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REVUE DE POÉSIE ET DE PHOTOGRAPHIE AUTOMNE 2015

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REVUE DE POÉSIE ET DE PHOTOGRAPHIEAUTOMNE 2015

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SAISON BAROQUERevue de poésie et de photographieAUTOMNE 2015 - Numéro 19

Direction littéraireFrançois Godin

Direction photoFrédérique Ménard-Aubin

Comité de rédactionMathieu BlaisMaggie DubéNathalie EthierFrançois GodinBenoît MoncionJulia Pawlowicz

Révision linguistiqueMaggie DubéNathalie EthierFrançois GodinJulia Pawlowicz

GraphisteJade Lussier

FondateursClaude BeausoleilJean-Marc DesgentRené LavoieJean-François Poupart

Dépôt légal : 4e trimestre 2015Bibliothèque et Archives CanadaBibliothèque et Archives nationales du QuébecISSN 1489-2162, no. 19, 2015Cette publication du cégep Édouard-Montpetit parait deux fois par année.

Impression : Longueuil Repro-Plan

Site internet : www.saisonbaroque.wordpress.comCourriel : [email protected]

Photographie de la page couverture :Projection éphémère par Emy Gagnon

Photographie de la page couverture arrière:Sur le chemin du gouffre par Antoine Forcione

Numéro dédié à René Lavoie, professeur de photographie pendant

26 ans au cégep de 1984 à 2010 et un des fondateurs de la revue

SAISON BAROQUE.

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SOMMAIRE

Nathalie Ethier Je viens d’une enfance cheval .............................. 5 Krystel Bertrand Diptyque pour le monde casé ............................... 6

René Lavoie Mémoire .............................................................. 8

Sébastien Hamel La bête immobile : descriptions sectorielles ........ 9

Patrick Valiquette Métanoïa 817 ...................................................... 14

Victor Bégin Conversations de corps nus ................................. 15

Antoine Forcione La dérive me tentait ............................................ 18 Benjamin-Daniel Bouchard Prâle .................................................................... 19

François Godin Émerger du vide à deux ........................................ 20 Antoine Forcione ............................................................................ 23 Mélissa Gobeil Matrice IV ............................................................ 25

Vincent Paradis Reviens-moi ......................................................... 26

Benoit Moncion Son coeur recommencé ........................................ 27 Mathieu Blais ............................................................................ 32 Benjamin Bouchard Loup & Mars ......................................................... 34 Coralie Beaudin-Pilette En transparence ................................................... 35

Emy Gagnon Le désert de mes nuits ......................................... 36

Mathieu Blais Avec les bois phosphorescents de mon epoque .... 37 Sarah Brisebois-Kirk Attente ................................................................ 40

Dernier sillon ....................................................... 41 Sans être ............................................................. 42

Ingrid Mourtialon ............................................................................ 43

Clément Isaac Portrait à la Saint-Patrick ................................... 46

Clément Isaac Pour une solitude liée à l’espace .......................... 47 Vincent Filteau Derrière la voix ..................................................... 50 Adrien Leduc-Ménard En suivant une outarde ........................................ 53

David Côté La bête ................................................................. 56

Claude Beausoleil L'Aventure Romantique ....................................... 57

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SAISON BAROQUE 5

Je viens d’une enfance cheval

NATHALIE ETHIER

Je te parlerai avec tristesseavec toute tendressed’une oie-gardienneet des oies endormies.

Marina Tsvétaïéva

Les mots de la nuitlivrés au matin avant le réveildans la poussière des sabotsdans l’incendie des forêts.Si j’agite les brasen un instant je perds tout.

Il vit sans se définirsans contours où imprégner ses lèvresoù déposer ses mains.Sur la terre qui batil roule autour de sa maisonet revient sur ses passans former de cercle.

Je ne connais pasd’empêchement plus grand.

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6 SAISON BAROQUE

Diptyque pour le monde casé

KRYSTEL BERTRAND

Mon amourDes cendresOn appelle ça des cendres

Marjolaine Beauchamp

Ferme les lumières, j’te regarde pleurer

je voudrais marcher le long de tes peinespour te dire que tout va bien aller,à la place je te prête un livre

Ta silhouette est dans ma paume,c’est une lanterne qui me brûlejusqu’au fond du cœur

j’te fais mal mais c’est correcttu me fais mal aussi,on sait pu si on s’aimefait qu’on prend des puffs de Player’spour étouffer le silence

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SAISON BAROQUE 7

Monte le son, j’écris des poèmes sur fond de métal noir

Je défonce tes vitrines avec mes motsje brûle ce qui éclaire ton intimitéil est tard pour essayer de s’aimertu le sais que j’aime pasquand le soleil se lève.

Monte le son, j’écris des poèmes sur fond de métal noir,sur fond noir comme le mood qui me suitdepuis que je feel gothique pour toi,depuis que j’te feel pu dans ma peauou sous mes draps quand la soirée est finieet que je préfèrerais te voir partir sans moi.

Je voudrais te parler dans le blanc des yeuxmais j’ai le regard fuyant quand je pense ailleursquand je suis là, mais pas làt’haïs ça.

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8 SAISON BAROQUE

MémoireRené Lavoie

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SAISON BAROQUE 9

Les plafonds disent : des êtres petits nous montrent leur tête qui penche. Des fois, à travers les crânes, nous voyons des sourires, des sourires qui aspirent et qui cachent sous la langue des lettres de scrabble, des bonbons et des fémurs. Les pièces carrées et rectangulaires, nous les aimons. Là, les angles droits reposent sur des fils tendus qui montent haut et descendent bas, c’est parfait. Petit et petite, avec notre point focal comme au fond de la gorge et nos yeux qui faiblissent (c'est le plâtre qui tombe de nos rétines), vous êtes pour nous, nous très haut, comme des chèvres hagardes ou des mange-sans-faim ou des expatriés-sans-papier. Nous sommes nombreux, nous plafonds, quatre, cinq ou six par logement, sur plusieurs étages, et vous vous êtes deux, toujours les mêmes, les deux laids sur lesquels notre regard plonge forcément. Tu parles d'un destin de moche. Dans la répartition du début, on nous avait pourtant dit que les pla-fonds occupaient une position noble, hauteur et noblesse, hauteur et création, hauteur et perfection, ce genre de baratin : dans les faits, rien du tout. Alors, nous sommes les lézardés et vous, les tailladés par vos proches (oncles, tantes, pères et mères). Nous vous aimons couchés, c'est vrai, mais pas l'un sur l'autre, pour que nous puissions vous voir complètement, et aussi parce que franchement ton truc moche qui entre dans son truc moche, c'est pas pour les nouvellement repeints ou les sensibles peu importe l'âge. Nous vous proposons un récit : vous êtes sur vos pieds, arrêtés ou en marche, vous portez probablement des vêtements, mais nous ne voyons plus que vos cheveux. Ils sont larges, fournis, chapeautés ou enrubannés. Les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Vous êtes maintenant deux vieilles logeuses russes au dos douloureux. Il nous faudrait une collection de samovar, des petits sucres et des verres de vodka. Soudain, c'est la scène, un incendie se déclare. Déjà, en haut, nous chauffons. Étrangement, vous vous assoyez à la table de la cuisine pour manger de la compote. Avant de nous écrouler sur vos têtes, nous songeons à la lourdeur de vos corps, à vos jupes sales et à vos dents pleines de purée d'ananas. La prochaine représentation a lieu dans deux heures. Revenez plus tard. 

