours d’étude, tels que le dosage des pep-tides amyloïdes A-β40 et A-β42, le dosage simultané de plusieurs pro-téines de signalisation (interleu-kines, chimiokines, facteurs de croissance dont l’interleukine 1α et le Tumor Necrosis Factor α) et

l’étude du transcriptome.

Dans cet article, nous proposons de décrire l’état de l’art concer-nant de nouveaux tests sanguins basés sur les altérations de l’ex-pression des ARN messagers et/ou de l’épissage, biomarqueurs potentiels de la maladie d’Alzhei-mer et utilisant un système de biopuce.

Actuellement, deux tests sont dis-ponibles : • AclarusDx® (mis au point par Exonhit) ;• et ADtect® (mis à disposition par DiaGenic).

Le test acLarusdx®AclarusDx® est une signature mo-léculaire sanguine permettant d’identifier la maladie d’Alzhei-mer de manière simple et non traumatique. L’analyse du trans-criptome des leucocytes circu-lants peut révéler des évène-ments moléculaires survenant à distance du système nerveux cen-tral (3, 4).

identification de patients atteints de la maladie d’alzheimer

Utilisation de tests sanguins basés sur l’analyse d’expression génique

n Le point sur les nouveaux tests sanguins basés sur les altérations de l’expression des ARN

messagers et/ou de l’épissage, biomarqueurs potentiels de la maladie d’Alzheimer et utilisant

un système de biopuce. � Isabelle Saulnier, Florent Lachal et Thierry Dantoine*

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diagnostic

170� Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147

Le transcriptome et épissage aLternatif Le transcriptome est l’ensemble des ARN messagers présents au sein d’une cellule ou d’un tissu à l’origine de la synthèse de mul-tiples protéines. Cette synthèse protéique issue d’un même gène est régulée par l’épissage consti-tutif et alternatif. L’expression de la majorité des gènes de l’ADN (60 à 100 %) est régulée par l’épissage alternatif, variable selon la cellule ou le tissu (5-7). L’épissage alternatif conduit à la maturation d’un ARN originel par élimination des séquences nucléotidiques afin d’aboutir à un ARN mature qui sera traduit en-suite en une protéine (Fig. I).

Les biopuces et La technoLogie genome-Wide spLicearray™ : épissage aLternatif

❚ principe de la technique de biopuce Le transcriptome peut être ana-lysé par une technique de microar-rays ou de biopuce à ADN. C’est un ensemble de sondes spécifiques, capable de s’hybrider avec les ADNc (ADN complémentaires) marqués à la biotine et préalable-ment synthétisés à partir des ARN totaux extraits du sang. Ici, est utilisé le SpliceArray™ avec une biopuce de type GWSA (Genome-Wide SpliceArray®) d’Exonhit. Elle permet de cibler 21  000 gènes (8) en ajoutant une analyse des évènements d’épissage alternatif sur toute la longueur du transcrit.

❚ identification d’une signature transcriptomique sur 177 sujets (9) Une étude multicentrique visant à identifier la signature transcrip-tomique de la maladie d’Alzheimer

a été réalisée grâce à une cohorte (étude EHTAD/002 et CRO) à partir de 177 échantillons issus de 90 patients souffrant de ma-ladie d’Alzheimer (MA) selon les critères du DSMIV-TR et de NINCDS-ADRDA et de 87 sujets “contrôles” asymptomatiques. L’âge moyen était de 78,08 ± 6,67 ans avec des âges extrêmes de 58 et 95 ans dans le groupe MA contre 69,71 ± 6,53 ans avec des âges de 56 et 86 ans dans le groupe “contrôles”. Le MMSE moyen était de 17,16 ± 6,04 ans dans le groupe MA contre 29,31 ± 0,97 dans le groupe “contrôles”. Deux tiers des prélèvements des malades ont servi à développer le modèle mathématique par analyse numérique et procédés itératifs tandis que le tiers restant a servi à valider les modèles ainsi créés. Le choix de la signature opti-male est basé sur la performance globale. Une analyse par com-posante principale permet de visualiser les performances de la signature sélectionnée en

différenciant significativement les deux populations étudiées. Les mesures d’expression sont obte-nues sur plus de deux millions de groupes de sondes. Cent trente-six gènes sont as-sociés à la signature. Parmi eux, certains sont impliqués dans la physiopathologie inflammatoire et immunitaire de la MA, tels que Rock1, Bcl2A1, JAK2 (10-12).

