république démocratique du congo : il est temps que justice soit rendue

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IL EST TEMPS QUE JUSTICE SOIT RENDUE LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO A BESOIN D'UNE NOUVELLE STRATÉGIE EN MATIÈRE DE JUSTICE : RÉSUMÉ CAMPAGNE EN FAVEUR DE LA JUSTICE INTERNATIONALE

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La république démocratique du Congo a besoin d'une nouvelle stratégie En matière de justice : résumé. La population de la République démocratique du Congo (RDC) est confrontée à la violence et aux atteintes aux droits humains depuis une vingtaine d’années. Des crimes de droit international – tels que des viols de masse et des meurtres – ont été commis dans presque tout le pays et continuent d’être perpétrés à une fréquence extrêmement préoccupante.

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IL EST TEMPS QUEJUSTICE SOIT RENDUELA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGOA BESOIN D'UNE NOUVELLE STRATÉGIEEN MATIÈRE DE JUSTICE : RÉSUMÉ

CAMPAGNE EN FAVEUR DE LAJUSTICE INTERNATIONALE

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Malgré quelques tentatives de réforme, lesautorités de la RDC n’ont pas fait en sorted’apporter justice, vérité et réparation auxvictimes de ces crimes.

L’impunité reste généralisée : des millionsd’hommes, de femmes et d’enfants souffrentdes séquelles des violences qui leur ont étéinfligées, tandis que les coupables sont trèsrarement déférés à la justice.

Le fait que les auteurs de ces gravesatteintes aux droits humains n’aient pas euà répondre de leurs actes a desconséquences pernicieuses : la culture del’impunité s’installe encore un peu plus etle cycle des violences et des violations sepoursuit. De plus, les efforts visant àencourager le respect de l’état de droit sontcompromis et, aux yeux de la populationcongolaise, la crédibilité de l’appareiljudiciaire est atteinte.

À l’approche des élections présidentielles etlégislatives de novembre 2011, la justice etla lutte contre l’impunité doivent êtreconsidérées comme des priorités.

Négligé, mal géré et mal administré depuisplusieurs décennies, le système judiciairecongolais n’a pas la capacité de mettre enœuvre l’obligation de rendre des comptes,de combattre l’impunité ni de garantirréparation aux victimes. Sa crédibilité est auplus bas en raison des ingérences politiqueset militaires, de la corruption endémique, dumanque de personnel, de formation et demoyens, ainsi que de l’incapacité del’appareil judiciaire à protéger les victimes etles témoins, à offrir une aide judiciaire, àfaire appliquer ses propres décisions oumême à maintenir les condamnés derrièreles barreaux.

Amnesty International a identifié desdysfonctionnements importants du systèmejudiciaire qui sont souvent oubliés dans lespolitiques et les programmes actuels. Elles’est penchée sur le rôle que pourrait jouerla cour spécialisée qu’il est proposé de créer.Celle-ci serait chargée d’enquêter etd’engager des poursuites sur les crimes dedroit international, en complément destribunaux congolais et de la Cour pénaleinternationale.

Les recherches d’Amnesty Internationalportent principalement sur les enquêtes etles poursuites concernant les crimes de droitinternational. Actuellement, les tribunauxmilitaires sont les seules juridictionscompétentes pour les crimes de génocide,les crimes contre l’humanité et les crimes deguerre. Amnesty International estime que lescrimes de droit international devraient àterme relever de l’unique compétence destribunaux civils.

L’ampleur et la nature des violationscommises en RDC et l’impunité généraliséequi prévaut dans le pays mettent enévidence la nécessité d’élaborer de touteurgence une approche globale pour traduireles responsables en justice. AmnestyInternational exhorte le gouvernement de laRDC à élaborer, avec l’aide de lacommunauté internationale, une stratégieexhaustive et à long terme pour la justice,afin de réformer durablement le systèmejudiciaire congolais et de vaincre l’impunité.

Amnesty International Août 2011 Index : AFR 62/007/2011

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La population de la République démocratique duCongo (RDC) est confrontée à la violence et auxatteintes aux droits humains depuis une vingtained’années. Des crimes de droit international – tels quedes viols de masse et des meurtres – ont été commisdans presque tout le pays et continuent d’êtreperpétrés à une fréquence extrêmementpréoccupante.

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Index : AFR 62/007/2011 Amnesty International Août 2011

IL EST TEMPS QUE JUSTICE SOIT RENDUELA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO A BESOIN D'UNE NOUVELLE STRATÉGIE EN MATIÈRE DE JUSTICE : RÉSUMÉ

3©Amnesty

International

LA COUR PÉNALEINTERNATIONALE

La Cour pénale internationale (CPI) a décernédes mandats d’arrêt contre cinq personnessoupçonnées de crimes de guerre et decrimes contre l’humanité commis depuis2004. Trois de ces suspects sont en traind’être jugés, un autre est en détentionprovisoire et le cinquième – Bosco Ntaganda– est toujours en liberté. Les autorités de laRDC continuent de refuser d’arrêter cethomme, qui est accusé d’avoir recruté desenfants de moins de 15 ans et de les avoirfait participer activement aux hostilités entre2002 et 2003 en Ituri. Cet ancien dirigeant degroupe armé est actuellement général dansl’armée congolaise.

