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Compagnie Nacera Belaza REVUE DE PRESSE Tome 2008 - 2015

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Compagnie Nacera Belaza

REVUE DE PRESSE Tome

2008 - 2015

La Traversée Biennale de Lyon, septembre 2014

Liberation Décembre 2014

A Orléans, la grande «Traversée» de Nacera Belaza M-C VERNAY 5 DÉCEMBRE 2014 À 17:56 CRITIQUE

Danse

Depuis 1989, date de création de sa compagnie, Nacera Belaza creuse le même sillon, celui d’une danse spirituelle, pas très loin de la transe. Focalisant le regard du spectateur sur l’imperceptible et l’intime, elle déploie, notamment en duo avec sa sœur Dalila, une pensée qui recentre le mouvement sur l’être comme étant le lieu de tous les possibles.

Sans aucun effet spectaculaire, encore moins débonnaire, ses pièces exigent de l’interprète comme du spectateur l’acceptation d’un moment de partage dont personne n’a la clef. Souvent qualifiés d’austères, ses travaux ont pourtant des lignes claires, même si le jeu avec l’obscur y est toujours présent. Originaire de Médéa, en Algérie, où elle continue à enseigner la danse, arrivée à l’âge de 5 ans en France, elle est aussi nourrie de littérature par des études de lettres.

Dans les Sentinelles, par exemple, elle renvoyait au roman de Dino Buzzati le Désert des Tartares, où les guetteurs ne verront jamais arriver l’ennemi. Elle guette elle aussi le moindre souffle qui fait se déplacer l’individu.

Dans son quatuor la Traversée, créé à la dernière Biennale de Lyon, elle chorégraphie quatre électrons libres comme aimantés les uns aux autres, tournant sur un cercle.

Dans la pénombre, sur une musique enveloppante, répétitive mais discrète, les danseurs font en direct l’expérience d’une danse collective à partir de ce tremblement intérieur à tous qui se met en branle comme dans les danses traditionnelles. Rien pourtant de folklorique ici, Nacera Belaza est plutôt la sœur minimaliste de la chorégraphe américaine Lucinda Childs. De pièce en pièce, elle construit une nouvelle nouba. A écouter autant qu’à percer du regard. M.-C.V.

L'Hebdo 9 novembre 2014

Traverses, une plateforme artistique à Orléans La 15e édition du festival Traverses s’ouvrira du 29 novembre au 6 décembre. Il proposera aux amateurs de danse une multitude de spectacles dans différents centres culturels et théâtres de l’agglo. Toujours soucieux de partager sa passion de la danse, Josef Nadj avait créé en l’an 2000 le festival Traverses pour favoriser l’émergence de nouvelles formes artistiques, à la convergence des arts de la danse et du théâtre, de la musique et de l’image. Au fil des éditions, 13 000 spectateurs ont ainsi pu découvrir l’art chorégraphique (et ses prolongements) dans toutes ses dimensions. Comme l’an passé, c’est de manière itinérante, au Centre chorégraphique national d’Orléans et dans divers lieux de l’agglo, que se déclinera la quinzième édition du festival Traverses. L’occasion de partager avec le public une aventure passionnante au coeur de l’humain. Du 29 novembre au 6 décembre, le CCNO invite le public à suivre le parcours artistique de la 15e édition à travers différents lieux publics de culture dans l’agglomération orléanaise. Chaque étape du festival deviendra un « tremplin (!) sur lequel le spectateur prendra son élan pour explorer l’art chorégraphique d’aujourd’hui ». Un art dont les spectateurs commencent désormais à bien saisir les codes, notamment grâce au travail pédagogique institué par le réseau des centres chorégraphiques nationaux, qui ont fêté leurs 30 ans cette année. De son côté, Traverses va de nouveau se mettre à « danser sur les questionnements » d’un public toujours plus nombreux, « ouvert, fidèle et attentionné », se réjouissent les organisateurs. À la rencontre de l’art! Les différentes traversées qui seront empruntées par les Orléanais, dès le 29 novembre, croiseront le chemin des chorégraphes ayant déjà travaillé sur plusieurs arts à la fois. Le public pourra ainsi retrouver du théâtre et de la poésie avec Failles, d’Éric Fessenmeyer, ou de la musique (de DJ !) grâce à Romance, d’Anne Perbal et Nasser Martin Gousset. On saluera aussi la passerelle vers les arts plastiques que représente le spectacle Banshees, d’Emanuela Nelli. Toutefois, si votre sensibilité personnelle vous appelait davantage vers la danse, des artistes comme Pedro Pauwels (Sors), Nacera Belaza (La Traversée) et Raphaël Cottin (Ein Körper in Raum), sauront très certainement combler votre désir de liberté! Ils font partie de ceux qui ont « remplacé les mots par le mouvement afin d’aborder des thèmes aussi puissants que la mémoire, la peur ou la relation à l’espace et à l’altérité », ainsi que l’explique joliment l’organisation du festival. Un festival qui s’adresse donc à un large public, qu’il soit avisé, amateur, ou simplement curieux de découvrir un peu d’art et de sortir à Orléans. Clémentine Asselin

Orléans Poche

décembre 2014

Orléans Mag

novembre 2014

Lyon Capitale Septembre 2014

Biennale de la danse : Nacera Belaza, le corps déployé

Précise et rigoureuse, on a hâte de retrouver la danse de Nacera Belaza, découverte lors de la

Biennale de la danse 2010.

© Laurent Phil

Artiste hélas peu programmée à Lyon, on avait découvert Nacera Belaza lors de la Biennale 2010 avec une

pièce qui nous avait laissés dans un très fort désir de la retrouver. Artiste inclassable aussi, tant son travail est

loin de ce que beaucoup attendent d’un spectacle, avec ses notions de représentation, de thématiques, de

messages à délivrer, de chorégraphie à décrypter.

“Traversée” libératrice

Sa nouvelle création, La Traversée, nous plonge une fois de plus au cœur d’une danse qui repose

essentiellement sur l’interprète et ses recherches intérieures. Plutôt que de l’enfermer dans des repères

chorégraphiques pensés au préalable, elle cherche à libérer son imaginaire, à l’entraîner vers un déploiement

provoquant dans le même temps celui du spectateur. Car, pour la chorégraphe, la vision première que l’on peut

avoir d’une pièce est secondaire : le plus important est les traces profondes qu’elle imprime à d’autres endroits,

hors de la scène, dans l’univers mental de celui qui danse ou de celui qui regarde.

Corps médiateur

Dans chacune des créations de Nacera Belaza, différentes écritures sont en présence, mais il n’y a pas de

scénographie. Le corps demeure l’élément central, du moins ce qui l’anime et non pas sa matière faite de chair.

Il est à la fois médiateur et porteur de tous les éléments d’écriture : l’espace autour, le vide, la lumière,

l’obscurité, le silence, le son. La chorégraphe les conjugue pour les mettre en résonance avec l’intériorité.

Précise et rigoureuse, la danse de Nacera Belaza donne souvent l’impression de flotter, comme si elle nous

menait, les yeux fermés, vers d’autres chemins. L’élévation d’une conscience, un lâcher prise, un rapport au

lointain, un lien entre la vie et la mort avec un mouvement perpétuel qui fait disparaître le mouvement, sans

que cela signifie pour autant qu’il ne reste rien. Bien au contraire...

La Traversée, de Nacera Belaza – Merc. 17, jeudi 18 et vend. 19 septembre à 19h, au TNP de Villeurbanne.

Réservations sur le site Internet de la Biennale.

Martine Pullara

Danser Septembre 2014

Entretien avec Nacera Belaza 16 SEPTEMBRE 2014 PAR

Nacera Belaza en répétition @ David Balicki

Nacera Belaza présente La Traversée en création mondiale à la Biennale de la danse de Lyon. L’occasion de revenir

sur vingt ans de travail de cette chorégraphe exigeante qui, de création en création, approfondit sa démarche. À

découvrir à partir du 17 septembre au TNP de Villeurbanne.

Danser Canal Historique : Sur quoi repose votre travail ?

Nacera Belaza : Nous creusons un sillon qui est le nôtre, avec des pièces qui sont comme les facettes d’une même chose. Le

Cri, Les Sentinelles et Le Temps scellé se situent sur un tracé qui a poussé le corps à un endroit où il n’était pas avant, un état

semi-conscient. Nous maintenons un filet de conscience sur le plateau mais nous arrivons à mettre le mental dans un état de

lâcher-prise qui amène le lien et la communion avec l’autre.

DCH : Jusqu’où peut aller l’abandon ?

Nacera Belaza : Ce travail conjugue une écriture très minutieuse qui se réalise dans un état de conscience kaléidoscopique et

complexe alors qu’il faut s’abandonner presque entièrement, autant que possible sans dépasser la limite qui annulerait la raison

de montrer le travail sur un plateau. Comment aller vers quelque chose de très écrit et structuré, et en même temps y inscrire

une densité forte ? Elle provient de la contrainte imposée. S’imposer une contrainte, c’est se donner la possibilité de trouver un

espace nouveau qu’on n’aurait pas pu trouver autrement.

Nacera Belaza @ Antonin Pons Bradley

DCH : D’où est venue l’inspiration pour votre recherche ?

Nacera Belaza : Je vois mon travail comme une continuité, depuis mes premières pièces. En fait, elles retracent l’évolution de

l’homme qui se met debout. J’ai commencé au sol, puis un peu debout, ensuite un peu plus libérée et en mouvement. Nous

cherchons les pièces manquantes d’un puzzle pour regagner toutes les facettes de l’être humain, pour reconstituer une image

d’ensemble et conquérir une véritable liberté intérieure. Ensuite, il y a eu certains éléments déclencheurs, comme ce spectacle

que je cite souvent, vu à l’Institut du monde arabe avec des hommes et des femmes en demi-cercle, des non-danseurs en

interaction avec un chanteur qui peuvent à un moment exécuter un mouvement de corps en unisson pour atteindre une densité

et une force que j’ai rarement vues sur un plateau. Cette force vient de leur désir d’être ensemble et c’est bien cet endroit-là

qu’il faut chercher si on veut partager avec l’autre ce qu’on met sur le plateau.

Nacera Belaza @ Antonin Pons Bradley

DCH : Comment fonctionne le partage avec le public dans vos spectacles ?

Nacera Belaza : Comment me relier à l’autre ? C’est la question qui a toujours été présente dans mon travail. Ça ne vient ni par

le toucher, ni par le regard, mais en acceptant profondément sa propre solitude, ce qui crée, paradoxalement, une ouverture en

nous à laquelle on ne peut pas accéder autrement et qui nous met en lien avec l’autre et avec le monde qui nous entoure. Voilà

ce qui donne une définition de ce que veut dire "être ensemble".

Certains artistes, et notamment certains chanteurs finissent par trouver une sorte de canal qui leur permet de libérer une

énergie qui peut évoquer une forme de cri appartenant à un être qui a trouvé la connexion entre lui, la terre et le ciel. Ensuite,

on se rend compte que toute leur œuvre n’en est que la reproduction. J’ai justement l’impression d’avoir trouvé ce canal qui

donne la sensation qu’il s’agit d’une forme de transe. Notre état, qui cherche la perte de contrôle tout est restant conscient de

ce qui se passe, est un état médiateur qui permet au spectateur d’entrer dans un état de lâcher-prise.

@ Philippe Sebirot

DCH : Vous cherchez donc un état de transe ?

Nacera Belaza : Non, il ne s’agit pas de transe. La conscience ne cède pas. Ce qui m’intéresse c’est de lier l’esprit au corps,

cela s’apparente plutôt à l’état des derviches qui démarrent avec la conscience à un endroit précis. Ensuite elle s’élève au fur et

à mesure et devient très fine, ce qui permet l’abandon du corps. Aussi, le derviche, après avoir tourné pendant vingt minutes,

est tout à fait centré et en place. Dans ma danse, le corps est habité par un souffle intérieur qui peut donner l’impression qu’il va

disloquer le corps pour l’emmener dans toutes les directions en même temps et lui donner toutes ses possibilités d’ouverture.

@ Bruno Raffini

DCH : Votre écriture divise le public. Certains trouvent qu’il n’y a rien à voir…

Nacera Belaza : Je pense souvent à un ami réalisateur à qui je parlais de mon désir d’aller dans le désert, et il me répondit: "Il

n’y a rien à voir dans le désert." Je pense en effet que le monde se divise entre ceux qui voient des choses dans le vide et ceux

qui n’y voient rien. C’est comme regarder la mer, c’est un prétexte pour regarder son propre paysage intérieur. Je veux qu’on

regarde mes pièces de cette manière, sans forcément chercher à y comprendre quelque chose. Je ne vois plus de sens à

retourner à une création chorégraphique narrative basée sur l’écriture avec entrée en scène et sorties etc. Ce qui m’intéresse

est cet état cathartique qui permet de libérer son être, à travers un mouvement ou autre chose. Car il s’agit de dépasser le

corps, ce qui est le seul moyen de faire exister un imaginaire. Selon Socrate, la mort est la séparation du corps d’avec l’âme et

philosopher c’est apprendre à mourir. Quelque part, mes pièces m’aident à apprendre à mourir.

Propos recueillis par Thomas Hahn

La Traversée : à voir du 17 au 19 septembre à 19h – TNP Villeurbanne

Rencontre avec Nacera Belaza

Les artistes rejoignent le bord de scène pour rencontrer le public, échanger et répondre aux questions.

À l’issue de la représentation du jeu 18 sept.

Les Echos Septembre 2014

A Lyon, les danses font le grand écart PHILIPPE NOISETTE / PIGISTE | LE 22/09 À 11:15, MIS À JOUR À 12:19

A Lyon, les danses font le grand écart - Récital à 40 ©Gilles Aguilar

Offrant un panorama vivifiant de la création actuelle, La Biennale de Danse de Lyon lance la saison chorégraphique.

Un visage aura marqué cette édition 2014 de la Biennale de Danse sous la direction de Dominique Hervieu : celui de John et de son formidable interprète Hannes Langolf. Nouvel opus de Llyod Newson avec sa

compagnie DV8 « John » a secoué le public très jeune de la Maison de la Danse. Et fit un triomphe.

Pourtant le propos n’est pas des plus évident. Fidèle à son approche quasi documentaire Newson et ses

assistants ont collecté des témoignages d’hommes fréquentant les saunas. Et sont tombés sur John. Un

destin qui prend vie sur scène, un décor tournant qui se fait maison, rue ou lieu de drague. Et devient

spectacle à lui tout seul. John raconte l’enfance ballottée, les vols à la tire, la dérive et les substances

illicites. Entre chaque séquences la danse reprend ses droits, corps à corps fuyant, gestuelle furtive. Et puis

vient l’épisode sauna. John cherche le contact et la compassion. D’autres uniquement le sexe. Llyod

Newson ne juge pas. Mais lorsque la voix du vraie John se fait entendre, on comprend que la recherche de

l’autre est universelle. Cette création est crue autant qu’inconfortable. Il faut tout le talent du chorégraphe

pour en faire un chant d’amour qui parle à tous.

Douce transe

Après un tel choc, difficile de revenir sur terre. Le programme en trois temps du Ballet de l’Opéra de

Lyon s’en est trouvé un rien affadi. On retiendra avant tout « Sunshine » la belle pièce d’ Emanuel Ga t qui

emporte la compagnie dans son univers. Pas sûr que la reprise de Jiri kylian ou la création sur pointes du

tandem Chaignaud/Bengolea pour le Ballet de Lyon restent elles dans les mémoires.

Nacera Belaza donnait au TNP Villeurbanne théâtre de partenaire de la Biennale la primeur de « La

Traversée », quatuor où pour une fois elle ne danse pas. Travaillant sur la répétitions d’une motif

chorégraphique -ici une simple marche en cercle-, Nacera Belaza réussit à faire naître des figures habitées.

Une douce transe qui devrait gagner en intensité au fil des représentations.

Dans un registre où la danse croise le nouveau cirque Yoann Bourgeois aura mis tout le monde d’accord

avec « Celui qui tombe » opus renversant. Et pour cause : sa scénographie repose sur une plancher qui se

fait tournoyant, immobile, inquiétant. Bourgeois embarque se colonie pour des vacances loin de tour repos :

se tenir droit ou penché sur cette scène instable, grimper également sa façade comme un alpiniste gracieux.

Surtout se joue ici un belle parabole sur le groupe et l’individu. Celui qui voudrait être le dernier à ne pas

tomber. Et qui au final cherche ses partenaires disparus. Celui qui tombe a cette maturité généreuse que l’on ne prête comme génie précoce. « Je crois à l’impureté fondamentale des arts » nous confiera Yoann

Bourgeois. Et nous à son talent.

La Biennale continue une semaine encore avec The Forsythe Company, Benjamin Millepied et son L.A.

Dance Project ou Maguy Marin. Comme un été indien de la danse.

BIENNALE DE LA DANSE DE LYON, jusqu’au 30 septembre 04 27 46 65 65

Philippe Noisette

Heteroclite.org Septembre 2014

Nacera Belaza et Maguy Marin : couleurs du temps Par Renan Benyamina le 26 septembre 2014

Qu’est-ce que le temps ? Le livre XI des Confessions de Saint Augustin a donné son nom à un spectacle de Denis Guénoun au TNP en 2013. Ce pourrait être aussi le sous-titre de deux spectacles de Nacera Belaza et Maguy Marin présentés ces derniers jours dans le théâtre villeurbannais dans le cadre de la Biennale de la Danse.

Nacera Belaza poursuit sa recherche exigeante, entre abstraction et inspirations mystiques, dans sa pièce La Traversée. Comme un Pierre Soulages de l’art chorégraphique, elle compose des tableaux

en nuances de noirs, préfère les vibrations aux grands jetés, observe comment la lumière accroche ou bien glisse sur la matière en mouvement. La matière, ici, n’est pas le corps des quatre interprètes (recouverts de vêtements amples et neutres, comme toujours chez Nacera Belaza) mais leur concentration, leurs déplacements, leurs torsions. Ils commencent par tournoyer autour d’un point

de lumière qui se dilate peu à peu. On les imagine danser autour d’un feu, à moins qu’ils ne

l’invoquent, avant de sembler devenir eux-mêmes particules lumineuses en mouvement. C’est

comme un big-bang, calme et mystérieux, qui se déroule pendant une heure sous nos yeux.

BiT : tout sauf binaire

Maguy Marin, elle aussi, installe le monde entier sur le plateau. Mais il n’est pas, cette fois, contenu

en puissance dans un rai de lumière. Il est porté par des figures fluctuantes, tour à tour villageois d’un feuilleton de France 3, reptiles préhistoriques, moines franciscains sans visages. Le titre de son spectacle, BiT, évoque certes le bit informatique, unité de mesure, mais aussi le beat musical, le battement, la pulsation. Si des couches de mémoire se superposent comme dans ses précédentes pièces (Salves, Nocturnes), Maguy Marin opte cette fois pour une construction plus linéaire, presque narrative. Les danseurs pénètrent sur le plateau en ronde d’inspiration folklorique ; on craint alors que la chorégraphe ait cédé à la mode de la danse traditionnelle comme expression d’un

désir de communauté. En réalité, ces motifs de joie, d’euphorie collective à l’énergie desquels on ne

peut que céder, sont rapidement tordus et décalés. Malgré leur familiarité (il ne manque que la chenille à laquelle Maguy Marin a heureusement résisté), quelque chose d’étrange, parfois violent,

point discrètement. Ce quelque chose est lié à une discordance entre le rythme suivi par les danseurs et la bande-son, très présente, qui nous fait pulser sur un autre tempo. Ils grimpent ou tombent sur de grands panneaux inclinés, installant une précarité prégnante. Le jeu funambule entre familiarité et étrangeté donne lieu à quelques images décevantes car trop vues (les fameux moines ambigus). La fresque est toutefois passionnante, Maguy Marin étant probablement la seule chorégraphe à inventer des espaces aussi incongrus, entre le social, le trivial, le mythique et le politique. Sa danse crée des brèches dans le temps, des bouquets de couleurs et de transpiration et nous fait naviguer entre nostalgie, critique et projection.

Blog Les petites chroniques de Francis de Coninck Septembre 2014

NACERA BELAZA. La zen attitude dans un plongeon aux sources patrimoniales.

Posted on 28 septembre 2014 by francis

Contexte : Cette Franco-Algérienne que nous avons déjà vue à Lyon tisse sa carrière entre engagement et

exploration de chemins chorégraphiques singuliers. Sa présence dans son pays d’origine est vécue comme une

vitale militance dans le territoire de ses racines, l’Algérie. Elle y a mené de nombreuses actions de formation et

d’inventaires.

Son chemin intérieur d’artiste tente de concilier son questionnement sur le corps de femme avec l’espace. Son

chemin interroge également la relation que ce corps entretient avec l’autre et le groupe. Un grand écart entre une

démarche conceptuelle et une démarche habitée d’humanisme.

Et pourtant, Nacera Belaza y parvient et finit par nous convaincre par la justesse de son propos !

La Traversée :

Cette pièce va à l’essentiel malgré la complexité technique d’interprétation et l’audace de son défi d’écriture.

Pendant une heure, les 5 interprètes, sur le mode des derviches tourneurs, exécutent des tours sur un grand cercle,

tels des constellations gravitant autour du soleil. La danse tournoyante aux effets énergétiques déroulés en spirale

invite le spectateur à une expérience de médiation chorégraphique, simple, efficace et pourtant salvatrice…

L’attention peut se vivre flottante, sans culpabilité, sans craindre de perdre le fil, comme celle de votre analyste qui

vous plonge dans une cure lacanienne. Une image ? Ce serait celle d’une danse qui privilégie les sens ou l’essence

plutôt que l’intellect. Et pourtant sa démarche est loin d’être constituée de guimauve conceptuelle. C’est sans

doute cela sa force et sa réussite, celle de nous avoir fait vivre, ce qui est extrêmement rare en danse, la paix des

sens et le repos de l’âme.

Nacera Belaza danse l’essentiel du mouvement, paradoxalement un essentiel qui cesse de danser en rond malgré

les tours répétitifs qui constituent la pâte chorégraphique de cette pièce ! Superbe !

Blog ouvertauxpublics.fr

octobre 2014

Hypnotique Nacera Belaza avec sa Traversée

Publié le 18 octobre 2014 par admin Il va falloir exercer une sorte de lâcher prise pour profiter pleinement des mouvements oscillatoires de la nouvelle pièce chorégraphique de Nacera Belaza, La Traversée. La compagnie Nacera Belaza oeuvre depuis 1994 mais c’est avec Le cri (2008) que cette compagnie se fait réellement connaître du grand public. On notera la création Un an après, titre provisoire au Festival Montpellier Danse en 2006 qui a permis de rendre lisible son travail jusqu’alors exercé entre l’Algérie, la France et surtout Paris. Les créations de Nacera Belaza appelle à l’introspection, à une certaine philosophie. D’un

simple mouvement émerge une interrogation sur l’humain. Elle dissèque, avec une maîtrise,

le temps, l’espace, les mouvements de la pensée, des pensées.

La Traversée a été créée à la Biennale de la Danse 2014 (17,18,19 septembre 2014). VIDÉO. Biennale de la Danse : La Traversée de Nacera Belaza http://culturebox.francetvinfo.fr/festivals/biennale-de-la-danse/biennale-de-la-danse-2014-la-traversee-de-nacera-belaza-162559

Laurent Bourbousson

Les Oiseaux Montpellier Danse, juin 2014

Libération

3 juillet 2014

Et pourtant, Montpellier danse

Marie-Christine VERNAY 2 juillet 2014 à 18:06

Difficile de se concentrer sur le côté artistique en cette période de conflit. Malgré tout, le festival se poursuit dans un certain calme.

L’ambiance, comme la météo, n’est pas au beau fixe pour les premiers festivals de l’été. Si

Montpellier Danse, perturbé dès son ouverture (le spectacle d’Angelin Preljocaj, Empty Moves, ne

sera représenté qu’une fois au lieu de cinq), se poursuit dans un calme relatif, ce n’est pas le cas à

Marseille, où le dialogue est rompu entre le festival et les intermittents qui l’obligent à annuler

chaque jour les représentations prévues (lire page 25). Dans ce brouhaha où l’on entend bien la

colère des travailleurs du spectacle vivant contre un accord jugé par tous comme «injuste, inefficace et destructeur», il est difficile de se concentrer sur l’artistique, qui pourtant occupe encore la scène.

A Montpellier Danse, débuté le 22 juin et qui s’achève mercredi prochain, les spectateurs ont pris

l’habitude de brandir avant chaque spectacle non empêché des affichettes «spectateur solidaire». Dans ce contexte où le social prend le pas sur l’artistique, y compris dans les équipes non grévistes

où les discussions sont parfois houleuses et toujours douloureuses, il est très inconfortable de rendre compte de spectacles qui ont eu lieu alors que d’autres étaient annulés. Par solidarité aussi, nous

nous livrons à cet exercice, forcément injuste.

