revue de nouvelle acropole n° 260 – février 2015...

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1 Éditorial Pas de contrainte en religion ! La vérité se distingue assez de l’erreur ! Par Fernand SCHWARZ Président de la Fédération Des Nouvelle Acropole Sans aucune hésitation, Nouvelle Acropole et ses membres se sont solidarisés avec la rédaction de Charlie Hebdo lors des tragiques événements du 7 janvier 2015. Comme pour tout le monde, l’émotion fut aussi très forte lors des meurtres ignobles, commis de sang-froid, à l’hyper casher. Nous avons pensé aux victimes mais également aux communautés juive et musulmane de France. Après l’émotion et le Revue de Nouvelle Acropole n° 260 – Février 2015 Sommaire ÉDITORIAL : Pas de contrainte en religion ! PHILOSOPHIE : Anthropologie pour éclairer la raison PHILOSOPHIE À VIVRE : Vers où ? POÉSIE ET PHILOSOPHIE : «Symphonie héroïque» À LIRE AGENDA – SORTIR

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Éditorial

Pas de contrainte en religion ! La vérité se distingue assez de l’erreur !

Par Fernand SCHWARZ Président de la Fédération Des Nouvelle Acropole Sans aucune hésitation, Nouvelle Acropole et ses membres se sont solidarisés avec la rédaction de Charlie Hebdo lors des tragiques événements du 7 janvier 2015. Comme pour tout le monde, l’émotion fut aussi très forte lors des meurtres ignobles, commis de sang-froid, à l’hyper casher. Nous avons pensé aux victimes mais également aux communautés juive et musulmane de France. Après l’émotion et le

Revue de Nouvelle Acropole n° 260 – Février 2015

Sommaire • ÉDITORIAL : Pas de contrainte en religion ! • PHILOSOPHIE : Anthropologie pour éclairer la raison • PHILOSOPHIE À VIVRE : Vers où ? • POÉSIE ET PHILOSOPHIE : «Symphonie héroïque» • À LIRE • AGENDA – SORTIR

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partage des convictions républicaines du 11 janvier, beaucoup de voix se sont élevées pour qu’une fois l’émotion passée, le temps de la réflexion commence. Pour ce qui touche à la liberté de pensée et d’expression, les faits religieux, la notion du sacré et l’islam radical, notre société vit dans de grandes confusions. Beaucoup de concepts doivent être clarifiés et pris en compte afin que ces tragiques événements contribuent à faire évoluer la société vers un meilleur vivre ensemble. Un grand mélange de niveaux de réalité s’est exprimé. On ne peut pas confondre l’irrévérence, la moquerie, la remise en question à travers un crayon et du papier avec une réponse à la kalachnikov ; les niveaux ne sont pas les mêmes. Mais comme l’a très bien expliqué Guillaume Tabard (1), «se battre pour que Charlie Hebdo existe, ça ne veut pas dire se convertir à sa ligne éditoriale ou applaudir à toutes ses caricatures […] Pour être cohérent avec les devoirs d’irrévérence qu’il exerce sur les autres, il faut revendiquer simultanément un droit d’irrévérence à son égard, c’est-à-dire, un droit de rire ou de ne pas rire, un droit de l’applaudir ou un droit de le critiquer, un droit de se dire parfois même choqué ou blessé, et même de dire quand on est blessé ou sali dans ses convictions, par exemple religieuses, par ces caricatures». Il est vrai qu’en France la figure juridique du blasphème n’existe pas ; ce n’est pas un délit pénal. Et même un blasphème ne peut jamais justifier un acte de violence. Mais il existe aussi, et il faut en tenir compte, le droit, et ce que ressentent les gens. Si nous voulons collaborer au dialogue dans une société meurtrie, nous devons prouver notre respect envers les autres, pour favoriser l’union, qui ne doit pas être confondue avec l’unanimisme (2). Nous ne pouvons pas nous couper des réalités du monde si nous voulons l’améliorer. L’enseignement de l’histoire des religions et du fonctionnement du fait religieux a été mis de côté pendant des décennies par l’Éducation nationale ; et l’inculture s’est installée. Mais il existe également de l’inculture du coté des croyants, ce qui entraîne les dérives sectaires et radicales. Un travail de clarification est nécessaire, et dans le cas de l’islamisme, c’est aussi aux musulmans de le faire, même si la grande majorité ne partage ni ne suit ses dérives. Le Coran n’interdit pas la représentation du prophète, ni la représentation humaine en général. Dans le monde chiite (3), il est très courant de voir dans les bazars des images d’Ali (4) ou d’hommes saints. Les options radicales de non-représentations des images sont des faits assez récents dans l’islam, qui n’ont commencé que vers le XVIIIe siècle. Dans le Coran, il n’y a qu’un seul texte qui en fasse mention : «le vin, les jeux de hasard, les idoles, sont des abominations inventées par Satan. Abstenez-vous-en.» Le mot idole se réfère littéralement aux bétyles, ou pierres dressées (ansab) qui désignaient les statues des païens. Ce qui est interdit, c’est de faire la prière face à une image, mais les images ne sont pas interdites dans l’espace profane ; c’est également le cas dans le judaïsme ou le calvinisme. C’est dans les Hadiths (les dits de Mahomet, qui furent écrits au moins cent cinquante ans après Mahomet) qu’apparaissent des divergences d’attitudes envers les représentations des images. Le recueil de l’imam Al-Boukhari (5), considéré par les savants sunnites à l’unanimité comme le plus authentique, explique, au IXe siècle, qu’il y a trois attitudes possibles envers ces dernières : les tolérer mais s’abstenir de les reproduire, les condamner ou les détruire. Les trois options sont ouvertes, et c’est à la conscience de chaque musulman d’en décider. Mais en aucun cas, elles n'incitent aux meurtres.

