revue de l'orient chrétien. volume 26. 1927-1928

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    PER BR 140 .R42 V. 25-26Revue de l'Orient chr etien

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    448 TAlLE DES MATIRES.

    BIBLIOGRAPHIEl'ages.

    I. C. Chapman, Micliel Palologue, restaurateur de l'Empire Byzantin,1261-1282 (.4 . Vasilicv) 220

    II. Jlartin Juiue, Theologia dogmatica Christianorum Orientalium abEcclesia catholica dissidentiiim, t. I. (.-1. ['aillant) 221

    III. Louis IIalphe.v, Les Barbares, des grandes invasions aux conqutesturques du xi" sicle (M. firUTi') 223IV. H. Fucus. Liie .\naphora des monopliysitisclion l'atriarchen lha-nan 1 (E. Tisxeranl) 442

    V. M. Cha.ne, La chi'onologie des temps clirtiens de l'Egypte et del'Ethiopie [Et. Driolon) 445

    VI. Franois Xau, Deux pisodes de l'Iiistoire juive sous Thodoso II(123 et 438) d'aprs la vie de Barsauma le Syrien (/!/. Brive) 14&

    Le Directeur-Grant .R. Graffin.

    lypograpliie Firmin-Didul el C". l'aris. _ igjT

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    LA LANGUE GEORGIENNE

    Mesdames, iMessieurs (1),Le premier mot que je dois prononcer est un appel votre

    indulgence en faveur de l'tranger qui n"a jamais eu la bonnefortune de parler ex cathedra dans sa langue maternelle, car ma langue maternelle est le gorgien, et maintenant mes pchs nombreux je vais ajouter un nouveau dlit, celuide malmener votre belle langue franaise, malgr l'amour queje lui porte, au centre mme de son rayonnement et la sourcede son expansion mondiale.De plus je dois prvenir qu'il me faut employer des termes

    qui constituent la technique de notre domaine linguistique. Ilspourront manquer d'agrment parce qu'ils sont en dehors dela langue commune, mais ils me sont ncessaires pour vousfaire bien comprendre la structure de la langue gorgienne.Quant ce fait que je suis appel commencer devant vousun cours de langue gorgienne, permettez-moi de vous faire

    observer qu'il n'a rien d'extraordinaire Paris. Les tudesgorgiennes, en effet, ne prsentent ici aucune nouveaut; toutau contraire, on pourrait chez vous fter leur centenaire. Ungrand gorgisant franais a publi ici son premier article enjuin 1827 (-2). C'est Paris qu'on a commenc d'une manirescientifique et rgulire ces tudes que certains prufanesjugeront peut-tre exotiques.

    1 1 Le discours que nous publions ici est la leon d'ouverture du cours de- jrgien profess pendant l'anne 1927-192^ par M. N. ilarr l'cole Nationale^ics Langues orientales vivantes, 2. rue de Lille, Paris.

    N. D. L. l.(2) Xolice sur la langue ijorgienne, par JL Brosset jeune [Lu la sance de la

    Socit -asiatique, le 4 juin 1827], Journal Asiatique, nnn 1827, t. X, pp. 351-361.[1]

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    1 REVUE DE l'orient CHRETIEN.C'est le monde savant franais qui a lanc dans le courant

    puissant et crateur de rorientalisme mondial les tudes de lalanjue gorgienne, non pas isoles mais jointes aux tudesarmniennes.

    Ce mouvement s'est trouv forcment li l'histoire duCaucase, l'tude de son criture la plus ancienne et salangue alors nigmatique que prsentaient les inscriptionscuniformes de Van. Il me suffit de nommer l'armnisantAntoine-.lean Saint-Mari in pour voquer dans votre mmoireles grands faits accomplis par lui et ses collgues, et je ne veuxy faire ici qu'une allusion passagre.

    N'est-il pas bien connu, en effet, le programme esquiss parSaint-Martin et destin tre le fondement de toutes les tudescaucasiques, qui allaient clore peu peu dans les pays lointainset s'y dvelopper? Jetes dans les milieux scientifiques russesqui prirent cur ces recherches exotiques, ces semencesvenues du sol de France ne nous rappellent-elles pas aujour-d'hui l'hisloire du ijon grain qui eut la chance de tomijer dansla bonne terre? Un trouve dans le programme de l'armnisantSaint-Martin deux points qui cependant ne se sont raliss quede nos jours. Son uvre, dcrie alors par certaines autoritsmal inspires, savoir cet essai de gographie historique surl'Armnie Ancienne, exceptionnel pour l'poque dans la litt-rature scientifique, nous fait voir qu'il tait vraiment leprcurseur d'un autre Franais, je veux nommer Marie-FlicitBrosset. Ce dernier, en effet, parti de l'tat de misre, com-positeur typographe Paris, dans la capitale de la Russieil'aloi's, Leninegrad de nos jours, fut lu, l'unanimit dessuffrages, membre de l'Acadmie des sciences de Saint-Ptersbourg, o il pronona son discours de rception l'Assemble gnrale de 1838.

    Le discours inaugural de Marie Brosset n'tait notre pointde vue d'aujourd'hui que l'bauche du travail titanique qu'ilvoulait aborder. La langue, la littrature, le droit, l'histoire,voil ce que l'enthousiasme de ce jeune spcialiste espraitextraire des mines gorgiennes par leur exploitation systma-tique.

    Il s'essaya dans toutes les parties de son domaine de gor-

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    LA LANGUE r.EOnOIENNE. Ogisant, pour faire connatre ce monde inconnu aux savantseuropens. Il composa des manuels de gorgien, grammaire,chrestomathie, vocabulaire. Il a publi le premier cataloguepleinement systmatis de tous les ouvrages connus crits engorgien, et l'a enricbi de notes substantielles. Il a fait desaperus sur la littrature profane et sur plusieurs ouvragesecclsiastiques.En Russie, Marie Brosset trouvait un milieu propice pour lestudes historiques sur la Gorgie auprs de la colonie gorgiennedans ce qui subsistait de la noblesse et dans ses traditions encorevivantes, ou dans les annales ou les revues rdiges par lesauteurs gorgiens du xvii" sicle, membres de la maison royale.En se dtournant des recherches linguistiques et littraires ilse mit tudier plus profondment l'histoire de la Gorgie, ilne se contenta pas de l'interprtation des textes historiques, ils'adressa aux premires sources documentaires pigraphiqueset numismatiques. Il eut au nombre de ses collaborateursl'auteur franais de l'Essai de classification des suites mon-taires de la Gorgie; il voyagea en Gorgie, il fit des recherchesarchologiques, il alla puiser ses arguments dans les archives,chartes, diplmes et brevets, tous gorgiens, mais il restatoujours lidle la conception nationale de l'histoire gnralede la Gorgie, conception qui tait emprunte aux savantsgorgiens, membres de la famille royale ou de la noblessegorgienne.

    Promoteur des tudes gorgiennes partout, crateur del'change des ides et des matriaux entre les savants de l'Eu-rope, surtout de la France et de notre pays, Brosset n'taitcependant pas dans la science franaise un phnomne acci-dentel.Deux voyageurs franais incomparables, Chardin et Duboisde Montpreux, l'avaient prcd en Gorgie.En un mot vous connaissez bien Marie-Flicit Brosset et

    nous ne l'oublierons jamais. Il a pass sa longue vie ilans undur travail, toujours modeste et uniquement proccup de sesinvestigations qui ne pouvaient intresser alors que la curiositdes amateurs ou l'amour national.

    Ses travaux eurent pour rsultat de faire entrer les tudes[3]

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    6 RKVUE DE I.'liRlEXT CHRTIEN.caucasiques dans les voies larges d'une vraie science. C'estlui Flicit-Marie Brosset qui nous relie par une longue lignedesavants Saint-Martin et toute la science franaise, c'estlui qui a donn aux tudes caucasiques alors si ngliges unenotorit universelle dans le domaine historique.

    Si vous voulez des preuves, ouvrez le grand organe franaisde l'orientalisme, le Journal Asiatique des annes correspon-dantes, et vous y trouverez les articles de Brosset qui se suc-cdent sans interruption dans chaque volume.Pour se faire une ide de l'importance de son uvre, il

    suffit de citer ici l'opinion de son collgue l'AcadmicienBoethling, auteur du dictionnaire sanscrit : Brosset, disait-ilfamilirement, a pris le sac tout plein de manuscrits gorgiens,il l'a renvers et l'a compltement vid, et il n'y est rien restqui puisse avoir quelque intrt. C'tait l vraiment un logebien mrit dans la partie positive qui apprciait les faits et lesgestes de Brosset, mais ce jugement me parait tout fait injustedans sa partie ngative, et je dirai mme absolument dsastreuxpour les tudes gorgiennes. Mais quelles taient donc lesconnaissancesspciales de l'Acadmicien Brosset? tait-il arm-nisant'/ tait-il gorgisant '.^ On ne pouri'aitlui contester ni l'uneni l'autre de ces vocations; mais ce qui a fait de Brosset unsavant d'ordre suprieur, c'est qu'il a compris de bonneheure qu'on ne peut rien crer de stable pour la science dansl'isolement national, soit ({u'il s'agisse du gorgien, soit qu'ils'agisse de l'armnien. On ne peut jamais tre sr de lajustesse de ses thses dans les sciences philologiques si onpersiste faire ses recherches dans l'horizon troit d'une seulen;i.tion,CMr on reste alors sous l'emprise des matriaux qui noussont foui'uis par un seul monde de culture.

    11 est vrai, cette union des tudes armniennes et gorgiennesque n'oublia pas d'accentuer Brosset ds le dbut de sa carrirescientifique n'a abouti que beaucoup trop tard la formationd'une discipline nouvelle, la philologie armno-gorgienne.

    Cependant ce serait poui' nous une grave erreur de penserque nous sommes des hommes noui'eaux, qui faisons des chosesavec des pices absolument neuves depuis le bas jusqu'enhaut.

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    LA LANGUE OF.ORGIRN.NT:. /Il reste nanmoins qu'au dernier venu s'imposeni toujours

    (les tches plus compliques et des problmes qui exigent desmthodes plus subtiles et plus pntrantes.Car c'est un fait, on ne peut rester fulcie aux mthodes d'hier

    et d'avant-hier comme une valeur immuable mme dans notrepartie modeste du domaine des sciences philologiques; il suffitde constater les rapports de notre partie spciale avec les sciencesavoisinantes pour la voir devenir plus vaste et plus compliquequ'elle ne l'tait, non seulement au temps de Marie Brossetpendant toute la dure de son activit infatigable, mais, hlas!aux jours enviables de ma jeunesse.

    Mais il n'est pas moins certain que ce ne serait qu'un chteauen Espagne, si nos efforts n'taient pas soutenus par les legsque nous avons reus de nos pjdcesseurs et, depuis Brossetjusqu' nos jours, nous avons en particulier reu une aideinapprciable de nos collgues de Paris, sous la forme du vifintrt qu'ils montraient ces tudes gorgiennes par leurjugement tantt rigouivux, tantt indulgent, mais toujoursdirti' par la sincrit de leur conviction scientifique.De plus il semble qu'ici on se recueillait pour attendre les

    solutions sres des problmes qui touchent de plus prs auxtudes gorgiennes, parce que l'on prouvait le besoin inluc-table d'largir leur iiase et de les approfondir.