Indigeste. Montpellier Danse, 34e édition, demeurant le festival de danse de référence de l’été, on a

vu tout et son contraire. Au Corum, ils se sont mis à deux pour présenter une création aussi indigeste qu’une salade composée, où l’outrance des rajouts ôte sa suavité au seul produit qui en

vaille la peine : la danse. Le Belge Sidi Larbi Cherkaoui et la Chinoise Yabin Wang ont concocté dans Genesis un world sandwich, où des princesses croisent des médecins légistes et où des boules magiques tentent de casser les cellules d’isolement où sont enfermés les danseurs.

Sidi Larbi Cherkaoui, avec son langage décomplexé, en tout cas non asservi à un seul style, est présent sur le plateau. Une maigre consolation.

A l’opposé de ce spectacle bourré d’images, de sons, la sobriété de Nacera Belaza apaise, bien que le propos tienne à un fil qu’il ne faut pas lâcher. Avec sa sœur Dalila, elle creuse dans les Oiseaux une voie qu’elle avait déjà ouverte, où le plus intime du corps se manifeste sans pour autant se figer

dans une posture ou une icône. Les deux femmes surgissent de l’ombre et parlent avec les mains

comme des pipelettes. Puis la conversation est rompue et chacune explore son propre espace tout en restant en lien, en accord secret. Chaque geste, chaque son est choisi, ce qui ne nuit nullement à la liberté de chacune, dans un dos qui s’étire à toucher le sol, un bras qui se pose sur l’air comme s’il y

trouvait un appui. Elles jacassent comme elles bruissent.

Sex work. Le spectacle cul de Matthieu Hocquemiller manque de cette capacité à choisir. Les interprètes de (nou), venus du sex work, du queer ou de la perfo, sont à saluer, tant ce spectacle à nu exige de la bravoure à une époque où le moindre bout de chair paraît suspect, placé sous caméra de surveillance des milices homophobes qui coupent également le son sur les questions du genre. Voir tous ces corps entièrement nus, dont celui de Kay Garnellen, transboy, voir deux hommes se tenir par la queue comme on se tient par la main, voir une main gantée s’introduire dans un anus : tout

cela est plutôt gai. Mais le spectacle en reste à une sorte de catalogue ne trouvant pas le moyen de re-érotiser alors qu’il désérotise parfaitement les zones censées produire du désir, dont le phallus dominant, entre autres attributs. L’utilisation d’une caméra infrarouge sur le plateau est peut-être une piste à exploiter, plus encore que lorsqu’elle capte les parties d’un corps refroidies par des glaçons.

Il ne reste plus qu’à aller s’égayer sur la Plage romantique d’Emanuel Gat, chorégraphe israélien

installé en France et régulièrement invité par le festival. Sur quelques accords de guitare qui rappellent le tube de Pascal Danel, le chorégraphe libère une bande criarde en tenue de mer décontractée. Là, le désir circule, les danseurs s’appellent par leurs prénoms et se courent après.

Parfois, ils s’attrapent amoureusement, se taquinent, alors que monte le volume d’une bande-son récupérée d’un précédent spectacle, où l’on entend «la colère gronde». C’est délicat, très Nouvelle

Vague, et parfaitement dansé, dans un même élan de générosité, alors que les paroles de la chanson nous reviennent : «Je veux t’aimer à mon idée». Ce que fait le spectacle.

Marie-Christine VERNAY

Danser Juillet 2014

Nacera Belaza à Montpellier Danse 7 juillet 2014

Nacera et les autres Dans Les oiseaux – pièce créée à Montpellier danse – Nacera Belaza condense à l’extrême son

appel à la conscience du vide, dans l’altérité

On entend parfois formuler le reproche selon lequel Nacera Belaza serait inapte à chorégraphier quoi que ce soit de plus qu’un duo avec sa propre sœur Dalila.

"Les Oiseaux" @ Laurent Philippe

Au demeurant, cela n’est pas historiquement vérifié : on compte plusieurs pièces d’effectifs plus

développés à son répertoire. Et cela ne saurait suffire à fonder quelque reproche, tant l’obstination

dans le tracé d’une seule ligne, sans déviation de pièce en pièce, est clairement revendiquée par la

chorégraphe même.

Or là ne résident pas les questions suffisantes.

Ce que Nacera Belaza révèle par son inépuisable travail minimaliste, est le lien opérateur de toute danse avec un facteur d’altérité. Il n’est de danse qui ne procède par activation d’une séparation de

soi au monde et aux autres, bien évidemment ; mais encore de soi à soi-même, réalisant en conscience la pratique d’avoir un corps tout autant qu’on en est un. Il n’est de danse, fût-ce la plus extrême soliste, qui déjà ne démultiplie, à travers les les espaces, des cristallisations fugaces de conscience d’être. Nacera Belaza danse souvent en compagnie de sa sœur Dalila. Leur danse commune se perçoit alors

comme jonction de solos. Qu’elles se dupliquent ou se répliquent, leurs danses activent le vide qu’il

s’agit entre elles de faire vivre, en tant qu’échappée vers l’invisible. Nacera et Dalila Belaza présentent une troublante proximité de traits physiques. Sans pourtant rien d’une gémellité biologique, tout dans leur rapprochement éveille le trouble dynamique du

semblable et du distinct, du même et de l’autre, où court une marge de vibrations ténue, tendue sur le bord, entre jonctif et disjonctif. S’y arpente un vertige d’être, là en surplomb du sens de vivre.

Dans l’appariement de Nacera et Dalila Belaza se torsade en lianes la prise d’altérité de chacune sur

la faille d’être, l’évidente présence tout autant que l’énigme de ses résonances. Créée à Montpellier danse, surnageant dans la houle des événements de l’intermittence, Les Oiseaux est apparue comme une pièce brève, s’éteignant à la façon d’une flamme de bougie

soufflée, après avoir condensé la pâleur lumineuse de ces principes omniprésents chez la chorégraphe. Cette pièce pourrait ne s’envisager que depuis la lumière (création Gwendal Malard). Celle-ci est d’abord rassemblée en halo, autour des deux danseuses proches. Elles sont là comme découpées en suspension dans le monde. Elles sont situées à proximité l’une de l’autre. Très frontales, et pourtant

flottant dans un irréel dérobé. Galerie photo Laurent Philippe

Leur gestuelle des bras est toute rhétorique, accentuée, coudée, cassante, presque piaffante. Dans le plié, le heurté, la ponctuation et la saccade, une intense conversation se livre, mais dont le sens échappe en tout. Une vaine jacasserie concentre une fixité des positions. Une énergie centripète s’entête à creuser là un trou dans l’instance du présent. Il y a de la périphérie à ce jeu, qui n’est pas

celle du dessin des corps, mais d’un creux, irrémédiable, qui les sépare.

On ne s’est pas interdit de penser à d’autres personnages possibles , comptant énormément entre ces deux femmes, en ce moment-là.

Deuxième tableau aux lumières. Le plateau tout au contraire s’est éclairé, un sol s’est dessiné sous

les présences incarnées. Mais l’espace s’est alors expansé. Une grande distance s’est instaurée,

séparant les deux interprètes. Un sourd big bang a opéré, depuis le trou précédemment creusé. Les bras s’élèvent sobrement à l’écart. Une lente giration inverse les plans d’expositions sans qu’on s’en

rende compte, la paire se rejoint de face par-delà la distance.

Une clameur obscure persiste en fond (son : Christophe Renaud), qui en rien ne renonce aux (r)appels de la vie effective. Comment ne pas entrevoir ici des spectres ? Quelque chose s’en est

allé, qui nous défait et dissout nos sentiments d’unité factice. Tout est nimbé, de ce que transporte,

dépasse et déplace tout geste, au-delà de sa forme. La focalisation alterne sur l’une puis l’autre des danseuses. Passage à genoux, palpitation,

impulsion infime, et doux balancement. Tout est tremblé, et de serrée d’abord, l’intensité s’est faite

toute diffuse. On n’a pas su se convaincre qu’il y eut alors une fin.

Gérard Mayen

Revue Ballroom Juillet 2014

Nacera Belaza – Les oiseaux

Publié le 30/06/2014 par Marie Juliette Verga Montpellier Danse - Sam. 28, dim. 29 et lun. 30 juin 2014 à 20h. Depuis vingt ans, Nacera Belaza creuse inlassablement le même sillon, viscéralement convaincue de l'impossibilité de la répétition. Que les gestes se succèdent dans un va-et-vient fragmenté ou qu'ils se déploient dans une extrême lenteur, le regard posé sur le mouvement fait entrer tout le corps en état de perceptions modifiées et d'attention amplifiée. Le vide est au centre des créations de Nacera Belaza, un vide « inattendu qui comble toutes les attentes ». Ici, nous distinguons d'abord deux ombres claires dans l'obscurité. Deux corps qui échappent à la nuit et impriment la rétine. La bande-son se déroule au loin, quelques petites percussions, des nappes électroniques, des voix lointaines, une couleur orientale... Les événements forment des couches dans la mémoire immédiate, des couches dont personne ne peut retenir la forme. Une forme sur les seuils de laquelle se disputent force et délicatesse. L'espace vide, la dilatation qui naît du partage entre ombre et lumière , la tension de ce geste infini qui résonne dans l'immensité d'un plateau dont les bords de scène sont effacés ; tout invite à la disponibilité, à l'entre-deux. La recherche de l'invisible, d'une danse sacrée qui place le corps dans un rôle de médiation entre les mondes, la rigueur d'écriture qui permet le flottement et qui mène à un état de corps poreux, tout cela structure un cheminement vers l'effacement et l'apparition. La création lumière de Gwendal Malard est d'une précision précieuse et les interprètes imposent une présence aiguisée et souterraine. Un voyage interne surexposé, une enveloppe corporelle qui tressaille, se replie, déploie ses ailes et referme sa surface dans l'absence ; les oiseaux emportent celui qui se laisse traverser aux origines de la danse.

Photo: Antonin Pons-Braley

Blog Le vent se lève

Juillet 2014

Montpellier Danse. Saisir le corps sous d’autres coutures Publié le 3 juillet 2014 Création. Avec « Les Oiseaux » de Nacera Belaza et « Nou » de Matthieu Hocquemiller le festival explore de nouvelles formes. Nacera Belaza Grand chantier ouvert à la création, comme chaque année, le festival Montpellier Danse accorde une place non négligeable aux chorégraphes en quête de nouvelles formes. On a pu voir dans ce registre la création perturbatrice Les Oiseaux de Nacera Belaza dont la pratique introspective nous rend complice d’une écoute intérieure qui

ne cherche pas à démontrer ou à éblouir tout au contraire. « En cherchant à répéter la même action, on se rend compte qu’il est impossible de se répéter car répéter revient

à aller plus loin en soi. » La pièce qui se tient dans une certaine pénombre laisse le souvenir d’un moment partagé avec deux oiseaux sur la branche d’un arbre avant

l’aurore. Elle propose aussi une ouverture sur un bouleversement nécessaire qui

enrichit la programmation.

JMDH

Het Parool, Pays-Bas Juillet 2014

Ik verzet geen stap zonder echte innerlijke noodzaak ("Je m'oppose à toute recherche sans réelle nécessité intérieure")

Fritz DE JONG

Le Trait Festival d'Avignon, 2012

Schaumedia (Autriche / Austria) Février 2013

Traduction : "Mars brûlant" à Tanzquartier Wien Rituels et danse contemporaine La chorégraphe algéro-française Nacera Belaza est connue pour sa créativité et son intransigeance artistique. Pour son triptyque pour le Trait, elle travaille avec sa sœur et deux jeunes danseurs algériens. Dans les deux solos et un duo - trois gestes chorégraphiques, trois expériences profondément sensorielles - elle examine les relations entre certaines formes de danses traditionnelles algériennes ou des rituels sacrés et sa propre écriture chorégraphique qui impressionne par son attention aux détails, son intensité et son intimité.

De Morgen, Belgique / Belgium (traduction) Novembre 2012

Minimalisme saisissant Il y a quelques années la chorégraphe franco-algérienne Nacera Belaza était l'une des révélations du Festival d'Avignon. Cette année, elle a confirmé sa réputation avec Le Trait. A chaque fois que Nacera Belaza crée une nouvelle œuvre, selon ses propos, elle « est à l’écoute » de la vie qui l’entoure. Le mouvement fait partie de la vie et donc provient de cet exercice d'écoute. A travers le duo et les deux solos de la pièce Le Trait, ce processus d’écoute se révèle aux yeux du public. On voit rarement dans la danse une telle précision dans la conception et une telle concentration dans la mise en œuvre. Cela est comparable à une pratique spirituelle. L'espace créé y est singulier. Nacera Belaza emmène le public dans un univers lointain, qui s'ouvre par l’obscurité de la scène. Dans une lumière qui rend les contours flottants se crée un espace-temps hors du monde, en premier lieu aux lueurs crépusculaires, puis ensuite nettement défini par la lumière. C’est cette lumière qui donne vie aux danseurs. Dans la première partie, Le Cercle, deux hommes dansent. La pièce commence par un choc sonore : des percussions polyrythmiques éclatent à fort volume. Une lumière franche découpe un carré lumineux, au centre, à l'apparence surnaturelle. Soudain, sortis de nulle part, surgissent deux hommes dont les bras, jambes et bustes se balancent dans toutes les directions, comme devenus sauvages, de manière désorientée. Cela semble demander peu d'efforts à ces corps élastiques faits d'articulations étonnamment souples. Les mouvements oscillent entre chaos et contrôle. Progressivement, les danseurs calment leurs gestes, jusqu'à s'unir et saccader un simple tressautement. Seule la tête vibrionne encore dans toutes les directions. Puis le mouvement repart de plus belle pour atteindre un véritable saut en puissance. Le motif se répète en miroir au sein du carré de lumière. L'intensité et l'angle de la lumière sont en constante variation, passant d’un contre-jour ou d’un faible rayonnement à une lumière latérale éblouissante. La matière lumineuse évolue continuellement. Elle se déforme peu à peu de manière imperceptible et le puits de lumière transforme le carré en un cercle. Disparaissant par un saut dans l'obscurité, la pièce s’arrête brusquement de manière aussi inattendue qu'elle a commencé. La fin des mouvements frénétiques laisse la place au Cœur et l'Oubli, la deuxième partie, chorégraphiée et interprétée par Dalila Belaza. A son commencement, une faible lumière avance lentement sur la scène la découvrant peu à peu jusqu’en son milieu. Se dessine alors le corps d'une femme dont les bras se meuvent avec une lenteur extrême. Des chants accompagnent son mouvement. Le corps disparaît à nouveau presque entièrement, avant de réapparaître, imprimant à l'espace sa présence hypnotisante. Le Cœur et l'Oubli donne à ressentir l'immensité de l'espace et du vide autour du danseur et à s'y perdre. Le Trait se termine par La Nuit, solo tout aussi fascinant, chorégraphié et interprété par Nacera Belaza. En fond sonore, un motif monte crescendo. Après une traversée de la scène, neuf faisceaux puissants illuminent la scène, aveuglants. L’interprète virevolte avec lenteur puis accélérant, les bras tendus. Parfois, le sens du mouvement semble s'être inversé, sans qu'il ne soit possible de savoir comment ni quand cela est arrivé. Au fil des tournoiements, la confiance dans ses propres yeux se dissout tant la magie opère. La lumière donne à l'ombre de la silhouette une grandeur dansante et rend les cercles d'un mouvement infini de plus en plus difficiles à suivre jusqu’à ce qu'une interruption brutale fige le tout. De saisissantes images émergent de cette recherche minimale. Stupéfiant.

Pieter T'Jonck

Le Trait dans "Le Hip hop dans ses retournements" Gérard Mayen, Traduit de l'arabe, moussem.eu 2011-2012

Novembre 2012

Extrait Hors-Série DABA Maroc - Magazine Scènes Novembre 2012

Mais où vont-ils ? Gérard MAYEN On citera à présent une autre artiste dont la création a bouleversé la scène chorégraphique

festivalière de l'Hexagone cet été : Nacera Belaza Le Trait pour le festival d'Avignon. Il nous paraît que cette artiste cultive avant toute chose des traitements extrêmement

singuliers, complexes, voire énigmatiques des configurations d'espaces-temps qui, en sa qualité d'artiste chorégraphique, constituent le propre de son activité créatrice.

C'est dans la biographie de Nacera Belaza qu'on pourrait retrouver la question immigrée assumée de façon plus explicite. La fillette arrivée en France à l'âge de 8 ans s'est forgée seule, à la force de l'obstination solitaire, un parcours dans la danse défiant les conventions sociales de son milieu. Si on y tient, on peut donc s'attarder à considérer le paradoxe de son attachement, par ailleurs explicitement énoncé, aux termes de la croyance religieuse. Ce qui n'est certes pas indifférent à sa forme d'épure minimaliste, de soustraction charnelle, d'incantation énergétique répétitive, frayant vers l'éblouissement en clair-obscur de transes calmes et muettes, qui suggère une lévitation du regard dans un corps spectateur guidé vers une vibration impalpable généralisée de toutes les forces invues animant la création.

Or tout cela, dans une exigence folle, ignorant tout compromis, épouse à ce point une dynamique d'élévation, d'échappée et de transgression du trivial, qu'on aurait honte d'en revenir à la misérable indexation sur une seule territorialité identitaire originaire. Ce que prend en charge Nacera Belaza, c'est une dimension ailleurs trop souvent impensée de l'art chorégraphique – au prix des pires radotages intellectuellement immatures qui entretiennent l'inépuisable tradition de la bêtise en danse – qui aurait à voir, admettons-le, avec de possibles dimensions de transcendance, de sacralité, et d'icônisation des représentations corporelles hors le tapage du régime généralisé de l'image.

Avec cette artiste à nouveau, on est loin de l'imagerie banlieusarde ; mais peut-être assez près des questions embarrassantes, peu discernées, pour lesquelles même les mots manquent, que pose la fréquentation de le foi musulmane, à une société massivement sécularisée.

On s'autorisera un sourire : de manière forte inattendue, Le trait intégrait la présence sur le plateau, a priori insolite, si ce n'est incongrue, de deux danseurs de hip hop. Oui mais algérois. De sorte que cette pièce travaillait un rapport d'intra-altérité, ne devant strictement rien à l'habituel cliché, lui sur-territorialisé, du Maghrébin de banlieue correctement intégré par les vertus de la construction de soi à travers les bienfaits des pratiques de danse. Une fois de plus, à cet égard encore, la trajectoire de Le trait a continué de décaler celle de Nacera Belaza à rebours de toute assignation originaire.

Revue Agôn Novembre 2012

Ce qui reste persiste : Nacera Belaza. Frédérique Villemur Le Trait — ainsi qu’une ligne dessine un trajet, livre un desse(i)n jeté telle une adresse à l’espace, le geste chorégraphique de Nacera Belaza, précis et tenace, tenu à sa violence sans jamais la défaire, affirme avec insistance comme un retrait — un retrait qui repousse tout horizon pour venir creuser en soi un vide qui élargit les marges au cœur de la nuit. Et qui donne cette expansion si singulière à l’espace alors que le spectateur apprivoise le silence au début du spectacle, et que lentement le nocturne se découvre sous la scansion d’un bruit sourd, et que monte une musique orientale mixée de bruits de la rue et de chants de femmes. Ce silence qui court sous les sons, couve sous les gestes est celui qui délivre sa lenteur et sa vitesse à la danse, il sous-tend avec persistance ce qui s’efface et se retire, et pourtant persiste.

Jerry Adiguna ©

En trois séquences qu’elle a inversées par rapport à la sélection d’Avignon 2012, Nacera Belaza enchaîne avec sa sœur et deux danseurs venus du hip-hop, deux soli et un duo dans l’épuisement impossible des corps et l’affirmation graduelle d’une énergie qui trouve sa place et son lieu. De l’horizon reculé du nocturne qui ne relance plus d’attente, surgit à la fin la découpe lumineuse d’un lieu où la saltation, ainsi que l’empreinte immémoriale de la danse, monte en puissance, et jette hors de soi l’énergie qui territorialise le geste dans l’étendue. Le Cœur et l’Oubli exécuté par Dalila Belaza expose l’extrême lenteur d’un geste courbe qui dégage une douleur, les bras tendus vers d’improbables cieux crient avec obstination une espérance déchue. La danseuse demeure d’ombre tenue, elle nous apparaît ainsi qu’un trouble de l’espace : avance-t-elle de dos ou de face ? Ces mains et ces bras étirés à l’horizontale à qui appartiennent-ils, ce visage d’ombre qui se lève lentement sort-il de sa nuit ? Le jour qui perce d’un moucharabieh se transforme, chute en un puits une lumière zénithale qui crible la scène. Le solo dansé par Nacera Belaza, La Nuit, ouvre sur un élargissement progressif de l’espace, dans un mouvement giratoire qui désoriente la danseuse, la détourne de tous repères en même temps que cette désorientation trouve une mise en orbite sur un point de centre et une verticalité toute intérieure. L’espace s’organise autour de pas qui dessinent une ronde sous le

trait de lumière qui partage la scène, les bras fendent l’air sous le bruissement du vent, et ouvrent le tournoiement sur soi. Le tour cosmique de Belaza se distingue de la rotation des derviches tourneurs1 et par le pas, la tête et les bras, mais la virtuosité du tournoiement ainsi que son caractère hypnotique attestent d’un temps qui s’écoule tout à la fois plus vite et plus lentement. La verticalité s’affirme dans une sereine gravité, et dans un lointain proche qu’elle nous communique à mesure que l’espace nous semble partagé. Nacera Belaza n’est pas dans l’espace, elle est à l’espace. L’étendue, la spatialité se déploient à partir d’un vide habité, d’un point source lumineux qui dispense une dilatation spatiale. « Un vide inattendu qui comble toutes nos attentes, voilà ce qui pourrait être finalement mon propos, ce que j’ai poursuivi à travers toutes mes pièces, affirme-t-elle, sculpter ce vide, lui donner un corps, le rendre palpable, le partager et enfin le laisser se dissoudre dans l’espace infini de nos corps2… ». On conçoit que la figure de la danseuse puisse finir par disparaître, très exactement sur la pointe des pieds, ainsi que la flamme dansante d’un djinn. Le Cercle, interprété par Mohamed Ali Djermane et Lotfi Mohand Arab, recompose les corps dans une ultime transe faite de piétinements et de saltations, leur danse frénétique n’est pas sans rappeler le mouvement des atomes qui trouvent leur aimantation dans un rythme commun. Là encore l’obstination à être, à y être, à être seulement et juste là, prend forme. Le bond qui tire de lui-même sa capacité à libérer une énergie, y affirme son principe vivant. Le jaillissement en une épidémie de sauts, laisse comme la trace obstinée d’une circonscription au sol, la répétition inlassable des mouvements compulsifs des bras et des lâchés de tête, occupent un rectangle de lumière pour seul territoire. Impossible de sortir du Cercle, alors comment finir ? Si le rythme n’est pas assujetti à la musique parce qu’il jaillit d’un battement au fond de soi, la musique en signe cependant ici l’arrêt. Sans se rompre Le Cercle évince les danseurs qui, d’un pas hors du cercle de lumière le quittent, dans l’irruption soudaine d’une interruption du son. Comme si un fil venait en couper la vie, persiste et demeure alors en nous un pur mouvement qui ne cesse, non pas de se déployer, mais d’être tenu à ce point d’origine et de fin en pure violence. La mémoire dans la danse de Nacera Belaza est archaïque comme l’est la danse elle-même avec ses moyens sans fin. Nacera Belaza affirme à ce point final vouloir trouver en partage avec le public cette traversée de la danse : « cette sensation qu’il y a eu un chemin très long qui a été parcouru au-dedans, et vouloir se quitter là dessus ». À la manière dont Montaigne écrit que « la parole est moitié à celui qui parle, moitié à celui qui écoute3 », nous dansons avec les danseurs et continuons à danser lorsqu’ils ont fini. Sauf qu’ici le couperet de la fin nous restitue une violence première où la danse s’affirme en un retrait radical. Face à l’immense nuit semblable au vieux chaos.

Jerry Adiguna ©

1 Confrérie musulmane fondée au XIIIe siècle en Turquie par le poète Djalal al-Din Rumi qui pratique la rotation comme invocation divine, indissociable de la transe. 2 Propos de Nacera Belaza : http://cie-nacerabelaza.com. 3 Montaigne, Essais, Livre III, 13.