La bête immobile : descriptions sectorielles

SÉBASTIEN HAMEL

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10 SAISON BAROQUE

Les portes disent : vestibule, baise mains, révérences : nous t’accueillons bien, petit, tu ne peux pas prétendre le contraire, alors entre, montre-toi, défonce, remets tes escarpins, oublie qu'il s'agit de théâtre, de théâtre peut-être, et mets sur la patère ce qu’il y a de trop sur toi : perruques de vieilles dames décédées, couvre-chef que tu aimes mettre sur tes genoux dans les cabinets de psy, tes dents, c'est sûr, plusieurs de tes dents, il ne faudrait pas oublier de les mettre à part et de les recompter plus tard, et puis zut pour le reste, nous n’en finirons jamais, il est tard, le soleil se couche, nous craignons les heures tardives passées en ta compagnie. Tiens, tu ne portes pas de petites culottes. N'essaie pas de nous faire croire qu'il y en aura plus tard sur nos excroissances. Elles seront encore vierges de cela demain matin si c'est toi qui viens passer la nuit ici. Remarque, tu peux bien venir, nous ne sommes pas difficiles à satisfaire : tu mets sur nos cadres en bois du parfum à la térébenthine, nous nous faisons aussitôt souples et inquiétons les équerres. D'une fois à l'autre, c’est drôle, du facile au même. Bisous. Tiens, on sonne déjà à la porte. C'est vraiment l'heure des visites. Aux nouveaux, nous redisons les mêmes mots ou presque, ça dépend de l’heure ou de la soupe sur le feu. Nous pensons toutes très fort à toi malgré ta laideur, c'est le temps de l'année où tout est possible, maintenant file, petit, et couvre-toi de charbon si tu crains le froid. 

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SAISON BAROQUE 11

Les escaliers disent : les pleutres nous évitent, c'est connu, ils prennent plutôt les ascenseurs malgré les mauvaises odeurs de parfum et les ennuis de claustrophobie. Petit, tu nous as surpris. Nous sommes de service ou d'urgence, pas du quotidien, pas du monte et descends plusieurs fois par jour. Nos coins sombres, nos rampes froides et nos craquements découragent généralement ceux et celles du sens commun. Tu t'es rendu tout en haut par nous, merci. Tu es monté rapidement dans nos corps comme une érection de plusieurs étages, comme une érection qui tourne et monte jusqu'à la lumière des cris finaux. Nous avons tellement aimé que tu ne prennes pas de pause aux paliers, c’était bon. Ton amour des toits, petit, a fait que tu as planté des drapeaux au plus profond de notre gorge. Nous avons encore en nous quelques-unes de tes chansons, de tes insultes, de tes promesses et de tes jouissances fortes. C'est écho, une cage d'es-caliers. C'est de l'intime. On est seul ou on est deux, peu importe, ça marche. Les corps fantasmés sont dans nos têtes ou dans nos bras. D'ailleurs, nous l'avons aimée tout de suite, ta petite. Elle te faisait la voix belle et la jambe preste. Bientôt, nous fermerons à clef pour une nuit entière. 

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12 SAISON BAROQUE

Les ascenseurs disent : tu entres dans nos corps et tu aimerais qu’on te dise sur quel bouton appuyer? C'est celui-là. Si le téléphone sonne, tu ne réponds pas, c'est peut-être notre mère, la tienne est morte depuis longtemps, c'est peut-être une urgence, alors vite, bande encore un peu, tiens, zut, la porte s'ouvre déjà. As-tu encore ta queue entre nos jambes, c'est parce que tu dois sortir, c'est ton étage. Tu n'aimais pas notre lumière? Tu n'arrivais pas à nous trouver aphrodisiaques à cause de nos néons? Nous ne te croyions pas aussi sensible à l'éclairage. C'est vrai que ton tatouage de guépard sous cette lumière ne nous inspirait pas confiance. Les plus étranges, sous les néons, ce sont les peaux du Grand Nord. Nous ne savons pas ce qui leur arrive. Elles s'étirent tellement que l'immeuble gagne en étages et que la relation sexuelle est longue et puissante. Attends une telle peau au deuxième sous-sol après une brassée de lavage. C'est ta chance. Elle goûte le miel ou le chocolat. Si tu en as la chance, mets-la dans une petite boîte, ce sera un cadeau de fin d'année idéal.  

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SAISON BAROQUE 13

Le petit dit : j'aime les escaliers comme j'aime les vagins. J'entre en eux complètement, de mon corps complet, enduit de sève et de sourires larges. En eux, j'aime mettre ma tête vers l'arrière. Cette position me donne une vue que j'apprécie et qui me fait bien connaître mon sujet. Lorsque j'entre en eux, il n'y a rien qui déborde. Je n'aime pas quand on vient vers moi vers la gauche ou vers la droite. Je me sens mal dans la sur-prise des corps qui débarquent. Les escaliers sont érotiques. Les ascenseurs sont des coïts interrompus. C'est une guerre à finir entre eux et moi, entre eux et eux. Je n'aime pas les portes qui s'ouvrent et se ferment à chaque étage. Les prédateurs sexuels et les exhibitionnistes dans les parcs n'agissent pas autrement. J'arrête ici. Tu comprends, petite, pourquoi nous nous sommes toujours tenus dans les escaliers? Les ascenseurs déconnent, perdent le nord, s'intéressent seulement au rez-de-chaussée où les tapis sont beaux. C'est fini entre eux et nous. C'est fini.

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14 SAISON BAROQUE

Métanoïa 817Patrick Valiquette

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SAISON BAROQUE 15

Conversations de corps nus

VICTOR BÉGIN

Une longue Sibérie (Виталий)

Il n’y a rien comme une étreinte de Russie. De nature rustre, ses mots sont oubliés et laissent place… ils laissent place.

Sous l’azur (Olivier)

Je suis chez toi et tu n’y es pas.

Si Nice est sous le soleilJe suis sous la luneMontréal te tueEt moi je finis toujours par y revenir.

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16 SAISON BAROQUE

Entre lavage et séchage (Clarissa)

Une peauRemplie de ponctuationJe te donneQuelques vers

Si la foi ne t’avait pas couvée, je serais un chasseur. Devant toi, je suis délavé.