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La théorie de la «guerre sainte» ne vit le jour qu’au IXe siècle. Mahomet dans le Coran, emploie le mot djihad pour mobiliser les clans qui le soutiennent à Médine pour la reconquête de La Mecque. Il lança alors la notion de «djihad dans la voie de Dieu» (Coran, 5e sourate, verset 54) ; c’est l’unique mention du mot djihad. Dans ce cas-là, le sens employé par Mahomet est celui d’un effort d’une intensité inhabituelle qu’on doit s’imposer à soi-même. Le djihad consiste à pousser l’effort jusqu’au bout et de se mettre à la tâche consciemment, en respectant une vie morale. C’est une demande de respecter la règle tribale qui veut que tout engagement dans une action collective soit fondé sur le volontariat. Même si plus tard, le djihad a été associé à l’idée de la propagation de l’islam ou la défense de l’islam contre un danger, le djihad n’a jamais été considéré comme une guerre sainte d’extermination. En tout état de cause, les juifs et les chrétiens, en qualité de «gens du Livre» doivent être considérés comme des «protégés» dhimmi par la communauté musulmane. D’autre part, il est impossible de faire le djihad contre d’autres musulmans. Une fois la guerre déclarée aux infidèles, les non-combattants de la partie adversaire sont protégés. Le bon traitement des prisonniers est un devoir. L’occultation du véritable sens des textes de l’islam, l’utilisation de phrases sorties de leur contexte, ont permis une lecture finalement moderne et désacralisée de cette religion, provoquant des dérives qui conduisent à la barbarie. Les seuls impératifs auxquels sont soumis les musulmans sont les «cinq piliers» (6), qui sont des impératifs individuels. Le djihad ne fait pas partie des cinq piliers de l’islam. Aujourd’hui, il y a un immense combat, comme l’explique Jean-Paul Kauffmann (7), et il est planétaire. Deux visions du monde s’entrechoquent. D’un coté la froideur, la distance, le calcul, le cynisme ; de l’autre, le rêve, secret de générosité amoureuse, qui ne parvient que marginalement à s’exprimer. Il faudrait réapprendre à aimer sans perdre son sang-froid, sortir de l’angélisme et raison garder. (1) Émission «les coulisses du pouvoir» - Radio classique – 15 janvier 2015 (08h10-08h15) (2) Doctrine littéraire selon laquelle l'écrivain doit exprimer la vie unanime et collective, l'âme des groupes humains, et ne peindre l’individu que lorsqu’il est pris dans les rapports sociaux. (Cette esthétique fut particulièrement illustrée par Jules Romains.) (3) Les chiites ou shî’ites (le nom vient de Cha’ïa, signifiant «fraction, parti, hérésie», donné par les sunnites) constituent l’une des deux grandes branches de l’Islam (celle dont l’expression est la plus ésotérique), l’autre étant représentée par les sunnites qui se disent orthodoxes. Les chiites, qui s’appellent eux-mêmes Adéliés, partisans de la justice, ne reconnaissent qu'Ali pour légitime successeur de Mahomet et que les descendants d'Ali pour imams ou souverains pontifes. Ils rejettent les explications théologiques d’Abou Bekr (Abû Bakr Al Siddîq, vers 573 – 634) surnommé al-Siddîq (le Véridique) et compagnon du prophète Mahomet, devenu ensuite dirigeant religieux, politique et militaire, premier calife de l’islam après la mort du Prophète de 632 à 634. (4) (Abu al-Hasan ou Ali ibn Abi Talib (v. 600 - 661) souvent appelé Ali, qui signifie «celui est exalté» ou «élevé» était le fils de Abû Tâlib, oncle du prophète de l’islam Mahomet, qui l’a élevé et protégé comme son propre fils après la mort de son grand-père Abd-al-Mottalib. Ali fit partie des Ahlul bayt, la famille du prophète, qui tinrent une place de haut rang dans l’islam. Il a été le quatrième calife (656-661) et le premier imam pour les chiites et l'ascendant du reste des imams (5) Mouhammad al-Boukhârî, connu populairement sous le nom d’imam Boukhari ou d’Al-Boukhari (810-870), érudit musulman sunnite perse, ne cessa de voyager dans les territoires islamiques pour rassembler les propos et nombreux hadiths du prophète Mahomet (communication orale du prophète et par extension un recueil qui comprend l'ensemble des traditions relatives aux actes et aux paroles de Mahomet et de ses compagnons, considérés comme des principes de gouvernance personnelle et collective pour les musulmans, que l'on désigne généralement sous le nom de «tradition du Prophète») (6) La profession de foi, la prière légale, le jeûne du ramadan, l’aumône légale et le pèlerinage à la Mecque (7) Sociologue français (né en 1944), spécialiste de la vie quotidienne. Il a replacé ses premières analyses dans la problématique plus large de l’identité. Il travaille aussi, dans le cadre général de ses recherches au CNRS sur la socialisation et la subjectivité. Il intervient au Centre national de la recherche scientifique (centre de recherche sur les liens sociaux, université Paris Descartes – Sorbonne en1977).

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Philosophie

Anthropologie pour éclairer la raison Par Hector GIL Bien que les pays européens du Nord et du Sud n’aient pas la même vision de leur avenir, ils partagent les mêmes valeurs universelles véhiculées par la philosophie. Fernand Schwarz, anthropologue, philosophe et écrivain explique le rôle de la philosophie et ses champs d’application. Fernand Schwarz est le fondateur et le directeur international de l’Institut de Sciences Humaines Hermès. Pendant de nombreuses années, il a donné des cours au sein de l’école d’Anthropologie de Paris. Il s’est spécialisé dans le champ de l’anthropologie (1) de l’imagination et se consacre à la diffusion de la philosophie depuis près de cinquante ans. Une bonne opportunité Nous pourrions nous demander si la crise économique de l’Europe aura un effet significatif quelconque sur les valeurs humaines, c’est-à-dire si les gens recommenceront à s’intéresser à cet aspect que nous pourrions appeler plus «spirituel», malgré les effets négatifs évidents qu’il a sur le bien-être économique. Avant toute chose, nous devons considérer que toute crise est une opportunité et qu’elle n’est pas quelque chose de négatif en soi. Pour l’Europe, cette crise n’est pas seulement économique mais elle est la crise d’un modèle de fonctionnement général de la société. La conjoncture actuelle amène à remettre en question le modèle de société, ce qui offre des opportunités pour élargir les critères habituels concernant le bonheur et la signification du savoir-vivre ; en effet, jusqu’à maintenant, ceux-ci étaient purement matérialistes et n’ajoutaient aucune valeur métaphysique aux simples critères de bien-être ou de recherche du succès. Nous voyons même que, comme ils ne peuvent plus enrichir davantage leurs pays, les politiciens sont obligés de prendre en considération certaines valeurs et se lancent dans des discours dans lesquels ils se demandent si la société ne doit rechercher que le travail, l’argent et la prospérité matérielle. Nous commençons à voir des innovations dans ce domaine, mais il est évident que rien ne peut être fait si les hommes ne les prennent pas à leur compte et n’acceptent pas de remettre en question leur mode de vie. C’est là l’opportunité que donne la crise, mais ce qui en résultera dépendra de leur attitude.