Dans la chorégraphie une frange de lumière (orbe du monde, bord du cosmos ?) dessine le seuil entre le public et la scène pour l’ouvrir progressivement à une profondeur nocturne, qui vient rythmer deux bords telles deux rives qui tantôt s’abouchent tantôt s’étirent le long de leur blessure. Presque dix ans après Paris-Alger, Nacera Belaza revient avec Le Trait sur l’archéologie d’une mémoire — non celle des lieux, mais d’un trajet — et sans aucun repentir, ni reprise — aucun doute dans cette épure qui se fait évidement de soi. Dans son désir de fuir l’Histoire sans pour autant s’en échapper, dans son rapport au sol, qu’il fût natif ou non, du piétinement à la saltation ou au tournoiement, Nacera Belaza refuse toute assignation — et de sexe et de genre — toute fixation à une identité convoquée par les événements d’une histoire singulière. Car c’est à se défaire des représentations, qu’elles soient collectives ou personnelles, que la chorégraphe accède au geste le plus sûr et ajusté, au geste le plus ouvert quand rien ne reste que ce qui persiste en soi depuis le vide. Le retrait n’est jamais loin du déploiement, l’insistance sur le lieu de l’en-soi se fait ouverture à l’infini de l’espace, et toute violence se dénoue dans la jubilation tenue à la gravitation des corps sous la reprise en boucle du chant des femmes. Ainsi va l’espace s’élargissant autour d’elle, ainsi allons-nous à elle dans son tournoiement sur elle-même. Si le travail de Nacera Belaza consiste, dit-elle, en un « processus d’effacement où on s’auto-efface pour prendre le vide, pour prendre l’espace, pour prendre la lumière4 », la négation de l’ego, le dépouillement de soi laissent trace de ce qui reste comme ce qui persiste ouvert jusque dans l’insistance de la répétition — ouverture au partage. À danser toujours avec sa sœur, à reprendre sans cesse le dialogue du même et de l’autre au plus proche, Nacera Belaza creuse dans la nuit ce point de vide qui fait place à ce surgissement de l’autre en soi. C’est le voir monter avec lenteur ou fulgurance en ce qui n’est pas en propre à soi, en ce qui n’est pas appropriable. Et tout particulièrement en ce tournoiement pris à un espace sans bords ni limites, dans cet illimité auquel ne confine pas la scène dans ses jeux des lumières. S’il y a moins d’ombres que de pénombre transpercée de rais de lumière, et s’il y a moins d’espace nocturne qu’une profondeur nuitale par où persiste la nuit comme devenir, c’est que ce qui reste demeure ouvert à l’indescriptible. La nuit engendre la lumière et transfigure l’obscurité, sauvant la part de ce qui subsiste de l’oubli. Nacera Belaza accepte de se perdre dans cette nuit, elle s’y risque pour s’y trouver comme jamais elle n’aurait été à elle-même, comme une autre qu’elle sait n’être que par l’autre. Ainsi qu’une flèche qui fend l’air ne quitte jamais le point qui a défini son trajet, Le Trait de Nacera Belaza trouve dans l’oubli de soi ce qui persiste en nous tel un point de centre. A la source d’une violence structurelle, la force d’une inouïe ténacité à être à l’espace montre seulement un point de passage. L’insauvable dans ce qui reste demeure la nuit sauvée. 4 Rencontre chorégraphique avec Nacera Belaza, 25 octobre 2012, Agora Montpellier Danse.

Revue Agôn Novembre 2012

Barbara Métais-Chastanier Quand on n’a que le corps pour disparaître Nacera Belaza, Le Trait

« On est trop là », dit Nacera Belaza au sortir de Trait, présenté à Montpellier Danse en ce jeudi soir d’octobre lavé à grande eau par un épisode cévenol en avance cette année, jeudi noir de novembre

qui se serait trompé de mois. Car si en Avignon, la pièce composée de trois séquences distinctes commençait par Cercle, duo interprété par Mohamed Ali Djermane et Lotfi Mohand Arab, deux jeunes danseurs algériens issus du Hip-Hop, auquel répondaient deux solos, d’abord Le Cœur et

l’Oubli, chorégraphié et interprété par Dalila Belaza, sœur cadette de la chorégraphe, double et partenaire indéfectible depuis les commencements, puis La Nuit, chorégraphié et interprété par Nacera Belaza, la version présentée à Montpellier danse les 25 et 26 octobre 2012 inversait le geste de l’épuisement en s’ouvrant sur Le Cœur et l’Oubli puis sur La Nuit auxquels répondait l’autre

exercice de solitude qu’était Cercle 1. Dans ce temps feutré et désarmant des discussions d’après

spectacle, la chorégraphe de Trait condensait ainsi l’exigence de son geste dans ce qui prenait la

forme d’un constat qui vaut aussi comme règle par l’écart qu’il suppose : « On est trop là », consigne donnée à une entreprise d’effacement, dégagement méticuleux et obstiné. Car ce « on », cet étrange « on », si vide et si plein, est bien celui du on a pris ses médicaments aujourd’hui ?, celui du on y va ou du on meurt, celui de la vie postiche et journalière, qu’on vous l’arrache (vous

n’y avez plus droit) ou qu’on vous l’accorde (vous pouvez y prétendre, encore un peu, oui).

Laurent Philippe & Stage ID ©

Toujours il s’agit de ce « on » social, petite machine d’ego et de soi qui traverse l’existence, fait

dépôt, histoire, et puis – parce que la vie est ainsi faite – accouche tôt ou tard de ce qui va avec : biographie, indécrottable. Ce « on », c’est aussi – car toute la pièce pose doublement la question de la disparition et de l’effacement du soi-anecdote, sans que l’un ne prenne le pas sur l’autre – le « on » de l’interprète, le « on » du chorégraphe, le « on » du danseur qui s’abandonne parfois à la

faiblesse du moi, s’autoriserait cette gourmandise du plein qui fait image, écran, matière, recette. Parfois : tendance à fuir l’abstraction, à la méjuger, à prendre les devants de la réception et du

regard, à vouloir tenir d’intentions ce qui est occasion d’une attention – poétique du soi pour soi, du sujet plus encombré qu’interprété, poétique d’un « je » donné en pâture et non par le retrait.

Ici rien ne subsiste ou n’émerge d’une quelconque trame personnelle. C’est bien plus que de la

pudeur, c’est le souci de laisser une place, d’inventer une place pour l’autre en soi. Alors la pièce ne

touche pas au biographique ; elle ne touche pas à l’histoire – avec ou sans majuscule d’ailleurs – ; elle ne touche pas à la mémoire ou alors, si elle y touche, c’est seulement depuis cet extrême de

l’inaccaparé, de l’impropre, de l’immémorial : de l’Algérie, de l’émigration, de l’exil avec lesquels

dialogue pourtant la chorégraphe depuis de nombreuses pièces, l’évidence spectaculaire sera

neutralisée au profit d’un corps-intercesseur, comme ce vent qui vient défaire l’espace, comme ces

chants de femmes repris en des boucles incessantes, comme ces martèlements sur lesquels s’ouvre

l’obscurité. Mémoire-vent, mémoire-percussion, mémoire-suspendue. Tout cela, c’est ma mémoire,

c’est la vôtre nous disent ces quatre corps, c’est une mémoire plus grande que nous, c’est une

mémoire possible de Trait.

Alors le plein chez Nacera Belaza est l’opération d’une somme de soustractions qui permet de

donner consistance au vide, le « on » une entrée dans une écriture du geste qui procède de l’effacement, de la part soustractive, de la « splendeur neutre2 ». Et dès lors dire « on est trop là », quand on n’a que le corps pour disparaître, c’est se donner en horizon une exigence qui le provoque (l’appel au dehors), le déborde et le circonscrit : le vide tout autour ; cette coulée étrange, métronomique ou irrégulière, du temps. Faire du « on », l’outil paradoxal de l’affirmation d’une

démarche chorégraphique, c’est se proposer de porter le regard à l’endroit où il s’abîme dans ce qui

lui fait défaut, l’inviter – sans le conduire – à voir dans ce qui est là ce qui n’est pas visible, effacer

par le trait même les limites du trait : visages, corps, mains, comme mangés par l’obscurité, ombres

nettes et ciselées qui disent encore le refus des traits propres, ceux du visage, absent. Difficile ambition de l’impersonnel qui demande la ténacité des longues marches, savoir ancestral de la

durée, de l’obstination du coûte que coûte, intelligence du coup, du talus, du fourré ou de la fronde, ambition que tient sans faillir la chorégraphe qui plonge les quatre-vingt minutes que dure le spectacle dans une durée abstraite où s’abolit le temps.

Et c’est depuis ce geste, et depuis lui seulement, celui de l’effacement, que l’on peut oser le mot de

rituel ou se risquer même à le prononcer ; c’est seulement depuis cet arrachement qui fait de ces

corps des corps vieux de mille ans que l’on peut tenter de parler de ce quelque chose qui a à voir avec la solitude mais qui a étrangement à voir aussi avec le don. Car on entre ici – car oui, véritablement, le spectateur entre dans le noir, et doit s’avancer dans la pénombre, et doit accepter

de chuter en elle –, on entre dans ce qui fait cadeau au corps : corps offert au vide comme l’aveugle

offre ses mains à l’ombre, corps plus vieux ou plus jeune, corps qui n’a pas l’âge d’un corps, qui

n’a l’âge d’aucun sexe, parce qu’il se rêve premier, archaïque et pourtant se conjugue avec un geste

d’épure, une ligne d’abstraction. Coexistence du primitif et de l’atemporel qui fait que la rencontre

à l’intérieur de la disparition hésite toujours entre obstination clignotante et effacement continu.

L’inquiétude solitaire fait de ces corps des géants minuscules, exécutants d’un culte qui réveillerait

en nous le familier et l’étranger, rituel austère, exigeant, comme arraché à la nuit d’où ils sortent

grandis.

Le Trait explore trois visages de la disparition, autant de manières de placer la marge au centre, la limite au cœur, qui doivent tout autant aux lumières d’Eric Soyer, dont on salue également

l’extrême virtuosité dans les spectacles de Joël Pommerat, qu’à la composition d’une écriture des

corps et des sons. Il les explore depuis cette étrange architecture d’un rythme travaillé par les ex trêmes : vitesse folle martelée jusqu’à l’épuisement du tremblé (Le Cercle) ; lenteur hypnotique qui dilue le geste dans la matière (Le Cœur et l'Oubli et La Nuit). Recherche d’un corps sans soi, quand

répéter et distendre la durée du mouvement, le ralentir à l’extrême ce pourrait être lessiver le geste

et laver le temps et décrasser le dedans, pour toucher ce moment du soi qui n’existe qu’en constat.

« Je suis » comme constat et non plus comme pensée, comme écart ou comme performance. Et c’est

à la lumière ou plutôt à la manière dont la pièce compose la nuit qu’on doit de pouvoir faire

l’expérience de cette tentative d’épuisement des formes de la disparition : l’horizon, flux et reflux

de la lumière d’où émerge hiératique, dressée, intouchable le corps de Dalila Belaza et du corps surtout le visage et les mains – tâches qui accrochent la lumière, se dressent en attente d’on ne sait

quel ciel ou quel salut ; les pleins feux de la silhouette de Nacera Belaza découpée et effacée par le tournoiement qui fait que très vite on ne sait plus si la giration procède d’un sens qu’on trouve ou

qu’on est tout près de perdre ; le carré lumineux, mi-ring, mi-arène de Cercle où le duo des garçons est exposé et qu’on les « sent horriblement visible, comme un pou entre deux lames de verre ». (Claudel, Partage de midi)

David Balicki ©

Le Trait, puisque tel est le nom donné à cette épure du geste, c’est

l’exigence d’une pensée du dessin en tant qu’elle commencerait par le

corps – où le vide et le plein n’existeraient que par cette délimitation

graphique, chose qui relie, duplique et sépare tout à la fois : deux sœurs, deux garçons, deux solos, deux solitudes combinées, car 1 + 1

font 4 chez Nacera Belaza, formes qui dans la répétition disloquent, décalquent et réunissent tout à la fois ; fécondent et abîment d’une souffrance retenue, toute

abstraite et plutôt sans sujet (qui donc l’éprouve ?) que sans objet (à quel propos ?). Ce chemin qui part de Cœur, s’immobilise dans La Nuit pour nous conduire à – nous abolir dans ? – Cercle, fait de la lenteur contenue des deux sœurs l’envers de la rage des garçons : de part et d’autre, la même

solitude, de part et d’autre la même netteté – la même colère. Aussi étonnant que cela puisse paraître la géométrie définit le trait comme une suite de points, éléments discontinus qui, à force d’être répétés, superposés, ajointés, finiraient tant bien que mal par produire du continu, par

accoucher d’une ligne ; mais tracer, c’est aussi « laisser une plaie », selon le mot de Michaux, à tout le moins une entaille, disjoindre donc, travailler la béance. Qu’est-ce qui danse ou tremble alors dans la disparition, dans l’écart (les deux sœurs qui ne dansent plus ici ensemble) et dans la réunion

qui fait aussi îlot (les deux solos comme résolution anticipée d’un duo qui de toute façon ne résout

rien) ? Difficile de répondre autrement que depuis ce sentiment fragile, ténu que fait naître la rencontre intérieure, inattendue et répétée entre une qualité vibratile de l’air, un affutement soudain de la lumière dans l’œil, la brusque découpe sonore des plages de voix comme arrachées à une autre

mémoire venue d’on ne sait où et comme d’un autre temps, une ombre mutine et improbable qui

vous dit qu’ici il n’y avait peut-être pas de corps – une fiction de corps ? un souvenir de corps ?

Notes

1 Le rythme extrêmement poussé et l’intense vitesse des gestes scandés et répétés du duo constituaient une entrée qui

supportait difficilement l’exercice d’abandon, de vacance que demandaient les deux solos – les consentements ne s’obtiennent pas sans conditions. Le 25 au soir, il semblait que la fin de la pièce manifestement n’avait pas encore été

trouvée et donnait la désagréable sensation d’un arrachement ménagé pour éviter la surchauffe, quand on aurait aimé

goûter aux rougeoiement infinis des bougies qui meurent comme étouffées dans l’abandon de leur propre cire

2 Gilles Deleuze, Logique du sens

Olé Magazine Octobre 2012

Midi Libre Octobre 2012

Let’s Motiv Octobre 2012

Gazette économique et culturelle Octobre 2012

Direct Matin Octobre 2012

Yomiuri Shinbun (Japon) Septembre 2012

Dance Magazine (Japon) Septembre 2012

Latitude France Septembre 2012

Dance Triennale Tokyo 2012 : Nacera Belaza Japon | Tokyo - du 27 septembre 2012 au 28 septembre 2012

La France est à l’honneur de la Dance Triennale Tokyo 2012 : Nacera Belaza fait

l’ouverture de cette grande manifestation le 27 et le 28 septembre 2012 en présentant

pour la première fois au Japon "Le Temps scellé" ainsi que "Le Trait (Solos)", sa nouvelle

création présentée cette année à Avignon.

Nacera Belaza © Christophe Raynaud de Lage

"Avec très peu de moyens, Nacera Belaza crée un univers gigantesque. Un espace sombre. Le bruit

du vent. Des percussions et un chant fragile pour remplir le vide. Des danseurs qui n’en finissent

pas de tourner. À partir de ces seuls éléments, un monde primitif s’érige devant nos yeux. Avec la

musique qui s’accélère, les corps transis des deux danseurs répètent à l’infini les mêmes

mouvements, comme dans un rituel ancestral, et hypnotisent le public. Une chorégraphie dense qui

remplit le temps, l’espace et l’esprit"

Shigeto Nuki, critique de danse

Inaugurée en 2002, la Triennale est le plus important festival de danse contemporaine au

Japon, une plateforme exceptionnelle pour les chorégraphes et danseurs du monde entier.La

cinquième édition, qui a lieu cette année, programme 15 artistes et troupes provenant de

dix pays : Brésil, Indonésie, Israël, Corée du Sud, Pays-Bas, Japon, Suisse, Belgique et

France. Ainsi, outre Nacera Belaza, les danseurs de la troupe belge Les ballets C de la B"

présenteront "Out of Context – for Pina", leur hommage à Pina Bausch.

Organisé par : National Children’s Castle, Aoyama Theatre / Aoyama Round Theatre, Spiral /

Wacoal Art Center et Dance Triennale Tokyo 2012.

Avec le soutien de l’Agence des affaires culturelles du gouvernement japonais, Institut français,

Pro Helvetia, Planning Office for Arts Council Tokyo, la Fondation Saison, EU-Japan Fest Japan

Committee et Institut français du Japon-Tokyo.

Les Inrockuptibles – Hors Série Avignon Juillet 2012

Les Inrockuptibles – Hors Série Avignon Juillet 2012

RTBF Juillet 2012

Avignon 2012 Danse : Le trait et la contorsion

CHRONIQUE SCENE | vendredi 20 juillet 2012 à 10h50

Le trait, de Nacera Belaza - photo : Christophe Raynaud de Lage

Rien de plus opposé, dans la démarche, la vision et le rythme que Nacera Belaza et et Romeu Runa. Elle, chorégraphe et danseuse d’origine algérienne pratique l’épure, la nuance imperceptible,

la peinture d’un corps lent par un jeu d’ombres et de lumières. Elle est à la danse ce que Bresson est

au cinéma ou Claude Régy au théâtre. Un éloge et une limite car elle restreint son public à quelques happy few avides de nuances. Le Trait, sa dernière création ne sera vue qu’une fois au

Festival Moussem, à Anvers, fin novembre.

Romeu Runa, danseur portugais virtuose, souplesse prodigieuse, homme serpent plusieurs fois utilisé par Alain Platel, qui produit The Old King. On y assiste à la métamorphose d’un danseur

rampant et contorsionniste en un homme debout, arrosé par un monumental jet d’eau manipulé par

son complice Miguel Moreira. Sa résistance à l’élément déchainé finit par en faire un homme

capable de parler et de haranguer la foule. La fin est curieuse avec un slip garni de fleurs et le déshabillage final avec vision d’un "cul dénudé", immobile, position babouin: un final très applaudi. Personnellement dubitatif mais si ça plaît au public, tant mieux.(A Gand mi mars 2013)

Evene Juillet 2012

Cherkaoui, Chopinot, Bel, Belaza… La danse

dans tous ses états

Par Etienne Sorin et Patrick Sourd Quatre chorégraphes en Avignon. Sid Larbi Cherkaoui tombe dans le spectaculaire kitsch tandis que Nacera Belaza en dit beaucoup avec peu. Jérôme Bel, lui, parvient à montrer avec justesse la différence alors que Régine Chopinot ne fait que l’exhiber. Un grand Trait !

Le trait, ©Christophe Raynaud de Lage Impossible résolution de la quadrature du cercle… Dans un premier duo intitulé Le Cercle, la découpe précise d’un petit carré de lumière désigne sur la scène l’espace dédié à la danse. Nacera Belaza crée ainsi un effet de zoom sur ses danseurs Mohamed Ali Djermane et Lotfi Mohand Arab, tandis que le reste du plateau demeure plongé dans un noir profond. Sur une partition musicale mêlant des bruits urbains et des percussions, la danse hypnotique de Nacera Belaza parcourt alors le corps figé des deux hommes à la manière d’une transe aussi irrésistible que vagabonde.

Mouvements de tête, sauts sur place, l’étrange sortilège de possession qui au départ les agite dans

un synchronisme troublant, individualise bientôt ses effets en révélant un esprit de révolte qui réveille la personnalité de chacun. Tels des pantins désarticulés, ils sont alors les proies de ce sort jeté et témoignent d’un cérémonial qui tutoie l’ancestral de ceux des Maîtres-fou filmés par Jean Rouch. À la suite, vient un solo, Le coeur et l’oubli, interprété par Dalila Belaza, la sœur de Nacera.

Long silence et pénombre sur le plateau. La limite entre la scène et les premiers rangs du public s’éclaire d’un rai lumineux avec une infinie lenteur. L’interstice ouvert s’élargit, se transforme en une frange de lumière qui gagne alors sur la nuit à la manière d’une vague refluant vers le large

pour découvrir en l’extirpant de l’ombre le corps de la danseuse. Dans la gestuelle d’une danse

minimaliste, la voici alors un moment surexposée en pleine lumière puis réduite à l’ombre d’une

silhouette en contre jour dans l’effet d’un champ contre champ digne du cinéma. Ultime solo de ce

programme, La nuit met en scène la chorégraphe dans une pièce minimaliste consacrée à son corps marchant lentement vers la lumière. Le mouvement de ses bras en croix lui donne les allures d’un

oiseau solitaire tentant une fois encore de prendre son envol. Remettant trois fois sur le métier son obsession des corps tourmentés par leur désir d’émancipation, martelant sans cesse le message proche du S.O.S. d’une seule et même revendication, Nacera Belaza fait mouche. Époustouflant de

justesse et de vérité.

Les Echos Juillet 2012

Jeune garde de chorégraphes à Avignon Par Philippe Noisette | 06/07 | 07:00

« Le Trait » de Nacera Belaza a des allures de transe. – davidbalicki

En quelques saisons à la tête du Festival d'Avignon, le duo directeur Hortense Archambault et Vincent Baudriller a affirmé un goût pour la danse contemporaine, conviant en tant qu'artistes associés Josef Nadj ou Boris Charmatz, attirant des stars du calibre d'Anne Teresa De Keersmaeker ou William Forsythe. Pour cette édition 2012 , à côté de stars comme Sidi Larbi Cherkaoui et la « revenante » Régine Chopinot, Avignon fait le pari de talents vifs. A l'image de la Franco-Algérienne Nacera Belaza : en duo avec sa soeur Dalila, ici rejointe par deux interprètes masculins, cette artiste intransigeante offre au regard une danse minimaliste qui fascine. « Le Trait », soit trois parties, a des allures de transe sur des percussions ou en silence. Les corps sont soulevés par des décharges d'énergie jusqu'à disparaître dans les lumières du théâtre. Belaza, de pièce en pièce travaille ce motif récurrent, celui d'un mouvement au plus proche du déséquilibre. Superbe. Ici et là-bas Déjà invité au Festival, Christian Rizzo a un parcours singulier : rocker, styliste, chorégraphe, il vient de mettre en scène Wagner à Toulouse ! Ces spectacles, véritables tableaux vivants très léchés -parfois trop -envoûtent. « Sakinan Göze çöp Batar (C'est l'oeil que tu protèges qui sera perforé) », solo pour le danseur turc Kerem Gelebek est une réussite. Occupant l'espace en de microgestes, déballant son sac à dos pour afficher un slogan manifeste (le mot anglais « here » (ici), se transforme en « there » (là-bas), Gelebek raconte une histoire de migration à la fois personnelle et universelle. Attentif aux moindres détails, Christian Rizzo a imaginé un décor en bois qui se déplie. Puisant dans sa discothèque vintage, il habille la danse d'une version magistrale du tube de Nirvana, « Smells Like Teen Spirit » par Scala & Kolacny Brothers. Et devrait faire mouche au lycée Saint-Joseph. Olivier Dubois, enfin, revient à Avignon, où il avait triomphé en solo en 2006 avec « Pour tout l'or du monde » et déçu avec « Faune(s) » en 2008. « Tragédie » est une pièce d'envergure pour 18 danseurs, où la nudité se dispute à l'engagement des interprètes de tous les âges. En trois temps qui rythment la création, Olivier Dubois donne sa vision de la tragédie en danse. Il parle de poème plus que de chorégraphie. Choc attendu autant qu'espéré du côté des Carmes.

PHILIPPE NOISETTE

Vaucluse Matin Juillet 2012

A la Salle de Montfavet jusqu’au 14 juillet Festival d'Avignon/ "Le Trait" de Nacera Belaza : Chemins de lumière Depuis "Le temps scellé" et "Le Cri" présentés en 2009, le public du Festival connait le travail singulier et hypnotique de la chorégraphe franco-algérienne, qui tient autant de la recherche spirituelle que de l’intensité reliée au minimalisme du geste.

Le Trait (photo DR David Balicki)

Dans "Le Trait", elle rassemble trois pièces, trois gestes radicaux qui nous plongent plus encore dans les profondeurs de sa quête. Une ligne de flottaison qu’elle poursuit inlassablement, creusant dans la matière du mouvement et utilisant le corps comme « réceptacle du vide ». Entre transe et non-mouvement. Entre le plein et le vide.

Assourdissante immobilité

Un duo de danseurs algériens ouvre l’esquisse avec "Le Cercle". Dans un carré de lumière, ils cohabitent sur des percussions retentissantes. Danse spasmodique, sautillante, rapide ; leur corps est un stylo qui imprime ses reflets dans l’espace. Quand le noir surgit, notre rétine continue de diffuser l’image subliminale. Impressionnant. Comme toujours chez Belaza, le lâcher prise est un art, très contrôlé. Puis arrive l’immobile Dalila, la sœur de la chorégraphe qui l’accompagne sur toutes ses créations. Avant de saisir son enveloppe corporelle, une plage de lumière s’ouvre, lentement, comme un lever du jour dont on a surtout l’intuition.

Dans « Le cœur et l’oubli », le temps se dilate, silencieux, imposant. La danseuse dresse les bras, adagio, progresse infinitésimalement au son de la lumière vivante, comme un ressac, entre omniprésence et absence. Le dernier solo, le plus radical, dansé par Nacera, est un travail sur la lenteur, sur l’infiniment petit et l’appropriation de la lumière. Musique cosmique, en couches successives, variations lumineuses qui acclimatent le corps en tension. Une expérience sensorielle puissante et subtile dont il faut prendre le temps d’en ressentir ses étourdissants reflets.

La Terrasse – Hors Série Festival d’Avignon Juillet 2012

Libération Juillet 2012

Perles et fracas du Festival

26 juillet 2012 à 20:26

Avignon. Retour sur les grands axes de l’édition 2012 qui s’achève demain. Par RENÉ SOLIS et MARIE-CHRISTINE VERNAY, Envoyés spéciaux à Avignon Le 66e Festival d’Avignon s’achève demain. Un très bon cru pour le théâtre, une programmation plus

problématique et étriquée pour la danse. Petit bilan en quelques mots clés.