Cette technologie a été réalisée chez des sujets porteurs d’autres types de démences que la MA mais les résultats ne sont pas connus actuellement.

VaLidation en aVeugLe de La signature sur une cohorte additionneLLe indépendante pour étabLir une zone grise : étude ehtad/002 (13) L’étude EHTAD/002 est une étude multicentrique transver-sale destinée à établir la perfor-mance d’AclarusDx®, en aveugle sur une cohorte indépendante de 111 sujets atteints de MA et 98 sujets “contrôles” asymptomatiques en y

Figure 1 - schéma récapitulatif de l’épissage alternatif.

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IDentIfICatIon De PatIentS atteIntS De La maLaDIe D’aLzHeImer

Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 171

ajoutant une zone d’indétermina-tion dite grey zone ou “zone grise”. AclarusDx® a montré une sensibi-lité supérieure à 80 % et une spéci-ficité proche de 70 % en excluant les échantillons situés dans la zone grise.

utiLisations actueLLesCette technique d’identification n’est pas encore utilisée en pra-tique courante. Elle est dispo-nible uniquement sur le marché français depuis le 15 mars 2011 dans les Centres Mémoire de Res-source et de Recherche (CMRR) et les Centres Mémoire (CM) pour le diagnostic in vitro en as-sociation avec les évaluations usuelles dans le cadre de la dé-marche diagnostique de la MA.

Il existe également 4 études cli-niques en cours utilisant le test AclarusDx® : • l’étude française BIO-MAPT (Multidomain Alzheimer Pre-ventive Trial) dont l’objectif est d’identifier une population de su-jets âgés fragiles à risque de MA et/ou de déclin cognitif rapide ;• l’étude française BALTAZAR (Biomarker of AmyLoïd pepTide and AlZheimer’s diseAse Risk) : évaluation de la relation entre des biomarqueurs plasmatiques amy-loïdes pour la maladie d’Alzheimer (Aβ40, Aβ42, sAPPα) et : - le risque de conversion vers la MA chez des patients MCI ;- et la vitesse de progression de la MA ;• une étude observationnelle fran-çaise longitudinale dont l’objectif est d’estimer la prévalence de po-sitivité d’AclarusDx® chez les pa-tients souffrant de MA dans la po-pulation de primo-consultants vus en CMMR ou Centre Mémoire ;• et une étude pilote américaine dont l’objectif principal est d’éva-luer la capacité d’AclarusDx® à

identifier une MA chez des patients américains primo-consultants ré-férés dans un centre mémoire.

Le test adtect® (2, 14)Le test ADtect® mesure l’expres-sion de gènes identifiés à partir de l’analyse de profils d’expression génique sur un support biopuce.

principe de La techniqueIl s’agit d’un test sanguin. Après extraction des ARN totaux des leucocytes, les échantillons sont concentrés puis un brin d’ADNc est synthétisé et marqué à la di-goxigénine. C’est ce même brin qui s’hybridera ou non avec les sondes présentes sur la biopuce (AB 1700 Whole Genome Survey). Il s’agit donc des mêmes techniques de biologie moléculaire que pour la méthode AclarusDx®, seul le mar-quage de l’ADNc change, ainsi que la biopuce elle-même.

résuLtatsEn partant de 32 878 sondes d’oli-gonucléotides (60 bases), un mo-dèle mathématique a été construit à partir de 94 personnes atteintes de MA et de 94 témoins et 1 239 sondes spécifiques ont été identi-fiées. 67 patients en aveugle (31 pa-tients atteints de MA, 25 contrôles appariés sur l’âge, 7 contrôles “jeunes” puis sur 27 patients at-teints de maladie de Parkinson et 10 patients Mild Cognitive Impair-ment) ont permis de valider le test avec une sensibilité de 84 ± 13 % (IC à 95 %) et une spécificité de 91 ± 10 % (IC à 95 %). Cette si-gnature moléculaire a ensuite été adaptée sur une plateforme RT-PCR (Reverse Transcriptase, Réaction de Polymérisation en Chaînes ; cela correspond à “l’in-verse” d’une réaction de transcrip-tion de l’ADN en ARN). En isolant 96 gènes dont

l’expression est spécifique de la MA, ce qui permet notamment de réduire les coûts de ce test et de le rendre plus accessible technologi-quement.

