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UCPA ET MANAGEMENT QUESTIONSÀYVESBELLIARD RESPONSABLE NATIONAL DES ACTIVITÉS NAUTIQUES Trop souvent on oublie que le rôle actif de l'UCPA* dans le développement des sports de plein air ne se limite pas à sa dimension d'union nationale d'associations et à la pré- sence de ses nombreux centres sportifs en France et à l'étranger. Il s'appuie non seule- ment sur une grande sensibilité à l'évolution des pratiques de masse mais aussi sur un savoir-faire pédagogique dont beaucoup s'inspirent. Les métiers du management du sport recouvrent des réa- lités différentes, comment définissez-vous le vôtre ? J'exerce un métier de manage- ment auprès de l'équipe des responsables techniques des sites nautiques. Ils sont une vingtaine en tout. Ma respon- sabilité s'exerce dans quatre domaines, les ressources humai- nes du secteur, le choix et l'achat des matériels sportifs, la qualité de la prestation sportive offerte el l'innovation en terme de stages, sites ou nouveaux engins. Si j'avais à caractériser plus pré- cisément le management mis en oeuvre, je dirais qu'il s'agit de piloter un secteur afin que les stages sportifs proposés soient une réussite. Cela suppose à la fois des actions au jour le jour et une pro- grammation permanente de l'avenir. 1. Yves Belliard Études-diplômes Professeur d'EPS (CAPEPS 1978). Brevet d'État d'éducateur sportif voile 1 er et 2 e degré. Professeur de sport depuis 1990. DESS en encadrement et direction de structures et d'organismes sportifs. Université de Lyon. 2000. Mention bien. Titulaire du diplôme supérieur de l'INSEP (années 1999- 2001) et auteur d'un mémoire : « Utilisation de la logique de service dans le domaine associatif ». Emploi actuel Responsable national des activités nautiques à l'UCPA. Emplois précédents Professeur à l'École nationale de voile de 1983 à 1988 à Saint-Pierre de Quiberon. Conseiller technique régional de voile à la direction régio- nale de la Jeunesse et des Sports de Dijon. Autres activités Instructeur aux CEMEA (Centre d'entraînement aux méthodes d'éducation active), organisme de formation d'animateurs dans le secteur socio-éducatif. Encadrement de plusieurs stages régionaux ou nationaux. 38 Revue EP.S n°299 Janvier-Février 2003 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

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UCPA ET MANAGEMENT

QUESTIONS À YVES BELLIARD

RESPONSABLE NATIONAL DES ACTIVITÉS NAUTIQUES

Trop souvent on oublie que le rôle actif de l ' U C P A * dans le développement des sports de plein air ne se limite pas à sa dimension d'union nationale d'associations et à la pré­sence de ses nombreux centres sportifs en France et à l'étranger. Il s'appuie non seule­ment sur une grande sensibilité à l'évolution des pratiques de masse mais aussi sur un savoir-faire pédagogique dont beaucoup s'inspirent.

Les métiers du management du sport recouvrent des réa­lités différentes, comment définissez-vous le vôtre ?

J'exerce un métier de manage­ment auprès de l 'équipe des responsables techniques des sites nautiques. I ls sont une vingtaine en tout. Ma respon­sabil i té s'exerce dans quatre domaines, les ressources humai­nes du secteur, le choix et l'achat des matériels sportifs, la qualité

de la prestation sportive offerte el l ' innovat ion en terme de stages, sites ou nouveaux engins. Si j'avais à caractériser plus pré­cisément le management mis en œuvre, je dirais qu ' i l s'agit de piloter un secteur afin que les stages sportifs proposés soient une réussite. Cela suppose à la fois des actions au jour le jour et une pro­grammation permanente de l'avenir.

1. Yves Belliard

Études-diplômes Professeur d 'EPS (CAPEPS 1978). Brevet d'État d'éducateur sportif voile 1er et 2 e degré. Professeur de sport depuis 1990. DESS en encadrement et direction de structures et d'organismes sportifs. Université de Lyon. 2000. Mention bien. Titulaire du diplôme supérieur de l ' INSEP (années 1999-2001) et auteur d'un mémoire : « Utilisation de la logique de service dans le domaine associatif ». Emploi actuel Responsable national des activités nautiques à l'UCPA.

