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Responsabilité Sociétale des Entreprises : frein ou levier du développement international ? 7 e Observatoire du Développement International | 2016-2017

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Responsabilité Sociétale des Entreprises : frein ou levier du développement international ?

7e Observatoire du Développement International | 2016-2017

ÉditorialL’Observatoire du Développement International est devenu une véritable référence pour tous ceux qui portent leur regard au-delà des frontières. Pour cette 10ème étude (7ème en France et 3ème au Maroc), nous avons également décidé de sortir des frontières du business de l’entreprise stricto sensu et d’examiner les interactions entre le développement international et la responsabilité sociétale de l’entreprise.

Si la RSE est encore considérée par certains comme un élément d’image, elle s’insère de plus en plus dans la stratégie de l’entreprise. Lien avec les parties prenantes (externes comme internes), impact de la réglementation, mise en place de tableaux de bord, les sujets ne manquent pas. Ils sont encore plus nombreux à l’International, car les acteurs sont multipliés, les obligations plus regardées dans certains pays et l’impact global y est plus fort. Cela demeure pourtant un défi pour les entreprises, la RSE en soi et la dimension internationale représentant une double complexité.

L’un des apports de cette étude est de montrer que la RSE ne se réduit pas à une contrainte, une obligation, voire un effet de mode. Penser la RSE comme l’un des axes du développement international est un moyen d’obtenir des résultats probants. Le chemin n’est pas facile, car il nécessite notamment d’échanger avec des acteurs différents qui ne poursuivent pas tous les mêmes objectifs. Des succès peuvent toutefois être fêtés au bout du chemin et font donc de la RSE un incontournable des stratégies de développement international.

Jean-Michel Huet Associé BearingPoint

SommaireÉditorial .........................................................................................3

Synthèse .......................................................................................4

L’entreprise et ses parties prenantes dans la stratégie RSE à l’international .............................8

Enjeux réglementaires et développement international .............................................................................22

RSE et relation client à l’international ...........................32

L’impact de la RSE sur le business à l’international .42

Note méthodologique .........................................................56

Remerciements .......................................................................57

Contacts .....................................................................................58

2016-2017 | 7ème Observatoire du Développement International 3

entreprises alors même qu’ils représenteraient pour ces dernières un moyen d’appuyer leur légitimité en matière de RSE. Les mesures sont actuellement effectuées en majorité selon des méthodes développées en interne, mais qui ne permettent pas la comparaison avec d’autres entreprises et n’offrant pas de transparence sur les modalités de calcul des impacts. L’avenir est donc dans l’adoption d’outils externes génériques… ou, pourquoi pas, dans l’émergence de nouveaux standards développés par et pour les entreprises travaillant sur la mesure de leur impact social et environnemental.

La RSE, un engagement récent…La RSE est un engagement relativement récent pour la majorité des entreprises de notre panel. Moins de 30% d’entre elles considèrent avoir basculé dans une politique RSE assumée avant 2001, date de la parution du « Livre vert » de la Commission Européenne, et plus de 45% l’ont fait après 2010. Mais si 93% des entreprises interrogées considèrent que la RSE n’est pas en priorité une contrainte réglementaire, il est probable que les textes ont eu leur place dans les réflexions internes et les choix des entreprises en matière de RSE.

Les entreprises ne se sentent pas désavanta-gées par les normes RSE d’un point de vue social, un peu plus d’un point de vue business… Dans la zone géographique où les entreprises perçoivent la plus grande contrainte en terme de normes RSE, à savoir l’Union Européenne, seulement 26 % des entreprises interrogées se sentent désavantagées par rapport à leurs concurrents internationaux d’un point de vue social. Elles sont cependant 48% à se sentir désavantagées d’un point de vue business.

Les normes RSE applicables en Europe semblent donc perçues comme plus contraignantes au niveau commercial qu’au niveau social.

SynthèseMardi 29 novembre 2016, l’Assemblée nationale entérinait la loi sur le devoir de vigilance obligeant les grandes entreprises à mieux respecter les droits de l’Homme et l’environnement, y compris dans les pays de leurs fournisseurs. Complexe et autorisant des sanctions financières, cette loi fait débat, car elle légifère sur des notions jusque-là non contraignantes, mais qui étaient malgré tout de plus en plus prises en compte par les entreprises européennes et françaises.

Comme le souligne le Figaro Économie du 1er décembre1, rares sont les grandes entreprises à ne pas avoir été confrontées à des manquements éthiques dans la façon de travailler de leurs sous-traitants internationaux. Amnesty International dénonçait d’ailleurs récemment les multinationales qui commercialiseraient des produits contenant de l’huile de palme dont la production serait discutable. Mais ces cas sont, pour les entreprises françaises tout du moins, de plus en plus isolés et souvent dévoilés au grand public et donc plus difficilement défendables. La Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) est plus que jamais un sujet économique que les entreprises intègrent pour leur développement, en France comme à l’international, dans leurs relations avec leurs parties prenantes, et pas seulement pour des raisons légales.

La prise en compte de ces diverses parties prenantes de l’entreprise est d’ailleurs à l’origine de la définition du concept de RSE. La définition de la politique RSE d’un groupe et de ses bénéficiaires prioritaires reste fortement corrélée à son activité commerciale, les clients en étant les premiers bénéficiaires, en France comme à l’International. Cependant, de nouvelles tendances ont été observées durant l’étude, notamment en ce qui concerne le rapport à la RSE des parties prenantes internes, les salariés. Ces derniers peuvent être eux-mêmes bénéficiaires de la RSE de leur entreprise, mais surtout, ils manifestent leur intérêt pour les engagements de leur employeur, car ces derniers suscitent un sentiment de fierté et d’appartenance, notamment chez les jeunes générations. La RSE n’est plus seulement un argument de vente, mais d’attractivité.

La cohérence s’avère un critère essentiel pour que les entreprises puissent bénéficier de l’impact positif en matière d’image généré par la RSE. En effet, les contradictions entre les engagements des entreprises et la réalité du terrain peuvent produire un effet désastreux sur l’image d’un groupe. Les médias sont mis en avant par les répondants comme des parties prenantes ayant une influence relativement importante sur leur activité. Si c’est en France que les médias sont perçus comme particulièrement influents, pour les entreprises engagées à l’International, la cohérence se doit d’être mondiale. C’est la raison pour laquelle, malgré les différences de réglementations ou de standards selon les pays, les entreprises cherchent à homogénéiser leurs normes internes sur la base des critères les plus contraignants afin de ne pas être prises en défaut et de ne pas limiter leurs exportations. Le slogan « Walk the talk ! Everywhere ! » peut être retenu comme formule de recommandation aux entreprises. Le discours et le vernis RSE ne suffisent plus : le risque d’être pris en flagrant délit de mensonge sur leurs engagements incite aujourd’hui les entreprises à mieux définir leur périmètre d’action, à devenir plus factuelles, voire pour certaines d’entre elles, à limiter la communication sur ces sujets avant d’acquérir la certitude de leur cohérence tout au long de leur chaîne de valeur dans le monde entier.

La garantie de la cohérence repose sur la démonstration factuelle du bien-fondé d’une politique RSE, laquelle représente un exercice compliqué pour les entreprises. Il existe des outils de « mesure d’impact social » qui proposent des méthodologies de mesure de données qualitatives. Ceux-ci sont utilisés de façon marginale par les

1 http://www.lefigaro.fr/societes/2016/11/30/20005-20161130ARTFIG00425-bientot-votee-la-loi-sur-le-devoir-de-vigilance-fait-toujours-debat.php

des entreprises ont basculé dans une politique RSE assumée depuis 2010

45 %

des entreprises se sentent désavantagées commercialement par les contraintes réglementaires en Europe

48 %

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Les entreprises intègrent la RSE dans leurs choix d’implantation à l’InternationalLoin du siège, il est plus difficile de vérifier l’application par les partenaires des standards définis par l’entreprise mère en matière de RSE. Cela l’est d’autant plus lorsque la chaîne de valeur des produits ou services manufacturés implique le travail de fournisseurs et partenaires locaux.

Lorsqu’elles investissent à l’étranger, 42 % des entreprises interrogées regardent en priorité le respect des engagements RSE de leurs fournisseurs, les entreprises restantes s’intéressant en priorité aux engagements RSE des entreprises qu’elles acquièrent (12%), aux entreprises dans lesquelles elles investissent (18%) ou à leurs partenaires (18%). Il reste encore cependant 10% des entreprises interrogées qui ne prennent pas en compte la RSE dans leurs investissements à l’International..

Des investissements responsables plebiscités, y compris en interneLe Social Business représente une excellente opportunité pour le développement international des entreprises, avec un double gain : la mise en place d’initiatives socialement responsables et la présence dans un nouveau territoire avec l’adressage de nouvelles cibles. L’entrepreneuriat social est légitime si l’entreprise s’en donne les moyens en s’appuyant sur ses forces vives internes, mais en y investissant également ses propres ressources. Les résultats de l’ODI confirment l’intérêt des entreprises pour l’entreprenariat social puisque 70 % d’entre elles ont déjà favorisé une dynamique entrepreneuriale à l’international, y compris au sein même de l’entreprise.

À l’International, le levier commercial est la première motivation pour la RSE L’exigence éthique et le levier commercial sont deux facteurs majeurs cités par les entreprises de notre panel pour expliquer leur motivation à s’engager en matière de RSE. Mais si 30 % des entreprises considèrent qu’en France, la RSE est en priorité une exigence éthique, elles ne sont plus que 20% à partager cet avis pour leurs activités à l’International, le levier commercial y devenant alors aussi important. Mais pas à n’importe quel prix non plus : en effet, 41 % des entreprises du panel ont renoncé à entrer dans un pays ou à développer une nouvelle activité dans un pays en raison d’un contexte non éthique.

La RSE, de plus en plus incontournable dans les relations avec les clients à l’InternationalLes exigences grandissantes des consommateurs ont poussé les entreprises à intégrer la RSE à tous les niveaux de leur stratégie. Les paramètres pouvant influer sur la qualité de la relation client deviennent désormais fondamentaux pour toute entreprise souhaitant se développer à l’International. L’étude réalisée montre ainsi l’importance de la RSE dans la gestion d’une relation client : en effet, pour 57% des entreprises interrogées, le client est la partie prenante qui influence le plus sa RSE à l’International, avant les salariés, les syndicats ou la société civile. Mais pouvait-il en être autrement ?

Toutefois, l’étude révèle que les moyens mis en œuvre pour établir une relation client adaptée aux marchés spécifiques locaux restent pour l’instant sous-évalués. Les spécificités clients et les contextes sociaux et économiques différents rendent nécessaires la mise en place d’une démarche RSE réfléchie et adaptée localement avec des actions en lien avec les besoins des clients. Une démarche RSE différenciée devient alors un pari gagnant pour les entreprises en permettant de mieux répondre aux exigences des clients en local et constitue un atout concurrentiel dans une perspective de réussite sur le long terme.

La RSE, un élément secondaire du pilotage des entreprises à l’International, mais qui devrait prendre une place plus importante encoreLe pilotage de la performance est d’abord économique. Mais les entreprises sont désormais jugées au-delà de leurs seules performances financières : sur leur gestion de la parité, la diversité, le bien-être social, la gouvernance et leur appréciation des questions sociétales et environnementales. Et cette tendance devrait s’accélérer.

En effet, si 90 % des entreprises de notre panel affirment que la performance de leur entreprise à l’international est essentiellement évaluée au travers de ses indicateurs économiques, 50 % d’entre elles pensent intégrer la dimension RSE dans les 2 ans à venir. En interrogeant les entreprises sur les trois grandes familles d’indicateurs généralement audités dans le cadre des politiques RSE, ceux-ci traduisent une réelle volonté d’investir et de s’implanter localement en respectant des standards sociaux et environnementaux favorables au développement.

des entreprises intègrent des critères RSE dans la sélection de leurs fournisseurs et partenaires à l’étranger

90 %

des entreprises interrogées ont favorisé une dynamique entrepreneuriale à l’International, y compris au sein de l’entreprise

70 %

des entreprises considèrent le client comme la principale partie prenante de leurs actions RSE à l’International.

57 %

des entreprises comptent intégrer une dimension RSE dans le pilotage de leurs activités internationales d’ici à 2 ans.

50 %

La RSE est un levier commercial pour 2x plus d’entreprises à l’International qu’en France

2X

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Le rapport des entreprises françaises à l’engagement sociétal est radicalement différent, puisque jusqu’aux chocs pétroliers des années 1970, « l’État Providence » constituait un fondement de la société. Dans la définition de ce modèle social, l’État a la charge, grâce aux impôts, aux prélèvements sociaux et diverses taxes, d’apporter un service public accessible à ses citoyens en termes d’éducation, de santé, de transport, etc. C’est suite à « La crise de l’État Providence » décrite par Pierre Rosanvallon en 1981 que l’engagement du secteur privé dans des actions responsables s’est petit à petit développé dans l’Hexagone.

Ainsi, les modalités d’engagement des entreprises dans des actions d’intérêt général diffèrent selon l’époque et la culture d’un pays. Dans le cadre d’un déploiement à l’international, les rapports entre l’entreprise et son environnement devraient transparaître dans la politique RSE mise en œuvre. Cette partie de notre étude vise donc à comprendre et à analyser les relations entre l’entreprise et ses parties prenantes dans ses actions RSE, en France et à l’international, afin d’analyser les divers leviers d’influence des parties prenantes, les bénéficiaires visés par une politique RSE, les cibles de sa communication ou encore le degré de maturité des entreprises sur l’étude de ces acteurs.

Les parties prenantes d’influence : le business avant toutUne question fondamentale en matière de théorie des parties prenantes est celle de leur pouvoir d’influence sur les entreprises. La comparaison de l’importance perçue des diverses parties prenantes externes, en France et à l’international, nous apporte des éclairages sur l’intégration de ces acteurs par les entreprises dans leur stratégie.

La figure 1 ci-après concerne exclusivement les parties prenantes externes et permet de mettre en avant la hiérarchisation très similaire qu’opèrent les entreprises sur leurs parties prenantes les plus influentes, en France comme à l’international.

L’entreprise et ses parties prenantes dans la stratégie RSE à l’InternationalLa notion de parties prenantes a été définie en 1984 comme « tout groupe ou individu qui peut affecter l’atteinte des objectifs de l’entreprise ou être affecté par celle-ci » par le philosophe américain Freeman dans son ouvrage de référence, à l’origine de la « théorie des parties prenantes ».

Le terme anglo-saxon stakeholders n’a pas été choisi au hasard par Edward Freeman, il l’oppose en effet aux stockholders (actionnaires) dans la conception de l’entreprise qu’il défend. Il promeut ainsi une finalité de l’entreprise autre que la maximisation de la rémunération des actionnaires, mais comme la réponse aux besoins des parties prenantes dans leur ensemble. La réflexion amorcée par Freeman propose d’élargir les interactions de l’entreprise avec son environnement, au-delà des actionnaires, en impliquant les fournisseurs et clients de la matrice de Porter, et plus largement les employés, pouvoirs publics, médias, organisations locales, etc.

Les relations établies avec ses parties prenantes nous renseignent sur les stratégies de développement d’une entreprise selon sa compréhension du contexte dans lequel elle évolue. Les travaux de recherche en sciences humaines sur la théorie des parties prenantes nous éclairent sur l’évolution perçue de leurs rapports avec l’entreprise : cette relation est fortement soumise à des conceptions économiques, politiques et sociales qui évoluent dans le temps. La littérature de référence sur la théorie des parties prenantes est majoritairement nord-américaine et nous révèle ainsi des spécificités propres à la culture américaine : la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) moderne y prendrait ses racines à la fin du XIXème siècle, reposant sur des valeurs imprégnées de religion et de libéralisme. Le « self made man » du rêve américain est incité à redistribuer une part de sa richesse dans des actions philanthropiques. Ce type de prise d’initiative est d’autant plus valorisé dans un contexte de défiance envers l’État. Peu de contraintes légales ou réglementaires sont imposées aux entreprises américaines concernant leur engagement RSE : elles conservent une large marge de manœuvre sur leur choix d’allocation (on non) de ressources à des projets non lucratifs.

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Autre différence en dehors du marché français : les organisations de la société civile internationale (type ONG, associations, …) sont perçues comme plus influentes que la société civile locale. En France, on constate un ressenti inverse : la société civile locale aurait plus de poids que les grandes organisations internationales. Cette différence de perception peut expliquer les comportements des entreprises qui auront tendance à privilégier les aides internationales à des organisations sociales multinationales, tandis qu’en France, elles donneront majoritairement à des structures locales, proches de leurs lieux d’implantation par exemple.

Concernant les entreprises ayant répondu positivement à la question « Existe-t-il des différences marquées entre les pays ? », le pays cité comme le plus différent de la France dans son rapport aux parties prenantes est les États-Unis, évoqué avant les pays musulmans pour l’influence de la religion dans la législation nationale.