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Nord et sud : des rythmes différents Les peuples du sud de l’Europe n’ont jamais eu une vision exclusivement économique de leur futur, parce qu’ils ont toujours accordé de l’importance à l’expression des sentiments. Certes, le climat plus chaud et les conditions géographiques ont eu leur part d’influence, mais il faut reconnaître que ces peuples sont plus proches de l’ancien modèle gréco-romain qui privilégiait davantage les relations humaines. Ils sont les véritables héritiers des Anciens dans leur façon de vivre et leur manière d’être. Les peuples septentrionaux, au contraire, avec une incorporation plus récente à la civilisation, se sont beaucoup appuyés sur l’efficacité des modèles commerciaux et industriels – les révolutions industrielles se sont développées du Nord vers le Sud – et ils pensent que ce modèle matérialiste économique, dans lequel prime la production, est celui qui convient pour le monde entier et ils veulent l’imposer à toute l’Europe. C’est là une erreur, parce que tous les pays ne sont pas préparés à vivre de façon identique ces modèles. Ils ont raison de dire qu’il faut montrer de la rigueur envers ceux qui volent ou qui pratiquent la corruption. Mais par exemple, la conception du temps chez les peuples du Sud est beaucoup plus dilatée que chez les peuples du Nord pour lesquels le fameux dicton «le temps, c’est de l’argent» prend tout son sens. Évidemment, si je pense qu’il ne faut employer le temps que pour gagner de l’argent, je suis en train d’ignorer une partie de l’être humain. Ce n’est pas qu’il ne faille pas penser à gagner de l’argent ou à avoir un travail, mais le temps permet aussi d’établir des relations profondes entre les êtres humains et des contacts avec la nature… Lorsque nous voulons arriver à un certain niveau de confiance avec quelqu’un, nous avons besoin de temps. Cependant, nous avons parfois l’impression que nous le perdons si nous conversons pendant une demi-heure avec un voisin ou si nous participons à une fête. Ce temps n’a apparemment pas d’efficacité matérielle mais il a une efficacité relationnelle, affective et intellectuelle. De fait, quand les Européens du Nord partent en vacances, ils choisissent des destinations comme

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l’Espagne, le Portugal ou l’Italie. Ils préfèrent cet autre monde plus expressif et moins austère, ce qui signifie que ce mode de vie a aussi son importance. Intégrer les valeurs du Nord et du Sud, c’est nous rendre compte que tout, à la longue, se traduit par une amélioration matérielle, étant donné que la façon plus ouverte de se conduire dans le Sud implique moins d’angoisses et de maladies psychologiques de type relationnel et, en conséquence, une consommation moindre de médicaments pour les traiter, avec sa répercussion sur les assurances sociales qu’il faut payer. Les pays du Nord et ceux du Sud doivent accepter de partager leurs capacités. Alors, oui, dans ce cas, apparaîtra la solidarité. Ce qui est peu efficace, c’est de prétendre aider quelqu’un en lui faisant comprendre que tout ce qu’il fait est mal fait, ou qu’il se trompe dès qu’il prend la moindre décision. Le modèle méridional n’est pas plus un désastre que le modèle septentrional n’est une panacée. Ceux du Nord peuvent apporter de bons conseils pour l’administration et les méthodologies ; ceux du Sud peuvent apporter une autre façon de s’approprier le rythme de la vie, une manière de gérer la culture… Il ne faut pas que se produise la sensation qu’une partie est tyrannisée par l’autre mais, au contraire, tous doivent se sentir valorisés parce qu’ils apportent le meilleur de ce qu’ils ont. En définitive : face à la résolution de la crise en Europe, nous agissons très mal. Pour rapprocher les différences, la philosophie L’expérience de diriger une institution philosophique comme Nouvelle Acropole en France pendant de nombreuses années, et d’en être le coordinateur en Europe me permet de disposer d’un point de vue sur la façon dont les différents pays font face aux situations. Les peuples paraissent différents parce que leur histoire et leurs coutumes les ont ainsi forgés, mais l’âme humaine, c’est-à-dire les aspirations métaphysiques des êtres humains, les idéaux de dépassement personnel et celui d’améliorer le monde sont les mêmes partout. Donc, les différences se situent à un niveau superficiel et pas à un niveau profond. L’objectif de la véritable philosophie est de toucher un petit peu l’âme des peuples et pas seulement les apparences. De tous temps, le rôle de la philosophie a été de civiliser, de cultiver, d’améliorer les personnes, en respectant la manière d’être de chacun et l’idiosyncrasie (2) de chaque collectivité. Dans ce sens, notre façon de comprendre la philosophie nous permet d’apprécier les vertus de chaque peuple et de les mettre à profit pour faire émerger dans chaque communauté les choses positives que la philosophie peut offrir. En chaque endroit, nous pourrions trouver quelque caractéristique positive comme tonique générale. Bien évidemment, chaque collectivité a aussi ses aspects négatifs, mais la philosophie enseigne qu’il est préférable de les accepter en les considérant comme des fragilités qui peuvent être surmontées, plutôt que comme des défauts irréductibles. L’important est de se rendre compte qu’il existe en chaque peuple des aspects qui peuvent être améliorés. En comprenant cela, l’expérience philosophique permet d’affirmer que les carences peuvent être utilisées comme point d’appui des aspects positifs. Toute situation analysée avec un esprit philosophique révèle l’existence d’un élément profond commun à tous les humains et qui est régi par les mêmes lois, malgré les formes différentes. Grâce à cet élément universel, les faiblesses d’une société peuvent être améliorées.