Avant ou après l’amour, on ne sait plus (Alfonso)

– I feel like you’re painting my body.– Do you feel home?– Where I come from, we don’t have seasons. Only hot places and cold places.– What do you prefer?

Silence.

– Cold places.

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SAISON BAROQUE 17

Planchers résilients (Alfonso partie II)

Je suicide mes sentimentsje m’exécutede toutes mes peurs

Des filaments d’artificenos seules étoiles filanteslorsque les Perséides nous ignorent

Des mots d’été glissés dans ta fourrure de Colombien pour te faire muer. Les animaux qui ne s’adaptent pas migrent.

Le ton de ta voixme faisait sentirencore plus seulplus seul que toi ici

Quand tu seras partije danseraicomme au studio de balletje danserai sur des planchers résilientstomber ne fera plus mal

Arrivals (Éric)

Je suis arrivé chez moi, me suis déchaussé. J’ai reçu une lettre. Insoupçonnée. J’ai laissé de côté ces mots pour m’aventurer sur des sentiers que je ne connaissais pas. Je ne veux le confort que lorsque ma fatigue sera assez saisissante. Après avoir vu le monde, la confiance me gagnera plus facilement.

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18 SAISON BAROQUE

La dérive me tentaitAntoine Forcione

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SAISON BAROQUE 19

PrâleBenjamin-Daniel Bouchard

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20 SAISON BAROQUE

Émerger du vide à deux

FRANÇOIS GODIN

nos corps coulentassimilent leur première naissanceaux déferlements des maréesdes premières secousses aux balbutiementsdes brasle fracas nous enlace deson aveuglante lumière

émerger du vide à deuxune poussée à la foisla tête avantle souffle

nos mainsavec leurs empreintes indiscernabless’engouffrent dans le monde 

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SAISON BAROQUE 21

je t’imagine avecdes éclaboussures plein la voixet l’étoileça craque derrière tes yeuxle miracle s’entendce sont des pleursbrisés par cette intrigueon file la musique au laitça nous conjugueà notre mère

une vitreentre nousvibre

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22 SAISON BAROQUE

la même clarté échoue surnos membrestu étreins les jeux mieux que moienveloppes les objets d'un mystèreque je t’emprunteles légendes te renversentavec ta crainte du noir

la résistance à deuxtricotéeen rires

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SAISON BAROQUE 23

ANTOINE FORCIONE

Cendres

chaque seconde minutechaque minute heurechaque heure journéechaque moment dans tes bras un instantané déployé

sous la grisaille d’un Montréal encore endormides gouttelettes parsèment tes cheveuxencadrent tes yeuxj’inhale Toi-tout

le klaxon t’appelant vers Dorval déchire l’aubeurgence panique au bas des escaliersultime brasier à l’arrachéesur mes lèvres je goûte encore une nostalgie nipponne  

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24 SAISON BAROQUE

Embâcle

sois là un momentdépasse l’espace-tempsdilaté ralentifaufile-toi rapidementcar en moi la matière s’égraineune cascade de cellules desséchées s’écroule

n’arrive pas trop tard

j’ai besoin de toide ta main sur ma poitrine

pour me tenir debout

Cerisiers

voilà déjà le temps des cerisiers

à la télévision des arbres en fleurs

et quelque part

à travers les pétales roses d’une banlieue de Tokyo

Toi

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SAISON BAROQUE 25

Je tiens le carnet de nos périplescomme on parle d’une rivièreles yeux mouillés d’espérance des promesses au creux du corps

Je porte nos airs de grand largecomme un drapeau autour du couj’ai ta voix au profond du ventreet des tempêtes à bâtiren prévision de nos silences

on se fait l’ivresse au cœurdans nos histoires d’aller-retourentre la portée de tes horizons et mes cahiers de rêveries j’ai la marée comme serment

alors que tu traces nos soufflesà même l’écume du rivagej’ai la gorge qui s’explosede nos récits d’outre-meret je les entasse sous ma peauune par une petites pierrespour t’en faire un navire

Matrice IV

MÉLISSA GOBEIL

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26 SAISON BAROQUE

Reviens-moiVincent Paradis

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SAISON BAROQUE 27

Son coeur recommencé

BENOIT MONCION

On s’est rendu là où plus un constat n’attache la carcasse sans lendemain où même l’aube s’hier le fracas des vitrines sur des attentesen pièces détachées.

On amangé le pansement sa fraîcheursoulevé sa chair une feuille agitée sa victoire sauver sa peau n’est pas sur l’autre n’est pas pour soi. Elle n’est déjà plus nouvelle

n’interromps pasl’ascension ses chaussures qui cajolentl’usure des escaliers.

_

Pour qui maintenant cette campagne pénibleabandonnée de tous ses chants

où l’on ne parle qu’à quelqu’un

devenu l’incident de sa sérénitéune enclave à sa fosse nue repliée gommée dans la mémoire.

On fait quoi on.

On dit quoi après ses brûlures tout semblesa rémission simulée.

_

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28 SAISON BAROQUE

On crache partout ses psaumes c’est l’étoile du dedans des crépitements serrements muetssoi-disant.

Ça bégaie sous vide sa solitude en boucle nouée ses doigts froids une contractionparamétrée

pantomime.

On ne s’émeut pas de ses propres annonces qui se moquentdes cadences quand éclate sa vigilance renoncée.

_

Ça ne s’invite pas nulle part ses cylindres leur profondeur qui transpercenttoutes les membranesjusqu’à sa sortieprécédée

où chigne la pointe des convictions.

On ne s’embarque pas pour vrai dans la chaleur ses certitudes faites d’acquiescements ces échappés

sa superbe qui s’ignore se renie se lamente d’une seule voix ça glisse dans la bouche dans l’espace laissé pour mort entre les êtres entre les cuisses à l’enversdes foules habitées

son effacement ça recommence.

_

Dans la hauteur le feu des éclisses on imagine n’importe quoi brûler ses attellesses longs bras déverrouillés aussitôt des étreintes

à toutes ses phrasesse tiennent pour ditesmais défiées debout comme sa charpente allongée imprononçable

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SAISON BAROQUE 29

des greniers de mots préservés.

Qui quoi et pourquoi. Il y a des omissions qui sentent la pommade sa faim du monde même çarancit.

On ne hurle pas comme ça son cœur.

_

Vient ce jour sa douceur aux pourtours mouillés qui embrassecomme le poing.

S’étend le paysagecogné c’est un éblouissement.

L’aile qui s’ouvre le voilier de toutes les catastrophesvertigedes manigances sur les toits soleil

là.

Tout est beau sa pauvreté sa soifvues d’en haut.

_

Même l’histoire une dépouille est un traittiré.

Sa banderole coupée il ne manque rien l’innocence ça devient sa fleur l’ouvertureça brûle carburel'ivresse le béton sa tête le sang ça chatouille.