En conclusion, les parties prenantes d’influence pour les entreprises sont avant tout celles qui entretiennent un lien direct avec leur chiffre d’affaires, par l’achat de produits ou service, l’investissement ou la possibilité d’exercer sur un territoire.

Les bénéficiaires de la politique RSE, en cohérence avec leur pouvoir d’influenceIl apparait que le classement des bénéficiaires de la politique RSE cités par les entreprises répondantes est corrélé avec l’influence que ces entreprises leur attribuent. La figure 2 « Principaux bénéficiaires de la politique RSE » révèle en premier lieu les clients, la société civile locale et la société civile internationale comme premiers bénéficiaires des engagements responsables des grands groupes. En effet, ce sont ces derniers qui valident la légitimité d’action d’une entreprise sur un territoire. Les entreprises partenaires ne sont citées que dans un second temps en tant que bénéficiaires, ce qui s’explique par le fait qu’un partenaire commercial est certainement moins fréquemment éligible à la politique RSE des entreprises, ou bien de façon moins prioritaire que la société civile. Néanmoins, faire bénéficier ses partenaires commerciaux de ses engagements sociétaux est un excellent moyen pour une entreprise de renforcer la relation partenariale.

Clients de l’entreprise

Entreprises partenaires

Société civile - échelle locale

Société civile - échelle internationale

Instance de représentations des salariés (syndicats, comité d’entreprise)

Personnes individuelles porteuses de projets responsables

Regroupements informels de salariés

0 % 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 %

FIGURE 2 : PRINCIPAUX BÉNÉFICIAIRES DE LA POLITIQUE RSE

Source : Observatoire du Développement International, BearingPoint, 2016

Clients

Pouvoirs publics

Investisseurs

Entreprises partenaires

Médias

Société civile-locale

Société civile-internationale

Institutions internationales

Influenceurs

Monde académique

Pouvoirs politiques

Institutions religieuses

Clients

Pouvoirs publics

Investisseurs

Institutions internationales

Société civile-locale

Entreprises partenaires

Société civile-internationale

Médias

Influenceurs

Pouvoirs politiques

Monde académique

Institutions religieuses

Influence des parties prenantes France

Influence des parties prenantes international

Influence forte

Influence faible

FIGURE 1 : INFLUENCE DES PARTIES PRENANTES EXTERNES, EN FRANCE ET À L’INTERNATIONAL

Source : Observatoire du Développement International, BearingPoint, 2016

Les clients, les pouvoirs publics, puis les investisseurs représentent le trio de tête des parties prenantes, cités pour leur impact sur le développement des entreprises. Si les clients arrivent comme une évidence au premier rang, les pouvoirs publics cités en seconde position révèlent l’importance du respect de la réglementation du pays d’implantation pour une entreprise.

Contrairement aux pouvoirs publics (situés au second rang des acteurs d’influence), le pouvoir politique est considéré dans les deux cas comme peu important pour le développement des entreprises. Les institutions religieuses sont quant à elles citées en France comme à l’étranger en dernier sur la liste des parties prenantes influentes.

Concernant les points de divergence mis en avant par ce graphique, les médias sont cités comme exerçant une plus forte ascendance sur les entreprises en France qu’à l’étranger. Cette constatation permet de s’interroger sur le rapport perçu entre les médias et les entreprises. Elle peut s’expliquer notamment par l’existence en France d’un certain nombre de médias d’investigation susceptibles de nuire à l’image du secteur privé par la publication de révélations, voire de scandales politico-financiers, alimentaires, sanitaires ou sociaux. Le pouvoir d’influence des médias agit indirectement sur les clients et toutes les autres parties prenantes par sa contribution à la construction d’une image (positive ou négative) de l’entreprise. Les entreprises ressentent beaucoup moins cette pression médiatique à l’International. Mais cela peut aussi s’expliquer par le nombre de médias bien plus nombreux que les médias français…

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Au vu des réponses présentées sur le graphique 3 « Utilisation de la cartographie des parties prenantes », cet outil de cartographie n’est utilisé, pour 54 % des répondants, que dans le cadre de leur reporting RSE ou bien du reporting intégré annuel. En outre, les entreprises qui affirment n’élaborer aucune cartographie des parties prenantes sont plus nombreuses (14 %) que celles qui l’utilisent pour des décisions propres au business (qui ne représentent que 11 % des répondantes).

Il s’agit pourtant d’un outil qui permettrait aux entreprises de cerner avec précision les parties prenantes exerçant un véritable pouvoir d’influence sur leur activité, et de déployer des actions adaptées à chacun de ces acteurs. Cette étude pourrait s’effectuer dans les pays d’implantation des entreprises afin de spécifier les actions selon un contexte international donné.

La cartographie des parties prenantes est un outil qui n’est majoritairement déployé par les entreprises que pour la communication dans des rapports concernant leurs engagements RSE et est donc actuellement sous-exploité. En effet, loin de ne concerner que les rapports RSE des grandes entreprises, il pourrait devenir en soi un outil d’aide à la décision, notamment pour les groupes agissant sur des territoires variés.

Les arguments RSE privilégiés par les entreprisesPour 46 % des entreprises, l’environnement représente un thème d’engagement RSE prioritaire à l’International. Parallèlement, l’impact positif sur l’environnement est également le premier argument mis en avant par les entreprises à l’étranger : elles sont 59 % à l’utiliser comme argument fort dans leur communication RSE. Le cas de l’environnement est étonnant, car la valorisation des actions de l’entreprise sur ce sujet est supérieure à leur niveau d’engagement à l’International. En clair, les entreprises communiquent en premier lieu sur leurs actions sur l’environnement, tout en n’en faisant pas leur priorité n° 1 dans l’ordre de financement de projets.

Le second argument RSE le plus cité par les entreprises, l’impact positif de leurs actions sur leurs salariés, pour 41 % des répondants, est bien supérieur à celui de l’impact positif sur la société, évoqué par 31 % des entreprises. Ce résultat peut sembler contredire la hiérarchie des bénéficiaires de la politique RSE illustrés par le graphique 2, dans lequel les salariés (et instances de représentation) n’arrivent qu’à partir du cinquième rang.

Les parties prenantes internes, notamment les instances de représentation formelles des salariés, apparaissent dans un troisième temps comme bénéficiaires de la RSE d’une entreprise. En effet, moins de 10 % des entreprises citent ces instances comme des bénéficiaires « très importants ».

Enfin, les dons destinés au soutien de projets individuels sont évoqués par environ 5 % des entreprises. Ces dernières préfèrent majoritairement s’engager auprès d’organisations structurées au service d’un ensemble d’individus. Elles peuvent néanmoins valoriser les projets entrepreneuriaux en lien avec leur cœur de métier ou leurs axes d’engagement RSE, mais de façon marginale par rapport à leurs priorités d’action.

Les premiers bénéficiaires de la RSE des entreprises répondantes correspondent donc aux parties prenantes qui ont la plus forte influence sur le business de ces entreprises. Sans grande surprise, ces résultats nous démontrent l’imbrication logique de l’engagement sociétal des entreprises avec leurs activités commerciales.

La cartographie des parties prenantes : un travail de reporting plus que d’analyseLa cartographie des parties prenantes est un outil permettant aux entreprises d’analyser le pouvoir d’influence de leurs parties prenantes sur leurs activités, en matière de chiffre d’affaires ou d’image, mais également le degré d’impact de leurs activités sur ces mêmes parties prenantes. Pour ce faire, il est important pour une entreprise d’avoir une vue d’ensemble de ses parties prenantes avant de sélectionner celles du périmètre de sa cartographie. Cet outil peut être utilisé à différents niveaux d’analyse, de la cartographie « macro » à celles définies pour des études plus spécifiques, par pays, par activité, etc. Il est également pertinent pour l’étude sur l’impact des actions RSE d’une entreprise, par exemple l’une des étapes méthodologiques de la mesure de l’impact social, un thème qui sera développé plus bas dans ce chapitre.

Afin de mieux comprendre le degré d’analyse effectué par les grands groupes français sur leurs parties prenantes, en France et à l’International, nous les avons interrogés sur l’usage qu’ils font actuellement de leur cartographie des parties prenantes.

Or, nous observons au travers de notre panel que cet outil, dans le cas où il est mis en œuvre par les entreprises, est avant tout utilisé comme outil de reporting.

36 %

18 %14 %

11 % 9 % 9 %5 %

Utilisation de la cartographie des parties prenantes

Reporting RSE annuel

Reporting intégré annuel

L’entreprise n’élabore pas de cartographie de ses parties prenantes

Business (Ex : décision GO/NoGo sur des projets)

Baromètre interne

Communication grand public

Autre

FIGURE 3 : UTILISATION DES CARTOGRAPHIES DES PARTIES PRENANTES

Source : Observatoire du Développement International, BearingPoint, 2016

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Emmanuelle Hervé, CEO de EH&A Communication sensible

Emmanuelle Hervé, coach professionnel en communication sensible et gestion des parties prenantes : auprès de grands patrons d’industrie européens intervenant aux 4 coins du monde.

Dans vos activités, quelles sont d’après vous les principales différences d’approche des parties prenantes que nos entreprises ont en France et à l’International ?

On note que chez elles, les entreprises françaises ont tendance à moins envisager la gestion des parties prenantes comme une activité à part entière que lorsqu’elles sont à l’International. Cependant on note également qu’il est difficile de généraliser tant la

considération et l’importance donnée à la gestion des parties prenantes est dépendante non seulement de la culture d’entreprise, mais également de la culture du top management.

En France, c’est seulement depuis l’apparition du phénomène des ZAD (Zone à Défendre) ou lorsque le projet est très clairement impactant et visible pour les riverains (traitement des déchets, carrières, éoliennes, etc.) que le patron français va considérer de manière préventive le mapping des parties prenantes et une véritable stratégie d’alliés.

A l’international, quand le pays « ressemble » à la France (frontalier, francophone) on voit une claire tendance à ne pas du tout envisager la question, avec parfois à la clé des échecs cuisants lors de tentatives avortées de joint-venture entre industriels français et belge ou français et danois, par exemple.

Lorsque l’on rentre dans l’inconnu, en particulier en Asie et notamment en Chine, alors le patron français prend toutes les précautions pour la réussite de son projet et considère qu’un véritable plan d’actions complet et structuré envers les parties prenantes est indispensable à la réussite de son projet de développement international.

Ces approches différentes sont-elles aussi liées à des aspects réglementaires et nos entreprises y sont-elles suffisam-ment préparées ?

La façon dont les entreprises contractent vers leurs sous-traitants locaux, par exemple, est régit dans le monde entier par une législation locale. Cependant, tout en restant conforme à la loi ou à son esprit, on remarquera que certaines filières comme le monde agricole – et on peut prendre l’exemple du prix du lait et des relations entre les éleveurs et Lactalis – ou le secteur de l’industrie automobile, sont très remarqués dans le cas d’une gestion non éthique de leurs fournisseurs. On voit alors que le comportement des entreprises vers leurs parties prenantes ne peut pas être dicté par une loi.

Mais on remarquera que la France est tentée de légiférer sur des principes qui sont par essence non contraignant. Les grands principes de la RSE sont par exemple décrits dans le texte de l’ISO 26000 qui a été adopté par les Nations Unies. Ces normes sont incitatives, il n’y a pas de certification ni d’obligation. Il y a par exemple un projet « Petite loi » sur le Devoir de vigilance raisonnable. Et justement c’est cette liberté de comportement qui en fait sa valeur. C’est toute la différence entre une RSE de façade, ou corporate, où l’on « tick the box » pour la satisfaction des actionnaires, et une véritable humanisation des rapports, une volonté de comprendre l’autre dans ses valeurs et ses enjeux sans y plaquer le prisme de notre vision française.

Nous sommes à l’ère de l’action citoyenne, du « bottom up 2.0 », des lanceurs d’alerte et on ne peut plus se contenter de parler : il faut écouter et engager la conversation.

L’absence presqu’absolue de confiance et donc la défiance vers les grandes institutions, les grandes entreprises et les

TÉMOIGNAGE

gouvernements provoque une demande croissante de transparence. Et c’est sur ces bases que doit s’engager la conversation véritable (au sens de l’équi-légitimité entre la grande entreprise et ses parties prenantes et a minima avec les gens qui les représentent).

De façon générale, je trouve souvent les entreprises, y compris les entreprises du CAC40, assez démunies par rapport à ce nouveau besoin. La RSE est en effet un domaine qui reste propriété, voire chasse gardée, de la communication corporate. En cela, elle est détachée de la réalité du terrain où sont les véritables besoins. Les grands principes, concepts, visions, imaginés par ce corporate ne sont d’aucun secours quand Monsieur Dupont, chef de projet, doit faire face à une réunion publique d’information au fin fond de l’Amérique du Sud ou de l’Afrique.

Les aspects réglementaires ne sont donc pas à mon sens les principaux leviers pour une gestion des parties prenantes plus actives à l’étranger qu’en France : on s’appuie sur la loi en France pour engager avec les parties prenantes ; on engage sur le terrain avec les parties prenantes à l’étranger.

Et au-delà des aspects réglementaires, quel impact business une attitude responsable peut-elle avoir pour une entreprise selon qu’elle est initiée en France ou à l’International ?

C’est un impact majeur !

En effet, si on prend le concept de « license to operate » : il s’agit au départ d’un permis technique. En France, par exemple, une autorisation de mise sur le marché d’un médicament octroyé par l’ANSM, ou une autorisation d’exploiter un outil de production donné par la DRIRE, etc. Mais si on étend ce concept au « social license to operate », on s’aperçoit que la tolérance de la société civile par rapport à qui vous êtes, ce que vous faites et vos différentes « casseroles » a ses limites…

On pourra symboliser l’entreprise par un bateau sur la mer. A force de mépris, à force de petits conflits non gérés, à force de petits incidents, de la n-ième pollution de rivière, par exemple, la mer se déchaîne. Et un jour, une crise, pas forcément plus forte, ni plus médiatisé, va faire basculer l’opinion publique, l’Etat doit enlever sa « license to operate » et c’est tout le business qui coule. Une « social license to operate » peut donc être retirée par les populations locales d’un pays sur la base de comportements répétés et considérés comme non-éthiques, même s’ils n’impactent pas le pays en question.

Partout dans le monde, les « ConsomActeurs » vont plus rapidement, plus violemment et plus efficacement attaquer les grandes entreprises. L’exemple le plus frappant est le client mécontent qui twitte immédiatement sa colère et engendre le démarrage rapide d’un bad buzz qui fait plier la marque en un temps record.

A cet égard, vous avez été amenée à intervenir dans le cas de grandes crises industrielles : quelles sont les principales forces et faiblesses de nos dirigeants d’entreprise lorsqu’il s’agit de gérer les parties prenantes à l’International ?

Le français à l’étranger est le plus souvent devancé par une réputation qui lui est favorable. En tout cas en comparaison de la vision de l’américain capitaliste et du chinois ethno centré... Il serait donc dommage de ne pas surfer sur cette sympathie qui nous accompagne, sauf dans certains cas particuliers de politique étrangère française mal appréciée…

Nous sommes aussi assez à l’aise sur le terrain, et notamment en Afrique, car en étroit contact depuis des siècles avec ce continent : nous le connaissons ou croyons le connaitre et beaucoup d’africains nous ont beaucoup pratiqué. Maintenant, ce rayonnement de la France ne suffit pas et l’on note qu’aujourd’hui encore, le français parle mal les autres langues. C’est pourtant la base : faire l’effort de parler dans la langue de l’autre ou a minima correctement anglais.

Un autre point fondamental de différence devient une faiblesse quand il s’agit d’avoir une démarche de RSE véritable à l’étranger : c’est ce manque de pragmatisme très particulier à la culture française. En effet, à force de ne gérer le local qu’au travers de concepts élaborés au siège, on en perd le sens et la possibilité d’avancer vite et concrètement. Ce côté conceptuel vient bien souvent alimenter le déni des besoins opérationnels des projets locaux et entrave les initiatives.

On y ajoutera que, comme les citoyens d’autres grands pays, les français ont encore tendance à faire montre d’une arrogance qui peut parfois transformer leur démarche RSE en une distribution d’aumône. Un signe, peut-être, dans le secteur Oil & Gas ou du transport en Afrique : les patrons pays d’entreprise française sont quasiment toujours des français, ceux des anglo-saxons quasiment toujours des locaux.

2016-2017 | 7ème Observatoire du Développement International 1514 7ème Observatoire du Développement International | 2016-2017

Modalités de dons : le don financier majoritaire, mais un pro bono important propre aux grandes entreprisesLe sujet des différentes modalités d’engagement des entreprises traduit leur rapport à l’engagement RSE. Trois grands types de dons peuvent être distingués dans ce cas :

• les dons financiers, reversés soit directement aux bénéficiaires, soit redirigés vers des fonds et organismes à but non lucratif qui se chargent d’allouer ces sommes à des projets ;

• les dons en nature : les entreprises cèdent gratuitement leurs produits à des structures reconnues d’intérêt général ;

• le mécénat de compétence, autrement appelé « pro bono », qui consiste en la mise à disposition gratuite de salariés d’une entreprise au service d’un organisme d’intérêt général. L’entreprise offre ainsi du temps de travail de ses salariés à une structure ayant besoin de ressources ou de compétences clés.