Deutsch qualité. Si le théâtre était un match de foot, l’Allemagne écraserait la France 5 à 0. Une supériorité aussi bien en défense, dans un schéma néoclassique (Un ennemi du peuple d’Ibsen, actualisé par Ostermeier), qu’en

attaque, avec la tactique du foutoir génial (les Contrats du commerçant de Jelinek déchirés grave par Nicolas Stemann).

Interactif. On a beau être un public de théâtre averti et éduqué, on peut se retrouver en train d’interpeller les

personnages comme à Guignol. Ou comme dans du Pirandello. Dans Un ennemi du peuple, le débat dans la salle a dépassé toutes les espérances du metteur en scène Thomas Ostermeier. Plus sobrement, Stemann se contente de faire reprendre en chœur, par le public, des textes de Jelinek mis en chanson.

Vidéo. Presque impossible d’échapper aux écrans sur scène. Pour un résultat mitigé. Les tout meilleurs (Marthaler, Castellucci, Nacera Belaza et Josef Nadj) n’y ont pas recours. Un hasard ?

A noter, dans le même registre, une particularité : le performeur sud-africain Steven Cohen avait placé des écrans sous ses lourds cothurnes qu’il soulevait pour le public.

Sans acteurs. 33 tours, l’installation conçue par les Libanais Lina Saneh et Rabih Mroué fait de Facebook le lieu

du théâtre : pas d’interprètes, mais des échanges sur écran filmés pendant une heure. Pas mal.

Avec acteurs. Le conceptuel Jérôme Bel a travaillé avec des acteurs atteints de trisomie. Pour les faire parler de leur handicap et non de théâtre.

Ovni. Aucun rapport entre Los Santos Inocentes des Colombiens du Mapa Teatro et Conte d’amour, performance finlando-suédoise orchestrée par Markus Öhrn. Sinon leur radicale singularité. Tout aussi ovni, mais ô combien bien élevé, l’Irlandais John Scott a ouvert la programmation correcte du Centre de développement chorégraphique

de la ville.

Très Honoré. Une mise en scène, deux textes montés par d’autres. Le cinéaste et romancier Christophe Honoré

était à la fête. Et a drôlement réussi son spectacle autour du Nouveau Roman.

Images. La tempête de feuilles à la fin de The Four Seasons Restaurant de Romeo Castellucci. A couper le souffle (ce qui précède aussi). La disparition inopinée de morceaux de corps dans le décor avec Josef Nadj, prestidigitateur.

Tellurique. Olivier Dubois avec Tragédie a signé son Sacre du printemps ou son Boléro, un spectacle sismique, primitif, sauvage, pour 18 danseurs nus, hommes et femmes.

Cour pas à court. Deux spectacles réussis dans la cour d’honneur (le Maître et Marguerite en BD haut de gamme par Simon McBurney et la Mouette façon bal funèbre par Arthur Nauzyciel) : cela n’arrive pas tous les ans.

Impasse. Pourquoi des formes moins «nobles» de la danse contemporaine, comme le disent encore certains, telles que le hip-hop, le flamenco ou le cirque chorégraphique, ne figurent-elles pas au programme ?

Chiffres. 93% de remplissage, près de 140 000 billets délivrés, le «in» a encore fait le plein. Voire le trop plein : trouver des places pour Marthaler ou Ostermeier relevait de la mission impossible. Avignon manque paradoxalement de lieux de représentation.

2013. Dieudonné Niangouna (auteur, acteur, metteur en scène et ambianceur) et Stanislas Nordey (acteur, metteur en scène) seront les artistes associés de la prochaine édition, la dernière dirigée par Vincent Baudriller et Hortense Archambault.

Libération Juillet 2012

«Le Trait», le pack d’ascèse de Nacera Belaza Critique Avignon. La chorégraphe et sa sœur Dalila composent en trois parties une œuvre intime et austère.

Par MARIE-CHRISTINE VERNAY Envoyée spéciale à Avignon Depuis le Cri, pièce charnière dans son parcours, Nacera Belaza ne dérive pas. Elle trace un seul chemin, qu’elle creuse en complicité avec sa sœur Dalila. Partir de l’intime, de la sensation intérieure, sans poser la question de la forme avant celle de la spiritualité. Sa création pour Avignon, le Trait, est composée d’un duo masculin et de deux solos féminins. Le duo d’ouverture, le Cercle, est pris de tressautements, de danse réflexe, de sauts groupés. Les corps chavirent, décidés à perdre l’équilibre, à se laisser emporter par un courant inconnu. Mohamed Ali Djermane et Lotfi Mohand Arab, cadrés dans un carré de lumière, parviennent à créer une sorte de danse de saint-Guy au bord de la transe. Contraste avec les solos féminins lancinants, qui conjuguent immobilité et mouvement. Le Cœur et l’Oubli, de Dalila Belaza, se situe entre injonction et imploration, les bras tendus vers le haut. La Nuit, de Nacera Belaza, s’avance dos au public, face à la lumière, pour entrer dans un tourbillon lent et incessant. La danseuse presque mystique y appelle à la méditation, les paumes ouvertes. On reste dubitatif devant une telle austérité, où seules luisent les quelques poussières de mica des costumes anthracite. Trop de noir nuit. On attend la suite de cette pièce encore en points de suspension.

Belaza, geste essentiel Par MARIE-CHRISTINE VERNAY Dans le Cri, une de ses précédentes pièces qui marqua son parcours et le public, Nacera Belaza et sa sœur Dalila se livraient à une danse de transe captivante. Toujours, dans son travail, elle revient à son geste essentiel qu’elle répète comme si elle écrivait le même roman chorégraphique. Le Trait unit les trois chorégraphies qui le composent : le Cercle pour deux danseurs, la Nuit, interprétée par elle-même et le Cœur et l’Oubli pour sa sœur.

Revue Zibeline Juillet 2012

Trait d’unions

En juxtaposant un duo et deux solos dans Le Trait, Nacera Belaza poursuit sans dévier sa ligne et compose pour Avignon un triptyque radical. Après Le Cri et Le temps scellé, la chorégraphe franco-algérienne continue d’inventer son chemin. On suit son procédé comme une exposition de tableaux,

en noir et blanc -ses corps sont toujours revêtus d’habits sombres, ici quelques paillettes pour refléter plus encore l’éblouissante et savante lumière- qui se mettent en mouvement de façon infinitésimale ou spasmodique. De pièces en pièces, Belaza cherche sa lumière, creuse la matière du presque rien… au risque de laisser le spectateur sur la rive. Un duo de danseurs algériens ouvre la cérémonie, mouvements répétitifs proche de la transe mystique, vertige de la vitesse, musique percussive étourdissante. Et rupture, éclaboussante. À leur suite, sa sœur Dalila se découvre lentement dans un lever de lumière silencieux. Vision hypnotique, qui nous replonge dans ses précédentes pièces. La chorégraphe ne craint pas de semer l’impatient en chemin, elle suspend le

temps, le dilate, laisse les projecteurs dessiner les contours d’un corps qui imprègne nos rétines. Entre le vide et l’immobilité, dos au public, Nacera Belaza conclut dans la dernière partie, La nuit, son esquisse à contre jour. Une fois encore, la musique intervient en couches superposées, la lumière façonne son aura. Yeux fermés, dans sa bulle, elle semble nous oublier, quitte (à regret ?) le fond de scène en tournoyant lentement sur elle-même. À nous de faire le chemin du sens, et de lâcher prise.

DELPHINE MICHELANGELI

Rue du Théâtre Juillet 2012

Critique - Danse - Avignon In Le Trait

À la merci de l'ombre Publié le 10 juillet 2012 La danse considérée comme une présence habitant un espace, comme un générateur de mouvement nourri par la lumière, comme une solitude hantée par le temps. Nacera Belaza se sert de l'éclairage comme habit pour les danseurs. La caractéristique essentielle des trois pièces présentées est un usage particulier de la lumière. Une sorte de représentation de la nuit, de l’obscurité en tant que révélateur d’une présence vivante. Une sorte de matérialisation visuelle du temps de l’aube au crépuscule ou vice-versa, de la fluidité et de la densité des nuages bas lorsqu’ils s’attaquent à la lumière en lui faisant un écran intermittent. Un moyen de procéder à l’apparition et à l’effacement, à la révélation et à la dissimulation. Une façon de jouer avec une silhouette habillée de noir, la pâleur de mains ou de visages. L’autre particularité est le répétitif. À l’instar de compositeurs tels que Terry Riley, Steve Reich, Philip Glass ou d’une chorégraphe telle que Pina Bausch. Ici il s’agit surtout de durée et non de redite, de variations graduées sur un même motif. Enfin, la bande son est ce composant qui induit le rythme, le conduit ou s’y oppose. Elle est ce qui rappelle un quotidien composé de bruits mais aussi des allusions à des musiques traditionnelles ou à des cérémonies rituelles avec, parfois, une nette opposition si pas un affrontement entre eux. Comme la lumière avec l'oeil, elle met l'oreille à l'épreuve, passant de modulations à peine audibles à un vacarme envahissant. « Le Cercle » met en présence deux hommes. Ils gesticulent. Ils semblent les protagonistes d’un

combat sans néanmoins paraître en compétition. Chacun reçoit des coups et tente de les rendre. Mais ni de l’autre ni à l’autre. Comme si chacun se battait contre un adversaire invisible. Car ce duo jamais ne se touche vraiment quasi pas. L’énergie est dans le geste, l’action jusqu’à son épuisement encerclée dans un rond lumineux. « Le Cœur et l’oubli » part de l’immobilité pour l’animer progressivement. C’est bien d’une

méditation qui naît dans le corps. Apparaissent sporadiquement des poses de statues telles que découvertes par de patients archéologues. C’est à deviner, à pressentir. À dépister comme un chemin dans l’obscur. Une progression vers une vague, très vague lueur au fond : la mort, la vie éternelle ? « La Nuit » dit son atmosphère. Le corps est maîtrisé. Il agit de manière minimaliste. Lentement. Il apprend à pivoter, à accomplir des tours complets. Il progresse. Il se réfère au tournoiement des derviches. Sans aller jusqu’à leurs transes accélérées. Une solitude assumée par un implacable mouvement circulaire, attirée à la façon d'un papillon par une batterie de projecteurs. Chaque fin est abrupte. Laisse le spectateur surpris du silence et du noir total; il en est encore à se demander s’il doit applaudir que tout est fini. Car s’il y a des commencements, les fins demeurent ambigües, incertaines. Expérience particulière qui tient sans doute davantage de la spiritualité que de la danse proprement dite.

Michel VOITURIER, Avignon

Revue L’Insensé Juillet 2012 - July 2012

L’encerclement du Trait Anaïs Plasse le 09 juillet 2012 En ce 8 juillet 2012, la chaleur pèse en Avignon. Les rues, pleines d’affiches comme autant de créations sur papiers désirant attirer une poignée de spectateurs sont déjà, pour la plupart, cornées. Loin des remparts avignonnaises, dans la salle Montflavet, à quelques trente minutes de bus, se donne pour la première représentation Le Trait, que signe la chorégraphe et danseuse Nacera Belaza. Il est près de dix-huit heures : une file d’attente repose patiemment, dans un silence habitué. Le premier trait est lancé. Silence dans les rangs. Attention en préparation. Vide. Lumière. Solitude, trois mots pour -re-lier les trois pièces dansées que proposent cette oeuvre. Trois. Trois temps. Trois pièces. Trois espaces. Trois chorégraphies. Trois. Un solo et deux duo qui feront trois. Vont-ils se relier ? Le trait bat en retraite pour laisser place au cercle. L’exploration du vide par le vide. Autodidacte formée par la force des choses et la croyance dans son art, Nacera Belaza, chorégraphe et danseuse franco-algérienne fonde sa propre compagnie en 1987, suite à un parcours d’études en lettres modernes. Dans l’aventure, elle entraîne sa soeur, Dalila Belaza, avec qui elle avait, enfant déjà, de danser clandestinement. Suite à près de vingts ans d’expérimentations de créations dansées, Nacera Belaza avoue ne toujours pas saisir l’ampleur des traces possibles qu’un corps en mouvement peut laisser sur un plateau. Dans son travail, c’est l’inscription du mouvement dans l’espace vide qui prime. Associé à Eric Soyer pour la création lumière et Christophe Renaud pour le son, la compagnie Nacera Belaza propose jusqu’alors essentiellement des partitions chorégraphiées pour deux danseurs minimum. Saisir de façon éphémère l’inscription du corps dans l’espace vide, laisser entendre la solitude de l’être sans jamais la montrer explicitement, exposer le débat, combat du corps perdu dans l’aire de jeu, voici les grands traits de création que se proposent d’explorer la chorégraphe. Le cri, partition dansée présentée en 2009 au côté de sa soeur ajoute un nouveau fil conducteur aux créations de la compagnie. Le désir pour Nacera Belaza de travailler en lien avec les danses traditionnelles de son pays natal se fait plus fort. Depuis 2009 donc, la chorégraphe étudie les rituels de danses à l’occasion des évènements cérémonials algériens. Mener le danseur à un état de transe par la répétition d’un même mouvement en évolution presque imperceptible, voilà le défi que se donne la chorégraphe. Au spectateur de se laisser embarquer depuis son propre point de vision dans l’état de transe des danseurs. Au spectateur de trouver son propre fil conducteur, de s’inventer sa propre histoire, d’entrer dans une sorte d’introspection imagée. Pour la première fois avec Le trait, Nacera Belaza se confronte au solo. Constitué de trois pièces autonomes dont la seconde est confiée à la chorégraphie et à l’interprétation de sa soeur, le spectacle débute avec un duo dansé par Mohamed Ali Djermane et Lotfi Mohand Arab, deux jeunes algériens issus du hip-hop, et s’achève par le solo créé et porté par Nacera Belaza. Après Le Cercle vient Le Coeur et l’Oubli que conclut La Nuit. Trois pièces présentées sous le titre générique du Trait, dont l’essence même est de faire lien, de relier. Et puisque seul du silence peut naître la musique, de l’obscurité émerger la lumière, de l’immobilité s’inscrire le mouvement, Nacera Belaza entre dans la danse par l’exploration du vide menant au vide, au lâcher prise du danseur et du spectateur. Une trilogie de l’expérience sensible. Trois temps pour explorer le vide et la solitude de l’être face à l’immensité du plateau. Le Cercle ouvre alors le trait. Abrupt, à vif. Après cinq minutes d’attente dans une lumière semi-tamisée, la salle est placée dans le noir le plus total. L’entrée dans le spectacle se fait sans crier gare. Lorsque se dessine un carré de lumière blanche au sol, les deux danseurs sont déjà en mouvement, frétillant sur place. Le volume de la bande-son est faible. On ne sait déjà pas, plus, qui de la musique et ou du danseur suit l’autre. Dans un rythme non rythmé, les deux danseurs suivent une partition commune en déca lage infime. Côte à côte dans le même espace de lumière, et pourtant isolé chacun dans sa partition, les corps des danseurs vibrent plus qu’ils ne dansent. Imperceptiblement la musique prend une plus grande place, puis les corps se déchaînent, explosent, se déchirent dans une énergie brutale. Comme électrisés, branchés sur des caisses de résonances, dynamités de l’intérieur, les danseurs enchaînent sans répit leur partitions. Précis, ensemble sans pour autant être synchronisés, ils créent la musique plus qu’elle ne les portent. Lorsque le volume de la bande-son atteint son point culminant, c’est à la limite de la saturation qu’on est exposé. Des noirs nous offrent un répit visuel sans en autorisé un aux danseurs, qui, imperturbables ré-apparaissent

déchainés par la même énergie dans la lumière oscillante. Sur place, ils sautent ensuite, re-initialisant leur baromètre énergétique. Sautent. Sautent. Sautent. Sautent. Sautent. Sautent. Sautent...Décollants du sol. De plus en plus haut. Ensemble. Aux mêmes hauteurs. L’un des deux s’expulsent de l’aire de danse, s’autorisant le silence et l’immobilité dans la profondeur du noir. Intouché par la disparition de son acolyte, l’autre poursuit. Son corps ondule. En décalage, rejoint par l’oublié tantôt disparu, ils entament une danse frénétique de la tête dont le corps essuie les vibrations. Jusqu’à ce qu’ils se désarticulent. Chacun, un et un. Indissociables l’un de l’autre, côte à côte, puis face à face, ils semblent pourtant seuls, combattant l’air de l’aire qui les entoure. La lumière ajoute à leur isolement lorsqu’elle dessine dans le carré, un cercle de lumière plus net et plus abrupte. Durant les vingt minutes de chorégraphie, l’énergie brutale exposée nous laisse en dehors. Devant plus que dedans, on cherche à se laisser prendre par la violence des corps. Pour autant, la décision d’embarquer dans la danse est impossible à prendre consciemment depuis l’extérieur. Chacun est seul ici-bas. L’interruption de la lumière, du son et de la danse achève Le cercle, aussi surprenante que l’irruption de départ. Un fragment de ce duo constitué de deux solos solitaires nous a été donné, placés face à mais pas avec. Noir. Silence. Lorsque l’on se demande quand viendra le second tableau, on distingue une frontière de lumière entre la scène et la salle. Faible. Floue, d’un blanc moins franc que celui présent dans Le Cercle. La frontière, no man’s land de lumière s’affirme peu à peu, étirant son horizon vers le fond du plateau. On devine une présence, en ombre. Un corps recourbé sur lui-même, les épaules entrées vers le thorax. L’avancée de la lumière est imperceptible, pourtant elle fait son chemin. Immobile, la silhouette de Dalila Belaza est enfin à découvert. En tendant l’oreille, on s’aperçoit que la bande-son également, a du mal à sortir du silence. Échos lointains de chants religieux orientaux, elle s’affirme petit à petit. Dans une mobilité réduite à l’extrême de la mobilité, Dalila Belaza semble chercher à demeurer vivante. Lumière toujours tamisée, le corps de la danseuse s’ouvre dans une extrême lenteur. Tête baissée, les bras en croix, elle invoque l’offrande sacrificielle. La musique tarde à se faire plus forte. On reste dans l’attente que quelque chose débute, s’active...une rupture, une tension. Lentement, elle commence à tourner sur elle-même. Lentement, ses bras se lèvent. La lumière baisse un peu plus, à la limite du noir. En contre-point de la fixité mouvante, la bande-son se fait criante, à la limite de la saturation. Noir totale ensuite. Frustrés que notre regard soit brimé, laissé seul assourdi par la musique, on pressent que ça s’agite dans le noir. Semblance d’activité aussitôt révoquée lorsque l’on retrouve inchangée Dalila Belaza, répétant perpétuellement le même tour sur elle-même, un bras tendu vers les hauteurs. Sa main semble faire signe. Nous faire signe ? Quelques rires osent s’affranchir, qui aussitôt s’étouffent, se répriment. Ici, on ne rie pas, on tente d’entrer dans l’introspection de l’être. La lumière parcourt à nouveau l’espace, effaçant par le noir le fond du plateau cette fois-cI. L’obscurité s’avance vers nous, laissant découvrir en contrejour la danseuse, qui, lentement entame une marche vers jardin. Alors que seuls quelques pas de distances la séparent de son point de base centrale, de son point d’équilibre, elle tente à nouveau de reprendre un tour sur elle-même. L’obscurité se fait alors plus lourde, appelant l’oubli de la danseuse, appelant la Nuit, qui achèvera le parcours du Trait. Noir total. Silence. A la silhouette de Nacera Belaza de se laisser découvrir. Elle, de dos, proche de la salle, fait face à la lueur d’un visage dont on repère symboliquement les yeux et la bouche. En filigrane sur le fond du plateau, on se l’invente plus qu’on ne le perçoit. Elle est seule face à lui. Longtemps. Ils semblent se fixer. Longtemps. Dans une immobilité sereine, la danseuse est postée face à l’Autre. À quoi pense-t-elle? Est-ce un duel qui se prépare ? Est-elle en train d’apprivoiser sa présence ? Le silence, cette fois-ci est empli de rayonnements. La présence de ces deux êtres en regard suffit à laisser place à l’imaginaire. Se prépare-t-elle à entrer sur la piste de danse ? Rien ne laisse pressentir qu’elle initiera un mouvement vers lui, un premier pas. Rien ne laisse pressentir qu’elle dansera. Rien ne s’échappe du corps de Nacera Belaza. Une respiration imperceptible, un souffle de vie dans l’immobilité et le silence sont cependant présents. Etat serein de contemplation devant l’immensité de la nuit, du vide devant elle, elle attend paisible, reposée, les bras le long du corps. Des paillettes scintillent de son costume. La bande-son, comme souffle sourd, écho

du vent permet à la danseuse de se lancer. Le visage se révèle en fait être constitué de neuf projecteurs. On sort de la rêverie contemplative de la nuit. L’aire de danse est disponible, sacralisée après la longue attente. En équilibre ou en apesanteur, tel un albatros déployé, la danseuse se lance dans une traversée lente pour rejoindre le centre du plateau. Le temps du cheminement, elle devient funambule, s’offrant sereinement, déterminée et pacifiquement, en sacrifice à la scène. Bien qu’en action, l’apaisement présent dans son corps alors déployé demeure depuis le début du tableau. En contre-jour, éclairée par les projecteurs, elle s’avance dans une simplicité semblant prouver qu’elle n’a rien à perdre. A coeur ouvert, l’albatros est bien décidé, coûte que coûte à aller jusqu’au bout. Désormais c’est certain, si un duel doit se mener avec la lumière, elle dominera par la pesanteur, l’apaisement. Arrivé au bout de sa course, l’albatros se tourne posément vers nous. Son visage ne se laisse pourtant pas découvrir. La lueur de la nuit est trop éblouissante à ce moment-là pour que l’on distingue des traits de visages ou un regard. L’intérieur parvient à l’extérieur. Le vide de sens s’emplie malgré tout. Puis les bras en croix, elle entame des tours sur elle-même, succédant les traces laissées par sa soeur au même endroit, le centre du cercle frappé des sauts des deux danseurs. Ça s’accélère. De plus en plus vite. Tourne. Tourne. Tourne. Tourne encore. Longtemps. La bande-son sourde apaise le rythme des pas : un pied après l’autre se pose délicatement sur le sol, martelant à répétition le même endroit du plateau. Des rugissement aigus provenant du fond appellent des présences d’autres êtres, absents. Comme bloquée au centre, centrifugée par le mouvement qu’elle ne semble plus initier d’elle-même. En écoute du rythme qu’elle a atteint, elle se laisse guider et nous embarque par la même dans les tours infinis de son propre sacrifice. Tête, épaules, bustes, bassins signent une même verticale. Le corps est entier, elle semble être dirigée depuis un ailleurs, obéissant à des lois que la nature ne supporte pas. La lumière se resserre alors sur la danseuse, l’isole. La bande-son s’intensifie. L’albatros semble touché, étendant ses ailes vers l’arrière de son corps, tournant perpétuellement, dérivant lentement vers jardin. Noir. Un projecteur de service prend le relais des projecteurs. Elle tourne, entièrement déployée, traçant au sol un large cercle...étourdie ? Des battements de coeur éveillent l’écho de la vie que ce digne oiseau semble avoir perdu d’avoir trop donné. Sous la lumière brute, la danseuse vient se replacer à l’endroit initial, prête à recommencer s’il le faut, comme condamnée à perpétuité. L’albatros a un goût de Tityos, attendant son supplice qu’il sait chaque jour revenir. Noir. Silence. La lumière dévoile pour la première fois l’immensité du plateau, qui finalement n’aura été exploité qu’en son centre. Les trois partitions du Trait, autonomes chacune pour et par ce qu’elles présentent se rejoignent en réalité sous le concept du cercle, du cycle. Bien que les dynamiques soient différentes, les lumières et le son servent toujours à faire monter le crescendo de la transe à laquelle il n’est pas évident de s’accrocher d’emblée. Les applaudissements d’abord timides se font ensuite pesants. On découvre pour la première fois au salut les visages des interprètes jusqu’alors non identifiés. Le cycle des trois tableaux s’achève avec la trace d’une exposition à risque de ce que Nacera Belaza recherche dans le rituel.