Les résultats préliminaires de performance de ce test, issus d’une étude multicentrique scan-dinave et ayant porté sur 103 pa-tients atteints de MA et 105 sujets “contrôles”, ont mis en évidence que la signature AD-Tect® associée à la MA permettrait de diagnos-tiquer la maladie avec une sen-sibilité de 72 % et une spécificité de 72 % (15). Cependant, même si ce test possède une bonne sensi-bilité, le modèle créé n’a pas été validé avec des sujets contrôles at-teints d’autres démences comme la démence fronto-temporale ou la démence vasculaire. La discrimi-nation de ce test entre MA et une démence d’autre étiologie reste à démontrer.

utiLisations actueLLesCe test n’est pas utilisé en pratique courante en France, bien que dis-ponible dans plusieurs pays euro-péens (Allemagne, Autriche, Dane-mark, Espagne, Grande-Bretagne, Grèce, Finlande, Irlande, Norvège, Suède, Suisse et Turquie) sur le site www.diagenic.com.

en concLusionCette technique d’analyse trans-criptomique représente la première génération de tests sanguin de dia-gnostic de MA. Malheureusement, leur sensibilité et leur spécificité ne permettent actuellement qu’une aide au diagnostic et n’est utilisée qu’en recherche. En France, seule la technique Acla-rusDx® est disponible et pour l’ins-tant seulement pour le diagnostic de MA. En ce qui concerne le test

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diagnostic

172� Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147

ADtect®, il n’est pas sur le mar-ché en France et une seule étude est à notre disposition sur un faible nombre de sujets atteints de MA. n

conflits d’intérêt :

oui, participation à l’étude exonhit

Diagnostic 002.

correspondance :

Pr Thierry Dantoine

CHU Dupuytren

Pôle Personnes âgées et Soins

à domicile

2, Avenue Martin Luther King

87042 Limoges Cedex

E-mail : [email protected]

mots-clés : Maladie d’alzheimer,

Mci, Mild cognitive impairment,

diagnostic,

Biopuces,

Marqueurs sanguins,

transcriptome

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BiBliographie

NeurologieJean Cambier, Maurice Masson, Catherine Masson et Henri DehenEditions Masson, Collection Abrégés2012, 560 pageswww.elsevier-masson.fr

Treizième édition, totalement actualisée, de ce classique des ou-vrages de neurologie.

Alzheimer et commuNicAtioN NoN verbAleCécile Delamarre Préface de Didier ArmaingaudEditions Dunod, Collection Action socialeAvec le soutien du groupe Medica2011, 214 pages - www.dunod.com

Un décryptage des gestes et attitudes qui permettent au malade Alzheimer de communiquer avec son milieu. En complément, un lo-giciel téléchargeable : Sémacorps®.

à Lire

172� Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147

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Le point sur…

Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 173

Les principaux troubLes du contrôLe des impuLsionsLes principaux TCI rapportés chez les patients atteints de la maladie de Parkinson sont : • le jeu pathologique (dépendance aux jeux notamment de hasard et d’argent) ;• une hypersexualité (augmenta-tion de la libido, exhibitionnisme) ;• des achats compulsifs (non in-dispensables et parfois inadaptés au budget) ;• et des troubles du comportement alimentaire (boulimie/grignotage, appétence pour les sucreries).

D’autres troubles du comporte-ment, tels que l’hypomanie, des troubles obsessionnels compul-sifs, une anxiété pathologique ou le punding (4) sont également associés aux traitements dopami-nergiques.

*Département de Neurologie, Centre Hospitalo-Universitaire de Rouen, Charles Nicolle

Dans les formes sévères, l’asso-ciation de plusieurs troubles du comportement peut conduire à un syndrome de dysrégulation dopa-minergique (5).

Le jeu pathoLogiqueLa pratique du jeu devient patho-logique lorsqu’elle répond aux cri-tères du DSM-IV (encadré). En pratique, elle concerne le plus souvent des jeux à gratter ou en ligne, la fréquentation des salles de jeu (casinos) ou les courses de che-vaux. Les conséquences peuvent être dramatiques sur le plan finan-cier, familial et professionnel.