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Approche anthropologique : philosophie et raison La philosophie présente des propositions qui clarifient beaucoup d’aspects de la vie humaine, non seulement son aspect social, mais aussi d’autres aspects, comme sa relation avec le sacré. Cependant, l’idée que le champ d’action de la philosophie n’est que rationnel persiste encore dans de nombreux milieux. Du point de vue anthropologique, le sacré n’a rien à voir avec la religion : ce sont deux concepts indépendants. Pour l’anthropologue, le sacré est un état de conscience, une aptitude que possède l’être humain de voir au-delà des apparences et de se rendre compte que, derrière le monde des phénomènes, il existe des causes ou des idées qui se trouvent au-dessus de ce que l’on voit et qui, pour cette raison, sont sacrées. Ce concept est très philosophique parce que la philosophie amène peu à peu l’individu, à travers un dialogue, un raisonnement, à transcender les apparences, jusqu’à découvrir des lois abstraites dans le monde des causes. Le langage du sacré est un langage symbolique, c’est-à-dire la représentation de quelque chose qui ne peut pas s’exprimer verbalement ; cela permet à la philosophie d’aller au-delà des mots.

Le fondement anthropologique du sacré naît à partir du concept de la mort. Lorsque l’homme, dans son évolution, envisage qu’il y ait quelque chose au-delà de la mort, c’est le moment où il prend conscience de lui-même et où il commence à se poser la question d’où il vient, vers où il va… Ce qui est important, c’est que tout ceci est rendu possible par sa capacité de représentation, c’est-à-dire par l’imagination. Le système rationnel ne fait qu’expliquer dans un discours ce que l’homme se représente. Ce que l’on ne peut se représenter ne peut pas être compris, même si on nous l’explique, avec un discours rationnel. Lorsque nous disons «maintenant, oui, je l’ai compris», c’est parce que nous avons réussi à visualiser en notre for intérieur une représentation de ce qu’on nous a expliqué. Avant cet instant, nous pouvons répéter par cœur tous les discours, nous ne comprendrons pas.

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Se contenter d’identifier la philosophie avec le rationnel est irrationnel, bien que cela paraisse un jeu de mots. Le sacré n’est pas irrationnel. Comme on l’étudie en anthropologie, le sacré possède sa logique, une logique symbolique. Nous, les anthropologues du sacré, nous ne pensons pas que le sacré soit irrationnel, parce que l’irrationnel est quelque chose qui ne peut pas se concevoir, ne peut pas se définir ; alors qu’au contraire, le sacré peut se définir. Tout ce qui est symbolique peut parfaitement être travaillé avec l’intelligence. Nous ne devons pas confondre le réductionnisme rationaliste avec l’utilisation de la raison qui discerne, parce que la meilleure réussite d’un être humain est de passer de la spéculation à la pensée. Penser, c’est comprendre, capter et voir. Beaucoup de gens ne pensent pas, ils spéculent, ce qui n’est pas la même chose. Anthropologie et valeurs Dans notre école de philosophie de Nouvelle Acropole, nous considérons que les valeurs humaines les plus importantes sont très simples : ce sont les valeurs de service, d’amour et de compréhension des choses, et ce sont elles que nous essayons de promouvoir dans nos programmes. Le fait d’avoir été un disciple proche du professeur Jorge Angel Livraga, (3) fondateur de Nouvelle Acropole, m’a permis de comprendre très clairement, depuis le tout début de mon parcours philosophique (il y a maintenant près de cinquante ans), qu’il existe la possibilité de développer un potentiel chez l’être humain qui lui permette de s’approcher des lois de la nature, de l’univers et de lui-même. Il y a une autre façon d’agir dans le monde, différente de celle à laquelle nous sommes habitués, et c’est là un facteur qui peut changer la façon dont on envisage la vie, car il est très motivant de pouvoir aimer les gens et ce que l’on fait. Les sciences humaines tentent de comprendre comment fonctionne l’être humain dans n’importe quel domaine : individuellement, en société, en relation avec la nature… On essaie de comprendre le facteur humain dans n’importe quelle activité. Cela concerne donc la sociologie, la pédagogie, l’histoire, la psychologie, l’économie et beaucoup d’autres domaines ; le tronc commun à tout ceci est l’anthropologie, qui est l’étude de l’homme sous une forme interdisciplinaire, parce qu’il y a de nombreux angles d’attaque. L’Institut de Sciences humaines Hermès a été créé en 1989 ; il aborde toutes ces disciplines d’un point de vue philosophique. Tous les travaux de recherche qu’il impulse, qu’ils soient dans le domaine du symbolisme, des religions, du langage, ou de tout autre champ de son activité, sont effectués avec l’intention d’apporter des éléments qui permettent d’élargir les horizons afin d’avancer dans la société, sans tomber dans l’intellectualisme qui parfois affecte les universités. Peindre un être humain meilleur Je crois que l’art de la peinture a une grande signification philosophique. Le processus de représenter en deux dimensions ce qui en a trois, et de pouvoir transmettre des sentiments et des messages à travers un peu de couleur et de papier, a quelque chose de mystérieux. Entrer en contact avec la philosophie, c’est comme être habitué à travailler en deux dimensions et commencer à acquérir de la profondeur, en prenant conscience de cette autre dimension qui nous donne une nouvelle perspective. Il est très

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intéressant qu’un individu puisse penser qu’il est en train de peindre son autoportrait, qu’il est en train de lui donner de la profondeur ; c’est une sorte de magie. La peinture consiste à savoir travailler avec la lumière. On ne peut pas faire de la peinture sans aimer la lumière. Dans ce sens, la philosophie nous permet de nous faire amis de la lumière ; c’est trouver la lumière pour nous-mêmes et donner de la lumière aux autres. (1) Étude de l’être humain sous tous ses aspects (2) Comportement particulier, propre à celui-ci, d’un individu face aux influences de divers agents extérieurs. (3) Jorge Angel Livraga Rizzi (1930 - 1991), philosophe, historien, poète et écrivain argentin. Il a été membre de la Société théosophique pendant une dizaine d’années puis a fondé en 1957 l’Organisation Internationale Nouvelle Acropole Texte extrait d’une entrevue avec Fernand Schwarz, paru dans la revue espagnole Esfinge de Nouvelle Acropole en Espagne. Traduit par Michel GRANDGUILLOT