    Il s'agit, en effet, des problmes du langage et des lettres enArmnie. Or, n'est-ce pas un fait indubitable qu'il existeactuellement toute une colefranaised'armnisants? et je veux, l'honneur de notre domaine spcial, relever le fait bien avrque le chef de cette cole, qui prospre, c'est .M. le professeurMeillet, bien connu dans le monde entier par son savoir minentdans maintes branches spciales de la linguistique indo-europenne et non moins dans le traitement infiniment dlicatdes gnralits du langage.La science se rjouit certes de son triomphe au grand carre-

    four mondial, mais elle nat souvent dans quelque humblecellule situe dans une partie ignore du pays, prs d'un sentier peine trac, qui conduit travers des matriaux encoreinexplors dans uu monde inconnu vers des faits nouveaux, etrecueille des observations inattendues qui deviennent l'objet

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    8 REVUE DE l'orient CHRTIEN.commun de relations internationales et prcisent nos gnralitset parfois nous obligent les rejeter.

    Vous me permettrez de signaler quelques faits de la collabo-ration prcieuse des savants franais, qui ont intluenc lessavants gorgisants de noti'e pays et les ont aids dans lesrecherches de leur domaine spcial.

    Voici une liste des manuscrits gorgiens du couvent Iveroiiou des Gorgiens au montAthos, ouvrage d'un certain moinegorgien Hilarion, publie et traduite par l'armnisant franaisVictor Langlois : ce fut longtemps le seul document dontdispost le inonde savant en matire de colleclion des manus-crits gorgiens des monastres coloniaux de la Gorgie l'tranger, tant sur le promontoire nomm mont Athos qu'enPalestine et au Sinai, et les gorgisants de chez nous ont tbien servis par cette publication franaise.Un cas remarquable de la collaboration des savants franais

    et russes au champ encore mal dfrich de la littrature gor-gienne, c'est la question de la version grecque de l'histoiredifiante de Barlaam et de Josaphat. Dans ses recherches surles textes grecs le savant franais Zotenberg a apport une sriede considrations importantes qui ont servi l'arabisant russe,le professeur Rosen, pour mettre l'opinion que le texte originalde la version grecque devait tre le li\re de Balavar et que letexte grec n'tait qu'une traduction du gorgien en grec faitepar Euthyme l'Ibre, fait attest d'ailleurs par son biographedu XI" sicle.

    Cette opinion, soutenue par d'excellents arguments, nous porta rechercher le livre de Balavar, dont le texte tait jusqu'alorsinconnu dans les collections des manuscrits gorgiens et donton ne connaissait que le titre Balavar (titre plein Lasagesse de Balahvar ) que lesspciahstes voulaient comprendrecomme le fondement de la foi . Au bout de trois moisl'ouvrage fut trouv; le livre de Balavar, objet jusqu'alorsdesimpies conjectures, devenait une ralit, et c'tait la versionancienne de l'histoire de Barlaam et de Josaphat. Certes cen'tait pas la thse de Zotenberg; tout au contraire le savantfranais dsavouait l'assertion du meilleur manuscrit grec lequeltmoignait aussi de la traduction du gorgien en grec faite par

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    10 lEVUE DK l'oP.IEXT CHRTIEN.voyons une mulation de courtoisie europenne l'gard destudes gorgiennes. Aux Iles Britanniques, les auteurs de laplus loelie traduction europenne du pome Chevalier enlieau de ]ianthre , ^^'ardrop, sieur et l'rre, mettent la dispo-sition de l'universit d'Oxford un fonds pour l'organisation destudes goi'giennes.En Autriclie, l'Universit de Vienne, la langue gorgienne

    peut espi'er olitenir quelque attention parce qu'on vient d'yfonder une mi-chaire ou une chaire succursale des languescaucasiques.Or, tant isole, sans aui'une parenh', la langue gorgienne,la pauvrette, voit le naufrage de toutes ces belles intentions aumoment o l'on se disposait lui faire une place digne d'elle.A Berlin les savants ont trou\ un argument pour faire chouerride du professeur Harnackde fonder lachaire des hautes tudesgorgiennes, ils ont port l'aitentionsur ce fait qu'on s'occupaitdj et avec succs du gorgien Plersbourg, et ce platspcial servi en Russie suflirait, disaient-ils, pour le mondeentier. Ce n'est pas par modestie que je proteste. Je me permetsd'affirmer que jamais la force et la mesure avec lesquelles sedployaient Plersbourg et Ptrograd et continuent sedployer de nos jours Lninegrad ces tudes mal connuesen Europe, ne seraient suffisantes mme pour nos besoinsintrieurs, loin de faire d'elles des valeurs d'exportation. Or,l'absence des relations normales scientifiques, et en plus ladomination des mthodes isolatrices dans les sciences philolo-giques, deviennent un fait fatal pour l'objet de nos tudes. Cen'est pas certes une rupture, c'est plus que la rupture, parceque le gorgien semble avoir perdu toute chance de sortir deson isolement dans les milieux savants.Ne commencerait-il pas en ce moment une aube de l're

    nouvelle pour les tudes gorgiennes? Cette ide m'encourage.L'esprit et l'endurance habituelle aux Iravailleuis de ce solgaulois ne devraient pas manquer de crer des gorgisantsfranais.

    Si cet espoir est du, ce ne sei-a l'chec que de mes efforts,jamais celui de l'ide noble qui anime mon vieil ami detoujours. Il y a prcisment vingt-quatre ans qu'il a commenc

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    LA I.ANCUK fiKiiHGIKXXE. 11 runir dans la Revue de VOrienl Chrtien et dans laPatrologie Orientale un choix des matriaux que renfermentles langues de l'Orient Clirtien et c'est avec raison que cegrand promoteur des tudes chrtiennes a ds le dbut rservune place aux crits de la langue gorgienne : il peut treassur que l'abondance des matriaux ne fera i)as plus dfautque la bonue volont du monde savant.

    La grande uvre faite par Brosset pour le dveloppementdes tudes gorgiennes n'tait au fond qu'une laboration scien-tifique de la conception nationale de l'histoire de la Gorgielaquelle se fondait sur les traditions gorgiennes. Nous pour-rions citer de nombreux faits qui tablissent que pour lesgnrations ultrieui-es de la Gorgie avec leurs traditions ditesnationales la vie relle gorgienne, sociale et littraire, ds lestemps qui ont prcd le xv' sicle tait videmment un geprhistorique. En fait nous sommes prsent en possession dematriaux qui annulent la simple conception nationale del'histoire de la Gorgie. Cette affirmation devient un truismegrce ces richesses culturales de la Gorgie qui sont restesjusqu' nos jours partiellement dans les monastres clbi-es de.lrusalem, du Sina, du munt .\thos, je parle surtout descollections de nombreux manuscrits dats du ix'' sicle ainsique des fragments provenant des sicles prcdents, et, di'mme, grce aux collections de manuscrits uniques, conservsdans lesvallesinaccessiblesdes diffrentes rgions del Gorgie,loignes des centres de sa vie politique, toujours pleines debouleversements sociaux et de catastrophes historiques. On esttenu d'y joindre les monuments gorgiens de la civilisationmatrielle, restes de monuments artistiques, miniatures, objetsd'art appliqu, trouvs dans les fouilles archologiques, .lerappellerai spcialement l'expdition du mont Athos parcequ'elle tait franco-russe. Je ne rappellerai de mme qu'un casde trouvaille pigrapluque parce que, dcouvrant de nouveaudes attaches qu'il y avait autrefois entre les recherches scien-tifiques franaises concernant la Gorgie et celles de notrepays, elle rvle en mme temps quelles lacunes normes sontinhrentes aux traditions nationales des Gorgiens. C'est auxfouilles faites dans la fameuse capitale de l'Armnie au moyen

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    12 REVUE HE l'oRIEXT CHRTIEN.ge, aux fouilles d'Ani, qu'eut lieu cette trouvaille pigra-pliique ; un hasard malheureux ne permit Brosset de voirAni que de la rive gauciie du tleuve glorieux, snns jjouvoirvisiter les ruines de cette ville artistique qui embellissenttoujours sa rive droite. Un autre hasard malheureux contraignitle savant franais de Morgan, auteur d'un premier essai sur laprhistoire du Caucase, d'interrompre brusquement ses fnuillesfortunes : enfin un autre hasard malheui-eux m'a oblig moi-mme le remplacer pour les investigations archologiques en.\rmnie, alors Armnie russe; tous ces accidents ont t trsfcheux pour les savants franais, et aussi pour moi parce qu'ilsm'imposaient une charge au-dessus de mes forces, mais ils ontconduit la dcouverte d'une magnifique inscription gor-gienne aux fouilles d'Ani, d'iine autre inscription protohis-torique cuniforme dans la langue khalde, la plus tendue, auxfouilles de Van en Armnie et de plus la dcouverte demonumentsprhistoriques, grands poissons en pierre de 4 mtresde longueur, divinits paennes, sur les hauteurs de la mon-tagne armnienne de Gelam. Venant resserrer les liens quiunissent en une ligne successive les gorgisants de nos joui"saux aspirations scientifiques de l'armnisant franais Saint-Martin, j'estime qu'il est temps de proclamer la thse fondamen-tale dmon discours, savoir qu'il est impossilile de poursuivreles tudes gorgiennes (je suis prt, s'il est besoin, proclamerles mmes convictions au sujet des tudes armniennes) sansles fonder sur l'existence indniable de faits qui unissent sansinterruption la prhistoire du Caucase avec son histoire jusqu'nos jours par le maintien perptuel de l'entrelacement de la viesociale des Gorgiens et de celle des peuples et peuplades avoi-sinant le Caucase tel degr que l'histoire de la Gorgie ne peuttre comprise si elle n'est pas reconnue comme l'histoire gnraledu Caucase. Les traditions ultrieures gorgiennes ne nousclairent pas compltement sur cet lat de choses: de plus ellessont dpourvues de donnes exactes sur les faits fondamentauxde l'poque du plus brillant panouissement de la culturenationale gorgienne, elles manquent de toute informationmme sur toi chef de l'glise nationale, comme l'tait leCatholicos de toute la Gorgie, le patriarche Epiphane, arche-

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    LA LAXGUE GKORGIENNE. 13vque de Mthsklietha. Ce chef de l'glise de toute la Gorgie fiten I-J18 une visite de la ville d'Ani o il a proiiunc Tinaugu-ration de l'une des glises gorgiennes un discours si importantpour le moment, qu'on le reproduisit dans cette inscriptionmagnifique longues lignes tailles sur une cinquantaine depierres quarries dans le mur d'une glise gorgienne qui a ttrouve aux fouilles d'Ani.

    Naturellement il est maintenant bien certain que Factivitlittraire de la Gorgie chrtienne, ce qui nous importe cemoment, a dpass les limites d'antiquit qu'on tait en tat delui attribuer auparavant.Cependant notre comprhension de la culture des lettres en

    Gorgie n'tait pas devenue plus claire; toutefois il se dessinaun riche rseau d'influences diverses du monde tranger, dediffrentes coles de traduction. On traduisait de l'armnien, dusyriaque, du grec, de l'arabe chrtien, de l'arabe musulman, dupersan. Il commena s'baucher une thorie gnrale del'origine des lettres et en gnral de la culture gorgienne : lalittrature gorgienne aurait d sa naissance et son dvelop-pement au.x influences trangres, la littrature religieuse celles du monde chrtien, armnien, syriaque, grec, arabechrtien, la littrature laque celles du monde iranien et musul-man, surtout la Perse musulmane. De l l'importance attri-bue l'emprunt des mots provenant dans la langue gorgiennelittraire des mmes sources et la valeur prsume de cesemprunts pour dterminer les influences trangres.