Emplois précédents Professeur à l'École nationale de voile de 1983 à 1988 à Saint-Pierre de Quiberon. Conseiller technique régional de voile à la direction régio­nale de la Jeunesse et des Sports de Dijon. Autres activités Instructeur aux CEMEA (Centre d'entraînement aux méthodes d'éducation active), organisme de formation d'animateurs dans le secteur socio-éducatif. Encadrement de plusieurs stages régionaux ou nationaux.

38 Revue EP.S n°299 Janvier-Février 2003 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

2. L'UCPA (Union nationale des centres de plein air) L'UCPA est, depuis sa création en 1965, une union d'associa­t ions unique en France, composée exclusivement de personnes morales. Elle est administrée par les pouvoirs publics, dont le ministère des Sports, qui en assure la vice-pré­sidence, le ministère de la Jeunesse, de l'Éducation nationale et de la Recherche, les collectivités territoriales ainsi que les grands mouvements de jeunesse et d'éducation populaire français, qui en assurent par alternance la présidence, et par les principales fédérations sportives de sports de plein air. L'association UCPA inscrit son projet humaniste, social et citoyen dans le prolongement du service public, et participe de la mise en œuvre des politiques publiques destinées à la jeunesse. LUCPA remplit depuis son origine trois missions, qui se déclinent en trois métiers, au service de l'ensemble des jeunes Français, mais aussi Européens, âgés de 7 à 39 ans. • Le premier concerne l'animation sportive principalement sur le temps des vacances. Depuis 10 ans, le taux de départ des jeunes de 18 à 25 ans est en recul. La mission de l'UCPA trouve donc son entière pertinence, surtout s i on perçoit combien la notion de vacances dans l'univers de référence des jeunes a fortement évolué. Pour l'UCPA, les vacances sont un temps fort non seulement d'accès aux activités sportives, à l'éducation et à la formation mais elles représentent des portes à ouvrir sur la vie, la mixité sociale, la rencontre et l'ouverture vers les autres. Ce sont près de 150 000 jeunes adultes et plus de 60 000 mineurs qui, chaque année, s'inscrivent à un stage organisé par l'UCPA. • La formation professionnelle des jeunes dans le champ des métiers du sport et de l'animation constitue le second métier de l'UCPA : cette mission est mise en oeuvre dans le prolonge­ment du service public de formation, en partenariat avec les services déconcentrés et les établissements publics du minis­tère des Sports. L'UCPA forme près de 1500 stagiaires par an (280 000 heures de formation) aux différents brevets d'État des sports de plein air et intervient dans plusieurs grandes régions françaises (Ile-de-France, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Rhône-Alpes, Aquitaine). • Le troisième champ d'intervention est constitué par les loisirs sportifs de proximité, qui se développent au cœur des villes ou en leur périphérie proche, sur les lieux de vie des jeunes. Au moyen d'une politique volontariste et d'innovation forte (exemple : création des espaces sportifs mobiles), l'UCPA est devenue le premier opérateur au service des collectivités de mise en œuvre des pratiques d'accessibilité sportive de proxi­mité, mais aussi de programmes de solidarité et de co-déve-loppement. Ce sont près de 50 000 jeunes au travers de plus de 800 opérations qui s'initient chaque année à une pratique sportive. L'UCPA développe, grâce à une pédagogie du sport spécifique, la mise en pratique de valeurs citoyennes lesquelles sont placées sous le signe : - de l'amitié, - du respect de l'autre, - du respect de sensibilités diverses, - d'une certaine indépendance d'esprit, - du débat d'idées au service de causes communes, - d'une capacité collective à rendre concret des projets au service des jeunes et de la société. Dynamisme, pluralité, solidarité sociale et tolérance sont des valeurs fortes de l'UCPA. C'est une associat ion à but non lucratif, loi 1901 : 250 000 jeunes accueillis chaque année. 700 salariés perma­nents et 2000 salariés saisonniers. Plus de 127 sites sportifs en France dans les DOM/TOM et à l'étranger, 60 activités sportives de plein air.