L’hypersexuaLitéPlus fréquente chez les patients masculins, elle se manifeste sou-vent par une simple augmenta-tion de la libido qui peut conduire à un harcèlement incessant de la conjointe. Dans les cas plus sé-vères, elle peut se traduire par des phénomènes d’exhibitionnisme, de violences sexuelles, un attrait

exacerbé envers tout ce qui touche au monde du sexe (sex shops, sites pornographiques, prostituées).

Le pundingIl s’agit d’un comportement moteur stéréotypé, non productif, sans but, caractérisé par le besoin d’exa-miner, manipuler, collectionner, monter et démonter des objets (4). Il doit être différencié des troubles obsessionnels compulsifs (ab-sence d’idée obsédante) et des états hypomaniaques (absence d’excitation caractéristique). L’activité répétitive est souvent en rapport avec l’activité profession-nelle antérieure du patient. Ainsi, les hommes s’orienteront vers le bri-colage, la mécanique, les activités de jardinage, alors que les femmes se-ront davantage attirées par les activi-tés artistiques (peinture, sculpture). Le patient est conscient de l’ab-sence de finalité des actes, mais recommence tous les jours de la même manière. Le caractère per-manent des troubles a un impact sur la qualité de vie des patients.

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Les troubles du contrôle des impulsions

Prévenir et dépister précocement

n Des troubles du comportement, à type de comportements compulsifs et répétitifs, tels que le

jeu pathologique, les achats compulsifs et une hypersexualité, ont été rapportés avec la lévodo-

pa et les agonistes dopaminergiques, principalement chez les patients traités pour une maladie

de Parkinson (1). Ces troubles du contrôle des impulsions (TCI) ont fait l’objet d’une attention

particulière au cours des dernières années en raison de leurs conséquences familiale, sociale et

professionnelle parfois dramatiques. Leur fréquence, les facteurs favorisants et l’influence des

différents traitements antiparkinsoniens sont désormais établis (2, 3). � David Maltête*

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Le point sur…

Le syndrome de dysréguLation dopaminergiqueLe syndrome de dysrégulation do-paminergique (Hedonistic Homeos-tatic Dysregulation) est un tableau sévère caractérisé par l’association des signes suivants (5) :• un comportement maniaque ou hypomaniaque : le patient alterne entre des états euphoriques avec sentiment d’invulnérabilité, en-thousiasme (en période ON) et des états dysphoriques avec apathie, dépression, isolement (en période OFF) ;• des troubles du contrôle des im-pulsions multiples, comme le jeu pathologique, l’hypersexualité ou les achats compulsifs ;• un punding ;• des errances pathologiques : dans les périodes ON, le patient éprouve le besoin de déambuler et va parfois parcourir de grandes distances sans but précis avec une perception erronée du temps ;• une addiction aux thérapies an-tiparkinsoniennes souvent com-pliquée de dyskinésies sévères.

queLLe prévaLence ? Au cours des dernières années, plusieurs études transversales ont évalué la prévalence et les facteurs favorisant les princi-paux TCI. En outre, une large étude multicentrique (2) réalisée aux Etats-Unis et au Canada sur 3 090 patients parkinsoniens ré-vèle que 13,6 % des patients pré-sentent au moins un TCI actif : 5 % présentent un jeu patholo-gique, 3,5 % une hypersexualité, 5,7 % des achats compulsifs et 4,3 % des accès boulimiques.

La distribution des TCI varie en fonction du sexe : la prévalence de l’hypersexualité étant plus éle-vée chez les hommes alors que les achats compulsifs et les accès bou-

limiques sont plus fréquents chez les femmes. Enfin, la présence de 2 TCI ou plus est observée chez 3,9 % des patients.

Le syndrome de dysrégulation do-paminergique toucherait environ 4 % des patients parkinsoniens traités. Toutefois, cette prévalence est probablement sous-estimée en raison de l’absence d’outil de me-sures spécifique.

Les facteurs favorisantsLes principaux facteurs favorisants identifiés sont les traitements pharmacologiques et la personna-lité prémorbide du patient (3). Ainsi, il a été montré que le risque de développer un TCI était mul-tiplié par 2 à 3 chez les patients

traités par agonistes dopaminer-giques. Le risque est accru avec l’augmentation de la posologie. En revanche, il n’existe pas de différence significative entre les principaux agonistes (ropinirole, pramipexole) suggérant un effet de classe. Par ailleurs, l’association d’un agoniste à la L-dopa majore le risque de survenue d’un TCI. Enfin, il faut souligner que les TCI peuvent être observés chez des patients traités en monothérapie par L-dopa avec une fréquence moindre (7 %).