    Cette thorie d'emprunt et de forces cratrices extrieuress'croula; en voici un exemple extrmement frappant : c'est legrand problme de la littrature gorgienne, uvre du potegnial Chotha de Rousthav, Chevalier en peau de panthre :c'est un pome survenant comme un mtore l'poque du plus 'grand panouissement de la Gorgie chrtienne et qui gardejusqu' nos jours sa place au znith de la posie gorgienne,or son sujet est un conte persan, ses hros sont tous trangersorientaux de religion musulmane. Et cette oeuvre nous vient desjours de la reine Thamar, canonise, dit-on, par l'glise gor-gienne comme sainte, en fait divinise par ses contemporains dumonde laque, proclame par eux la desse du soleil, divinit

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    14 REVUE DE l'orient CHRTIEN.populaire, l'assemble de sa cour, qui tait saisie par lesattraits des langues persane et arabe et savourait toutes leursfinesses; or, la langue de l'oeuvre de Chotha, pote de cette cour,est le gorgien incoinparalile, de force irrsistible par le charmede ses particularits profondment populaires; elle est agr-mente de toutes les marques d'un esprit cultiv, el cette langueadmirable trahit l'appartenance du pote la classe noble deschevaliers; leur langue traditionnelle avait t artistementtravaille par les bardes gorgiens paens, et par le pote lui-mme ? Lui, libre de toute prfrence religieuse soit musulmanesoit chrtienne, touch du mysticisme des soulis ou des mani-chens, rvlanl une indiffrence stupfiante en matire desentiment national, il rige l'architecture de son uvre sur labase gorgienne populaire, institution prhistorique de confr-rie, et cette uvre prsente la glorification des peuples quifraternisent, et une conception de l'amour romanesque, amourcourtois, qui n'a d'gal que dans les troubadours provenaux.Or, toute tentative de faire remonter ce pome en totalit une source trangre ne lait qu'chouer. Aussi vaine seraitnotre tentative de rattacher l'inspiration passionne du pote,avec son amour courtois, au culte de la Madone, vraimentgrand en Gorgie, et au dveloppement vigoureux, dans lesmilieux religieux gorgiens, du noplatonisme dont les repr-sentants extrmistes et militants, par exemple Jean, originairede l'Abazguie ( l'Abkhasie ) gorgienne, participaient lareviviscence de cette philosophie et aux troubles sociaux lis la mme philosophie et survenus au xii sicle Bvzance. Maisnon, il y a d'autres sources plus profondes, laques, paennes.Autrement l'origine du pome Chevalier en peau de panthre resterait un problmecomme le sont les origines de la littraturelaque ou celles de la littrature religieuse chrtienne, et tanttl'autres questions fondamentales sur les lettres gorgienneset en gnral sur la culture gorgienne. Et la cause? C'est quenous sommes trs sensililes pour percevoir le moindre mou-\ement des civilisations momliales trangres, lesquelles ontexerc une influence sur la culture gorgienne, et nous enre-gistrons les apports de leurs langues, mais nous ignorons lesforces qui venaient du sol gorgien mme, nous ignorons la

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    LA LANGUE GORGIENNE. lprincipale source d'inforuialion concernant toutes les questionsgnsiaques relatives nux plinomnes sociaux, nous ignoronsla langue gorgienne dans sa formation indpendante; or cetteconnaissance nous obligerait reviser la question d'emprunt,car maints mots qu'on croyait emprunts cessent de l'tre grceaux lumires tout fait sres des tudes palontologiques dulangage.Que la langue gorgienne est dans l'tat crois prsentant des

    couches de diffrente provenance, que tous ses mots sont oudes .monosyllabes ou des composs de ces monosyllabes, quedu ct de ces composs vient se ranger une quantit normede mots jumels, savoir des mots qui ne prsentent que lejumellement de deux mots synonymes appartenant deuxgroupes ou sociaux ou ethniques, qu' l'tat de monosyllabismeles mots taient polysmantiques, ce qui reste jusqu' nosjours un trait essentiel du gorgien, que des changementsradicaux sont propres la signitication des mots qui ont passd'un objet un autre, par exemple de la notion du chien' lanotion du 'cheval' en vertu de l'identit de leur fonction, cellede servir comme animal de trait, toutes ces particularits dugorgien et tant d'autres se sont dvoiles grce la palonto-logie du langage; naturellement nous rejetons l'origine tran-gre des mots qu'on reconnaissait comme emprunt en vertu deleur existence seule dans les langues des peuples en relationavec la G('orgie, tandis que sur le sol des Gorgiens et despeuples qui leur sont apparents les mmes mots se laissentsuivre dans leur dveloppement de l'tat mono.syllabique jusqu'l'tat jumel et, de plus, de leur signification primordiale jusqu'leur valeur actuelle par une srie de remplacements ou par lepassage d'un objet un autre, d'une signification-mre uneautre signification-mre.Entoure de quelques dizaines de langues qui lui sontapparentes divers degrs, la langue gorgienne se retrouvedans une position favorable qui permet de dterminer lesdiverses couches qui appartiennent aux diverstats du dvelop-pement du langage accuss par les langues avoisinantes; cesmatriaux extrmement riches nous donnent des moyensefficaces non seulement pour distinguer la coexistence en

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    16 REVUE DE l'orient CHRTIEN.gorgien des faits qui appartiennent aux diffrentes tapes dudveloppement du langage, mais aussi pour y retrouver descas en tat de passage d'un systme un autre, cas susceptiblesde double interprtation conformment cet tat. L'ide de lapersistance de la morphologie subit donc un coup mortel demme que la doctrine des langues pures de race, rien n'eststable, tout change, tout est relatif; du moins dans le gorgiennous voyons les couches superposes ou juxtaposes de diffrentssystmes, ce qu'on appelle familles, la coexistence des formesvolues et de leurs lments primitifs qui se rvlent commedes mots ordinaires, devenus ensuite fonctionnels.

    Majs quelle famille se rattaclient ces langues, quellesouche appartient la langue gorgienne? Comment l'appeler"?C'est une question prmature pour le moment, alors que nousne disposons que de notions lmentaires sur cette langue. Envous familiarisant avec ses particularits et, de plus, en poussantbien plus avant les tudes gorgiennes, vous trouverez sansdoute le terme impeccable pour dsigner la structure du gor-gien et des langues qui lui sont congnres.

    Je ne peux que vous prvenir qu'il faut s'abstenir de touteappellation qui porterait elle-mme l'indice de n'importe quelleparticularit. Vous pouvez faire un choix dans les noms my-thiques. Les noms mythiques, par exemple de Vnus, de Mars,de Saturne, n'empchent pas l'astronomie d'tre une scienceexacte. Il faut viter absolument l'appellation qui prtendraitdterminer gographiquement une souche de langues parce quela diffrence des systmes drive des diffrents tats de la viesociale, de leurs sources d'existence et de leur technique, etchaque systme ne peut donc tre li qu' une priode dans ledveloppement du langage phonique humain, et pour ma partje prfrerais une appellation de notre souciie de langues sem-blable aux termes usits dans la gologie, tertiaire , qua-ternaii'e , etc. Le progranmie de notre cours ne prtend qu'munir ceux qui s'adonneraient ces tudes de tous les moyensde lutter avec les difficults que prsente la lecture des ouvragescrits en gorgien; or mme dans ces occupations terre terre,avec le seul souci de la comprhension simple mais exacte etjuste (les textes originaux gorgiens, on est oblig de se rendre

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    LA LANGUE GORGIENNE. 17compte de leurs difficults, qui sont infiniment plus gravesqu'onne l'imagine : il ne s'agit pas de la diflicult alistraite de lalangue, ni les particulariti'S bien exotiques de sa grammaire etde son lexique richeet embarrassant par le polysmantisme desmots; il s'agit de ce fait que le langage lui-mme des ouvragesgorgiens tous chrtiens du moyen ge, soit originaux soittraduits, apporte avec lui une comprhension particulire desides chrtiennes qu'il tait charg, sernble-t-il, d'exprimerexactement et de propager, et ce ct idologique du langageexige plus d'attention pour son caractre indpendant, sonoriginalit, autrement nous courons le risque non seulementd'abaisser la valeur des documents gorgiens pour l'histoire dupays, c'est--dire de la GorgieJe dirai mme de tout le Caucase,mais de mal comprendre des mots gorgiens, expressions detextes anciens et figures de discours, et de les dnaturer, et enconsquence d'estropier les ides exprimes par eux et de ne passaisir le sens des variantes nombreuses et prcieuses que nousdonnent les traductions gorgiennes. Cette fois-ci, les sourcestrangres d'information ne peuvent n^us fournir aucune assis-tance, mme quand il s'agit de la traduction gorgienne desvangiles et en gnral de la Bible tout entire. La part quirevient des inlluences locales dans la constitution des textesest parfois plus efficace et plus considrable que la dpendanced'un texte original soit grec soit armnien ou autre. Encore cesdpendances du sol propre, imprgn de croyances paennes,s'augmentent au fur et mesure de la prpnndrance desanciennes leons et elles se ditrencient conformment ladiversit ethnique ou sociale des milieux paens de la Gorgie.Nnus portons intrtdes versions gorgiennes de la Bible dansleur dpendance du texte armnien, syriaque ou grec, pnurtablir ou prciser les versions principales de ces productionslittraires; or les traducteurs gorgiens ultrieurs de l'Ecrituresainte poursuivaient deux buts, tous deux pratiques, l'un, deles rapprocher de la langue de la classe sociale nouvelle enGorgie appele qor6uou qarO (en gorgien qarO-vel 9)(1),

    (1) Qor est Tespce du groupe chuintant, comme Colclies (K'/z/oi), Tcho-roque (JotofjV) Torocj), .Scolotes (i;y.M),oioi), .Scythes (ixu^xi), Colnes fKo),9ri5(;,

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    18 REVUE DE l'orient CHRTIEN.et l'autre de l'purer des expressions anciennes nationales, savoir de la terminologie paenne, puise sa source, alorsvivante encore en (urgie.Quant aux premiers traducteurs, tous leurs effoils et tousleurs soins taient consacrs au maintien de l'accord entre lesides nou\elles chrtiennes et les croyances invtres de lapopulation paenne par l'introduction des expressions religieusesqui lui taient familires, etnous allons jusqu' affirmer que lespremires traductions de l'criture sainte en Gorgie porte-raient une idologie syncrtique, elles seraient de caractrenianiclien.Eu dernier lieu, nous venons la question qui puurrait

    paratre n'avoir qu'une importance formelle et technique, maisqui, en fait, prsente un objet d'importance suprieure etessentielle, c'est la question de l'criture gorgienne; maisquelle criture donc?

    Il y en a trois en vogue : la plus ancienne est l'crilurelapidaire, c'est l'criture de l'pigrapliie monumentale et desrares manuscrits copis par les scribes, ou en vertu de lavnration dont elle continuait de jouir dans le milieu nouveau,ou en vertu de l'attachement d'amateurs aux formes antiques.La seconde, criture minuscule, c'est l'criture commune de

    tous les ouvrages religieux.La troisime criture populaire, c'est l'criture tout d'abord

    de la litti'rature laque.Or ces trois critures ne sont aucunement les simples catgo-

    ries formelles de la palographie : elles correspondent ladilfrence du langage et mme celle de l'idologie.

    L'criture populaire appele en gorgien mqedrul signifiemaintenant militaire et sert dsigner les lettres civiles ou

    arni. Gol-6an); et Qar (J^wcn) est respce du groupe sifflant, commeKhaldes (Qal-di), Kaches (3^^, Ka-q), arm. Gar-d-man; et il ne manque laplnitude des espces tjue la variante du groupe spirant, toujours vocalise parla voyelle e , par exemple Kel-t ou Gel-t , comme nous le voyonsdans la premire partie des composs Gel-am et Gel-arquni , noms ethniquesdevenus les noms gographiques de l'Armnie. Quant la particule fonc- .tionnelle de QarG-vel , nom national des Gorgiens, c'est--dire vel ou" ver ,elle n'est que la variante de man , partie composante do Gar-d-nian .