Les modalités d’engagement des entreprises tendant à se diversifier avec les années, nous avons interrogé les entreprises de notre panel sur le sujet.

FIGURE 4 : MODALITÉS D’ENGAGEMENT DES ENTREPRISES

Dons financiers

Pro Bono

Dons en nature

53 %30 %

17 %

Source : Observatoire du Développement International, BearingPoint, 2016

Ainsi que le révèlent les résultats du graphique 4 : « Modalités d’engagement des entreprises », les dons financiers sont cités majoritairement comme la modalité privilégiée de 53 % des répondants. Le pro bono vient en deuxième position avec 30 % de réponses positives et enfin, les dons en nature sont cités par 17 % du panel.

Les résultats de l’étude mettent en avant une part du pro bono plus importante que celle recensée par l’Admical2 (Association pour le développement du mécénat industriel et commercial), qui n’atteint que 11 % des dons des entreprises interrogées dans le cadre de son « baromètre du mécénat 2016 ». En réalité, ces différences s’expliquent par la taille des entreprises étudiées : le mécénat pro bono est trois fois plus fréquent dans les Grandes Entreprises (GE) et Entreprises de Tailles Intermédiaires (ETI) que dans les PME et TPE. Or, le baromètre de l’Admical intègre dans son analyse toutes les tailles d’entreprise, tandis que l’essentiel du panel de l’Observatoire du Développement international porte sur des grandes entreprises et des ETI. Les grands groupes semblent ainsi plus à même de mettre des salariés à disposition de projets d’intérêt général que les entreprises de petite taille pour lesquelles le don financier reste la solution plébiscitée.

2 ADMICAL, Baromètre du Mécénat d’Entreprise, 2016.

Cette constatation ouvre plusieurs pistes de réflexion : aujourd’hui, la communication sur l’impact externe de ses actions RSE ne semble plus suffisante pour une entreprise. La valorisation de son engagement vis-à-vis de ses propres ressources humaines est devenue déterminante. Face à cette observation, deux facteurs explicatifs sont à développer :

• Le premier concerne l’image que l’entreprise souhaite présenter vers l’externe : puisqu’il s’agit d’arguments déployés autour des activités à l’International des entreprises, ces dernières souhaitent se montrer exemplaires en matière de respect de ses salariés. Cette explication est confirmée par le fait que les « Droits de l’Homme et démocratie » et le « Droit du travail » apparaissent comme les deux premières thématiques d’engagement RSE à l’International. Les entreprises ont bien intégré le risque en matière d’image si elles ne respectent pas ces principes.

• Le second concerne cette fois l’image que l’entreprise souhaite montrer en interne, à ses propres salariés. Plusieurs enquêtes menées auprès de la « génération Y », encore appelée les « millennials » (individus nés entre le début des années 80 et le milieu des années 90) sur leur rapport à l’entreprise le confirment : ces salariés recherchent un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle et éprouvent un besoin fort de donner un sens à leur travail1. Ils sont sensibilisés aux enjeux sociaux et environnementaux et privilégient les entreprises engagées sur ces sujets. Les engagements RSE deviennent ainsi des arguments d’attraction et de rétention des talents ainsi qu’un élément de distinction d’une entreprise par rapport à ses concurrentes.

Faire la part entre ces deux facteurs n’est pas chose aisée, mais si le premier est un argument classique de l’engagement des entreprises dans la RSE pour l’image qu’elle renvoie à ses parties prenantes externes, le second ouvre un nouveau champ de réflexion sur l’évolution du rapport de l’entreprise à la RSE, qui pourra également se tourner vers ses parties prenantes internes. Dans ce modèle, les salariés ne sont pas nécessairement les bénéficiaires directs des engagements, mais peuvent éprouver un sentiment de fierté et d’appartenance à la connaissance des actions sociétales déployées par leur employeur. Ces salariés peuvent en outre s’impliquer personnellement dans des missions à vocation sociale par le truchement du mécénat de compétences et ainsi devenir de véritables acteurs des engagements responsables de leur entreprise.

Dans la littérature étudiante l’évolution de la RSE en entreprise au cours des dernières décennies, l’analyse porte majoritairement sur la relation entre l’entreprise et le monde extérieur. Ce sont les motifs profonds d’engagement qui font une différence entre les différents courants de la RSE : une vision éthique, fondée sur des valeurs morales et religieuses, ou bien une réaction « contrainte », liée aux évolutions du cadre réglementaire ou des scandales entachant une réputation, ou encore un engagement « pragmatique », reposant sur la constatation qu’une politique RSE peut être compatible avec des économies financières (limitation des pollutions, des déchets, du risque de procès, etc.).

Aujourd’hui, l’intérêt qu’ont les grands groupes à investir et communiquer sur leur politique RSE repose également sur les aspirations de leurs ressources humaines. Les parties prenantes « cibles » de la communication RSE des entreprises sont donc externes et internes.

1 Un exemple parmi d’autres : ACADIE, Étude exploratoire sur le recrutement et l’intégration des jeunes en entreprises, rapport d’étude, INJEP, janvier 2015.

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Outil(s) développé(s) en interne

Mesure de l’empreinte carbone

Vous n’avez pas d’outil de mesure d’impact social et/ou environnemental

Questionnaire de l’enquête INSEE

Le SROI : Social Return On Investment

La base d’indicateurs IRIS : Impact Reporting and Invetsments Standards

FIGURE 5 : MÉTHODES DE MESURE DE L’IMPACT SOCIAL MISES EN ŒUVRE

35 %30 %25 %20 %15 %10 %5 %0 %

Source : Observatoire du Développement International, BearingPoint, 2016

L’analyse des réponses révèle que les outils de mesure mis en œuvre sont majoritairement développés en interne. Ils présentent l’avantage de permettre un suivi de l’avancement des actions d’une entreprise d’une année sur l’autre, mais ne garantissent pas l’exhaustivité des indicateurs, ni ne permettent la comparaison avec d’autres structures. Il s’agit néanmoins d’une première base d’analyse qui a le mérite d’exister et pourra se perfectionner à l’avenir.

La mesure de l’empreinte carbone est citée par les répondants en seconde position parmi les mesures d’impact. Cette dernière est un cas particulier, car il s’agit en réalité d’une information à fournir par les grands groupes dans le cadre de leur rapport extra-financier. La mesure des émissions de CO2 est dans ce cas une contrainte imposée aux entreprises. Cependant, elle permet de suivre l’évolution de l’impact environnemental d’une entreprise d’une année à l’autre et de comparer ses performances environnementales avec celles du même secteur d’activité.

En troisième position des réponses apparaît l’absence d’outil de mesure de l’impact social. La raison du faible déploiement d’outils méthodologiques standardisés est simple : les entreprises n’engagent généralement ce type de démarche qu’en cas de contrainte. Les entreprises de l’ESS s’y sont intéressées, car il s’agit pour elles de justifier leurs impacts auprès de leurs financeurs. Lorsqu’il s’agit de la démarche RSE d’un grand groupe, l’enjeu de renouvellement des financements dépend davantage de la santé financière de ce groupe plutôt que de la performance sociale et environnementale affichée par l’équipe RSE.

Néanmoins, les branches RSE des grandes entreprises feraient d’excellentes candidates pour l’expérimentation et la standardisation de ces méthodologies. Elles offriraient ensuite la possibilité de les déployer à l’International en proposant des améliorations en matière d’indicateurs propres aux pays dans lesquels l’entreprise mènerait des actions dans le cadre de sa politique RSE.

À l’inverse, les dons en nature ne sont ici cités que par 17 % des répondants, tandis que l’Admical précise que les GE et ETI interrogées pour son baromètre sont les entreprises les plus séduites par cette modalité de dons. La différence pourrait s’expliquer ici par la part importante de sociétés de service parmi notre panel de répondants tandis que ces dernières ne représentent que 31 % du panel de l’Admical.

La taille et le secteur d’activité des entreprises sont donc potentiellement déterminants dans les modalités d’engagements des entreprises en matière de RSE.

La mesure d’impact reste une pratique peu matureAu même titre qu’existent des indicateurs de la performance économique et financière des entreprises, la question de la mesure de l’impact social et environnemental se pose pour les structures engageant ce type d’actions. Ce sont les structures du secteur de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) qui ont ressenti les premières le besoin de valoriser les impacts positifs de leurs actions. Elles sont en effet de plus en plus souvent contraintes de justifier du bon usage qu’elles font des subventions publiques ou des dons privés auprès de leurs financeurs.

Diverses méthodes de « mesure d’impact social » ont vu le jour avec l’objectif de chiffrer et de valoriser des actions souvent qualitatives. Divers référentiels ont été développés à cette fin, parmi lesquels nous pouvons citer le SROI (Retour Social sur Investissement) incluant les coûts et les bénéfices sociaux, environnementaux et économiques ; la base d’indicateurs IRIS (Impact Reporting and Investments Standards), qui propose des normes de reporting pour la performance des investissements ; l’Outcome Star, qui cherche à suivre les changements vécus par des bénéficiaires de programmes sociaux ; la randomisation, reposant sur une méthode d’échantillonnage, ou le « social reporting standard », élaboré par Ashoka3.

Plusieurs organismes, l’Avise4 (Portail du développement de l’économie sociale et solidaire), le Mouves5 (Mouvement des Entrepreneurs Sociaux) ou Ashoka tentent d’en définir les contours et de poser les premiers jalons méthodologiques.

Dans le cadre de la politique RSE des entreprises, la mesure de la pertinence de leurs actions semble tout à fait indiquée pour valoriser le bien-fondé des dépenses consacrées à ces projets. Nous nous sommes ainsi interrogés sur l’appropriation des outils de mesure du secteur non lucratif au sein des grandes entreprises.

Les résultats du graphique 5 : « Méthodes de mesure de l’impact social mises en œuvre » apportent une réponse claire à cette question : la mesure d’impact social n’est aujourd’hui pas une pratique mature et structurée dans les grandes entreprises françaises.

3 Ashoka.org est le plus grand réseau mondial d’entrepreneurs sociaux : une organisation à but non lucratif, internationale, apolitique et aconfessionnelle, qui contribue à construire une société d’acteurs de changement en identifiant et accélérant l’innovation sociale dans tous les domaines de la société.

4 Avise, La mesure de l’impact social, Groupe de travail du CSESS sur la mesure de l’impact social, 2011.5 UVES, Petit précis de l’évaluation de l’impact social, 2015.

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Une théorie toujours d’actualité… mais une analyse des parties prenantes à profession-naliser La théorie des parties prenantes a posé les bases de la conception contemporaine de la RSE en considérant que la réponse aux besoins de ses parties prenantes conditionne la survie d’une entreprise au-delà de la rémunération des actionnaires.

Cette théorie se répercute toujours sur la conception actuelle de l’engagement des entreprises dans des actions d’intérêt général. En effet, elle est en partie reprise dans le contenu de l’ISO 26000, texte international de référence en matière de responsabilité sociétale des entreprises.

La RSE ne peut se concevoir sans la compréhension claire de ses parties prenantes, d’autant plus dans le cadre de déploiement d’actions hors du territoire national. Il apparaît qu’à l’heure actuelle, les actions de RSE se définissent et se déploient de façon assez similaire en France et à l’International. Cependant, nous avons observé que les bénéficiaires d’une politique RSE sont très nettement corrélés aux parties prenantes ayant la plus forte influence sur l’activité d’une entreprise. Cette homogénéité pourrait limiter les effets positifs d’une politique RSE, notamment auprès de populations assez éloignées des préoccupations occidentales. L’exemple de la forte communication des entreprises sur leur engagement environnemental parle de lui-même : si cet argument semble très pertinent dans un contexte européen, d’autant plus dans un climat post-COP 21, l’est-il pour autant dans d’autres régions du monde ?

Face à ces constatations, il apparaît que les entreprises françaises ne sont pas encore suffisamment équipées d’outils méthodologiques pour qualifier, mesurer et analyser la pertinence et les résultats de leurs actions sociétales. Nous traversons actuellement une période de transition où l’existence d’une politique RSE et le récit de belles histoires sociales et environnementales ne suffisent plus. Les entreprises devront sortir du qualificatif si facilement attaché à la RSE de « Greenwashing » par des preuves tangibles de la légitimité de leurs actions et de leur contribution à l’intérêt général. Le déploiement d’outils externes de mesure d’impact pourrait précisément leur conférer cette crédibilité.

La seconde recommandation de ce chapitre concerne le rapport des salariés à l’engagement sociétal de leur entreprise : la présente étude révèle une volonté importante des groupes de communiquer sur leurs actions RSE en interne. La politique RSE n’a plus seulement vocation à faciliter les activités d’une entreprise en valorisant son image à l’externe, elle doit aussi permettre de gagner en attractivité sur le marché de l’emploi, notamment pour les nouvelles générations.

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En même temps, de plus en plus d’entreprises s’engagent volontairement en matière de RSE (par exemple Danone ou Orange en Afrique)3, témoignant d’un intérêt à repenser les business models en y intégrant les dimensions sociales et environnementales.

Quelles motivations pour les entreprises à s’engager en matière de RSE ? Le cadre réglementaire est-il perçu par les entreprises comme une contrainte ou une opportunité ? Et si finalement les entreprises trouvaient un avantage stratégique à dépasser les exigences réglementaires ?

Il semblerait que l’on assiste aujourd’hui à un changement de paradigme dont les contours restent à négocier entre les parties prenantes, entre initiatives volontaires et normes institutionnelles…

La RSE, un engagement volontaire avant tout… en France et à l’internationalQuelle est la motivation pour les entreprises de s’engager en matière de RSE aujourd’hui ? Nous leur avons posé la question, aussi bien pour leur activité en France qu’à l’international.

FIGURE 6 : QUELLE PRIORITÉ POUR LA RSE ?

Une contrainte réglementaire De la communication Un engagement de la direction

Un levier commercial Une exigence éthique

7 %

7 %

14 %

10 % 21 % 21 %41 %

38 % 10 % 31 %En France

A l’international

Source : Observatoire du Développement International, BearingPoint, 2016

3 Exemples tirés de F. LEPINEUX, J.-J. ROSE, C. BONANNI, S. HUDSON, La responsabilité sociale des entreprises – Théories et pratiques (2e éd., Dunod, 2016).

Enjeux réglementaires et développement internationalLa RSE : aller au-delà de la seule rentabilité économique… ici et ailleurs La crise financière, les catastrophes écologiques et humaines récurrentes (comme l’accident nucléaire de Fukushima en 2011 ou l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh en 2013) conduisent à repenser les modèles de développement et le rôle qu’ont à jouer les différents acteurs (États, entreprises, société civile) pour garantir un développement plus durable. Dans ce contexte, la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) apparaît comme une attente envers les entreprises d’intégrer l’impact social et environnemental de leurs activités dans leur cœur de métier. Forum Mondial de l’Économie responsable1, dont la 10ème édition s’est tenue du 10 au 14 octobre 2016 dans cinq villes françaises, « Trophées du leader responsable » remis par « Les Echos Business » à des personnalités emblématiques pour leur management responsable2 : la RSE est sujette à d’intenses débats.

Aller au-delà de la rentabilité économique, ici et au-delà des frontières aussi : la norme comportementale émergente qu’est la RSE vaut de plus en plus également pour les activités internationales des entreprises. Si l’international a longtemps permis aux entreprises de réduire leurs coûts de production en profitant de standards sociaux et environnementaux moins contraignants, il n’est plus possible aujourd’hui d’agir à l’international comme on ne se permettrait pas de le faire « chez soi ».

À l’heure des réseaux sociaux, le consommateur en Europe prend conscience que le prix faible auquel il achète un produit se paie ailleurs et la résistance locale des travailleurs dans les pays en voie de développement s’organise. La responsabilité sociale et environnementale doit par conséquent se penser à l’échelle de l’ensemble de la chaîne de valeur.

Attente, normes juridiques, engagement volontaire : depuis le début des années 2000, de nombreux mécanismes d’encadrement ont émergé aux niveaux international, européen et national pour organiser la RSE, qu’ils soient de nature contraignante ou incitative. En France, parmi les lois les plus marquantes, citons la loi NRE (Nouvelles Régulations Économiques) de 2001 sur la considération des aspects environnementaux dans les comptes individuels et consolidés des entreprises ; ou encore la loi Aillagon de 2003 sur le mécénat ; l’arrêt Persche du 27 janvier 2009, qui a ouvert fiscalement la voie au mécénat international ; et enfin, le 29 novembre 2016, l’adoption en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale le 29 novembre 2016 de la « proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre » qui a été transmise au Sénat pour une nouvelle et peut-être dernière lecture.