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30 SAISON BAROQUE

Êtreson nectar sa fleur transpirée.

_

Tout son temps tout s’éparpille.

On quitte sa mémoire fauchée

les bourdonnements ses petites langueurs d’éponges à la sortie des mots.

Ça veille on ne sait quoi sa lumière estompée.

L’horizon gras réserve d’inextinguibles miens miennes cataplasmed’augures de vents séchés sa salaison

nourriture blottiesuspendue.

_

La ville faille ses cueillettes dévêtues ses conquêtes chagrines à ses pieds l’impossible

sa cigarette écraséesa descente son accélération petit crépuscule.

Ses extinctions multipliées. N’être pas ses mouvementsdivisibles.

_

Mais mettre ce jour le feu dans ses poches cardées et posséder dans ses poches sales ses poches seules.C’est maître de quelque chose

quand bien même

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SAISON BAROQUE 31

ses solitudes ses intervalles ne nomment rienétouffent le secret des parades.

Déjàs’identifier c’est se donner à vomir son dégoût sa naissanceses lâchetés d’alliances ces trahies honteuses

les séjours à n’être pas dans un souvenir sur un sexeson front réanimé même si ça pue ses idées sa viene craint l’orage l’ordinaire son cœur

recommencé.

_

Puis de sa souche brûler de quelque chose qui fume sa présence

chacun n’est pas personne

dépouillé lentement étourdi.

On emprunte bien sa mort puiséedans sa dette ses forces qui basculent lentementet un peu plus

pour n’être pas son ombre congédiée.

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32 SAISON BAROQUE

PREMIER GROUPE

VERBES EN –ER : LIBERTER Par Mathieu Blais

66

INDICATIF SUBJONCTIF Présent Je libert e Tu libert es Il/elle libert e Nous libert ons Vous libert ez Ils/elles libert ent

Passé composé J’ai liberté Tu as liberté Il/elle a liberté Nous avons liberté Vous avez liberté Ils/elles ont liberté

Présent Que je libert e Que tu libert es Qu’il/elle libert e Que nous libert ions Que vous libert iez Qu’ils/elles libert ent

Passé Que j’aie liberté Que tu aies liberté Qu’il/elle ait liberté Que nous ayons liberté Que vous ayez liberté Qu’ils aient liberté

Imparfait Je libert ais Tu libert ais Il/elle libert ait Nous libert ions Vous libert iez Ils/elles libert aient

Plus-que-parfait J’avais liberté Tu avais liberté Il/elle avait liberté Nous avions liberté Vous aviez liberté Ils/elles avaient liberté

Imparfait Que je libert asse Que tu libert asses Qu’il/elle libert ât Que nous libert assions Que vous libert assiez Qu’ils/elles libert assent

Plus-que-parfait Que j’eusse liberté Que tu eusses liberté Qu’il/elle eût liberté Que nous eussions liberté Que vous eussiez liberté Qu’ils/elles eussent liberté

Passé simple Passé antérieur IMPÉRATIF Je libert ai Tu libert as Il/elle libert a Nous libert âmes Vous libert âtes Ils/elles libert èrent

J’eus liberté Tu eus liberté Il/elle eut liberté Nous eûmes liberté Vous eûtes liberté Ils/elles eurent liberté

Présent Libert e Libert ons Libert ez

Passé Aie liberté Ayons liberté Ayez liberté

Futur simple Je libert erai Tu libert eras Il/elle libert era Nous libert erons Vous libert erez Ils/elles libert eront

Futur antérieur J’aurai liberté Tu auras liberté Il/elle aura liberté Nous aurons liberté Vous aurez liberté Ils/elles auront liberté

CONDITIONNEL Présent Je libert erais Tu libert erais Il/elle libert erait Nous libert erions Vous libert eriez Ils/elles libert eraient

Passé 1ère forme J’aurais liberté Tu aurais liberté Il/elle aurait liberté Nous aurions liberté Vous auriez liberté Ils/elles auraient liberté

INFINITIF PARTICIPE Passé 2e forme J’eusse liberté Tu eusses liberté Il/elle eût liberté Nous eussions liberté Vous eussiez liberté Ils/elles eussent liberté

Présent Liberter

Passé Avoir liberté

Présent Libertant

Passé Liberté(e) Ayant liberté

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SAISON BAROQUE 33

PREMIER GROUPE

VERBES EN –ER : LIBERTER Par Mathieu Blais

2222

INDICATIF SUBJONCTIF Présent Je libert e Tu libert es Il/elle libert e Nous libert ons Vous libert ez Ils/elles libert ent

Passé composé Je suis liberté Tu es liberté Il/elle est liberté Nous sommes liberté Vous êtes liberté Ils/elles sont liberté

Présent Que je libert e Que tu libert es Qu’il/elle libert e Que nous libert ions Que vous libert iez Qu’ils/elles libert ent

Passé Que je sois liberté Que tu sois liberté Qu’il/elle soit liberté Que nous soyons liberté Que vous soyez liberté Qu’ils soient liberté

Imparfait Je libert ais Tu libert ais Il/elle libert ait Nous libert ions Vous libert iez Ils/elles libert aient

Plus-que-parfait J’étais liberté Tu étais liberté Il/elle était liberté Nous étions liberté Vous étiez liberté Ils/elles étaient liberté

Imparfait Que je libert asse Que tu libert asses Qu’il/elle libert ât Que nous libert assions Que vous libert assiez Qu’ils/elles libert assent

Plus-que-parfait Que je fusse liberté Que tu fusses liberté Qu’il/elle fût liberté Que nous fussions liberté Que vous fussiez liberté Qu’ils/elles fussent liberté

Passé simple Passé antérieur IMPÉRATIF Je libert ai Tu libert as Il/elle libert a Nous libert âmes Vous libert âtes Ils/elles libert èrent

Je fus liberté Tu fus liberté Il/elle fut liberté Nous fûmes liberté Vous fûtes liberté Ils/elles furent liberté

Présent Libert e Libert ons Libert ez

Passé Sois liberté Soyons liberté Soyez liberté

Futur simple Je libert erai Tu libert eras Il/elle libert era Nous libert erons Vous libert erez Ils/elles libert eront

Futur antérieur Je serai liberté Tu seras liberté Il/elle sera liberté Nous serons liberté Vous serez liberté Ils/elles seront liberté

CONDITIONNEL Présent Je libert erais Tu libert erais Il/elle libert erait Nous libert erions Vous libert eriez Ils/elles libert eraient

Passé 1ère forme Je serais liberté Tu serais liberté Il/elle serait liberté Nous serions liberté Vous seriez liberté Ils/elles seraient liberté

INFINITIF PARTICIPE Passé 2e forme Je fusse liberté Tu fusses liberté Il/elle fût liberté Nous fussions liberté Vous fussiez liberté Ils/elles fussent liberté