Devenir soi Jacques ATTALI - Éditions Fayard, 188 pages, 14,50 € Constat de l’état de notre société : irrésistible ascension du Mal, inévitable «somalisation» du monde, «résignés-réclamants» ; après de nombreux exemples de personnes ayant pris en main leur vie personnelle dans tous les domaines, l’auteur aborde le point de vue des religions et de la philosophie, y compris dans la pensée moderne. Dans un monde aujourd'hui insupportable qui, bientôt, le sera plus encore, il est temps pour chacun de se prendre en main, sans attendre indéfiniment des solutions miraculeuses... Pour réussir cette renaissance, cinq étapes à parcourir et plus nombreux seront ceux qui ne se résigneront pas, plus profonde sera la démocratie.

Philosophie à vivre Vers où ? Par Délia STEINBERG GUZMAN L’auteur s’interroge sur la relation qu’il existe entre la Terre et l’homme. S’ils vivent des situations semblables à des échelles différentes, les assument-ils de la même façon ? Un vieil aphorisme bien connu dit que ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, réversible dans la mesure où il signifie aussi que ce qui est en haut est comme ce qui est en bas ou, ce qui est équivalent, que le grand et le petit comportent des similitudes essentielles. Cela, et les événements nombreux et variés que les moyens de communication nous proposent quotidiennement, m’amènent à méditer sur le fait, qu’entre la Terre et l’homme, il y a une relation indéniable et que tous deux vivent des processus semblables. Vers où ? Les similitudes entre la Terre et l’Homme Sur la Terre coexistent des zones de grandes inondations près d’autres qui connaissent de terribles sécheresses. Les volcans s’agitent souvent, vomissant laves ou gigantesques fumées, alors que, dans un autre point de la planète, demeurent encore des sites cachés d’une extrême beauté, qui n’ont pas encore été maltraités par le vandalisme touristique, où tout est tranquillité et silence. Dans l’homme, il y a des zones sèches, des parties de l’âme où, s’il y eut un jour des fleurs, aujourd’hui il ne reste rien parce que les illusions sont mortes. Et il y a aussi des régions inondées par des émotions sans contrôle, des débordantes, des peurs sans limites, des courants ingouvernables sans nom spécifique ; des inondations qui ne se cantonnent pas toujours au subconscient mais qui apparaissent comme des

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forces aveugles, impossibles à dominer. Les douleurs, les ambitions et les colères humaines tremblent comme les volcans ; leurs instincts rugissants bouleversent les sociétés sous l’effet de la peur, lorsque ce n’est pas d’horreur devant des crimes insensés. Et peut-être reste-t-il encore, cachés, quelques recoins de bonne volonté, si cachés et si difficiles d’accès que très peu nombreux sont ceux qui se proposent d’y accéder.

La Terre gèle et brûle en fonction des continents et des mers ; le froid et la chaleur excèdent les paramètres habituels et alternent hors de tout rythme établi. L’homme brûle dans la violence et la bêtise et gèle dans la cruauté froide, en altérant les conditions propres à sa capacité présumée de raisonnement. Au centre de notre petit univers planétaire, le Soleil est toujours là, que ce soit de nuit ou de jour, ou que les nuages l’obscurcissent par moments. Néanmoins, les hommes ne sont pas conscients de leur soleil intérieur qui répand de la lumière et sont habitués à accorder plus d’importance aux nuages occasionnels qui, parfois, couvrent la vision comme d’épais rideaux, ou parfois se transforment en tempêtes déchaînées. On pourrait presque affirmer que les tempêtes sont une façon de conférer variété et intensité à la vie, surtout lorsqu’on a perdu l’œil qui voit en profondeur ce qui jamais ne perd d’éclat. Que serve d’exemple la grande attraction que produit une éclipse totale du Soleil sur des milliers de personnes en Europe et en Asie. Certains profitent de la situation pour étendre leurs observations et leurs études scientifiques ; la majorité a cédé à la curiosité. Qu’est-ce qui attire tant cette majorité dans une éclipse : l’obscurité insolite au milieu de la matinée, ce qu’elle pourrait avoir de terrible et de maléfique, ou l’assurance que c’est un phénomène momentané et que dans quelques heures tout redeviendra comme avant ? Si la Terre, dans sa rotation et son déplacement constants, est capable de supporter une frange d’ombre et de continuer son chemin, l’homme aussi devrait en faire autant. Il y a dans la vie des moments d’ombre et d’obscurité, des inondations et des volcans en mouvement, de la chaleur et du froid qui sortent de l’ordinaire mais un chemin sûr, un «vers où», ne peut jamais faire défaut. Il ne fait pas défaut à la Terre et il ne doit pas faire défaut à l’homme, s’il est vrai que ce qui est en haut est comme ce qui est en bas. Traduit de l’espagnol par Marie-Françoise Touret N.D.L.R. : Le chapeau et l’intertitre ont été rajoutés par la rédaction

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“Néanmoins,  les  hommes  ne  sont  pas  conscients  de  leur  soleil  intérieur  qui  répand  

de  la  lumière  et  sont  habitués  à  accorder  plus  d’importance  aux  nuages  

occasionnels  qui,  parfois,  couvrent  la  vision  comme  d’épais  rideaux,  ou  parfois  se  

transforment  en  tempêtes  déchaînées.  On  pourrait  presque  affirmer  que  les  

tempêtes  sont  une  façon  de  conférer  variété  et  intensité  à  la  vie,  surtout  

lorsqu’on  a  perdu  l’œil  qui  voit  en  profondeur  ce  qui  jamais  ne  perd  d’éclat.”