    IIG]

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    I.A LANGUE GIORGIENNE. 19laques; sa signification exacte est chevaleresque , ellecoiiaiena tre employe ds la formation de la littraturechevaleresque au xi sicle qui exprimait l'idologie de lanoblesse gorgienne de nouvelle formation, idologie tout faitlaque : elle n'est devenue populaire qu'avec la langue qor6u ou qarO (en gorgien qarO-ul >>) : l'espce habituelle de cettecriture populaire est une formation nouvelle, mais elle remontepar ses particularits fondamentales l'criture plus ancienne,celle des Gorgiens paens, tout fait indpendante des lettresreligieuses chrtiennes et qui ne s'est conserve que dans lesdocuments rares de la chancellerie gorgienne du x" siclecomme survivance bien ultrieure.

    L'criture commune de la littrature religieuse chrtienne,ce qu'on appelle spcialement quO^ur % c'est--dire 'sacer-dotale', est l'criture de compromis ou de passage de l'anciennecriture lapidaire dite onciale ou majuscule (en gorgien asom-avrul ) aux formes d'criture familire la noblessegorgienne; cette formation sociale nouvelle s'appelait donc qorOu ou qarO (en gorgien qarO-vel )

    Certes la langue de cette littrature religieuse est aussi celled'un accommodement correspondant, elle est adapte la languedite qorOu ou qarO (en gorgien qar9-ul ) laquelle dslors prend le dessus et devient avec l'alphabet sacerdotalcommune toute la Gorgie chrtienne, auparavant Ibrie; elledevient mme nationale, mais non populaire.

    L'criture lapidaire est aussi celle de la littrature religieuse,mais elle ne s'est conserve que dans les manuscrits d'poqueultrieure lors de la domination de la langue tlite qorOu ou qarfj (en gorgien qarO-uI "), langue de compromis etd'adaptation comme nous la trouvons dans les uvres de l'cri-ture sacerdotale.Pour les Gorgiens chrtiens ce n'tait qu'une relique vnre

    en vertu des traditions chrtiennes, legs des Ibriens quidominaient dans ce mme pays avant les Gorgiens.

    Leur langue, langue des Ibriens, n'tait certainement quel'ibrien avec toutes les particularits qui se dgagent prsentet de ses survivances dans la langue ancienne littraire gor-gienne et de ses fonds inpuisables pour les recherches, langues

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    20 REVUE DE l'orient CHRTIEN.souane et aussi mingrlienne et tciiane, langues sans criture.Avec ces Ibriens nous allons aux poques qui avoisinentcelle des rois de Van, avec ces Ibriens nous rentrons dansle cercle ethnique des Scythes et des Ciniinriens, qui tous ontlgu aux Gorgiens les noms totmiques de leurs dieux, parfoisplus vnrs mme actuellement par la classe autrefois appelela classe infrieure de Gorgie et par les tribus apparentesque le Dieu de l'glise chrtienne. Mais abrgeons.Nous n'avons fait qu'effleurer quelques points saillants qui

    touchent au vif rol>jet de notre cours et au lieu de la misred'isolement du gorgien, quelle batitude, dirait-on, de son tatd'panouissement scientifique, quelle richesse- de ses liensmultiples l'tranger et dans l'ambiance intrieure du Caucase!Encore sommes-nous rest dans les limites strictes du Caucase,pas un mot prononc sur le fait que nous venons de constater entudiant sur place le dialecte souletin du basque, savoirqu'il y a des couches dans cette langue pyrnenne qui serapprochent plus des couches correspondantes du gorgien quene font ni les parlers gorgiens dans leurs relations mutuellesni les parlers basques galement dans leurs relations mu-tuelles (1).

    Quel triomphe pour les tudes gorgiennes !Nullement, je l'affirme.Pourquoi donc?Parce que si nous avons consenti accepter l'opinio'n cou-

    rante qu'il n'y a pas de sources suffisantes et sres pourtudier le gorgien condition toutefois que l'on approuve monamendement, savoir qu'il y a plus de sources que d'tudesde ces sources en Europe occidentale, nous sommes tenu denous rallier sans rserve l'opinion non moins rpandue qu'onmanque d'tudes vraiment scientifiques et sres sur le gorgien,mais nous proposons un nouvel amendement : il existe plusd'tudes sur le gorgien qu'on ne s'en rend compte en Europeoccidentale, parce que les tudes gorgiennes restent isoles,et c'est prcisment le motif qui nous fait adresser notre mot

    (1) Voir l'article :

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    LA LANGUE GORGIENNE. 21de conclusion, le dernier mot (assurment ce n'est pas que lesujet soit de moindre importance), le mot de gratitude ceuxqui ont collabor l'organisation de notre cours dont le but estd'abolir l'isolement des tudes gorgiennes en restaurant l'unionsavante dans le domaine modeste de notre spcialil.Ma gratitude profonde M. Andr Mazon, prsident duComit des relations scientifiques entre la France et l'Union denos rpubliques sovitiques socialistes.

    J'e.xprime enfin ma gratitude personnelle que double montitre d'ex-doyen de la Facult des Langues orientales vivantes Saint-Ptersbourg, M. Paul Boyer, directeur de l'cole desLangues orientales vivantes.

    N. M.'VRR.

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    LITTRATURE ETHIOPIENNEPSEUDO-CLMENTINETRADUCTION DU QALMENTOS

    LIVRE TROISIEMEPRODIGES MONTRS A PIERRE PAR LE SEIGNEUR(iMs. d'Abbadie n" 78, i. 68 v b-I2I r" a)

    (Suite) (1)

    Si les nophytes vous ont couts, ne les envoyez pas vers les maisonsde leurs pres paens, afin (jue leur uvre ne se corrompe pas et que,s'tant retourns, ils ne vous terrassent. Mais affermissez-les jusqu'ce que leur foi soit solide. Ne les envoyez pas l'infidlit ("2i, afin queleurs pres et leurs parents ne poussent pas leurs curs l'infidlit. Eneffet, celui qui enverra celui qu'il a enseign et converti de l'infidlit la fui dans le pays de ses pres impies et infidles, lui-mme le rendrainfidle et sa foi sera pire que sa premire infidlit. Comme Notre-Seijiueur a dit dans l'Kvangile : (F. 04 v" a) A'p donnes pas les chosessiiinlcs aux c/iiens cl ne jetez pas vos perles devant les porcs, afin qu'ilsne tes foulent pas arec leurs pieds et que, s'tant retourns, ils ne ihiusterrassent pas (3). Ne chassez pas ceux (jue vous avez convertis la foidans l'uvre de leurs pres infidles.

    jV(; donnez pas les choses saintes aux chiens (A). On appelle ainsi lesdbauchs sans loi, ni rgle. En effet, on ne leur fera pas misricorde eton ne les mettra pas dans les lieux saints. En eiet, au moment o leurme sortira de leur corps, ils iront au supplice. C'est pourquoi (F. 94 v" b)

    (1) Cf. HOC, 1911, 1912, 1913, 1914, 1910-1917, 191S-1919 et 19:^0-19:^1. Latraduction du Qalmentos a t faite partir du fol. 94 r b en collaborationavec M. Alcide Roman.

    (2) Ici et plus bas, le terme infidlit est pris au sens thologique.(3) Matth., vu, 6.(4) xMatth., vu, 6.

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    LITTERATURE KTHIOPIEXXE PSEUDO-CLMENTINE. 23les impieit ne ressuscileront pas de la damnation. Les pcheurs, non plus,ne se tiendront pas dans le conseil des justes (1). C'est bien cela que leSeigneur a dit. On ne mettra pas le.s impies dans les lieux saints. Ilsn'auront pas l'espoir d"tre sauvs. En effet, ils ont mis le comblepour eux-mmes aux dlices et aux plaisirs sur la terre. Ils ont accom-pli toute uvre perverse de leur plein gr et non ce que voulait leurconscience et ce que voulait le Sei^rneur. C'est pourquoi ils entrerontdans le supplice. On ne les remettra pas dans le droit. Us n'auront pasl'espoir d'tre sauvs.

    princes de l'Eglise, gardez les rgles que vous avez reues en dptde la part (F. ifj r" a) du Seigneur et de notre part, afin que vous alliezdans tous les commandements que nous vous avons prescrits dans lescanons et les rgles qui ont t tablis.

    .Nous avons ordonn aux clercs de ne pas drober le bien de l'glisedu Seigneur et de ne pas l'employer pour leur propre usage. Un biensacr quelconque appartient ;i l'Eglise, car c'est le bien du Seigneur. Celuiqui aura drob son bien sans l'assentiment des prlats de l'glise ampris le Seigneur. Lui-mme aussi le Seigneur dressera ses yeuxcontre lui, afin de faire disparatre de la terre sa mmoire et. au lieude le mettre dans les cieux, (F. 95 r" b) afin de le jeter dans le suppliceo il n'y aura pas d'issue jusqu'aux sicles des sicles.

    Le prlat de l'glise, qu'on ne l'injurie pas et qu'on ne dise pas delui : O porte-t il telle aumne? En effet, cause du Seigneur il faitcette aumne aux indigents. En effet, le Seigneur se confie lui pourtoutes les uvres du saint tabernacle. Il lui remet comme ressources lesbiens de ce monde pour les pauvres (2). Commnt le Seigneurn'aurait-il pas confiance en celui dans la main de qui il a donn lesclefs du royaume des cieux?Gardez les rgles de l'Eglise, ses biens et ses uvres qui se fontsecrtement et publiquement (F. 95 V a) pour l'me et pour le corps,

    pour les choses de la terre et pour celles des cieux, afin que vous vousteniez joyeux au banquet du Christ. Lorsqu'il apparatra dans sa gloirepour juger les vivants et les moris, il donnera aux justes la rcom-pense de leur justice. Mais aux pcheurs qui n'ont pas accompli savolont il donnei-a la rcompense de leur pch : le supplice de ladamnation o il n'y aura pas d'issue jusqu'aux sicles des sicles.Quant moi, je vous dis, prlats de l'glise, gardez les comman-

    dements que nous vous avons prescrits. Xe vous en cartez pas ni droite, iF. 95 v" b) ni gauche. En effet, alors il faudrait que nousplaidions contre vous, parce que vous n'avez pas rendu bonne l'uvrede votre ministre dans le saint tabernacle. Mais si vous l'avez renduebonne et si vous avez fait ce que nous vous avons ordonn, voussigerez avec nous sur des trnes solides et vous jugerez ceux qui sont

    (1) Ps. I, 5.(2) Le texte est en mauvais tat.

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    21 HE\'UE DE l'orient CHRTIEN.SOUS VOUS. Si vous avez fait le bien, votre rtribution sera bonne. Mais sivous n'avez pas fait le bien, vous serez punis. Si les hommes n'ontpas fait votre volont, leur rtribution sera le supplice ternel.Quant vous, ne ngligez pas d'enseigner et d'exposer jusqu'au jour devotre mort ceux qui sont sous (F. 96 r" a) vous. Vous-mmes aussi

    rendez bonne votre manire de faire (1) jusqu'au jour de votre mort,afin que vous vous rjouissiez avec nous aux noces de l'poux cleste.Vous direz ce jour l : Me voici moi-mme et voici mes enfants, quele Seigneur m'a donns. Vous vous rjouirez avec vos enfants dans leroyaume des cieux. Ce jour-l, vos enfants remercieront le Seigneur dece que nous vous avons expos la loi divine, et ils nous remercierontaussi. Nous-mmes aussi, nous remercierons le Seigneur de ce que nousvous avons expos' la loi et de ce que nous vous avons enseigns,puisque vous tes alls' dans toutes les rgles (F. ".16 r" b) de la sainteglise.En vous exposant sa loi, le Seigneur vous affermira pour l'accomplisse-ment de ses commandements, afin que vous enseigniez l'accomplissementde sa volont, que vous affermissiez votre cur, en le tournant verslui. et que vous ne soyez pas agits par les torrents et par les vents, oupar la puissance des dmons, ou par les puissances invisibles (\>).