L’âge < 65 ans, le célibat, le taba-gisme et les antécédents familiaux de jeu pathologique ou d’addiction sont des facteurs prédisposant à la survenue d’un TCI chez les pa-tients parkinsoniens traités par agonistes dopaminergiques.

Définition Du jeu pathologique,selon le DsM-IV

A. Pratique inadaptée, persistante et répétée du jeu, comme en témoignent au moins 5 des manifestations suivantes :

-préoccupationparlejeu(remémorationd’expériencesdejeupasséesouprévisionsdetentativesprochaines,oumoyensdeseprocurerdel’argentpourjouer);

-besoindejoueravecdessommesd’argentcroissantespouratteindrel’étatd’excitationdésiré;

-effortsrépétésmaisinfructueuxpourcontrôler,réduireouarrêter; -agitationouirritabilitélorsdestentativesderéductionoud’arrêt; -jouepouréchapperauxdifficultésoupoursoulagerunehumeur

dysphorique; -aprèsavoirperdudel’argentaujeu,retournesouventjouerunautre

jourpourrecouvrersespertes; -mentàsafamille,àsonthérapeuteouàd’autrespourdissimuler

l’ampleurréelledeseshabitudesdejeu; -commetdesactesillégaux,telsquedesfalsifications,fraudes,vols

oudétournementd’argentpourfinancerlapratiquedujeu; -metendangerouperdunerelationaffectiveimportante,unemploi

oudespossibilitésd’étudeoudecarrièreàcausedujeu; -comptesurlesautrespourobtenirdel’argentetsesortirdesitua-

tionsfinancièresdésespéréesduesaujeu.

B. la pratique du jeu n’est pas mieux expliquée par un épisode maniaque.

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Les tRoUbLes DU CoNtRôLe Des impULsioNs

Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 175

De plus, l’existence d’un syndrome anxiodépressif ou de troubles ob-sessionnels compulsifs, les traits de personnalité en faveur d’une impulsivité, ou d’une extravagance sont retrouvés plus fréquemment chez les patients traités ayant dé-veloppé un TCI (4).

La physiopathoLogieLes principaux symptômes mo-teurs de la maladie de Parkinson (rigidité, akinésie, tremblement) sont le reflet de la dénervation dopaminergique striatale. Cette dénervation obéit à un gradient, avec une atteinte précoce de la portion dorsale du striatum, dévo-lue à la motricité et plus tardive de la portion ventrale impliquée dans les boucles cortico-sous-corticales associatives et limbiques. Ainsi, dans les formes légères à mo-dérées, la prescription d’agonistes dopaminergiques non ergotés de seconde génération avec une af-finité particulière pour les récep-teurs D3, abondants dans le stria-tum ventral, pourrait favoriser une sur-stimulation de la voie ventrale intacte. Il en résulterait une pertur-bation des boucles impliquées dans la récompense, la motivation et le contrôle des impulsions. Plusieurs études d’imagerie corro-borent l’hypothèse d’une implica-tion de la voie ventrale du striatum dans le syndrome de dysrégulation dopaminergique et le jeu patholo-gique associés à la maladie de Par-kinson (6, 7).

La prise en chargeLa prise en charge des TCI passe par les trois actions suivantes : • informer, • diagnostiquer,• et traiter.

En France, les TCI ont fait l’objet d’une Lettre aux professionnels

de santé de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) en 2009 (encadré) et sont inclus dans les mentions lé-gales des agents dopaminergiques.

En pratiquEd Une information claire et dé-taillée devra être délivrée au pa-tient et si possible à l’aidant prin-cipal, dès l’initiation du traitement dopaminergique. Cette information devra être re-layée auprès du médecin traitant, assurant ainsi sa traçabilité. La recherche des modifications comportementales devra en-suite être systématique à chaque consultation de suivi, à l’aide d’un interrogatoire ciblé, en présence de l’aidant principal.

d Chez les sujets à risque (âge jeune et antécédents d’addiction), l’initiation d’un traitement par agoniste dopaminergique et/ou l’ajustement d’un traitement an-tiparkinsonien (augmentation de dose) devront être réalisés pru-demment en évaluant le rapport bénéfice/risque.

d Dans l’idéal, les patients et l’ai-dant principal pourront être in-clus dans un projet d’éducation thérapeutique.