Ci-dessus : Ancien enfant soldat au Kivu(est de la RDC), mars 2011.Photo de couverture : Une jeune fille de15 ans victime de viol. Elle est l'une desinnombrables victimes de crimes de droitinternational perpétrés en Républiquedémocratique du Congo. Rares sont les auteursde ces crimes qui ont été traduits en justice.© Amnesty International

Paul, 30 ans, originaire du territoire de Masisi, araconté son histoire à Amnesty International :

« Les FARDC [l’armée congolaise] pillent nosvillages systématiquement, exécutent les gens,et violent de manière sporadique maisrécurrente. Quand il n’y a rien de valeur dansnos maisons, ils prennent les femmes. Enseptembre 2010, ma maison a été brûlée. Vers22 heures, plusieurs soldats sont venus chezmoi et ils ont défoncé la porte. Ils m’ont vu etm’ont frappé, ils m’ont cassé une côte. Puis ilsont frappé ma femme et mes enfants. Pour lesarrêter, je suis sorti pour leur donner mes neufchèvres et je les ai suppliés de laisser mafamille tranquille. Quand les militaires sont

partis, je me suis enfui dans la forêt avec mafemme et mes enfants. Quand nous sommesrevenus, notre maison avait été brûlée.

« Ce que je viens de vous raconter est arrivé àpresque tout le monde dans mon village […] Jesuis à présent à Goma pour essayer d’attirerl’attention des gens pour qu’on nous aide. Je nesuis pas sûr qu’utiliser les tribunaux nousaidera beaucoup. Chaque litige juridique dansmon village est monopolisé par ces mêmesmilitaires. Si je porte plainte à Goma, j’ai peurque notre communauté ait à faire face à desreprésailles car les mêmes soldats sont toujourslà-bas. »

PAUL

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UN SYSTÈME DÉLABRÉ

Des millions d’hommes, de femmes etd’enfants congolais sont morts directement àcause du conflit ou pour des raisonsconnexes comme l’insécurité, lesdéplacements de population, la famine et lesmaladies. Les services de santé, d’éducationet de justice sont dans un état dedélabrement total.

La fragilité du système pénal congolais etl’absence de stratégie globale visant à lereconstruire et à le réformer constituent lesprincipaux obstacles à l’obligation de rendredes comptes et à l’octroi de réparations pourles violations commises par le passé etrécemment. Le Rapport Mapping desNations unies publié en 2010 a conclu quele système judiciaire congolais n’était pas enmesure de s’occuper des graves violationsdes droits humains et du droit internationalhumanitaire commises entre 1993 et 2003.

Très peu de personnes ont accès auxmécanismes judiciaires existants et le degréde confiance dans l’appareil judiciaire estfaible. Les victimes et les témoins hésitent àse présenter puisqu’il n’existe aucunprogramme national pour assurer leurprotection. Le personnel judiciaire – ycompris les juges et les magistrats duparquet – fait aussi l’objet de menaces etd’intimidations. Les services d’aide judiciaire,pourtant garantis par la loi, sont rares, ce quiempêche de nombreuses victimes et leursfamilles de demander justice et limite lespossibilités pour les accusés de bénéficierdes services d’un avocat. En outre, la plupartdes Congolais connaissent très mal lesystème judiciaire et la protection juridique àlaquelle ils ont droit, et les efforts desensibilisation pour remédier à cetteméconnaissance sont insuffisants.

Le pouvoir judiciaire est loin d’êtreindépendant et les ingérences sontfréquentes tant au sein des tribunauxmilitaires que des tribunaux civils.Concernant le système de justice militaire,les officiers protègent les soldats qui sontsous leur commandement et la hiérarchiepolitique et militaire protège les hautsresponsables de l’armée. Ces ingérencesconstituent une préoccupation majeure dansun pays où l’armée est l’un des principauxresponsables des crimes de droitinternational perpétrés. La corruption estendémique et touche tous les niveaux de la

chaîne judiciaire. Le système judiciaireemploie très peu de femmes.

Les décisions de justice sont rarementexécutées. Amnesty International n’a pas puidentifier une seule affaire où l’État auraitversé, sous la forme d’une indemnisation, lesréparations auxquelles il a été condamnéaprès avoir été déclaré responsable decrimes de droit international.

Les conditions de détention sont trèséprouvantes et une proportion importantedes prisonniers sont détenus sans avoir étéjugés ni même inculpés. Les évasions,notamment celles opérées avec la complicitéde tiers et appelées « extractions », sontfréquentes.

En outre, malgré certaines améliorationsenregistrées depuis l’adoption de la nouvelleConstitution en 2006, le droit congolais n’est

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©The

Mob

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panyLtd

2009

©Amnesty

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Jean-Marie, veuf de 45 ans originaire deKitshanga, vit actuellement à Goma avec sonfils de 12 ans, Frank.