    La crainte vaut un chtiment de la part du Seigneur. Il est excellentet il 'est utile de craindre le Seigneur. Que celui qui n'a jias la craintedans son cur sache que son me est morte. Mais celui qui craint leSeigneur sera prserv dans toutes (F. 96 V a) les preuves quiviendront sur lui, soit en paroles, soit en uvres, .soit en penses quel-conques de ce monde, qui n'ont pas d'utilit.Que les difficults ne te rendent pas fou. Mais sois courageux pour

    faire la volont du Seigneur. En effet, il t'a choisi, afin que tu serves sontabernacle qu'il a acquis de son sang, afin qu'il devienne le lieud'expiation (3) du pch. Quant toi, expose aux ecclsiastiques degarder la loi et les uvres de l'glise.

    Si un homme abandonne sa femme et ses enfants, avant qu'ils aientgrandi et qu'ils connaissent la voie (F. 96 v b) du Seigneur, sous prtextede continence, et si galement une femme renonce son mariage etabandonne ses enfants, avant de les avoir levs, il ne convient pas derecevoir ceux qui sont dans cet tat. En efet, sous prtexte de continenceils ont corromi)U leurs enfants. Quant ceux qui songent devenircontinents, non aprs le mariage et la procration, mais aprs avoirlev leurs enfants, qu'on leur fasse misricorde et qu'on les admoneste,afin qu'ils connaissent la voie du Seigneur et qu'aprs tre devenuscontinents ils persistent jusqu'au jour de leur mort. Si, aprs avoir pra-

    (1) Au lieu de "/llma"- (sic) lire "J6llln

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    LITTERATURE ETHIOPIENNE PSEL'DO-ri.EME.VTINE i'jtiqu la continence, (F. 97 r a) ils pchent nouveau, leur pnitenceantrieure _ ne leur servira pas, mais il faudra que leurs oeuvres soientdroites. Aprs qu'ils seront revenus au Soigneur par la pnitence,ordonne-leur donc de ararder leur corps dans la puret.

    Sois toi-mme un exemple pour les enfants de l'glise, afin qu'ilsprservent leur corps de tout acte de pch : de la haine, de la luxure,de la manducation de cadavre et de chair dchire (1), de l'efFusion desang humain par ruse, de l'action de boire du sang humain avec (2) unecoupe et de manger la chair du prochain, de l'injure.En outre, (F. 97 r b^ qu'ils se gardent de boire du vin sans mesure,et cle l'ivrognerie ([ui met l'homme sans rai.scn. L'vque, le prtre ou lediacre qui s'attardent en des beuveries, qui boivent sans mesure et quiont leur raison entcnbre par suite de la multitude de leurs beuveries,s'ils ne se repentent pas, s'ils ne consentent pas faire pnitence, aprsque tu leur auras parl, et s'ils abandonnent la rgle de la pnitence,(|u'ils soient retranchs de la hirarchie de la sainte Eglise. En voyantcela, que les autres craignent, qu'ils se corrigent et qu'ils se dtournentd la luxure et de l'ivrognerie. En elVet, (F. 97 v a) l'ivrognerie obscurcitla raison, affaiblit la pense et fait de l'homme la demeure du diable.L'Esprit-Saint s'enfuit et s'loigne de lui.En outre, ordonne aux ecclsiastiques (3) de se dtourner de l'indigna-tion et de la colre. En effet, la colre de l'homme ne fait pas accomplirla justice du Seigneur, car la colre ne connat pas la crainte duSeigneur. Surtout, s'il est vque, prtre ou diacre, qu'il ne soit pascolreux contre ceux qui sont plus gs que lui. Lorsqu'on parle uncolreux, qu'on lui dise : .\bandonne (F. 97 V b) cette colre. Lorsquetu lui auras dit : Abandonne cette indignation et cette colre >, s'ilrefuse de se convertir de son pch, qu'il soit retranch de la hirarchiede la sainte glise. En voyant cela, que les autres aient peur.

    Si un menteur devient faux tmoin contre son prochain, dis-lui de seconvertir de son pch. S'il refuse de se convertir, qu'il soit retranch dela hirarchie de la sainte glise.En outre, dis aux ecclsiastiques : S'il y a un homme qui rpudie safemme, sans qu'elle ait commis d'adultre, que ce soit un la'ic, ouquelqu'un faisant partie de la sainte glise, (F. 98 r a) ordonne-leur de setenir hors de l'glise pendant un an. Mais si c'est un prtre, ((u'ilsoit retranch du rang hirarchique qu'il occupe. En effet, il a mis endoute ce qu'a dit le Seigneur : L'homme et lu femme sont une seule chair ;ce que le Seigtieur a uni que l'homme ne le spare, ni ne le disjoigne (4).

    Il) Au lieu de flVl^' lire -fl^Vl.(2| M. m. : sans.(3) L'expression fiB^V : (UI" YlCfl-t^fV signifie dignitaires de l'glise, pr-

    lats, ecclsiastiques, clercs.(4) Matlh., XIX, 6.

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    26 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.C'est pourquoi admoneste-les, afin qu'ils ne rpudient pas leur femme.S'il y a des hommes qui font ainsi, admoneste-les, afin qu'ils sedtournent de cette malice. S'ils refusent de se corriger, qu'ils soientretranchs de la hirarchie de la sainte Eglise. En voyant cela, que lesautres (F. 98 r" b) aient peur et ne rendent pas frquente une tellemanire de faire envers leur femme. En effet, celui qui rend frquentela rpudiation de sa femme commet un adultre avec la femmed'autrui et transgresse le commandement du Seigneur, inscrit dans lescanons (1).

    S'il y a quelqu'un qui n'Iionore pas son pre et sa mre et ne les rvrepas dans la crainte du Seigneur, comme il a t ordonn dans la Loi,qu'il soit rprimand et couvert de honte en prsence des dignitaires del'glise (2), afin qu'il abandonne cette action. S'il refuse de se corrigeret s'il fait partie du clerg (3), qu'il soit retranch de la hirarchie. S'ilest la'c, qu'il se tienne hors de l'Eglise du Seigneur iF. 98 v a) pendantdouze ans.En outre, admoneste les ecclsiastiques au sujet de la femme qui aura

    employ un sortilge contre son mari. Si elle a employ contre luid'autres sortilges et qu'elle l'ait tu, et si le prtre le sait, qu'il ne luipermette pas d'entrer dans l'Eglise et qu'il ne lui donne pas la chair etle sang eucharistiques jusqu'au jour de sa mort. Mais si elle se repent,qu'elle jeune tous les jours de sa vie sans aliments gras jusqu'au jourde sa mort et qu'elle mange seulement neuf heures. Qu'elle n'ait pas decommunion, ni d'union avec le peuple. Par amour (F. 98 v b) deshumains qu'on rpte pour elle les prires pnitentielles le jour de samort, afin que le Seigneur lui pardonne son pch. Elle sera sauve aujour du jugement, si elle a t persvrante dans sa pnitence. Si elle sedrobe (4) sa pnitence, on ne recevra pas sa pnitence, ni son me dansla vie.En outre, prescris la loi de l'I'jglise aux rois, aux magistrats, aux

    orgueilleux et aux arrogants qui viennent avec astuce se mettre au-dessusdes prtres dans l'Eglise (Si. Ordonne-leur de s'carter de la voie del'orgueil et dene pas venir (F. 99 r a) avec un pouvantait dans la sainteEglise. Que les prtres ne les craignent pas avec leur pouvanlailorgueilleux. En effet, ils ont avec eux le Dieu qui domine les rois etaffaiblit la puissance des magistrats orgueilleux.

    C'est ainsi qu'Osias s'est enorgueilli et a prvariqu. Ce jour-l, euvoulant bien faire, il a fait venir sur lui-mme le pch et la maldiction,et son visage s'est couvert de lpre. Lorsque le prophte Isae vit le

    (t) Texte ; ll4>'9, canonique.(2) Texte ; ..Pt : n.|- = lir.fl-C^pTr.(3) Texte : >,irfiB?.(4) Texte : iw^*^.(5) Texte : ,A : n.t = WCtt-tfi.

    [5)

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    LITTKRATURE ETIIIOPIENNF. PSKUDO-CLEMENTINE. 27roi Osias, il ne le rprimanda pas, car c'tait le roi. Parce qu'il nel'avait pas rprimand, (F. 99 r b) le visage du Seigneur se cacha auprophte pondant un an. Quand le roi Osias fut mort, le Seigneur semontra au prophte Isae comme aup:iravant. .\Iors Lsae dit : L'anne omourut le rut ijsias, Je vis le Seigneur vivant axsis sur un trne lev elhaut. Il remplissait l'difice de sa gloire. Les Sraphins et les Chrubins'lUouraient le trne comme une couronne pour l'audition de leurs glori-fications (1). Us virent donc que le Seigneur tait en colre contre leprophte lsae, parce qu'il n'avait pas rprimand le roi Osias.

    (F. 09 V" a) Pareillement vous, dignitaires de l'Eglise, rprimandez lesrois et les magistrats. Xe les craignez pas, lorsqu'ils viennent avec desimprcations s'immiscer dans les affaires concernant les prtres etl'autel. De plus, au sujet de leurs mauvaises actions, redressez-les etrprimandez-les. \e craignez pas leur pouvantai), lorsqu'il s'agit descommandements du Seigneur, car vous avez avec vous Dieu qui est plusredoutable qu'eux, afin qu'il ne se mette pas en colre contre vous etcontre eus. En eSet, vous ne leur avez pas expos et ils n'ont pas cout :tous deux F. 99 v b) vous tomberez dans le supplice des flammes dufeu. Mais si vous leur avez expos et s'ils ont tran.sgress les comman-dements du Seigneur malgr vous, ils seront condamns. .M.iis vous,vous vous serez sauvs vous-mmes de la condamnation qui viendra surles enfants des transgresseurs et du chtiment qu'infligera le Seigneur ceux qui n'ont pas observ ses commandements, ni sa parole.Toi-mme, roi et magistrat, pourquoi n'coutes-tu pas la parole des

    prtres qui t'exposent les commandements? En effet, les ministres del'Eglise sont la bouche du Seigneur. Ne les outrage pas, car i F. 100 r a)ils sont les inspecteurs |2) de la cit cleste. Lorsque toi mme tuoutrages et mprises les prtres du Seigneur, comment donc explique.s-tuque le Crateur des cieux et de la terre a t baptis de la main de Jean,son serviteur? En effet, ce dernier est terrestre et le cleste a t baptispar lui.

    ecclsiastiques, n'ayez pas honte de rprimander les pcheurs ausujet de tout mal que vous entendrez et verrez. Ce faisant, vous n'aurezpas de pch. Or, moi-mme je vous fais cette rvlation, moi qui vois lecur et les reins.

    Si parmi (F. 100 r b) les ecclsiastiques quelqu'un reoit une offrandepromise par vu, un animal premier-n, une offrande volontaire, oudes prmices de fruits et ne les donne pas aux pauvres et aux trangersassists par l'glise, mais s'il se les approprie pour les besoins de samaison, lui-mme sera retranch du rang qu'il occupe dans la sainteEglise.