Présent Liberter

Passé Être liberté

Présent Libertant

Passé Liberté(e) Étant liberté

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34 SAISON BAROQUE

en sciences humaines profil bièrele marathon cannibale desjours d’austéritéoù les monologues périphériques d’unesilhouette conduit une harmonie autodestructriceenterrant de ruminationsles mobilisateurs

en deçà de l’auréole torridel’astre du jour etles vents givre une piste de Doc’s et de Columbias s’est traçée sur la baie Ouareaulorsque filèrent à bon train les luronslibres

appuyé sur le cadreles pupilles dilatées entrela fenêtre et le trépasles œillades mitraillent et chaque décharge sèche fait ressurgir l’asphyxieauto-érotique chronique c’est à s’en arracher les bourgeons oculaires

une moule d’écluse vivante quimourait d’ennuile mois de mars aussiune moule d’écluseune vraie de vraie de Chambly choisit la Richelieuà nuet la Neige

BENJAMIN BOUCHARD

Loup & Mars

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SAISON BAROQUE 35

CORALIE BEAUDIN-PILETTE

En transparenceQui dira la joie qu’on éprouve à disparaître, à faire faux bond, à se soustraire, à tout laisser derrière soi, et à se fondre dans le paysage ?Christian Garcin

Assise sur un banc de parc, j’abandonne mes sens. Hors de moi — la lumière de fin de jour, ce qui gronde et ce qui craque, tout ce qui tremble et la chaleur qui se dissipe. Alors tout se dépose en surface. Prend sa place.

Rien n’atteint mon corps.

Rien ne me foudroie.

Rien ne me transperce.

Immobile, j’aspire les oiseaux et recrache leur chant, une note à la fois. Les branches dans mes cheveux, jusqu’aux racines, avec mes cœurs, mes voix, mes peurs, avec mes espoirs entortillés, je m’enfonce. J’écoute les insectes dans les hautes herbes qui m’entourent, et je poursuis l’effacement. Je lichen et je grimpe lierre, je terre et j’écorce. Je me disperse et mes ongles sont l’usé du bois.

La forêt, en cri à finir.

Rien sinon moi.

Et l’écho pour répondre.

Des promeneurs me frôlent, aucun ne me remarque. Ils m’emportent avec eux, obsidienne fragmentée. En transparence — seule la mouche, seul le regard d’un enfant, seule la densité vivante des choses et moi fusion, en texture et en matière. En superposition, je traverse la rosée. Je me déforme et je n’ai plus de raison de revenir.

Tout le monde semble avoir oublié et rien ne me dépasse.

Rien ne me suffit plus. Rien ne m’existe.

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36 SAISON BAROQUE

Le désert de mes nuitsEmy Gagnon

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SAISON BAROQUE 37

Avec les bois phosphorescents de mon epoque

MATHIEU BLAIS

C’est dans le ciel les oies qui signent le printemps le sacrent aube et jour JC’est dans les murs la ville la sourde linguistique des aveux les deux pieds dans le malaiseC’est dans les arbres ras le vent écran l’envie pour retourner à ça et pourrir à çaC’est dans la pluie les flaques et la boue des parcs le sel de l’époque égarouillée nos glaises d’architectesMe reste chien de plâtre mon cœur MoiEt les poulies de ma langueUn vocabulaire à l’arrachéDans le sinistre des désastres Pour domestiquer les futursEn apostrophant le millénaire comme on câle un buck.

***

Je crois à la petite fin, au jouir du jour, à ce qui pend au bout de l’arbre, à la fosse où ils ont jeté leurs corps, je crois à leur violence, à leur existence, elle est tangible, elle me rappelle que je ne suis pas comme ça, je crois à ce qui ne viendra pas, ce qui ne viendra jamais, et je me déteste parce que je me mens.

Une caisse de bières achetée au dépanneur, encore.Et je m’emmure davantage.

***

J’écris des continents de faïence, j’écris avec un crayon Ikea sur la reconquête des stationnements, je me soumets à demain, demain en porte la lumière, demain en porte la promesse, demain moi, en chienne de travail, à genoux devant moi, à m’écrire dans le repos et la trouée que fait le jour dans ma propre nuit.

J’indépendance mon cœur à l’abri des autres.Et dans l’appartement, il y a un silence de plus.

***

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38 SAISON BAROQUE

C’est une mère qui lève la main pour se protéger du soleil étale sa peau nette comme du cuirC’est un père au recommencement et il y a des épinettes et des soleils qui ne se suffisent plusC’est un enfant qui court derrière entre les branches qui craquent d e s b r u i s s e m e n t s perméablesC’est une nouvelle ère dans l’encoignure une brise du nord parfumée au chlore Me suffit MoiLa déglingue du cœur Sa grammaire d’anarchisteAvant que je ne me décide Sur la syntaxe des sièclesÀ ne plus regarder derrièreOù l’on brandit les tares du moment comme on exhibe un panache de 75 pouces.

***

Quand je trouverai la porte, la sortie, quand je m’étirerai d’ici, alors je voyagerai au couteau par la densité, un quasar dans les poches, mais avant je veux m’éjouir avec toi, les corps, les hémisphères en suspension, je veux le cœur saigné et l’envie de frencher, le mal de ventre, au cou les morsures, toi surtout, sans ma colère, sans ma honte, sans ma gêne.

Près des écorchis du millénaire, le Kraken.Et plus près de moi, un chemin.

***

Le temps commence là, maintenant, devant la porte et ça beat la tête par l’intérieur, un son mat de tambour, c’est le négrier de leur histoire que je quitte, mon appartement en flammes, des comptes en souffrance, ma collection de crayons Ikea et mes rêves d’une nouvelle cuisine, j’entends les sirènes, les zeppelins explosent, et l’imaginaire du faux et de la fuite l’emporte.

***

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SAISON BAROQUE 39

Mais après ce devrait être toutLa phonétique des silencesLes mouvements lentsUne pierre qui s'enfonceDans le langage du fleuvePour rejoindre d’autres pierresSous-marines et rondesÉlevées en totemEn acte de foiObligé par la désespérance À force de toujours lancerSa rage au même endroit et ses cris D'en ériger sa volontéSecrètementAu fond de toutDe toute choseInvisible de la surfaceD’où j’arbore pourtant les bois phosphorescents de mon époque.