« C’était en octobre 2008, j’étais chez moi avecma famille quand nous avons entendu descoups de feu. Nous sommes sortis en courant dela maison pour essayer de nous enfuir. D’autrespersonnes couraient. J’ai couru dans la forêt. Jene peux pas identifier qui a fait ça car ilsétaient aussi nombreux que des gouttes de pluiemais je pense que c’était le CNDP [Congrèsnational pour la défense du peuple] car il a desbases sur deux collines autour de Kitshanga. Cen’était pas la première fois qu’ils descendaientdans notre village. Après que les hommes arméssont retournés sur les collines, environ un jouraprès, je suis retourné au village et j’ai trouvé

ma femme et trois de mes enfants qui avaientété abattus. Frank était étendu sur le sol,gravement blessé. Je pouvais voir des parties deson cerveau. J’ai enterré le reste de ma famille.Puis j’ai emmené Frank dans un dispensaire àune journée de marche du village, car ledispensaire le plus proche avait été vidépendant l’attaque. Après deux mois passés audispensaire, nous sommes allés à Goma pournotre sécurité car d’autres attaques ont eu lieudans les environs autour du dispensaire. »

L’ONG basée à Goma qui s’est occupée de Jean-Marie a expliqué à Amnesty International qu’elleavait décidé de ne pas aller en justice danscette affaire car la région est toujours sous lecontrôle du CNDP et sa sécurité aurait étémenacée si elle l’avait fait.

JEAN-MARIE

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toujours pas conforme aux normesinternationales et comporte de nombreusesincohérences ou zones floues.

Les autorités de la RDC ont pris quelquesmesures sur le plan politique. Elles ontadopté un plan d’action pour la réforme dela justice en 2007 et une feuille de route surle même sujet en 2009, mais ceux-ci n’ontpas été appliqués. Un projet de loi visant lacréation d’un mécanisme judiciaire spécial(une cour spécialisée) pour les crimes dedroit international a été soumis auParlement. Sur le plan concret, quelquespoursuites ont été engagées, notammentpour des violences sexuelles. Par exemple,dans un récent procès à Fizi-Baraka, septmembres de l’armée congolaise, dont unofficier haut gradé, ont été reconnuscoupables de crimes contre l’humanité.Cependant, la lutte contre l’impunité pour lescrimes de droit international progresseglobalement très peu.

LE SYSTÈME JUDICIAIRE

Le système judiciaire de la RDC se divise endeux branches : la justice civile, quis’applique aux questions civiles et pénales, etla justice militaire.

Les tribunaux militaires ont une compétence trèslarge, qui s’étend notamment aux civils accusésd’infractions commises avec des « armes deguerre ». Ils sont les seuls compétents pour lescrimes de génocide, les crimes contrel’humanité et les crimes de guerre.

Le système judiciaire civil comporte quatreniveaux : la Cour suprême ; les cours d’appel ;les tribunaux de grande instance ; et lestribunaux de paix, qui jugent les infractionspassibles de moins de cinq ansd’emprisonnement.

Le système judiciaire militaire compte aussiquatre niveaux : la Haute Cour militaire ; lescours militaires ; les tribunaux militaires degarnison (qui sont les tribunaux de premièreinstance de la justice militaire) ; et lestribunaux militaires de police.

Outre les juridictions ci-dessus, des coursmilitaires opérationnelles, ayant le mêmestatut que les cours militaires, peuvent êtreétablies dans les zones de guerre. Il s’agit dejuridictions temporaires qui n’offrent pas depossibilité de recours. Une cour militaireopérationnelle, instaurée en 2008, fonctionneactuellement dans la province du Nord-Kivu.

Les appareils judiciaires civil et militairecomptent tous deux des procureurs (civils etmilitaires) et des juges. Les procureursmilitaires sont appelés auditeurs et leurshomologues civils procureurs.

Par ailleurs, des tribunaux, civils et militaires,siégeant en audience foraine ont étéorganisées pour mener des procès dans deszones reculées. Il s’agit de tribunauxpermanents qui s’installent temporairementdans ces zones. La plupart des procès pourcrimes de droit international perpétrés en RDCont été engagés devant des tribunauxmilitaires siégeant en audience foraine.

À gauche : Archives du tribunal de Bukavu (estde la RDC), mars 2011. Négligé pendant desannées, le système judiciaire manquecruellement de moyens.Ci-dessus : La cour militaire de Goma (Nord-Kivu, mars 2011) tenait ses audiences dans cebâtiment jusqu’en juin 2011.

©Amnesty

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UN SYSTÈME À RÉFORMER

Les mesures destinées à réformer le systèmejudiciaire national ne pourront aboutir que sielles s’inscrivent dans le cadre d’unestratégie globale à long terme, qui doit êtreélaborée par le gouvernement encollaboration avec la société civile, lesvictimes et d’autres acteurs clés.

Cette stratégie doit s’attaquer en priorité auxdéfaillances du système actuel qui ont étégrandement négligées à ce jour et quinuisent à la capacité du système à s’occuperdes crimes de droit international. Elle doitaussi supprimer les obstacles à la justice et àl’égalité devant la loi, tels que ladiscrimination liée au genre. Sinon,l’impunité persistera.