Corinne Simoni Direction générale,

Responsable de la communication interne. [email protected]

Comment se concrétisent vos interventions sur le déroule­ment des stages ? En amont tout d'abord : il s'agit lors des travaux de programma­tion de définir le contenu et les modalités du stage en fonction du public visé. Ensuite, la préparation et le management des personnels d'encadrement avant le début des stages sont essentiels. Pendant le déroulement de la saison, je vérifie que la réalité de ce qui est proposé soit en accord avec le projet éducatif et pédagogique et les attentes des stagiaires. Nous sommes en recherche permanente d'adap­tation et de solutions pour une meilleure satisfaction. En f in de saison, un bilan est fait avec tous les responsables des sites dans le but d'enrichir nos savoir-faire issus de l'expé­rience.

Comment se traduit concrète­ment votre intervention en matière d'innovation ? En prenant l'exemple du kitesurf (nouveau sport i n t rodu i t à l'UCPA dès 1999), je constate qu ' i l a fallu passer par trois phases : le repérage, l'appropria­tion et le développement. Dès 1995, lors d'un regroupement,

j ' a i proposé aux responsables techniques des centres nautiques d'essayer un nouvel engin nau­tique, qui s'appelait le wipikat, l'ancêtre du kitesurf actuel. J'ai t rouvé q u ' i l avait beaucoup d'arguments pour l'avenir dont la légèreté et la fac i l i té , et que c'était aussi un nouveau moyen de déplacement sur l'eau offrant une vision du milieu nautique à 360°. L'appropriation par l'UCPA a été une phase plus longue car elle s'est déroulée sur quatre plans à la fois : technologique, institu-

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tionnel, économique et de forma­tion. Au cours de cette phase, mon rôle a consisté à mettre en relation l ' inventeur avec des fabricants, à informer et m'infor-mer auprès de la fédération de tutelle (qui est la fédération fran­çaise de vol libre) et à évaluer la demande réelle du public pour cette activité. J'ai eu à program­mer la formation des moniteurs pionniers pour l'enseignement de ce nouveau sport et à stabiliser avec eux les contenus d'un stage. Depuis 2001, la phase de déve­loppement est engagée, avec de nouveaux stages programmés, chaque année, pour les adultes ou les juniors à partir de 12 ans...

mats en même temps, j ' a i commencé une nouvelle phase de repérage sur les trimarans de loisirs !

Quelles sont vos relations avec les autres acteurs et services de l'UCPA ?

Je travaille principalement avec la direction marketing et commu­nication, le service des achats et le service du personnel afin de mettre en place les stages dans les meilleures conditions.

Vous avez parlé du rôle straté­gique du service marketing, cela ne fait-il pas de l'UCPA une entreprise commerciale et non pas une association ?

Séduire, donner envie sont les fonctions essentielles de la direc­t ion marketing. Pour quels mot i fs, une association qui poursuit des finalités éducatives devrait-el le se priver de la possibi l i té de se faire mieux connaître ? I l est v i ta l pour l'UCPA de moderniser son image auprès des jeunes, ces derniers ayant souvent une représentation décalée des sports de plein air et de leur apprentissage. Aujour­d'hui, tant de progrès ont été faits dans ce domaine qu'il est néces­saire d'en parler, de les faire connaître et de faire pratiquer un maximum de jeunes : c'est la f inal i té de notre union d'associations.

Pouvez-vous définir la spécifi­cité éducative de l'UCPA dans la pratique des activités phy­siques et sportives ?

Elle a développé un savoir-faire unique depuis sa création : rendre accessible à tous des sports dits difficiles d'accès soit sur le plan technique (la voile), soit sur le plan social (le gol f dans les années 1980). Pour un tel résul­tat, on estime à 4 millions les pra­tiquants « cumulés » depuis la création. I l a fallu mettre en œuvre des savoir-faire pédago­giques modernes s'appuyant sur une écoute, une vision positive des pratiquants quelles que soient leurs aptitudes, et sur une mise en situation progressive facilitant la réussite sans banaliser le risque. La pratique par groupe de niveau, animée par un moniteur diplômé favorise l'entraide, la communication et la progression individuelle de chacun vers l'au­tonomie.

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Comment se traduit sur le plan pédagogique la mise en œuvre du projet éducatif UCPA ?