    (1) Is., VI, 1-2.(2) L'expression ft-flh i 'hfi.'i (orthographe du ms.) a ici le sens primitif dumol jticxoTco; (inspecteur).

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    28 REVUK riE l'orient chrtien.Quiconque tiendra pour lgre l'excommunication, soit vque, soit

    prtre, soit diacre, n'aura la leve de son excommunication que parcelui qui l'a suspendu et l'a excommuni. Que ceux qui le recevronten un autre lieu soient eux-mmes condamns avec celui qu'ils aurontreu.

    Si quelqu'un est condamn injustement, qu'il porte l'affaire (F. 100 v^a)auprs du sige du patriarche de Rome. De plus, qu'on se runisse son sujet et qu'on examine quel est son cas. S'il a t condamninjustement, qu'on le rtablisse dans le rang qu'il occupait auparavant,mais s'il a t condamn justement, qu'il reste sous sa condamnationprcdente.Que le prtre ne s'immisce pas dans les affaires du mariage, afin quele Seigneur ne le chtie pas dans sa colre. Qu'il ne prenne pas part

    aux banquets des pciieurs et (ju'il ne bnisse pas non plus leursmaisons, leurs festins et leurs enfants. Qu'on n'ordonne pas ces dernierspour le ministre sacerdotal, car ce sont des enfants d'abjection. {. 100v b) Qu'on ne reoive pas ceux qui agissent ainsi. S'ils offrent leurencens, il sera impur auprs de moi. En outre, je n'agrerai pas leurprire.Quant vous, 6 prtres, admonestez-les, afin qu'ils s'cartent de

    l'impuret et de la luxure et afin que leurs descendants et leurs enfantssoient bnis par votre parole. Pour vous, vous participerez aux biensternels, ,si vous les avez enseigns, admonests et ramens dans lavritable voie du salut.En outre, expose ceci aux ecclsiastiques. Si quelqu'un s'est trouvdans (F. 101 r" a) la luxure et l'adultre, si un clibataire a pratiqula fornication, s'il a eu des enfants avec des courtisanes, s'il a confesssa faute, s'il a t repris devant deux ou trois tmoins coutez commetmoins ceux dont la parole est vraie, ceux qui ne mentent pas, ceuxqui ne cherchent pas prendre iniquement le bien d'autrui ; ces diversespersonnes lui serviront de tmoins et s'il n'a pas t tabli que saconduite a t bonne sur le tmoignage de deux ou de trois tmoins,comme il est prescrit dans la loi, qu'il soit retranch du rang qu'iloccupe dans la sainte glise.Que quiconque n'accomplira pas ce que nous avons prescrit dans

    (F. 101 r" b) la rgle des canons que nous avons tablis soit retranchdu rang qu'il occupe dans la sainte glise.En outre, nous avons empch les transgresseurs d'entrer dans lescieux, car les clefs du royaume des deux se trouvent avec nous et

    sont en nos mains. Que par notre parole tous les auteurs d'iniquitsoient retranchs. Que ceux qui n'ont pas observ la rgle de la sainteglise soient exclus de l'accs de la porte de la lumire.

    Moi, Pierre, je suis le dlgu de votre Pre, qui m'a appel i roc ,afin que vous soyez difis sur mon fondement par la foi. (F. 101 v a)La foi est mon fondement. Par mon pouvoir j'ai tabli ces rglements,

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    t

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    LITTRATURE THIOPIKNNE PSEUDO-CLMENTINE. 29afin qu'on ne transgresse pas la loi de la sainte glise de (1) monSeigneur et de mon Dieu.mon fils Clment, confirme les rglements que j'ai tablis pour toi.N'instruis pas ceux qui n'ont pas de science, afin que les paroles demon Seigneur ne deviennent pas une drision auprs d'eux, alors qu'ilsddaignent et mprisent les commandements que je leur ai prescritsconcernant l'glise de mon Dieu.En ces derniers jours j'ai prcipit terre Simon, car il tait magi-

    cien, et Ananie {F. 101 \' b) aussi, car il avait soustrait la moiti duprix de sa vigne. L'ange qui avait t envoy par le Seigneur le jeta terre. 11 s'tait tenu debout, jusqu' ce qu'il et rencontr l'opposition dema parole (2). Moi-mme j'ai contredit Ananie et je lui ai dit : e Pourquoias-tu fait flchir la rgle de la sainte glise? Quand je lui ai dit unetelle parole, il a allgu un motif mensonger, il n'a pas voulu le repentiret le pardon et il n'a pas confess sa faute devant moi. L'ange de l'gliselui-mme le guettait, jusqu' ce qu'il eut obtenu l'autorisation de maparole. 11 le frappa et Ananie mourut d'un seul (F. 102 r a) coup.Pareillement sa femme aussi mourut aprs lui, car l'ange de l'Eglisese trouvait ce jour-l devant moi. C'est pourquoi il la tua immdiatement,car elle avait transgress la rgle de la sainte glise.Quant l'vque qui agit [3\ purement, l'ange de l'glise se trouveavec lui. L'ange fait pour lui ce qu'il veut, car l'vque se tient dansla rgle venant du Seigneur et obit au Seigneur. Il se rfugie vers leSeigneur, parce que les enfants de l'Eglise n'ont pas rendu bonnes(F. 102 r" bj toutes les uvres qu'ils accomplissent.Exposez ceux qui ont la science et ceux qui ne mprisent pas

    les commandements du Seigneur. En effet, il n'est pas juste que maparole soit rpandue pour ceux qui n'ont pas la foi, ni l'intelligenceet qui ne s'appliquent pas au salut de leur me dans la loi de l'glise.

    Je t'ai tout expos, afin qu'ils observent avec soin la rgle de lasainte glise, l'exemple des anges (4) de la Jrusalem cleste, enlaquelle les anges glorifient le Seigneur (F. 102 V a) sans interruption.En effet, il est saint parmi les saints et il ne veut pas que les lvresdes russ et des iniques le glorifient. En effet, il est saint. Il est glorifipar les saints, il est lou par les purs et il est exalt par les vigilants.

    Je n'agrerai pas le sacrifice des pcheurs, a dit le Seigneur (5).L'offrande et l'encens de ceux qui n'accomplissent pas la loi des canons,je ne les agrerai pas. Le Seigneur a dit : Je suis rassasi du sang desboucs et des bufs (6). David a dit : Je ne mangerai pas la chair du buf

    (1) Lire T^-Vt au lieu de h'^t.(:J) SI. m. : le chemin de ma parole.(3) M. m. : va.(4) Lire oi'>iYl+ au lieu de A>iTlt.(5) Is.. I, 13.(6) Is., I, 11.

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    30 REVUE DE l'orient CHRTIEN.et je ne boirai pas le sang du bouc, (F. 102 v b) car le monde dans saplnitude est moi (1). Le sacrifice des pcheurs et des impurs et leuroffrande. Je ne les agrerai pas, a dit le Seigneur qui domine tout (2).

    S'il y a un vque, ou un prtre, ou un diacre qui ne veuille pasobir aux rgles des canons, qu'il ne passe pas dans le rang suprieurqui ne lui appartient pas, mais qu'il soit retranch du rang qu'il occupedans la sainte Eglise.Que l'vque ne s'occupe pas de la charge du mtropolite ; le mtro-polite, de la charge du patriarche; le prtre, (F. 103 r" a) de l'uvrede l'vque; le diacre, de l'uvre du prtre; le sous-diacre (3), de l'uvredu diacre; le lecteur, de l'uvre du sous-diacre; la diaconesse, de l'uvredu lecteur; les la'ics, de l'uvre des diacres; les vierges, de l'uvre desfemmes ; les jeunes filles, de l'uvre des vierges.Que quiconque transgressera ce que nous avons mentionn soitretranch du rang qu'il occupe dans la sainte glise. L'ange de l'Eglise,de son ct, si nous le lui permettons, (F. 103 r" b) nous qui avons lapuissance, s'irritera contre lui et l'tranglera comme Judas le perversqui s'est spar de notre collge et s'est trangl, comme Satan, sonpre, lui avait suggr.Observez avec soin la rgle de la sainte Eglise et ne vous dtournez

    ni droite, ni gauche, afin que le Seigneur agre votre uvre etreoive votre pnitence.

    Si quelqu'un a fait violence son prochain et s'il dtient ses biensiniquement, .soit des animaux, soit d'autres biens iniquement, soit del'or et de l'argent, soit des vtements, s'il a agi par machination, (F. 103v" a) et si on l'a convaincu d'iniquit, qu'il ajoute le double.

    S'il a pris par violence des biens de l'glise et si on l'a convaincud'iniquit, qu'il donne le quintuple. En effet, c'est une iniquit de prendreles biens de l'glise du Seigneur. Nous avons tabli ceci dans les saintscanons, afin que personne ne drobe le bien d'autrui. Si quelqu'un aus de violence, qu'il soit dolui du rang qu'il occupe dans notre sainteglise.

    S'il y a un vque, un prtre ou un diacre qui ait pris usure et quiait recommenc prendre usure, qu'il soit donc retranch du rangqu'il occupe dans la sainte (F. 103 v b) Eglise et qu'il soit destitude la charge qu'il exerce. En effet, c'est la loi de notre sainte Eglise.

    Si un vque, un prtre ou un diacre accuse son prochain iniquementauprs des rois et des juges et s'il poursuit l'accusation auprs d'eux,qu'il soit dchu et retranch du rang qu'il occupe dans la sainte glise.En outre, s'il y a un vque, un prtre ou un diacre qui transgresseles commandements de nos saints canons, qu'il soit dchu de son rang.

    S'il y a quelqu'un qui rpudie sa femme, sans qu'elle ait commis(1) Ps. xLix, 13 et 12.(2) Is., I, 13.(3) M. m. : diacre.

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    LITTKRATLKK KTHIOPIF..VNE PSEUDO-CLKMENTIXE. 31un adultre J- . 104 r- a) son ,ltrimnt. et s'il pouse une rpudie,qu 11 soit retranch du rang dans lequel il est plac. Si c'est un lacqu il soit exclu de TE-lise, jusqu' ce qu'il ait fait pnitence.i;n outre, s'il y a un vque, un prtre ou un diacre qui n'observe pases rgles canoniques que nous avons prescrites, qu'il soit dchu durang qu'il occupe dm.s notre sainte Eglise.

    S'il y a quelqu'un parmi le peuple des chrtiens ou parmi les prtres.lui aille la danse ou au spectacle, qui entre dans un cabaret ets enivre, ou qui (F. 104 r- b) entre dans une maison de bains et se baigneavec des femmes sans pudeur, .|u'il soit retranch et dchu du rangqu'il occupe dans notre sainte glise.S'il y a un vquo ou quelqu'un parmi les prtres, les diacres oules lacs qui descende dans un temple de juifs ou de paens, qui prieavec les hrtiques et les schismatiques, qui mange de leurs alimentset qui accomplisse un de leurs rites sacrs, ((u'il soit retranch et dchudu rang qu'il occupe dans notre sainte glise.

    (F. 104 va) S'il y a un vque, un pr.tre, un diacre ou des gensparmi le peuple des chrtiens qui croient aux paroles des astrologues,des devins et des magiciens, s'ils lient amiti avec eux, coutent leur.sparoles et accomplissent ce qu'ils leur ont ordonn, qu'ils soient relian-chs du rang qu'ils occupent dans la sainte gli.se. Mais si c'est un lacquil soit exclu de l'Kglise d'aprs la rgle du canon .(ui est dit lpremier.S'il y a parmi les v(iues et les diacres ou parmi le peuple deschrtiens (F. 104 v b) des gens qui consultent celui qui pratique ladivination par le feu, l'eau, les arbres, les oiseaux ef les pierres, s'ilscoutent celui qui pratique la divination et exerce la magie, s'ils croienta leurs paroles et s'ils acc-ompli.ssent ce que le magicien leur aura ditqu Ils ressortissent la mme juridiction que le magicien et qu'ils soientretran.-hes du rang qu'ils occupent dans notre sainte glise .Mais sic'est un lac, qu'il soit exclu de l'glise, jusqu' ce qu'il ait fait pnitenceconformment la loi qui a t tablie.