Plusieurs projets de réforme de la justicesont en cours en RDC. Certains sont menéspar les Nations unies, d’autres par desdonateurs comme l’Union européenne oudes gouvernements individuels, et d’autresencore par des ONG, internationales etcongolaises. Malgré l’intérêt qu’ilsprésentent, ces projets n’offrent pas,considérés dans leur ensemble, l’approcheexhaustive et sur le long terme qui estnécessaire pour garantir le respect de

l’obligation de rendre des comptes et l’octroide réparations pour les violations commisesrécemment et par le passé.

LA RÉFORME DU DROIT PÉNAL

Le droit pénal congolais doit être réformépour être mis en conformité avec laConstitution de 2006 et avec les normesinternationales. Les autorités doiventharmoniser les lois et règlements existants.La peine de mort doit être abolie pour tousles crimes, sans aucune exception, et lescondamnations à mort doivent toutes êtrecommuées. Le droit congolais doit accorderaux tribunaux civils la compétence exclusivesur tous les crimes de droit international,qu’ils aient été commis par des militaires oupar des civils. Les tribunaux militaires nedoivent en aucune circonstance êtrecompétents pour juger des civils.

L’ACCÈS À LA JUSTICELa peur des représailles dissuade lesvictimes de demander justice et les témoinsde témoigner. Les menaces et lesreprésailles sont fréquentes – avant le dépôtde plainte, au moment de la déposition de lavictime ou après la condamnation ou uneévasion de prison. Il n’existe quasimentaucun dispositif de protection des victimes etdes témoins en RDC.

À gauche : Salle d’audience à Bukavu(est de la RDC), mars 2011.À droite : L'auditorat de Goma (Nord-Kivu)avant qu’il ne soit réinstallé dans de nouveauxbâtiments en Juin 2011.

©Amnesty

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Marie, 37 ans, mère de huit enfants, vit dans leterritoire de Masisi.

« Un matin en septembre 2010 j’ai quitté mamaison pour aller couper des bananes. Deuxsoldats sont arrivés dans la bananeraie. Lessoldats m’ont arrêtée et m’ont dit que si jeparlais ils me tueraient. Je pouvais entendre destirs au loin et j’ai pensé que mon village était entrain d’être attaqué. J’ai été violée six fois parun des soldats. Il a insisté pour que je l’emmènechez moi. Quand je suis rentrée au village j’ai vudes soldats en train de piller les maisons. Lesoldat a pris un matelas, quatre chèvres etquatre poulets dans ma maison. Puis il estparti. Tout le village a été pillé […]

Obtenir justice n’est pas ma priorité. Monpremier souci est de survivre et de trouver uneassistance médicale ; mes enfants ne peuventpas aller à l’école car j’ai tout perdu. »

MARIE

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Il faut mettre en place sans délai unprogramme national de protection desvictimes et des témoins qui ait la capacité deprotéger et de soutenir les victimes danstoute la RDC. L’obligation des tribunauxd’assurer la sécurité, le bien-être et lerespect de la vie privée des victimes et destémoins sans aucune discrimination doit êtreinscrite dans la loi et appliquée sur le terrain.

Des stratégies de soutien personnaliséesdoivent être mises en place pour aider ceuxqui ont besoin d’une protection spécifique :

les défenseurs des droits humains, lesfemmes et les enfants doivent être consultéssur la meilleure façon d’assurer leursécurité, afin qu’ils puissent demanderjustice et participer à la procédure judiciaire.Il faut aider les victimes à se regrouper pourexiger réparation et faire appliquerl’obligation de rendre des comptes.

Ce programme de protection des victimes etdes témoins doit recevoir le soutientechnique et financier nécessaire à son bonfonctionnement. Des équipes d’hommes et

de femmes correctement formés et desmoyens suffisants doivent être affectés àtous les tribunaux pour garantir uneprotection et un soutien efficaces,notamment un soutien psychologique. Uneformation sur la façon de traiter et deprotéger les victimes et les témoins doit êtreobligatoirement dispensée à tous lesmagistrats et personnels judiciaires.

Outre la crainte des représailles, les victimessont aussi découragées par le coût desdémarches judiciaires et les difficultésd’accès aux tribunaux, en particulier endehors des grands centres urbains. Unsystème d’aide judiciaire efficace etcorrectement financé doit être établi pourpermettre aux victimes sans ressources dedemander justice devant les tribunauxgratuitement et en bénéficiant d’unereprésentation juridique gratuite. Lapopulation doit être largement informée del’existence et des modalités de ce système.