Revue L’Insensé Juillet 2012

Trait pour trait Pauline Estienne le 09 juillet 2012 Une forme nouvelle Pour le 66ème festival d'Avignon, Nacera Belaza présente Le trait. Cette création se joue à la salle polyvalente de Montfavet à dix-huit heures. La chorégraphie de quatre-vingt minutes se compose de trois tableaux : Le cercle, un duo interprété par Mohamed Ali Djermane et Lotfi Mohand Arab, Le coeur et l'oubli par Dalila Belaza, et La nuit par Nacera Belaza. La première et la troisième parties sont chorégraphiées par Nacera Belaza, la deuxième par sa sœur. Ces trois fragments disparates sont reliés par une infime signature, un trait énigmatique. Quelle est la relation entre ces trois éléments? Comment fonctionnent-ils? Cette chorégraphie est l'occasion pour Nacera Belaza de créer d'une nouvelle manière. Une chorégraphe originale, propre à soi Nous pouvons dire de Nacera Belaza que sa danse convoque ses origines. De culture algérienne et de religion musulmane la danse comme langage du corps exposé au regard d'autrui n'a pas toujours été évident. Elle s'investit d'abord dans une danse Hip Hop. Sa pratique d'autodidacte est une force que convoque l'originalité de sa danse. En 1987, elle crée sa compagnie qui porte son nom. Elle s'entoure de danseurs avec lesquels le lien intime et culturel est important et omniprésent dans ses créations. En duo avec sa sœur elle donne vie Au Cri (2009) qui explore la variation dans un mouvement répétitif. Nacera Belaza explore le corps dans l'espace et se sert d'outils techniques sonores et visuels pour composer ses créations. Nacera Belaza travail souvent à partir d'un plateau nu dans des costumes sobres proche d'une certaine neutralité. La structure minimale de ces spectacles permet une danse épurée et les mouvements simples n'en ôtent pas leur densité. Pour elle, l'espace vide est une façon de laisser le spectateur s'insérer dans le spectacle et d'imaginer lui-même ses représentations. Le spectateur doit s'imprégner d'une image qu'il décide alors de contempler. Nous distinguons dans la création de Nacera une sorte d'austérité et de pudeur qui devient sa force et sa fragilité. D'autre part, elle enrichit ses créations d'expériences en cinéma et au théâtre. Dans Le trait, elle revient sur l'étude de cet espace nu. Elle explore ici la notion de danse rituelle, de danse sacrée. Le rituel d'un ange seul et immobile Un silence. Un carré de lumière blanche. Une musique au son Hip Hop avec percussions africaines, deux danseurs habillés de noir dans une même tenue se jettent de façon dynamique dans l'espace. La lumière blanche sur le sol cadre un espace clos qui dévoile peu les visages des danseurs. Ce puissant duo réalise une danse pleine de vie. Le corps bouge et investit l'espace. Leurs têtes et leurs cous tournoient dans tous les sens tandis que leurs bras semblent s'échapper de leur corps. L'énergie circule jusqu'au bout de leurs doigts. La vitesse et la force qu'ils invoquent dans leurs mouvements dessinent l'espace et laissent voir à l'œil nu une trace réelle du mouvement. Les deux danseurs exécutent des gestes similaires mais cependant uniques et dans une temporalité différente. Ils semblent pris dans une excitation proche de la transe. Soudain, ils se mettent cote à cote face public et commencent à sauter pieds joints. Ils montent les genoux de plus en plus haut pendant une minute environ jusqu'à ce que d'un coup l'un s'éjecte du cercle. Le carré est alors investi par un danseur puis par l'autre. Dans cette chorégraphie d'une vingtaine de minutes, les corps ne se touchent pas. Sauf une seule fois. Magie de la représentation, erreur spatiale des danseurs ou gestes volontaires et évocateurs? Bref, ils ne s'arrêtent pas, rien ne se passe et le rituel continue. La musique accélère, les djembés se font plus forts que jamais. Le carré de lumière se transforme en un cercle blanc. Ce cercle peut sans doute symboliser l'infini ou le processus continue d'une danse sacrée. Pour signifier l'arrêt net du tableau, comme une danse qui aurait pu continuer jusqu'à l'épuisement "les jumeaux" sortent du cercle aussi vivement qu'ils l'avaient pénétré. La lumière s'éteint. Noir. Quelque chose dans ce tableau parle de l'origine. Celle de ces deux danseurs algériens comme Nacera et Dalila, une identité commune aux quatre danseurs. Le deuxième tableau commence discrètement, faiblement par un infime trait de lumière bleu. Il semble que la lumière se lève doucement comme le lever du jour. Il n'y a pas de musique comme pour digérer le son, les cris du corps et de l'âme qui viennent d'être entendues. La lumière se lève alors sur une présence recroquevillée. A demi-plié, le dos de la danseuse se courbe vers l'avant. Ses bras sont tenus, phalanges vers le sol devant elle de façon arrondie. Il se dessine alors dans un espace sombre une sorte d'animal protégé par une coquille. En même temps qu'une douce musique commence à apparaître, elle, se relève de manière extrêmement lente. Petit à petit elle commence à écarter ses bras. Sa chorégraphie consiste ensuite en un déplacement sur elle-même avec des variations infimes de ses bras. Malgré la lenteur se sont

des gestes à chaque fois différents qui au fur à mesure des tours sur elle-même sont donnés à voir. Elle semble dérouler un fil de danse presque invisible. Ces gestes rappellent une danse orientale très féminine. Sous une pudeur austère nous pouvons discerner un coté charnel. Sa tenue scintille et rappelle également des costumes traditionnels des pays du Maghreb. L'appellation de ce tableau Le cœur et l'oublie évoque une triste histoire d'amour. Les chants derrière peuvent évoquer les chants d'une cérémonie. La musique convoque une fois de plus l'idée du rituel. Le regard de la danseuse s'abat sur elle-même. Pendant ce tableau la lumière évolue également, l'éclaire plus ou moins. La musique fait onduler son corps qui pourtant n'ondule pas. Elle pénètre sous sa peau. Une expérience spirituelle. Le trait réapparaît et comme un cycle, le trait se rabaisse comme un coucher de soleil en avant scène. Le soleil s'est levé et le soleil s'est couché sur cette étrange douleur. La troisième partie du spectacle semble plus complète. La lumière prend forme comme un partenaire de jeu. Nacera en avant scène cotée jardin de dos. Un fond sonore comme du vent dans le sable s'entend sur la scène. La danseuse s'avance vers le fond de la salle. Un projecteur composé de neuf spots face public éclaire en contre jour la danseuse. On distingue seulement son dos et les paillettes de sa tenue. Elle se glisse lentement vers la lumière comme pour se donner à elle. Un sacrifice? Au fur à mesure de sa traversé, peut être celle du désert, la lumière et la musique s'intensifient et envahissent le lieu. L'espace vide de la salle de danse se découvre tandis que le chant clair d'une femme retentit. La danseuse seule avec le projecteur semble se découvrir. En lenteur, elle ouvre ses bras dans la lumière blanche. Une sensation traverse le plateau : la mort. Une étrange vision se distingue, celle d'un ange immaculé de blanc prêt à s'envoler. Ses doigts sont comme des plumes. Dans une beauté mystérieuse les spectateurs commencent à être éclairés. Puis comme une girouette, une libération qui se laisse aller dans le vent, les bras ouverts elle se met à tourner. Pendant cinq minutes jusqu'à ce que la lumière s'éteigne puis se rallume. Là, le cercle s'est décalé. La répétition a fait évoluer la danse comme un nouveau souffle. Le noir revient et c'est un nouveau spot qui s'allume, plus petit. Peut-être la nuit est-elle arrivée? Elle revient à l'endroit de départ et penche sa tête puis son dos dans un mouvement arrondi vers le bas. La lumière s'éteint, se rallume. Les spectateurs sont laissés dans une attente, un besoin de comprendre les évènements déroulés et de voir la lumière du jour ou de la nuit. Le plateau se rallume enfin, quelques spectateurs applaudissent. Un bleu éclatant éclaire le plateau une dernière fois puis noir. Cette fois-ci c'est la fin. Ces quatre danseurs exécutent une danse intime et spirituelle dans lequel le spectateur doit pénétrer en délicatesse. Pas de gestes brusques pour ceux qui voudraient des réponses à ces mouvements. La danse n'est pas explicative mais sensitive. Le regard des danseurs n'a jamais frôlé celui du public. L'énigme de ces tableaux reste en suspend comme une réponse que chaque spectateur se révèle à seul après le spectacle. La danse lancinante et reposante de Nacera Belaza apaise mais sans surprise. Les trois tableaux entretiennent traits pour traits un même rapport d'abandon à l'origine et au rituel. Le duo du début rappelle la forme du duo déjà travaillé de Nacera et Dalila lors de précédentes chorégraphies. La beauté de l'ange nous parvient encore. Une sorte d'image qui s'inscrit dans l'esprit.

L’Expression (Algérie) Juin 2012

LE TRAIT, SPECTACLE CHORÉGRAPHIQUE DE NACÉRA BELAZA La danse... le temps de vivre Par O. HIND - Lundi 25 Juin 2012 Dans le même sillon que ses œuvres précédentes, la danseuse creuse le temps ici et l'étire à l'infini pour en extraire une poésie, son essence étourdie qui nous ferait oublier nous-mêmes. A trois semaines avant sa présentation au Festival d'Avignon, en France, la danseuse et chorégraphe Nacera Belaza a tenu à donner (au Palais de la culture samedi dernier) un aperçu de son travail intitulé Le trait, comme trait d'union et possible complémentarité entre ses différents spectacles mais aussi ses trois pièces qui unissent le dernier. Comme mise en bouche, Nacera n'a de cesse de vouloir rencontrer des jeunes danseurs ici en Algérie et en a justement croisé quelques-uns. Il s'agit de la troupe Casbah danse de Faïza Ouamane qui, en l'espace de trois jours, a concédé à lui emprunter trois de ses danseuses et un danseur pour une représentation singulière, inattendue pour ses danseurs car sans musique! Dans le même sillon que ses œuvres précédentes, Nacera Belaza creuse le temps ici et l'étire à l'infini pour en extraire son essence étourdie qui nous ferait oublier nous-mêmes. Une ébauche de rencontre un peu à l'image de son travail personnel. Trois filles et un garçon marchent en cercle. Tapent du pied et des doigts. Le rythme des pas s'accélère et la ronde aussi. Face au public, ils s'épanchent avec les mains, les bras évacuent un souffle libérateur, jouent des mains suggérant une quelconque danse traditionnelle et donnent à voir au final un corps en frénésie. De nouveau le cercle. Goumari, extrait du diwan gnawa est chanté d'abord timidement avant que la voix ne s'élève crescendo jusqu'à l'épuisement. La pièce qui suivra est la première du spectacle Le trait. Un duo de danseurs (casté l'an dernier à Alger) qui réagit étrangement au son d'une musique orientalo-triballe des plus intenses. Contraste et désaccords entre le corps qui ne réagit que subrepticement à la cadence et ballet rythmique de cette musique assourdissante. Les danseurs sautent, leurs têtes bougent. Le temps s'étire. Les corps sont comme rudoyés jusqu'au vertige, puis l'accalmie. Silence, place à Dalila Belaza. Un spectre de corps se devine au loin sur scène. Noire. Le calme après la tempête. Une musique soufie qui provient de loin. Lenteur des gestes accompagnent cette forme de torpeur qui régénère petit à petit le corps et insuffle vie à l'esprit. Une mélopée spirituelle berce le corps. Les bras s'allongent comme vaguant sur un nuage indéterminé. Sous les airs d'un gospel et d'un vent que l'on devine chaud se dessine pour sa part l'autre solo du Trait. Les contours des gestes de Nacera Belaza qui passent de l'ombre se dirigeant vers la lumière, tendent à révéler une poésie, une fulgurance d'esprit, une image sans pour autant en représenter une de précis mais laissant libre cours à l'imaginaire créative du public afin d'interagir avec le spectacle, s'oublier enfin. Se laisser aller. Faire exister les différents états par lesquels passe la danse et travailler dessus, est le propos de la chorégraphe qui soulignera «vouloir garder sur un plateau que l'essence des choses». De la tension au calme, dilater le temps, le faire glisser sur nous pour se vider l'esprit et exprimer enfin cette liberté qui vient du corps. «Le temps de vivre»! Dans Le trait, Nacera Belaza a été puiser dans ses racines ce qui lui fait signe et sens, moderniser la danse populaire, africaine par une forme épurée en mettant de côté l'aspect folklore puis «Trouver l'endroit où le temps n'est plus décompté, à toucher du doigt l'infini pour accéder à cet espace où l'on peut enfin partager...».

The Business Times (Singapour) Juin 2012

A propos des représentations des pièces Le Trait et Le Temps scellé

The Strait Times (Singapour) Juin 2012

A propos des représentations des pièces Le Trait et Le Temps scellé

Latitude France Juin 2012

Nacera Belaza danse en Indonésie Indonésie | Jakarta - Surabaya - du 6 juin 2012 au 9 juin 2012 L’Institut français d’Indonésie présente, depuis 2005, un festival unique, le Printemps français en

Indonésie, véritable panorama de la création contemporaine française dans les domaines des arts de la scène et des arts visuels. Dans le cadre de cette manifestation culturelle, Jakarta et Surabaya ont accueilli la compagnie "Nacera Belaza" les 6 et 9 juin 2012.

Le mot de l’ambassadeur de France en Indonésie

Nacera Belaza.

"Cette année le festival revient avec plus 50 manifestations dans 11 villes d’Indonésie, avec une programmation plus riche et plus dense que celle des éditions précédentes, à la mesure des ambitions de l’Institut français d’Indonésie dont la mission première est de rendre accessible à tous, à travers tout l’archipel, l’excellence française dans tous les champs de la coopération entre la France et l’Indonésie."

Des danses tournées vers la rencontre

Abstraites et en lien profond avec une forme de spiritualité, les pièces de la chorégraphe algérienne Nacera Belaza cherchent à toucher l’âme. L’esprit de sa danse est d’emblée tourné vers

la rencontre. Nacera Belaza, qui danse avec sa sœur Dalila Belaza, est venue en Indonésie avec deux spectacles coproduits par la Biennale de la Danse de Lyon et le Festival d’Avignon, événements majeurs pour la danse contemporaine dans le monde : "Le Temps scellé", créé à la Biennale de Lyon en 2010, et deux solos qui ont été présentés à Jakarta et à Surabaya en avant-première du Festival d’Avignon 2012.

Deux solos pour une performance artistique unique

L’écriture intimiste de Nacera Belaza peut sembler, au premier abord, difficile. Le premier solo

(Dalila Belaza) est présenté dans un décor tendu de noir, une salle plongée dans le noir, une faible

lumière qui éclaire les lents mouvements de la danseuse, et une musique presque inaudible au début, faite d’échos, de pas, de portes ouvertes ou fermées, de conversations chuchotées, qui s’amplifie jusqu’à devenir lancinante, jusqu’à remplir l’espace de "lumière" et renvoyer le

mouvement de la danse, toujours aussi mesuré, au spectateur, muet d’effroi ou d’admiration devant

cette performance d’artiste unique.

Quand la musique et la danse s’arrêtent, brutalement, le public reste silencieux, en attente du second

solo (Nacera Belaza) qui nous entraîne, toujours dans une semi-obscurité, dans une danse obsédante, qui occupe une modeste partie de l’espace. Nacera Belaza devient derviche-tourneur, elle tourne et tourne sur elle-même, les bras légers et élégants accompagnant sans aucune brusquerie ce tourbillon enivrant, comme si la danseuse voulait faire passer et imprimer dans la mémoire du spectateur ce que la danse a de plus en commun avec l’abstraction et le pur esprit.

Réactions enthousiastes du public

Nacera et Dalila Belaza dans "Le Temps scellé".

Dans un pays où la danse occupe une place primordiale dans la culture javanaise, avec des codes bien précis, des mouvements ancestraux et des couleurs chatoyantes, c’était un défi de présenter les

créations de Nacera Belaza, une danse primaire, obscure, qui fouille au fond des yeux et de l’âme et qui dérange. Le public indonésien a accueilli avec beaucoup de surprise, d’abord, mais

avec un véritable plaisir de la nouveauté ces magnifiques performances de deux artistes qui dansent avec leur corps, avec leurs entrailles et avec leur cœur. Les publics de Jakarta et de Surabaya ne s’y sont pas trompés, dans leur grande générosité à accueillir des formes d’expression

différentes et originales.

Blogs

Le Blog du théâtre et des idées Juillet 2012

Ma mémoire n’est plus qu’un lointain souvenir Par Clémence Hérout - 30 juillet 2012 La notion de trace est centrale dans Le Trait de Nacera Belaza : en jouant sur les effets de lenteur, de distorsion, de mouvement et d’immobilité, peut-on retenir ce qui s’en va pour laisser une empreinte ? Dans un rituel où l’infime variation s’introduit peu à peu dans un mouvement qui semblait inaltérable, le temps semble suspendu au point que l’on pourrait presque dire qu’il ne passe plus.

Blog L'amuse-danse !

Juillet 2012 Avignon, festival très "in" de la danse polymorphe Geneviève Charras - lundi 23 juillet 2012 Avignon affiche dans le cadre du festival "IN", des spectacles identifiés "danse" qui se fondent dans la programmation générale. Cette année, le cru 2012 est varié et donne à voir des pièces à la beauté singulière comme "Trait" de Nacera Belaza qui trace un parcours sans faute sur le "non savoir", ce que son corps peut et pourra faire au delà des limites du convenu, du savoir. Sa vigilance dans ce rapport à l'inconnu est toujours vierge et son interrogation demeure dans deux très beaux solo qu'elle interprète, ainsi que sa soeur Dalila. Hypnotique tournoiement dans l'espace, frangé de lumières imperceptibles qui confère à l'œuvre un caractère mystérieux, fragile imperceptible danse de l'éternité. C'est magique et magnétique, envoûtant, effrayant. Le duo d'hommes qui, ouvre le spectacle, est lui, franchement détonnant, puissant et fonctionne sur la dépense : une énergie sans fin pour interpréter une performance physique inouïe, qui procède de la virtuosité. Que peut encore le corps après cette éprouvante prestation qui tente de séduire, de convaincre sans jamais bombarder les esprits, demeurés libres et affranchis. Le regard que l'on porte sur la danse des Belaza demeure lui aussi toujours neuf.

Blog Arabian People & Maghrebian World Juillet 2012

66e festival d’Avignon : théâtre et ballets nous donnent rendez-vous Le Trait Le cercle. La nuit. Le cœur et l'oubli Nacera Belaza offre un spectacle de presque immobilité du mouvement, avec un regard d'orage que ses racines algériennes poussent à voir plus loin, avec une grande exigence dans la perception de ses univers. Déjà, au festival d'Avignon de 2009, elle a donné un superbe aperçu d'une chorégraphe/ danseuse avec Le Cri qu'elle a présenté en duo avec sa soeur Dalila Belaza.

Blog de Marie-Mai Corbel Mai 2012

Je danse donc je suis…. politique ! Tunis, capitale de la danse – 1er/6 mai 2012 dans le cadre des rencontres chorégraphiques de Carthage, le festival EXTRA de la scène nationale d’Annecy Bonlieu se délocalise. Provenant d’une recherche avec des danseurs algériens, Nacera Belaza et sa sœur ouvrent leur habituel duo, proposant une pièce en trois volets : un solo, le duo des danseurs algériens et un autre solo. Plus que jamais, Nacera Belaza interroge le sensible et le met en scène à la fois dans des lumières et des sons travaillant sur de “l’infra-visible”.

Le Temps scellé Biennale de Lyon (Focus Danse), Septembre 2010

Journal de l’ADC - Genève Janvier — mars 2015

Le Trait – Le Temps scellé — du 11 au 15 mars — Retour à des fondamentaux d’épure anti-spectaculaire, avec l’extrême exigence de Nacera Belaza. Parfois aux limites de l’hypnotique, l’expérience prédispose au questionnement spirituel. Dans un paysage se devine l’arrière-plan d’éléments structurants, notes de fond, lignes de basse. Ils n’éblouissent pas le regard, n’accaparent pas le bavardage descriptif. Mais viendraient-ils à s’absenter, qu’on soupçonne que tout pourrait s’effondrer. Dans le paysage de la danse contemporaine, Nacera Belaza occupe une place de cette sorte. Certes pas inconnue, lauréate du prix de la révélation chorégraphique de l’année 20081, régulièrement programmée − ses deux dernières pièces étaient créées coup sur coup l’été dernier par Montpellier danse puis la Biennale de Lyon − cette chorégraphe demeure hors courants dominants, jamais sous les plein feux. Et d’autant, nécessaire. A la Nacera Belaza soucieuse d’œuvrer pour la danse dans l’Algérie où elle est née, il a fallu des années pour se débarrasser du cliché médiatique de la femme arabe en voie d’émancipation, héroïne obligée de l’interculturalité. Qu’elle énonce sa foi musulmane et suggère que son art travaille au dépassement du trivial quotidien, a aussi fini d’être assimilé. Il ne s’agit pas d’une anecdote ; mais d’une perspective. La voici détachée de l’assignation à ses origines, saisie dans son devenir artiste. Par contraintes de milieu familial, elle s’est entièrement forgée en solitaire dans la danse. Sans repère ni maître préétablis, s’aiguisa une élaboration avant tout intérieure, en poursuivant par ailleurs une formation d’études supérieures en lettres, qui teinte la complexité de son art. On peut laisser Nacera Belaza définir elle-même sa création : « Un vide inattendu, qui comble nos attentes. Voilà ce qui pourrait finalement être mon propos, ce que j’ai poursuivi à travers toutes mes pièces, sculpter ce vide, lui donner corps, le rendre palpable, le partager et enfin le laisser se dissoudre dans l’espace infini de nos corps ». C’est d’une concision rare, en rapport avec l’acuité de son geste. Sculpter un vide. A l’instar de tout un courant moderne du minimalisme, Nacera Belaza cultive une rareté du geste, sobriété du motif, ainsi qu’une inlassable répétition ouvrant à des variations ténues, mais encore, à force de soustraction, à de soudains transports vers d’autres dimensions, devinées flamboyantes. Une infinie patience étire le temps. De pièce en pièce, l’inventivité surprend, qui renouvelle l’option pour une dynamique fondamentale. Juste un balancement, volontiers un tournoiement à l’infini, sinon une imperceptible avancée, parfois l’écart des bras, l’ouverture en extension vers une immensité suspendue. Il ne s’agit jamais de jeter du geste en supplément dans le chahut du monde. Mais de ménager, creuser sans fin, intensifier dans l’étirement. Par là, faire advenir. Pareil corps ne se constitue pas en figure. La visée de la danse ne se ramène pas à lui. Il s’offre en corde tendue, où viendrait vibrer la réverbération de résonances spirituelles, cosmiques, animant un espace auquel la chorégraphie adresse une partition de liens où se révéler. Une qualité du même ordre est sollicitée chez le spectateur, dans un état qu’on a parfois décrit proche de l’hypnose. Il va s’agir d’y éprouver l’expérience d’un laisser venir, évacuer la peur du mystère émergeant, se laisser traverser au lieu de s’épater à saisir une signification formatée. Souvent, Nacera Belaza interprète elle-même ses pièces au côté de sa sœur Dalila, dans un duo où leur surprenante ressemblance renforce le trouble méditatif sur les modes de présence et d’entrée en représentation. Le Temps scellé et les deux solis de Trait (créés pour le festival d’Avignon en 2012) programmés ici, relèvent de cette configuration. Scénographie nue, costumes au plus sobre. Ténue, la musique fraye dans un répertoire de résonances universelles. Seule opère la condensation d’une connexion hors du commun, vers les dimensions autres. D’un infini rendu ici présent. Gérard Mayen -- 1 Prix décerné par le syndicat professionnel français de la critique théâtre, musique, danse.

WAZ - Allemagne 16 février 2015

Mülheim

Magische Reise durch den Orient 16.02.2015 | 00:09 Uhr

Auch den hiesigen Experten des modernen Tanzes dürfte die algerische Choreographin Nacera Belaza bisher

unbekannt gewesen sein. Insofern ist es ein Verdienst der Mülheimer Kultur-Reihe „Klanglandschaften“, die

in ihrer Heimat und auch in Frankreich sehr prominente Künstlerin auch einmal einem deutschen Publikum

vorzustellen. Im Theater an der Ruhr traf die Algerierin jetzt auf die tunesische Komponistin und Zither-

Virtuosin Hend Zouari, die Belazas ungewöhnliche Choreographie „Le temps scellé“ mit faszinierender

Live-Musik bereicherte. Im zweiten Teil des Abends lud Hend Zouari dann zu einem eigenen Konzert mit

traditioneller tunesischer Musik und mit eigenen Kompositionen ein.

Nacera Belaza, die in Frankreich mit ihren ungewöhnlichen zeitgenössischen Choreographien als

Teilnehmerin der großen Tanz-Festivals so etwas wie Kult-Status genießt, ist dort für ihre eigenwilligen

Inszenierungen bekannt, die von ihrem Publikum durchaus kontrovers aufgenommen werden. So geht es der

Algerierin um das Reflektieren innerer Prozesse in der Wahrnehmung des Raumes durch Geist und Körper.

Tiefe Dunkelheit. Dann erklingt leise eine orientalisch klingende Zither. Vor dem schwarzen Hintergrund ist

mit ausladenden Bewegungen die Tänzerin zu erkennen. Arme kreuzen sich zu schnellen Schrittfolgen. Es

ist ein geschmeidiges Gleiten, das sich hier im fahlen Scheinwerferlicht vollzieht, das dann mit dem

musikalischen Spiel des jungen Damen-Quartetts aus Tunesien eine magische Verbindung eingeht. Zunächst

introvertiert und scheinbar selbstvergessen dreht sich die Tänzerin um sich selbst, um dann mit einer zweiten

Tänzerin zum Rhythmus der Musik den Rhythmus des Tanzes zu forcieren. Es gab dann viel Beifall für das

Duo von Nacera Belaza und für das Quartett von Hend Zouari, das mit sphärisch klingendem Geigen- und

Flötenspiel zu einer faszinierenden Orient-Reise einlud, die dann mit einer Schlagzeugerin und zuletzt mit

vierstimmigem Gesang noch viel Fahrt gewann und auf ein großes Finale zusteuerte.