1 http://www.responsible-economy.org/fr/.2 http://business.lesechos.fr/directions-ressources-humaines/management/conduite-du-changement/021990125533-les-

echos-business-lancent-les-trophees-du-leader-responsable-211016.php.

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En France comme à l’International, le tableau se ressemble… à quelques différences près :

• Pour 93 % des entreprises, la RSE n’est pas en priorité une contrainte réglementaire.

• Au contraire, pour une majorité des entreprises du panel, la RSE est une démarche volontaire, portée par un sponsorship fort au sein même de l’organisation. En effet, pour plus d’un tiers d’entre elles, la RSE représente avant tout un engagement de la direction.

• On constate une véritable prise de conscience éthique de la part des entreprises : l’exigence éthique arrive en deuxième place des motivations des entreprises pour s’engager en matière de RSE, pour leur activité en France (plus de 30 % des entreprises du panel) comme à l’International (pour plus de 20 % d’entre elles).

• Dans une moindre mesure, la RSE s’impose comme une priorité de communication pour 14 % des entreprises interrogées pour leur activité en France et pour 10 % à l’International.

• Enfin, plusieurs entreprises voient dans la RSE en priorité un levier commercial : elles sont deux fois plus nombreuses à considérer ce paramètre aussi bien dans le cadre de leur activité internationale qu’en France.

On peut ainsi observer qu’à l’International, le levier commercial prend le pas sur l’exigence éthique.

Pourtant, 41 % des entreprises du panel ont renoncé à entrer dans un pays ou à développer une nouvelle activité dans une région du globe en raison d’un contexte non éthique (alors qu’elles ne sont que 19 % à y avoir renoncé à cause d’une réglementation sociale ou environnementale… et 4 % à cause de l’absence d’une telle réglementation). Quelle explication possible ?

Les entreprises doivent aujourd’hui de plus en plus rendre compte de leurs activités locales et globales (obligation de reporting, surveillance par les médias et par des ONG de plus en plus professionnalisées, etc.). Ainsi, quand les entreprises étudient l’opportunité d’entrer dans un pays, à côté d’un grand nombre de facteurs économiques (infrastructures, pouvoir d’achat local, fournisseurs, etc.), elles prennent en compte l’impact que cette opportunité aurait sur leur image et sur le sens qu’elles veulent donner à leur business4. Elles se posent alors de multiples questions qu’elles ne se seraient peut-être pas posées il y a 10 ou 20 ans : comment une telle activité sera-t-elle perçue par les parties prenantes ? Quel risque d’avoir affaire à un partenaire frauduleux ? Quelles répercussions pour l’image de l’entreprise ?

4 Cf. BearingPoint, Le développement international ou l’entreprise en quête de sens, ODI 2013.

La RSE, un engagement récent pour la plupart des entreprises Avant 2001, 30 % des entreprises du panel avaient basculé dans une politique RSE assumée. Depuis 2010/2011, elles sont plus de 45 % à avoir franchi ce pas. Si cet engagement n’est pas corrélé à une réglementation particulière pour plus de 80 % d’entre elles, force est de constater qu’une dynamique réglementaire est en marche, au niveau international, européen et national.

FIGURE 7 : FRISE TEMPORELLE DE LA RSE DEPUIS 2000

Avant 2000 2000 - 2010 Depuis 2011

Période de basculement vers une politique RSE assumée pour les entreprises du panel :

CADR

E RE

GLEM

ENTA

IRE

Avant 2001 30 % des entreprises

A partir de 2010/ 2011 45 % des entreprises

Période non identifiée25 % des entreprises

2001Obligation de reporting extra-financier pour les entreprises cotées en France (loi NSE)

2007 – 2010Processus Grenelle Environnement

2015Loi transition énergétique pour la croissance verte

2001Livre vert de la Commission européenne

2011Communication de la Commission européenne « Responsabilité sociale des entreprises »

2016Vers un devoir de vigilance des sociétés mères ou donneuses d’ordre

2014Directive de l’Union européenne sur le reporting extra-financier des grandes entreprises

1976Principes directeurs de l’OCDE pour les multinationales

1997Global Reporting Initiative (GRI) initiée par le PNUE et la Coalition for Environmentally Responsible Economies (CERES)

2000Global Compact/ Pacte mondial lancé par l’ONU

2010Norme internationale ISO 26000 sur la responsabilité sociétale des organisations

Source: http://www.developpement-durable.gouv.fr

Mécanisme volontaire Déclaration, orientation Loi, réglementation

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À l’échelle internationale, des déclarations de principe et des mécanismes volontaires Dès 1976, mais surtout depuis les années 2000, des référentiels et des mécanismes volontaires ont vu le jour au niveau international pour encadrer la RSE. Fruit d’un travail collaboratif, rassemblant de nombreux pays et types d’acteurs (gouvernements, entreprise, sociétés civile), ils visent à favoriser l’émergence d’une norme universelle de la conduite responsable des affaires. Principes directeurs de l’OCDE pour les entreprises multinationales : datant de 1976, cette norme fait figure de précurseur en matière de RSE. Elle vise « à faire en sorte que les activités des entreprises multinationales s’exercent en harmonie avec les politiques des gouvernements, à renforcer la confiance mutuelle entre les entreprises et les sociétés dans lesquelles elles exercent leurs activités, à améliorer l’environnement pour l’investissement étranger et à accroître la contribution des entreprises multinationales au développement durable. »1 46 pays de quatre continents (les 34 membres de l’OCDE ainsi que 12 États non membres tels que l’Argentine, le Brésil, l’Égypte et le Maroc) représentant 85 % des investissements directs à l’étranger y ont adhéré.

Global Reporting Initiative (GRI) : Organisation internationale indépendante, la GRI a établi dès 1997 un référentiel global pour le reporting extra-financier des entreprises. Ce référentiel, fruit d’une collaboration avec des acteurs divers tels que des entreprises, des ONG et des auditeurs, regroupe une batterie d’indicateurs d’ordre économique, environnemental et social. La version actuelle a été publiée en 2013.

Pacte mondial : lancé en 2000 par le Secrétaire général des Nations unies, le Pacte mondial est un code de conduite par lequel les adhérents s’engagent à respecter dix principes universellement acceptés relatifs aux droits de l’Homme, aux normes du travail, à l’environnement et à la lutte contre la corruption. Les adhérents doivent communiquer chaque année sur leurs engagements. Ils sont actuellement plus de 12 800, dont 8 300 entreprises.

ISO 26000 : élaborée sous l’égide de l’Organisation internationale de normalisation par plus de 90 pays et 42 organisations internationales, la norme 26000 est conçue comme un ensemble de lignes directrices encourageant les organisations à progresser dans la responsabilité sociale. Elle est déclinable à tout type d’organisation et ne donne pas lieu à une certification. Elle livre l’une des définitions les plus communément utilisées de la responsabilité sociale, la définissant comme « la responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et de ses activités sur la société et sur l’environnement, se traduisant par un comportement transparent et éthique qui :

• contribue au développement durable y compris à la santé et au bien-être de la société ;

• prend en compte les attentes des parties prenantes ;

• respecte les lois en vigueur tout en restant en cohérence avec les normes internationales de comportement ;

• est intégré dans l’ensemble de l’organisation et mis en œuvre dans ses relations. »

1 http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/diplomatie-economique-et-commerce-exterieur/peser-sur-le-cadre-de-regulation-europeen-et-international-dans-le-sens-de-nos/l-engagement-de-la-france-pour-la-responsabilite-sociale-des-entreprises/les-referentiels-internationaux-et-la-participation-de-la-france-a-leur/article/qu-est-ce-que-la-responsabilite-sociale-des-entreprises-pour-la-france.

Au niveau de l’Union européenne, une RSE en construction Depuis le début des années 2000, une RSE européenne est en construction avec une série d’orientations stratégiques et de communications au niveau communautaire.

Livre vert : par ce livre vert, publié le 18 juillet 2001, la Commission européenne souhaite promouvoir un cadre européen de la RSE, y décelant un levier possible pour « construire une économie de la connaissance dynamique et compétitive fondée sur la cohésion » (objectif de Lisbonne). Elle souligne que « les propositions doivent partir du caractère volontaire de la responsabilité sociale des entreprises ».

Communication de la Commission européenne « Responsabilité sociale des entreprises : une nouvelle stratégie de l’Union européenne pour la période 2011-2014 » d’octobre 2011 : dans cette communication, la RSE est définie comme « la responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu’elles exercent sur la société ». La Commission européenne souligne qu’être socialement responsable, c’est « non seulement satisfaire pleinement aux obligations juridiques applicables, mais c’est aussi aller au-delà et investir ‘davantage’ dans le capital humain, l’environnement et les relations avec les parties prenantes »2.

Directive 2014/95/UE sur le reporting extra-financier : elle prévoit l’obligation pour les entreprises cotées ainsi que les entités d’intérêt public de plus de 500 employés de publier des informations relatives au respect des droits de l’Homme, à la lutte contre la corruption ainsi qu’aux questions environnementales et sociales.

La France, pionnière en matière de reporting RSE En France, un tel reporting extra-financier envisagé au niveau européen est déjà obligatoire depuis une série de lois de 2001.

La loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE) de 2001 : elle prévoit que chaque entreprise cotée en bourse doit rendre compte de « la manière dont [elle] prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité » dans le cadre d’un reporting extra-financier annuel. Lois « Grenelle I » (2009) et « Grenelle II » (2010) : ces lois étendent progressivement l’obligation de reporting extra-financier aux grandes entreprises (d’abord à celles de plus de 5 000 salariés, puis plus de 2 000, puis plus de 500 salariés). Le décret d’application de la loi Grenelle 2 (art. 225) précise les informations à fournir et impose une vérification par un organisme tiers indépendant.

Vers un devoir de vigilance des sociétés mères ou donneuses d’ordre ? Une proposition de loi du 30 mars 2015, adoptée à l’Assemblée nationale le 29 novembre 2016, est actuellement en lecture au Sénat et pourrait être définitivement adoptée. Cette loi vise à « responsabiliser […] les sociétés transnationales afin d’empêcher la survenance de drames en France et à l’étranger et d’obtenir des réparations pour les victimes en cas de dommages portant atteinte aux droits humains et à l’environnement ».3

2 http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/La_communication_de_la_commission_europeenne_sur_la_RSE_25_octobre_2011.pdf.3 https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl14-376.html.

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Des contraintes réglementaires fortes en Europe et en Amérique du Nord 75 % des entreprises du panel considèrent la contrainte réglementaire au sein de l’UE comme très forte. On peut estimer que cette perception fait davantage référence au cadre réglementaire social et environnemental en général (par exemple l’engagement de l’UE à réduire de 40 % les gaz à effet de serre d’ici 2030) qu’à celui en matière de RSE, encore à l’état d’ébauche.

La contrainte réglementaire en Amérique du Nord est classée comme très forte par 33 % des entreprises interrogées et comme forte par 28 % d’entre elles.

Comparer le cadre réglementaire en Amérique du Nord avec celui de l’Union européenne, perçu comme plus contraignant par les entreprises, revient à comparer la « soft law » (autorégulation) à la « hard law » (réglementation contraignante). En effet, les entreprises américaines auraient « recours à la RSE afin d’écarter la menace de l’intervention de l’État, alors que la puissance politique européenne fait appel aux entreprises pour soutenir ses objectifs géopolitiques »5.

Deux exemples permettent d’illustrer cette approche différente. Starbucks Coffee communique aux États-Unis sur la création d’une assurance sociale pour son personnel comme un « acte fort de responsabilité » ; dans la plupart des pays européens, cela n’aurait pas de sens au vu des systèmes publics de couverture sociale. McDonald’s, Gerber et McCain Foods, eux, ont volontairement renoncé à utiliser des produits qui contiennent des OGM. Aux États-Unis, 58 OGM sont autorisés, alors qu’au sein de l’Union Européenne 18 seulement le sont…6.

Des contraintes réglementaires particulière-ment faibles en Afrique, plutôt fortes en Asie de l’Est et du Sud-EstPlus de 40 % des entreprises du panel perçoivent les contraintes réglementaires en Afrique comme faibles ou très faibles. La perception de la RSE n’y est pas la même. Un exemple : là où les entreprises veillent à communiquer de manière neutre sur la place de la femme en Europe, l’image de la femme comme responsable du foyer et de l’éducation des enfants est encore très répandue en Afrique.

Cela étant, l’action des entreprises multinationales et la demande des citoyens africains conduisent à un échange et à une mise en place de modes de fonctionnement plus proches de l’Europe sans se référer à la réglementation. Et on peut penser que les Objectifs du Développement Durable (ODD) devraient inciter les États à réglementer davantage autour, notamment, de l’environnement et du droit des femmes.

37,5 % des entreprises interrogées estiment que l’on trouve une contrainte réglementaire forte en Asie de l’Est et du Sud-Est.

C’est le cas notamment de l’Inde qui a rendu la RSE obligatoire : depuis 2014, une nouvelle réglementation (section 135 de l’Indian Companies Act) contraint les entreprises à investir 2 % de leurs bénéfices nets dans des initiatives sociales (santé, éducation, technologies vertes, etc.). Environ 6 000 entreprises sont concernées.

5 F. LEPINEUX, J.-J. ROSE, C. BONANNI et S. HUDSON, La responsabilité sociale des entreprises – Théories et pratiques (2e éd., Dunod, 2016), p. 68.

6 F. LEPINEUX, J.-J. ROSE, C. BONANNI et S. HUDSON, La responsabilité sociale des entreprises – Théories et pratiques (2e éd., Dunod, 2016), p. 72.

Des contraintes réglementaires plus ou moins fortes selon les régions… Les contraintes réglementaires diffèrent d’une région à l’autre ; les entreprises sont soumises à des contraintes plus fortes dans les pays développés que dans les pays en voie de développement, à quelques exceptions près.

Le cadre réglementaire évolue également dans le temps et peut parfois changer très rapidement. Ainsi, si la transition vers les énergies renouvelables en Allemagne était longtemps portée par les écologistes et des militants, c’est bien l’accident nucléaire de Fukushima en 2011 qui a conduit à un revirement politique radical. Prise de conscience forte, « window of opportunity » : ce qui se passe à l’autre bout de la planète peut provoquer un impact ailleurs et changer la réglementation d’un secteur entier. Les entreprises doivent donc apprendre à anticiper…

FIGURE 8 : LA PERCEPTION DES ENTREPRISES EN TERMES RÉGLEMENTAIRES

Source : Observatoire du Développement International, BearingPoint, 2016

Très faible Faible Plutôt forte Forte Très forte

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Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les entreprises ne se sentent pas si désavan-tagées par les contraintes réglementaires Dans la zone géographique où les entreprises subissent la plus grande contrainte réglementaire, à savoir l’Union européenne, on pourrait s’attendre à ce que les entreprises se sentent désavantagées par rapport à leurs concurrents internationaux. Dans la pratique, pour les entreprises du panel, cette réglementation les affecte peu : à plus de 65 %, elles nous affirment qu’elles ne se sentent pas désavantagées par rapport à leurs concurrents internationaux d’un point de vue social.

On peut envisager plusieurs explications : les normes applicables ne seraient-elles finalement pas si contraignantes et ne présenteraient-elles donc aucun désavantage ? Les normes juridiques seraient-elles l’expression d’une exigence éthique que les entreprises s’appliquent de toutes les façons ? Ou les entreprises y verraient-elles, à l’inverse, un intérêt stratégique pour faire avancer des initiatives en matière de pilotage et d’innovation ?

Les normes applicables peuvent par exemple constituer un levier pour les entreprises pour réduire leurs risques environnementaux ou pour gérer leurs ressources de manière plus efficace, contribuant ainsi à une réduction de coûts.

Franck Riboud, l’ancien PDG de Danone, résume ainsi l’intérêt des entreprises à s’engager en matière de RSE : « Aucun organisme ne se développe dans un milieu appauvri ou dans le désert. […] Il est donc de l’intérêt même d’une entreprise de prendre soin de son environnement économique et social, ce qu’on pourrait appeler, par analogie, son ‘écosystème’ »7.

S’engager volontairement pour aller plus loin : l’exemple des labels Si les normes juridiques définissent un niveau minimum d’engagement en matière de RSE contraignant pour toutes les entreprises, certaines d’entre elles s’engagent volontairement pour aller plus loin et s’imposent des examens et audits drastiques. Ainsi, on assiste aujourd’hui à un réel foisonnement de labels sociaux et environnementaux, portés par des gouvernements, des ONG ou des associations professionnelles.

Le plus souvent, ils portent sur un produit ou l’exploitation d’une ressource. C’est le cas notamment de l’Écolabel européen, label écologique reconnu dans tous les pays de l’Union européenne. Pour un produit donné, il atteste la réduction des impacts environnementaux tout au long de son cycle de vie. Des cahiers des charges spécifiques existent pour plus de 50 catégories de produits et de services (appareils électriques, produits d’entretien, etc.).