En juillet et en août 2010, pendant quatrejours, des hommes armés ont violé de manièresystématique plus de 300 personnes –femmes, fillettes, hommes et jeunes garçons– dans le territoire de Walikale (Nord-Kivu).Des enquêtes ont été menées par la MONUSCO(Mission de l’ONU pour la stabilisation enRDC) et par un auditeur. Cependant, alors queles auteurs des viols, notamment descombattants maï maï et des membres desForces démocratiques de libération duRwanda (FDLR), se trouvaient encore dans larégion, aucune mesure n’a été prise dans lecadre de ces enquêtes pour protéger lesvictimes et les témoins. Plus de 150 victimes

ont été interrogées par l’auditeur,principalement dans la zone de Masisicentral. Des voitures sont venues les chercherdans leurs villages, au vu et au su de tous,pour qu’elles aillent rencontrer l’équipechargée de l’enquête. Beaucoup ont reçu desmenaces, écrites et orales, à la suite de quoil’enquête a piétiné. En mars 2011, 90 agentsde la Police nationale ont été déployés dans larégion pour protéger la population, maisseulement pour trois mois et, semble-t-il,sans formation appropriée. Les Nations uniesont aussi apporté une protection et de l’aideaux victimes.

©Amnesty

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LA CONNAISSANCEDES DROITS

En raison de la faiblesse de longue date dusystème judiciaire congolais, la plupart desvictimes et des citoyens ordinaires, enparticulier dans les régions plus reculées del’est de la RDC, ont une connaissance trèslimitée de la façon dont ils peuventdemander justice et réparation. Lapopulation fait peu confiance au systèmejudiciaire, qui jouit d’une mauvaiseréputation.

Le gouvernement doit mettre en place unestratégie nationale de sensibilisation pourinformer les gens de la manière dont ilspeuvent saisir la justice, en veillant toutparticulièrement à ce que les femmes descommunautés concernées en bénéficient.

Chaque tribunal doit disposer d’une équipeadéquate et appliquer des procédures

efficaces pour que les victimes soientinformées de l’état d’avancement de leuraffaire.

DES TRIBUNAUX IMPARTIAUXET COMPÉTENTS

Le manque d’indépendance de la justicecongolaise est l’un des principaux obstaclesà la lutte contre l’impunité pour les auteursde crimes relevant du droit international.

L’indépendance de la justice est mise à malpar les ingérences directes – notamment del’armée et du pouvoir exécutif – dans lesprocédures judiciaires, par les attaquescontre les procédures garantissantl’indépendance, et par la corruption.

Dans l’est du pays, le pouvoir de l’armée estun obstacle majeur à l’efficacité desenquêtes et des poursuites. La situation estrendue encore plus compliquée par lemanque de clarté de la chaîne decommandement, d’anciens membres desmilices aujourd’hui intégrés à l’armée ayantconservé leurs anciennes allégeances.

L’armée nationale congolaise, ou FARDC, aété établie à la suite d’un accord de paixconclu en 2002. Elle rassemble l’anciennearmée nationale et les principaux groupesarmés qui s’étaient affrontés durant laguerre. Depuis mars 2009, le gouvernementde la RDC a intégré aux FARDC descombattants issus de groupes armés locauxde l’est de la RDC, selon un processusd’intégration accélérée. Cela a permis auCNDP, groupe armé créé en 2006 et intégréà l’armée, d’étendre sa présence dans deszones minières stratégiques tout enconservant en grande partie son anciennestructure hiérarchique et ses allégeances.

En outre, les hommes politiques semblentfaire passer « l’intégration et la stabilité »avant la justice. Des commandants hautgradés bénéficient d’une immunité quasitotale et des auteurs connus de crimes dedroit international ont conservé leurs postesde commandement. C’est le cas notammentdu général Bosco Ntaganda, qui est sous lecoup d’un mandat d’arrêt de la CPI pouravoir recruté et utilisé des enfants soldats enIturi.

Le 31 décembre 2010, des soldats desFARDC auraient violé plus de 30 femmes àBushani, dans la province du Nord-Kivu.L’auditeur supérieur de la Cour militaireopérationnelle du Nord-Kivu a ordonné aucommandant de cette zone militaire deremettre à la justice le commandant debrigade et le commandant de bataillon. Enmai 2011, le commandant de zone ne s’étaittoujours pas exécuté.

Le 12 août 2010, plusieurs dizaines desoldats des Forces armées de la Républiquedémocratique du Congo (FARDC), anciensmembres du CNDP, ont encerclé l’auditoratde Goma et sont parvenus à obtenir lalibération du lieutenant-colonel YusefMboneza, un ancien chef du CNDP devenucommandant au sein des FARDC. Il avait étéarrêté quelques heures plus tôt et devaitrépondre de plusieurs accusations découlantde son refus d’obtempérer à l’ordre deredéployer ses troupes dans des zones sousson commandement, où ont ensuite eu lieules viols collectifs de Walikale en août 2010.Lourdement armés, les soldats ont bouclé lequartier et coupé le courant, et sont restés enposition autour de l’auditorat pendantplusieurs heures.

Sophie, 45 ans et mère de sept enfants, vit dansle territoire de Masisi. Elle a été violée à deuxreprises : une première fois en 2005 par descombattants du groupe armé FDLR lors d’uneattaque sur Lwibo, puis en octobre 2009 lorsd’une attaque des FARDC qui a laissé sa villedésertée par ses habitants.