Weiter geht’s mit den Klanglandschaften am 14. März mit der kurdischen Sängerin Ciğdem Aslan.

www.critiphotodanse.e-monsite.com 7 avril 2012

www.artinfo.com 5 avril 2012

www.ruedutheatre.eu 4 avril 2012

www.unsoirouauautre.hautetfort.com 2 avril 2012

Le petit bulletin 26 mars 2012

Témoignage chrétien 24 février 2011

Umoove.com 15 février 2011

Nacera, toute spirituelle

Dans le cadre du festival Hors-Saison Arcadi, Nacera Belaza joue sa dernière pièce Le temps scellé le 16 février. Occasion toute trouvée pour faire le point sur l’ascension fulgurante de la chorégraphe. Mais aussi sur le succès de son Cri, sa conception d’un CCN, l’Algérie… Racontez-nous votre parcours dans la danse ? Je danse depuis toute petite, la Danse est indissociable du reste de ma vie, au même titre que parler, danser est pour moi un mode d’expression naturel. J’ai dû trouver un moyen de la pratiquer en parallèle de mes études, parce qu’il n’était pas envisageable de m’y consacrer entièrement. Voir son enfant faire le choix d’une carrière artistique, et notamment en Danse, reste une source d’inquiétude pour tous les parents et dans toutes les cultures. La danse a donc cohabité avec l’ensemble de mon parcours scolaire. Au collège, une salle du réfectoire me permettait de chorégraphier et de transmettre, au lycée une salle de spectacle de 300 places m’a donné l’occasion de faire un spectacle par an. Cela m’a permis de commencer à concevoir un spectacle dans son ensemble et aussi d’expérimenter très tôt la relation au public. Il a dès le début toujours été question d’une relation de dialogue avec le public, comme si j’avais toujours cherché à me soustraire au principe de représentation. Une des chances de l’autodidacte est qu’il manque de repères extérieurs, ce qui le contraint à trouver, créer un cheminement « unique » on ne lui enseigne aucune règles, méthodes, mais n’est ce pas le devoir premier de l’artiste de trouver son propre chemin ? Ensuite, à la Faculté les choses se sont enchaînées assez rapidement jusqu’à être en résidence en scène nationale, à l’époque le CNAT de Reims. Finalement, ma trajectoire ressemble à une route droite et longue, très longue. L’Art embrasse un chemin de vie. Vous parlez de danse excluant le spectaculaire… la jeune danseuse que vous étiez suivait-elle des cours de contemporain plutôt que du jazz ou classique ? Non, je n’ai jamais vraiment été attiré par le contemporain. Je me sentais spontanément plus proche du Jazz pour sa musicalité mais je ressentais une carence au niveau de l’écriture et de la réflexion qui ne correspondait pas à celle que je souhaitais mener, la Danse comme les autre Arts doit avoir des ambitions philosophiques, aider l’Etre humain à résoudre l’énigme de la vie qui ne peut être sans celle de notre disparition, L’artiste doit trouver le moyen de répondre à des questions graves en toute légèreté. Finalement, je me rends compte que je n’ai renoncé ni à la musicalité, ni à la réflexion dans mon art. La vie est aussi faite de cette nature complexe, du rythme, du mouvement et de la philosophie, l’esprit humain a compartimenté pour mieux comprendre le mécanisme de la vie, alors qu’il aurait dû embrasser cette complexité et la laisser se résoudre en lui. La Danse a les moyens d’incarner la vie mais elle doit pour cela changer d’angle de vue, la danse n’est pas le corps ou tout du moins pas que çà. On revient donc à la notion de communion que vous abordiez tout de suite. Votre danse est souvent décrite comme spirituelle. Quel rapport entretenez-vous avec votre foi musulmane ? Je parle effectivement en permanence dans mon travail de la dimension d’invisible qui est une composante de notre nature, pour moi le corps n’indique pas nos limites, notre fin,je le conçois plutôt comme un point de départ dans l’espace qui nous relie à plus grand que nous, c’est pourquoi j’ai souvent la sensation de travailler ,de manipuler ce qui échappe au corps et non le corps en lui même. Cela implique un bouleversement de taille chez le danseur, ne plus se penser, s’identifier à son corps tel qu’il le perçoit mais de se relier à ce qui le traverse et le prolonge et qu’il ne voit pas. La foi est une sorte d’indicateur de cette dimension, elle place l’être humain selon moi à un endroit qui lui permet d’embrasser le monde avec humilité et grandeur « Debout face à l’homme, à genoux face à Dieu » Et votre travail trouve t-il justement un écho plus important au Maghreb ? Le Maghreb, et en particulier l’Algérie, se trouve être dans une dynamique différente voir opposée à celle de l’occident et il est important d’en tenir compte pour mieux comprendre les réactions du public, ce pays a traversé des moments extrêmement douloureux qui l’ont peu à peu isolé du reste du monde, les algériens ont vécu en quelque sorte en huis clos durant de nombreuses années, ce qui rend légitime ce désir de se « divertir » d’appréhender la vie avec plus de légèreté, c’est pourquoi il faudra encore des années pour retrouver le goût du travail, du questionnement, à ce stade ils veulent vivre en tournant le dos aux mauvais souvenirs même si cela signifie se tourner le dos à soi, c’est humain.. L’Art, la danse auront néanmoins un rôle majeur à jouer dans cette reconstruction de l’identité.

Cet énorme succès n’est-il pas au final handicapant pour la suite ? La reconnaissance est un piège comme beaucoup d’autre, il est tentant pour un artiste de renoncer à la prise de risque permanente dés lors où il a touché à un endroit sensible, tout et tous semblent l’inciter à rester à cet endroit. L’enfermement de l’artiste ne provient donc pas uniquement de lui mais aussi de la pression extérieure, ce mécanisme est humain, vouloir retrouver les sensations fortes de la première expérience, c’est pourquoi l’artiste doit en permanence garder en mémoire ce labyrinthe qu’est la nature humaine, pour s’extraire à tout ce qui serait susceptible de mettre un terme à sa quête. Etre libre c’est avoir conscience de ces innombrables pièges, on ne peut définir, il me semble, autrement ce que serait un « être libre ». La notion de danger est pour moi un moteur déterminant, l’intérêt pour le funambule c’est que sa traversée comporte le risque de tomber sans cela il n’y a aucun suspens, aucun désir. Toutes mes pièces ont été le fruit d’une prise de risque considérable, pour cela je ne dois pas trop prêter l’oreille aux peurs ou attentes de l’autre. La vigilance maintient l’artiste éveillé. En 1996, vous avez travaillé avec les élèves de l’IFPRO de Rick Odums, un centre de formation très jazz. Rencontre détonnante, non ? Je réponds aux élans de mon cœur. Le lieu, l’énergie, les corps avec leurs habitudes… c’est la somme de tout cela qui fait que vous allez trouver l’épicentre de la rencontre et de l’échange. Ce que est appréciable chez le danseur jazz, c’est qu’il aime danser, le plaisir est une composante importante dans leur travail, cela peut sembler anodin mais comme on le sait tous il est souvent difficile de concilier travail, rigueur et plaisir. En effet, cette notion de plaisir est curieusement, souvent absente du vocabulaire du danseur, encore une fois conjuguer la conscience au plaisir devrait être le moteur de toute formation. Par ailleurs, on ne peut pas mener n’importe quel type de réflexion dés lors où on actionne le corps, le choix des mots, le rythme des phrases, les silences sont autant d’éléments qui permettent au corps et à l’esprit de fonctionner ensemble. Par conséquent, la combinaison du jazz et du contemporain dans les formations me semblerait assez pertinente pour qu’aucun des deux ne s’installe dans une posture. Dans votre dernière pièce Le Temps scellé c’est un comédien qui danse à vos côtés ? Je me rends compte effectivement que les expériences les plus concluantes dans le travail avec les danseurs ont toujours eu lieu avec soit des débutants comme c’était le cas dans Paris-Alger, soit des comédiens dans le Pur Hasard et Le Temps scellé ou encore avec des danseuses Jazz dans Point de fuite, tous avaient très peu ou pas de repères en danse contemporaine, ce qui nous a permis de nous rencontrer. C’est une donnée très importante pour moi, elle me conforte dans l’idée que la seule chose qu’on transmet finalement c’est son propre chemin de vie et c’est ainsi que j’ai appris sans repère. Vous êtes sur la short-list pour la reprise du CCN de Rillieux- la- Pape. En admettant que votre candidature soit retenue, vous vous entourerez de non-danseurs alors ? Un lieu comme un CCN serait pour moi l’occasion véritable de mettre en pratique ma propre philosophie sur le corps et ce, à tous les niveaux, sur scène, dans la formation, dans la relation aux public etc… accéder à un lieu de ce type ne veut pas dire faire la même chose que les autres ou répondre à d’autres attentes mais de pousser plus loin ce qu’on a toujours défendu. L’Algérie justement. Vous y avez un projet de compagnie : La Passerelle ? Oui en effet, j’ai le désir à l’avenir de mener deux types de recherche en parallèle, celle que j’ai développée jusqu’ici avec ma cie en France et puis une deuxième en Algérie où je souhaite pousser plus loin le dialogue entre les danses sacrées , les rituels et l’écriture chorégraphique contemporaine, une façon d’interroger le passé pour mettre en lumière nos préoccupations d’aujourd’hui et aussi une façon pour moi de créer une sorte de terre commune entre ces deux rives, une terre invisible. Propos recueillis par Cédric CHAORY.

Le temps scellé, Nacera Belaza Théâtre de la Cité internationale, le 16 février 2011

La Terrasse Janvier 2011

Agenda / Nacera Belaza L'Espace 1789, qui accueille Nacera Belaza en résidence, nous invite à découvrir l'univers de la chorégraphe lors de deux soirées, dont chacune propose deux pièces marquantes. Depuis les années 1980, la chorégraphe Nacera Belaza mène une recherche sans concession sur le corps et sa capacité à susciter des expériences diverses du temps, de l'espace, du vide. Les deux très belles soirées programmées par l'Espace 1789 peuvent donc se vivre comme une exploration de nouvelles façons de percevoir. Le Cri (2008), fondé sur un motif infiniment répété, est un parcours à la fois hypnotique et mystique. Comme Les Sentinelles (2010), il est interprété par la chorégraphe et sa sœur, Dalila Belaza. Deux jours plus tard, le trio Le temps scellé (2010) exprime à la fois une révolte et le désir de voir le corps se dissoudre, se confondre avec l'air - tandis que Un an après... titre provisoire (2006) revendique, en guise de conclusion, une danse « écrite avec le cœur ». Marie Chavanieux

Les Inrockuptibles 22 décembre 2010

Danser Novembre 2010

Sud Ouest 21 septembre 2010

Entrez dans la transe…

Retour sur quatre pièces présentées ce week-end, de la plus exigeante à la plus populaire, représentatives de la variété du festival.

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Il n'y a pas forcément de thématique ou de ligne directrice dans la programmation du Temps d'aimer, mais vendredi était jour de transe. « Le temps scellé » de Nacera Belaza au Colisée est une boucle, une danse en solo, duo ou trio, qui monte lentement sur un air de gospel, de blues.

Très lointain, très doux au début, petit à petit, le chant prend de la puissance, les danseurs, tournent, virevoltent, lentement, puis s'abandonnent dans des mouvements qui ont quelque chose à voir avec l'expression du bien-être, de la libération, comme dans les transes gnawa ou même techno. On y entre ou pas, mais ceux dans le public pour qui l'effet hypnotique fonctionne, qui se projettent dans les corps des danseurs, sortent presque essoufflés mais apaisés. Un travail aussi étonnant que captivant. Ensuite, transe toujours au théâtre du casino avec la compagnie Maryse Delente et « Mariana », une pièce créée il y a vingt ans mais dont la beauté suffocante perdure. Des portraits de femmes qui oscillent entre enfermement et émancipation. Engoncées dans de belles robes pourpres, poupées mécaniques, elles se libèrent aussi du carcan. Et offrent grâce à un solo sublime, interprété par Géraldine Morlat, une danse animale, sensuelle, à bout de souffle.

La tête à l'envers

Et pour finir la journée, c'est une partie du public qui était en transe sur « Samsara », pièce de Victor Ullate. Séduisante avec un condensé des meilleurs morceaux de world music de ces quinze dernières années, - de Nusrat Fateh Ali Khan aux Tambours de Tokyo -, on ne peut cependant que déplorer une absence d'écriture chorégraphique et une naïveté confondantes. À trop vouloir dire, on ne dit rien du tout. Ouvrant sur les images de drames humains à l'échelle planétaire, des camps de la mort à la lapidation, entrecoupés de

phrases bouddhistes, on assiste à spectacle qui n'est qu'un enchaînement de saynètes dépourvues de sens. L'énergie des danseurs et la musique ont fait le reste.

Samedi soir, au casino, la Spellbound Dance Company a pour la première fois en France présenté ses « Quatre saisons », une création qui a plus à voir avec les changements d'humeur, l'évolution des sentiments qu'avec la météo. Sur scène, une petite maison, grotte protectrice ou métaphore des états d'âme. Avec parfois la tête à l'envers, quand on ne sait plus trop où on habite. Neuf danseurs y expriment, dedans ou autour, leurs humeurs, trépignant, chaleureux, amoureux, amicaux, déprimés. Vivaldi se partage avec de la musique électronique et les sons de la nature. On échappe aux clichés dans ce spectacle totalement affranchi du présupposé pour mieux aller voir à l'intérieur de l'humain, avec une danse aussi virtuose qu'évocatrice. Spellbound ne raconte pas, mais éprouve la sensation jusque dans la salle.

Céline Musseau

Les Inrockuptibles 13 octobre 2010

Le Monde 9 septembre 2010

Les Sentinelles Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis, Mai 2010

Publico (Italie) 31 octobre 2011

Rumorscena (Italie) 31 octobre 2011

La Gazzetta di Modena (Italie) 26 octobre 2011

www.bon-vivre.net 26 octobre 2011

Troppo deboli approssimazioni all’immobilità

AltreVelocita (Italie) 25 Octobre 2011

Nacera Belaza è una coreografa franco-algerina autodidatta. A Vie Scena Contemporanea già nel 2008 con Le cri, torna nel 2011 con Les sentinelles, lavoro sull’attesa e sull’incommensurabilità delle distanze temporali. In scena con la sorella Dalila, Nacera impiega cinquanta minuti per attraversare dal fondo al proscenio un palco lungo nove metri, mentre la moltiplicazione del ritmo sonoro agita la corsa interiore delle due figure. Un’autentica traversata interiore che accoglie lo spettatore in una dimensione speciale, dentro la quale lo spazio del teatro diventa tutt’uno con i corpi che lo abitano. Nacera Belaza racconta qui la direzione della sua ricerca e la concezione di spazio-temporale che è alla base del suo lavoro. In che senso Les sentinelles è un lavoro sull’attesa, e come può vivere sulla scena la dimensione sospesa in cui si muove chi attende? Volevo che questo lavoro fosse una sorta di viaggio interiore. Sulla scena si è costretti tra dieci metri per dieci: è molto difficile per il teatro o la danza – a meno che non si utilizzino dei mezzi artificiali – procurare allo spettatore una sensazione simile. Perché si verifichi questo viaggio occorre far sì che tutto accada all’interno di noi, occorre che i dieci metri si trasformino in un deserto, una traversata che duri all’infinito. Quando io e Dalila avanziamo sulla scena lo facciamo con la consapevolezza di “esserci”, presenti, mentre “qualcosa” ci spinge dall’interno, ci spinge ad andare molto veloce e molto lontano, come una desiderio disperato di vivere. Queste due spinte opposte fanno sì che il nostro avanzare abbia quel ritmo. Noi siamo lì, mentre “questa cosa” ci tira in avanti. Non è il corpo che avanza: è fatto avanzare. Allo stesso tempo noi siamo estremamente aperte a tutto quello che può accadere durante la traversata. Ad esempio, un movimento della testa che va in un’altra direzione, un movimento rapido. Siamo disponibili ad accoglierlo. Bisogna stare in guardia, in attesa di. A un certo punto del lavoro mi sono ricordata del Deserto dei Tartari di Dino Buzzati, una lettura che mi aveva segnato molti anni fa. Lungo tutta la storia si attende che arrivi il nemico: il romanzo è questa attesa, c’è un’apertura a tutto il possibile che costituisce il romanzo stesso. Allo stesso modo il pubblico arriva in sala per Les sentinelles con l’intenzione di vedere uno spettacolo che sta per cominciare, ma in realtà anche noi che siamo in scena attendiamo con lo spettatore che qualcosa cominci. Ma cosa? Non c’è risposta a questa domanda: lo spettacolo è un dialogo con l’attesa del pubblico. Parlando del tuo lavoro usi l’espressione «scolpire il vuoto», come se lo spazio fosse materia palpabile da plasmare. In questo caso l’attraversamento della scena è un modo di dare una forma al tempo, alla sostanza di cui si compone. Sì. Ieri pomeriggio dicevo a Dalila: pensa, si fanno molte cose durante la giornata e tre quarti d’ora non sono nulla, si beve una cosa, si fanno due chiacchiere. Questi tre quarti d’ora, invece, sul palcoscenico, possono trasformarsi in un’attesa infinita. Tutto dipende da come si vive il tempo, da come lo si riempie e da quale rapporto instauriamo con la durata. È molto affascinante come un’ora possa essere nulla, oppure qualcosa di interminabile. Il tempo non è misurabile, si tratta piuttosto di un’atemporalità. Come collaborano la luce e il suono alla creazione di questa dimensione? Quello della musica è il ritmo interiore della corsa: «I’m going back, I’m going back», ripete la voce di Nina Simone. È il ritmo di ciò che ci fa andare veloce nella vita, che dialoga con la maniera che abbiamo di stare in scena. Quando ho avviato questo lavoro ho visualizzato le tre drammaturgie, le tre trame suono-luce -corpo. C’è un unità di luogo e una di tempo: dal fondo al proscenio, dal giorno alla notte. La luce passa infatti dal giorno pieno alla notte, ma non segue i corpi, si affievolisce indipendentemente da noi. Il suono parte dall’infinitamente piccolo fino ad arrivare alla moltiplicazione, una specie di cacofonia molto forte. Il suono e la luce sono in funzione di ciò che accade in scena. Creano una tensione in due direzioni opposte, e permettono questa traversata orizzontale del corpo. Il lavoro si rivolge alla percezione del pubblico. Lo spettatore diventa “sentinella” di se stesso, dei propri sensi, che si affinano mano a mano che lo spettacolo va avanti. Il pubblico all’inizio resta in attesa, poi a un certo punto comincia a infastidirsi. Dopo questo primo momento, se si mette in ascolto, accade che i nostri corpi (di noi in scena e degli spettatori in sala) diventino un corpo solo, teso in ascolto di ciò che sta per accadere. Ciò che conta è solo l’attesa. Effettivamente il nostro stato diventa lo stato dello spettatore. È una forma di manipolazione, ma nel senso nobile del termine: è una manipolazione della percezione dell’altro perché questa si espanda, si apra. All’inizio il vostro movimento è impercettibile, c’è uno scarto tra la percezione della vostra immobilità e il fatto che indubbiamente state avanzando verso il proscenio. Lentamente si entra in questa dimensione per cui anche i movimenti più piccoli diventano visibili.

Quello che mi interessa non è portare lo spettatore a vedere ogni volta qualcosa di differente, ma a vedere ogni volta meglio. Nello spettacolo avviene un cambio di frequenza: il pubblico arriva a una frequenza per cui vuole vedere qualcosa, poi all’improvviso questa frequenza si trasforma e lo spettatore si trova ad assistere a qualcosa di molto più intimo, trattenuto, fragile. Sono dimensioni d’ascolto che non conosciamo nella vita quotidiana. Il mio scopo è anche questo: far vedere, far sentire delle cose che non vediamo più, per cui non abbiamo più tempo. La letteratura è stata per me la stessa cosa, un risveglio per il mio sguardo. Mi ha permesso di guardare le cose in modo nuovo: qualcuno, scrivendo, mi ha insegnato a percepire diversamente, in una lettura ogni volta più complessa rispetto alla realtà. Credo che questa sia una delle funzioni principali dell’arte. Che tipo di lavoro deve fare il corpo per arrivare a questo livello di apertura? Per creare un’opera impiego circa un anno. All’inizio ci sono delle idee molto chiare, ma c’è bisogno di un anno per assorbire, per incarnare veramente la visione iniziale. C’è qualcosa che nasce nella testa e ha bisogno di tempo per scendere nel corpo. È una visione condivisibile, non solo tra danzatori, ma anche con lo spettatore. Quando il pubblico va incontro a un’opera la riconosce, la vede “di nuovo”, non è mai qualcosa di totalmente estraneo per lui. Con alcune opere si ha l’impressione che queste esistessero già in noi e di rincontrarle poi all’esterno. È un lavoro sulla visione e sulla maniera con cui ci si appropria della visione. Potrei essere fraintesa, ma il corpo per me non esiste, nel senso che può diventare tutto quello che posso immaginare. In Les sentinelles noi procediamo al di là della velocità, ed è un movimento che non ha il tempo di esistere, che non ha nessun tempo. Il nostro modo di lavorare è più simile a quello degli attori: si cerca un modo di portare in scena certe immagini o certe nozioni, interpretandole e non traducendole fisicamente. Io non sopporto la lentezza e l’immobilità nella danza contemporanea. Quello che noi facciamo in scena non è muoverci con lentezza: semplicemente “ci siamo”, in modo aperto, cercando di diventare uno spazio di proiezione per lo spettatore. Les sentinelles riguarda cosa vuol dire “esserci”, accettando assolutamente di “essere lì”. Il lavoro fisico è per me è secondario. Dico spesso che non ho l’impressione di fare coreografia, perché non lavoro come un coreografo sul corpo del danzatore. Il corpo è per me come per il cinema uno schermo bianco, come per la letteratura una pagina bianca dentro la quale proiettare tutto ciò che è possibile immaginare. Tutte le possibilità possono essere accolte nel corpo se non ci si ferma all’idea di danzatore. Un danzatore cammina lentamente, e invece io dico: non esiste la camminata, non si cammina. Infatti in questo lavoro si ha spesso l’impressione che le figure retrocedano, invece di avanzare. Il corpo è dunque una proiezione, una traccia nello spazio. Il mio lavoro sul corpo consiste nella sua distensione: utilizzo poco i muscoli, anche nel movimento. Quando il corpo è in questo stato, si depone davvero nello spazio, si lascia attraversare dalla velocità e lascia delle tracce. Quando un corpo di danzatore è tenuto, se fa un movimento non lascia alcuna traccia nello spazio. Un movimento, anche se molto rapido, se è fatto da un corpo completamente disteso, si imprime e lascia delle tracce fortissime. Dico sempre che non creo per l’occhio, ma per la memoria. Tutti i miei lavori cercano di inscrivere qualcosa che resti nella memoria. Per ottenere questo occorre trovare una materia del corpo, un rapporto col tempo e un rapporto con lo spazio. Occorre aprire lo spazio per poterlo metamorfizzare. Non mi importa che allo spettatore piaccia o no il lavoro, ma che in qualche modo lo porti con se quando se ne va. L’arte per me è anche questo: mi ricordo di romanzi o di film molto difficili e pesanti, che però hanno lasciato in me delle tracce. La questione fondamentale su cui interrogarsi è: quest’opera lascia delle tracce nella mia vita? E perché? È importante che per lo spettatore sia chiaro che non è lì per passare un bel momento. Nell’esperienza della nostra vita non sono per forza i bei momenti che ci segnano, la questione è molto più complessa. La maniera con cui lavoro il corpo, lo riempio di silenzi, lo apro allo spazio, è per mettere lo spettatore non nella condizione di vederlo, ma di fare parte di qualcosa di più globale, che certamente comporta quel corpo, ma va molto oltre. Nello studio che hai presentato a Vie a chiusura di Les sentinelles è infatti molto chiara la fluidità che unisce il tuo corpo allo spazio circostante. È uno studio che ha ancora un nome, lo spettacolo sarà presentato al Festival di Avignone nel 2012. Con Dalila abbiamo sempre lavorato sul concetto di “cancellazione” del corpo per aprirlo all’esterno. È la nostra materia corporea che porta con sé questa fluidità: ci si lega a tutto ciò che ci sta intorno cominciando dal cancellarsi. Non potrei sentirmi materialmente fisica in scena, non potrei essere in altro modo.