Le traitementLa prise en charge est d’autant plus aisée que le dépistage a été précoce.

Lorsqu’un TCI est identifié et qu’il retentit de manière significative sur la qualité de vie du patient, un ajustement du traitement doit être systématiquement envisagé.

L’arrêt de l’agoniste dopaminer-gique demeure la prise en charge la plus efficace puisqu’elle s’accom-pagne d’une disparition des TCI dans 90 % des cas. Afin de com-penser ce sevrage qui peut être source d’une aggravation motrice, les doses de L-dopa sont générale-ment augmentées avec une dose to-tale d’équivalent-dopa stable (8, 9). Dans certains cas, la réduction de l’agoniste dopaminergique ou le switch par un autre agoniste sont proposés avec des résultats incons-tants et globalement décevants.En effet, une étude prospective ré-cente réalisée chez 35 patients pré-sentant un TCI révèle que le switch avec un autre agoniste est efficace chez 1/3 des patients alors que la réduction est satisfaisante dans seulement 10 % des cas (10). Des mesures de protection (cura-telle, retrait de la carte bancaire, in-terdiction de casino) seront parfois

lettre De l’afssapsAux ProfessIonnels De sAnté

«•Ilestimportantd’informerlespatientsetleurentouragedecerisquedetroublesducomportementetdelanécessitédeconsulterunpro-fessionneldesantéencasdesurvenue.

•Ilestimportantd’êtreattentifàtoutemodificationducomportementchezlespatientstraitésparunouplusieursmédicamentsdopaminer-giques,surtoutencasdetraitementàdesposologiesélevées,et/ouaprèsuneaugmentationrécentedesposologies.

•Encasdesurvenuedetroublesducomportementayantunimpactsurlaqualitédeviedupatientet/oudesconséquencesfamiliales,socialesouprofessionnelles,unemodificationdutraitementdopami-nergiqueutilisédevraêtreenvisagée.»

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Le point sur…

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pulse control disorders in Parkinson’s disease. Mov Disord 2008 ; 23 : 75-80.10. Carrière N, Kreisler A, Dujardin K et al. Impulse control disorders in Parkinson disease : a cohort of 35 patients. Rev Neurol (Paris) 2012 ; 168 : 143-51.11. Thomas A, Bonanni L, Gambi F et al. Pathological gambling in Parkinson disease is reduced by amantadine. Ann Neurol 2010 ; 68 : 400-4.12. Gschwandtner U, Aston J, Renaud S, Fuhr P. Pathological gambling in patients with Parkinson’s disease Clin Neuropharmacol. 2001 ; 24 : 170-2.13. Grant JE, Potenza MN. Impulse control disorders: clinical characteristics and pharmacological management. Ann Clin Psychiatry 2004 ; 16 : 27-34. Review.14. Hicks CW, Pandya MM, Itin I, Fernandez HH. Valproate for the treatment of medication-induced impulse-control disorders in three patients with Parkinson’s disease Parkinsonism Relat Disord 2011 ; 17 : 379-81.15. Witjas T, Baunez C, Henry JM et al Addiction in Parkinson’s disease: im-pact of subthalamic nucleus deep brain stimulation. Mov Disord 2008 ; 20 : 1052-5.16. Broen M, Duits A, Visser-Vandewalle V et al. Impulse control and related disorders in Parkinson’s disease patients treated with bilateral subthala-mic nucleus stimulation: a review. Parkinsonism Relat Disord 2011 ; 17 : 413-7.

BiBliographie

indispensables dans les cas de jeux pathologiques ou de dépenses ex-cessives incontrôlées.

L’intérêt de prescrire d’autres thérapeutiques susceptibles de réduire les TCI est parfois discu-té. Toutefois, les données concer-nant l’amantadine (11) demeurent controversées et les inhibiteurs de recapture de la sérotonine n’ont pas fait la preuve de leur efficacité. Le recours aux neuroleptiques aty-piques (risperdal, quétiapine, olan-zapine) a parfois été proposé (12), mais il est discutable car aucun bé-néfice n’est confirmé dans la seule étude contrôlée (13). Récemment, l’efficacité du valproate a été rapportée chez trois patients présentant différents TCI (14). Dans certains cas, un effet béné-fique de la cyprotérone (Andro-cur®) est souligné chez les hommes présentant une hypersexualité.

pLace de La stimuLation cérébraLe profonde L’existence de TCI ne constitue pas, per se, une indication à la sti-mulation cérébrale profonde. Cependant, l’âge jeune des pa-tients et la coexistence de com-plications motrices, telles que les dyskinésies associées fréquem-ment au syndrome de dysrégula-tion dopaminergique, conduisent

naturellement certains patients vers la chirurgie (15).