« J’aimerais porter plainte mais je ne sais paspar où commencer. J’ai vu des avocats venirdans des véhicules de l’ONU pour parler de cequi s’est passé. Je ne sais pas qui ils sont. Maisil n’y a pas de témoin de ce qui m’est arrivé et jene peux pas identifier ceux qui m’ont fait ça. Jesouhaiterais qu’il y ait des sanctions contre eux,cela encouragerait le reste de la population àdénoncer ce qu’il leur est arrivé »

SOPHIE

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La Constitution et le droit congolais protègentl’impartialité et l’indépendance destribunaux, mais ces garanties doiventmaintenant être appliquées concrètement.Le système judiciaire doit aussi disposer demoyens financiers, matériels et humainssuffisants. Le gouvernement de la RDC doitprendre des mesures pour faire respecterl’inamovibilité des magistrats, et doit veiller àce que le personnel judiciaire soit payérégulièrement et suffisamment pour limiterles risques de corruption.

Tout le personnel judiciaire doit être qualifiéet correctement formé ; il doit notammentêtre sensibilisé aux questions de genre etadhérer aux principes éthiques les plushauts. En attendant que la compétence pour

les crimes de droit international soittransférée aux tribunaux civils, des mesuresdoivent être prises pour empêcherl’ingérence des membres des forces arméesdans le travail de la justice.

LES GARANTIES D’ÉQUITÉ DESPROCÈS

En raison du manque de moyens et deformation dans le système judiciaire, laplupart des enquêtes sont menées à la hâteet les décisions, souvent mal rédigées, ne sefondent pas sur des motifs juridiques ou surdes preuves.

Les informations recueillies par AmnestyInternational semblent montrer que lesarrestations arbitraires, notamment de civilspar des militaires, sont monnaie courante.

Les tribunaux militaires et civils doiventproposer des garanties juridiques efficaceset réellement appliquées, qui incluent ledroit à un procès équitable, conformémentau droit et aux normes internationaux. Il estnécessaire de mettre en place desprogrammes d’assistance juridique efficacespour la défense, ainsi que de formation del’ensemble du personnel aux normesinternationales relatives à l’équité desprocès.

LES RÉPARATIONSEn droit international, les victimes de gravesviolations des droits humains et du droitinternational humanitaire ont droit à desvoies de recours, notamment à desréparations complètes et effectives pour lepréjudice subi et pour leur permettre dereconstruire leur vie. Le droit à des

réparations, qui peuvent prendre la formed’une restitution, d’une réadaptation, d’uneindemnisation, d’une réhabilitation et degaranties de non-répétition, doit être garantipar la loi.

En RDC, des obstacles juridiques, financierset logistiques empêchent souvent lesvictimes et leurs familles de demander desréparations devant un tribunal.

Il convient d’adopter de nouvelles lois oud’amender les lois existantes pour garantir àtoutes les victimes de crimes de droitinternational la possibilité de demanderréparation devant un tribunal conformémentaux normes internationales. Les victimes nedevraient pas avoir à payer et doiventbénéficier d’une assistance juridique.

Par ailleurs, le gouvernement doit faireappliquer toutes les décisions de justiceoctroyant des réparations et mettre en placedes procédures et des mécanismes efficacesà cet effet.

Un programme exhaustif de réparation doitêtre mis en place pour que toutes lesvictimes de crimes relevant du droitinternational et d’autres graves violations desdroits humains commis en RDC reçoiventpleinement et effectivement réparation.

Chantal, du territoire de Masisi, a été violée parun groupe de policiers qui gardaient le lopin deterre dont sa famille venait d’être expulsée.Après le viol, elle s’est rendue dans un centremédical situé à une heure de marche de sonvillage, d’où elle a été transférée à l’hôpital.Avec l’aide de son beau-frère, elle a portéplainte. Comme l’affaire concerne des policiers,elle relève de la compétence de la justicemilitaire et le dossier est aux mains del’auditeur. Celui-ci a convoqué les auteursprésumés des faits, mais le colonel de police encharge du village s’est opposé à leurcomparution. Chantal a déclaré qu’elle aimeraitbien que les coupables soient arrêtés maisqu’elle s’inquiétait pour ses enfants, qu’elleavait dû laisser seuls avec sa mère âgée tandisqu’elle continuait de se faire soigner à Goma ;elle a ajouté qu’elle craignait pour sa sécuritécar les policiers étaient toujours en poste dansson village.

CHANTAL

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DES PRISONS PEU SÛRES ETEN NOMBRE INSUFFISANTLes prisons en RDC sont totalementsurpeuplées. Quand Amnesty International s’estrendue à la prison centrale de Goma le 10 mars2011, celle-ci, conçue pour 150 détenus, enaccueillait 943, dont beaucoup de personnesen détention provisoire.

La surpopulation et le délabrement des lieuxde détention ne permettent pas de séparerles différentes catégories de prisonniers : lespersonnes en détention provisoire sontmélangées avec les prisonniers condamnés,y compris les condamnés à mort, et les civilsavec les militaires. Les femmes et lesmineurs sont parfois séparés des hommes,mais pas toujours, ce qui les expose à unrisque accru de violence.