Alessandra Cava

Gazzetta di Modena (Italie) 22 octobre 2011

Gazzetta di Modena (Italie)

21 octobre 2011

Jeune Afrique Août 2010

Eurodance impressions (Japon) Juillet 2010

Danser Juillet 2010

Les Inrockuptibles Juin 2010

Paris-Art.com Mai 2010

DANSE | CRITIQUES

Nacera Belaza Les Sentinelles 10 mai-12 mai 2010 Pantin. Centre national de la danse

Une route défile en arrière plan, la musique se répète en boucle, deux corps quasi-inertes imposent avec force leur présence. En un étrange unisson, les sœurs Belaza, réunies une fois encore sur scène, élèvent cette dernière création au sommet de l'art de son auteur. Entre immobilité et mouvement, suspendues à la lisière du visible, Les Sentinelles éprouvent une éternité intérieure hachée de fulgurances. Traversant le plateau d'un pas si lent qu'il en devient imperceptible, elles brisent le lien entre l'espace et le temps pour s'inscrire dans une immédiateté à chaque instant renouvelée. La danse, située en amont de toute tentative de récit, anime un vide, le révèle; questionne la présence. La lenteur est ici métaphore d'un voyage intérieur qu'une vie ne suffit pas à parcourir, et que l'idée de la mort sans cesse habite. La pièce est faite d'attentes, d'écoutes vigilantes, de veilles prolongées.

Le vent brûlant du Désert des tartares souffle sur le plateau. Comme dans le roman de Dino Buzzati, il ne se passe rien. L'ennemi ne vient pas mais finit par montrer son vrai visage: le temps et sa fuite perpétuelle. D'où ce combat, cette résistance, cette tentative de s'ancrer, de s'abîmer dans le présent, en une paralysie active. Avancer, mais en toute conscience, sans céder à l'ivresse de la vitesse, affronter sa propre impatience, s'accorder à l'espace alentour, là réside la victoire. Etre au monde, être vivant. Le corps des deux danseuses, concentré à l'extrême, vibre tout entier d'une musique lancinante et hypnotique dont il est la caisse de résonnance. Doté d'une formidable force centripète, il attire notre attention comme la flamme le papillon de nuit. Car la danse de Nacera Belaza est avant tout une rencontre. Le déplacement, d'abord physique, du fond au devant de la scène, puis métaphysique, avec ce road movie introspectif et existentiel, se mue en un trajet de soi vers l'autre. Le face à face final, rendu anonyme par l'obscurité croissante, est un très beau moment d'intimité partagée. Délivrant une intensité rare, la création de Nacera Belaza est à la hauteur de son œuvre toute entière : profonde, spirituelle, subtilement épurée. L'esthétique minimale est toujours aussi convaincante, de la lumière crue des premières minutes, qui révèle les traces d'usure du sol à l'image des phares d'une voiture, à la pénombre finale; du choix de la vidéo à celui de la musique. Tout est calculé au millimètre près, maîtrisé à la perfection, jusque dans cette hystérie partagée où les corps, devenus énergie pure, semblent se démultiplier à l'infini. Si bien que la seule chose qu'on pourrait reprocher à la chorégraphe d'origine algérienne est cette excellence même, dont le revers serait de nuire à la spontanéité du spectacle, voire à son humanité.

C.Piettre

Mouvement.net 26 Mai 2010

Encore moins Nacera Belaza, toujours au côté de sa sœur Dalila comme interprète, a également accentué son sens de l’épure dans sa nouvelle pièce Les sentinelles. On craignait de découvrir celle-ci dans la vaste salle du Théâtre de l’Agora d’Evry, devant un public néophyte et assez clairsemé, quand les représentations pour les Rencontres de Seine Saint-Denis s’étaient faites dans l’un des studios des étages du CND de Pantin. Cette crainte n’était pas fondée. Les sentinelles – à la façon de ce que suggère ce titre – déploient mieux l’acuité de leur regard dans une respiration d’amplitude et de distance. Toujours implacablement rigoureuse, la chorégraphe orchestre une seule descente et remontée de fond du plateau à la face, et retour. Cette avancée est donc d’une infinie lenteur, ainsi que d’une immense neutralité. Tout juste cette extrême concentration se libère-t-elle, progressivement, par de très brefs éclairs gestuels, à l’image d’électrocutions de gestes, aussi incisifs que fulgurants, que l’œil saisit en fragment de seconde, arrachés à une profonde pénombre. Une intensité sacrée empreint ce rituel scénique. Les corps des deux interprètes semblent avoir préalablement assimilé tous les paramètres de l’espace et du temps, pour les conjuguer dans de sèches incandescences qui bouleversent les perceptions. Car ce spectacle paraît bref alors même que son rythme est étalé dans une infinie lenteur. Et son monde paraît peuplé, quand ses actions demeurent toujours minimales. En découle une exigence à penser la transversalité de notions que la paresse suggèrerait d’apparier en plates dualités : non, la lenteur et la longueur d’un écoulement ne sont en rien synonymes non la rareté et l’intensité ne le sont pas plus. Car rien ne fait sens qui ne se détermine avant tout dans la performativité des énonciations, des projections, des représentations qui s’y investissent. Seuls les spectateurs disponibles à un bouleversement perceptif peuvent accompagner cette expérience – la coréaliser. Alors ceux-ci frôlent des états paradoxaux. Par exemple celui de ressentir que tout du plateau, de la salle, de la cage scénique, se met à tanguer dans un brouillage des plans articulés à la quasi fixité verticale des deux présences féminines. Le regard des Sentinelles de Nacera Belaza porte plus loin qu’elle ne l’avait encore jamais fait. G.Mayen > Les sentinelles de Nacera Belaza, le 18 mai au Théâtre de l’Agora d’Evry. Publié le 26/05/2010 00:00

La Terrasse Mai 2010

Gros Plan / Les Sentinelles La nouvelle création de Nacera Belaza creuse le sillon d’une matière impalpable que la chorégraphe travaille sans relâche. Pas à pas, presque sans faire de bruit, Nacera Belaza construit une œuvre profonde et sensible, à mille lieues de toute démonstration de force. Et pourtant, de son écriture se dégage une puissance unique, qu’elle met en œuvre le plus souvent avec sa sœur Dalila. Les notions de densité, de pesanteur ou de tension sont au cœur de son geste, depuis des œuvres comme Le Feu, ou Périr pour de bon. Son travail de corps est si minutieusement travaillé, qu’il est difficilement lisible dans d’autres enveloppes que celles des deux sœurs. L’expérience du duo renouvelée à l’envi L’an dernier, elle verse quasiment dans la gémellité en écrivant Le Cri, un appel sourd à la transe, venue du plus profond d’un mouvement commun, utilisant le balancement et l’ancrage au sol jusqu’à l’explosion extatique. Aujourd’hui, elle reprend la forme du duo en créant Les Sentinelles, avec l’envie de pousser encore la recherche de fond qui l’obsède. Occuper l’espace et le rendre tangible, faire du vide un réceptacle pour nos perceptions… Les Sentinelles puisent leur force dans cette incessante quête, qu’elle démultipliera dans une pièce de groupe pour la Biennale de la danse de Lyon en septembre.

Nathalie Yokel

Les Sentinelles de Nacera Belaza, le 10 mai à 20h30, les 11 et 12 mai à 18h30 au CND, 1 rue Victor Hugo, 93500 Pantin. Tél : 01 41 83 98 98. Le 18 mai à l’Agora, place de l’Agora, 91000 Evry. Tél : 01 60 91 65 65.

Télérama Sortir Mai 2010

Africultures.com Mai 2010

Le NouvelObs.com 12 Mai 2010

Nacéra Belaza, "Le corps est infini"

Le parcours de cette fille d’immigrés attirée par la danse est délibérément inscrit dans les espaces qu’elle a successivement investis. Artiste combative et inspirée dont le travail de chorégraphe et d’interprète constitue l’axe essentiel de l’existence. Elle vit la danse, une passion longtemps vécue dans la « clandestinité », comme un dialogue sans cesse réinventé. C’est ce qui la fait avancer. Elle avoue qu’elle croit au corps plus qu’aux mots. Le style Nacéra Belaza est marqué par sa capacité à glisser de l'émotion dans chaque port de bras, chaque épaulement, une grande souplesse du buste. Depuis l'amorce de ses pérégrinations dans le monde de la danse, Nacéra Belaza se livre à un véritable retour aux sources, dans lequel ses retrouvailles avec la terre natale s'accompagnent d'une sérénité glanant des images furtives. Sa démarche de sincérité impose le respect et la persévérance.. C'est par le corps que Nacéra Belaza évoque la difficulté à communiquer et la résout du même coup. L'une des signatures les plus identifiables de la chorégraphe sont ces petits gestes martelés, ces actions répétées jusqu'à la nausée, autant de mouvements anodins qui font apparaître la violence des comportements codifiés. Dans ses pièces, les situations se réitèrent sans qu'une histoire ne naisse. Ainsi la danse subvertit-elle le théâtre, en introduisant une narration infiniment décousue, mais aussi en développant une indépendance vis-à-vis de la partition et en redonnant vie à des états vécus par une conscience suprême du corps. Dans son travail poussé sur l'inconscient, Nacéra Belaza fonctionne par séries traquant les obsessions, le mal de vivre, l'incapacité à évoluer. Au nom de la danse… Elle crée sa propre compagnie en 1987. Depuis, onze créations à son actif. Nacéra Belaza, consacrée révélation chorégraphique de l'année par le Prix du syndicat de la critique de théâtre, musique et danse pour la saison 2007-2008, est une des rares chorégraphes en vue à être autodidacte, n’ayant jamais subi de formation académique ou autre en la matière. Les éditions de l’œil lui ont consacré un livre dans la collection Les carnets de la création. Voulant par-dessus tout devenir danseuse, la jeune femme a du faire avec les traditions. « Je m’entraînais en cachette dans la chambre ou au lycée. Bien que nous vivions depuis très longtemps en France, il n’était pas questions pour mes parents que je devienne un personnage public et encore moins que je fasse de la danse », nous confie t- elle. Artiste à temps plein Prise dans le tourbillon de la création, la jeune femme a marqué de signature le théâtre et le cinéma étant appréciées des metteurs en scène comme Alexis Llyod pour son film « Le miroir » (2001), Ayad Ziani-Chérif pour ses pièces « Les martyrs reviennent cette semaine » (2002), « Nedjma » (2003) ou « El Machina » (2006) ou encore Gianni Fornet pour « Sans tuer, on ne peut pas » (2007)… Elle enseigne régulièrement son art et elle a animé plusieurs ateliers de formation création (Algérie, Egypte, France, Hollande, Maroc, Palestine, Suisse, Tunisie…) au profit de jeunes danseurs ou créateurs. Elle a conçu plusieurs spectacles au titres évocateurs : « Chacun sa chimère » (1992), « Périr pour de bon » (1995), « Point de fuite » (1997), « Le sommeil rouge » (1999), « Le feu » (2001), « Paris-Alger » (2003), « Le pur hasard » (2005), « Un an après », titre provisoire (2006) et « Le cri » (2008). C’est ce dernier spectacle qu’elle est venue présenter à travers une tournée en Algérie. Amorcé durant l’été 2007 à Alger avec de jeunes danseurs et un musicien d’Alger, à partir d’un programme de formation création. Nacera Belaza, affirme à propos de ce cri : « Une de plus grandes libertés n’est-elle pas de refuser le mouvement pour créer l’instant ? Il me semble traiter à travers cette pièce d’un mouvement qu’on pourrait qualifier d’originel puisqu’on le retrouve dans bon nombre de danses traditionnelles, une sorte d’imperceptible balancement intérieur qui croît à mesure qu’il envahit le corps, comme pour lui donner une dimension supplémentaire qui l’ouvre davantage au monde. » Le spectacle commence par « un profond soupir » ajoute-t-elle, nous laissant imaginer justement que les premières danses humaines, originelles donc, seraient parties de cet épanchement de l’âme à travers le corps.

De la création, Nacéra Belaza en a fait son mode d'exigence, le moyen le plus approprié pour traduire le vide en "sensations visuelles". Caractérisée par sa force de conviction et sa sensibilité, la chorégraphe entre en communion avec les lieux et les danseurs. La puissance de son investissement a porté ses fruits. Programmée dans les grands lieux de la danse dans le monde, la chorégraphe semble s’inscrire dans le sillage d’une Pina Bausch troquant la théâtralité pour l’abstraction. Elle nous parle de sa passion. - On vous présente souvent comme une chorégraphe"française d origine algérienne", qu' en est-il? Nacéra Belaza : C est ainsi que l’on désigne les algériens nés en Algérie mais qui ont grandit et vivent en France. Dans mon cas, je formulerai les choses de la manière suivante en disant que je suis une algérienne qui a vécu en France. Car l origine est à mon avis plus déterminante dans ce que l’on est que ce qui nous modèle de manière plus ou moins superficielle au quotidien. La choses qui m’a le plus marquée dans ma vie en France, ce sont mes études , non pas pour le soi disant savoir qu elles peuvent délivrer mais pour les outils de réflexion que l’on nous transmet et qui nous sont utiles tout au long de notre vie, pour peu que l'on soit enclin a la réflexion, l’analyse de nous même et de ce qui nous entoure. - Avec "Paris-Alger", peut on parler de création sur mesure pour l'Algérie? Nacéra Belaza : Je n ai jamais pensé un seul instant faire une pièce sur mesure, aucun contexte n est suffisamment complexe pour contenir toutes les dimensions d une oeuvre: poétique, philosophique, humaine, existentielle, politique...Il faut nécessairement avoir une sorte de vision large qui situe l oeuvre a un endroit de convergence qui lui permette d’atteindre une dimension universelle. Même pour"Paris -Alger" qui est une pièce qui s’est inscrite dans un cadre très précis comme celui de l année de l Algérie en France, il s’agissait pour moi de restituer un vécu suffisamment plein qui parle au plus grand nombre, une sorte d’image kaléidoscopique qui permette au regard de multiples lectures. Une oeuvre n est jamais finie, elle poursuit sa propre réalisation dans le regard de celui qui la contemple. - Comment chaque événement à travers l'histoire du pays, le patrimoine culturel, l’éducation, la famille, peut-il se faire se ressentir dans la chair? Nacéra Belaza : La chair est une sorte de terre composée de particules vivantes qui laisse chaque évènement s’inscrire en nous avec plus ou moins de force et de conscience; toutes ces empreintes nous chargent, nous animent, nous définissent. Le corps est pour moi une mémoire vivante d une époque. Il faut absolument apprendre à le lire, le décrypter pour dénouer nos sociétés. -Pour "Le Cri" que vous avez présenté en Algérie en 2008, vous avez visité bon nombres de régions d Algérie, est ce une façon d aborder autrement la mémoire? Nacéra Belaza : j ai visité toute ces régions d'Algérie mais aussi certaines danses dans d'autres pays pour y vérifier que ce que j'avais décelé comme étant un noyau dur, une sorte de mouvement originel qui serait comme le coeur d une mémoire commune à toutes les traditions. Quand on est triste on se balance intérieurement, quand on est heureux on se balance aussi, comme pour échapper à l'immobilité qui figerait notre mémoire, ainsi le mouvement libère la mémoire, il laisse le passé circuler en nous comme si à travers ce mouvement, on cherchait à se souvenir, réveiller une mémoire profonde qui confond tous les temps et donne à l'être humain la sensation de se réconcilier avec lui même. -Le prix du syndicat de la critique vous a consacré "Révélation chorégraphique" de l année 2008, est ce un premier pas vers la gloire? Nacéra Belaza : Mon seul objectif dans la vie en général et dans l'art en particulier, c'est de cheminer vers une liberté toujours plus grande. On naît libre, pour x raisons on se retrouve enfermés et il nous faut donc coûte que coûte recouvrir cette liberté. Ce n'est pas la gloire qui m'importe mais ce chemin. A travers ce prix ce que j'entends d'une certaine façon c'est: "oui,on partage ton sens de la liberté". - Avez vous des projets de créations, lesquels? Nacéra Belaza : Poursuivre ce même chemin. Mais comme on le sait tous, plus on se hisse vers les sommets, plus les chemins sont escarpés et de plus en plus dangereux, c'est ainsi. "Parce qu ils étaient immobiles, ils se croyaient heureux."

S.Denine

Evene.fr 11 Mai 2010

Libération 7 Mai 2010

Nacera Belaza aux aguets CritiqueDanse . La chorégraphe d’origine algérienne a créé «les Sentinelles». Par MARIE-CHRISTINE VERNAY

On la distingue à peine, la silhouette noyée dans le noir du plateau. Elle se déplace lentement jusqu’à ce que le mouvement s’impose de lui-même, en prenant de l’ampleur. Nacera Belaza ne propose pas vraiment des spectacles, bien que l’image y soit essentielle. Il s’agit plus de cérémonies, de rituels dans lesquels le spectateur trouve progressivement son propre espace. Son Cri, interprété en 2008 avec sa sœur cadette Dalila, a secoué le monde de la danse et emporté l’adhésion de nombreux programmateurs. D’un bouger infiniment petit à une sorte de transe, le duo complice parle sans citation, narration, ni référence directe, mutisme qui renvoie à une société de l’exclusion, de l’enfermement, sur laquelle on peut projeter ses propres questionnements. Radicale. Née en 1968 à Médéa, en Algérie, Nacera Belaza arrive à Reims à l’âge de 5 ans. Parcours classique : lycée, puis licence de lettres modernes. La danse est déjà là. «C’est en formant des gens, dit-elle, que je me suis moi-même formée. C’était l’époque où l’on pouvait enseigner sans diplôme d’Etat. L’enseignement a toujours été et continue à être pour moi un espace de recherche.» Radicale, peu soucieuse de plaire, elle poursuit le même objectif, sculpter le vide. En 1989, elle crée sa

propre compagnie qui compte une dizaine de pièces aux titres qui en disent long sur l’état d’esprit de la chorégraphe : Chacun sa chimère, Périr pour de bon, Point de fuite, Paris-Alger. Quête spirituelle, sa danse creuse et creuse encore les zones les plus obscures de l’être humain. Les Sentinelles, sa nouvelle pièce qu’elle présente lundi aux Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis (lire aussi leMag, page XVII), est dans la même veine que le Cri. L’obscurité toujours, et Dalila, sa sœur. Il devait y avoir d’autres danseurs, mais elle a renoncé. Trop tôt encore. «J’ai fixé cette partie, explique-t-elle, l’espace nu, le duo et le lien avec la lumière et la musique. Personnellement, je suis touchée par les choses profondes et fais partie de ceux qui pensent que la lumière se voit mieux dans le noir.» Foi. Nacera Belaza n’a jamais quitté les lettres, et la danse est son propre espace littéraire. Pour la création des Sentinelles, duo sur l’attente, le guet, elle est en connivence avec le Désert des Tartares de Dino Buzzati. Elle ne le transpose pas sur scène, mais, comme les guetteurs du roman, se tient à l’affût du moindre geste ou bruit. Sur la voix de Nina Simone, les sœurs traversent imperceptiblement l’espace pour se retrouver à l’avant-scène. «Avancer de 9 mètres en cinquante minutes, c’est éprouvant, une forme de traversée du désert. Comment amener la poésie dans l’univers chorégraphique ? C’est la question qui me motive et aussi la raison pour laquelle le corps n’est pas au centre de mon travail, plutôt une lointaine conséquence.» La danse arrive comme par effraction, par surprise, et le spectateur devient lui aussi un guetteur. La quadragénaire n’a pas non plus complètement quitté son Algérie natale. Bien qu’en résidence à l’Espace 1789 de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), elle y retourne régulièrement pour travailler avec un groupe d’une dizaine de danseurs. Pas de création prévue pour l’instant, elle mène là-bas aussi un travail en profondeur. Musulmane, sa religion n’est pas un des thèmes de ses spectacles, mais il est évident que sa foi la guide dans une relation très forte au sacré. Emblématique des Rencontres internationales de Seine-Saint-Denis, qui se sont ouvertes vendredi soir et font une large place aux femmes et aux expressions singulières, Nacera Belaza incite à la vigilance.

Marie Christine Vernay

Algéria.com Avril 2010

Nacéra Belaza à la salle Ibn-Zeydoun, Alger, le 14 avril 2010

Nacéra Belaza à Alger : Une danseuse bravant les sentinelles

Dimanche 11 Avril 2010 -- Invitée par l’Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC), la compagnie de danse contemporaine Nacéra Belaza se produira mercredi 14 avril à 19 h à la salle Ibn-Zeydoun de l’Office Ryad El-Feth. Les sentinelles est le titre de la dernière pièce de Nacera Belaza qu’elle présentera mercredi prochain à la salle Ibn Zeydoun. Née à Médéa, Nacéra s’installe à l’âge de 5 ans en France où elle intègre l’université de Reims pour des études en lettres modernes. Très vite, elle se consacre à la danse et réalise sa première pièce, Chacun sa chimère. Elle s’installe ensuite à Paris où elle enchaîne les créations artistiques et fonde sa compagnie de danse contemporaine en 1989. Outre son activité principale, elle collabore également avec le théâtre en tant qu’assistante à la mise en scène. Parmi ses complicités artistiques, on peut citer sa collaboration avec Lotfi Achour pour la mise en scène de la pièce Oum Khatoum en 2002 et avec Ziani Cherif Ayad pour sa pièce Nedjma en 2003. La démarche de Nacéra Belaza s’inscrit dans un esprit d’expression spirituelle qui se révèle à travers la danse. L’artiste se définit en ces termes : «Un vide inattendu qui comble toutes nos attentes ; voilà ce qui pourrait être finalement mon propos, ce que j’ai poursuivi à travers toutes mes pièces. Sculpter ce vide, lui donner un corps, le rendre palpable, le partager et enfin le laisser se dissoudre dans l’espace infini de nos corps.» La danse, parole muette qui transmet non seulement les vibrations de la chair mais aussi les tourments et les pensées de l’esprit, s’avère donc, avec Nacéra, un moyen de communication et de communion avec le monde extérieur. C’est également une manière très originale de raconter une histoire, de décortiquer une blessure, d’écrire un poème... Au-delà des déhanchements et des gestes chorégraphiques, l’expression corporelle de cette artiste se veut une opinion esthétique, un regard purement poétique porté sur l’extérieur, mais aussi un transmetteur éloquent du monde intérieur. Les sentinelles, la dernière composition de Belaza, sera donc représentée à Alger le 14 avril avant de faire le tour de France les 10, 11 et 12 mai 2010 au Centre national de danse dans le cadre des «Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis» et le 18 mai au théâtre de l’Agora d’Evry. Un spectacle à ne pas rater.

Journal de Rillieux la Pape Janvier 2010

Le Cri Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis, Mai 2008

La Stampa (Italie) 13 octobre 2012

La Repubblica (Italie) 10 octobre 2012

Metro (Italie) 9 octobre 2012

La Stampa (Italie) 5 octobre 2012

Sette (Italie) 5 octobre 2012

http://www.teatrailer.it (Italie / Italy) 6 septembre 2012 – September 6, 2012

TORINODANZA FESTIVAL 2012: protagonisti del mese di ottobre i giovani talenti della danza internazionale 06/09/2012 - 14:45 Torinodanza ospiterà per la prima volta Nacera Belaza - artista franco-algerina che sviluppa il proprio raffinato lavoro in una dimensione quasi spirituale - che con Le cri porterà al Teatro

Gobetti, l’11 ottobre, la sua danza pura, astratta, in cui trova poco spazio la narratività, e che cerca di restituire al movimento una sottile forza emozionale, paragonabile a quella della musica.

Publico (Portugal) 31 octobre 2011

The National (UK)

Juillet 2011

Le Monde des religions Mars 2011

Webscene.fr 26 janvier 2011

Le Figaro 24 janvier 2011

Télérama sortir Janvier 2011

BellyFlop magazine (UK) 20 octobre 2010

Nacera Belaza writes, ‘The scream is when the anchor does not let go’. I normally ignore programme notes (sometimes for reasons of principle and sometimes because I forget) but a post-show snoop through Belaza’s short text reveals to me this inspiring sentence. ‘The scream is when the anchor does not let go.’ The piece certainly has an anchor. An anchor made of many things: the continuous repetition of movement; waving faces of the dancers; the stillness of the floor under their feet and the colour purple. The piece comes over us like a melting fondue. Or maybe a rising mist. Something poetic. The light and sound and movement grow and grow until they scream at us. The length and simplicity of the image of the two dancers (Dalila and Nacera Belaza) continually snowballs towards us. In their stillness my mind buzzes and as they start to buzz I become still. Tense. Hypnotised. Of course it’s not really simple. I can’t help but be filled with thought. Are they turning? Are there children making noise outside? No, it’s the sound. Are they singing? No. Someone else is. Is Dalila smiling? How do they feel? What will happen? The more repetitive something becomes the more I want of the same and the more I want to know how it will change. As Belaza said in the post-show talk – the audience comes to the theatre wanting to see something but also not wanting to see anything. The piece screams well. The anchor sometimes stays, sometimes tips and sometimes moves. Sometimes I want it to stay for longer or to tip less, but what are these small desires in front of this wave of sound and vision? It is not only a single image but a puzzle of a single image. A puzzle which sometimes turns out how you expect it to and sometimes assembles in a riotous surprise.

Text by Eleanor Sikorski

Kultiverum (Allemagne) 10 septembre 2010

Algerische Familiennamen sind in Frankreichs Szene häufig anzutreffen, und das nicht nur im Hip Hop. Die

Schwestern Nacera und Dalila Belaza kreieren zurzeit immer minimalistischere Choreografien. Doch je mehr sie sich der Performance-Kunst annähern, umso spiritueller kann es werden.