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40 SAISON BAROQUE

SARAH BRISEBOIS-KIRK

Si l’on m’avait dit que je me perdrais autantdans l’ombre qui m’avait toujours fuie je t’y aurais laissé la place

Je suis celle que l’on cueille déjà mûredans son éclat éphémère Qui suis-je quand tu rayonneset que je n’en vois la clarté?

et ton cœur enfoui sous les pourrissures de l’angoisseà force de t’avoir tout donnéj’ai dans l’âme quelque tache permanentela rancune des mal-aimés j’ai tout à perdre et si loin à reprendre

Attente

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SAISON BAROQUE 41

Cœur : où ton âme se reposedans les bras d’une chaleur qu’on avait jusque-là oubliée – La fissure qui peu à peu libère tes océans le luth résonne l’ondée retentit et renverse nos cœurs dans un violent éclat –Le temps se refermetes pupilles contemplent les cieux révoltésLa goutte s’accroche encore à la pointe du rocheret oscille devant cet abîme qui te refuse encoreTu replonges en ton centreTu consumes tes derniers instantstandis que tes cendres volent déjà au lointandis que le ciel goûte déjà meilleursi tu t’en approchesTu fermes les yeuxtes mains s’immergent dans une eau douce et aimante – c’est l’heure – Et ton corps resté sur la rivete renvoie l’écho des clapotistandis que tu t’éloignes avec ton cœurLe soleil assiste toujours à son déclin tardif

Dernier sillon

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42 SAISON BAROQUE

Peux-tu seulement voir la douceur qui glisseentre mes mains quand je tiensle monde en étreinteje caresse tes cheveux largués sur mon épaulele tressaillement des sanglots refoulésdans ce labyrinthe où nos vies s’entrecroisenttu déroules la mer sur tes jours grisâtrescomme tu peindrais la toile d’une poignée liquidela goutte oscille sous le nuagetu écoutes le silence qui rebondit sur les sofas de cuiravant qu’Hiroshima ne résonneles grains de sable s’empilent sur la berge insondable

Sans être

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SAISON BAROQUE 43

INGRID MOURTIALON

Je me souviens du froid.de ta joue brûlée.

Des lèvres parcheminéesqui m’embrassaient de loin

Des lions aux fronts de feuImmobiles.

***

Marcherle long d’une allée inconnuecomme si on ne devait jamais revenir

Des enfants jouentdans un hôpital mort

Tout se tait – avec passion –une froide ferveurembrase le bois du monde.

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44 SAISON BAROQUE

Ton sang gît dans mes entraillesje suis couchée entre deux portes

mon cœur se batcontre une armée secrète Tes ligaments brûlent mon âmele mal de ta voix m’envahit Auprès de toi partout où passe la viej’interroge des ombres qui n’en finissent pas d’existerelles se posent entre les toits comme des colombes d’argile partout en moi tu me transpercesj’en ai les os glacés

***

Au creux du soleil bleuje me fatigue de ne rien faireà poser un pied après l’autresur la table du monde.

Les druides inutiles s’envolent distraitementpliant nos jours tels des journaux froissés.

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SAISON BAROQUE 45

C’est l’heure. L’heure où les tarmacsrencontrent la cruauté, l’heure oùl’épicier écoute les chants tristes du blasphème.

Voici mes champs oubliés, les jolies brisures du monde.Avec le temps les oiseaux se taisentdans la nuit voletanteils ne vont plus chercher les miettes grasses du jourque l’horizon a avalées

Avec le temps, il fait toujours plus froid sous les éviers.

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46 SAISON BAROQUE

Portrait à la Saint-PatrickClément Isaac

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SAISON BAROQUE 47

CLÉMENT ISAAC

Pour une solitude liée à l’espace

Tout ce qu’elle soupireelle peut l’expierà l’inspiration elle prend la poésieelle l’entame

***

Elle nait par abandonscomme on peut se permettre de petites pulsationss’attache à mes au revoirtendue de se permettredes lendemains sans secoursde mes bras de mes mainsson regard parallèle à mon cœurelle jaillit de mes yeux

***

Il lui faut ranger ses pleurscacher son suc dans les armoires de sa petite chambrela propreté va avec les artificesdu calme et du mensonge

Un va-et-vientdes larmes au sang

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48 SAISON BAROQUE

Elle a de l’altitude dans les yeux au niveau de la mer pleine de vertigela hauteur de sa vision suffit

***

Une fois de plus plagiée du torsesi elle opère plus souventcomme sur un jeu de tableelle trichera aux surfaces de l’amour

Elle et moi parlons attendant qu’elle arrive

***

Une poignée de deux toucherselle tâte sans s’y coudrequand elle me rejoint en chute libreelle croit que le mouvement est latéral

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SAISON BAROQUE 49

Elle a de l’altitude dans les yeux au niveau de la mer pleine de vertigela hauteur de sa vision suffit

***

Une fois de plus plagiée du torsesi elle opère plus souventcomme sur un jeu de tableelle trichera aux surfaces de l’amour

Elle et moi parlons attendant qu’elle arrive

***

Une poignée de deux toucherselle tâte sans s’y coudrequand elle me rejoint en chute libreelle croit que le mouvement est latéral

Trainée partoutjusqu’à ce qu’elle habitepleinement un lieu de son corpselle y voit doubleet conclut que seule sa jumelleest unique

***

Un lapsus dédié à son nomce pseudonyme qu’elle reçoitlui fait mendier ses origines

Un soupir débordant en sursautil se remplissait d’un secret

***

Elle veut pour toute sa descendancel’ascension au continentla fin de la journée est aussiun endroit sur Terre.

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50 SAISON BAROQUE

VINCENT FILTEAU

Derrière la voix

Je n’ai pas écrit de poèmes depuis des mois.

La nuit est terriblement froide. Je roule depuis des heures dans la tristesse des rangs. C’est toujours la fatigue et la détresse de l’écriture qui me conduisent là-bas. La route étroite se réduit à un amas de poussière ocre, à quelques cris de corbeaux et je m’impatiente du disque endommagé de Jimmy Rodgers, des plages sonores qui sursautent dans l’obscurité.

Une clairière surgit devant moi. Il suffit de se déprendre de la beauté, quitter cette route de terre un instant ; devenir le bruit humilié des âmes, des branches grises se rompant contre mon passage. Je cherche une lumière qui me refuse et me détruira ; cette lumière est une force de destitution.

Cette pauvreté est irréparable, sa prière l’est tout autant : apprends la dévotion du vide.

À Paul Bélanger

Continuer d’écrire, même lorsqu’on croit que l’écriture ne donnera aucune réponse, ne sera aucun chemin, telle est sans doute la pauvreté la plus

grande, l’humilité la plus difficile. Mais c’est cela, me semble-t-il , la condition pour que la poésie, la littérature soient constamment ramenées,

réduites à l’essentiel, à cette solitude commune à tous les êtres humains quand ils se taisent et regardent, en eux et autour d’eux, ce mélange de

lumière et d’obscurité qui les compose.

Yvon Rivard, Personne n’est une île

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SAISON BAROQUE 51

Ce que je reconnaissais comme ma voix a brisé sa hantise. Si je refuse d’écouter cette faille, je me retrouve dans la langue piégée des modèles et des littérateurs, privé de cette autre voix inattendue qui seule sait ouvrir les mots et les faire différer de cette façon dont la commande publicitaire ventriloque et abrutit la langue. Rien ne fait plus peur : la voix ne sait que donner.