Délia  Steinberg  Guzmán

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Nature et politique Contribution à une anthropologie de la modernité et de la globalisation Fabrice FLIPO éditions Amsterdam, 437 pages, 21 € Un ouvrage très dense et passionnant sur l’écologisme dont l’auteur analyse en profondeur toutes les options qui se sont manifestées depuis que le sujet est apparu dans les années 1960. Faisant appel à la philosophie politique qu’il qualifie comme l’anthropologie de la nature, il souligne que le rapport de l’être humain à la nature est complexe et renvoie à la notion de nature humaine. C’est un sujet de réflexion anthropologique qui remet en cause le paradigme contemporain sans donner la solution miracle et le contenu du nouveau paradigme.

Poésie et philosophie «Symphonie héroïque» Albert Samaïn (1858-1900) fut très tôt attiré par la poésie. Il fréquenta des cercles à la mode. Influencé par Baudelaire, il évolua vers une poésie plus élégiaque. Il fut l’inventeur d’un genre de sonnet à cinq vers. Il composa de nombreux poèmes dont les textes furent repris par des musiciens (Gabriel Fauré, Adrien Rougié). Il dirigea notamment les revues «Mercure de France» et la «Revue des Deux mondes». Le poème dont il s’agit ici est la «Symphonie héroïque». Voici quelques extraits les plus significatifs.

Nous vivons sans orgueil pour voir, dompteurs altiers, Les siècles asservis se coucher à nos pieds ; Et c’est nous qui forgeons, surhumains ouvriers, L’antique âme humaine à l’image des Dieux. Nous annonçons sur les sommets les temps nouveaux, Chaque soleil jailli des clartés éternelles Réfléchit sa première aurore en nos prunelles ; Et l’Oiseau du Futur, en frémissant des ailes, Couve ses œufs sacrés au fond de nos cerveaux. Sans doute, au jour marqué, nous traversons la terre. Prophètes et césars, passants mystérieux, Le monde s’épanouit aux éclairs de nos yeux ;

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Et nous marchons, n’ayant d’autres soucis sous les cieux Que l’ombre qui nous suit, à jamais solitaire. Nous allons, promenant nos songes par le monde, Ivres de visions et ruisselants d’aveux. Le vent de l’infini souffle dans nos cheveux. Inspirés nous chantons ; et sous nos doigts nerveux L’âme humaine s’éveille et résonne, profonde. Notre Rêve immobile enfante l’Action. C’est nous qui fiançons en rites grandioses Le mystère du verbe au mystère des choses ; Et sous nos fronts taillés pour les apothéoses Germe, palpite et souffre une création. Nous proclamons aux vents du ciel la délivrance. Quand veuve de ses dieux morts par sa trahison, L’âme appelle aux barreaux de fer de sa prison, On entend notre voix derrière l’horizon, L’Idéal apparaît grand comme l’Espérance.

À lire

Le pays où la vie est plus dure Philippe MANIERE Grasset, 295 pages, 18 € Où est la douce France chantée par Charles Trenet ? D’où vient le pessimisme ancré dans le cœur de chaque Français ? Par cet essai, l’auteur analyse l’effet de la mondialisation, ni bonne, ni mauvaise en soi mais qui provoque en France un chamboulement et empêche l’épanouissement de ses bienfaits. La mondialisation est plus cruelle en France qu’ailleurs car ce mouvement permanent perturbe toutes les structures sociales. Plusieurs exemples d’entreprises importantes sont cités ici, celles qui se développent hors de France aussi bien que celles qui ferment leurs portes. Crise économique et mondialisation, où est le problème ?

Cœur de cristal Frédéric LENOIR Éditions Robert Laffont, 205 pages, 18,50 € Quel plaisir de lire ce conte qui parle du cœur de l’homme ! Comme Bouddha, ce jeune prince quitte son univers pour explorer et connaître le monde réel et chercher le sens de la vie. Une longue quête s’impose ; c’est un chemin à parcourir. Un certain temps est nécessaire pour prendre conscience petit à petit de son propre état (sorte d’état des lieux) avant que ne vienne un changement. Hymne à la vie, l’auteur exalte ici la richesse du cœur humain, le partage de l’amour universel qui relie les uns et les autres dans la joie et aussi dans la tristesse. «Lorsqu’un cœur est ouvert, il vibre à l’unisson du monde».

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La MAGIE Rhonda BYRNE Éditions Guy Trédaniel, 262 pages, 18 € L’auteure, célèbre par son film Le secret et le livre du même titre, propose ici un concept qui expliquerait certains textes obscurs des saintes Écritures et dont l’application dans tous les domaines de notre vie nous apporterait la magie d’une abondance illimitée : il s’agit de la gratitude envers l’Univers. «Lorsque vous aurez noué cette relation personnelle avec l’Univers et que vous sentirez cette intimité avec l’Univers, le monde vous appartiendra et il n’y a plus rien que vous ne pourrez être, avoir ou faire.»

Le monde selon Etienne KLEIN Étienne KLEIN Éditions Equateurs essais, 282 pages, 15 € Ce livre est un recueil des chroniques que ce célèbre physicien français a offert chaque jeudi à 7h17 aux auditeurs des «matins» de France Culture de septembre 2012 à mars 2014. Un ouvrage plein d’humour, de jeux de mots savants, de réflexions philosophiques et de bon sens où l’auteur témoigne d’une érudition dans tous les domaines.

Comme un chant d’espérance Jean d’ORMESSON Éditions Héloïse d’Ormesson, 120 pages, 16 € Comment est-il possible que de rien, du néant, surgisse le tout, notre monde ? Question éternelle, toujours d’actualité. Hasard ou nécessité ? Jean d’Ormesson tente d’éclaircir ce mystère, science contre métaphysique. Ce petit livre raconte l’histoire de l’univers depuis son origine, à sa manière, c’est-à-dire avec gaité. Il exalte la beauté de la nature sous toutes ses formes ce qui pour lui, est un chant d’espérance.