Les résultats d’une revue récente de la littérature soulignent, néan-moins, la variabilité de l’effet de la stimulation bilatérale du noyau sous-thalamique sur les TCI (16). Dans certains cas, il est noté une amélioration (réduction ou dis-parition complète) qui est géné-ralement attribuée à la réduction concomitante des agonistes do-paminergiques.Les autres mécanismes évoqués sont la réduction de la stimulation dopaminergique pulsatile (en par-ticulier dans le syndrome de dys-régulation dopaminergique) ou un effet direct sur les projections limbiques du NST.

A l’inverse, certains patients vont développer des troubles du com-portement ou aggraver des TCI préexistants après l’intervention chirurgicale. Dans ce cas, l’hypo-thèse d’une diffusion du courant électrique à la portion limbique (plot ventral) du noyau sous-tha-lamique est discutée. Un ajuste-ment des paramètres de stimula-tion (plot dorsal) peut permettre une résolution des troubles.

concLusionLes troubles du contrôle des im-pulsions peuvent constituer une

complication majeure des traite-ments dopaminergiques dans la maladie de Parkinson. Leur prise en charge est avant tout préven-tive et soumise à la diffusion d’une information claire au patient et à l’aidant principal. La prescription des agonistes doit être particulièrement surveillée, sans distinction entre les diffé-rentes molécules (effet de classe), y compris dans les autres indications (syndrome des jambes sans repos, atrophie multisystématisée). n

correspondance

Dr David Maltête

Département de Neurologie,

Centre Hospitalo-Universitaire de

Rouen, Charles Nicolle

1 rue de Germont

76031 Rouen Cedex

Tél. : 02 32 88 87 40

E-mail: [email protected]

Mots-clés : troubles du contrôle des impulsions,

jeu pathologique, achats compulsifs,

hypersexualité, troubles du

comportement alimentaire, hypo-

manie, troubles obsessionnels

compulsifs, anxiété pathologique,

punding, Lévodopa, agonistes dopa-

minergiques, maladie de parkinson,

dysrégulation dopaminergique,

stimulation cérébrale profonde

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rendez-vous de l’industrie

Neurologies • Avril 2012 • vol. 15 • numéro 147 177

Maladie de parkinson

le laboratoire Teva crée le programme aGir-park

a près le succès, de-puis 6 ans, du pro-

gramme AGIR-SEP, le laboratoire Teva a lancé, à l’occasion de la Jour-née Mondiale de la ma-ladie de Parkinson, le programme AGIR-PARK (Agir en Groupes d’Initiatives Régionales dans la lutte contre la maladie de Parkinson), destiné aux professionnels de santé impliqués dans la maladie de Parkinson. Les programmes AGIR-SEP et AGIR-PARK sont des programmes de soutien financier et d’ac-compagnement logistique à destination de spécialistes, pour développer des projets de leur choix, répondant à des préoccu-pations régionales, autour de quatre axes majeurs incluant :• l’amélioration des outils de prise en charge des patients ;• la création d’outils de formation et d’information pour les professionnels permettant d’optimiser la prise en charge des patients ;• l’apport de moyens logistiques pour soutenir la recherche ;• le développement d’actions pluridisciplinaires permettant d’enrichir le dialogue avec tous les acteurs impliqués dans la prise en charge et le suivi des patients.A travers AGIR-PARK, Teva apporte une aide financière annuelle à des équipes hospitalières constituées en “groupes” animés par un neurologue référent. Répartis dans toute la France, ces groupes proposent des actions, qui une fois validées, sont mises en œuvre de manière pratique par une plateforme logistique qui est entièrement financée par le laboratoire.� n