Beschreibung: «Le Cri» (Der Schrei) dieser Frauen ist so stumm und so eindringlich wie der des Manns im Bild von Edvard

Munch. Das Stück ist das Ergebnis langer, bis zur Erschöpfung führender Recherchen zum kulturellen Reichtum, der in der unablässigen Wiederholung einer einzigen Bewegung steckt. Und die ist sanft, rund und

harmonisch. Man darf durchaus an die tanzenden Derwische denken, während mal Maria Callas ertönt, mal

Gnauwa-Musik, mal Nina Simone. Doch da ist diese absolute Schlichtheit, die fast schon Askese bedeutet. In dieser Mischung stecken die arabischen Wurzeln ebenso wie aktuellste Recherche in der Tanzlandschaft,

oder auch asiatische Philosophie. Es ist wie beim Weltumsegeln. Je mehr man nach Westen strebt, umso sicherer landet man im Osten. Auf dieses Flattern, dieses Kreisen, auf eine Essenz reduziert die an

Universellem und Unbewusstem rührt, lassen sich nun jede Menge Konzepte projizieren. Das Verfließen der

Gesten erzeugt hypnotische Wirkung. Doch warum «schreien» sie? Dieses Duo ist am Schluss doch keine Fahrt ins Nirwana, sondern es erzählt die Sehnsucht danach. Körper und Seele finden nur fiktiv zu einander.

Ihre Substanz ist Zerrissenheit. Inzwischen haben die Belazas mit «Les Sentinelles» sogar ein noch radikaleres Stück geschaffen und wollen im ganz aktuellen «Le Temps scellé» untersuchen, ob und wie man

seinem eigenen Verschwinden begegnen kann.

Bewertung:

«Le Cri» ist also eine Art Einstiegsdroge und es ist schwer, sich ihrem Sog zu entziehen. Zum Glück verstehen es diese Schwestern, jedes Mal ihre Dosis zu erhöhen, ohne die Kontrolle über ihre Gesten und

Ideen zu verlieren.

10.09.2010 Thomas Hahn

Clicanoo.com – Le journal de l’Ile de la Réunion 14 juin 2010

Agitateurs de rêve

C’est une semaine particulièrement féconde qui vient de s’écouler pour les amoureux du spectacle vivant

conviés, nombreux, à la savante alchimie d’Aurélien Bory et, férus de chorégraphie, à la psalmodie de l’infini incarnée par Nacera Belaza. Entre “Les 7 planches de la ruse” et “Cri”, la curiosité du spectateur a vacillé de

ses assises pour se laisser flotter sur l’océan de la créativité vers des rives inabordées l’invitant à rêver éveillé. Mission accomplie pour les managers de théâtre, en ce pays, qui n’aspirent qu’à nous ouvrir l’esprit

sous prétexte de le divertir et offrent, le temps d’un soir, les perles rares, l’inédit de l’art, qui laissent le

regard ébloui. Retours.

- Vertigineux !

Nouveau coup de théâtre à Champ-Fleuri qui ,cette année, a secoué tous les cocotiers de la scène où

s’assoupissait le spectateur pour de prodigieux rebondissements en arts bien vivants. Le dernier pari, en compagnie d’Aurélien Bory et de ses compagnons de jeu de l’Empire du Milieu, vient ponctuer une saison qui

a fait moisson d’admiration, d’émotions et de cette fascination que guette toujours le spectateur, comme l’acteur, en quête de jubilation. “Les 7 planches de la ruse” en érigent tous les fondements associant au

génie de la création l’histoire d’une alliance humaine entre territoires et générations, des talents cultivés de

longue haleine et un sang neuf de la même veine, la pensée de l’Orient pour restaurer la subtilité de l’Occident, le feu de la passion et l’eau de la réflexion… Le contraste le plus imposant figurant l’équilibre

insolent déployé sur un plateau époustouflant contre notre peur du vide que figurent l’inconnu, la face cachée du monde et les sentiers de l’abstrait (ou de l’après), entre hier et désormais… Un vertige de toute

beauté où tourbillonnent la magie, la rigueur, l’effort répété, l’esprit et le sourire, la générosité, l’effort,

l’union et la force associée, la vie. Une leçon de jeu comme une aventure grandeur nature, que jamais on n’oublie, édifiée par Monsieur Bory. Respect ! Et grand merci d’avoir consacré à la Réunion l’apogée de cette

tournée, avant de tourner les pages d’une nouvelle création qui pourrait bien venir, à l’instar du tangram “bat’ carré”, elle aussi, pour un prochain programme, dans l’océan Indien. “Wait and see”

- Coup double Nacera Belaza, dans un registre de pure chorégraphie, nous a sorti elle aussi des sentiers battus de la scène pour y ancrer l’essence nouvelle de ses pensées confrontées, par son intime volonté, au

mouvement répété, redondant et bientôt envoûtant, d’un balancement tournant conjugué en duo avec Dalila qui semble ici son alter ego. Une apparence. Comme le tourbillon décalqué qui se lit dans le continuum

dansé filtrant de l’obscurité. Car ce sont bel et bien deux individualités qui laissent leur corps et leur énergie parler, pour “faire coïncider le visuel et le caché” et cheminer vers un étourdissement propre à chaque

interprète pour sublimer ses pensées. C’est de là que naît la force du rituel, les conduisant à conjuguer

simultanément leur gestuelle, yeux et bouches fermés, comme si elles communiquaient dans une autre dimension alors que leur silhouette continue de tourner. Le propos, “l’autre matière” qui vient s‘y nicher,

peut sembler compliqué mais l’invitation à y entrer reste claire. Il suffit de se laisser guider et emporter, comme elles, mais sans bouger, par le doublé d’images mouvantes et les chants mêlés de deux vies, deux

mondes, litanies de la tradition et du quotidien, qui indifféremment induiront colère, ou apaisement,

souffrance ou plaisir, et, en tous cas, émotion au coeur du spectateur comme autant d’étincelles, de chaleur, d’accidents plus ou moins heureux jaillis du frottement de deux pierres à feu. Un “Cri” singulier pour

découvrir une partie de soi que l’on ne soupçonnait pas. Un coup double pour concrétiser un précepte cher à Nacera Belaza : il existe toujours deux facettes, un recto et un verso, une chose et son contraire, dans tout

être humain et chacun des aspects de notre univers. Et la force déployée pour le danser force, ici aussi, le respect, laissant le spectateur bouleversé au sens propre comme au sens figuré. A vérifier demain d’urgence

à Saint-Paul pour une ultime performance avant que la chorégraphe ne reparte pour donner des ailes aux

“Sentinelles” de sa création de l’année

“Le Cri” de Nacéra Belaza : demain à 20h, Espace Leconte-de-Lisle (Saint-Paul)

Marine Dusigne

Clicanoo.com– Le journal de l’Ile de la Réunion 14 juin 2010

A l’écoute du “Cri” Un an après le “In” d’Avignon, la Cie Nacera Belaza vient offrir à la Réunion “Le cri” qui balise le chemin

accompli en chorégraphie par une danseuse invitant à la contemplation, source de réflexion. Première

proposition, ce soir, à Canter.

Elles viennent tout juste de tomber de l’avion et débarquent pourtant fraîches, souriantes, laissant flotter entre vous et elles un espace de paix, de bien être dans le flux bruyant des passagers arrivant de Paris.

Nacera et Dalila Belaza, sœurs et partenaires au sein de la compagnie créée il y a vingt ans, et qui, depuis,

n’a cessé de s’imposer, faisant figure de specimen, sur la scène contemporaine. Comme on l’a vu récemment avec le baroque de Béatrice Massin, l’estampille “original” vient spontanément à l’esprit pour qualifier le

travail d’une artiste qui dément le propos d’Aristote, Nacera Belaza, contrairement à la nature adorant le vide pour mieux faire parler les corps. ”Je préfère “singulier” plutôt qu’original”, précise la chorégraphe.

“Mon travail procède d’une écoute très précise de soi, de la façon dont on chemine. Ne cherchant

aucunement à faire de la chorégraphie, je ne tiens pas compte de l’extérieur pour décliner une parole qui vit plutôt à l’intérieur, au plus près de ce que je trouve essentiel, et la diffuser, la partager”, explique la jeune

femme qui a dû braver les interdits familiaux, culturels et religieux de son pays, l’Algérie, pour libérer la passion de la danse germant en elle dès l’enfance.

L’épure pour dire l’essentiel “Autodidacte dans ce métier, c’est de mes études en lettres modernes, en audiovisuel et 7e art que vient ma

notion d’écriture, que ma démarche se structure. J’utilise ces angles de vue pour aborder la chorégraphie qui permet, justement, le déplacement des points de vue en utilisant le corps. Je n’ai pas beaucoup de choses à

dire, une seule en réalité, et toujours la même en lien avec ce qui se passe dans la vie. Une seule chose à

l’endroit de friction de la réflexion”. D’où la nécessité d’un contexte épuré, proche de ce vide évoqué la plupart du temps pour décrire la scénographie de ses pièces. “Sans profusion de messages. Je manifeste

mon attachement aux formes simples parce qu’on entend mieux quand le message est clair ! L’essentiel n’a besoin d’aucun parasitage. Alors mes pièces prennent la forme d’un acte radical, presque martial. Un acte

posé, en réalité, pour mieux apprécier, comme dans la vie, la multitudes des sensations”, ajoute Nacéra qui résume :”Peu de moyens mais énormément de choses à trouver !”. Une démarche éminemment spirituelle.

Ce que certains appellent “l’invisible” d’autre “l’invu”. La chorégraphe de “Un an après”, présenté à la

Réunion il y a trois ans, appelle ça “la matière du dedans...”. Celle qui peut, à l’instar d’une structure minimale, révèler une dimension aussi dense et profonde que ce que l’on qualifie en effet de sprirituel. “J’ai

besoin avant tout de palper cette matière de la vie, les corps”. Et ce “Cri”, poussé en 2008 aux Rencontres chorégraphiques internationales de Seine Saint-Denis avant que d’être programmé l’année suivante au “In”

du Festival d’Avignon, prolonge l’appel amorcé dès ses débuts en création.

Fusion danseur-spectateur

“ C’est la continuité des pièces précédentes. Elles se déduisent les unes des autres. “Le Cri” vient d’une longue observation des danses traditionnelles, sacrées, rituelles qui entretiennent un rapport très fort avec le

public”. Une invite à participer, à vivre ces instants collectifs, qui se retrouvent dans toutes les sociétés sans

que les gens se creusent la tête pour comprendre ce qui se passe. “La danse contemporaine coupe ce lien en montrant, en disant, en imposant au spectateur un rôle de regardeur, voyeur, qui fait intervenir son

mental. J’ai voulu renouer le lien entre les gens et ce qu’ils voient, ouvrir un espace commun pour être ensemble, avec le prétexte de la dramaturgie pour nous réunir”. Et Nacéra d’évoquer les “balancements” des

danseurs traditionnels en Algérie, en Egypte aussi. Des balancements intérieurs pour se mettre à l’unisson dans un même rythme, en transe peut-être, juste pour chercher à faire taire la tête et ses interrogations

pour entrer dans un autre état, transcender la réalité et se retrouver dans le même espace, ensemble. “On

s’est mis à cet endroit du balancement et j’ai écrit une trame, sans artifice qui risque de l’altérer, pour être à l’écoute et se laisser entrainer. La chorégraphie pour moi c’est cette écoute prononcée qui va du dedans,

pour croitre et donner au spectateur la sensation d’accompagner le mouvement.Je garde l’espace vide autour de deux corps comme cadre que je fais évoluer. Je me pose un tas de questions, j’ajoute des angles

supplémentaires à ma conscience et l’expérience humaine se fait souterraine de l’œuvre”. En gardant

toujours le même cap : “Mettre le spectateur en état de contemplation, comme devant l’océan” Marine Dusigne

Klpteatro.it (Italie) 22 Mai 2010

La "non-danza" in scena a Fabbrica Europa Da anni Fabbrica Europa, ospitato nei maestosi e post-industriali spazi della Stazione Leopolda di Firenze, ci

ha abituati a incontrare le compagnie più innovative nel panorama internazionale della danza

contemporanea. Danza che certe volte è una non danza, fatta di studi sul corpo e sul movimento che superano il concetto di coreografia, e certe volte fanno innervosire i devoti dell’arte coreutica del Novecento,

senza scomodare nomi. È il caso sicuramente di "Le Cri", creazione del 2008 presentata dalla francese Compagnie Nacera Belaza e

già vista in mezzo mondo. La coreografa, insieme alla sorella, parte dalle proprie origini islamiche

(geograficamente algerine) e ci propone uno spettacolo essenziale e concettuale. Le due performer entrano sul palco nudo della sala danza della Stazione Leopolda: al buio, inizialmente

accennano soltanto un movimento. La musica inizia e si sovrappone al coro: una litania incessante, una preghiera araba come quella di un muezzin. I gesti accennati diventano pian piano vorticosi girotondi delle

braccia che cercano un coordinamento. È un’estasi corporea lunga, monotona. Quasi soffocante. Fa pensare a certe donne musulmane che, grazie alla cultura occidentale, sono riuscite ad emanciparsi, a scappare dalle

imposizioni e dalla barbarie religiosa. La danza (il movimento!) diventa immagine di libertà e di evasione.

Due movimenti circolari, intensi e ripetitivi. Anzi ossessivi. Che ricominciano di volta in volta, sia quando le due danzatrici arrivano fin davanti alla platea, sia quando in un video (e sono addirittura cinque donne),

grazie a un effetto digitale, vanno sempre più veloce, sempre più veloce fino a diventare figure informi. Movimenti circolari che si ripetono, così uguali eppure dalle sfaccettature così diverse, sulla musica, tra gli

altri, di Maria Callas e Amy Winehouse, sacro e profano. La liberazione della donna musulmana non passerà

da questo spettacolo, ma il messaggio è diretto. Una ricerca rigorosa e affascinante. Il risultato è un percorso coerente che parte dal buio della sala e del

corpo, fino ad arrivare all’estasi cinetica, alla deflagrazione. Girotondo come fuga, gesto di libertà. Girotondo come antico rito religioso proiettato nel terzo millennio. Provocazione anche, forse. Un grido di rabbia e di

speranza che non si può chiamare danza, non si può. Inquadriamola come “post-danza” e proviamo a

goderne, a decodificarla. Il pubblico si divide: chi lascia subito la sedia, quasi fuggendo, chi applaude gridando i “bravo”. Un pubblico diviso è già un primo traguardo per chi professa un’arte scomoda. Uno

spettacolo tra fede e minimalismo. Una creazione che nasce da un cammino radicale, ai limiti del fastidioso, ma che sa trasmettere una propria personalissima cifra poetica.

Simone Pacini

LE CRI coreografia: Nacera Belaza

interpreti: Dalila Belaza, Nacera Belaza luci: Eric Soyer

regia luci: Christophe Renaud video e colonna sonora: Nacera Belaza produzione: Compagnie Nacera Belaza

durata: 47’ applausi del pubblico: 1’ 40’’

Visto a Firenze, Stazione Leopolda, il 16 maggio 2010

La Gazetta di Modena (Italie) 28 février 2010

Il resto del Carlino – Modena Spettaccoli (Italie) 27 février 2010

Gazetta di Modena (Italie) 27 février 2010

L’informazione il domani (Italie) 25 février 2010

Cyberpresse Décembre 2009

Vogue (Italie) Décembre 2009

Le Dauphiné Libéré Lundi 30 novembre 2009

Le Dauphiné Libéré 24 novembre 2009

Danza & Danza (Italie) Septembre – Octobre 2009

New-York Times (US) 22 septembre 2009

At Danspace Project, Considering Two Bodies in Unison The Algerian choreographer Nacera Belaza, who has lived in Paris since she was a child, began making dances after obtaining a degree in French literature. In a sense, books and films inform her work more than dance. In “Le Cri,” part of the Crossing the Line festival of the French Institute Alliance Française, she takes one movement — the seemingly simple swaying of two bodies in unison — to create a raw sensory landscape in which hollowness and volume coexist with scientific precision. This 50-minute production, which played Thursday through Saturday at Danspace Project at St. Mark’s Church and presented Ms. Belaza in her American debut, begins in the dark as two sounds, almost imperceptible at first, fill the church’s sanctuary. A persistent humming gives way to the faint echo of children frolicking on a playground, hinting at the interior and exterior worlds. As the lighting gradually brightens the space, two dancers, with their backs to the audience, slowly twist their shoulders, rocking from one foot to the other, until they face front. Wearing baggy purple shirts and pants, Ms. Belaza and Dalila Belaza, her sister, first appear to be nearly identical. Dalila is actually taller, and her features more delicately etched; Nacera is solidly built. As their movement increases in velocity, the resemblance becomes increasingly superficial. What lingers instead is how the elements fit together like a puzzle. Using musical selections featuring Maria Callas, Nina Simone and Amy Winehouse; lighting by Éric Soyer, which recedes, brightens and fades again; and the swaying movement, the choreography strives to find a connection to emptiness. The movement — whether delivered in half-shadows, like a whisper, or with full-flung ferocity — ceases to be interesting on its own but persists like an energetic force within the vast, empty space. When the dancers suddenly break free of their monotonous swaying phrase and tear straight ahead with jagged, whipping elbows and breakneck turns, the frenzied moment is the equivalent of a lull. It’s as if Ms. Belaza had given motion a quality of stillness. After the dancers retreat to opposite sides of the stage and are no longer visible, a video, credited to Nacera Belaza is projected onto the altar of the sanctuary. In this final chapter swaying figures appear almost like spirits. The dancers are no longer onstage; it’s as if they had entered another dimension, a place beyond consciousness. In her minimal work Ms. Belaza has revealed nothing and everything in a captivating swoop.

By GIA KOURLAS

www.klassic.com (Allemagne) 21 septembre 2009

www.DanceViewTimes.com (US) 20 septembre 2009

Berliner Zeitung (Allemagne) 26 août 2009

Deutschland Radio (Allemagne) 26 août 2009

Berlin-sur-scenes.blogspot.com (Allemagne) 26 août 2009

TANZ IM AUGUST Le Cri sidéral de Nacera Belaza Jusque là le festival m'avait donné à voir des oeuvres apaisées, joyeuses, virtuoses, même légères. Les soeurs Belaza m'ont envoyé dans une autre dimension avec leur Cri tendu et profond. Leur pièce rayonne de leur énergie rentrée, se propage, rebondit avec une incroyable force muette entêtée. Deux derviches non-tourneuses, icônes intemporelles en jogging qui bouleversent tout d'un balancement de bras."Le cri" s'ouvre dans la pénombre sur une scène vide. On distingue petit à petit les corps de Nacera et Dalila Belaza. Elles prennent leur temps, nous imprègnent d'un doux balancement pendulaire qui ne cessera jusqu'à la fin de la pièce. Elles prennent vraiment leur temps. La gestuelle renvoie à des rites anciens. Les corps des deux danseuses entrent en transe en même temps. Figures gémellaires et pourtant dissociées tant l'impulsion est intime. Un entre soi qui vire à la transe collective. Je ne peux plus les lâcher des yeux. Leurs bras m'hypnotisent, viennent puiser dans mon ventre un cri qui voudrait sortir. Et quelle rage quand enfin leurs pieds s'emballent! Mon esprit a décroché depuis longtemps, leur danse a fait le vide. Merde, c'est par les yeux que ça sort. Rien de triste, rien d'émotionnel. Juste une sensation d'être là, maintenant, en accord avec tout ce que je vois et j'entends : les vibrations de leurs bras, leur colère rentrée, les effluves de soul et d'opéra, de chant arabe et de jazz magistralement mixées dans un double écho. Et je me fous de votre religion, et je me fous de vos inspirations artistiques. Le contexte n’à que faire de ce cri-là. Simplement je l'entends. Il résonne en dedans, porté par l'envol de vos mains, l'inclinaison de vos cous, la luminosité presque douloureuse de vos visages. Le cri n'est une pièce ni épurée, ni ascétique comme cela a été écrit. Nacera Belaza semble juste avoir gommé le superflu, conservé l'essence, le profond. L'écriture chorégraphique a beau être résumée à ce simple balancement, le Cri en appelle à tous les autres arts pour créer un spectacle parfaitement équilibré. Rien n'a été laissé au hasard, ni les silences, ni les noirs. Merveilleux habillage de lumière qui joue des douches comme des rayons qui tombent d'un dôme oriental. Pour nous quitter, les deux soeurs nous laissent avec leurs images projetées sur grand écran. Comme pour couper le lien trop fort par lequel nous étions entrés en communion. Certains diront qu'il ne s'est pas passé grand chose pendant ces 50 minutes C'est vrai. Deux pieds ancrés au sol, deux corps grossièrement masqués par des tenues-uniformes. Et des bras qui balancent. Mais cette simplicité est allée au fond des choses. Et ça n'est pas si fréquent sur une scène. Publié par Steffi

BPEMR (Russie) 17 août 2009

Tages Anzeiger (Allemagne) 14 août 2009

Le Soir (Suisse) 24 Juillet 2009

La Croix 21 Juillet 2009

Libération 7 Juillet 2009

La Terrasse – Hors Série Juillet 2009

Al-Arham (Egypte) 24-30 juin 2009

Tanzjournal (Allemagne) mai 2009

L’Expression (Algérie) 23 mars 2009

Festivalier.net 18 mars 2009

Vertigineuse Nacera Belaza. « Un jour, je parlerais moins / jusqu'au jour où je ne parlerais plus ». Alain Bashung n'est plus. « Le cri », chorégraphie de Nacera Belaza accueille ma profonde tristesse en ce dimanche ensoleillé sur Marseille. Elles sont deux soeurs à danser, à me tendre les bras, pour aller me chercher, là où je suis. Regard embrumé, je fixe leur toute première apparition. La lumière est douce et leurs corps émergent à peine. Elles semblent venir de loin. La Callas chante tandis que la voix sensuelle de Larbi Bestam se fait entendre comme un cantique. Elles sont deux à faire le même geste avec leurs bras et les pieds joints, telle une prière, comme pour forer l'insondable. Leur danse vient peu à peu et m'approche. Elles sont deux, l'une pour rassurer, l'autre pour tendre la main. Elles sont deux, image du double, de forces antagonistes prélude au chaos, de l'art qui surpasse l'artiste. Elles sont deux pour décupler l'imaginaire du spectateur avec leurs bras, armes du poète. Elles sont deux tandis qu'une partie de moi est partie avec Bashung. Il m'a laissé là, en rade : « Gaby, je sens comme un vide ». Alors, elles s'approchent du bord de scène et la Callas chante la Traviata de Verdi. La voix d'Amy Winehouse s'en mêle. Je ressens le « vertige de l'amour » alors qu'elles s'éloignent en fond de scène, comme si le rock enchevêtré à l'opéra faisait vœu d'éternité. Avec leurs bras, elles malaxent, « l'argile prend forme / l'homme de demain sera hors norme/ un peu de glaise avant la fournaise/ qui me durcira ». Avec leurs bras et leurs pieds joints, elles transforment la scène en cathédrale pour la transcender. Me voilà avec elles, pris de tourbillons, comme si à force de me faire tourner la tête, elles avaient puisé l'inépuisable : je n'en finirais donc jamais d'aimer les artistes. « Madame rêve ad libitum Comme si c'était tout comme Dans les prières Qui emprisonnent et vous libèrent » Pascal Bély www.festivalier.net. " Le cri" de Nacera Belaza a été joué le 15 mars au Théâtre du Merlan de Marseille. http://www.festivalier.net/article-29164128.html

Elle (Italie) 14 mars 2009

Télérama Sortir 11 février 2009

Mouvement.Net

17 décembre 2008

Le journal de Saône et Loire 22 novembre 2008

www.avis-culturel.fr 29 octobre 2008

Midi Libre 21 octobre 2008

Montpellier Plus 20 octobre 2008

Le Mensuel (Blanc-Mesnil) Juillet – août 2008

Danza & Danza (Italie) Juillet – août 2008

Danser Juillet-août 2008

Ballettanz (Allemagne) mai 2008

Libération 21 mai 2008

Le Monde 21 mai 2008

Télérama Sortir 14 mai 2008

L’Echo - Le Régional (95) 14 mai 2008

L’Humanité 13 mai 2008

Afrique Magazine 6 mai 2008

Contacts Compagnie Nacera Belaza 133 avenue Jean-Jaurès 75019 Paris, France cie-nacerabelaza.com

direction artistique

Nacera Belaza [email protected]

administration - développement

Clémence Pioche [email protected]

production - diffusion

Blandine Conchy [email protected] +33 183 644 170, +33 687 527 306

Laura Aknin [email protected] +33 183 644 169, +33 623 606 678

Partenaires La compagnie est La Compagnie est subventionnée par la Région Ile-de-France au titre de la permanence artistique et culturelle et la DRAC Ile-de-France / Ministère de la Culture et de la Communication au titre de l'aide à la compagnie chorégraphique. Elle est soutenue par l'ONDA et ARCADI pour sa diffusion sur le territoire français et par l'Institut français pour sa diffusion à l'international.