Les labels peuvent aussi porter sur la gestion de l’entreprise dans son ensemble. C’est le cas par exemple du label français Lucie (aligné sur la norme internationale ISO 26 000), ou encore des labels Égalité et Diversité. Ainsi, les entreprises se différencient par rapport à leurs concurrents en s’engageant à un niveau considéré supérieur : La labellisation fournie par un organisme certificateur est une garantie crédible pour les consommateurs qui sont prêts à payer plus chers des produits plus « responsables ».

7 http://www.lemonde.fr/idees/article/2009/03/02/la-crise-impose-de-repenser-le-role-de-l-entreprise-par-franck-riboud_1162147_3232.html.

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Les clients se trouvent toujours directement ou indirectement impactés par les stratégies d’image de marque et de communication développées par les entreprises. Sous la poussée institutionnelle et sociale, la majeure partie des grandes entreprises ont désormais mis en place une série d’outils de communication intégrant la RSE dans le but initial de répondre à une problématique d’image vis-à-vis des clients2. Les entreprises ont conscience de l’impact de leurs politiques RSE auprès de leurs clients, en premier lieu sur « l’image de marque », mais également sur leur « business ». En effet, lorsque l’on demande aux entreprises de qualifier le type d’impact de leur politique RSE, c’est l’impact sur « l’image de marque » qui est cité avant celui « business ». La politique RSE globale a un impact global à hauteur de 77 % sur l’image de marque et de 50 % sur le business. La RSE est donc un levier clé sur ces deux dimensions, mais avant tout sur l’« image de marque ».

Le client, un acteur clé de la stratégie RSE de l’entreprise Le client constitue la principale partie prenante de l’entreprise. Les entreprises interrogées qualifient de très forte l’influence des parties prenantes externes sur leurs activités. Les entreprises citent les clients comme la première des parties prenantes, que l’on considère l’influence des clients du point de vue de la France (61 %), ou de celui de l’International (57 %). Le développement de la RSE a permis de démontrer que l’entreprise se doit d’écouter et de rendre des comptes à tous les acteurs concernés par son activité. En soulignant que le client est au centre de leurs attentions, les entreprises font donc de celui-ci un acteur clé.

Le client est également le principal bénéficiaire de la politique RSE de l’entreprise. Les entreprises affirment être attentives prioritairement aux attentes des clients, perçus comme les premiers bénéficiaires de la RSE à 32 %, suivis de la société civile et des associations de consommateurs à hauteur de 29 % à l’échelle locale et de 23 % à l’échelle internationale. Le client devient donc le principal bénéficiaire de la politique RSE et pourtant, les démarches RSE des entreprises ne sont pas toujours conçues pour lui.

2 A.-S. BINNINGER et I. ROBERT, « La perception de la RSE par les clients : quels enjeux pour la “stakeholder marketing theory”? », Management & Avenir 5/2011 (n° 45), pp. 14 à 40, 2011.

RSE et relation client à l’internationalAu-delà des contraintes législatives, les exigences grandissantes des consommateurs ont poussé les entreprises françaises à intégrer la responsabilité sociale des entreprises (RSE) au sein de leurs politiques d’entreprise. Les entreprises les plus engagées ont ainsi compris le rôle joué par la RSE comme facteur de compétitivité non négligeable d’une performance soutenable et globale.

Si la relation client ne constitue pas encore une thématique privilégiée des politiques de RSE, les paramètres influant directement ou indirectement sur la qualité de la relation client (respect des relations clients/fournisseurs, dialogue social, etc.) ne cessent de prendre de l’importance. Ces derniers deviennent stratégiques et fondamentaux pour toute entreprise souhaitant se développer tant au niveau national qu’international.

Décalage entre la perception de la relation client dans la RSE et la réalité constatée La RSE, un repère fondamental pour les clients La formule « le client est roi » a été longtemps utilisée pour rappeler aux entreprises leur objectif premier : répondre à la demande du client et le satisfaire. Sa représentation était celle d’un individu qui se comportait en « empereur », préoccupé uniquement par le prix du produit ou du service fourni, et indifférent au contexte de l’entreprise.

De nombreuses études récentes ont montré un autre visage du client, soucieux des actions engagées par les entreprises en matière de RSE. Les clients s’avouent désormais de plus en plus sensibles à l’engagement social et environnemental des entreprises. Selon l’étude Nielsen qui teste à intervalle régulier la manière dont les clients sont prêts à privilégier dans leurs achats les marques qui mettent en avant leur engagement RSE, la sensibilité du client à l’engagement RSE a progressé. Ainsi, en 2011, seuls 27 % des consommateurs français sondés se disaient prêts à payer plus cher pour des produits et services provenant de sociétés socialement responsables. Deux ans plus tard, ce pourcentage atteignait 31 %1.

Le client s’intéresse à la RSE non pas en tant que « concept », mais dans la mesure où cela le touche et qu’il perçoit son impact sur le produit qu’il souhaite acquérir. Il est important pour ce dernier de connaître les engagements RSE pour pouvoir plus facilement s’identifier aux valeurs de la marque. Par exemple, dans le secteur agroalimentaire, les clients seront plutôt sensibles aux sujets environnementaux et nutritifs pour s’assurer de la bonne qualité des produits. Dans le secteur de la banque/assurance, ils seront davantage sensibles au devenir des flux de financement, par exemple, s’ils sont ou non compatibles avec un développement base carbone. L’objectif pour la marque vise à créer une affinité avec le client en s’engageant sur des thématiques auxquelles il est sensible.

1 Les Échos, « Les Français plus sensibles à l’engagement sociétal des entreprises », 30 août 2013.

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70 % des entreprises interrogées, la RSE est organisée de façon très centralisée avec une stratégie globale unique déployée à l’International. Le département RSE, quand il existe, est rattaché à des départements principaux et décisionnaires de l’entreprise (Direction générale pour 33 %, Secrétariat Général pour 15 %, Direction Communication/Marketing pour 12 %). Le positionnement de la RSE au sein de l’organisation de l’entreprise démontre donc le peu d’attachement à la contextualisation en local et donc à l’écoute des besoins clients spécifiques qui peuvent exister au sein des pays dans lesquels l’entreprise est implantée.

Ainsi, pour la banque BNP Paribas, il est clair que la RSE s’est imposée comme une fonction groupe. En 2001, cet organisme bancaire s’est doté d’un département en charge du développement durable, qui s’est considérablement renforcé au cours des années, jusqu’à devenir en 2012 une fonction rattachée à la Direction Générale du Groupe. Les missions et responsabilités de la fonction RSE sont clairement définies par une directive de la Direction Générale. Elles consistent à concevoir et à piloter la stratégie de développement durable, à mettre en œuvre cette stratégie, à coordonner le reporting ainsi que le dialogue avec les parties prenantes et enfin, à constituer un pôle de référence pour l’ensemble du groupe.

L’étude réalisée montre que les personnes interrogées, et donc par extension les entreprises qu’elles représentent, perçoivent l’importance d’une relation Client dans leurs politiques RSE. Toutefois, l’étude souligne que les moyens mis en œuvre pour établir une relation client adaptée aux marchés spécifiques locaux semblent pour l’instant sous-évalués. Il faudrait réussir à faire converger exigence éthique, besoins business et efficacité de la politique RSE. Une solution intelligente reste à trouver.

Une communication RSE à mieux maîtriser face à des clients engagés sur les enjeux RSE Le client : un acteur influent à ne pas négligerLe client, cet acteur très influent, avec des convictions et des idées qu’il partage, se montre sensible aux initiatives des entreprises. Les clients, en effet, demandent de plus en plus de « comptes » à l’entreprise, qui ne doit pas seulement communiquer, mais mettre en valeur les actions RSE qu’elle réalise. Le client se méfie davantage des méthodes de « greenwashing », techniques publicitaires qui consistent à rendre écologique un produit qui ne l’est pas. De nombreuses entreprises utilisent ainsi les thématiques RSE afin d’embellir artificiellement leur image. Certains clients, citoyens internautes désabusés vis-à-vis du discours des marques en matière de RSE, n’hésitent pas à les critiquer, notamment sur les réseaux sociaux. À l’heure du digital, la transparence étant de mise, les marques se doivent de joindre davantage les actes à la parole..

Les clients peuvent s’organiser en associations ou groupes d’influence pour faire pression sur l’entreprise afin qu’elle adopte des comportements RSE sur certains sujets. En 2013, après l’effondrement du Rana Plaza, un immeuble abritant 8 usines textiles dans la banlieue de Dacca au Bangladesh, qui avait causé la mort de près de 1 200 ouvriers qui travaillaient pour les principaux distributeurs de textile (Benneton, Primark, C&A, Mango, Loblaw, etc), des mouvements de consommateurs et des ONG du monde entier se sont organisés pour inviter les pouvoirs publics à surveiller les conditions de travail des usines de fabrication de textile. En France, le collectif « Éthique sur l’Étiquette4 » composé d’associations de consommateurs alliées à des ONG et des syndicats, promeut ainsi l’élaboration d’une loi qui imposerait aux multinationales de faire respecter les droits humains, droits du travail et le respect de l’environnement aux maisons-mères et filiales d’entreprises, notamment dans les pays en voie de développement.

4 Dossier du Collectif Éthique sur l’Étiquette, « Des avancées dues à la mobilisation citoyenne », 26 avril 2016.

FIGURE 9 : LES PRINCIPAUX BÉNÉFICIAIRES DES POLITIQUES RSE

PRINCIPAUX BÉNÉFICIAIRES BÉNÉFICE RSE

Au sein de l’entreprise

Instance de représentation des salariés ★ ★ ★

Regroupements informels de salariés ★

En dehors de l’entreprise

Société civile

Société civile échelle internationale ★ ★ ★

Société civile échelle locale ★ ★ ★

Personnes individuelles ★

Chaîne de valeurPartenaires ★ ★ ★

Clients ★ ★ ★ ★

Source : Observatoire du Développement International, BearingPoint, 2016

La RSE, un levier commercial non négligeableUne démarche RSE peut causer un véritable impact sur la décision d’achat du client, au travers d’une communication réussie en termes de RSE et d’une image de marque RSE positive. Ainsi, pour une majorité de Français (58 %), la qualité de la relation client joue désormais un rôle déterminant dans l’acte d’achat. Il s’agit donc d’un enjeu stratégique pour la compétitivité des entreprises3 et d’un élément clé de la décision d’achat. L’évaluation de l’impact de la RSE dans la décision d’achat demeure néanmoins complexe, pouvant se montrer aussi bien positive (un client veut acheter ce produit, car il correspond à ses attentes d’un point de vue RSE), que négative (boycott, campagnes de dénonciations, etc.).

L’étude relève d’ailleurs que l’impact des politiques RSE auprès des clients diffère selon que la politique RSE est pensée en global ou en local. Il apparaît ainsi que la politique RSE locale a un impact local fort en termes d’image de marque estimé à 66 %, tandis qu’une politique RSE globale a un impact local estimé à seulement 53 %. Une politique RSE locale a également un réel impact business au niveau local (67 %), tandis qu’une politique RSE globale a un impact business équivalent de 77 % en local et en global.

La RSE est un outil à part entière du développement commercial, et ce, d’autant plus à l’International. Ainsi, 10 % des entreprises interrogées considèrent la RSE comme prioritairement un levier commercial en France, alors qu’elles ne sont que 20 % à la considérer comme telle à l’International. Si la majorité des répondants estiment que la RSE a essentiellement un impact en termes d’image de marque, d’autres soulignent que la RSE joue un rôle fort dans la stratégie commerciale, que ce soit pour conquérir de nouveaux clients, maintenir sa position ou encore s’implanter sur un nouveau marché.

La RSE s’avère donc être une thématique bien plus complexe qu’un outil de communication annexe et gérée de manière indépendante. Avec un client de plus en plus sensible à ces sujets, la RSE devient beaucoup plus centrale avec des enjeux majeurs sur la performance de l’entreprise.

Pourtant, l’organisation RSE de l’entreprise n’est pas favo-rable à la prise en compte des besoins spécifiques des clientsL’étude pointe toutefois une certaine contradiction. D’une part, les clients composent la partie prenante la plus importante, d’autre part, la RSE a un impact fort sur le positionnement stratégique d’une entreprise vis-à-vis de son marché, toutefois, l’organisation de l’entreprise en termes de RSE n’est pas conçue pour répondre aux exigences spécifiques de ses clients. Dans près de

3 Ipsos et l’Institut National de la Relation Client (INRC), Baromètre international de la relation client, 2014.

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Des outils de communication RSE à mieux maîtriserDes moyens sont à la disposition des entreprises pour faire reconnaître la qualité de leurs actions RSE. Cependant, de manière surprenante, 26 % des répondants admettent n’avoir recours à aucun de ces outils. 53 % ont tout de même décidé de faire appel à des organismes externes pour faire évaluer, certifier et labéliser leur politique RSE. Pourquoi cette démarche proactive est-elle importante ? Ces outils donnent de la visibilité à l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise, et impactent donc tout particulièrement le client. En effet, les autres parties prenantes ont les moyens de réaliser des audits indépendants, des due-diligence, de signer/faire signer des chartes, etc. Le client, lui, ne peut que s’appuyer sur les informations qu’il a à sa disposition. Les labels et les certifications sont autant d’outils qui rendent accessible et visible, via un sigle, une mention très simple, la qualité de la démarche RSE qui se cache derrière un produit.

FIGURE 11 : LES OUTILS DE RECONNAISSANCE DE LA PERFORMANCE RSE DES ENTREPRISES

Certification

Label

Offre commercialeAgence de notation extra-financière

Aucunoutils

Prix, récompense

31 %

13 %17 %

26 %

9 %4 %

Source : Observatoire du Développement International, BearingPoint, 2016

L’ensemble des outils de certifications n’est pas toujours à la main de l’entreprise, et de plus en plus d’organismes d’évaluation qui sortent du champ de maîtrise de l’entreprise voient le jour. C’est notamment le rôle des guides de consommateurs, à l’instar de goodguide.com, essentiellement implanté en Amérique du Nord qui permet d’évaluer l’impact santé, social et environnemental d’un produit. Ces initiatives sont autant de sources d’information à disposition du client qui lui permettront d’orienter son choix de consommation.

Agissant de manière totalement indépendante, ces outils peuvent générer des impacts imprévisibles sur la perception que le client a d’une marque ou d’un produit. Des impacts positifs, mais aussi extrêmement dommageables (boycott, bad buzz, etc.) en termes d’image et de perception client. Comment y répondre ?

1. Communiquer à bon escient. Communiquer autour des actions RSE est un exercice périlleux, car à tout moment, il est possible d’être pris en défaut. La prudence et la modestie sont donc de rigueur pour ne pas être taxé de « greenwashing ».

2. Anticiper les impacts indirects. Les principales sources de bad buzz viennent des situations de dichotomies entre un discours central et des actions sur le terrain (et réciproquement) ; avoir une approche locale de la RSE harmonisée par une politique centralisée permet dès lors de limiter ces risques.

3. Exploiter des leviers de communication indirects. S’agissant de RSE, la communication directe est la plus périlleuse à manier (cf points au-dessus). Cependant, d’autres moyens existent pour faire parler des initiatives sans que cela ne fasse partie de la communication « corporate » ; pour cela, il faut faire parler de soi, via des leaders d’opinion jugés légitimes dans le domaine de la RSE (ONG, journalistes, porteurs de projets, etc.).

Le client, un acteur hétérogène d’un pays à l’autre à mieux appréhenderL’entreprise, pour communiquer avec ses clients, doit les connaître et maîtriser sa communication. Une stratégie RSE différenciée doit donc, pour réussir, reposer sur une bonne connaissance de ses clients en local, afin de répondre à leurs attentes spécifiques.

Néanmoins, on peut noter une méconnaissance des enjeux et des attentes en matière de développement durable sur le plan environnemental, économique et social. La RSE ne concerne pas seulement les pays matures, mais également les pays en voie de développement. Les entreprises interrogées perçoivent en premier le marché d’Europe de l’Ouest comme très mature (41 %), puis viennent les marchés d’Amérique du Nord (22 %) et enfin le reste du monde perçu comme non mature ou non qualifié, ce qui traduit une certaine méconnaissance des marchés.

Or, selon l’étude du cabinet Nielsen, il apparaît que les pays où les consommateurs se disent le plus sensibles à l’attitude des entreprises en matière de RSE sont des pays émergents : l’Inde (75 %), les Philippines (71 %), la Thaïlande (68 %), l’Indonésie (66 %), l’Égypte (64 %), et le Vietnam (64 %). L’exigence de responsabilité sociale est plus prononcée dans les pays émergents accueillant de nombreuses usines de grandes entreprises, qui souhaitent profiter des faibles coûts salariaux5.