    .1 suivre.)

    Sylvain Grbaut et .Mcide Rom.\n.

    IlOJ

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    LES SOURCES GRECQUES ET CHRTIENNESDE L'ASTRONOMIE HINDOUE

    Notes additionnelles.{Suite) (1)

    (Pagr 406). Dans son commentaire sur le premier livre des Etemenls d'Euclide,p. 69, Proclusacrit que les uvres de ce gomtre tmoignent d'une mei-veilleuseexactitude, et des facults d'observation scientifique de leur auteur; ses lc-menls, dit-il, sont particuliremenl admirables, parce que, s'il est loin de diredans leurs pages tout ce qui poui-rait y tre dit, s'il n'y expose point la sommede la doctrine gomtrique, il s'est born rdiger, sous une l'orme parfaite,tout ce qui convient l'instruction des tudiants; d'o il suit que les lvientssont un manuel destin l'enseignement, qui est toujours une forme infrieurede la science, et qu'ils n'ont aucunement la prtention de reprsenter le stadeauquel la science mathmatique, sous ses deux espces de la Gomtrie et del'Aritlimologie, tait parvenue au troisime sicle avant J.-C. Et c'est un faitcertain qu'EucUde n'a point le dessein d'y exposer uniquement ses propresdcouvertes; aucun homme n'a jamais trouv, dcouvert, invent, par sesmoyens, tout ce qui se trouve dans Euclide ou dansDiophante: l'nnivre d'Aristoteest la somme des connaissances scientifiques du iv sicle; celle de Platon estbeaucoup plus personnelle, parce qu'elle est presque entirement spculative,parce qu'elle ne repose pas, comme les livres d'Aristote, sur la mthodeexprimentale; seul, l'Emile de Rousseau pourrait suffire cette tache tita-nesque, qui sou matre impose la tche surhumaine de retrouver, tians lesannes de son ifance, l'ensemble de toutes les connaissances scientifiques quel'humanit tout entire apniblement accumules en cent sicles, ou plus, depuisl'poque des cavernes; encore faudrait-il tre sur que Rousseau, en mettant ceparadoxe, ne s'est pas amus do la sottise de ses contemporains. Euclide, dansses lments, expose les dcouvertes des gomtres' qui vcurent aux sicles quile prcdrent, telle la thorie des incommensurables, qui fut tablie parThtte,lequel fiit le contemporain de Platon; .Apollonius de Perga, lui-mme, qui acritsur les sections coniques un trait autrement dogmatique que les lmentsd'Euclide, reconnat, dans son argument, que si son troisime livre contientbeaucoup de thormes nouveaux, de son invention, il y en a d'autres dontil doit la connaissance ses devanciers. La diffrence des temps n'expliquepoint seule la divergence de qualiti^ entre Euclide (vers oOO av. J.-C.) et .Archi-mde {vers 250); leur,s leuvres rpondent des programmes,' des besoins,e.ssentiellemenl contraires; Euclide crit un trait de mathmatiques lmen-taires; Arcliimde, Apollonius de Perga, Pappus, tudient les courbes, les .qua-dratures, les tangentes; ils font de la gomtrie suprieure, du calcul infini-tsimal, dans la direction leibnitzienne: encore convient-il de ne pas confondre

    (I) Voir ROC, t. XXV, p. 4(X:) et suiv.

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    LES SOURCES DE L'aSTRONOMIE HINDOUE. 33le cours d'Analyse de l'cole polyteclinique, qui est un livre d'enseignement,avec les quelques pages d'un article du Journal de Mouville, qui est del'rudition.(Page 408). L'ordre, la clart, la prcision, la mthode savante de Diophante

    rappellent les meilleurs prceptes de Descartes; ces qualits prcieuses con-trastent singulirement avec le dsordre et l'imprcision des livTes hindous;elles montrent que l'uvre de Diophante est essentiellement hellnique, etqu'elle ne doit rien aux thories des savants de l'Inde.

    Bien que ni Pappus, ni Proclus, ne parlent de Diophante, il faut bien admet-tre que ce mathmaticien vcut vers la moiti du iv* sicle, au plus tard,puisque Hypatia, vers 380, commenta son trait d'Arithmologie; or, c'est unlait tangible que la valeur dogmatique et intrinsque de YAlgbre de BhskaraAtchrya, sept sicles plus tard, est trs infrieure celle de Diophante, d'oil faudrait conclure, si la discipline hindoue a jamais t l'origine de la sciencegrecque, qu'elle dclina dans l'Inde, entre l'poque de Diophante, le iv* sicle, etle i\'', auquel fut crit le SiMhnlairomani, pour retourner :i une forme trsinfrieure, qui est justement celle qui e.sistait chez les Hellnes, avant latransformation de la mthode algbrique qu'excuta Diophante; ce qui,manifestement, est contraire toutes les possibilits, toutes les vraisemblances.Avant Diophante, les problmes se trouvaient, en effet, noncs sous lesespces d'une pice de vers, sous la forme d'historiettes, de devinettes, dercrations mathmatiques, o les inconnues taient reprsentes par desobjets usuels, des flacons, des animaux, sous la forme la plus matiiellequi se puis.se imaginer: et c'est exactement sous cette forme purile que lascience se prsente chez les gyptiens de l'Antiquit et aux Indes; Diophantechangea radicalement la forme et la mthode de ce systme, et, ces noncssous forme concrte, il substitua des noncs en nombres abstraits; s'il n'y apoint de doute (voir page 384) que les algbristes du Djamboudvipa n'arrtentl'expos de leur doctrine au point exact o se termine la premire partie, lamoiti exactement, de l'uvre mathmatique de Diophante, partant, qu'ilsont dmarqu un exemplaire incomplet de son Algbre, 'on peut-tre mme,un livre d'arithmologie plus lmentaire, peut-tre plus ancien, si l'on prendgarde sa terminologie, que Diophante, et contenant, propositions et exercices,la moiti de VAlgbre de Diophante, que sa seconde partie se soit perdue, ouque son auteur se soit arrt aux problmes du second degr, il n'en est pasmoins certain qu'au lieu de la terminologie abstraite de Diophante, les Hindoususent de la terminologie concrte et (igurative de ses devanciers; c'est assezdi're qu'ils ont substitu au vocabulaire de Diophante une srie d'expressionsvulgaires, auxquelles ils taient habitus par la connaissance des ouvrages hell-niques antrieurs Diophante, Il leur tait impossible de s'lever ce stadede l'intelligence des nombres considrs comme des universaux, comme dessymboles indpendants de tout objet auquel ils peuvent se rapporter, qui fut exac-tement le concept de Diophante, quoique l'on pense le contraire, puisque, dansune srie de problmes, par exemple le sixime du livre \'I, le mathmaticiengrec ne craint pas de runir dans une mme formule des nombres qui qualifientdes objets appartenant des sries htrognes ; et cela prouve surabondammentque, comme les algbristes, depuis l'poque de Vite, il regardait les nombrescomme des entits abstraites, indpendantes de toute ralit, qui n'ont d'exis-tence que dans l'imagination qui les conoit, et sur lesquelles on peut faire desoprations mathmatiques qui semblent contraires la raison ; c'est ainsi qu'en

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    34 REVUE DE l'orient CHRTIEN.coUe place, Diophante propose de trouver un triangle rectangle, tel que sa sur-l'ace, augmente de sa perpendiculaire, fasse un nombre donn, ou, pour treplus exact, un triangle rectangle, tel que le nombre qui reprsente sa surface,plus celui qui reprsente l'un des cots, soit gal un nombre donn, dans unelormule telle que G.v- 4- 3x = 7, laquelle est absolument analogue auxexpressions de l'Algbre moderne oa;-' + b.c- + ex + d = 0, dans lesquelles, enfait, on additionne des cubes, des surfaces, des lignes, pour aboutir un totalincohrent. Ce ralisme, ou ce conceptualisme, comme on voudra, de Diophantes'oppose absolument au nominalisme des Hindous; il montre que les Grecss'taient rendu compte de l'existence des nombres apart rei, qu'ils avaient eu,avec Pythagore, cette notion prcise, dont l'hyperchimie a vrifi l'exactitude,que la quantit existe, mais non la qualit, ou plutt, que la qualit est fonctionde la quantit, puisqu'il suffit de modifier le nombre des lments do l'atomed'un corps pour le transmuter en un autre absolument diffrent, que lesproprits physiques et chimiques des entits matrielles du monde phnomnaldpendent uniquement du nombre dans l'atome, de mme que la classe, legenre, la forme, les particularits, les points singuliers, des entits transcen-dantales, des tres gomtriques, courbes et surfaces, de l'espace noumnal sonttroitement dtermins par le degr de leur quation, par la valeur de leursparamtres. Cette doctrine est conforme au concept du nombre dans l'espritde l'Algbre moderne, et la notion trs exacte que les Grecs professaientde leur gnration, .sans compter, ce qui a son importance, que la notationalgbrique de Diophante, au iv sicle, est trs .suprieure celle deBhskara au \u, en particulier, pour la manire d'indiquer les puissances del'inconnue, qui a un sens dans Diophante, tandis qu'elle n'en a aucun dansBhskara.Que cette modification soit due Diophante, ou qu'elle lui soit antrieure,c'est un fait qui n'a pas l'ombre d'importance ; plus elle sera ancienne dansl'histoire de la science hellnique, plus elle montrera la supriorit des Alexan-drins, ou des Grecs d'Europe, qui l'ont effectue, sur les Hindous, qui, auxn" sicle, conservaient religieusement cette forme enfantine de la science la plusabstruse qu'ait jamais invente l'esprit des hommes.Encore faut-il remarquer que, vers le vi" sicle de notre re, les mathmati-ciens de l'Inde exprimaient le volume de la pyramide par la moiti du produitde la surface de la base par la hauteur, dans une formule radicalement fausse,alors que, depuis un millnaire, depuis Eudoxe, les Grecs connaissaient la for-mule exacte de son cubage. Qui, dans de telles conditions, en partant de tellesprmisses, admettra la supriorit des Hindous dans le domaine algbrique,alors qu'ils fai.saient preuve d'une telle ignorance dans celui de la Go-mtrie, alors qu'ils n'avaient mme pas t capables d'apprendre des Grecs del'empire de Bactriane, des tats indo-hellnes, du royaume des Sakas, uneexpression aussi fondamentale de la Gomtrie lmentaire? La discriminationentre l'esprit gomtrique et l'esprit algbrique est une subtilit laquelle il neconvient pas de s'arrter; il n'existe pas, dans le domaine des matlimatiques, detelles modalits des facults pensantes; elle ne rpond aucune ralit; lascience, un mme moment, dans une mme forme de civilisation, est au mmestade dans le domaine de la Gomtrie et dans celui de la science numrale,exactement comme la Renaissance, identiquement comme de nos jours; cer-tains esprits se trouvent ports l'tude spciale de l'Algbre, alors que d'autresne s'intressent qu' la Gomtrie; mais c'est l'vidence mme que les uns et