Maya et le Dalaï-Lama Sophie GURUNG et Martin RUBIO Éditions Le Souffle d’or, 185 pages, 12,50 € Très originale cette idée de rencontre entre le Dalaï-Lama et la voix d’une petite fille, très malade. Dans une méditation et par télépathie, Il est profondément troublé dans sa sérénité. Chaque fois que cet enfant tombe malade, il arrive une catastrophe sur la terre. Il comprend que cette voix est celle de l’humanité, de tous les hommes. Chaque être humain est comme une cellule dans un seul corps. «Nous sommes Maya, nous sommes le monde».

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Agenda – Sortir VINCENNES – Cinéma Mardi 18 février 2015 à 19 h À l’Est d’Eden De Élia KAZAN Adaptée de John Steinbeck, cette histoire de deux frères dominés par un père autoritaire, qui se disputent l’amour d’une jeune fille se situe en 1917. Cette œuvre vibre de résonances bibliques, le mythe de Caïn et Abel. Caïn le fils incompris que Dieu avait voulu mettre à l’épreuve fut chassé par lui (le Père) au pays de Nord à l’orient d’Éden. Avec cette allégorie du mythe, Élia Kazan nous livre une histoire bouleversante. Il l’inscrit dans cette Amérique qui s’engage dans la guerre de 1914 /1918 pour défendre le grand capital. Il y met en place des repères sociaux très précis et pose un regard sans concession sur son pays d’adoption. Ce fut le premier film de James Dean qui va construire ici une partie de sa légende : Élia Kazan comprit tout de lui et il dira notamment «Je trouvais qu'il avait un visage très poétique, un visage beau et très douloureux». Quant à Julie Harris, comédienne qui passa comme une étoile filante dans le firmament du septième Art, Élia Kazan (1) fut ému aux larmes devant elle. «De tous les visages de femmes que j’ai vus, c’est le sien qui exprime le plus de compassion et de compréhension pour la souffrance». C’est elle à la fin qui exprime avec une force inoubliable que l’amour est si important pour construire un être humain. Le film est aussi une critique sans concession des profiteurs de guerre. Le soit-disant mauvais fils dit au père. «Tu te trouves papa en face d’un racket très dur, je jouerai le jeu de ce racket pour une fois, et pour une fois c'est toi qui gagneras l’argent». La corruption a fait beaucoup de fortunes pendant la guerre et c’est ce que fait le père, grand maraîcher avec les plantations de haricots en achetant quelque chose à l’avance pour telle somme et en en tirant une somme beaucoup plus élevée. Et élia Kazan ajoute «ce pays se battait pour assurer la survie de la démocratie, mais il était en même temps corrompu par la philosophie de l’argent qui le gouvernait.» À l’Est d’Éden, paru en 1954, est le premier film en couleurs et en scope d’Élia Kazan, secondé par le grand directeur de la photographie Ted Mac Cord. «J’y ai de nouveau exprimé - dit Kazan - tout mon amour de la nature, nature également chère à John Steinbeck». Les descriptions de la vallée de Solinas au matin, la côte, les arbres, les champs de haricots montrent à quel point le réalisateur est relié à la nature. Kazan dira que ce film fut aussi pour lui un moment d’analyse psychologique vis-à-vis de son propre père. Voici quelques éléments pour comprendre toute la richesse de À l’Est d’Éden, film virage dans l’œuvre immense d’Élia Kazan. Il créa avec Lee Strasberg l’Actors Studio qui forma tout un groupe d’acteurs prestigieux dont Marlon Brando. Acteurs du film À l’Est d’Eden : James Dean, Julie Harris, Jo Van Fleet, Raymond Massey, Richard Davalos (1) Elias Kazantzoglou, dit Élia Kazan (1909-2003), réalisateur, metteur en scène de théâtre et écrivain américain, d’origine grecque. Auteur entre autres de, Un tramway nommé désir, Viva Zapata, Sur les quais, Un homme dans la foule, Le fleuve sauvage, La fièvre dans le sang, America, america Espace Daniel Sorano 16, rue Charles Pathé – 94 300 Vincennes - Tel : 01 43 74 73 74 - www.espacesorano.com

PARIS – Exposition Jusqu’au 23 février 2015 Voyager au Moyen-Âge

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L’exposition évoque les différents types de voyageur, du marchand au pèlerin, du prince à l’artiste. Les objets présentés, témoignages de moments forts ou anecdotiques du voyage, permettent de mieux appréhender la manière dont hommes et femmes du Moyen- A�ge voyageaient, et d’établir des parallèles avec notre histoire contemporaine. De quelques lieues à un continent, les voyages sont d’origine très diverses : la mariée qui rejoint son nouveau foyer, le salut de l’âme, la conquête d’une terre, ou encore la connaissance scientifique ou la visibilité sociale. Les moyens de transport sont également très divers : à pieds, en chariot ou en bateau «Dis-moi comment tu voyages, je te dirai qui tu es». Une multitude de témoignages matériels de ces voyages sont présentés (160 œuvres différentes) : cartes, objets de mobilier comme une table pliante, chandeliers, coffres, chaises... des récits, simples lettres ou manuscrits richement enluminés concernant les détails des périples accomplis, gravures, peintures.. Musée de Cluny : 6, place Paul Painlevé - 75005 Paris - Tel : 01 53 73 78 00 – www.musee-moyenage.fr

BIARRITZ ET BORDEAUX – Représentation théâtrale Vendredi 6 février à 20h 30 à Biarritz Mardi 10 février 2015 à 20h à Bordeaux Ion Ion, œuvre de jeunesse de Platon est un dialogue traitant des bienfaits et des méfaits de l’art. Elle est mise en scène et jouée par la Compagnie des amis de Platon, une première en France. Ion est un rhapsode, artiste qui voyage de ville en ville pour réciter des poèmes épiques à la population. Il vient de remporter le prix de récitation aux jeux d’Épidaure, et est en route pour participer aux Panathénées, festivités annuelles religieuses et