Le gouvernement néglige fortement saresponsabilité d’assurer une qualitéminimale des conditions de détention. Lesprisons sont insalubres et l’on y déplorerégulièrement des décès dus à des affectionsqui se soignent, comme la diarrhée, lepaludisme et la malnutrition.

En outre, les détenus en RDC sont souventqualifiés de « prisonniers volontaires »

compte tenu de la facilité avec laquelle ilspeuvent s’évader.

En raison des évasions, rares sont lescondamnés qui purgent leur peine jusqu’aubout. Il semble que la plupart des personnescondamnées à des peines de prison par destribunaux militaires pour des crimes relevantdu droit international se soient depuis évadées,même si cela reste difficile à confirmer comptetenu de l’absence de statistiques.

UNE COUR SPÉCIALISÉEAmnesty International est consciente desdifficultés auxquelles se heurte le systèmejudiciaire congolais dans sa lutte contrel’impunité pour les crimes de droitinternational. De nouveaux mécanismesjudiciaires pourraient être nécessaires pourréformer la justice.

L’expression « justice transitionnelle » qualifieles procédures et mécanismes auxquelsrecourent les sociétés à la suite d’un conflitarmé pour remédier aux séquelles des crimesde droit international qui ont été commis etpour promouvoir la réforme et laréconciliation. Cette justice peut comprendredes poursuites individuelles, des programmes

de réparations, la recherche de la vérité, uneréforme institutionnelle, des contrôles et desrévocations. Le degré d’inclusion d’élémentsinternationaux dans celle-ci est variable. Lesmécanismes de justice transitionnelleviennent en complément des mesuresdestinées à renforcer les capacités dusystème judiciaire dans les pays en situationd’après-conflit.

Au nombre des diverses mesures de justicetransitionnelle devant être envisagées, leRapport du Projet Mapping des Nations uniesa recommandé la création d’un mécanismejudiciaire mixte, composé de personneljudiciaire national et étranger. En réponse àcette recommandation, le ministre de la Justicede la RDC a engagé des discussions sur lamise en place d’un mécanisme « hybride » oumixte, c’est-à-dire composé à la fois depersonnel judiciaire congolais et international,qui serait en mesure de juger les crimes dedroit international. Ce mécanisme prendrait laforme d’un tribunal spécialisé distinct, décritdans un avant-projet de loi présenté auParlement par le ministre de la Justice.

Amnesty International Août 2011 Index : AFR 62/007/2011

IL EST TEMPS QUE JUSTICE SOIT RENDUELA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO A BESOIN D'UNE NOUVELLE STRATÉGIE EN MATIÈRE DE JUSTICE : RÉSUMÉ

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Ci-dessus : Prison centrale de Goma(Munzenze), mars 2011. Le tableau noirindique le nombre de détenus : 943 dans uneprison construite pour 150.

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Amnesty International considère que toutnouveau mécanisme doit contribuer àaméliorer le système judiciaire national si l’onsouhaite qu’il ait des répercussions durablessur l’obligation de rendre des comptes et lesréparations. Le mandat d’un tel mécanismeet les stratégies qui l’entourent doivent tenircompte de cette réalité. De la mêmemanière, il est essentiel d’intégrer toutnouveau mécanisme de transition dans unestratégie globale en matière de justice.

Il est important que les juges et les autresmembres du personnel du mécanismespécialisé ne soient pas isolés du reste del’appareil judiciaire – l’investissement etl’expérience acquise dans cette juridictiondoivent avoir des retombées positives surl’ensemble du système judiciaire congolais.

La composante internationale d’unmécanisme « hybride » peut renforcer lacapacité du personnel local à enquêter et àengager des poursuites sur les crimes dedroit international. Des programmes derenforcement des capacités doivent être misen place, ainsi qu’un service de formationchargé de former le personnel local etd’assurer des transferts réguliers decompétences et de connaissances. Laformation doit aussi permettre au personnel

international de bénéficier de l’expérience dupersonnel judiciaire local.

Compte tenu de l’ampleur des violations desdroits humains et du droit internationalhumanitaire commises en RDC, la compétencedu mécanisme spécialisé, quel qu’il soit, doitêtre considérée comme complémentaire decelle des tribunaux nationaux et de la CPI.

Par ailleurs, il est indispensable d’élaborerune stratégie en matière de poursuites,fondée sur des critères transparents etobjectifs, afin d’établir des priorités dans legrand nombre d’affaires de crimes de droitinternational identifiées en RDC.

CONCLUSIONAmnesty International est convaincue que legouvernement de la RDC doit en prioritéadopter une stratégie exhaustive de réforme dela justice sur le long terme. Cette stratégie doitfaire en sorte que les responsables de crimesde droit international soient traduits en justicedans le cadre de procès équitables, et veiller àce que les victimes et leurs familles obtiennentpleinement réparation. Elle doit inclure tous leséventuels nouveaux mécanismes judiciaires,comme la cour spécialisée qui est proposée,

afin que ceux-ci aient des répercussionsdurables sur le système judiciaire national.

Cette stratégie doit être conçue à l’issue d’unvaste processus de consultation mené pardes acteurs locaux, parmi lesquels desmembres de l’appareil judiciaire national,des représentants de la société civile, desfemmes et des organisations de femmes, desassociations professionnelles, des dirigeantsassociatifs et des représentants des victimes.