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    LES SOURCES DE I.'ASTRONOMIE HINIiOUE. 35les autres ne spcialisent l'objet de leurs recherches qu'aprs avoir acquis lamme somme de la doctrine mathOmalique, qui fait la part gale la thoriedes formes du xd^iio; et celle des nombres, lesquels expriment les rapportstangibles de leurs dimensions. L'Algbre ne peut voluer comme un aspect diver-gent, ou seulement dilTrent. de la Gomtrie, comme le montre clairementnotre Analyse, qui n'est que le syncrtisme des procds algbriques et de lamthode gomtrique, qui n'aurait point d'objet, qui ne pourrait point vivre,qui n'existerait pas, si elle n'tait tout simplement, comme l'a voulu Descartes,l'application des procds de calcul, que l'on nomme Algbre, l'esprit de laGomtrie, pour aboutir une thorie gnrale des courbes et des surfaces,c'est--dire une doctrine gomtrique, l'tude des formes du xiiaiio;, quePythagorc assigna pour but la science mathmatique. La Gomtrie sup-rieure et la thorie des nombres, qui ne sont plus, comme les aspects lmen-taires de la Gomtrie et de l'Arithmtique, des sciences d'observation, etmme de simple vrification, ne sauraient davantage progre.sser, sans invoquer,au moins implicitement, le secours de l'Algbre, dans une forme o leraisonnement analytique transparait derrire la mthode synthtique, de tellesorte que le raisonnement gomtrique doit .se trouver concomitant toutesolution analytique, et que le raisonnement analytique doit accompagner etsuivre l'volution de tout concept gomtrique. C'est en ce sens, exactementd'aprs les mmes principes gnraux, d'aprs la mme fatalit inluctable,que la Gomtrie et l'Arithmologie se trouvent runies dans le prcis d'Euclide,sans naturellement que, dans ce livre lmentaire, le gomtre alexandrin aitsong indiquer des tudiants, qui n'avaient pas s'embarrasser l'esprit dece concept, la connexit de ces deux aspects de la science.

    C'est volontairement, dans un but prcis, que les Hellnes n'ont point fait l'Algbre, et ses procds de calcul, la place prpondrante qu'ils ont acquisedepuis Vite et Descartes ; ils se sont rendu compte qu'il n'existe en ralit quedeux sciences, la Gomtrie et l'Arithmtique, que l'Algbre n'est point unescience, mais une application de la science, une srie de procds de trans-formation, qu'ils aboutissent un sy.?tme machinal, dont le raisonnement setrouve exclu, ce dont ils ne voulaient sous aucun prtexte. Ils n'ont point faitd'Algbre, pas plus qu'ils n'ont gnralis la coupole et la vote dans leur tech-nique, non point parce qu'ils les ignoraient, mais bien parce qu'ils en connais-saient les dfauts. En fait. l'Algbre, avec ses extensions, le calcul diffrentiel etintgral, est devenue un systme de formules, que l'on emploie sans trop serendre compte de ce que signifient les oprations qu'elles supposent, si mmeon s'en rend compte, ce dont Euler avait pres.senti le danger: et il est impos-sible qu'il en aille autrement, parce qu'ils permettent d'atteindre un stadeauquel le raisonnement gomtrique, l'tude synthtique des formes, ne sauraitconduire, sans que l'on sache trs bien quelles ralits rpondent les propritsmystrieu.ses qu'ils dvoilent, les Idiosyncrasies qu'ils rvlent, ni ce qu'ellessignifient. Ils tendent vers des concepts mtaphysiques de la Transcendance,dont la coordination nous chappe, parce qu'elle ne relve pas de notre raison,qui traduisent les qualits et les proprits de l'espace noumnal, plutt quedes ralits tangibles, dans une direction sotrique et mystique, qui eut ravil'imagination ardente de Platon, mais dont l'utilit est nulle.

    Si les Hindous sont nuls en Gomtrie, ce n'est point qu'ils aient l'esprit arith-mtique, alors qu'ils manquent d'esprit gomtrique, c'est tout au contrairequ'ils n'ont point l'esprit mathmatique, dans le sens absolu, que l'Arithmtique

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    3G REVUE DE l'orient CHRTIEN'.et l'Algbrp, chez eux, sont une importation trangre, et qu'ils en ont empruntles lments aux Hellnes qui les avaient inventes, parce qu'ils y trouvrent unmo3'en facile de satisfaire leur manie des nombres immenses, alors qu'ils nes'inquitrent pas de la Gomtrie, dont ils n'avaient que faire.

    Il convient de se souvenir que la thorie des irrationnelles remonte Thtte,qui fut le contemporain de Platon, et qu'Euclide l'a expose dans son X" livre,sous une l'orme telle que l'on ne trouve rien de semblable dans les ouvragescrits aux rives de la Djamna, que l'Aritlimologie des Hellnes tait autre-ment savante, avec la thorie des nombres d'Euclide, qu'elle ne le fut jamaisdans l'Inde, ce qui prouve que les Grecs avaient l'esprit beaucoup plus alg-brique que les Hindous; d'o il faut dduire que cette prtendue originehindoue de la science grecque est une hypothse gratuite, qui ne tient pasdevant la ralit, et cela est confirm jusqu' un certain point, posteriori, parce fait que les Hindous racontent que le palais d'Ardjouna lui fut construit parAsuramaya, r'est--dire par les Grecs (voir p. 422), ce qui est la preuve manifeste(|ue leur technique, et jiartant leurs connaissances doctrinales, qui lui sonttroitement connexes, taient trs infrieures celles des Hellnes.

    Si l'on prte attention ce l'ait que les arithmticiens, comme on le voit parles livres qu'Euclide a consacrs cette partie de la science mathmatique,reprsentaient les nombres sur lesquels ils opraient par des lignes, on s'aper-oit aisment qu'ils ne pouvaient considrer ces lignes autrement que commerapportes une quantit initiale prise comme unit, sans quoi cette repr-sentation gomtrique aurait t impossible, le rapport de deux lignes, c'est--direde deux nombres, ne pouvant tre calcul qu'autant que ces deux lignes sontrapportes une mesure prise comme unit. Il s'ensuit, le nombre, ou laligne qui le reprsente, qui le mesure, tant considrs comme les multiplesd'une unit fondamentale, que les quations de Diophante sont identiques nosquations coefficients numriques, dont Lagrange a dit, avec raison {Trait dela rsoluHon dcx ei/ualions numrh/ues, 1826, Introduction, pages 21 et 22), que,si elle est bien fonde sui' les principes gnraux de la thorie des quations,leur rsolution relve en fait de l'Arithmtique, dans laquelle on devrait lacomprendre, et non de l'Algbre proprement dite, qui ne doit considrer queles quations cool'licienis littraux.

    .l'ignore pourquoi l'on enseigne que l'Algbre des Arabes connat la mmenotation purile que celle des Hindous, qu'elle drive de celle des techniciensdu Djamboudvipa. et non de Diophante, quand le contraire est l'vidence :cette singularit s'expliquerait sous la plume de littraires, qui jugent avec leurimagination et leur sentiment; elle est inexplicable de la part de mathma-ticiens : il est visible que les Algbres de Khayyam (seconde moiti duxi sicle) et d'al-Karkhi (commencement du xi sicle) sont bases essentielle-ment sur la partie de Diophante qui nous a t conserve par les Alexandrins;et ce fait est en conformit absolue avec ce que nous apprend l'auteur des" Biographies des savants , que Khayyam fut un homme profondment versdans la connais.sance de la science grecque; VAlgchre de Kiiayyam s'arrte avecles ijuations du troisime degr, et si al-Karklii traite des problmes contenantdes quations d'un degr suprieur, c'e.st tout fait par exception, sans compterqu'il ramne ax'^"' '^" + l>x"' -+ " + ('" ax- + bx + c = 0, ce qui n'est pastrs extrao-dinaire, puisque l'on sait toujours trouver le nombre des racinesrelles d'une quation trinme.

    Il est visible que les iMusulmans restrent fidles a la tradition diopUanlienne.

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    LES SOURCES DE L'ASTRONOMIE HINDOUE. 37et rinfluencc de Diophante sur Kliayyam et sur al-Karkhi est un fait notoire,avec cette particularit que la doctrine de Dioptiante est infiniment plus gnraleque celle des Arabes, lesquels ne considrent que des cas particuliers, et, malgrl'opinion de Woepcke sur ce point, cette influence se remarque tout particu-lirement dans la terminologie dont use Khayyam; et si elle est essentielle-ment concrte, c'est que son livre est un recueil de problmes et d'exercicespratiques, avec des prolgomnes fort concis.Et la discipline de Khayyam, qui s'occupe avant tout de la construction go-

    mtrique des problmes, est essentiellement dans l'esprit des Grecs, dont lagrande proccupation fut toujours la construction par la rgle et le compas, parla ligne droite et par le cercle, de toutes les questions gomtriques. Khayyamn'ajoute que bien peu Diopliante; al-Karkhi envisage les valeurs irration-nelles de l'inconnue, ce qui est un concept tranger Diophante, mais c'est lun dveloijpement trs secondaire, qui no tire pas consquence, qui nemodifie point l'essence de la doctrine; les Grecs, comme on le voit par Euclide,connaissaient depuis longtemps la thorie des irrationnelles, et, s'ils n'envisa-geaient point les cas o les racines sont irrationnelles, c'est qu'ils n'en avaientaucun besoin dans leur Algbre gomtrique. La doctrine de Khayjam n'estpoint, comme l'a dit Woepcke, la premire application de l'Algbre la Go-mtrie, mais, bien au contraire, l'application de la Gomtrie l'Arithmologie,l'interprtation, par la mthode synthtique, des problmes poss par la thoriedes nombres.

    Il n'y a que trs peu de livres d'Algbre chez les Musulmans, et leur nombreest infime, si on le compare celui de leurs traits de Gomtrie et d'Arith-mtique, lesquels sont tous traduits des ouvrages grecs d'Euclide, d'Archirade,de Jlnlas, de Thodote, de Pappus; d'o il faut conclure que l'.Algbre estune science adventice chez les Jlusulmans, lesquels ne l'ont nullement invente,ni mme dveloppe autant qu'on le suppose, une discipline trangre leurcivilisation, tout entire d'origine grecque, comme leur Arithmtique et leurGomtrie, si l'on applique ce problme le principe de la continuit historique.Les gyptiens, dit l'roclus, dans son commentaire sur le premier livre d'Euclide

    (Prologue, pages 64-70; cf. Tannery, la Gomtrie grecque, pages 60-67), sontles inventeurs de la Gomtrie, laquelle, comme l'indique son nom, est ne dela mesure des terrains, dans un dessein minemment pratique, de l'arpentage,et elle a t cre pour cet office. Thaes, le premier (640-548 av. J.-C), ayantvoyag en Egypte, en rapporta les principes do la doctrine gomtrique; il fitde son chef plusieurs dcouvertes qui lui furent per.sonnelles, et il mit ainsiles Hellnes sur une voie o ils ne tardrent pas en faire d'autres ; si l'on encroit le tmoignage de Diogne Laree, Thaes fut le premier qui dcouvrit lamanire de mesurer la hauteur des oblisques par la longueur de leur ombreporte, et Plutarque affirme que le Pharaon Amasis fut merveill de cettedcouverte, qui l'enthousiasma; d'o il faut dduire que la science de ses sujetstait loin d'tre aussi profonde qu'on se plait l'imaginer, puisque, tout la finde leur histoire, ils ignoraient les proprits des triangles semblables, ce qui est en parfaite conformit avec ce que raconte Proclus, dans son commentairesur Euclide, dans un passage o il affirme que Thaes a dmontr l'galitde deux triangles qui ont deux angles et un ct gaux (voir page 66). Lesgyptiens savaient bien calculer l'art