L’écriture se charge d’être attentive à cette fragilité qu’accueille la voix ; c’est à travers cette rigueur, cette attention mouvementée que la langue échappe aux consécrations souvent paralysantes de la littérature, aux procédés cadavérisants des pratiques esthétiques du marché et de l’institution littéraire elle-même (lancements de livres, festivals de toutes sortes, colloques pompeux de sémioticiens retraités, soirées de poésie-rock étriquées, etc.) que Meschonnic reconnaît justement sous le nom de « célébration de la poésie » : c’est cela, célébrez, continuez de célébrer ces dépouilles affolées, brûlez absolument tout. Avec un peu de chance, il restera peut-être quelque chose.

Une voix préenregistrée s’élève dans l’intercom : à présent, vous n’êtes plus responsables de rien.

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52 SAISON BAROQUE

Tout comme l’écriture, les pannes sèches constituent une sortie redoutable de la littérature et des idées qu’on peut s’en faire : où suis-je quand je ne suis plus attentif et que l’écriture disparaît durant de très longues périodes ? Il est facile de se condamner, de penser au pire : je n’écrirai plus jamais, cette perte de voix trahit mon imposture. Or, c’est précisément contre ce poncif endurci de l’écrivain incapable de s’arrêter d’écrire que se construit l’exigence de la négativité, la dévotion pour le vide. Peut-être devenir un « véritable écrivain », si cela existe, consiste davantage à se taire souvent qu’à écrire même dans son bain.

Chaque pratique est traversée de ces crises qui font en sorte que l’on redevient étranger à cette chose même qu’est l’écriture ; on ne sait littéralement plus comment écrire. On est alors forcé de désapprendre, de retrouver une voix qui cessera de répéter ce qu'on a déjà écrit, ce qui cherche à s’imposer comme modèle à suivre. Cela peut durer des mois, des années. Il s’agit d’atteindre ce que Deleuze appelle la « puissance impersonnelle » de l’acte créateur, là où « être écrivain » est sans importance. On ne passe jamais aux aveux, il faut sortir de ses propres blessures ; l’écriture ne peut porter ce que je tente de lui confier.

En fait, il est impossible de coïncider avec l’écriture, ni avec quoi que ce soit ; toute crise, tout arrêt prolongé, les silences mêmes forment ces résistances fécondes, nécessaires à la continuité de l’écriture. Cette voix derrière la voix est une grâce, un pur abandon : elle veille sur soi quand on ne sait plus parler.

Les obstacles veulent nous aimer.

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SAISON BAROQUE 53

ADRIEN LEDUC-MÉNARD

En suivant une outarde

Poèmes de la Côte-Nord

Il écrivait des poèmescomme venu du corps d’un autre

Dans une fixation interdite

Sur un bord de mer.

La grisaille impatiented’un long ciel d’eaume crucifie auxmilliers de poutresd’une auberge jeunesseplus propre que moi.

Poèmes du Nord de l’Ontario

La méditation se veut totaledans l’éclosion du paysage du Nord de l’Ontariooù il n’y a que le silencequi soit beauoù la sagesse fatiguées’exprime la bouche closeoù il n’est pas possible de s’acheterde la bièreaprès six heures

Je lis seulà Wawa

Le bourdonnement de Montréalne goûte bon que lorsque j’ail'haleine presque inflammablepar habitudej’ai voulu gâcher la nuitd’une petite rivièreoù vivaient des castors

Y'a rien qu'icitte qu'on est ben

Richard Desjardins

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J’ai la chance de gazer à la dernière station avant 150 km où la saloperie humaine sentait le besoin de vendre des cossins style amérindien, mais la couverture à la mexicaine me tentait.

En roulant dans Sudbury pas le choix de voir au pas-si-loin les trois tours d’une fonderie qui fait vivre la ville en sangsue de la roche mère.

En rentrant à Timmins c’est écrit : Bienvenue dans la ville de Timmins. Sur une ligne droite de trois ou quatre kilomètres, de chaque côté de la route sur environ 500 m la forêt est saignée à blanc. Par la suite, il est apaisant de voir quelques McDo et au moins trois Tim / de ne pas voir les trois mines à ciel ouvert qui tiennent la ville en assaut.

Lorsqu’on me demande:pourquoi tant de voyagesvers si peuje réponds que:J’ai trop lu Kerouacentre deux pauses poème-clopesur la route de la recherche chimiquedu paysage purle gaz brûlecomme tous les derniers tisons

Une canne de soupe froidela faim tombe elle aussidans l’oubli des primitifsen pique-niquesur un sable de tabacde poussièreacheté aux Indiens

Au bord du lacla moto refroidiemon corps à moitié nuse chauffed’un soleil en peine

Ici, pas de bourgots

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SAISON BAROQUE 55

Poèmes de Montréal

La rumeur d’un restaurantle bourdonnement d’un barle silence d’un verre qui se vide

J’ai pris l’habitudede traverserl'écho des autrespour trouverune table au fondun bon endroit pour écriresaoulmalgré que j’écrispeu et mal ici

Un pichet de bièrepour lequelje n’ai aucun verreje bois seulet elle me semblecoupée avec de l’eaule scotchde ma bouteilleme manque

Le froid même en plein jourgarde ma moto au calme

Tandis quela nuitje fais grincer mon foieà Montréalen nostalgiquede quand je n’en prenaisqu’une pour la route

L’Coeur su’a main, l’Foie dans l’autre

Québec Redneck Bluegrass Project

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56 SAISON BAROQUE

La bêteDavid Côté

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SAISON BAROQUE 57

CLAUDE BEAUSOLEIL

L'Aventure Romantique

Lord Byron / Poème # 1(poète britannique – 1788-1824)

Dans le panache hautain des exilsen sulfureuse légendeune voix prend le ciel à témoinsur l'or tendre des vagues

d'un pays quitté honnid'une enfance meurtrieaux décors d'arabesques solitairesde tout cela le poète s'éloigne

langage délié des mythesreconduits à la perfectionavec l'entêtement d'un vainqueur

l'appel de l'ailleurs issud'un mouvement irrésistibleemportant le poète et sa vie

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58 SAISON BAROQUE

Percy Bysshe Shelley / Poème # 2(poète britannique – 1792-1822)

Célébrationslumineux poètedes refuges lointainsidéaliste

rage douce des vivresdont nourrir les espritsShelley si loinsi proche

chant d'harmonieaux couleurs solidairesprojets d'échos

délicate allégressele destin disperseta révolte sous la mer

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SAISON BAROQUE 59

William Butler Yeats / Poème # 3(poète irlandais – 1865-1939)

En présence des angescernant les ombres mauvesd'un boisé découpésur la ligne du soir

Yeats d'une voix tendrerépète que la poésieassume les blessureset permet les envols

traversée d'intuitionssource et flamme retrouvéesen de larges nuances

l'être humain y renaîtcorps et âme rassemblésdans l'énigme du vent

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CORALIE BEAUDIN-PILETTEAncienne étudiante en lettres d’Édouard-Montpetit, Coralie étudie maintenant en création littéraire à l’UQAR. Pour cette édition d’automne, elle explore le désir de disparaître, toujours à travers cette relation particulière qu’elle entretient avec la nature.