Amnesty International appelle àl’organisation d’une conférenceinternationale, qui constituerait la premièreétape de l’élaboration d’une stratégie globaleet à long terme sous les auspices dugouvernement de la RDC et qui serait suivied’autres consultations plus ciblées.

La réussite de cette stratégie nécessited’importants moyens matériels, financiers ethumains, compte tenu de l’actuel manquede moyens du système judiciaire.

Index : AFR 62/007/2011 Amnesty International Août 2011

IL EST TEMPS QUE JUSTICE SOIT RENDUELA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO A BESOIN D'UNE NOUVELLE STRATÉGIE EN MATIÈRE DE JUSTICE : RÉSUMÉ

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Ci-dessus : Kivu (est de la RDC) : une desnombreuses ONG congolaises qui se battentpour la justice. L’élaboration d’une stratégieglobale et à long terme de réforme et dereconstruction du système judiciaire congolaisdoit être menée par des acteurs locaux.

©Amnesty

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Amnesty International est un mouvement mondial regroupant plus de 3 millions desympathisants, membres et militants, qui se mobilisent dans plus de 150 pays etterritoires pour mettre un terme aux violations des droits humains.

La vision d'Amnesty International est celle d'un monde où chacun peut se prévaloir detous les droits énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et dansd'autres textes internationaux.

Essentiellement financée par ses membres et les dons de particuliers, AmnestyInternational est indépendante de tout gouvernement, de toute tendance politique, detoute puissance économique et de tout groupement religieux.

Index : AFR 62/007/2011French

Août 2011

Amnesty InternationalSecrétariat internationalPeter Benenson House1 Easton StreetLondon WC1X 0DWRoyaume-Uni

amnesty.org

RECOMMANDATIONSAu gouvernement de la RDC�� Convoquer dans les plus brefs délais, avecl’aide de l’ONU, une conférenceinternationale chargée d’élaborer unestratégie exhaustive de réforme du systèmejudiciaire sur le long terme.�� Dans le cadre de cette nouvelle stratégie,mettre en place un programme exhaustifdestiné à offrir aux victimes de crimes dedroit international des réparations complèteset satisfaisantes, notamment sous la formed’une indemnisation, d’une restitution, d’uneréadaptation, d’une réhabilitation et degaranties de non-répétition.�� Accroître le budget de la justice, et veillerà ce qu’il soit versé régulièrement.�� Veiller à ce que l’avant-projet de loi et leplan opérationnel qui sont en coursd’élaboration à propos de la cour spécialiséecontiennent des mesures concrètesgarantissant à cette juridiction un impactdurable sur le système judiciaire national.�� Élaborer une stratégie relative auxpoursuites afin que tous les efforts de luttecontre l’impunité soient complémentaires etaussi exhaustifs que possible.

Au gouvernement et au Parlement de la RDC�� Veiller à ce que les anciennes et lesnouvelles lois soient harmonisées, en tenantcompte des normes internationales.�� Veiller à ce que le droit congolais accordeaux tribunaux civils la compétence exclusivesur tous les crimes relevant du droitinternational, qu’ils aient été commis par desmilitaires ou par des civils.�� Abolir la peine de mort sans aucuneexception.�� Mettre en place dans le droit congolais unprogramme national de protection desvictimes et des témoins ayant la capacité deprotéger et de soutenir les victimes danstoute la RDC.�� Adopter et promulguer une loi portantmise en œuvre du Statut de Rome de la Courpénale internationale.

Aux Nations unies�� Soutenir l’organisation d’une conférenceinternationale chargée d’élaborer unestratégie globale et à long terme sur lajustice.�� Apporter un soutien financier ettechnique pour permettre l’élaboration d’unestratégie exhaustive de réforme de la justicesur le long terme et d’une stratégie relativeaux poursuites.

�� Soutenir les efforts destinés à intégrer àl’avant-projet de loi sur la cour spécialisée età son plan opérationnel des mesuresconcrètes garantissant un impact durable decette juridiction sur le système judiciairenational.

À la communauté internationale�� Soutenir l’appel en faveur d’uneconférence internationale chargée d’élaborerune stratégie globale et à long terme sur lajustice.�� Encourager et aider le gouvernement àentreprendre une consultation nationaleparticipative sur l’élaboration d’une stratégieexhaustive de réforme de la justice sur le longterme.�� Veiller à ce que les donateurs aient uneapproche plus concertée et plus complète dela réforme du système judiciaire.�� Apporter le soutien financier nécessaire àla réforme du système judiciaire en RDC,notamment en ce qui concerne la protectiondes témoins et des victimes, la sensibilisationsur tout le territoire, l’indépendance dupouvoir judiciaire et les réparations.�� Fournir des ressources à long terme etpérennes aux organisations locales quiviennent en aide aux victimes et défendentles droits humains.

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Goma (Nord-Kivu), mars 2011. La population congolaise souffre de violenceset de violations depuis plusieurs dizainesd’années. Elle est en droit d’obtenir justice.

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