sociale de la ville d'Athènes. Personnage d’une vanité outrancière, se prétendant le plus grand connaisseur d’Homère, il trouvera sur sa route l’irréductible Socrate et son habileté à l’accouchement des âmes. Socrate va alors interroger Ion pour tenter de mettre en lumière que l’art du rhapsode ne repose pas sur le développement d’une technique ou d’une science personnelle, mais dans sa capacité à rentrer en contact avec le plan des Idées, dans lequel vivent les Dieux et les Muses, pour capter l’inspiration qui a donné naissance au poème qu'ils récitent, et transmettre cette ferveur à ceux qui l'écoutent, créant ainsi une véritable «chaîne d'inspirés». Dans notre société où la production artistique grandissante peut parfois laisser perplexe, ce dialogue qui reformule quelques principes de bon sens concernant le processus de création artistique a l’effet d'une brise rafraîchissante. La Compagnie des amis de Platon est sous le haut patronage de l’institut Grec et du centre de recherche sur la pensée antique, de l’université de Paris IV de la Sorbonne Lieux du spectacle : . Biarritz : Colisée : 11, avenue Sarasate – 64200 Biarritz Informations et réservations : Espace Lehena – 1, Rond-Point de l’Europe - 64200 Biarritz Tel : 05 59 23 64 48 - www.anabab.info . Bordeaux : Théâtre Trianon : 6, rue Franklin – 33000 Bordeaux Informations et réservations : 118 Rue Mouneyra - 33000 Bordeaux Tel : 05 56 08 99 96 - www.bordeaux.nouvelle-acropole.fr

LYON – Conférences Jeudi 5 Février 2015 à 20h et 22h La quête héroïque de l’Être, Vivre le mythe Le guerrier pacifique chemine vers son étoile et sa carte du ciel s’appelle le mythe. Le mythe configure le réseau de l’imaginaire qui va inspirer le guerrier. Les symboles vivants le guident dans sa quête d’authenticité. Incarner le mythe, c’est construire son futur. Vendredi 13 février 2015 à 20h

L’initiation du guerrier pacifique, Oser l’esprit de victoire

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Accepter son ignorance et ses fragilités, développer le courage de mettre un pied devant l’autre en risquant de tomber et se relever le plus vite possible ! Chaque petite conquête permet à chacun de se sentir victorieux et d’avancer dans sa vie. Le guerrier pacifique exprime son identité profonde dans cette aptitude à se remettre en cause tout en se voyant meilleur demain. C’est de cette façon qu’il fait naître de nouveaux moyens. Informations et réservations : Espace Vollon : 7, place Antoine Vollon – 69002 Lyon - Tel : 04 78 37 57 89 www.lyon.nouvelle-acropole.fr

PARIS 5 – Conférence et atelier Mercredi 11 février 2015 à 20h L’imagination symbolique Conférence Par Isabelle OHMANN, conférencière, membre de l’Institut Hermès Il y a bien des sociétés sans techno-sciences, mais il n’y a pas de civilisation (même techno scientifique) sans un symbolisme pour la faire vivre. L’imagination symbolique apparaît comme un facteur général d’équilibre psycho-social, par la puissance des images qu’elle génère sur la conscience, par sa fonction rééquilibrante sur la psyché et sa possibilité d’ouverture à la transcendance et à la spiritualité. Samedi 14 Février de 15h à 18h Imagination et connaissance de soi Atelier Par Isabelle Ohmann Atelier autour d’une approche pratique d’étude de l’imaginaire, en même temps que méthode de connaissance de la personnalité. Les deux activités ont lieux à l’Espace Falguière : 12, rue Falguière, 75015 Paris – Informations et réservations : Tel : 01 71 50 75 32 - www.paris15.nouvelle-acropole.fr

BIARRITZ - Atelier Samedi 21 Février 2915 de 15h à 18h Les nombres en dialogue Par Hervé ROUSSEAU, Docteur en pharmacie, collabore à la communication au sein d’un grand groupe international Les nombres véritables ambassadeurs de l’interdépendance, nous révèlent leur nature intrinsèque, dans les multiples reflets qu’ils peuvent avoir en biologie, chimie, physique, astrophysique et philosophies d’Orient et d’Occident. Informations et réservations : Espace LEHENA - Centre ANABAB - 1, Rond-Point de l’Europe- 64200 Biarritz - Tel : 05 59 23 64 48 - www.anabab.info

BIARRITZ – Conférence Mercredi 25 Février 2015 à 20h Le sacré camouflé ou la crise symbolique de nos sociétés contemporaines Par Fernand SCHWARZ, égyptologue, anthropologue, philosophe et écrivain, président fondateur de l’association Nouvelle Acropole France. Auteur de «Le sacré camouflé, ou la crise symbolique de nos sociétés contemporaines», éditions Cabedita Malgré la sécularisation de nos sociétés contemporaines, le fond archaïque symbolique de l’être humain n’a pas disparu. Les traces du sentiment religieux et de la dimension du sacré se retrouvent aujourd’hui camouflées dans nos pratiques

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quotidiennes. Nos sociétés reproduisent des comportements mythiques par l’imitation de modèles comme le font les marques, les personnages littéraires, les héros, les politiciens, les sportifs, les stars de cinéma, les rock stars, etc. Lieu de la conférence Colisée : 11, avenue Sarasate (quartier saint-Charles) - 64200 Biarritz Informations et réservations : Espace Lehena – 1, Rond-Point de l’Europe - 64200 Biarritz Tel : 05 59 23 64 48 - www.anabab.info Revue de l’association Nouvelle Acropole Siège social : La Cour Pétral D941 – 28340 Boissy-lès-Perche www.nouvelle-acropole.fr Rédaction : 6 rue Véronèse – 75013 Paris 01 42 50 08 40 http://www.revue-acropolis.fr [email protected] Directeur de la publication : Fernand SCHWARZ Rédactrice en chef : Marie-Agnès LAMBERT Reproduction interdite sans autorisation. Tous droits réservés à FDNA – 2015 ISSN 2116-6749 © Toute reproduction partielle ou intégrale des textes contenus dans cette revue, doit mentionner le nom de l’auteur, la source, et l’adresse du site : http://www.revue-acropolis.fr Crédit Photo : © Nouvelle Acropole - © Musée de Cluny © Illustration : Antonio Meza – © Fotolia : Gino Santa Maria - NLshop - Romolo Tavani - Serg Zastavkin - Trevor Slauenwhite