Par ailleurs, il est intéressant de constater que les régions considérées comme étant les plus matures selon nos répondants recouvrent celles du développement économique des régions, mais pas uniquement. Si les régions les plus développées économiquement à ce jour (Europe, Amérique du Nord et Océanie) font partie des régions les plus matures d’un point de vue RSE, on se rend compte que la richesse ne constitue pas l’unique driver. En effet, les régions Amérique du Nord et Océanie, qui ont les plus hauts niveaux de PIB par habitant (>50k$/hab6), s’avèrent moins matures d’un point de vue RSE que l’Europe de l’Ouest, dont le PIB par habitant se situe légèrement en dessous de 40k$/hab7. D’autres facteurs entrent ainsi en ligne de compte dans l’appréciation de la sensibilité aux problématiques RSE : la culture, l’organisation sociale, la solidarité, etc.

5 La Croix, « Les consommateurs des pays émergents sont les plus exigeants en matière de RSE, 30 août 2013.6 Source : Worldbank, 2015.7 Source : Worldbank, 2015.

FIGURE 10 : CARTOGRAPHIE DE LA MATURITÉ DES CLIENTS VIS-À-VIS DE LA RSE PAR RÉGION

Très mature

Mature

Peu mature

Immature

Source : Observatoire du Développement International, BearingPoint, 2016

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Une stratégie client différenciée, un pari gagnant à l’International Une démarche RSE adaptée en local pour mieux répondre aux exigences spécifiques de ses clientsLes spécificités clients et les contextes sociaux et économiques différents rendent nécessaire la mise en place d’une démarche RSE réfléchie et adaptée localement avec des actions RSE en lien avec les besoins des clients. Par exemple, le groupe Casino possède cinq fondations différentes. Chacune travaille sur des projets sociaux en fonction de son positionnement sur son marché et des besoins locaux. On y relève des points communs, toutes ces fondations réalisent par exemple des donations alimentaires, mais aussi de nombreuses différences. Au Brésil, la stratégie consiste à travailler sur des projets sociaux dans les favelas autour des magasins, ce qui serait peu pertinent en France. Des projets sont aussi montés pour l’éducation professionnalisant des jeunes, alors qu’en France, ils s’orientent davantage sur la socialisation des centres urbains, notamment sur la non-exclusion des seniors. Cet exemple illustre la nécessité de mettre en œuvre une stratégie RSE différenciée.

Selon les répondants de l’étude, les thématiques prioritaires restent essentiellement homogènes entre la France et l’International, mais avec quelques nuances. Le respect de l’environnement demeure le thème n° 1, quelle que soit la perspective. En revanche, si l’égalité hommes/femmes est un thème prioritaire en France, il revêt moins d’importance à l’International. On constate des écarts particulièrement marqués pour les enjeux d’insertion sociale et professionnelle, thèmes importants en France, mais très mineurs à l’International. Par ailleurs, les enjeux liés au droit du travail et aux droits de l’homme et de la démocratie sont plus prégnants à l’International.

FIGURE 12 : THÉMATIQUES D’ENGAGEMENT RSE PRIORITAIRES FRANCE VS INTERNATIONAL

THÉMATIQUES D’ENGAGEMENT RSE FRANCE INTERNATIONAL

Respect de l’environnement ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★

Egalité hommes/femmes ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★

Handicap ★ ★ ★ ★ ★ ★

Recherche et innovation scientifique ★ ★ ★ ★ ★ ★

Insertion sociale et professionnelle ★ ★ ★ ★

Droit du travail ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★

Droits de l’homme et démocratie ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★

Education ★ ★ ★ ★

Accès à la culture, patrimoine ★ ★

Accès aux soins ★ ★

Lutte contre la pauvreté ★ ★

Protection de l’enfance ★ ★

Logement ★ ★

Source : Observatoire du Développement International, BearingPoint, 2016

1. Le poids du local vient beaucoup d’une question de culture d’entreprise

Pour prendre deux exemples concrets, chez Casino, le siège français est toujours resté très « soft » sur la prise de contrôle des stratégies locales, pas uniquement sur la RSE, mais sur tous les sujets, laissant généralement beaucoup d’autonomie aux filiales. À l’inverse, Carrefour impose sa stratégie depuis la France, les logos et stratégies d’enseignes, en passant par les guidelines Marketing, les achats ou la politique RSE, etc. 

2. Penser global, agir local

Pour autant, pour donner l’exemple du Groupe Casino, nous ne retrouvons pas totalement une stratégie locale. Les 5 piliers de la politique RSE du groupe sont les mêmes dans tous les pays. Nous avons des objectifs communs 2020 : taux de travailleurs handicapés, part du CA de produits bio, consommation de CO2 par m² de magasin, etc. Nous reportons les mêmes indicateurs extra financiers dans le rapport annuel du groupe. Nous avons quelques projets internationaux, par exemple une politique globale sur l’huile de palme et la mise en place d’une entreprise d’efficacité énergétique dans tous les pays.

3. Un calendrier et des moyens adaptés aux priorités locales

Ce qui est effectivement adapté, c’est le « comment » et le « quand » de la mise en place de ces priorités RSE. Par exemple, nous avons au niveau local un enjeu d’intégration de travailleurs handicapés, mais chaque pays agit à son rythme, en fonction de la réalité locale et en tissant des partenariats locaux. Nous cherchons par exemple à lancer des actions sur la réduction des sacs plastiques et emballages, mais chaque plan est mis en place de façon autonome.

4. Des enjeux spécifiques mis en place en fonction des pays concernés

GPA, la filiale du groupe Casino au Brésil, est la seule à travailler sur une politique d’achats de viande bovine. En effet, les enjeux de cette filière sont très importants au Brésil : 80 % de la déforestation de l’Amazonie est due à l’élevage bovin. Ces enjeux n’ont rien à voir avec ceux de la filière française par exemple.

Laura Pirès, Responsable RSE, Groupe Casino (GPA-Brésil)

TÉMOIGNAGE

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FIGURE 13 : COMPARATIF DE L’ÉTAT DES LIEUX DE LA DÉFINITION DES POLITIQUES RSE DES ENTREPRISES EN FRANCE VS INTERNATIONAL

EN FRANCE A INTERNATIONAL

PRECURSEUR : dans ses engagements RSE 50 % 38 %

SUIVEUR : adaptation au marché 33 % 22 %

EN RETARD : définition en cours de l’identité RSE 16 % 38 %

Source : Observatoire du Développement International, BearingPoint, 2016

Une stratégie RSE différenciée qui nécessite une transfor-mation interne de l’entrepriseL’une des principales difficultés rencontrées par les entreprises dans la mise en œuvre de leur stratégie RSE vient d’une contradiction. La RSE est en effet une activité transverse qui se répercute sur l’ensemble des fonctions (supports et cœur de métier), mais qui pour autant ne fait pas partie des priorités, donc on la traite de manière indépendante. Or, la RSE va au-delà de la mise en place d’une direction dédiée qui supervisera les actions 100 % RSE. Être socialement responsable, c’est s’assurer que l’ensemble de l’organisation contribue à l’effort social et environnemental. Toute l’organisation se doit donc d’être engagée. D’ailleurs, les thématiques les plus soutenues par les entreprises figurent parmi celles qui la touchent le plus directement : droit du travail et diversité.

La mise en place d’une organisation cohérente et bien informée de son rôle RSE permet de s’affranchir du risque d’incohérence qui pèse sur la communication extérieure, son image de marque et ses relations avec ses parties prenantes externes et plus particulièrement les clients. Avoir une organisation cohérente produit un impact plus direct sur l’activité via le phénomène de symétrie des attentions. Ce concept initialement étudié sur les pratiques managériales s’applique également dans le domaine de la RSE, comme le souligne l’INRC dans son livre blanc sur la RSE. Les pratiques socialement responsables de l’entreprise dans son écosystème (employés, fournisseurs, partenaires) favorisent un état d’esprit positif qui se répercute in fine dans la relation client. La RSE constitue donc un outil à part entière de mobilisation de toutes les strates de son organisation pour accroître son efficacité, son impact et donc sa performance.

Orange a ainsi construit sa RSE en menant une politique active en matière d’écoute de ses clients. L’opérateur télécom a lancé avec succès en 2013 la plateforme « Ce Que Vous Attendez d’un Opérateur Responsable » qui permettait à chaque client-utilisateur de découvrir les douze domaines d’actions RSE du groupe et de choisir les trois qui, selon lui, revêtaient la plus grande importance. Plus récemment, en novembre 2016, à l’occasion de la COP22, la direction RSE du groupe a organisé un chat vidéo interactif sur Twitter en invitant ses clients-internautes à poser leurs questions aux membres du comité directeur sur des enjeux RSE. La mise en œuvre d’une communication responsable dans une démarche de transparence est généralement appréciée par les clients. Par conséquent, la RSE devrait être davantage prise en compte dans la relation client.

Une démarche RSE différenciée peut donc s’avérer un pari gagnant pour les entreprises, en permettant de mieux répondre aux exigences des clients en local en matière RSE. Elle permet aux entreprises d’innover et constitue un atout concurrentiel dans une perspective de réussite sur le long terme à l’International.

Il serait méthodologiquement inapproprié de considérer que les thématiques prioritaires des entreprises correspondent aux attentes d’un point de vue « client ». Cependant, les nuances qui apparaissent entre les différents thèmes, puis entre la France et l’International témoignent :

1. de l’impossibilité de s’attaquer de front à tous les enjeux économiques et sociaux ainsi que de la nécessité de prioriser les actions ;

2. de choix prioritaires qui correspondront plus aux chantiers sur lesquels l’entreprise souhaite s’investir (voire être reconnue) ;

3. d’un début d’adaptation des efforts RSE en fonction des attentes locales, même si actuellement, les efforts prioritaires des entreprises en matière de RES ne témoignent pas de la diversité des situations socio-économiques à travers le monde.

Adapter ses efforts RSE aux besoins locaux, non seulement d’un point de vue client, mais également d’un point de vue social et économique, permettra d’en démultiplier les effets bénéfiques auprès de sa clientèle locale.

Une stratégie RSE différenciée, un impact positif à long terme sur le développement international de l’entreprise Investir sur la RSE peut sembler coûteux dans un premier temps pour les entreprises, mais il peut s’agir d’un calcul gagnant dans la durée. La moitié des entreprises interrogées considèrent comme importante la nécessité d’adopter une politique RSE différenciée selon les marchés et les zones géographiques où elles sont implantées. La RSE est perçue comme un investissement à hauteur de 78 % à l’International, mais seulement à 12 % comme ayant un ROI, alors qu’en France, une politique RSE est perçue à 60 % comme un investissement et à 25 % comme un ROI. Le bénéfice est d’abord perçu en termes de réputation, comme un moyen d’obtenir une meilleure image (75 %), puis comme une façon de maintenir sa position locale (28 %) et de gagner de nouveaux clients (28 %).

La grande majorité de ces mêmes entreprises ont néanmoins tendance à percevoir la RSE à l’International d’abord comme un coût plutôt qu’un investissement qui pourrait rapporter sur le long terme. Elles éprouvent ainsi des difficultés à évaluer leur budget RSE à l’International. Néanmoins, les dommages générés par une communication non réussie ou par une mauvaise réputation à l’étranger peuvent leur causer un immense préjudice.

Mettre en place une démarche RSE réfléchie en local peut devenir un formidable outil d’étude de marché pour davantage cerner les attentes spécifiques des clients d’une zone géographique dans laquelle l’entreprise est implantée ou souhaite s’implanter. Une connaissance spécifique de ses clients constitue un moyen de différenciation et un avantage concurrentiel non négligeable. Elle permet non seulement de maintenir sa position sur un marché, mais surtout de conquérir de nouveaux clients ou marchés. Une démarche RSE adaptée en local peut donc s’avérer un levier commercial extrêmement précieux et un atout avant-gardiste à l’International.

Nouer une relation de confiance avec ses clients présente un avantage concurrentiel indéniable. Cela fait notamment la différence entre une entreprise solide et pérenne, qui souhaite s’inscrire dans le temps, et une entreprise « précurseur » qui arrive sur un nouveau marché. À l’International, les entreprises se présentent principalement en matière de RSE, soit comme des précurseurs avant-gardistes, soit complètement en retard.

40 7ème Observatoire du Développement International | 2016-2017 2016-2017 | 7ème Observatoire du Développement International 41

C’est toute l’attitude paradoxale des grandes entreprises françaises qui, si elles cherchent à incorporer la mesure de leur impact social et environnemental dans la communication institutionnelle faite aux parties prenantes internes et externes à l’entreprise, admettent volontiers préférer piloter le décisionnel de l’activité par l’aspect économique de la chose.

En effet, lorsqu’il s’agit de prendre et d’exécuter des décisions avec des impacts concrets et rapides sur le business, investir ici et dé-commissionner là, entrer sur un nouveau marché géographique, conclure un partenariat avec un fournisseur ou encore relocaliser une activité de production dans un pays à moindre coût de main-d’œuvre, c’est avant tout l’équation économique qui fera pencher la balance.

Tout en mettant en exergue ce phénomène de « double discours », contrasté entre la communication institutionnelle du rapport annuel et la réalité du pilotage décisionnel, notre rapport s’interroge sur l’aspect immuable de la chose et obtient que 80 % de notre panel songe à intégrer la dimension RSE dans le pilotage des activités menées à l’International dans les 10 ans, 50 % dans les 2 ans à venir… un bon signe s’il en est.

Les indicateurs RSE mis en avant dans le pilotage des activités à l’International Regardons à présent dans le détail les thématiques d’indicateurs, visant à mesurer l’impact social et environnemental des activités menées par l’entreprise dans le cadre de son développement à l’International, mis en avant par notre cible de répondants dans l’exercice de mesure de la performance. Ceux-ci traduisent une volonté d’investir et de s’implanter localement en respectant des standards sociaux et environnementaux qui favorisent le développement.

Nous avons interrogé les entreprises sur les trois grandes familles d’indicateurs généralement audités dans le cadre des politiques RSE. En tête, c’est la famille des indicateurs de type social dans la pratique du travail (70 % des répondants), puis celle des indicateurs de gestion de l’environnement (50 % des répondants) qui s’imposent.

L’impact de la RSE sur le business à l’International

Pilotage économique et volet RSE : une intégration difficile ?Hier encore, chez les grands du CAC 40, le pilotage de la performance passait avant tout et surtout par une vision purement économique de l’état et de l’évolution des activités menées par l’entreprise.

On sait aujourd’hui que le paradigme a changé, que les entreprises sont désormais jugées bien au-delà de leurs seules performances financières : en valent pour preuve les signes du poids croissant de l’ISR (Investissement Socialement Responsable). Les entreprises le répètent : elles sont de plus en plus interrogées sur la parité, la diversité, le bien-être social, la gouvernance et leur appréciation des questions sociétales et environnementales.

Une tendance partagée par la grande majorité des entreprises consiste à créer un document stratégique qui met en perspective leurs forces financières, mais aussi extra-financières. C’est le cas du groupe Orange qui publie son rapport annuel intégré intitulé « Au-delà des chiffres », une promesse alléchante qui vise à rendre compte de la politique RSE du groupe et de ses réalisations en la matière1.

Car le groupe joue une partition signifiante, de par les investissements qu’il réalise, les technologies qu’il déploie, l’aménagement des territoires couverts par ses réseaux, dans le développement économique et social des pays où le groupe opère. Cette responsabilité sociale, Orange l’assume pleinement, en suivant notamment des indicateurs concrets dans la durée qu’il veut s’engager à communiquer dans son rapport annuel.

Face aux aspects purement business, le volet extra-financier se veut un levier de convictions complémentaire, plus global, des parties prenantes, une vision à long terme de la valeur créée par Orange dans toutes ses dimensions.

Comment alors interpréter le constat sans appel de notre panel qui, pour près des ¾ des répondants, affirme que la performance de leur entreprise est essentiellement évaluée au travers du prisme des indicateurs économiques ? Et que dire lorsque ce chiffre atteint presque les 90 % du panel lorsque la question concerne le pilotage de la performance des activités menées à l’étranger ?

1 Source : « Orange publie son Rapport Annuel Intégré, l’Entreprise au-delà des Chiffres », e-RSE (e-rse.net) – la plateforme de l’engagement RSE et du développement durable.

42 7ème Observatoire du Développement International | 2016-2017 2016-2017 | 7ème Observatoire du Développement International 43

65 %

41 %

35 %

Santé et sécurité au travail• Nombre de jours de maladie• Nombre d’accidents du travail

Politique de gestion des ressources humaines• Niveau de rémunération

des salariés• Niveau de formation & qualification des salariés

Droits sociaux fondamentaux• Travail des enfants• Diversité, parité hommes/femmes, • Durée du travail

Source : Observatoire du Développement International, BearingPoint, 2016

FIGURE 16 : HIÉRARCHIE DES INDICATEURS SOCIAUX MESURÉS PAR LES ENTREPRISES DANS LA GESTION DE LEURS ACTIVITÉS À L’INTERNATIONAL

S’agissant des indicateurs environnementaux, nous avons interrogé les entreprises en connaissant déjà leur obligation de publier un bilan détaillé de leurs émissions de gaz à effet de serre, conformément aux directives de la loi Grenelle 2. Parmi les indicateurs de performance mesurés, on retrouve à part importante et égale – pour 60 % des entreprises interrogées :

• les indices de mesure directe de consommation d’énergie : gaz, électricité, hydrocarbures, charbon, et la mesure de la consommation d’eau également ;

• l’indice de mesure globale de l’empreinte carbone, les émissions de CO2 résultant de l’énergie dépensée dans la somme des opérations menées par l’entreprise, que les opérations soient d’ailleurs réalisées en local ou bien à l’étranger ;

• les indicateurs visant à évaluer la gestion des déchets et le recyclage des matériaux sont également cités comme des préoccupations importantes.