En pédagogie, passer du projet à la réalité concrète est ce qu'il y a de plus difficile ! Pour cela, je travaille depuis la prise de mes fonctions sur deux axes : la didactique des activités adaptées au public accueilli et les procédures de gestion de groupe avant, pendant et après l'activité. C'est un travail qui se réalise sur les centres et dans les regroupe­ments des moniteurs par secteur d'activité. Pour résumer, à l'UCPA. on est pour une pédagogie de la réussite qui favorise le dialogue et opti­mise les mises en situation selon les conditions de pratique.

Les moniteurs de voile reçoi­vent-ils une formation particu­lière qui les prépare à cette pédagogie ?

Oui. dans le cadre de leur forma­tion initiale (car l 'UCPA c'est aussi un institut de formation aux métiers sportifs préparant aux diplômes d'État), dans le cadre de regroupements internes ou de stages pratiques sur les sites. Sur les centres, i l y a une forme de compagnonnage des moniteurs expérimentés auprès des plus jeunes.

Êtes-vous amené à travailler avec des professeurs d'édu­cation physique ? Oui. très souvent puisque nous offrons un lieu de pratique et du matériel de qualité pour l'ensei­gnement scolaire des activités de plein air. Selon les compétences des enseignants et leur projet, nous proposons aussi un co-enca-drement des élèves. Nous pen­sons en effet que la not ion d'équipe éducative moniteurs UCPA/enseignants EPS est à favoriser dans tous les stages de plein air, tout simplement parce que les compétences de chacun sont complémentaires : une meilleure connaissance des élèves pour les uns. une connaissance du site pour les autres.

Quelles tendances observez-vous dans le développement des activités nautiques et de pleine nature ?

Incontestablement les activités de pleine nature attirent par leur variété et leur médiatisation. Mais elles ne sont pas pratiquées autant qu'on pourrait le penser. Il y a des contraintes de déplace­ment, d'incertitude et d'engage­ment que beaucoup ne sont pas prêts à affronter. Il se passe un double phénomène dans les activités de pleine nature aujourd'hui : celui de la banalisa­tion et celui du renouveau. Je m'explique : les sports nautiques par exemple, se sont banalisés à un moment donné avec la planche

à voile et le dériveur pratiqués par le plus grand nombre, mais le renouveau a trouvé son terrain de jeu avec le funboard, le catama­ran et aujourd'hui le kitesurf. Pour pratiquer ces sports, nom­breux sont ceux qui pensent que l'apprentissage peut se faire par soi-même, c'est oublier le risque lié à la météo, au matériel et à l'erreur de comportement.

Comment prenez-vous en compte les risques liés à l'activité ?

Nous essayons d'avoir la démarche la plus maîtrisée pos­sible en amont et pendant la pra­tique. L'expérience nous a appris que les accidents pouvaient arri­ver avec un encadrement au-des­sus de la norme. Le paradoxe est le suivant, plus on encadre et sur­veille, moins le pratiquant se res­ponsabilise, or nous visons une capacité à être autonome chez la personne.

C'est pourquoi, à l 'UCPA, les procédures mises en place dans la pédagogie des activités sont rigoureuses, mais elles intègrent la dimension éducative en res­ponsabilisant les stagiaires dans leur pratique. Par exemple, en voile nous leur demandons de participer à la sécurité en adop­tant l'arrêt systématique en cas de dessalage d'un bateau du groupe.

On perçoit bien le lien que vous établissez entre votre formation en EPS et vos fonctions de manager, quels conseils donne-riez-vous à des étudiants en STAPS qui s'orientent vers les métiers du management du sport ?

Les savoirs issus de la théorie ou des cours peuvent aider, dans le cadre du métier de manager, à structurer la pensée et les procé­dures d'organisation, mais ils doivent être, à mon avis, complé­tés par les savoir-être et les savoir-faire issus de l'analyse de l'expérience, que ce soit dans le domaine de la conduite d'une réunion, du pilotage d'une équipe sportive ou bien dans le cadre d'un métier d'encadrement avec des adultes ou des jeunes. Être manager, c'est avant tout s'adres­ser à des individus et être à leur écoute. •

* Union nationale des centres de plein air (UCPA) - 62, rue de la Glacière, 75013 Paris.

Nous remercions vivement Yves Belliard d'avoir bien voulu répondre aux questions élaborées pour la Revue EP.S par Éric Ledos directeur départemental de la Jeunesse et des Sports du Val-de-Marne.Réalisation : Claudine Leray.

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