VICTOR BÉGINVictor a grandi dans le ventre de sa mère, d’où il est sorti et a tout de suite décidé de faire des films. Il a un DEC en Cinéma d’Édouard-Montpetit (2014) et il étudie présentement en écriture de scénario et création littéraire à l'université, en plus de continuer à faire des films, de la photo, des projets personnels… Bref, c’est un homme multitâche.

KRYSTEL BERTRANDKrystel Bertrand a reçu son diplôme du programme Arts et Lettres du cégep Édouard-Montpetit en 2010. Elle est étudiante à la maîtrise en études littéraires à l’Université du Québec à Montréal. Ses travaux portent sur l’expérience paysagère dans la poésie de Marie Uguay. Krystel pratique l’écriture comme d’autres pratiquent une religion, seulement au besoin.

MATHIEU BLAISMathieu Blais enseigne la littérature au cégep Édouard-Montpetit. Il écrit aussi, romans et poésie. Le reste du temps, il aspire à une plus grande liberté.

BENJAMIN BOUCHARDIl envisage son parcours collégial comme un maniaque lorsqu'il rencontre Adrien Leduc-Ménard, qui n'a pas de barbe. Ben le « Ti-Coune » rejoint alors sa meute d'ivrognes collégiens. Une âpre compagnie. Il sacrifie ses nuits afin de se faire des idées « intellectuelles ». C'est alors, en tant que bum nouveau-né, qu'il déteste trop souvent la musique et prend goût à la littérature. Il lâche soigneusement le Cégep à trois reprises, a les yeux bleus et bosse au Café Capharnaüm.

BIOGRAPHIES DES COLLABORATEURS

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SARAH BRISEBOIS-KIRKSarah Brisebois-Kirk a trouvé sa voie en lettres lorsqu'elle étudiait au cégep Édouard-Montpetit, où elle a découvert le charme qu’exercent les mots sur elle. Désormais au baccalauréat en études littéraires et culturelles à l’Université de Sherbrooke, elle ne cesse de se découvrir elle-même à travers ce miroir qu’est la littérature.

NATHALIE ETHIER Nathalie Ethier a fait des études en Art et Lettres au Collège Jean-de-Brébeuf puis à l’Université McGill où elle s’est intéressée, entre autres, à la marche comme authentique exercice spirituel chez les auteurs romantiques. Elle est professeure de littérature au cégep Édouard-Montpetit depuis 1994 et publie exclusivement dans Saison Baroque.

VINCENT FILTEAUVincent Filteau est né à Saint-Jean-sur-Richelieu en 1991. Poète et essayiste, il a fait paraître quelques textes dans des revues, dont Les Écrits (n°o 142), et a participé à des lectures publiques. Il se consacre présentement à un mémoire sur l’œuvre poétique de Patrice Desbiens et de Benoit Jutras.

FRANÇOIS GODINOriginaire de Grand-Mère en Mauricie, François Godin a vécu une enfance modeste avec son frère jumeau, complice de tous les jeux. Quand il n’enseigne pas la littérature au collège Édouard-Montpetit ou qu ’il prend des pauses d’écriture, on peut le retrouver en train de taquiner la truite sur le lac, quelque part en Mauricie, ou de rénover une salle de bain. Si l’apocalypse survenait et qu’il en sortait vivant, il pourrait sans peine se construire une cabane dans le bois, manger du poisson et réciter des poèmes pour se divertir.

SÉBASTIEN HAMELSébastien Hamel est né à Montréal en 1972. Il enseigne la littérature au cégep Édouard-Montpetit depuis 1998. Ses poèmes sont souvent narratifs et ses tentatives de romans poétiques. Empêtré, il pense maintenant publier des livres de recettes puisqu’il cuisine très bien. Il se promet d’écrire en alexandrins une recette de biscuits à l’avoine avec brisures de chocolat à l’hémistiche.

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CLÉMENT ISAACClément Isaac est un être odorant quand il se lave. Ses poèmes possèdent les mêmes arômes que lui. Quand il ne parle pas de lui-même à la troisième personne, il aime ne pas réfléchir, puis réfléchir. Il raccourcit les distances entre ses études en éducation spécialisée et toutes formes d’art. Trouver des bonnes idées sont ses récréations. S’il voit qu’un poème est occupé, il va à une autre table et maugrée qu’on lui ait pris sa place.

ADRIEN LEDUCAdrien Leduc Ménard baptisé dans le coin de Montréal avec de l’eau bénite passée date, se découvre un mode de vie entre les voyages à moto et la poésie qui en surgit. Bon vivant selon certains, symbole de l’autodestruction selon d’autres, il récupère de la brosse d’hier et se prépare à celle de ce soir. Si tout va bien, il devrait se mériter un diplôme collégial dans un avenir rapproché, mais en attendant, allez donc lui payer un verre.

BENOÎT MONCIONEst né dans deux villes en même temps, mais le même jour. Il écrit de la poésie en attendant. Parfois, il aimerait s’intéresser un peu plus à la physique quantique qu’il ne comprend pas très bien. On ne lui connait pas de plat favori.

INGRID MOURTIALON Née en 1975 à Clermont-Ferrand, française d’origine martiniquaise, j’ai grandi en banlieue parisienne. Après avoir vécu en Martinique de 1982 à 1993, j’ai poursuivi mes études à Paris : maîtrise de philosophie à Paris IV Sorbonne, D.E.A. de philosophie à Paris I Panthéon-Sorbonne, études doctorales à Paris I Panthéon-Sorbonne et à l'Université de Montréal. Au Québec depuis 2005, je suis professeure de philosophie au cégep Édouard-Montpetit depuis 2007. J'ai publié deux recueils de poèmes, Criblée d’enfance (prix des Trouvères 2006) et Le Front contre le temps (prix de la vocation de la Fondation Marcel- Bleustein-Blanchet).

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Toute l’équipe de la revue SAISON BAROQUE souhaite remercier la Direction des Affaires étudiantes et communautaires pour son soutien financier, Diane Lamarche, aux Services socioculturels, pour son aide précieuse, Céline Leblanc et la Direction des communications, affaires publiques et relations gouvernementales et le Département de littérature et de français sans lesquels ce numéro n’aurait pas pu voir le jour.

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En une seule phrase nombreuse Gaston Miron

cegepmontpetit.ca