Notons par ailleurs que le calcul des émissions de CO2 se complexifie du fait que la compréhension des indicateurs de consommations énergétiques est plutôt hétérogène selon les pays. Une entreprise indienne n’adoptera vraisemblablement pas la même base de calcul pour mesurer le CO2 dégagé par ses activités qu’une entreprise française ou encore américaine. Enfin, l’inclusion dans ce calcul du scope 32 – les émissions indirectes générées par les activités de l’organisation, c’est-à-dire y compris par les fournisseurs et les consommateurs – entraîne également une forte complexité dans le suivi de l’ensemble des indicateurs énergiques tout au long du cycle de vie d’un produit.

Pour finir, il est une troisième famille d’indicateurs que les entreprises ont à cœur de mesurer, c’est celle qui vise à rendre compte du respect par l’organisation des normes éthiques définies par le cadre référentiel global. Au-delà du simple respect des règlements et règlementations en vigueur en fonction du secteur d’activité et

2 Scope 3 : on emploie les mots scope 1, scope 2 ou scope 3 dans le cadre de bilan d’émissions de gaz à effet de serre (GES) d’un produit ou d’une organisation. Le bilan GES sert à déterminer combien de gaz à effet de serre sont émis lors de la fabrication d’un produit, ou au cours des activités d’une organisation sur une période donnée. Dans ce cadre, les scopes désignent le périmètre au sein duquel sont étudiées les émissions de gaz à effet de serre de l’organisation ou du produit en question, le scope 1 étant le périmètre le plus restreint, le scope 3 le plus large.

Notons cependant que 30 % n’intègrent aucun indicateur de ce type dans la mesure de la performance.

FIGURE 15 : LES 3 GRANDES FAMILLES D’INDICATEURS RSE MESURÉS PAR LES ENTREPRISES

SOCIAL ENVIRONNEMENT ETHIQUE

• Pyramide des âges • Parité hommes/femmes, • Diversité sociale et ethnique• Rémunération• Formation et qualification• Maladies, accidents du travail

• Consommation d’énergie (gaz, électricité, hydrocarbures…)

• Consommation d’eau • Emissions de CO2 • Déchets et matériaux

• Règlementation et conformité• Pratiques du travail• Ethique des affaires (lutte contre la fraude et

de la corruption, protection des données et sécurité de l’information, conflits d’intérêts etc.)

Source : Observatoire du Développement International, BearingPoint, 2016

C’est bien entendu le secteur d’activité qui s’exprime lorsque les entreprises font le choix de focaliser leurs efforts sur l’une ou l’autre des familles d’indicateurs. Les entreprises ayant des activités d’extraction ou de transformation de matières premières, ou toute autre activité à dominante industrielle, ou encore les entreprises de transport, feront le choix de mettre en avant des indicateurs d’impact environnemental rendant compte de la propreté de leurs activités.

Parmi les premiers, les indicateurs de type social, le panel met en lumière l’utilisation par les entreprises interrogées de trois types d’indicateurs :

• les premiers visent à garantir le respect par l’entreprise des droits sociaux fondamentaux dans la pratique du travail : l’absence de travail des enfants, mais également les facteurs de diversité, la parité entre hommes et femmes, la durée du travail, etc. ;

• les seconds, rattachés à la politique de gestion des ressources humaines, rendent compte de la volonté des entreprises de garantir un socle minimal de rémunération, formation et qualification des salariés – ressources employées directement ou indirectement ;

• enfin, notre étude révèle que les entreprises interrogées s’intéressent à mesurer des indicateurs relatifs à la santé et la sécurité au travail : pour 65 % d’entre elles, elles suivent par exemple le nombre de jours de maladie, ou encore la fréquence des accidents du travail.

Ce type d’indicateur, en effet, met en perspective la capacité de l’entreprise à générer du bien-être social au travail par l’intégration du cadre référentiel global en matière de gestion des ressources humaines impliquées tout au long de la chaîne de valeur de l’organisation.

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Loin du siège en effet, il est forcément plus difficile de vérifier quotidiennement le respect de l’application par les filiales des standards définis par l’entreprise mère en matière de RSE, mais il l’est d’autant plus lorsque la chaîne de valeur des produits ou services manufacturés par l’organisation implique – en intégralité ou seulement partiellement – le travail de tiers partenaires ou fournisseurs.

Entre un produit manufacturé technologique et les matières premières qui entrent dans sa composition tout au long du processus de fabrication, on passe parfois d’un fournisseur de rang 1 à un rang 30 ! Pour le fabricant, il va donc falloir exercer une vigilance particulière sur les fournisseurs de matières premières, de produits semi-finis et de services entrant dans la chaîne de valeur (comme l’acheminement), qui devront se conformer à des exigences réglementaires très strictes. Il faudra aussi se préparer à gérer les cas de non-conformité potentiellement nombreux.

Car, se compromettre sur l’aspect éthique, s’approvisionner auprès de fournisseurs et sous-traitants peu scrupuleux, c’est en réalité s’exposer à de nombreux risques avérés : atteinte à la réputation, mise en cause par les ONG, campagnes d’opinion, boycott, voire sanctions par rapport au droit international…

En la matière, c’est l’ONG Amnesty International qui nous offre une illustration toute récente des accusations auxquelles s’exposent les fabricants. Lors de l’ouverture du Mondial de l’Automobile à Paris en septembre dernier, où étaient exposés de nombreux modèles de véhicules électriques, des constructeurs européens et chinois ont été sommés de révéler l’origine du cobalt utilisé dans leurs batteries3.

À l’origine de cette interrogation, l’utilisation par l’ONG de documents d’investisseurs qui établissent un lien entre les batteries de certains constructeurs et une entreprise chinoise qui achète le cobalt extrait des mines de la RDC. Cette entreprise le fournit à des fabricants de composants pour batteries en Chine et en Corée du Sud, qui à leur tour commercialisent leurs produits à des fabricants de batteries, parmi lesquels se fournissent de nombreux grands constructeurs mondiaux d’automobiles. Le problème ? Le cobalt en question est extrait des mines par des enfants.

Les constructeurs sont à présent tenus par la communauté internationale d’apporter la preuve du respect des normes internationales en matière d’éthique et du droit du travail dans la chaîne d’approvisionnement en minerais de leurs fournisseurs de batteries. C’est toute la question de la traçabilité qui se pose ici : la chaîne d’approvisionnement représente aujourd’hui un véritable défi pour les entreprises à l’échelle mondiale.

Charte pour des achats responsables et autres mécanismes vertueuxPlusieurs types de dispositifs sont utilisés par les entreprises pour pouvoir affronter de tels défis. Parmi les entreprises de notre panel, l’étude révèle en priorité la mise en avant d’une charte des achats responsables (pour 44 % d’entre elles) partagée avec les fournisseurs, ou encore des clauses spécifiques (pour 22 % d’entre elles) dans lesquelles elles précisent leurs exigences en matière de standards sociaux ou environnementaux. Les audits de fournisseurs ne concernent encore que 11 % des entreprises répondantes. 22 % nous avouent l’absence de dispositif particulier pour accompagner leurs fournisseurs.

3 Source : « Voitures électriques polluées par le travail des enfants ? », RSE et PED (rse-et-ped.info) – Ressources et communauté pour la RSE avec les pays en développement, 30 septembre 2016.

des zones géographiques dans lequel l’entreprise opère, c’est davantage une culture de l’éthique des affaires que l’entreprise va chercher à développer parmi toutes les couches de ses collaborateurs pour les encourager à agir avec intégrité.

Comme pour les deux premières familles d’indicateurs, l’entreprise cherchera à rendre compte dans son reporting du caractère éthique de ses activités, en rapportant des mesures tout au long des activités déployées :

• des cas identifiés de manquements aux règles de conformité et d’éthique dans lesquels les collaborateurs sont directement mis en cause ;

• des cas de manquement à l’éthique dans la pratique du travail : suspicion de travail de mineurs, de travail non rémunéré, etc. ;

• mais également plus largement de la mise en œuvre de programmes de formation et de sensibilisation des collaborateurs à l’éthique des affaires, qui vont recouvrir des thématiques aussi diverses que la prévention et la détection de la fraude, la lutte contre la corruption, la protection des données à caractère personnel, la confidentialité et sécurité de l’information, la gestion des conflits d’intérêts et du lobbying, etc.

La chaîne d’approvisionnement au cœur des enjeux de responsabilité La 3ème grande famille d’indicateurs, celle de l’éthique, vient s’illustrer particulièrement dans cette question complémentaire que nous avons posée aux entreprises : nous leur avons demandé d’identifier là où, dans les investissements qu’elles réalisent à l’International, elles prennent en compte des critères environnementaux, sociaux ou sociétaux pour assurer des investissements socialement responsables.

L’étude a montré que c’est surtout dans l’exercice de sélection des partenaires avec lesquels elles travaillent à l’étranger que les entreprises sont particulièrement précautionneuses et soucieuses du respect d’un contrat social et/ou environnemental. Pour 40 % d’entre elles, c’est dans la sélection de fournisseurs ou autres prestataires locaux. Puis pour 20 % d’entre elles à parts égales, c’est lorsqu’elles s’engagent dans des partenariats (venture) ou qu’elles réalisent des opérations d’investissements dans des entreprises locales.

FIGURE 17 : PRENEZ-VOUS EN COMPTE DES CRITÈRES ENVIRONNEMENTAUX, SOCIAUX OU SOCIÉTAUX POUR ASSURER DES INVESTISSEMENTS SOCIALEMENT RESPONSABLES À L’INTERNATIONAL ?

Source : Observatoire du Développement International, BearingPoint, 2016

Lors d’acquisitions d’entreprises à l’étranger

Lors de partenariats (venture)

Lors d’investissement dans des entreprises locales

Dans la sélection de fournisseurs ou autres prestataires locaux

Non

Oui, dans d’autres cas

12 %

18 %

18 %

41 %

6 %

6 %

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international et de fournir un support dans leur mise en œuvre. Ceux-ci sont invités à prendre toutes les mesures nécessaires pour promouvoir et assurer le respect de ces « guidelines » par leurs employés, fournisseurs et sous-traitants.

Ces principes s’articulent autour de 10 thématiques principales qui constituent aujourd’hui les préoccupations majeures des entreprises qui cherchent à s’approvisionner de manière responsable : le travail des mineurs, le travail forcé, la santé et sécurité au travail, la liberté d’association, la discrimination, les pratiques disciplinaires, le temps de travail, les salaires et avantages, l’environnement et l’éthique des affaires.

Auditer reste vain sans cercle vertueux dédié à l’améliorationSi la réalisation d’audits est nécessaire à la traçabilité, elle n’est pas une condition suffisante pour garantir l’aboutissement de la démarche de transparence et de responsabilité. Si ces audits ne servent qu’à pénaliser les fournisseurs, ceux-ci vivront la relation avec l’entreprise acheteuse comme une contrainte et y mettront rapidement un terme pour se tourner vers d’autres, moins responsables. À la place, un accompagnement plutôt qu’une sanction peut les amener à saisir la démarche d’assainissement de la chaîne d’approvisionnement comme une opportunité de s’améliorer dans la durée.

Les entreprises doivent ainsi accompagner (dans la préparation de l’audit en amont ainsi qu’en aval lorsqu’un cas de non-conformité est détecté) les fournisseurs à se donner les moyens de répondre aux exigences des principes RSE dictés. Une fois leur diagnostic réalisé, les entreprises doivent proposer des mesures correctrices et aider à leur mise en œuvre à l’aide d’un plan d’action dont les avancées seront suivies dans la durée.

C’est bien dans cette démarche que s’inscrit la JAC, et c’est aussi celle que met en œuvre le groupe Sanofi qui fait appel à de nombreux fournisseurs dans le monde pour se procurer les matières premières, biens et services nécessaires à la fabrication de ses produits, au service des patients et à l’approvisionnement de ses installations. Depuis 2007, le groupe respecte lui aussi une démarche d’achat responsable qui lui est propre, dans l’objectif que l’ensemble de ses fournisseurs soit à même de respecter des normes éthiques élevées5.

Lors de l’évaluation annuelle de la performance RSE réalisée par le groupe, celui-ci va identifier chez ses fournisseurs les écarts et les faiblesses dans leurs pratiques RSE, et travailler avec eux pour qu’ils y remédient concrètement et ce, de façon pérenne. La méthode d’évaluation ainsi développée est fondée sur les risques et leur permet de concentrer leurs efforts sur les catégories de fournisseurs jugées les plus à risque au regard de critères RSE clés sélectionnés par le groupe, comme les droits humains, les pratiques du travail, l’impact environnemental, la gouvernance et la lutte contre la corruption.

Enfin, un autre exemple d’initiative forte du groupe dans sa lutte contre les pratiques irresponsables auprès des fournisseurs : l’organisation, localement dans les pays d’Asie où se trouve la majorité des fournisseurs, de Journées des fournisseurs visant à développer des réseaux locaux responsables pour répondre aux objectifs stratégiques et opérationnels de Sanofi tout en veillant au respect des normes éthiques.

5 Source : Sanofi, rapport RSE 2015.

FIGURE 18 : COMMENT ACCOMPAGNEZ-VOUS PRINCIPALEMENT VOS FOURNISSEURS DANS LA DURÉE POUR LES AIDER À AMÉLIORER LEURS PRATIQUES ET LEUR RESPECT DE LA RÉGLEMENTATION ?

Source : Observatoire du Développement International, BearingPoint, 2016

Via une charte d’achats responsables communiquée aux fournisseurs

Via des clauses spécifiques liées aux critères environnementaux et sociaux

Je ne les accompagne pas

Via des audits de fournisseurs

Autre

22 %

11 %

17 %

6 %

44 %

Si le partage d’une charte des achats responsables semble assez répandu, d’autres grandes entreprises ont réfléchi à la mise en œuvre de démarches vertueuses par rapport à leur politique d’approvisionnement, qui, peu à peu, concèdent du terrain à des partenariats gagnant/gagnant.

Pour illustrer ces initiatives, prenons l’exemple d’un groupement d’opérateurs télécoms fondé en 2010 par Orange, Deutsche Telekom et Telecom Italia, avec l’ambition d’inscrire la chaîne d’approvisionnement des grandes entreprises des TIC dans une démarche de totale transparence. La Joint Audit Cooperation (JAC) mène aujourd’hui auprès des fournisseurs et des équipementiers un travail de fond qui s’appuie sur des critères sociaux, environnementaux et éthiques pour établir une méthodologie visant à assurer la responsabilité et à garantir la transparence sur toute la chaîne d’approvisionnement4.

Pour ce faire, le groupement, qui intègre désormais de nombreux opérateurs du secteur des TIC, a développé son activité autour de deux volets :

• une méthodologie commune et cohérente d’audits pour évaluer l’état de conformité des fournisseurs par rapport aux standards et règles en vigueur ;

• une assistance aux entreprises et fournisseurs concernés dans l’établissement de plans d’action correctifs, quand cela s’avère nécessaire.

Au-delà de la méthodologie d’audit, la principale mission dont s’est chargé le groupement est de promouvoir et de développer une vraie politique RSE s’appuyant sur les normes et principes européens chez les grands fournisseurs du marché mondial des TIC.

Pour préparer les fournisseurs à l’évaluation et faciliter la conduite des audits, les membres du groupement ont élaboré des « principes directeurs » afin de porter à la connaissance des fournisseurs les principales attentes RSE du cadre référent

4 Source : « Achats Responsables, les opérateurs Télécoms agissent, pour plus de transparence dans l’usine du monde », e-RSE (e-rse.net) – la plateforme de l’engagement RSE et du développement durable.

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Source : AFD, 2015, parue dans « Secteur Privé & Développement », la revue de Proparco, février 2016

FIGURE 19 : MATRICE SOCIAL BUSINESS

SOCIAL BUSINESS

OBJECTIFSCritères principaux

Critères secondaires variables

Objectif social et/ouenvironnemental prioritaireRecherche de l’autonomie/

viabilité financière

Gouvernance plus ou moinsouverte aux parties prenantes

Caractère innovantplus ou moins important

Bénéfices et dividendesplus ou moins encadrés

Statut juridiqueplus ou moins formalisé

LOGI

QUE D

U MAR

CHE

Entre

prise

s priv

ées c

lass

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Stra

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tom

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spon

sabi

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s

LOGIQUE DU MARCHE

Philanthropie

classique

Capital-risque

philanthropique

Services

publics

ONG

BÉNÉFICIAIRES POSSIBLES DE LA MISSION SOCIALE

Salariés Fournisseurs

Extérieurs au fonctionnement de l’entreprise

Environnement

Clients

Les 2 critères principaux, à savoir l’objectif social et la viabilité financière, constituent des leviers opportuns pour le développement international des entreprises. Pour se développer à l’International, les entreprises cherchent à adresser les besoins du marché local en se différenciant de la concurrence ; cela constitue le fil rouge de leur Business Case à l’International. Mais le Social Business n’est-il pas un moyen de pénétrer des marchés étrangers et d’amorcer les premiers pas de l’adressage des besoins locaux ? Dans ce sens, l’ODI 2016 a cherché à explorer la pertinence.