sclérose en plaques

Biogen idec : 2e édition de la Maison de la sep

a l’occasion de la Journée Mondiale

de la Sclérose En Plaques (le 30 mai 2012) et de la semaine nationale de sensibilisation à la SEP (du 23 au 30 mai 2012), Biogen Idec France, en partenariat avec les réseaux de santé dédiés à la ma-ladie et les associations de patients AFSEP, la Ligue Française contre la SEP et “Notre Sclérose”, ouvre pour la deuxième an-née consécutive, dans 7 villes de France, la Maison de la SEP (1er juin 2012 à Toulouse ; 1er et 2 juin 2012 à Clermont-Ferrand, Lyon, Nantes et Paris ; 2 juin 2012 à Lille ; 8 et 9 juin 2012 à Marseille). Pendant deux jours, les patients atteints de SEP, leur famille et leur entourage pourront s’informer sur la mala-die, rencontrer et échanger avec des professionnels de santé, des psychologues, des assistants sociaux, des associations de patients et d’autres patients. Des ateliers sur l’intérêt de la sophrologie dans la SEP seront animés par des professeurs de la Fédération Française de Sophrologie (FFS).L’accès à la Maison de la SEP est libre et ne nécessite pas d’ins-cription préalable.� n

pour en savoir plus : http://www.lamaisondelasep.fr

sclérose en plaques

novartis prépare “sep en scène”

n ovartis, en partenariat avec l’AFSEP et la LFSEP, prépare une campagne nationale d’information et de sensibilisa-

tion du grand public, “SEP en Scène”, réalisée avec les diffé-rents acteurs impliqués dans la SEP : patients, neurologues et associations de patients. Au cours de soirées pédagogiques d’information, seront présentées en public des scènes de vie issues d’ateliers d’expression de patients et conçues avec Isa-belle Janier (ancienne pensionnaire de la Comédie Française et atteinte elle-même), autour de trois thématiques : l’annonce du diagnostic et le partage avec l’entourage ; le vécu d’une prise en charge pluridisciplinaire avec ses contraintes et es-poirs ; le retentissement de la SEP sur la vie conjugale, fami-liale, professionnelle, sociale. Trois comédiens interprèteront tour à tour patients, aidants, familles, médecins, voisins, col-lègues… La première soirée d’information se déroulera à Paris le 29 mai. Elle sera ensuite reproduite à l’identique à Toulouse et Lyon. Un film sera également diffusé et commenté dans plusieurs antennes régionales des associations de patients. Le site www.sepenscene.com, lancé en avril, permettra de suivre la campagne en ligne.� n

epilepsie

eisai lance l’antiépileptique Zebinix®

e ISAI lance un nouvel antiépileptique, Zebinix® (acétate d’eslicarbazépine, boite de 30 comprimés sécables dosés

à 800 mg) sous la licence du laboratoire Bial. Zebinix® est in-diqué en association dans le traitement de l’épilepsie partielle de l’adulte avec ou sans généralisation secondaire, à la po-sologie d’un comprimé par jour. L’efficacité et la tolérance de Zebinix® ont été démontrées dans trois études randomisées et contrôlées contre placebo, chez 1 049 patients atteints de crises partielles réfractaires, ainsi que dans une étude à long terme. � n

neurovasculaire

prévention des avc et Fa : le registre Gloria™-aF

B oehringer Ingelheim a annoncé le lancement du Registre GLORIA™-AF, le plus vaste au monde visant à évaluer l’uti-

lisation au long cours d’un antithrombotique oral dans la pré-vention des AVC chez les patients atteints de fibrillation auri-culaire non valvulaire, dans la vie réelle. 56 000 patients seront recrutés dans 2 200 centres de 50 pays (cabinets de médecine générale, de spécialistes, hôpitaux communautaires, hôpi-taux universitaires, centres de soins ambulatoires et cliniques d’anticoagulants). L’objectif est d’étudier les protocoles thé-rapeutiques disponibles dans cette indication, et de recueillir des données sur la tolérance et l’efficacité des traitements an-tithrombotiques, dont la warfarine, l’acide acétylsalicylique, et d’autres anticoagulants oraux, tels que le dabigatran etexilate (Pradaxa®).D’ici fin 2012, le Registre GLORIA™-AF aura débuté dans toutes les régions du monde, dont les USA, l’UE, l’Amé-rique Latine et l’Asie. D’autres pays seront amenés à participer par la suite au Registre qui devrait s’achever d’ici à 2020.� n