Le premier résultat intéressant constaté montre que près de 60 % des entreprises de l’échantillon mettent en œuvre des activités de type « Social Business » dans le cadre de leurs activités à l’International. Cela montre la force du modèle, et à quel point il constitue un levier permettant aux entreprises d’explorer de nouveaux territoires.

Les résultats de l’ODI affichés dans la figure 20 mettent en avant les différents moyens de mise en place du Social Business à l’International.

Financement ou participation financière à des projets de social business

Partenariat avec des entreprises, associations ou autres organisations locales du social business

Encouragement de la recherche sur le thème du social business

80 %

60 %

40 %

FIGURE 20 : MOYENS DE MISE EN ŒUVRE DU SOCIAL BUSINESS À L’INTERNATIONAL

Source : Observatoire du Développement International, BearingPoint, 2016

Le Social Business : une opportunité pour le développement internationalDans l’engouement des initiatives RSE, la notion de Social Business émerge. « Social Business », « économie sociale et solidaire », « entrepreneuriat social » et autres « inclusive business », beaucoup de notions qui peuvent se superposer et pour lesquelles il existe autant de définitions que d’acteurs.

Mais, in fine, qu’est-ce qu’un « Social Business » ? Le Social Business est une entreprise avec de caractéristiques similaires à une entreprise classique, mais qui s’en distingue par ses objectifs : « un Social Business est une entreprise orientée vers une cause davantage que vers le profit ; elle a de la sorte la possibilité d’agir comme un vecteur de changement »6. Cette définition est donnée par Mummad Yunus, guru de l’économie sociale, puisque c’est à travers les expériences du Grameen Group qu’a émergé le concept, encore en construction, du Social Business.

Ainsi, le Social Business s’insère dans le concept plus global d’entreprenariat social, qui englobe toute initiative qui tente de concilier la logique économique avec la logique sociale. Mais l’entreprenariat social englobe plusieurs types d’initiatives, et le Social Business s’illustre comme étant celui qui garde une composante de génération de profit dans une logique de développement continu de l’entreprise pour ses objectifs sociaux. D’autres modèles, comme le « Leveraged Non Profit », qui délivrent des produits ou des services aux populations les plus démunies, qui, sinon, n’y auraient pas accès, sont plus modérés en termes d’objectifs économiques, et gardent le cap du « point mort » pour faire vivre les objectifs sociaux.

L’idée du Social Business repose sur un double constat. D’une part, les pouvoirs publics et la société civile ont pour défi d’adresser certaines problématiques telles que l’insécurité alimentaire, le manque d’accès à la santé, à l’eau, etc. De l’autre, la logique de maximisation du profit peut faire apparaître des contraintes, voire des menaces en accentuant notamment la pression sur les ressources ou en contribuant au réchauffement climatique.

Fonctionnant avec les modalités de gestion d’une entreprise traditionnelle, un Social Business doit rester rentable, ou encore dégager des bénéfices dans l’objectif d’étendre son activité de manière continue : il est tourné vers la création de bénéfices sociaux et non pas vers la maximisation du profit. Une telle initiative rembourse les actionnaires du montant de leur investissement au bout d’un certain laps de temps, sans donc les rémunérer. Ainsi, le Social Business, en générant des revenus nécessaires à sa stabilité, voire à son développement, a pour objectif d’être une organisation pérenne et indépendante financièrement7.

On retrouve donc le Social Business à l’intersection des logiques de l’entreprise, du marché, du social, du service public, et peut s’appliquer dans presque tous les secteurs (nutrition et sécurité alimentaire, santé, éducation, logement, eau assainissement, énergie, etc.).

La figure 19 montre que le Social Business se situe à l’intersection de la logique du marché, purement génératrice de revenus, et de la logique sociale. Il est à noter que la stratégie Bottom of the Pyramid, qui consiste à adresser une cible de la population à revenus faibles, est intégralement insérée dans la logique de marché. En tant que telle, cette stratégie représente un ciblage marketing vers un segment de marché. On constate également sur la figure 19 les critères, principaux ou secondaires, constitutifs d’un Social Business.

6 Source : M. YUNUS, Vers un nouveau capitalisme, Le Livre de Poche, 2009. 7 Source : J. BROASSARD, Business Model et Entrepreneuriat social, Rita Klapper, 2010.

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environnemental, d’après la définition du Mouvement des entrepreneurs sociaux (Mouves). Les résultats de l’ODI confirment l’intérêt des entreprises pour l’intraprenariat, puisque 50 % d’entre elles ont favorisé une dynamique entrepreneuriale, y compris au sein même de l’entreprise. Mais la tâche des intrapreneurs n’est pas simple : ils doivent inventer des activités en lien avec le cœur de métier de leur entreprise, avec un modèle économique sans perte, dans le but de faire bouger les lignes au sein de grandes structures souvent difficiles à faire changer.

Les Success Stories du Social BusinessPour appuyer l’intérêt que les entreprises ont pour le concept de Social Business et notamment via l’intraprenariat, nous avons souhaité mettre en lumière 3 Use Case intéressants sur le sujet.

FIGURE 22 : EXEMPLES DE CAS D’USAGE DE SOCIAL BUSINESS DONT 2 DANS DES PAYS ÉMERGENTS

PROJET PARTIES PRENANTES PAYS DESCRIPTION DU CAS LES POINTS FORTS DU PROJET

Grameen Danone Foods

Bangladesh • Modèle : - Joint-venture en social business Grameen-Danone Foods

Ltd- Projet mené par les équipes internes de Danone• Ambition : fournir des produits laitiers de première

nécessité à des prix accessibles (0,10€) pour la population locale du Bangladesh

• Stratégie d’implémentation : constructions et achats d’usine

• Intrapreneuriat social• Notoriété de l’entreprise

Danone au Banglades• Adressage d’un besoin local

Share Solidarity Water

Equipe projet + partenaires,

dont

Belgique • Modèle : - Projet lancé par deux étudiants en école de commerce en

Belgique- Vente d’une « eau solidaire »- Capacité de payer des employés grâce à ses recettes et

non en comptant sur des dons éventuels• Ambition : assurer une vente avec la moitié des bénéfices

est reversée à des projets sociaux• Stratégie d’implémentation : - Phase amont sur le design du produit et recherches- Partenariat avec des associations

• Produit solidaire avec un design spécifique

• Réseau d’ambassadeurs• Réseau d’experts dans les

domaines requis (régulation du marché, recherche, designers,…)

• Partenariat avec les associations et entreprises

Nutri’zaza Madagascar • Modèle : - Entreprise sociale malgache (au statut de SA), dont la

mission sociale est de lutter contre la malnutrition chronique qui touche près d’un enfant sur deux

- Création locale, basée sur la structure et l’expérience d’une ONG française avec l’aide d’autres actionnaires

- Financement : subvention de l’AFD• Ambition : mise au point et distribution d’un complément

alimentaire• Stratégie d’implémentation : réseau de 39 restaurants

pour bébés, dans sept villes de Madagascar, et 64 animatrices effectuent quotidiennement des ventes à domicile

• Capitalisation sur une expérience déjà mise en place en France

Source : Question de Développement #22, AFD, 2015 ; site institutionnel Danone, site institutionnel « Share Solidarity Water ».

La figure ci-dessus met en avant la diversification des origines des projets de Social Business. Elles peuvent provenir d’opérationnels de grandes entreprises comment le cas de Danone avec Grameen Danone Foods au Bangladesh, ou encore d’étudiants qui lancent un projet avec des partenaires privés et publics.

La clé d’entrée financière est le moyen le plus sollicité pour faire du Social Business à l’étranger. En effet, 80 % des entreprises pratiquant le Social Business indiquent en faire notamment via le financement de (ou la participation financière dans les) projets de Social Business. Cela montre que dans une première étape, et avant de prendre des risques en déployant des projets 100 % sponsorisés par l’entreprise et de bout en bout, les sociétés souhaitent appuyer des projets locaux. Ensuite, 60 % des entreprises faisant du Social Business indiquent en faire via des partenariats avec des entreprises, des associations ou organisations locales impliquées dans la même démarche. Enfin 40 % de ces entreprises encouragent la recherche à l’étranger sur le thème du Social Business. Les 3 moyens de mise en place mis en avant dans l’étude montrent que le développement du Social Business à l’International par les entreprises européennes n’en est qu’à un stade initial, mais s’avère prometteur. D’autres motifs proposés dans l’étude, comme des activités à part entière entreprises par les sociétés ou l’établissement d’une norme sur le Social Business, n’ont pas été évoqués par les répondants.

Pour appréhender les logiques de partenariats mis en place, l’ODI a souhaité explorer les types d’écosystèmes locaux sollicités par les entreprises (figure 3).

FIGURE 21 : ECOSYSTÈMES LOCAUX SOLLICITÉS PAR LES SOCIÉTÉS DANS LES PROJETS DE SOCIAL BUSINESS À L’ÉTRANGER

Source : Observatoire du Développement International, BearingPoint, 2016

Des associations locales

Des entrepreneurs locaux (ou des petites entreprises locales)

Des structures administratives locales

Autre

Des consommateurs

83 %

50 %

33 %

17 %

0 %

L’étude démontre que 83 % des entreprises impliquées dans le Social Business s’appuient sur les associations locales, comme principal moteur de l’écosystème local. 50 % des entreprises s’appuient sur des entrepreneurs locaux, ce qui souligne que l’aspect « business » des projets doit étroitement s’accommoder avec la composante sociale.

Concernant l’entreprenariat, nous avons souhaité savoir si au-delà des entrepreneurs locaux, les sociétés encouragent l’intraprenariat, à savoir l’opportunité donnée aux salariés d’une entreprise de mener un projet innovant de bout en bout en interne tout en conservant leur statut. Le projet pourra s’appuyer notamment sur l’écosystème local, et même consister à financer des projets locaux. Le concept puise sa force dans le fait que l’idée de départ émane des salariés dans l’entreprise. Dans une logique Bottom Up, avec l’intraprenariat, les sociétés s’appuient sur leurs forces humaines pour contribuer à des projets sociaux dans le cadre de leur développement à l’International. On parle d’intrapreneurs sociaux. Ces individus évoluent dans une grande organisation qui souhaite, par la mise en œuvre d’un projet spécifique, transformer « de l’intérieur » les comportements et les métiers de l’entreprise pour une meilleure prise en compte de son impact social ou

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Nous pouvons même aller jusqu’à dire que le Social Business a non seulement permis de répondre aux objectifs RSE des entreprises, mais il peut également représenter une première étape pour pérenniser la présence dans un nouveau marché, et ce, dans une étape ultérieure.

Mais une nouvelle opportunité ne va pas sans difficulté : nombreux sont les challenges à relever pour les projets de Social Business. Les principaux sont les suivants8 :

• la tension entre l’objectif social et l’impératif d’équilibre financier. Le Social Business arrive souvent avec l’enjeu de « créer » un marché qui n’existait pas, avec à son origine la nécessité d’apporter une réponse à un problème social en créant de la valeur marchande pour assurer la pérennité. Viabiliser financièrement la résolution d’un problème social implique donc très souvent une idée originale, un processus innovant et un apprentissage souvent assez long ;

• la tentation naturelle d’assigner plusieurs objectifs sociaux ;

• la difficulté d’attirer les financements avec une question fondamentale : comment attirer les financements quand on est risqué et peu rentable par nature ?

• le mariage de l’objectif social aux réalités opérationnelles de l’entreprise : comment traduire l’objectif social et les principes de gouvernance dans l’organisation et le fonctionnement quotidien de l’entreprise ?

Ces challenges sont à atténuer, puisque les entreprises, au vu de leurs objectifs opérationnels de maximisation de gains et de leurs problématiques de gestion opérationnelle pourront les relever en capitalisant sur leurs ressources humaines. Par ailleurs, les cadres réglementaires et politiques locaux ou internationaux favorisent de plus en plus ce type d’initiatives pour soulager les actions publiques. Notamment, la Commission européenne propose depuis plusieurs années des programmes et des dispositifs encourageant le Social Business en permettant l’accès à des sources de financement ou en travaillant sur l’amélioration du cadre réglementaire.

8 Source : Question de Développement #22, AFD, 2015.

Le Social Business : un projet ambitieux avec des business models et des défis qui lui sont spécifiquesNaturellement, aux deux objectifs, social et business, affichés, une question se pose sur les fondements d’un business model d’un nouveau genre :

• l’entreprise sociale cherche à créer de la valeur sociale en priorité ;

• tous les bénéfices sont réinvestis dans l’entreprise (il n’y a pas de distribution de dividendes au profit des actionnaires).

RésultatProduits financiers

Source : J. BROASSARD, Business Model et Entrepreneuriat social, Rita Klapper, 2010.

BUSINESS MODEL SIMPLIFIÉ DE L’ENTREPRISE CLASSIQUE

Création de valeur Economique

InvestisseursCapital

InvestisseursCapital

Social Business Entreprise

RésultatProduits financiers

Création de valeur Sociale et Economique

BUSINESS MODEL SIMPLIFIÉ – SOCIAL BUSINESS

Même si la génération des revenus et la maximation des profits paraissent limitées, la nature du Business Model en lui-même est fiable pour permettre aux entreprises de se développer à l’étranger. En effet la mise en place d’un Social Business présente un double avantage :

• la mise en place d’initiatives socialement responsables constamment en demande par les marchés et par les consommateurs, et en conséquence un renforcement de l’image de marque et de la notoriété, que ce soit sur place ou dans le pays d’origine de l’entreprise ;

• la présence dans un nouveau territoire avec l’adressage de nouvelles cibles et l’accès à un écosystème local de partenaires.

FIGURE 23 : COMPARAISON « BUSINESS MODEL TRADITIONNEL » VS « BUSINESS MODEL DU SOCIAL BUSINESS »

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Remerciements

Directeur de Publication : Jean-Michel Huet

Comité Editorial : Ludovic Morinière, Youssef El Shaarany, Anne-Sophie Oster, Lea Huber, Agathe Roger, Élise Viné et Marie Macé

Marketing et communication : Stéphanie Andrieu, Emma Dubois et Angélique Tourneux

Remerciements : Inge Kerkloh-Devif, Executive Director, Global Business Development, HEC Paris Executive Education

Note méthodologique

Le 7ème Observatoire du Développement International s’est déroulé entre avril et novembre 2016 sous la forme d’une étude quantitative et d’entretiens qualitatifs.

Le questionnaire a été établi par une équipe composée de consultants experts en gestion internationale des grands groupes français présents à l’International et qui organise cet observatoire depuis 2010 avec 7 éditions en France et 3 au Maroc.

En parallèle, un panel de responsables au sein des principales entreprises françaises a été complété pour composer l’ensemble des personnes interrogées, sur la base de celui de 2015 pour la sixième édition de l’Observatoire. Fin juin 2016, ce panel comportait près de 6 000 noms de responsables/dirigeants de 1000 entreprises.

Les responsables interrogés occupaient les fonctions suivantes :

• Fonctions « directions internationales » : présidence d’une zone géographique internationale, direction générale en charge d’un pays ou d’une zone géographique, direction générale des affaires internationales, direction générale des filiales internationales, direction internationale, direction internationalisation, direction Emerging Markets, directions fonctionnelles (marketing, finance, RH, logistique, achat) des activités internationales, direction du développement par zone géographique, direction du développement international, direction générale par pays ou zone internationale, direction de la coopération internationale, direction commerciale export, direction des affaires internationales, direction des investissements par zone géographique, direction exportation et secrétariat général de la zone internationale.

• Fonctions transverses : direction générale, direction stratégie et développement des groupes.

• Fonction RSE : une recherche additionnelle a été réalisée via NominatioN pour cibler spécifiquement des responsables ayant la fonction de responsables RSE dans leur titre.

Les questionnaires ont été soumis de 2 façons :

• internet : deux campagnes d’emails ont été envoyées en août et septembre auprès de l’ensemble des interlocuteurs identifiés ;

• entretiens face-à-face : en septembre/octobre, une dizaine d’entretiens ont été menés auprès de responsables afin de mettre en lumière certaines spécificités organisationnelles, sectorielles et conjoncturelles.

Les données ont été recueillies via un outil informatique (e-survey) permettant un traitement « anonymisé » des données puis retraitées par l’équipe des consultants experts.

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